DICTIONNAIRE
HISTORIQUE ET CRITIQUE
DE PIERRE BAYLE.
TOME TROISIÈME.
BA-BOR.
sr.ti'§a9-
r
DICTIONNAIRE
HISTORIQUE ET CRITIQUE
DE PIERRE RAYLE.
RA.
JjABELOT *, aumônier du duc
de Montpensier pendant les
guerres civiles de France sous
Charles IX , se distingua telle-
ment par sa cruauté , qu'il s'est
acquis une place bien notable
dans l'histoire. On n'aura donc
pas sujet de trouver étrange
qu'il ait ici un article. C'était un
cordelier, qui avait quitté le cloî-
tre, afin de suivre « les armées,
» par la haine implacable contre
» les calvinistes dont il était pos-
» sédé (a). Elle était si peu con-
» forme à son caractère et à sa
» profession , que , bien loin de
» sauver la vie à ceux que le sort
« des armes réduisait à la discré-
» tion de Montpensier, il solli-
» citait obstinément qu'ils fus—
» sent punis du dernier suppli-
» ce , et ne pouvait souffrir que
» l'on pardonnât à aucun d'eux
» (A). Cette soif du sang calvi-
» niste , que les deux premières
» guerres n'avaient pu étancher,
* • Article sans preuve qui vaille » , dit
Leclerc.
(al On ne fait aue copier Varillas , His-
toire de Cliarle» IX. tom. II . pag. 1^7.
TOME III.
s'augmentait dans la troisiè-
me , lorsque les soldats du prin-
ce {b) , avertis que Babelot s'é-
tait renfermé imprudemment
dans Champigni (c), livrèrent
un assaut, si furieux , qu'ils
emportèrent la place (d). Le
plaisir de se voir maîtres de la
personne de celui qu'ils regar-
daient comme leur bourreau ,
les rendit plus humains à l'é-
gard de la bourgeoisie de Cham-
pigni. Ils lui pardonnèrent ,
et déchargèrent toute leur co-
lère sur Babelot. On le pendit
à un gibet extraordinairement
haut (e) (B) ; et si on lui donna
le temps de se préparer à la
mort, ce ne fut que pour avoir
le loisir de lui faire des repro-
ches de sa cruauté. La ven-
geance, que le duc de Mont-
pensier qui l'aimait prit de
son supplice sur les calvinistes,
(b) Il entend le prince de Coude , chef des
protestons.
(c) Ville de Poitou : elle appartenait au
duc dt- Montpensier.
{d) En IÔ68.
(e) C'est giand hasard si ses confrères ne
l'ont mis au nombre de leurs marlj rs.
EABELOT.
» quand le hasard ou la faiblesse
» les jetaient entre ses mains, mit
» pour quelques semaines la mau~
» vaise guerre (f) entre les deux
» partis. Les soldats de Brissac
» égorgèrent la garnison de Mi-
» rebeau , quoiqu'elle eût capi-
»> tulé dans les formes ; et d'An-
» delot traita de même celle de
» Saint-Florent.» Voilà un hom-
me bien destiné à faire mourir
les huguenots , puisque même
romanum se testificanti , quasi sola-
tio et honore aliquo pœnam leuaturus,
mutari , mulioque prœter cœleras al-
tiorem et dealbatam statui crucem
jussit (2). Je ne sais pas quel fut le
motif de ceux qui choisirent un gibet
plus exhaussé pour le moine Babelot :
peut-être voulurent - ils simplement
exciter plus d'attention sur la bizarre-
rie des caractères du personnage, sans
allusion ni rapport à la pratique de
l'antiquité. Voyez Justin (3) touchant
Maléus , général disgracié des Cartha-
ginois , qui filiutn cum ornalu suo in
allissimatn crucem in conspectu urbis
après sa mort il fut cause qu'on suffigi jussit ; et Silius Italicus (4) tou-
en égorgea beaucoup. Brantôme chant RëSulus :
le croyait capable d'une autre
sorte de crimes, c'est-à-dire
d'inspirer à son maître !a bruta-
lité de faire violer les femmes (C).
.(,/) C'est-à-dire, qu'il n'y eut plus de
quartier.
(A) II sollicita obstinément le der-
nier supplice des calvinistes , et ne
pouvait souffrir que ion pardonnât a
aucun d'eux.] Brantôme mérite d'être
oui : Quand on lui amenait , dit-il ,
(1), en parlant du duc deMontpensier,
quelques prisonniers , si c'était un
homme , il lui disait de plein abord
seulement : Vous êtes un huguenot ,
mon ami , je vous recommande à
monsieur Babelot. Ce monsieur Ba-
belot étoit un cordelier, savant hom-
me , qui le gouvernait fort paisible-
ment , et ne bougeoit jamais d'auprès
de lui , auquel an amenoit aussitôt le
prisonnier , et lui un peu interrogé ,
aussitôt condamne à mort et exécuté.
(B) Il fut pendu a un gibet extraor-
dinairementhaut.]Ce\a me fait souve-
nir de la conduite de Galba envers
un homme qui tâchait de se délivrer
du dernier supplice par son droit de
bourgeoisie romaine : il le ht atta-
cher à une croix bien blanchie, et
beaucoup plus haute que les autres.
C'était pour faire honneur à la qua-
lité du criminel, et pour lui fournir
une petite consolation ; mais tout cela
pouvait bien tenir de la moquerie :
Tutarem quod pupillum cui substitu-
tus hœres eral veneno necâssel cruce
ajfecit , implorantique leges et civem
(1) Brant., Mémoires, fom, III , pag. 281.
Vidi
Italiam cruce sublin
cum robore pendens
is speclaret ab alla.
1 lama 11 , dans le livre d'Esther, avait
préparé pour Mardochée un gibet de
cinquante coudées. On a voulu quel-
quefois par la taille démesurée du gi-
bet, que le patient fût exposé à la vue
de plus de monde. Voyez la remar-
que (C) de l'article (I'Othon 111. Je di-
rai, en passant, que ceux qui compa-
rent cette croix de Galba avec celle
dont Verres se servit contre Gavius
(5) n'ont aucune exactitude; car tout
ce qu'il y eut de remarquable dans
celle-ci fut qu'on la posa , non pas au
lieu où les habitans de Messine avaient
accoutumé de crucifier les gens , mais
du côté qui regardait l'Italie. C'est
ainsi que Verres voulut insulter au
patient qui se disait bourgeois ro-
main : (c 11 regardera , dit-il , du
haut de sa croix 1'Jtalie et sa mai-
son. » Quid attinuit cum Mamertini
more atque inslituto suo crucem Jixis-
>ent post urbem in via Pompeiâ , te
jubere in ed parle figere quœ ad fre-
lum spectaret, et hoc addere quod ne-
gare nullo modo potes , quod omnibus
audientibus dixisti patàm, te ideirco
illum locum deligere , ut Me qui se
civem romanum esse diceret , ex cruce
Italiam cernere ac damum suam pra-
spicere posset. C'est cette dernière cir-
constance que Cicéron a principale-
ment î-elevée (G) , quoique Lactance ,
(2) Sneton., îii Galba , cap. IX.
(3) Justin, Uv. XVIII, chap. VII.
(4) Lib. II , vs. 343.
(5) Torrentius le fait. Voyez son Comm. in
Suet. Galb., cap. IX.
(6) Cicero, in Verr. VII.
BAM'LAS.
qui n'avait que faire de cela pour le
but de son discours , ne lui fasse con-
sidérer que l'indignité de ce supplice
en général (7).
(C) Brantôme le croyait capable....
île faire t'iote.r les ft unifies J Le duc de
Montpensier avait la coutume de re-
commander ses prisonnières à son
guidon , i'im benè vasalo et benè mu-
toniato. Brantôme décrit cela fort li-
brement , et ajoute ce qui suit. « Voi-
là la punition de ces pauvres dames
huguenotes, inventée par monsieur
de montpensier, qui me fait penser
avoir été prise et tirée possible de
Nicepliore(8jpar monsieur Babelot,
où il dit que l'empereur Théodose
ôta et abolit une coutume qui é.oit
de long-temps dans Rome , à savoir,
que si quelque femme avoit ete sur-
prise en adultère , les Romains la
punissoient, non par la cOCTcidndu
crime qu'elle avoit commis, mais
par plus grand embrasement de
paillardise"; car ils enfermoient en
une étroite logette celle qui avoit
commis l'adultère . et puis après
permettoient impudemment qu'elle
assouvist sa lubricité et paillardise
son saoul , et d'un chacun qui vou-
droit venir, et qui étoit plus vilain
et sale. C'est que les compagnons
galans et paillards qui aboient, se
garnissaient et accommodoient de
certaines sonnettes au temps qu'ils
avoient compagnie avec la dame ,
à ce qu'au mouvement elles, faisant
un son et tintinnement , donnas-
sent non-seulement avertissement
aux passans et écoutans de leur fait
et besogne qu'ils y et oient , mais
aussi alin que par ce moyen et à ce
son de sonnette fus! enseignée cette
peine conjointe avec injure et op-
probre. Quel opprobre! dont elles
s'en soucioient beaucoup. Vrai-
ment voilà une terrible coutume
que ce sage empereur abolit, ainsi
que ledit l'historien Nicéphore ,
dans lequel possible M. Babelot
r,i\oit feuillettee et tirée, pour la
faire pratiquer à ce brave guidon
(9)-»
(7) Lact. , Instit. divin., lib. IV, cap.
XVIII.
(S) Il n'a mieux valu citer Sacrale , liv. '",
eh a p. XVIII.
(y) Bramûme, Mémoires, loin. III, pag.
2%2, a83.
BAHYLAS * l'un des plus cé-
lèbres martyrs de l'ancienne
église, fut fait évêque d'Autio-
clie, dans le IIIe. siècle, sous
l'empire de Gordien (a). 11 gou-
verna sou église comme un bon
et saint prélat doit faire, et, après
s'être acquitté dignement de sa
fonction environ treize ans.il
mérita la couronne du martyre,
vers l'année q.5 i , pendant la
persécution de Décius. Quelques-
uns disent qu'il fat effectivement
mis à mort pour la foi chrétienne
(b) : d'autres disent qu'il mou-
rut dans la prisou (c). On con-
vient qu'il souhaita d'être enter-
ré avec ses chaînes (d). On pré-
tend que ses reliques imposèrent
silence à un oracle d'Apollon.
Saint Chrysostome a déployé pins
d'une fois toutes les forces de son
éloquence , pour célébrer la mé-
moire de saintBabylas:c'estdoiii-
mage qu'il n'ait pas été assez in-
struit des faits qu'il avance. 11
suppose que ce martyr fut mis
à mort pour avoir exclus de
l'entrée de l'église un empereur
criminel (A), et il parle du cri-
me de cet empereur en homme
qui n'avait guère consulté l'his-
toire (B). Il n'a point même su
ce que l'on disait de la déférence
de ce prince pour la discipline
sévère de saint Babylas (C;. On
* Joly se contente de renvoyer aux Mé-
moires de Trévoux, juin 17.57 . qui c ntien-
neut une Dissertation sur ce i/ne rapporta
saint Chrysostome du martyre de saint Baby-
las . contre tu censure injurieuse 1/ m- fait
M. Dajrle de la narration Un saint docteur.
a Ruseb. , Hist. ecclesia t. , lit/. VI ,
cap. XXIX.
(b Chrysostom. . tant. I , //«?•. 641 . 669.
c Mhrtyrolog. Romanum., ad diem 2 j
januar. K.useh. , Hist. ecclesiast. , lib. VI ,
cap XXXIX.
d Ciirvsostom., tom. I . pug. 6:!o, et
Martyiol. Romanum , ad dieni 7.\ \anuari
4 BABYLAS.
peut trouver le fondement gêné- Cela ne s'accorde, ni avec la chrono-
ral de quelques-unes de ses mé- lo&eA > m ,a™,c, ^istoire , ni avec la
^ i , prudence de 1 eveque d Antioche. Les
prises (D). JNous parlons de tout meii]eiirs chronologues mettent la
cela dans les remarques , comme mort de De'cius à Fan 2.5 1 (2). Aucun
aussi de la demande qu'on pré- bon historien ne dit que De'cius ait
tend que fit Apollon à l'e.npe- été dans l'Orient pour faire la guerre
J- ,. l l aux Perses. Il est vrai que les Actes de
reur Julien, par rapport aux saint Laurent (3) assurent que cet ern-
reliques de saint Babylas (E). pereur alla faire la guerre aux Perses,
On attribue à ce martyr trois et qu'il leur enleva le pays de Baby-
^.^c t™m«l,<« c,lr 1„« m™- lone> l'Assyrie toute la Perse, l'Hir-
came , et même la Bactriane , et qn il
grands triomphes sur les empe
reurs païens, deux pendant sa
vie , un après sa mort (e). Le
premier est l'avantage qu'il rem-
porta sur Philippe, en l'obligeant
de se tenir hors de l'église dans
mourut à Rome possédé du démon .
peu après le martyre de saint Laurent
(4) ; mais ces Actes sont sans autorité
et pleins de fautes (5). Le père Noris
n'a point hésité à dire que toute cette
guerre de Perse est une pure fable (6).
qu'il remporta sur le per- !*s > nous pouvons dire qu'elle n'au-
eur Décius, lorsqu'il aima ralt Pomt souffert qu'il eût résisté à
, ' , " «, . un empereur païen. Il n était pas dans
l'état de pénitent : le second est A l'égard de la prudence de saint Baby
celui
secuteill 7 -- UQ empereur païen. Il n'était pas
mieux se préparer a tout souttrir r0rdre je ia conduite de l'église que
pour la
qui fût
le troisième est celui
foi, que de rien faire saint Baby las entreprît de l 'empêcher
indigne d'un bou prélat: dJ entrer, sHlyfût venu étant païen
sième est celui que ses Voury comme are quelque violence ;
* ., cari église n avait de puissance et ne
cendres remportèrent sur 1 ora- l'exerçait que sur ceux qui étaient du
cle d'Apollon auprès d'Antioche nombre de ses en/ans , et elle souffrait
( f). M. Chevreau a parlé peu paisiblement l'insulte des persécu-
* „ + J„ „,o^+,r.^ A* coini leurs. C'est ainsi que parle l'auteur
exactement du martyie de s t d ]a y[e de Tertlàiien et d'Origène
Babylas (F). C'est ce que nous
examinerons plus au long ci-
dessous.
(e) la Vie de Terlullien et d'Origène,
pag. 757.
(f) Voyez la remarque (E).
(A) Saint Chrysostome. . . . suppose
que ce martyr fui mis à mort, pour
avoir exclus de l'entrée de l'église un
empereur criminel.] On ne peut douter
que Babylas ne soit mort sous l'em-
pire de Décius. Ce serait donc Décius
qui aurait été exclus de l'entrée de
l'église , si la narration de saint Chry-
sostome était véritable ; mais il ne
paraît pas que Décius ait jamais été à
Antioche pendant son empire. Baro-
nius avance sans preuve que Décius
alla en Svi'ie l'an 253 , pour faire la
guerre aux Perses , et que ce fut en
cette rencontre que Babylas ne souf-
frit point que son église fut profanée PaS" 642
par la présence d'un tel empereur ti). W n "T ', ""% n ' ï"8' m,n
11 ( ) Gbrysost. , iom. /, Oratione XLYII1, pag
(1) Baron., Annal., ad ann. 253, num- 128. 547, «; 549, e! 55o, e.
(7). M. de Tillemont confirme cette
remarque. L'église , dans ces occa-
sions, ne se défendait , dit-il (8j , que
par ses prières , et par la patience
humble et paisible avec laquelle elle
souffrait les insultes des persécuteurs .
Que si Con trouve dans une oraison
attribuée à saint Chrysostome (?) , que
saint Romain d' Antioche a empêché
un gouverneur païen d'entrer dans l'é-
glise , c'est une conduite fort extraor-
dinaire, et ce fait n'est nullement as-
sure. Il remarque aussi que tous les
ternies de sain! Chrysostome indiquent
que le prince auquel saint Babylas ré-
(2) Calvisius, Petau , Pagi, etc.
(3) Voyez Tillemont, loin. III , pag. 600.
(4) Ce sainl ne tnourul qu'en 258. Tillemont,
(5) Là même.
(6) Noris, Epocua) syro-maced. , pag. 2g3;
Ué par Tillemont , là même.
(7) Imprimée à Paris, en \(\'t5. Vvyez-en lu
BABYLAS. 5
SÏsta était chrétien. Il n'est donc pas d'entrer dans l'assemblée des fidèles
vrai que ce saint homme ait résiste à (i0). Il n'est pas nécessaire d'observer
Décius , et cependant il est mort sous que saint Chrysostome ajoute à la nar-
Décius : il faut donc dire que saint ration de ces faits les figures les plus
Chrysostome s'est trompé , quand il a vives et les plus pathétiques de sa
dit que saint Babylas souffrit la mort rhétorique (u) : on se l'imagine de
pour avoir défendu l'entrée de son reste , quand on sait ( et, qui ne le
église à un empereur. sait? ) qu'il était grand prédicateur ,
(B).... et il jmrle du crime de cet et qu'il parlait à un peuple rempli do
empereur en homme qui n'avait guère respect et de zèle pour le nom de saint
consulté l'histoire.'] Il conte qu'un Babylas (12). Mais ne pourrait-on pas
certain peuple , qui faisait la guerre le plaindre d'avoir employé tant d or-
à cet empereur, souhaita de la termi- nemens , et tant d'efforts d'imagina-
ner, et d'affermir la paix par tous les tion et de poitrine , sur des faussetés ?
liens les plus forts et les plus inviola- car qu'y a-t-il de plus chimérique,
blés qui fussent parmi les hommes; (pie ce peuple, ennemi des Romains ,
que l'accord fut^aù et confirmé par qui persuada à son roi de mettre son
serment de part et d'autre ; que ce (ils en otage entre les mains de leur
peuple, voulant faire connaître à ses empereur? Si quelque peuple avait
ennemis qu'il agissait sincèrement, fait cela , ce seraient sans doute les
persuada à son roi de donner son pro- Perses. Or il est bien sûr qu'ils ne fi-
pre fils en otage au prince avec lequel rentrien de semblable pendant la pré
il avait conclu la paix ; que la suite lature de saint Babylas. Je doute fort
témoigna que l'on avait mis dans la qu'aucun empereur de Home ait ja-
gucule du lion celui que l'on croyait mais tué de sa propre main un jeune
avoir mis comme en dépôt en la garde prince qui lui eut été donné comm-
d'un ami, puisque ce prince n'ayant en dépôt et en otage après une paix
égard ni à la jeunesse du fils de son conclue; mais il est très-faux qu'une
allié , ni à la sainteté inviolable du perfidie si barbare ait été commise
serment qu'il avait fait , nia cet œil par les empereurs sous lesquels saint
toujours ouvert de la justice divine Babylas a joui de l'évêchéd'Antioche.
pour la punition des crimes.... égorgea Je ne doute nullement que sain1
de sa propre main celui qu'il devait Chrvsostome n'ait erré de bonne foi ;
chérir comme le dépôt sacré et le car non-seulement il débita en chaire
nœud biviolable de l'alliance (9). Voi- ces faussetés, mais aussi dans un écrit
là, selon saint Chrysostome, quel fut qu'il composa contre les geutils(i3).
le crime du prince que saint Babylas S'il avait pu se promettre que ses an-
traita de la manière que l'on va voir, ditenrs lui feraient quartier sur une
Ce grand prélat imita parfaitement en tradition fausse et pieuse, il n'aurait
cette rencontre le zèlecVElie et de saint pas espéré la même gr;lce des ennemis
Jean; car il ne considéra point qu'il a- du nom chrétieu. Il croyait donc ne
vait alors à résister non-seulement a un rien dire qui fut faux.
prince, a un roi ordinaire, mais h ce- (Ci Saint Chrysostome na point su
lui qui était maître d'une grande par- ce que l'on disait de la déférence de.
tie de la terre, qui avait une armée ce prince pour la discipline sévère de.
très-puissante , et que toutes choses saint Babylas. ] Saint Chrysostome
semblaient devoir contribuer à lui ren- a suppose que saint Babylas ont à
dre redoutable. Il ne jut point ébloui
par tout cet éclat extérieur et ce . . z, . -_,„ v- __„ «o/:
■ M ,,. . , (l0J ' oyez la même Vie» pag. viv.
même éclat ne servant qu a lin repre- ^ Éràsme conseillait de lue cette Hom.'lie
senter en ce moment la majesté du roi dans les collèges de Louvain, comme un modèle
suprême dont il était le ministre, . . . 9ue '''r «k>'«'«™ devaient préférer à Vjâ*s, a
,r , ii- LibaniDS, etc. V«\e: la Lettre qu il écrivit au
il s avança hardiment vers ce prince pnm.ipal ,,•„„ collège de Louvain; c'est la
.'•riminel au milieu de tous ses gardes, XXI?'*. du XXf'Ifl*. livre , pag . 1705.''
l'arrêta avec ta main qu'il lui mil con- (n) Au peuple £Anûoche. Saint Bafylas
ire l'estomac , lui représenta son cri- a"aU Aé eW'lue de ceUeJUlf: ,
. / • i»i J-. j 1 . j r»- (iî) Saint C.lirïsost. , Ilomil ,1c sancto Babyl.,
me, et lui dépendit de la part de Dieu pn\,. {;,, ,„,. t] Uemconlr* Gentil, et de sancto
(<j) Voyei la Vie de TertnJlien et d'Orisène , Babyl. . pag. f,'i7 • *'55. etc- ■ eUé àaiu la Vie
Pag. Ksi- Je Tertullien et d'Origine, pcg. dit.
6 BABYLAS.
faire à un monarque qui punit du rence , quant au succès , entre la fer-
dernier supplice la sainte hardiesse meté de saint Babylas, ef celle de saint
qu'on avait eue de lui refuser l'entrée Ambroise. Babjlœ , dit - il (iG) , pa-
rùm féliciter cessit quod imperatorem
impiâ cœde funeslalum tunpln prohi-
bait ; imôjeliciler cessit ipsi qui prce-
sidis autoritatem sud morte conjirma-
vit. Al Ambrosio cessit feliciùs , qui
suntmd constantid suant luens autori-
tatem , ipsum eliani Cœsarem Christo
lucrij'ecit- Autre passage : Ambrosius
episcopus mediolanensis ausus est
Theodosium Cœsarem , ol> trudelem
ac prœcipitalom in Thessalouicenses
sentenliam , à terupli limine secludere,
postque sœvas objurgationes , post in-
dictam satisjaclionem , in pœniten-
tium classent relegare Tentavit
idem Babylas Antiochenus episcopus
adver.sùs regem innocentis homicidio
du temple. La fausseté de ce fait a
été déjà montrée par la raison que
-rtin! Fiabylas mourut sous l'empire
de Décius, et que Dccius n'avait point
trouve de résistance à la porte de l'é-
glise d'Antioche. Voici un nouveau
moyen de montrer cette même faus-
seté. Le prédécesseur de Décius s'ap-
pelait Philippe : c'est à lui qu'on
croit que saint Babylas refusa l'entrée
de son église , ne le considérant pas
comme empereur, mais comme chré-
tien, qui devait subir les lois de la
pénitence et les canons de la discipli-
ne. Or on prétend que cet empereur
g y soumit, et qu'il eu usa à peu près
envers le prélat d'Antioche , comme
Théodose en usa depuis envers saint pollutunt , et interfectus est (17).
Ambroise à Milan. Eusèbe raconte que (D). . . . On peut trouver le fonde-
l'empereur Philippe voulut assister ment général de qutiques-imcs de ses
aux prières publiques la veille de Pâ-
ques , mais que l'évêque ne lui per-
méprises.-] Nous venons de voir qu'on
a dit que saint Babylas se fonda sur
mit d'entrer dans l'église qu'après la déloyauté sanguinaire de Philippe
l'avoir obligé à confesser ses péchés , L'empereur Gordien , sous qui il était
et à se mettre au nombre des péni- préfet du prétoire , lui avait confié
tens; ce que l'empereur exécuta avec son fils : après que Gordien fut mort,
des témoignages sincères de piété et Philippe, voulant régner en sa place,
de crainte de Dieu 04)- Eusèbe ne tua le jeune prince qu'on lui avait
raconte cela que sur un simple ouï- confié. Saint Babylas, le sachantsouillé
dire , et ne nomme, ni le lieu de ce d'un meurtre si exécrable, ne voulut
grand événement , ni le prélat qui fit point l'admettre à l'église. Décius
un si bel exploit. 11 est bien étrange vengea l'affront fait à Philippe, car
que de telles choses aient été confuse- il fit mourir saint Babylas à cause de
ment connues. Aussi voit-on de très- cet affront. Voilà ce qu'on trouve
dans la Chronique d'Alexandrie; et
c'était Léonce, évêqne d'Antioche l'an
348, qui avait débité cela. 11 ne sa-
ne faut point séparer la fermeté de vait pas bien la conduite de Philippe,
Babylas, et la soumission de Philippe, mais il s'éloignait un peu moins de la
savans hommes qui soutiennent que
l'empereur Philippe n'était point
chrétien. Mais, quoi qu'il en soit , il
vérité que saint Chrysostome. L'em-
pereur Gordien, sous qui Philippe
était préfet du prétoire , n'avait point
d'enfans à confier à personne ; car il
n'en avait pas du tout. Ce ne fut donc
point pour succéder à cet empereur
déjà mort , que Philippe tua le fils
du défunt ; et ainsi Léonce rapporte
très-mal la chose. Philippe, se préva-
à cause que Philippe avait tué le fils lant de la jeunesse de l'empereur Gor-
de l'empereur Gordien (i5j. Notez dien , cabala de telle sorte, qu'il se
qu'Erasme, trompé par saint Chry- fit déclarer son collègue et son tuteur,
sostome , a trouvé une grande difié- Les factions recommencèrent : celle
fi4) Euseb. , Hist. eccles. , lib. VI, cap. (16) Erasmi Epist. III , lib. XXVIII , pag.
XXXII. i5SC.
(i5) Chron. Alexandr. , pag. 63o, cite par (17) Idem , Epist. LXIX, lib. XXIX, pag.
TillemoM , tom. III, pag. 822. iSo3.
comme saint Chrysostome les sépare:
il faut, ou les recevoir, ou les rejeter
toutes deux. Il y a des historiens qui
en parlent d'une manière moins vague
qu'Eusébe. La Chronique d'Alexan-
drie marque que l'impératrice ne fut
pas moins condamnée à la pénitence
que l'empereur son mari : elle ajoute
que 'aint Babylas usa de cette rigueur
BABYLAS.
de Gordien succomba ; Philippe !e
fit déposer et puis tuer (18). Voilà
la vérité du fait. Les altérations de
ce t'ait sont allées en augmentant.
Léonce a dit que Philippe avait tué le
(ils de son empereur , le même (ils
que cet empereur lui avait donne en
garde. C'est déjà un égarement : c'est
se poster fort à côté de la vérité. Saint.
Chrysostome assure que Philippe a-
vait tué le tils d'un prince avec lequel
il avait conclu un traité de paix , le
même (ils que ce prince lui avait lais-
sé en dépôt comme un gage de son
amitié , et de son désir sincère de
vivre en bonne intelligence avec lui :
c'est un second égarement ; c'est se
loger fort à côté du faux poste de
Léonce. Ce dernier auteur avance que
Décius fit mourir saint Babylas pour le
punir de son insolence envers Philippe.
Ceux qui ont su l'aversion de Décius
pour Philippe, aversion qu'on croit a-
voir été cause que Décius persécuta les
chrétiens, ont trouvé absurde ce que
Léonce disait. Ils l'ont donc corrigé ,
en supposant que Philippe lit mourir
lui-même saint Babylas (19) : ils ont
corrigé une faute par une autre , et
out malheureusement trompé saint
Chrysostomc. Ils lui ont fait perdre
des réflexions qu'il aurait parées des
ornemens de sou éloquence , pour re-
pousser les insultes des païens , et
pour donner du relief au ministère
évangélique. L'humiliation d un em-
pereur à la parole d'un evèque eût
fourni de belles pensées à saint Chry-
so^lome : c'est dommage qu'il ne l'ait
point sue. Voyez un peu de quelle ma-
nière il se prévaut de la résistance de
saint Babylas : <c Au lieu, dit-il (20),
» que les prêtres des fausses divinités
)> sont plus esclaves des empereurs
i' que de leurs dieux , et ne se ren-
» dent assidus à leur culte , que par
>> la crainte qu'ils ont de ces princes,
: qui les démons sont ainsi redeva-
» blés de leur culte et de l'honneur
~» qui leur est rendu par les hommes ,
» ce grand évèque d'Antioche mon-
» Ira en punissant l'empereur même
» d'un châtiment très-seusihle à un
» esprit raisonnable , et autant qu'il
( 18) Votez Capitolin, (ianWrt Vie de Gordien.
(19) /'oift Tillemont , lom. III , pag. 823.
(10) Contra Gentil, de sanrtct Babyl., Oper. ,
lom. I , pag. 6G4, 665, cité dans la Vie d<" Tel -
lullicn et [TOrigène , pag. 63o
'> lui était permis de le faire selon la
» mesure de la puissance de l'Eglise ,
» que les prêtres de la religion de Jé-
» sus-Christ ne sont esclaves de qui
» que ce soit sur la terre , et qu'ils
» doivent être si jaloux de cette sain-
» te élévation que Dieu leur a donnée
» en partage , comme le vrai carac-
» (ère de leur dignité . qu'ils soient
» plutôt disposés à prodiguer sainte-
» ment leur vie, qu'à perdre ce pri-
» vilége. Ce même exemple, ajoute-
» t-il , en confondant l'orgueil des
» païens, augmenta la piété des fidè-
» les, qui apprirent de la conduite de
» leur pasteur à craindre plus Dieu
» que tous les hommes j et il ferma
» entièrement la bouche à ceux qui
» osaient soutenir avec une extrême
» impudence, qu'il n'y avait point
» de vrai courage parmi les chré-
» tiens , mais que tout y était faux et
» emprunté , n'étant couvert que
» d'une belle apparence.
(E) On prétend qu'Apollon fit une
demande à l'empereur Julien, par rap-
port aux reliques de saint Babylas. j"
Il y avait auprès d'Antioche un tem-
ple et un oracle d'Apollon dans un lieu
qui s'appelait Daphné. La supersti-
tion et la débauche concouraient com-
me à l'envi , à distinguer ce lieu-là :
c'était le rendez-vous des amans et
de leurs maîtresses: d'autres y allaient
pour faire leurs dévotions; et appa-
remment plusieurs y allaient pour ces
deux fins tout à la fois. Gallus , frère
de Julien l'Apostat, n'eut pas été plus
tôt déclaré César, que, pour faire
cesser ce double désordre, il fit bâtir
dans ce lieu-là une église , où il donna
ordre que l'on transportât le sepulcr
de Babylas. On dit que, dès (pie cela
fut fait, Apollon ne rendit plus de
réponses. Le tombeau de ce martyr en
fut cause, et non pas l'interruption
des sacrifices ; car, les sacrifices ayant
recommencé sous l'empire de Julien ,
l'oracle continua de se taire ; et lors-
que Julien le consulta en personne ,
il apprit que les cadavres dont ce lieu-
là était | lein, fermaient la bou :he a
l'oracle. L'empereur .* appliqua cela
qu'au sépulcre de Babylas : e est pour-
quoi il en ordonna la translation I
chrétiens d'Antioche transportèrent
ce tombeau dans la ville. Ce fut une
procession de personnes de tout sexe
et Je tonl ïge , qui chantèrent par
8
BABYLAS.
tout le chemin (21) un cantique de
triomphe 5 car leur refrain concernait
la confusion de ceux qui adorent les
idoles , et était pris du psaume XCVII.
thÔtouç oLx.pi£'Juvrtç, x.a.1 çi/VBWf^si to
ttaîIÔoî ïv a-u/jt^ce^ia. km tsh/thv tmv pmriv
iirnS'iV *?'/Jjvbv\o-a.v TsLvrtç 0! 7rpos-x.vvoùv
renl ea lempora , ut vi expellere eos
indè passent antistites ; Mi sub prœ-
textu à morluis purgandi locum dis
sacratum , cum Babylâ aliisque ,
christianos indè remouere nilebanlur.
IViltil enim magis aut citiùs detegere
valebat antistitum ejusmodi impostu-
ras, quant conlimius concursus publicœ
nç to7ç yMTTToîç 0» 'iyx.j.uxâ>fAivoi to(ç que panegyres , ob ludos autfesla publi-
tiaïûhott (22). Prœcinebant autem cœ- ca ibi celebranda : si quurumcumque
leris ii qui psalmos appiiniè callebant ; sectarum philosophis eorumi'c sequa-
mullitudo deindè resp'indebat cum cibus ad Ma pateret accessus (23)
concentu et hune versiculum succine
bal : Confus i sunt omîtes qui adorant
sculptilia , qui gloriantur in simula-
chris. Par l'argument du plus au
moins , on pourrait conclure de cette
histoire, que la naissance de Jésus-
Christ imposa silence aux oracles du
paganisme , si d'ailleurs on ne voyait,
que, de l'aveu de Sozomène, cet oracle
d'Apollon avait rendu des réponses
jusqu'à l'empire de Constantius , sous
lequel Gallus eut la dignité de César.
L'objection paraît plus forte contre
ceux qui ne reconnaissent aucune
opération diabolique dans les oracles
des pa'i us. Mais voici ce que répond
M. van Dale. Il suppose que les prê-
tres d'Apollon , ne voulant point être
éclairés de si près par les chrétiens,
qui venaient en foule au tombeau de
(F) M. Chevreau a parlé peu exac-
ment du martyre de saint Babylas. ]
Voici ce qu'il en dit : « Babylas , évê-
» que d'Antioche, souffrit le martyre
» avec ses trois enfans , pour n'avoir
» pas voulu permettre à JVumérien de
» voir les cérémonies des chrétiens ,
» ajoutant , qu'un homme souillé de
» sang et du sacrifice des idoles , ne
» pouvait pas entrer dans l'église ,
» ou, comme le dit Suidas, qu'il ne
» souffrirait point que le loup en-
» trdt dans la bergerie du Sei-
» gneur (24J). » '°- Babylas n'avait
point d'enfans : il fallait dire qu'il y
eut trois frères encore enfans , ou fort
jeunes , qui souffrirent le martyre
avec lui (25). 2°. Il y a plus de trente
ans entre la mort de Babylas et
l'empire de Numérien. 3°. Les anciens
Babylas, inventèrent une réponse qui auteUrs ne prêtent pas au martyr les
put obliger l'empereur à faire ôter de phrases de M. Chevreau. Avouons que
ce lieu le tombeau de ce martyr. Ces c'eit ,me entreprise bien difficile que
prêtres ne craignaient rien lant que ceue <]e l'Histoire universelle. M. Che-
les yeux des incrédules, et ils n'espé- vreau était habile homme , il connais -
raient pas de pouvoir cacher leurs fi- sait ies défauts de ceux qui l'ont pré-
nesses à des gens aussi curieux de les re(ié dsns ce dessein , il a mis un
découvrir , qu'étaient les chrétiens, temps fort long à son ouvrage ; et ce -
pendant comme il est plein dévie
(26), et que nonobstant son âge, il
jouit de la santé du corps et de celle de
l'esprit, je ne doute pas qu'il ne publie
une nouvelle édition, qui sera encore
plus belle que les précédentes (27).
J'avais espéré que M. Chevreau ne
prendrait pas en mauvaise part les
Peut-être aussi que l'aveugle supersti-
tion de ces prêtres leur persuadait
qu'ils feraient un bon acte de religion ,
s'ils faisaient oter du voisinage de leur
temple le tombeau d'un martyr chré-
tien , vénéré par les ennemis de leurs
dieux. Chrisliani quibus repleta erat
Anliochia , aliique ejusdem religionis
altitude advenientes , visilabant quoti-
diè sepulchra martyrum , atque in pri-
inis qu'idem Babylas. Sub quo prœlex-
tu duiu loca Ma ita Jrcquentarenl ,
1 tint subreperent etiam huic oraculo ,
oculisque emissitiis omnia perluslra-
rent , ut sic delegerent imposturas ac
prœsligias ibi ext.rcitas , neque id j'er-
(21) Il e'tail d'environ [\o stades , c'est-à-dire,
5ooo pas.
{1.7) Sozomeni Hist. eccles-, lib. V, cap. XX.
(23) Van Date, de Oracul., pag. 442- Voyez
les Nouvelles de. la République des Lettres ,
mois de mars 1684 , pag- i5 , 16.
(?4) Chevreau , Histoire du Monde , tiv. IV,
chap. IV ' , pag. 400 du IIe. tome , e'ditwn de
Hollande en 1687.
(25) Vie de Tertullien et d'Origène, pag. 758.
(26) On écrit ceci l'an ifr^-
(27 1 // a publie' en effet une édition à la Haye,
l'an 1698, avec plusieurs additions et correc-
tions ; mais il n'a rien change' au passage qui
concerne Babylas.
BABYLAS. 9
petites notes critiques que Ton vient sont-ce des auteurs qu'on puisse appe-
de voir , et comme j'avais pour lui 1er anciens, par rapport au temps du
toute l'estime qui était due à son martyr dont il s'agit ? n'ont ils pas
grand mérite, je les aurais supprimées, vécu vers la lin du VIIIe. siècle?
si j'avais prévu qu'elles le chagrine- Enfin il cite plusieurs écrivains, la
raient ; mais je le croyais au - dessus plupart modernes, qui ont dit que
de toute atteinte de fâcherie pour si Babylas fut tué par Numérien ; et il
peu de chose. Je m'étais imaginé qu'il rapporte (32,1 ces paroles de M. de
s'appliquerait à ce que j'avais dit Tillemont : Il faut avouer que l'his-
dans ma première préface , et il était toire de saint Babylas est embarrassée
assurément du nombre de ces auteurs, de plusieurs difficultés insurmontables
qui ne doivent point redouter les pe- à notre faiblesse. Je conviens que tout
tites pertes (28). Ainsi j'ai été surpris cela peut servir d'excuse à ceux qui
de sa sensibilité imprévue , et fort fâ- parlent peu exactement du martyre d^
ché de ce qu'il s'était fâché. Il y a des saint Babylas ; mais il sera toujours
personnes illustres qui pourront rendre permis de remarquer qu'ils n'ont
témoignage qu'en lui souhaitant une point choisi ce qu'il y avait à dire de
vie encore plus longue qu'elle n'a été moins inexact sur cette matière.
(39) , je me fondais , non-seulement Je suis fort persuadé que M. Che-
sur ce qu'il était un ornement de son vreau a trouvé des fautes dans mon
siècle , mais aussi sur le désir qu'il pût ouvrage. On y en peut trouver beau-
lire dans cette seconde édition les sen- coup, sans avoir le quart des lumie-
timens de mes respects, et l'éclaircis- res d'un si habile homme. S'il eut
sèment d'une chose qui avait été ex- donné des exemples de ce qu'il a dit
primée d'une façon ambiguë. Je m'i- en général touchant ces fautes essen-
magine que cette équivoque a été la tielles contre notre langue, et touchant
grandesource de son mécontentement, ces expressions basses et burlesques ,
Il a cru que la ligne ponctuée, et ce- obscures et entortillées (33), je me croi-
pendant , cachait beaucoup de ve- rais obligé, ou de disputer là-dessus,
nin : c'est un vide que son imagina- ou de passer condamnation , et je
tion a rempli d'idées désobligeantes , prendrais sans nulle peine ce dernier
et je souhaitais qu'il sût , que selon parti , pour peu que je visse que la
ma véritable pensée, il ne faut trou- raison le demandât ; mais, puisquil
ver dans cette lacune , que la repré- n'a rien marqué, on trouvera bon que
sentation générale de l'impossibilité je prenne pour des reproches vagues
d'éviter les fautes , quelque habile que cet endroit-là de son livre (34). H m'a
soit un auteur qui entreprend un ou- reproché en particulier une espèce de
vrage à grands détails. contradiction concernant un homme,
Mais venons au fond. M. Chevreau qui a été long-temps , dit-il (35) , mon
reconnaît lui - même la solidité de idole. Je suis sûr qu'il aurait omis ce-
rna première remarque , puisqu'il la , s'il avait vu comment je me suis
avoue (3o), qu'il eût été mieux de justifié sur ce chapitre dans mes Ré-
mettre trois frères encore enfans, pour 'flexions sur un imprimé qui a pour
''der toute équivoque, et qu'il défait titre Jugement du Public, etc. Et
s'expliquer plus clairement qve beau- pour ce qui est des mots , qu'il assure
coup d'auteurs , qui l'ont écrit de mé- que les oreilles délicates ne peuvent
me avant lui. Pour ce qui regarde les souffrir (36) , on verra dans un éclair-
phrases que j'ai dit que les anciens cissement , à la lin de cet ouvrage , ce
auteurs n'ont point prêtées à saint que j'ai à lui répondre. Je voudrais
Babylas, M. Chevreau cite Georges-lc- bien mériter tout ce qu'il observe
Sjncetle , et Paul Diacre (3 1) ; mais dans la rétorsion de la période qui fi-
nit par cependant (37) ; et je m'es-
(28) Voyez le Projet de ce Dictionnaire, vers
lajin du VIe. paragraphe.
(29) Il est mort le i5 de février 1701, âge' de
quatre-vingt-sept ans et quelques moi*. Voyez
le Journal de Trévoux, mars et avril 1701 , pag.
3$i , édition de Hollande.
(30) Clievrxana , IIe. part. , édition de Hol-
lande.
Là même , pag. "iix.
(3a) La même , pag. 32g, 33o.
(33) L'a même , pag. 320.
f 34 '■ Conférez ceci avec lajin de la remarque
(C) de l'article Rot.
(35) Clievrirana , II'. part. , pag. 320.
(36) La même.
Ci-) Là même, pag. 33o, 33i.
io BABY
timerais trop heureux, si l'on voulait
uTexcuser sur la raison qu'il est im-
possible , ou presque impossible , de
ne pas faire beaucoup de fautes dans
un ouvrage tel que celui-ci. Je ne pense
pas que je me fusse jamais engage' au
travail de ce Dictionnaire , si j'eusse
prévu que toute mon attention à évi-
ter les me'prises ne m'empêcherait
pas de me tromper fort souvent et
bien lourdement. Au reste je dois con-
seiller à mes lecteurs de consulter le
savant ouvrage que M. de Larro-
que (38) fit imprimer à Leyde , Tan
1G88, sons le titre de Matlhœi Lar-
roquani a&versariorum sacrorum libri
très. Voyez-y la page ^9 et les sui-
vantes.
(38) Daniel Larroqnanus, Matlhœi films.
BABYLONE. M. Moréri et ses
continuateurs ont ramassé tant
de choses touchant cette ville ,
que si je voulais donner à cet
article une forme raisonnable ,
je serais contraint de répéter la
plupart de leurs recueils. Ainsi ,
pour épargner au public le dé-
goût de trouver les mêmes cho-
ses dans différens dictionnaires ,
je m'arrêterai ici à un fait qu'ils
n'ont point touché. Je n'exami-
ne point si ce qu'ils rapportent
est dans toute l'exactitude qu'il
eût fallu. Les habitans de Baby-
lone prétendaient que cette ville
était très-ancienne ; il comptaient
quatre cent soixante-treize mille
ans , depuis les premières obser-
vations de leurs astrologues, jus-
qu'à l'arrivée d'Alexandre. C'est
ce que nous apprend Diodore de
Sicile (a). D'autres , s'attachantà
un nombre rond , disent que
les Babyloniens se vantaient d'a-
voir conservé dans leurs archi-
ves les observations que leurs as-
trologues avaient faites sur les
(a) Libro XI , pagina 118, edit. Ithodo-
mnnni.
LONE.
nativités pendant quatre cent
soixante-dix mille ans ( A ). 11
faut corriger par-là un endroit
de Pline (B) , dont quelques au-
teurs se servent mal à propos ,
ou pour réfuter l'antiquité de
Babylone, ou à d'autres usages.
Un savant professeur de Leyde l'a
remarqué depuis peu (b), et il
est étrange qu'on ait tant tardé
à le remarquer. Aristote savait
sans doute que les Babyloniens
se vantaient de posséder une sui-
te d'observations astronomiques
qui comprenait un prodigieux
nombre de siècles. Ayant voulu
s'éclaircir par le moyen de Gal-
listhène , qui était à la suite
d'Alexandre, il trouva bien du
mécompte; car on prétend que
Callisthène lui fit savoir qu'il
n'avait vu dans Babylone que
pour mille neuf cent trois ans
d'observations astronomiques.
Simplicius rapporte cela , et
l'emprunte de Porphyre (c). Si
Callisthène a bien supputé, il
faut convenir que les hommes
après le déluge se hâtèrent fu-
rieusement de devenir astrolo-
gues : car , selon la Bible hébraï-
que, on ne saurait trouver que
deux mille ans depuis le déluge
jusqu'à la mort d'Alexandre. Il
y a lieu de douter de ce que rap-
porte Simplicius , et il est remar-
quable que tous les anciens au-
teurs , qui ont attribué à Sémi—
ramis la fondation de Babylone .
n'ont eu pour garant que Ctésias,
dont les histoires étaient rem-
plies de fables (d). Aussi voyons-
(b) M Perizooius. Voyez la remarque (B) ,
citation (8) et (9).
(c) In lib. //de Cœlo, Com. XLVI ,pag.
123.
(d) Marshamus , in Chronic. , pag: 507,
edit. anni 1676, in-l\".
nous que Bérose blâme fort les jours existe, ou que les Assyriens
écrivains grecs d'avoir publié J^, . LiUeras sempcr arbilror assyrias
BABYLONE.
irs <
aient toujours eu l'usage <le l'écri-
Ullre : LiUeras sempcr arbilror assyrias
que Sémiramis avait bâti naby— juisse (4). H faut donc prendre pour
lone et qu'elle l'avait ornée de la preuve de son opinion les témoigna-
bâtimeusadmirablcs(e). Le Sup- fie* qu'il emprunte dtpigènes et de
ua w , i Berose , touchant les observations as-
plement de Moreri citeyumte- tronomiques q„e les Babyloniens
Curce touchant l'impudicité des avaient fait graver ^ car la conclu-
femmes de Babylone. On peut sion qu'il tire de ces témoignages est
ajouter que ce désordre était l« même chose que l'opinion <&&
ujuuiei ijtic , avalt representee peu auparavant :
fort ancien. La lettre de Jere- ex apparei , voilà sa conclusion ,
' l 1 1_ i:__~ J.. Po_ ^ Vr. rk_ M _■>_. -
mie insérée dans le livre de Ba
rue , en touche quelque chose ,
mais d'une manière obscure , et
qui a besoin d'un commentaire
tiré d'Hérodote (C).
œlernus litterarum usus. Or il n y ;>.
rien de plus absurde que son raison-
nement , si Ton suppose qu'il a parlé
comme il parle dans les manuscrits
et dans les éditions de son livre. Epigè-
nes , auteur grave , assure que les ob-
servations des astrologues babyloniens
(c) Berosus, Clialitaicorum lib. II ; apud comprennent sept cent vingt ans. Ceux
Joseph., lib. I contra Apion., pag. lotfi. qUj jeur donnent la plus petite étendue,
comme Bérose et Critodème, leur assi-
(A) Les Babyloniens se vantaient gDent quatre cent quatre-vingts ans.
d'avoir conservé les observations que j)onc pusage des lettres est éternel ,
leurs aslm/ogues avaient jattes... pen- et j'estime avec raison qu'il a existé
dant quatre cent soixante - dix mille toujours dans l'Assyrie. C'est ainsi
ans. ] Citons seulement deux passages cme pjme raisonne dans l'état où est
de Cicéron. Conlemnamus el:am Ba- a„j0,ird'hui son Histoire naturelle :
bylonios , et eos qui è Caucaso cœli c->est amsi ? dis-je , qu'il raisonne ,
signa servantes , numeris et moribus aprcs avoir observé que Cadmus ap-
stellarum cursus persequunlur. Con- porta l'usage des lettres en Europe, et
demnemus, inquam , hos aut sttdtaiœ, qu'on disait que leur invention en
aut vanilatis , aut imprudenttœ, qui Egypte précéda de quinze ans le rè-
ccc.clxx milita annorum , ut ipsi di~ gne dc Phoronée. Un fou, un homme
cunt , monumentis comprehensa conti- • vre ^ un radoteur , pourraient - ils
nent (i). Voyons comment il se moque faire urie pjus extravagante rapsodie ?
de cela dans un autre endroit. Quod
aiunt 470 millia annorum in périclitait-
dis experiundisque pueris quicunque
essent nali , Babylonios postasse f al
liait. Si enim esset factitatum , non
esset desitum. Neminem aulem habe-
ntus aiilurem qui id aut Jieri dicat ,
aut Jactuni sciai (1)
Il faut donc supposer nécessairement
que ce passage n'est pas dans son état
naturel : et c'est un grand sujet d'é-
tonuemenl que mille doctes critiques
aient examiné ces paroles, sans y
apercevoir une impertinente logique,
qui les leur rendît suspectes. Les Sca-
ligers , les Vossius , les Marshams ,
(B) Il faut corriger, a Toccasion des ]es D0<jwels sont si peu entrés en dé-
nbservations astronomiques des Baby- fiance là-dessus , qu'ils les ont prises
Ioniens, un endroit de Pline.'} Voici ses
paroles : Epigenes apud Babylonios
720 annorum observationes syderum
coctilibus lateriliis inscriptas docet,
gravis auctor imprimis : qui minimum
Berosus et Crttodemus 480 annorum.
Ex qun apparet œternus litterarum
usus (3). 11 venait de dire qu'il croyait
que les lettres assyriennes avaient ton-
(1) Cicero , de Divinst. , lib. I, cap. XIX.
fa) Id. , ibid. , Ub. II , cap. XLVI.
(3) Plinius, Ub. V II, cap. LJI.
pour le fondement des conclusions
au'ils voulaient bâtir touchant l'âge
e Bérose (5), ou contre l'antiquité de
d'autres
Babylone ( 6 ) , ou pouv
(4) M. Periionius croit qu'il faut lire A«-v i lit
Vo\e- sa Dissertatio philologica de Originibos
baby Ion ici s : ce sont des thèses soutenues au
mois d'avril 1694.
(5) Scaliger, ad Graca Kasebii , paç. 4°7-
Vossius, de Hisloricis grjecis, apud Periion. ,
in Origin. Babylon.
(6) Marshamus . Secul. XVII, pag. 4"-»
edit. anglic. apud eumdem-
i?. BABYLONE.
vues (7). Le père Hardouin a corrige' de Cice'ron, quant à la première (10). Il
«ne partie de ce passage : mais ce n'a est vrai qu'il dit en passant, que le
pas été principalement afin <te faire lieu même «le Pline semble demander
bien raisonner Pline; car si ce motif la première correction. Crrtè anno-
principal l'avait fai'agir, il aurait cor- rum millia locns aie postulare uidetur
rigé tout : c'est M. Perezonius (8) qui nonannos(n) C'est une marquequ'ila
a développé amplement les causes du senti le mauvais raisonnement que la
mal, et la preuve de la corruption du leçon ordinaire attribue à Pline. Mais
texte (p)- 11 a montré qu'il iaut ajou- si l'on ajoute mille aux quatre cent
ter le nombre de mille, tant du côté quatre-vingts de la leçon ordinaire ,
d'Épigènes , que du côté de Bérose ; l'on tombe dans une autre difficulté :
et ainsi Pline aurait dit que , selon le l'on soutient que Bérose donne quatre
témoignage d'Epigènes , les observa- cent quatre-vingt mille ans aux ob-
tions des astrologues de Babylone servations de? astrologues babylo-
comprennent sept cent vingt mille niens • et cependant nous savons qu'il
ans ; et selon le témoignage de ceux n'a parlé que de cent cinquante mille
qui, comme Bérose et Critodème, leur ans , lorsqu'il a fait mention de la di-
donnent le moins d'étendue, quatre ligence avec laquelle ceux de Babylone
cent quatre-vingt mille ans. Piine a conservaient la mémoire de diverses
raison, en supposant comme il fait eboses naturelles et historiques. Bh-
3ue ces témoins sont dignes de foi, p&s-s-oç h TÏ^fâTii tiïiv Ba.Çuhoûvia.x.a>v
e conclure qu'on ne saurait marquer qnn ytvîo-Ba.i dur m ko.t' 'AxiÇa.vi'ptiv tov
le commencement des lettres assy- <t>iÂi5r7rotn-;>y hkwxv , dvtypotqdç <fs itaK-
riennes. Or, quand une ebose est si *av h BatCuKwvi <sfnKda-tria-ba.ty.tTn- toaadc
ancienne, qu'on n'en saurait mar- ï'Triy.txtictç j.7to iTtov /rot/ ùntp /Aupistécuv n
quer la naissance, on ne fait point de TrtpuXoua-dtc /^povov 7rtpiix,tni As Tstç clvsl-
scrupule , en écrivant comme faisait ypet^dç Içropixi irtp'i t'Z uùpmw , na.i Bct-
Pline , de la nommer éternelle. Mais hdaa-ïtc., x.o.t 7rfùùT(iyovia.ç , ko.i (la.a-ïKiûùV ,
oserait-on la qualifier de la sorte, y-ci t&>v 2*t' o.ùt',uç Trpdçioûv (i2j.Bero-
lorsque les preuves de l'antiquitéqu'on nu in primo libro Babylonicorum ait
lui donnerait la laisseraient plus nou- natum se œlate Alexandri Philippifi-
velle qu'une chose dont on marque- lit ■■ scripla l'eio mulla servari Baby-
rait le commencement ? C'est le cas lone magna cum cura quee tempus con-
où Pline se trouverait, s'il avait tineant annorum supra myriadas quin-
dit ce que l'on trouve aujourd'hui decim : heee autem scripla continere
dans son ouvrage. Pesez bien ce historias circa ccelum , mare , et rerum
qu'il a dit touchant Cadmus et Pho- primai dia, et regeseorumqueresgeslas.
ronée. Il faut avouer que ce passage prouve
11 faut expliquer à part la correction également ces deux choses : Pune ,
du père Hardouin. 11 rétablit ainsi le qu'il faut chasser du texte de Pline le
texte de Pline. E diverso Epigenes nombre de quatre cent quatre vingts
apud Babylonios CCCCLXX anno- ou quatre cent quatre-vingt-dix, 1 au-
rum M. observationes siderum cocti- tre qu'il ne faut pas y substituer qua-
libus taterculis inscriptas docel qui tre cent quatre vingt mille , mais plu-
minimum , Berosus et Crilndemus tôt cent cinquante mille. Ce n est pas
CCCCXC annorum. D'un côté il met qu'on ne puisse taire des chicanes : on
quatre cent soixante -dix mille au lieu peut objecter que lierose , s étant
de sept cent vingt, et de l'autre, il mieux instruit du fait, trouva quatre
met quatre cent quatre-vingt-dix , au cent quatre vingt mille ans , et débita
lieu de quatre cent quatre-vingts. Il se « calcul dans un ouvrage sur lequel
fonde sur les manuscrits, quant à la Pline se régla. On pourrait aussi ob-
dernière correction ; et sur l'autorité jecter que les nombres ont ete lalsiues
(7) Vide Dodwel , Observât. Cyprian. , in
Append. , pag. 36 , 37-
(8/ Ci-devant professeur à Franeher. Il est
professeur à Leyde , en grec , en histoire , et en
élo'auence, depuis l'année passée iGg3.
(9) foyet sa Dissertatio I de Originibus ba-
lomtis.
(10) C'est-à-dire, sur les deux passages du
Traite de Divinatione, cités ci-dessus , num. (1)
et M" TF
(11) Harituin. , in Plinium , loin. Il, pag.
i34, num. 157.
(iaj Berosus apud AlexanHrum Poly-bistor. ci-
tatwn ab Eusebio , in Chrooico , pag- 5 et o,
edit. Scalig. an. i658.
BABYLONE.
i3
clans le passage qu'Eusèbe cite. Quoi
qu'il en soit , j'aimerais mieux retenir
la correction du père Hardouin , et y
ajouter, quant à Béroseet à Critodème,
le changement de quatre cent quatre-
vingt-dix en cent cinquante mille.
Je dirai, en passant, que Vossius n'a
point rapporte' comme il devait ce
qui concerne Berose dans le passage
de Pline qui sert de sujet à cette re-
marque. Il prétend que Pline dit que
Bérose a fait l'histoire de ce qui s'é-
tait passe' pendant le cours de 4&o ans.
Je cite les paroles de Vossius. Plinius,
lib. vi, Htst. nat., cap. lv., (il fallait
dire lib. vu. cap. lvi.) referl Berosum
trailere memoriam quadringetilorum
annorum et octoginta (i3). Comparez-
les avec le passage de Pline , et vous
verrez un fort grand mensonge. A
qui se fier?
(C) La lettre de Jérémie , tou-
chant l'impudicité des femmes de
Babylone , a besoin d'un commen-
taire tire d'Hérodote.] Voici le texte
de Jére'mie : Les femmes, environnées
de cordes , sont assises par les che-
mins et quand quelqiiune d'elles
attirée par quelque passant a couché
avec lui , elle reproche a sa voisine
quelle n'a pas été trouvée digne
comme elle , et que sa corde n'a pas
été rompue (1^). Pour bien entendre
cela, il faut recourir à Hérodote, qui
nous apprend qu'il y avait une loi à
Babylone, qui obligeait toutes les
femmes du pays à s'aller asseoir au-
près du temple de Vénus , pour y
attendre l'occasion d'avoir à faire à
un étranger (i5). Jl fallait qu'unefois
en leur vie toutes passassent par-là.
Les plus riches se tenaient dans des
carrosses, et menaient un grand nom-
bre de domestiques : les autres n'a-
vaient qu'une cloison de corde, c'est-
à-dire qu'elles formaient, certains
rangs qui étaient séparés les uns des
autres par des cordes (i6j, mais de
telle manière, qu'il y avait des entrées
et des issues, afin que les étrangers
se promenassent librement dans lis in-
tervalles , et choisissent celles qu'ils
(i3) Vossius , de Hist. çrjec. , pag. 86.
( 14) livre de Baruc , parmi les Apocryphes,
I enajt. VI ,vs. 42 et 43.
(i5) Herodot. , Ub. 1 ,cap. CXCIX.
(16 On aide à la lettre . afin défaire mieux
entendre par une paraphrase ce qu'Hérodote
if explique pas assez en détail.
trouveraient le plus à leur gré. Quand
ils l'avaient choisie, ils lui jetaient
de l'argent sur le giron , et ils la me-
naient en quelque lieu à l'écart , pour
jouir d'elle. Ils faisaient une prière
pour elle à la déesse du temple (17).
il n était point, permis à ces femmes
de refuser aucun étranger, ni l'ar-
gent qu'on leur donnait , quelque
petite que fût la somme. Il fallait
qu'elles suivissent le premier étran-
ger qui leur jetait de l'argent. Notez
que celte somme était destinée à des
usages de religion. r/v«Tai yàp Upoi
T01/T0 to Àpyùpiov (18). lit qutdem in
sacrum convsrtitur usum. Après la
'■oiisornmation rie Pacte , elles pou-
vaient retourner à leur logis : la dé-
votion , ou l'expiation, qiîe la déesse
exigeait, était accomplie. Celles qui
étaient belles ou jolies étaient bientôt
expédiées , et relevées de sentinelle ;
mais les laides attendaient long-temps
l'heure propice pour satisfaire à la loi.
Il y en avait de si malheureuses,
que trois ou quatre ans d'attente ne
finissaient point leur noviciat. Ka.» yà.a
TpiÎTM KcÙ TtTpsLÎTHX. y.itlÇ'i'Tipa.l ^f OVOV
fAÎvoutn.(uj). JYam quœdam triennium
quadrienntumque expectant. Il n'y a
plus d'obscurité présentement dans
les paroles de Jérémie. Chacune de
ces femmes se tenait dans une cel-
lule entourée de corde, et n'en sor-
tait qu'en rompant la corde, après
quoi elle insultait à celles qui étaient
encore en cloison. On pouvait appli-
quer à celles qui en sortaient tard , le
Tain gratum mihi quatn ferunl puellx
Permit aureulurn fuisse maluin ,
Quad zunam solvit diii ligatam (20).
Qui pourrait assez déplorer la mon-
strueuse alliance qui se faisait dans le
paganisme entre le culte des dieux , et
h:s passions les plus sales? C'est ce
que l'on aurait pu appeler à juste titre
lu dévotion aisée , si la comédie avait
contenu plus d'actes et plus de scènes,
et si l'on n'avait pas fait un mélange
désavantageux à h, laideur ; car celte
patience de trois ou quatre ans pour
un seul coup était une rude pénitence.
Martin del Bio rétracta ce qu'il avait
17) C'était Vénus : les Babyloniens l'appe-
laient Mvlitta. Herodot. , lib. j, cap. CXCfX.
(18 Ibidem.
(iç,) Herodot. , lib. I , cap. CXCIX.
(10) Catulli Epigr. H
*4
dit sur les paroles que j'ai rapportées
du livre de Baruc. 11 avait cru qu'elles
traitaient de certaines ligatures pra-
tiquées pour se faire aimer. Voyez
sçs Disquisitions magiques (21).
(21) Lib. III, parti, Qucest. III, pag. i3.
BACHOVIUS ( Reinier) , na-
quit à Cologne, l'an 1 544- Sa
yie se trouve parmi celles des ju-
risconsultes d'Allemagne, dans
Melchior Adam. Je ne répéterai
point ce que Moréri en a tiré :
je développerai seulement les
persécutions qui furent faites à
Bachovius dans Leipsick , à cause
de son calvinisme. D'abord on
n'eut que des soupçons contre
lui , et l'on se contenta de l'éloi-
gner des emplois publics ; mais
les temps ayant changé , il ob-
tint la charge de sénateur , et
puis en l'année 1 585 celle d'é-
chevin , et au bout de trois ans
celle de consul. L'électeur Chris-
tien Ier. étant mort l'an i5()i ,
on pressa Bachovius de profes-
ser le luthéranisme ; et comme
il n'en voulut rien faire , on le
contraignit de renoncer à ses
charges. Il n'écouta point le con-
seil qu'on lui donna de se reti-
rer , quoiqu'on lui représentât
le péril de la prison : il crut que
la fuite donnerait lieu à ses en-
nemis de publier qu'il ne se sen-
tait pas innocent ; mais il fallut
en 1 5g3 céder aux émotions po-
pulaires , et sortir de Leipsick. 11
se retira d'abord à Serveste (*) ,
et l'année suivante au Palatinat ,
non sans avoir perdu presque
tous ses biens. Il trouva un bon
protecteur en la personne de
(") Zerbst, nom allemand do celte ville,
eu est aussi le nom français , et dans l'Index
Thuani , au mot Servesta , et dans Baudraad ,
au mot Zeivesta. Rkm. crit.
BACHOVIUS.
l'Électeur Palatin, et il exerça
plusieurs charges lucratives et
honorables à Heidelberg, jusqu'à
sa mort arrivée le 27 de février
1614 (a). Il publia un livre qui
sentait plus le théologien que le
juriste (A). Il laissa entre autres
enfans Reineer, ou Reinhard Ba-
chovius , qu'il vit monter de la
profession de politique à celle de
jurisprudence , dans l'académie
d'Heidelberg. Ce fils a été un
assez grand nom parmi les juris-
consultes du XVIIe. siècle (B). Il
possédait surtout l'art de réfuter
subtilement ce qu'il s'engageait
de combattre (b). Il fut flottant
sur la religion *'; car il dit en
confidence à un professeur *2 lu-
thérien (c) que, si l'on voulait
souffrir qu'il fît des leçons par-
ticulières en jurisprudence à
Strasbourg , il quitterait sa pro-
fession *3 d'Heidelberg , et s'en
irait à Strasbourg. 11 déclara
qu'il détestait le dogme de la
prédestination absolue , et qu'il
croyait la présence corporelle de
Jésus-Christ au sacrement de la
Cène , quoiqu'il n'en sût pas la
manière. Celui à qui il s'ouvrit
de cette disposition , la commu-
niqua aux magistrats de Stras-
bourg, qui le chargèrent de lui
(a) Tiré de Melchior Adam, dans le vo-
lume des Jurisconsultes.
(b) Voyez la remarque (B).
*' La Bibliothèque française dit que ce ne
fut pas entre le calvinisme et le protestan-
tisme que Bachovius Hottait, comme Bayle
le donne à entendre , mais entre le protes-
tantisme et le papisme.
" Dans la Bibliothèque française XXIX,
188, on remarque qu'il fallait dire étu-
diant, Otho Tabor n'étant, aiors que cela.
(c) Il s'appelait Tabor , et passe pour un
grand jurisconsulte.
*3 La Bibliothèque française note que
Ma&imilien de Bavière ayant cassé en 1622
l'université' d'Heidelberg , Bachovius ne pou-
vait y avoir de place en 1627.
BACON
témoigner qu'il serait le bien-ve-
nu. Bacliovius se rendit dans
cette viiie avec sa bibliothèque :
mais, n'y trouvant point de quoi
vivre (d) , il s'en retourna à Hei-
de-berg *, ou son confident le
trouva chagrin et malade l'an
1629 (e).
(d) Vilce pratsidiis destitutus rcligioneni
omisit. Praschius , in Mausoleo Taboris.
* Ce ne fut pas à Heidelberg , mais à
Spire, dit la Bibliothèque frnnçaisB.
(e) Tiré de Praschius, ui Mausoleo Tabo-
ris.
(A) 11 publia un livre qui sentait
plus le théologien que le juriscon-
sulte.'] C'était une espèce de coui-
»0
trine , mais qui renversent de fond
en comble celle d'autrui. L'homme
est ordinairement plus fort dans la
dispute offensive , que dans la défen-
sive. Voyez ce que disait un électeur
de Cologne touchant les démêlés des
cordeliers et des jacobins. C'est Fra-
Paolo qui le rapporte. Voyez le IVe.
livre de son histoire du Concile de
Trente, à la page 3og de la version
de M. Amelot de la Houssaie.
BACON (Roger), cordelier an-
glais, vivait au XIIIe. siècle *.
Il était grand astrologue, grand
chimiste, et grand mathémati-
cien. C'est sans doute ce qui
donna lieu de le soupçonner de
mentaire sur le fameux Catéchisme magie. Il court une tradition par-
du Palatiuat. Melchior Adam en dit
ceci : Propagandœ verilalis evange-
licœ studio edidit Catechesin Palati-
natùs, testimoniis sacrée Scripturœ ac
sententiis palrumqui primis quingen-
tis à Ckristo nato annis in ecclesiâ
Dei claruerunt exomalam et illustra-
tarn, curn Epitome vitre eorumdem pa-
trum , et msthodicâ" narratioue de
Conciliis , quorum Canones in illo
catechelico libello citantur (i).
(B) Keikier , ou Reinhakd Bacho-
vius a été un assez grand nom
parmi les jurisconsultes.'] Conringius
l'appelle disciplines juriJicœ œternum
decus (a). Selon Vinnius, il est sub-
tilissimus jurisconsulte , non tara suœ
senlentiœ adstructor , quant destruc-
tor alienœ (3). Un autre dit, Ko in
his quœ ad solidam nostri juris inter-
pretationem faciunt , aculiorem uix
traditprior œtas (4). Enfin les épithè-
tes d'accuratissimus, de subttlissimus,
aacutissimus , âi'inexorabilis censor
(5) , ne lui manquent pas. L'éloge que
Vinnius lui donne ne convient qu'à
trop de gens; on ne voit que trop
d'écrivains subtils , et grands raison-
neurs, qui prouvent mal leur doc-
(i) Melchior Adam, in Vilis Jurisc. vas.
47», 473-
(a) Conringius, de Auloritnte Juris publ. Jus-
tin, in Germaniâ, apud Magirum, Kponym. ,
P"S- 99-
(3) Vinnius, cap. XI, de Pacl. num. g, apud
JMagiruin , Kponyin. , pag. ijg.
(4) Habn. , in dedic. Observât, ad Wessnbec.
mpud eumdem.
(5) SchuU, apud eumdem.
îui le peuple d'Angleterre , que
ce cordelier fit une tète d'airain
qui répondait à ses questions (A).
Seldénus rejette cela comme une
fable puérile (B) , et remarque
qu'aucun historien n'en a parlé,
et que Baleiis , qui avait diffamé
Roger Bacon , se rétracta , et ré-
para honorablement cette inju-
re. François Picus dit qu'il a lu
dans un livre de Bacon « qu'un
» homme pourrait devenir pro-
» phète , et prédire les choses
» futures, par le moyen du mi-
» roir Almuchefi , composé sui-
» vaut les règles de perspective,
» pourvu qu'il s'en servit sous
» une bonne constellation , et
» qu'il eût auparavant rendu
» son corps bien égal et tempéré
» par la chimie (a). » Cela n'est
point contraire à Jean Pic de la
Mirande , qui a soutenu que Ba-
con ne s'est amusé qu'à la magie
" Le Dictionnaire de Chaufepié contient
un article assez étendu sur il. li.icon , com-
me supplément à celui de Bayle : pour
mieux dire, c est un nouvel article.
11 Francise. Picus, lib. If, de Prœno-
tione, cap. I, et lib. Vit, cap. (■'!!, cité par
INaudé, Apolog. des grands Hommes, pag.
49°
i6 BACON.
naturelle (b). Ce cordelier en- et son frère de religion Thomas Bun-
voya plusieurs instrumens de son ? V; tr^ai^ent sept ans à forger cette
. J l . n, , . t-«t teste , pour savoir d elle s il n y auroit
invention au pape Clément IV pas queique moyen d'enfermer toute
(c). On a publié plusieurs de ses l'Angleterre d'un gros mur et rem-
livres : Spécula mathematica et part; sur quoi elle leur donna une
perspectif, Spéculum Alche- ™Pome laquelle toutesf ois ils ne pu-
" . " , • i-7- r> . J rent blen entendre parce que, ne la
miœ , de mirabili Volestate Ar- croyans recevoir si tôt, ils s'estoient
tis et N.aturœ , Epistolœ cum occupez à autre chose qu'à prester les
notis, etc. H V a beaucoup d'ap- aureilles à cet oracle (i). Ce sont des
narence qu'il ne faisait rien par contes populaires qui ne méritent
1 JC w ^ ii' - pas d être réfutes. On en fait courir
engagement avec le démon , mais de semblables d'Albert-le-Grand (2).
qu'il ne laissait pas d'attribuer (B)..... Seldénus rejette cela comme
une efficace surprenante à des une fable puérile."] Rapportons ses
choses qui ne pouvaient l'avoir coptes croies Istiusmodi caputex
iuujq ijui uc £ . œre conflatum ab eruditissimo Rosero
naturellement. On a donc raison Bachone est in ore nostratis vulgi ,
de dire que ses écrits contien- sed non sine injuria in illius mathe-
nent beaucoup de superstition 5J"> quant summam et a dœmonum
(C). Il était fort infatué de l'as- P^S^ puram monstrant salis illius
v ' .7 ,. . . ^ opéra quotquot nos legisse contigil ,
trologie judiciaire (D). et quidquid advcrsùs eum uli magum
La lettre , qu'il écrivit au pa- seu vêKi/ô^a.vitv J. Balœus inscitiddi-
pe Clément IV , et qui se trouve cam > an in opùmas artes maluid ,
dans la Bibliothèque de Lambeth, •*££ Tft^'T Cri T* "T
,* ,, j 1 §ltanter effulierat , id iene momlus
contient avec les éloges de Ja omne non mod^ retracta„it f ^rUm in
Sainte Ecriture un dessein assez ed quœ tali et tanio viro digna sunt
étrange ; car il exhorte ce pape à postremd recognitione etiamprudenter
a v 4 + ' „t+ commutavit. Nec quod hanc vulsi
confirmer par 1 autorité aposto- famam adstruat \bent AnnJes
hque, et a recommander a toute nostri (3). Jean Dée, philosophe et
l'Église , la méthode qu'il avait mathématicien anglais , a fait une
trouvée d'apprendre en très-peu aPolosie de Roger Bacon. 11 ti parle
i • • 4 , 1 Anvw\ dans * epitre dédicatoire de ses Pro-
de îours a tout le monde 1 hébreu, „~,jt,„J;„t„ „„i,n .• ,• 7
J _> pœaeumata apnoristica de prœslan-
le latin, le grec, et 1 arabe. 11 tioribus quibmdam nalurœ virtutibw.
prétendait , que non-seulement Voyez Naudé , à la page 488 de l'A-
tous les laïques devraient lire P0Hie des Grands Hommes.
!?i^ •. ■_„.„„:_ (G) àes écrits contiennent beaucoup
1 Écriture, mais aussi en en ten- dt> Lperstition.] Martin del Rio,
dre les originaux (L) ; et il assu- l'homme du monde qui sur ces ma-
rait que sa Grammaire univer- tières-là prodigue le moins son abso-
selle était souhaitée passionné- *ution au* personnes soupçonnées ,
. 1 • , , ote cependant Roger Bacon du nom
ment, et que plusieurs prophe- bre d£s magicie*s? et se content(
tente
d'en faire un auteur superstitieux.
Alchindus , dit-il (4) , Rogerius Ba-
chonus et Geber Aiabs mullis sca-
ties la confirmaient.
(b) Jo- Picus in prœfal. Apolog. cité par
jNaudé, là même.
(c) Naudé, là même, pag. 4g3.
(1) Maierus, Symbol, aurrre mensa;, lib- X,
(A) On dit... qu'il fit une tête d'ai- P"S- 453, cite par Naudé , Apologie des grands
1 -, *' ... , Hommes, pa^. 4oi.
ram, qui répondait a ses questions.] (a; v'0fJ dessus la remarqu
Maïer remarque qu on a de COUtume 2°. tle Particte ^'Albert le Grand.
d'introduire Roger Bacon dans les (3) Selden. de Uiis syris , Syntagma I .
comédies comme' un grand magicien, "fofSL^kii. Magicar. lib.
et que le bruit commun est que lui , pag. 22.
(F) , num.
cap.
/, cap. nr,
BACON. i7
tent superstitiosis , ideo t'ctitœ lectionis très l'ont condamné, à cause que l'on
etiam hos.putârim. Jean Wïer n'a pas y soutient, sauf un meilleur avis,
la même indulgence, car il met dans que les livresde magiedoivent être rou-
la même classe Roger Bacon , Pierre serve's soigneusement , parce que le
d'Apone , Anselme de Parme, Cic- temps approche (pie , pour certaines
chus d'Asculum, et quelques autres ; causes que l'on ne spécifie pas, il fau-
au lieu que Martin del Rio traite de dra nécessairement les feuilleter , et
vrais magiciens les trois derniers que s'en servir en quelques occasions.
j'ai nommés, et ne met Bacon qu'au Naudé ajoute que Roger Bacon estait
nombre des superstitieux. Ab hoc tellement adonné a l'astrologie judi-
numero removeo ut dœmoniacos, ma- ciaire , que Henri de Hassia , Guil-
gos , Picalricem hispanum , Ansel- laume de Paris, et Nicolas Oresme....
muni parmensem , Cicchum escula- Jurent contraints de déclamer aspre-
num, Petrum de Abono , et Cornel. ment contre ses escrits, et toutes les va-
Agripoam, et Paracelsunt homi- nités des astrologues (11).
nés partim alheos , partim hœreticos (E) Il prétendait , que non-seule-
(5). Wier s'accorde parfaitement ment les laïques doivent lire l'Ecriture,
avec lui quant au reste , c'est-à-dire, mais aussi en entendre les originaux.']
qu'il a pris Pierre d'Apone, Anselme Comme je n'ai point lu la lettre , je
de Parme , etc. , pour des sectateurs ne saurais dire s'il se fonde sur ce
de la mauvaise magie. Superiorum qu'un particulier qui n'entend ni la
magorum nugamenla itidem insulsè langue grecque ni la langue hébraï-
sequuti sunt Appion gramrnaticus , que , est obligé de s'en rapporter à la
Jidianus Apostata, Robertus Angli- bonne foi et. à la capacité des traduc-
cus apud hebetios miserè morluus , leurs : fondement fragile , dira-t-on ,
Rogeiuos Bachon , Pelrus aponensis , et qui ne mérite pas que nous y po-
conciliator dictus , Albertus teuto- sions les intérêts de notre salut. Quoi
nicus , Arnold us de Villanova , An- qu'il en soit , sa prétention n'est pas
selmus parmensis , Picalrix hispa- éloignée de 1'es.travagance , et ren-
nus , vel author libri ad Affonsum ferme des impossibilités. C'est le juge-
sub Picatricis nomine , Cicclius as- ment de l'auteur qui a parlé de celte
culus florentinus , et plcrique alii lettre. Inter scriptores i3 seculi , qui
obscurioris nominis scriptores , de- à Tfhartnnn pro Scripturis et sacris
plorati certè ingenii homiues. Qui vernaculis adducunlur , comparet Ro-
quiim se magiam tradere pollicentur, gerus Bacon , cujus epislolam de
non nisi aut ldeliramenta quasdam laudibus Sacras Scriptural ad Clemen-
nullâ ratione subnixa, aut supersti- lem IV Bibliolheca lambelhana te-
tiones piis omnibus indignas congés- net. Observai autem, aulorem illum
serunt (6) . portentosa quœdam et impossibilia m
(D) Il était fort infatué de V astro- prolixd illdepistold comminisci. Non
logie judiciaire."] Jean Pic soutient enim tantum necessarium esse docet ,
que le livre quia pour titre Specu- ulomnes chrislianiSacramScripturam
lum Astrologiœ , où il est traité des tanquam fidei suas fonlem et régulant
auteurs licites et illicites qui ont écrit perjectè sciant , sed etiam fontes lie -
de l'astrologie , est un ouvrage de braïcos et grœcos ab omnibus cousu-
Roger Bacon (7). Ce livre a été con- lendos asserit. Et quamvis incredibile
damné par Gerson(8) et par Agrippa, videatur , ut singuli christiani lingua-
comme superstitieux au possible (g) : rum istarum notitiam sibi comparare
Francus Picus (10) et beaucoup d'au- possint , id tamen Bacnnus faclu
,., ., . , perquam facile esse persuadere suis
(5) Ibidem. > . •» •. • <
(G) Wier., de Prœstig., K». //, chap. IV. Il uctonbus cupit , tmprimis cum se
remarque que Jean Franc. Pic, hv. VII, chap. grammaticam quandittn unwersalem
VII , refuie Racon. invenisse glorietur, cujus ope inlru
pafâé*^. M ' lS Aslr°l0g-' C'U' P"ucissùnos dies quiUbet linguam he-
(8) Lib.' de Libris Astrolog. non tolerandis, hraïcam , grœcam , lalinam et ara-
Proposii. III, cité par Naudé , pag, 5j5. bicam addiscere queat ; et ut omnes .
*«<meW.rippa' '" Ep'5,olis' ciu'par le '"'""• quodlegunt, etiam intelligent , seopus
(10) I.ib. VII de Praenoùone, cap. II, cite' ('») Naudé, Apologie pour les grands Horo
par le même , là même. mei , Va&- 5aG.
TOME III. o
i8
BACON.
quoddam manuductorïiim seu prœli- république des lettres , Bacon
minàreadpromovendamSàcrœScrip- négligea tellement ses affaires
turœintelliçentiamedilarum spondet , -, ° ° . ,
enixè pontificem orans , ut arlificium domestiques, ou se plongea en
suum summis omnium vous expeti- tant de dépenses, qu'il mourut
tum etfrequenlibus vaticiniis confir- fort pauvre. Nous rapporterons
malum , aposlolicâ autoritate confir- deux ailtorités sur ce sujet (C).
met , et universœ ecclesiœ commendet,
undè innumera in ecclesiam bénéficia
redurnlatura minime dubitat (12).
(12) Acta Erudilor. Lips. mensis junii 1691,
pag. 297 , dans Vexira.it du livre rf'Usserius <le
Historiâ dogmaticâ Conlroversiie de Scripturis et
sacris Vernaculis.
BACON ( François ) , grand
chancelier d'Angleterre * sous le
roi Jacques Ier. a été un des plus
grands esprits de son siècle , et
l'un de ceux qui connurent le
plus doctement l'imperfection
où était la philosophie. Il tra-
vailla fortement aux moyens
d'y remédier , et il forma de
très-beaux plans de réformation
(A). Le public reçut favorable-
ment ses ouvrages. On en fit une
édition complète à Francfort ,
in-folio, l'an i665. Le Journal
des Savans n'en parla pas sans
donner beaucoup d'éloges à cet
illustre chancelier (a). Le traité
de Augmentis Scienliarum , qui
fut réimprimé àParis l'an 1624,
est une des meilleures produc-
tions de l'auteur (B). Ses OEu-
vres morales et politiques , tra-
duites en français par Baudoin ,
eurent un si grand débit , qu'il
fallut en faire plusieurs éditions.
Sa Vie de Henri VII , roi
cï 'Angleterre , est fort estimée
{b). A force de travailler pour la
* Fr. Bacon a aussi dans Cliaufepié un ar-
ticle supplémentaire et bien plus étendu
que celui de Bayle : il a plus de vingt pages
in-folio-
(a) Dans le Journal du 8 mars 1666. No-
tez qu'on en promit une édition en 6 volumes
i'n-12, l'an 1684. Voyez les Nouvelles de
la Re'publiq. des Lettres , juin 1684 , "u Ca-
talogue des livres nouveaux , num. V.
{b) Voyez dans Pope-B!ount, pag. 635 ,
le jugement qu'en ont fait Couringius , Boe-
On met la fin de sa vie au neu-
vième jour d'avril 1626. Il vé-
cut soixante-six ans.
clei us , etc. On voit là même d'autres juge-
mcns à la gloire de Bacon.
(A) // forma de très-beaux plans
de reformations Voyez ce que M. Bail-
let en a dit dans le premier tome de
la Vie de M. Descartes (1) , et ce que
Gassendi a dit en particulier delà Lo-
gique de Bacon (2j.
(B) Son traité de Augmentis Scien-
tiaruni est une des meilleures pro-
ductions de l'auteur. ] Voici ce que
Costar en écrivit à Voiture : J'ai lu
depuis quelques mois le livre que le
chancelier Bacon a fait du Progrès
des Sciences , où j'ai trouvé beaucoup
de choses admirables (3). Il rapporte
ensuite quelques-unes de ces choses,
et fait voir par ce choix-là son bon
goût; car, en effet, ce sont tontes
belles et grandes pense'es. J'ai ouï di-
re que les OEuvres de Bacon e'taientuti
des livres que Costar maniait le plus,
et qu'il en tirait le fond ou la base de
ses recueils : c'est-à-dire , qu'ayant
trouvé dans les écrits de Bacon quel-
que pensée qui lui plaisait , il l'écri-
vait sur une feuille; et puis, quand il
rencontrait dans d'autres livres quel-
que chose qui se rapportait à cela, il
l'ajoutait à cette feuille, après quoi ,
il ne manquait pas de répertoire ni de
îieux communs.
(C) Il mourut pauvre. IVous rap-
porterons deux autorités là-dessus ]
La première m'est fournie parla Bi-
bliothèque universelle , et la seconde
par le Sorbeiiana. La Bibliothèque
universelle m'apprend que Jacques
Howel dit dans une lettre (4) datée du
6 de janvier 1625 (5) que le chan-
(1) Pag. 147 et 148.
(2) Gassendi , Oper. , loin. I , pag. 62.
(3) Entretiens de- Voitnre et de Costar, pag.
173 , e'dil. de Paris en i654-
(4) La VIIIe. de la secl. IV du I". volume.
(5) Il faut qu'il r ail ici une faute d'impres-
sion dans les chiffres; carie chancelier Bi
ne mourut que leçj d'avril 1626.
BACOUE.
celier Bacon mourut si pauvre, qu'a
peine avait-il laissé de quoi l'enseve-
lir ; ce qui fait juger à Howel, qu'en-
core que ce fût un grand génie pour
les sciences , il n'était pas fort judi-
cieux. Il attribue néanmoins la pau-
vreté de ce fameux chancelier ou au
mépris des richesses , ou h une exces-
sive libéralité. Un peu avant que de
mourir, il écrivit, au /apport d Howel,
une lettre pitoyable au roi , dans la-
quelle il le priait de le secourir, « de
» peur qu'il ne fut réduit , en ses der-
» niers jours, à porter la besace, et
» que lui , qui ne souhaitait de vivre
» que pour étudier , fut contraint d'é-
» tudier pour vivre. » Paroles qui
semblent aussi basses à notre auteur ,
que celles d'une autre lettre que le mê-
me avait écrite auparavant au prince
de Galles , étaient profanes. Il disait
a ce prince , « qu'il espérait que com-
» me le père avait été son créateur, le
-■> fils serait son rédempteur ( G ) . »
Voyons maintenant ce que dit Sor-
l)ière. « Histoire naturelle de Bacon ,
» à Paris , i63i, traduite, ou plutôt
» abrégée par Pierre Amboise, c'euyer,
» sieur de la Madelaine. Il y a un dis-
» cours du traducteur sur la Vie de
» ce chancelier , et au bout est ajou-
» tée la version du Nova Allanlis.
)> Ce peu d'excellentes remarques que
» j'ai vues nie fait grandement sou-
» haiter une Version entière et fidèle.
» M. Boswei me dit qu'il avait eu par-
» ticulière connaissance avec ce rare
■> homme, qui lui laissa par testament
» tous ses papiers , qui l'ut la seule
» chose exécutée de plus d'un million
i> de légats qtfil avait fait par galan-
» terie. 11 léguait quatre cent mille
;> livres à un collège imaginaire, dont
» il dresse le plan en son IVova
;> Allantis (7). » Ce discours ne sem-
ble pas dire que Bacon soit mort dans
la pauvreté : c'est plutôt insinuer qu'il
mourut un peu bien visionnaire '(8) ;
mais prenez-y garde de plus près ,
\ous trouverez qu'il y a là un témoi-
gnage d'indigence.
(6) Bihlioil,. Univers., tom.XV, pag. 45.
(7) Sorberiana , pag. 41 , e'dtl. /Le Hollande.
(8) Voyez ce que dil le sieur du Manrier
touchant le tettament de Ce'risar.tes , Mémoires
de Hollande, pag. /t'So.
BACOUE (Léon), natif de Cas-
te!-Jaloux, dans la Basse-Guien-
BADIUS. ,9
ne , quitta la religion de sa nais-
sance , qui était la réformée , et
entra chez les cordeliers. Il par-
vint ensuite à la prélature , et
fut fait évêquede Glandève. Ce-
lui qui m'apprend cela remarque
que le père Léon Bacoue est le
seul huguenot converti , qui soit
parvenu à l'épiscopat sous le rè-
gne de Louis XIV (a). Cecorde-
lier publia un poeme latin sut*
V éducation d'un prince , envi-
ron le temps qu'on devaitdonner
des précepteurs à monseigneur
le dauphin. Il le fit réimprimer à
Paris l'an i685. Le Journal des
Savans en parla l'année sui-
vante (b) *.
(a) Rocoles, Histoire véritable du Calvi-
nisme , pag-. i66".
(b) Le 21 de janvier , pag-. 23.
Leclerc dit que Bacoue , évêtjue de
Glandève en 1672, et de Pamiers en 1686,
(mort en 1 694 ) , a donne' une traduction,
française de la Somme de Théologie moral,
et canonique de Villalobo 1 635, deux par-
ties in-folio. Outre son Delphinus, seu de
prima Principis Inslilulione, imprimé à Tou-
louse dès 1670, in-4 , cl a Alliy, io'Sj , in-
8", il avait composé un poeme latin intitulé
Sanctiss. ac Bealiss. Pain démenti ix Car-
men panegyricum, Toulouse, ib'6'7 , in-S°.
BADIUS ( Jodocus ou Josse) ,
surnommé Ascensius , à cause
qu'il était né dans le bourg (a)
d'Assche auprès de Bruxelles ,
s'est fait estimer par le grand
nombre de livres qu'il a impri-
més et commentés. Il naquit
en 1462. Il fit ses premières
études à Gand : il les continua en
Italie, et fit beaucoup de pro-
grès dans la langue grecque , ,'t
l'en are , sous Baptiste Guarani.
11 s'établit à Lyon, et \ enseigna,
(«) Moréri a tort de l'appeler une maison:
Les auteurs qu'il cite se servent (tu mot Mu-
nicipiura. Gesner donne à Badina le SUI
de Gaudensis.
20 BADIUS.
tant en public qu'en particulier , Cordeliers. Il en a traduit le
la langue latine et la langue premier livre , et compilé le se-
grecque. Puis il transporta ses cond , et il a orné l'un et l'autre
tabernacles à Paris, et y dressa de notes marginales qui empor-
une imprimerie qui lui fit hon- tent la pièce. Il était imprimeur
neur (A). Tl en fit sortir un bon et auteur , et se mêlait de faire
nombre d'auteurs classiques , des vers français . Il en fit con-
avec ses explications et ses notes tre Nostradamus (c). Trois de ses
(B). Il prit la même peine sur sœurs furent mariées à de fa-
quelques auteurs modernes , meux imprimeurs (I). J'ai igno-
comme sur Pétrarque , sur Poli- ré pendant quelque temps ce que
tien, sur Laurent Val le , sur voulait dire un moderne, qui
Baptiste Mantouan, etc. Il pu- semblait accuser Henri Etienne
blia aussi quelques livres de sa d'avoir censuré Josse Badius
façon , tant en vers qu'en prose (K). Je ne sais que dire d'un
(b) (C) , et fit demeurer d'accord Conradus Badius * , qui mourut
ïes connaisseurs , que si les soins de peste avec toute sa famille à
domestiques ne l'avaient pas obli- Orléans, ou il était ministre
gé de diriger ses travaux du côté l'an i5Ô2 (d) , et qui avait été
du gain , autant ou plus que du ami de Théodore de Bèze depuis
côté de la gloire , il eût réussi sa jeunesse (e).
beaucoup mieux qu'il ne faisait M. Chevillier , qui a recueilli
(D). Il échappa à Érasme de le plusieurs éloges de Josse Badius ,
comparer en certaines choses à assure qu'il avait été professeur
Budé ; et l'on ne saurait croire des belle s -lettre s dans l'univer-
les vacarmes qui furent faits à site de Paris , et ensuite dans la
Paris contre cette comparaison ville de Lyon , où il lisait pu-
(E). Ceux qui mettent la mort de bliquement les poètes (f).
Jodocus Badius à l'an 1626 se II y a apparemment une faute
trompent (F). Il était chargé dans le titre d'un des livres que
d'une assez grosse famille , et Valère André lui attribue (L).
l'on a dit dans son épitaphe , ,.„,,,. v D „..,. ,,
, i -i '* (c) Du Verd.er-Vau -Privas , cibhoth.
qu apparemment il aurait pro- fraacaisei pag_ 237.
duit autant d'enfailS que de li- * Joly reproche à Bayle de ne ipas en dire
,•1 /»a . • .«4. » davantage de Conrad Badius (qui a un article
VreS,Sll se tut mis aUoSl tût a dansleJ,c<.dep. Marchand.) Joly attribue à
l'une de Ces fonctions qu'à 1 au— C. Badius les Satires Chrétiennes de la Cuisine
tre (G) ; mais qu'il y avait long- rjfy^&f'*'- de l3z pages : ce livre
temps qu'il était auteur lorS- (</) Bèze, Histoire des Églises, fie. ri,
qu'il s'engagea au mariage. Je ne Vas- • >49-
1 . & ° , -. ° (e) Ant. Fayus in Yita Theodori Bezae,
voudrais pas répondre que cela pag._ 45
fût exactement Vrai (H). CON- (f) Cl.ev.Uier , Orig. de imprimerie
kad Badius, son fils, naquit à p"s' ' 7'
Paris , et fut s'établir à Genève. (A) Il dressa a Paris une imprime-
Il devint fort bon protestant , et rie qui lui fit honneur^ ] Le père du
... , . , '„ ,, , Moulinet nous apprend que Jodocus
il le témoigne dans 1 Alcoran des Badi|JS est le premier qui ait app0l te
(/,)'£> Valerii André* B.hliotUeci bdgic, en France les caractères ronds, et
paç. 5b$, 5«y. qu avant lui tous les imprimeurs du
royaume s'étaient, servis de caractè-
res gothiques. // vint d'Italie en l'ran-
ce environ L an îooo , tant pour y en-
seigner le grec a Paris, que pour y
établir unejort belle imprimerie, qu'il
appela Pkelum Ascensianum (i). Le
père du Moulinet oublie que Badins
s'arrêta assez long-temps à Lyon avant
que de venir à Paris. Voyez la remar-
que (H). Au reste, M. Chevillicr a
prouve, contre ce père, que l'impri-
merie de France n'a point commencé
par le gothique (*) , et qu'on y a fait
des impressions en lettres romaines ,
avant le temps de Josse Bade (2) , et
qu'encore que celui-ci ait fait un
grand nombre d'éditions en bonnes
lettres, il en a fait plusieurs en
gothiques (3)
(B) Il imprima un bon nombre d'au-
teurs classiques , avec ses explica-
tions et ses notes. ] Valère André en
donne une liste, daus laquelle parais-
sent Horace , Perse , Te'rence, Juven-
cus , Thèocrite , Salluste , Valère
Maxime , Quintilien , Aulu-Gelle , et
plusieurs traite's de Cicèron. Commen-
tant verb , sive fimiliares enarratio-
nes circumferuntur in Horatium Flac-
cum , etc. (4 )• La liste de Swert est
plus ample 5 Ovide et les tragédies de
Sénèque y paraissent (5).
(C) Il publia quelques livres de sa
façon , tant en vers qu'en prose. ] Va-
lère-André marque les suivans : Psal-
terium B. Maria, Epigrammatum li-
ber , JYovicula stullarum Mulierum ,
de Grammatii d.deconscribcndis Epis-
tolis, P^ita Thomœ a Kempis *.
(D) Si les soins domestiques ne l'a-
vaient pas détourné , il eût réussi
(1) Voyez le Journal des Sarans du 3i janvier
1684, pag. 38.
(*) Gabriel Xandé , cliap. Vil t!e «on Addi-
tion à l'Histoire de Louis XI , pag. 3 17 et 3i8
de l'édition de iS3o , prétend que ce furent les
ouvriers qui , moins (upides de l'honneur que du
profit , introduisirent le caractère solliiquc;
mais je ne sais comme il l'entend , puisque quan-
tité d'anciennes éditions que nous avons en let-
tre carrée, ne sont pas moins chargées d'abré-
viatures que le* gothiques qui leur ont succé-
dé. Rem. crit.
(2) O.hevill., Origine de l'Imprimerie de Paris,
pag. 54.
(3) Là même, pag. 108.
(4 Valer. , Andréas, Eibl. belg. , pag. 389.
(5) Swert. . in Atben. belgicis.
* Leclcrc remarque qu'on lui doit un Com-
menlum in Boettum de disciplina scholarum
imprimé dans le volume intitulé : Commentant
duplex in Boèliun, Lyon, 1498, petit in-folio.
BADIUS. 21
beaucoup mieux qu'il ne faisait. ]
Erasme en a parlé assez franchement.
I\fec infeliciler omnino cessit conatus
Badio , adest illi facilitas non indoc-
ta, feliciùs tamen cessants , nisi cura
domesticœ reique parandœ studium in-
terrupissent otitim illud Musis ami-
cum hujus taudis candi dato necessa-
rium (G). Il confirme ce jugement dans
une de ses lettres (7). Aliis liberum
erit de Badio judicare quod volunt ,
ego semper illum habui in connu nu-
méro, quorum nec eruditionem, nec. inr
genium , nec eloquentiam possis con-
temnere : tametsi non dissimula illum
longé majorent fuisse futur um , sifor-
luna benignior atium ac tranquillita-
tem stttdiorum suppeditdsset. Brixius ,
après avoir donné une idée tout-à-fait
médiocre de Badins , l'accuse de tra-
vailler beaucoup plus à gagner du
bien, qn'à devenir éloquent. Scio Ba-
dium non esse prorsùs a.<Aourov.Perùni
qualis qualis est talent se certè homi-
nibus nostris hactenus probavit , ut
quoties de dortis sermo inter doctos in-
cidit , de Badio plané oôSiit xâyoç. Il-
li , quod non inficiaris , quœstus tan-
litm non eloquentia scopus est (S).
(E) Erasme le compara.... h ButL: ,
et l'on ne saurait dire les vacarmes qui
furent faits à Paris contre celte com-
paraison.] Brixius, qui était ami d'E-
rasme, lui écrivit, sur ce sujet, la let-
tre dont je -\ iens de rapporter quel-
ques paroles. Il ne lui cache point que
les savans de Paris étaient indignés
de voir qu'on eût en quelque façon
préféré Badins à Budé : Quo major in-
dignatio nostrorum omnium animas
subit, qubdhdcin opinione , jusld de
causd quùiu sint, es istiment illum abs
te non lanlitm Badio collatum , sed et
postpositum Ea nna commissura
adeb nostris omnibus invidiosa est, ut
multorum libi benevolorum animas à
lut studio abalicndrit , ab id quod
existimanl Buda:um cum Badio com-
missum perindé esse ac si quis Achil-
lem cum Thersite commitleret(o). Eras-
me se justifia , et fit voir qu il avait
très-clairement établi la supériorité
{\r IWidé. Il s'étonnait que 1 on n'eût
(6) Erasmus, in Ciceroniano, pag. ^3.
C;) La XXVIII: du XXII". livre, pag.
117a, 1 17^.
(8) Brixius, in Epistolî ad Era^ra. inter Epis-
tolas Erasmi XXVII, lit,. XXI I , pag. 11O6.
(9) Ibidem, pag. 1168.
BADIUS.
pas aperçu cela en France, ou que si
on l'avait aperçu , on eût, tant crie' ,
et tant compose de vers satiriques.
Demiror iitlùc esse dodos , qui hœc
non videant, et si vident, magis etiam
demiror esse qui vociferentur, qui ma-
ledicis versiculis rem dignam existi-
ment. (10) Cette afl'aire fut tant prô-
née, qu'elle vint jusqu'aux oreilles de
François 1er. Si férus est rumor , sic
fremunt amici Budaei, quasi in cineres
patris ac malris illius imminxerim.
Clamant, 6 cœlum ! 6 terra ! Budasum
cum Badio ! Clamant me invidere glo-
riœ Budœi , meque multis epigram-
matiis dilacsrant.... Causa delata est
et ad régis cognitionem. folenti cog-
noscere dissidii causant , dictum est
Budaeum me taxasse in loco quodarn ,
eo me njjfensum quœsîsse vindictam ,
eumque cum Badio contulisse (n). Si
Erasme avait eu dessein de faire hon-
neur à Badius par cette comparaison ,
il fut bien trompé; car quels coups
de poignard n'enfonçait-on pas dans
le cœur de ce pauvre homme, toutes
les fois qu'on se plaignait de l'injusti-
ce que Budé avait soufferte !_ il aurait
mieux valu pour Badius qu'Erasme ne
se fût point souvenu de lui. On rac-
commoda l'endroit dans la seconde
édition.
(F) Ceux qui mettent sa mort a l'an
i526 se trompent.] Swert s'était con-
tenté de dire qu'il trouvait que Badins
était parvenu jusqu'à l'année i5a6
(12). Cela signifiait bien qu'on ne sa-
vait pas s'il avait vécu au-delà de
cette année , mais on ne prétendait
point assurer qu'il n'eût point vécu
au delà. Konig, au lieu de se servir
de celte réserve , affirme que Badius
est mort l'an i52Ô. D'autres l'ont dit
après lui. Mais qu'on voie un peu la
lettre de Brixius que j'ai citée , elle
fut écrite l'an i528 , et Badius y pa-
raît comme un homme plein de vie.
Valère André ne dit rien touchant la
mort de cet homme : M. Moréri l'a
placée environ l'an i5?.o,ou i53o, 11
s'abuse ,"car on sait qu'Erasme , dans
une lettre du mois de septembre i53o
(i3) , se réjouit de ce que la nouvelle
(10) Erasrnus, Episl. XXVIII , lib. XXII,
pag. 11-2.
(11) Erasinus, Epist. LXXII, lib. XX, pag.
io3o.
(12) Swert. , ïn Alhenis belsjicis , paq. 4qo.
(i3) C'est la XXIIIe. du XXVe. liv., pag.
l3n3.
qui avait couru de la mort de Badius
n'était pas vraie • et nous avons une
édition des Epîtres de Longolius, fai-
te par Badius, l'an i533. Gesner, dans
sa Bibliothèque, imprimée l'an 1 545 ,
observe qu'il y avait environ dix ans
que Badins était mort. Il ne l'était pas
lorsqu'on imprima à Paris le livre
d'Alphonse de Castro contre les hé-
résies; car il fut l'un de ceux qui l'im-
primèrent l'an 1 534 (i4)- La première
page du Pierre Lombard in Epistolas
Pauli, contient ceci : pro hœredibus
Jodoci Badii , 1 535 , mense decem-
bri (i5). Il n'était donc plus en vie au
mois de décembre 1 535 *.
(G) // aurait produit autant d'en-
fans que de livres , s'il se fût mis
aussitôt a l'une de ces fonctions qu a
l'autre. ] Cette pensée fut le sujet
d'une épitaphe qu'on lui composa. La
voici :
Nie, librroium f/luiimorum qui parens ,
Parens librorum plurimoruinque qui fuit ,
SilUS Jodocus Badius. est A.icemius,
Plures fuerunl liberis lamen libri,
Qitod jam senescens coepit illos gignere,
JEtaleJlorcns coepit hos qubd edere (16).
Cette épitaphe n'est point ct'lle que
l'on voit sur le tombeau de Jodocus
Badius, au charnier de l'église collé-
giale de Saint-Benoît , à Paris (17).
C'est là qu'il fut enterré (18). Si les
vers qu'on vient de lire sont un ex-
posé fidèle , il ava't suivi la maxime
de la pluplart des savans , il s'était
marié tard. Voyez le livre intitulé
Valesiana (19).
(H) Il y avait long-temps qu'il était
auteur lorsqu'il se maria... Je ne vou-
drais pas répondre que cela fût exac-
tement vrai. ] Le sieur de la Caille
m'inspire ce doute : il m'apprend
que Badius , à son retour d'Italie, en-
enseigna plusieurs gentilshommes à
I.yon , et composa et imprima quanti-
(i4) Voyez la Caille, Histoire de l'Imprimerie,
P"S -A-
(i5) Chevill., de l'Origine de l'Imprimerie de
Paris, pag. i38.
* Leclerc et Leducliat disent que Badius
mourut certainement dans le cours de i535.
(16) Swert. , Athen. belgic. , pag. 490, rap-
porte celte épitaphe comme faite fiar un ami de
Badius. Il devait dire par le petit-fils. Voyez la
remarque suivante.
(1-) Vous lapouvez lire dans la Caille, His-
toire de l'Imprimerie, pag. "}5.
(i8)Rocoles, Histoire véritable du Calvinisme,
pag. ■?. 1 .•■
(19) Pag. 5 , e'di'.ion d'Ainsterd.
BADIUS.
lé de bons livres chez Jean Trechsel ,
imprimeur de Lyon, duquel il épou-
sa la fille, nommée Theuf T^echsei
.... (20). Ce fut à tui , poursuit cet
auteur, que le savant Robert Gaguin,
vingtième général de l'ordre des trini-
taires , qui connaissait son mérite et
sa capacité pour la correction des im-
pressions , écrivit pour imprimer ses
ouvrages , ainsi qu'on le voit par la
lettre que ce général lui adresse , qui
est ii la tête de ses Jîpîtres in-4°-, l'an
de son beau-père, et arbora à ses édi-
tions /ePrelum Ascensianum pendant
plus de vingt-cinq ans (25). Perrettç
savait la langue latine , soit que son
père la lui eût enseignée , comme le
croit: M. Almeloveen (26) , soit qu'el-
le l'eût apprise à force d'en tendre par-
ler latin chez son mari. Ces deux opi-
nions ont chacune leur probabilité :
ceux qui se rangeront à la seconde
se pourront fonder sur ce qu'une sœur
de Henri Etienne , fille de Perrette
1498. Ce qui obligea Badins h venir Badius , apprit le latin sans le se
a Paris , vers l'an i499 otl '5oo *' ,
après la mort de son beau-père , tant
pour y enseigner la langue grecque ,
ijue pour y rétablir l'art de l'imprime-
rie , qui commençait h décliner. 11 ré-
sulte de ce passage, que Badius était
marie en i5oo. Or il n'avait encore
que trente-huit ans : on ne peut donc
pas dire qu'il ait différé sou mariage
jusqu'à la vieillesse ; jam senescens
cœpit illos giçnere ; et cependant c'est
Henri Etienne, son petit-fils, qui l'as-
sure *% car c'est Henri Etienne qui est,
fauteur de cette épitaphe latine , et
d'une épitaphe grecque, qui roule sur
la même pensée. Jodoco Badio ele-
cours de la grammaire, et par la seu-
le voie de l'usage. C'est que la maison
de Robert Etienne était remplie de
gens qui parlaient toujours latin , ce
qui fit que les servantes mêmes acqui-
rent l'intelligence de cette langue.
Voyez l'Épître dédicatoire de l'Aulu-
Gelle de Henri Etienne, vous y trou-
verez ceci; l'auteur s'adresse à son
fils : Av'uc tuœ eorum qiuv latine di ■
cebanlur ( n'ai rariiis aliquod vocabu-
lutn intermiscerctur ), haud drffieilior
erat intellectus , quant si dicta ser-
monc gallico fuissent. Quid de su-
perstite sorore me a , amitd aulem tud,
nomine Katharind dicam ? llla quo-
gantissimis fusce epilapliiis parentavit que eorum quœ latine dicuntur inter-
ex filid nepos Henricus Slephanus , prêtent non desiderat : multa vero et
quœ propter elegantiam non potui non ipsa eodem loqui sermone potest ; et
adscribere (21). Ces épitaphes se trou- quidem ita ( licet nonnunquam impin-
vent dans le livre de Henri Etienne gat ) ut ab omnibus inlelligatur. Un-
ie Ar\is typographicœ Querimoniâ. de illi hœc latinœ linguœ cognilio ?
M. Almeloveen les rapporte toutes
deux, avec une autre latine du même
auteur, dans sa curieuse dissertation
de Vitis Stephanorum
Artcm certè grammalicam haud. ma-
gistram habuil , nec alius illi hâc in
re quant usas prœivit. Il explique ce
f|u il entend par cet usage: c'est que
(I) Trois filles de J. Badius furent les imprimeurs et les correcteurs de
mariées a de fameux imprimeurs.^ Ca
Iherine Badius , fille de Jocodus , lut
mariée à Michel Vascosan (22). Per-
rette Badius , autre fille de Jocodus ,
fut femme de Robert Etienne ( 23 ).
Jeanne Badius , sa sœur, épousa Jean
de Roigny (24) , qui prit la marque
(20) Histoire rie l'Imprimerie , pag. 72, 73.
*' Leclerccite une Epître dédicaloircdatée Je
Lyon en juin l5oi. Ce ne fut qu'après qu'il vint
à Paris. Le premier livre sorti de son imprimerie
est de la fin de i5oi.
*a Sur ce témoignage, Leclerc croit le maria-
ge de Badins postérieur à i5oi.
(il) Almeloveen, de Vitis Steplianorum, pag.
18.
(22) La Cnille, Histoire de l'Imprimerie, pag.
(?.3) Là même, pag. 96.
• 2^) L't même , pag. io5.
Robert Etienne ne parlaient que lu-
tin.
( K ) J'ai ignoré pendant quelque
temps ce que voulait dire un moderne
qui semblait accuser Henri Etienne
d'avoir censuré Josse Badius.] J'étais
dans cette ignorance , pour n'avoir
pas entendu une période française du
sieur la Caille; mais, enfin, je l'ai
comprise, ce me semble. Cette pério-
de contient ces termes : « Voyons
» son épitaphe, rapportée par Henri
» Etienne, dans le livre qu'il a i m
» posé de Arlis typographicœ Que-
» rimonid , imprimé par le même
(î5) Cbevillier, de l'Origine de llraprinicriu
de Paris, pag. 1 38.
(26) Almeloveen , de Vitis Steplianorum ,
24
B A DU EL.
j> Etienne, en i56g, où il y a plusieurs flata. Il est apparent que le livre dont
•>•> plaintes adressées audit Badius, tant
3> en grec qu'en latin (27 ). » J'avais
d'abord cru qu'on voulait dire que
Henri Etienne faisait cent reproches
à Badius , tant en langue grecque ,
qu'en langue latine , d'avoir gâté le
métier ; mais faisant réflexion qu'il
était son petit-fils , et ne trouvant
rien contre Badius dans la Querimo-
nia Arlis typographicœ , que M. Al-
meloveen a publiée, je demeurais fort
en suspens. M. Alnieloveen m'ayant
assuré qu'il n'avait rien retranché de
la Querimonia , a été cause que j'ai
relu tout de nouveau la période , et
que j'ai compris que, tant en grec
qu'en latin, se doit rapporter peut-être
non pas à plaintes , mais à epitaphes .
Enfin , j'ai pu consulter cet ouvrage
même de Henri Etienne ( 28 ). J'y ai
trouvé, i°. une préface en prose con-
tre l'ignorance des imprimeurs; 2°. un
poé'tne où l'on introduit l'imprime-
rie qui se plaint de sa décadence ;
3°. l'e'pitaphe , tant en grec qu'en la-
lin , ou en latin seulement , de quel-
ques doctes imprimeurs. Je n'y ai
point trouvé de plaintes , ni contre
Badius , ni adressées à Badius : cet
Valère André fait mention ne diffère
point de celui-ci ; ou que tout au
plus , il n'en diffère que comme une
partie est différente du tout. Je crois
aussi que l'ouvrage publié par Badius
en i5i3 est tiré de celui qui est intitu-
lé IVavis Narragoniœ , et dont l'au-
teur est Sébastien Brandt (3i) , natif
de Strasbourg , professeur en droit ,
et bon poète pour ce temps-là , qui
était la fin du XVe. siècle. Voyez dans
la Bibliothèque de Gesner (32) , ce
que c'est que Navis JVarragoniœ ou
JYtivis stultorum.
(3i) OuTilio.
(Sa) Gesneri BihliotVicca; folio 5q3.
B ADUEL ( Claude ) , en latin
Baduellus , a vécu au XVIe. siè-
cle. Tl était de la religion , com-
me il paraît par la traduction
latine qu'il fit de quelques ser-
mons de Jean Calvin , et qu'il
publia à Genève; comme aussi
par les Actes des Martyrs , qu'il
fil imprimer en latin dans la
même ville, l'an i556 (a) Je ne
endroit du sieur la Caille est une énig-
me pour moi , s'il n'est pas une mé- doute point qu'il n'ait enseigné
prise. Se faut-il étonner que les lan- les belles-lettres dans le collège
gués mortes , avec ce grand attirail
de transpositions qui leur est permis,
aient tant d'obscurités à notre égard:
la nôtre ne nous jetfe-t-elle pas dans
les ténèbres , dés qu'on se relâche sur
l'arrangement naturel des mots?
(L) Il y a apparemment une faute
dans un des Hures que f^alère André
lui attribue.^ Il lui donne un ouvrage
intitulé , Ffavicula stultarum mulie-
rum (29) , et n'en marque , ni le lieu ,
ni le temps de l'impression : il s'est
contenté de copier à cet égard le Ca-
llége
de Nîmes , car on trouve parmi
ses ouvrages imprimés Oratio
ad instituendum Gymnasium
neniausense de Studiis Liltera-
rum, et une autre pièce intitu-
lée de Collegio et Universitate
nemausensi. Il écrivait bien en
latin, et il était bon orateur*,
bon père et bon chrétien. Ces
deux dernières qualités parais-
talogue de Swèrtius. J'ai été averti (3o) sent beaucoup dans son Epistola
que Badius publia en i5i3 un livre parœnetica ad Paulum filium
qui est intitule LVavis slultiferœ col- "S n _ • • , tt 1
lectanea ab Jodoco Badio Ascensio
vario carminum génère, non sine eo-
rumdem familiari explanalipne con-
(27) La Caille, Histoire de l'Imprimerie,
pag. :4-
(28) M. Almeloveen , qui prèle si obligeam-
ment ses litres, a eu la bonle' de m'envojer l'Ar-
tis typograpliicae Querimcuia.
(29J Voyez la remarque (C).
(3o) Par M. Je !a Coste, ministre hollandais.
de vero Patrimonio et Hœredita-
te quant christiani Parentes
suis Liberis debent relinquere.
Je vous renvoie, touchant les ti-
(«) Frisii Epilome Bibliothecae Gesneri,
pag. i5o.
* La latinité de Baducl m'a paru très-mé-
dionre, dit Joly, et l'écrivain assez froid
orateur.
BADUEL. 25
très de ses autres livres, à l'É- seils touchant le choix d'une femme à
pi tome
Gesner
de la Bibliothèque de
mais je dirai quelque
chose du traité qu'il publia sur
le mariage des gens de lettres (A):
et j'observerai que les abrévia-
teurs de Gesner n'ont pas mar-
qué tout ce qu'ils devaient, car
ils ne disent point que Baduel
ait composé en latin Y Oraison
funèbre de la dame de Saint-J^é
ran
bliothéque
des Notes sur les livres apo-
cryphes , imprimées à Londres
l'an 1660.
ceux qui voudront conjoindre, comme
il les y exhorte puissamment , les
plaisirs d'un doux hymen avec la pro-
fession des lettres. Il dit que Guillaume
Bigot, homme bien versé dans les ma-
tières de médecine et de physique ,
avait promis un traité , qui devait
montrer que le mariage est nécessaire ;
c'est-à-dire, selon la pensée de Baduel,
que l'homme, sans le mariage, ne
saurait vivre en santé. Guillelmus
Bigolius , dit-il (4) , qui in medicis ac
physicis diligenler uersalur , summum
(b). Le catalogue de la bi— hariun rerum habet scienliam , ali-
théque d'Oxford lui attribue quandà promis* se de conjunctione
matrimonii usuque ejus necessano
scripturum. Necessarium (npinor) in-
telligit , sine quo homo non potest va-
lere. Itaque eam parlent naturœ , con-
jugium ad bonam corporis constitu-
tionem appetenlis , nos ei explicandam
relinquamus : in quo ualdè prudenter
, traduite en français par Charles , ^ . cflJjj COTnmoduMem ex legi
, fut imprimée a Lyon, l an iDao. J „ .
(b) Elle était fille du premier président du
parlement de Toulouse. Cette Oraison fu-
nèbre
Rozel
Voyez la BiLliotb. de Du Verdier.
(A) Je dirai quelque chose du traité
qu'il publia sur le mariage des gens
de lettres. ] en voici le titre : De Ra-
tione vitœ studiosœ ac litteratœ in ma-
malrimonio collocandœ ac degendœ.
l\ fut imprimé à Lyon , chez Sébastien
Gryphius , Tan 1 554 > "*~4°- > e'- réim-
primé à Leipsick , l'an 1S77 , et l'an
i58i (1). Cette dernière édition est
de i43 pages in -8°. Un professeur
de Leipsick , nommé Grégoire Bres-
tnan ,y a mis une préface où l'auteur
et le livre sont fort loués. Il est cer-
tain que c'est un écrit tout-à- fait
sensé et plein de bonne morale. Ba-
duel le dédia à M. de Masencal(2), pre-
mier président au parlement de Tou-
louse. Il y relève l'excellence du ma-
riage, et y montre les désordres qui
accompagnent pour l'ordinaire le cé-
libat ; et il réfute ceux qui disent que
le mariage ne convient pas aux gens
de lettres , vu que c'est un état qui
les détourne de l'étude , et qui ne leur
permet pas de s'y appliquer tout en-
tiers. Il nous apprend (3) qu'il avait
choisi cet état, et il y donne des con-
(1) C'est ce qui a fait faussement croire à
M. Konig, que Baduel l'avait composé en i5Si.
)roiez sa Bibliotheca vêtus et nova.
(2) Ad Juannem Massccalum.
(3) De K.itione Vita: studiosa: iu maliimonJo
collocandœ , p ag. 3.
timâ uteris conjunctione , cjusque mo-
derald consueludine , petendam esse
dnceat : et ea incommoda oslendat quœ
ex liberis Mis ac dissolulis scortatio-
nibus humants corporibus milita et
magna afferuntur.
Pour bien caractériser cet ouvrage ,
j'emprunterai quelque chose du pro-
fesseur de Leipsick , qui en a procuré
une seconde édition. Il remarque ,
qu'il n'y a rien de plus important
dans la conduite de la vie , que de
consulter les règles de la prudence ,
mais qu'il y a peu de gens qui les con-
sultent, lorsqu'il est question de ma-
riage , la chose du monde où il est le
plus difficile de délibérer prudem-
ment (5). On s'y engage par l'impé-
tuosité de la jeunesse 5 on n'écoute
que les conseils de la passion , et ce-
pendant c'est une affaire où les fautes
sont irréparables. Plerique vigentis
adolescentiœ annis , ajoute-t-il (6),
cuni inest maxima consilii imbecilti-
tas alque imperilia , cœco quodarn
amoris impelu commoli ac fervore ju-
venili inflammati , antè implicantur
conjugio , quant quod illud viliv genus
sit judicare potucrunt. fllulti formas
(4) Ibidem ,pag. 47, 48.
(5) In deliberatione de contrahendo malrimo-
nio, quœ est una omnium dijficilluna. Ciegor.
Iïromanus , frœjaiionc adlectorem.
(0; Gregor. Bresmanus, Prafatione ad lec-
loretn,
s6 BAGNI.
venustate allecti , plures dotis magni- à Paris, l'an i548, in ■ 8°. , Traité
ludine inescali , neque pauci splendo- très-Jruclueux de la Dignité du Ma-
re generis fascinait , his autoribus et riage et de Vhnnneste Conversation de*
consuasoribus agunt omnia Çuos, Gens doctes et lettrés.
meo quidem judicio , salins erat , cuni
animis suis considérantes illud Pubhi
Syri , deliberaudum est diù quod sta
tuendum est semel ; et hoc item aile
rum , deliberare utilia , mora est lu
BAGNI (Jean François) a vécu
au XVIIe. siècle. Il fut élevé au
cardinalat par le pape Urbain
tissima , diù secum mullùmque delibe- VIII Fan 1629 , à la recomman-
rare , atque ad naturœ suce rationem- dation de la France (a). M. Mo-
que uitœ institutum consilium conferre rér[ par]e <Je luj assez ampIe_
omne prœserlim cum in deligendo nia- / £ ■
•p
îrimonio
ment, mais non
faire
, si quid erroris' accideril "">"••» wma nun pas sans
(accidit autem sœpissimè) non quod des fautes , qu'il sera bon de re-
aliis in rébus facere in pro??iptu est , marquer (A). Ce cardinal avait
cum quis forte se errasse intelligit, ra- pass^ jus ^'emplois que
iionem et consiuorum mutationem in- m m ' • > - v
stiluere cuiquam sit integrum : sed aut M* Moren n en indique , comme
stultitiœ posnam luere , aut negligen- on le verra dans nos remarques.
tiœ culpant prœstare oporleat sempiter- On a dit de lui ¥ une cbose dans
nam. Etant donc si nécessaire , et en je Sorberiana , qui est fausse en
même temps si rare de s engager pru- 1 • ., * ,T,. T,
déminent dans cet état, on croit ren- Prieurs manières (B). Il avait
dre un service signalé au public , en un frère, qu'on nommait le mar-
faisant réimprimer le livre de Baduel, quis de Bagni (C) , et qui fut gé-
puisque Ton y trouve les meilleures ne'ral Jes troupes du pape dans
puisque 1 on y
instructions du monde , et nommé-
ment le conseil de recourir par des
prières ardentesaux lumières du Saint-
Esprit. L'auteur de la Préface soutient
qu'il faut commencer par-là , quand
on délibère sur un point si délicat et
si périlleux. Qui hanc uitœ conjuga-
lis viam ingressuri sunt , opérant ante
omnia dabunt , ut Deum sibi consilia-
rium , atque in rei tam arduœ consulta-
tione , atque effectione moderatorem ,
pid ac religiosd nominis divini implo-
ratione asciscant de qud unius et
trini Dei , in coëundo conjugio ardenti
invocatione diligenter faciendd , prœ-
ter complura alia prudentiœ et circum-
spectionis et caulionis in hoc vitœ gé-
nère constituendo prœcepta sedulô le-
nenda , pie , sapienter , et eraditè ad-
modiim , in hoc quem tibi , leclor
bénévole , de alieno largientes offeri-
mus , libello disserilur.
Cet ouvrage de Baduel a été traduit
en français par Guy de la Garde (7) ;
mais s'il n'a pas mieux réussi dans la
version de l'ouvrage que dans la ver-
sion du titre , ce doit, être peu de
chose. Il intitule sa version , imprimée
(7) Lieutenant particulier en la sénéchaussée
de Provence , au siège d'Arles, f^ojez la Bi-
bliothèque de la Croîx-du-Mnîne , pag. i34 , et
celle de du Verdier, pag. 532.
la Valteline, l'an 1624.
(a) Ministère du cardinal de Richelieu, à
l'année l63o, au commencement.
* Ce n'est pas de lui, mais de son neveu,
dit Leclerc.
(A) Moréri parle de lui et
fait des fautes qu'il sera bon de re-
marquer.^ Il dit, i°. que le cardinal
Bagni était des comtes de Guidi. C'est
prétendre que le nom de sa famille
était de Guidi ; mais il ne fallait point
séparer le nom de Guidi de celui de
Bagni, ou à Balneo. Naudé ne les sé-
pare jamais • 1". qu'il naquit le 4 d'oc-
tobre 1573. Cela ne s'accorde point
avec un auteur dont l'exactitude est
un garant mille fois plus assuré que
M. Moréri (1). Cet auteur met la mort,
du cardinal Bagni au i\ de juillet
164 1, et lui donne soixante- seize ans
de vie. Il met donc sa naissance à l'an
i565; 3°. que Clément VIII envoya
Bagni en France , pour y féliciter
Henri-le-Grand sur son mariage avec
Marie de Médicis. Ce n'est point cela.
M. Moréri n'a point entendu Thoma-
sin, qu'il a cité. Il pouvait lire dans
cet auteur que le cardinal Aldobran-
(i) Baillet, Vie de Descartes
119.
tom. 1 , pag
BAGNI.
27
<lin , légat de Clément VIII en France,
taût au sujet du mariage de Henri IV ,
que pour la paix de Savoie, avait à sa
suite Jean François Bagni. Voilà en
quoi consistait la prétendue dépura-
tion de cet homme ; 4°- M- Moréri
multiplie plus qu'il ne faut les non-
ciatures de Bagni : il veut qu'on Tait
envoyé deux fois nonce en France ,
une fois sous Grégoire XV, et une
fois sous Urbain VIII ; et qu'outre
» vos mérites , et vivant dans le repos
» que les fondions publiques heureu-
» sèment exercées en Sept gouverne-
» mens , une vice-légation , et deux
» nonciatures , vous y ont acquis, je
» n'ai pas cru , etc. » Il fut envoyé
nonce à Bruxelles par Grégoire XV,
et en France par Urbain VIll. Thoma-
sin et Moréri sont tous deux en faute :
ils n'ont su débrouiller un fait le plus
facile du monde à bien raconter. Ce
cela Grégoire XV l'avait envoyé fut pendant la nonciature de France,
nonce en Flandre- Thomasin en dit que Bagni fut élevé au cardinalat.
Gassendi conte, qu'au printemps de
l'année i63i , il passa par la Provence
pour s'en retourner à Rome , et qu'il
alla voir son ancien ami M. de Pei-
rese. ferè novo cardinalis a Balneo ,
UD peu moins , et se contente de dire
que Bagni fut envoyé à Paris par
Grégoire XV, en qualité de nonce ex-
traordinaire; et qu'il alla de Paris en
Flandre, pour y faire la fonction de
nonce ordinaire. Gassendi en dit moins utrdque sud legatione functus , et ac-
que Thomasin : il dit que Bagni, al- cepto Parisiis purpurato pileo , /fi-
lant à la nonciature de Bruxelles , pas- ,,mm rediit (4) H amenait avec lui le
sa par Paris , et y vit incognito tout docte Gabriel Naudé. 11 continua à Pa-
ce qu'il y eut à voir. Transit sub id fis les fonctions de nonce , pendant.
tempus (c'est-à-dire , au mois de juillet plus d'un an depuis son élévation au
1621). Parisiis memoratus supra vice'- cardinalat, et se mêla en particulier de
legatas à Balneo , pontifiais nuncius
destinai L's in Fltuuh ïam , qui c'unt vel-
let singularia quoique in urbe spectare,
sed tamen quasi iNCOGNiTus , conano-
dum prqfecto convaluit Peireskius ,
qui ipsum varié deduceret ad ertulitos,
la pacification des diflérens qiu ré-
gnaient entre la reine-mère et le car-
dinal de Richelieu (5),
Un mémoire manuscrit de M. Bau-
drand porte i°. qu'il ne fut point fait
cardinal à la recommandation de la
ad i/tusœa, ad opéra omnia rariora (a). France, quoiqu'on l'assure dans l'His-
Je sais bien qu'il a été nonce en toire du ministère du cardinal de Riche-
France , mais ce fut. dans un autre
temps. Le même Gassendi racontant
les connaissances que lii M. de IVircsc
avec des hommes illustres l'an 1G14 ,
dit ceci de notre Jean François Bagni.
Unusj'uit Jnannes francisais Vidius
lieu, mais purement par le pape, connue,
nonce du saint - siege , qui est ce que
l'on accorde fort souvent aux nonces eu
France , en Espagne , et a la cour de
l'Empereur; a°. qu'il v a erreur dans
ces paroles de Gassendi , que j'ai rap-
a Balneo , palracensis archiepiscopus , portées (6): Accepto Parisiis purpu
ralo pileo , Romani rediit. « Le pape
» n'envoie point le chapeau rouge aux
» cardinaux qu'il fait , mais il faut
» qu'ils l'aillent quérir à Home ; car le
a pape n'envoie que la ealote, d'abord
» par le courrier , et ensuite le bon-
» net ronge par un de ses eamériers
» Ainsi les cardinaux de Richelieu et
» Mazarin n'ont jamais eu le chapeau
)> rouge , parce qu'ils ne furent pas à
» Rome depuis leur promotion. Il n'y
11 a eu , depuis plus de cent vingt
» ans, que le cardinal Infant, à qui
et per en tempora ai'enionensis vice-
legalus. Singidaris enim deinceps ne-
cessitudo intercessil seu donec ille
Avenione degit , seu ciim est versa-
nts peri/lustris nuncius tant apud prin-
cipes Belgarum , quant apud regem
christianissimum, seu postqu'amj'aclus
est cardinalis rarœ ac speclalœ virtu-
tis (3). 11 est très-certain que Bagni
avait été deux fois nonce j car Naudé,
qui fut longtemps son domestique et
son bibliothécaire, lui parle ainsi, en
lui dédiant ses Coups d'état : « Moh-
» sEir.NEUR , puisque vous êtes main-
» nant à Rome, jouissant des hon-
» ncurs qui servent de récompense à
(2) Gassend. , in Vità PeiretUi, db- III ad
nnn. 1621 , pag. 2S9.
(3; Ibidem, rag. rii.
(.',) Gauenai, in Vitâ PefresVii , lit. IV , a I
nnn, 16 1 , pag. io-.
l'Histoire «tu cardinal île Ricbèliea,
par A::bcry, ton:. I , pag. :ti4 , '' 2'9i '
de Hollande , 11-12.
'i-âeisus , citation (4).
>s
BAGNI.
3> le pape envoya le chapeau rouge en de Dieu , et la force de l'éducation ,
3) Espagne , par une faveur particu- la lecture des Conciles ferait cent fois
» hère, à cause du roi d'Espagne, plus d'incrédules que de chrétiens. Il
3> son frère. » Tout cela est bien eu- n'y a point d'histoire qui fournisse
rieux , mais néanmoins M. Baudrand plus de sujets de scandale, ni un théâ-
n'a point dû trouver de fautes dans tre plus choquant de passions , d'in-
les paroles de Gassendi, puisqu'elles trigues , de factions, de cabales et de
ne signifient pas que ce cardinal avait ruses , que celle des conciles (9).
reçu le chapeau rouge : elles signifient Ceux qui ont publié le Menagiana ,
seulement qu'il avait reçu le bonnet ont oublié un bon mot que j'ai ouï
rouge. Gassendi se sert du mot pileo. p]us d'une fois aux mercuriales de
et non pas du mot gulero. On dit M. Ménage. On y citait un homme
que Paul V dérogea à l'usage intro- d'esprit qui, lorsqu'il entendait dire,
duit par Sixte V , et cela en faveur du fjn tel fut condamné dans un tel con-
cile, s'écriait : C'est une preuve qu'il
n avait pas su cahaler aussi bien que
ses adversaires , oit qu'il n'avait pas
comme eux, l'appui du bras séculier.
Ceux qui connaissent la religion de
Sorbière ne doivent - ils pas être bien
édifiés de son oplimè ?
(C) Il avait un frère qu'on nommait
sieurs manières.'] On prétend, qu'à la le marquis de Bagni.~\ M. Baillet as-
vue des Conciles imprimés au Louvre sure que ce marquis était frère du car-
en XXXVII tomes , il s'écria : Jem'é- dinal Jean François Bagni ; et qu'ayant
tonne qu'il y ait encore des héréti- quitté l'épée , il s'avança dans les di-
ques en France. Où est le chrétien gmtés ecclésiastiques jusqu'au cardi-
duc de Lerme , à qui il fit donner à
Madrid le chapeau de cardinal et
l'anneau , en 1618 , ce duc étant âgé
de soixante et dix ans (7). Voyez le
chapitre XI du XVe. livre de l'Histoire
du concile de Trente de Pallavicin.
(B) On a dit de lui une chose dans
le Sorbériana , qui est fausse en plu-
qui désormais puisse n'être pas catho-
lique ? Sorbière admire cette pen-
sée •' Optimè cardinalis Banius in
Gallici nuncius , dit-il, dum 3^ vol.
Concil. cemeret typis regiis impressa,
aiebat : « Miror undè jam in Galliâ
}> hœretici fiant ; quis enim hypothe-
» sium christianarum servans potest
» non esse calholicus (8) ? » Il est
faux que ce cardinal ait vu ces
XXXVII tomes. Il mourut l'an 1641 ,
et cette édition des Conciles est de l'an
i644- Mais s'il avait dit ce qu'on lui
impute , il eût débité une très -fausse
pensée ; car il n'y a rien de moins pro-
pre à la conversion des hérétiques ,
qu'un ouvrage de plusieurs volumes ,
que XXXVII tomes de Conciles. De
dix mille protestans , à peine s'en
trouve-t-il deux, qui puissent lire une
page dans cette édition du Louvre ,
et parmi ceux qui entendent le latin ,
la plupart n'ont ni le goût ni la pa-
tience
nalat, dont il fut pourvu l'an 1657 (10).
Il avait été nonce en France, durant
tout le pontificat d'Innocent X, et les
deux premières années d'Alexan-
dre Vil H mourut a Rome le
a3 d'août i663 , âgé de quatre-vingts
ans (11). M. Baillet trouve vraisem-
blable que M. Descartes l'alla voir à
la Valteline : il fonde sa conjecture
sur l'attachement de ce marquis pour
les études de physique (13). Ce qu'il y
a de bien certain, c'est que M. Des-
cartes était fort connu et fort estimé
du cardinal Jean François Bagni (i3).
Le Mercure Français rapporte que le
marquis de Bagni , auquel sa sainteté
avait donné le pouvoir de commander
les gens de guerre qui étaient a la Val-
teline , était reconnu pour partisan
d'Espagne, issu de la maison des Co-
lonnes tout -à -fait espagnole, chef
ibelins en la Romagne , et
des gibelins en la tiomagne , ei qui
avait toujours été pensionnaire d'Espa-
nécessaires pour entreprendre gne f ayant en cette qualité accompa-
iaste lecture. On n'ôterait pas , , „. , ,„-. j„ ;•„.„>/» nes-
j r (n) Voyez la remarque (ri; de l article 11 «.s
une si v
l'inconvénient par des versions en
langue vulgaire ; car, où sont lesigno-
rans qui ne se perdissent sur une
mer comme celle-là ? Sans la grâce
(7) Mercure Galant d'avril 1706, pag. 109.
(8) Sorbériana, pag. 5i , e'dil. de Hollande-
Vie de Descartes, tom. I , pag.
(«))
TORICS.
(10) Baillet,
161.
(11) La même, pag. 119, 120.
C12) La même , pag. 119. Voyez aussi pag.
161.
(i3) La même, pag. 253, 254, 3oo, 3ot
el 3o2
BAI US. 2g
site le connétable Colonne au vova~ «ac mninc «„„~ j î 1
>■» ^. •-. •> ^ Pas moins recommandahlp ™r
ge qu'il fiten Espasne d y a quatre l i cvviuuiduuduie pal
n/w(i4). ses bonnes mœurs, par sa piéfcf,
(l4) Mercure Français, tom. X, pag. j70 à P31" .Sa m°deStie , CfUe par SOU
l'ann. i6a4, «fiant '« Gazettes de Venise. esprit et par sa SCieilCe (è). Il
BAIUS (a) (Michel), professeur avait lu neuf fois les œuvres de
en théologie à Louvain , était saint Augustin (f). Il composa
né à Melin, dans le territoire dlvers ouvrages de théologie (B),
d'Aeth , l'an i5i3. Il se distin- fIul sentaient cette lecture (g) ,
gua de telle manière par ses pro- et, ou ^ on prétendit avoir trou-
grès , et par la sagesse de sa cou- v.e' un grand nombre de proposi-
duite pendant le cours de ses tlons <Iue '.e PaPe Pie V censura
études à Louvain , qu'il ne sortit (^)- ^ écrivit aussi quelques li-
de la condition d'écolier que vres ^e controverse contre ceux
pour passer à celle de principal tle. la reiIgion (D). Il eut tant de
de la maison de Standonck {b). déférence pour la censure du pa-
Ayant eu cette charge pendant Pe(E), quoiqu'il ne crut pas avoir
trois ans , il se mit à enseigner enseigné aucune hétérodoxie ,
la philosophie, et après qu'il eut (lu'^ ne voulut point que les li-
donné six années à cette profes- vres fIue 'on. prétendait conte-
sion , il obtint la charge de prin- mr *es propositions censurées fus-
cîpal dans le collège du pape sent réimprimés (h). Valère
l'an 1 549(0). Il prit cette même André a fait plusieurs fautes en
année ses licences en théologie. PaHatit de cette censure (F). On
Deux ans après, il reçut le doc- fait espérer une nouvelle édi-
torat , et devint professeur royal tion ^es œuvres de Michel Baïus.
de l'Écriture. Il fut en i563 l'un Elle contiendra plusieurs pièces
des théologiens que le roi d'Es- clm "'ont jamais été imprimées,
pagne envoya de Louvain à Tren- 9e'lu (lm ^es a rassemblées l'en-
te (A). Il se fit admirer dans le richira de beaucoup de notes
concile. Il obtint le doyenné de théologiques et historiques. 11 a
Saint-Pierre-de- Louvain , l'an confronté les éditions des ouvra-
1575. Au bout de trois ans, on ges de cet auteur avec les manu-
lui conféra la dignité de conser- sent* qui s'en trouvent dans de
vateur des privilèges de l'acadé- Donnes bibliothèques. On a vou-
mie (d). Son épitaphe porte qu'il m ^'re fIue Michel Baïus , pour
fut chancelier de la même aca- se venger des jésuites , qu'il
demie , et inquisiteur général croyait avoir été les promoteurs
dans le Pays-Bas. C'était un fort de Ia censure de sa doctrine, em-
habile homme , et qui n'était P'ova tout son crédit à Louvain,
pour y faire censurer les dogmes
(a) il est plus connu sous ce nom latinisé, de Léonard Lessius (/'). Je ne dois
qw sous celui de de Bay, qui était son nom
véritable. (e) Voyez la remarque (H).
(4) C'est le nom du fondateur. (f) Swert. , in Athen. belg., Valer. An-
(c) Je corrige ainsi Val. André'; car son àré.
nombre cid. io xcv, est une faute très-ab- (?) ftfjra la remarque (E).
surde des imprimeurs. h Valer. Andréas , in Biblioll.ecâ belgicâ
(d)Ex Valer. André* Bibliotb. belgicâ , P<>g- 67 ' •
P"Z-67<>- (i) Voyez f'Apolugie des Censures de;
3o BAIUS.
point passer sous silence que l'on tient plusieurs détails instructifs,
ménagea son honneur dans la et plusieurs choses qui mène-
bulle de Pie V (G). Son testa- raient loin les faiseurs de ré-
ment fut une preuve de sa gran- flexions. La remarque que je
de charité (H) ; car il laissa tous donnerai touchant cetle édition-
ses biens aux pauvres (k). Il fon- là contient un bon supplément
da un collège à Louvain , et le de cet article*. Celui qui l'a pro-
mit sous la protection de saint curée a été fort maltraité par le
Augustin (/)• H mourut le 16 de pèreDez, jésuite, dans un ouvra-
septembre 1589 , âgé de soixan- ge composé exprès pour défendre
te-dix-sept ans, et fut enterré l'église romaine contre les in-
dans le collège du pape , où il jures de cet homme-là (r).
avait été long-temps principal.
Jacques Baïls , son neveu -, doc-
teur en théologie , lui fit dres-
ser un monument , avec une
belle inscription {m). Ce neveu
marcha sur les traces de son on-
cle. Sa promotion au doctorat
en théologie est de l'an 1 536 (n).
Il fut souvent député pour les
affaires de l'académie de Louvain,
et s'acquitta sagement et habile-
ment de ces commissions (0). Il
fut doyen de Saint-Pierre dans
la même ville , et professeur
royal d'un catéchisme {p). Il
publia quelques traités (I). Il
destina tous ses biens aux usages
d'un collège (K) , et décéda le
cinquième d'octobre 161 4(50-
La nouvelle édition des œuvres
de Bains , de laquelle j'ai parlé
comme d'une chose à venir , a
paru depuis la première impres-
sion de ce Dictionnaire (L) , et a
été condamnée à Rome par la con-
grégation de V index. Elle con-
deux universités, publiée par M. Gery ,
l'an l638.
[k) Swert. , in Athenis belgicis , pag . 565.
(/) Idem, ibid.
(m) Vous la trouverez dans Swert, pag .
565.
(n) Valer. Andréas , Eibl. belg., pag. /joi-
(p) Swert., in Athenis belgicis, pag-. 355.
(p) Valer. Andréas , Bibl. belg. , pag. /joi.
, Idem , ibid. , Swert dit le 9 d'octobre.
* Sur cet article Baïus, Leelerc dit que
borné comme il est à un petit nombre de
feuilles, il ne lui est pas possible de corriger
au long cet article. Il observe seulement que
le sieur Gei y « que Bavle a trop copié » , est
un auteur qui ne mérite aucune créance.
Joly ne fait aucune observation sur cet ar-
ticle.
r) Quibus eam affecerat Baii nuperus
edilor.
(A) Le roi d' Espagne l'envoya de
Louvain à Trente. ] Voyez dans le
Cardinal Pallavicin tous les ressorts
qui relardèrent , ou qui avancèrent
la de'putation de Michel Baïus (1).
L'historien de Comrnendo na passé lé-
gèrement sur cela , et avec trop de
flatteries (2) ; mais celui du concile
débrouille fort nettement toute l'in-
trigue de Commendon , et ne lui
donne que ce qui lui appartient. Ce
nonce étant à Bruxelles, l'an i56i ,
prit connaissance des différens qui
avaient paru à Louvain , sur ce que
Baïus et Hessels ne suivaient point la
route ordinaire dans le dogme du
franc arbitre , dans celui des œuvres ,
et dans quelques autres. Ces deux doc-
teurs avaient gardé le silence pendant
quelque temps , par déférence pour
ceux qui leur donnèrent des a%is;
mais quand ils surent que la Sorbon-
ne , à la sollicitation des cordeliers ,
avait censuré XVJII propositions , el
qu'ils se virent exhortés par leurs dis-
ciples à soutenir cette cause, ils se
préparèrent à la défensive. Commen-
don arrêta cette grêle d'écritures, non
pas ses beaux discours, comme Gra-
(1) Pallav. , Historia Concilii tridentini, lib .
XV , cap. VU.
(2) Antoine Marie Gratiani , Vie du cardinal
Commendon, traduite par M. Flécbier, pag.
i58.
BAIL S.
3i
tiani l'affirme , mais parce que les let-
tres qu'il écrivit furent cause que le
pape donna ordre au cardinal de Gran-
velle d'imposer silence (3).
(R) // composa divers ouvrages de
théologie.'] 11 en publia quelques-uns ,
dont voici les titres , tels que je les
1 rouve dans Valère André : De Merilis
Operum libri II ; de Prima Ilominis
Justitidet T^irtutibus Impiorum lib.II;
deSacramenlis in génère, contra Cal-
uinum ; de Forma Baptismi. Tous ces
traités furent imprimés ensemble à
Louvain , Tan i565. On y imprima ,
i année suivante , ceux-ci : De libero
Hominis Arbitrio liber I; de Charitate,
Justitiâ et Justifïcatione, libri III ; de
Sa.crifi.cio, liber I; de Peccaln Originis,
liber I; de Indulgentiis , liber I; de
(Jralione pro Defùnctis, liber I.
(C) Où l'on prétendit avoir
trouvé un grand nombre de proposi*
ttons que Pie f condamna. ] Je n'ai
pas voulu dire où l'on trouva , car la
question de fait n'est pas encore vi-
dée , et je vois que Michel Caïus est
bien éloigné d'accorder qu'il eût en-
seigné ce qu'on lui attribuait. Cepen-
dant , dit-il (4) , entre ces proposi-
tions (5) , il y en avait quelques-unes
•ri éloignées de nos sent i mens ; d'au-
tres que nous n'avions jamais soute-
nues ni traitées en aucun sens ; mais
toutes, on au moins la plupart, étaient
tournées nu imprimées d une manière
si maligne , que les seules expressions
les pouvaient rendre suspectes, prin-
cipalement dans l'esprit de ceux qui
n'avaient pas étudié exprès ces sortes
de questions. Voilà le manège perpé-
tuel de 1'odium theologicum. Cette
passion , qui a formé depuis long-
temps un proverbe , trouve des hé-
résies partout où elle souhaite d'en
trouver; elle fabrique des extraits si
artificieux, et si propres à gendarmer
le peuple , qu'elle transforme en hé-
résies pernicieuses ce qui n'est pas
seulement hétérodoxe , quand il est
considéré avec ses principes , avec ses
restrictions , et avec ses applications.
(3) Pallavic. , llist. Conc. trident. , M. XV,
ap. VII, mini. 1 l.
1 (4) Dans sa Lettre an cardinal Simonelte, citée
r.ar Gery, Apologie des Censures, pag. 4^.
(5) IL parle de celles que les cordeliers mon-
trèrent au cardinal de Granvelle , et qui turent
'■•'■# ensuite il Rome. Voye\ /'Apologie des
Centures , pa±. -\i , et 43.
Cette passion est contagieuse : un mé-
decin , qui affectera de ne se porter
pour délateur que par un motif de
zèle , se trouve tout à coup saisi de
l'esprit sacerdotal ; i! apporte des ex-
traits sophistiqués, il sépare ce qu'il
fallait joindre , il joint ce qu'il fallait
séparer; il donne aux propositions un
tour propre à surprendre la religion
des juges. Le médecin François Blon-
del nous en donnera bientôt un exem-
ple. Ce n'est pas la seule injustice
qu'on remarque dans les personnes
possédées de cette passion : la dupli-
cité de poids et de mesure est une
autre iniquité qui les accompagne. De-
mandez-leur la censure de leurs pro-
moteurs , et de leurs chiens au grand
collier, faites-leur voir manifestement
la justice de votre cause, ils font la
sourde oreille, ou bien ils vous paient
de galimatias. C'est alors que leur
charité souffre tout , qu'elle excuse
tout.
(D) Il écrivit quelques livres de
controverse contre ceux de la reli-
gion.] Le même Valère André en four-
nit, les titres, que voici : Responsio
ad Quœsliones Phil. Marnixii de Ec-
clesid Chrisli , et Sacramento Altaris,
à Louvain, en i5^g; Apologia pro
Rasponsione contra Objecliones ejus-
dem de y~eritale Corporis Christi in
Eucliarislid , à Louvain, en i58i ;
Epistola de Slaluum InJ'erioris Qer-
maniœ unione cum Us qui se deser-
tores romanœ ecclesiœ vocant , et de
juramento quod eorum jussu h clcro
et monachis exigitur , à Louvain et
à Cologne, en i5jg. II fit aussi une
lettre de Juramento jussu Ducis Alen-
zonii Antverpiœ in prœtorio concepto
et comprobato.
(E) Il eut beaucoup de déférence
pour la censure du pape. ] Pour bien
commenter ce texte , je me servirai
des paroles du sieur C-cry, bachelier
en théologie- Ce pieux et savant doc-
teur, dit-il en parlant de Baïus (fi) ,
pendant l'éclat de sa plus grandi
put at ton , vtt paraître tout d'un coup
une bulle contre LXXKl proposition \ ,
que les solliciteurs de cette censure lui
attribuaient toutes , quoiqu'tl y en eût
qui n'étaient point de lui , d'autu
(6) Gery, Apologie historique des deux Cen-
sures , de Louvain et de Douai , pag. 26, e'dit.
de Cologne, en 1688.
32
BAIUS.
qu'on avait tournées d'une manière
maligne pour les rendre censurables ,
et d'autres que la bulle même recon-
naît pouvoir être soutenues dans un
sens catholique. On ne se contenta
pas de l'envoyer a Louvain dans les
formes ordinaires en i5jo, on en jit
une seconde publication huit ou dix
ans après , et l'on affecta de la faire
taire par un jésuite en i58o; ce que
la société avait sans doute sollicité ,
pour faire parade de son crédit. Que
fît Baïus ? que fit la faculté ? Rien
autre chose que de se soumettre hum-
blement, et de supprimer, pour le bien
de la paix , et pour l'édification des
fidèles , toutes les justifications et
toutes les explications qu'ils auraient
pu faire, et tout ce qu'ils auraient pu
représenter. 11 ue faut pas croire
néanmoins que Baïus n'ait rien écrit
pour sa justification. Sa Lettre au car-
dinal Simonelle (7) prouve le con-
traire , car il y expose que le docteur
Jean Hessels et lui mirent entre les
mains du cardinal de Granvelle leur
réponse à certaines propositions que
ce cardinal leur avait communiquées.
Les scotistes , pour décrier ces deux
docteurs , fabriquèrent ces proposi-
tions , et les proposèrent a des per-
sonnes établies en dignité , sans nom-
mer ni Hessels ni Baïus. Si l'on me
demande pourquoi Ton voulut décrier
ces deux professeurs , je répondrai
que ce fut à cause qu'ils se servaient
d'une méthode qui avait l'air d'une
fâcheuse nouveauté. Après l'explica-
tion du Maître des Sentences , ils ta-
chaient de, réduire l'étude de la théo-
logie h l'Écriture Sainte, et aux écrits
des anciens pères (8) , et principale-
ment à ceux de saint Augustin. Cela
ne plut point a des personnes accou-
tumées à d'autres sentimens , et parti-
culièrement à ceux qui, ne voulant
pas se donner la peine de beaucoup
étudier, croyaient qu'il vaut mieux
suivre les opinions reçues par le plus
grand nombre, que celles que l'on
établissait avec beaucoup de soin sut
le solide fondement des Ecritures ; et
ces personnes s'imaginaient qu'on avait
dessein de les reprendre et de les mar-
(n) Le sieur Gerj, pag. 4» , en produit une
partie, qu'il a traduite du latin qui est imprime
dans les Fastes de l'université de Louvain , pag.
366- „ , ,
(8) Geiv, Apologie des Çensnr., pag. 40, 41.
quer toutes les fois que, dans les leçons
ou dans les disputes , on parlait au-
trement qu'eux , ou que l'on enseignait
quelque chose de différent de ce qu'ils
avaient accoutumé de lire dans
certains auteurs. Baïus ne se contenta
pas de cette Lettre (9) , il envoya une
Apologie de ses sentimens au pape ,
l'an i56py.
(F) Valère André a fait plusieurs
fautes en parlant de la censure de
Pie V contre Baïus (10).] i°. Il donne
pour un fait constant que la bulle
de Pie V contre les LXXVI proposi-
tions fut confirmée par Grégoire XIII.
On montrera , dans la nouvelle édi-
tion de Baïus , que cela est faux fit).
2°. Il assura que la plupart des LXXVI
propositions furent extraites des li-
vres de Baïus. On fera voir le con-
traire dans la nouvelle édition. 3°. Il
se contente de dire que la bulle de
Pie V fut publiée à Louvain , le 17 et
le 19 d'avril 1570. Mais , outre qu'il
devait dire , le 16 de novembre , il est
tombé dans quelques péchés d'omis-
sion. Il n'a point dit que la bulle fut
publiée, non pas par l'ordre du pape,
ou par celui du cardinal de Gran-
velle , mais par l'ordre du duc d'Albe ,
et par celui du synode de Malines.
Ce fut une irrégularité, puisque le
pape avait commis le cardinal de
Granvelle , pour notifier la bulle aux
ihéologiens de Louvain, en la ma-
nière qu'il jugerait la plus convena-
ble. En tout cas , Valère André devait
exprimer qui furent ceux qui donnè=
rent ordre que l'on publiât la bulle.
Il devait aussi observer qu'aux jours
qu'il marque, je veux dire le 17 et
le 19 d'avril , Michel Baïus exposa
publiquement quelle était son opi-
nion sur les propositions condamnées.
La rétractation qu'on tira de lui fut
extorquée par de nouveaux moyens.
La nouvelle édition traitera de toutes
ces choses. 4°- H raconte que des per-
sonnes dignes de foi dirent au pape
qu'il y avait des théologiens à Lou-
(9) Elle est citée dans la Bibliothèque univer-
selle, loin. XIV, pag. 198, comme étant impri-
mée à la fin de ^Apologie de Bains , a Bouen ,
en 1C66.
(10) Valer. Andr. , in Fastis academicis Stu-
dii lovaniensis.
(11) Ce que je dis , tant ici que dans le corps
de Varlicle, touchant la nouvelle édition de
Baïus , est tiré d'un mémoire qui rn'e.t^ tombe
entre les main/, et qui vient de bon lieu.
juc les LX
ions avaient
Ba'ùis (ij) j
mais enfin la hnllo ne le nommai!.
pais , et, d'ailleurs, elle adoucissait la
BAIUS. 33
vain , qui faisaient l'apologie des qui porta la bulle, pai1 commission du
propositions condamnées. On mon- cardinal de Granvelle, dit devant tout
trera , par le témoignage de Tolet , le monde, dans l'assemblée de la fàcul-
que ce furent des imposteurs qui rap- te de théologie de Louvain, e
portèrent ces bruits au pape. 5°. Il premières de ces propositioi
assure que Grégoire XIU condamna été tirées des écrits il
tout de nouveau les mêmes proposi-
tions. On fera voir que cela est faux.
6°. 11 met la mort de Baïus au \(i de noie de la condamnation , puisqu'elle
décembre : il fallait la mettre au 16 portai' qu'une partie de res proposi-
de septembre (12). Je ne répète point tions pouvait recevoir un sens favo-
ce que j'ai déjà observé (i3) touchant rable. Le cardinal Pallavicin nous
la mauvaise chronologie de ses im- apprend qu'afin de traiter Baïus avec
primeurs. Je ne dois point y ajouter une plus grande douceur , le pape
l'an i55i, qu'il donne pour le premier Pie V se contenta de faire signifier
delà profession royale en théologie 5 en particulier sa bulle à l'université
il ne se trompe pas • mais L'épitaphe de Louvain par l'archevêque de Ma-
de Baïus ne fut point dressée sur cette lines ■ mais (pie , comme le mal ne
date, puisqu'elle fait durer quarante cessa pas, Grégoire Xlll jugea qu'il la
ans cette profession , deux ans plus fallait publier solennellement, et qu'il
que n'en demande le calcul de Valère députa à cette fin le jésuite François
André. Ce qui a pu porter bien des Tolet , sou prédicateur, qui n'obligea
ç;ens à multiplier les bulles contre point Baïus à une rétractation publi-
Michel Baïus, est qu'on s'imagine qu'il <pie , et qui le laissa sans flétrissure :
n'y a point de différence entre con- Hic studmt Baium removere a pravis
damner un dogme et faire publier la Mis opinionibus , cokortatus, ut sedis
condamnation qu'un autre a faite de apostolicœ judicio acquiescer et : et
ce dogme. En ce sens-là , il est vrai perpaucis colloquiis id obtinuit , pri-
de dire que Grégoire Xlll a condamné vatd itlius retractatione contentus ;
les LXXVI propositions 5 car non-seu- atque hoc paclo Baius nonsolùm illce-
lement il fit une bulle dans laquelle sus perstitil, sed ipsius etiam nomini
il inséra la constitution de Pie V, en verba diplomatie pepercére ; quin per
déclarant qu'il l'avait trouvée dans illud ejus errores manum tant mitent
les registres de ce pape , et qu'on y experli sunl, ut vix vider entur errores,
devait ajouter une entière foi, mais citm aliquœex proscriptis positionibus,
aussi il commanda que sa bulle fût nullis certis in hdc exceptiorie adnota-
publiée solennellement à Louvain ,
par le jésuite Tolet, l'an i58o. Mo-
rillon , grand vicaire de .Malines , no-
tis, dicereiiturposse suslineri in aliqud
minus proprid significatione (18). Nous
avons remarqué ailleurs (19) l'incon-
tifia celle de Pie V aux théologiens vénient des censures qui tombent sur
de Louvain, en 1567. Il la leur notifia un las de propositions d'une manière
encore , avee un peu plus de forma- si vague, que le respective qu'on met
lité , l'an 15^0. au bon! n'apprend à rien distinguer.
(G) On ménagea son honneur dans La bulle de Pie V avait ce même in-
la bulle de Pie V~.~\ La lettre de convénient , et , outre cela , elle jetait
Baïus . qu'on a citée (i4)> ajoute les esprits dans l'incertitude par un
qu'après beaucoup de longues sollici- autre endroit, car, sans rien mar-
tations , qui commencèrent dès le pr>n- quer nommément , elle assurait que
tificat de Pie 1 /^, ils obtinrent enfin parmi les propositions condamnées .
,\e Pie V une bulle datée du ier. oc- il y en avait quelques-unes qu'elle
tobre 1067, (/ui condamne LXXVI(i5) permettait de soutenir en quelque fa-
propositions (16). 11 est vrai que celui con. Celait la moindre chose qu'elle
permettait , et l'on ne pouvait pas ré
voqueren doute qu'elle ne permît cela.
(12) // l'a fait liant la Bibliothèque belgique.
(i3) Dans la citaliun (c).
(i4) Ci-detsus , citation (■;).
(i5) Pallavic, Hist. Concil'ii trident., h!,. XV,
cap. VII, num 12, met septuaginta noveiu
Baii l'ositione-.
(16) Gery , Apologie des Censure.*, pag. 43.
TOME III.
(1-) La même, pag. 44.
(18) Pallavic. Hisl.Concilii trident., lib. XV,
cap. VII , nnm. 12.
u la remarque (E de l'ariic'.e dt
(Thomas) Akclïs.
34
BAIUS.
mais on pouvait prétendre qu'elle rôle qui s'est conservée dans Louvain
permettait beaucoup plus. L'arrange- par tradition: Michaè'le Baïo nihil
ment des termes produisait cette ob- doctius , niliil humilius. C'est un
scurite' embarrassante ; une virgule grand miracle, qu'une soumission et
fut omise ; cette omission éfait cause une patience telle qu'on la vit en lui
que les termes étaient susceptibles de dans la conduite que ton tint à son
deux sens très-difi'érens ; et ce fut la égard au sujet de la bulle. C'est un
source de beaucoup de contestations, grand miracle , qu'un saint prêtre dont
Voyez le latin que je vais citer , et les études et les occupations infinies
admirez les aventures et les hasards des ne dessèchent point la piété, et que
controverses. Quas quidem sententias l'on voit fondre en larmes a l'autel ,
stricto coram nobis examine pondéra- vivement pénétré de la sainteté de nos
tas,quanquam nonnullœ aliquo pacto mystères. Enfin, c'est un grand mt-
suslineripossintinrigoreetpropriover- racle, qu'une grande charité pour les
borum sensu ab auctonbus intenlohœ- pauvres, qui va jusqu'à ne vouloir
reticas, trroneas, suspectas, temerarias point avoir d'autres héritiers qu'eux ,
scandalosas. et inpias mires offensio- et étouffer, pour cela , tous les senti-
nem imminentes, respective et prœsen- mens du népotisme, quelque légitimes
tium autorilale damnamus (20). Ce que qu'ils eussent pu être en lui. C'est ce
les païens appelaient jeux et caprices de qui rendra toujours Baïus aimable a
la fortune n'est point exclu de ce sanc- la postérité; au lieu qu'une réputation
tuaire : l'oracle prétendu infaillible qui n'est soutenue que par un bruit
de Rome ne remédie pas au désordre, artificiel de miracles et de merveilles
Après s'être bien tourmenté pour fondés sur rien , se flétrit <iu bout de
concerter toutes les syllabes de sa ré- quelque temps, et s'évanouit enfumée.
ponse , il peut voir que son copiste , Le cardinal Pallavicin rapporte que
ou son secrétaire , oubliant une vir- Commendon, rendant compte au car-
"ule , sera cause de la damnation dinal de Mantoue de l'état où il trou-
d'une infinité de gens. 11 y a plus , la vait l'université de Louvain l'an i56i,
virgule n'y fait rien ; mettez-la après lui marque que Michel Baïus et Jean
possint, ou ne l'y mettez pas, l'équi- Hesselius avaient enseigné quelques
voque subsiste toujours : l'usage des nouveautés sur le franc arbitre , et
écrivains, ni celui des imprimeurs , que c'étaient deux personnages recom-
11 'établit pas qu'une virgule après pos- mandables par leur science et par
sint attacbe nécessairement ce qui suit leur bonne vie (22); que Ruard Tap-
au mot damnamus. On vous fera voir, per avait pris ombrage de leur union,
dans les livres les plus corrects , cent et jugé qu'ils estimaient trop leur
mille virgules situées comme celle science , quoiqu'ils fussent d'ailleurs
que l'on mettrait après possint, qui modestes et vertueux. « Mais , ajou-
n'empêchent pas que, depuis une telle » tait-il, chacun met sa vanité dans
yirgule jusqu'au comma suivant, les » le métier qu'il exerce, et supporte
paroles ne se rapportent au mot pos- » facilement les autres choses. » Com-
sint , ou à tel autre. pertum sibi esse Ruardum in theolo-
(H) Son testament fut une preuve gicis discipltnis prœclarum , dum is in
de sa grande charité.] L'apologiste Uld Academid docens , in his duobus
des censures de Louvain et de Douai adhuc cetate juvenili observaret in-
oppose cette vertu de Michel Baïus faustam conjunctionem ingenii et au-
aux prétendus miracles de Lessius. daciœ , solitum esse dicere se nonnisi
C'est un grand miracle, dit-il (21) , schisma ab illis expcctare , et Theolo-
qu'une grande humilité avec un grand gicam lauream dut ipsis distulisse :
esprit et une profonde science, qui eos prnfeclo videri scienliœ suœ nimis
ont fait dire a Tolet même cette pa- amantes , quamvis alioqui probos et
modestos : et heee ille verba sapienter
usurpavit , dtgna quœ à nobis repe-
lanlur , sed cujusque superbia in câ"
(•xi) Erant ambo et scientiâ et exemplo rite
conspicui. Pallavic. , ilist. Coucil. trid. , Ub.
XV , cap. VII , num. 7.
(20) Journal de Sainl-Amour, part. II , pag.
f)-'l , cité dans la Bibliothèque universelle , lum.
XIV, pan. 201. Voye: aussi les Difficultés pro-
posées a M. Steyaeri , IXe. part. , pag. 180, et
la nouvelle édition des OEuvres de Baïus , part.
Il , pag. 235 et suiv.
(21) G«ry , Apologie il«» Censure*, pag.
37. 38.
BA1US.
35
arte quam profitetur sita est , cœtera
facile suffert (a3).
(I) Jacques Baïus publia
quelques traités. ] Un Panégyrique
sur l'arrivée Je l'archiduc Albert et
Je l infante d' Espagne ; un Catéchis-
me, swe Inslilutinnuiu christianœ Re-
ligionis libri 1 fy ; et Je venerabili Eu-
charisliœ Saçramento et Sacrijîcio
Missœ libri 111 (a4).
(K) // Jestina tous ses biens aux
usages d'un collège. ] Swert assure ,
1°. que Jacques Baïus laissa l'admi-
nistration de ses biens à Gilles Baïus,
son neveu , docteur et professeur eu
théologie , et qu'il le chargea de les
employer totalement à la construc-
tion d'un collège pour des jeunes gens
de son pays ; i°. (pie Gilles Bains ,
exécutant la volonté de son oncle, lit
bâtir un très-beau collège , qui s'ap-
pelle , à juste titre , Baianum ; 3°, qu'il
n'y avait que peu d'années que ce
collège était btlti : il marque en quel
endroit. (Jbsecutus patrini desiderio ,
auguslissimum ( Collegium ) ab hine
paucis annis extruxil è regione Pœ-
Jagogii Falconis , et Baianum meritb
inJigetatur (^5). Mais Aubert le Mire ,
qui ne pouvait pas ignorer ce que
Swertius avait écrit là-dessus, se con-
tente d'assurer qu'il a lu que Jacques
Baïus avait songé à la fondation d'un
collège où l'on entretiendrait des étu-
dions en théologie. De altero collegio
sacrarum litlerarum stuJiosis adoles-
centibus pariler alendis piè prudenter-
que cogildsse scriptum inuenimus (26).
C'est ainsi qu'on parle . quand on ne
peut louer un homme , que des bon-
nes intentions qu'un auteur que l'on
a lu lui attribue ; car lorsqu'on sait
qu'elles ont été effectuées , on le mar-
que expressément. Il faut donc qu' Au-
bert le Mire n'ait point su la con-
struction du Collegium Baianum. Or,
cette ignorance d un fait si notoire est
quelque chose de prodigieux dans un
homme comme celui-là , qui savait si
bien son Pays-Bas espagnol.
(L) La nouvelle cJition des œuvres
de Baïus .... a paru depuis la première
édition de ce Dictionnaire.] En voici
(23) Idem, ibid. , num. 9.
(*4) Ex Valer. Andr. , Bibl. belR., pag. 401.
(i5) Swert., Ath. belg., pag. 355. Ce livre fut
imprime l'an 1628.
(36) Mir. de Soriptoribu» Sseculi XVI , pag-
134.
le titre : Irlichaelis Baii , celeberrimi
in LovaniensiacademidTheologi, Opé-
ra , cum bullis pont i/icunt , et aliis
ipsius causant speclantibus , juin pri-
miim ad romnnam ecclesiam ab con-
viliis protestant ium , simul ac Ar ■
minianorum , cœlerorumqne hujusce
temporis pelagiauorum imposturis vin-
dicandarn collecta, expurgala , et plu-
rimis quœ hactenùs delituerant opus-
culis aucta •■ studio A. P. theologi,
Coloniœ A grippinœ , suniptibus Bal-
thasaris ab Egmond et sociorum ,
M. DC. XCt^l. C'est un assez gros
in-quarto , divisé en deux parties ,
dont la première contient , avec les
écrits de Baïus qui avaient déjà été
imprimés , six ou sept pièces de cet
auteur qui n'avaient jamais élé impri-
mées. La seconde est, presque toute
composée d'écrits qui paraissent pour
la première fois , et qui concernent la
censure de quelques propositions de
Baïus. L'un de ces écrits est un narré
chronologique des procédures qui fu-
rent faites dans cette cause , et a été
composé par celui qui a eu soin de
cette édition. On apprend par ce nar-
ré, entre autres choses, que deux rai-
sons engagèrent Michel Baïus à former
sur l'Ecriture et sur les pères , et prin-
cipalement sur saint Augustin, sa mé-
thode d'enseigner la théologie (27).
La première fut que les protestans du
Pays-Bas se vantaient d'avoir pour eux
l'Ecriture et les anciens pères. La secon-
de (|iie plusieurs écrivains catholiques
(28/ , abandonnant les hypothèses de
saint Augustin, s'approch lient extrê-
mement de celles des pélagiens. Kuard
Tapper, et Tiletan , professeurs en
théologie à Lou vain, désapprouvèrent
cette nouvelle méthode de Baïus, dès
qu'ils en eurent connaissance, après
être revenus du concile, l'an i55'i, et
Fou assure que Ruard Tapper s'écria un
jour: (htet.diableaj'ail entrer cetledoc-
trinc dans notre école , pendant notre
absence? I !e fut lecommenceinent d'une
furieuse tempête contre Michel Bains :
les cordeliers principalement se dé-
chaînèrenl contre lui. Le gardien de
Nivelle , et celui d'Heth envoyèrent
dix-huit articles à la faculté de théo-
logie de Paris l'an 1060, et la prièreut
faj Oper. Micb. Baii , part II, pag. îçyi
Comme Rnrlheleiui Camerarina , Albert
Pigliiiis, François IloraïUin-, eordelier espagnol,
Riianl Tapper.
36
BAIUS.
d'en porter son jugement. Elle les l'on disait que la plupart des LXXVI
condamna tous : les uns, au nombre propositions étaient extraites. Le
de trois , comme faux et contraires à doyen de la faculté représenta que ,
l'Ecriture , et les autres, comme héré- pour de grandes raisons , il e'tait fort
tiques. Baïus fit des remarques sur nécessaire que les livres de Michel
cette censure , et voulut les commu-
niquer à quelque docteur de Paris ;
mais il abandonna ce dessein lors-
qu'il vit qu'il lui était impossible de
Baïus ne fussent pas défendus : aussi
ne le furent-ils point. Ce docteur écri-
vit au pape le 8 de janvier i56<), et
lui envoya une apologie , où il fit voir
recouvrer un exemplaire de ce décret qu'il n'avait point enseigné les LXXVI
de la Sorbonne {29). Il les communi-
qua au provincial des cordeliers. Il
montre manifestement que l'on cen-
sura comme hérétique ce qui est visi-
blement contenu daDS saint Augustin
L'année suivante , on présenta au car
dinal de Granvclle une liste de pro
propositions , et que la plupart , en
un certain sens , étaient véritables ,
et augustiniennes. La réponse que
lui fit le pape , le 3 de mai de la même
année, contenait une exhortation à
se soumettre à la censure. Baïus fut
extrêmement surpris , quand on lui
positions extraites des écrits de Baïus , rendit cette lettre de Pic V, de se voir
à ce que l'on prétendait; et néan- traité comme un rebelle, qui avait
moins , quelques-unes de ces proposi-
tions étaient opposées à ses sentimens;
et il n'avait jamais disputé , ni pour ,
ni contre , touchant quelques autres ;
et elles avaient été dressées presque
toutes avec tant d'artifice , que le tour
seul des expressions pouvait les rendre
suspectes , ou de fausseté, ou d'hé-
résie (3o). Le cardinal les communi-
qua à Michel Baïus , qui y fit une ré-
ponse qu'on n'a point trouvée. Le mê-
me cardinal reçut ordre d'imposer si-
lence aux parties ; et par ce moyen ,
la querelle s'apaisa : mais elle fut
renouvelée l'an i564 ; car Tiletan tâ-
cha d'obtenir que les universités d'Es-
pagne censurassent les écrits de Baïus
(3i) , et il ea envoya des extraits à
Pie IV, afin de les faire condamner.
On ajouta d'autres extraits à ceux-là ,
et ils furent envoyés à Pie IV , qui fit
uue bulle le tPr. d'octobre 1567 , où il
condamna LXXVI propositions. Cette
bulle ne fut ni publiée , ni aflichée ;
elle fut seulement lue à Baïus , et à la
faculté étroite de théologie de Lou-
vain, le 29 de décembre 1567 , par
Maximilien Morillon, vicaire général
de l'archevêque de Malines (3a). Ce
encouru la peine de l'excommunica-
tion et de l'irrégularité. 11 demanda à
Morillon d'être absous de cette peine ,
et il ne put l'obtenir qu'en abjurant
les articles que la bulle avait condam-
nés. Summoperè autem miratus est
Bains secum agi ac si suas P^indicias
et slpologiam scribendo pontifici , in
eumjuisset rebeUis , ac excommunica-
tionis et irregularitntis censuras incur-
risset : à quibus càm peteret absolvi ,
Morillonus ahsalutionis beneficïum ei
impertiri noluit , qu'ai priùs arliculos
per bidlam conjixos ejuraverit (33).
Depuis ce temps-là , il fut permis à
toutes personnes d'invectiver ce doc-
teur , comme s'il eût effectivement
enseigné ces LXXVI articles. On dé-
clama contre lui , et dans des sermons ,
et dans des leçons : il supportait cette
adversité sans rien dire ; mais il y
eut trois évêques (34) , qui lui conseil-
lèrent, en 1570, de se défendre. Il s'ex-
pliqua donc là-dessus dans son audi-
toire de théologie , et déclara que ,
parmi ces LXXVI propositions , il y
en avait qui étaient dignes de con-
damnation , mais qu'il n'avait jamais
soutenues ; qu'il y en avait d'autres
vicaire général, étant requis de donner forgées malicieusement, qu'il ne les
une copie de cette bulle , refusa de la
donner. Il déclara qu'il avait ordre de
défendre tous les livres imprimés, d'où
(2g) Baii Oper. , pari. II, pag. ig3.
(3o) Ibid., pag. ig4-
(3iJ Les censures des académies de Sala-
nianque et de Compliile ne fuient faites qu'a-
près la mon de Tiletaa. Voyez Baii Ouer., part.
II, pag. ,95.
(32) Baii Operum pari' II, pag. 197.
admettait pas dans le mauvais sens
qu'elles pouvaient recevoir , quoique
d'ailleurs elles fussent susceptibles
d'une saine interprétation. Cœpil in
scholis tkeologorum quid circa hujus-
modi arliculos sentirel , cummultdhu-
(33) Ibid., pag. if|(|.
(34) Martin Bichtovius, rvéque a'Iprei, Fran-
çois Sonnius , évêque de Bolduc , et Corneille
Jansénius, évcqûe de Gand.
mililate ac modestid aperire , déclarons
nonnullos ipsarum esse falsos ac jure
<"/iji.i os , sed à se nunquam trnditos :
alios esse arte ac dolo canfctas , qui
pravum sensunt pati passant , queni
nunquam tenuit , lir.et et in suno tn-
telligi quoque facile passent (35). Au
mois île juin de la même année iSyo,
les évêques ilu Pays-Bas tinrent un
concile ;'i Mali nrs, où , à l'instance du
duc d'Albe , ils s'engagèrent à faire
publier solennellement la bulle de
Pie V à Louvain , et à la faire signer
à tous les professeurs en théologie.
La commission en fut donnée à Mo-
rillon , qui s'en acquitta le 16 de no-
vembre de la même année. 11 ne put
néanmoins obtenir la signature du
formulaire par lequel il exigeait l'ap-
probation de la censure des LXXVI
propositions. La faculté de théologie
de Louvain s'imagina qu'il y avait
quelque piège là-dessous \ et , quoi-
qif assurée par les lettres de l'évêque
de Bois -le -Duc et de l'évèque de
Gand , qu'on ne cherchait pas à la
surprendre , il ne parait pas qu'elle
ait jamais accorde cette signature ;
mais l'anne'e suivante , elle fit un dé-
cret , portant que les LXXVI propo-
sitions seraient tenues pour condam-
nées , et que tous les membres de la
laculté s'abstiendraient de les ensei-
gner , et que tous les livres où elles
seraient soutenues seraient étés aux
étudians en théologie (36). Notez que
Morillon n'expédia aucune copie de
la bulle qu'il notifia solennellement.
Cela donna lieu à quelques-uns île
soutenir qu'elle était fausse , ou
qu'ayant été obtenue obreptivement ,
elle serait révoquée. D'autres soute-
naient le contraire avec ardeur. Le
pape Grégoire XIII , sollicité par l'am-
bassadeur d'Espagne au nom de son
maître , et par le père Tolet au nom
de quelques théologiens de Louvain ,
d'apporter un prompt remède à ces
disputes , fit une constitution le 28
de janvier 1579, où il inséra la bulle
de Pie V , sans l'approuver ni la con-
firmer, et sans condamner tout de nou-
veau les LXXVI propositions : il se
contenta de dire qu'il l'avait trou-
Née dans les registres de son prédéces-
seur , et d'ordonner que l'on y ajoutât
(35) Baii Operum pan. Il , pag. 200.
(36) Ibidem , pag. 202 , ao3.
BAIUS. 37
foi. Il envoya le même père Tolet à
Louvain , 1 an 1080. Ce jésuite y no-
tifia solennellement la constitution de
Grégoire XIII , et demanda à Baïus
s'il condamnait les LXXVI articles.
Baïus répondit : Je les condamne selan
l'intention de la bulle (3}). Tous les
docteurs , licenciés , bacheliers , etc..
déclarèrent qu'ils se soumettaient à
cette bulle. Tolet , dans quelques con-
versations qu'il eut avec Baïus , lui
apprit qu'on l'accusait d'enseigner
secrètement à ses disciples les dogmes
que Pie V avait condamnés. Baïus le
nia , et se soumit à toutes sortes de
peines, s'il pouvait être convaincu
juridiquement de ce dont on l'accu-
sait. Personne ne s'étant mis en de-
voir de l'en convaincre , Tolet lui pro-
mit de rendre un bon témoignage de
lui à la cour de Rome , et déclara qu'il
était faux que la lecture des écrits do
Baïus fût interdite. Il lui proposa la
signature d'un formulaire qui était
bien dure ; mais néanmoins Bains
passa par-là , pour se procurer quel-
que repos. Il fallut qu'il avouât par
écrit, qu'il avait enseigné plusieurs
des LXXVI articles condamnés , et
qu'ils étaient condamnés au sens qu'i
les avait pris. El prœscripsit (Toletus )
quandam canfessionis formulant , in
cm.dfa.teri debuit mullos ex damnatis
LXXf^larticulis h se esse traditos , ai
eo sensu proscriptos qua eas docuisst t ;
cui formulai optimus hic dqcior undi-
què lacessilus de calumniis obrutus
ut tandem pace aliqud frueretur , sub-
cripsii die vigesimdquartdmarliihujus
anni i5S<> (38). Il écrivit au pape uni
lettre , où il exposa les calomnies que
l'on répandait contre lui depuis douze
ans , au sujet de ces articles , et de-
manda une copie de la bulle de Pie V ,
Cela lui fut accordé au mois de juin
i58o. Le père Horantius publia contre
lui un écrit la même année. Il se plai-
gnait de deux choses : l'une était que
baïus avait répondu trop civilement à
Philippe de Marnix (3p). Canquc-
rens 1". qubd ejus epistoïœ Marnixio
scriptœ nimis benignœ fuissent (<$o) •
(37) Damno secundum intentionem l'itllar , et
sicutbulla eos damnât. Baii Oper. , part. I[t
pag. 206.
(38) Baii Operum pan. II , pag 207.
(3ç)) Mqno animo J'erre non poUiit ,/uuJ Baiuj
humaniori <uU> tuas ail Harnixium tcripsissel
epitlolar. Baii Opcr. part. Il , pag. 208.
(4°) Ibidem. Comparez cet hommeXà avec
38
BAIUS.
l'autre , que Baïus avaitdit, suivant la temporis , quod jure ab initio non
J i.-*^__.~ J « - .,..1 A nnii. I i i< /-(no tiAiit1 cnKcictif (,^Sl I a iiinû tr,nmr\« nnr
doctrine de saint Augustin , que, pour
juger de l'Eglise, on ne doit consulter
que l'Écriture; 2°. quod Baius Augus-
tinum secutus dixisset judtcium. de
Ecclesid esse ex sold Scriplurd peten-
dum{!\\). Baïus se justifia dans une
lettre qu'il mit au-devant de son Apo-
logie contre Philippe de Marnix l'an
1 5*8 1 - H fut inquiète encore l'an i585;
car ses ennemis le déférèrent au nonce
subsistit (45). Ce pape , trompe' par
François Albizzi , assesseur du saint
office , et pensionnaire des jésuites ,
s imagina que la bulle de Pie V avait
e'te' revêtue de toutes les formalités , et
qu'elle avait été confirmée par celle
de Grégoire XIII. C'étaient deux faus-
ses suppositions; car Pie V ne fit point
afficher sa bulle, et ne la publia point
à Rome solennellement : et pour ce
du pape et demandèrent qu'il subît qui est du pape Grégoire , il se con -
l'interrogatoire sur certains articles tenta de dire qu'il l'avait trouvée
qu'ils avaient dressés (42). On ne sait dans les registres de son prédécesseur
point s'd le subit.
L'auteur de ce narré chronologique
se tourmente extrêmement , pour nous
apprendre que M. Leidecker , et quel
On fit donc dire à Urbain VIII une
fausseté , lors qu'on inséra dans sa
bulle que les articles condamnés par
Pie V avaient été proscrits de nouveau
ques autres ministres concluent à tort par Grégoire XIII ; et , pour dérober
au public la connaissance de cette
imposture , on rut soin de n'insérer
pas la constitution de Grégoire XIII
dans la bulle d'Urbain VIII , quoique
l'on y insérât la bulle de Pie V. Ani-
madvertendum est quod Urbanus VIII
in bulld superiiis memoratd enuncia-
veril quideni a Gregorio XIII ennfir-
matam fuisse Pu y conslitittionem,
artiadosque in ed conjixos denuo
de cette bulle de Pie V , que la com-
munion de Rome a condamné la doc-
trine de saint Augustin, et favorisé les
nouveaux pélagiens (43). Il montre
assez clairement , ce me semble , les
nullités de cette bulle , la mauvaise
foi des faiseurs d'extraits, la négligence
de ce pape , et sa précipitation à con-
damner des articles avant que d'avoir
examiné les ouvrages d'où l'on préteu
dait qu'ils avaient été tirés , etc. Cette fuisse damnalos. Periim hœc Urbani
négligence paraît aussi eu ce que les yill bu/la apertè Jalsi ed saltem in
règles de la grammaire ne furent point parte convincilur , sicut et ab Joanne
observées dans cette bulle (44)- On Sinnichio Louaniensis academiœ de-
peut alléguer qu'Urbain VIII dans sa legalo, Romœ com'icta est, ex ipsomet
bulle contre le livre de Jansénius, pu- Gregnrii XIII diplomate , in quo
bliée l'an 1642 , s'autorise de la bulle
de Pie V , et de celle de Grégoire XIII;
mais l'auteur répond qu'Urbain VIII
ne confirma ces deux bulles qu'en sup-
posant des faits faux, et qu'ainsi sa
confirmation est nulle. Quandoqui-
dern ergo Urbanus eas non confirma-
ient, nui supponendo quœ Jalsa sunt;
nih.il de istd confirmalione , aut de
iteratd hujusmodi articulorum dis-
punctione habetur. Ne auleni id inno-
tescerct , Albizzius , jesuitarum sli-
peridiarius , qui bullam Urbani flll
conscripsit , in ed quideni PU V bul-
lam intégrant inseruit , sed non Gre-
gorii XIII conslitutionern , ex qud
ex istd confirmalione nullunt robur singulis patuiiset ejus mendacium , et
accedit istis suorum prœdecessorum quant falsô in bulld Urbani dicalur
constitutionibus ; quod enint in sud Pii V bulla a Gregorio XIII confir-
origine inliosum ac nullius roboris est , mata, proscriptique in ed arliculi ,
rati habitione non fit validant ; vel , itérant à Gregorio XIII prohibai :
ut jura loquuntur (*) , quod initio vi- càm Gregorius XIII duntaxat tesli-
tiosum est , non potest tractu tempo- ficelur tenorent bullœ quant inserit ,
ris convalescere : nec firmatur tractu esse plané conforment tenori bullœ
le ministre françois qui s'est plaint publique-
ment Lan 1G98 des Lettres Je M. Jatjuelot aux
prélats de Vrance.
(4i) Bail Operum part. II, pag. 208.
(42) Idem , ibtd. , pag. 209.
(43) Idem, ibid. , pag. 210 et seq.
;44) Ibidem , pag. 235.
(*) ff. de reg. jur. et VI Décret, eod. Tit.
quant in Pii f^ registro ini'enit ; et
isli tenori eam (idem adliibendam , quœ
ipsius bullœ protograp/10 debetur. (46).
Tout cela est beaucoup plus propre à
montrer les supercheries qui se glis-
(45) Baii Oper. part. II , pag. 23g, 24».
(46,) Ibidem, pag. ï42>
ôcnt dans la condamnation des ou-
vrages , qu'à desarmer M. Leidecker ;
car enlin, pour un catholique romain
qui croit Baïus innocent, il s'en trouve
plus de mille qui le croient bien con-
damne : et ainsi l'on peut accuser l'é-
glise romaine , avec beaucoup de vrai-
semblance, de tenir pour hérétiques les
opinions de ce docteur les plus confor-
mes à saint Augustin. Cela doit faire
■implorer la destinée de certains hom-
mes. Que la passion , que l'irrégula-
rité , (pie l'injustice paraissent mani-
festement dans les procédures qu'on
a tenues contre eux , ils ne laissent
pas d'avoir tort , selon l'opinion du
plus grand nombre. 11 suffit qu'il y ait
un jugement contre leur doctrine ,
pour obliger le public à demeurer
préoccupé. L'adversaire jouira du fruit
de ses fraudes et de ses intrigues ; il
se prévaudra sans fin et sans cesse de
la sottise des peuples, qui présument
presque toujours en faveur des tribu-
naux.
On promet (47) un gros ouvrage de
Baïus , si cette nouvelle édition se dé-
bite. Ce sera son Commentaire sur le
Maître des Sentences , et son Expli-
cation des Psaumes de David.
(4;) In Prœfal.
BALBUS. Ce mot fait tant de
figure dans l'ancienne histoire
romaine, qu'il est bien étrange
que les dictionnaires historiques
lui aient fait si peu d'honneur
BALBUS. 39
furent consuls peu après , firent
une loi portant que tous ceux
que Pompée aurait faits bour-
geois de Rome , avec le consen-
tement du conseil de guerre , le
seraient effectivement. Par ce
moyen, Balbus entra pleinement
dans la possession de la bour-
geoisie romaine (a). Il prit à
cause de l'un de ces deux consuls
le prénom de Lucius , et à cause
de l'autre , le nom de Cornélius
(B). Il se fit tellement estimer à
Rome , qn'il eut pour amis les
plus grandes têtes de l'état, Pom-
pée, Crassus , César, Cicéron; et
qu'il fut «adopté par Théophanes
(b) , qui était aimé et considéré
très-particulièrement de Pompée.
C'est à cause de cette adoption
que Capitolin le nomme Balbus
Cornélius Théophanes (C), lors-
qu'il dit que l'empereur Balbin
se disait issu de lui (c). La pro-
spérité de Balbus lui attira de*
ennemis , qui lui suscitèrent un
procès sur sa bourgeoisie. Cras-
sus , Pompée et Cicéron plaidè-
rent sa cause (d), et la gagnèrent.
Il se trouva fort embarrassé du-
rant la guerre de César et de
(A). Si je tâche de réparer leur Pompée: il avait de grandes obi i-
faute , c'est principalement à l'é- gâtions à l'un et à l'autre. Il pa-
gard de Lucas Cornélius Balbus,
qui fut consul l'an de Rome 714?
et qui eut un neveu dont je par-
lerai par occasion , soit dans le
texte, soit dans les remarques.
Ce consul était né à Cadix. Il se
signala avec beaucoup de coura-
ge dans les guerres que les P»o-
mains eurent en Espagne contre
Sertorius, eteontre les Lusitains;
de sorte que Pompée fort satis-
fait de ses grands services le dé-
clara bourgeois de Rome. Lucius
Gellius, et Cn. Cornélius, qui
raît qu'il donna la préférence à
César, mais de telle sorte qu'il
tâchait de porter les choses à la
réconciliation (e). VelléiusPater-
culus remarque comme une in-
signe témérité , que Balbus osa
passer au camp de Pompée, pour
(a) T'oyez Cicéron . in Oralione pro Cor-
nelio Balbo, et ibi Manutinni et Hicolaum
Aliramum.
(b) Cicero, Uni., et Epistol. VII ad Allie,
m. fii.
. Capitol., in Balbino.
</ Voyez /'Oraison de Cicéron pour Cor-
nélius Balbus.
(c Voyez ta remarque [G).
BALBUS.
avec le consul Lentulus réri a fait plusieurs fautes (M) ,
4o
conférer
qui balançait à quel prix il se
vendrait (f). C'est par ce moyen,
ajoute-t-il , que Balbus , quoi-
qu'Espagnol , s'ouvrit la porte
du triomphe, celle du pontificat,
et celle du consulat. En effet
Pline remarque que Balbus fut
consul , et le premier des étran-
gers qui obtinrent cette dignité
(g) : mais , quant à l'honneur du
triomphe , il dit que ce fut un
autre Cornélius Balbus , neveu
de celui-ci , qui l'obtint avec la
bourgeoisie romaine, le premier
de tous les étrangers [h). Nous
verrons en quoi consiste la faute
de Paterculus (D). Ces deux Cor-
nélius Balbus ont été si riches ,
que l'oncle, en mourant, laissa
à chaque citoyen romain vingt-
cinq drachmes (7) , et que le
neveu fil bâtir à Cadix (k) une
nouvelle ville (/). L'oncle fit une
Histoire de Jules César, en for-
me de journal (m). C'est lui, sans
doute , qui fut lié d'une amitié
fort étroite avec Pomponius Àt-
ticus (E). H y a des gens qui ont
confondu Cornélius Balbus avec
Cornélius Gallus (F). Nous allons
montrer que Vossius a eu tort
de censurer Savaron (G); que
MM. Lloyd et Hofman méritent
un peu de censure (H); que Paul
Manuce n'en doit pas être tout-
à-fait exempt (I); que Glandorp
a multiplié les êtres sans néces-
sité (K) ; que la distinction de
grand et de petit consulat est
chimérique (L) , et que M. Mo-
(fi Vellcius Paterculus, lib. Il , cap. LI.
(g) Plinius , lib. VU, cap. XLIIl.
{h) Idem. lib. V, cap. V.
(i) Dio, lib. Xtrilî.
\h) Il en était natif, comme son oncle.
il) Strabo , lib. TI1, pag. 1 16.
(m) Sidoniiis Apollinaris, lib. IX, epist.
XIV
quoique son article de Balbus
soit très-petit et très-maigre.
Je ne dirai que peu de chose
de quelques-uns des autres Bal-
bus , dont les anciens auteurs
ont parlé. Lucius Lucilius Bal-
bus , disciple de Mucius Scévola ,
et précepteur du célèbre Servius
Sulpitius , a été un excellent ju-
risconsulte. Il florissait vers l'an
de Rome 670. Cicéron a dit que
Sulpitius surpassa son maître
(N), qui avait joint à la science
un caractère de maturité qui le
rendait un peu lent , au lieu que
le disciple était prompt et expé—
ditif. On a perdu les écrits de
Balbus , à quoi peut-être son dis-
ciple Sulpitius n'a pas peu con-
tribué , en les insérant pour la
plupart dans les siens (n). Il ne
faut pas confondre , comme a
fait Glandorp , ce Balbus avec
Quintus Lucilius Balbus , philo-
sophe stoïcien , l'un des interlo-
cuteurs de Cicéron dans les li-
vres de la Nature des dieux (0).
Publips Octavius Balbus a été
contemporain de Cicéron , qui
le loue pour sa science du droit
civil , pour son esprit , pour sa
probité , et, pour plusieurs autres
belles qualités {p). Cicéron ne
donne guère moins de louanges
à Lucius Octavius Balbus , qui
vivait dans le même temps (q).
L'un de ces deux Octavius Bal-
{/>) Pomponius, lib. Il de Origine Juris.
(p) Glandorp. Onomaslic.,/.>flg\ 55a. Dans
la page 6J7, Glandorp prend pour un seul
homme l'interlocuteur de la Nature des
dieux, celui qui est loue dans /'Or.iison
pour Cluentius, et celui gai est loué dans la
VII". Verrine.
(p) Cicero , Orat. pro Cluentio , folio
114. G.
(171 Idem, in Verrem.'Orat. VII , folio
lio. B.
BALBUS
bus est apparemment celui dont
Valère Maxime raconte que , s'é-
tant sauvé par une porte de der-
rière , durant les fureurs des
triumvirs , et entendant qu'on
tuait son fils dan»sa maison , il
retourna sur ses pas, et se fit
tuer (r). Appien rapporte la cho-
se un peu autrement (s).
(;•) Yaler. Maximus, hb. V, cap. Vil.
{s) Appianus,tle Bell, civil., lib. IV , pag-.
(Soi.
(A) Les dictionnaires historiques
ont fait peu d'honneur a re mot,. ] Ils
sont d'une maigreur prodigieuse sur
le mot Balbus. Charles Etienne remar-
que que c'a été le surnom des Atiliens,
et que le premier de cette famille
qui fut surnomme Balbus , le fut à
cause qu'il était bègue ; après quoi
ses descendans conservèrent ce sur-
nom. Il est fort vraisemblable (pie ce
titre a commencé ainsi dans plusieurs
familles , comme il est certain que
c'est pour une pareille raison , qu'il
y a en tout pays tant de gens nommés
le Blanc , le ÎVoir , etc.; et puisqu'il
y a bien eu un empereur d'Orient (i),
et un empereur d'Occident (.».) , qui
ont porté le surnom de Balbus ou de
liî'gue , à cause qu'ils avaient ce dé-
faut de langue , pourquoi ne croirait-
on pas qu'au temps de la république
romaine , un pareil défaut introduisit
dans plusieurs familles illustres ce
surnom ? Ce n'est donc pas en cela
que Charles Etienne mérite dètn:
critiqué , mais en ce qu'il a pris les
Atiliens pour les Acciens , ou Àtiens ,
el qu'il s'est exprimé de telle sorte ,
qu'il semble dire que les Atiliens n'ont
eu que ce surnom-là : et néanmoins il
j a eu des Régulus , des Séranus , des
Calatinus, parmi eux. Il y a eu même
un C Atilius Balbus , consul l'an de
Rome 5o8 et 5iS , qui est peut-être la
cause de l'erreur de Charles Etienne.
Il aurait du suffire à M. Lloyd de cor-
riger cet article , mais il a trouvé plus
à propos de le supprimer entièrement ,
(1) C'est Michel , IIe. du nom , qui fut em-
pereur de Constantinople , depuis l'an 820 , ju <-
qu'à 8afi.
(2) Ce fut louis, IIIe. du nom, qui e'tail
aussi roi de France, et qui mourut en S;ij.
4*
à l'imitation de ces chirurgiens qui ,
au lieu de guérir une blessure , cou-
pent la partie blessée , ou comme ces
controyersistes qui coupent le nœud
d'une objection , lorsqu'ils se trou-
vent, à peu près aux mêmes termes
qu'Alexandre à l'égard du nœud gor-
dien. M. Hofman n'a, ni guéri , ni
coupé; il a retenu l'article tel qu'il
l'a vu dans Charles Etienne.
(B) Il prit , a cause de.... deux con-
suls , le prénom de Lucius, et le nom
de Cornélius. ] Selon l'usage de Borne,
ceux qui obtenaient la bourgeoisie
prenaient le nom de celui qui leur
procurait cet honneur. C'est pour cela
que l'historien Théophanes et ses
descendans ont porté le nom de Pom-
pée. Pourquoi donc, me demandera-
t-on , Cornélius Balbus ne prit-il pas
aussi le nom de Pompée ? Je ré-
ponds que ce fut à cause qu'il aima
mieux fonder son droit sur une loi ,
que sur l'honnêteté de ce général. La
loi dont je parle est celle que tirent
de l'avis du sénat les consuls L. Gel-
lius et Cn. Cornélius, l'an de Rome
68a. Elle portait que tous ceux à qui
Pompée , avec le consentement du
conseil de guerre , aurait conféré la
bourgeoisie de Rome , seraient cen-
sés citoyens romains. Nascilur , juili-
ces , 'causa Cornelii ex ed lege quant
L. Gellius , Cn. Cornélius ex senatus
sententid tulcrunt , qud lege videmus
salis esse sandum , uti cives romani
suit ii , quos Cn. Pompeius de consilii
sententid sigillatïm civilate donave-
rit (3). Balbus , regardant ces deux
consuls comme les véritables colla-
teurs de l'honneur dont, il jouissait ,
prit de l'un le prénom Lucius, et de
l'autre le nom Cornélius. Cela est
beaucoup plus vraisrmblable que ce
que dit Manuce , qu'encore que liai-
bus eût été fait bourgeois romain par
Pompée , il avait néanmoins l'obliga-
tion de ce grade h Cornélius Lenlulus ,
dont il emprunta le prénom et le nom
selon la coutume {!>). Il conjecture
aussi, (pie ce L. Cornélius Lentulus
est le même qui fut consul la premier !
année de la guerre civile, c'est-à-dire,
(3) C.iccro, Oral, pro Balbo.
Itannt. in Argumenta Oral, pro Corne!.
Vojres aussi la note sur le IX*. livre des
Epîlres <'c Cicéron à Alticns, pag. S de l'édition
de r.r.rvius, ou il semble qu'il j ait faute d'im-
pressiun.
42
BALBUS.
l'an 704 de Home. Au reste, ceci nous
apprend que le cardinal Baronius a
fait une trop longue énumération des
bienfaits de Titus envers Josephe ,
lorsqu'il a marque en particulier ,
qu'outre le droit de bourgeoisie Titus
lui conféra le nom de la "famille Fla-
via (5). Car , en premier lieu , ce fut
Vespasien , et non pas Titus , qui le
fit bourgeois (6) ; et d'ailleurs, après
cela , le nom Flavius s'en allait sans
dire.
(C) Capitolin le nomme Balbus Cor-
nélius Theophanes. ] Voici les paro-
les de cet auteur : Familiœ vetustis-
simœ , ut ipse( Balbinus ) dicebat , a
Balbo Cornelio Theophane originem
ducens , qui per Cn. Pompeium civi-
tatem meruerat , quùm esset iuœ pa-
irie; nobilissimus , idemque historiée
scriptor (7). Casaubon s'imagine que
cela regarde l'bistorien Théopbanes ,
natif de Mitylène , dans l'île de Les
bos (8;. Vossius (9) , M. de Tillemont
(10), et bien d'autres, sont dans le
même sentiment. Je crois qu'ils se
trompent , et qu'il vaut mieux trou-
ver ici le (ils adoptif que le père. Cor-
nélius Balbus était fils de Tbéopbanes
par adoption : c'est à lui que convien-
nent les trois titres dont Capitolin
s'est servi , et il n'y a que le dernier
qui convienne à Theophanes. Si l'on
me dit que Balbus n'était pas le plus
noble gentilhomme de sa patrie , je
répondrai que Theophanes n'avait pas
non plus le même rang dans Mitylène.
Il est vrai que Strabon assure que
Theophanes eut part aux charges pu-
bliques , et qu'il se rendit le plus
illustre de tous les Grecs (11); mais
ce n'est pas nous fournir de quoi con-
firmer les paroles de Capitolin , ce
n'est pas lui attribuer une antiquité
de famille , une noblesse de sang
qui le mette au-dessus de tous les
autres Mityléniens ; et c'est de quoi
il est question dans Capitolin. L'ob-
jection ne vaudrait donc rien , puis-
qu'elle prouverait trop , et il me suffit
que les ennemis de Balbus ne nias-
(5) Baronii Annal. , ad ann. 3G , num. 12.
(6) Joseph. , in Vitâ suâ.
(I) Capitol. , in Balblno , pag. ij*.
(8) Casaub. , in hune locum Capitolin!.
(9) Vossius, de Hislor. grweis, pag. \[\'(.
(10) Tillem., Histoire des Empereurs, loin.
III , pag. 489.
(II) Strabo, lib. XIII , pag. 4^5.
sent pas qu'il ne fût d'une famille
très-honorable. Hune in ed civitatè
in qud sit nalus , honeslissimo loco
natum esse concedis (12). Apparem-
ment, ils n'avouaient pas tout ce qu'il
s'attribuait là-dessus. Il y a une autre
objection à crairidre. Balbus fut con-
sul , et Theophanes ne le fut pas :
d'où vient donc que Capitolin , qui a
remarqué la qualité d'historien , a
oublié celle de consul , tout, autre-
ment propre que l'autre à relever la
noblesse de Balbin ? Je réponds que
Capitolin n'est pas un homme de qui
l'on doive attendre beaucoup de jus-
tesse d'esprit et de jugement. Le pis
qui en pourrait arriver serait de dire
qu'il appliqua mal la prétention de
Balbin , et qu'il crut que le Cornélius
Balbus Theophanes dont cet empe-
sé disait issu , était le même Theopha-
nes de l'île de Lesbos , dont la prin-
cipale gloire est celle d'avoir été his-
torien. Je ne voudrais pas absolument
rejeter cette conjecture : de plus ha-
biles gens que Capitolin auraient pu
prendre le change en cet endroit-là ^
mais j'aime mieux dire qu'il a su que
Balbus le Gaditain était auteur d'une
histoire.
(D) Je dirai en quoi consiste la
faute de Paterculus. ] Bapportons ses
paroles. Thm Balbus Cornélius, dit-
il (1 3), excedenle humanam fidem ,
temerilate ingressus castra hostium
sœpiusque cum Lentulo collocutus ,
consule dubitante quanti se venderet ,
Mis incrementis fecit viam quibus
non Hispaniensis nalus , sed Hispanus
in triumphum et pontificatum assur-
gerel , fieretque ex privato consula-
ris •• c'est-à-dire, selon la version de
M. Doujat , alors Balbus Cornélius ,
par une témérité qui excède la croyan-
ce des hommes , étant entré dans le
camp des ennemis pour gagner le con-
sul Lentulus , dont il était ami parti-
culier , traita plusieurs fois avec lui ,
qui délibéra quelque temps à quel
prix il mettrait safii. Par ce moyen,
Balbus s'ouvrit le chemin à ces agran-
dissemens par lesquels , quoiqu'il fut
non-seulement né en Espagne comme
plusieursRomains et Italiens, mais né
d'Espagnols naturels h^) , il trouva
(12) Cicero pro Cornel. Balbo, non procul mit,
fi3) Patorc. , lib. Il , cap. II.
(i/j) Celle explication de la différence que
fait Paterculus entre Hispaniensis et Hispanus,
BALBUS.
43
moyen de s'élever dans Rome à thon- dère qu'Atticus , ayant résolu de
neur du triomphe et du pontificat ; et,
d'un petit particulier qu'il était , il de-
vint enfin consulaire. Je laisse là celte
action de Balbus , sur laquelle on
pourra trouver un bon éclaircisse-
ment , si l'on consulte Cicéron aux
lieux que je cite (i5). Je m'arrêterai
seulement un peu sur Paterculus.
Ou il ne dit rien de raisonnable ,
ou il assure que Balbus fut élevé au
consulat aussi-bien qu'au triomphe
et qu'à la dignité de pontife ; et ce
serait en vain qu'on le nierait , sous
mettre fin à sa vie en i*» mangeant
rien , fit venir son gendre, t» L. Cor-
nélius Balbus et Sextus Péduceiis ,
pour leur déclarer cette dernière ré-
solution (19). Je crois avoir lu dat\s
une lettre de Cicéron , que Balbus
était un de ceux qui mangeaient assez
souvent à la table d'Atticus (20). Ce
qui prouverait qu'il se plaisait à en-
tendre lire de bonnes choses (21).
(F) On a confondu Cornélius Bal-
bus , avec Cornélius Gallus. ] C'est
pour une chose qui ne fait point
prétexte qu'il n'a pas dit et consula- d'honneur à sa mémoire. Ils le font
tum , comme il semble qu'il eût été mourir dans l'acte vénérien (22).
plus naturel de dire . afin de signifier Sans doute la première origine de
que Balbus fut consul. Ce n'est pas à cette fausseté est une faute d impres-
nous à régler les expressions d'un sion. Sur l'autorité de Pline (23) , on
homme qui parlait aussi poliment que
cet auteur : il a eu ses raisons pour
changer le tour de sa phrase , quand
il a voulu désigner le consulat ; mais
il s'est trompé dans la chose, et il a
confondu les honneurs de l'oncle avec
les honneurs du neveu. Le Balbus
qui négocia avec Lentulus au com-
mencement des guerres civiles , est le
neveu , comme il paraît par les let-
tres de Cicéron qu'on vient de citer
avait rais Cornélius Gallus dans la
liste de ceux qui sont morts en cet
état.; et l'imprimeur, mettant un B
pour un G , a été cause que plusieurs
ont pris une personne pour une au-
tre. Je trouve cette erreur dans diver-
ses éditions du Commentaire de Tira-
queau sur les lois matrimoniales.
(G) f^ossius a eu tort de censurer
Savaron.] Voulant relever une faute
qu'il croyait avoir trouvée dans le
C'est Balbus le neveu qui triompha Commentaire de Savaron sur Sidonius
des Garamantes, le premier des étran-
gers qui fut honoré du triomphe ,
comme nous l'apprenons de Pline
(16); mais ce fut Balhus l'oncle qui
lut honoré du consulat le premier
de tous, les étrangers, ainsi que le
même Pline nous l'apprend (17). On
distinguait à Rome ces deux Balbus
par le titre de major qu'on donnait à
l'oncle , et par celui de minnr que
Von donnait au neveu. Je m'étonne
Apollinaris , il s'est trompé lui-même
(2j). Savaron avait assuré que Bal-
bus , auquel Sidonius Apollinaris at-
tribue le Journal de la Vie de Jules
César (25), est le même que Balbus
Cornélius Théophanes , dont Jules
Capitolin dit, dans la Vie deBalbinus,
quil avait obtenu la bourgeoisie ro-
maine par la faveur de Pompée , et
qu'il était d'ailleurs le plus noble de
ses concitoyens , et historien. Vossius
que M. de Sanmaise , qui a fort bien réfute cette prétention de Savaron ,
démêlé les honneurs de l'un et de 1°. , |)arCe que Balbus , auteur du
Journal, était intime ami de Jules
César, comme il paraît par Sué-
1 autre (iS) , ait laissé en repos la
faute de Paterculus.
(E) Il fut lié d'une amitié fort
droite avec Pomponius Atticus.} On
ne saurait nier cela, quand on cousi-
( si toutefois son texte portail cela), paraît
aussi bonne que celle de Lip<e, qui par llispa-
niensia, a entendu un habitant de l'Espagne ,
et par Hispanus , un Espagnol naturel.
(i5) Z'Épître XXXII du X'. Inre ad Fami-
liares et le Commentaire sur i'Epître IX .lu
VIII'. livre a Atlicus.
16J Plinius, Ub. V,cap. V.
(1;) Idem, Ub. VII, cap. XLIII.
{18) Salmas. , in Solin. , cap. IX.
(19) Cornélius Xepos , in Vità Attici , cap.
XXI.
(20) Je n'ai pu trouver l'endroit, mais il me
semble avoir lu cela dans les Lettres de Cicéron
a &UÏCUS.
(ai) Voyei ci-dessus la remarque (f) de
l'article Atticus.
(22) ISaitliasar. Bonifacius, lîistoria luilicra ,
/,/;. XVI, cap. XVI, ex T.raquellu , leg.
Connub. XV, num. 2-.
123) LA. VII , cap! LUI.
(?4) Vossius de Historicis grarcis , Ub. 1 ,cap.
XXIII , pag. 143.
(25) Sidou. Apollin. , Fj.^t. XIV, Ub. IX.
44
BALBUS.
tone(26),etparAuIu-Gelle(27),aulieu
que Théophanes était intime ami de
Pompée , et qu'on en fit un crime à
ses desr=ndans, comme Tacite le re-
marque au VIe. livre des Annales ;
2°. , parce que Thëophanes, étant de
Lesbos , a écrit en grec , et que
Balbus a vécu à Rome , et a écrit en
latin.
Qui voudrait faire trop le critique,
je dirais contre ces raisons , i°. que
Je même Balbus qui a été des amis
intimes de César , a été des bons amis
de Pompée, et tellement honoré de sa
confidence , que les autres amis de
Pompée en avaient de la jalousie
(28). 11 est vrai que la liaison qui était
alors entre Pompée et César , ayant
permis à Balbus de cultiver l'amitié
de celui-ci , sans manquer à ce qu'il
devait à l'autre, il se trouva enfin
que les bienfaits de César furent su-
périeurs à ceux de Pompée : et néan-
moins Balbus obtint de César la per-
mission de ne le point suivre contre
Pompée , et se retira à Rome durant
la guerre civile (29). Il est vrai en-
core qu'il y fut l'homme d'affaires
de César, et qu'en tachant de porter
les choses à la réconciliation , il ne
parut pas tout-à-fait exempt de quel-
que partialité. Mais enfin , ce n'est
pas de quoi faire une juste opposition
entre Balbus et Théophanes, que de
dire d'un côté avec Suétone , que
Balbus a été intime ami de Jules
César , et avec Aulu Gelle , que Balbus
était à Rome l'un des agens de César
pendant son absence ; et que de dire
de l'autre avec Tacite , que Théopha-
nes avait été intime ami de Pompée ,
et que Tibère en fit un crime aux
descendans de Théophanes : car, vu
1 humeur bourrue de cet empereur,
il était capable de persécuter une fa-
mille , sous prétexte qu'elle aurait
obtenu la bourgeoisie romaine par la
faveur de Pompée. Or, cela serait vrai
au pied de la lettre à l'égard de
Théophanes, quand même on le con-
fondrait avec. Cornélius Balbus , puis-
(26) Sneton. , înCsesar., cap. LXXXI , mal
ailé cap. I.XXI , par Vossius, cl cap. LXXIV,
par Moréri.
(27) A. Gellius, lib. XVII , cap. IX, ou il
dit que Jules César et Balbus s'écrivaient en
chiffres.
(28) Cicero ad Allie, lib. IX, Epist. XIII.
(29) Fpist. Balbi an Cicéron., lib. IX, ad
Altic , pug. 36 , eilil. Grsevii.
qu'il est certain , non-seulement que
Pompée lui conféra cette bourgeoisie,
mais même qu'il plaida pour lui
quand on voulut la lui contester, et
qu'il le combla de bienfaits. La pre-
mière raison de Vossius n'est donc pas
bonne. 20. Je pourrais dire en second
lieu, que le Théophanes dont Vossius
entend parler n'a pas moins vécu à
Rome que Balbus , et qu'y ayant eu
des Romain* qui ont écrit des histoi-
res en grec, il ne s'ensuit pas que
Balbus ne soit pas Théophanes , de ce
que 1 héophanes a écrit en grec. Que
savons -nous même, si le Balbus en
question n'est pas le Cornélius Balbus
dont Marrobc cite le XVIIIe. livre des
'E^uyurutav (3oJ ? Similer n'en doute
point (3i).
Mais , sans m'amuser à des disputes
qui pourraient être accusées d'une
trop rigoureuse précision , voici le
jugulum causœ , et le point décisif
en trois mots. Vossius s'est imaginé
que Savaron a confondu Cornélius
Balbus avec Théophanes, natif de l'île
de Lesbos, et auteur d'une Histoire
de la guerre de Mitbridate. Mais c'est
ce qu'il n'a point fait. Il ne l'a con-
fondu qu'avec le Théophanes dont
parle Capitolin , et qui est bien dif-
férent de celui de Lesbos, quoiqu'il
ait de commun avec lui d'avoir reçu
de Pompée la qualité de bourgeois de
Rome. Or rien n'est plus raisonnable
que de prendre le Théophanes de
Capitolin pour le Cornélius Ealbus de
Suétone , et pour le Balbus de Sido-
nius Apollinaris ; car il est certain
que ce même Cornélius Balbus , natif
de Cadix , et honoré de la bourgeoisie
romaine par Pompée, fut adopté, à la
recommandation du même Pompée,
par Théophanes de Lesbos (32) : après
quoi , selon la coutume , il se nomma
Lucius Cornélius Balbus Théophanes,
comme Paul Manuce et Corradus l'ont
remarqué; celui-là , dans le sommaire
de l'Oraison de Cicéron pour ce même
Balbus , celui-ci , dans ses notes sur
les Epîtres de Cicéron à Atticus : et
l'un et l'autre ont pris ce Balbus pour
l'historien Cornélius Balbus Théopha-
(3o) Macrob. Satomal., lib. III, cap. VI.
(3ï) Simier. , in Kpitome Bibliotb. Gesneri.
(3a) Et atlaplio l'keopkanis agitata est. Ci-
cero pro Balbo. Placetigilur eliam me expulsum.
el agrum Campanum periisse , et adoplaluni
palrtcium a plebrio , Gaditanunr à illitrlenani.
Cicero, Fpist. VII ad Atlirnro, lib. VII.
BALBUS.
45
nés, dont Capitolin a parle. De sorte
que s'il y eût eu là de quoi critiquer,
il aurait fallu tirer eu cause ces deux
savans Italiens, plutôt que Savaron ,
qui n'est venu qu'assez long - temps
après eux.
(11) MM. Llnyd et Hofman méri-
tent un peu de censure. ] Je ne dis
rien de Charles Etienne : il a été un
peu trop sec sur notre Cornélius Bal-
nus : mais , ce qu'il en a touché n'est
pas mal choisi. M. Lloyd en a ôté
quelques paroles qui n'étaient pas
superflues , savoir que nous avons
encore l'Oraison de Cicéron pour ce
Balbus : car ce sont, deux faits fort
différens . l'un que Cicéron a plaidé
une telle cause , l'autre que nous
avons encore son plaidoyer ; et c'est
au dernier des deux que les lecteurs
chap. XLIII (36) ; car Pline ne parle
en cet endroit-là , que du consulat de
l'oncle. On se méprend aisément en
semblables choses : le père Hardouin ,
sur ce même endroit de Pline , nous
renvoie à un passage de Paterculus
(3;) , où il n'est question que de Cal-
bus le neveu.
(K) Glandorp a multiplié les êtres
sans nécessité.] Il n'a pas dû produire
trois consuls nommés L. Cornélius
Balbus. C'est multiplier les êtres sans
nécessité. Le premier est , selon lui ,
Balbus l'aîné , dont il met le consulat,
à l'an de home 713. Le second est
Balbus le jeune, pour le consulat du-
quel il ne dit rien de précis , se con-
tentant de rapporter les paroles de
Paterculus. Le troisième est un L.
Cornélius Balbus , qu'il dit avoir été
s'intéressent davantage. M. Hofman fait consul pour quelques jours , vers
..H...WT.. 1 » ff i .->l a f ii\ nnnr nnne or\_ 1^ (ïr. An l1.^ « « «— A..— i _ _ *
allonge l'article (33) pour nous ap-
prendre qu'il y a eu un autre Corné-
lius Balbus de Lesbos , surnommé
Théophanes , c'est-à-dire , pour nous
apprendre une fausseté. Lucius Cor-
nélius Balbus Théoplianes ne diffère
nullement de celui qui était de Cadix,
et dont il s'agit dans cet article.
' I ) Paul Manuce n'en doit
la fin de l'an, par Auguste et par
Marc Antoine, et avoir eu tant de
richesses , qu'elles lui permirent de
léguer a5 drachmes à chaque citoyen
romain (38). Ces trois consuls , dans
la vérité , se réduisent à un seul ; car
Balbus l'oncle n'est point différent de
celui dont le consulat fut de si petite
durée. On n'a qu'à voir Dion Cassius.
pas être tout-à-fait exempt.} J'ai déjà Le père Hardouin , pour marquer le
touché quelques-unes de ses mépri- caractère de ce consulat , dit ingé-
ses ; en voici deux autres. L'une est
dans le sommaire de l'Oraison de
Cicéron pour Cornélius Balbus , et
dans les notes sur l'endroit île cette
Oraison où il est parlé de l'adoption
de ce Balbus. Il dit là Irés-faussement,
nieusement que Balbus fut consul sous
le consulat de Cn. Domitius Calvi-
nus , et de C. AsiniusPollion , l'an de
Rome 714. Consul hic fuit , quoniàm
ita necesse est dicere , Cn. Domilio
Calwino secundhm,C. Asinio Pollione
pie Théoplianes était un affranchi de Coss. Anno Urbis DCCXIV (3yj.
;e (34) \ car ce ne fut pas la Au reste , si Glandorp avait eu quel-
Pompé
liberté , mais la bourgeoisie romaine ,
que Pompée donna à Théophanes,
Quid JUagnus hic noster , dit Cicéron
(35) , qui cum virlule fortunam adœ-
quavit? nnnne Theoplianem Jfityle-
nœuni scriptorem rerum suarum in
concionc militum cu-ilate danavit ?
L'autre tante de Manuce est de nous
renvoyer touchant le triomphe du
jeune Cornélius Balbus, neveu de ce-
lui dont nous parlons , entre autres
autorités , au livre VII de Pline,
(33) Dans le /«r. volume de sa continuation
il donne de bonnes Addition* louchant Cornélius
Balbus.
|i Tl le re'pète dans ses \oles sur l'Eiutre
XI .. AlticUS, fc„. V.
(35) Oral, pro Arcbià : autant en dit Yolcre
M.-.*ime, Uv. V III, chap. XI K.
que connaissance de l'endroit de
Pline (.}oj , où Balbus l'aîné est appelé
oncle paternel, palruus , de Balbus
le jeune , il ne se fût pas réduit à la
citation d'un aussi mauvais garant
que Volaterran, pour nous apprendre
que l'un de ces Balbus était fil* du
frère de l'autre.
(36) P. Manutius, in Argument. Oral. Cirer,
pro Halbo, oit au lieu de citer le char. XI ' I II
du Fil', livre de Pline, on cite le XXXVII'.
et au lieu du chap. XXIX de Solin , on eih le
AV.//*. Celle e'.lttion de Manuce est de Colo-
gne , en 1.Î82, in-8°.
(3;) Lib. II , cap. II.
(38) Clandorpii Onomaslic. roman., pas.
vu .cap. xr.m,
l.l- .
(3g) Har.l. , in Plin.
pag. G4 . tom. II.
(40) Lib. V , cap. V , pag. 54?
46 BAL
(L) La distinction de grand et de
petit consulat est chimérique.'] Voyez
un peu à quels travers d'esprit les
gens sont sujets. 11 s'en est trouvé
qui, sur ces paroles de Pline, fuit et
Balbus Cornélius Major consul , se
sont jetés dans la chimère de deux
degrés de consulat , et ont préfendu
que Balbus avait été fait grand consul,
ou premier consul (40- H était aisé
de voir que major , dans ce passage ,
ne se rapporte pas à consul.
(M) M. Morérl a fait plusieurs
fautes. ] Ce n'est que sur un on dit ,
qu'il débite que Cornélius Balbus com-
posait un journal, ou des éphéméri-
des de ce qui arrivait tous les jours h
César. Si l'on avait su que Sidonius
Apollinaris a parlé de ce journal
comme d'un livre subsistant alors ,
et qu'il en a même parlé avec éloge
(4a) , on aurait rejeté bien loin cet on
dit. Quelques-uns veulent que Sym-
maque ait parlé du même livre, lors-
qu'il écrivit à son ami, si impar est
desiderio tuo Livius , sume Ephemeri-
dem C. Cœsaris decerptam bibliothc-
culœ meœ ut ttbi muneri mitleretur.
Hœc te origines, situs , pugnas, et
quidquid fuit in moribus aut legibus
Galliarum docebit (43) : c'est-à-dire ,
si Tile-Lii'e ne satisfait pas pleine-
ment l'envie que vous avez de con-
naître l'histoire de l'ancienne Gaule ,
vous n avez qu'a prendre les Ephémé-
rides de César, dont fe vous ai fait
présent , etc. Mais d'autres prétendent
qu'il ne s'agit là que des mémoires
que César avait faits lui-même, et
que nous avons encore sous le titre de
Commentaires de la Guerre des Gau-
les (44)- H es^ pourtant vrai qu'il
avait fait, d'autres mémoires sous le
titre ai1 Ephémérides , comme nous
l'apprenons de Servius. Pourquoi
Symmaque ne pourrait-il pas parler
de ceux-ci ? 2°. L'avis de prendre
garde de ne pas confondre , comme
Savaron et d'autres l'ont fait , cet
auteur avec un de ce nom surnommé
l'héophanes , qui était de Lesbos ,
( \\) Voyez Saumaise , Exercitat. Plin., pag.
3S3.
(4^) Quis Opéra Suetonii, quis Juvenci, Mar-
ûalis Mistoriam , quisve ad extremum Bal m
El^nEMEÏUDEM FANDO ADiQUA V ERIT ? Sliionius
Apollinar. , Epist. XIV, l,b. IX.
{43)Symmacb., Epist. XVIII, Ub. IV.
(44) Vossius, de Hist. lat. , pag. 64, où il
attribue à Suétone ce qui est de Symmaque,
BUS.
contient deux fautes. Nous avons
montré la première en justifiant Sa-
varon de la censure de Vossius. La
deuxième consiste à supposer qu'il y
a eu un historien natif de l'île de
Lesbos, qui s'appelait Cornélius Bal-
bus Théophanes. Rien n'est plus faux.
L'historien Théophanes , natif de
Mitylène en Pile de Lesbos, a bien été
appelé Cn. Pompéius Théophanes, à
cause que Pompée lui avait conféré la
bourgeoisie romaine, mais il n'a ja-
mais ajouté à son nom de famille ce-
lui de Balbus , ou de Balbus Corné-
lius ; et il y a lieu d'être surpris qu'il
soit échappé à Vossius de dire que
l'historien Cornélius Balbus Théopha-
nes , dont Jules Capitolin a fait men-
tion , est le Théophanes de l'île de
Lesbos, qui écrivit la guerre de Mi-
thridate (45). 3°. Mais encore, pour-
quoi faut-il prendre garde de ne pas
faire comme Savaron ? C'est parce
que Cornélius Balbus vivait à Rome ,
et que Théophanes était de Lesbos.
Ne sont-ce pas là deux attributs bien
incompatibles dans un même sujet,
et peut-on demander de meilleures
preuves de distinction personnelle ?
Voilà comment les erreurs croissent.
Moréri , pour avoir voulu abréger la
preuve de Vossius , l'a rendue incom-
parablement plus mauvaise qu'elle
n'était. \°. Je pense que c'est le pre-
mier , poursuit-il , que Cicéron dé-
fendit contre ceux qui l'accusaient de
prendre injustement le titre de citoyen
romain. Outre que l'expression est
tournée si peu nettement (46) , qu'elle
fait d'abord penser que Cicéron com-
mença cette sorte de plaidoyer par la
personne dont il s'agit, ce qui n'est
point ce que l'on veut dire , ni ce
qu'il faut dire ; il y a ceci de mauvais
dans ces paroles , c'est qu'il ne fallait
pas parler de cela comme d'un fait
incertain, et qu'il n'}' avait rien de
plus aisé que de s'en convaincre évi-
demment par la lecture des sommaires
de Paul Manuce, du père Abram, etc.,
sur l'Oraison de Cicéron pro L. Cor-
nelio Balbo.
(N) Cicéron a dit que Sufpitius sur-
passa Balbus son maître. ] On com-
(45) Voyez dans la remarque (C) , Casaubon
et autres qui ont fait la même faute.
(46) Si Von voulait remarquer les fautes de
cette nature qui sont lions le style de Mttréri ,
»n les ferait compter far milliers.
BALBUS. 47
prendra mieux la pensée de Cicéron pour tout cela , et pour ce qui
par ses paroles que par les miennes. en p0urra naître.
(A) Il s'est trouvé des gens qui Font
traité de béat.-] C'est ce qui paraîtra
par ce passage : JVou vi lia mancato
chi lo ripnnga del numéro de' beati ,
e corne taie si vede dipinto net tempio
Balbi docti et TrudUi lommis in utrd- dl A' Tomaso di Payia , m luogo emi-
que re comideraUim tardilalem ui- nenteuicmo al sqffitato (i).
cit,expediendis conficiendisque rébus. (B) Soyons pourquoi il portait ce
nom , et. ... s il était le même que Jac-
ques de t/'oragine.~\ Jean Balbus , no-
ble génois , fut appelé' Januensis , ou
de Janud , parce qu'il était de Gênes.
II dit lui-même dans son Catholicon ,
au mot Janua , qu'il était d'une ville
nommée Janua. Cette ville n'est autre
par ses paroles que |
Qu'on lise donc ce qui suit. Cùm di-
cendi caussd duobus perilissimis opé-
rant dedisset ( Servi us ) L. Lucilio
Balbo , C. Aquillo Gallo , Galli ho-
minis aculi et exsrcilati proniplam in
agendn et in respondendo celeritatem
sublilitate diligenùdque superavit
Sic et habel quod uterque eorum ha
ouït, et explevit quod ulrique dejuit
(4?)-
(47) Cicero, in Bruto , cap. 7CJ.II,
BALBUS , BALBI , ou BALBO
( Jeaiv ), moine jacobin, ilorissait que celle de Gênes : dès le temps de
au XIIIe. siècle. 11 savait le Luitprand elle était plutôt nommée
grec *', chose rare en ce temps- Janua1cfue Gen»a ». soit qu'on voulût
. r , ii-1 plus clairement insinuer <ini' Janus en
la , et beaucoupplus de latin que e<tait lefondateur, soit qu'ira eût égard
tous ses confrères ensemble. Il à la raison rapportée par Jo. de Janud,
l'ont traité de béat (Aj. Ce fut nuensis île Iialbis , et qu'il avait fait
sur ce pied qu'on mit son image quelques autres livres. A la tin du Ca-
dans l'église de Saint-Tbomas à thollco"> ll ff savoir qu'après plu-
•n T° . , ~_ sieurs années de grand travail , il 1 a-
Favie. Le titre de ses ouvrages «r çheva le jour des nones de mars , c'est
Se peut voir dans M. Moréri , à-dire , ie 7e. jour de mars 1286.
qui, au lieu de nous renvoyer M Oudin , ci-devant religieux de
au volume de Vossius sur les l'orfrf de Prémontré , et maintenant
1 - . • 1 ,- -.I- agrège a 1 église protestante au erand
historiens latins, aurait bien contentement du parti, qui se félicite
fait de remarquer que Jean Bal- avec raison d'une si bonne conquête ,
bus est incomparablement plus
connu sous le nom de Joannes
de Janud, ou de Joannes Januen-
sis , que sous aucun autre. JNous
et qui attend plusieurs beaux ouvra-
ges de cette plume , M. Oudin , disje ,
prétend que Jacobus de f'oragiiie ,
auteur de la Légende dorée, et Joannes
de Janud , auteur du Catholicon , ne
■quoi il porta ce sont qu "n seul et même homme (2).
:t discuter s'il est le mê- lls'' f."m]c sui;ce T*'°n conyent flu'ils
allons dire pourquoi
nom , et discuter s'ii c
T 1 \r • ,r.v vivaient en même temps, qu ils étaient
me que Jacques deWagme (B). tous deux jacobins , tons deux de Gê-
Nous ne ferons qu'une remarque nés , et à cause de cela tous deux nom-
més Januensis. 11 aura donc été facile
*' Le père Echard. cite' par Leclcrc , dit à ceux qui auront VU à la trie de plu-
que c'est un éloge qui lui a été donné gra- sieurs manuscrits le nom Januensis
tu.temeut par ceux qui ignoraienl que Bal- pre'ce'dt: de la lettre J , initiale du nom
nus avait lm-meme avoue ne pas savoir assez
grec pour expliquer les étymologies des
mots qui viennent de cette langue.
"2 Le seul qui soit imprimé, dit Leclcrc, 3ia
c:t son Catholicon , l'un des premiers pro-
duits de l'imprimerie.
(i) Alfonso Fernanctez , apiul IWicliaelcm Jus-
linianum, m libro de gli Scritlori ii-uri, pag.
(?) Oudin, SnppUin. de Scrlptor. eccle»i»st
paç. 5(ii.
48
BALBUS.
de bapléme Joannes et Jacobus , de
les attribuer tantôt à Jacobus Januen-
sis , tantôt à Joannes Januensis , ce
qui aura converti un auteur en deux.
Mais iJ me permettra de lui dire
que sa conjecture est assez rudement
choquée par le dénombrement que
l'auteur du Catholicon a donné de ses
ouvrages au mot Janua , car encore
que le temps où il acheva son Catho-
îicon puisse avoir été fort éloigné de
celui où il acheva l'article Janua , il
n'est nullement vraisemblable que ,
s'il avait composé quelques livres dans
le temps qui se serait écoulé entre la
composition de cet article et la clô-
ture du dictionnaire , il ne les eûl pas
ajoutés aux autres dans le même arti-
cle. Ainsi Ton peut supposer que le
catalogue qu'il donne sous le mot Ja-
nua est de l'an 1286 , auquel il mit la
dernière main au Catholicon. Or , il
est certain que Jacques de Voragine
publia en 1270 une traduction ita-
lienne de la Bible *'. Quelle appa-
rence que si , au bout de seize ans , il
avait parlé des livres qu'il avait don-
nés au public , il en eût oublié un
d'une entreprise aussi nouvelle , et à
tous égards aussi remarquable que la
version de l'Ecriture en langue vul-
gaire ? Il n'est donc point vraisem-
blable que l'auteur du Catholicon soit
Jacques de Voragine. N'en décidons
point, pourtant. Attendons les lumiè-
res des savans , et en particulier celles
de M. Oudin *2. M. Cave veut bien
être encore là-dessus dans l'incerti-
tude (3).
Voilà comment je parlai dans mon
projet ; mais présentement je parle
d'un ton plus ferme contre la conjec-
» tulé Catholicon , n'a jamais été cite'
11 sous le nom de Jacobus. Le second ,
» qui est auteur de la Légende dorée ,
» n'a jamais été cité sous le nom de
» Joannes- Le premier est toujours ap-
» pelé Joannes de Janud , ou Januen-
» sis , parce qu'il était véritablement
» de Gênes , de la famille des Balbi. Le
» second , dont la famille est incon-
» nue , est presque toujours appelé
» Jacobasde Voragine , très-rarement
» Jacobus Januensis ; et alors , il faut
» ou sous -entendre archiepiscopus ,
» ou croire que c'est à cause du peu*
» de distance qu'il y a de ce bourg de
» Ligurie , nommé Voragine , lieu
» de sa naissance , jusqu'à Gênes. Le
» premier n'était qu'un simple reli-
» gieux jacobin , le second a été élevé
m à l'archevêché de Gênes. Tous les
» auteurs , et les jacobins entre au-
» très , ont toujours distingué les
» noms , le pays et les ouvrages de
» ces deux écrivains. C'est, ce qu'ob-
» serve soigneusement Leandro Al-
» berti dans sa Description délia ri-
» viera di Genova di Ponente. Jac-
» ques Bracelli , Génois , qui écrivait
» dès l'an T43i , et dont nous avons
» un petit livre de claris Gtnuensi-
» bus , n'y fait nulle mention de Ja-
■» cobus de Voragine , parce qu'il n'é-
» tait pas de Gênes , mais y parle avec
» éloge de l'auteur du Catholicon ,
» Joannes Bal bus , auquel il n'aurait
)) pas manqué de donner la qualité
» d'archevêque de Gênes , s'il l'avait
» eue , comme il la devait avoir , sui-
)> vant l'opinion de ceux qui le con-
» fondent avec Jacobusde Voragine. »
Simler n'a garde de confondre ici
deux auteurs en un , puisqu'au con-
ture du père Oudiu : je suis fondé sur traire d'un il en fait trois; car il parle
plusieurs bonnes raisons, qui viennent de Joannes de Janud, de Joannes Ja
j. «._«- 1 i:_ ._ tr\ ir_- • l»__t__4» .. 1 _ 7 r> 11 _.
de très -bon lieu (4). Voici l'extrait
d'un mémoire venu de Dijon : « Je
3) crois qu'on pourrait décider nette-
» ment que Joannes de Janud ne
-» doit nullement être confondu avec
» Jacobus de Voragine. Le premier ,
» qui est auteur du dictionnaire inti-
** Leclerc, d'après le père Lelorjg, traite celle
édition de chimérique.
*2 Joly dit que le père Oudin s'est rétracté
dans le tome III de son Commentanus de Scrip-
toribus ccclesïaslicis , imprimé à Leipsick eu
i"22; conséquemment long-temps après la mort
ie lîayle, circonstance qui était a remarquer.
(3) Cave, de Scriptor. ecclesiast. , pas- t5o.
(4) Du savant M. de la Monnoie.
nuensis , et de Joannes Balbus , comme
de trois auteurs différens (5). Il se
trompe de plus en plus , en mettant
Baldus pour Balbus , faute que Quens-
tedt a suivie dans son Traité de la Pa-
trie des Hommes illustres (6). Marti-
nius donne aussi dans les fautes de mul-
tiplication. C'est dans le catalogue des
dictionnaires dont il s'est servi pour
faire le sien ; il est au commencement
de son Le.ricon Philologicuni , im-
primé à Brème , en 162J ., rt puis aug-
menté à Francfort , en iG55 , et réim-
(5) Epilome BiLliolli- Gesneii.
v6) i'«#. io'À.
primé à Utrecht , l'an 1697. Il al-
lègue le Catholicon , achève le jour
des nones de mars ia86 , et cite les
propres paroles qui sont à la lin du
dictionnaire de Joannes de Januâ.
Immédiatement après il allègue une
Summa qu<v vocatur Catholico/i , pu-
bliée par frère Jean de Janua , et im-
primée à Venise en 1487- H est clair
que ce ne sont que deux différentes
éditions d'un même livre , et que la
première ne devait pas être moins at-
tribuée à Jean de Janua , que la se-
conde. Martinius n'y eût pas manqué,
s'il avait su ce qui est dans l'article Ja-
nua au Catholicon achevé en 1286.
Je vois qu'on n'est pas encore bien
d'accord sur l'auteur du dictionnaire
qui a été le premier intitulé Catholi-
con. M. du Gange le donne à notre
Jean de Janua , et veut que ni Papias
ni Ugutio , (pu avaient fait des com-
pilations antérieures , n'aient pas em-
ployé ce titre (7) ; mais M. Borrichius,
qui a écrit après avoir lu la pré-
face de M. du Cange , ne laisse pas de
soutenir que Papias est l'auteur du Ca-
tholicon , et qu'il acheva cet ouvrage
l'an 1286 (8). il avait vu qu'on soute-
nait dans cette préface que Papias
avait fleuri , non en 1200 , comme
l'assure Tri thème , mais en io53 ,
comme la Chronique d'Alberic le jus-
tifie \ et néanmoins il pose en fait que
Papias a achevé son dictionnaire en
1-286. Il fallait , ou réfuter M. du
Cange , ou du moins observer qu'il
se trompait- Ces ménagemens et ce
silence ne font qu'embarrasser les lec-
teurs. En tous cas , c'est une forte
présomption contre M. Borrichius ,
que de voir qu'il met la conclusion du
dictionnaire de Papias précisément en
la même année 1286 , que Joannes de
Janud acheva son Catholicon. Le mé-
moire cité ci-dessus m'assure que Pa-
pias n'a point fait le Catholicon achevé
l'an 128G, et que Jean Balbi est le
premier qui se soit servi du titre de
Catholicon à la tête d'un dictionnaire.
Il y avait long- temps que Barlliius ,
sans avoir consulté la Chronique ma-
nuscrite d'Alberic , avait juge que
Papias était plus ancien qu'on ne le
BALDE. 49
a vécu sous le pape Innocent III, c'est-
à-dire , au commencement du XIIIe.
siècle ; mais Barthius, au chapitre III
du IIP', livre de ses Advcrsaria , le mit
sous l'empire de Henri II (9) , en con-
sidérant que cetauteurneconduit que
jusqu'à Henri qu'il nomme minorent ,
ia liste , qu'il donne sous le mot aetas ,
de tous les princes des siècles passés.
Il n'aurait point fait cela , s'il y eût eu
déjà plus de deux empereurs du nom
de Henri. Il est vrai que Barthius se
fait un doute que la prodigieuse négli-
gence de ceux qui continuent ou qui
amplifient les compilations , rend légi-
time, généralement parlant. C'est que
peut-être Papias a laissé l'article tetas
tout tel qu'il Fa trouvé dans quelque
vieux dictionnaire , sans pousser le
catalogue jusques à son temps. C'est
ainsi qu'on trouve dans la Chronique
de l'abbé d'Ursperg, en un endroit,
que l'auteur était à Rome , l'an 1102
(10) ; en un autre , qu'il était très-
jeune , in minoriœtate , l'an 1 198 , et
en un autre, qu'il fut fait abbé en
12 15. Si le continuateur éclaircissait
les choses par rapport à ces additions ,
onnerencoutreraitpascesbrouilleries.
(c)) II mourut l'an 1024 : ainsi il semble que
la raison de Bartbîns prouverait trop.
(10) Voje* Vossius de Hist. lai. , lib. II,
cap. LVII, et Btllarm. Je Scriptor. ecclesiast. ,
pag. 335, faussement accuse par Zeiler, de
Hist., pag. i55 , d'avoir cru falsifie' le nom-
bre 1101.
BALDE , célèbre jurisconsulte
dans le XIVe. siècle, était fils de
François Ubaldus (A) , médecin
de Pérouse. Il étudia sous Bar—
tôle; et n'ayant encore que quin-
ze ans , il lui proposa une objec-
tion si embarrassante, qu'il fal-
lut demander du temps pour y
penser , et qu'on n'en donna la
solution que le lendemain. Ainsi
ceux qui disent que Balde com-
mença fort tard ses études se
trompent grossièrement (B). Peu
après sa promotion au doctorat ,
fait. Platine donne pour constant qu'il il soutint des thèses que Bartole
attaqua pendant cinq heures de
suite , sans pouvoir gagner la
Uli
(7) Du Cange, Prafal. Gloss
(8) Borrich. Append. de Lexiiis grxcii rt la t.
a la fin de ses Analecta ad Coeit. de Ling. lat.
1683.
victoire. Il plaida souvent des
to.ue 11t.
5o BALDE
causes contre Bartole , et il s'é- tité de livres , et il n'y a nulle
leva entre eux une émulation apparence qu'il ait étudié seule-
qui dégénéra bientôt en haine, nient deux heures par jour (G).
On n'en saurait douter , quand Ce ne sera point lui qu'on potir-
on voit que Balde prend à tâche ra donner pour un exemple d'un
d'offusquer la réputation de son auteur sans défaut : quand il
maître. Ce qu'on a dit , que les n'aurait que celui de se contre-
Pandectes de Pise ayant été con- dire , il ne serait pas peu éloi-
sullées au sujet de la dispute gné de la perfection , mais il en
qu'ils eurent sur la leçon d'une a bien d'autres (H). Les excuses
loi , Balde se trouva convaincu dont il colorait ses contradic-
de plusieurs falsifications , et tions méritent d'être considé-
qu'il en fut châtié d'une manie- rées (I). Il mourut le 28 d'avril
re ignominieuse , ne doit passer i4oo (K). Le genre de sa mort
que pour une fable (C). Il ensei- fut triste : il aimait tendrement
gna à Pérouse , et il y eut pour un petit chien , il le caressait et
disciple le cardinal de Beaufort , le baisait fort souvent. Il en fut
qui fut ensuite le pape Grégoi- mordu à la lèvre pendant de tel-
le XI. Il fut appelé à Padoue , les caresses: et comme ce chien *
environ l'an 1 378; mais il quitta avait la rage en ce temps-là , il
cette académie lorsque Galéas Vis- répandit dans le corps de Balde
conti , voulant rétablir celle de un xenin subtil , qui ne fit au-
Pavie, y attira à force d'argent , cun effet pendant long-temps ,
les plus habiles professeurs qu'il mais qui enfin produisit la peur
put rencontrer. Une prompte de l'eau , et causa un mal incu-
repartie que fit Balde, la premiè- rable (a). Balde vécut soixante-
re fois qu'il parut dans le collège seize ans (b) , et laissa deux fils ,
dePavie,le fit admirer (D). Il qui furent bons jurisconsultes (c).
eut là un collègue redoutable , Zénobius, l'aîné, fut évêque de
nommé Philippe Cassolus. C'était Tipherne (d).
un homme qui avait joint à . SuHa foi aw épitaphe qu.n a extraite
beaucoup d'esprit une excellente du Lantiniana manuscrit, Joly avait d'abord
mémoire; mais la bonne 'opi- dit que citait une chatte, et non un chien;
. ' . ta mais daas ses Corrections et additions , i\ d\t
nioil qu il avait de Sa Slimsance ,jUe Pcpilaplie a ete' faite pour un seigneur
l'avant porté à faire un défi , il romain et non pour Baldus.
J i 4. 1 • A,* „„„*.: («> Tiré de Panzirole.de Clar. les. In -
succoinba , et sa gloire tut saci 1- ter^elib. ( ftv. /7j chap_ LXX, pag. 201 et
fiée à celle de Balde (E). La mort Suw.
de ce Philippe ne délivra point W J«*: J°™. *J°*. «*■ V"^^'
. , \ y x (c) Panzirolus, de Clar. legum Jnterpre-
d inquiétude son concurrent; ti)nis _ pag 203.
car il y eut une émulation si (<t)idem,ibid.
échauffée entre le professeur ,A) R étaitjih de François Uiat
qui lui succéda, et Balde , qu'ils ^us .] Remarquez donc que Baldus est
introduisirent la honteuse et la le nom de baptême de ce junscon-
pernicieuse coutume de briguer suite , et Ubaldus son nom de fa
K ,. . P 1 r mille. Moreri rappelle outre cela
des auditeurs a force de supph- pien.e . c,est confondre le frère aîné
cations. Balde gagna beaucoup avec ie cadet. Petrus Ubaldus était
de bien (F). Il a composé quan- le troisième fils du médecin Francis*
BALDE
eus Ubalilus, et fut bon jurisconsulte.
Angélus Ubalilus , son frère, fut aussi
un grand juriste. Voyez Panzirole au
chapitre LXX et suivans du 11e. livre
de Claris legum Interpretibus
lit
us constat quee supra âiximus. M.
lîaillet observe que la Mothe-le-Vayer
et le père Bartoli semblent avoir a-
dopte celte opinion ., comme si le fait
était fuit avéré ,.... et non pas un conte
(B) Ceux qui disent que Baldus corn- fait h plaisir. 11 les renvoie au presi-
menca fort tard ses études se iront- dent 7'iraqueau , et au chapitre VIII
petit grossièrement.] On a débite qu'il des Éloges de Paul Jove (7). Il cite la
dam (1). La Mothe-le-Vayer donne à
lîartole un discours un peu plus long.
fous venez lard , Balde , vous serez
avocat dans l'autre monde. Sera venis,
Balde , eris advocatus in alio seculo.
Je ne crois pas que si Bartole avait
dit cela , il eût fait aucune allusion à
la raillerie de Caton. Ce censeur , pour
Balde fut un esprit avancé* , et qui
dura fort long-temps : Prœcoci ingénia
penè puer , non ad optimum modo frii-
gem , sed rarissimo etiam naturœ dono
ad longarti senectutem pervenit (8).
(C) Ce qu'on dit qu'il se trouva
convaincu de plusieurs falsifications.. .
ne doit passer que pour une fable
se moquer de l'école d'Isocrate , disait (*). ] Les uns disent que la flétrissure
que les disciples y vieillissaient , afin
d'aller exercer leur éloquence dans les
enfers , en plaidant au barreau de Mi-
nos (2). Le conte dont il est ici ques-
tion n'a nul fondement. Panzirole
prouve que Balde , âge' de quinze ans ,
lit une objection très-embarrassante au
fameux Bartole ; qu'à l'ûge de dix-sept
ans , il lit des leçons publiques ; et
que quatre ans après il fît un livre de
Pactis , et un autre de Conslituto (3).
Voici les paroles de cet écrivain : Opi-
nioni Bartoli adeo argutè contradixit ,
ut ille arguments acumine pcterrilus
responJere non poluerit , commenda-
to que juvene tempus ad solvendum
petiit , et sequenti mane respondil.
Deindè 17 annum ingressus solemni
inlerpretalione difficillimam legem pu-
bliée Baldus explicuit ; undè fabulo-
sum est quod vu/go fèrtur , oaldum
quadragenarium ad legum studia ac-
cessisse (4)- Le jurisconsulte Zazius
qu'il reçut l'obligea à s'exiler , et à
dire comme Scipion l'Africain , qu'il
ne voulait pas que son ingrate patrie
lui fournît la sépulture : Publiée tra-
ductum patrid excessisse ferunt , et
abeuntem Scipionis Africani verba
protulisse, ingrata patria, ne ossa qui-
dem mea habebis , ac in voluntario
exilio senem defunctum fuisse (g).
D'autres disent qu'il fut condamne' à
la marque d'un fer chaud sur le front ,
et que Bartole le protégea. Jason l'a-
vait ouï dire , mais il a eu grand tort
d'immortaliser cet ouï-dire dans ses
ouvrages. Il ne faut jamais faire cet
honneur à de tels bruits qu'en ces
deux cas : l'un , lorsqu'ils sont très-
vraisemblables ; l'autre , lorsqu'on les
veut charger d'une note de réproba-
tion , c'est-à-dire , les réfuter et les
siffler. En ce dernier cas , il est très-
utile de rapporter ces sortes de tradi-
tions , parce que rif n n'est plus pro-
rapporte le même conte , sur la foi de pre à inspirer de la défiance contre les
Paul Citadin , mais Tiraqueau le re-
jette comme une fable (5). Adduce-
rem , dit-il (6) , quod de Baldo vul-
gô 'iicitur.... nisi scirem hœc essecom-
mentitia , et prorsùs fabulosa , ut ex
(1) Pamirol. , de Claris legum Interpretib.,
lib. Il , cap. LXX , pag 201.
(2) Plutarclius, in Catone, pag. 35o.
(3) Pamir., de Clar. leg. Interpretib. , pag.
2o3.
^4) Ibidem, pag. 200, soi.
(5) Zazius, apnd Tiraq. de Jure Primigcnior.
Prœf. num. 206.
(6) Tiraq. de Jure Primigcnior. , Prctf, num.
3&t>.
(-) Baillet , Enf. célèbr. , pag. 4io.
(8) Jusqu'à soixante-seize ans.
(*) La falsification dont Balde fut accusé re-
gardait la loi credilor , première au Digeste de
Dtstraclionc Pignorum, dans laquelle il fut, mt-
on , convaincu d'avoir supprime un n. Bartole
prit la défense de Balde , non pas en niant le
f.iit, mais en alléguant en faveur de l'accusé la
loi Adbeslias 3i, au Digeste de Punis, laquelle
veut que lorsque le coupable est d'ailleurs un
sujet de grand mérite, ou qui a des talens extraor-
dinaires dans son art, on se relâche a son égard
de la rigueur des lois. Voyeî Jean N"ijn , 1. ,
n. 25 de sa Fuiél nuptiale. B.K* crit.
(9) Paniir. d« Claris le*. Interpretib. , p :.,
5a
BALDE,
rapports de la renommée , que de
faire voir à son siècle la sotte et ridi-
cule crédulité des précédens. Pour
prouver démonstrativement que l'ouï-
dire de Jason est une fable , il ne faut
point d'autre raison que celle-ci. Ja-
son ne savait cela que par oui-dire :
si la chose eût été vraie , il 1 aurait
lue en cent endroits. Balde vécut long-
temps tout couvert de gloire ; il fit des
livres , il réfuta qui bon lui sembla ,
il eut des antagonistes et des ennemis
redoutables. Tenez pour assure que si
l'on eût pu lui faire un reproche d in-
famie , on l'aurait fait dans plus d'un
livre. C'est là que Jason et tout le
monde aurait appris cette disgrâce.
C'est le malheur des savans qui se dis-
tinguent beaucoup , et qui écrivent
beaucoup ; les plus petites fautes de
leur jeunesse leur sont publiquement
reprochées tôt ou tard. Us se font des
ennemis parmi les auteurs : c'est assez,
ils doivent s'attendre à des romans
satiriques , plutôt qu'à la discrétion
de l'adversaire. Voilà comment Pan-
zirole devait tourner l'apologie de ^ai-
de : il devait expressément , et d'une
façon développée , se servir de cette
note , et ne se contenter pas de dire ,
Çuœ omnia falsa esse et alii potiùs
evenisse non dubito , cùm nulla de
hoc certa extel aucloritas , et eum Ti-
cini decessisse constet (10).
(D) Une prompte repartie que fit
Balde.... le fit admirer.'] Il était de pe-
tite taille , de sorte que dès qu'on le
vit dans l'auditoire on s'écria : minuit
prœsentia fumant. Il répondit sans se
décontenancer : Augebit caetera virlus.
Panzirole ajoute : Quo dicto omnibus
suî admirationem injecit (i i).
(E) La gloire de Cassolus fut sa-
crifiée a celle de Balde.] Cassolus s'é-
tait engagé à répondre sur-le-champ
à tout ce qu'on lui pourrait demander
concernant les dernières volontés. On
prit jour et heure pour vérifier s'il se
vantait de cela avec raison. L'assem-
blée fut nombreuse. Balde se lève ,
fait une question à quoi on ne sait ré-
pondre : il faut que lui-même montre
la loi qu'il demande. Jugez si le dé-
fiant fut mortifié. Philippus, qui, ut
memoriâ cœleris antecellebat , se ex
omnibus ultimatum voluntatunt quœs-
(10) Panzirol. de Claris leg. Interpretibus ,
pag. 202.
(11) Ibidem, pag. 2<>3.
tionibus ex lempore responsurum pro-
cessus est. Statutd ad dicendum die ,
cùm in magnd expectatione esset, sur-
gens Baldus interrogavit , ubi in jure
cutltum reperiretur , parent non esse
ejus , qui non vult , ei , qui non po-
test , condilionem. Ad primant inler-
rogalionem hœsitanle Philippo , cùm
Baldus de propositd quœslione legem
ostendisset , magnant gloriant relu-
lit (12).
(F) Balde gagna beaucoup de bien.]
Les conseils qu'il donna sur la seule
matière des substitutions, lui valurent
plus de quinze mille écus. Il possédait
plusieurs terres. De jure respondendo
immensam pecuniam coëgit , qui ex
solis substilulionum speciebus plus
quindecim millia aureorum lucralus
fuisse traditur. Aliunde prœterea ex
innumeris aliarum successionum cri-
minumque causis et contraclibus per-
amplas opes accumulaint (i3). Il se
tenait dans une agréable maison de
campagne auprès de Pavie , d'où il
venait sur sa mule à l'auditoire. Do-
mus , ajoute Panzirole (i4) , t'etustate
vitiala adhuc hodiè pro re mentorandd
ostentatur.
(G) // n'y a pas d'apparence qu'il
ait étudié seulement deux heures par
jour.] Panzirole, réfutant cela, dit
entre autres choses, que Balde , fai-
sant uu voyage qui l'empêchait de
donner à la lecture le temps qu'il
avait accoutumé d'y consacrer , di
sait, « chaque pas que fait mon che-
» val sont autant de lois qui sortent
» de ma mémoire : » Quoi gradits
equus ambulabat , tôt leges sibi exci-
dere querebatur (i5). C'est un signe
qu'il avait acquis , et qu'il conservait
son savoir à force de lire.
(H) // a bien des défauts. ] H
avance mille choses singulières, et
opposées au sentiment des autres ju-
risconsultes , et il les avance sans
citer aucune loi : ce sont ses propres
fantaisies. Il cite des lois qui ne font
rien à ce de quoi il s'agit : il traite de
plusieurs choses hors de leur place j
il est trop sec sur le nécessaire, et
trop prolixe sur l'inutile ; il répond à
des questions que personne n'a jamais
(12) Idem, ibidem.
(il) Panzirol. de .Claris leg- Interpretibus
pag. 204.
(i4) Ibidem , pag. ao3.
(i5) Idem , ibidem.
BALDE.
53
faites, et il ne répond rien sur ce
que tout le monde demande ; il se
confond lui-même par ses propres
subtilités , et il se donne trop de li-
cence : la vivacité de son esprit est
cause du peu d'uniformité' de ses sen-
timens. CUm paràm sibi constans
sivpenumero contrarius reperiatur , id
tamen non levitale, sed ingenii subti-
litate evenisse Paulus Castrensis au-
tumat (16). Ceux qui ont l'imagina-
tion vive ont ordinairement peu de
mémoire, et c'est ce qui fait qu'ils ne
se souviennent point quand ils envi-
sagent d'un certain côté une ques-
tion , qu'ils l'ont autrefois soutenue
d'un autre sens. Ils se contredisent
sans le savoir, Ajoutez à cela qu'un
esprit subtil invente aisément les
moyens de prouver et de réfuter les
mêmes choses. Mais c'est un grand
défaut que de n'être pas capable de
suspendre les effets de cette subtilité ,
jusqu'à ce qu'on se puisse donner une
ferme assiette.
( I ) Les excuses dont il colorait ses
contradictions méritent d'être exami-
nées. ] 11 disait que notre entende-
ment change , et qu'ainsi il raisonne
un jour d'une façon , un jour d'une
autre. Je crois qu'irc petto il se réser-
vait le privilège qu'il attribuait aux
législateurs. L évêque de Pavie de-
mandait un jour pourquoi les lois
étaient si changeantes. Balde lui ré-
pondit que les mêmes choses devien-
nent licites ou illicites , selon les
temps. Un permet pendant la guerre
ce qui est défendu pendant la paix :
c est pourquoi la justice roule sur
toutes les choses qui deviennent pro-
pres au temps ; une telle conduite est
proportionnée aux conjonctures pré-
sentes, elle est donc juste. Ceux qui
font les lois imitent les médecins:
ceux-ci permettent, ordonnent, dé-
fendent les mêmes choses , selon les
temps et les saisons , et c'est aux temps
qu'ils prennent garde. Ipse i/uoquc se
excusât, qubd intellectus , qui ratio-
cinatur , non semper sit idem , sed
varius ; et episcopo ticinensi sœpè
medicorum tempora h legum latoribus
dicebat observari (17). Ce fut la ré-
ponse de Balde ; et voilà ou implici ■
tement , ou explicitement, le prin
cipe sur lequel raisonnent les au-
teurs qui se réfutent eux-mêmes ,
quand ils ont à disputer contre deux
sortes d'ennemis. Cette proposition
est vraie et bonne , aujourd'hui que
je dispute contre Pelage : dans un an ,
elle ne le sera pas , si je dispute con-
tre Calvin. Voyez ce qui a été dit ri-
dessus (18) touchant les contradic-
tions des avocats , et touchant l'Apo-
logie que Cicéron en a faite. Je me
souviens d'avoir lu que certains con-
troversistes , ne pouvant nier que
l'Eglise ne commandât certaines cho-
ses qui ne paraissent conformes ni à
l'Ecriture, ni à la primitive Eglise,
ont soutenu qu'elles ne laissent pas
d'être justes et véritables, parce que
le Saint-Esprit, qui conduit l'église, lui
inspire dans chaque siècle l'interpré-
tation la plus propre au salut des
âmes. Scripluras esse ad lempus
adaplatas et varie intellectas , ita ut
uno tempore secundùm currenlem uni-
versalem rilum exponerentur , mulalo
ritu iterùm senlentia mutaretur(ic)).
Non est miriau si praxis ecclesiœ uno
tempore interpretatur Scripturam uno
modo, alio tempore alio ; nam intel-
lectus currit cum praxi (20). J'aime
cette bonne foi.
(K) Il mourut le 28 d'avril 1400.]
Son épitaphe l'assure : Bellamin s'esi
donc trompé , en mettant la mort de
Balde à l'an 1420 (sr). Trithème ,
qui Ta mise à l'an i4'î3 , a dit un
mensonge; mais M. Moi'cri, qui avait
dit que selon Tritlième la mort de
Bulile doit être mise à l'an i£a3, n'a-
vait point tort. L'édition de Hollande
n'a point dû corriger 1423 par i4o3.
(17) Apud Pamirol. , ibidem.
(18) Dans tes remarques (B) el (C) de l'ar-
ticle de (Marc) Antoine L'orateur.
(ig) N'icolaus Cusanus, Epist. II ad Bobemos.
(ao) Idem , Epist. VII.
(21) Bellarmin. de Script, eccles. , pag. 38i.
BALDE ( Jacques ) un des
interroganti cur loties lèses muta-
rentur , respondit ; flagrante bello meilleurs poètes latins que 1 Al-
permittitur quod pacis tempore non lemagne ait produits dans le
licet , id ita justum esse , quod cuique XVIIe. siècle, naquit à Ensis-
suo tempore expedit , exemplo emm heJm en i6q3 j, se fit j^sujte
16) idem, ibidem, l'an 1624. Il enseigna la rhéto-
54 BALDUS.
rique et îes belles-lettres pen- tyrœ , ut ad Horalii verba alludam
dant six ans. Il fut prédicateur (*)■ Ce/Ît.e. le,t,r? fut écrite le Ie'. de
Ko» Jo* annm otnr^l,, ™£mo mars 1644. Le jésuite était alors rec-
teur du collège de Munich (2).
bien des années, et prêcha même
à la cour de l'électeur de Baviè-
re , et il s'acquit une extrême
réputation par sespoésies. Il n'y
eut pas jusqu'aux protestans ,
qui ne les louassent d'une façon
singulière (A). Un de ses derniers
ouvrages fut son Urania victrix ,
seu Animœ christianœ Certami-
na adversus illecebras quinque
sensuum corporis sui. Le pape
Alexandre VII en fut si content,
qu'il envoya sa médaille d'or à
l'auteur. Le père Balde la con-
sacra à la Sainte Vierge (B).
Quelques sénateurs de Nurem-
berg disputèrent à qui aurait sa
plume (C), Pt l'on dit que celui
à qui elle échut la garda dans un
étui d'argent. Ce poète mourut
à Neubourg le g d'août 1668.
Ses poésies sont de différente
nature : elles contiennent des
Panégyriques et des Traités de
Morale , des Pièces de Théâ-
tre (D) et des Pièces de Dévo-
tion f des Silves , des Odes ,
etc. (c).
(à) Tiré de Sotuel, Bibliolli. script. Soc.
Jesu , pag-. 356.
(A) Les protestans , louèrent
ses poésies d'une façon singulière.']
Le père Sotuel s'exprime là-dessus en
ces termes : Ipsis acatholicis eliani
adeb placuerunl , ut publico typo eum
Horatium Germanum nominare non
dubilârint. Si je ne me trompe , cela
est fondé sur une lettre de 6arla?us.
Le père Balde , ayant vu les vers que
Barlœus avait faits à la louange du duc
de Bavière , lui écrivit une lettre fort
obligeante , et lui envoya un volume
de ses poésies. Barlœus l'en remercia
l'encensoir à la main, et lui écrivit
entre autres choses : Restituisti nobis
lyram neglectam diù et intermissam ,
ut jam merito vocari possis lyricorum
scriptor , aut potiùs Bojorum fidicen
(B) // consacra une médaille d'A-
lexandre Vil a la Sainte Vierge.]
Voici ce qu'en dit Sotuel. Hanc verb
Jacobus Deiparœ Virgini anathema
appendil , ut yal'ain faceret ciu Pal-
ladiipse suos labores consecraret(3).
(C) Quelques sénateurs de Nurem-
berg disputèrent a qui aurait sa plu-
me.] Je ne sais, dit M. Baillet (4) , si
celui qui la conserva dans un bel étui
d'argent fait exprès pour elle « ne
» commit pas un sacrilège , parce
» qu'il me semble que le père Balde
» l'avait consacrée à la Sainte Vierge,
» et que son intention était qu'elle
» fut pendue à quelqu'une de ses
» images , ou au lambris d'un de ses
» autels , comme Lipse avait fait au-
» trefois dans le mouvement d'une
m pareille dévotion.»
(D) Ses poésies contiennent des
pièces de théâtre.'] Il y en a une dont
voici le titre : Poësis Osca , sive
Drama Georgicum de Belli malis et
Pacis bonis , carminé antiquo , Al-
lé llano , Osco , Casco{5). Quelque
rustiques que fussent cette pièce , et
le jargon Osque et Casque, dans
lequel il la fallut composer, je ne
doute pas qu'elle n'ait coûté et plus
de temps et plus d'esprit à l'auteur ,
qu'unepièce grave et de bonne latinité.
Il faut donc bien se garder de croire
qu'on l'ait imprimée à Munich , l'an
1617, comme l'assure le père Sotuel.
A l'âge de quatorze ans, Jacques Balde
n'était pas capable d'exécuter un tel
projet.
(1) Voyez la CCCCLXVII*. Lettre rffBar-
lauis , p. 911. Voyezautsila CCCCLXXXVII*.
qui est écrite au même Balde.
(2) Voyez la table des Lettres de Barlœus.
(3) Sotuel, Biblioth. Societ. Jesu, pag. 356.
(4) Jugera, sur les Poêles, loin. V, num. 1507.
pag. 42.
(5) Conférez avec ceci le Dialogue de (Marian-
gclus) Accerse, dont j'ai parlé dans la remar-
que (F) de son article.
BALDUS (a) (Bernardin), abbé
de Guastalla , né à Urbin l'an
i553, a été un des plus savans
(a) Son trisaïeul quitta le nom de Canta-
gallioa , famille illustre de Pérouse , dont il
descendait, et prit celui-ci. Fabr. Scharlon-
cin. l'oyez ci-dessous la ciliition {e
BALDUS. 55
hommes de son temps. Il fit de i58zsurles Méchaniques cCAris-
si grands progrès sous ses prc- tôle, firent voir sa capacité en
miers précepteurs, qu'il se trou- cette sorte de connaissances,
va capable de traduire les Phé no- Pour se délasser de ces pénibles
mènes d'Aratus en vers italiens, méditations, il fit un poème en
pendant qu'il n'était qu'un jeune sa langue maternelle touchant
écolier. Son père ayant connu l'Art de naviguer. Ferdinand de
par ces coups d'essai que son fils Gonzague , prince de Molfette ,
pouvait aller loin, l'envoya à et seigneur de Guastalla , aimant
Padoue , l'an ï5^3 (A). Bernar- beaucoup les mathématiques,
din y étudia Homère , sousEina- voulut avoir notre Baldus auprès
nuel Marguinus (b) , et en son de lui. C'est dans cette cour que
particulier, presque tous les au- Baldus commença à travailler sur
très poètes grecs, et s'en acquit Vitruve , et qu'il fit le livre de
une singulière intelligence. Il Verborum vitruvianorum Si—
composa à Padoue un livre des gnijicatione. Unemaladie l'ayant
Machines de Guerre (c), qui fit empêché de faire le voyage d'Es-
voler son nom au delà des Alpes, pagne avec son maître , il em-
ce qui lui donna plus d'envie ploya le loisir que l'absence de
d'entendre le français et l'aile- Ferdinand de Gonzague lui
mand ; car il crut qu'il était de donnait, à faire un traité fort
la bienséance de savoir la lan- méthodique de la Cour(d), et
gue de ceux dont il avait acquis plusieurs autres ouvrages (B). Il
l'affection. Il apprit ces deux fut fait abbé de Guastalla , l'an
langues avec une extrême facili- i586, sans avoir fait aucune de-
té. La peste le contraignit de mande pour cela, et dès lors il
quitter Padoue , et alors étant s'appliqua tout entier à l'étude
retourné à Urbin , il s'attacha du droit canon , à celle des pè-
pendant cinq ans à Frédéric res et des conciles, et à celle des
Commandin*, excellent proies- langues orientales, sans en ex-
seur en mathématiques, et apprit cepter l'arabe (C). Ayant com-
de lui toutes les parties de cette posé l'an tf<)5 cinq livres de no-
scienee. Il eut un regret extrê- vd Gnomonice , il traduisit l'an-
me de la mort de cet habile née suivante la Paraphrase chal-
h oimne , et s'étant appliqué à dàique du Pentateuque , et l'ac-
faire sa Vie , cela lui fit naître compagna de Commentaires:
le dessein de composer celle de après quoi , il traduisit sur l'hé-
lons les mathématiciens. Il y tra- breu le Livre de Job , et les La-
vailla pendant douze ans. Les mentations deJérémie, etyajou-
Commentaires qu'il publia l'an ta des notes. Il employa quel-
„ , , .„ , nues heures à l'explication d'une
(/<) C'était un Candiol oui professait la l . .... , ■ /T-.V
langue grecque à Padoue. planche qui est a Lngubio (U) ,
<) De Tormenlis bellicis et oorum Inven- slll- hujuelle OU voit des illSCrip-
tonW tions en vieux toscan. Il com-
rr. Commandin etjit mort en IJJJ, la
peste de Padoue est de i5^6; c'est donc, dit
Joly, avant de retourner à Ùrbiu que Bal- (rf; ftbros sex de Aulà erudtlSsimos mc-
dus apprit les mathématiques de Comman- Utodo analyiii ,i conscripsit. Scliarloncinus.
diu Voyez In citation situante.
56 B ALDUS,
mença un fort grand travail en
l'année i6o3, je veux dire une
Description du Monde. Son
plan n'était pas moins historique
que géographique , et s'étendait
animi alacritale atque fiducid , ut au-
sus sit poëmata grœca in nostrum ser-
monem convertere (2). Il avait traduit
un poème d'Aratus , avant que d'aller
à Padoue.
(B) Il fit plusieurs autres ouvrages.]
jusque sur les moindres bourgs Cette remarque ne contiendra que le
dont les écrivains modernes ont **? pC, rtuef u°8 <]es e'ci?te, d«
! • . , • ti 1 notre naldus : 1 entends ceux qui n ont
laisse quelque mention. Il ache- pas été marqués dans le texte de cet
va cet ouvrage à l'égard de la article, soit que Fauteur les ait faits
matière (E) , mais il ne le mit en
ordre qu'à l'égard d'une par-
lie. Il mourut le 12 d'octobre
161 7, après un gros rhume qui
avait duré quarantejours (e) (F).
Il avait été extrêmement labo-
rieux (G), sans ambition, ni
vaine gloire , toujours prêt à ex-
pendant le voyage de son maître ,
soit qu'il les ait faits en un autre
temps. Je dis donc qu'il a traduit
Heronem de Automatis et Balistis ,
les Paralipomènes de Quintus Cala-
ber , et le poème de Musée ; et qu'il
a fait un livre de Paradoxes mathé-
matiques , uu autre de Scamillis im-
pari bus Vitruvii, un autre de Firma-
mento et Aquis, un autre sur la Des-
cuser les fautes d'autrui , et ap- criP^on du temple qu'L'zéchiel nous
puyant cela d'une très-bonne  é£'"° aatre f f Hi*torif ?crir
1 -J /TTs c ,, oenuœ Legibus , un autre des Antiqui-
raison (H; ; iort dévot , non- tés de Guastalla ■ la Vie de Frédéric
seulement pour un mathémati— et celle de Gui Ubaldus, ducs d'Urbin;
cien , mais même pour un ho m- ^J-c°nomia troPoloSlca in sanctum
me d'église (I).
(e) Tiré d'une Lettre de Fabricius Schar-
loncinus ad illiistrissimum Jominum Lalitim
Ruinum, episcopum balneoregiensem , es-
nuntium apostolicum ad Poloniœ regem.
Voyez aussi Nicius Erythrœus, Pinacotli. I,
pag. 4 , et /'Oraison funèbre de Baldus, par
Mare Antoine Virgilius, imprimée , non L'an
1607, comme le dit M. Tcissier. in Catalogo
Libliothec. , pag. 229, mais l'an 1617.
(A) Son père ayant connu sa ca-
pacité par ces coups d'essai l'en-
voya h Padoue.'] Corrigez par-là une
faute de Nicius Erythraeus. Je suis
Lien assuré qu'il n'a point eu l'inten-
tion de diminuer en aucune chose la
gloire de notre Baldus 5 et cependant
ii l'a bien diminuée : c'est sans y
penser , et pour n'avoir pas assez pris
garde à l'ordre des temps. Il a dit que
ce fut après les leçons de Margunius(i),
qne Baldus se crut asser fort pour
traduire des poèmes greesen sa langue
maternelle : Apud quem tantiim pro-
fecit , ut eo duce et cereum quodam-
modo lucenleobscurissima Grœcorum
quorundam poëlarum loca penelrave-
rit...... Quamobrem ed est incensus
(1) C'est ainsi qu'il faut dire , et non pas
Margraoius, comme ily a dans Erythrajus.
Matthœum ; plusieurs poèmes , les
uns en latin, les autres en italien ,
parmi lesquels celui qui est intitulé
Deïphobe est une imitation de la Cas-
sandre de Lycophron. Les remarques
suivantes donneront le titre de quel-
ques-uns de ses autres livres. Je dirai
ici que Nicius Erythraeus a raison de
dire que la description du temple est
une matière très-épineuse • mais il a
tort de prendre Jérémie pour Ézéchiel.
Jerosolymitani , dit - il (3) , Tem-
pli descriptioneni per Hieremiam
litteris consignatam et traditam , rem
involutam et multis dijjicultalibus ob-
sessatn evoh'il , illustrant , atque ho-
minum intelligenliœ aperuit.
(C) Il s'appliqua a l'étude des lan-
gues orientales , sans en excepter l'a-
rabe.] Il l'étudia à Borne, avec Jean-
Baptiste Baimondi, et s'y appliqua de
telle sorte , et à la langue sclavone
aussi , qu'il ne s'informait presque
d'aucune nouvelle. Romœ dîim vi-
veret foré nescii'it quid gereretur in
aulis : arabicœ enim linguœ cum
J.-Baptisld Raimondo diligentissimè
studuit , et arcana industrta sclavo-
nicœ , quam perfectè c al le bat (fy. Il
(?) Nie. Erylbr. Pinac. \,pag.l\.
(3) Idem, ibidem.
'4; Fabricios Scharloncinus , in ejtts Vit*.
traduisit de l'arabe le Jardin géogra-
phique d'un anonyme, et il composa
un dictionnaire de cette langue. Il
croyait que cet anonyme a vécu vers
la tin du Xe. siècle. Si Marc Velsérus
ne fut pas mort , il aurait fait impri-
mer la version de cet ouvrage géogra-
phique , et les autres écrits de Bal-
das(S).
(D) II travailla a l'explication
d'une planche qui est h Eugubio.~\
Schoockius , se souvenant confusé-
ment de ce travail de Bernardin Bal-
dus, lui en a attribué un autre qui ne
lui appartenait pas. « È Sterquiiinio
» Anniano Bernardinus Baldus nuper
;> collegitAntiquitates ethruscasanno
» i63j, Florentiœevulgandovolumen
» typis perquàm elegantibus, cujus
» hœc inscript io : Elhruscarum An-
» tiquilatum Fragmenta, qui bus urbis
jj Romœ alturumque gentium primor-
» dia , mores et tes gestœ indicantur ,
• a Curtio Inghiramio reperta Scor-
nelli prope Fullerram , anno salu-
» tis m. d. c. xxxvn ; ethrusco verô ,
>> cio cio cid cenr. xc.v (6).i> Un hom-
me qui aurait su que Baldus mourut
l'an 1617 , aurait-il pu faire cette
faute ? Ce qu'il y a de plus surprenant
est que le même Schoockius , après
avoir parlé de la sorte dans la page
67 , parle comme il faut dans la page
217. Simili ratione egit Bernardinus
lialdus , vir cœteroquin longe doctis-
simus , annis abhinc fermé quinqua-
ginta emilgando suant quasi divina-
itonem in tabulant reneam Eugubinam
lingud etruscâ veteri perscriptam ,
simul abutendo operâ Marci Velseri
viri cœteroquin judiciosissimi^). Pour-
quoi donc n'alla- t-il point corriger son
illusion ? Il l'avait peut-être oubliée ,
comme cela n'arrive que trop souvent
à ceux qui se piquent d'écrire beau-
coup. Il ne saurait guère soutenir ce
personnage , sans copier à la hâte
tout ce qu'il trouve dans toutes
sortes de livres. Voici ce que dit
Scharloncinus touchant cet ouvrage
de Baldus. Tabulant etruscam Eu-
gubinam inlerprelatus fuit : in ed
iiulem divinalione , ut aiebat , sub-
' isiuas unius mensis horas consuntpsit.
On a fait paraître notre Baldus dans
(5) Idem, ibidem.
(d) Schoockius, de Fabuli Hameleiui , pag.
BALDUS.
S?
(-) /•/. . ibid. , p.ig. . 1-.
la nouvelle édition de YEponymolo-
gium de Magirus : ce n'est que pour
le faire publier un livre Fan 1637,
celui-là même que Schoockius lui
attribue. N'est-ce pas avoir bien
choisi?
(E) Il acheva la Description du
monde a l'égard de la matière."] Voici
ce que nous apprend son historien.
Tolum opus ad umbilicum perduxit :
non digessit tamen universum , qua~
tuor aut, nîfallor, quinque tanlum
tomi fuerunt ordine alphabet ien dis-
posai : superessent septem aut octo
disponendi, quantum ex chartarum et
fasciculorum mole conjicere licet. Je
ne crois pas que Fabricius Scharlon-
cinus ait donné une liste défectueuse
des ouvrages de notre Baldus ; mais,
selon la mauvaise coutume de la plu-
part de ceux qui donnent ces sortes
de listes , il ne distingue point les li-
vres qui ont été imprimés d'avec
ceux qui ne l'ont pas été (8). Je n'ai
point copié toute sa liste.
(F) // mourut après un gros
rhume qui avait duré quarante jours. ]
C'est ai n.siqne j'ai cru pouvoir traduire
les paroles de Scharloucinus : Postea-
quam dics 4» vehemenli distillatione
vexatus fuisset. Vossiusa entendu par
distillatio un caterre , et il n'a point
tort de prétendre que ces deux mois
sont synonymes. Celui de rhume m'a
paru plus convenable, car, ordinai-
rement , les caterre; ne durent pas
quarante jours. M. Moréri , par un
grand abus, a trouvé ici une apo-
plexie de quarante jours.
(G) // avait été extrêmement labo-
rieux.] Il se levait à minuit pour
étudier, et il lisait même en man-
geant. In studiis sic assiduus fuit ,
nt sœpè et légère t et comederel.Sanc-
ti Augustini de Civitate Dei ter in-
ter prandium evolvit ■ statim h noc-
tis meridiè dum ei vires Jirmiores
essent ad lucubrandum surgebat 9).
11 comptait un Euclide traduit en
arabe pour un de ses livres de ré-
créa lion. A prandio Euclidem ara-
bica editum , vel libellum aliquem
germanicum, aut gallicum , in manus
sumebat (io-i5). Heureux ceux qui
(9) f ot rz ci~aessut le commencement de ta
remarque (F.) de l'article (fAtritÉoi .
(9) Scharloncinus, in Vitâ Baldi.
( 1 0- 1 5) Idem , ibid.
53
BALESDENS.
peuvent tant travailler sans préjudice non-seul émeut avec joie , mais aussi
ne leur santé : avec vénération (20). Avecde la joie,
je n'en cloute pa3 , car c'est le propre
des enfans de tressaillir à la vue des
dorures , et des ornemens et des ima-
ges : pour la vénération , c'est une
autre chose ; ils n'ont tout au plus
que les mouvemens machinaux à quoi
on les dresse. Notre Baldus mourut
bien muni de tous les sacremens de
l'Eglise, et entre les bras des moines.
Spiritum Deo reddidit sacramentis Ec-
clesiœ omnibus rite munitus (21).
Quemadmodiim sanctissimè vixerat ,
ila eliam sanctissimè in complexu cu-
cullatorum patrum extremum \>ilœ spi-
ritum edidil (22).
Felices quibus isia licent, miramur et illos
Et noslri miseremur.
(H) Il était toujours prêt a excuser
les défauts d'autrùi. . ■ . et cela pour
une très-bonne raison. ] « Si nous re-
» connaissions à nu, disait-il, ceux que
)> nous prenons pour les plus honnêtes
» gens , nous n'en trouverions point
» qui ne nous parussent dignes du
» fouet. » Facile parcendum esse di-
cebat Us maxime qui in re levi impe-
gissent , quoniam si quos censemus op-
tirnos nudos conspiceremus , nullum
eorum nonjudicaremus multis dignum
verberibus (16). Cela pourrait être ou-
tré : il vaudrait donc mieux peut-être
•s'en tenir à la maxime du cardinal
Mazarin. Il disait que les plus habiles
gens étaient comme les victimes , qui ,
pour si exactement qu'elles eussent été
choisies , avaient toujours quelque
chose de mauvais , quand on en exa-
minait les entrailles (17). Je me sou-
viens , à ce propos , d'un endroit du
père Rapin, qui me parut fort sensé la
première fois que je le lus. C'est une
pensée dont il se sert pour faire l'a-
pologie de Cicéron. // se passe , dit-il
(18) , dans le fond de l'âme des plus
grands hommes , de certaines choses
que si l'on pouvait voir , on trouverait
qu'ils sont faibles comme les autres ...;
(ïo) Scharloncinus, in ejus Vitâ.
(21) Id. , ibid.
(11) Nie. Erythraeus, Pinacoth. I, pag. 7.
BALESDENS * (Jean ), avocat
au parlement de Paris et au con-
seil , était de Paris. Il fut reçu
à l'académie française, environ
l'an i647 > à 'a place de Malle-
ville ; et s'il n'avait pas cédé ses
prétentions à M. Corneille (A) ,
il eût succédé à Mainard , qui
était mort avant Malleville II
avait le chancelier Séguier pour
son Mécène (a). Il a publié di-
et que souvent la réputation ne vient vers ouvrages , dont il n'était
point tant aux héros par l'adresse _ ■ . i> . /t>\ ti '
••» . j f ■ y, , 1/ point 1 auteur (r>). 11 a vécu, ce
qu ils ont de jaire voir leurs belles J . v ' ' ,
qualités que par celle qu'ils ont de ^ semble, jusque vers 1 année
cacher les mauvaises , et de ne se pas 1676 (b). Je n'ai point trouvé
laisser pénétrer. son nom dans la Requête des Dic-
( I ) // était fort dévot , non-seule- tionnaires . cependant il devrait
ment pour un mathématicien , mais . , / _ j-, . _
même pour un homme d'église. ] Il y etre> selon le Menagiana (C).
jeûnait deux fois la semaine 5 il com- H avait demeuré au collège de
muni, lit tous les jours de fête (19), et il Harcourt (D).
était fort charitable envers les pau-
vres. Sa mère disait qu'à l'âge d'un an * Leclerc dit qu'il faut écrire Ballesdens
il regardait les autels et les images , et prononcer Baledan.
(a) Voyez /'Histoire de l'académie fran-
çaise , pag . 23o et 258.
(16) Scharloocinns , in Vitâ Baldi.
(17) Voyez la préface des Mémoires de
SI. ('.banni.
* 18) Dans la Comparaison de Démoslhène et
Je Cicéron.
(ig) Cesl ainsi que je traduis diebns festis
omnibus sacrum faciebal, paroles qui peut-être
ne veulent dire sinon qu'il officiait tous les jours Corncille.^Vo'lcice qu'en dit l'historien
deféle. Mais on ne saurait nier que ce que je j pacaf]emie. «M. Corneille fut
dis ne soit contenu dans le latin de Scbarlon- .. , ,, „. . -,
cinus. » reçu ensuite au heu de M. Jlainam
(b) .L'Etat de la France en 1680 , dans la
liste des académiciens morts , met Balesdens
entre Conrart et Des Murets. Conrart mou-
rut en septembre 1675.
(A) Il céda ses prétentions h M.
» M. de Balesdens avait été proposé
■» aussi ; et, comme il avait l'honneur
» d'être à M. le chancelier , l'acadé-
3) mie eut ce respect pour son protec-
» teur , de députer vers lui cinq des
■» académiciens , pour savoir si ces
n deux propositions lui étaient égale-
» ment aeréables. M. le chancelier
BALESDENS. 5g
Marolles rapporte qua Dalesdens lui
avait donné diverses lettres écrites d'un
style figure , sans parler d'un très-
grand nombre d autres , dont il se pro-
posait de faire plusieurs volumes , tant
le nombre en était prodigieux (4).
(C) Son nom devrait être dans la
Requéledcs Dictionnaires, selon leMé-
« témoigna qu'il voulait laisser une nagiana. ] En effet , on y trouve ces
» entière liberté à la compagnie ; mais paroles : Les premiers vers que j'aie
» lorsqu'elle commençait à délibérer faits ( c'est M. Ménage qui parle ) ,
» sur ce sujet , M. l'abbé de Cerisy lui sont la Requête des Dictionnaires. Je
i présenta une lettre de M. de Baies- cherchais des rimes pour Vachever.
» dens , pleine de beaucoup de civi- M. du Puy m'envoya Claqucdent ,
« lités pour elle , et pour M. Cor- pour ri mer a Balesdent (5). M. Ménage
» neille , qu'il priait la compagnie de avait la plus heureuse mémoire du
'■> vouloir préférer à lui , protestant monde , mais cela n'empêche pas qu'il
» qu'il lui déférait cet honneur , n'ait pu prendre l'un pour l'autre dans
» comme lui étant dû par toutes sor- les choses mêmes qui le regardaient
» tes de raisons. La lettre fut lue et personnellement. Je ne crois pas qu il
» louée par l'assemblée , et depuis il ait demandé la rime enquestion pour
» (i) fut reçu en la première place
» vacante , qui fut celle de M. de
» Malleville ; mais je ne trouve pas
» en quel jour ; car depuis ce temps-
« là , les longues et fréquentes indis-
» positions du secrétaire de l'acadé-
la fin de sa Requête des Dictionnaires ,
car cette incomparable satire fut ache-
vée avant que Balesdens entrât dans
l'académie. 11 n'y entra qu'en 1647 ,
ou 1648 , et cette Requête fut ache-
vée environ l'an 1642. Je le prouve
» mie ont laissé beaucoup de vide par l'Histoire de l'académie. M. Pellis-
» dans les registres (2). » son rapporte que M. Ménage supprima
(B) // a publié divers ouvrages dont cette Requête, après l'avoir f aile : elle
il n'était point l'auteur. ] M. Pellisson est demeurée , poursuit-il , J>lus de dix
donne la liste de tout ce que Balesdens
avait publié (3). On va la voir. <c II a
» traduit le livre intitulé le Miroir du
)< Pécheur pénitent , et a donné au
» public les manuscrits suivans , d'en-
» tre plusieurs autres qu'il avait ra-
» massés. Cartiludium Logicœ , seu
» Logica memorativa , vel poëtica ,
» R. patris Thomœ Murner , curu no-
» lis et conjecturis; Rudimenta cogni-
» tionis Dei et sut , Pétri Seguierii
» prœsidis infulali ; Elogia clarorum
3> F'irorumJoannis Papirii Massonis,
3> en deux volumes ; Gregorii Turo-
nensis opéra pia , cum Kitis patrum
3) sui temporis , en deux volumes • les
3) actes du Transport du D auphiné fait
» à la couronne de France ; Traité de
33 l'eau-de-vie , par M. Jean Bronaut
33 médecin du roi. Il a fait aussi impri-
3> mer les Fables d'Esope en fran-
» cais , de sa correction , pour l'in-
3) struction du roi , avec des Maxi-
33 mes politiques et morales. » M. de
(1) M. Balesdens.
(9) Pellisson , Histoire de l'Académie franc. ,
pag. 22çj et 23o, édition de 1672 , j/1-12.
Ci) Là même, pag. 358.
ans cachée parmi ses papiers , jusqu a
ce qu'une personne qui les avait tous
en garde se laissa dérober celui-là par
quelqu'un que nous connaissons , qui
en donna bientôt plusieurs copies (6).
M. Pellisson avait dit dans la même
page , qu'on imprimeur avait publié
naguères en petit cette Requête , avec
beaucoup de fautes , et que depuis elle
avait été imprimée plus correctement ,
in-quarto. Sans doute , par cette im-
pression plus correcte , il entend l'é-
dition des Miscellanea de M. Ménage ,
quiparutl'an i653. En tous ras, Pan
née i65a est l'époque du livre de M
Pellisson ; et , par conséquent , la Re-
quête des Dictionnaires fut achevée
dès l'an 1642 (7). On pourrait dire
que, lorsque M. Ménage se lassa de te
nir celte pièce supprimée , et qu'il se
(4) Pans le dénombrement de ceux qui loi
avaient donne de leurs livres.
(5) Ménagiao-i, pag. igo de la première c'di
lion de Hollande.
(G) Pellisson , Histoire de l'Acad. française
P"S- '.''
(7) Touchant celle Requête des Dictionnaires,
voyez plusieurs faits curieux dans l Ant:-îîaillet,
tom. I , cliap. LXXXII.
6o
BALMIS.
résolut de la publier lui-même parmi sit en latin plusieurs Commen-
ses autres poésies , il la voulut allon-
ger , et y faire entrer les nouveaux
membres de l'académie , et que si Ton
n'y voit pas Balesdens , c'est parce
que la rime envoyée par M. du Ptiy ne
plut pas , ou fut trop malaisée à pla-
cer. Sur ce pied-là , Balesdens aurait
eu l'obligation à son nom de n'avoir
pas reçu un coup de massue dans la
Requête des Dictionnaires, et ce nom,
si intraitable par rapport aux rimes ,
aurait produit un eflèt bien plus fa-
vorable que ne firent celui de Tutica
taires d' Averroës sur Aristote
et quelques Ouvrages d'Avem
Pace , et il fit de son chef un li-
vre de Démons tratione , et un
autre de Substanliâ Orbis. Con-
sultez la Bibliothèque de Gesner,
et la Bibliothèque rabbinique de
Bartolocci. N'oublions pas qu'il
enseigna dans l'académie de Pa-
doue (a) , et qu'il se plaisait beau-
nus (8) , et celui d'Earinus (9) : mais coup plus à réfuter ce que les
je ne pense pas qu'on doive recourir à autres avaient dit, qu'à établir
ela , ajoute que 1 note ae ça- mcta ori„inem (2\ Je m'étonne que k
était un bonhomme appelé le T . °{ Léonard Nicodème n'aient
depuis docteur en théologie .t ... de lui jans ja Biblioteca
cette supposition , car la requête im-
primée l'an i652 ne contient le nom
d'aucun académicien qui fût entré
dans l'académie depuis l'an i64o. Ce-
pendant , parmi ceux qui y entrèrent
depuis cette année-là , il y en avait qui
prêtaient le flanc à M. Ménage autant
qu'il le pouvait soubaiter. Le bon M.
du Rier était-il un traducteur sans
reproche ?
(D) // avait demeure au collège Je
Barcourt.'l M. de Marolles , qui m'ap-
prend cela , ajoute que l'hôte de Ba-
lesdens
Landez
et oncle des deux Mazures , curés de
Saint-Paul , l'un après Vautre (10). Il
dit que Balesdens était, dece temps-là,
d'une humeur gaie , et d'un entretien
divertissant.
(8) Qitbd minus in nostris panaris, amice ,
UbelUs ,
Noinims eJJîcUur condilione lui.
hex pedis officio , naluraque nominis obslat,
Qnaque meos adeas est via nulla modot.
Ovidius de Ponto, lib. IF, Eleg. XII.
(9) Nomen nobile , molle, deltcalum
Versu dicere non rudi volebam.
Sed lu syllaba conlumax répugnas.
Martial , Epigr. XII, lib. IX.
(10) Mémoires de Marolles, pag. 3a, à Vann.
1616.
quelque chose de certain (C).
(a) Simon, Histoire critique du Vieux
Testament, pag. 536.
(A) Il était né à Lecci.} Vous trouve-
rez ces paroles dans la Bibliothèque de
Gesner : Ibidem (1) hic auctor natuni
se scribit in iÀtio, civitate agri salen-
tini , quœ h Brundusio , Hydrunto et
Graiâ Gallipoli i\ miliaribus distat ,
eodem in Loco sitâ ubi olim Rudia;
patria Ennii , ex reliquiis Rudiarum
point par
napolelana.
(B) // composa une Grammaire hé-
braïque. ] Il l'intitula Mikne Abram ,
c'est-à-dire , la possession d'Abra-
ham. Le père Bartolocci se trompe ,
quand il dit que Daniel Bomberg la
traduisit en latin (3). S'il eût consulte
la préface , il aurait vu que Daniel
Bomberg fit faire par d'autres cette
traduction. Premièrement , il se ser-
vit de l'auteur même , et le pria de
traduire mot pour mot. Cette rigueur
fut observée pendant quelque temps :
l'auteur se donna ensuite plus de li-
berté , pour avoir quelque élégance ;
après sa mort , Calonyme, qui acheva
la version , se donna infiniment plus
de carrière , et Bomberg ne s'y opposa
pas (4). Ceci nous montre que de Bal-
BALMIS (Abraham de), méde-
cin juif, né à Lecci (A) , dans le
royaume de Naples , florissait à
Venise , au commencement du
XVIe. siècle. Il composa une
Grammaire hébraïque (B) , qui
fut imprimée en hébreu et en
latin , à Venise , par Daniel „
' ' -l 1 . folio 1 , un fragment, de la préface, qui apprend
Bomberg, Lan 1 020. Il tradui- Jceci.
(1) C'est-à-dire, dans la préface de sa traduc-
tion des Commentaires d'Averroês in Analytica ,
Topica , etc. , Aristotelis , imprime' à Venise ,
l'an i5î3.
(2) Gesner. , in Biblioth. , folio 1 verso.
(3) Julius Bartoloccius , Bibliotli. magna Eab
bin. , tom. I , pag. 34
(4) Fojez dans la Bibliothèque de Gesner ,
BALTIIASAR.
(3i
mis n'était plus en vie l'an i523. M.
Simon dit que la version de cette
grammaire est mot à mot , et fort bar-
bare (5j ; qu'i/y a , a la vérité , peu
de méthode dans cet auteur , jnais qu'il
fait paraître d'ailleurs une grande éru-
dition , et qu'iZ reprend en une. infinité
d'endroits les erreurs des grammairiens
qui ont écrit avant lui (G). M. lluet
rapporte très-fidèlement ce qui con-
cerne la version latine (7). Il dit que
Balmis la commença , et que Calos
Calonymos l'acheva , et. que le pre-
mier la fit barbare et plus obscure que
l'original ; mais que le second , vou-
lant éviter les défauts de l'autre , se
jeta dans l'extrémité opposée.
(C) // se plaisait beaucoup plus à
réfuter.... qu'à établir quelque chose
de certain. ] Munster lui fait ce re-
proche. Abraham de Balmis , dit-il ,
(8) nihil altud augere mihi l'isus est
quant ueterum doctrinam perpétua con-
uellere atque impugnare , magis in in-
sectando occupatus, quant in docendo.
Al in dubium tantum vocare prisco-
rum prœcepliones , cùnt intérim nihil
certi statuas , non dicere est , sed
rider e.
(5) Simon, Hist. critique du Vieux Testament,
pag. 536.
(b) Là même, pag. 278.
i~) Huetius de Clar. Interprelibus , pag. 1S6
«187. M. Baillet, Jugement des Savans, ton».
I , num. 724, pag 20O, lui /ait dire que celte
^ ersion fui faite par un anonyme.
(8) Munster , in Prœfal. Grammat. Eli* ,
npud Spizelii Felicem Litleratum, pag. g58.
BALTHASAR (Christophle) a
été un homme d'érudition et de
mérite dans le XVIIe. siècle. Il
s'appliqua principalement à l'é-
tude de l'histoire ecclésiastique ,
et ce fut cette application qui
lui donna un fort grand dégoût
pour la religion romaine , et un
grand désir d'embrasser la reli-
gion protestante. Il avait une
charge considérable dans le pré-
sidial d'Auxerre (a), et comme
il fallait se résoudre à la quitter,
ou à ne changer pas de religion ,
il fut quelque temps dans l'em-
barras de cette alternative ; mais
-■ C'était celle d'avocat du roi.
enfin la conscience gagna le des-
sus, et l'obligea de quitter Auxer-
re , ses biens , sa charge , ses pa-
rens , ses amis , et de s'en aller à
Charenton , où il s'agrégea pu-
bliquement à l'église réformée *.
Il y a persévéré j usques à sa mort,
et a édifié ses frères , tant par sa
bonne vie , que par ses discours.
La dépense qu'il fallait faire à
Paris étant trop grande pour l'é-
tat où il se trouvait, et sa con-
version le commettant trop dans
une ville comme celle-là , il crut
qu'il ferait bien de se retirer
dans quelque province, et il fut
ravi de se voir attirer à Castres ,
par un jeune et riche conseiller
delà chambre mi-partie de l'édit
(b) , qui le logea dans sa maison ,
et qui lui donna une pension
raisonnable. Ce conseiller s'esti-
mait heureux d'avoir chez soi un
savant homme qui , par ses in-
structions et par sa conversation,
lui pouvait apprendre mille bel-
les choses. Mais comme M. Bal-
thasar voulait travailler pour le
public , il souhaita d'avoir tout
son temps en sa propre disposi-
tion , et ainsi il se sépara de son
conseiller. Son dessein fut favo-
risé par le synode national de
Loudun l'an i65g , car cette as-
semblée lui accorda une pension
de sept cent cinquante livres
payable par toutes les églises de
France selon la répartition qui
en fut faite (c). Il avait préparé,
* Joly, d'après des me'moires qu'il «aranlit
très-surs et très-JidUes , donl toutefois .1
n'indique ni les auteurs ni le titre, prétend
que Bal thasar n'embrassa la religion réformée
que de dépit de n'avoir pu Lire cassera
l'officialité de l'ans un mariage en secondes
noces qu'il avait coutracic avec la tille du
conciorge de l'hôtel de Soissons.
(b H s'appelait M. de Faut:
c Ce /ut à U requête cl sur le bon te
6a
BALTHASAR.
avant la tenue de ce synode , un voir de je ne sais qui (e). M. Bal-
bon nombre de dissertations sur thasar écrivait bien en latin : son
des matières importantes, contre Panégyrique de M. Fouquet est
le cardinal Baronius (d). lien d'un beau style*1. Je n'ai vu que
mit quatre ou cinq entre les cela de lui, et je ne sais s'il a pu-
mains d'un pasteur de Castres , blié autre chose*2. S'il avait été
l'un des députés de la province moins scrupuleux sur le langage,
du Haut-Languedoc et delaHau- il aurait pu faire plus de chemin
te-Guienne. Elles furent présen- dans sa Critique de Baronius. Je
ttées à M. Daillé , modérateur de crois néanmoins qu'il y a de
ce synode national , et celui de l'hyperbole dans ce qu'on a dit
tous les ministres qui pouvait le touchant ses scrupules de latini-
mieux juger de la bonté de ces té (A). Je trouve plus vraisem-
pièces. M. Daillé en fut fort con- blable ce que l'on a dit touchant
tent , et en rendit un témoigna- son humeur crédule pour les
ge fort avantageux à toute la sortilèges (B).
compagnie. 11 les emporta à Pa-
ris , où l'on espérait qu'elles se-
raient imprimées; car on les ju-
gea dignes de voir le jour. Mais
l'événement a fait voir , ou qu'on
ne prit point de mesures pour
cela, ou qu'on n'en put prendre.
L'auteur , qui était fort vieux ,
(e) Tiré d'un mémoire communiqué pat
M. de la Devèze , ci-devant ministre de
Castres, et à présent de la Haye.
" Cette pièce a e'té oubliée, non-seulement
par le père Lelong, mais encore par les nou-
veaux, éditeurs de sa Bibliothèque historique
de la France. En voici le titre que donuc
Joly : Christ. Balthasari in tribunali alti-
siodor. advocali regii Panegyricus D. Nie.
Fulceto , regni minislro , sacri cerarii prie-
• 11 » ^j i •_. ' fecto. Paris , Lanelois, l655, in-<4°.
et travaille de la pierre , vint a J „ „ , '. . ?. .' . ', ^ ,.
v " .^ .,, ,1 . Il a laisse d autres écrits , mentionne;.
dans la Bibl. hist. de la France ; mais dan»
la dernière édition de cet ouvrage, on attri-
bue, dans les tables, à deux, auteurs «ayant
le même prénom , mais qui seraient le père
et le fils, les livres que Joly croit être d'un
seul personnage, qui n'aurait jamais été con-
seiller d'état.
mourir. M. Daillé mourut aussi,
et après cela , l'église de Castres
a eu beau écrire lettres sur let-
tres pour retirer ces disserta-
tions, elle n'a pu seulement sa-
voir ce qu'elles étaient devenues.
M. Balthasar en laissa d'autres ,
qui n'étaient pas encore ache-
vées, et quantité de recueils qui
consistaient presque tous en des
billets séparés, où il avait mis
les autorités et les témoignages
dont il devait se servir contre le
cardinal Baronius. C'est domma-
ge que tout cela soit demeuré
dans un coffre , qui est au pou-
moignage du synode du Haut - Langue-
doc et de Haute-Guiennc. Il jouissait déjà
d'une pension de trois cents livres. Voyez
les Actes du Synode national de Loudun,
dans le Synodicon de M. Quick , tom. II,
pag. 572.
(d) Il leur donnait le titre de. Diatribes.
Son owrage était en latin.
(A) Il y a de l'hyperbole dans ce
qu'on dit touchant ses scrupules de la-
tinité. ] Parmi plusieurs pièces que M.
l'abbé de Marolles fit imprimer les
dernières armées de sa vie , il y en a
une qui contient les noms de ceux qui
lui avaient donné de leurs livres , ou
qui l'avaient honoré exlraordinaire-
jnent de leur civilité. C'est là que se
trouve ce que l'on va lirc.« Christophle
x> Baltasar , qui avait écrit tant de
» recueils de sa main , pour divers
» traités historiques manuscrits. 11
» voulait faire des auimadversions sur
» les Annales de Baronius , mais il s'y
» prit un peu tard , et ne s'était pas
» encore formé le style , voulant d'ail
» leurs tourner le sien d'une manién:
» trop élégante : de sorte qu'il ne pou-
» vait faire une page entière de son
BALZAC.
63
» livre en un jour , bien qu'il fût âgé
)> de plus de soixante-trois ans. » Si
M. l'abbé de Marolles eût daté le temps
qu il avait en vue, nous saurions à
quel âge M. Balthasar obtint pension
du synode de Loudun.
(B) On a parlé de son humeur cré-
dule pour les sortilèges. ] Le même
abbé de Marolles me fournit tout le
commentaire de ce texte. Le passage
est un peu long , cependant , je ne
l'abrégerai point : ce qui ne servira
pas pour une chose servira pour une
autre. « Retournons maintenant dans
i notre cabinet , où , dans une com-
pagnie de gens doctes , se trouvèrent
i un jour M. Baltasar , qui est si versé
dans les connaissances de l'histoire ,
» et M. de Sorbières , dont la douceur
>) et le savoir sont aussi dignes de
» beaucoup de recommandation: l'un
» qui, de catholique, s'était fait de la
» religion prétendue réformée (i) ,
» et l'autre qui, de protestant , était
» rentré dans l'église catholique. Sur
;> quoi le premier ayant été entrepris ,
» parce qu'on ne pouvait comprendre
» les motifs de son changement , at-
i tendu les excellentes lumières de son
» esprit , dit qu'il s'y était porté par
» tre qu'il n'y adhérait que trop ,
» aussi-bien qu'aux prédictions de
» Nostradamus dans ses Centuries , où
» il n'y eut jamais de barbarie au
» monde , qu'on puisse mettre en
» comparaison de la sienne. Cela fut
» ainsi jugé de toute la compagnie où
» était M l'abbé Talman (2) , qui a
» l'esprit si bien fait, M. Baudelot (3),
» abbé de Massai , et M. l'abbé du
» Verdus , qui sont si désabusés des
» erreurs populaires , avec M. de la
» Herpinière de Blois , si raisonnable
» en tous ses sentimens , M. de Matf-
» say-le-Bossu , gouverneur de Gien ,
» qui sait tant de bonnes choses , et
» qui les débite si noblement, et quel-
» ques autres , dont un seul essaya
» de maintenir l'opinion qui avait
» été rejetée (4). »
(2) II fallait dire T alternant.
(3) Il/allait dire Bourdelot.
(4) L'abbé de Marolles, Mémoires , pag. 276.
BALZAC, petite terre en An-
goumois , sur la Charente , est
célèbre pour avoir donné son
nom , et pour avoir servi long-
temps de demeure à l'un des plus
la persuasion qu il avait conçue que -■ # i vutTe •<
, • ., , -,j, "?••. eloquens écrivains du A V 11 . ste-
dans lautre communion il y avait "1 .
cle (A), savoir a 1 illustre M. de
Balzac. Il s'appelait Jean-Louis
Guez, et il était fils de Guillau-
me Guez * , gentilhomme de
Languedoc (B) , qui avait beau-
plus de pureté et de simplicité que
dans la nôtre ; qu'on y avait réta-
bli la sainte liberté de l'Evangile ,
sous le doux joug de la foi des pro-
messes de Notre-Seigneur , et qu'on
en avait ôté les abus et la supersti-
, pour y mettre le culte selon coup de mérite, et q
ige de la primitive église. On lui a«+arliP A'*l*ni-A h Rn,
m tion
» l'usage de la prn
» disputa bien toutes les parties de sa
» réponse ; mais cela n'ayant de rien
-) servi , on passa à d'autres choses ,
1 et, du propos des miracles , on vint
à celui d'une infinité de contes qui
,< se font des sorciers , et de diverses
» apparitions , qui à peine sont crues
» des enfans : par où l'on connut que
» celui qui avait témoigné d'être si
1, ennemi de la superstition l'admet-
» tait en quelque sorte par une cré-
» dulité assez grande qu'il avait en
» ces choses-là : outre que s'étant ex-
1 pliqué sur les vaines divinations
n des astrologues , il Ut bien connai-
(1) Les Mémoires de l'abbé de Marolles furent
achevés d'imprimer le 5 janvier i656. Il faut
dune que , des l'an irî55, pour le moin), M- Bal-
tkasar eût fait jo.-i abjuration.
s étant
attaché d'abord à Roger de Be!-
legarde , maréchal de France, et
gouverneur du marquisat de Sa-
luées , conduisit fort sagement
plusieurs affaires. Il n'avait pas
encore vingt- six ans lorsqu'on
l'envoya à la cour de Philibert-
Emanuel , duc de Savoie , pour
des négociations importantes ,
ou il réussit pleinement, et se
fit fort estimer de ce prince.
* Joly, d'après les mémoires manuscrits de
Lamare, dit que le père de Guillaume était
cardeur de laine à Beaucaire Il ajoute ,
d'après les manuscrits de Legoui , que G.
Guez sortit de Beaucaire fort gueut et
u:j)unt qu'un petit écu dans m poche.
64 BALZAC.
Quelque temps après , il fut gou- prédicateur , il crut que sonpè-
verneur du fils du maréchal de re s'était déguisé en capucin (e) ,
Bellegarde. Ce jeune seigneur 2°. que don Pierre de Saint-
fut tué à la bataille de Coutras , Romuald loue , entre plusieurs
l'an 1587 (a). Le père était mort autres vertus de Guillaume Guez,
en 1579 (b). Ainsi Guillaume la magnificence qu'il fit paraître
Guez , ayant perdu ces deux pa- dans la structure du château de
trons , s'attacha au duc d'Eper- Balzac , et dans celle de sa mai-
non , qui souhaitait de l'avoir son d'Angoulême {/)• Cette mai-
auprès de soi. Il lui rendit de son était embellie et enrichie de
grands services en diverses occa- raretés si exquises , parliculiere-
sions fâcheuses. Henri IV ayant ment pour les tableaux et autres
connu l'adresse , la probité , et enjolivemens , que la reine-rnè-
la fermeté que ce gentilhomme re , Marie de Médicis , ne voulut
faisait paraître dans les affaires , loger que là, pendant son séjour
pour lesquelles le duc d'Epernon d'Angoulême ; 3°. que l'un de
l'envoyait en cour, aurait bien ses autres fils * s'appelait M. de
voulu l'attachera son service (c); Roussines (g); 4°. qu'il eut
mais il lui trouva plus d'inclina- une fille , dont M. de Balzac pai-
tion pour la vie de province que le assez souvent (D).
pour la vie de cour, à laquelle Balzac> LeUre xxv„ , CLapelain
sa vertu ne se serait pas aisément nv. m,
accommodée. Ce bon gentil- {/) Saint -Romuald, Trésor chrouol. ,i
homme se fixa dans l'Angouinois. "" TJ ,27' , , „ , , , . ,
u O * Joly reproche a Bayle de n avoir donne
et y mourut le 20 de Septembre qu'un frère à Jean-Louis Balzac. Sa critique
l65o, âgé de Cent ans (C). Il est injuste , comme on voit.
■. » ' „ j -.„ll„ J„ (s) M. de Balzac lui a écrit la XLe. Lettrc
avait épouse une demoiselle de d^f(ivre vnL
la famille de Nesmond , avec
laquelle il vécut soixante-quatre J <A). Elle est célèï% P°"r av™
^ , „ . u , donne son nom a l un des vins
ans dans une parfaite concorde Moquens écrivains du XVII*. siècle.-]
{d). H en eut entre autres en- Je ne sais point sur quoi M. More'ri se
fans le célèbre M. de Balzac, dont fonde , quand il dit que ceux de la
:„ „„Ja, Vavû, l'éln«o la famille de Guez ont porte le nom de
je vais pare!. V oyez 1 éloge la- b te„e de Balzac. ^ devait savoir
tin de Guillaume Ixuez , compo- ^ faut ^crire Balzac, lorsqu'il s'a-
sé par M. de Girac , et imprimé gitde ce village , et Balsac , lorsqu'il
à la fin du Socrate chrétien. J'en s'agit de l'ancienne maison de Balsac
ai tiré ce qu'on vient de lire, à d'Entragues(i) Il a tait tout le con-
a . n 0 n ^^^ traire. 2. 11 n y a eu que Jean-Louis
quoi l ajoute, 1 . que (jiullau- Guez, qui ait porte le nom de Balzac :
me Guez ressemblait si fort au son père a toujours garde son oom de
père Narni , que la première fois famille (2) ; et si , depuis la mort d.^
que M. de Balzac vit ce fameux Jf an-Lotus , quelqu'un de la parente
4 e s est fait appeler Balzac, je ne crois
. TT. , , pas qu'il soit venu à la connaissance
ia\ Le nère Anselme, Hist. des erands J, ,1 „, . • . , >. ■
n»; » Q/T de M- M°ren. Au reste, ce qui aete
Orne. > Pflo- 9H- j-j par queluues personnes, Que si
(b) Là mente. r i i * v
(c) Voyez les Lettres choisies de Balzac, f^ Sorel, Connaissance îles bons Livres, pag.
pcîg. 36a, édition de Hollande. 28) édition de Hollande, et Ménage, Ant;
(d)EUe vécut jusqu'en l653. Voyez la BaiUet, tom. I . pag. 4, l'on! remarqut*
XIIIe. Lettre de BaUac à Coorart , lif>. Ul. (2) Anti-Baillei , to>n. /, pag. 4.
BALZAC.
65
M. de Balzac n'edl point pris le nom
de sa terre , son /mm de famille étant
mis à la tête de ses œuvres n'edt pas
eu tant de succès dans le monde ; et
qu'en disant Lettres de M. G nez, on
n'en eiit pas conçu une si belle ulee ; et
qu'on se persuade que ce nom de Bal-
zac, étant pris pour celui d'une noble
et ancienne maison assez, connue , lui
don/iaili>lus d'autorité (3) : cela , dis-
je , est en partie vraisemblable , et en
partie très-faux. Il est vraisemblable
qu'un nom aussisimpleet aussi peu pré-
venant que celui de Guez, aurait nui à
un auteur à la tète d'un ouvrage (41;
mais il est très - faux que Jean - Louis
Guez ait mis le nom de Balzac à la tête
de ses livres, afin d'éviter un semblable
inconvénient , et afin de donner lieu
de croire qu'ils venaient d'un grand
seigneur: c'est là précisément oùSorel
en voulait venir , avec ses expres-
sions confuses et entortillées. Encore
un coup, cela est faux ; car Jean-Louis
Guez avait pris le nom de Balzac
avant que de songer à l'impression de
ses lettres. Je ne saurais comprendre
d'où est venu que M. .Ménage , qui a
fait imprimer les poésies elles lettres
latines de cet auteur , où Ton voit, et
sur le titre, et sur le haut de chaque
page , le nom de Joannis Ludovici
Guezii Balzacii , a dit qu'on y voit ce-
lui de Joannis Ludovici Guesœi Bal-
zacii(5)Jc dirais que l'imprimeur de
PAnti-Baillet a mis Gués, et au Heu de
Guesii, si je ne voyais la même faute
dans une édition très-correcte des
poésies de M. Ménage(6).
(B) Balzac était /Us de Guil-
laume Guez , gentilhomme de Lan-
guedoc.'] M. de Balzac représente quel-
quefois son extraction d'une manière
à nous en donner une haute idée. Il
dit que ceux a qui il a l'honneur d'ap-
partenir ont fondé des monastères en
divers endroit* du royaume, et qu'sin-
goulême et Toulouse sont glorieuses
des marques que leur pieley a lais-
sées (7). 11 nous apprend en un autre
(3) Sorel , Connaissance des bons livres , pag.
28, cite' dans les Jugem. des Savans, lum. I,
pas. 4^4*
(4) Voyez la préface de< Nouvelles Lettres
contre le Calvinisme île Maiinbonrg , et dans la
lettre XXII , pag. -64, un passage du Mercure
Galant <ur les Lettres du chevalier d'Hcr...
(5; Ménage, Anti-Raillet, loin. ', pag t
(6) A /'Index : celle édition est celle île Wel-
stein , a (insterdam , en 11)87.
(7) Balzac , (JKuvres diverses, dise. XIV .
TOME III.
endroit , que le bisaïeul de son tris-
aïeul fut gratifié de trois paroisses en
Languedoc , par la comtesse Alix (8).
Théophile donne une toute autre idée
de la famille de M. de Balzac.
(C) qui mourut âgé de cent
ans.'] Je me suis servi du nombre
rond, après M. de Girac , que j'ai cité;
mais je dois ici rectifier un peu la
chose par le moyen d'une lettre de
M. Guez à son tils, signée Guez , et da-
tée du '20 novembre i6j.« '9 . Hélait
alurs entre dans la quatre- ingt-neu-
vième année de son tige. Il n'avait donc
pas cent ans le 20 septembre i65o,
qui fut le jour de sa mort. Cettre lettre
est une exhortation pressante à faire
imprimer quelques manuscrits , sur-
tout les Apologies contre Phyllarque.
(L>) Et qui eut une fille dont
M. de Balzac par le assez souvent.] Elle
fut mariée avec M. de Campaguolle ,
qui mourut capitaine aux gardes au
siège de Montauban , et qui était frère
d'un brave dont M. de Thou parle
quelquefois (10). Ce capitaine aux
gai des laissa un fils , qui fut tué au
siège de Lens(n), et une fille, qui
est la demoiselle de Campac, nolle ,
dont il est quelquefois parlé dans les
Lettres de M. de Balzac (12). Il témoi-
gne beaucoup d'amitié pour cette
nièce , et donne de forts bons conseils
pour l'élever. Voyez ses Lettres choi-
sies page 157, et les lettres XLV1 ,
M. Vil, et XLVUldu VIIe. livre, dans
l'édition in-folio. J'ai trou\é dans
une lettre de Costar un passage qui
concerne la demoiselle deCampagnol-
le. A Bilzac, dit-il (l3) , vous venez
une nièce qui est belle et spirituelle ,
qui disiemejoit bien la vraie galan-
terie d'avec la fausse, et a qui il ne
manque rien pour vous que de l'aimer
un pen davantage. C'est ce qu'il écri-
vait à Voiture. J'ai vu un autre livre,
où il y a quelque chose qui pourrait
bien regarder cette demoiselle. On y
(8) Lettres choisies, pas- ?6;.
(q) Elle est à la page 65 des Lettres choi-
,l; ,i, i, , - dit. de Hollande.
(,o) Voyez les Poésies latines de Balzac , pas.
113, édition in-12.
it) foi "t 'e vol. des Lettres à Courarl, liv.
V. lettre III.
(,î) Voyez la LXVI[e. lettre du VI'. livre,
et U XI r h. d„ IX'.
(i3) Vor.'i laXXW'. leitre des Entretiens
de Voilure et de Costar. , pag. a4y-
66
conte que Langlade (i4)j l'un de ceux
que le cardinal Mazarin employait le
plus dans les négociations secrètes,
avait aime dans son pays , avant que
de venir à la cour , une fille de qua-
lité qu'on appelait mademoiselle de
Campagnol (i5). « 11 n'avait pas osé
» lui proposer de l'épouser ; mais
» il avait exigé d'elle qu'elle ne se
» mariât point, promettant de l'a-
» vertir quand sa fortune serait en
» état de la pouvoir rendre heureuse.
» Il fit confidence à Gourville delà pa-
» rôle qu'il avait donnée à cette fille ,
» et lui témoigna avec quelque cha
BALZAC.
dans les lettres qu'il écrivait en
ses jeunes ans , que ceux qui les
avaient vues en étaient charmés
et les louaient partout : de sorte
que comme il était au service du
cardinal de la Valette (a) , il fut
bientôt connu à la cour avec
avantage, et jusque-là que le
cardinal de Richelieu, auquel il
écrivit plusieurs fois, lui fit l'hon-
neur de lui répondre d'une ma-
nière tout-à-fait obligeante. Cet-
« grin ,
» assez de
qu'il ne se croyait pas avoir te réponse fut imprimée avec les
le bien pour prétendre à cette r _„£,„ Ja n„T„„„ ju~ + i„ „„„_
» alliance, n'ayant en tout que quaran-
Lettres de Balzac , dont la pre—
» te mille écus. Gourville lui dit que ^lère édition est de l'an 1624 *.
» cela ne devait pas l'embarrasser , 11 se crut en passe d'une fort
» et qu'il pouvait partir avec toute grande fortune (B) : ses Lettres
«assurance pour achever son ma- se débitaient si peuplement ,
, lui promettant : de lui en non- J I . '
•1 nage .
j> ner encore autant. Langlade partit
» sur cette assurance , et donna beau-
» coup de joie à mademoiselede Cam-
» pagnol , quand il lui fit connaître
» qu'il se souvenait encored'elle.Ils se
» marièrent , et Langlade revint à
» Paris avec sa nouvelle épouse , où
» ils trouvèrent que Gourville leur
» avait retenu une belle maison, et
:» qu'il l'avait superbement meublée.
» Il donna à Langlade ces beaux meu-
)> blés, avec quantité de vaisselle d'ar-
» gent et de pierreries pour sa femme,
3> outre les quarante mille écus : et
3> Madame de Parville (16) prit grand
» soin de faire voir le beau monde à
)> cette provinciale. Ces nouveaux
■» mariés vécurent encore long-temps
» fort contens l'un de l'autre.»
qu'il fallut en faire plusieurs
éditions. On le louait à perte de
vue , mais non pas avec le con-
sentement unanime de tous les
lecteurs. Il s'éleva des esprits
contredisans, soit que l'envie les
eût excités , comme il y a bien
de l'apparence , soit que l'on eût
découvert les lieux faibles des
ouvrages de Balzac. Ces dissen-
sions , après avoir régné quelque
temps dans les compagnies , de-
vinrent une guerre publique en
1627 , mais une guerre des plus
furieuses qui se soient vues en
ce genre-là. L'ouverture s'en fit
par un jeune moine, qui com-
posa un petit livre intitulé, Con-
formité de l'éloquence de M. de
BALZAC (Jean-Louis Guez de) Balzac avec celle des plus grands
naquit à Angoulème, l'aniSgS* personnages du temps passé et
(A). Il acquit de fort bonne heu- du présent. Quoique cette pièce ne
re une réputation extraordinaire.
Il y avait un si grand feu d'ima- (» Sorel, Biblioth. franc., pag. 121 de la
... . °n f, , seconde édition.
gmatiOU, tant cl éloquence , et .Celte édition, dit Joly, est très-curieuse,
tant de pensées peu Communes et peu conforme aux. aulres : dans la seconde
(i4) Galanteries rie» rois de France, loin. II,
pag. 23g , édit. de Bruxelles, en lùij'i.
(iS) L'a memp , pag. 1^1.
(iG) C'e'tail une maîtresse de Gourville.
Leduchat, d'après d'Olivet, dit l&9^f,
mais iS.iyle ne donne cette date que comme
une conjecture. Voyez sa remarque (A.).
partie du tome X des Mémoires de Littéra-
ture du père Desmolets , il y a trois lettres
de Balzac qui n'avaient point encore été' pu-
bliées.
BALZAC. G7
fut pas publique , elle ne laissait les écrits qu'il publiait de temps
pas de passer de main eu main , en temps , la réputation d'un
presque comme si elle eût été homme de très-grand mérite ,
imprimée ; et personne n'igno- etde la plus belle plume de Fran-
rait qu'un feuillant, nomméyrè- ce. Il faut pourtant avouer que
re André, en était l'auteur (C). son style sent trop le travail , et
M. de Balzac souhaita qu'elle fût que le tour de ses pensées est
réfutée publiquement, et c'est quelquefois trop guindé, et ra-
ce qui fut exécuté dans YApolo- rement assez naturel; mais en-
gie qu'Ogier publia en 1627 (D). core que ses lettres n'aient pas
Le général des feuillans, qui se cet air aisé, et cet enjouement
nommait alors le père Goulu , heureux qui brille dans celles de
prit en main la cause de frère Voiture , elles ne laissent pas
André , et , sous le nom dePhyl- d'avoir beaucoup d'agrément , et
larque {b) , il écrivit deux, volu- une certaine gaieté vive et sérieu-
mes de lettres contre Balzac, avec se, qui est presque inimitable
un emporlemeut extrême, coin- (II). On voit aussi dans tous ses
me je le rapporte dans son arti- écrits plusieurs 1 rails d'érudition
cle. Cette querelle donna lieu à bien choisis et bien appliqués,
quantité de livres (c) , et fut une En un mot , on ne saurait assez
tempête qui pensa abîmer M. de admirer, vu l'état ou il trouva
Balzac, tant à cause des artifices la langue française , qu'il ait jm
de ses ennemis , qu'à cause qu'il tracer un si beau chemin à la
avait donne quelque prise à ses netteté du style. 11 ne faut pas
censeurs par des hyperboles ex- trouver étrange que ses écrits sen-
trêmement froides , par des sail- tent le travail. L'élévation et la
lies de vanité, et par des propo- grandeur étaient sou principal
sitions un peu scabreuses. Il lais- caractère : on ne va point là sans
sa passer cet orage , sans répon— méditation. Il y a beaucoup
dreàsouadver>aire(E;, qui, étant d'apparence que les siècles à ve-
mort au commencement de l'an- nir lui feront raison du décri ou
née 1G2U, donna lieu au retour quelques critiques ont tenu ses
du calme. Le public commença productions pendant bien long-
à revenir de la prévention qu'il temps , ce qui n'a pas empêché
s'était laissé inspirer contre M. de qu'un bon nombre de très-excel-
Balzac , et celui-ci profitant de lens connaisseurs n'aient coti-
sa disgrâce, et plus encore du stamment persévéré tlans leur
peu de succès de son Prince (F) , première admiration (d). Il était
se fixa à sa maison de campagne, bon poète latin , et ses Lettres
où il épura non seulement son latines montrent qu'il écrivait
esprit et son style , mais aussi en cette langue avec beaucoup
son cœur, et y conserva par son de délicatesse. S'il eut beaucoup
commerce de lettres (G), et par d'ennemis, qui écrivirent coud"
{b) C'est- à-il ire Prince (les Feuilles, par
allusion à sa qualité de général des feuil-i d Voyez eequeUL. M 1 Idel'i
lans. loçuence *!c Balz ma, pag. lia,
(c) BiWiolli. franc, de Sorel . pag. 121. «M el "4- ''"f^ aussi M- PerrauU , dans
f'oyc: l'article Jayersac. l'Eloge de Balzac.
68 BAL
lui (I) , il eut d'autre côté un
très -grand nombre d'amis et
d'admirateurs (e), et il y avait
peu de personnes de mérite ,
français ou étrangers , qui en
voyageant par la France ne se
fissent un plaisir de l'aller voir
(K). Il fut un des quarante de
l'académie française (L). Le car-
dinal Mazarin tâcha de le rappe-
ler à la cour (f). La reine Chris-
tine lui fit faire des honnêtetés ,
et voulut avoir de ses lettres (g).
Les plus grands seigneurs du
royaume lui donnaient dans son
désert (h) plusieurs témoignages
de leur estime (/). Ce qu'il y eut
de plus excellent en lui, c'est
qu'il vécut, dans sa retraite, et
qu'il y mourut , non-seulement
en honnête homme , mais aussi
en bon chrétien. Il se priva de
son vivant de huit mille écus de
son bien , pour les distribuer en
oeuvres pies (k). Il s'était fait
bâtir deux chambres aux Capu-
cins d'Angoulême (M), et y de-
meurait souvent (/). C'est là qu'il
a composé son Socrate chrétien.
II dit de fort belles chosres dans
le lit de mort, et il ordonna par
son testament qu'on l'enterrât à
Angoulême dans l'hôpital de
Notre - Dame des Anges , aux
pieds des pauvres qui y étaient
(e) Le grand Descartes l'aima et l'estima
beaucoup. Voyei sa Vie , par M. Baillet ,
ioni. I, pag. i3g elsuiv.
if) Voyez la Ire. lettre de Balzac à ce
eardinal , clans le volume des Lettres à
Conrart.
(g) Voyez la lettre XI à Conrart, lit',
III et plusieurs autres du même volume-
(h) C'est ainsi qu'il se plaisait à nommer
le lieu de sa résidence.
(i) Cela parait par cent endroits de ses
Lettres.
(A) Épitre limin. des Entretiens de Bal-
zac.
'I) Moriscet, Relat. de sa Mort.
ZAG.
déjà inhumés (m). Il légua dou-
ze mille livres à cet hôpital , et
il laissa un fonds de cent francs
par an , pour être employé de
deux ans en deux ans à donner
un prix à celui qui , au jugement
de l'académie française , compo-
serait le mieux un discours sur
un sujet de piété (n). Il mourut
le 18 de février 1654 (N). Le
sieur Moriscet , chanoine d'An-
goulême , fit son oraison funè-
bre , et un autre Moriscet , frère
de celui-là, et avocat au prési—
dial de la même ville , fit impri-
mer un discours à la louange
du défunt (o). On fit à Paris une
édition de toutes les œuvres de
Balzac, l'an i665, en deux vo-
lumes in-folio, avec une préfa-
ce de l'abbé Cassagnes , de l'acadé-
mie française. Consultez les Hom-
mes illustres de M. Perrault ,
vous y trouverez l'éloge de Jean-
Louis Guez *.
[tri] Saint - Romuald, Abrégé chronol., à
l'ann. i65ip
(n) On n'a commencé à exécuter la chose
qu'en 167 1. Voyez /'Histoire de l' Académie
française , seconde édition , pag. 555.
(p) Saint- Romuald, Abrège' chronol.,- à
l'ann. \t}j(\.
* Joly transcrit un passage du Supplément
manuscrit du Ménagiana , qui contient le
portrait de Balzac. Il cite les tilres de quel-
ques ouvrages dont Balzac est K jujet.
(A) Il naquit à Angnuléme , l'an
1595.] Je n'ai trouve cela dans aucun
livre ; mais voici comment je l'ai in-
fère' de deux: lettres de Balzac. Il fait
mention' dans l'une de ces deux let-
tres (1) d'un Remercîment qu'il avait
fait à M. Spanheim en 16^9, pour la
bidle Harangue qu'il en avait reçue,
et qui lui avait rendu une passion que
cinquante-trots ans lui avaient ôtée.
Cette harangue e'tait ?ans doute l'Orai-
son funèbre du prince d'Orange Fré-
déric-Henri : l'on peut supposer qu'il
la reçut l'an 16485 car il n'était pas
(1) C'est la XIV. du I". livre, a Conrart:
le Hemcicimcntà M. Spanheim e*t la XIXe. du
V. livre.
BAL
prompt à répondre. Il avait donc cin-
quante-trois ans en 1648 ; il était
donc né en 1 SgS. Dans l'autre lettre,
datée du 1 5 d'octobre 1637 (2) , il parle
d'un écrit qu'il avait fait à l'âge de
dix-sept ans , et il dit qn il y avait
vingt-cinq ans entiers qu'il l'avait
t'ait. Il avait donc quarante-deux ans
lorsqu'il écrivait celte lettre ; et par
conséquent il était né en i5q5. Saint-
Romuald met sa naissance à l'an i5q8;
car il en avait 28, dit-il, l'an 162G
(3) , mais il a oublié de prouver cette
raison +. Je ne dissimule point que
j'ai trouvé un passage qui prouve que
Balzac est né en 1596. Je le cite dans
la remarque (B).
Au reste le petit écrit qu'il com-
posa à l'âge de dix-sept ans vaut bien
une digression. Il avoue qu'en le fai-
sant, il fit une faute et une folie , et
il s'en excuse le mieux qu'il peut sur
sa jeunesse , et sur ce qu'il le com-
posa en Hollande , sans dessein de le
rendre public par l'impression (<£). Il
trouve fort mauvais qu'Heinsius ait
ressuscité cette faute. Je l'ai déjà dit
(5) , voilà un inconvénient à quoi les
auteurs un peu célèbres sont fort su-
jets : il leur arrive quelque querelle
de plume, qui est cause que leur an-
tagoniste recherche avec soin les plus
petites fautes de leur jeunesse , pour
leur en faire reproche publique-
ment. Je ne m'étonne point que quel-
ques-uns aient cru que Balzac, en ce
temps-là, n'eut p.is refusé de faire
fortune dans la Hollande , sous la
profession d'un huguenot. J'avais cru ,
avant que de lire l'écrit en question ,
que c'était un jugement téméraire ;
mais j'ai changé de sentiment , depuis
que M. Minutoli a eu la bonté de
m'envoyer une copie de cette pièce (6).
Il en a un exemplaire imprimé , de
l'édition qu'Heinsius fit faire à Leyde,
(2) C'est la X<\ du III: livre, à Chapelain.
(3) Saint-Koruuald, Abrégé chron. , h Van
i5o8.
Saint - Romuald s'appuie sur un passage
«l'une lettre de Balzac, mais I, i-.lmli.it prétend
que dans cette lettre Balzac avait la prétention r!e
se faire passer pour plus jeune qu'il n'était,
croyant que par-là son savoir lui attirerait plus
de respect.
(4) Lettre X à Chapelain , Uv. III.
(5) Voyez ci-dessus la fin de la remarque (C)
de l'article de Balde.
(fi) Il est fourni d'une infinité' de semblables
pièces rares , qu'il a eu toujours grand soin de
• amasser et de garder.
ZAC. 69
l'an i638. Le, titre est, Discours po-
litique sur l'Etat dus Provinces U nies
des Pays-Bas , par I. L. D. B. ,
gentilhomme français. C'est une pièce
volante de quatre ou cinq pages *' :
on y voit à la fin , par forme de si-
gnature, Jean-Louis de Balzac. L'ou-
vrage est très-beau , plein d'esprit et
de pensées j mais je suis bien assuré
que Baudius , qui était en charge pu-
blique à Leyde, et aux gages de la
Hollande , n'aurait pas décidé si for-
tement pour la justice avec laquelle
les étals dégradèrent Philippe II , et
qu'il n'aurait pas cherché des louan-
ges si raflinées pour la Hollande, ni
des invectives si perçantes contre la
domination espagnole , ni enfin des
maximes si étudiées en faveur de la
liberté de conscience. On est donc ex-
cusable de soupçonner que le gentil-
homme français sondait peut-être le
gué par cette feuille volante; et que
si la république , frappée d'admira-
tion pour une si belle plume , et si
bien intentionnée, avait offert une
belle charge , l'auteur de dix-sept ans
l'eût préférée à son pays, et à son
catholicisme.
M. de Balzac fit son voyage de
Hollande l'an 1612. II le fit avec Théo-
phile , auquel , si l'on en croit le père
Goulu , il joua alors un mauvais
tour (7) , qui fut cause de la mauvaise
intelligence qui était entre ce poêle
et Dalzac. La terrible lettre que Théo-
phile fit imprimer contre ce compa-
gnon de voyage, lui reproche deux ou
trois aventures malplaisantes. Je ne
parle fioint , lui dit-il , du pillage des
auteurs , le gendre du docteur Bau-
dius vous accuse d'une autre sorte de
larcin Je ne me repens pas d'avoir
pris autrefois l'épe'e, pour vous ven-
ger du bâton.
(B) // 5e crut en passe d'une fort
grande fortune.'] 11 y a du plaisir à
l'entendre raconter lui-même les rai-
sons de ses grandes espérauces. Qu'on
lise donc la seconde histoire qu'il dé-
bite dans ses Entretiens *a ; c'est la
** Lcrlcrc dit que cet écrit réimprimé dans le
tome II des OLuvret de Balzac, in-folio, n'y
remplit pas trois pages, ce qui n'empêcherait
pas que l'édition originale en eût quatre ou cinq ,
comme dit Bayle.
(7) Lettres de Plivllarque, I". part., pas
0.17.
*2 Bayle , dit Joly, n'a pris connu le* ilsr-
niers Entretiens de M. Dumas avec M. de Bal
yo
BALZAC.
sienne (8). On y verra entre autres
choses la preuve de ce que j'ai dit
touchant les éloges que l'on donnait à
ses lettres, avant même qu'elles fus-
sent imprimées. Il nous conte que
l'evêque de Luçon . rappelé de son
exil (q) . lui fit une infinité de caresses,
le traita d'illustre , d'homme rare , de
personne extraordinaire , et que l'ayant
un jour prié a dîner , il dit à force
gens de qualité qui étaient a table avec
lui , Voilà un homme ( cet homme
n'avait alors que vingt-deux ans) à
(jui il faudra faire du bien quand
nous le pourrons, et il faudra, com-
mencer par une abbaye de dix mille
livres de rente. N'est-il pas vrai
qu'on ne saurait guère voir de plus
beaux comme ncemens ? A Rome , on
lui eût là-dessus prête de l'argent , on
eût fait des gageures sur ces avances
do la fortune. Toutefois , les choses
en sont demeurées là. M. le cardinal
de Richelieu ne s'est pas souvenu de
ce qu'avait du M. l'evêque de Lucon.
Cela me fait souvenir de cet endroit
du Ménagiana : « M. de Balzac avait
■» premièrement aspiré à être évêque.
» 11 se retrancha ensuite à devenir
» abbé ; mais il ne réussit ni dans
» l'un ni dans l'autre dessein. Il a
» même écrit dans quelqu'un de ses
■» ouvrages , qu'il ne serait jamais
» abbé , à moins qu'il ne fondât l'ab-
» baye(io).»
(C) On publia contre lui un petit
livre. dont un feuillant , nomme
frère André, était l'auteur."] C'était
un Manceau , qui se réconcilia depuis
avec M. de Balzac, et l'alla voir à
Angoulême (n). M. de Balzac le ré-
gala magnifiquement, lia avec lui
une cordiale amitié quia duré autant
que sa vie (ia). 11 lui a écrit plusieurs
lettres, où il le qualiiie le révérend
père dom André de Saint - Denys.
Voyez nommément l'une des Disser-
zac , iG5tï, in-4° Ces Entretiens sont au nom-
bre de neuf, et ne se trouvent point clans i édi-
tion des OEuvres de Balzac , in-folio, ce qui
a engagé Joly a leur consacrer plus de trois pages
in-folio.
(8) Entret. VIII , pag. »3î , r'tlil. i'ri-12.
(9) Cela tombe à l'an itH8.
(10) Méaagiaua , pag. îçjo.
(n) Saint - Komualil, Continuât. Chronici
Adcrcari , ad annum, 1627.
(12 Voyez ses soins pour les intérêts du père
André' , dans les lettres XVII kl XVI II du
IVe. livre il Conrart, écrites en i653.
tations imprimées avec le Socrate
chrétien, le premier Entretien , et par-
mi les Lettres latines, le poè'me intilulé
lier speralum , précédé d'une lettre
où Balzac raconte avec une extrême
joie le changement de ce feuillant , et
où il se sert de cette belle exclama-
tion parodiée de Virgile (i3j ,
O stiperi i tanto-np placuil concurrere motu
jEternitale posthac mentes in pave futuras ?
Une autre lettre latine, qui précède
celle-là (i4) , nous apprend que frère
André, qui, selon l'expression de
Voiture , avait été l'Hélène de cette
guerre, ayant oui dire que M. de
Balzac était mort , l'avait pleuré et
luué. Or , puis qu'après avoir su que
la nouvelle était fausse, il devint le
bon ami de ce prétendu défunt , il
fit voir quil n'était pas dans le cas
de cette sentence :
Virtutem incolwnem odimus, . . .
. . Sublalam ex oculis tjuœrimus invidi (i5).
Il ne faut pas oublier cette circon-
stance, que ce religieux, qui était
alors prieur du couvent de Saint-Mé-
min proche d'Orléans , n'eut pas plus
tôt su la maladie dangereuse de M. de
Balzac, qu'il assembla tous ses moines,
afin qu'ils priassent Dieu avec lui
pour le malade (i6j. Celui-ci , après
sa guérison , donna à l'autel de leur
église une cassolette de quatre cents
livres, accompagnée d'un revenu an-
nuel , pour y entretenir continuel-
lement les parfums. Si M. Moréri
avait parlé des témoignages éclatans
que Balzac donna de son bon cœur,
en se réconciliant avec frère André
et avec le père Garasse , on ne trou-
verait pas destitué de jugement cet
endroit de son dic'ionnaire. Ilpassa
d'abord pour l'homme de France le
plus éloquent. Cette réputation lui fit
des envieux , et on sait assez la que-
relle qu'il eut vers l'an 7627 avec le
père Golu général des feutllans , et
avec d'autres. Tout le monde était
pourtant persuadé de la franchise et
île la générosité ûe M. de Balzac ,
qui mourut très-chrétiennementeomme
il avait vécu. Quel étrange saut de
(i3) Virgil. , iEnei'd., lib. XII, vs. 5o3.
(i4) Pag. 26S.
(15) Horat. , Od. XXIV, lib. III , vs. 3i.
(16) Pré face des OEuvres de Balzac, et Rela-
tion de sa mort.
BALZAC. 7,
l'an 1G27 à Tan i654, en si pou de permettent qu'on leur fasse des enfans;
lignes ! Il puis , à quoi bon ,-, tte qu'il ne pourrait souffrir c|u"on lui
franchise et celle générosité, dont Ri ses livres ; et que , pour ce qui re-
tout le monde était pourtant persuadé? garde la façon de son ouvrage, ses
S'agissait-il de cela ? il s'agissait de amis lui ont été aussi étrangers que
savoir si Balzac était bon auteur, ceux qui vivaient aux extrémités du
éloqueut , et orthodoxe, monde. Il nous apprend là même,
(D) cette pièce fut ré fut/.- que sa préface sur les Lettres de Balzac,
dans l'Apologie qu' Ogier publia en avait été attribuée à d'autres qu'à lui
1627.] Ou a parle fort diversement très-faussement. On verra ceci plus
sur le véritable auteur de cet ouvrage. ;"> long dans sou article (19).
Les uns ont cru que celui qui s'en (E) II laissa passer l'orage excité
disait le père l'était effectivement , contre lui par le père Goulu , sans
les autres ont cru qu'il n'avait fait que répondre à son adversaire] J'avoue
prêter son nom à un ouvrage que qu'il mit la main à la plume dès ce
Balzac, avait fait lui-même. Voici ce temps-là , pour composer sa Relation
que .M. Me'nage en a dit : Le prieur à i)Ienandre , mais cet ouvrage ne fut
Oger (+) répondit a ces livres du père imprimé que long-temps après. On
Goulu contre M. de Balzac, par un voit la raison de cette conduite dans
livre qu'il intitula l'Apologie de M. de ces paroles du XXIIIe. Entretien de
Balzac (17), qui est un livre écrit avec Balzac : Vous vous souvenez de la
quelque sorte de doctrine et d'élégan- cruelle persécution qui s'alluma con-
ce; mais M. Oçer n'y a contribué que tre moi il y a plus de vingt ans. En
la doctrine. Tout ce qu'il y a d'elé- ce temps -la , un auge du ciel n'edt
gance est de M. de Balzac. Je l'ai pas été écouté , s'il en fût descendu
ouï dire plusieurs fois 11 31. de Iiacan, pour plaider ma cause. La brigue était
et à M. de. Gomberville , qui avaient trop forte et trop passionnée pour
vu M. de Balzac travailler a cet ou- pouvoir attendre un juste jugent n!
vrage ;et j'ai lu, d'ailleurs, que M. de du public. Grâces à Dieu, l'orage ii
Balzac, parlant de cet ouvr.ge , disait cessé, et le calme est venu après la
qu'il en était le père , et qu'Oger n'en tempête. Les choses ayant changé de
était que le parrain ; qu'il avait fourni jace , il est à croire que le bon droit
la soie, et qu'Oger n'avait fourni que changera aussi le destin. L'auteur, se
le canevas (1$). Apparemment ce fut voyant alors sollicite de nouveau à
à cause qu'on en parlait ainsi dans le publier sa de'fense , y consentit. Mé-
mmde , que le sieur de la Motfe-Ai- nandre, auquel il adressa sa Relation ,
gron craignit une semblable destinée, est Mainard (ao). Quoique cette rela-
et tâcha de la prévenir en déclarant tion soit accompagnée de la défense
dans la préface de sa Réponse à Pbyl- de quelques-uns des passages que le
laïque, ([ue l'avis qui lui était venu père Goulu avait critiques, elle est
de divers endroits qu'on voulait don- plutôt une réponse générale qu'une
ner un maître à son livre, l'obligeait réfutation suivie et complète des deux
d'avertir tousses lecteurs, qu'il n'y volumes de Pbyllarque. Balzac justiti.i
avait point là de Roger qui combattit aussi quelques passages qu'un docteur
sous (es armes de Léon; cpi'il n'avait de Louvain et un docteur de Besan-
point la complaisance de ceux qui çon avaient critiqué. (21). Je trouve
quelque chose à reprendre dans son
(*) tl faut Ogier. Il était frère de Charter calcul. 11 paraît, par son Entretien
Ogier dont on parlera ci-après, et il a fait XXVII (,u^[ ne se u^telmina à DU-
des Actions publiques, en deux tomes, 1 Apolo- , ■• » i • , i •
gic de Bahac, et une Oraison funèbre pour Dncr sef apologies que plus lie Vingt
Philippe IV, roi d'E<pagne. Cette pièce, suivant ans après la persécution que Phyllai-
Sorel dans sa Bibbotl.éque française, est excel- ,,,„, l„i suscita. Néanmoins il es! txès-
lente. Lostar , tom. 11 , pas. i8 de ses Lettres,' * ., ■ i i , s\T.
adresse la XV1I«. a M. l'abbé Oger. Il devait <*I tdlll que le volume de Ses Otuvres
aussi dire Ogier. Rem. crit.
(17) Je montre liant la remarque (F) Je l'ar- ('9) Voyez ta remarque (D) de l'article M
ticle Goulu ( Jean ) , que M. Ménage ..- trompe ts-Aicron.
en disant que /'Apologie publiée par le prieur (20) Ménage, Remarques sur Avraull , p<'-
Oger , répondait aux livres du père Goulu. a52.
(18) Ménage, Remarques?ur la Vie de P. (") Voyez les pièces qui sont après le Socrate
Ajrault, pag. 252. cliréUen.
72 BALZAC.
diverses, dont les Discours à Me- trouvé digne de censure. La lettre la-
nandre sont une très -considérable fine , qu'il écrivit à un père de la doc-
partie , fut imprimé Tan 1 645 ^ et trine-chrétienne , toucliant ce procès
jue son libraire y fait savoir que Tau- sorbonique , est admirable. Elle- est à
la page 187 de ses Epistolœ selectœ , à
teur n'en a\ait pu refuser la publ
cation ans instances réitérées de son
père , âgé de quatre-vingt-onze ans.
Si vous comparez à cet avis au lec-
teur la lettre de M.Guez, dont j'ai
parlé dans la remarque (C) de l'arti-
cle précédent, vous verrez que la réso-
lution d'imprimer le* Apologies contre
Phyllarque est de l'an i644- Com-
ment accorder cela avec le XXVIIe.
Entretien ?
(F) Il profita du peu de succès de
l'édition de Paris, en i65i , in-12.
Notez qu'il y a des gens qui ont as-
suré que cet ouvrage est l'un des meil-
leurs écrits de l'auteur. C'est ainsi ,
monsieur , que vous t'avez pratiqué
vous-même dans votre Prince , et dans
vos Relations à Ménandre, qui sont les
deux grands miracles de votre ait , et
les derniers efforts de i éloquence hé-
roïque. Voilà ce que disait Costar dans
sa Défense de Voiture. M. Richelet ,
son Prince. ] 1-es amis de l'auteur dans ses Remarques sur des lettres ,
avaient rronns cet ouvrage comme
un chef-d'œuvre qui ferait taire tous
les critiques , et surtout ceux qui ac-
cusaient B.dzac de n'être capable que
d'écrire des lettres. L'événement ne
répondit pas à ses espérances : ce
litre ne fit rien, ni pour la'réputa-
tion ni pour la fortune de Balzac , et
lui suscita des affaires du coté de la
Sorbonne. Quoique le marquis d'Ay-
tona l'eût fait briller à Bruxelles (22),
on ne laisse pas d'en parler avec le
dernier mépris dans une réponse de
l'abbé de Saint-Germain , et comme
d'un livre qui avait été supprimé par
la censure des docteurs , et sentence
des juges, un mois après sa naissance.
M. Pellisson rapporte , qu'en i636 ,
Balzac lut à l'académie française quel-
que partie de son Prince , qu'il nom-
mait alors le ministre d'état (23).
Cela montrerait qu'il avait d'abord
envie de ne faire que l'éloge du car-
dit que le Prince et V Arislippe sont les
deux plus éloquentes pièces de Bal-
zac. (ï4)- Si l'on jugeait du mérite
de ce Prince de Balzac , par le
nombre des éditions , on n'en
pourrait faire qu'un jugement très-
avantageux : « D'abord il y eut deux
» éditions r/z-^0, qui parurent en même
» temps ; une autre de même forme,
» mais en plus petit caractère , et
» toute pleine de fautes, imprimée, je
j> crois, à Niort ou à Poitiers. Ensuite,
» il y en eut une in-S". , assez bonne ,
» quoique contrefaite. Après quoi ,
» vint celle de Bouillerot, in 8°. aussi,
» mais corrigée ; et enfin l'édition
» in 12 de Courbé. » Ces paroles sont
tirées d'une lettre que M. du Rondel
me fit l'honneur de m'écrire le iode
mai 1698. J'en vais citer un autre
morceau. J'ai acheté depuis peu, dit-
il, le Prince de la première édition , ou
j'ai vu avec un plaisir indicible ce
dinal. Mais il faut savoir que M. Pel- que M. de Balzac avait écrit , et qu'il
lisson se trompe. Le Prince fut impri-
mé en i63i. Il devait être suivi de
deux autres livres , dont le dernier
s'appelait Ministre d'état. Quelques-
uns trouvent que dans son Prince il
donne plus de louanges au cardinal
qu'au roi ( Voyez la page 3^ du XVe.
tome de la Bibliothèque universelle ) ;
mais cela est faux. On voit dans le
VIIIe. livre des Lettres de cet auteur
celle que la faculté de théologie lui
répondit pour lui marquer qu'elle
était contente des offres qu'il faisait
a changé et retranché ensuite, et ce n'est
que celte fois-ci que j'ai bien compris
ce que voulait dire Scaliger avec
son detrahendo fecit auctiorem. Bal-
zac, en égorgeant cinq ou six endroits,
a supprimé la langueur , a ranimé la
faiblesse , a donné du poids à sa force,
et s'est saisi de l'attention qui allait
échapper au lecteur. Je me sers d'une
édition £/î-4°-, qui est de l'année i632 :
le lieu de l'impression n'y est point
marqué , mai.sr sans doute elle est de
Rouen. J'en ai vu une en petit octavo ,
de changer lui-même ce qu'on avait faite à Paris , chez Toussaint du Bray,
, .„. , VTMT ,. „„. _ . en 1 632. On y voit au titre , seconde
(22) Balzac, lettre XLIII, Itv. VIII, Entret. .... • •'. M D ,n ,„; „
XIII pag 18a. édition corrigée. M. Perrault , qui a
(?4) Ricbelet, Lettres, etc. , pag. 97.
(a'i) Histoire de l'Académie française, pag.
sas, et 1G7,
BALZAC.
73
tant loue Y Aristippe de Balzac (25) ,
n'a dit rien d'avantageux du Prince.
Il s'est contente' de dire que cet ou-
vrage parut aprèsles Œuvres diverses.
Il trouvera bon , je m'assure , que je
remarque qu'il s'est trompé. Les Œu-
vres diverses ne parurent que long-
temps après le Prince (26). Finissons
par un passage de Gabriel Naudé :
Quibus omnibus velut coronidern ac-
cessisse ferunl Balsnci , viri clarissi-
mi , Principem , gillicd modo pumice
diligenter expolitwn. ferùmenimverà,
quomam ipse liber post nieum è Galtid
discessum typis fuit demandatus , ut
proptereâ nondum in manus meas
pervenerit ; variaque , ut audio , ac
prorsùs ancipiti judiciorum aled fuit
exceplus : hoc solùm de illo pronun-
ciare possum , quodjuit ab anliquis in
simili occasione ex formuld usurpa-
tum, non liquet (27).
(G) Hélait en commerce de lettres. "|
Il était si grand ce commerce-là, qu'il
accablait M. de Balzac, parce qu'ou-
tre qu'il composait avec une extrême
peine , il savait qu'on montrait ses
lettres , et qu'ainsi il fallait que rien
n'y manquât. Voici comment il décrit
son état à cet égard. Il est la butte de
tous les mauvais complimens de la
chrétienté, pour ne rien dits des bons,
qui lui donnent encore plus de peine.
Il est persécuté, il est assassiné des
civilités qui lui viennent des quatre
parties du moiuie , et il y avait hier au
soir sur la tabfe de sa chambre cinquante
lettres qui lui demandaient des répon-
ses , mais des réponses éloquentes , des
réponses à être montrées , à être co-
piées , à être imprimées.... (28). A
l'heure que je vous parle , dit-il en
un autre endroit (29) , il y a sur ma
table une centurie de lettres , qui at-
tendent des réponses : j'en dois à des
têtes couronnées. Comme il fut le pre-
mier en France , qui se fit un grand
nom par cette sorte d'écrits , il en
remporta le titre de grand épistolier ,
(î5) Perrault, [tommes illustres , pag. 1-6.
(26) Le privilège du Prince est date' du 18
septembre i63i , el l'approhation est datte du 3
oclohre suivant. T.es OEuvre* diverses furent im-
primées Van i645.
(27) Nandsns, Ribliojr polit. , pag. t\-.
(a8) Raliac , Eotret. VII.
(29) Lettre VU ,/„ V*. livre dans le vol. à
Conrart. Koje% aussi les Lettres choisies , pag.
i5, et les Luttresà Chapelain , pug. 81 , édition
le Hellande .
et il se le donnait quelquefois lui-
même : Sciât se dignum fuisse invidid
magni Franciœ epistolarii (3o). Les
premières lettres qu'il publia ne va-
laient pas à beaucoup près celles qu'il
fit depuis sa retraite , et néanmoins
celles-ci n'ont pas eu le quart du dé-
bit des autres. Sorel a eu raison de
faire cette remarque (3i) ; et le criti-
que de Maimbourg n'a pas eu tort de
la répéter (32). On peut juger par-là
des caprices et de la bizarrerie du pu-
blic.
(H) Ses lettres.... ont... une certaine
gaieté vive et sérieuse , qui est presque
inimitable. ] Ecoutons ce qu'en dit
Richelet. Rahac , dit-il (33) , ne fait
point de plainte qui n'ait quelque chose
d'ingénieux , de nouveau , et d'élo-
quent ... Il avait une mélancolie douce
et ingénieuse : elle paraît dans ses
Lettres , et il n'en parle jamais sans
chatouiller le cœur, et inspirer de la
joie — Il y a une certaine mélancolie
pleine de charmes , qui vaut mieux
que toute la gaieté du monde.
(I) // eut beaucoup d'ennemis , qui
écrivirent contre lui.~] M. le chancelier
Séguier n'ayant pas voulu permettre
la publication d'un livre composé
contre Balzac en i636 , reçut peu
après une lettre de cet auteur (34) ,
où l'on trouve ces paroles : Tant qu'il
ne s-'- présentera au sceau que de ces
gladiateurs de plume , ne soyez point
avare des grâces du prince , et relâchez
un peu de votre sévérité. Si la chose
était nouvelle , il se peut que je ne se-
rais pas fâché de la suppression du
premier libelle qui me dirait des in-
jures ; mais à cette heure , qu'il y en a
pour le moins une médiocre bibliothè-
que , je suis presque bien aise qu'elle
se grossisse , et prends plaisir h faire
une monjoye des pierres que l'envie
m'ajeitées sans me faire mal. On peut
compter entre ceux qui écrivirent
contre lui , outre ceux dont j'ai déjà
fait mention , Daniel Heinsius , qui
repoussa avec un peu de chagrin la
critique que Balzac avait faite de
YHerodes infanlicida. Voyez sur cela
(3o) Epist. sélect. , pag. a88.
(3i) Sorel, Biblioth. (ranç. , pag. i35.
(il) Pre'f'iire des Nouvelles Lettres sur le Cal-
vinisme île Maimbourg.
(33) Richelet, Lettres, pag. 81 , 83.
(34) C'est la XLIII*. du III'. livre delà
II", partie des Lettre* choisies.
74 BALZAC.
l'Entretien XXXV de Balzac , et la dont il eut quelque chagrin (3r). Je
XXVe. lettre «lu Ier. livre à Chapelain, laisse les coups de dent qu'on donne à
et la XXe. du livre II. M. de Sau- Balzac dans l'Hexamérot] rustique,
maise, ennemi de Heinsius , et anii de Voyez la plainte que fait M Ménage,
Balzac, écrivit sur cette dispute , et d'y avoir été introduit pour paner
adjugea la victoire à son ami ; mais un contre M. de Balzac v38' Je laisse de
ministre de Languedoc , nommé Croï plus ce qui se passa entre M. du Mou-
(35) , prit feu contre Balzac, en fa- lin et lui , car ce ne fut qu'une légère
veur de Heinsius , et néanmoins il escarmouche de controverse , où cha-
écrivit peu après fort durement contre que partie reçut de l'ericeus. Il en sor-
ileinsius : il est vrai que ce fut sur tit d'autres disputes qui furent plus
d'autres matières. Comptez aussi Ni- envenimées (39) ; mais, autant qu'il
colas Bourbon, de l'académie fran- m'en peut souvenir , Balzac n'y reçut
çaise. Voyez ce que l'historien de l'a- que ce petit coup , uir ingénia compta
cadémie a dit là-dessus (36). N'oubliez et gallicœ eloquentiœ lande clarus
point Costar qui , ayant cru que Bal- Balzacus , sed in religionis negotio
zac avait engagé par jalousie M. de plusquam infans. Ce fut M. du Mou-
Girac à critiquer Voiture , lui adressa lin qui le lui donna, dans répitre
la défense de Voiture , et y fourra liminaire de sa Réponse à Petra-éanc-
cent railleries piquantes. Le coup fut ta. On fit semblant d'ignorer l'insulte :
senti , et la chose dégénéra enfin en voyez la onzième lettre du 11e. livre à
guerre ouverte. Costar leva tout-à-fait Chapelain. Je serais trop long, si j'en-
le masque. Voyez les reproches que treprenais de parler d'un certain de
lui en fait M. Girard dans la préface Vaux (/fo) , et de tous les autres ad-
des Entretiens de Balzac. On trouve versaires de Balzac.
dans le Ménagiana quelques faits qui (K) Il y avait peu de personnes ,
pourront avoir ici de l'emploi fort a qui... ne se. fissent un plaisir de l'aller
propos. M. de Balzac, après avoir obligé voir. ] Cela lui était à charge , comme
M. de Girac h écrire en latin contre \\ paraît par ces paroles de son VI1°.
les Lettres de Voiture , engagea aussi Entretien. Il vient ici des importuns
M. Costar a prendre la défense de en personne , quelquefois de plus de
f^nilure , et à écrire contre M. de cent lieues , et tout exprès , si on les
Girac : c'était pour s'attirer des Inuan- veut croire , qui lui donnent le dernier
ges de l'un et de l'autre côté. Je pas- coup de la mort , lui disant pour leur
sais par le Mans pour revenir à Pa- premier compliment , que su haute ré-
ris , dans le temps que la Défense putatton, et la célébrité qu'il a donnée
fut achevée. M. Costar m'en donna au lieu où il est , les ont obligés de
deux exemplaires , l'un pour être en- venir voir cette personne si connue , et
voyé a M. de Pinchesne , neveu de ce village si renommé , qu'il ne doit
M. de Poiture , et l'autre a M. Con- point trouver mauvaise une si juste et
rart. Il me dit qu'il se soumettrait vo- $i honnête curiosité que la leur. Un de
lontiers h tous les changemens qu'on ces curieux lui commença il Y a quel-
y voudrait faire , soit qu'on voulût y ques jours sa harangue par : le respect
ajouter ou retrancher. Une des copies et la vénération qu'il avait toujours
fut communiquée a M. de Balzac , qui eue pour lui , et pour messieurs ses
envoya des corrections ; cependant livres. // n'est rien dt plus historique
l'ouvrage s'imprima ; et , parce que que ceci , et vous pouvez voir par-là
ses corrections arrivèrent dans le temps jusqu'où peut aller le style des compli-
que l'impression fut achevée, on lui mens. Ce n'étaient pas seulement les
manda qu'elles étaient venues trop gens de lettres qui Tallaient voir , les
tard , et le livre parut tel qu'il était , grands seigneurs le faisaient aussi ; et
(35) C'est lui qui est V auteur de la Réponse
nnonyme a la Lettre et au Discours de Balzac sur
une tragédie de lieins, intitulée , Herodes infan-
licida ; laquelle réponse j'ut imprimée a Genève,
(quoique le titre ne le porte pas ) , en 1642.
(36) Pag. 260, édit. de 1672. forez aussi la
XXVIIIe. et la XXXe. lettre du IIe. livre à
Chapelain.
(3>j) Ménagiana , pag. 166, 167.
(38) Là même, pag. 3î3.
(3q) Le jésuite Silvcstre à Petra-Sancta, ayant
écrit durement contre la Réponse de du Moulin i
Balzac fut paré en même monnaie par du Mou-
lin n par Rivet.
40) Il publia le Tombeau de l'Orateur fran-
je suis fort trompe , si le comte de
Pigneranda ne lui lit point cet hon-
neur, lorsqu'il passa parce pays l.i ,
en retournant en Espagne. M. de Bal-
zac est bien aise de nous apprendre ,
que ce comte lui avait reproche le
zèle aillent de sa plume pour défen-
dre; l'honneur de la France. 11 nous
BALZAC.
1
i écrivit qu'il avait va l'original de
son compliment , d'où il faudrait con-
clure que même les plus grands es-
prits ne se souviennent pas quelque-
fois de leurs lettres du temps passe*.
Ce qu'il y a d'incontestable , c'est que
M. de Balzac s'est tenu pour bon et
véritable académicien ; car le registre
apprend cela dans la lettre où il réfute du 14 d'avril i63G fait foi qu'il lut à
le bruit quj courait , qu'il avait com- l'académie quelque parue de
posé un manifeste pour le prince de
Condé en i65i (40-
(Lj H fut un </('* quarante de l'aca-
démie française. ] M. Pellisson , ayant
dit conformément aux registres de
l'académie , (pie le treizième jour de
mars i634 , M. de Boisrobert fit voir
une lettre qu'il écrivait de son chef à
ïtf. de Balzac , pour l'avertir que , s'il
témoignait à la compagnie par ses let-
tres qu'il désirait d'y être admis . elle
Prince (44) » et on a prouvé par ses
lettres imprimées , qu'il envoya a
DI. du Chatelet quelques ouvrages de
sa façon , le priant de les lire h l'aca-
démie, et de les accompagner de quel-
ques-unes de ses paroles , qui suffi-
raient ( disait-il ) pour le tenir quitte
envers elle non-seulement du remercî-
ment , mais encore de la harangue
qui/ lui devait (45). 11 venait de dire
que l'honneur que l'académie lui avait
le lui accorderait volontiers : M. Pel- fait de le mettre de son corps , sans
lisson , dis-je , ayant dit cela, ajoute,
qu'il ne voit pas dans le registre ce qui
suivit , mais qu! infailliblement M. de
Balzac sur sa réponse fut reçu peu de
temps après dans l'académie (fo)-
M. de Balzac ne trouve pas qu'en cela
M. Pellisson ait été fidèle historien
l'obliger d'aller à Paris , étaient deux
grâces singulières qu'il avait reçues
d'elle en même temps. Je me souviens
de deux endroits de ses lettres, où il
reconnaît pour ses confrères messieurs
de l'académie. Le premier est à la
page 16 de ses Lettres choisies , et le
il reconnaît que M. de Boisrobert l'a- dernier à la page q5 de ses Lettres à
vait exhorté plusieurs fois à faire un Chapela
compliment par écrit à l'académie
et l'avait même menacé de la part de
M. le cardinal, si ce compliment ne
venait pas ; mais il soutient qu il n .1-
vait rien répondu , et qu'au bout de
cinq ou six mois on lui apprit qu'il
était de l'académie , et qu'on avait vu
son nom dans le soleil du petit bon
homme M. de la Peyre (43). D'où il
conclut , que si l'on avait présenté à
l'académie une lettre de sa part , on
avait fait une fausse lettre. Voilà ce
qu'il écrivit à M. Conrart, le 22 de
(M) Il s'était fait bâtir deux cham-
bres aux Capucins d'sl/igouléme. ] Je
n'ai lu que dans le Ménagiana , qu'il
ait eu dessein de prendre l'habit de
cet ordre. « M. de Balzac se mit si
» fort dans la dévotion , qu'il entra
» dans un couvent de capucins , où il
» voulait prendre l'habit : il n'y est
» pourtant pas mort (46). » Peut-être
que, comme bien d'autres, il demanda
de mourir dans l'habit de saint Fran-
çois.
(N) Il mourut le 18 de février
septembre i653. On ne sait pas quel i654 j La liste des académiciens , im
éclaircissement il en reçut , mais on
voit par une lettre du 3 de novembre
i!e la même année , que cet éclaircis-
sement l'avaitdétrompé. Peu s'en faut
qu'on ne soupçonne que M. Conrart
(^i) Elle est imprimée à la fin du Socrate
chrétien.
(4'i) Ilist. île l'Acad. , pag. 111.
(43) La Peyre dédia en i635 son livre de l'E-
Çlaircissement .les Temps à l'académie , avre
ce tilir : a l'Enunente. Il y fit mettre le portrait
du cardinal, en tadte douce , avec une couronne
de rayons tout autour, cliacun desquels était
marqué par te nom d'un académicien. Ilist. de
t'Açad. , l'ag. IÇ)5.
primée à la fin de la seconde édition
de l'Histoire de l'Académie, fait vi\ 1 e
M. de Balzac jusqu'en 1657, vu que
* Joly conclut de la letlrc de Babac l'ie même
les plus grandi esprits sont sujets à manquer d at-
tention dans leurs lectures , et pense, i°. que
l'académie française avait reçu, dès son établis-
sement, une lettre au nom de Balzac; i°. que
cette lettre n'était pas de lui j 3°. que Conrart
ne cherchait pas à persuader i B
l'auteur de la lettre écrite en son nom , mais que
cette lettre était d'une personne autre que cclk
qui était soupçonnée par Bab-ac.
(44) Ilist. de I'Acad. , pag. 221.
, / -i mime , pag. 106.
tfénapaoa , pag. i'iH.
n6 BANCK.
à
cette annëe-'à elle lui donne pour suc- fesseur en jurisprudence , dans
cesseur fiàrdouin de Péréfixe ,««*«- l'académie de Franeker , pen-
vrmip Je Pans*. Au contraire la liste , , \ t '•
académiciens morts, imprimée à dant quinze ans (a). Le séjour
13 iin de l'État de la Fiance Tan 1680, qu'il y avait fait en qualité d'é-
Jann
/ait mourir JM. d
temps avant l'ann
le Balzac assez long- colier , lui avait acquis de la
née 1 654, puisqu'elle considération, de sorte qu'y
us de Baro et de eau- , , ^ J
le place au-desst
"i, qui étaieiii uiura aiaui xtkw-
e i65i. Si M. Pellisson avait eu part de France, d Italie, d Espagne ,
douin , qui ts avant Fan- étant revenu après ses_ voyages
à la seconde édition de l'Histoire de etc. , on lui donna une chaire de
l'Académie, on ne verrait pas dans la jurisprudence , avec de bons ap-
liste les deux fautes que 1 ai cotées, > . \ . T. , 12
dont l'une regarde le temps auquel ppintemens (b). Il mourut le l3
M. de Balzac est mort, l'autre regarde d octobre lOD2 (c). Je parlerai
la personne qui lui succéda , qui n'est ci-dessous de ses ouvrages (A) , et
pointM.de Péréfixe. D'ailleurs M. de particulièrement d'une édition
Péréfixe n était point archevêque de 1 ,.. , c .. -
Paris l'an i657. Mais M. Pellisson n'est 4" ^ procura du fameux livre de
entréenriendetoutcela.M.Baillet, qui la Taxe delà Chancellerie ro-
acru sans doute le contraire, est bien niable (B). C'est un ouvrage as-
excusable d'avoir estimé que sur une gez sjn„uJier pour nous arr|ter
telle caution il pourrait placer la mort o J. , . ,. ■
de Balzac à l'année i657 (47). Quant un peu , et qui mente bien que
au jour de cette mort, c'est le 28 fé- je fasse quelques réflexions, tant
vrier, selon Moréri , Saint-Romuald pour rectifier ce que j'en ai déjà
(48), Henningus de Witte (4g), dit ailleurs (i/) , que pour éclair-
M. Perrault et plusieurs autres. Mais . ?.. jcc
des gens que i'?i consultés m'ont ré- cir ce qu en rapportent differens
pondu que c'est le 19 de février , selon auteurs , qui ne s en expliquent
le contrat passé avec l'académie fran- pas avec assez d'exactitude,
caise touchant le fonds que Balzac lui
a laissé, et selon une lettre manuscrite
du sieur Moriscet. Enfin, c'est le 18 de
février, si l'on s'en rapporte à ces deux
choses : l'une est que , dans la préface
sur les ceuvresde Balzac, on assure que
la relation de sa mort fut écrite dès le
lendemain , l'autre est que cette re-
lation est datée du 19 de février i654-
(a) Witte , Diarium hiogr. ad ann. 1662.
{b) Banckius, Epist. dedicat., Taxœ Can-
cellari;e romanse.
(c) "Witte, Diarium hiogr. ad ann. 1662.
(</ Dans la remarque (S) de l'article
PlNET.
(A) Je parlerai ci-dessous de ses ou-
vrages. ] Il publia à Franeker , en
16^9, un livre intitule , de Tyrannide
* Joly infère de cette phrase que Bayle nie que })a,)œ in reges et principes christiaiios.
pi-pTi-ïp fut 1p successeur <1 e fialzac a l'académie. /-, ' . \ -i i i* z> * •
Sept ans après il publia Homa trtum-
phans, seu Inauguratio Innocenta X*.
Quant à ses écrits de Bancœ Ruptori-
bus; de Duellis, de Consiliis et Consi-
liariis principuni, etc. (1) , je n'en con-
nais point la date.
(B) et une édition qui? procura
de la Taxe de la Chancellerie ro-
maine. ] J'ai rapporté , en un autre
endroit (2) , diverses choses qui con-
cernent cette taxe , et j'ai parlé nom-
mément de l'édition que du Pinet en
Comme l'observe Bayle, Pellisson n'eut point «le
pari à la seconde édition de l'Histoire de l'aca-
démie française, où sont les deux fautes cotées
par Bayle. Pellisson n'a conduit celte histoire que
jusqu'en iG52. La troisième édition , continuée
par d'Olivet depuis 1632 ju>qu'en 1700. conlient
la liste de tous les académiciens. Péiéfixe y est
désigné comme successeur de Balzac en it>54 ;
mais l'archevêque de Pans , cm ne prononça pas
de discours de réception, ou ne le (it pas impri-
mer- car il ne se trouve pas dans le recueil de
l'académie, ce qui est à regretter ici.
(4-) Baillet, Jtigemens snr les Poët., lom. IV,
num. 1487-
(48) Dans la table de son Journal, chronol. ,
imprime' en 1664 ; car il ne dit rien de Balzac
sous le 28 février.
(4g) Diar. Biograph. , ad ann. i654-
BANCK ( Laurent ) , natif de
Norcopin , en Suède , a été pro-
* Sur le témoignage de Nicéron , Joly dit que
la Borna iriumphans était imprimée dèsi645,
c'est-à-dire, quatre ans avant, et non sept ans
après le de Tyrannide papœ.
(1) Witte, Diarium, ad ann. 1O62.
(2) Dans la remarque (B) de l'article Pinït.
BANCK.
77
procura l'an 1 5G4- J'ai dit aussi que
d'Aubigné cite l'édition de Paris i5ao.
Ce n'est pas la première, comme quel-
ques-uns l'ont cru ; car l'édition de
Bois-le-Duc i66{ (3) m'apprend que
ce livre fut imprimé à Home l'an i5i4,
et à Cologne (A), l'an i5i5, et qu'il
est intitulé Régule, Constiluliones ,
Rcsen'aliones cancellarie S. Domini
noslri Leonis papedecimi, noviier édi-
te et publicate, et qu'on y trouve, au
feuillet 67, Taxe cancellarie per Mar-
cellum S ilber , alias Franck, Rome,
in campo Flore, anno mdxiv, die xvin
novembris, impresse, finiunt Jeliciter.
C'est ce que témoignent deux échc-
vins de Bois-le-Duc , qui avec le se-
crétaire de la ville avaient collation-
né mot à mot cette édition de Home
avec celle qu'Estienne du Mont, li-
braire de Bois le-Duc , donna l'an
\G6\, et dont le titre est Taxœ can-
cellariœ aposlolicœ , et Taxœ sacfœ
Pœnitenùariœ apostolicce .On y trouve
(5) le passage que d'Aubigné cite de
l'édition de Paris en 1 5io (0) : Absolu-
tio pro eo qui matrem , sororem ,
dans l'édition de Franekcr (10), et
dans celle de Bois-le-Duc (1 1) , il y a
Absolulio pro eo qui interjecil )*a-
trern, matrem , sororem , uxorcm
g. v. vel \>ij (la). Je m'étonne, encore
un coup, que cet article de l'inceste
manque à l'édition de du Pinet (i3) ,
dans laquelle il se trouve des articles
plus énormes; ceux-ci, par exemple :
Absolulio a lapsu tarais super quo-
cunque actu libidinoso commisso per
clericum , etiam cura monialibus , in-
tra et extra septa monasterii , aut cum
consanguineis uel afftnibus , autjilid
spirituali , aut quibusdam aliis , siue
ab unoquoque de perse, siue simul ab
omnibus absolulio petalur cum dispen-
sât ione ad ordines et bénéficia, cum
inhibilione, tur. 36 , duc' 3. Si uerô
cum Mis petatur absolulio etiam à cri-
mine commisso contra naturam , uel
cum brûlis , cum dispensatione ut su-
pra et cum inhibilione , luron. 90. duc.
13. cari. 16. Si verb petalur tanlitm
absolulio a crimine contra naturam,
uel cum brûlis, cum dispensatione ,
et inlubilione , luron. 36. ducat. 9.
aut aliam consanguineam uel aj/inem Absolulio pro moniali, quœ se permi-
sit pluries cognosci inlra et extra sep-
ta monasterii , cum rehabililate ad
dignitates illius ordinis , etiam abba-
tialem , luron. 36. duc. 9. Absolulio
pro concubinario , cum dispensatione
ad ordines et bénéficia, turon. 21.
duc.^ 5. carlin 6. (i/f) C'est-à-dire,
« L'absolution et pardon de tous ac-
» tes de paillardise commis par un
» clerc, en quelque sorte que ce soit ,
» et fût -ce avec une nonnain, dedans
)) ou dehors le pourpris de son mona-
» stère , ou avec ses parentes ou al-
» liées , ou avec sa filleule , ou avec
» autre femme qu'elle soit; soit aussi
» que ladite absolution se fasse au
» nom du clerc simple, ou de lui et
» de ses putains, avec dispense de
» pouvoir prendre ses ordres , et tenir
» bénéfices ecclésiastiques , avec aussi
» la clausule inhibiloire , coûte 36
suant , aut commatrem , carnaliter
cognouit ,gr, u. (7) ; Absolulio pro eo
qui virginem déflorant , gr. uj. On le
trouve aussi dans l'édition de Frane-
ker en i65i (8) Je suis étonné de ne
le voir point dans l'édition de du Pi-
net, intitulée Taxe des parties casuel-
les de la boutique du pape. Elle est en
latin et en français, avec plusieurs
notes de cet auteur. 11 a eu grand tort
de ne point dire sur quel exemplaire
il la donnait; car elle diffère des au-
tres , et quant à l'ordre des matières,
et quant à la qualité des monnaies.
Elle ne marque que tournois, ducats,
et carlins , les autres ne marquent
qut: gros ; et c'est pour le moins fort
rarement qu'elles font mention de du-
cat, ou de carlin. D'Aubigné assure
(9' cpie l'édition de Paris porte que,
pour avoir tué son père , ou sa mère ,
il J aut un ducat et cinq carlins ; mais
(3) Elle est en lalin et en flamand , iu-8°.
Voyez-en la préface , et la page i3o.
(4) Apud Gosuinum CoUnium.
(5) Taxa: Cancellarie Ajiost. , pag. g5, 96,
e'ilition de Bois-le-Duc.
G) Voyez la remarque (H) de l'article Pinet.
(7) C'est-à-dire , qu'il doit payer cinq gro< ■
(8j C'est celle que L. Bani k a procurée. Voyez
1 tapage 127.
(9) Voyez la remarque (B) de l'article Pinst.
(10) Pag. 102.
( 1 1 J Pag. io3.
(12) C'est-à-dire, qu'il doilpayer cinq ou sey
gros-
(i3) Elle est de Lyon, en 1 5G.J , et a e'te
conlrcfatte à Leyde en 1607 , et avec une nou-
velle version française , a inwlci dam , en 1701.
Ces trois e'dttions sont in-8°.
(i4) Taxe des Parties casa elles de la Boutique
du Pape , pag. 55 , e( suif. Edition de Lyon , en
1 j04 , in-8°.
78
BANCK.
» tourn. et g ducats, ou 3 ducats. Et parut à Franeker , Tau i65i , in-8*.
» si, outre ce que dessus, il y a ab- 11 dit qu'il consulta les plus anciennes
■» solution de bougrerie , et pe'ché copies , imprimées ou manuscrites ,
» contre nature, et fût-il fait avec et que les conférant mot à mot, il
» des bêtes brutes , et que la dispense suppléa par les unes ce qui n'était
» que dessus, et la clausule inhibi- point dans les autres. Il se servit de
■» toire y soit, il faut 90 tourn. 12 l'édition de Cologne eu i5a3.de celle
3> duc. 6 carlins. Mais s'il y a simple de Witteinberg en i538; de celle de
j) absolution du péché de bougrerie , Venise en i584 (20), et d'un manu-
» ou de péché commis contre nature scrit qui lui avait été communiqué
-» avec les bêtes brutes , avec dis- par Jean-Baptiste Sibon , religieux de
» pense et la clausule inbibitoire, faut Saint-Bernard , et lecteur dans le col-
» 36 tournois et 9 ducats. Une non- lége de Rome. Il rendit par là son édi-
)) nain, ayant paillarde plusieurs fois tion un peu plus ample que toutes
» dedans et dehors le pourpris de sou celles qui avaient paru. Il y joignit des
» monastère , sera absoute et réha- notes , où il expliqua beaucoup de
» bililée à pouvoir tenir toutes les termes difficiles à entendre: c'est une
» dignités de son ordre, voire la digni- espèce de glossaire. Il y joignit aussi
» té abbatiale , moyennant 36 tourn. un petit écrit italien , qui contient la
■>' et 9 duc. L'absolution pour un qui taxe dont on se servait sous le pape
)> tiendrait à pot et à feu une conçu- Innocent X , et il expliqua le prix des
» bine, avec dispense de pouvoir monnaies selon l'usage de ce temps-là.
» prendre ses ordres et tenir bénéli- Ses notes ont bien servi à celui qui
» ces ecclésiastiques, coûte 21 tourn. ajouta des remarques à l'édition de
» 5 duc. 6 carlins (i5). » Je conjec- Bois-le-Duc. Notez que , dans l'a pré-
toire que du Pinet suivit l'édition que face de celle-ci , ou observe que les
les princes protestans firent insérer inquisiteurs ont mis la Taxe de la
dans leurs causes de réjection du con- Chancellerie parmi les livres condam;
cile de Trente, et qui a pour titre, nés. Nascentem suJJ'ocare conuti sunt
Taxa sacrœ pœnitenliariœ (16). ipsi auihores , et in Indice librorum
M. Heidegger en rapporte des moi- prohibilorum , ex patrurn concilii tri-
ceaux qui ressemblent parfaitement dentini authorilate , Hispaniarumque
à l'édition de du Pinet (17). Quelqu'un régis et ducis Alban. décréta , Leodti
observe que l'épitomé de la taxe de la anno 1570 edilo , inter primas classis
chancellerie de Rome se voit à la page anthores airo calculo notdrunt (2 r). Je
6o3 et aux suivantes d'un ouvrage inti- n'ai point cette édition de V Index Li-
tulé Luculenta deductio causarum re- broruni prohibitorum. Celle dont je me
cusati concilii tridentini a protestan- sers , et qui fut faite sur l'éditiou de
liumGermaniœPrincipibus publicala- Madrid en 1667 , in-folio , n'a rangé
rum, et au-devant du livre de Hun- que sous la troisième classe Praxis et
nius de Indulgentiis , et à la page 216 Taxa ojjiciniœ pœnitentiariœ papœ ,
et suivantes des Lieux communs de ab hœreticis depravala (22) ; et re-
Musculus (18). Celui qui publia en marquez bien qu'on ne la condamne ,
1612 le l>vre intitulé Simonia Curiœ qu'en supposant que les hérétiques
romanœ , y inséra cet endroit de ces l'ont falsifiée ; Y Index, publié à Rome,
mêmes Lieux communs (19). Conférez par ordre d'Alexandre VII , se sert des
ceci avec la remarque (A) de l'article mêmes paroles que celui d'Espagne
Toppius *. (23). Mais on a beau supposer que les
Disons quelque ebose de l'édition hérétiques l'ont dépravée, les éditions
que Laurent Banck a procurée. Elle qu'on ne peut désavouer , comme
(20) II entend celle qui est insérée au XVe.
(i5) Je me sers de la traduction de du Pinet. tom., part. /re., folio 368, du Tractatus Tracla-
(16) Voyez Heideggeri Myster. Babyl. magnte, tuum, seu Oceanus Juris univérsi.
tom. 11 , pag- 35° el 547- (21) Préface des Taxa: cancell. et pœnitent.
(in) liidcm, pag. 35o et seqq. Aposlol. de l'édition de Bois-le-Duc, i664-
(18) Daniel Francus , Disquisit. Academ. de (22) Indices lib. probibitor. et expurgandor.
Indicibus lib. prohib. et expurgand., pag. n5, hispanicus et romanus, edit. Genev., ann. îob;,
edit. Lins., ann. 1684, in-40. in-folio, pag. 85g, colon, a.
(19) Lydii Analecta in Clemang. , pag. 1-. (23) Ibidem, in Indice Romano ejusd- edit.,
* Bayle c'a pas donné cet artidr. Vag- 10<-'-
BANCK.
79
celle de Rome , en i5i4 ; celle de Co- Taxant, mendaciitlcalumn'ue suspecti
lo^ne , en i5i5 ; celles de Paris, en fiant , imo cl arguantur. Accidit anno
i5ao , en i545, et eu i(Î25 (a4j i et i633 , ut quis J. Consnlius idemque
celles de Venise (i5) , l'une, dans le senatotiSyiuœducensis, desertionem el
VIe. volume de l'édition de VOcea- rejectionem papatdi tuinarelur [more
nus juin, faite en i533, et 1 autre ipsis non insolilo ) , si guident tant
dans le XVe. volume du même recueil, abominanda, qualia ex Taxa nostri
réimprimé en 1 58 J : ces éditions, referunt, demonslràri passent. Ut am-
dis-je, sont plus que suffisantes à jus- pliss. et consult. huic viro ex asse sa-
tifier les reproches des protestans , et tisfieret , quœsitum apud exemplari
à couvrir de confusion l'église ro- (3o), me de etiattt à me pnslulalum
maine. Notre Laurent Banck a ignoré est. Quod cum mifti ab ipsis pontifi-
presque toutes les éditions que je ciis edilum nullum esset , petii commo-
viens d'articuler , et celle de Franc- dato a celeberrima theologo Andréa
fort, en 1612, in-^°. ('^6j. Rivet, Rii'eto. Ante biennium alibi concerta-
Voetius , Hottinger et plusieurs autres tione inler nnslrns et pontifii ios qnas-
helluones librorum, ont cru fausse- dam abortd super eadem hdc Taxa,
ment que l'édition de i5ao était la denuo consultas, cammonstravi bi-
première (27) ; car ils ont opposé cel- bliothecam D. Riveli , in qud certà
le-là principalement aux catholiques scirem exemplar edit. Paris. 1020 ha-
romains, uni ne voulaient pas con- beri ;quippù quod ipse ante ann>s ali-
venir que la Taxe de la chancellerie quotmanibusetocutismeisusurpâssem,
eût jamais paru avec privilège* Voe- et fralribus Sylvceducensibus ex sum-
tius raconte qu'en i633, un conseil- mi itlius tltealagi concessione aliquan-
1er de Bois-le-Duc déclara qu il abju- diit usurpandum misissem. l^eltiu hdc
reraît le catholicisme , si ou lai mon- occasione obtestatos omnes publias
trait les horreurs que les protestans rejbrmatarumseholarum, ecclesiarùm,
citaient comme tirées de la Taxe de la poliliarum , biblinthecarios , exempla-
chancellerie de Rome. On eut recours ria , si qua in ipsorum potestate sint ,
à Rivet, qui prêta son exemplaire de capsis inclusa diligenter custodiant ,
l'édition de Paris , en i52o (28). Voe- ne a plagiariis auj'erantur ; aut si non
tins ne raconte point cela sans ex- sint , hoc agaut , ut a privatis siue bi-
horter pathétiquement les bihliolhé- bliopolis , atVe viris litleralis , prece
caires des académies protestantes a aut pretio quo<>is redimant.
conserver et à ramasser les exemptai- J,- crois que les controversistes ro-
res authentiques de cet ouvrage. Quia mains , qui ne peuvent s'inscrire en
autem , dit-il (29I , hïc Taxa- pœ ni- faux contre l'édition de Rome, ni
t: iitiariic menti" j'aeta , moneo exem- contre celle de Paris, se trouvent
plaria pauca hodiè haberi passe ( quâ dans un fort grand embarras. On le
et quorum aile Jaeilè prudenlmres peut connaître sur la Réponse de l'ab-
eonjiciànt) ; aliqua lanten in manibus bé Richard aux Préjuges de M. Jurieu.
nostrorum superesse editionis parisien- Ce ministre avait étale' l'abomination
sis i5ao, in - 4°- > apud Tussain De- de la Taxe de la chancellerie (3i).
nis. Edita etiatn est f'enctiis, cum L'abbé repondit , que ce n'étaient que
quant plurimis aliis traclalibus in des faits particuliers, qui n'avaient
Oceano juris. Addo , rem et librum u jamais été autorises par des lois et paf
ponlifici'S passim negari, ubi ita usu des canons de i Eglise romaine (32).
i enit , ut nostri , ailegando illam « Ou trouve bien, continue-t-il (J J; ,
(»4) -V. Drclincourl cile cet trois Aillions de
Pans, l'oyez set paroles dans ta remarque (B)
de l'article Pinlt.
(î5) Heideggeri Myster. Babyl magna:, ton.
I, pag. 547.
yiù) Catalogua BibiiolbecS oxonien»is, pag-
tîa.
(!•;) Franci Disquis. de Indicibus lib. prolnbit.,
pag. ni , 11G.
(uS; Voetii Disputât, llieolo;. , loin. II , pag.
296.
(29) Idem , ibtd.
(3o1 II J a une faute dans cet eidroil. L'er-
rala de l auteur avertit qu'il faut lire : me île
r \. mjilari. Cela n'ôte pat l'erreur Daniel Prau-
cus , Dissert, de Indicibus lib probib tpag. 1 > ",
citant ce passage , du qotesitum apud alîoi >!e
Exemplari , etiam à me po-u.i.uum Bxem-
plar.
(3i) Jurieu, Préjugés légit. contre le Papisme,
loin. I , pag atjï ei sut.\
(3a) Hiclur.l, Examen Jes Préjugés d : M. J-
rîcu, pag 18
rii< La même. pa^:. 219-
So
BANDEL.
3< que M. Jurieu rapporte (*') des taxes
y> d'un vieux livre de la chancellerie
» de Fiome. Mais n'est-il pas du der-
» nier ridicule, de vouloir faire pas-
» ser pour des lois et des canons , un
v livre de taxe ? ne serait-ce pas
)> se rendre la fable de toute la ju-
» risprudence , de vouloir insérer
3) dans le code , et mettre au nombre
v des lois , les Taxes des bureaux ? Ne
i> serait-ce pas faire grand honneur à
» messieurs les intéressés? Que M. Ju-
» rieu apprenne donc ce que c'est
» que lois et que canons dans l'église
» romaine , et qu'il sache cependant
" >i que ces vieilles taxes de la chancel-
» lerie de liome , non - seulement ne
3> sont de nulle autorité dans l'Eglise ,
)> mais qu'elle les a eues toujours en
» horreur. Ces 'l'axes de la chancel-
» lerie ne commencèrent que sous le
» pontificat de Jean XX11 , environ
» l'année i320; et les Taxes delà péni»
» tencerie ne parurent que vers l'an-
» i336, sous Benoît XII (*a); et les
)> unes et les autres furent inconti-
y> nent supprimées , et ensuite même
» mises au nombre des. livres défen-
» dus, selon la remarque du sieur
3) Dumont , qui les lit imprimer l'an-
3. née i664; ce 1u^ ^aA* asstz v°ir
3) l'horreur que l'église romaine a eue
3) de ces taxes , bien loin qu'elle les
3> propose ou tienne pour ses règles ,
» comme M. Jurieu voudrait nous le
3) faire accroire. Qu'il sache donc que
3> les faits des officiers de la cour de
3) Rome sont des faits particuliers, et
3) ne sont point des faits de l'église. »
Cette réponse n'est point bonne , car
en premier lieu l'église romaine n'a
pas fait voir, par !a suppression de ces
taxes , qu'elle les eût en horreur. El-
les ont été imprimées trois fois à Pa-
ris, deux fois à Cologne, deux fois à
Venise ; et il y a quelques-unes de ces
éditions qui ont été faites depuis que
Claude d Espence eut crié publique-
ment contre les énormités de ce livre.
Nous avons vu que l'inquisition d'Es-
pagne , et celle de liome, ne l'ont
condamnée qu'en supposant que les
hérétiques l'avaient corrompue. J'a-
joute , en second lieu , que la suppres-
sion d'un tel ouvrage n est pas un si-
gne que les règles qu'il contrent soient,
(*') Jre- part. , pag. 2g5 de ses Préjugés.
(»2) Polyd. Virgil. , d« Invsntorib. rtrum ,
lib. VIII, <*P- II
désapprouvées. Cela peut signifier
seulement qu'on s'est repenti d'avoir
souffert qu'elles parussent aux yeux
du public, et qu'elles donnassent lieu
aux hérétiques d'insulter la cour de
home , et de percer l'église romaine
par les flancs du pape. On a dû juger
que c'étaient de ces mystères d'état ,
arcana imperii , qui ne doivent pas
être divulgués (34). Ne s'est - il pas
trouvé des personnes qui jugeaient
ainsi à l'égard des cérémonies (35) ?
J'omets plusieurs autres considéra-
tions, qu'un controversiste pourrait
alléguer contre l'adversaire de M. Ju-
rieu , mais je ne me contenterai pas
d'observer que Claude d'Espence dé-
clama très-fortement contre l'abomi-
nation de ces taxes (36) : je dirai
aussi que les controversistes protes-
tans citent cela en toutes rencontres,
et que l'inquisition d'Espagne a voulu
que l'on effaçât ce passage du livre de
ce docteur (37). Notez que celle de
Rome a condamné l'édition des Taxes
de Laurent Banck (38).
(34) Conférez ce que dit Horace , de Arte poé-
ticâ , vs. 182.
Non tamen intiis
Digna geri promes in scenam : innllaque toiles
Ex oculis, quœ mox narret facundia prœscns.
(35) Voyez la remarque (D) de l'article
Grassis.
(36) Voyez ses paroles dans un passage de
M. Drelincourt cité dans la remarque (B) de
l'article Pinet.
(3-) Index Hispan. lib. prohib. , pag. 232 ,
col. 1.
38) Index Rom. lib. prohib., pag. 124, col.
2 et pag. 261.
BANDEL (Mathieu) , né à Cas-
tro-]Novo , dans la Lombardie , a
fleuri au XVIe. siècle (a). 11 était
jacobin *. Moréri (b) a dit de lui
la plupart des choses que Vos-
sins en avait dites; mais^il au-
rait dû y joindre d'autres faits
curieux, et ne pas omettre deux
circonstances que Yossius a tou-
chées ; l'une , que la traduction
(à) Ces paroles de Vossius, circa annuni
l5oo viyebat Mattliœus B.uulellus , à la page
677 de Histor. lalims, ne valent rien.
' Il entra dans l'ordre en l'an i5oo, dit
Joly.
(6) Moréri , soits k mot Bandem-a.
BANDEL.
cCEgésippe est en Italien ¥l ;
l'autre , que les liabitans de Fer-
me firent mettre dans leurs ar-
chives la Harangue que Matthieu
Bandel avait faite à la louange
de leur ville , l'an 1 5 1 3 (c). Voici
quelques supplémens. Ce reli-
gieux, étant à Mantoue, con-
tracta avec Jules-César Scaliger
une amitié très— étroite , qui du-
ra autant que sa vie , et qu'il
cultiva soigneusement dans la
Guienne (A). Il fut évèque d'A-
gen pendant quelques mois, et
ce fut dans cette ville, qu'il com-
posa en langue italienne les His-
toires ou les Nouvelles Galan-
tes , qui l'ont rendu si fa-
meux *a. Je les ai citées dans la
remarque (M) de l'article Léon X,
et dans la remarque (I) de l'ar-
ticle Mahomet II. Elles sont dé-
diées chacune à quelque per-
sonne de sa connaissance (d). La
XXIe. de la seconde partie est dé-
diée à Lucrèce de Gonzague ,
dont il avait été précepteur (e).
Il en dédia une autre à son ami
Scaliger. Elles ont été traduites
en français , et il faudra dire un
mot du jugement qu'en a fait le
traducteur (B). Le catalogue de
la bibliothèque de M. de Thou
{f) m'apprend que les trois pre-
** Uq savant Italien ayant, dit Leclerc,
compose dans sa langue un roman intitule ,
Histoire de 7'ite Romain et d'Egésippe Athé-
nien , c'est de cet ouvrage qu'a la prière de
ses amis le Bandel donna une traduction la-
tine sous ce titre : Tili Bomani , Egesippiçue
Atheniensis anticorum Hisloria m latinum
versa.
(c) Vossiin , de Histor. lalinis, pag. 677.
*J II y en composa seulement quelques-
uns, dit Leclerc. il était arrivé en cette ville
environ l'an i535 avec César Frégose , son
protecteur; mais il avait lait une partie de
cet ouvrage plusieurs années auparavant tant
à Milan qu'à Mantoue, Vérone et ailleurs.
/ Voyez la remarque (k).
(e) Voyez l'article de cette dame.
1/ A la page 408 de la 11", partie.
TOME III,
8l
mières parties furent imprimées
à Lucques, l'an 1 554 > *«-4°« , et
la quatrième à Lyon , l'an i5y3,
z>*-8°. Je m'étonne que M. Mé-
nage n'ait point mis ce religieux
dans le catalogue des ecclésiasti-
ques qui ont fait des vers ga-
lans {g) (C).
(s) Il est à la fin de fAnti-BailIet.
(A) Il contracta avec Jules Scaliger
une amitié qu'il cultiva... dans la
Guienne. ] On ne connaît guère cela
que par ces paroles : Eodem tempore
Mantuce degebat Matthœus Bandel-
lus Insuber dominicanus, uir eloquen-
tissimus, et optimus , quipostea per ali-
quol menses episcopusAgiunensisjuit,
tt Manluœ Mariumcequicolumsummâ
observuntici coluit, atque ibi cum Julio
Censure arctissimd amicitiœ necessitu-
dine conjunctusj'uit , quant ab eo tem-
pore , ad supremum usque viiœ diem
in Aquilanid perpétuai.' il. /s, quant
unam liistoriarum suarum, qnas A^in-
ni elruscd lingud Boccatium imita tus
conscripsit , Julto dedicaret , eum non
solum Scaligeruttt agnoscit , sedetiam
illustrissimum vocal in epistold dedica-
tio/iis. El qu'uni in t/ualuor tomis in-
genlibus , singulas singulis summis,
et nobilissimis ac ge/terosissimis uiris
dediewerit , nenunem eorum majori
honore , quant Julium af/ccit , quiun.
tamen altquot ex tllis illustres uoearc
nulla J'uisset invidia (i). Lucrèce de
Gonzague écrivit deux lettres au père
Bandel, qui nous insinuent qu'il fut
élevé" à quelque charge. La première
(2) marque qu'il était en France , et
la seconde (3) qu'il elait en Guienne :
dans la première on le nomme reve-
rendo padre, mais dans l'autre, on le
qualifie monsignor P. Bandello , et
on 1 y félicite de sa nouvelle dignité.
La date d'année ne s y trouve point.
Il n'était pas encore évèque *, lors-
(1) Joseph. Scaliger , in Confulalione Fabula:
burilnnianx, paç. 26*), 270.
(a) Elle ett à ta pa^e 61 des Lettres de
Lucrèce de Gonzague, imprimées à Venise ,
l'an i55î.
(s) Elle est à la page 63.
* Il |>ar3Ïl an contraire que Bandil était évo-
que il'Auen dès iSâo; niai> , dit leclerc, Ban-
del ne commença sans iloute a résider qu'api c.. le
départ de Scaliger Lu luflraganl remplissait
les [onctions d'évéqae
ti2
BANDEL.
que Jules-César Scaliger lui écrivit une servions décompte h la postérité par
lettre (4) sur ia mort de Fracastor. La la mémoire de nostre sotise. Ce roi
réponse (5) qu'il lui fit est datée de (8) donc fermera le pas a nostre cour-
Bassenni , 22 novemb. i553. se, et donnera fin a ce que d'icy en
(B) Ses Nouvelles ont été traduites avant je prélens défaire qui soit pro-
en français f^oici le jugement fane, si quelquefois une histoire plus
quen a fait le traducteur.'] Notez a- solide ne me, fait esveiller l'esprit , et
vant toutes choses, que les six pre- un discours plus long ne fait que je
mières turent mises en français par songe plus longuement que je n'ayjait
Pierre Boaisteau , et les autres par a suivre assez simplement les pas de
Belleforest. L'avertissement au lecteur l'autheur, que j 'ay plus orné et amplifie
à la tête du Ier. volume (6) contient que suivy , ni imité. Pour excuser le
ces paroles : Te priant , au reste, ne passé, il ajoute cette remarque : « Je
trouver mauvais, si je ne me suis assu- )> décris les amours, non comme lascif,
jecty au style de Eandel ; car sa phra- » ains comme celui qui me moque des
se m'a semblé tant rude, ses termes » folset me ris deceux quisetranspor .
impropres, ses propos tant mal liez , » tent à crédit , et se laissent vaincre
et ses sentences tant, maigres , que j'ay » par leurs concupiscences : et accuse
eu plus cher la refondre tout de neuf, » les adultères , déleste les infâmes ;
et la remettre en nouvelle forme , que » abhorre les meurtriers, et suis rnar-
me rendre si superstitieux imitateur, » ri que le monde voye des homme?
n'ayant seulement prins de luy que le » si insensez , qui se laissent, mourir
subject de l'histoire , comme lu pour- » pour un plaisir si peu durable que
ras aisément découvrir , si tu es eu- » l'aise du corps. En somme, je loue la
ricux île conférer mon style avec le » vertu , et accuse le péché , souhait-
sien. Voici un fait assez curieux. Bel- » tant que moi changé en mieux par
leforest, travaillant à la traduction » ceste lecture, je voye aussi les au-
delà Nouvelle xxxvn, fut saisi d'un tel » très sentir la fin de leur folie , avec
remords de conscience, qu'il résolut » l'amélioremenl de leur vie. Que si
de laisser là cette occupation. Je » quelqu'un prend plus de plaisir aux
quitte donc ici les armes , dit-il (7), et
laisse désormais ces sujets qui peuvent
estre tournez à toutes mains , et des-
quels les uns prennent enseignement ,
et les autres exemple pour s'en servir
en leurs folies et jeunesses ; car ce que
j'en ay fait à ceste fois a esté plus
pour gratifier a quelque mien amy ,
que de désir que j'eusse que tel oeuvre
» contes joyeux qui sont dans le
■>■> Bandel, qu'il s'y déduise à son aise :
» quant à moi ( comme j'ai dit ) , je
» lui en quitte ma part , et de rnesme
» lui laisse l'heur et gloire qu'il en
» rapportera , ayant enrichi , el cest
» autheur stérile, et noslre langue,
» avec la douceur naifve de son élo-
» quence (9). » Voilà un laïque fran-
sortist de ma boutique. Non que l'âge çais qui fait scrupule de traduire ce
me dispense de parler de ce qui est qu'un religieux italien avait écrit de
joyeux el gaillard ; mais le temps est l'amour ; mais ce scrupule ne dura
divers a ces gaillardises , quelque guère , car Belleforest acheva cette
chose qu'y soit cachée dessous , et qui traduction , et y joignit même de»
puisse coulourer les délicatesses trop supplémens.
molles que les amours requièrent lors- (C) M. Ménage ne l'a point mis an
que l'on en discourt : et aussi que j'ai nombre des ecclésiastiques qui ont fuit
des desseins d'autre conséquence que des versga/ans.~\Yjiinde\ en a fait, et en
les histoires du Bandel . ni les amours a été félicité par ses amis. Voyez l'o-
de ceux qui par leur exemple nous pigramme de Jules-César Scaliger de
deussent degouster de suivre tant nos Bandelli ylmoribus thuscd linguâ de
sensuels appétits, qu'a la fin nous cantatis (10), et les quatre vers que
^ C4) C'est la LVI< de ,e< Lettres, pag. 18G ,
édition de Lerde , en 1G00.
(5) C'est la LVile. iettre parmi celles de
Jules-1 ésar Scaliger.
(6) Il fut imprimé à Pari*, l'an 1567, et "'im-
prime'la même année, a Anvers.
(7; Belleforest, Histoires tragiques, tom. III,
pag. 53 , 54 , édition de Rouen , en 1604.
je vais copier.
(8) C est-a-dire, Henri VIII, roi d'Angle-
terre.
(()) Be'leforest, H Ut. tragiq. , tom. III , pag.
55.'
(10) Jr la rapporte dans la remarque (B) de
l'article de (Lucrèce de) Gonzagde.
BANDOLE.
Dum teneros loquilnr dulcis Bandellus amu-
res ,
Ipse sut ohlilut lela remisil amor.
Seu canit Aonium foniem f'unit.tque sorores,
Fonti ipsi ex Mo Iticlea venajluil (il).
Le catalogue do la bibliothèque de
Nicolas Heihsius (12) m'apprend que
les Canti Al, etc. <lal Bandello forent
imprimes à Àgen , fan i545 , in-S°.
(11) Julius Oe-ar Scaliger, in tleroïbus, pag.
327 partis I Poematum.
(la) A la page 200 de la IIe. partie.
BANDOLE * (Antoine de) ,
avocat au parlement de Pro-
vence , a paru à la tête d'une
traduction française de Xiphi-
lin , imprimée à Paris l'an 1610,
in-/y . 11 fit aussi imprimer dans
la même ville, en itioc), m-40.,
les Parallèles de César el de
Henri IV ', a la tête des Com-
mentaires de César , traduits en
français , et commentés par Vi-
genère.
* Ce nom est un pseudonyme, et le per-
sonnage n'est très-probablement autre <[ue
Jean Beaudouin ; mais il faut remarquer
que c'est une addition de 1720. où l'on n au-
rait pas dû admettre un article si court et si
informe. 11 est singulier que Leclerc m Joly
n'aient rien dit d'un article aussi extraordi-
naire.
BANGIUS (Thomas) , docteur
et professeur en théologie dans
l'université de Coppenhagen, na-
quit l'an iboo (a). Il acheva ses
humanités au collège d'Otten-
sée , dans l'île de Funen, et puis
il passa à Coppenhagen vers la
fin de l'an 1621 , où il continua
d'étudier avec beaucoup de pro-
grès. Gaspard Brochmand, pro-
fesseur en théologie, et évêcpie
de Sélande , lui donna son fila à
instruire. Bangins fut précep-
teur en même temps de Chris-
tien Friis, fils aîné du chance-
lier de Danemarck. Après avoir
(a) Flemlosiae Finorum. Taime mieux
rapporter le nom de sa patrie en latin . que
de ne pas bien rapporter le nom vulgaire
BANGIUS. 83
eu cet emploi plus de cinq ans ,
il obtint pension du roi , et s'en
alla à Rostoch , d'où il repassa à
Coppenhagen, lorsque les trou-
pes de l'empereur s'approchèrent
de la mer Baltique. Il acheja son
cours de théologie sous le profes-
seur Brochmand , et puis il lit un
voyage à Franeker, ou il apprit
le rabbinisme et le chaldaïsme
sousSixtinus Amama, dont il se
fit fort estimer. I! étudia en-
suite à Wittemberg : il y reçut,
en l'année iti3o , une lettre du
recteur et du conseil académi-
que de Coppenhagen , par la-
quelle on lui offrait la profession
de l'hébreu. Il s'en excusa , al-
léguant qu'il n'e'tait pas assez
docte pour s'acquitt<jr digne-
ment de cette charge; mais
comme il se vit exhorté par le
sieur Brochmand , qui était alors
recteur, à ne refuser point ce
qu'on lui offrait, il l'accepta
pourvu qu'il lui fût permis d'em-
ployer les revenus de cette char-
ge à étudier quelques années l'a-
rabe et le syriaque sous Gabriel
Sioniie(6'). Cette condition ayant
été agréée, il se rendit à Coppen-
hagen , et prit possession au mois
de septembre i63o de la profes-
sion en hébreu , et peu après du
doctorat en philosophie. Il exer-
ça cette profession avec beau-
coup d'utilité pour les étudians ,
jusqu'en l'année 1 ( > j 2 , qu'il
moula à la profession de théolo-
gie vacante par la mort du sieur
Brochmand. Il fut promu au
doctorat de la même faculté l'an
i653, en présence du roi et de
la reine. Trois ans après , on lui
conféra la charge de bibliothé-
caire de l'académie, et il fit la
[b II enseignait alors à Paris.
84 BAR A
dédicace du temple de la Trinité
par une prédication latine (c).
Etant tombé malade le onzième
d'octobre 1661 , il donna ses
principaux soins aux intérêts de
son âme : il se confessa et com-
munia le sixième jour de sa ma-
ladie , et mourut le 27 du même
mois (d). Il avait épousé en i638
la fille d'un sénateur : il en eut
quatorze enfans , huit fils et six
filles. Ses écrits font foi de sa
science (A).
1) Ce temple fut destiné aux exercices de
religion pour les éludians.
(d) Tiré de son Programme funèbre, com-
posé par Pierre Scavenius, recteur de l'aca-
démie de Coppenhagen , cité par Witte,
Memor. Theolog. renov. , pag. l38y.
(h) S es écrits font foi de sa science.]
11 fut auteur avant que d'être docteur ;
car il publia dès Tannée 1627 l'expo-
sition d?un passage de Jérémie (1). Ses
fmdiciœ locorum Gènes. XL y II 1 ,
16; Gènes. IV ', 1; Psalm. XIX, 1 ,
parurent l'an i63o. Il publia l'année
suivante, Fontium Israëlis Trias, Jo-
ua , Michea, Ruth ,• et l'an 1634, son
Exercitatio gloltologica de 01 lu lin-
guarum. Ses Exercitationes octo litte-
rariœ antiquitatis parurent l'an f 638.
Les deux livres Observationum philo-
logicarum parurent deux ans après.
L' Hermès et Pan hebraïcus , quo vi-
vant absoluti hebraïci lexicographi
exemplum proponitur , fut imprimé
en 164 1 (2). Le Phosphorus inscriptio-
nis hierosymbolicœ , quo Stel/œbur-
gum regium hafniense illustratur, pa-
rut l'an 1648, et fut suivi l'année d'a-
près du Tropœum pndevangelicum ,
quo ex scriptisponlificiorum ostendilur
vcram esse lectionem , Ipsum conte ret
tibi caput , et soli Christo convenire.
IJ Exercitatio elenchlica de Nephili-
jiiis , giganlibus vulgo diclis , oppo-
sita Jacobo Boulducco , fut un fruit
de l'an i65î • et 1' (Jl'wa sacrœ pacis
repurgata, un fruit de l'an i654 ; et
le Cœlum Orientes et prisci Mundi ,
(1) C'est le verset i!\ du chap. XXI II.
(2) Le pète Labbe, Biblioth. Bibliotbecar. ,
pag. ir)8, parle de ce livre quoi qu'il n'ait aucun
nippon à son dessein : et l'allribiie à Tboinus
Tirngus.
NZAN.
un fruit de l'an 1657. Je laisse les titres
de quelques autres ouvrages , qui
n'ont pas été omis, ni dans le pro-
gramme funèbre, ni par Albert Bar-
tholin (3). Quelques-uns des livres
dont j'ai rapporté les titres sont de
simples harangues : Y Oliva sacrœ Pa-
cis repurgata est de ce nombre. Elle
n'a pas laissé de faire mettre l'auteur
dans le catalogue des pacificateurs de
religion (4j , et d'être insérée toute
entière par Jean Durseus dans l'Ireni-
corurri tractaluum Prodromus.
(3) In libro de Scriptis Danorum.
(4) Voyez Heidegger, de Concordiâ ecclesiat..
Prot. , pag. 208.
BARANZAN (Redemptus) , re-
ligieux barnabite , a été dans le
XVIIe. siècle l'un des premiers
qui ont osé s'écarter de la route
d'Arislote , en philosophant. La
Mothe-le-Vayer dit qu'il le peut
mettre entre les premiers esprits
de notre siècle (a), et que les
ouvrages de sa jeunesse suffisent
pour cela (A). Il ajoute que ce
bon barnabite l'avait beaucoup
de fois assuré , et toujours sous
le bon plaisir de Dieu , qu'il se
ferait revoir à lui , s'il partait
le premier de ce monde. Il ne
tint pas sa parole , la providence
en ayant autrement ordonné, et
il vérifia la sentence d'un poëte
latin :
Qui nunc il per iler tenebricositm ,
Illiic itndè negant redire quemquam (b).
Je parlerai ailleurs (c) de quel-
ques personnes qui ont fait de
telles promesses. Baranzan était
de Verceil *j il enseigna les
(a) La Molhe-Ie-Vayer , Discours chré-
tien île l'Immortalité de l'âme, auIV*. tojne.
de ses OEuores, in-iz. pag. 172.
(£) Catull., Kpigr. IN.
(c) Dans l'article BONFADIUS.
* Il était seulement du diocèse de Verceil.
Né à Serravalle en 1590 , il mourut le 23 dé-
cembre 1622. Leclerc renvoie au reste à l'ar-
ticle curieux que le père Nicérou barnabite a
consacré à son confrère , dans te tome III de
ses Mémoires.
BARB
mathématiques et la philosophie
dans la ville d'Annecy en Savoie.
Naudé, à la page 79 de l'Instruc-
tion qu'il publia l'an 162^ sur
les frères de la Rose-Croix, parle
de lui comme d'un homme déjà
mort.
(A) On le peut mettre entre les pre-
miers esprits de notre siècle : les ou-
vrages de sa jeunesse suffisent pour
cela.] Il entend sans doute le livre de
novis Opinionibus Physicœ , imprime'
à Lyon , l'an 1619. Konig fait men-
tion de deux ouvrages de ce moine :
Edidit, dit-il, CJranoscopiam et cnm-
pum philosophicum , an. 1620 ( 1). J'ai
eu entre mes mains un exemplaire du
Campus philnsophicus , imprimé à
Lyon en 1619. 11 ne contenait qu'un
volume , et ne traitait que de la logi-
que, et cela d'une manière assez con-
forme à celle des péripatéticiens ; mais
l'approbation me fait croire que ce
volume n'est que la première partie
du Cours de philosophie de Baranzan,
et que ce Cours a pour titre général
Suninia philosophica Anneciacensis ;
ce qui confirme ce que j'ai dit , que
cet auteur avait enseigne dans An-
necy.
(1) Le Catal. d'Oxford dit Uranoscorjia , seu
universa Doctrina de cœlo, 1617.
BARBARUS (François), noble
vénitien, a été un homme il-
lustre dans le XVe. siècle. Il avait
non-seulement beaucoup de sa-
voir , mais aussi beaucoup d'a-
dresse à manier les grandes af-
faires; il n'était pas moins homme
d'état qu'homme de lettres , et
il le témoigna dans tous les em-
plois publics qui lui furent con-
fiés , et principalement lorsqu'il
fut gouverneur de Bresce. On ne
peut assez admirer la vigilance,
la fermeté , la souplesse et les
autres grandes vertus , avec quoi
il défendit cette ville contre les
forces du duc de Milan, comman-
dées par le fameux Picinin. Il
eut à combattre et les ennemis
ARUS. 85
de dehors et ceux de dedans , et
il vint à bout des uns et des
autres. Les divisions étaient ex-
trêmes dans la ville : les Avoga-
dri et les Martineiigh.es étaient
les chefs de deux factions oppo-
sées ; il les engagea par son élo-
quence à se réunir , et à travail-
ler de concert au bien de la
cause commune. La longueur du
siège ou du blocus causa la fa-
mine dans la ville , la famine y
causa la peste ; et néanmoins ,
parmi tous ces embarras , il eut
l'avantage de rendre inutiles les
efforts de l'ennemi pendant trois
ans , et de le contraindre de se
retirer. Ceci arriva environ l'an
1439 (a). Il y a des auteurs cpii
croient que notre François Bar-
barus est celui qui a fait un livre
de Re uxorid , quelques lettres
el quelques harangues. C'est le
sentiment de Volaterran (b) qui
ajoute qu'il avait été disciple de
Chrysoloras, et qu'il oublia tout
son grec dans sa vieillesse. Yola-
terran pourrait bien s'être (rom-
pe en quelque chose(A). François
Barbarus * mourut l'an 1454 (c).
(a) Tire du Vianoli au XVIIIe. livre de
/'Histoire de Venise, tom. I. Voyez aussi ce
qu'Hait au XXe. livre, pat,'. 768.
(A) Volater., lib. XXI, pag. 7-3.
* On peut , dit Joly , consulter sur ce sa-
vant Vénitien la dissertation du cardinal
Quirini , mise en tête de l'e'dilion des Let-
tres de Barbarus ou Baiharo , Brescia, i-'|3,
in-4'1. ; mais M. Ginguene' Btogr. univer-
selle ) dit qu'il serait à désirer rjue dans cette
dissertation il y eut plus d'ordre et moins
d'erreurs.
(c) Vossius, de Hister. Lat., pag-. 620.
(A) Volalen an pourrait bien s'être
trompe en quelque chose tour liant E.
Barbarus] Voici d'où me vient un
tel soupçon. Je trouve dans le Viano-
li, que François Barbarus, qui défen-
dit si heureusement la vnllede Bresce,
lut pèra de Zacharie , et «pie Zachai u
86
BARB
fut père d'Hermolaiïs Barbarus (i). Je
trouve dans la Bibliothèque de Ges-
ner, que François Barbarus , auteur
du livre de Re uxorid, a traduit du
grec de Plutarque la Vie d'Aristide ,
et relie de Caton , et qu'il les a dé-
diées à Zacharie son frère. Je trouve
dans Volaterran ( 2 ) , qu'Hermolaiis
Barbarus e'tait neveu (3) de ce Fran-
çois Barbarus qui défendit la ville de
Bresce. Volatenan avait parlé de ce
FrauçoisBarbarus dans la page 7^3 , et
en avait dit entre autres choses ce que
Ton va voir. « 11 entendait bien lalan-
« gue grecque, mais il l'oublia tout-à-
» fait dans ses vieux jours, comme je
» l'ai oui dire à llermolaiïs Barbarus
w son parent. » Hic postremo senescens,
uli ab Hermolaoejus necessario accepi,
litterarum grœcarum c/uas probe tene-
bat, erat omnino oblitus. Les autres
choses que Volaterran avait dites de
ce François Barbarus sont qu'il avait
e'té disciple de Chrysoloras , qu'il a
écrit un livre de Re uxorid , quelques
harangues et quelques lettres, et qu'il
s'acquit une grande réputation en dé-
fendant la ville de Bresce. /Juin
JSrixiœ prœtor esset, ear/t urbem à Phi-
lippi ducis obsidione magna cum lan-
de liberavit. Cela pourrait faire soup-
çonner que Volaterran a joint pêle-
mêle ce qui convient au père, et ce
qui convient au fils. Le passage de
Gesner témoigne que François Barba-
rus, auteur du livre Je Re uxorid,
et traducteur de la Vie d'Aristide ,
était frère de Zacharie Barbarus. Or,
selon le Vianoli , Zacharie Barbarus
était fils de celui qui défendit Bresce,
et père d'Hermolaiïs : il faudrait donc
dire que celui qui défendit Bresce ,
eut un fils nommé François Barbarus
qui a fait le livre de Re uxorid, et
traduit du grec de Plutarque ia Vie
d'Aristide et celle de Caton, et qui
fut oncle d'Hermolaiïs Barbarus. Selon
cela, Volaterran aurait attribué au
père certaines choses qui ne convien-
nent qu'au fils. D'ailleurs celui qui
défendit Bresre aurait pu avoir un
frère nommé Zacharie, auquel il au-
rait dédié ses deux traductions ; et
ainsi toute la faute de Volaterran con-
sisterait à n'avoir point su que Fran-
(j) Histoire de Venise de Vianoli , loin, I,
liv. XX, pag. 768.
(2) Lib. XXI, pag. 777.
'Ci) Ex fratre nepos.
A RU S.
cois Barbarus était l'aïeul d'Hermo-
laiïs. Si j'avais les œuvres de Fran-
çois Barbarus , j'y trouverais appa-
remment de quoi décider la question.
Ne les ayan! pas, j'ai priéM. deLarro-
que d'éclaircir mon doute, et voici ce
qu'il m'a répondu : « M. Joli (4) prou-
» ve que l'auteur du livre de Re
» uxorid était l'aïeul d'Hermolaiïs , et
» qu'il le publia vers le temps du con-
» cile de Constance ; car Poggio et
» Paul Verger parlent de ce livre
» dans des lettres datées de la ville de
» Constance. La lettre de Poggio ert
» édite à Guérin de Vérone , et celle
» de Verger à Nicolas Léontin. Elles
:> louent Fr. Barbaro d'avoir su si bien
» é. lire du mariage, quoiqu'il fut
» très-jeune et non marié. Il dédia à
» son frère Zacharie la version des
» Vies d'Aristide et de Caton, et mou-
» rut l'an 1^. M. Joli distingue deux
» Daniel Barbaro. » Notez qu'on m'a
dit que cette préface de M. Joli , que
j'ai citée, contient plusieurs éloges
de l'auteur du livre de Re uxorid, et
l'éclaircissement de beaucoup de cho-
ses qui concernent les hommes de
lettres.
Gesner et Vossius citent une lettre
d'André Brentius , par laquelle l'on
peut, apprendre que François Barba-
rus, aïeul d'Hermolaiïs , et père de
Zacharie , avait, composé et traduit
beaucoup de livres. Nimirùm in te
omnia Francisci Barbari patns virtu-
tum lumina elucescunt : cui certc mal-
th'ii latina lingua débet , tôt tanlisque
ab eo libris composilis, partira conver-
sis, à quo minime dégénérât Hermolaus
filius , le tanto pâtre non indignus (5).
Jl est très-certain, par le témoignage
même d'Hermolaus (6) , que son père
s'appelait Zacharie ; de sorte que Phi-
lippe de Bergame s'est fort abusé ,
quand il l'a fait fils de François Bar-
barus, et petit-fils de Zacharie : Fran-
cisco Barbari filius , Zacharice Barba-
ri nepos (7) M. Moréri , tant ici qu'en
(4) Dans ta préface de la traduction fran-
çaise du livre de Re uxoriâ, imprime' à Paris,
l'an 1667.
(5) Andréas Brentius, patavinus, Fpistolà ad
Zacbariam Barb.irum , apttd Vossium, de Ilist.
lat. , pag. 621. Dans /'Appendix de M. Cave,
pag- 167, on assure qu'Hermolaiis était Jils de
François.
(G)' Forez la XXXII'. lettre du XIIe. livre
de celles' de Politien.
(7J Philip. Berg. apud Vossium , de Uistor.
lat. , pag. C,2j
BARBARUS. S7
mille autres lieux, traduit nepo* par dire par Thermstins. Il attacma
neveu. L est une très-lourde tante. Leux „ „ -V r» • -, . .,1
qui se piquent de la belle latinité ne ensuite Dwseonde , dont il cor-
se servent de nepos que pour designer rigea le texte le mieux qu'il put ,
un petit-iils. Ceux qui ne sont pas si et dont il fit une traduction à la-
scrupuleux en fait de style latin se que||e J] a' fa u,, fort d '
servent a la vente du mot nepos, .pour î~> • r\ i- ,•■
direnewi*. mais ils ajoutent ordinal- Commentaire. On dit qu il tra-
rement <ar fratre, ou ex somre , afin vailla aussi sur deux traités de
d'ôter l'équivoque ; s'ils disent nepos Phitaraiie , qui sont les p'us dif-
tout court , ils entendent petu-Jits. ficiles ^ Jp ne sais ${ ^ yef_
BARBARUS (Hermolaus), «on a jamais paru en public. Il
petit-fils du précédent, a été un avait dessein de traduire toutes
des plus savans hommes du XVe. Ies OEuvres d'Jristote (D) , et il
siècle II naquit à Venise le 21 °Jit dans l'une de ses épîtres dé-
de mai 1454 (a). Il fit de grands aratoires , que l'exécution de ce
progrès dans les études , si dessein était déjà fort avancée.
promptement, qu'il commença U avait une facilité extraordi-
à faire des livres la dix-huitiè- nai,re à faire des vers, et l'on
me année de son âge (A}. Les prétend qu'il en composa plus
emplois publics, dont il fut de douze mille (E). Mais de tous
chargé de bonne heure, ne l'em- ses ouvrages , il n'y eu a point
péchèrent pas de cultiver avec W1* 'm ait donné autant de ré-
ardeur les belles-lettres (B). Il putation que ce qu'il a fait sur
fut envoyé par les Vénitiens à Pline. Il y corrigea près de cinq
l'empereur Fridéric, et à Maxi- mille passages, et par occasion
milien son fils, roi des Romains; ^ en rétablit trois cents dans
et cette députation , bien loin Pompom'us Mêla (d). Il n'a pas
d'arrêter sa plume , lui fournit manqué de censeurs à l'égard de
de quoi soutenir le personnage ce beau travail (F) , non plus
d'auteur : car non-seulement il fp'a l'égard de ses autres livres
publia la harangue. (C) qu'il ré- (*f)« H était ambassadeur de la
cita devant ces deux princes à république de Venise auprès du
Bruges , l'an i486, mais il fit PaPe Innocent VIII, lorsque le
aussi un Traité de V Accord de patriarche d'Aquilée vint à mou-
V Astronomie avec la Médecine : nr- Aussitôt le pape lui confé-
il le fit , dis-je , la même année, ra ce patriarcat. Hermolaus eut
eu passant par la ville de Colo- l'imprudence de l'accepter sans
gne pour s'en aller à Mayence. attendre le consentement de ses
Ce fut à la prière de Théodoric supérieurs (H), quoiqu'il ne pût
Fias , médecin de Nuis, qu'il le Pas ignorer que la république de
composa {b). Comme il savait Venise avaiL fait des lois pour
fort bien le grec , il entreprit les défendre à tous les ministres
traductions les plus malaisées , qu'elle envoyait à la cour de
et il commença parmi célèbre Rome d'accepter aucun bénéfice.
paraphraste d'Aristote , je veux
<) De tpide et Osiride, ci car Oracula
(a) Gesner., in Bibliot!i. , fol. 2^6', fi- desierunt. Gesner. , in Bibliolh. , fol. 317.
Tniliemio. l.i) Herm. Barbar., in pritfal. ad Altxan-
l> Gesner. , tn BiMiotl), , fol.Zi']. VI.
83 BARBA RUS
Les excuses rl'Hermolaiis , fon-
dées sur ce que le pape l'avait
contraint d'embrasser la préla-
ture, ne furent point écoutées.
Le conseil des Dix lui signifia
fort sèchement qu'il eût à re-
noncer au patriarchat , et que ,
s'il ne le faisait point , son père
serait dégradé de toutes ses di-
gnités , et verrait bientôt ses
biens confisqués. On fut inflexi-
ble. Zacharie Barbarus employa
tous les moyens imaginables
pour obtenir le consentement
de la république au patriarcat
de son fils ; et n'ayant pu rien
gagner , il en mourut de chagrin
(I). Sou fils le suivit de près : on
a voulu dire que lui aussi fut
emporté par le chagrin (K); mais
il y a plus d'apparence qu'il
mourut de peste. Piérius Valé-
rianus l'a mis en tête de ses sa-
vans malheureux. Il a, ce me
semble , outré les choses lors-
qu'il a dit qu'on ne sait pas mê-
me si Hermolaùs Barbarus fut
enterré (L). Ce grand personna-
ge mourut à Rome l'an i493. Il
témoigne dans ses Lettres une
grande résignation et beaucoup
de tranquillité d'esprit par rap-
port au traitement qu'il avait
reçu de sa patrie (e). Je ne crois
point qu'on puisse dire qu'il a
été fait cardinal (M). On a débi-
té qu'il eut recours au démon ,
pour savoir le sens d'un mot
grec (N) dont Aristote s'est ser-
vi. N'oublions pas que Laurent
de Médicis lui donna des mar-
ques d'une estime singulière (0).
M. Varillas a fait un récit fort
agréable et fort étudié touchant
Hermolaùs Barbarus , mais il
■.'est trompé en beaucoup de cho-
. ' nyez la remarque K]
ses , et bien plus souvent que Mo-
réri (P).
Je citerai un passage d'Alcyo-
nius , où l'on verra que notre
Hermolaùs se félicitait de sa dis-
grâce , et qu'il n'étudia jamais
avec tant d'application que de-
puis que sa patrie l'eut mal-
traité (Qj.
(A) Il commença à faire des livres
la dix-huitième année de son âge. ~\
C'est Gesner qui nous l'apprend. Ab
octavo decimo œtatis suœ anno scrï-
bere exorsus multa elegantissima opus-
cula composuit (i). Vossius a voulu
dire la même chose ; mais, parce qi:e
son imprimeur oublia deux lettres, il
a été cause que M. Teissier a dit
qu'Herrnolaiis Barbarus commença d'é-
crire h Idge de vingt-deux ans (i). Voi-
là la traduction de ces paroles de
Vossius : Ab anno œtatis duo t'ige-
simo scribere orsus fuit ( 3 ) ; et
voilà de quelle conséquence sont quel-
quefois les fautes des imprimeurs. Il
est clair que Vossius avait mis duo-
devigesimo : deux lettres supprimées
de ce mot ont ôté quatre ans de gloi-
re à un auteur. On voit dans la page
157 de l'Appendix de M. Cave la faute
de .M. Teissier.
(B) Ses emplois publics.... ne l'em-
pêchèrent pas de cultiver.... les belles-
lettres.^ Entendons ceci avec quelque
restriction ; car il est certain que ces
emplois le détournèrent considérable-
ment de l'étude. Honores, dit-il (4) ,
in republicâ gessi multos et magnos :
quâfide , qud opinione , quâ gratiâ ,
non dixerim. Placet quidem impen-
disse annos penitùs duodecim, sed octo
reipub- continuos : totum id tamen
tempus lilterisferè periit.
(C) // publia une harangue. ] Elle
fut dédiée à Carondelet, qui était
alors premier secrétaire du roi des
Romains. L'auteur avoue qu'il ne la
publie point toute telle qu il la réci-
ta , mais il déclare en même temps
qu'd la donne toute telle qu'il l'avait
préparée. S'il ne récita point tout ce
(i) Gesner. Bibliotliec .folio 317.
(2) Teissier, Addit. aux Kloges de M. de
Ttiou , png. 354-
(3) Vossius, de Hist. lat. , pas,. 622.
(4) Herm. Barbar. , e^islolà XXXI , lib. XII
inter Politiani Epistol.
BARBARUS.
qu'il avait préparé, ce fut à cause que eu prose qui ports le même titre,
les courtisans lui recommandèrent François tiaihaitis prescrit des règles,
d'être court , et de venir d'abord au
l'ait. Ils n'ignoraient point que l'étu-
de des belles- lettres florissait alors en
Italie , et que les ambassadeurs de ce
pays-là se plaisaient à réciter de lon-
gues harangues , parées de tous les
ornemens de la rhétorique. Il fallut
même réduire à une les deux haran-
gues qu'Hermolaùs et son collègue
avaient préparées ; et comme il fallut
faire l'abrégé et la réduction dans
l'espace d'une heure et demie , jugez
de la présence d'esprit d'Hermolaûs ,
qui surmonta heureusement toutes
ces difficultés. Obsecro ne mirere si
aua leges in hoc libello (juœ lune dic-
ta nonfucrunt. Nec enim addidi nu ne
ca , sed delraxi tune , admonitus ah
aulicis extemplo quant limen attigi, ne
tant à ceux qui se marient, qu'à ceux
qui sont déjà mariés (7) : il entre dans
un si grand détail, qu'il fait un cha-
pitre de coïlds ratione. Hermolaiis s<
borne à cette question : fi un homme
sage se doit marier (8) , et il conclut
pour la négative.
(F) II n'a pas manqué de censeurs
h l'égard de son travail sur Pline.] On
a prétendu qu'il avait trop lâché la
bride à ses conjectures et à sa mé-
moire. Pintianus le poussa très-rude-
ment là-dessus. Ceux qui lui pardon-
nent les défauts de sa mémoire, ne lui
pardonnent pas ses coups de témérité,
et disent fort librement qu'il se mêla
de corriger plusieurs choses qui n'é-
taient point faute, mais qui passaient
son intelligence. 11 est vrai que dans
longus essem , ambiliosa reciderem , plusieurs éditions de Pline on a eu de
oplinta quœque dicerem , patientissi- grands égards pour les corrections
mis omninô , sed occupatisstrnis ta-
men principibus parcercm. Amputavi
subito consilio mu/ta Considerans
hoc et œstimans quod scsquihoram an
d'Hermolaiïs, puisqu'on les a fourrées
au texte; mais il y a long -temps
qu'on a dit que ce prétendu médecin
de Pline lui avait fait plus de plai
Lequam principes adiremus significa- qu'il ne lui en avait guéri. F\apportons
(uni nobis fuerit non duas orniiones cela dans les termes du père Uardouin.
Ipse ( Hermolaiis ) in iis quœ attigit ,
sœpè nimiiim conjectura- , memoriœ
etiam plus quam hpminem décent, tri-
huit : uù paulo acerlnus eam oh rem
inveclus in eum Pintianus olim expro-
bravit. Sed concessd facile venid fs.v»-
//ovifcâïv a.y.ctf.'ïHf/.a.rcev , quod minus mi-
rumsit memoriam excidere aliquarum
rerum, quam constare omnium : at non
venid dignus œquè , ciim negleclis ve-
lerurn exemplarium vesligiis, ctpris-
carum ante se editionum securus, plu-
rimapro arbilrio, eruditè magis quam
coûté ac verc , mulavit , vel plané
pessumdedit : cùm plurima ex iis quœ
castigavil , non errata illa sint , sed
p a rùm intelle cta. Tanliim nihilominhs
auctoritali Barbari subsecuta ictas ,
eruditwnique tribuit , ut conjecturas
illius, ceu totidem KUpiaç ê'jÇctç. in con-
textum inseruerit , undc climinandœ
a nobis variis argumenlis fuêre. Sai-
sit jam dudùm hanc labem operi PU-
niano illatam auctor Epigrammatis
alias hmid perelcgantis , in Commcn-
tarios à Slephano Aquœo editos , de
- I tes le titre des chapitre de son ou-
dans la Bibliothèque <!c Gesncr , J'vhu
■ r.o.
s, Gesnei Bibliotl ' ■ Î17.
seorsiun, ut cogitabamus et parave.ra-
mus, sed unam duobus junctïm haben-
dam et recitandam esse (5).
(D) Il avait dessein de traduire tou-
tes les œuvres d'Aristote.] Voici com-
me il parle dans la préface de son
Pomponius Mêla (6). Vacant nos ma-
jora quœdam studia, urgemusque nos-
trum illud velus omnes Aristotelis li-
bros in latinum vertendi exponendique
propositum. Quod si ad extluni per-
duxero ( nam bona ejus pars jam
pridem peracta est ) non dubito fulu-
rum , quin de reliquo in litleris tabo-
re gratia mihiûat. Sa traduction de
la Rhétorique d'Aristote fut publiée
après sa mort. Vo}'ez l'article suivant.
(E) // avait une facilité extraordi-
naire h faire des vers : il en composa
plus de douze nulle.'] Entre autres piè-
ces de poésie , il fit un ouvrage de six
cents vers , dont le titre est le même
que celui de l'ouvrage de son aïeul
l'rancois Barbarus \ je veux dire que
ce poëme est iutitulé de lie uxorid ,
mais il est fort différent de l'ouvrage
(5) Rerm. Barbarus, Epist. arl C.irnniMetum,
inter Epistolas Politiani Xlf Ubri \ff
(6) Apud Gesncrum, Bibliolh-, folio 3i7 ,
verso.
9"
BARBARUS.
quitus agendum inox erit. Sic errim ne faisait pas négliger au patriarche
illf : les fonctions épiscopalés, te'moin les
Dum farere Hermoleos medicioam Barbants Sermons que Ton garde en manuscrit
optai
Non paucis lacero vulneribiu Plmio,
Perla;.iutn ^raviiis conjeclâ vulnerat arte :
Nec minus inraitâ plurima lurba uianu.
In lartuni ul Lalio jam Heploralus abiret,
Ob miiltainStygiasvulncrafessusaquas, etc.
Felicior aliquanlb Sigismcndus Gele-
à Padoue. J'aimerais mieux dire que
puisque les Vénitiens ne \oulurent
point souffrir qui! acceptât cette di-
gnité , il ne dérobait rien à ses fonc-
tions patriarcales en faveur de Pline.
Notez qu'ayant, publié cet omrage
mvs , qui un» duntaxat anhetyporum Van ^ Jji y :o5gnit un appendix
prœsidin, collait* inter se exemp/an- v, nomme secUndœ Casdgaliones ,
eus , nonpauca restitua , quœ Ue,- ef ■ estdaté je Kome le i3 de jan-
molao latuerant 9J. J ai rapporté ce •JL ,4^3.
. i4q3.
long passage afin de mieux couvain- ,^ u „on plus qu"a l'égard de
cre M. Varillas de s'être trompé sur ses a'utres /;„„„.] Sa version de Tie-
nne chose qui n'était guère inconnue. mistius nVst point fidèle, si nous en
Mais je ne laisse pas d être tres-pt r-
suadé que le travail d'Hermolaiis sur
l'histoire naturelle de Pline est digne
d'admiration , vu le grand nombre
d'auteurs qu'il lui fallutconsulter. et le
croyons Vossius. lpse ilie Themislius
ab Hermolao Barbara dum nimiùm
studet eleg'intiœ , tnntâ conversus est
libertate , utsœpissimè longe aliuddi-
catquhm senserit Themistius (i3) : et
peu de temps dont il eut besoin pour jj a' tt:moi„ne: dans la version de la
cela. Vingt mois lui suffirent, dit il : Hnet0liqu? d'Anstote , qu'il n'en-
il rompait la glace aux autres ;il trou- tendait pas assez le grec , si l'on s'en
vait Pline dans un très-mauvais état, rapporte a François de Escobar (i4).
et semblable a une terre qui a été On prétend qu'il était si rempli de
long-temps inculte, et à un logis pes- p,;^ ^ accommodait trop souvent
hteré, o«. infecte des lutins. Hœe erant a ses paroles celles de Dioscoride , en
in Pliniano codice fiagilia , propter traduisant ce dernier. Cette traduc-
quœ non parum multi dwinum opus tion a <:,<: souvent critiquée par Mar-
tanquam senticetum , imo fera quasi ct>l\us Virgilius. 7>oc/è quidem et vle-
pestilens aut lemuribus infâme domi- ^fl72(er trans/ati, sed ( ut nonnuUis vi-
cihum vitabant. F.a nos grœcis et la- ^elur ) nimis ad imitationem Plinii ,
Unis auctoribus perleclis omnibus lu- queTn (]um ubiq,,è sequitur à Diosco-
cubratione viginti mensium revellere rLjis ,,c,bis aliquandb recedere vide-
ac publicare curai'imus (10). Quant à tur Marcellus Virgilius , qui post
la pensée de Volaterran , que c'était Uermolaum eosdem ïibros transtulit ,
nne occupation peu convenable au plemmque inteiprelationem ejus car-
caractère d'Hermolaiis Barbarus, opus „jt (,5).
impar ejus dignilati et vilœ instituto / jj \ Uermolaûs eut l'imprudence
(il), elle a été condamnée très-jus- d'accepter le palnarchat d ' Aquilée ,
tement, tant parce qu'Hermolaiis s'é- 5fl/|S alten,\re le consentement de ses
tait engagé dans ce travail avant que supérieur$. ] Personne, que je sache ,
d'être homme d'église, que parce qu'il ^a mieux réussi que Pierre Bembus à
serait à souhaiter que plusieurs pré- conter ce fait : c'est pourquoi il sera
lats fissent de semblables fautes. Uli- commode et agréable à tous ceux qui
nam sic a multis ejus dignilatis atque n'auront pas cet historien de voir ici
institua peccaretur (12). Vossius ajou- ce qn'jl erj dit. £0 mortuo Innocen-
te une autre raison : c'est que Pline tius patriarchatum ( sic enim appel-
(9) Harduini Prcefal. in Plinium , ad usum lani ) Aquileiensium Hermolao
De'P\™- _ . ' . ., n . Barbaro , legato apud se ueneto at-
(10) Hrrm. Barbarus, in epdoeo Operif, pag. . ^i y .. • •-„„ .• ,^//„~;« *_
frS,ediubasitien.,is,àr,n. i5tf. tribuit. Quod ubi cwitas intellexit, ta-
(nj Voiaierranus. lib. XXI, pas,. -',",■ metsi Hermolaiis ad senatum scripse-
(12) CoziUire dehuerat Voiaierranus , jam ffl, cnactum se h pontifice vestem se-
^Z^le"Pp7Zan:Z^Ze:fl^ natonam mulauisse : quomam tamen
opus perlinerent. Vossius, rit- llistor. lai. , pag. . .... ... „
623. Hermolaiis du simplement : Plinianas I as- fi3) Voss.ns de Pb.losopn» ,pag. 8.
tigationes, quas l«galu, Rom*, nec dum sacris (.4' APUA Andr«.m Scbottum , B.M.olb.
rf''«^ri.inCh0aVer!,^,■ VrœjM' "d AUXan' k8f55)GesB«.,^BibUoll..,/oto inverse.
sacerdoliis cooptari cives veneti , qui
legati Rotnœ estent , lege prohibe-
bnnlur ; graviter tulit , ausum illum
contra leges patrias facere . Auxit ejas
rei magnoperè invidiam , quod anled,
ex Hermolai litteris , quas ad senalum
de Barbi morte dederat , more insti-
tutoque majorant coniittis senatoriis
prcejudieium patres fêteront , cujus
ipsi ciuis nomen ad id adipiscendumsa-
cerdotiuin Innocentio commendarent.
Itaque deceptus in eo sese , ac prnpè
delusos querebanlur. Erat omnino
Hermolai , propter ejus summam in
lilterarum , atque optimarum artium
studiis prœstantiam , magnum apud
exleras nationes nomen , apud suos
quidem certè maximum ; nam ad doc-
trinal singularcm opinionem , eliam
vitœ perpetuatn innocentiam adjunxe-
rat. Simul is multùm patris opibus, et
gratiâ , qui summo proximum in civi-
late magistralum gerebat ; multùm
clientelis , necessiludinibus , propin-
quitatibusque pollebat. Quibus tamen
in rébus omnibus satis sibi prœsidii
non habtiit : ciim pliais à patribus una
leguni charitas , majestasque , quant
ultorum c'wium omnibus aucta nomi-
nibus dignilas , atque clarilas, fieret.
Decemviri enim lilteras ad eum severè
scriplas dederunt , mord omni , excu-
salioneque sublatd , sacerdotium ré-
pudiant : id si non faceret , palrent
magistratu remoturos et bona ejus pu~
blicaturos prœ se tulerunl. At patrr ,
perspecld civitatis voluntate, omnibus
tenlatis rébus , ciint jam eam Jlecli et
leniri posse dijjiderel, œgritudinc ani
mi est mortuus. Eilius non multà post
Romœ , editis Plinianis casligationi-
bus , immensi propè laboris opère, pri-
l'atus plebeio morbo periit. Eum vitœ
finem Hermolaùs habuit , omnium ex
sud cantate, qui unie illum nati essent,
F.atinorum et Grœcorum litteris plané
doclissimus (16).
(I) Son père mourut de cha-
grin. ] Nous venons d'entendre Bem-
bus qui l'assure. La chose est assez
vraisemblable , car c'était un honi-
rae âgé , et qui occupait un des pre-
miers postes de la république. Une si
rude épreuve de la décadence de son
crédit dans sa vieillesse , et au préju-
dice d'un fils illustre que l'on aime
tendrement, est pour l'ordinaire un
(16) Bembus, Hislor. VcneUt, Ub. I , folio
BARÏURUS. 91
cinq, qui désole. Zacharie Barbarus
mounnl'an 1492, fort résigné aux
ordres de U providence : il était en-
tré dans sa S'V-vante-dixième année :
il fut fort regret 1: . sa p0mpe funè-
bre fut magnifique. Voyez la lettre
qu'Hermolaùs écrivit ; son ami An-
tonius Calvus ( 17 ). ^ce,lit quod
septuaiiesimum ingressus annum, quan-
ddi inj'amilid nostrd via il ne tnç • quod
functus omnibus honoribus ; qur>d re-
publicd incolumi ;qahd liberis hoi^sto
locn positis ; incredibili desiderio et
amore civitatis excessit , frequentiô.
funeris tantd (ut audio) quanta in
cive nunquam.
(K) on a voulu dire que lui
aussi fut emporté par le chagrin, ]
Volaterran l'affirme. Romœ decessit
ex enimi dotore exacerbante quod
oratnr à f^enetis missus , prœter ejus
auloritalem senalus, palriarcha Aqui-
leiensis ab Innocentio J'uerat creatus,
ac proptere'a enntumax et exul (18).
Je crois fort qu'il mourut sous la note
de rebelle et de banni , car il se don-
na toujours le titre de patriarche, non-
obstant les ordres précis qu'il avait
reçus de son souverain de renoncer
au patriarcat ; mais je crois qu'il
mourut de peste , et non de chagrin.
Ma raison est, i°. que depuis qu'il
fut en disgrâce , jusqu'à sa mort , il
s'occupa à un travail qui demandait
une grande liberté d'esprit, et une
ferme santé (19) ; 20. que Pierre Cri-
nitus , qui vivait en ce temps-là , as-
sure ou Hermolaiis mourut de peste
.11 ne
(ao).
l'assure point d'une façon
constance bien précise , c'est que Pic
de la Mirandole , ayant appris à Flo-
rence qu'Hermolaiis avait la peste ,
lui envoya le plus promptement qu'il
put un antidote qu'il croyait très-
souverain ; mais le messager arriva
trop tard. Paul .love débite le même
fait. Alors anle diem irrepsil, et pesti-
lenù quidem morbo properala . adr,\
ut quod à Pico Polilianoque Elorcn-
tid laboranli per disposilos equos mit-
tebatur mirœ polestalis aniidotum, ve~
neni ceferitate prœverle-'it (ai). Ainsi
(.:) ELU est ta XXXII'. du XII'. litre de
celles de Politien.
(18) Voiaterranus, Ub. XXI, pag. -,".
(19) A la correction de Pline.
(201 Crinit. de lione.-l.'i Disciplina, Ub. 1
cap. VII.
(ai) Jovius, Elo?.. cav XXXVI
92
BARBARUS.
je n'ai point de peine à ajouter fo> au peste fit déserter ceux qui auraient
témoignage qu'Hcrmolaiïs Barbus se dû assister le patriarche (27), il n'eût
donne à soi même, d'avc^1' supporté pas donné dans l'hyperbole,
sa disgrâce sans chagr^ > et de s'être (M) Je ne crois pas qu'on puisse di-
mêtne félicité d'un»; injure qui le re re qu'il a été fait cardinal. ] Pierius
mettait dans la r'eine liberté d'étu- Valerianus n'a garde de l'assurer : il
dier (22). Ses *ra>s craignaient qu'il dit des choses trop incompatibles avec
ne succomba , et ses ennemis pu- celle-là ; mais Paul Jove , qui l'a si
bliaient q* il succomberait. Ces der- clairement démenti à l'égard de la
niers fu^nt sans doute ceux qui, pour
lui de'ober la gloire de sa constance
et d< sa tranquillité , imputèrent au
ch-gr>n ce qu'il fallait imputer à la
r»aladie contagieuse. Voyez dans la
sépulture d'rLrmolaiis Barbarus, dit-
il que ce patriarche ait obtenu le
chapeau? Nullement : il se contente
de dire qu'on lui destinait cette digni-
té. Tulisli quippè œqun animo sujfra-
remaïque (P) ce que je cite d'Alcyo- giorum seuerilatem , quùm ex eo ta-
nius. rnen pari nierito tibi purpura parare-
(L) Pierius Valerianus.... dit qu'on tur. Sed mors ante diem irrepsit (28).
ne sait pas si Hermolaûs Barbarus jnt L'auteur du JXoniemiator Cardina-
enterré. ] Je le dis encore un coup , je lium rapporte que Trithème , suivi
crois que Pierius Valerianus a outré
les choses, quand il a dit que ce pa-
triarche, étant mort dans la pauvreté
et dans l'abandon, fut privé de la sé-
pulture: (Jb susceplum inconsulto se-
nalu suo jiquileiense sacerdoliwu ex-
sulfactus, et de possessione ejectus ci-
tant inopemaliquandiùtraxit, Alexan-
dri pontificis summi sportulâ quo-
en cela de Pierius Valerianus et de
plusieurs autres , assure qu'Hermo-
laiïs Barbarus parvint au cardinalat.
Pour lui , il n'affirme rien , il se con-
tente de ces paroles : Cardinalis de-
signatus, sed, utfertur, nondùin ei'ul-
gatus. Vossius a cité le cordelier Jean
Bioche , qui assure ( 29 ) qu'llermo-
laùs fut fait cardinal ( 3o ). Le pè-
dammodo sustenlalus : paucis vero post re Hardouin affirme la même cho-
mensibus pestilentid contactus , deser- se (3i).
tus ab omnibus , infelicissimo morlis
génère oppressus est ; quique lauda-
tione , et eloquenlid sud innumeros
cetatis suœ homines illustrai'erat , et
funeie , et honore sepulchri ila de-
fraudalus est , ut ubi sepultus, quove
hominis cadaver conjeclum fuerit ,
(N) On débile qu'il eut recours au
démon pour savoir le sens d'un mot
grec. ] Ce mot est si essentiel à la
physique péripatéticienne , que pen-
dant qu'on ignore ce qu'il signifie, on
ne peut connaître ce qu'Aristote a
voulu dire touchant la nature du
ignoreiur (l'i). Paul Jove, qui a écrit corps. Je parle du mot ivrêXs^si* , que
après Pierius Valerianus , ne se con- quelques Latins, après en avoir cher-
tente pas de dire qu'Herniolaus Bar- ché d'autres qui ne leur revenaient
bavus fut enterré , il marque le lieu pas , ont enfin rendu par celui deper-
ou est son sépulcre. Scilicet ut nimis fectihnbia. Pierre Crinitus parle com-
sevtra patria optimi civis ossa non ha- me si Hermolaiis s'était lui-même van-
beret^quœ sub colle Uortorum ad Flu- té de cette consultation magique , et
mentauam portant sepulchro condita comme s'il avait dit que la réponse
è Campo Marlio ab erudild Romand fut donnée d'un ton si délié qu'on ne
jwenlute salulantur (24). M. de la put y rien comprendre. El rêvera pe-
Bochepozai (25) et le père Oldoïni (26) rexilis vocula dœmonum etexigua est,
désignent plus clairement le lieu de quod olim nosler quoque venetus Her-
sa, sépulture : ils le mettent à Sainte- molaus dicebat , vocem se desmonis
Marie deV Popolo. Si Valerianus se fût prœlenuem et pêne subsibilantem au-
contenlé de dire que la crainte de la disse , quel Me de Arislotelis forte en-
telechid interrogatus , sibi ipsi et
(22) Tore» In XXXIe. lettre au XIIe. livre
de celtes de Politien
(23) Pier. Valerian. de Lilteratorum Infelici-
tate , pag. g.
(a4; Jovins, Elog. cap. XXXVI.
(î5) Rochepozai, in Nomencl. Cardinal.
(26J Oldoïni , in AtUen, Romano.
(27) Voyez ci-dessous le passage rf'AIcyonius.
(28) Valerian. , de Litlerator. Infelicitate,
pag. 9.
(29) In Compend. liistorico.
(30) Vossius , de Hist. Int., pag. 6ll.
(3i) Pnvfal. in Plinium.
BARBARUS. 93
Georgio Placentino responsilavit(3-ï). rat, ut in eo quasi musarum secessu
Je crois être allé à la source de ce fait simul cum Ptco Miranduld honestio-
en citant Pierre Crinitus- La plupart ribusdisciplinis,acphilosophiœsacris
des gens (33) ne citent que la Démo- pro arbitrio incumbcrel. In quo ller-
nomanie de Bodin , où je n'ai pas en- molaiis Barbarus (ut homo maxime
core trouvé cette action d'Hermo- humanus) libenter se di.xit , et studio-
laùs (34) *. Quelques-uns citent Mon- rum causa, et Laurentii mer ito talent
lorius , qui en parle dans son Traité animum agnoscere , villamque ipsam
de Entelechid. Au reste, quelques- si per publicas curas liceret, excipe-
uns prétendent que Budé est l'inven- re (3'j).
teur du perfectihabia. Vous trouve- (P) 31. Cardias a fait un récit fort
rez ces paroles dans du Verdier-Vau- agréable... touchant H. Barbarus
Privas : Kl mesmes ceux qui l'ont bien mais il s'est trompé en beaucoup de
voulu louer ont dit de lui , Est feli- choses , et bien plus souvent que
cissirnus quidem , sed audacissimus in M. Moréri.~\ Il dit (38), i°. tuf 11er-
novandis vocabulis, comme quand il molaiis Barbarus passait à Venise
a tourné l'cnteléchtc d'Arislote , per- pour celui de tous les nobles qui fai-
fectihabiam (35). Notez que plusieurs sait profession de la plus haute et de
soutiennent que Cicéron a très-mal la plus fine galanterie. 2°. Que ner-
traduit ce mot d'Aristote (36). sonne ne le vit jamais étudier et
(0) Laurent de Mcdicis lui donna qu'on qu'on ne voyait aucun livre
des marques d'une estime singulière.'] dans sa chambre, ni dans son ca-
11 fut au-devant de lui, sansa\oir égard binet. Je doute de la première de ces
au mauvais état de sa santé, et le re- deux choses, et je tiens pour fausse
eut magnifiquement dans sa maison la seconde. 3°. Que s'étant chargé
de plaisance. Lisez ce latin : Cum du plus grand travail qu'il y eût alors
Hermolaiis Barbarus reipub. P~enetœ dans la république des lettres ( c'é-
nomine legaliones forte per Italiam tait la correction de Pline (3q) , il se
obiret et ad urbem Florentiam obiter servit de l'autorité des manuscrits, et
accederet , Laurenlius Medices ( qui de celle des écrivains grecs et romains
Florentinam rempublicam non mtnoie qui avaient travaillé sur les mêmes
tùm consilio , quant fortuné guberna- matières} et que dans les endroits où.
bal) statimtantoviro cum amicis plu- ces deux secours lui manquaient, il
ribus (ut fit) obviant procedit : nihil mettait en mage ses propres conjec-
veritus , quôd œgros pedes haberet , tares , avec tant de vraisemblance et
ac summis dnloribus vexarelur. Titm de bonheur , qu'il riy en a eu pas une
in Caiand villa (quant in finit is propè de ri butte. Voyez la réfutation de
sumpùbus œdificabat) h<nori/icenlis- cela dans la remarque (F). 4°. Que
si me tlltim accepil , simulqne tanti ce fut par cette ingénieuse vote , qu il
hominis ingento, et doctrine singu- découvrit que Pline était né à Corne
lari provocatus , eam quoque libéra- et qu'il en composa une dissertation
lissimè sludiorum nomine illi obtulit, qui convainquit tous ceux qui la In-
citai insigni atque instmelissimd bi- renl. De tous les auteurs que j'ai con-
bliothecd, quant ad exemptant Phi- suites sur la liste des ouvrages de Bar-
ladelphi mini tùm industrie parave- barus, je n'en ai trouvé aucun qui
lui attribue une telle dissertation. 11
(3î) Crinit. , Je Honesiî Disciplina, lit. VI, est vrai que, dans la préface de Pline.
cap . A / . -i k î ' r - i i sy
(33) Le père Rapin, Kéfle*. .or la Philnso,,!,, l! SL>mble P"«erer la leçon Catu/lum
pag. 35o. Teissier, Ltoge-, etc , tom. I , pag. congerronem meuni, à celle de Catul-
355. lum coaterraneunt meum , par où il
J^VnlTS' T.1 l"'"',,r ve chfrcl'e:cela- ëlude l'argument très-fort que l'on
page par page , mai.' je ne t'ai point trouve .■ i ° '
*ux endroits où il r avait le plus .l'apparence UlC de cc. Passage , pour pi Oliver que
que je le trouverais. Pline était de Vérone. 11 est vrai en-
Joly reconnaît que c'est une erreur de Rapin
et «le Teissier. ,, . n „ . «•»•.!■«
2;\ r> -v j- »..,. , , . K6') retrm l.nmtus , de hooesta Disciplina.
(35) DuVerdier, Bibl.otli. fratica.se , pag. Ub XV , cap. IX , pas. Loo.
,-,_. rapportant ce que Genebrard a dit de (38) Varill. , AnecdSles de Florence, pag.
",,er\ T _ 187 et suiv.
(310 Joannes Ferrenus pedemontanus les re- (3f)) ». Varillas dit que {'Histoire naturelle
fuie au traite de tolelecuiâ. dq Pl,ne contient 36 livres : il fallait dire 87.
94
BARBARUS.
core qu'indépendamment de la leçon te IV , qui était mort depuis huit ans,
conserronem qu'il ne veut ni admet- lorsqu'il publia ses notes sur Pline,
tre , ni rejeter absolument, il déclare 70. Hermolaùs fit justice à larépu-
que Pline était de Côme, et non de Vé- blique contre ses propres intérêts , et
ronc mais il ne s'étend point là-des- avoua qu'elle avait raison de lui être
sus ■ trois lignes lui suflisent. Ce n est contraire. Il conjura le p >pe de con
donc point ce qu'on nomme une dis- férer le bénéfice à celui qui lui serai
sertation en forme. Or, quand même
M. Varillas aurait raison en ce point,
il ne laisserait pas d'avoir débite un
grand mensonge ; car il n'y a presque
point d'habile critique désintéressé ,
qui n'ait toujours adjugé Pline à ceux
de Vérone. Causant dudùm adjudicd-
runt Veronensibus eruditi , inler quos
prœcipui Polfcarpus Palermtis sin-
gulari opère de Plinii patnâ , et A câ-
liner in Euseb. chron. pag. 190 (4o).
Jérer le bénéfice à celui qui lui serait
présenté par ï ambassadeur de Penise,
et déclara formellement qu'il n'en
voulait point , s'il fallait encourir a
ce prix l'envie de ses citoyens. Ceci
paraît un pur roman : nous avons vu
ci-dessus (44)' dans le passage de
Pierre Bembus , que le père d'Hermo-
laùs ne voulut jamais démordre , et
qu'il tâcha seulement de fléchir la
république. Il est certain d'ailleurs ,
le
que le nouveau patriarche conserva
Les paroles de Paul Jove mal enten- toujours son titre, et ne se soumit
dues ont apparemment trompé^M Va- point à ses supérieurs temporels.
rillas. Nov'ocomensibus C. Ptiiuum
secundum civem suum ab imperitis
invidiosè surreptum, eruditd prœclard-
que sententid reddidisti \.^i). 5°. Le
désir admirable , nous dit-on dans les
anecdotes, qu'eut Barbarus de remé-
dier aux désordres de la médecine ,
lui fit entreprendre défaire sur Dios-
conde la même chose qu'il avait exe
culée sur
Pline. C'est renverser
poir
8°. Je ne sais où M. Varillas a lu
que l'unique remède pour la guérison
(/'Hermolaùs, était de lui envoyer du
bézoard pur, et qu'il y en avait a
Florence dans un vase d'agalhe ,
dont le Soudan Caithey avait fait pré-
sent a Laurent de Médicis. Pierre
Crinitus, qui le devait savoir autant
que personne , dit que l'antidote ap-
partenait à Pic de la Mirandole , qui
Tordre du temps. Barbarus, depuis la en savait la composition. Pharmacon
publication de son travail sur l'His- contra pestem quodille sibi si quandu
toire naturelle de Pline , vécut si peu, incidissel asservabat diligentissimè ,
au'il ne forma point de nouveaux des- curai ut Romani quant celerrimè ad
seins : il avait assez de livres à ache- Hermolaum devehatur. Dicebatautem
ver et je ne doute point qu'il n'eût Picus illud ipsum ex oleo scorpionum
travaillé sur Dioscoride , avant que
de s'appliquer tout entier à Pline (42).
G°. Les amis d'Hermolaùs lui conseil-
laient de jouir, en se reposant, de la
gloire qu\l avait acquise par son
Pline et par son Dioscoride; niais il leur
proposa lui-même qu'il devait tra-
duire ce que Thémistius nous avait
laissé sur A.istote , et il l'exécuta
comme il l'avait proposé. Voilà un
nouvel anachronisme : la traduction
de Thémistius est une des premières
que Barbarus ait publiées. Theiiustu
peripatetici Paraphrases in aliquot
Arislotelis libros admodùm adolescens
latinas effecit (43). Il la dédia à Six-
(4o) Harduin. , in Plin. , lom. I , pag. 2.
(4i) Jovius , in Elogiis , cap. XXXVI.
(42) Voyez, la remarque suivante , vers la fin.
(Itï) Ge'sner. Blbliotb.,/oi1o 3i8. Ces paroles
du Journal de Leipsick , pag. 461 de l'ann. >b85,
ne sont pas exactes: Hos l.bros Tbemistii pa-
raphrasées Hermolau? Barbarus... Vendus A.
linguisque aspidum, et aliis ejusmodi
venenis confeclum (45).
Les fautes de M. Moréri consistent
à dire , i°. que le sénat n'approuva
point le choix qu'Innocent VIII fit
d'Hermolaùs Barbarus pour le pa-
triarcat d'Aquilée : 2°. qu'Hermo-
laiis Barbarus donna au public l'His-
toire naturelle de Pline. Le sénat n'au-
rait pas moins désapprouvé l'élection
d'une autre personne ; et ce ne fut
point à cause d'Hermolaùs Barbarus ,
que la république fut fâchée de ce
qu'Innocent VIII avait fait. Elle se
fâcha de ce que le pape prétendit
disposer du patriarcat sans la con-
sulter, et de ce qu'Hermolaùs avait
reconnu le prétendu droit du pape,
1570 , in-folio edidit.; car celle e'ditiona suivi de
loin la mort de l'auleur.
(44) Citation (16).
(45) Pelrus Crinitus , de Honcstâ Disciplina.
lib. I , cap. VIU
en acceptant cette dignité contre les
lois de sa patrie. Il publia ses correc-
tions sur Pline sans le texte même de
Pline (46).
(Qj Un passage d'Alcynnius fera
voir qu Hermolaùs n'étudia ja-
mais avec tant d'application que
depuis que sa patrie l'eut maltraite]
Voici ce passage : c'est le cardinal Jeau
de Medicis (47) qui parle. Exsilium
igitur Barbara non solum calamitatem
detraxit , sed etiani dignilatem auxil ,
qund quidem ila conslanter moderalè-
que ferebal, ut facetissimè jocarelur
musas illud sibi à patrid impelrâsse ,
quoniam œgrè ferrent hominem suis
sacris initiation ambilione vu.'garium
honurum dislineri , et plebeis occupa-
tin/iibus impediri. Itaque plura scrip-
sit biennio exsul quant XXanle annos
cùm patrid frueretur et honoribus
illius florentissimus esset , recognilio-
nem errât orum Pliniani codicis , ex-
planationem librorum de anima Aris-
totelis , cùm tarnen anle ejusdem
philnsnphi libnjs talis argumenli in
latinum convertisset, et Xf^l libres
de R itione disserendi , veltres peripa-
tetici nrganoneos appellanl ; et f^Wie-
toricos et unum Poëlicum , ocloque
Dioscoridœ /Uedicos , quos alio etiani
opère instruxerat quod Corollarium
inscribebat. A Ijeceral quoquepulcher-
rimam expoUlionem ad libros Analy-
ticos pnsteriures Aristotelis antè in
latinum translatas (fô). 11 semble que
ceci réfutecequej'ai dit ci-dessus(49) :
mais, prenez-y bien garde, je n'eu ai
rien à craindre ; car outre qu'il pour-
rait y avoir quelque défaut d'exacti-
tude dans ce dénombrement d'Alcyo-
nius , il est certain qu'une partie des
écrits qu'il articule sont plutôt une
révision , ou une plus ample exposi-
tion de ce qu'Herm ilaiis avait déjà
fait , qu'une entreprise tout-à-fait
nouvelle : et il paraît manifestement,
que Dioscoride lui avait passé par les
mains avant son exil, et avant ses
corrections du texte de Pline. C'est
une confirmation de ce que j'ai dit
contre M. Varillas. De plus, il faut
(46) Tout cet alinéa était h In fin delà remar-
que de l'article de (François; IUrbarus dans la
première édition.
(W II fut ensuite Irpaoe Léon X.
('|S) Pelrus Alcyonius, m Mcdice legato priore
crExilio.
BARBA RUS. ^
observer que les e'erits de cette liste
(Aq) Dans la. remarque (P '. .
y et VI.
? . * . " — «■* »-•*-* i** liai 1;
n avaient, point été publiés avant la
mort de I auteur : on ne pouvait donc
pasl exborter à l'oisiveté par la raison
queson Pline, et ensuite son Dioscoride
lui avaient acquis assez de gloire. Nous
allons voir qu'Alcyonius observe que
ces ouvrages de barbarus étaient con-
serves en manuscrit dans une biblio-
thèque. Et hœc quidem nmnia (5o)
adhùc diligentissimè asservari uidi a
Jratribus illius , cùm sedecim abhinc
annos (5i) f^enetiis bibliothccam illius
excuterem , alque increddnli sum Lv-
Uttd elatus, cùm cagnavi doctissimi
amicissimique hominis e'uc-tbratrmes
non intercidisse , quod ne evenisset
nuignoperèverebar, cumin suburbano
Olu'eru Caraphœ collent; mei ex
pesltlentid obitsset , et dàmestici inli-
mique familtares Jùgd salut i suce con-
suluissent, omniaque tanquam bona
caduca m médium reliquissent. Sed
ejus generis scripta ab intérim et furlo
vmdicata fuisse narrabant ZenotelU
cujusdun operd, quùm ille hdbebat
ad manum{5ï). Je ne puis nier que
barbarus, dans l'épilogue de ses Cor-
rections sur Pline, ne promette une
édition de Dioscoride : Scrie oportet,
dit-il (53), annolamenlahœc... Dios-
coride quoque propediem emiltendo
profutura ; mais je persiste à dire que
M. Varillas na point distingué les
temps. On avait vu un ouvrage de cet
auteur sur Dioscoride , avant qu'il
donnât ce qu'il avait fait sur Pline,
et après qu'il eut donné une para'
phrase de Thémïsîius. Voyez ce qui
suit : Primum quidem dùm Themistii
nobis paraphrasai alque id juucnis
adhuc eam eleganter latine loquentem
producit : mox edito m Dioscoridem
corollario tant variant ac recondilam
doctrinœ rerum omnium supellec-
titem depmrnit : poslremùm Pliuio....
succurril (5 j, .
(5o) Il fallait ercen'er le travail sur Plinr,
public par iaulear même.
(1i) Alcyon, us suppose que le cardinal Jean
</.■ Bedicu disait cebi environ l'an i5i*.
(5î) Alcyonius, in M,dice legato pr.orc.
(53) Hcrm. Barbarus , in momto ad leclor. ad
calcem Castïgat. , pag. 5ai.
(54) Jo Oporiniu, Epiit. dedicaL Culigat
Ilerm. Bjrl.an in Plinium.
BARBARUS (Daniel), peiit-
neveu du précédent , se fit esti-
96 BARBE,
mer par sa science. Il publia un daient la communion sous les
Commentaire sur les cinq voix deux espèces (c). Il mourut en
de Porphyre, l'an i542. Deux 1669, à l'âge de quarante-un
ans après, il publia un Commen- ans (d). Il avait publié divers ou-
taire sur les trois livres de la vrages (A) ; et s'il eût vécu plus
Rhétorique d'Aristote à Théo- long-temps, il en eût sans doute
decte, qui avaient été traduits publié bien d'autres (e).
en latin par Hermolaûs Barba-
,. 1 ■ , .. , r< „ 'M (c) Idem, hb. XVIII , cap. IV , num. a,
rus. 11 avait ecrita Gesaer , qu il J £nn l562
espérait de publier incessam- (d) Vossius, de Scient, mathem. , pag.
ment plusieurs ouvrages d'Her- 355. De Thou , iw.XLVI, pag. 942.
. ..x , , ivT 1 • J (c) iJe thou, la même.
molaus (a). Nous lui devons
l'édition des Dialogues de Speron
Sperone.
(a) Tire de la bibliothèque de Gesner ,
folio 192 , verso.
BARBARUS * (Daniel) , de la
même famille que le précédent ,
a été patriarche d'Aquilée , et
illustre par sa science. Il s'était
fort attaché aux mathématiques
(A) lia publié divers ouvrages.]
Un Commentaire sur Vitruve , qui fut
imprimé à Venise, Tan i56^. La
Prattica délia Perspectiva , imprimée
au même heu, Tan i55g, et Tan
i568 (1). Catena grœcorum Patrum
in quinquaginta psalmos , latine versa.
Aubert-le-Mire (2) , M. Moreri ,
M. Teissier (3) , Konig, Paul Freher
(4), etc., lui donnent le Commentaire
sur les cinq Voix de Porphyre , et le
Commentaire sur la rhétorique d' A ris-
et à la philosophie , avant qu'il tôle , dont j'ai parlé dans l'article
eût une dignité dans l'église; précédent : mais comme le premier
cul uiic g o r 'des commentaires fut imprime 1 an
mais depuis sa promotion a le- j5/,2j et le second Vm l5^ f a est
piscopat, il s'appliqua tout entier visible qu'ils ne sont point la pro-
aux études de théologie. Il était duction de notre Daniel Barbarus, né
si prévenu pour Aristote , qu'il l'an i5a8_ (5). Freher, par une bévue
si pievenu p^"» » 1 tout-à-fait étrange , a dit que notre
lui aurait volontiers prête ser- Daniel Barbarus, mort l'an i569âSé
ment de fidélité, s'il n'avait pas de quarante ans, avait obtenu du
été chrétien (a\ Il était ambas- Pape Innocent VIII auprès duquel il
sadenr de Venise en Angleterre, *%£%*£.% *"•- " ""
lorsque le pape Paul IV le nom-
ma COadîuteur du patriarche Gri- «Vossius , de Scient, mathem. , pag. 355 et
mani {b). Il fut un des pères du \^ De Scriptorib. sœcuii xvi.
concile de Trente, et il s'y corn- ^^f™* K^' ' M' ^ Th0U' """' *'
porta avec beaucoup d'attache- fa Freheri Thcairum viror. uiustr. , pag.
ment pour le pape. Il opina for- 4» ^ ^ ^ ^ Thou ^ Vûssius
tement contre ceux qui deman- (6) Freher. Theatr. viror. iiiustr., pag. i/(65.
* Leclerc pense que ce personnage est ce-
lui qui a déjà eu l'article précédent , et qu'il
n'y a eu qu'un Daniel Barbarus, Il ajoute
qu'il ne fut pas patriarche , mais seulement
coadjuteur : nommé en i559 , il l'était en-
core en l56n , et mourut avant Grimani.
(a) Tiré de M. de Thou, livre XLVI ,
pag-. 9'|2.
(b) Pallavic. , Hist. Concil. trid. , lib.
XVI, eap. IV, num. 22.
BARBE , femme de l'empereur
Sigismond, était fille de Herman
comte de Cilia dans la Hongrie.
Sigismond avait été pris par les
Hongrois, et mis sous la garde
de deux jeunes gentilshommes
dont il avait fait mourir le père.
BAR
Pendant qu'ils le gardaient , il
persuada à leur mère de le laisser
échapper. Ce ne fut point sans
lui avoir fait bien des excuses de
la mort de son mari , et bien des
promesses. Il lui promit entre au-
tres choses d'épouser la fille du
comte de Ciha , proche parent de
cette veuve , et il exécuta cette
promesse [a). Il eut là une femme
des plus extraordinaires que l'on
vit jamais. Elle n'avait nulle
honte de sa vie débordée. Ce n'est
pas en cela que consiste sa grande
singularité , il n'y a eu que trop
de princesses qui se sont mises
au-dessus du qu'en dira-t-on, à
l'égard de leurs impudicités. Ce
qu'il y eut d'extraordinaire dans
celle-là ce fut l'athéisme (A), chose
qui n'a presque point d'exemple
parmi les femmes. Elle ne croyait
ni paradis ni enfer (13) , et se mo-
quait des religieuses, qui renon-
cent aux plaisirs de la vie , et qui
mortifient leur corps. Sigismond
se trouva mal marié encore par
d'autres endroits, car sa femme
Barbe s'engagea dans des com-
plots avec quelques grands sei-
gneurs de Bohème , pour le chas-
ser du royaume , et pour se pro-
curer un autre mari. Il découvrit
cette trame, et condamna l'im-
pératrice à une prison perpé-
tuelle. Quand il fut mort, on la
mit eu liberté (b); et comme elle
songeaitencoreàse marier, quel-
qu'un lui représenta l'exemple de
la tourterelle, qui demeure seule
toute sa vie , lorsqu'elle perd son
premier mari. Si vous avez ,
répondit-elle , à me proposer
,a) iEneas Sylvius , in Addition, ad An-
ton. Panorniitam de Dictis et Factis Al-
plionsi , lib III , num. !i\, pag. 6q.
I) Ex Mattbiœ Theatro lnslor. in Sigis-
luuudo, /'<'£■ 998.
TOME IH.
BE. 97
l'exemple des bétes , proposez-
moi celui des pigeons et des moi-
neaux (c)-(C). Elle vieillit à Gratz,
dans la Bohème, sans renoncer à
ses débauches (W) , ety mouruten-
viron l'an 1 45 1 . Les Bohémiens
ne laissèrent pas de lui faire de
magnifiques funérailles à Prague,
et de la mettre dans le tombeau de
leurs rois, comme l'assure Bonfi-
nius, auVIIe. livredela IIP', dé-
cade. Pratéolus ne l'oublie point
dans son Catalogue alphabétique
des Hérétiques , et en cela il se
rend très-ridicule, car elle n'avait
point forgé de nouveaux dogmes,
et ne s'était point érigée en chef
de secte ; elle donna dans des im-
piétés communes à tous les temps.
En tout pays , les profanes et les
impies se sont toujours moqués
des personnes qui s'exposent par
principe de religion aux brûlures
de la chair, au lieu de suivre le
penchant de la nature (e).
(c) JEoeas Sylvius, in Addit. ad Ant. Pa-
norui. , num. 5, pag. 56'.
</) Grctii in Èohemiâ in vitâ Utrpiclfa-
dïs libidinibus uifami consenuit. Matlnas .
Theatr- liistor. , pag. 998.
(e) Barbara. . . slullas appel/abat virgi-
nes , r/uœ pro Christi nomine passa fuissent ,
proplcrcà quod voluptalis gaudia non gus-
tâssenl. Pratéolus, pag. 85.
(A) Ce qu'il y eut d'extraordinaire
en elle fut l'athéisme , qui n'a
presque point d'exemple parmi les
jemmesu] Je n'ignore pas ce qu'on
vient de publier dans une satire du
sexe, le clief d'œuvre . ce me semble ,
de M. Despréaux. On veut dans celli
nouvelle pièce que l'impiété méi ; •
soit un des déréglemens des femmes.
Dans le sexe j'ai peint la pi/te" caustique.
El que serait-ce donc si, censeur plus tra-
gique.
J'allais l'y faire voir l'athéisme établi.
Et non moins que l'honneur le ciel mis en
oubli ?
Si j'allais t'y montrer plus d'une Capanc-,
Pour souveraine loi mettant la destinée.
Vu tonnerre dans l'air bravant les vains cai-
reaux ,
Kl nous pat tant de Dieu du Ion de dre
[Satire X, iv. 653. J
98
BARBE.
Mais tont cela ne peut être vrai , communs de la morale , que de fan e
encore qu'il n'y ait pas plus de voir à l'homme ses desordres, en
quatre ou cinq femmes en France qui comparant sa conduite déréglée avec
aient donne' dans ces maximes impies, la régularité des bêtes. Les hommes
Je ne voudrais pas nier que ce pro-
dige ne soit devenu un peu moins
extraordinaire , depuis que le sexe ne
se pique pas d'ignorance autant qu'il
faisait. 11 faut un certain degré de
fausse métaphysique , pour tomber
dans le malheureux abîme de l'irré-
ligion. Quoi qu'il en soit, jesuistrès-
persuadé avec l'auteur des Pensées sur
les Comètes , que ce n'est point par
cet endroit-là que les femmes méri-
tent censure. Ce n'est point leur vice
que V athéisme ; elles se font une vertu
de n'entrer point dans les grands rai-
sonnemens .' ainsi elles en demeurent à
leur catéchisme , bien plus portées à
la superstition qu'a l'impiété ; grandes
coureuses d'indulgences et de sermons,
et si fort occupées de mille passions
qui leur sont tombées comme en par-
tage , quelles n'ont ni le temps ni la
capacité nécessaires pour révoquer en
doute les articles de leur foi(i'). A
coup sûr, elles trouveront plutôt le
secret d'accorder ensemble les pas-
sions et la religion , fallût-il donner
jusque dans le molinosisme , que
l'expédient de ne rien croire.
(B) Elle ne croyait ni paradis nien-
fer.] Voici le portrait que Bonfinius
nous alaissé de cette femme. Barbaram
imperalricem edtempeslate Grasci diem
obiisse ferunl , indomitœ libidinis mu-
licrem , quœ inter adultéras publiée
t'itam duxit , prostitutoque pudore
viros sœpiùs petiit quant peterelur.
QuUm ab oinni religione destitula
foret , superos ac inferos esse negabat :
religiosas ancillas , jejuniis aut ora-
tioni rebusque divinis intentas graviùs
increpabat , nullis asseverans moles-
tiis ac inedid corpus esse maceran-
àum : immo lautè pascendum , in de-
litiiset voluptatibus alendum, et post
mortem , citm nihil supersit , nullam
deorwit animorumque curam esse sub-
eundam (2).
(C) Si vous avez , disait-elle , h me
proposer l'exemple des bêtes , propo-
sez-moi celui des pigeons et des moi-
neaux A C'est un des plus beaux lieux
(1) Pensées diverses sur les Cornet., num. il\ï,
pag. 4« i-
(2) Bonfinius, Rerura ungaricar. décade III,
lib. Fil , pag. 344,345.
se déchirent les uns les au très ; l'homme
est un loup à l'homme (3) ; mais les
bêtes de même espèce ne se battent
point entre elles. C'est -par là qu'Ho-
race a tâché de couvrir de honte les
Romains qui s'engageaient aux guerres
civiles. L,es loups et les lions, dit-il,
ne font point cela. 11 suppose que son
objection est si puissante , que ceux à
qui elle est proposée se trouvent réduits
à un silence honteux.
Neque hic lapis mos , ne c fuit leOnibus
Vnqu'am, nisi in dispar , feris.
Furorne cacus , an rapit vis acrior?
An culpa ? responsum date.
Tacent , et ora pallor albus injicil ,
Mentesque perculsœ stupent (4) ■
Juvénal a employé la même morale
dans sa XVe. Satire , vs. i5g.
Sed jarn serpentum major concordia .• pareil
Cognatis maculis similis fera : quandb leoni
Forltor eripuit vilam leo c'quo nemore unquàin
Exspiravit aper majoris dentibus apri?
Indien tigris agit rabida cum tigride pacem
Perpeluam , sœvis inter se convenit ursis :
Ast komini , etc
M. Despréaux a parfaitement bien tra-
duit le latin de ces deux poètes , et y
a joint de nouveaux exemples (5).
Foil-on les loups brigands , comme nous in-
humains ,
Pour détrousser les loups, courir les grands
chemins ?
Un aigle sur un champ prétendant droit d'au-
baine
Ne fait point appeler un aigle a la huitaine:
Jamais contre un renard chicanant un poulet
Un renard de son sac n'alla charger Bolet.
Jamais la biche eu rut n'a , pour fait d'im-
puissance.
Traîné du fond des bois un cerf a l'audience ,
Et jamais juge entre eux ordonnant le con-
gre*,
De ce burlesque mot n a sali ses arrêts.
Quelque beau que puisse être ce lien
commun , et quelque capable de frap
per, il a néanmoins son faible ; cai
premièrement, on peut l'éluder par
un trait de plaisanterie, et , en second
lieu, on peut le combattre sérieuse-
ment par la maxime
Nil agit exemplum , lilem quod lile resol-
vit (6);
(3) Homo homini lupus. Erasm. Adagior.,
chil. I , cenlur. I , num. •jo , pag. Ifi.
(4) Horat. Epod. Vit.
(5) Voyez sa VIIIe. Satire /, vs. j25.
(6) Horat., Satira III, vs. io3, lit. II
BARBE.
c'est-à-dire , qu'on peut le rétorquer,
et qu'en tournant la médaille on ga-
gnera le vent sur le moraliste. Je ne
prétends point approuver ceux qui
opposent des railleries aux raisons ,
99
mais je dis que c'est un très-grand dés- _ j
reté , n'en viennent-ils pas fort souvent
aux coups ? Quoi de plus furieux que
le combat des taureaux? N'est-ce pa,
la force qui décide de leurs droits en
matière d'amour ?
avantage aux raisonnemens , que de
pouvoir être tournés en ridicule par
des gens qui aiment à plaisanter. Prou-
Tons cela par un exemple. Si quel-
qu'un avait entrepris d'obliger M. de
Bautru à croire qu'il vaut mieux choi-
sir une vieille maîtresse qu'une jeu-
ne,'et qu'il lui eut cité l'endroit de
Pline où il est dit que Us béliers cher-
chent plutôt les vieilles brebis que les
jeunes, ce quelqu'un n'aurait-il pas été
démonté et confondu par cette ré-
ponse donnée d'un air moqueur (7) :
C'est que les béliers sont des béliers
(8) ? Une dame romaine se servit
d'une pensée semblable auprès d'un
homme qui ne pouvait comprendre
par quelle raison les femelles parmi
les bêtes ne désirent le mâle que lors-
qu'elles veulent devenir mères. C'est,
lui répondit la dame, parce que ce
sont des bétes.Simile dictum Populiœ
Marci fdiœ , quœ miranti cuidam
•puid esset quapropler aliœ besliœ nun-
qu'am marem desiderarent nisi cùm
i>rœgnanles v elle nt fier i , respondit :
bestiae enim sunt (9). N'était-ce pas
rompre bras et jambes à l'admirateur?
Voilà pour le premier inconvénient.
L'autre n'est pas moindre; car enûn fourmi ?
un homme qui- vous voudrez envoyer ■
à l'école des animaux pour y appren-
dre son devoir, vous dira qu'il ne de-
mande pas mieux. J'y apprendrai .
vous dira-t-il, a soumettre le droit h
la force : un dogue plus fort qu'un
autre ne fera point scrupule de lui
''der sa portion. Qu'y a-l-il de plus or-
dinaire que de voir des chiens qui s'en-
trebattenl ? Les poulets ne s'entrebat-
tentils point à la vue de leur commu-
ne mère ? Les coqs ne s-1 acharnent-ils
pas si furieusement l un contre l'autre,
qu'il n'y a (juelquefois que la mort de
l'un qui fasse cesser le combat ? Les
pigeons , le symbole de la debonnai-
„not,s perierunt mortibus il]|
t>uos veneiem 1
t incertain rapientes moue FERi-
Viribus editior caxlebat ut in grege Tm-
HDS (io).
Illi alternantes multâ vi pra;lia miscent
Vulneribuserebris : lavit „t,r corpor. sanguis,
Versaque in obnixns nrgentur cornua vaslo
Cura gemitu : reboant silvxque et magnu s
Olympus :
Nec mos bellantes uni stabulare , sed aller
Victns abit, iom;èque ignotis exulat oris
Multa gemens , ignominiam plagasqiic superbi
Victons , tum quos amisit inultus auioics
Et stabula aspectans regnis excessit avilis (11).
iV 'apprenti 'rai-je pas à l'école où vous
m'envoyez la barbarie la plus dénatu-
rée ? S'y a-t-il pas des bêtes qui dé-
vorent leurs petits ? N'y apprendrai-
je pas l'inceste?
... Sed enim damnare negatur
liane Veneiem pielas, eoëuutque animalia
nullo
Caîtera dilectu , nec liabctur turpe juvenca;
Ferre patrem tergo : fit equo sua fîlia conjux,
Quasque creavit init pecudes caper, ipsaqué
cujus
Semine concepta est ex illo concipit aies.
Felices quibus ista licent : liuroana malignas
Cura dédit leges , et quod natura remittit
Invida jura negant (12J
N'y apprendrai-je pas à m' accommo-
der de tout ce qui sera a ma portée ,
pour faire mes provisions comme la
Sicut
nam rxemplo est magni formica la-
noris ;
Ore trahit quodeunque potest atque addit
acervo
Quem struit, haud ignara ac non incauta fulu-
ri (i3).
Ne m'y délivrerai-je de la dure servi-
tude qui fait gémir tant de gens, et
qui leur arrache ces complaintes si
douloureuses ?
Que votre bonbeur est extrême,
Cruels lions , sauvages ours
Vous qui n'avez dans vos amours
D'autre rè^le que l'amour même !
Que j'envie un semblable sort !
Et que nous sommes malheureuses ,
Nous , de qui les lois rigoureuses
Punissent l'amour par la mort (l4) 1
(7) Voye: Ménagiana , pag. 3*3 de la pre-
mière édition de Hollande.
(8) Vervecum in patrid , crassoquf sub aire
nasci.
Juvenal. Salir. X, vs. 5o.
(ç,) Macrob. Saturnal. , lib. Il, chap. V in
fine .
(10) Horat. , Salir. III, lib. I. vs. 108
(11; Virgil., Géorgie. , lib. III, vs 210.
(1-2) Mirrha apud Ovidium, Metam . l,b. X,
vs. i-i'i.
(il) Horat., Satirâ I, t,l> I , vs. 32.
04.) Cet vers sont du Paslor Fido, selon ,r
versiçn de la comtesse de !a S me.
,oo BARBERIN.
On ne saurait donc disconvenir que dit-il (i5) , n'est qu'une grosse bêle -,
l'exemple qu'on peut trouver de tou- mais la plus digne qui vive sur la ler-
ies sortes de dére'glemens dans l'école re , et qui a le plus de sens. Je vous
des bêtes brutes , n'affaiblisse un peu veux dire un mot de son honnêteté :
les moralités dont j'ai parlé au com- il ne change jamais de femelle , il
mencement de cette remarque ; car aime tendrement celle qu'il a choisie ,
■puisque selon la théologie toutes les avec laquelle néanmoins il n'habite
bêtes sont exemptes de péché , on ne que de trois en trois ans , et cela pour
peut pas dire qu'en punition de quel- cinq jours seulement , et si secrètement
que faute les unes sont tombées dans
le désordre , et qu'en récompense de
auelque bonne œuvre les autres sont
emeurées dans l'ordre. Ainsi tout ce
qu'elles font est également réglé , et
quand on vous demandera , comme
lit la veuve de Sigismond , pourquoi
voulez-vous que j'imite la tourterelle ,
plutôt que la colombe ou que le moi-
neau ? vous n'aurez rien de bon à ré-
pondre , à moins que de consulter les
i'ondemens de morale que vous seriez
obligé de consulter , si vous ne vous
serviez point de l'exemple de la tour-
terelle. Que répondrait M. Despréaux
à un sophiste , qui lui soutiendrait
que jamais il nest vu en cet acte ; mais
il est bien vu pourtant le sixième jour,
auquel avant toutes choses il va droit
à quelque rivière , en laquelle il se
lave entièrement tout le corps , sans
vouloir aucunement retourner au trou-
peau , qu'il ne se soit auparavant pu-
rifié. Ne sont-ce pas de belles et hon-
nêtes humeurs d'un tel animal , par
lesquelles il invite les mariés à ne
point demeurer engagés d'affection
aux sensualités et voluptés , que selon
leur vocation ils auront exercées , mais
icelles passées de s'en laver le cœur et
V affection , et de s'en purifier au plus
tôt , pour par après avec toute liberté
que sa biche en rut est une très-fausse d'esprit pratiquer les autres actions
comparaison ? car alîn qu'elle fût plus pures et plus relevées , etc. Cl
bonne , il faudrait que cette espèce de qu'il dit de l'éléphant est pris d'Aris-
bête se pût trouver dans le cas où sont tote(i6), de Pline (17), et d'Eiien
les femmes qui ont mis en justice un
homme pour cause d'impuissance.
Or une biche se peut-elle trouver dans
le cas? Engage- t-elle sa foi à un seul
cerf? Si l'un lui manque , n'en trouve
(18). Claude Despense, dans son traité
de l'Etat de Viduité , où il parle de la
Monogamie, avait déjà remarqué cela
de l'éléphant , et l'avait donné-, avec
la tourterelle , pour des exemples in-
t elle pas d'autres? L'invective et la signes de pudeur et de chasteté , aux
piquante censure de M. Despréaux se- personnes chrétiennes,
rait bien fondée dans un pays où les
lois du mariage seraient inconnues ;
mais on est bien assuré qu'eu un tel
pays les hommes ne seraient pas plus
exposés que les cerfs à un procès d'im-
puissance, et que personne ne se ver-
rait condamné au congrès par arrêt
du parlement.
(i5) Introduction à la Vie dévote, pari. III,
chap. XXXIX, de l'Honnêteté dn lit nuptial.
(16) Arist. , Hist. Animal., lib. V, cap. XV.
(17) Plin., lib. VIII, cap. V.
(18) jElian. , Historia Animal. , lib. VIII,
cap. XVII.
BARBERIN (François), l'un
Ce que je viens de dire ne n'empê- des bons poètes de son temps
che pas de croire que les moralités naquit l'an 1264, à Barberino ,
dont il s'agit sont très- propres a_tou- An^a |a TrtC#.orio fw.™ c, rr,i>r«
cher la plupart des gens. Je ne blâme
donc pas François de Sales , qui a pro-
posé l'éléphant pour un exemple
d'honnêteté , et je condamne la ré-
dans la Toscane. Comme sa mère
était de Florence, il fut s'établir
dans cette ville , oii la profession
de jurisconsulte, mais surtout la
ponse de l'impératrice Barbe Ily au- } , d poésies ]e firent
1 ait mille choses a débiter sur ce su]et. A r ,'
Les actions des bêtes sont peut-être extrêmement considérer. Un a
un des plus profonds abîmes sur quoi perdu la plupart de ses ouvrages,
notre raison se puisse exercer , et je Celui qui avait pour titre Les
suis surpris que si peu de gens s en
aperçoivent. Mais rapportons les pa-
roles de François de Sales. L'éléphant,
Enseignemens d'Amour (A) , a
eu une meilleure destinée. Il sor-
BARCLAI. ioj
lit de dessous la presse à Rome , pas d'aller étudier en droit à
orné de belles figures, l'an 1640.
Ce fut par les soins de Frédéric
Ubaldini , qui prit cela pour un
bon moyen de faire sa cour aux
puissances ; car la maison Barbe-
lîourges. Quelque temps après ,.
il s'y fit recevoir docteur (B) ; et
comme il avaitbeaucoupd'esprit,
et qu'il s'appliquait extrêmement
à l'étude , il se rendit bientôt
rin, descendue de ce poète, jouis- capable de régenter dansledroit.
sait alors de la papauté. II mit à Le jésuite Edmond Hay , son on-
la tète de cet ouvrage la vie de cle , lui procura une profession
l'auteur , quelques éloges ; et , en cette science dans l'université
comme il y a dans ces vers plu- de Pont-à-Mousson,par le crédit
sieurs mots qui ne sont plus en qu'il avait auprès du duc de Lor-
usage , il y Joignit un glossaire , raine, qui avait fondé depuis peu
cette académie. Ce duc ne se con-
tenta pas de conférer à Bardai
la première chaire, il le fit outre
cela conseiller dans ses conseils,
et maître des requêtes dans son
hôtel. Bardai épousa, en i58?.
(b), une demoiselle lorraine (c)t
avait pour litre les Enseignemens dont il eut un fils qui devint un
d'Amour. ] Cela est e'quivoque : *
on se pourrait figurer que ce poè-
me est une école de coquetterie ,
comme ceux d'Ovide de Arte aman-
di ; mais on se tromperait fort : il
n'y a rien de plus moral que ce poème
de Barberin. Il ne contient que des
règles qui apprennent leur devoir à
ceux qui aiment la gloire , la vertu ,
et l'éternité (1).
(1 Journal de Leipsick., pag. 3^9 au ltT.
tome des Supplément.
qui les explique, et qui en éclair
cit , ou prouve le sens par l'auto-
rité des poètes contemporains (a).
(a) Tiré du Journal de Lcipsick , à la sec-
lion Vil du l". tome des Supple'niens ,
(A) On a conservé son poème qui
BARCLAI (Guillaume) , sa-
vant jurisconsulte au XVIe. siè-
cle, était d'Aberdeen en Ecosse,
et d'une très-bonne maison (A).
Quoiqu'il eût été en faveur au-
près de la reine Marie Stuart, il
ne put pas faire aucune fortune
à la cour du roi d'Ecosse , fils de
cette princesse. Cela le fit ré-
soudre à se retirer en France ,
l'an i5y3 (a) ; et quoiqu'il eût
près de trente ans * , il ne laissa
(a) La Vie de Jean Bardai, au-devant de
t'Argenis, met l'an îjjl-
* Dardai n'avait, dit Lederc , que vingt-
sept ans eu i5;3 ; et ce fut eu i57i qu'il se
homme illustre, et qui fut la
cause innocente que son père se
brouilla avec les jésuites. Ce jeune
homme avait tant d'esprit , qu'ils
firent tout ce qu'ils purent pour
le faire entrer dans leur ordre.
Son père s'en fâcha , ils se fâchè-
rent à leur tour, et lui rendirent
tant de mauvais offices auprès du
duc, qu'ils l'obligèrent à sortir de
Lorraine. Il s'en alla à Londres
trouver le roi Jacques , qui lui
offrit une place dans son conseil ,
avec de fort bons appointemens ;
mais il refusa ces offres , à cause
de la condition qu'on y avait ap-
posée , c'est qu'il embrasserait la
religion anglicane. Il repassa en
France au commencement de
l'année 1604, et accepta la pro—
rendit à Bourges; car, ainsi que Bayle le
rapporte à la remarque (G) , il rut Donne.) j
pour professeur. Or, D.mueau quitta Bour-
ges en 1572.
b Voyez la remarque (A) de l'article-
suivant.
(c) Elle s'appelait .\nn» de Mallevillî,
io2 BARCLAI.
fession en droit, qui lui fut of- lettre écrite au duc de Lorraine. Le
/• . i> „«'^ J'À„M« traducteur italien de 1 Argents (5)
ferte par 1 université d Angers ^ cQnte que leg parens8de la de.
Il y régenta avec grand éclat (L.) moisene de Malleville ne voulurent
jusqu'à sa mort, qui arriva vers point consentir à son mariage avec
la fin de l'année i6o5 (D). Il fut Guillaume Bardai , avant que de voir
r j r „ / jv Ti ^„ des preuves de la noblesse don! on se
enterre aux Cordeliers {d). Il pu- ^^ R ajoute que ceb ne fut fa_
bha quelques livres (h) , et un , cheux à Bardai , qu'à cause de l'im-
entre autres , oii il réfuta des au- patience amoureuse qui le transpor-
teurs qui , quoique de différente tait, car il lui fallait attendre l'arrivée
1 7-11. „!„„>„„ d un certificat , avant que de goûter
religion , ne laissaient pas de s ac- ^ plaigirs de i^ouissa^ce. Les parens
corder en faveur de la religion je /a ieue j poursuit-il , n'eurent pas
sur les maximes républicaines(F). plus tôt aperçu cette attestation royale,
Il avait de l'aversion pour les cal- 9«'& fu> entres premiers à hâter la
. . ,n, r . conclusion. On ne peut qu être eton-
vinistes (G) , et apparemment né ^ quand on U| ces choses dans ,a
l'état où il voyait sa patrie , qu'il même page où est le certificat du roi
avait quittée pour la catlioli- d'Ecosse , car ce prince déclare ex-
cité (e) , entretint cet esprit d'ai
greur.
(rf) Tire de M. Ménage , Remarques sur
U vie de Pierre Ayrault , pag. 228 et sui-
vantes.
(e) Quas (Jitteras) cum idem Guillelmus
inderet unà cum avitd religione sordesceie ,
principem verb suam marcescere in infamis
carccris situ , dolore confeclus migravit an-
no 1671 Luteliam. "Vita Jo. Barclaii.
(A) Il était d'une très-bonne mai-
son. ] Savoir de celle de Bardai , qui
est alliée à toutes les grandes mai-
sons d'Ecosse , comme il paraît par
une patente du roi Jacques, imprimée
au-devant de l'Argenis. Je me sers du
mot de patente , parce que ce n'est
nas mie simple lettre écrite au duc de
* . ni m.' ~„~ !'„,.„„».„
pressément que Bardai avait déjà une
femme (4) : et cela est d'ailleurs cer-
tain par la date de l'attestation (5).
Cette date est postérieure de plus d'uu
mois à la naissance de Jean Bardai
fils de Guillaume et de la demoiselle
de Malleville. Voilà comment l'amou-
reux Guillaume Bardai se voyait ré-
duit au retardement de sa joie , par
l'attente d'un certificat. L'auteur de
la vie latine de Jean Bardai était dans
la même erreur : l'attestation , selon
lui , fut demandée , afin qu'on se pût
produire sous le titre d'un homme de
qualité aux yeux de l'épouse future.
Cum Anna de Mallavilld contractu-
rusnuptias ex Scotid regias litterasac-
cersivit , quibus ingenuœ nobililatis
litulos Juturœ sponsœ approbaret.
(B) // étudia en droit h Bourges.
lias mi»- »*»—£•—■ ^
Lorraine , comme M. Ménage 1 assure et &, ^ rece%>oir docteur. ] Cujas pré-
(1), mais une lettre scellée du grand gi(ja à cfit acte ^ 0n a débité un
sceau du royaume , et adressée à tout
le monde par ces paroles de torniu
laire , A tous ceux qui ces présentes
verront , salut. M. Ménage est fort ex-
cusable dans sa méprise 5 mais celui
qui a fait mettre à l'attestation du roi
Jacques cette souscription , Epistola
Jacobi , Scotiœ régis , Carolo Lotha-
ringice duci , est un trompeur ou un
ignorant , qu'on ne saurait excuser,
ifa au lire cet écrit , puisqu'il l'a fait
imprimer à la tête d'un ouvrage (2) :
or il n'a pu y trouver de ligne qui ne
lui montrât que ce n'était point une
(1) Ménage, remarques sur la Vie d' Ayrault ,
pag. îî8.
(2) // <?.if imprimé au-devant de (Argems.
grand mensonge quand on a dit que
le mariage de Bardai n'interrompit
point ses études , et que les ayant
continuées depuis ses noces , il devint
d'écolier docteur, et de docteur pro-
fesseur en droit. Le quali ( nozze ) non
rompendo il bel fila de gli studii di
lui , successe che di scolare eh' egli
era , passato al grado del dotloralo ,
(S) Il s'appelle Francesco Pona : il a faa la
Vie de Jean Bardai , el l'a mise à la tête de sa
version de /'Argenis.
(4) In Lolharingid consedisse ibique affini-
tatem génère moribusque suis non indignam
conlraxisse.
(5) Le 19 de mars i5S2. Moréri la met au 28.
(6) Ménage, remarques sur la Vie rl'Ayrault ,
pag. 2^.9.
BARCLAI.
Jtu
io3
riceve una ieltura principale di Leg- Jurejurando. Il le publia à Paris , Tan
S* ("])• i6o5. Mais les deux ouvrages qui ont
(C) // régenta a Angers avec grand le plus fait parler de lui sont le Traite
éclat.'] « Lorsqu'il allait faire sa leçon,
» il était suivi de son iils et de deux
h valets , et vêtu d'une robe magni-
i> tique , avec une grosse chaîne d'or
*> au cou (8). »
(D) // mourut vers la fin de l'année
i6o5. ] M. Moréri , trompé par Ni-
cius Erythneus et par d'autres , a mis
l'année 1609 au lieu de l'année i6o5.
11 croyait avec raison que notre Bar-
dai alla régenter le droit à Angers en
de la Puissance du Pape , et le Traité
de la Puissance des Rois. Le premier
a pour titre, de Potestate Papœ , an
et quatenùs in Reges et Principes se-
cularesjus et imperium habeal ; le se-
cond est intitulé , de Regno et regali
Potestate , advenus Buchananum ,
Brulum j Boucherium , et reliquos
Monarchomachos. 11 publia ce<b>rnier
ouvrage à Paris , en l'année 1600 , et
le dédia à Henri IV. L'autre n'est sorti
1604 , et if trouva dans Nicius Ery- de dessous la presse qu'après la mort
thrœus que ce professeur vécut cinq "f l'auteur , qui n'avait pas même osé
ans depuis la prise de possession. Ab témoigner qu'il y travaillât. Et qui
Andibus oplimis conditionibus evoca
lur , ut in ipsnrunt gymnasio prima
riant juris civdis cathedram obtineret,
ubi cùm jarn quinquennium docuisset
est mortuus (9). 11 était aisé de con-
clure qu'il ne mourut qu'environ l'an
1609. Mais l'auteur italien se trompe ,
puis qu'outre l'autorité de M. Ménage
je puis alléguer cette raison : Guillau-
me Bardai était mort avant que les
difi'érens de Paul V et des Vénitiens
fussent assoupis. Accendebanl homi-
nem et pietate et jam senectd liberio-
rem illœ turbœ quas multi ominaban-
tur, cùm ponlifex in Anglum f^enetos-
que districtus , illum quidem jam a
sacris nostris alienum acerbare, nos au-
lem alienare videbatur. Sed tant pium
conatum intercepit J'elix et in Chrislo
obitus. C'est ainsi qu'on parle dans la
dent de Regno libros quibus popula-
rem ambitum exagitabat nullâ dissi-
mulatione conscripsit. Sed hoc opus
(de Potestate Papae) secrelo aggressus
est , cùm tune aliquid ponlifici negars
hœresis censeretur (12). 11 entreprit
ces deux ouvrages lors qu'il vit. les
désordres de la ligue , les sujets en
armes contre leur roi , et les posses-
seurs légitimes de la couronne décla-
rés déchus de leur trône par des bulles
papales. La Lorraine, où il était avan-
tageusement établi , fut entraînée par
ce torrent : elle approuva la révolte
des sujets , et les attentats de la cour
de Rome sur le temporel des princes.
Il ne laissa pas de demeurer ferme
dans ses principes : aussi les avait-il
appris en bonne école ; car il ne faut
point douterque les séditions desLcos-
préface du livre de Potestate Papœ s?is n eussent _ été à cet égard son prin-
(10 . Les différens du pape et de la cipal catéchisme. Rien n'est plus pro -
république de Venise fuient terminés Pre à faire haïr les maximes républi-
caines que de voir qu'elles ont pro-
duit des troubles qui ont aboli la re-
ligion que l'on croit la véritable , et
renversé du trône une reine de la-
quelle on était aimé. Quoi qu'il en soit,
le professeur de Pont-àMousson témoi-
gna une fermeté peu ordinaire. La plu-
part des gens changent de principes
à mesure qu'ils changent de pays et
d'intérêts : pour lui , au milieu de la
Lorraine , il persévéra dans les maxi-
qu'il avait eues en Ecosse, quoique la
l'an 1607. ^e sieur Witte , trompé
peut-être par le seul Moréri , a mis la
mort de Bardai à l'an 1609 (11).
(E) Il publia quelques livres. ] En-
tre autres Prœmelia sur la vie d'Agri-
cola , et un Commentaire sur le titre
des Pandectes de Rébus creditis et de
(7) Francesco Pona , dans la Vie de Barclai ,
au-devant de la traduction italienne de l'Ar-
5enis.
(8) Ménage, remarques sur la Vie de Pierre
Ayrault , pag. 23i.
(9) Xic. Eryibr. Pinacoth. Iti . pag. 76. Paul situationdas affaires fût bien changée
Freher, Theatri pag- i5i5 , fait durer cinq L'autorité du peuple élevée sur la puis
ans la profession : il cite Imperialis et Tlioma-
(10) .1/. Ménage aUribue ceUe préface h Jean
Barclai Jils de Guillaume. Voyez la page 22S
de ses remarques sur la Vie d'Avrault.
peuple eieyeesuria puis-
sance royale servait en Ecosse à la rui-
ne du papisme , et en France à la
ruine des protestans. M'importe , Bar-
(ïl) Wnte, in append.ee Diani biograpnici. (ta) /„ pra-fat. operw de Potest. Pap«
io4 BARCLAI.
claine changea point d'avis : il l'avait BARCLAI (Jean), fils du pré-
trouvée injuste en Ecosse, où elle cèdent, naquit à Pont-à-Mousson
était contraire a la religion catholi- . o j • • m, , AN T
que , il ne la trouva pas moins injuste |e 2" "e JanVier iooj (Aj. Les
en France, où elle faisait un grand jésuites de cette ville, SOUS les-
bien à cette même religion. 11 est rare
de voir cette fermeté' dans un docteur;
mais, à chaque pas , on trouve des
gens dont les principes vont comme
les girouettes. J'ai dit que Barclai n'osa
pas même témoigner qu'il écrivait
•'ontre les maximes des ultramon-
tains : cela ne doit s'entendre que du
temps que dura la ligue ; car lors-
qu'elle eut e'té dissipe'e , il ne lit plus
mystère de son ouvrage ; il le donna
à l'imprimeur , et le dédia à Clément
VIII (i3). Mais il le retira de l'impri-
merie , et le garda près de dix ans ,
pendant lesquels il y ajouta plusieurs
choses , et en retrancha encore plus,
il se hâtait d'achever à la vue des
brouilleries
ape et le
quels il étudia, furent tellement
charmés de la beauté de son esprit,
qu'ils firent tous leurs efforts
pour l'attirer dans leur compa-
gnie. J'ai déjà dit que cela fut
cause que son père s'en alla trou-
ver le roi Jacques, qui était par-
venu depuis j>eu à la couronne
d'Angleterre. Il mena son fils
avec lui , son fils , dis-je , déjà
auteur (B), et tout prêt à faire
éclore de nouveaux ouvrages ;
car il avait publié un Corn—
. men taire sur la Thébaide de
s que Ion craignait entre le _
s Vénitiens ; mais la mort àtaceen iboi (a), et il publia un
l'empêcha de mettre la dernière main poëme latin sur le couronnement
à son ouvrage (i4
(F) // réfuta des auteurs qui, quoi-
que de différente religion , ne lais-
saient pas de s'accorder enjaveur de
ta religion sur les maximes républi-
caines. ] Il réfuta deux protestans ,
l'uchanan et Hubert Languet ; il ré-
futa aussi Boucher , l'un des curés de
Taris , et très-violent ligueur. Celui-ci
soumettait au peuple l'autorité sou
du roi Jacques , et la première
partie de V Euphormion , en l'an-
née i6o3. Ces deux pièces plurent
beaucoup à sa majesté britan-
nique , qui aimait et qui enten-
dait les sciences. Jean Barclai lui
dédia ce commencement de l'Eu-
phormion. Il repassa en France
veraine, pour le bien de la catholi- avec son père, qui ne voulut point
cité ; ceux-là faisaient la même chose, je laisser auprès du roi Jacques ,
pour le bien du protestantisme. Ils
étaient donc tous trois réunis dans
la thèse générale, et tous trois adver-
saires de Barclai.
(G) Il eut de l'aversion pour les
calvinistes.] Cela paraît par ses écrits.
Lisez ces paroles de M. Ménage : « Il
» élait grand ennemi des calvinistes
}> et des luthériens. Dans son com-
j> men taire sur le titre au Digeste de
■» Rébus creditis , il dit en parlant de
» Doneau, docteur régent en droit
» en l'université de Bourges : Hugo
■> Donellus , unus ex prœceptoribus
a meis,vir civilis, disciplina; peritus ;
» sed malus , quia hœreticus calvi-
» ',:'./ (i5j. »
(i3) Vide Prcefal. opeiis de Potest. Papa.'.
(i4) Ibidem.
(15) Ménase, remarques sur la Vie ;'.c Pierre
Ayvaolt, p,(g. ;?.;).
de peur que ce prince , qui avait
tant souhaité de le retenir , ne
l'engageât à l'abjuration de la foi
romaine. Il demeura à Angers
jusqu'à la mort de son père,
puis il s'en alla à Paris , et y prit
femme (C), et passa bientôt à
Londres. Il y était dès l'an-
née 1606, et ce fut alors qu'il
fit connaissance avec M. de Pei—
resc. Il avait publié depuis peu
l'Histoire de la Fougade d'An-
gleterre. C'est un écrit de six
feuillets (b) , qui fut imprimé à
(a1 II fui imprimé à Pont-à-Mousson, et dé-
dié à Chartes III du nom , duc de Lor-
rtiine.
Ij Intitulé ■. Séries palefacli diviuitùs Par-
BARCLAI.
Amsterdam. Il publia à Londrps, coup de succès
en 1610 (c) V Apologie de VEu-
phormion, et le traité de son
père de Potestate Papœ (D). Il
fit imprimer à Paris en 161 2 ,
un livre qu'il intitula Pietas(lL).
C'est une réponse au cardinal
io5
les autres ont
eu quantité d'admirateurs (K) ,
et n'ont pas manqué de cen-
seurs (L). Pour ce qui est de la
fortune qu'il fit à Rome , on en
parle diversement. Les uns di-
sent que Maphée Barberin , qui
Bel larmin, qui avait écrit contre l'aimait beaucoup, ayant été
le livre de Guillaume Bardai créé pape , lui fit de grands
touchant le pouvoir du pape, biens, et conféra à son fils aîné
Deux ans après, il fit paraître un bon bénéfice , et la charge de
VIcon Animorum. Ce fut à Lon- camérier de sa sainteté (g); les
dres qu'il le publia. Il sortit de autres disent qu'il eut besoin de
cette ville l'an 16 16 , et s'en alla se plaire à la culture des fleurs ,
à Paris , ou il fut présenté à et que sans cela , il n'aurait pas
M. du Vair garde des sceaux , pu chasser le chagrin de se voir
par son bon ami M. dePeiresc. Il si peu avancé (h) (M). Ce qu'il y
alla ensuite à Rome, attiré par a de certain, est qu'il mourut
le pape Paul V, et y publia un avant que Maphée Barberin fùl
livre de controverse, intitulé élu pape. Il se mêlait de poésie,
Parœnesis ad Sectarios. Il reçut et plusieurs connaisseurs préten-
beaucoup d'honnêtetés du car- dent que les vers latins qu'on a
dinal Bellarmiu , quoiqu'il eut
écrit contre lui. Il mourut à
Rome, le 12 d'août 1621 (d),
pendant que son Argents s'im-
primait en France (e) (F). Son
corps fut porté en l'église Saint-
Onuphre sur le Janicule. Son
fils lui fit élever un tombeau de
inarbre à l'église de Saint-Lau-
rent sur le chemin de Tivoli (f).
Nous dirons dans les remarques
pourquoi la veuve fit ôter de là
le buste de son mari (G). Plu-
sieurs croient que Jean Bardai
fit profession en Angleterre de
de lui sont excellens (/). On a
parlé confusément de ses ouvra-
ges dans le Dictionnaire de Mo-
réri (N). Il retouchait son Eu-
phormion afin de le publier.
Il laissa V Histoire de la conquête
de Jérusalem (k) , et quelques
feuilles de YHistoire de l'Eu-
rope (l). On n'a point pu dire
qu'il fut envoyé en ambassade
par le roi Jacques à la cour de
l'empereur, à celle du roi de
Hongrie , et à celle du duc de
Savoie (0). Il ne dit rien de cela,
lorsqu'il fait la description de
la religion protestante (H) : il Fa la vie qu'il a menée auprès du roi
nié publiquement (I). Ses livres
de controverse n'ont pas eubeau-
ricidii in maximum regom rcçnurocTue
Britanniie cogitati et insttucti.
(c) y oyez la remarque D à lajln.
(d) Sur ta taille-douce au-devant de l'Ar-
tienis , 0/1 met le 12 d'avril.
1 1 irê des Remarques de M. Ménage sur
la Vie de P. Ayrault , pag. 2?S cl suivantes,
if) Nicius Erythrsus, Piuaco'h. ///,
pag. 80.
(g) Nicius Erylhraeus, Pinac. ///, p. 79.
(h) Imperialis et Tomasinus, apud Pau-
lum Freheruin , Theatri pag. l5i5.
vez Baille! . Jugement sur le> poe-
t.,. loin. IV, pag. i52 , et Pope-blount,
Censura Autorum , pag. 655-
(/) Ha lascialo dopo se l'/fistoria de Bel-
lo s.icro, cA*è la medcsïma c'/ia il Tasso can
tutu nelsuo Guffredo. Francesco Pona , dans
ta Vie de Jean IWclai
(/) Là même
To6
BARCLAI.
Jacques (m) , et tout ce que l'on Aberdeen (4). S'il s'est trompe sur le
lieu de la naissance, il ne s'est point
trompe' sur le temps, qui est , selon
lui, le 28 de janvier i582.0n a mis sur
pourrait présumer , ce me sem-
ble, serait que ce prince se servit
de lui pour envoyer aux souve-
rains quelques exemplaires du
livre qu'il composa sur leurs
communs intérêts, contre la pré-
tention de la cour de Rome.
On a traduit en français son
Euphormioti et son Argents (P).
(m) Barclaius, in prœfal.Parxnes. ad Sec-
tarios.
(A) Il naquit a Ponta-Mousson le
28 de janvier 1 583 ] J'ai suivi aveuglé-
ment M. Menace , mais je me réser-
vais la liberté de le redresser ici par
lui-même. Il rapporte dans la page 228 ans lorsqu'il fit Un Poème sur le cou-
ce qui sert de texte à cette remarque, ronnement du roi Jacques, c'est-à-
et puis dans la page 232 il assure que fore, en i6o3. Annum lum agebat
Jean Bardai décéda le 12 du mois Joannes (fecimum seplimum cùm de
d'août de l'année 11621 , âgé de trente regjs inauguraiione eleganlissimum
neuf ans et de six mois. 11 était donc carmen edidil , ma.rimo verborum sen-
ne les premiers mois de Tan i582. Ce- tentiarumque splendore illuminatum ;
la se confirme par un autre tait que gUOj lectum rex adeb probavit, ut
M. Ménage rapporte. Jean Bardai dé- etc_ (5^ Sur ce pied-là , il n'aurait eu
dia au roi d'Angleterre , en i6o3, la qUe quinze ans , lorsqu'en 1601 il pu-
première partie de 1 Euphormionp) , Dfia un Commentaire sur la Thébaide
et il déclare dans l'apologie de l'Eu- ,jc
la taille-douce de Jean Bardai , au-de-
vant de l'Argenis , qu'il est né le 28
de janvier 1682 + , et voilà comment
les graveurs nous trompent, aussi-
bien que les imprimeurs.
(B) // fut bientôt auteur. ] îvous
venons de voir qu'à l'âge de dix-
neuf ans il publia un Commentaire
sur Stace : il est donc digne d'être
inséré dans la seconde édition des
enfans célèbres , et il en serait en-
core plus digne , si son âge avait été
bien connu à Nicius Erythréus ; car ,
en ce cas-là , il aurait, été auteur à
quinze ans. En effet , Erythréus as-
sure que Bardai n'avait que dix-sept
phormion , qu'il n'avait que vingt et
un ans lorsqu'il fit imprimer cette
première partie (2). Un auteur qui
n"a que vingt ans et quelques mois ne
dit pas qu'il n'a que vingt et un ans ;
Stace. Comptons ici une nouvelle
méprise de cet auteur italien , conta-
gieuse pour M. Moréri , et tellement
contagieuse , qu'elle en a produit une
autre. M. Moréri ne s'est pas contenté
de dire que Bardai n'avait que dix-
il ne parle ainsi que lorsque sa vingt- sept ans lorsque le roi Jacques fut
deuxième année n'est pas avancée :
il fallait donc que Bardai eût pour le
moins vingt et un ans accomplis en
i6o3 ; il n'était donc pas né l'an
i583 , mais l'an i582; de sorte que
si son jour natal est le 28 de janvier ,
il faudra mettre le mariage de son
couronne, il a converti le poème im-
primé de cet auteur en une harangue
prononcée. Paul Freher met la nais-
sance de Jean Bardai à l'au i585 , et
le panégyrique sur le couronnement
à l'an dix-sept de son âge (6).
(C) // alla a Paris, et y prit fem-
père sous 1 an i58i , et non pas corn- me i „ j. e'pousa Louise Débonnaire ,
me a fait M. Ménage, sous 1 an i582. „ fllle de Micnel Débonnaire , tréso-
Tirez les mêmes conséquences de ce „ rier des ailles bandes , et d'Ur-
quil dit (3) que Bardai , en 1001 n sine Denisot. . . H passa ensuite en
n'ayant que dix-neuf ans, fat impri- „ Angieterre avec sa femme, où il
mer un Commentaire sur Stace. 11 re-
marque que celui qui a écrit la vie de
Jean Bardai , imprimée au-devant de
l'Argenis , s'est étrangement trompé
en disant que Jean Bardai était né à
: 1) Ménage , remarques sur la Vie de Pierre
Ayrault, pag. 22g.
(2) Là même, pag. 23i.
j 7« même , pag. 228 , 229.
(4) £à même, pag- 228.
* Leclerc ayant dit : « j'en ai une ou il y «
» i582 , » Joly se contente de dire : « j'en ai vu
une oit il y a i582. - La faute peut avoir été
corrigée sur des exemplaires et le 5 substitué
au 6.
(5) Nicius Erythrjeus , Pinacotbeca lit ,
pag. 76.
t'6) Frelieri TueaUum, pag. i5i5.
SARCLAT. io:
j) eut d'elle deux garçons et une fille (D) Il fit, imprimer le traité de son
» (7). » Il ne se maria point à Rome, père dePotestatePapœ.] L'impression
M. Moréri , qui le débite, n'a point de ce livre lui fit perdre , si nous en
entendu son Nicius Erythréus , qui
pouvait lui apprendre si aisément que
Barclai s'évada d'Angleterre avec sa
femme et son fils , et se retira à Rome ,
où sa femme lui donna encore un
fils, lbi Barcolaius ex uxore quant
lutbcbat masculam prolem suscepit.
Sed aliquanto post clam ex An-
glia' un'a cum uxore et filio se fugd
surripuit , ac Romam venit. ■ ■ . (8).
Rorwe novam ex uxore sud masculam
prolem accepit , ac cive uno urbem
nos tram auxit (9). Maphée Barberin ,
qui depuis a été le pape Urbain VIII ,
fut le parrain de ce nouveau fils de
notre Barclai (10). On ne croirait, ja-
mais , en lisant ces paroles d'Éry-
thréus , que la femme de Barclai n'al-
la à Rome que quatre ans après son
mari : cependant M. Gassendi assure
que cela est vrai. Lisez l'endroit où il
raconte les bons offices que M. de
Peiresc rendit au mari en l'année
1616, et à la femme et au fils en l'an
1620. Prœterea fuisse Peireshio non
minorent circa Barclaii uxorem, fi-
lium , et Jo. Ludovicum Debonœrum
uxoris germanum , cùm quarto post
anno pmjecti Romam ad illum sunt
(n). Si M. Ménage avait bien pesé
ces paroles de Gassendi, il n'aurait
point dit que Barclai alla à Rome l'an
1617, et que sa femme, son fils et
son beau -frère l'y furent joindre l'an
1619 (ia). Il ajoute que le fils de
Barclai vint à Paris avec sa mère l'an
i652 , que ce n'était pas un grand
personnage , qu'il faisait des vers la-
tins , et qu'il fit imprimer en ce
temps-là , à Paris , une élégie latine.
Erythréus parle de la veuve de Bar-
clai comme d'une femme présomp-
tueuse et fière. Voyez ci-dessous la
remarque (G). Dans la Vie latine de
Jean Barclai on dit faussement qu'il
se maria avec Louise Débonnaire
après avoir été employé en diverses
ambassades par le roi Jacques.
(-) Ménage , remarques sur la Vie d'Ajrault ,
pag. a3o.
(8> \icius Ervthrajus, Pinacoth. III, pag. 77.
fçi) Ibidem , pag. -n.
(10) Ibidem.
(11) Gassendi, in Yltâ Peireslcii, ad ann. 1616,
pag. ?83. y~orez aussi pag. 388.
(ia) .Ménage, remarques sur U Vie de P.
*' r lllt , pag. ?3l , 1S2.
croyons M. Ménage (i3), une partie
de la bonne volonté que le roi d'An-
gleterre avait pour lui. Je ne sautais
comprendre d'où cela pourrait être
venu , puisque c'est un livre qui rem-
barre fortement les prétentions des
ultramontains , et les raisons de Bel-
larmin nommément , et où l'indépen-
dance des rois est vigoureusement
soutenue. Pouvait-on rien écrire qui
dût être plus agréable au roi Jacques ?
Je conjecture que le latin de Gassendi
(i4' a fait illusion à M. Ménage; et cela
nous montre de plus en plus combien
il est malaisé d'écrire en latin bien
clairement. Quaud on y regarde de
près, on comprend que cet auteur
n'affirme pas que le livre de la Puis-
sance du Pape ait refroidi le roi
Jacques ; mais on peut se l'imaginer,
si l'on n'emploie pas quelque sorte
d'attention. Les jésuites ne crurent
pas que l'impression de ce livre eût
déplu au roi de la Grande-Bretagne ,
au contraire ils reprochèrent à Jean
Barclai de l'avoir mis sous la presse
avec l'agrément de ce prince, et avec
les corrections des théologiens d'An-
gleterre. Neque verb nisi ejus (régis)
nulu patris tui librum a britannici
evangelii ministris ad libidinem dejor-
malum , Londini typis excusum (i5).
Au reste , M. Ménage n'a pas bien mar-
qué l'année de l'impression. Cet ou-
vrage fut imprimé l'an 1609. La con-
grégation de Y index le condamna
cette même année par son décret du
9 de novembre.
(E) Il fit imprimer à Paris un livre
qu'il intitula Pietas. ] Pour donner
tout le titre , il faut ajouter : sive
publicœ pro regibus ac principibus ,
et privât ce pro Gui. Barclaio pa-
rente , Pmdiciœ contra Bellarminum.
La lettre d'Eudaemon Joannes , que
j'ai citée , témoigne que Barclai fit un
voyage à Paris pour l'impression de
cet ouvrage , et cela, afin de rendre
plus de service aux protestans d'An
(i3) Idtm, ihid.
(>4 Joannes Barclaius , qui post edilum de
summo ponlifice opus , nec jam solild apud re-
gem, suosque pollens gralid subdiucil sesr
ex AngUd. Gassendi V,u Peireslui, pag. 18a.
(i5) F.udxmon Joannes, Epist. monitoria ad
Je. Barclaium , num. i.
io8
gleterre , « car il crut , » disait - on,
» qu'il serait moins soupçonné d'iu-
■» telligence avec les ennemis de
» rÉglic« , s'il publiait cet ouvrage
x, hoiS de l'Angleterre. » Ac nunc
qjjoque non dissimili consilio te Lu-
tetiam è Britannid demi gras se , ut
cum et coram apud t'iros principes , et
scriptis apud cœterns , Ecclesiœ cau-
sant calumniis tuis traduceres , tamen
quanto majore locorum inlervallo ab
rege disjungereris , hoc longiùs abes-
ses à suspicione fraudis (16). Voilà
une des plus fines et des plus ordi-
naires touches de I'Odium Theologi-
cum. Ceux qui ne savent comment ré-
pondre aux objections qu'on propose
contre la commune traditive , s'a-
charnent sur les personnes qui pro-
posent ces objections : ils disent que
ce sont autant d'ennemis cachés qui
s'entendent avec les adversaires , et
qui ne retiennent la profession exté-
rieure de l'orthodoxie , qu'afin de
pouvoir porter des coups bien plus
dangereux.
(F) // mourut pendant que
son Argenis s'imprimait en France. ]
M. de Peiresc ,son bon ami , auquel il
BARCLAI.
l'auteur au-devant du livre , avec un
distique qu'il pria Grotius d'y joindre
(19). Voici ce distique.
Génie Caledonius , Gallus nalalibus', hic est
Romain romano qui docel ore lu, /m.
(G) Voici pourquoi sa veuve fit oter
de l'église de Saint-Laurent le buste
de son mari. ] Le tombeau de Jean
Bardai était à la porte du cimetière,
vis-à-vis d'un autre tombeau que le
cardinal François Barberin avait fait
faire à Bernard-Guillaume son pré-
cepteur. Les deux tombeaux étaient
semblables en toutes choses. La veuve
de Jean Barclai , choquée d'une si
grande ressemblance , eût voulu dé-
truire le tombeau de son mari , et ne
le pouvant point faire , elle en fit du
moins ôter le buste qui étaitde marbre,
et le fit porter en sou lo gis. Sa fierté ne
put souffrir que son mari , illustre par
sa naissance, et plus encore par son
esprit et par son érudition , fût mis là
en parallèle avec un chétif pédagogue.
Quod uxor Barclaii mulier tumido ,
ut ajebant , animo atque elato , cum
vidisset , stalim vin sut imaginent ex
sepulchro Mo , quod totum démolir/
nonposset, delrahi jussit ac domum
avait envoyé le manuscrit, eut soin suam ajrerri . qu?>d acciperet indigné ,
de lui trouver un imprimeur à Pans mm £. ■ nupta fuisset , gemris
(17). Sachons donc que la première sp[endore clarum , Sed ingenii et eru-
dilionis famâ clariorem, cum homine
obscuro, ac nulliusferè ingenii , et ut
ipsa dicebat , pœdagogo , compo-
ni (20).
(H) Plusieurs croient que Jean
Barclai fit profession en Angleterre
de la religion protestante. ) Le jésuite
Ludœraon Joannes lui reproche que ,
pendant qu'il avait vécu à la cour du
roi d'Angleterre, il avait été, ou héré-
tique , ou tenu pour hérétique. Il
ajoute qu'on disait que ce prince se
servit de lui pour mettre en latin sa
préface touchant le serment de fidé-
lité , et pour la porter aux princes.
JYam te quidem aliquot annis in aulâ
régis ita versatumferunt, uthœreticus
aut plané esses , aut haberere quidem
certè. Cui nonnullam etiam latine red-
dendd , deferenddque ad principes
prœfatione ejus m'onitoriâ operam abs
te navatam memorant (21), Erythréus
édition de ce fameux livre est celle de
Paris , en 1621. Il a été traduit en di-
verses langues , en français , en an-
glais , en italien , en flamand , etc.
Nicius Erythréus remarque que ce fut
pour satisfaire la curiosité des fem-
mes qu'on le mit en italien. Les
louanges qu'elles entendaient donner
à ce livre leur inspirèrent un désir
ardent de savoir ce qu'il contenait.
Eddem ingenii fecunditate peperit
egregium illud opus , Argenida no-
mine , quod et argumenti novitate et
verborum splendore , ac rerum varie-
taie , tantiim commendalionis habuit ,
ut mulierunt etiam quœ illud miris
in cœlum laudibus efferri audiebant,
ad cognoscendum quid illud afferret ,
sludia commoverit ; adeb ut quidam
quo animum Mis expleret , in iialicum
sermonemillud converteril (18). M. de
Peiresc fit mettre la taille-douce de
(16} Eudaemon Joannes , Epist. moniloria ad
Jo. Barclaium, num. i.
(17) Gassendi Vita Peireskii , pag. 288, 290.
(18) Nicius EryUujeus , Pinac. III, pag-
(19) Gassendi, Vita Peireskii , pag. 290.
(20) Nicius Erytbrœus , Pinac. III , pag. 81.
(21) F.udœm. Joannes , Epistola monit. ad
Barclaium , nwn- I.
BÀfcCLÀI.
«"■osant pas dire positivement que
Bardai fut hérétique en Angleterre,
ou du moins qu'il fit profession de
l'hérésie , ne laisse pas d'assurer ,
comme l'opinion de tous les papistes
de ce pays-là , que le roi Jacques se
servit de la plume de Jean Bardai
pour la composition du livre qui a
pour titre , Funiculustriplex , et Cu-
mculus triplex. Voici comme il parle ,
Utrum auteni , apud regem , incorrup-
tam catholicam religionem semper
conservaient , vel sallem , si non ani-
ma , specie tenus hœreticorum se er-
roribus oblinierit , incertum est nuhi :
illud autein certum , calholicorum om-
nium in Angliâ fuisse opinionem , re-
gem illum in eo libro , cui titulus est ,
Funiculus triplex, et Cuniculus tri-
plex, componendo , usum fuisse Bar-
claio adjutore atque magistro (aa).
Personne , que je sache , n'a été plus
décisif sur cette question , que l'Im-
perialis. Il dit nettement que Bardai
embrassa la religion anglicaue, et
109
fession du catholicisme. Il déclare pu-
bliquement qu'il est né et qu'il a tou-
jours été catholique (25), et qu'encore
qu'il eût, une charge chez le roi Jac-
ques (26) , il n'assistait point aux
exercices de l'église anglicane, et ne
s'absentait point des assemblées des
catholiques. J'étais assidu , dit-il , a
ces dernières. Il prend à témoin les
ambassadeurs de France et d'Espa-
gne, et leurs pères confesseurs, qui
étaient aussi les miens, dit-il. Voici
quelque chose de plus fort. Il prend à
témoin le roi Jacques , dont il se vante
d'avoir obtenu le privilège de ne pou-
voir être inquiété sur sa religion ca-
tholique. Le roi Jacqui s était plein de
vie quand Bardai publia ces choses ,
les ambassadeurs qu'il prend à té-
moin n'étaient pas tous morts , com-
ment croire qu'il débite une fausseté ?
11 se justifie d'une autre chose dont on
l'accusait , c'est d'avoir été l'auteur ou
le fauteur d'un sanglant libelle qui
parut contre le roi Jacques, dès que
qu'ensuite il l'abjura ; mais qu'on fut lui , Bardai, fut sorti de l'Angleterre
si mal persuadé à Rome de la sincé
rite de sa conversion , que l'on fit
ôter après sa mort l'inscription et la
statue que son fils avait fait mettre
sur son tombeau (23). Paul Freher
attribue cela aux jésuites : Statuant et
mscriptionem quant ejus demortuiglo-
riœfilius in templo Sancti - Laurentii
extra muros erexerat , patres soc.
Jesu sublatam et delelam voluerunt
(a4). H est diflicile de savoir au vrai
ce qui en est. 11 se peut faire qu'on
trouva parmi ses papiers on ailleurs,
de quoi connaître qu'il était protes-
tant dans le fond de l'âme, et que
là-dessus on ordonna quelque peine
contre son tombeau. Il se peut faire
aussi que la seule vanité de sa femme
ait fait du désordre sur ce tombeau ,
et que cela ait donné lieu à des esprits
soupçonueux , et à ces fainéans com-
mentateurs des bruits de ville, de trou-
ver là du mystère, et une procédure
occulte du tribunal de l'inquisition.
(I) . . . Il ta nié publiquement. ] Il
faut renoncer aux maximes les plus
sûres selon lesquelles on juge des faits,
ou convenir que Jean Barclai ne re-
nonça point en Angleterre à la pro-
(22) Nie. Erythrseus , Pinac. III, pag. 77.
(23) Imperialis, in Musse, historiée
(34 Fieherus , in Theatro , pa$. i5i5. Il cite
Imperialis et Tomasin.
Enfin il déclare qu'il révoque certai-
nes doctrines qui sont dans le livre
qu'il avait écrit coufre le cardinal
Bellarmin. 11 n'oublie point de dire
qu'il était sorti avec bon congé. JVe-
que furtum mei feci : impetrald régis
pace publiée cum familid a Britan-
niœ ordsolt'i.
(K) Quelques-uns de ses livres ont
eu quantité d'admirateurs. ] Voyez
dans les livres de MM. Pope Blount
(27) et Baillet (28) , plusieurs beaux
éloges qui ont été donnés à Barclai.
Le plus grand, sans contredit, serait
celui-ci, eu égard à la qualité d'au-
teur. On a débité que le cardinal de
Richelieu ne cessait de lire l'Argenis,
et que c'était de ce livre qu'il tirait
les conseils et tous les expédiens poli-
tiques avec quoi il mil la Fiance dans
une si avantageuse situation. Ad im-
mortalilatem Bardait una sujfficict
(i5) In Prafat. Paisenesis ad sectarios. Ce
livre fut imprime' l'an 1617.
(26) In régit familid etse inter domesti-
cos. Erytliréus dilque le roi le fil son secrétaire;
ab Epistolia , el consilioriira omnium part" iptra
babait. Freber qui cite Imperialis et Tornuin,
<lu que ta charge était celle de gentilhomme de
la Chambre , titulo nobilis cobicnJi regii ho-
nestalus.
{27) Censura Authorum, pag. 655.
(28) Jugerccas sur les Poules, lom IK,
p"o- ifc.
110 BARCLAI.
•Hius Argents, quam Richelœus cevi » il a ë
nostri miraculum assiduis, ut aiunt
(29) , versabat manibus , habebatque
quasi prœcepliicem ac directricem il-
lius regiminis quo deinceps Galliam
venerabilem juxtà terribiletnque gen-
libus cœteris j'ecit (3o).
(L) et n'ont pas manqué de cen-
seurs. ] Nous avons vu le distique que
.„ remarque , Jeau Bardai
3> n'avait que vingt-un ans, quand il
» fit imprimer la première partie de
» cette satire. Son Argenis , qui a été
» écrite dans un âge plus avancé , est
» mieux écrite ; et si on en croit celui
» qui a écrit la vie de Jean Bardai ,
>. imprimée au-devant de PArgems ,
le cardinal de Richelieu estimait
Grotius composa pour être mis sous le » extraordinairement cet ouvrage. Il
portrait de Bardai (3i). C'est nu » me reste à remarquer qu'un reli-
» gieux bénédictin , nommé Bugnot ,
grand éloge du style latin de cet au-
teur. Tout le monde n'a point ap-
prouvé ce style. « L'auteur anonyme
» du livre intitulé Censura Euphor-
» mionis , imprimé à Paris en 1620 ,
» parle du style de FEuphormion en
» ces termes : Et quod miretur aliquis,
j> latinllas quoque ipsa romanas aures
» peregrinilale radit, et veteris sapo-
» ris imbutum palatum offéndit. On
» croit , pour le marquer ici en pas-
» sant, que Seton, Ecossais, est lau-
» teur de ce petit livre- Joseph Scah-
» qui régentait la rhétorique dans
» Fabbaye de Tiron , a fait des notes
» latines sur cet ouvrage. Ces notes
» ont été imprimées à Leyden, en
» 16^4 , avec l'Argenis (34). »
C'est la moisson du savant M. Mé-
nage : voyons si l'on pourra trouver
des glanures après lui, et commen-
çons par ces paroles de Balzac : Un
académicien de Rome , confident , et ,
comme il parlait , intrinsèque du re-
doutable Sciopius , sachant l'amitié
» teur de ce peui "vie- jua«.i»" ""«" aouiaute uci«p» , ■>««-'««<"• «■ "»""~
» ger, dans une de ses lettres à Charles qUi etaj( entre M. Bardai et moi, et
» Labbé , qui est. la 3 11e. de ses let- l'amour que j'avais pour son Argenis,
» très, ne parle pas plus avantageu- afin tje modérer, disait -il, la vio-
« sèment de cette satire de Bardai, ience de ma passion , s'offrit a me
« Quanti Euphormionem Barclœi fa- montrer dans cette nouvelle histoire
» ciam ex eo cognoscere potes , quod quenous avions écrite a la main, quinze
•» vix sex folia ejus légère potuerim. cenls impropriétés de compte fait, et
» C'est ainsi que porte l'original de jene sais combien de péchés originels ,
» cette lettre, que j'ai vu entre les et Je locutions étrangères (35). Sorel.
» mains de Charles Labbé; car dans Fé- ennemi de Balzac jugeait comme lui
» ditiondeslettresdeScaliger,aulieu du style de l' Argenis. En ce qui est de
3) à Euphormionem Barclœi, il y a un l' Argenis , dit-il (36), si l'on estime
» astérique. Il en parle à peu près de son langage, je yais bien au contraire ,
» la même façon dans ses Scaligerana car Hy a une infinité de nouveaux
a secunda : Il y a un pédant h An- mots > qU{ n'eurent jamais cours h
» ger s , qui a fait un Satyricon , qui j{ome . de sorte que si Sallusle reve-
» au commencement semble être quel- nait au monde , à peine les pourrait-il
» que chose , mais puis ce n'est rien entendre. 11 prétend ne suivre en cela
» du tout (3a). Pierre Musnier, cha- que l'opinion des plus doctes , jusque-
» noine de Vezelai , a répondu au h- /;, même qu'il y a eu quelqu'un qui a
j) vre intitulé Censura Euphormionis, jit que Bardai parlait plutôt j tançais
» par un autre livre intitulé Censura qUe latin (37). 11 ne se contente pas
» Censurœ Euphormionis ; mais il y a <je blâmer le style , il condamne aussi
j. mal répondu , et c'est vraisembla-
» blement ce qui a obligé Jean Bar- i0n Eupbormion, qu'il dédia h Charles Ema-
» dai d'écrire lui-même l'Apologie de nuel duc de Savoie. Comment peut-il dire u,
,) Ciai a écrire lui uc m & _„ que la méchante réponse qui fut faite a une
» son Euphormion (33) . Mais, comme £ensure > impnme-e 'fan ,620 , obligea Barda:
à faire lui-même son Apologie?
(29) Voila un on dit qui a l'air d'une grande
fable. „ . . , j
(30) Dans la Vie de Bardai, au-devant de
Z'Argenis.
(3i) Voyez la fin de la remarque (F).
(32) Voyez les secondes Additions de Si. Mé-
nage, à la Vie de P. Ajraiiit , pag. 53g.
(33) M. Ménage a du dans la page lit , que
Bardai publia a Londres en 1610 , /'Apologie de
(34) Ménage, remarques sur la Vie de Pierre
Ayranlt, pag. 232, 233.
(35) Discours seizième parmi les OEuvres di-
verses , pag. 4°5-
(36) Berger extravagant, liv. XIII , pag. 8j
(3t) Sorel, remarques sur le Berger extrava-
gant, pag. G98. Voyez aussi sa BMiotlieque
française , pag. 182.
BARC
1 économie de l'ouvrage , et il fait le
procès à l'Euphormion fort durement
(38). C'est une histoire d' un homme Je
basse qualité, dit-il (09) , mais elle est
extrêmement niaise.. ... « Ce qui a
j> donné cours à ce livre a été qu'il est
"» en latin , et que Ton n'avait pas ac-
» coutume de voir des romans mo-
» dernes en cette langue ; mais Ton
m n'a pas considéré aussi qu'il vient
y bien pour l'auteur , de n avoir pas
v écrit en langue vulgaire, pour ce
» que l'on ne remarque pas qu'il n'en-
)> tend rien à faire parler chaque per-
» sonnage selon son esprit , ce qui est
j) la grâce d'une satire. Il a au lieu
v force discours pédantesques, et fera
» parler un valet avec les termes d'un
» maître d'école qui sait l'histoire
» grecque et latine : tellement que
3) tout cela étant considéré avec la
■» bassesse des aventures , l'on voit
« que la Satire d'Euphormion est
» louvrage d'un écolier qui com-
» meuce à se déniaiser (4°)- » Quand
il fut devenu vieux , il adoucit un
peu sa critique , mais il conserva du
dégoût pour l'Eupliormion (40- Cette
Satire, a été, dit-il (4^), composée
en latin par Jean Bardai , et traduite
en français par Jean Berault , doc-
teur en médecine de la faculté de
de Paris. On y trouve beaucoup d'é-
rudition, avec des censures de quel-
ques vices du siècle , mais l'invention
n'en est pas des plus ingénieuses et des
plus agréables qui se puissent trouver.
Nous avons déjà vu ce que Scaliger
pensait de l'ouvrage même d'Euphor-
mion. Voici le jugement qu'il faisait
du style : lly a bien des fautes que tout
le monde ne connaîtra pas ; comme aux
vers de M. de Bèze , il y a beaucoup
de gallicismes (43). N'oublions pas
que ce livre eut le même sort que le
Traité de la Puissance du Pape : il fut
condamné par l'inquisition. Le décret
ordonne qu'on en retranchera certaines
choses : mais Nicius Erythréus m'ap-
prend qu'il fut fait défense aux librai-
res de le vendre , et à tous les particu-
(38) Sorel, liv. XI II du Berger extravagant,
et aux remarques sur le XI IIe. livre et ailleurs.
(3çj) Remarques snr le Berger extravagant,
pas. 763.
(4oj La nietne, pag. ^65.
(40 Bibliothéq. franc. , pag. 182.
(4a) Bibliothéq. franc., pag, ig'i. Vv^ez lajin
du texte de cet article.
(43) Scaligerana, pag. 2Ï.
LAI. m
liers , de le garder et de le lire ; et
qu'avant cela , il en avait lu quelque
chose. Partent Euphorntioms dégusta-
vi tum , cùtn nondum lata lex erat , ne
bibltopolœ cuipiam liceret eum vende-
re, aul cuiquam domi habere aut lé-
gère (44)- Qu'on remarque bien ces
paroles , et qu'on les compare avec
quelques autres qui sont à la page 77.
on sera surpris que la cour de Rome
ait tant méprisé la congrégation de
l'Index : on verra que Jean Bardai fut
reçu à Borne avec cent caresses, et
qu'il reçut du pape de grands bien-
faits , à cause de la réputation qu'il
s'était acquise par l'Kuphormion. Ro-
mam ventt , ubi càm pro eo quotl ex
Eufhormione , quem ediderat , celebra-
tttm ejus nomen esset , est ab omnibus
humaniler exceptus , et a Paulo V ,
qui tutn romanam ecclesiam pontifex
adminislrabal , bonis omnibus, quibus
spontè se exuerat , amissis , in victu ,
vestilu , ac céleris omnibus ad vitam
necessariis , magnificè ac liberaliler
habitus (45). M. Ménage a critiqué une
chose dans l'épître dédicaloire de l'Ar-
genis (46). Bardai, s'adressant au
roi Louis XIII , lui dit que le prince
dont il était né, méritait que pendant
sa vie on lui donnât le surnom de
Grand qui ne lui fut conféré qu'après
sa mort. Eo es parente genittts , qui
vel confessione hostium , sœculi sui
summus Magni cognomen ferre vivus
débiterai , quod vos modestiùs extincto
addidistis (47)- C'est un mensonge :
le père même de Jean Bardai , en dé-
diant son livre de Regno à Henri IV,
l'an 1609 ' Ie traite de Henriccs Mao-
nos. M. Ménage confesse qu'il doit
cette observation à M. Nublé *.
(M) On veut qu'il ait été chagrin de
se voir si peu avancé. } L'auteur de la
version italienne de l'Argenis avoue
que les bienfaits de Paul V et de
Grégoire XV ne furent nullement
proportionnés au mérite de Jean Bar -
(44) Niciu» Erythraeus , Pinac. III, pas. "J\.
(45) Idem, ibid., pag. -*.
(4'>; Ménage , remarques sur la Vie d*Ayrault,
fag. a3i.
(47) Barclai , Epi, t. ded. Argeniil.
" A l'appui de l'opinion île Mai le , Lcclerc rap-
porte que, lurs île l'eutree de Menu IV .i Lyon
en i5t)5 , lare de triomphe ilreisé par le* comtes,
à l'entrée de leur cloître . portail UerWieo
magna , GàUiarum et JSa ,n- a régi. Ilcn-
r. IV eut donc le litre de Grand dès le seinèmï
siècle.
BARCOCHEBAS.
sectarios, fut imprimée l'an 1617. Grc
goire XV 11c fut élu qu'en 1621. 70. I!
ajoute que Barclai publia aussi en ce
temps - là Ylcon Animorum. Cela est
faux. Cet ouvrage fut imprimé à Lon-
dres, en 1614 , deux ans avant que
l'auteur allât à Rome.
(0) On n'a pas dû dire qu'il fut en-
112
clai , soit , dit-il (48) , que la fortuite
se plaise à persécuter partout la vertu,
soit que le pape se souvînt que la
pauvreté est la véritable mère de la
science (49)- Il insinue que Barclai n'é-
tait pas bon économe , et que sa nom-
breuse famille , et son humeur libé-
rale , le réduisaient un peu à l'étroit.
lvi dunque si tratleneva il Barclaio voyé en ambassade.] Un élogiste , un
con facolta non poco anguste rispetto faiseur de vies, se jette trop volontiers
lanumerosafamiglia,eglisuoispi- sur les grands mots. Qu'un prince
rili generosi. Barclai , dans des vers choisisse quelqu'un pour porter quel
latins où il introduit sa femme qui que paquet d'importance, vous verre/,
se fait peindre, ne se donne que deux bientôt qu'un voyage de courrier sera
garçons. Dans sa vie latine, on cite ces convertiendéputation extraordinaire,
vers, pour prouver qu'il avait deux ou même en vraie ambassade. Je veux
garçons et une fille. Quel jugement ! croire, que si les présens d'auteur
(N) On a parlé confusément de ses que le roi Jacques fit aux princes fu-
ouvrages dans le Dictionnaire de Mo- rent confiés à Barclai , ce ne fut pas
comme à un simple porteur ; on lui
rendait assez de justice pour donner à
la commission quelque sorte d'agré-
ment; mais enfin ce message fait si
peu de bruit , que c'est se moquer du
inonde que d'oser dire : lllius ( régis
Magnae Britanniaj) nomine legationes
obivil ad Rodolphum imperatorem , ad
Matthiam Pannonïœ regem , et ad
réri.'J i°. J'ai déjà dit dans les remar-
ques (B) et (C), que cet auteur a con-
verti une pièce de poésie en une ha-
rangue; 20. et qu'il a mis faussement
à Rome la scène du mariage de Jean
Barclai ; 3°. et sa naissance à l'an-
née i586. 4°- Il a tort de cr°ire que
le Satiricon Euphormionis de Barclai
contienne cinqlivres. Proprement par-
lant, il n'en contient pas plus de deux; Emanuelem Philibertum (5o) , ducem
car le IIKn'estque l'apologie des deux Allobrosum (5i).
autres : le Ve. n'est point de Barclai, (P) On a traduit en français son
mais de Morisot, et le IVe. n'est point Euphormion et son Argenis. ] J'ai dé-
puisqu'il a parlé de cet Icon animo-
rum comme d'un ouvrage qui n'avait
rien de commun avec les cinq préten-
dus livres du Satiricon Euphormionis.
6°. Si je ne me trompe, tous les ou-
vrages publiés par Jean Barclai contre
ceux de la religion se réduisent à la
Parœnesis ad sectarios , qu'il apporta
toute faite en Italie , et qu'il publia à
Rome dès qu'il y fut arrivé. Néan-
moins M. Moréri nous conte que Bar-
clai publia des livres contre les protes-
tans, pendantla vie mélancolique et so-
litaire qu'il menait à Rome, au milieu
des bienfaits de Paul V et de Grégoire
XV, son successeur. La Parœnesis ad
cette version fut imprimée à Paris ,
l'an 1640, in-80., et qu'elle avait été
précédée de deux autres, dont les au-
teurs , de peur de s'attacher trop su-
perstitieusement au mot pour mot ,
avaient laissé l'ouvrage pour le moins
aussi difficile qu'il était (53). Berault
a mis une clef et un commentaire à
la fin de sa version. La traduction de
V Argenis a été imprimée à Pans ,
chez N. Buon , en 1624 ? in-8°. ; mais
le traducteur ne s'est point nommé.
(5o) Le duc de Savoie en ce temps-là s'appe-
lait Charles-Emmanuel.
(5i) Voyez la Vie de Barclai, au-devant de
Z'Argéois.
(!>2) Ci-dessus , citation (3î).
(53) Voyez l'avertissement du libraire, au-
devant de la traduction de Berault.
BARCOCHEBAS, ou BARCO-
(48) Francesco Pona , dans la Vie de Jean
Barclai.
(4q) Cette proposition est bien incertaine , et
souvent tres-fausse. Voyez le
Haud facile emergunt quorum virtutibus obstat CHAB (fl), exClta mille désordre
Kes angustadomi... et curta suppellex . ,
j t • 1 • ,„c„„.n[ „r ,fi/. F„™, f«) C'esl- à-dire, Fils de l'Etoile. II s'ap
de Ju-veual, a ta Satire 111, vs. 104. rojez , ' ■ „ , 1 i- j „ w„.,a..„.
aussi la Satire VII a»x vS. 56 c{««V. />«?««»« oracle du livre des Nombie»
BARCOCTIEBAS. n3
dans la Judée par ses impostu- bouche, afin qu'il parût vomir
res, et attira sur sa nation une des flammes (C). Il se fortifia en
horrible calamité sous l'empire divers endroits ; mais il choisit
d'Hadrien. C'était un Juif , qui se la ville de lîitter pour sa place
débita pour le Messie, et qui d'armes, et pour le siège de son
trouva un fameux rabbin qui ap- empire. On dit que pour éprouver
plaudit à cette impie préten— le courage de ses sectateurs il
tion (b). Ce faux Messie s'ac- demandait qu'ils se coupassent
commoda merveilleusement aux un doigt ; et que sur les remon-
préjugés de ce misérable peuple: trances qui lui furent faites , il
il ne parla que de guerres, que fit cesser cette épreuve, et se
de batailles , que de triomphes; servit d'une autre invention (D).
et la première leçon de son II ravagea une infinité de lieux ,
Evangile fut qu'il fallait se sou- et massacra une infinité de gens:
lever contre les Romains. Il eut il était principalement barbare
d'autant moins de peine à per— envers les chrétiens (E). L'em-
suader cette doctrine , qu'il prit pereur averti de ces ravages en-
son temps lorsque le zèle de la voya des troupes à Rufus, gou-
religion mettait les Juifs dans verneur de la Judée , avec ordre
une colère ardente contre l'empe- d'étoulfer promplement cette
reur. Ce prince venait de fonder sédition (d). Rufus , pour obéir
une colonie proche de Jérusa- à cet ordre , exerça mille cruau-
lem (c), et d'y établir l'idolâ- tés, et néanmoins il ne put venir
trie. Les Juifs regardaient cela à bout de son entreprise. Il
comme une abomination insup- fallut que l'empereur retirât de
portable, et comme une profa- l'Angleterre Julius Sévérus , le
nation prodigieuse des saints plus grand capitaine de ce
lieux; c'est pourquoi ils avaient temps-là, et qu'il lui remît tout
beaucoup de disposition à se sou- le soin de cette guerre (e). Ce
lever. Quelques-uns prétendent général vint à bout des Juifs ,
qu'on leur avait défendu la sans les attaquer en pleine cam-
circoncision (A) : c'était les vio- pagne. 11 prit le parti de les
lenter en leur conscience. Le attaquer d'une autre manière ,
Talmud allègue une autre raison tant à cause de leur grand nom-
de leur prise d'armes (B). On dit bre, que parce qu'il les voyait
que leur imposteur employa la faire la guerre en désespérés. 11
même ruse qu'Eunus avait pra- aima donc mieux les charger
tiquée dans la Sicile , pour in- séparément, leur couper les vi-
spirer aux esclaves la résolution vies , les renfermer et les res-
de se révolter; c'est-à-dire, qu'il serrer (f) : et enfin , tout fut
allumait de la paille dans sa réduit au siège de Bitter, l'an 18
d'Hadrien (g). Le grand nombre
chap. XXI V, vs. 17. Une étoile sortira de
Jac"b- '/ F.useb., H15t. eccleswst. , lit. IV,
(b) Il se nommait Akiba. Voyez son ap- cay. VI , pat,'. n8-
*"'''• e \i|>lnl. , in Adriano.
(c Qu'il nomma JElia Capilolina , Je son (f Idem . ibidem.
nom et de celui ,1e Jupiter Capitol in . auquel J,-: Cat le 1 J '| Je JésuS-CklïSl . ou en-
il y fil bâtir un temple. ,'irun
TOME II (. 8
i,4
BARCOCHEBAS.
de Juifs qui se jetèrent dans cette cela (m). Quelques-uns préten-
villefutcausequ'ilssedéfendirent dent qu'il y a eu deux Barco-
long-temps , et que la disette les chebas, l'un sous Tite, et l'autre
soumit à de dures extrémités {h), sous Hadrien ; et que le premier,
Après la prise de cette ville, la n'ayant pu soutenir l'épreuve à
guerre ne finit pas entièrement; quoi on le mit , fut tué comme
mais elle ne dura pas beaucoup : un imposteur et un faux Messie.
Barcochebas y périt (/),. et les Dès qu'il se fut vanté d'être le
Juifs n'ont pas manqué d'in- Messie, on lui allégua un passage
venter des fables là-dessus (F), de l'Écriture qui porte, selon la
La manière dont Hadrien dis- glose des Juifs , que le Messie
persa les restes de cette malheu- saura discerner par l'odorat si
reuse nation fut désolante (G), un accusé est innocent ou cou-
Mais il ne faut pas ajouter foi à pable (») (L) ; et comme on
tous les contes des rabbins sur trouva que ce prétendu Messie
ce sujet (H). Cette guerre coûta n'avait pas le nez assez bon pour
beaucoup de sang aux Ro- faire ce discernement , on le
mains (A). Si je rapporte dans
les remarques plusieurs faits qui
concernent cette guerre , c'est
parce que l'article d'Hadrien
renvoie ici mon lecteur , et il a
fallu se servir de ce renvoi , afin
que l'article de cet empereur
fût moins prolixe. Les auteurs
juifs supposent qu'Hadrien fut
en personne à cette guerre (I) ,
qu'il assiégea et qu'il prit la
ville de Bitter , et qu'il disputa
avec un rabbin sur le dogme de
la résurrection des morts (K).
Le fait est curieux : on le verra
dans les remarques. Eusèbe sup-
pose qu'Hadrien fit cette guerre
par ses lieutenans (/). On peut
au moins tenir pour très-faux
qu'Hadrien ait commandé en
Judée, les troupes de Trajan son
oncle, lors de la rébellion de
Barcocbebas. L'bistorien juif
David Gans s'est fort trompé en
{h) Euseb. , Ilist. ecclésiast. , lib. IV ,
cap. VI, pag. 118.
(ï) Idem, ibid.
(k) Voyez la remarque (E).
il) Eusebius, Hist. ecclésiast, lib. IV,
cap. VI.
mit à mort. Ce sentiment n'est
pas fort suivi {0).
(m) Tandem Trajanns imperalor misit
Adrianum- sororis suœJHium (celle parenté
e^ fausse ) ducem exercitus contra ipsos.
David Gans, in Germine Davidis, ad ann.
388o, apud Lent, de Pseudo-Messiis , pag. 6.
(n) Esaie, chap. XI, vs. 3.
(o) Nodius, deVitâ et Geslis Herodum ,
pag. 3qi, soutient ce sentiment. Lent le re-
jette , pag. \l\ de Pseudo-Messiis.
(A) Quelques-uns prétendent qu'on
avait défendu aux JuiJ's la circonci-
sion. ] Spartien attribue à cette de'-
fense leur soulèvement : Moverunt eu
lempestate et Judœi bellum qubd ve-
tabanturmuidare genitalia ( ï ) . Il n'est
pas hors d'apparence qu'on leur dé-
fendit de circoncire leurs enfans ,
vu que nous lisons dans Modestin ,
qu'ils obtinrent d'Antonin Pins la li-
berté de le faire : on les avait donc
inquiétés sur ce chapitre, et ils avaient
été oblige's de recourir à la justice de
l'empereur. Circumcideie Judœis fo-
lios suos tantùnt , rescriplo divi Pu
permillitur : in non ejusdem religionis
qui hoc Je ce rit , castrantis peena irro-
gatur (2). L'arrêt qu'ils obtinrent
semble dire qu'ils circoncisaient dans
l'occasion les enfans qui n'étaient
point nés de leur secte. Cela leur fut
défendu sous les peines établies contre
la castration.
(1) Spart. , in Vilâ Adriani, cap. XIV.
(2) Wotlc=linus , Ubro Res;ularum , apud Ca-
saubomim in Sparliani AJrian. , cap. XIV.
BARCOCHEBAS. ,,5
(B) Le Talmud allègue une au- immô fulmineus , qui in loquendoful
tre raison Je leur prise d'armes. ] On minas, clique ut ille liarchochebas
conte que les Juifs avaient de coutume auctor sedilionis Judaïcœ stipulant tu
de planter un cëdre, quand il leur ore succensam anhelitu ventitabat , ut
naissait un fils , et de planter un pin Jlammas evomere videretur (5). Voilà
quand il leur naissait une fille ; et de un homme dont les paroles étaient feu
se servir du bois de ces arbres pour et flamme, tant au propre qu'au fi-
faire le lit nuptial lorsque leurs enfans garé. Quant à Eunus , voici ce que
se mariaient. On ajoute que dans un Florus en a dit: Sjrus quidam, no-
voyage que la fille de l'empereur fit mine Eunus (magnïludo cladium facit
en Judée , une pièce de son chariot ut meminerimus) fanalico furore si-
se rompit , et que ses gens coupèrent mulato dura Syriœ deœ comas jactat ,
un de ces cèdres , et le lui portèrent; ad libellaient et arma servos quasi.
que les Juifs ne purent souffrir cela; numinum imperio concitavit ; idque
qu'ils se soulevèrent, et qu'ils tuèrent uldivinilusfieri probaret , in ore abdi-
ceux qui avaient abattu cet arbre, tu nuce , quant sulphurc et igné slipa-
L'empereur ayant appris que les Juifs verni, leniler inspirons flammam inter
s'étaient révoltés marcha contre eux verbafundebat (6). C'est un exemple
en grande colère, et les extermina, qui apprend aux souverains combien
Ob crus carpenti t'astata est Bethara. sont à craindre dans un état ceux qui
In more fuit ut cùm nasceretur infans se vantent d'inspiration. Ce fripon-là ,
plantarct cedrum , citm infantula , pi- en contrefaisant le fanatique, fit
nuni ; cùmque nati contralierent matri- prendre les armes à plus de soixante
monium ex Us conficerent thalamum. mille hommes , et donna beaucoup de
Die quddam transiitjilia Cœsaris , et peine au peuple romain.
confractum est ei crus carpenti. Ce- (D) On dit qu'il éprouvait ses sec-
drum istius modi exciderunt atque ad tateurs , en les obligeant à se couper
eam allulerunt. Insurrexerunl in eos un doigt.... et qu'il se servit d'une au-
Judœi atque eos ceciderunt. Belatum tre invention. ] On conte qu'il traînait
est Cœsari rebellare Judœos. Projec- après lui deux cent mille hommes,
tus ille in eos iracundus , excidit to- qui s'étaient coupé un doigt pour
lunt cornu Israëlis (3). Les Juifs se- faire preuve de courage. Les sages,
raient tout-à-fait inexcusables , s'ils n'approuvant point une telle mutila-;
s'étaient jetés dans la révolte pour un tiou , lui députèrent des gens pour
sujet aussi léger que celui-là. Ces pau- lui demander jusques à quand il rou-
vres gens ne savent pas même mentir filerait la nation juive, usque qu'a tu-
à leur avantage. Quelle ignorance , te Judœos mancos ef/icies ? Il répon-
aue de donner une fille à l'empereur dit : Comment voulez-vous donc que
adrien ! Au reste les pins sont des je fasse essai de leurs forces ? On lui
arbres qui croissent trop lentement répliqua qu'il fallait qu'il n'enrôlât
(&) pour être prêts à fournir un lit que ceux qui pourraient arracher un
dès qu'une fille est prête à le partager cèdre du Liban à belles mains. Il crut
avec un homme : et plusieurs auraient ce conseil , et il trouva encore deux
été bien à plaindre, si elles avaient cent mille hommes qui donnèrent
été obligées d'attendre à se marier cette preuve de leurs forces (7). Voilà
que leurs pins eussent acquis la taille des fables judaïques , me dira-t-on. 11
requise. est vrai : et c'est sur ce pied-là que je
(C) On dit que Barcochebas em- les débite ; et c'est par-là qu'elles ap-
ploya la même ruse d' Eunus ; .... partiennent mieux à ce Dictionnaire.
c' est-a-dire, qu'il parut vomir des flam- (V.) Il était principalement barbare
mes. ] C'est ce que nous apprenons de envers les chrétiens.] A la vérité il
saint Jérôme. Tu videlicetflamnteus, faisait un grand carnage des gentils;
mais sans exiger d'eux qu'ils renon-
(3) In iracmiu lalmudico Babil. Gittin , folio cassent à leur religion. Il ne faisait le
5j , apud .loli a Lent, de Judacoruru Pscudo-
Messns, pag. 7. (5) Hirronvm., Apologia II advenus Ruffinum.
(4) On en peut dire: (6) Florus, /,*. ///, cap. XIX.
• • • Arbos (-) ]n Madras.-!! Kabbeta Megillot , folio 6',
Tarda nnit seris factura nepotibnr umbram. apud Job. à Lent, de Pacnto-Metcui , pag.
Virgil. , Georg. T lift. // , m. 58. i», n.
BARCOCHEBAS.
ÎIO
convertisseur qu'envers les chrétiens :
je dis le convertisseur à la dragonne ,
et pis encore peut-être (8) : car il
condamnait au dernier supplice ceux
qui ne voulaient pas abandonner Jé-
sus-Christ , et le charger de malé-
dictions. C'est sur quoi Justin Martyr
a poussé des plaintes. Proximo nam-
que bellojudaïco Barchochebas defec-
tionis Judœorumdux et princeps, soins
christianos ad gracia supplicia nisi
Chrislum àbnegarent et nialedictis in-
cesserent , protrahi jussit (9). David
Gans ne nie point qu'en ce temps - là
ceux de sa nation n'aient fait couler
des torrens de sang (10). Je crois
même qu'il représente la tuerie beau-
coup plus funeste qu'elle ne le fut.
11 prétend que dans la seule ville d'A-
lexandrie ils tuèrent plus de deux
cent mille personnes , et que dans
File de Cypre , et au voisinage , ils ne
laissèrent personne de reste. Tune
Judcei Biterrenses unxerunt eum (Bar-
chocheban) et elegerunl ipsum in regem
super se ,jugum Romanorum abjicien-
tes. Occiderunt ex Romanis et G rœcis
qui in Africd inutiterabiles instar
arenœ maris ; simititer fecerunt JE-
gyptiis : incolœ urbis Alexandrinœ
«liant ex Romanis interfecerunt ullrit
bis centena milita. Qui in Cyprid oc-
ciderunt omnes plané génies vicinas ,
ut ne supers tes quidem remaneret.
Voyez ce qui sera dit ci-dessous (11)
touchant l'omission d'une formule
dans la lettre d'Hadrien. 0 guerres de
religion , que vos cruautés sont hor-
ribles!
(F) Les Juifs n'ont pas manque
d'inventer des fables sur la mort de
Barcochebas.] ils ont dit qu'après la
prise de Bitter , la tête de Barcoche-
bas fut portée à l'empereur Hadrien ,
et qu'il demanda , Qui est-ce qui l'a
tué ? et qu'il ordonna au soldat qui
répondit c'est moi , de lui aller cher-
cher le corps. Le soldat y étant allé ,
trouva un sepent autour du cou de
Barcochebas. L'empereur ayant vu
(8) Je me sers de ce peut-être , parce que
plusieurs personnes pre'tendenl que l'alternative
ilr l'abjuration ou de la mon , eût clé un moin-
dre mal que ce que l'on a fait faire en France
par les dragons, l'an i(585.
(g) Justin, Apologia pio christianis ad Anto-
niuuin Piiun.
(1.1) David Gans, in Germine Davidis , ad
iinn. 880 millenariiquarli, apud à Leut,p<Jg.ç).
(11) Dans la remarque (I).
ce corps, dit, iSÏ cet homme n'avait
été tué par son propre Dieu , qui est-
ce qui aurait jamais pu lui faire du
mal (12)?
(G) La manière dont Hadrien dis-
persa les restes des Juifs fut désolante.']
C'est à bon droit que j'emploie le
mot de restes ; carie nombre des Juifs
qui périrent dans cette guerre est in-
nombrable. L'abréviateur de Dion ra-
conte qu'on leur rasa une cinquan-
taine de forteresses , et 985 bourgs
très-considérables ; qu'on leur tua
dans les courses , ou dans les combats,
cinq cent quatre-vingt mille hommes ;
et que le nombre de ceux qui périrent.
par la faim , par les maladies , et par
le feu, est infini : de sorte quepresque
toute la Judée demeura déserte (i3).
Voyons maintenant ce que l'on fit à
ceux qui purent survivre à une telle
désolation. On en vendit un nombre
incroyable de toute sorte d'âge et de
sexe (*'), en une foire très-célèbre ap-
pelée du Terebinthe (*2) , au même
prix que les chevaux. C'est pourquoi
les juifs avaient cette foire en hor-
reur Ceux qui ne purent être
vendus à la foire de T'-rébinlhe furent
menés à Gaza (*3) , et la exposés en
vente en une autre foire qu Adrien y
avait établie , et qui s'appelle encore
h présent la foire d'Adrien, dit la
chronique d'Alexandrie. Ceux que
l'on ne put vendre daps la Palestine
furent transportés en Egypte (*4) , où
ils périrent par les naufrages , et par
la famine , ou furent tués par les
païens Quandla guerre fut finie,
Adrien défendit a tous les Juifs par
un édit affiché publiquement (*5) , de
mettre jamais le pied dans Jérusalem,
sur peine de la vie(*6), et on mit des
gardes exprès pour les empêcher d'y
entrer (*7)- Celte loi leur défendait
(12) Jo. à Lent, de Pseudo-Messiis, pag. j4
ex Ectiâ Rabbali.
(i3) Xiphilin. , in Adriano.
(*') Hieronym. in Jeremiara , cap. XXXI ,
pag. 342 , b.
I*D) Cbronic. Alex., pag. 5çfi.
(*3) Cliron. Alex. , ibid.
("■>) Hieron., in Zac, cap. XI , pag. ^2 , d.
(*5) Idem, inls., cap. VI, pag. 3i , d.
(*6) Euseb , Hist. eccles., lib. IV, cap. VI,
pag. 218. et Demonstral. Evançel., lib. II, cap.
XXXVIII , pag. -1 , a. Justin. , Apolog. II ,
pag. 84, b, c. Dial. , pag. 234, "■
{*1) Justin. , pag. 84 , b. Sulpic. Sevcr. , lib.
II , pag. 149.
BARCOCIIEBAS.
même d'en approcher , et de se trouver
dans aucun des lieux dont elle pouvait
dire vue (*'). Terlullien (**) , et saint
Jérôme (*3), font encore plus loin , et
étendent celle défense a la Judée toute
entière , et les Juifs semblent en de-
meurer d'accord lorsqu'ils parlent du
jedne qu'ils ont institué à cause du
décret, par lequel il avait défendu à
leurs pères d'entrer dans le pays de la
Judée (**). L'auteur dont j'emprunte
ce passage avec toutes ses citations (i4),
fait une remarque sur la foire de Te'-
rébinthe. Il observe que saint Jérô-
me(*5) dit en un endroit que les Juifs
furent, vendus au pavillon d'Abraham,
où il se tient, dit-il, tous les ans une foire
très-fréquenléc. Cela n'est pas difficile
a accorder , car au lieu où Abraham
avait demeuré dans la vallée de Rlam-
bré [près d'Hcbron] , et où il avait
reçu trois anges , il y avait dans le
quatrième siècle un arbre de Térébin-
the , que ceux du pays disaient éire l'a
depuis le commencement du monde.
Voyez la remarque (G) de l'article
d'ABRAHAM. Retournons au malheur
des Juifs. Hadrien leur fit couper les
oreilles, et les transporta en Espagne,
à ce que disent quelques auteurs (i5).
Il y a beaucoup d'apparence qu'une
partie des faux cultes que cet empe-
reur établit dans la nouvelle ville de
Jérusalem , ne commença qu'après la
ruine de Bittcr , et la mort de Barco-
chebas. Ce fut un des plus sensibles
coups que cette malheureuse nation
eut à soutenir. Hadrien , sachant l'hor-
reur qu'elle avait pour les pourceaux,
en fit placer un de marbre sur la
porte qui menait à Bethlehem (*6). Il
fit servir à la construction d'un théâ-
tre, et à celle de divers temples , les
pierres du temple de Salomon (*')•
On mit. deux de ses statues, et quel-
ques idoles , à la place où avait été ce
(*') F.nscb., Hist. eccles., pag. n8, d. Hier,
in Is. , lib. III , pag. 227.
(*') Apolog. , cap. XXI, pag. 20, d.
(*') In Judic. , cap. XIII , pag. iif^iis;
cap. VI, pag. il, d. In Daniel., cap. IX,
pag. 5r)5, </.
(**) Scaliger. Isag., lib. I, cap. VI , pag. 45.
11.J) Tillemont, Ilist. des Empcr. , lom. II,
pag. Soi , 502 , 5o3.
;*') In Zacliar. , cap. VIII, pag. 262.
(i5) ÀpudaLtm, de Pseudo-Messiis, pag. 17.
(*6) Hieron., in Chron.
(*~) Euseb. Demonslrat.. Ub. VIII, cap.
III , pag- 4°G
temple (*'). La statue de Jupiter fui
mise au lieu de la passion de Notre -
Seigneur. C'est ce que dit saint Pau-
lin (**); mais selon saint Jérôme (*3),
la statue de Jupiter fut mise où Jésus-
Christ ressuscita , et celle dé Vénus
où il mourut. La caverne où il naquit
fut profanée par le temple et par
le culte infilme d'Adonis (*4). Voyez
M. de Tillemont, de qui j'emprunte
ces choses (16).
(H) mais il ne faut pas ajouter
foi h tous les contes des rabbins sur ce
sujet.] Ils disent, que la tuerie fut si
g\ande dans Bitter, lorsque les Ro-
mains s'en furent rendus les maîtres
après un siège de trois ans et demi ,
que les chevaux marchaient dans le
sang jusqu'à la bouche (17). Le sang,
continuent-ils , roulait avec tant de
force, qu'il entraînait des pierres de
la pesanteur de quatre livres , et qu'il
entrait dans la mer l'espace de quatre
milles. Or il y avait quatre milles de
Bitter jusqu'à la mer. Hadrien avait
un vignoble long de dix-huit milles ,
et large d'autant (c'est la distance,
de Tihériade jusqu'à Zipori) : il y fit
une haie ou une cloison des corps de
ceux qui furent tués dans Bitter 5 car
il ne voulut pas (.ermettre qu'on les
enterrât : ils ne furent enterrés que
sous le règne de son successeur. Il y
avait deux rivières dans la ville de
Jadaim , desquelles l'une coulait d'un
côté , l'autre de l'autre (18) : les rab-
bins supputèrent que l'eau ne faisait
que les deux tiers de ces rivières ; le
sang faisait l'autre tiers. Les gentils
n'eurent nul besoin pendant sept ans
de fumer leurs vignes : elles étaient
assez fertiles, ayant été abreuvées th«
sang des Juifs. Le sang entraîna de
pierres d'un grosseur démesurée , et
entra quarante milles dans la mer
(Jutnimn sanifuis rapiebat secum
petfas magnitudinis quadraginta mr.
diorum , duiicc ad quadraginta millia
(••) Iter Burd. , pag 4s. 2. Sulpic. Sevcr. ,
lib. II, pag. i4<).
(*') Epist. XI, pag. i34, i35.
(*»)Epist. XIII, pag. 102.
(**) Pantin., Epist. XI , pag. 1 34 , i3.,.
(iC) Tillemont, Ilist. des Emper, , 10m. Il .
pag. 5nÇ).
(17) Voyez le Une Eclia Rabbnti super Ttlren.
XI , vs. 2, apud Xoldiuru de Yjlà et gesln 11 ci
dura , pag. 453.
(18) In Tractaiu Talinud.co Giffin apud
Lent, pag. iô.
tS
BÂRCOCHEBAS.
ria usque in Oceanum flueret (19).
On trouva sur une seule pierre jus-
qu'à trois cents crânes de petits en-
fant Il y a dans ces expressions rab-
biniques quelques traits du style que
Rabelais fait servir à représenter les
qualités ou les prouesses de son Gar-
gantua et de son Pantagruel. Riais
racontons encore un conte touchant le
suluit idola se pervertentia. Et sustu-
lit combussitque quadringentas et oc-
toginla synagogas (23).
(Y) Les auteurs juifs supposent
qu Hadrien Jut en personne à cette
guerre.] Eusébe dit expressément que
cet empereur envoya des troupes au
gouverneur de Judée, afin de châtier
la révolte de Barcochebas , et ne dit
carnage de Bitter. Il y avait dans cette point que ce prince partit ensuite lui-
ville quatre cents collèges, et dans cha- même. L'abréviateur de Dion ne parle
que collège quatre cents régens , qui que des généraux qui furent envoyés
avaient chacun dans sa classe quatre en Judée par Hadrien (a4). H remar-
cents disciples. Aux premières atta- que que pendant que cet empereur
<|ues, les écoliers se servirent de leurs séjourna dans l'Egypte et dans la
poinçons (20) pour tuer les ennemis ; Syrie, les Juifs mécontens de la con-
mais après la prise de la ville, ils fu- struction d'^/ia Capilolina 'n'osè-
rent empaquetés avec leurs livres et rent branler , mais qu'ils prirent le
jetés au feu. Jsta pubes principio hos-
tes impetum facientes graphiis suis
confodiebal : cùm ver'o hi prœvale-
rinl , urbem cepissent , involverunt
puerulos illos cuni libris suis , eosque
igné sic cremdruntfoi). Les Juifs
prétendent qu'Hadrien lit périr deux
fois plus de gens de leur nation que
Moïse n'en retira du pays d'Egypte,
et ils le tiennent pour un plus grand
destructeur à leur égard , que ne le
furent Nabuchodonosor et Titus (22V
Un de leurs meilleurs chronologues
assure que la perte que fit leur
nation au temps de Nebusaraddan ,
ou au temps de Titus, n'égala point
qu'Us pr
armes ouvertement dès qu'ils le su-
rent éloigné. Il ajoute qu'Hadrien en-
voya contre eux les meilleurs de ses
généraux , et nommément Julius Sé-
vérus. C'était là le lieu de dire s'il fut
en personne au châtiment des rebel-
les : cependant cet écrivain ne le dit
pas ; d'où il semble que l'on peut
conclure qu'Hadrien n'alla point alors
en Judée. Pour ne rien dissimuler,
il faut dire que Dion fait une remar-
que qui insinue qu'Hadrien assista à
cette guerre. 11 dit que les Piomains y
perdirent tant de gens , que cet em-
pereur n'employa point en écrivant
au sénat le préambule ordinaire : Si
celle qu'Hadrien lui fit souffrir j car vos liberique vestri valetis , benè est ,
le Talmud porte qu'il périt à Bitter
quatre millions de personnes, qua-
dringentas myriadas. Néanmoins dans
le Rituel des Juifs il y a une hymne
pour le 0e- i°,,r du mois Ab, auquel
fut donné l'édit d'Hadrien qui leur
défendait de mettre le pied dans la
Judée: il y a, dis-je , une hymne
où Nabuchodonosor et Hadrien sont re-
gardés comme deux grands fléaux de
la nation sans aucune inégalité. Cette
hymne les nomme souvent ; mais
elle ne parle qu'une fois de Vespa-
sien et de Tite : elle fait mention de
quatre cent quatre - vingts synago-
gues brûlées par Hadrien. Recorda-
re, Domine, qualis juerit Adrianus ,
ego quidem et exercitus valemus. Un
prince , qui se sert de ce début , doit
être à l'armée , ce semble ; et s'il n'y
est pas , il ne doit point se servir de
ce compliment , ni en temps de pro-
spérité , ni en temps d'adversité. Il ne
semble donc pas que Dion eût été
homme à faire cette remarque, s'il eût
cru qu'Hadrien était près de Rome , ou
fort éloigné de l'armée , lorsqu'il écri-
vit au sénat. Je réponds que ce n'est
point une grande difficulté : car, en
premier lieu , on peut dire que l'absent
ce d'Hadrien fut cause qu'il n'employa
point cette formule : d'où il s'ensui-
vrait que Dion n'a pas connu tou-
tes les causes de cette omission , en
crudelitatis consilia amplexus , con- croyant qu'elle ne venait que de la perte
qu'on avait faite. On peut dire , en se-
apud à COud lieu , qu'un empereur éloigné de
son armée pourrait fort bien se servir
(19) In tractatu Talmudico Ciilin
Lent , pag. 16.
(20) Instrument avec quoi on écrivait en ce
l emps-là.
(21) Tract. Giffin, apud à Lent, pa%. i3.
(2-2j Voyei Jo. à Lent, pag. i>
(23) Apud euindem à Lent, pag. l8, ig.
(i't/ XipVllin. , in Adriano.
BARDE.
de cette formule , dans une lettre où
il ferait savoir au sénat les bonnes
nouvelles que ses généraux lui auraient
écrites. Entiu on pourrait soutenir à
Dion, que la victoire remportée sur les
Juifs fut si complète, et qu'elle coupa
tellement les sources d'un nouveau
soulèvement, qu'encore que l'armée
romaine eût essuyé de grandes pertes,
il y avait lieu d'écrire au sénat selon
le style qu'on employait dans les nou-
velles de prospérité. Il se pourrait
donc faire que cet écrivain aurait
fait une fausse observation.
(K) et qu'il disputa avec un
rabbin sur le dogme de la résurrection
des morts.] La principale difficulté
d'Hadrien, à ce que porte cette fable,
était de dire que les parties d'un ca-
davre se dissipaient en mille lieux. On
lui répondit qu'il y avait dans notre
corps un petit os , qui était incorrup-
tible ; et que ce serait dans ce petit
os , que Dieu referait notre corps. Les
Juifs prétendent qu'une rosée céleste
amollira cet os, et qu'elle le fera croî-
tre, comme un peu de levain fait lever
toute la p;1te. Ossiculum illud dicunt
rore quodani cœlesti molliendum et
extendendum ad instar ferme nti quod
in lotam se massant diffundil , vel
quemadmodkm granum aliquod tritici
in aristam se exporrigit (25). Hadrien
ne voulait rien croire touchant l'in-
corruptibilité de cet os : mais le rab-
bin avec qui il disputa lui en fit faire
l'épreuve : cet os résista à tout : au
feu , à l'eau , au marteau , etc. Voici
tout un grand passage de Manassé Ben-
Israël. Ajunt in spind dont aliquod
ossiculum esse , quod nunquam pereat;
ex ipso ossiculo solo post interitum et
nnnihilationem omnium ûliarum par-
tium , dicunt hominem instauration ,
restitutumque iri , in resurrecii'>ne
morluorum : juxta illud , quod in Be-
resitRaba Paras, îSlegitur; Adrianus
(cujus ossa contminuantur) quœsivit
ex R. Jeosuah filio llanind , undè
Deus benediclus germinare facict ho-
minem in futuro sœculo ? Respondil
ille , ex luz , seu ossiculo spinœ.
Rursùs alter , undè nôsti hoc ? Da
mini illud , inquit ille , ossiculum , et
le docebo : contudit illud in mold ,
sed non tusum est ; conjecit in ignem ,
etnonconjîagravit; conjecit in aquam
faS) Hoornbrek contra JudseOS , lib. VIII,
cap. V , pag. 556.
>\)
et non attrttum est : imposait incitai
mallcoque cecid.it, sed hnhilum coru-
minulum est. Jmperator Romanus
sive quod rideret resurrecùonem mor-
tuorum, sive quod audiveral aliquod
incorruptibile ossiculum esse in cor-
pore humano , cupiditale ejus sciendi ;
vel quia , uti verisimilius est, hœsi-
tabat ob dijjicullales eas , quas jam
recensuimus , quœsivit ex R. Jeosuah
filio Hanind, undè, velquomodo resti-
luerentur mortui, quorum membra tant
longe lalèque dispersa essent ac dissi-
pata ? Respondit illi R. Jeosuah , ex
ossiculo spino? dorsi , appellalo luz ,
quod incorruptibile est. Oui citin non
posset facile adhibere ûdem , experi-
menlo ei ostendit itaesse. Uœc opinio,
si quidantiquis credimus , non impro-
babilis est. Isludenim ossiculum taie
est , ut nequeat inlerire , quamvis
hodiè nullus sil qui illud noveril. Sunt
qui arbitrenlur , Davidem hujus ossi-
culi mentionem facere , cùm ait , cus-
todiens ossa ejus , ununt ex iis non
.onsumptumest. Psalm.xxxiv, ai (a6).
Ces rêveurs auraient du dire quece pe-
tit os est le véritable siège de l'âme.
(L) Le Messie saura discerner par
l odorat si un accusé est innocent ou
coupable.'] Conférez avec ceci ce qui
sera rapporté dans la remarque (C)
de l'article Démocrite.
(afi) Manassé-Reu-Isracl, de Resurrectionc ,
lib. U, cap. XV.
BARDE (Jean de la) conseiller
d'état , marquis de Marolles-
sur-Seine , a été ambassadeur de
France en Suisse , sous le règne
de Louis XIV. Il avait été pre-
mier commis de M. de Chavigui ,
secrétaire d'état (a). Il se trou\.'
aux conférences de Munster,
comme ministre du second or-
dre, et l'on tâcha de le faire
traiter d'excellence ; mais on
n'y réussit pas (A). Il avait déjà
été nommé pour l'ambassade de
Suisse. Il servit fidèlement et
habilement la France pendant
tout le cours de cette ambassade.
(a) Voyez Wicquefort, île l' Ambassadeur,
lom. I , ptig. 959.
42o BARDE.
Il a fait en latin l'Histoire de
France , depuis la mort de
Louis XIII , jusques en Van-
née i65a. Cet ouvrage fut long-
temps attendu coninie un chef-
d'œuvre (B) : il fut
donnât ce titre au sieur de la Barde ,
et qu'il lui rendît la première visite.
Les raisons de son refus furent qu'i/
ne voulait pas Jaire un exemple qui
ne serait suivi de personne , ni rendre
inutile M. de la Barde, qui rendait de
imnrimé tres'bons services à l'assemblée. Il
i- * l'aurait rendu inutile parce que , s'il
enfin I an 167 1 (b) , et bien reçu luieût fait les honneur* qu'on deian-
du public. Le style en est bon : dait , il l'aurait mis dans une espèce
les choses y sont narrées sans
flatterie , et avec beaucoup de
connaissance des intrigues du
cabinet. L'auteur a latinisé son
nom par celui de Labardœus.
On se trouverait dépaysé aux
noms latins qu'il donne aux
gens , s'il n'avait eu soin de met-
tre en marge les noms français.
Il avait fait une traduction
française de celle Histoire qui ,
au sentiment des connaisseurs ,
de nécessite de les demander à tous
les autres ambassadeurs , et de ne plus
paraître en cas qu'ils lui fussent refu-
sés , comme il serait arrivé infaillible-
ment. L'ambassadeur de Venise imita
le nonce ; et ainsi la Barde fut obligé
de se contenter des honneurs qu'on
lui voulait bien faire. Il fit prier les
ministres qui étaient de la part de
l'empereur à Osnabruch , de le dis-
tinguer d'avec les autres ministres du
second ordre , et puisqu'ils ne le pou-
vaient pas traiter d'ambassadeur, qu'ils
ne le traitassent pas aussi de rési-
dent, et pourvu qu'on le traitât en
était beaucoup inférieure à l'orir tierce personne , à la mode d'Italie, il
ffinal latin (c). « Comme il était ne Pendait pas la place d'honneur
° . j , ., aux visites ou aux co/ijerences. Dans
» tres-sayant dans les matières je fond f ses letires de créance pour Us
« de théologie , il s'est encore cantons suisses ne le pouvaient pas
» vu de lui un livre de contro- faire considérer h Munster, nia Os-
» verse en latin , contre l'opinion "f*"?*: [- de > Barde s>t Viaint
» des protestans touchant l'Eu-
» charistie (d) (C). » Les gazettes
de Hollande nous ont appris
qu'il mourut en 169?. , à l'âge de
quatre-vingt-dix ans. On verra
ci-dessousce que je veuxajouterà
la remarque(C)de cet article (D).
lb) (Test un f«-4" ■ de 780 pages.
(c) Mémoire manuscrit, communiqué par
M. Lancelol, l'un des sous-bibliothécaires de
la Bibliothèque Mazarine à Paris.
(d) L'abbé de Marottes , Dénombrement
.les auteurs.
(A) On tâcha de le faire traiter
d^excellence aux conférences de
Munster; maison n'y réussit pas.]
M. de Wicquefort le raconte , et dit
que les plénipotentiaires de France
firent leurs premières tentatives au-
près du nonce, qui répondit qu'il
n'en ferait rien(i). On voulait qu'il
(1) Wicqnpfort, de l'Ambassadeur, lom. 1,
oas. 36o.
d'un écrivain italien, qui n'avait pas
parlé de ces choses comme il fallait ,
et il prétend l'en convaincre en ra-
contant que les plénipotentiaires de
France le traitèrent toujours comme
ambassadeur , et qu'ils n'eussent pas
pu s'en dispenser, vu que les paten-
tes du roi , et toutes les lettres de la
cour lui donnaient ce caractère.
Avauxius ac Servianus hune haud
secùs ac seipsos invicem habuére .
nique aliter polerant , tùm regio di -
plomate atque omnibus régis atque
Mazarini ad se atque ad alios litteris
legalus esset appellatus. Id co accu-
ralihs mihi dicendumfuit, quod ho/no
quidam Italiens ed de re secùs scrip-
sit ex aliéna lubidine, atque invidiâ
in Labardœum : narn id illi ipsi tii-
buere nnlim, qui in hujuscemodi rébus
etiani supra verum aliis favit, hos
chm résidentes , aut ad minores prin-
cipes absque ullo tilulo missi essent .
legatos nihilo seciiis appellando (2:.
(B) Son Histoire de Fiance fut long-
(2) Lahardaus , llist. de Rébus gallicis, (U -.
IV ', pag. 89 , nd ,
1646.
BARL
temps atteint lie comme un chef-d'œu-
vre.'] « M. de la Barde nous prépare
» une histoire latine , dans laquelle
« nous devons avoir ou notre Salluste,
» ou notre Virgile. » C'est ce que le
père le Moine voulut bien apprendre
au public, dans son Traité de l'His-
toire.
(C) Il fit un livre de controverse con-
tre l'opinion des protestons , touchant
V Eucharistie. ] A propos de cela , je
dirai ici qu'il s'appliqua plusieurs an-
nées avec beaucoup d'assiduité à exa-
miner sur cette question le sentiment
de quelques pères, et à composer un
gros volume de profondes discussions ;
mais , tout d'un coup , il lui monta
dans la fantaisie d'abolir ce grand
travail, de sorte qu'un beau matin il
jeta au feu tout ce qu'il avait écrit
là-dessus. C'est ce que j'ai ouï dire à
M. l'abbé de Erion, son petit-fils, cha-
noine de Notre-Dame de Paris.
(D) l^oici ce que je feux ajouter à
la remarque (C) de cet article. ] Cela
concerne son Traité de Controverse.
« Voici ce qu'il en écrit à un de ses
» amis , dans une lettre manuscrite ,
» datée de Soleure , du 3 de mars
« i663 : Libeltum ad te de re séria ,
» iinà tlu'inâ millo , quo libi otii mei,
)> sicuti prias negotii , ratio constet :
» in eo latinitatem nostram ne quœsi-
y> voris , quant de dtvinis scribendi at-
» que disputandi genus vix patitur.
» Son ami lui répondit quelque temps
a après en ces termes : Restât ut de
'» (Jpusculo tuo Theologico gratins
» agam : in hoc solilant elegantiam
» tuant desideravi , neque verb tu ar-
» gumenti severitatem excusa : quid
» enint est tant contumax , quod nites-
j> cere, quid tant homdiim , quod po-
J) liri amœnilale istâ tud non possit ?
« sed nimirum ingeniis Helvetiis scri-
» bebas. Cette réponse est datée du
a 19 du même mois. On peut fixerpar
» ces passages l'époque du livre de
» controverse à cette année i6(53 (3). »
(3) Mémoire manuscrit de M. Lancelot.
EARLETTE ( Gahriel ) , moine
jacobin , se distingua vers la
tin du XVe. siècle (A), par une
manière de prêcher beaucoup
plus digne d'un farceur que d'un
ministre de l'Évangile. Il était
ETTE. 121
né à Barlette (a), dans le royau-
me de Naples. Henri Etienne
n'est pas le seul qui s'est récrié
contre cette manière de prêcher
{b) , remplie d'une infinité d'ex-
plications basses , et tout-à-fait
propres à inspirer du mépris
pour nos plus augustes mystè-
res : il s'est trouvé des catholi-
ques romains qui n'ont pas épar-
gné la-dessus Gabriel Barlette
(B) ; et cela est beaucoup plus
édifiant, et beaucoup plus glo-
rieux aux catholiques , que la
peine que les dominicains se
donnent de justifier ce prédica-
teur (C). Ses sermons furent im-
primés à Venise l'an i5yi , en
deux volumes *>2-8°. *. On a mis
dans le premier tome les ser-
mons du carême • l'autre volume
contient les sermons de VAvcnt,
de la Pentecôte, de V Ascension
et des autres fêtes (c). Il était
encore en vie lorsque les Turcs
prirent Otrante , l'an 1480 (d).
Quelques-uns de ses amis l'ont
voulu justifier , en disant qu'il
n'est point l'auteur des sermons
qui ont couru sous son nom (D).
(a) En latin li.irulum.
(//) Voyez /'Apologie d'Hérodote, ou l'on
trouve quantité de morceaux de. Barlelle-
" Le père Echard,dans ta BibL script, ord .
prœdicatoiwn, ne cite point, dit Leclerc .
d'e'dition antérieure à i5o5; niais cetlf é.h
tion portant , Sermones recogniti per, 1 '
il est à croire qu'il y a eu une e'dition anté-
rieure. Kn effet, comme l'indique Joly dans
ses Additions . I). T.iron, au tome III de se
Singularités historiques, pu,?- 3^q elsuiv.,
cite une édition dont un volume ou une
partie porte la date de )5o2. L'épitrc de'di-
catoire adressée par Benoît de Bresse à T. Ca-
jelan , ne donnant aucune qualité à ce per-
sonnage, qui fut en l5oo procureur de son
ordre, Liron en conclut que l'éiiition de
l5o2 n'est elle-même que la seconde, et que
la première doit avoir été exécutée en Ita-
lie, de i4g5 à i5oo.
(c) Possenn , Appar. Sa :ri , t. I . p. 610.
(d) Altamura, Bibliotheca ordinis preedr-
catorum . pag ig5,
122 BARLETTE.
(A) II se distingua vers la fin du
XVe. siècle. J Altamura , dans sa Bi-
bliothèque des Jacobins , place celui-
ci à l'an i47'J i d'où paraît que Posse-
vin ne s'est abusé que de deux cents
ans. Gabriel Barletla , dit - il (i),
JYeapolitani regni , Apulus , ordinis
auteni dominicani , theologus et con-
cionator utilis , cùm floreret anno
1270. Il ajoute que ses sermons furent
imprimés plusieurs fois avant l'édi-
tion de Venise, de l'année 1571.
(B) Il s'est trouvé des catholiques
romains qui ne l'ont pas épargné. ]
Pierre de Vaucluse (2) a poussé vigou-
reusement Barlette , et lui a reproché
nommément l'impertinence de sa ré-
ponse à la question , Comment la Sa-
maritaine connut que Jésus - Christ
était Juif ? Elle reconnut cela , dit-
il, a la circoncision. Il faut avouei'
que ce critique n'a pas eu toute l'exac-
titude qui lui était nécessaire : car
non-seulement il ne parle pas des deux
autres marques auxquelles, selon Bar-
lette, cette femme reconnut que Jésus-
Christ était Juif; mais il attribue
aussi à Barlette d'avoir avancé qu'elle
vit que Notre-Seigueur était circon-
cis ; or, il est certain que Barlette ne
s'est pas exprimé de la sorte. Prima
ad habitum quem portabal ; se-
cunda quia JSazarœus in cujus capile
novaculum non ascendit ; tertia ra-
tio ad circumeisionem : nullus alius
populus erat circumeisus. Il ne servi-
rait de rien à la justification de ce
censeur de dire que l'on a pu inférer
des paroles de Barlette ce qu'il lui im-
pute ; car ce qu'un homme dit ne
doit jamais être confondu avec les
conséquences qui peuvent naître de
ce qu'il dit. Combien de choses échap-
pe-t-il , non-seulement à un orateur ,
mais aussi à un auteur , dont il ne
voit pas les conséquences les plus pro-
chaines? 11 est donc très-possible qu'en
lui attribuant d'avoir dit ces consé-
quences , on lui impute ce à quoi il
ne pensa jamais. Il faut donc , si l'on
veut critiquer exactement et de bon-
ne foi , se prescrire cette règle : Ac-
(1) Possevin, Apparatus Sacri , tom. I, folio
521 , apud Altamur. , pag. 5i8. Celle faute ne
se trouve point dans l'édition de Cologne , en
X607. On y voit pag. 610 , cùm iloreret anno
1470.
(2) A Valle clans». C'est un nom de guerre
sous lequel Théophile Raynaud s'est déguisé.
cusez les gens d'avoir dit précisément
ce qu'ils ont dit ; mais faites-vous une
religion de n'en rien ôter , et de n'y
rien ajouter ; marquez-leur les consé-
quences qui en naissent ; mais n'assu-
rez pas qu'ils aient vu ces conséquen-
ces , et qu'ils les aient admises : atten-
dez ce qu'ils diront lorsqu'ils auront
ouï dire qu'elles sortent naturellement
et nécessairement de ce qu'ils ont dit.
Je ne saurais me figurer que Barlette
ait été assez impudent et assez extra-
vagant pour avoir débité Yimpudora-
tam blasphemiam que son censeur lui
impute en si beau latin. Il suffit de
l'accuser de n'avoir su ce qu'il disait
avec sa troisième marque. J'abandon-
ne donc son critique à la colère d'Al-
tamura. (3) Pessimè igitur a Valle
clausd falsavit calumniaturus Barlel-
tas senlentiam exscribendo : respondit
Samaritanam cognovisse Chrislum es-
se Judœum videndo eum esse circum-
cisum. Ubi fraudulento silentio prœ-
terivit duas priores illius rationes ,
etc. + On a été plus exact dans la cen-
sure d'un autre sermon. 11 s'agit, dans
cet autre sermon, desavoir pourquoi
Je Saint-Esprit différa dix jours sa ve-
nue dans le monde. Barlette attribue
cela à la peur d'être traité de la ma-
nière que le fils de Dieu l'avait été; et
il ne fait finir la dispute entre le Pè-
re et le Saint-Esprit que par cet ex-
pédient. Le Saint-Esprit s'avisa de
prendre la forme de vent et de feu ,
afin de ne courir aucun risque parmi
les hommes. Que peut-on dire de plus
bas et de plus indigne de la majesté
de Dieu ?
(C) Les dominicains se donnent bien
de la peine pour justifier ce prédica-
teur.] Pour commencer par le sermon
de la Pentecôte, je remarque qu'Alta-
mura est si éloigné d'avouer qu'il y
(3) Altamura, Bibliolh. Orcl. Pradic. , pag.
Sic,.
* Bayle a ignoré , dit Joly , que Jean Casalas ,
qui avait répondu au livre de Th. Raynaud ,
avait essayé avant Altamura de justifier Barlette
à ce sujet. L'ouvrage de Casalas est intitulé ,
Candor Ldii seu ordo fralrum prcrdicalorum a
calumniis et contumeliis Pelri à faite clausd
vindicalfit , et est imprimé à la suite de la réim-
pression de l'ouvrage de Raynaud ( De immunilale
tiuctorurn cyriacorum à censura ) , faite à Lyon ,
1664, in-S°. « La Monnoie avait , dit Joly , écrit
» ces paroles sur un exemplaire que j'ai vu ;
>• Raynaudus et Casalas inepli; Raynaudo In-
» men Casalas ineptior. Ils sont l'un et l'autre
« à l'Index. ■>
BARLEUS.
123
ait là rien à reprendre , qu'an con
traire il y trouve un art merveilleu:
de représenter l'endurcissement de le Père et le Saint-Esprit est ai
Thomme , et il est fort surpris qu'on gaietés de Henri Etienne • or ,
ait ose l'aire ce procès à un tel prédi-
cateur. Tanti nominis , dit-il ( 4 ) ,
concionalorem , lanloque cum fructu
verbuni Dei disséminante m , ut ail hue
vigeat ad perpétuant tanti viri decus
commune in Italid proloquium, nescit
ne sont pas ceux qu' Alberti attribue
un imposteur *. La dispute entre
une des
. Al la-
mina la reconnaît pour mi enfant lé-
gitime de BarleïHç,
* Bayle.d.lLcclerc, pa«V avec trop de con-
fiance. Alberti, ajoute-t-il, PHait généralement
de tous If sermons imprimés <*i,>u/>/«-'.< sous le
nom île Barlette, et il soutient q«;(s ne sont
PR.EDICARE QUI NESCIT BAIILETTAKE (5) (*). nullement de ce moine; mais lavis d Mtaraura
Pour ce qui est du fond de l'autre «'.rHue! f:.ppu.e Bayle v.ut b.en au mous «.
, . " ., , t , . î lui d Alberti.
objection, il y répondit tresmal; car
if prétend que, selon Barlette, la Sa- BARLEUS (MELCHIon), natif
n.aritaineconnutàniabitetàlache- a' Anvers , poète latin au XVIe.
velare que Jésus- Christ était Juit , ., . 7 a
d'où , en raisonnant , elle tira cette Sl^le , et hls de Lambert har-
conséquence, il est donc circoncis. En- lelis , qui fut garde des archives
core un coup , le plus court est de d'Anvers plus de quarante ans ,
dire que ce pauvre prédicateur ne sa- f ë, ë SQUS de bong maîtres
vait ce qu il disait avec sa troisième , .. , .
marque : il n'aurait su où il en était , et témoigna par divers écrits tant
s'il lavait prise pour un objet de rai- en vers qu'en prose (A) les pro—
sonnement. grès qu'il avait faits. L'un de ses
(D) On la voulu justifier, en disant ?• • t „•».,„„ „ .:+•
„ ) / , t , v . ' i" ireres , nomme Jacques, quitta
qu il n est point l auteur des sermons . . . » *
qui ont couru sous son nom. ] Léan- son pays pour la religion , et se
dre Alberti se vante d'avoir connu en sauva en Hollande , où , après
sa jeunesse l'ignorant qui forgea ces avo;r £té régent de la seconde
indignes productions , qui ont couru j i n ' j t „ j m r *
sousble nom célèbre de Barlette (6). dans \G co}l%e de Leyde , ll/ut
Il y a lieu de s'étonner que le nouveau appelé a la Brille , pour y elre
bibliothécaire de l'ordre n'ait pas allé- recteur du collège. GaSPAK Bar-
gué cette raison pour justifier son cou- LTXS frere am^ Je Melchior
trere : et 1 on dirait qu il n'a osé s'en /T)s ' i • 1 r. j»
servir, parce qu'on a reconnu que le (Ç) » succéda a la charge d pr-
iait avancé par Léandre Alberti n'est chiviste, que son père avait exer-
pas véritable. Mais, qu'il le soit ou cée ; mais lorsque Anvers eut été
non il est du moins fort certain que remis sous Je jouft <]e la domina-
dans les écrits qui sont incontestable- .• , °-, .•. i
ment de Barlette il y a des choses im- tlou. espagnole, il sortit de sa
pertinentes. Nous venons de voir ce patrie, et se retira en Hollande,
que Pierre de Vaucluse y a censuré. Jl y transporta son fils aîné, qui
C'est à tort que M. Moréri soutient était encore au berceau (a) , et
que divers auteurs protestons se sont i . . , , ,» . • 1
servis de ces sermons prétendus de dont )e Parle dan* [ article SU1~
Barlette, pour tourner en ridicule les Vant.
catholiques , et qu'entre ceux-là Hen- _
ri Etienne est des premiers; car i'ose „ ^ Tirtj dc l0r™00, ,unel,,re de GfPar
i- ,. ,■ -, , ■• Barletis , iironom <•<■</ Amsterdam, nn/- Jean-
bien mettre en tait que les sermons . A ' , ,« ,,„ • ,-,„ ,f{io
j, . il • r.- .• -.i Aiu. Coivinus, /•-■ lo de janvier lOJo.
d ou neuri Ltienne a tire ses railleries
(A) // fit divers écrits , tant en vers
qu'en prose.] En voici les titres : Bra-
bantiados libri V, et Antverpiœ En-
comium ; De diis Genlium libri duo ,
en vers élégiaques , à Anvers , en
chap. VII du II*. lirre i56t (i). De raplu Ganymedis libri
(6J Alberti Descriutio Italisr , pag. ^o (i) Valerii Andr Bibl. belg. , pag. 6S9.
(4) Idem, ibtd.
(5) Il avait déjà dit cela dans la page irp,
avec une tirade de pompeux éloges.
C) I'» France eut aussi son Barlette au commen-
cement do seizième siècle, en la personne du Ja-
fameux prédicateu
cobin Guillaume Pepii
Voyez la note im sur le i
124
1res (2) , et Bucolica , à Anvers , en
1572. Une Harangue de Vïtœhuma-
nœ Felicitate , cum adjuncto Carminé
De Iierum humanarum < icissitudine
ad Gasparum fratrem . à Anvers, en
i566(3). Historia d^ -Oomils Auslria-
ctv ctmnentiâ (4">-
(B) Gaspar ïarleus était frère aîné
de Melchio- ] Je ne doute point que
Valère indré n'ait pris ce Gaspar
pour^elui qui a été professeur à Am-
sterdam , et dont les vers latins ont
/ait tant de bruit. S'il l'a fait , il s'est
trompé lourdement : ce professeur
élait le neveu de Melchior , et non
pas son frère. Si , pour disculper Va-
lère André de ce coté-là , on soute-
nait qu'il ne prend point les choses de
la manière que je suppose, on le met-
trait dans le tort d'un autre côté : car
quand on fait connaître un auteur par
ses parens , on ne doit pas citer des
parens qui soient inconnus , ou dans
la république des lettres , ou dans le
monde ; et par conséquent , ces pa-
roles de Valère André , Melchior Bar-
lœus Antverp'iensis , Gasparis fra-
ter , seraient frivoles si elles étaient
entendues du frère de Melchior ; car
ce frère , quoiqu'il ait régenté à Bom-
mel, est un sujet inconnu. M. Moréri
a commis la même faute que Valère
André.
(2) Corvin. , in Orat. fnnebri Gaspar. Barlœi.
(3) Valerii Andr. Bibl. belg., pag. 669.
(4) Corvin. , in Orat. funebri Barliei.
BARLEUS (Gaspak), neveu du
précédent, a été professeur en
philosophie à Amsterdam, et l'un
des bons poètes latins du XVIIe.
siècle. Il naquit à Anvers l'an
BARLEUS.
Gaspar au ministère du saint
Évangile. Ce Gaspar étudia huit
ans dans le collège de la provin-
ce de Hollande à Leyde , et puis
ayant été reçu ministre, il ser-
vit une église de village auprès
de la Brille. Bertius étant mon-
té de la charge de sous-principal
à celle de principal de ce collège,
ne crut point que personne tût
plus propre que notre Barleiis à
lui succéder. Sa recommanda-
tion fut efficace : Barleiis fut fait
sous-principal ; et quelque temps
après on lui donna la profes-
sion de logique dans l'université
de Leyde. 11 se mêla si avant
dans les disputes des arminiens,
qu'il fut déposé de toutes ses
charges lorsque le parti opposé
à celui-là eut pleinement triom-
phé l'an 1618, au synode de
Dordrecht. Barleiis se mît alors
à étudier en médecine , et dans
deux ans il se crut capable du
doctorat. 11 en prit les degrés à
Caen , mais il ne pratiqua pres-
que poiut. Il y eut des jeunes
gens qui le prièrent de leur
faire des leçons de philosophie et
de belles-lettres , et , comme, il
était rompu à cela, il se remit
dans cette route , et recouvra
même à Leyde un caractère pour
cette fonction. Les magistrats
1 584 (a). Son père, qui était de d'Amsterdam ayant érige une
la religion, se réfugia en Hol- école illustre, l'an i63i , lui of-
lande, dès que le duc de Parme frireut la profession en philoso-
fut rendu maître de cette plue. Il l'accepta , et l'exerça
se
ville. 11 s'arrêta trois ans à
Leyde , après quoi il fut appelé
à Bommel , pour y être recteur
du collège. 11 exerça cette char-
ge pendant sept ans , et puis il
mourut , ayant destiné son fils
(a) Par l'épîlrc dédicatoire de ses Lettres
cm <>oit qu'il naquit le 12 defe\'rier.
dignement jusques à sa mort ar-
rivée le \f\ de janvier 1640" (b).
C'était un homme de grand mé-
rite. On a un volume de Haran-
gues qu'il prononça sur divers
(b) Tiré de son Oraison funèbre, prnnon-
cée par Jean Arnold Corviuus. Le Diarium,
du ««trWilte met sa mort à l'an 16/(7.
BARLEUS. 1-5
sujets , et qui sont non-seulement attendait de lui , n'a jamais paru.
reeonuuandablesparlestyle,mais 11 a fait voir de quoi il était ca—
aussi par le tour , et par divers pable en fait d'histoire par la re-
traits d'esprit. La poésie était son
fort: ses muses avaient beauconp
de fécondité et d'élévation (c). 11
n'y eut au monde pendant sa vie
presque rien de grand dont il ne
fit un pompeux éloge , lorsque la
raison d'état n'y apportait point
d'obstacle (A). Le cardinal de Ri-
chelieu , et le chancelier d'Oxen-
stiern ne furent pas oubliés : en-
core moins oublia-t-on les con-
quêtes et les beaux exploits du
prince d'Orange Frideric Henri.
La reine Marie de Médicis , et la
magnifique réception qui lui fut éléphant sur les disgrâces corpo-
faite à Amsterdam (d) donne- relies ou domestiques qui lui sur-
rent de l'exercice à l'éloquence viennent : et d'ailleurs ceux qui
de Barleiis. Il avait publié quel- savent tout le mystère sont or-
ques ouvrages de controverse dinairement des personnes qui
très-piquans contre les adversai- n'avouent point ce qui fait quel-
res d'Arminius (B). Cette plaie que déshonneur.
ne se ferma jamais: il fut re^ai- m\ h '„>« ■ j jj •*
(A) // ny eut rien de grand dont il
lalion de ce qui s 'e'taitpassé dans
le Brésil, pendant que le comte
Maurice de Nassau en fut gou-
verneur. Il publia cette histoire
l'an 1647- ^ a couru d'étranges
bruits sur sa dernière maladie
(E) , et sur sa mort (F) ; mais on
ne peut guère savoir au vrai ce
qui en est. Il faut faire peu de
fond sur les bruits de cette
nature , car on sait par cent
exemples , que , pour peu qu'un
auteur se soit distingué, la re-
nommée fait d'une mouche un
dé toute sa vie comme un fau-
teur de cette secte (C) , et il se
trouva bien des gens qui mur-
murèrent contre les magistrats
d'Amsterdam, de ce qu'ils en-
tretenaient un tel professeur. On
observait de près toutes ses dé-
marches , et on ne lui pardon-
nait rien. On cria contre lui
d'une terrible manière , à cause
de certains vers qu'il avait faits
sur le livre d'un rabbin (D). Ses
lettres ont été publiées après sa
mort, en deux volumes (e); mais
le Sextus Empiricus , que l'on
(c) Voyez les éloges que. lui donne Bor-
riehius, Dissertât, de Poetis , pag. lAo.
(-/ En 1637.
e Gérard Brandi, son gendre, les Jil im-
primer à Amsterdam, l'an 1667. On en voit
quelques-unes des principales dans le recueil
des Epùtolœ pnrstantium ac eruditorum Vi-
vorum, publié par les arminiens, in-%°. ,
l'an i£(k>, et in'/ulio, l'an \G6\.
ne jîl un pompeux éloge , lorsque la
raison d'état n'y apportait point d'ob-
stacle. ] J'emploie cette restriction ,
parce que j'ai lu dans les lettres de
Barleiis qu'il ne voulut point faire un
poème sur le couronnement de l'em-
pereur Ferdinand III , comme on l'eu
avait prie. Il considéra qu'il avait à
faire à gens soupçonneux, qui ne
manqueraient pas de le décrier com-
me un pensionnaire de la maison
d'Autriche; et d'ailleurs, il ne vovait
pas qu'après avoir tant chanté les vic-
toires de Gustave sur l'empereur , il
put louer Ferdinand d'avoir acquis
une grande gloire en faisant la guerre
aux Suédois. Voilà un poète honnête
homme. Combien y a-t-il de gens de
sa profession qui ne sont pas si scru-
puleux ? ils ont une plume à deux
mains : non-seulement ils prépaient
des acclamations pour le parti qui
vaincra , quel qu'il puisse être ; mais
même après l'événement , ils font des
vers pour les deux partis (0. Je ne
(1) Confère* avec crci ce i/ur Maoobe . Sa-
turn. , lib. II , cap. Vt pag. si' , rapporte d'un
:2Ô
BARLEUS.
doute point qu'il n'y ait des poètes en
Italie qui ont loue , ou qui loueront
M. le Dauphin et M. le prince Louis
de Bade sur la campagne de iGg3. Lit-
teras accepi Piétina, ce sont les pa-
roles de Barleiis (2) , quibus petuur
uti laudatio/ie aliquâ velim prosequi
coronationem Ferdinandi terlii impe-
raloris. Ego si sapiam abstinebo ab
illd laudatione religiosissimè. Quam-
quam enim ea possem scribere quœ ad
laudes imperatoris faciant , nec Heip.
nostrce adversentur, tamen prout sunt
nostratium ingénia, judicarent me bé-
néficia obslriclum Austriacis. Scimus
Cœsarem non quidem aperto Marte
nos petere , se d per latns Hispani no-
bis gravent esse. Laudavi eliam non
ila pridem Gustavunt Sueciœ regem ,
ejusque adversùs Cœsarem bella pro-
bavi. Jam ut laudem Ferdinandum
tertium ob gesta adversùs Suecos fé-
liciter bella , a prudentid med impe-
trare non possum. JYon sum ambidex-
ter , sed ab omni adulalione alienis-
simus. Cuperem obsequi pelitioni il-
luslrissimi legati , sed hoc cavendum
ne dum Jbris henè , domi malè au-
diam. Forte nimis siitn meticulosus ,
sed et illud certum illam Cœsaris lau-
dationem a me profectam calumniœ
suspicionibusque oportunam fore. La
crainte de Barleiis n'était point sans
fondement ; et si la raison voulait
qu'il ne fît pas le panégyrique de Fer-
dinand III , puisque la Hollande était
en guerre avec la maison d'Autriche,
et qu'il ne faut pas qu'un auteur souf-
fle le chaud et le froid , la prudence
n'exigeait pas moins de lui qu'il ne
se mêlât point de cet éloge. Ceux qui
le croyaient ami des arminiens l'eus-
sent difi'amé comme un ennemi de
Dieu et de l'état, et ne se seraient pas
contentés de le dire dans les maisons
et dans les rues. Au reste , si tous les
héros qu'il loua le payèrent aussi bien
que le cardinal de Richelieu (3) , il
n'eut pas sujet de dire que la cultu-
re du Parnasse est celle d'un terroir
ingrat.
(B) // publia quelques ouvrages de
homme nui avait instruit deux corbeaux , Vun
pour féliciter Auguste, l autre pour féliciter
Marc Antoine.
(2) Caspar. Barlreiis , Epist. CCCXXXIV ,
pag. 668. La. lettre fut écrite l'an i636.
(3) Ce eariitnalluifitdonnercinq mille francs
pour son éloge , si l'on en croit Sorbière , Sor-
beriaua , pag. ;•<.
controverses très-piquans contre les ad-
versaires d'Arminius.~\ Il publia à Ley-
de, en 1610, un écrit intitulé : Bo-
germannus i\tyX^iV0^i s'-v>e Examen
Epislolœ dedicatoriœ quant suis ad
pietatem illustrium ordinum Hollan-
diœ et M^est-Frisiœ Nolis prœfïxit
Joannes Bogermannus , ecclesiastes
Leovardiensis : in quo etiam Crimina
a Matlhœo Slado impacta Erasmo
Roterodamo diluuntur. L'année sui-
vante, il publia un livret dont voici le
titre : Dissertatiuncula in qud aliquot
patriœ theologorum et ccclesiastaritnt
malè sana consilia et sludia justd ora-
lionis libertate reprehenduntur. Il y
avait trop d'aigreur dans cette pièce,
et trop d'injures contre les prédica-
teurs; car il prétend (4) que Ton trou-
vait en Hollande Piros prœdicalorii
ordinis vocales plus satis, qui ad scri-
bendos salutiferos libros inepti , ad
prœdicandam Christ i sapientiam elin-
gues , tamen ad obtrectandum cum
magistratibus, tuni dissenlientibus cir-
ca res religionis symmistis diserli sint
et copiosi. Dans la page suivante il
dit: Sitempla aliquot Hollandiœ per-
agrare libeat, theologos quampluri-
ntos in spermolagos ; concionatores in
convitiatorcs ■ pacis prœcones in fac-
tionum principes et schismalis faciun-
di buccinatores transformatos mirabe-
re , nec tant reformata anipliits, quant
pessimis aliquorum moribus déformâ-
tes religionis antistites esse jurabis.
C'était outrager avec excès ceux que
leur caractère lui devait rendre véné-
rables. Cette invective fut traduite
tout aussitôt en flamand. Je ne sau-
rais bien dire si ce fut dans cette dis-
sertation qu'il traita de nebulo un
certain Vincent Drielenburch, qui s'é-
tait érigé en prophète ; mais, ou dans
cet écrit, ou dans quelque autre , il
s'était servi de ce terme injurieux : ce
qui émut tellement la bile de ce per-
sonnage , qu'il publia un livre , dans
lequel , après avoir traité Barleiis de
fripon et de scélérat , nebulnnem et
scelestum , il s'engage à donner cent
francs à la diaconie de Leyde, et à se
livrer à la justice , afin que sa puni-
tion serve d'exemple , en cas qu'on
prouve par de solides raisons qu'il est
fripon , Nebulo Vincenlius eliam
Drielenburch suis prophetandi parli-
C4) P"?- 4-
BARLEUS.
127
bus non dcfuit , nam annn superiore qu'un des collègues de Polyander lui
à Casparo Barlœo in scriptn qundarn
nebulonis nomine designatus , id adeo
propheticœ suce dignitali putavit esse
injuriosum, ut edito mox scripto eum-
dem Barlœiun scelestum et nebulo-
nem nominarel, etc. (5). Peu après il
parut un livre , où l'on prétendit
avait reproche' d'avoir dit cela à Bar-
leùs, ennemi de l'Eglise : Tu hoc dixis-
ti Barlœo, queni scis esse hoslcm Ec-
clesiœ , qui ULud Ipsum ad Vjtenbo-
gardum et Episcopium perscripturus
est. Ces lettres furent écrites l'an i63o.
Il paraît par les lettres de Barleùs
prouver , par dix raisons incontesta- qu'il a toujours été dans les opinions
blés , ce qu'on avait avancé contre des remontrans.
Drielenburch. Il répondit à ces dix
raisons , et s'emporta extrêmement
contre Barleùs. Celui-ci composa une
Remontrance a messieurs les Etats-
Généraux , pendant son exil. Elle est
datée de Francfort , au mois d'août
1620, et intitulée : Fuies imbellis, si-
ve Epistola parœnelica ad illustris-
simos et potenlissimos Fœderatarum
(D) On cria contre.... les vers qu'il
avait faits sur le livre d'un rabbin,']
Manassé-Ben-Israè'l, l'un des plus habi-
les hommes qui aientété entre les Juifs
dans le XVIIe. siècle , publia un livre
sur la création, l'an 1634. Barleùs fit
une épigramme sur ce livre, et souf-
frit, selon la coutume, qu'elle parût
à la tète de l'ouvrage. Il déclarait
provinciarum Ordines. C'est une piè- trop expressément qu'il préférait la
ce très -bien écrite, et où l'on re- bonne vie à la vérité des dogmes
présente gravement les maux des de spéculation. Un théologien de De-
persécutions , et les droits de la cons- venter lui fît là-dessus une grosse af-
cience. Vous la trouverez dans les faire : il publia un écrit où il soute-
Prœstanlium et eruditorum firorum nait. que l'épigramme était remplie
Epistolœ (6). de blasphèmes, et que l'auteur était
(C) Il fut regardé toute sa vie com- un socinien. On voulut même porter
me fauteur de ta secte d'Arminius. ] l'affaire devant les états de Hollande,
Il est certain que depuis qu'il fut ré-
habilité dans l'académie de Leyde , il
n interrompit point ses correspondan-
ces avec les arminiens. Sa CLVIe. let-
tre apprend à Uytenbogard que Po-
lyander , professeur eu théologie à
Leyde , avait révélé à se? amis que
pour convaincre de socinianisme Bar-
leùs et tous les arminiens. Consilia
agitari uti libellus iste censorisordini-
bus Hollandiœ exhibeaturut appareat
Barlœum et remonstrantes esse soci-
nianos (9). Barleùs se défendit avec
chaleur, et se mit bien en colère. Il
tout ce qu'il y avait de modération soutint qu'on interprétait maligne
dans l'écrit que la faculté de théologie ment ses paroles, et qu'on les falsi
avait publié contre les arminiens ve-
nait de lui : Quidquid mollius lenius-
que scripturn reperitur in specimine, a
se profectum esse, reliqua asperiora
collegarwn esse (7) ; mais qu'il sou-
haitait ([lie , si les arminiens savaient
cela, ils ne le témoignassent pas , vu
que ce serait l'exposer à l'indignation
de ses collègues. Rogavit me obnixè
per D. P^ossium internuncium , vobis
uti scriberem, ne si forte hœc res ad
aures vestras pervenerit , ejus in res-
ponso vestro meminisse velitis, ne col-
legarum suoruni invidiœ ac odiis ,
quorum jam seminajacta, miser obji-
liait même , afin de mieux colorer
les chicaneries dont on se servait pour
trouver des sens auxquels il n'avait
jamais pensé. Epigramma quoddam
riieum quœsitis et perversis detor-
siombus maligne interpretatur. Dicit
Mo Epigrammate contineri varia quœ
Ecclesiœ perniciosa , religioni chris
lianœ probrosa , et m Deum ac Do-
minum nostrum Jesum C/iristum im-
pia sunt. Sociniaiiismuru adliuc auc-
tori Epigrammatis impingit.... Cen-
sor pessimd fuie voculam è. carminé
sustultt, et suant substitua, manea-
11111s pro vivamus. Sensus ajfingit ver-
ciatur(8). La lettre suivante témoigne sibus meis île quibus ne per somnium
... c . _ , quidem cogitavi (10). 11 protesta qu'il
«. n neigiT™ ™'e G1"5 ' '" PaciCcalorio Jis" n'était point socinien , qu'il ne l'avait
J6) A tapage 63o' \tsuiy. de Vediuon de J3'™'3 éU ' Ct ^ll détestait les dog-
(qï Barlae.is, Epist. CCC.LXXXVIII, p„ ■ ,;-•-,
(,o) Ibidem, paS. 6:4 , (i:î. Veyex amti
pag. 678.
{■)) BarW, Epist. CLVI, paï
(8J Ibidem.
ia8 BARLEUS.
mes des sociniens. Il ajouta que quel- crois qu'en général les meilleurs amis
ques-uns seraient bien aises de le voir de Barleiis lui trouvaient trop de sen
socinien, afin que la haine qu'ils lui sibilité pour la censure de son épi
portaient remportât un plus grand
triomphe. Non sum socinianus , nec
fui unqulim , imo hostis sum istorum
dogmatum aceirimus. Sellent quidam
me esse qui explendi in me odii ma-
teriam sollicité quœrunt (i i). Si ce ju-
gement était faux , il n'était pour-
tant point éloigné de la vraisemblan-
ce ; car ceux qui se trouvent engagés
gramme ; car on lui conseillait de mé-
priser ses censeurs, et on lui en écri-
vait beaucoup de mal. Tibi sum auc-
torut eos pOilhac prœteritione mulcles.
jicerrima vtndicta est contemptus in
malam rem homines ad civilia ingt'
nia vexanda natos. Ex Epigrammate
scilicet quo Manassen Judœum non
proscindis conviliis , totus in te theolo-
dans les querelles de doctrines, accu- gorum ordo asperatus omnem Hœreti-
sent de tant de choses leurs adversai- corum senlinatn in capul tuum infun-
res , qu'ordinairement parlant il ne det.... Si verpivm , apellam , recuti-
saurait leur faire un plus grand dé- tum eumdem dixisses et virum , ut
pit que de paraître autre qu'ils ne di- videlur, non maluni poeticis scommati-
sent. Quoi qu'il en soit , il était per- bus exagitdsses , palmarium meruisses
misa Barleiis de repousser la calom- Si quid mihi apud te eslfidei ,
nie ■ mais il ne devait pas faire des crabrones istos ilerùrn dico posthac ne
vers si outrageans contre le théolo-
gien de Deventer , que peut-être Ar-
chilochus n'en faisait pas qui le fus-
sent davantage. Ce théologien , au
gliges. Acriùs enim post repulsam
instant , et ubi excusseris venenum
ornne in aculeos adi'ocant tanquam ipsi
lœsi ( 16). L'épigramme de Barleiis ,
reste, s'appelait Vedelius , et il in- qui donna lieu à tant de fracas , trou-
titula son livre Deus Synagogœ. Un verait ici sa place , si elle n'avait été
professeur d'Utrecht (12) le seconda insérée depuis peu dans un petit livre
dans cette attaque par un écrit qu'il qui est entre les mains de tout le
intitula Forstius redivivus , et que inonde (17). Je m'étonne que l'on n'y
Vedelius eut soin de faire imprimer, ait inséré qu'une très-petite partie des
Vossius se persuada que Barleiis de- vers de Barlpiis contre Vedelius; mais
vint malade pour avoir trop pris à je m'étonne bien davantage qu'on ait
cœur l'insulte de ces deux antagonis- pu penser que l'endroit qu'on en rap-
tes. Voici ce qu'il écrivit à Grotius , porte montre que l'auteur se moquait
le i5 de décembre 1637. Collega Bar-
lœusjam tertiummensem laborat quar-
lanâ. Metuiturei à jua.fx?/uôù. Ut con-
valescat non uidetur idem fore qui
quondam ( i3 ). Afflixil valeludinem
opère properando quod nunc excudt-
tur. Est hoc de ingressu (i4) reginœ
matris in urbem nostram , et honore
pompœ ei exhibito. Typis prodibtt au-
sustts plurimis exomalum picturis.
Atque hoc quod dixi non dissimulât
apud amicos. Sed multhm metuo ne
rnorbum hune indè contraxerit , quod
nimis ad animum rei'ocaret quœ ad-
venus eum scripta sunt h Doct. Ve-
deho , et Mag. Schoockio ( i5). Je
(,,) BarUsus , Epist. CCCLXXXVIII, pag.
(12) Martin ScboocVms. Voyei Voetius , Dis-
ant, sélect. , vol. I , pag. n56.
(i3) L'événement ne confirma, point celle con-
jecture. On en fait tous les jours de semblable*,
qui se trouvent fausses.
(i\) Voilà notre gallicisme tout pur. C'est
celui Je l'entrée.
(>5) Epiât, prasstant. et eiiulitomm Virorum,
pag. 796 , edit. in-folio ann. itil».j.
des deux religions. Voici ce que dit
Sorbière : Cùm Vedelius nomen suum
in priori scripto analytico Epigram-
matis Barlœani restituisset (18) , ait :
Quid lenebroso
Calumnicitor prave délites antro ,
Et exolela soeve tergiversalor
dreessis orco tnonstra perdtla? seclœ ?
Cur versipellis Sarmalœ maias voces
P orienta Jidei , exsibilala Senensis
Commenta verbis ajfricas Serenatis ?
Quœ sanè nec Calviniari.s satisj'acere
nec altis , sed utriusque religtonis lu-
dibrio habitœpoè'tam mérita suspeclum
reddidere (19). Il faut rêver ou être
ivre pour juger ainsi • car les vers que
l'on vient de lire sont les plus piquam
(16) Rocbus HonerJius , «n Episl. ad Bar-
lxum , ibid. , pat;. 7g5.
(17) Dans le Sorberiana, pag. 3^ et 38, édiï.
de Hollande , en i6g4-
(18) C'est sans doute une faute d'impressioi.
L'auteur avait dit peut-être siluisset; car outrt
qu'il est faux que Vedelius se soit nommé au
premier écrit , les vers allégués supposent qui'
avait supprimé son nom.
(ig) Sorberiana , pag. 3g.
BARLEUS.
que Ton puisse faire contre le socinia-
nisine , et l'on ne saurait témoigner
plus vivement que fait Barleùs com-
bien il détestait d'être soupçonne «le
cette hérésie. La prose de cet auteur,
que Sorbière avait citée auparavant ,
ne tonne pas moins contre cette secte.
(E) // a couru d'étranges bruits sur
sa dernière maladie. ~\ J"ai ouï dire
qu'il croyait être de verre , et qu'il
craignait d'être cassé en morceaux
3uand il voyait que l'on s'approchait
elui. D'autres m'ont dit quil croyait
être de beurre ou de paille; et que ,
dans cette fausse imagination , d n'o-
sait s'approcher du feu. Cela est in-
compatible avec le narré de son orai-
son funèbre . prononcée par le sieur
Corvin , professeur en droit : car on
y assure qu'il fit une leçon :'i ses éco-
liers le jour qui précéda sa mort., et
et qu'il é'tait prêt à leur en faire une
lorsqu'il fut saisi d'une défaillance de
laquelle il ne revint point. ld quod do-
lemus eo accidisse mnmento quo se pa-
rafai ut juuentuti sibi commisses dn-
cendo débitant prœstaret oQicium (20).
Anlecssit quidem eum mnrbus cum
quo luctahatur subindè , non lumen
tantus quin aliquomodo consuetis ad-
huc sujji \er-et lahoribus. Audiveranl
eum pridiè diei quo eum mors invasit,
discipuU docentem : audivissenl eadem
qud O'-cidit , nist ip^is eum abstulisset,
ita ut accepimus, plurimis hodiè exem-
plis fer'e epidemica iipothymia. Il s'é-
tait servi peu auparavant [quadno-
tandum ) de la même circonspection :
Inopinala eum extinxit , ut nobis re-
l-ATUM , lipndiymia. Inde j'actum ut
eum exslinctum antè audiverimus ,
quant ntorti esse propimptum moi bus
prœnunliaret. Notez que Gorvin ve-
nait d'apostropher les disciples du dé-
funt. Aurait-il osé dire faussement en
leur présence qu'ils avaient assisté à
une de ses leçons le jour de devant sa
mort ?
(F) et sur sa mort. ] Morhofius
conte que Barleùs mourut dans un
puits , et qu'on ne sait s'il y tomba
?>ar mégarde , ou s'il s'y précipita vo-
ontairement. Misera j'ato peritt , pu-
teo submersus, an sponte, an casu , m-
certum , de morte ejusjam supra dixi-
mus. C'est ainsi qu'il parle dans la pa-
ge 3oo de son Polyhistor. Il nous ren-
Toie sans doute à la page i55, lorsqu'il
(20) Corvimis, in Orat. inuibri liarlsi.
TOME ni.
ï29
dit qu'il a déjà fait mention de cette
mort, mais dans cette page i55 il ne
se sert point de l'alternative du ha-
sard , ou du dessein prémédité : il as-
sure que Barleùs devint fou, et qu'il
se jeta dans un puits , et il cite la
LXlVe. lettre de Sorbière. Eo nnniiul-
lorum excrescit è fiducie nimia qjfibi-
tio , ut sinistro aliorum judicio in ex-
tremam incluant insaniam. Quod Bar-
lœo accidil , qui ob prcelalitm sibi
Spanftemium in maniant int idtt, seque
ipsum in puleo sujf<nuvit , quod de eo
Sorbierius refert Epist. G4 , extatque
apwl Duvortum Musarum stibcisiva-
ruin lib. 1 de eo Epigramma ( 21 ).
Celte citation est très- fausse j car voi-
ci ce que dit Soi bière : « La morl de
» Barleùs , de laquelle vous me de-
» mande/, quelques circonstances ,
» n'est pas de ce rang (221 . quoiqu'il
» fût très-galant homme 5 car il se
» trouvera toujours plus d'excellcns
» poètes que d'excellens médecins.
» Lorsque j'étais à Amsterdam , on
» parlait diversement de la tin de sa
» vie, comme s'il y avait eu de la
» mélancolie qui l'eût avancée. Il est
» vrai qu'ayant fait une Oraison fu-
» nèbre en vers sur la mort du prince
» d'Orange , et que le docteur Span-
» heim en ayant prononcé une en
» prose, il supporta très impatiem-
» ment 1 inégalilé de leur récoxnpen-
» se. Car, comme disait plaisamment
» M. de S nimaisc , on fit une étran-
u ge bévue, donnant la paie de cava-
» lier au fantassin, el celle de fan-
» lassin au cavalier. Barleùs n'eut
» que cinq cents livres, et l'antre cinq
» cents écus. » On ne trouve rien
touchant la mort de Barleiis dans le
Sorberiana. On y trouve bien que, se-
lon le bruit commun , Barleiis était
sujet à quelques accès de folie: Fere-
batur intervâlla quœdam minas lucida
habere , n>c aberat conjectura oculo-
rum qui non benè sanain cerebri par-
ticulam indicabant .
(ai) Morhof. Polyl.ist , pag. l55.
(2a) Cesl-b-dire dr l'importance de celle de
Wallaeua el de Veslngus, duil il venait de
parler.
* Joïjr pense que Hayle aurait pu renvoyer ara
recueil cité ailleurs par lui (article < ii*s>ix)(
et intitulé : Clrtionun virorwn r. islolm entunt
inedilte, t-o .. iu-S0 . qui coalisai des lettre* tint
de Bar! u- qu'adressée* à ce ■ vaut, et ob l'oo
voit que dès i6i3 il était en proie a de noirs ac-
cè> île mélancolie , dont il fut encore altaquv eu
idii, 11 woucuiW '4 janvier »'-'■.*■
,3o BARLEUS.
BARLEUS (Lambert) , frère du
précédent , naquit à Bommel, en
Gueldre, l'an i5i)5 (a). Il a été
professeur en grec dans l'acadé-
mie deLeyde. Avant cela, il avait
été régent de seconde dans un
collège d'Amsterdam(A), et avant
que de régenter cette classe il
avait été le ministre du baron de
Langerac , ambassadeur de Hol-
lande en France (b). Il fut ap-
pelé à Leyde , pour remplir la
place de Jérémie Hoelzlin , et
l'on ajouta un nouvel agrément
à cette charge ; car on la lui
donna avec le titre de professeur
ordinaire (c) , ce qui emporte
avec soi plusieurs avantages. Il fit
sa harangue inaugurale de Grœ-
carum litterarum Prœstantiâ ac
Ulilitale,\e 22 d'octobre ib/fi,
ïl publia en i65?. le Timon de
Lucien , avec plusieurs notes ,
qui n'ont rien de fort exquis , ni
de fort profond , mais qui peu-
vent être" utiles à la jeunesse. Il
mourut le 16 de juin i655 (d).
Son Commentaire sur la théo-
logie d'Hésiode fut imprimé
l'an i658.
(a) Wilte, in Diario Biographico.
(b) Gorvinus, in Orat. funebri Gasp. Bar-
lœi.
(c) Voyez l'épitre dédicatoire de son Ti-
mon de Lucien.
(d) Witle, Diarium Biograph.
(A) Il fut régent de seconde dans un
collège d'Amsterdam.] Les Hollandais
donnent le nom de Conrector à ceux
qui régentent cette classe. C'est com-
me qui dirait assesseur du recteur. On
appelle recteur en Hollande celui qui
régente la première classe. Il a inspec-
tion sur les autres régens.
BARLOW * (Thomas) , évêque
* Le Dictionnaire de Chaufepié contient
sur T. Barlow un article de sis pages et de-
mie.
BARLOW.
de Lincoln , sous le règne de
Charles II, a été un très-savani
homme. Il enseigna long-temps
la théologie dans l'université
d'Oxford , et quelqu'un a soup-
çonné qu'on l'en tira , parce
qu'il était trop orthodoxe (A). Il
avait un zèle ardent contre le
papisme , et il l'a témoigné par
ses écrits (B). Il avait beaucoup
de livres, et une grande lecture.
Il mourut l'an 1690, ou environ.
On a publié depuis sa mort quel-
ques opuscules trouvés parmi
ses papiers. Quelques-uns le con-
fondent avec Guillaume Barlow
(C) , évêque de Lincoln , qui flo-
rissait sous le roi Jacques Ier. , et
qui mourut même sous ce prince
(A) Quelqu'un a soupçonné qu'on
le tira de l'université d' Oxford parce
qu'il était trop orthodoxe. ] Ce quel-
qu'un est un célèbre ministre et pro-
fesseur en théologie à Groningue :
c'est en un mot Jacques Alting. Il dit
dans une lettre, datée du i3 de mars
1676, qu'on avait élevé depuis peu de
temps le docteur Barlow à l'évêché de
Lincoln , afin de l'ôter de l'académie
où il enseignait la foi orthodoxe (1) :
car, ajoute-t-il, les Anglais penchent
beaucoup vers le pélagianistne et le so-
cinianisme : et là-dessus il parle d'un
livre de Unione et Communione curu
Christo, dont l'auteur s'appelait Shei
lok.
(B) II avait un zèle ardent contre le
papisme.... : il l'a témoigné par ses
écrits. ] Lorsqu'on parlait tant de Ti-
tus Gates , et de l'horrible conspira-
tion dont il fut le délateur , cet évê-
que publia un livre, où il maintenait
contre toutes sortes de chicaneries que
c'est un article de la foi romaine que
le pape peut déposer les souverains ,
et donner leurs états à d'autres. C'é-
tait un très-bon moyen de témoigner
qu'on voulait nuire aux papistes ; car
de toutes les choses qui sont capables
d'exciter contre eux le zèle de la na-
tion , il n'y en a point qui le puisse
(i).lac. Alùn^i Operum , (oui. V,p«g- 3o,s.
BARNES
faire davantage que de montrer qu'il;
toujours prêts, par princ.
Jever con*r» les
princes protestans. Le livre que M
îow publia sur cette matière fut tra-
duit tout : français , et pu-
blie' sous ce titre : Traite historique
sur le sujet de l excommunication et
de la d-p^sltion des rois. JL P
le Barbin , 16S1 -
QmrJques- uns le confondent
l UCILLACME BaBLOW." Les de _
teurs qui ont joint des suppléai
lé de Jean Deckherrus de Scriptis
if tombés dans cette
faute. Deckherrus avait débite que le
-. , - a . —
acques , au sujet de Tapologie du
fut réfuté par
■Li. Un de
ses amis ( 3 ) lai écrivit que ce prélat
se nommait point Baclo. ma.:
L^î.ij-w. Is si place t est Thomas
md Ançlns nomi-
't de noslratibus optimè m-:
ni uni for-:: :\ando à.-.iz-
. rnaj*nam in in-
- - siam
. \iverrime uno et altero opus-
culo prœ< . Rom*-
nam magnum litteratis desiderium ex-
ri . : ejus de crnspiralione
_
uunpowder Treason. non lia pri-
dem . La lettre dont je
tire ces paroles , fut ecn
bourg . en 16S;. Il est donc visible
que l'ami de M Deckner: . . -
naît que 1 evèque de Linccln, qui avait
écrit pour le roi Jacques contre un jé-
. %uait encore. Or. c'est une
de rien quant au fond, pnû
que levéque de Lincoln qui écririt
pour le roi Jac
laum* xac
celui qui - .Je
; ufi a
Thomas Barlow pour e au
temj s dont je parle, et pour ave.
évéque l'an 1609; CAI d est très-rare
qu en Angleterre on soit er^que .
. ie trente-cinq ou quarante
L'auteur des 5ouvelles de la republi-
que des lettres , qui fit une petite re-
vue des fa
de celles 1 gius, non-seu-
lement ne s'aperçut peint c
. l*adopta; qui pâ
BARNE-
en théologie . et chapelain
de Henri VIII .
terre, fut envoyé en Allen::.
par son maître , Tan : 5 - .'
Il conféra d'abord avec les thëo-
. us protestans sur l'ai:
du divorce : il eut ensuite q
audiences de Pdecteui
gnit aux am[y . . _
deurs anglais . qui proposèrent à
cet électeur une alliance contre
le pape , et qui demandèrent
Henri "NUI fut associé à la : : _
de Smalcalde. - : -
rer la reformation de F Angle-
terre . mais au fond ils n'ara
le bévue. Ce fat en Tan pour but crue d'obtenir un-
probation doctorale du di.
Dert Persons . jésuite ar . ; il ', , „.
de leur maître . et une alliance
et qu'il
* vit de la plume du docteur I
S ce docteur
d vie l'an 16S1 . son Age eût
-ne chose tout-à-fait estr_
: ^n ne saurait excuser
qui auraient fait mention de sa scien-
ce et de ses !ivr- .ent oublié
de parler de son grand _
ne c
point qu'..
i\ent cent ans : cela ne servirait
•
-
. . Miut. làsà.
politique afin de susciter
d'art . qui me-
naçait de venger l'injure c
tante répudiée. Ils remportèrent
un avis des th-
temberg. qui ne le..
r;neut fat
• a ôtèrent la âon .
quand ils le montrèrent au
ït à la conclusion qu
i3% BARNES.
trouvait ce qui ne pouvait pas rir, rejeta la justification par les
plaire à ce prince (b). La condui- œuvres , l'invocation des saints ,
te de Barnes plut beaucoup au etc., et fit supplier le roi de s'eni-
roi d'Angleterre, ce qui fit qu'on ployer à une bonne réformation
l'employa pour entretenir cor- (d). Il y avait long-temps que la
respondance avec les princes al- liberté de sa langue lui avait fait
lemands. On l 'envoya plusieurs des affaires. Pendant la faveur de
fois à ces cours-là; el , entre au- Volsey , il prêcha si fortement à
très négociations, il îuX employé Cambridge contre le luxe des
le premier dans le projet du ma- prélats , que tout le inonde devi-
riage d'Anne de CVeves (D). Il na sans peine qu'il en voulait à
était bon luthérien, et il ne s'en ce cardinal. Là-dessus , il fut
cachait guère dans ses sermons ; amené à Londres , oh les sollici-
car pendant le carême de l'an talions de Gardiner et de Fox...
i54o, il réfuta le sermon que le firent sortir d'affaire, moyen-
l'évêque Gardiner avait prêché nant l'abjuration de quelques ar-
contre la doctrine de Luther. Il ticles qu'on lui proposa. « Dans
prit le même texte que Gardiner » la suite , il fut remis en pri—
avait pris , et enseigna une doc- » son , sur de nouvelles accusa—
trine toute contraire à celle que » tions : et pour ce coup on crut
ce prélat avait établie touchant » assez qu'il serait brûlé , mais
la justification : il attaqua même » il se sauva , et passa en Alle-
d'une manière indécente la per- » magne, où il s'appliqua entiè-
sonne de cet évêque , et plaisan- » rement » à l'étude de la Bible
ta sur le nom de Gardiner (c). et de la théologie. Il y fit de si
Les amis de Gardiner en porté- grands progrès , qu'il fut fort
rent plainte au roi , qui ordonna considéré et des docteurs et des
que Barnes en ferait satisfaction, princes. Lorsque le roi de Da-
qu'il signerait certains articles , nemarck envoya des ambassa-
et qu'il se rétracterait en chaire, deurs en Angleterre, il voulut
Tout cela fut exécuté , mais de que Barnes les accompagnât (e) ,
telle sorte , qu'on se plaignit que ou même qu'il fût l'un d'eux
dans une partie du sermon il (f). M. l'évêque de Salisburi ,
avait eu la finesse de soutenir ce que je cite en marge, pourrait
qu'il avait rétracté dans l'autre, être facilement justifié d'une cho-
Sur ces plaintes, il fut envoyé se qu'on lui a critiquée (g). On
à la Tour par ordre du roi , et il a pour le moins deux livres de
n'en sortit que pour aller souf- Barnes (F).
frir la mort au milieu des flam- , » _. , , ,,„. , . , , „ ,c
" , (d) Tire de /Histoire delà Reformatioa
mes (E) ; Car il fut Condamne d'Angleterre composée par le docteur Bur-
comme hérétique par le parle- »** (â f"f0ent évê'iiœ de Salisburi) , &>.
1 . 1 . * . ///, pag. 089 el suivantes.
ment, sans avoir eu la permis- (e) Là méme,paS. 688.
Sion de SC défendre. Il exposa Sa 10 F,ox debilc ce dernier sentiment qui
, ,1 parait douteux- au docteur Burnet : là me-
créance peu avant que de mou- me,p«g.68g.
(g) Voyez la remarque (B).
(A) Il fui professeur en
(e) C» mot signifie jardinier. et chapelain de Henri Vlll.\ 11 est
(i) Seckendoif , Histor. Lutheranismi ,
lib. Ifl , pag. 110 et sequent. (A) Il fut professeur en théologie ,
E
a
BARNES. i33
revêtu de ses titres dans la lettre de clait donc retourné en Angleterre
créance que le roi son maître Lui don- avant que l'évêque d'Hereford l'y en-
ne pour négocier en Saxe; et cette let- voyât ; et ainsi il ne fallait pas comp-
ile est datée de Windsor, le 8 dejuil- 1er pour son retour dans la patrie le
let 1 535 (i). Son nom de baptême ne message dont ce prélat le chargea.
araft pas dans cette lettre devant ce- Mais peut-on prouver que la lettre de
ui de Barnes. Il se donnait en Allema- créance ne fut point envoyée à Bar-
gne le nom A-1 Antoine A matins, quoi- nés en Allemagne, el qu'il fut lui-mê-
que son vrai nom fût Robert Haines, me envoyé en ce pays-là ? Oui , on le
Quand il dédia sa Vie des Papes au peut : Seckendorf !" preuve par des
voi d'Angleterre, l'an i535 , il signa archives qui lui ont fourni une infini-
Robert Haines , doctor ( 3 ). On voit té de bonnes pièces. Venerat iVillen-
dans une préface de Luther (3) que bergam ( Fteg. x, fol. 99 , n. l\i) verno
Barnes cachait son nom et sa qualité hujus anni 1 535 tempore . doctor ex
de docteur dans Wi'teniberg, à eau- Britakxia ab Henrico rege Misses (8).
se des persécuteurs. Mélanchthonl'ap- Mélanchthon confirme la même cho-
pelle D. Antonius doctor , ou D. An- se eu grec ; car il se servit de cette
tonius , dans une lettre qu'il écrivit langue pour faire savoirà son bon ami
au roi d'Angleterre , le i3 de mars Camerarius qu'il y avait un enyoyé
i535 f4)« d'Angleterre qui ne parlait que du se-
(B) Il fut envoyé en Allemagne par cor.d mariage du roi, et qui disait que
son maître, l'an i533. ] La préface Henri VIII se souciait peu des affaires
ue j'ai citée m'apprend que Barnes de religion. "Hx8s (ft ttcoç »//âç çsvc; tÏç
emeurait à Wittemberg environ l'au Tnp.^buç in <râç Bf{T«tv;'a.ç, feôvov <fi*>.«-
i53o, et qu'il logeait même chez Lu- y(,jj.tvo( mu t'.Z èiuTîpu yctfiov toS B«t-
ther. Quis ante annos decem hoc de- «rixswç, tZv é'ï thc Ikx./.y\tÎo.ç 7rpo.T//.âT&v
eus in Barnesio quœsivisset : et quod où y.îxu, &>ç <p>io-i , rû ?>a.rt>.a (9}. Mais
Christus ipse in eo nobiscum versatus encore qu'on ne puisse pas mettre ce-
esset ? domeslicuru enitn et commen- ci sur le pied que je disais , on peut
salem habuimus (5). Barnes aurait pu dire néanmoins que le récit en ques-
demeurer en Allemagne jusqu'en l'an- lion n'est pas fautif. L'histnrien dit
née i535, et y recevoir une lettre de simplement que 1 eveque d'Hereford
créance de Henri VIII pour négocier envoya Barnes en Angleterre : il ne
avec l'électeur de Saxe. Sur ce pied-là, nie point que Barnes n'y fût retourni
Ton aurait pu dire dans l'histoire de auparavant.
la réformation d'Angleterre, qu'en- (C) Lui et ses collègues rempor-
fin , dans le temps que l'évêque de Ue- tarent un avis des théologiens de Jfit-
reford était à Smalealde, c'esl-a-di- temberg , qui ne leur était pas favora-
re, en l'an 1 536, Barnes fut envoyé en ble. ] M. Burneten donne très-exacte-
Angleterre par te ministre, et y fut ment le précis. La première pensée
très-bien reçu de Henri, et entretenu par qu'ils eurent dans cette affaire , dit-il
Cromwel ((>). Sur ce pied-là , dis-je , (10), fut que les Ordonnant es du Ljé-
ce récit serait exact; car toute la rai- vitique n'étaient point morales En
son que M. de Seckendorf allègue pour suite , ils changèrent de sentiment,
le critiquer, est cpie Barnes vint d'An- lors que la question eut été agitée un
gleterre en Allemagne l'an 1 535, avec peu davantage : mais ils ne convinrent
une commission de Henri V11I (7). Il jamais qu'un mariage d<jà fait put
être cassé, et ils se confirmèrent de
(1) J'orez Seckeml. .Hist. du Luthéranisme , „l„s en p/us dans cette dernière opi-
liv. III , pas. 110. « / addition. • , // _ „ , >■/ , ■ '
(a) Idem, in Supplemeniis ad indice*, I, nl°"' vilement qui /s condamnèrent
num. 10. les deux mariages du roi. Il l'apporte
(3 Celle qu'il a mise au-devant de la Relation cela sous l'année l53o. Ce n'est pas
fl" *Ia$/e ,,e B"™V\,'^e "/" Vi/i "°L qu'il ignorât que cet avis fut donne
Oî. en io3o : c est sans doute atm de
(4) C'en la XXVI'. du /". livre.
(5) Luther., apud Seckendorf, lib. III, pas. W Zdtm> </'"*<?n>-
î6a. 9) Mélanchlhon, lettre CLXX du IF*. ' .
(6) Burnet, Hist. de la Reformât., tiv. III , datée de l'onzième mars i53J.
vag- GSt). (10) Burnet, Hist. de la Keforma'ion, lui. II,
■ . lorf , Ui. III, pas. 2G3. PUS- a^° 1 " i'ann. i53«.
î34
BARNES.
montrer font de suite à son lecteur
lesdiffërenssentinieus des théologiens
sur le divorce de Henri VIII. M. Se-
ckendorf s'en est bien doute ; car lors
qu'il remarque que l'avis des théolo-
giens de Wittemberg se trouve dans
l'Histoire de la réformation d'Angle-
terre , au volume des Preuves et des
Pièces justificatives , parmi celles qui
regardent l'an i53o , il ajoute cette
parenthèse (forte per occasionem )
qu'on ne peut établir de loi contre
celles-là ; et que toute l'église a tou-
jours jugé que le mariage avec la veuve
de son frère est incestueux. Hoc ma-
nifestant est , et negare nemo potesl ,
quôd lex trachla Levit. xviu. 20 , pro-
hibet ducere fratris uxorern , etc. ; sed
divina , naturalis , et moralis lex est
intelligenda tant de vivi quant de mor-
tul fratris uxore , et quod contra liane
legem nulla contraria lex fieri aut
Annus et dies responso huic non est conslituipossit(i3) : et ils soutiennent
adscriptus , et Burnetus , illud inter de l'autre , que cette loi du Lévitique
acta anni i53o (forte per occasionem)
retulillib. 11, fol. 94(")- M. deMeaux
n'a point su que le décret de Wittem-
berg est de l'année i536. 11 ne parle ,
quant à cette année - là , que de l'a-
vis de Mélanchthon , et il ne critique
pas M. Burnet d'avoir mis à l'an 1 53o la
réponse des théologiens de Wittem-
berg (12). M. Seckendorf remarque
que l'exemplaire de cette réponse ,
qu'il a lu dans les archives de Wei- toujours jugé qu'un mariage non con-
mar , est plus long que celui qu'on forme à cette loi est incestueux, Henri
est susceptible de dispense : Legati
slaluunt dispensalioni locum non esse,
nos vero putamus esse illi locum. Si
elle est susceptible de dispense , Henri
VIII a dû se tenir pour bien marié
avec Catherine d'Aragon. Si elle ne
l'est point , si elle est divine , natu-
relle , morale , et telle en un mot
qu'elle ne puisse souffrir aucune con-
stitution contraire , si l'Eglise enfin a
trouve parmi les preuves de M. Bur-
net. Voici ce que les ambassadeurs de
Henri VIII en retranchèrent : Etsi
consentiamus cum Dominis legatis ser-
vandam esse legem de uxore fratris
VIII n'a dû regarder son commerce
avec Catherine d'Aragon que sur le
pied d'un inceste : il a donc dû y re-
noncer incessamment ; les théologiens
de Wittemberg n'ont pas dû être en
non ducendd , mansit tamen inter nos balance s'ils approuveraient , ou s'ils
controversum quod legati statuant dis- désapprouveraient son divorce. La
pensationi locum non esse , nos vero maxime , Il y a des choses qu'il ne
putamus esse illi locum. Neque enim fallait pas faire ; mais quand elles sont
strictiùs obligare nos lex potest quant une fois faites , il ne j aut pas les dé-
Judœos : si autem lex dispensationem faire , ne pouvait point avoir lieu ici,
■ puisqu'il s'agissait de la continuation
d'un inceste. Des gens médisans , et
admisit , vinculum matrimonii utique
fortius est quam lex illa altéra de
uxore fratris. M. Seckendorf conjec-
ture que les ambassadeurs supprimè-
rent cet endroit , afin de n'ôter pas à
leur maître toute espérance qu'enfin
les théologiens de Wittembergapprou-
veraient ses secondes noces.
Cette pensée est très-raisonnable :
et en général , ces docteurs pouvaient moins la franchise , la bonne foi , et
supposer très-justement qu'il y a des la conscience des temps apostoliques
choses qu'on n'aurait pas dû exécuter, (i4)- En mon particulier , j'aime
intéressés à l'emploi de la récrimina-
tion , ne conviendraient pas sans peine
de ce que remarque M. Burnet , que
5t l'on ne voit point dans la conduite
des théologiens Saxons cette finesse ,
cette politique , et cette dissimulation
de la cour de Rome , on y voit du
et que néanmoins on doit maintenir
lorsqu'une fois elles ont été exécu-
tées j mais j'avoue que je ne comprends
pas trop bien comment on peut met-
tre d'accord le commencement et la
mieux croire qu'ils ne raisonnaient
pas conséquemment , que de préten-
dre qu'ils voulaient avoir le plaisir
de médire de la dispense du pape, et.
en même temps la prudence de mena-
fin de leur avis. Ils avouent , d'un ger Charles-Quint , et les intérêts de
coté, que les ordonnances du Lévitique la princesse Marie , sa cousine ; mais
sont divines , naturelles , et morales ; des ennemis qui se plaisent a donner
(n) Seckendorf, lib- III , pag. 112.
(n) Voyez THisleire des Variations
VII , num. 58.
(i3) Âpud Seckendorf, pag. us, ri Burnet ,
in Documentis, part. I, lib. II , num. 35.
(i.j) Burnet, Hist. de la Réformation.
BARNES.
l5!j
une préface de Luther : il contient la
vie des papes , depuis saint Pierre
jusques à Alexandre III. Il est dédie
au roi d'Angleterre : l'auteur écrivit
l'épître dedicatoire le 10 de septem-
bre i535. Il maltraite fort les papes .
il promettait de continuer leur histoire
jusques à son temps (22). M. Secken-
dorf juge que ce livre mériterait uiu
seconde édition (23) , et il en a insère
la préface dans ses Indices, parce,
circonstance : il a dit (pie la vraie dit-il , qu'on le trouve très-rarement,
cause de la haine de Henri VIII pour et qu'on le peut compter pour perdu.
Robert Barnes fut la liberté avec la- Quia liber ipse rarissime invenitur et
quelle ce docteur lui de'conseilla de pro deperdito haberi potest (24) H est
répudier Anne de Clèves (17). M. Sec- pourtant vrai qu'on en fit une nou-
kendorf prétend que M. Burnet ob- velle édition à Leyde , l'an i6i5 , qui
serve la même chose (18) : j'en doute contient aussi la vie des papes de Jean
un mauvais tour aux choses pourraient
bien par représailles faire ici de sinis-
tres jugemens (>5).
(D) Il fut employé dans le projet
du mariage d'Anne de Clèves.. J Ce
fut un malheur pour Barnes , parce
que le roi , très-peu satisfait de ce
mariage , n'en épargna point les au-
teurs , ni les instrument. C'est monsei-
gneur l'évèque de Salisburi qui l'as-
sure (16). Luther a touché aune autre
fort ; je n'ai point rencontré ce fait
dans sa Réformation d'Angleterre.
(E) Il fut envoyé à la Tour..., et
n'en sortit que pour aller souffrir la
mort au milieu des flammes.~\ La rela-
tion de son martyre futenvoyée d'An-
gleterre en Allemagne : M. Secken-
dorf l'a trouvée dans les archives de
Weimar , traduite en langue alle-
mande (19). Luther la publia (20) , et
y joignit une préface , où il loue entre
autres choses la modestie de Barnes.
Il n'ignorait pas, dit- il , les défauts
de Henri f/II , et il ne les dissimu-
lait pas , quand il était avec ses amis ;
mais partout ailleurs , il ne parlait de
ce prince , qu'en termes de respect et
<l Jionneur (21)
Baleiïs , et qui n'est pas encore extrê-
mement rare.
(23) E.r Sclioliis sive Suppleinentis Seclen-
dorlii ad Indicem I.
(23) Kerudi meretur, ibidem.
(24) Idem, m Indice III , ad ann. i536.
BARNES (Jean), en latin Bar-
nesius *, moine bénédictin , An-
glais de nation , a été un de ces
catholiques romains , qui , à
l'exemple d'Erasme , de Cassan-
der, de Wicelius, de Modrevius,
du père Paul , et de plusieurs au-
tres , ont fait profession toute
leur vie de la catholicité, encore
(F) On a pour le moins deux livres de
Barnes. ] L'un contient les articles de (lu ™ y remarquassent une infi-
*afoi , l'autre est Vliistoire des papes, nité d'abus, dont ils souhaitaient
Le premier fut imprimé en latin , avec passionnément la réformation. Il
une préface de Poméranus , chez qui
Marnes était logé en ce temps-là. On
l'imprima en allemand , à Nurem-
berg , l'an i53i. Il contient XIX thè-
ses selon les principes de Luther , et
plusieurs preuves tirées de l'Ecriture
et d.'S Pères. L'autre livre fut impri-
ïit un livre contre les Réserva-
tions mentales, qui ne plut guère
aux jésuites (A), quoiqu'il l'eût
dédié au pape Urbain VI II. Son
Catholico-Romanus pacifiais est
et aes reres. l, autre livre lut impri- . i'""-j' — " —
mé à Wittemberg , l'an i536 , avec tout p'em de choses qui ne sau-
,.,„ ., . „ TI. . „ . raient être au goût de ceux qu'on
(15) f vy.-z M. de Meanx, Hist. des Variât. . il i' • -r.^ .1
Uv. vu, num. 57. appelle bons papistes ;B). Il sou-
(16) Hist. delà aéformation, Uv. m , pag. haitait sans doute de rapprocher
t>BÇ), a lann. 1540. ,.. 11 -
fin) In P, -a-fat. Relation. Mârtyrii Barnesii , autant qu il pourrait les (l»u\
apud SecLendorf, lib. III , pag. 26a , num. î5
(tS Seclendorf, ibidem.
(ici) Idem, ibidem, num. 24.
(20) Elle est insérée au V IIe. tome de ses
Œuvres, édil. à'AUorf, folio 422. Seckcndorl,
.'■M. III , pag. 262, num. aï.
'.n) Ibidem , num. 23,
communions. La cour de Rome
lui en sut fort mauvais gré. Ce
Dans le privilège du roi pour sa Disser-
tation latine contre les Équivoques, il
dit Joly, appelé' Jean JBcru-st.
ï36 BARNES.
pauvre homme , irréprochable vit contre son traité des Equivo-
dans ses mœurs (a) , était à Paris ques (D).
lorsqu'on se saisit de lui (C) , et On sera peut-être bien aise
qu'on lui ôta les habits de l'ordre, de voir ici la raison pourquoi
pour le transporter en Flandre Barnes était ennemi des jésuites
garrotté sur un cheval. On l'eu- (E) : j'entends la raison qu'ils
voya ensuite à Rome , où il de- ont débitée.
meura dans les prisons de l'in-
(A) If fit un livre contre les Réserva-
tions menlales , qui ne plut guère aux
jésuites. ] Il fut imprimé à Paris, Tan
1625 , sous le titre de Dissertatin con-
tra jE /uivocationes : on l'imprima en
fran fais , la même année , et au
même lieu , sous le titre de Traité et
tinee. Il était proies du couvent Disputes contre les Équivoques. Vnp-
des bénédictins de Douai , et il y probation de la faculté de théologie *
avait été supérieur (c) ; mais , ne P°» te q,,e Jean Barnes était docteur es
u » „ J„ ,.. i„~ 1" arts de la sacrée théologie , et proles-
ivant s accorder avec les reli- , , . . 5. .' r t ■'
seur de la mi* si m anglaise , et /ré-
quisition, jusqu'à ce qu'il eût été
transféré dans celles des fous (b).
d'est dans cette dernière station
qu'il finit ses jours, digne très-
assurément d'une meilleure des-
poin
gieux de son ordre, il s'était retiré
en France , et n'avait poi 11 1 déféré
aux sommations que les bénédic-
tins lui avaient faites de revenir
à Douai , ou de se retirer dans
quelque autre de leurs couvens.
Il logea à Paris , près du collège
de Navarre , puis au collège de
Bourgogne, et enfin chez le prin
mier assistant pour la congrégation
d'Espagne . et est datée du i3 de juil-
let 1624. L'épître dédicatoire d^ l'au-
teur est datée de Paris le i3 de janvier
1625. Le père Théophile Raynaud s'est
donc trompé , lorsqu'il a dit que Bar-
nes fut amené à Rome , et mis en pri-
son , sous le pontificat de Paul V. Rap-
portons les termes dont il se sert ;
car ils nous apprennent quelque chose
touchant ce pauvre bénédictin. Joan-
nes Barnesius , jesuilis admodùm in-
ce de Portugal , où le chevalier
du Guet l'arrêta , le 5 de déjem- fensus » ?* nonnullas suspiciones de
Le r ti •*. t> t compertd if-lis vila sua . eo loco fuit
re .626. Il composait une Re- ^J Paàlufn^uteumtanquàmnouœ
JJOnse au livre intitule ApostO- fiJeifabrutuper Albertum Austriacum
lalus Benedictinorum in An- è.GaUiâabductum,etèBelgioRomam
glid *, dans laquelle il eût insé-
ré ses sentimens particuliers sur
la discipline de l'Église (d). Le
père Théophile Raynaud , dégui-
sé sous un masque de nom , écri-
(«) Voyez la remarque (B).
(b) T'oyez le Mercure Fiançais, loin.
XIV, png. 336.
(c) Mercure Français , tom. XII, pag. ^5z.
* Joly , d'après un manuscrit, rapporte
que la mauvaise doctrine contenue dans le
Traité des Équivoques fil prendre garde de
plus près au personnage , et on trouva que
dans un autre ouvrage contre le livre D-' ve-
ro apôstolatu benediclinorum in Angliâ, il
maltraitait ses frères et ceux de son ordre
en Angleterre. Ce livre , ajoute Joly , peut
donc avoir contribué à sa prise.
{il) Là même.
avectuni judicaveril carcere dignum ,
donec em-ito cerebro inter faluos pnne
S' Pauli min'iris œdeni sacrant fatuari
desiii cum aliovum periculo (1). Ce
passage a été cité par Edouard Brown
à la page 826 de son Appeudix du
Fasc.culus rerunt ejpettndartim , im-
primé à Londres, en 1690. Voyez la
remarque suivante. On lit dans le
Mercure Français ,'2) que ce bon béné-
dictin croyait que les jésuites lui vou-
laient mal de mort depuis l'impression
* Cette approbation , Ait Joly, n'empêcha pas
que le livre ne fut condamné à êlre lacéré et
brûlé par l'exécuteur de la haute justice.
(1) Tbeoplrl. Raya. , in Theologiâ antiquâ de
veri Martvrii arla,q*iatè s'nmpti notione. Ce livre
fut imprimé à Lyon, en i<>56 , sous le nom de
Leodegarius Quintinns. Le passage que j'en
cile e<L a la page 174 <le ">" Apopompseus.
(2) lu tome XII, pag. 7S2.
BARNES. i3-
de son livre des Equivoques , que le JEquivocationis , pro Leonardo f.essio,
ducteur Gamaches ( estimé l'un des advenus Joanncm Barnestum, anglunt
premiers théologiens de son siècle ) monaxsfcàm. Il fut imprimé à Lyon ,
ne voulut approuver en étant requis ; en 1627, in 8°. : l'auteur se donna le
et qu'il lil ce livre pendant qu'il fut nom de Stephanus Emonerius. J'en ai
confesseur au couvent de Chelles (3). une preuve plus forte , que celle que
(B) Son Catholico-Romanus pacifi- M. Placcius a formée de la jonction de
eus est tout plein de choses qui ne deux passages du père Alegambe (n),
sauraient être au goût des. . bons pa- dans l'un desquels il est dit que Théo
pistJs. ] Il a é'c imprimé à Londres ,
en 1P90, dans lappendix du Fasci-
culus rerum expetendarum. L'auteur
de l'Appendix nous apprend qu'il a
eu trois manuscrits de cet ouvrage de
Haines; et il rapporte ces paroles de
Jean Basier , professeur en théologie :
phile Raynaud a composé sub nomine
alieno le traité dont je viens de don-
ner le titre (8) 5 et dans l'autre ,
qu'il s'est déguisé sous le nom de
S. Emonerius (9). Voici cette preuve.
Le père Abram rapporte dans son
traité du Mensonge (10) , que Théo-
Bonus ille lremvus (4) , tametsi vitœ phile Raynaud reconnaît pour un de
inculpatœ et famœ integrœ fuit , nie- ses ouvrages le livre d' Emonerius ,
dit! I utetid con rptus , suo habita exu- intitulé Splendor verilatis moralis,
tus, et quadiupedis instar barbarum et qu'on l'y reconnaissait aisément.
in modum alligatus ad equum , et ita Miror te hune pro Theophili partu
vehementiss'unè avectus primo in Flan- agnoseere , c'est ainsi que parle l'un
driam , deindè llomam , ibi in inqui- des interlocuteurs du père Abram :
sitionis barathrum , deindè in mania- l'autre répond , quid ni verb agnos-
conim ergastulum état detrusiis (5). cam , cùm illum in suis Moralibus
(C) Il était à Paris lorsqu'on se sai- suum esse jateatur (11)? Quem si ab-
sit de lui. ] On l'eût fait partir le jour dicaret , nu/lo tamen negolio patrem
nèrne de la capture, si le chevalier vel ex ipsd filii Jacie cœlerisque cor-
du Guet avait eu autant d'impatience, poris liueamenlis agnoseere possemus.
crue le père procureur des bénédictins c- „ ;„ „ „ - ,
! _ '. ..r. .. . .. iic oculos, sic tlle inanus , sic orafcrebal.
Voici un passage de Théophile Ray-
naud, qui nous apprendra qu'il re-
connaissait pour son ouvrage la réfu-
tation de Barnes , et que ce bénédic-
tin vivait encore l'an i(>5o. Dixi ego
sane in prrrjalionc operis de œquivo-
calione , adversùs Caetani germanum,
bipedum omnium ejjronltssimum ,
Joannem Barnestum Anglum , qui
vicenario carcere in quem curante
summo ponti/ice rerlusus est . needum
detersit muliiplicis advenus Deum , et
religionem eatholicam , ac S- Bene-
dicti jamiliam, malignitatis rubigi-
nem. . . societatem Jesu , etc. (12).
(E) foici pourquoi il était ennemi
des jésuites. ] Etant revenu d'Espagne
au Pays-Bas , il assista à une de leurs
deDouai. Mais il fallut que cette im
patience souffrît jusqu'au lendemain.
Alors on mena le père Barnes en
carrosse jusqu'à la Villette , où deux
bénédictins l'attendaient pour faire le
voyage avec lui , et avec les archers
qui avaient ordre de le conduire jus-
.1 Cambrai. On le lia sur un che-
vfii , et on le remit au gouverneur de
Cambrai, qui le fit conduire au châ-
teau de Waerden(6). Le père Théophi-
le Baynaud n'avait que faire de parler
des ordres d'Albert d'Autriche : cet
archiduc était mort depuis long-temps
lorsque Barnes fut saisi. J'ai cité les
paroles de ce jésuite dans la première
remarque.
(D; Le père Théophile Raynaud ,
déguisé sous un masque de nom, écrivit
contre son traité djs Equivoques. ] Je
parle du livre qui a pour titre Splen-
dor ver Uni is moralis , seu de licito usa
(î) Mercure Français, /or». XII, pag. '/ji .
",) Cesl-'a dire , le bénédictin Barnes.
Ci) Brown, in Append. Fasciculi rcrnm expr-
tend. Il citr Jean Basier in Dialribà rie anti.inw
Eç< les a- Britannica: libertate, B rugis Impressa.
etnn. iti.Vl.
(6 Mercure Français, loin. XII , pag. -53.
(7) Placcins, de Vstuiou.,pag- 189.
(8) Alegambe , Biblioih. soc. Jesu, pag. t\i*.
m, pag. 453.
(10) Imprimé avec son Pbarus Veteris Tes-
tament! , ri Paris , en 1648 , in-folio.
(il) Il fait la même chote dans (o/i Synlag-
ma de Libris propris. Voi rz la remarque sui-
vante.
(11) TheopViil. Raynaud. lioploth. , sect. II ,
serai. II, cap. XII , pag. î5G , edit. Lugd. ,
s 38
BARON.
disputes publiques, ou le soutenant site de Cambrige , au XVIe. siè-
proposail ainsi la thèse quodlibétale :
An Joannas in Hispanid infamis ,
possit hic in Belgio absque peccato
infamari. C'est-à-dire, Jean infâme
en Espagne, peut-il être diffamé in-
nocemment dans le Pays-Ban? Cette
espèce de cas de conscience a été exa-
minée par Soto , par Molina , et par
cle , était Français de nation
(à). Il excita quelques troubles
dans cette université, par cer-
tains dogmes qu'il y débita l'an
1590. On prétendit que cette
doctrine approchait beaucoup de
plusieurs autres écrivains ; mais d'une celle des pélagiens. Witaker , Tin-
dall , Çhadderton , Perkins , etc.,
la combattirent par des sermons,
par des leçons et par des livres;
mais d'abord ils épargnèrent le
nom de leur adversaire , à cause
de son grand âge. Ensuite s'é-
>açon générale , quoiqu avec l'apposi-
tion de certaines circonstances. On ne
s'en tint pas à ces généralités dans la
iispute où Jean Barnes assista ; car on
réduisit la question à des termes si
précis, en désignant d'une façon très-
particulière les temps et les lieux ,
qu'il crut que c'était de lui qu'il s'a-
uii 11 urui uuc 1; tuau ue lui au usa-, w ,v. . • j
gissait personnellement , et il ne vou- tant aperçus qu il continuait de
lut jamais démordre de cette pensée, dogmatiser, et que dans saSum-
ma trium de Prcedestinationc:
Sententiarum , il soutenait une
h ypothèsehétérodoxe, Wi taker sf
déclara son antagoniste formel-
lement, et réfuta cette somme.
L'affaire fut portée devant la
reine Élizabeth , et devant l'ar-
chevêque de Cantorbéri. On con-
voqua à Lambeth une assembler
de prélats et de docteurs en théo-
logie. Witaker y fut mandé , et
y soutint avec tant de force l'o-
pinion commune , qu'il la fit
triompher glorieusement. Celle
de Baron fut condamnée , et l'on
quoiqu'on lui fît des protestations fort
humbles qu'on n'avait eu nul des-
sein de le noter. 11 médita la ven-
geance , et il choisit la matière d< s
équivoques. C'est Théophile Raynaud
oui conte cela lorsqu'il fait mention
de la réponse qu'il écrivit contre l'ou-
vrage de Barnes. Ad singularia loco-
rum ac tcmporum adjuncta , Mis in
oris perfamiliaria , dijficultas restric-
ta est Clara locorum designa-
tione , pelitum se ralus Barnesius ,
bellum indixit inconciliabile societatis
Jesu doctoribus ; nec se ullis unquam
i'el contestationibus , vel mnllibus ac
propè supplicibns verbis , flecti pas-
sus est, ut mhil minus quam de eo
notando cogitatum esse , in eo Tlie-
sium programmate ac proloquin , per-
suaderetur (i3). Il n'oublie point de dressa, le 20 de novembre i5g5,
neuf articles (b) , qui furent ini-
patronisés dans l'académie par
l'autorité publique. Baron fut
congédié , et s'en retourna en
France : ce qui rendit la paix à
cette université (c). Quelques-
uns jugèrent qu'on le traita trop
sévèrement (A). On verra les ti-
tres de quelques ouvrages de ce
professeur (B).
(a) II se donnait Ce surnom Stempanus. Je
crois que cela veut dire d'Etanipes.
(b) A loco Lambelhani dicti surit. Alting,
Tlieolog. Histor. , pag. 3o5 , 3o6.
(c) Tire' du Theologia Historica de Henri
AUing, pag. 3o5, 3o6.
dire que Barnes fut condamné à une
prison perpétuelle ; et qu'ayant perdu
l'esprit on le transféra à l'hôpital des
fous : Barnesium ob periculosas novi-
t.ates , carceri esse mancipatum,
post ea autem emotâ mente , injatuo-
ntrn ergastulo transtiberino , ( uulgo
gli Passarelli ) conclusus est ; ubi
anno i6fô eral superstes (i4)-
(i3) Theopliil. Raynaudiis , in Syntagm. de
1 ibris propiiis , pag. 22 , col. 2 , Apopompsi.
(l4) Idem, ibid., pag. 2Î, col. 1.
BARON * (Pierre), profes-
seur en théologie dans l'univer-
* Dans le dictionnaire de Chaufepié on
trouve sur Pierre Baron un article ue cinq
pages in-folio.
BARON.
■' ■'. >
(A) Quelques-uns jugèrent (ju nu le
traita trop sévèrement. ] Les extraits
que M. Des Maizeaux a eu la bonté de
m'envoyer d'un livre de Thomas l'al-
ler , feront ici tout mon Commen-
taire. Ce livre-là est l'histoire de l'u-
niversité de Cambridge , et se trouve à
la fin du the Church Hislory oj Bri-
tain , etc. Histoire ecclésiastique d'An
gleterre , depuis la naissance de Jé-
sus-Christ jusqu'à l'année 1648. <c 11
» arriva en i58o une contestation
» entre M. Chadderton et le docteur
» Baro, professeur de la Marguerite
»(i), touchant quelques opinions
» hétérodoxes que ce docteur avait
» avancées , tant dans ses leçons que
» dans son livre de Fide , et dans son
» Commentaire sur Jonas. Ce profes-
> seur fit venir en consistoire ( in con-
' sistory) M. Chadderton devant le
» vice- chancelier , le docteur Hau-
> ford , le docteur Barvey et le doc-
» teur Legge ; et si d'un côté M. Chad-
» derton nia absolument qu'il eût ja-
-•> mais prêché contre Baro , il pré-
' tendit, de l'autre que ces deux pro-
» positions étaient erronées :
" 1. Primus Dei amor non est in nalurdfidei
justijtcantis.
' 2. Fides justificans non prœcipilur in de-
calogo.
Ils écrivirent l'un et l'autre sur
» cette matière , et ils trouvèrent en-
» fin qu'ils s'accordaient dans leurs
• expression»; mais, quoiqu'ils pan^-
■ sent d accord dans les termes , leurs
sentbnens étaient si fort éloigna,
» que cela les mit mal ensemble , et
» dépouilla enfin ce docteur de son
» emploi (2). Ses leçons triennales
» allaient bientôt finir j et quoique la
» coutume ait presque fait un devoir
» de la complaisance que l'on a de
'» continuer le même professeur après
=> ce terme, lorsqu'il n'y a point de
» raisons pressantes pour faire le con-
» traire ; cependant l'université ne
(.1) Dame Marguerite, comtesse de Biche-
mond, mère du roi Henri VII, bâtit quelles
collèges a Cambridge, et fonda, deux chaire, de
professeur en théologie : une à Oxford et l'au-
tre a Cambridge. Ceux qui jouissent de ce p,v-
tcs<orat et de la pension qui v e<t annexée «•
"»">m*'>( Margaret-Profcssor,. Jean Tistor, évé-
lucde Bochestrr.fut le premier qui en jouit
a Cambridge; Erasme fut le second,' et
varo te quatortième. Cette note est de M. Du
Vlaizeaux.
(2) Fnller, Ui,t. de l'Uaiv. deCambridcc , h
ann. i5qo.
jugea pas a propos de continuel le
docteur Baro dans sa charge , et
elle jugea qu'il serait plus honnête
de l'en dépouiller alors, et qu'il lui
serait moins dur et moins ignomi-
nieux de sortir de son emploi après
que son terme serait expiré. Il le.
remarqua bien lui-même : et , outre
cela , il prévit qu'on s'attendait
qu'il souscrirait, aux articles de
Lambeth, que l'on venait d'envoyer
à l'université , et que même on lui
en imposerait la nécessité, à quoi
il ne pouvait pas condescendre.
C'est pourquoiil se résolut à quitter
la place. De sorte que sa démission
' ne procédait nullement de son bon
plaisir, ni d'un choix qui vînt de
lui : il y fut nécessairement déter-
miné, témoin la repartie qu'il fit à.
un ami , qui lui demandait la rai-
son de sa démission : Fugio , neju-
garer. Il y a des gens qui trouvent
qu'on traita trop rudement une
personne du mérite du docteur
Baro. Car, i°. il était étranger , et
» Turpius ejiciturquàm non admittilur horpes.
2°. Tous ceux qui nient que Baro
fut un savant homme ( de quoi
ses ouvrages portent témoignage)
font voir eux-mêmes qu'ils n'ont
nulle science. 3°. C'était un homme
d'une vie et. d'une conversation
irréprochable ; ce qui paraît en
ce qu'on ne l'accusa d'aucun vice,
ce qu'on n'aurait pas manqué de
faire, s'il y avait eu lieu, lorsque
M. Chadderton était si fort échauffe
contre lui. 4°- Enfin, c'était un hom-
me ;ïgé, qui était venu en ce lieu-là
depuis plusieurs années , et dans on
temps où la phi ce de professeur 0 ;'
vait pas moins besoin de lui, qu'il
pouvait avoir besoin d'elle, et qui
avait épuise ses forces à la bien rem
plir. D'autres soutiennent que dans
de semblables cas, où il s'agit de la
conscience , la complaisance ne doit
avoir aucun lieu ; et que Baro .
étant étranger, avait introduit une
doctrine étrangère pour ii
l'université, la- fontaine de la scien
ce et de la religion ; et que ce fut
à cause de cela que l'archet
Whitgift lui fit ôter son em-
ploi (3 . »
(3) Thomas Fuller, Hist. de l'Université *
mbrigde, pag. i45 et suif. , c'dil. de Londres ,
/
î/jO
Voila, monsieur, ce sont les pa-
roles de M. Des Maizeaux , ce que dit
Fullev : foi mieux aimé le traduire a
la lettre , et parler moins bien , que
de courre risque de m' écarter de son
sens. Il remarque que tous les Anglais
écrivent constamment Baro ou Ba-
roe ; et que dans les pièces originales
ce docteur signait Baro D'où l'on
pourrait conclure que j'aurais dû le
nommer Baro , et non pas Baron ; à
moins qu'on ne dise qu'il latinisait son
nom quand il signait Bar* , et que
les Anglais l'ont nommé selon la ter-
minaison latine. Ce qu'il y î de cer-
tain est qu'en France le nom de fa-
mille Baron est incomparablement
plus en usage que celui de Baro , qui
n'y est pas pourtant inconnu , té-
moin le continuateur de l'Astrée (4).
(B) Voici les titres de quelques
ouvrages de Baron. ] Prœlectiones
XXXiX in Jonam , imprimées à
Londres en 15795 Summa trium Sen-
ientiarum de Prœdestinatione ; De
Prœstantiâet Dignitate divinœ Legis.
(4) Voyez THist. de l'Académie française ,
pag. 32i.
BARON (Vincent), en latin Ba-
ronius , religieux de l'ordre de
saint Dominique, s'est fait esti-
mer dans le XVIIe. siècle par
plusieurs livres qu'il a publiés.
II a eu pour antagoniste le fa-
meux Théophile Raynaud; et je
ne sais si l'envie de se battre con-
tre un athlète si renommé ne lui
a point fait prendre pour des ou-
vrages de ce jésuite ce qui ne l'é-
tait pas. Il a reconnu quelque-
fois qu'il s'était trompé dans ses
conjectures sur ce chapitre. Les
ouvrages du père Baron , qui
sont venus à ma connaissance ,
sont un livre de la Justification
contre la doctrine des Calvinis-
tes * , une Théologie Morale ,
Le père Baron n'a compose' aucun livre
sur la justification contre les calvinistes, dit
Leclerc qui renvoie au Scriptores ordinis
Prtedicalorum du pèreÉcliard , où l'on men-
tionne cependant l'hérésie convaincue ou ta
théologie des luthériens et des calvinistes,
BARON.
divisée en trois parties (A) , et
une Apologie de son Ordre (B).
Il a choisi dans la théologie mo-
rale les principales matières qui
sont en dispute entre les domi-
nicains et les jésuites. Il a été un
prédicateur assez célèbre.
Voici un mémoire que j'ai re-
couvré depuis la première édi-
tion de cet ouvrage (a). « Le
» père Vincent Baron naquit à
» Martres * , au diocèse de
» Rieux , en Gascogne. Il fit
» profession dans l'ordre des frè-
» res prêcheurs à Toulouse ,
» l'an i(ii2. Il enseigna la théo-
» logie plusieurs années avecap-
» plaudissement dans le cou-
» vent de la même ville , ei. il
9 y fut prieur. Il Je fut aussi à
> Avignon , et au Noviciat gé-
> néral du faubourg Saint-Ger-
> main à Paris. Il fut défini-
> teur pour sa province au cha-
> pitre général tenu l'année
> i656, oii il présida aux thè—
> ses dédiées au pape Alexandre
> VII , qui lui acquirent l'es-
> time de toute la ville et de
> tout l'ordre. Il se trouva à
> l'assemblée où Je pape fit dire
> de sa part aux définiteurs et
> aux pères du chapitre , qu'il
1 avait un sensible déplaisir de
1 voir la morale chrétienne dans
l'effroyable relâchement ou
quelques nouveaux casuistes
l'avaient réduite , et qu'il les
exhortait à en composer une
autre qui fût conforme à la
doctrine de saint Thomas. Ce
fut ce qui engagea le père Ba-
ron à travailler aux ouvrages
réduite à quatre principes et réfutée, c!c.\
16'tiS, in-12.
(a) Par le moyen de M. Pinsson des
Riolles.
* Ce fut, dit Leclerc, le 17 mai 160^.
» qu'il a composés sur cette ma-
» tière II fut encore élu pro-
» vincial ; et ensuite le père gé-
» néral l'envoya commissaire en
» Portugal , pour des affaires
» importantes, oii il réussit avec
» tant de succès , que la reiue ,
» la cour, et tous les religieux,
» rendirent témoignage à son
» mérite par un acte public. Il
» revint à Paris, au Noviciat gé-
» néral , et y mourut le 2 1 de
» janvier 1674, âgé de soixante
» et dix ans. Outre plusieurs
« Poésies latines , qu'il a lais-
» sées comme des échantillons
JiAROfc. ,4,
frère contre la censure du pape , <|
ce fut contre ces expédiera que Je
père Baron prit la plume. Il attaqua
en même temps les jansénistes , vu
qu'il soutint à YVendrokius qu'il se
rencontre des cas , quoique très -rares
où il peut y avoir une ignorance in-
vincible , aussi bien contre te droit na-
turel que contre le droit positif (2). Il
attaque dans la seconde partie Ama-
daeus Guimenius, et ne se contente
pas de soutenir que les opinions re-
lâchées qu'on impute aux domini-
cains ne sont pas leurs véritables
sentimens ; il montre aussi ce qu'il
faut juger de ces opinions. 11 recon->
naît dans sa préface l'erreur où il a
été en composant son ouvrage : il
avait cru qu Amadaeus Guimenius n'é-
tait qu'un faux nom que le père Tht
ux-^u v.^ua'uv. ~^.j ._• . !.. . 1 1 1 1 .. mi -1 nui iju m idui lioiu ijue je père 1 neo*
de sa capacité dans les belles- l)nile s'était donné (3) Dans la troi-
lettres , il a fait imprimer les si/'me ,l>arf!e ' a traite clu ,a iiberté
» lettres , il a fait imprimer les
» ouvrages que l'on verra ci-des-
»> sous (C). » \ ous trouverez un
passage qui lui est fort honora-
ble dans l'Apologie historique des
censures de Louvain et de Douai
et de la science moyenne , et. il sou-
tient <[iie la prescience de Dieu n'a
point d'autre fondement que ses dé-
crets, et que cette prescience établil
la liberté de la créature, bien loin de
la détruire (4). Il ne faut point pren-
dre cela pour un paradoxe ; car qui
. w.^^c,,, (mu. uu parauuxe , Car qui
{0). La congrégation de 1 indice parlerait autrement ne suivrait point
ne lui a pas été favorable (D).
(b) Publiée l'an 1688, par M. Géry , ba-
chelier en théologie : ce passage est à la
page 243.
(A) // Jit une Théologie Morale ,
divisée en trois parties. ] La première
est destinée contre le dogme de la
probabilité , advenus laxinres proba-
bilistas (1). U y réfute Caramuel, qui
la définitiou de la liberté que l'on
doit donner dans le système de la
prédétermina hou physique. C'est en
vertu des différentes idées de la li-
berté que l'on peut faire durer le corn »
bat, et donner tellement le change,
qu'un lecteur ne s'aperçoit pas quand
sa cause ne va pas bien.
0') el une Apologie de son or-
dre. ] Cet ouvrage est en latin, tout
comme le précédent 5 il sert de tr-
avail écrit quatre lettres contre là dis- C°mme e Precf/*ent5 » «
sertation que M. Fagnano , doyen des ïï™ 1 1 u invective du père
prélats de Rome , avait insérée dans Théophile Raynaud , intitulée de Im-
ne doit jamais préférer l'opinion qu'on
croit moins probable à celle qu'on
croit plus probable. Caramuel le rc-
inomas dAquin, cest beaucoup si
la dixième partie est véritablement
de lui. Le père Laron entre aussi en
soutenu qu'on peut se conf»
lettres : le père Théophile imagina
des expédiens pour défendre sou con-
'*) fr°-rc' lp Journal des Savans du 8 mars
ItOtlt», p<!,-. I. ■ ,
(2) I.k même, pag. 198.
(3) Journal des Savans du 11 avrd 16CÙ ,
1 Journal des Savans du
paji- 207.
21 juin 16GO ,
142
BARON!.
l'apologie de son ordre ; il eu fait
aussi le panégyrique (5).
(C) Il a fait imprimer les ouvrages
que l'on verra ci dessous.} Ce que je
vais copier est contenu mot à mot
dans le Mémoire d'où j'ai tiré l'addi-
tion de cet article. « Theologia Mo-
» ralis , à Paris, en i665, en deux
?> volumes in-S°. ; Primus tomus ejus-
3> dem correctus, eduio secunda, 1667,
j, in-S°. ; Libri Apologetici ^ contra
i Theophilum Rainaudum , à Paris ,
en 1666, en deux volumes in-&°. ;
» Mens sancti Auguslini et Thomœ
>, de Gralid et Libertate, en 1666,
:■> m-8°. ; EthicaChristiana , à Paris ,
» en 1666 , en deux volumes in-8°. ;
n Responsio ad Librum Cardenœ , là
» même , m-$°. ; L'Hérésie convain-
■>> eue, à Paris, en 1668, m-12. ; Pa-
■» negyriques des Saints , là même ,
» en 1660 , i/i-40- Le livre intitulé
» Eihices Christianœ septemdecirn
» loci, composé contre un certain
» Matthieu Moya ; qui avait pris le
j) nom d'Amadée , fut censuré à Rome
j) par les intrigues du cardinal Ki-
« tard , qui s'y trouva offensé ; et le
» maître du sacré palais Capisucchi ,
» qui l'avait approuvé , fut déposé ,
a et le père Hyacinthe Libelli , de-
» puis archevêque d'Avignon , mis
m en sa place. Capisucclii a été de-
» puis rétabli , et ensuite fait car-
» dinal. »
Je ne trouve point dans cette liste
des ouvrages du père Baron , YExer-
citatio , que M. de Launoi réfute avec
une aigreur incroyable , dans l'une
de ses lettres ( la XIVe. de la Ve. par-
tie.) Voyez la remarque (P) de l'arti-
cle de (Jean de) Launoi, au com-
mencement.
Deux ou trois mois après que j'eus poet{c{ alle glorie délia Signo-
Mémoire, on m'envoya ce qui ^ Lemom Baroni (A). Ceux qui
« tem labes tollet secunda editio.
v Cette seconde édition fut faite à Pa
» ris par Simon Piget , l'an 1666, en
» deux volumes, divisée en cinq li-
j) vres. La première , faite à Rome .
» à l'instance du cardinal Capisucchi.
» alors maître du sacré palais qui l'ap-
» prouva , fut cause de la déposition
» du même Capisucchi de sa charge
» par Alexandre VII, grand ami des
» jésuites. Elle fut aussi mise dans
» l'indice le 28 de février 1664. »
(D) La congrégation de l'indice ne
lui a pas été favorable. ] Voici un ex-
trait de son décret du 27 de septem-
bre 1672. Duo primi tomi operum
Fr. P^inceniii Baronii, inscripti Theo-
logiae Moralis sunima bipartita , pro-
hibentur : tertius vero prœfati aucto-
ris suspendilur , donec corrigalur : ul-
tinii autem duo tomi ejusdern auclo-
ris , scilicet quarlus et quinlus , quin-
que Ubros apologeticos continentes
pariter prohibentur (G). Voyez la fin
de la remarque précédente.
(6) Voyez le pire Papebrocii, Respoas. »i
exlnbît. Errorum , pag. ^87.
BARONI (Léon or a), dame-
italienne , l'une des plus belles
voix du inonde , a fleuri dans le
XVIIe. siècle. Elle était fille de
la belle Adriana , Mantouaue , et
se fit admirer de telle sorte,
qu'une infinité de beaux esprits
firent des vers à sa louange. On
a un volume d'excellentes pièces
latines , grecques , françaises ,
italiennes et espagnoles, imprimé
à Rome sous le titre dJApplausi
voudront savoir en détail les per-
fections de son chant , n'auront
suit « Apologia pro sacra congreg
» tione indicis , ejusque secretario,
3> et Dominicanis , contra Pétri à
» Valle clausâ libellum famosum in- ^ j;re ce c.u'en dit un connais-
ascriptum de Im™™itat*A"™„ seur qui l'avait ouïe chanter (B).
v rum Cyriacorum a Censura, ttomœ _,»,,". ., .
3, tyPis....,M.Dc.Lxu)m-40.Adver- C'est de lui que j emprunte ce
» tat lector praeter innumera errata qu'on vient de lire.
;> ex prselo passini sensum et stylum
3> auctorum murantia , addila non- (A) On a un volume de pièces a sa
« nulla necessaria sermone simplici, louange , sous le titre d Applausi Poé-
« et multa adjecta convitia : bas au- tici aile glurie délia Signora Leonora
C(. Baroni. ] Nicius Erythréus a parlé de
f-'i'1 Journal clés Sov3ns rlu n mars îboi , J . ,.J. ■,. T * .
p, journa. t ouvrage lorsqu il a dit : Legi c:o
BARONIUS.
i43
in Thealrct ICleonorœ Baronœ , cantri-
cis eximiœ , in quo omnes hic Roniœ ,
quotquot ingénia et poelicœ jaculintis
laude prceslant , carmuubus , tum
etruscè tum latine scriptis , singulari
ac propè divino mulieris illius ca-
nendi artificio lanquam faustos quos-
dam clamores et plausus edu.nl : legt ,
inquam , union Lœlii ( Guidiccioni )
Epigramma , ita purum , ita ele-
gans, etc. (1).
(B) II faut lire ce qu'en dit un con-
naisseur qui l'avait ouïe chanter. ]
« Elle est douée d'un bel esprit : elle
» a le jugement fort bon pour dis-
» cerner la mauvaise d'avec la bonne
v musique; elle l'entend parfaitement
» bien, \oire même elle y compose ,
» ce qui fait qu'elle possède absolu-
» ment ce qu'elle chante , et qu'elle
» prononce et exprime parfaitement
» bien le sens des paroles. Elle ne se
> pique pas d'être belle ; mais elle
n'est pas désagréable ni coquette.
Elle chante avec une pudeur assn-
)) rée , avec une généreuse modestie ,
» et avec une douce gravité. Sa voix
» est d'une haute étendue, juste, so-
1 nore, harmonieuse 5 l'adoucissant et
» la renforçant sans peine, et sans
» faire aucune grimace. Ses élans et
> ses soupirs ne sont point lascifs , ses
a regards n'ont rien d'impudique , et
3) ses gestes sont de la bienséance
» d'une honnête fille. En passant d'un
•> ton en l'autre , elle fait quelquefois
i sentir les divisions des genres en-
> harmonique et chromatique, avec
tant d'adresse et d'agrément , qu'il
n'y a personne qui ne soit ravi
1 à celte belle et difficile méthode
;> de chanter. Elle n'a pas besoin de
.1) mendier l'aide d'un tuorbe , ou
d'une viole , sans l'an desquels son
» chant serait imparfait ; car elle-
même touche les deux instrumens
» parfaitement. Enfin j'ai eu le bien
» de l'entendre chanter plusieurs fois
.) plus de trente airs différens , avec
:> des seconds et troisièmes couplets ,
» qu'elle composait elle même. 11 fa ai
(pie je vous dise qu'un jour elle
» me fit une grAce particulier • de
m chanter avec sa mère et sa sœur , sa
■■> mère touchant la lyre, sa sœur la
» harpe , et elle le tuorbe. Ce con-
» cert, composé de trois belles vois .
[1) Niciu* Erythrzus, Pinacoth. II, pag. 129.
«et de trois instrumens différens,
>> me surprit si fort les sens , et ine
» porta dans un tel ravissement , que
» j'oubliai ma condition mortelle, et
» crus être déjà parmi les anges,
» jouissaut'd.-s eontentemensdes bien-
» heureux. » J'ai tiré ceci d'un dis-
cours sur la musique d'Italie, impri-
mé avec la Vie de Malherbe et quelques
autres traités, à Paris, en 1672, in-i'i,
à la fin duquel on lit ces paroles : Ce
discours fut fait par j}f_ M au gars ,
prieur de Saint-Pierre de Mac , in-
terprète du roi en langue anglaise , et
d'ailleurs si fameux par la viole ,
que le roi d'Espagne et plusieurs sou-
verains de l'Europe ont souhaité de
l'entendre.
BARONIUS (Dominique),
prêtre et prédicateur florentin
au XVIe. siècle , écrivit assez
fortement contre l'église ro-
maine , et concourut dans le Pié-
mont avec les Vaudois à mainte-
nir l'orthodoxie; mais enfin on
le regarda comme un faux frère,
parce qu'il soutenait qu'en temps;
de persécution il n'était pas né-
cessaire de témoigner extérieu-
rement la vérité (A). Celse Mar-
ti nengue , ministre de l'église
italienne de Genève , écrivit con-
tre lui sur ce sujet , et il y eut
des répliques de part et d'autre.
Ces livres sont devenus très-ra-
res, je ne sais pourquoi. Notre
Baronius fit une messe à sa fan-
taisie , et il la crut propre «à pa-
cifier les différens des deux re-
ligions : il se vit frustre de son
attente ; car les réformés reje-
tèrent ses menagemens (a) *.
(o) Tiré de /'Histoire ecclésiast. des enli-
ses vaudoises, composée par Pierre Gilles ,
ifmp X , pag- 6?. et sui\>. Edtt. de Genève .
en 16^.
* A. l'occasion de cet article, Leduchat
consacre rrueli|ues lignes à Ga.sn.ird Baronius,
neveu du cardinal . et auteur île Mémoires
qui furent imprimés vers 1 ]'.'.
(A) // croyait qu'en temps de persécu-
tion il n'était pas nécessaire de témoi-
-44
BARTAS. BAKTHIUS.
sner extérieurement la vérité."] Il ne me- il fil en plusieurs autres poincls , pen-
ritait donc pas le nom d'Anti-Nicodé- sant par ce moyen complaire a tous ,
mite , que Pierre Gilles lui a donné , en nageant entre deux eaux : mais son
mais plutôt celui de Nicode'mite. train fut condamné par grand nom-
Voyons de quelle manière cet histo- bre de fiais fidèles , non-seulement de
rien parle de lui. Dominique Haronius, parole et par e+crits , mais aussi par
dit-ii , (0 estait Florentin, missifica- les faicts , aimans mieux perdre les
teur, et prescheur papal, de réputation, biens terriens , et ceste vie temporelle ,
et qui es tems moins dangereux avoit que de monstrer aucun consentement
monstre quelque zèle envers la vraye extérieur aux idolâtries papales , et
religion, l'approuvant presque entière- erronées superstitions (2).
ment, et condamnant presque toutes les
• • j-i „,.„„* „„.,,/,,• (2) Pierre Uilles, Histoire nés églises van-
constitutions superstitieuses papales , doW _ ^ x_ ^ ^ ^^ aJipag ^
n'en retenant que quelques parlicula-
ritez , desquelles il souloit parler avec
telle ambiguïté, qu'à grand peine pou-
voit-on cognoislre ce qu'il en croyoit,
comme onvoiden plusieurs traitez ita-
liens et latins, qu'il a composez , et
spécialement en celui des Constitutions
humaines , auquel il veut monstrer les
BARTAS (Guillaume de Sa-
luste, seigneur du ) , poëte fran-
çais. Cherchez Saluste *.
* [ Ba)le n'a pas donné cet article. ]
BARTHIUS (Gaspar), l'un des
quelles on peut admettre, et lesquelles plussavans hommes, et lune
on doit rejeter. Audit livre entre plu- des plus fertiles plumes de son
urs grands erreurs qu'il condamnoit
en l'église papale , il dit de la messe. . . .
Je ne rapporte point le passage que
Pierre Gilles allègue ; mais voici ce
que l'on trouve après celte citation.
siècle , naquit à Custrin , au
pays cle Brandebourg , le >i de
juin 1587 («). Sa famille était
d'ancienne noblesse (A) : Charles
Il escrivoit de mesme style des autres <je Barth son père , professeur en
superstitions papales; mais avec tout ^ - Francfort-SUl-1'Oder ,
cela il chenhoil de persuader , qu es "
lieux, et temps fort dangereux, on conseiller de 1 électeur de *5ran-
pouvoit dissimuler extérieurement ce debourg , et son chancelier à
qu'on eslimoit de tels erreurs , et aller Custrin , mourut le 6 de février
mesme a la messe, pourveu quinte- - HalberStad , d'oil sa
rieurement on retinst constamment la :>J ' , '
vérité , sans approuver de cœur aucun veuve se retira a Hall avec ses
de ces erreurs. Disoit qu'en tels temps enfans. Gaspar fut envoyé à Go-
et lieux , le ministre de vérité devait t} pu[s a Eisenac , et puis en
i^PloferfZ%tiVJ^iSda^eUr diverses académies d'Allemagne
faire cognoistre lyvroye , et ladtscer- o
ner du bon grain, et h leur faire hayr et d'Italie (b). Il devint Si docte
l'yvroye , et aimer de cœur le froment: en peu de temps, que son en-
mais, quant a l'extérieur, laisser faire fance fut admirée par de grands
auSeigneur, sans s'exposer et expo- j (R) t vj composa
ser les autres en de grands dangers "" . \ - j'
Le sieur Celsc de Martinengue ré- plusieurs livres avant que da-
futapar un notable et long traité tou- Voir de la barbe (C). Il avait une
'tes les raisons que Baronius utueuoit f j,;^ merveilleuse à faire des
Dortr soustien de son opinion : et y . ., ,-,.,
eut des répliques de part et d'autre du- vers (D) : aussi en a-t-ll publie
rant quelque temps. Et Baronius s'es- beaucoup (E). Il apprit les lan-
timanl suffisant pour pouvoir accorder gUes vivantes, et il a fait voir
les deux religions , reforma la messe , ^ traductions de l'espa-
afin qu'a son dire , ony peust aller en l l
bonne conscience , et la chantoit lui- („) Hulsemannus , in Concione funebri ,
mesme selon sa réformation, et le mesme apud Freherum, Tlieatri Viror. illustr.,
Pierre Gilles, Histoire tlet Églises Van- P"S- l546-
(0
doises , chap. A , j'PÇ;- 02,
(b) ld*m} ibidem
BARTHIUS. i45
gnol et /du français (F) , qu'il blanchissent dans la poudre d'un
ne se contenta pas d'en acquérir greffe écrivent autant que cet
une connaissance superficielle, auteur a écrit. On a publié un
C'est une chose étonnante que le conte qu'il aurait mieux valu
grand nombre d'auteurs que ses supprimer, touchant un voyage
Adversaria, et ses Commentai- qu on prétend qu'il fit en IIol-
res sur Stace et sur Claudîen lande avec une belle dame (N).
témoignent qu'il avait lus. La D'habiles gens se sont plaints de
plupart des critiques se sontcon- l'impression de ce conte, et l'ont
tentés de connaître les auteurs traité de fable (0). Barthius avait
profanes ; mais pour lui , il ne se eu deux femmes (e) : il épousa la
borna pointa cela : il acquit de première l'an iG3o, et la se-
plus une grande connaissance conde l'an i644- La première
des auteurs ecclésiastiques , et mourut l'an 1643 , sans lui avoir
surtout de ceux qui ont vécu donné aucun enfant. La seconde
dans le moyen temps. Son atta- lui donna un fils et trois filles ,
chement aux livres l'engagea à et lui survécut ( /*). Il s'était
renoncer à toute sorte d'emploi , trouvé quatre fois dans des villes
et à mener une vie de retraite assiégées , et en avait été quitte
dans Leipsick (c). Il forma d'as- pour la perte de ses habits et de
sez bonne heure le dessein de se ses armes une seule fois (g). Il
détacher tout-à-fait du monde, s'est plaint d'avoir été maltraité
et des études profanes , pour ne par Vossius (P) : il prit chaude-
s'appliquer qu'à la grande affaire ment le parti de Scaliger contre
du salut (G). Il exécuta ce des- Scioppius (Q) : et il n'était pas
sein les dernières années de sa bien avec le docte Reinesius.
vie, et il paraît par son volume Celui— ci l'avait trop souvent sur-
de Soliloques, publié l'an 1 654, Vris en faute, pour ne le pas
qu'il méditait profondément sur irriter (R). Il était impossible
ce qui regarde l'éternité (II). Il qu'un homme qui écrivait tant
mourut le i-j de septembre i658, de choses, et avec tant de préci-
âgé d'un peu plus de soixante et pitation, pût échappera la criti-
onze ans \d). Les ouvrages qu'il que victorieuse de Reinesius. On
laissa en manuscrit (I) , ceux qui a prétendu que ce n'était pas
ont été imprimés (K), ceux qu'il toujours faute de mémoire que
perdit dans l'incendie de sa mai- Barthius se contredisait (S). Il
son (L) , et ceux auxquels on sait ne serait pas étonnant que sa
qu'il a travaillé, et qui se sont mémoire , quelque vaste qu'elle
égarés je ne sais comment (M) : fût , lui eût souvent joué de fort
tous ces écrits , dis-je , font une mauvais tours , vu la manière
masse si prodigieuse, qu'on a de dont il composait ses livres (T).
la peine à concevoir qu'un seul re) Hulseroannoa, m Orat. fUn. Barthii.
homme ait pu suffire à tant de (/) idem, ibidem.
chose.. Je ne sais si ceux qui ,„.,,,,„ att,/!uinilu /ueriL u quod n>//is
, s c • ,. . _ , „ f/uater contigH , nuspiam Itesis , nisi spolia-
(c SpweblM , m Templo Hooor.s resera to, lt0ne unâ vestimenlorum et armorum direv-
"£«"•« , .„ x cmp.o nouons resera lo, aone unâ vestimenlorum et armorum direp-
, * . _. tione. Barlb. in Statiura , tom. Il, pu-,
{d) Witte , Dianum Biograph. 1041. r
TOME I f r . IO
ï/t6 BARTIIIUS
Il ne faisait point de recueils,
et ne corrigeait presque jamais
ce qu'il jetait sur le papier.
(A) Sa famille était d'ancienne no-
blesse. ] 11 y a peu de gentilshommes
titre's , peu de grands seigneurs, qui
fassent remonter plus haut leur ori-
gine , que Barthius la sienne. Un de
ses ancêtres se signala dans la guerre
des Vandales à la suite de l'empereur
Louis-le-Débonnaire , l'an 856 *. Il
était Bavarois, il commandait la cava-
lerie, et il fut tue dans cette guerre ,
comme le remarque Cyriacus Span-
genbergins (i). L'aïeul de Barthius
était l'un des principaux gentilshom-
mes de Bavière : il fut s'établir dans le
cercle de la haute Saxe , et y acheta
plusieurs terres; et eu l'année i545 ,
il fut honoré de plusieurs beaux titres
par l'empereur ?t par les états de l'em-
pire. -Avus ideut nosler ne in his terris
7/iinor esset gentilibus suis alibi viven-
tibus, à Carolo quinto , consilio eisena-
tus-consulto omnium imperii statuum
tum Spirœ prœsentium , ex integro
cœsareœ majestatis et sacri imperii
auctoritale utriusque nobilis et miles
tornearius declaratus est , omniaque
liberœ et verœ nobilitatis privilégia
accepit, cum singulari integrilatis ,
doctrinœ , et strenuitatis testimonio ,
anno christiano m. d. xlv (2). Il exerça
la charge de chancelier à la cour
d'Albert de Brandebourg, électeur de
Mayence, archevêque de Magdebourg,
et, cardinal. L'un de ses ancêtres ,
nommé Herman , était grand - maître
de l'ordre teutonique , vers la fin du
XIIe. siècle (3). Les vieilles annales en
font mention : Munster en parle dans
sa Cosmographie ; et les catalogues
des grands maîtres de cet ordre , ceux
même que Jérôme Megiserus a dressés
ne l'oublient pas. D'autres personnes
de cette même famille paraissent dans
les récits des tournois , et dans les re-
cueil? des armoiries des principales
maisons nobles d'Allemagne. Le père
de Gaspar Barthius avait plusieurs
* Leclerc remarque que Louis-le-Débonnaire
est mort en 84o , et s'étonne que Bayle ait pu
croire ces contes qu'il débite comme arrivés au
IXe. siècle.
(1) In Annalibus Saxonicis, cap. C, pag. i38.
(2) lîartbius in Statium, lent. II , pag. I02(j.
(3} Idem T ibidem.
frères (4) , qui moururent tous sans
enfans (5). L'un d'eux avait été écuyer
de quelque grand prince, et ne man-
quait pas d'érudition (6). Barthius té-
moigne qu'il serait le dernier de sa
famille. Supersles nunc ego omnibus
paterni mei nominis J'amiliam meam
uiwtrsam mecum rébus humants brevi
educam (7). Vous le voyez à la tête de
plusieurs de ses ouvrages , avec le ti-
tre S. R. imperii eques. La pensée que
sa famille mourrait avec lui l'affligeait
beaucoup. Cela lui tenait fort au
cœur; il revient souvent à ce triste
objet : ce qui me fait croire qu'il st
consola très-facilement de la mort de
son épouse. Elle était stérile, et il
avait fait son compte que les forces de
sa virilité ne dureraient pas plus que
sa femme ; car autrement il n'eût
point parlé comme nous venons de
voir qu'il a fait. Mais lorsqu'il s'y at-
tendait le moins, voilà que sa femme
mourut. 11 en prit bientôt une autre,
afin dt: voir s'il éviterait le triste sort
qu'il avait appréhendé, de mourir le
dernier de sa famille. Il ne se considéra
plus comme un poids inutile de la
terre ; cela était bon à dire pendant
qu'il n'espérait pas d'engendrer : il
eut le bonheur d'avoir des fils et des
filles de son second mariage ; mais il
oublia de corriger les endroits de son
commentaire où il paraît sans espé-
rance de laisser un successeur. S'il ne
voulait pas corriger son manuscrit, au
moins devait-il y ajouter à la queue
quelque chose touchant son second
mariage plus fécond que le premier.
Si l'on me demande d'où j'ai su que sa
première femme n'était point morte ,
quand il se plaignait d'être le seul qui
fût resté de son nom , je répondrai que
j'ai fait un petit calcul. L'oraison fu-
nèbre de Barthius m'apprend qu'il de-
vint veuf l'an i643, et que sa mère
mourut à Hall le 22 de janvier 1622. Or
il n'y avait que dix-huit ans qu'elle
était morte , lorsqu'il faisait ses com-
plaintes : Ego inutile foré pondus ter-
rœ omnibus mei nominis mortalibus
superstes supervivo integro octodecen-
(4) Dans l'espace de peu de lignes Bartbius ,
pag. 1026, 1027 de son Comment, sur Stace ,
dit qu'U avait six oncles paternels , et que son.
aieul laissa six fils. Cela n'est pas exact.
(5) Illiberes omnes.... excesserunt. Barthius
in Statium, loin. II , pag. 1027.
(C) Ibidem, pag. 1025.
(7) Ibidem.
B ART II IUS. ,47
nio (8) 5 il avait donc encore sa pre- apprenons de lui-même, c'est toujours
mure femme. i\|. BaiJfel qui parle(i3), « que n'étant
(B) Son enfance fut admirée par de » encore que-dans la seizième année de
grands hommes. } Qu'il me soit permis » sona"«e il lit un traité ou une disserta-
de donner au mot d'enfance un peu » tioncn forme de lettre sur la manière
plus d'étendue qu'on ne fait ordinai- » de lire utilement lesauteurs de lalan-
rement, et alors mou t.xte sera très- » gue latine , à les commencer depuis
vrai, puisque le grand Scaliger fit » Ennius jusqu'à la fin de l'empire ro-
beaucoup de cas des premières pro- » main , et à les continuer depuis la
ductionsde Barthius. <c Cujus virtutim » décadence de la langue, jusqu'aux
» juvenilem ac cordatos ausus José- » critiques de ces derniers temps qui
» phus Scaliger sdsfexit adeô , ut di- » ont rétabli les anciens auteurs (*).
'> vinationis instar hanc illi de Bar- » C'est une composition que l'auteur
» thiovocemexcidissecompertutu sit, » assure ne lui avoir coûté qu'un jour
» natum esse adliuc unum œlernitati » de vingt-quatre heures ; mais elle
» ingenium , quod si ad maturitatem » est si serrée et si bien remplie
» perveniret , litteras aliquandik vive- » qu'elle nous fait juger que Barthius
m re posse (9). » Daumius assure que » devait avoir dès lors une lecture
les grands docteurs n'avaient point de » prodigieuse, et que cette lecture,
honte d'apprendre de cet écolier : » loin d'être indigeste ou confuse,'
Eo adolescente uli dnctore non eru- » était accompagnée du discerne-
buerunl Taubmanus, Siberus, Schmi- » ment nécessaire, etc. » On peut
dius. Quœ Gruteri aliorumq ue apud ajouter qu'il n'avait que dix-huit ans,
exteros virorum de eo lum lala fuerint lorsqu'il fit un Commentaire sur la
judicia, domi eorumlilterœ assenai, e Ceiris de Virgile, qui fut imprimé
partim , parlim lectœ docent (10). Un à Amberg , l'an 1G08 , et qui contient
autre savant , qui avait été condisci- beaucoup de doctrine,
pie de Barthius , en parle de cette ma- (D) // avait une facilité merveil-
nière : JVovi ante annosferè quin- leuse a faire des ce/*.] Barthius
quagintapueri prœstabiles minas, ciim. ayant pris garde que Stace se félicite
sub Wilkii p. m. manu essemus a-ua- en quelque manière de n'avoir mis
/:oXstç-a.« : noui ante hos XLUI annos que deux jours à l'epitlialame de Stt 1-
Witebergœ adolescentem florentcm la , qui comprend deux cent soixanie-
gralid apud nonimllos, Bctu/j.a.^ip.iyùy dix-lmil hexamètres , ajoute que ce
àvai x.â.Tu ab œqualibus (11). n'était point s'exposer à la critique
(C) Il composa plusieurs livres , d Horac • (1.4) , vu que ce n'était point
avant que d'avoir de la barbe. ] faire i\ci\x cents vers par heure ,
M. Baillet qui Ta mis dans le catalogue comme faisait celui dont Horace s'est
de ses Enfans célèbres , nous en dira moqué (l5). Je trouve une grande liy-
des nouvelles mieux que personne. 11 perbole , continuc-t-il , dans cette cri-
nous apprendra que Barthius , a douze tique . quoique je n'ignore pus ce que
ans , mit tout le psautier de David en c est de J aire beaucoup de vers en peu
vers latins de toute espèce , et qu'il fit c?e temps ; car dans trois jours, j'ai
imprimer dès la même année d'autres fa'1 ltne traduction latine des trois
poésies en la même langue ; et que le premiers livres de l'Iliade , laquelle
Recueil de silves , de salues, de ser- traduction contenait un j'eu plus de
nions, d'élégies, d'odes, d'epigram- deux mille vers.
mes, et d ïambes , qu'il fit imprimer à (E) aussi en a-t-il publié beau-
JVitlemberg , l'an 1607, comprend coup. ] Car , outre ceux dont on parle
toutes les poésies qu'il a faites depuis *'.;ms ';' remarque (C) , il publia à
treize' ans jusqu h dix-neuf (i-i\ JN'ous Francfort, l'an i6a3 , un poème mti-
(8) Barth. :.a Statium, lom. II, pag. 826. ilV r',U "'r'"" ' PaS- *<$■
(91 Sp»el., in Templo Honoris re,eralo , _£) " " tru"" au L' »** de ses Adver
pag. 38i. r /,--...,
do'i n»..m'.nc T„- , yiv j p • ('■•> J*am Jutl hoc vUtosus : in hord sœph
(10) uauraïus , tpist. XIV ad Rcinesium. dubéntm
(il) BdlKWOS , Epist. XV aJ Daumium, Ut magnum , venus diclabal , ,lans pede in
pag. 4b. Celle Lettre est datée du 1 .', d? janvier uno.
, \D .„ „ Horallos, Sot. I\ , vs.ç,iib. I.
U?) B"U« , Enfaus dlttres , pag. 29; , ,98. (»5) Bartl.ius , in Slati0m . lom. I, yag. -.
i4»
BARTHIUS.
tulé , Zodiacus l'itœ christianœ ; sa-
tyricon pleraque ontnia verœ sapientiœ
mysieria singulari suavitale enarrans.
Il est divisé en XII livres. Il pu-
blia , en la même année et au même
lieu , Epidorpidum ex mero scazonte
libri 111 , in quibus bona pars huma-
nœ sapientiœ melro expiicatur. Ses
Épigrammes , divisées en XXX livres ,
et dédiées au roi Jacques , ont paru
sous le nom de Tarrœus Hebius (16)
sous le titre iVErolodidascalus, sen
A'emoralium. libri V . Il traduisit aus-
si en latin, à ce que dit M. Baillet (19),
le Pornodidascale de TArétin. C'est
sans doute le même livre que celui
dont Daumius parle en ces termes :
Reliqua quœ — Barlhius publicavit
ex indiculo colioquio P. Aretini de
las Dama-; ex Hispanico ab ipso trans-
late , et a nobis recuso nuper, adjec-
to cngnoscere poleris (20). Concluez de
sous le nom ue j uuœus ucwi«) \.lyjj. •.««,»•£, i.w»*/w-^~..w »» \, ." . , «««.».«.— -
Les IV livres AmabUium Anacreonte là que cette version latine de 1 Arétin
dccanlali , furent imprimés l'an 1612. ne fut point faite sur l'original; mais
II fit une Paraphrase des fables d'E- sur une version espagnole.
sope , en vers ; une Fersion de Mu- (G) // prit de bonne heure la réso-
se'e, aussi en vers; et un Poème de lution de se détacher tout-a-fait du
Léandre (17). Je ne crois point que sa monde pour ne s'appliquer.... qu'a
Persion de Quintus Smyrnœus en son salut. } Ayant raconté que sa
vers ait vu le jour. Il en parle dans mère avait eu un pressentiment de
la page 584 du IIIe. tome de son sa mort , trois ans avant que de mou-
Stace. rir , et qu'il y a dix-huit ans qu'il sur-
(F) Il fit des traductions de l'espa- vit à cette bonne mère , bien sain en
gnolet du français.] Je ne sache point toutes les parties de son corps , excep
qu'il ait traduit autre chose de cette té qu'il a la vue faible (21) , il ajoute :
tion pour la langue castillane : il l'a
fait paraître en divers lieux ; et les
louanges qu'il a répandues sur les li-
vres espagnols n'ont pas été ignorées
par don Nicolas Antonio (18;. Je ne
connais que deux livres espagnols tra-
duits en latin par Barthius : l'un est
la Celesline, dont il ne connaissait
point l'auteur; l'autre est la Suite de
la Diane de Monlemajor. Voici le titre
qu'il donna à la traduction de la Cé-
lestine : Pornoboscodidascalus lali-
nus. De lenonum , lenarum, concilin-
tricum , servitiorum , dolis , venefi-
ciis, machinis plusquam diabolicis ,
de miseriis juvenum incautorum , qui
florem œtalis amoribus inconcessis ad-
dicunt , de miserabili singulorum pe-
riculo et omnium inleritu , à Frauc-
fort, 1624. H joignit des notes à sa
version. L'auteur espagnol de cet ou-
vrage , ou de cette tragi-comédie,
*— ~ ■ — ,- - ',-7 . .
sœpius jam orsam naclenus injinita
bellorum et bellicorum tumultuum
exactionumque impedimenta hactenus
suspenderunt. Pour savoir en quel
temps il parlait ainsi , on n'a qu'à se
souvenir que sa mère décéda l'an
1622. Voyez la remarque (A) , vers la
fin.
(H) // méditait profondément sur ce
qui regarde l'éternité. ] Voici le té-
moignage que le sieur Théophile Spi-
zelius lui a rendu : Sacrum nimirùm
ad Deum siuceramque pielatem Bar-
lhius medilabaliir accessum : plurimis
piè lilleralorum ac Deo sacralorum
hominum exemp/is incilalus. (Juo de
imprunis testatur insigne soliloquiorum
opus, extremis l'itœ temponbus à Bar-
thio publicalum , Jiagranlissimis ad
Deum suspiriis oppidb plénum, et vel
Augustino scriptore dignum , quod
eliam hemiplecticus qunlidiè revolve
— ves-
Vrage , OU ue truc iuji-iuiuhhï., eiiam ra;mip(c™i.Hj ipuuun. if."
s'appelle Rodericus Cota La conti- re } et per priai uni meditationum »-.-.>-
nuation de la Diane de Montemajor tigia denuô cogilaliones suas cœlo im-
A _ J "X^ ~.. Da>i»U<ii« «c* l'.ïlIUr'JOP ilf -,.:**„..„ „n>-.r, .*..,!* , i 1 1 1 i i I ri I < , / i 1 I ' / i 1 I ! I l I
traduite par Barthius est l'ouvrage de
Gaspar Gil-Polo. La version de Bar-
thius fut imprimée à Hanaw, en i625,
(16) Spizel. , in Templo Honoris, pag. 382.
(17) Idem, ibidem, pag. 3SG . 38:.
(18) fuyez sa Bibliolliéque des Ecrivains
espagnols," vol. I , pag. 4°3 , 4'3, et vol. II ,
pag. 211.
mdtere consuevit. quinimo divinum
amorem , quem intimis fibris semelim-
(19) Jngemens des S.ivaus, loin. I , pag. 542-
(20) Daumiiîs. dans lu préface des Commen-
taires il.' Barlhius sur Stace , datée du i5 de
mars i664-
(21) Barih., Comuientarius in Slatiimi, tom.
II, pag. 826.
BARTHIUS.
bibisset , conùnuis precum ejaculatio-
nibus alendum jugiter alque roboran-
dum putavil, quousque è sacrœ pariler
ac lilterariœ solitudinis du>e< sorio, an-
no œt> i nostri octavo et quinquagesi-
1 )9
libraire (26). Cela produisit un eilet
fort prompt à l'égard de quelques-uns
de ses ouvrages, plus lent à l'égard île
quelques autres ; mais néanmoins , la
plupart des livres dont il avait étalé
mo , œtatis fera septuagesimo primo les titres étaient imprimés lorsqu'on
emigravit (22). parla de cette préface dans la Biblio-
(l) II laissa des ouvrages en manu- théque universelle. Voyons en quels
scrit.} Daumius a fait savoir au public,
que l'on trouve parmi les papiers de
Fauteur le 11e. et le IIIe. volume de
ses Adversaria.des Notes et des Glos-
saires sur les écrivains de la Palestine,
publiés par Jacques Eongars : Bene-
dictus Paullinus Petrocorius de vitâ
S- Martini , et Paullinus Pelleus cum
Tertulliani Jonâ , Jureliqiie et Bar-
tkii, animadversionibus ; XXI livres
d' lipigrammes , XII livres (YAna-
créontiques , le Zodiaque de la vie
chrétienne, corrigé et augmenté en
plusieurs lieux ; plusieurs autres poè-
mes , dont la plupart n'avaient point
été imprimés , et les autres avaient été
corrigés ; des Glossaires sur Valère-
Maiinte, et sur les èptlres de Pline
le Jeune. (23) Daumius déclare que
si la cruauté des temps tout - à - fait
contraires aux belles-lettres le per-
met , et si par la libéralité de quelque
Mécène il en peut revenir quelque uti-
lité aux héritiers, tous ces ouvrag2s
pourront un jour sortir de dessous la
presse. Si diritas permittat lemporuin
politioribus heu musis prorsiis injenso
termes on le fît : le passage mérite
d'être copié} il contient une critique
un peu mordante , mais qui est fon-
dée en raison. « Il y a une préface
» au-devant , où l'on peut voir les ti-
» très de plusieurs livres , que l'au-
» teur promettait de donner au pu-
>» blic , mais dont il n'a jamais paru
» qu'une petite partie ( 27 ) , parce
» qu'il ne trouvait pas des libraires ,
» comme il le marque lui-même (28),
a qui eussent le même zèle que lui
» pour l'avancementdes belles-lettres.
» Mais si tous ces ouvrages ressem-
» blaient à celui-ci , on peut s'assurer
» de n'avoir perdu , au moins en par-
« tie , qu'un grand nombre de cita-
» tions dont on peut se passer sans
» peine. Ce n'est pas qu'il n'y pût
» avoir de bons endroits , aussi-bien
» que dans celui-ci ; mais ils sont
» comme cachés sous une si grande
» multitude de passages des anciens,
» qu'il faut avoir assez de patience
» pour les déterrer (29). »
(K) d'autres, qui ont été im-
primés.'] Je ne marquerai ici que les
rum, fruclusque si aliquis Mœcena- principaux : un gros volume in-folio,
tumbenignitate ad reliclos toû /ua.K!tf.i- intitulé Adversaria , divisé en LX
-rot/ hœredes sit redundalurus (24). Je livres, quibus exunii'crsit antiquitatis
n'ai pas ouï dire qu'aucun de ces ma- *ene omnis generis loci tain gentiliurn
nuscrits ait été tiré des armoires des quant christianorum scriptorum illus-
héritiers , excepté le Paullinus l'être
corius de vitàS. Martini, qui fut im
primé l'an 1681, par le soin de Dau-
mius. Les libraires ne veulent point
mordre à cette grappe, comme ils tirent
trantur et emendanlur , cum rituuni ,
morum , legum , formularumque ob-
servaùone et elucidatione, cum unde-
cim indicibus, vu Aurtonim, iv Rcrum.
A Francfort , en 1624. La mémoire ,
autrefois, lorsque Barthius les piqua la lecture, l'érudition de cet auteur
d'honneur en déclarant dans une pré- se produisent là d'une façon éton-
face qu'il avait un très-grand nombre nante : c'est dommage que la netteté,
de livres , qui n'attendaient que Thon- et le choix n'y régnent pas également,
nêteté des libraires pour se montrer H avait laisse II volumes SiÂdveraana
aux yeux du public (25), et qui paraî-
traient dès qu'il se présenterait un bon
(21) Spizelii Theatr. Hooor. , pag. 384, 381;.
(î3) Daumius, in Vrœfaiione Comment. Bar-
tliii in Statium.
(^4) Idem, ibidem.
(i5)Sequentur deinceps , uii quidem Irpogra-
phorum comilas eril. Rarlb. . Prie fat. in Kutilii
Itincrar. Elle est datée du 14 d'octobre 162a.
de même taille, sans compter qu'il
avait revu et corrigé le premier. De
(36) Exprclant edilionem , si sollcrietn trpo-
graphum nactijuerimus. Ideûi , ibid.
(27) II rsl certain que la meilleure partie est
imprimée.
(38 11 ne marque nullement cela dans ceUc
préface.
(ag) Bibliotbéq. universelle , lom. V , pag.
3^0, dans V extrait de l'Itinéraire dt Ruiili»-.
î5o
BARTHIUS.
quo Ach'ersariorum tomo secundo aut
tertio , uterque enim jamperaclus est ,
primo etiam reccnsito in Us et amotis
nebulis quas Mi inducere livor volait
(3o). Tout l'ouvrage devait contenir
CLXXX livres. Il y a quelque chose
d'immense là-dedans , qui fatigue
même l'imagination; mais passons à
quelques autres titres. Galli confes-
sons christianœdoctrinœ compendium,
seu sermonem Constantiœ nabitum ,
C. Barihius recensuil , et animadver^
sionum librum adjecit ; à Francfort
en 1Ô23 , i/z-8°. Phœbadius contra
Ananas , cum animadversionibus.
Guil. Britonis libri Philippidos , cum
notis. Claudiani Ecdicii Mamerli de
statu animœ libri III , cum animad-
l'ersionibtts ; Cygnese , i655 , in-8°.
JEneœ Gazœi dialogus de immortali-
tale animarum , cum Zachdriâ Mity-
lenœo philosopho christiano , grœcè et
latine ; Lipsiae , i655, in-\°. Bar-
thius donna une nouvelle version
d'Ënée de Gaza , et se servit de celle
de Jean Tarin à l'égard de Zacharie ,
et orna de notes l'un et l'autre de
ces deux ouvrages. Soliloquia reruni
div inarum , Cygneae, i654, in-f[". Un
dio Sellerhusano anno M. DC.
XXXVI absumta , periére. Barthius
perdit en cette rencontre son Index
Appulejanus (34) , tout ce qu'il avait
fait sur Tertullien (35); son Index
sur Thucydide , etc. In quo scriptore
( Thucydide ) per bellicos hos trien-
nales motus etexcessiones ingens dam-
num accepimus , indicem enim tani
in auctorem quant Scoliasten (quire-
cenlior tamen est cjuam vulgb attendi-
tur) confeceramus , is cum parte biblio-
thecœ periit (36). Flammœ ingens
scrinium manu med scriptis charlis
ejfertum , simul abstulerunt : et sic
perierunt mihi multa juvenilia et pue-
rilia scripta (3^). Il dit qu'on lui avait
déjà pillé deux fois sa bibliothèque,
lorsque le feu y fit ce nouveau rava-
ge : Adesse bibliothecœ non possu-
mus miris modis duabus vastalionibus
depopulatœ , et uno incendio vix di-
midialim ereptœ (38).
(M) d'autres se sont égarés je
ne sais comment.^ Daumius rapporte
qu'après la mort de l'auteur on cher-
cha inutilement son commentaire sur
saint Augustin de Civitate Dei , son
livre de Superstitionibus Veterum ,
gros volume de IVotes sur Claudien, son traité de dubiis Scriptoribus , se
imprimé Tan i65o, in-/y°. ; et trois
gros volumes sur Stace , imprimés
l'an 1664, in-^°. Il ne fut point con-
tent de cette édition de Claudien , à
cause que le libraire ne s'était point
servi d'un bon correcteur (3i). C'est
dommage qu'on n'y trouve aucune
table des matières , ni en général
aucun indice. C'est un défaut dont
ses Commentaires sur Stace sont bien
exempts.
(L) il en perdit dans l'incendie
de sa maison.~] C'était une maison
de campagne : le feu y prit par la
faute du fermier , ou de tel autre
homme qui y logeait. Cum villa nostra
urbana non bello , non latronum manu,
sed perfidi incolœ temeritate eonfla-
gravit (3a J. C'est sans doute ce que
Daumius appelle incendium Selle rliu-
sanum, qui arriva l'an i636. Etiam
nonnulla Jlammis , dit-il (33) , incen-
(3o) Bari.li. , in Statiura , tom. I , pag. 110.
Voyez aussi la Préface de Daumius.
(3i) Barth. , in Stalium , loin. I , pag. 434-
(32) Idem, ibid. , tom. III, pag. i3g8. Il
avait dit dans la page g du Ie*. tom. Flamma;
non ab boste, sed domeslico scelere mère tnm
mansioni injecta;.
(33) Daumius, Preef. in Ststitira.
Caractères , et plusieurs autres écrits
de cette nature. Barthius cite fort
souvent les livres dont je viens de
faire mention , et en donne une idée
avantageuse. 11 y a beaucoup d'appa-
rence , vu la qualité des matières , que
ce n'étaient pas les moins bons de
ses ouvrages. Il en avait commencé
un grand nombre d'autres, auxquels
il renvoie son lecteur tout de même
que s'ils eussent été imprimés. Voyez
Y Index Autorum de son Stace , au
mot Barthius.
(N) On a publié un conte tou-
chant un voyage qu'on prétend qu'il
Jit en Hollande avec une belle dame.}
M. Colomiés l'a débité sur la foi d'I-
saac Vossius. Il a été fort blâmable
d'imprimer de semblables choses,
dont il n'avait point d'autre garant
qu'un conte de conversation. Qui ne
(34) Bartb. , in Statium , tom. I , pag. g , et
passun alibi.
(35) La même, pag. i338 du IIIe. tome, ou
il dit ■■ Nota; nostra: in intesrum ferè Tertuliia-
num.
(36) Ibidem, tom. II , pag. 3o6.
(31]) Ibidem , tom. I , pag. g.
(38) Ibidem, tom. II , pag. 372.
BARTHIUS. i5r
sait que ceux qui se piquent d'entre- (P) // s'est plaint d'avoir été mal-
tenir agréablement une compagnie , traité par fossiiis.-] Peu de gens ont
sont fournis d'un nombre infini a bis- eu à faire de semblables plaintes- car
toriettes où ils ajoutent telles circon- jamais bomme aussi docte que Vnssius
stances qu'il leur plaît, pour faire n'a été plus honnête ni plus modéré
trouver le conte plus singulier et plus que lui envers ceux qu'il reprenait,
agréable? Ils ne se donneraient pas Voyons néanmoins tout du long la
cette liberté , s'ils savaient qu'on dût plainte de Barthius. ()uo loco vir
imprimer ce qu'on leur entend dire, doctiss. (/J2) pulchrè etiam de Lutatio
Quoi qu'il eu soit , voici le conte : judicat doctum esse lecluque dignum
« M. Vossius me contait un jour exegeten, preeter quittent gtossemata.
» que Barthius étant venu d'Allema- Stinè longé meliiis et comperlius ,
n gneà Harlem, pour voir Scriverius, quant nuper Joannes Gerliardus Yos-
» il amena avec lui une dame pariai- sius , qui Lutatium ex Gervio et Higi-
:> tement belle ; et que Scriverius ne nio composition dicere ausus est maxi-
» l'eut pas plus tôt vue, qu' il trouva mam partent. Qui doctissimus homo
i) moyen de faire enivrer Bai t'iius , cùm alio nos loco perperam (ut clara
» afin d'entretenir cette dame avec tes est, et demonstratum jam nabis
» plus de liberté, ce qui lui réussit alibi ) ineptiarum et absurditatis ,
« fort heureusement. Il ne put pour- nunquum a nobis lœsus, et ab incidis
» tant si bien faire, (pie Barthius planèque egregièineptis Thrasunculis
» revenant de son ivresse n'eût quel- incilatus , insimulare ausus sit , mérita
» que soupçon de ce qui s'était passé, ulriusque notœ hic hobebitur , cùm
» qui s'augmenta tellement qu'il ra- ea commenlariis Lutatianis insint ,
» mena sa dame fort en colère, et quorum nec centesimam partent Ser-
» la laissa noyer sur le Rhin (3g).» vianœ et Higinianœ commentationes
Il ne faut point disconvenir que Bar- vindicare possint. Idem prœstanlissi-
thius n'ait eu mauvaise réputation mus uir incogitatè eodem loco scri-
j>ar rapport aux mœurs. Un de ses bit Lutatium à Lindebrogio primum
meilleurs amis le confesse ; mais il edilum (43).
soutient que cela était mal fondé. De (Q) Il prit chaudement le parti dr
moribus quœ invidï nugati sunt , quo- Scahger contre Scioppius.] On lui
rumque causa ego ignotum, meo ntalo, attribue trois écrits contre l'ennemi
abhorrebam , rem aliter qumdecennali de ce grand homme ; et l'on a trouvé
hdc cum eo conversatione comperi. son nom par anagramme dans le
Ade'o quicquid de eo dixerunt scrip- masque sous lequel il se cacha de
seruntqueego hacteniis prorsùs credere Tarrœus Uebius nobilis a Spergd. Re-
abnui , cujus intima nescio an œque solulo anagrammate Gasparis Bar-
alii patuerint (4o) . thii Berolinoei confirmât excellentis-
(0) D'habiles gens se sont plaints simus Geitlerus de Mutatione Ro-
de l impression de ce conte, et l ont minum , Exemplorum Decad. I ,
traité de fable. .] Voici ce que Morho- nunt. 5 (44)- Ces troislivres sonlinti-
tius en a dit : Quibus ( Colomesii tulés , le Ier. , Cave canem, de failli ,
Opusculis ) adjicitur libellus gallico moribus , rébus gestis , divimluie
sermone cui titulus Recueil des Parti- Gasparis Scioppii Apostalœ , Salyri-
cularités , in quibus multa de eruditis con , Hanov. 1612, in-\7.. Le 11e,
familiariler a fossio aliisque suppe- Scioppius excellais : in laudemejus, et
dilata, laudalo semper auctore, vir sociorum , pro Josepho Scaligero et
die effutivit , quœ insignis sanc te- omnibus prnbis epigrammatum tibri
méritas fuit. Multa tamen m his sunt III , ex triginta totis hinc collecti. Il
mendacia, qunle illud de Casparn est imprimé avec leprécédent. Le M'.,
liarthio horrendum, qui concubinam Amphitheatrum Sapienliœ , Hanov.
suant Rheno sujfocaverit , quôd ejus i6i3 , i/1-80. Voyez Rhodius, à l'en-
rum Scriverio amores deprehende- droit que j'ai cité ; et Place dus , à la
rit (40- page 3^2 de ses Pseudonymes.
(3ç^ Colomesii Opuscul. , pag- 102, edil- VI-
Waiëot. , ann. i66c). ('42) C'est-à-dire, Nicolaus Locnsis, au chap.
(/jo) Daumios, Èpist. XIV ad Reinesium, XVII l de ses Miscellanea.
pa'. S'. (!\i) Barih.,in Slatium , loin. Il, pag. 871.
[4t)0lorbofii Pclytiist., pag. 71. (44) Rhodius, de Auctor. Support.
i52 BASINE.
(K) Reinesiui l'avait trop souvent » limens l'engagent à examiner plus
surpris en faute , pour ne le pas irri- » profondément les matières, et lui
ter.~\ Ce n'était pas de ces fautes sur » fournît une occasion plus commode
lesquelles un homme d'esprit peut » de corriger, ou de confirmer ce
chicaner le terrain : il fallait passer » qu'il avait publié.» Memini in pu-
condamnationjet c'est là ce qui fâche, blicis alicubi dispulalionibus diversœ
et ce qui choque le plus. A Cl. Bar- sentenliœ ejus loca exagitata fuisse,
thio , quem tu tantùm non in cœlum Sed auctores scopum scriptoris nescio
effets, et quem sua defensurum esse an vel per transennam viderint. Noue
scribis, nihilindigniiniquive expecto ; enim , hoc consilio , eoque fine Bar-
tam licet ipsi in meis , siquando lucem thium ea , quœ in mentem sibi vene-
adspicienl publicam , (lenta autem rant, in chartam conjecisse , eliarn di-
res est , etforlassè incumbent in spon- uersis diverso tempore sententiis , ut
giam, ut olim illius Ajax) quam in quandoque ad ea reverlenti illa diver-
ipsius mihi licere visum est experiri ; sitas ampliorem de verilate cogitandi
non exisiimn autem soli oôlocuturum suppeditaret materiam , occasionem-
esse. Su/it enim. p 1er aque , quœ mine que longe commodiorem retraclandi
auidem produxi , adeb certa liquida- vel slabiliendi quod scripserat. Id
que, ut nisi temerè Ittigare velil , ne quod fine capitis VI lihri undecimi et
calamum auidem contradicturus nabi alibi sœpiùs testaturf^']). Voyez cora-
tin"ere debeat. Perpende , quœso , mi ment Reinesius a réfuté cette apolo-
carissime Nestere, a.viu 7râQovç , ubi- gie (48).
cunque ab eo dissentio : maxime vero (T) // ne serait pas étonnant que sa
examina, quœ cap. 8,1. a , quo ejus mémoire. lui eût manqué, vu la
in Plinimri J-'alerianum , dictum Em- manière dont il composait ses livres.]
piricum, illatœ emendationcs produ- Il faut l'entendre lui-même. Pulo jam
cunlur , trado , et miraberis hominis taie quid supra notasse. Non enim
doctissimi manifeslissimas inscitias , potest , ut , nullis penitùs rébus adjuti,
frustrationes, et puerilia TrcipopûjUATx, omnium strictam memoriam habea-
' audaces etiam conjecturas in auctorem mus. Omnino enim aliter nus commen-
non intelleclum invectas deprehendes tamur , quam soient homincs etiam
ma'nm numéro. Istas si quisprœfraclè litteratissimi , dhm auctores legunt ,
tueri pra'sumserit , eum ne sani qui- excerpentes quœdam alque ed deindè
dem capitis esse dixero; Barthium excerpla in silvam observalionum ,
autem mecum fore et visurum, me eam porro silvam in commentaria re-
quamvis indigno indice , id quod ve- digentes. Nunquàm taie quid factum
rum est nullus dubilo. Ces paroles a nobis est ; sed ut cuique auctori
sont de Reinesius dans une lettre enarrando bené facere volumus , ar-
qu'il écrivit àNesterus, le 3 1 de mars repto Mi anitnadversiones hoc genus
i638 (45)- Voyez aussi sa XVe. lettre imputamus , solius memoriœ bénéficia
à Daumius. nixi,quammarginalibusnonnunqu'am
(S) On a prétendu que ce n'était prius notis instruimus , dum cum li-
pas toujours faute de mémoire, que bris veteribus editiones comparamus .
Barthiu s se contredisait.^ «. Quelques- Cœtera omniaè calamo fluunt, ele-
■>i uns ont remarqué, que lorsqu'il gante et minuto litterarum duclu. Nec
h fait ses jugemens, il tombe quel- unquam scriptio repetitur : nec ullis
» quefois dans des contradictions , lituris cruciatur. Quarum nec decem
ii faute de mémoire (46). » Daumius aliquas hactenùs hi commenlarii agno-
prétend que ceux qui ojt relevé ces verint (49)- Je ne sa's s' lon ^al^ D'en
sortes de contradictions ne connais- de se vanter de cela : Il me semble
saient rien dans le but de Barthius. que le public mérite plus de respect.
« Il écrivait, dit-il , tout ce qui s'of-
» frait à son imagination , aujour-
11 d'hui une chose, et demain uneau-
» tre , afin que, quand il y reviendrait
» un jour , cette contrariété de sen-
(4;) Daumius, Epist. XIV ad Reinesium,
pag. 37.
(48" Reinesii Epist- XV ad Daumium, pag. ^5.
(4;)) Barlb. in Statium, loin. III , pag. 466.
(45) C'est la VI'-
(46) Baillet, Jugemens des Savans tom.III,
yrtg. 464-
BASINE , femme de Childé-
ric , roi de France , et mère du
BASTNE. iS3
grand Clovis , avait été mariée brassa la foi chrétienne. Si la
avec un roi de Thuringe. Childé- conduite de cette femme fut pire
rie, contraint d'abandonner ses que celle d'Hélène (C) , la con-
états à cause que ses fonpudicités duite de Childéric , tout bien
avaient tellement irrité le peu- compté , n'e»t pas meilleure que
pie qu'il en avait tout à craindre, celle de Paris. Les excuses du
se réfugia (a) auprès de ce roi de père le Cointe n'ont aucune soli-
Tburinge. Il en fut reçu avec dite (D). L'auteur des Galante-
toute sorte de bonté : Basine, ries des rois de France rapporte
qui était une très-belle priu- mieux que M. de Cordemoi les
cesse , fit sans doute les honneurs visions du nouveau mari de Ba-
de chez elle admirablement, sine (E).
L'expérience a toujours fait voir Depuis la première édition de
que les princes impudiques , cet ouvrage , j'ai lu ce que le
qu'on chasse de leur pays , ne père Daniel a publié contre ceux
renoncent point aux commerces qui disent que Childéric fut
de galanterie dans les lieux de chassé par ses sujets , qu'il fut
leur retraite. Childéric en fut rappelé au bout de huit ans ,
un exemple : il devint amoureux et que la reine de Thuringe le
de Basine; et, ne la trouvant pas vint trouver, etc. La pensée de
cruelle , il ne fit point scrupule cet auteur est que ce que Gré-
de pousser la chose jusqu'à jouir goire de Tours a écrit là-dessus
de la femme de ce même ami et n'est point autre chose que /'ex-
bon voisin , qui lui fournissait trait ou l'abrégé de quelque ro-
un asile (A). Il lia avec l'épouse mari qui courait de son temps
de cet ami un tel commerce d'à- (c); et que les visions, qu'on
niour , qu'elle ne put plus s'en prétend que Childéric eut la
passer. Les Français rappelèrent première nuit de ses noces , et
Childéric huit ans après qu'ils qui ont été ajoutées au petit
l'eurent chassé (b). Basine ne conte de Grégoire de. Tours , ont
s'accommoda nullement de l'ab- aussi-bien que le reste tout l'air
sence de ce prince. Elle quitta d'un roman (d). Je parlerai de la
son mari , et fut trouver Childé- querelle qui fut faite à Pas-
ric : et, lorsqu'il lui demanda quier , et de ce que l'on répondit
la cause de son voyage, elle lui à son critique (F). Ce sera une
répondit ingénument que c'était remarque, où l'on verra que les
pour l'amour de lui (B) qu'elle disputes font commettre bien
venait; et que , si elle eût connu des fautes, tant du côté du
au delà des mers un prince qui cœur, que du côté de l'esprit,
lui eût été plus propre, elle le ,, , • r> . r> „
... L l ' /-!•,!> ■ (c) Le perc Daniel, Dissertât. II sur
Serait allée trouver. ChlItleriC nii,t. .le France, pag. 42J , édition dcPa-
fut ravi de ce discours, épousa r&, <wi 1696.
T> n\ r • f '' f-u même, pae.U2a.
basine , et en eut un fils qui fut ^
un très-brave prince, et qui em- (A) ÇhlldMc ne fit point scrupule...
de jouir d'elle , <juoique femme
(a) Environ l'an 460. d'un ami , qui lui fournissait un
{b) Grégoire de Tours, Histoire des Fran- asUe. ] On serait fonde aie croire ,
çais , liv. II, chap. xu. quand même les historiens ne le di-
i5j BASINE.
raient pas. Basine aurait-elle couru y a d'être auprès de vous? Quoi qu'il
après Childeric , si elle ne l'avait pas en soit , voici le latin de Grégoire de
aime' , et si elle n'avait pas goûte' avec Tours. His regnantibus simul Basina
lui les fruits de l'amour ? Mais nous relicto viro suo ad Childericum venit.
Qui cùm sollicite interrogaret qud de
causa ad eum de iantd régions venis-
set , respondisse fertur , « Novi , in-
» nuit , ulilitatem tuam quod sis vnldè
» strenuus , ideoque veni ut habitent
)> tecum. JVam noveris , si in transma-
» riais partibus aliquem cognovissem
» utilioreni le , expelissem utique co-
w hubitat'mnem ejus. » At ille gau-
dens eam sibi in conjugio copulavit.
L'auteur anonyme du Gesta Regum
Francorum (i), Fredegaire , (a) , et
le moine Roricon , rapportent la ré-
ponse de Basine de la même manière
que Grégoire de Tours , si ce n'est
que Roricon l'a beaucoup mieux
éclaircie , et qu'il a dit expressément
que le discours de rette femme était
plein d'impudicité. Ce qui , bien loin
d'affaiblir ma conjecture touchant
t'irilitatem et viriliorem , la confirme
puissamment. Voici les paroles de
Roricon : Basina quoque Sisini régis
uxor , apud quem latuisse prœmon-
stravimus Childericum, sœpiùs relicto
viri thoro consortium nosiri régis est
experta. Quamobremel eumnecmullb
posl in Franciam est sequuta, ciipiens
loco uxoris habitare cum eo. Quant
Childericus cùm inspiralè conspexis-
set , et ad quos usus de terni longinquâ
provincid ad eum properâssel inquire-
ret,illa postpositopudore muliebri, ut
eratnimis luxuriosa , ta!e fertur dé-
disse responsum : « Qunniam novi
» ulilitatem tuam et pulchriludinem ,
» et quod sis habilis et strenuus, è
■» domo veni ut habitent tecum , nam
» si in extremis terrœ finibus utilio-
■» rem te cognovissem , et hune nihilo-
» minus expelissem. » Complacuit
régi mulieris sermo facelus , et eam
gaudens sibi sociavit in uxorem(3).
Tout ce narré de Roricon montre que
cette femme ne cajola point Childeric
sur le pied d'un brave guerrier, mais
sur le pied d'un vaillant champion
d amour, beau et alerte.
(C) Sa conduite fut pire que celle
d'Hélène. ] Pour rendre à chacun son
bien, je dois dire ici que ce n'est pas
(i) Apud Du Chesne, lom. I , pag. 696.
(2) Ibidem, pag. 727.
(i) Roric, de Gestis Francorum , lib. I ,pag.
S02 , au Zet. vol. de l'édition de Du Cliesne.
avons le témoignage des historiens.
Voici ce qu'on trouve dans l'auteur
des Gestes des Rois de France , au
chapitre VII : D uni fuit in Toringiâ ,
cum Basina regind uxore Bisini régis
ipse Childericus commixtus est. Aimoin
rapporte la même chose dans le cha-
pitre VIII du Ier. livre : Dicebatur
idem princeps consuetudinem stupri
cum ed habuisse , cùm exularel. Pio-
ricon est plus expressif: je le citerai
dans la remarque suivante.
(B) Lorsque Childeric lui demanda
la cause de son voyage , elle lui ré-
pondit ingénument que c'était pour
l'amour de lui."] La réponse consiste
en. ces termes, selon Grégoire de Tours,
au chapitre XII du IIe. livre de l'His-
toire des Français. « Je suis persuadée
» de l'utilité qu'il y a d'être auprès
» de vous , et je sais que vous êtes
m un vaillant homme. C'est pourquoi
» je suis venue pour demeurer auprès
;> de vous ; car sachez que si dans les
» provinces d'outremer je me fusse
)> aperçu que quelqu'un m'eût été
» plus utile que vous , je l'eusse été
» chercher , pour demeurer avec lui. »
M. l'abbé de Marolles , qui a traduit
de cette manière le texte de Grégoire
de Tours , a fait une note , pour nous
avertir que ce discours est équivoque
dans le sens de Basine. Cela n'est point
sans apparence : je ne crois pas que
Childeric eût donné des preuves de
sa valeur militaire en Thuringe :
la vaillance dont parlait Basine pour-
rait donc être d'une autre nature , et
plus à l'usage d'une reine, que l'hu-
meur martiale; et je suis tenté de
croire qu'il faut lire dans Grégoire de
Tours, et dans Pioricon, virilitatem et
viriliorem , au lieu de ulilitatem et
utilioreni. L'équivoque subsistera tou-
jours. Je connais, répondit Basine,
votre virilité, et que vous êtes un
fort brave homme. Ces paroles sont
mieux liées que celles-ci , Je suis per-
suadée de l'utilité qu'il y a d'être au-
près de vous , et je sais que vous êtes
un vaillant homme. Qu'on ne me dise
pas qu'il y a trop d'effronterie dans
ces paroles , Je connais votre virilité '•
est-il plus louable qu'une femme dis».
:'( son galant , je connais l'utilité qu'il
moi qui invente cette jolie compa-
raison : je la trouve dans un écrivain
moderne (4)- Basine , mire de Clovis,
dit-il , ne se contenta pas iV abandon-
ner son honneur à Childéric IeV. , ré-
fugié auprès du roi de Thuringe ,
Btsi/ms ou Basin , son premier mari ,
elle fit pis qu'Hélène, qui, pour le
moins , voulut être ravie, là où celle-
ci vint en France de son seul mouve-
ment, et avec tant de hardiesse qu'elle
osa dire à Childéric que si elle eût
connu un plus brave homme que lui ,
et plus digne d'être aimé , elle serait
allée pour le trouver jusqu'au bout
du monde.
(D) Les excuses du père le Cointe
pour Basine n'ont aucune solidité ] Il
trouve mauvais qifAimoin dise que
Childéric épousa Basine avant la mort
du premier mari (5). Il prétend qu'Ai-
moin est le premier qui ait dit. cela ,
et qui ait couvert de cet opprobre la
naissance de Clovis. Il ajoute que cet
historien n'est pas croyable, vu la dis-
tance des temps , et sa prévention
contre les Mérovingiens. Il apporte
deux autres raisons : l'une , que les
Allemands , qui étaient la tige des
Français , ne souffraient point l'adul-
tère ; l'autre, que si Childéric avait
épousé la femme d'autrui, il se serait
exposé au même péril qui l'avait con-
traint d'abandonner son royaume huit
ans auparavant. Pour toutes ces con-
sidérations, il aime mieux croire que
Basine, ne pouvant plus souffrir les
indignes traitemens qu'elle recevait
de sou mari, se sauva en France , et
qu'elle n'épousa Childéric qu'après
avoir su certainement que son époux
était mort. Il remarque que , selon
d'autres, elle avait été répudiée jet
qu'ainsi , sous le paganisme , rien ne
l'empêchait d'épouser un second ma-
ri- Il nous renvoie à Robert Cenalis
(6). Examinons un peu cette dispute.
Je dis, i°. que si le silence des auteurs
qui ont précédé Aimoin est une bon-
ne raison , il ne faut plus dire, ni que
le roi de Thuringe maltraitait sa fem-
me, ni qu'il la répudia , ni qu'il était
mort quand Childéric épousa Basine.
Ce sont des faits qu'aucun des anciens
(4) Dans La Motlie-le-Vaver , loin. X, pair.
342 , lettre XLIII.
[5J T.e Cointe, Annal, ecclesiast. Francor. ,
loin. /, pag. 94.
(•)*) Libro I de fte jallicà, penoche XII.
BASINE. i5j
auteurs ne rapporte. 2°. Grégoire de
'Fours ne dit-il pas que Basine quit-
ta son mari , et que la première choso
qu'elle répondit, à Childéric plut tel-
lement à ce prince , qu'il l'épousa ?
N'est-ce point dire en termes à peu
près équivalens, qu'elle fut femme de
Childéric avant même que son pre-
mier mari fut mort? 3°. Le passage de
Tacite , que le père le Cointe allègue
pour prouver que les Germains désap-
prouvaient l'adultère , montre que
Childéric pouvait être exempt de la
loi commune (7) ; car, quel que fût !e
motif de la femme qui le vint trou-
ver , elle déchira que sa recherche
était fondée sur la valeur de ce prin-
ce , outre que la peine de l'adultère
était laissée au choix du mari ; et que
Basine n'était plus dans le pays de
son mari , pour ne pas dire que les
lois n'étaient guère faites pour les
souverains. Enfin , Childéric n'avait
rien à craindre de la mutinerie de ses
sujets : il épousait une étrangère qui
l'était venue trouver : quel mal faisait
cela aux Français ? Ils se révoltèrent
huit ans auparavant, je l'avoue j mais
ils craignaient, l'un pour sa fille, l'au-
tre pour sa sœur, etc.; car Childéric
se débordait d'une manière très- vio-
lente (8). L'affaire de Basine ne les
touchait pas : auraient-ils rompu la
réconciliation pour la querelle d'un
roi de Thuringe ?
( E ) L'auteur des Galanteries des
rois de France rapporte mieux que
M. de Cordemoi les visions du nou-
veau mari de Basine. ] Voici ses pa-
roles : « On dit qu'ayant prié Chil-
» déric de ne pas coucher avec elle
» la première nuit de leurs noces ,
» elle l'envoya par trois fois dans la
» cour de son palais , le priant d'ob-
» server , sans s'effrayer , les visions
» qui se présenteraient devant lui; et
» que par sa science occulte elle lui
» fit voir, la première fois , des li-
(7) Voici ce passage Je Tacite : Severa illir
malrunonia, nec uilam morum pattem inagis
laudaveris , nam propè soit harbarorum singutis
uxoribus contenu sunl , exceplis admod'uni pau-
cis qui non libidine , sed ob nobilitatem , ptu-
ribus nupliis ambiunlur. Paucissùna in tnm nu-
tnerosii çente adulteria quorum pœna prœsens
et MiRiTis permisse. De Jloribus Gcrmauor.
Libelle.
(8) Lorsqu'on lenr reprocha lenr sédition , il*
en donnèrent pour cause, quia jine lege abute-
batur Jilias nostra<- De 'iesti> Francor. 11 i».
ru.
i56 BASINE.
» cornes , des lions et des léopards ; tout le contraire. Qu'il ne soit vray f
» la seconde , des ours et des loups ; ils sont tous d'accord que Childéric ,
» et la troisième, des chiens et des ayant este chassé du royaume pour ses
» chats : d'où elle conclut que ces di- extorsions et tyrannies, se retira à To-
"» vers animaux pre'sageaieat la di- ringe , oh ayant este konnorablement
» versité des mœurs de la race qui arcueilty du roy , il défini amoureux
» devait naître de leur mariage. On de la roine Bazine, sa femme: tel'e-
y> sera d'autant plus persuade' que ce meut qu'estant depuis rappelle par les
» re'cit n'est qu'une fable inventée à -François, il Veillera et espousa , vio-
» plaisir, qu'on a remarqué l'empres- lanl par ce moyen tout droict de gens
» sèment de cette reine pour Childé- cl d'hospitalité : toutes-fois de ce ma-
» rie, qui ne lui permit pas apparent- riage nasquit ce grand Clovis ( 1 1 ).
» ment d'employer si mal un temps Voyons ensuite la censure du père
» qu'elle pouvait passer plus agréa- Garasse : il dit que Pasquier, adjous-
J> blement , que de rester seule dans tant du sien au récit fabuleux des an-
» son lit, tandis que son amant était ciens chroniqueurs, débite que Chil-
» occupé à voir ces prétendues appa- déric s'estant réfugié fers le roy de
» ritions (g). » On ne peut nier que Thuringe , vint amoureux de safem-
la raison qu'il allègue pour réfuter ce mc, et la ravit : et l'amenant en Fran-
vieux conte n'ait quelque force; mais ce , l'espousa sacrilégement (ia)-
elle serait beaucoup meilleure, si Maistre Pasquier, ajoute-t-il (i3),
l'empressement même de Basine ne pouvait , en laissant ces vieux res-
portait à croirp que l'ardeur de son veurs , apprendre de Paul Emyle et
amour avait déjà reçu un notable de Grégoire de Tours la fausseté de
soulagement. Ni elle, ni Childéric, celle narration, et le sieur du Pleix
après ce qui s'était passé entre eux, l'a déduicie fort judicieusement en la
n'étaient pas des gens à se régler sur vie de Childéric ('4^ ^es vieux
Je cérémonial des noces, et à différer chroniqueurs de France n'ont jamais
leurs erabrassemens jusqu'à ce que la conclu ny songé que Clovis fust bas-
solennité nuptiale les autorisât ; et tard pour avoir espousé Bazine ou
ainsi Basine le pouvait bien laisser quelque autre femme thuringienne ;
chômer jusqu'à la nuit suivante, car si ce fut Bazine qu'il espousa , il
Mais venons au fait : M de Cordemoi pouvoit apprendre des historiens fran-
prétend que Basine était déjà grosse, cois qu'elle mesme s'en vint en Fran-
et assez proche de son terme , lors- ce après la mort de son mary le roy de
qu'elle pria son mari d'aller chercher Thuringe , et espousa Childéric en se-
des apparitions trois fois de suite dans condes nopees, a" où Clovis nasquit de
une même nuit à la porte de son pa- vray et légitime mariage. Passons aux
lais, et il cite Fredegaire (10) ; mais réponses qui furent faites à Garasse,
il est sûr que son témoin le dément : Premièrement, on le censura d'avoir
Fredegaire dit que ces visions précé- opposé Grégoire de Tours à maître
dèrent la consommation du mariage. Pasquier, qui toutes-fois.... forme son
Cùm prima nocte jugiter slratu junxis- doute sur les paroles de cet autheur(i5).
sent , dicit ad eum mulier : Hâc nocte On les rapporte et on les confirme par
à coïtuvirili abstinebimus Cùmque Aymoinus , qui semble en quelque
Basinœ hœc universa narrdsset, absti- chose le rentier sur lui ; car il remar-
nebanl se caslè usque in crastinum. que que Basine abandonna son époux,
(F) Je parlerai de la querelle qui Priori abjecto viro (16}. Puisonajou-
fut faite a Pasquier , touchant Basi- ta au témoignage de ces deux histo-
nc , et de ce que Von répondit a son riens celui de Dficolles Gilles. Voici
critique. 1 Rapportons d'abord les pa- , , _ „ * , . _
1 'j ri • »- (il) Pasquier , Recherches de la ïiance , Uv.
rôles de Pasquier : Aos anciens cou- v\ chapHXLir, pag. 588.
chenl Clovis entre les légitimes ; tou- r,^ Garasse , Recherche des Recherches,
tes-fois , ils ne s'advisent pas qu'en pag. 6o.
faisant le récit de sa vie, ils chantent (,3 La mê"" > faS- 6l-
J (i4) La même, pag 63.
(9) Galanteries des Rois de France, tom. I , (i5j Défense pour Estienne Pasquier, contre
pag. 5. les imposâmes et calomnies de Garasse, liï.
(10) Histoire de France, tom. I, pag. .28, JI - *ect- IFj Pa -'• ,6°-
ex Fredeg. SckolaU., cap. XII. (16) là même, pag. 162.
BAS I NE. i57
ses roots à la page i6 de la Vie de Chil- die sur ce chef-là. Je parle de l'enlè-
de'ric : Durant le temps que Childéric vement de Basine : nos vieux chroni-
estoit avec Basin, roy de Thoringe , queurs n'en ont pas fait de mention •
il s'ammoura de sa femme , nom/née et ainsi Pasquier aggrava l'ingratitu-
Basine ; et après qu'il fut rappelle a de de Childéric : il fit des additions
son règne , ladite roy ne Basine , qui fabuleuses et flétrissantes tout à la
moult estoil assolée de lui , abandon- fois. On pouvait là-dessus le combat-
na ledit Basin, roy de Thoringe , son tre par l'autorité de Gre'goirede Tours-
seigneur et mary , et s'en vint vers et néanmoins son apologiste , usant
Childéric , qui mit en oubly les plai- de ruse, supposa que Ton n'avait al-
sirs recens , et iesptusa , et en elle en- légué cet historien qu'à l'égard des
gendra Clovis , premier roy ckrestien autres parties de l'aventure de Basi-
le France (17). On remarqua que Ri- ne , et il fonda sur cette supposition
chard de Vasebourg autorise cette opi- les reproches les plus insultans. Voilà
nion en ses Antiquités de la Gaule déjà trois grands défauts , ne conve-
Belgique , et qu'il n'y a pas un de nos nir pas de ce en quoi les remarques
historiens modernes qui ne l'a suivie, d'un censeur sont bonnes et justes, dis-
On se contenta de citer Belle-Forest ; simuler ce qui lui est favorable dans
qui a dit que Childéric délibéra de se ses citations , et s'attacher unique-
marier ; mais en ce faisant, il se mon- ment, avec beaucoup de vacarmes, à
slra très-ingrat au roy Thoringien, son ce qu'on peut détourner en un sens
hoste, l'espouse duquel il desbaucha désavantageux. Voici un autre désor-
et l'espousa , sans se soucier du tort dre. Garasse censura des fautes, et en
fait à Basin , ny du reproche qu'Uen commit clans sa censure. Grégoire do
pouvait recevoir (18). On conclut que Tours lui était contraire et favora-
tous les auteurs qu'on a rapportés foie à divers égards : il ne distingua
sont bien aussi croyables et autant ju- rien ; il le cita d'une façon générale,
dicieux que vostre (19) logicien du et le mit entre Emile et du Pleix. Ne
Pleix, qui vous a preste en ce pas- devait-il pas lui donner le premier
sage sa marotte, pour authoriser vos- rang? il s'embrouilla misérablement
tre peu de jugement. On n'oublie point dans un prétendu mariage de Clovis
la bévue que Garasse a faite lorsqu'il et de Basine. Ce fut par inadvertan-
a dit que Clovis épousa Basine (20). ce : on voit bien qu'une précipita-
On appelle cela une ignorance impie tion d'esprit, qu'une distraction as-
et malicieuse tout ensemble; car par sez ordinaire aux auteurs , le lit écri-
ce moyen il rendroit le premier roy re autrement qu'il ne pensait : la
chrestien de France plus abominable suite de son discours montre claire-
que ces brutaux d'Ethiopie, lesquels , ment qu'il ne croyait pas que Clovis
au rapport de saint Hierosme contre eût été l'époux de Basine. Néanmoins
Jovinian , souillaient i/idjfcremment l'apologiste de Pasquier s'acharne sur
la couche de leur mère (ai). On cite cet endroit ; il le considère comme
de pareilles abominations, on exagère, un crime capital ; son zèle pour le
on déclame à perte de vue. premier roi chrétien des Français s'é-
Cette dispute nous fait voir une par- chauffe • il appelle à son secours les ti-
tie des défauts qui régnent dans pies- gures de la rhétorique. Est-ce agir de
que tous les écrits de cette nature, bonne foi? Son adversaire lui avait
L'apologiste laisse passer unedesfau- montré l'exemple d'une pareille sû-
tes qui avaient été censurées : il n'en percherie; car, mal à propos, il s'était
justifie point Pasquier, et n'avoue armé des apparences d'un grand zèle
point qu'on ait eu raison de le repren- pour l'honneur de la nation, au sujet
, . ,. „ de son premier roi chrétien. Il avait
(i-> La menu', pag. io3. • > » ' I ' i-
; j ,. , ,HS ", ■ „ intente mal a propos uue espèce d ac-
(iX) La même , pas. i(>4- Notei que l'auteur «• i r J1 -m. m ■ •■ ,
cbserie que Ronsard "online «...opinion au «M»»"» de mine d état . pulSqU a 1*
IV«. de sa Franciade, et que de Serres appelle réserve de l'enlcvemenl Pasquier n'a-
ce mariage .lUcit.mes hopcej. vail i'.lit que suivre UOS vieilles llistoi-
(.9) Onadresse lapa,oUàG3rifse. res f ot qu>j] e„ avil, représenté mo-
pag'iœ e Pas<Juier comre Garasse' destement les conséquences. Quelle
(ai) Là même, Uv. III , sect. II, pag. l>l,le '1"'' faille Soillliir que il. .
4a°i 4?-. ' auteurs aient la hardiesse d'intére*-
5$ BASNAGE.
très-délicates à manier. Les dif-
férens sur la grâce universelle
avaient fait beaucoup d'éclat : il
était à craindre qu'il ue s'élevât
dans l'église réformée de France
une guerre théologique , plus
formidable qu'une rude persé-
BASN AGE (Benjamin), fils de cution ; les esprits étaient déjà
N. Basnage, ministre de Nor- fort échauffés et fort prévenus
ser le souverain à leurs petites que-
relles !
Il est encore plus utile de faire sen-
tir aux lecteurs ces fautes des écri-
vains , que de critiquer les menson-
ges historiques. C'est pourquoi j'espè-
re qu'on approuvera ce que je viens
d'observer.
wich en Angleterre , et puis de
Carentan en Normandie, naquit
l'an i58o. Il se consacra k la
profession de son père , et fut
comme lui ministre de Caren-
tan ; mais il le fut toute sa vie ,
quoique d'autres églises plus
considérables, et nommément
celle de Rouen , lui eussent
adressé des vocations. Il regarda
sa première église comme une
épouse , dont il ne se devait sé-
parer que par la mort ; et c'est
pour cela qu'il ne voulut point
se prévaloir de la liberté où le
synode national de Chareuton
l'avait mis en 1623 (A). Il assista
Ce synode mit les affaires sur un
bon pied : la prudence et l'adresse
du modérateur y contribuèrent
beaucoup. Il fut adjoint au mo-
dérateur dans le synode national
de Charenton , l'an i644- Cette
assemblée le députa à la reine-
mère, qui lui donna des marques
de son estime. Il eut une infinité
de disputes avec les controver-
sistes : il écrivit contre l'église
romaine ; et on écrivit contre
lui (a). Son Traité de l'Église
fut fort estimé (b) : il travailla
à un ouvrage contre les dévots
indiscrets de la Sainte- Cierge,
qui est demeuré imparfait. ]
à ce synode en qualité de député mourut âgé de soixante et douze
de la province de Normandie
Il fut encore nommé par cette
province , pour assister au sy-
node national de Charenton,
l'an i63i ; mais le roi lui fit dé-
fense d'y assister , et lui ôta son
église. Il y fut rétabli tout aus-
sitôt , et il obtint la permission
de se trouver à ce synode comme
député de Normandie. Les re-
montrances que la compagnie
avait fait faire à sa majesté pro-
duisirent ce bon effet. Il avait
donné de si belles preuves de sa
capacité et de sa prudence, qu'il
fut élu modérateur du synode
national d'Alençon, en iG37. Il
fallait à cette assemblée un mo-
dérateur qui eût beaucoup de
talens; car elle avait des affaires
ans, en i652 : c'était la cin-
quante et unième année de son
ministère. Il laissa deux fils , qui
ont rendu son nom très-illustre,
tant par eux-mêmes que par
leurs enfans(B). Il ne faut pas
oublier qu'il fut député au roi
Jacques , et qu'il passa en Ecosse
avec la permission de ce prince ,
et qu'il y servit utilement les
églises pour leurs intérêts tem-
porels. La lettre de congé du roi
Jacques le qualifie député de
toutes les églises de France. Il
est souvent parlé de lui dans le
Sjnodicon in Gallia Reformata;
(ni Lcscrivain et Draconis sont les princi-
paux qui écrivirent contre lui.
(h) Il fut imprimé , si je ne me trompe , à
la Rochelle , l'an itil2.
BASNAGE.
mais comme cet ouvrage est en
anglais , on n'y a pas toujours
observé la vraie orthographe des
noms propres (C) , et cela pro-
duit quelquefois de la confusion.
(A) // ne voulut point se prévaloir
de la liberté de quitter son église ,
qu'il avait ob'enue au synode de Cha-
renlon, en i6a3. ] Voici ce que c'est.
Le synode provincial de Normandie
lui avait permis de se déftcher de
son église : cette église en avait appe-
lé au synode national ; et cet appel
fut cassé par le synode national de
Charenton , l'an i6i3. Néanmoins ,
noire Benjamin ne quitta point son
église.
(B) // laissa deux fils , qui ont ren-
du son nom très-illustre , tant par eux-
mêmes que par leurs enjans.] L'aîné ,
Antoine Basnage, naquit l'an 1610, et
suivit la profession de son père : il
fut ministre à Baveux. Il se signala
par sa fermeté et par son courage
dans la dernière persécution : la pri-
son du Havre-de-Gr;1ce , où il fut me-
né à l'âge de soixante-quinze ans, n'é-
branla point sa constance. Il fut mis
en liberté lors de la ;é\ ncation de l'é-
dit de Nantes, et se réfugia en Hol-
lande : il mourut à Zatphen, en Tan-
née 1691, âgé de quatre-vingt-un ans.
Il a laissé un (ils nommé Samuel Bas-
nage , sieur de Flottemanv ille ( 1 ) ,
qui avait été ministre avec lui de l'é-
glise de Bayeux , et qui l'est présen-
tement à Zutplien. C'est un clés plus
habiles ministres qui soient sortis de
France. Il a déjà publié un livre en
latin (2) , qui est une suite de la cri-
tique des Annales du cardinal Baro-
nius, que Casaubon avait commencée.
Il travaille présentement à une His-
toire ecclésiastique ( 3 ). ,1'ai lait
l'article de l'autre fils de Benjamin
Basnage.
(C) Il est souvent parlé de lui dans
(1) // est ne l'an i638.
(a) Intitule : de Rébus sacris et ecclrsinslic is
F.nerciuiiones Historien -Criticœ , Vitrai ecli
J692 , m-4°.
(i) II en a déjà publié trois volumes in-folio,
intaule't : Annales Polîtico-Ecclesiastici 0-
iiim DCXLV , a Caesare Augusio ad PhocAra ar-
que. Ils ont été imprimés à Rotterdam , chtt
I rs, en 1-0G . et dédie'* aux e'tals de Guet-
tires en 1703. // promet la suite de cet ou-
vrage.
.5c,
le Synodicon in Galli:1 Reformata", où
Von n'a pas toujours oùseivé la vraie
orthographe des noms propres. ] Par
exemple , à la page ç/j du IIe. tome
du Synodicon in Galliâ Reformata ,
on parle des députés de Cliarentun \
Saint - Mère et le Val-de-Serre. I' fal-
lait dire Carenlan, Sainte-Mère-Égli-
se et le Val-de-Serre. A la page ?5 ,
Benjamin Basnage est qualifié minis-
tre de Charenlon • et aux pages 25g et
274 , ministre de Quareutin; et à la
page 322, ministre de Sainte-Mère.
il rallait dire Sainte-Mèie-Iiglise , et
observer que Carentan et Sainte-Mè-
re-Église sont deux lieux qui ne fai-
saient alors qu'une seule et même
église parmi ceux de la religion. Elles
avaient bien chacune son lieu d'exer-
cice j mais comme l'une était censée
annexe de l'autre, il n'y avait qu'un
pasteur et un consistoire pour toutes
les deux. A la page 89 , on dit le Col-
loque de Constat ili ne , au lien de le
Collocjue du Cotentin. Voilà des .'ail-
les d'orthographe qui peuvent jeter
les lecteurs dans l'égarement , et leur
fane croire qu'il y a eu des églises en
Normandie qui avaient nom Saint-
Mère , Charenlon , Quarentin. Un
homme paye! par des libraires poui
faire des additions à un dictionnaire
géographique se pourrait imaginer
qu'il aurait fait une découverte consi-
dérable, en trouvant ces trois parois-
ses dans un pays où les géographe-
ne les avaient pas encore aperçues.
Les fautes sont comme les étincelles :
ce qui n'est d'abord que le change-
ment d'une lettre, devient quelque-
fois une complication ou un amas de
faussetés monstrueuses. Il faut y re-
médier de bonne heure, urina
obsta. Voici des méprises d'un antre
genre. L'auteur du Synodicon i.u:
mention (]) d'un Pierre Basnage , fils
d Antoine, et petit-fils de Benjamin ;
et il dit que ce Pierre Basnage n'avait
pointd'église l'an 1637. C'est un abus.
Antoine Basnage n'a eu que deux 61s.
L'aîné* est celui ipi'on nomme AI. d.
Plottemanville, qui naquit l'an [638
e cadet s'appelait François, cl suivit
la profession ilç* armes , et mourut
I an i685. Le même auteur ci
que Aï. Hasnage , ministre de Rotter-
dam . est fils de Benjamin Ba
i Pag. 383.
49,
i6o BASN
mais il n'est que son petit-fils. Ces pe-
tites fautes , que je me sens oblige de
relever pour l'instruction des lec-
teurs, n'empêchent pas que je ne croie
que le travail de M. Quick ( 6 ) est
très beau et Irès-utile , et que tous
les réformés de France lui ont une
extrême obligation de la peine qu'il
s'est donnée de faire un recueil si
ample et si exacr de leurs Synodes ,
et d'y joindre les Prolégomènes qu il
y a rais.
(6) C'eU le nom du ministre anglais qui a
■publie' à Londres, en 1692, le Synodicon m
Galliî Kt formata, of Acts , Décisions , Décret»,
and Cauons. of ihe seven last national CounoU
of the reformed churches in France, en deux
volumfs in-folio.
BASN ÂGE (Henri), fils du
précédent, naquit à Sainte-Mère-
Église, en Passe-Normandie, le
16 d'octobre i6»5. Il a été l'un
des plus habiles et des plus élo-
quens avocats du parlement
de Normandie , ou il fut reçu
l'an i636. H n'y a point eu de
grande cause où il n'ait été em-
ployé. Il alla à Paris, avec les
deux députés de la province de
Normandie, pour l'affaire du
Tiers et Danger : ce fut lui qui
dressa les Mémoires ou le Fac-
lum de la province , et qui fut
choisi pour défendre cette cause.
Il fit un voyage à Paris, à la
prière du marquis de Matignon ,
pour régler avec le marquis de
Seignelai (a) les partages de la
succession ; et l'on sait qu'il eût
eu part à la révision générale
des droits coutumiers de France,
si le projet que l'on forma là-
dessus avait été exécuté {b). Il fut
nommé commissaire, en 1677,
pour les affaires de religion , et
(a) 11 avait épousé la belle-sœur du mar-
quis de Matignon.
(//) Des personnes dignes de foi ont ouï
dire que. M. le Tcllier, promoteur de ce pro-
jet , eût nommé M. Basnage pour l'un des
exécuteurs.
AGE..
s'en acquitta dignement. Il a
réussi également dans les con-
sultations , et aux plaidoyers ; et
il a fait voir qu'il pouvait être
aussi bon auteur , que bon avo-
cat. La Coutume de Normandie,
qu'il publia avec de fort amples
Commentaires, l'an 1678, a été si
estimée et si bien vendue, qu'on
en fit une seconde édition en
deux volumes in-folio, Y an 1694.
On fit en même temps une troi-
sième édition de son Traité des
Hypothèques. L'auteur, malgré
son grand âge, eut le soin de
ces éditions : il conservait toute
la force de son jugement , et de
ses lumières. Cela est rare; mais
c'est assez le propre de ceux qui
ont eu un grand feu , et la tête
forte en même temps. C'était
son caractère. Sa religion n'em-
pêchait pas que ceux qui étaient
à la tête du parlement, et les
autres membres les plus consi-
dérables de ce corps illustre ,
n'eussent pour lui une grande
estime, et une amitié singulière.
Il reçut toute sorte d'honnêtetés
de M. de Montholon, premier
président de Rouen , auquel il
dédia sa Coutume de Normandie,
l'an 1 G94 - H mourut à Rouen
le 20 d'octobre 1695 , à l'âge de
quatre - vingts ans et quatre
jours. S'il n'eut pas la joie de
voir ses enfans les dernières
années de sa vie , ce fut d'autre
côté une grande consolation
pour lui , que d'apprendre la
gloire qu'ils acquéraient dans
les pays étrangers par leurs
beaux ouvrages (A). Il eut aussi
la consolation de savoir que
M. Baudri , son gendre , profes-
seur en histoire sacrée àUtrecht,
où il mourut au mois de fe-
BASNAGE.
s'était fait fort
estimer par ses leçons, et par
1G1
vrier 1 706
un l)oi» Commentaire sur le
Traité de Laetance de Mortibus
Persecutorum (c).
(c) Imprimé à Vtrecht, l'an 1692, in- 8'.
(A) S'il n'eut pas lu joie de voir ses
enfans , .... il apprit la gloire qu'ils
acquéraient dans tes pays étrangers ,
par leurs beaux ouvrages. ] Jacques
Basnacie , son (ils aîné, n'avait guères
plus de vingt -deux ans (1) lorsque
l'église de houen le souhaita pour son
ministre , à la place de M. le Moyne ,
l'an 1676. Il servit cette église avec
beaucoup d'applaudissement , depuis
ce temps-là, jnsques à la révocation
de l'édit de Nantes. Alors il se retira
en Hollande, et s'arrêta à Rotterdam,
où il est ministre ordinaire (a). Les
livres qu'il a déjà publiés, tant en
latin qu'en français, et surtout sa
belle /L ponse a M. de Meaux , justi-
fiaient hautement de Ûatterie tous
ceux qui promettaient comme un par-
faitement bel ouvrage son Histoire de
V Eglise ; mais ils en ont été beaucoup
mieux justifiés par la publication de
l'ouvrage même (3). Ses autres ou-
vrages sont , X Examen des méthodes
proposées pur l'assemblée du clergé
de France , en 168-2, pour la réunion
des protestons à Ûéglise romaine ,
imprimé à Cologne en 1 68 ■} ; Epistola
I) Chry sostomi ad Cœsarium Mona-
chum , cum tribus epislolicis Disser-
tationibus , imprimées à Rotterdam
en 1687 , et réimprimées en 1694 i la
Communion Sainte, ou Traita sur la
nécessité et les moyens de communier
dignement , imprimée à Roterdam
en 1687, et diverses fois depuis;
Traite de la Conscience , avec des
réflexions sur le Commentaire philo-
sophique , imprimé à Amsterdam, en
1696; l'Histoire et la religion des
Juifs, depuis Jésus- Christ jusqu'à
(1) Il est né a Rouen , l'an i653.
(a),On appelle ainsi ceux qui ont la direction
des Eglises, pour 1rs distinguer des autres pas-
teurs réfugies qui résident dans les villes de
Hollande.
(i) Il a été achevé d'1 imprimer au mois de no-
vembre 1698 , en deux volumes in folio. Voyez.
l'Histoire des Ouvrages des Savons de 1698, pag.
382 et Soo : et le Journal d'Ctrrcht , tOm. IV ,
pa§. 24.
TOME III.
présent , pour servir de supplément a
Josephe , s'imprime actuellement à
Roterdam , en cinq volumes in-12 *.
Son frère puîné , Henki Basnage ,
sieur de Béiiuval (4), était reçu avo-
cat au parlement de Normandie , et y
marchait sur les triées de sou père;
mais les troubles de religion ont été
cause qu'il a mieux aimé se réfugier
en Hollande , que de suivre cette
route si glorieuse selon le monde. Il
était encore fort jeune lorsqu'il pu-
blia un petit traité sur la Tolérance
des religions, dans lequel on vit ré-
gner beaucoup de vivacité et de déli-
catesse. Il s'est acquis et il s'acquiert
tous les jours p.ir toute l'Europe une
réputation immortelle, en publiant
Y Histoire des ouvrages des Savons.
Les démêlés qu'il eut avec M. Jurieu
le détournèrent souvent de cet ou-
vrage , et produisirent de part et
d'autre divers écrits fort vifs et fort
piquans. Sa révision du Dictionnaire
de Furetière , auquel il lit des addi-
tions et des corrections considéra-
bles, et auquel il ajoute une infinité
d'exemples tirés des meilleurs écri-
vains français . est un ouvrage d'une
très-grande utilité. 11 le retouche en-
core actuellement.
Quoique ces messieurs soient, pleins
de vie, il a fallu nécessairement par-
ler d'eux, afin d'empêcher qu'on ne
continue de les prendre les uns pour
les autres, comme on l'a déjà fait
dans quelques livres. Voyez la re-
marque (C) de l'article précédent , et
Ce passage de la Bibliothèque univer-
selle : on y montre que 1 auteur de
l'Histoire des Journaux ne connaît pas
bien messieurs Basnage. «On .1 déjà
» dit que cet ouvrage (5) est néces-
» saire ; mais il faut ajouter qu il le
» serait beaucoup plus, si celui qui
» l'a fait avait été mieux informé,
» puisqu'il a commis diverses f.iu-
» tes qui empêchent qu'on ne puisse
» faire fond sur ce qu'il écrit, à
( * ) [ Ij'aulcur en donna une seconde édition,
augmentée <-n !"••>. imprimée a la Haye en
quinze volumes II avait dé,a public a Rotterdam,
en T-11, on volume intitulé Histoire der Juifs ,
réclamée •< rétablie par son véritable auteur,
M. Hatnage , contre l'édition tronquée <lr
V. Pupm.faitea Parts en 1-10. Add. de l'édit.
d'Amsterd.]
{.',) H est né d Rouen, l'an i656 , le - d',ioùt
,5) C'est-à-dire M. Christian! Joncteri H,.-
densis Srlie.li.isma liistoricum de Kpliemeridibn
seu Diariia erudiloruui.
I F
i6:
BASTA.
» moins qu'on ne les corrige. En (A) Le duc de Parme lui rendit un
» parlant, par exemple , de Y Histoire témoignage fort glorieux. ] Le voici :
» des Ouvrages des Savons, qu'on Hune ( Blasium Capisuccuui ) et Ni-
i> sait être de M. de Beauval, avocat , colaum Bastani veterem Epirotarum
» il dit que c'est un ministre français equilum ductorem Coloniam miltens
» réfugie qui en est l'auteur ; et que , Alexander , Coloniensihus rescripse-
» si on lit dans le titre par M. B***, rat , delectos a se fuisse strenuos adeo
11 docteur en droit, ce n'est qu'afiu gnarosque militiœ viros uthorum con-
ii de se mieux cacher : que ce mi- silia , si occasio se daret , tutô ipse
ii nistre , qui est l'auteur de cet ou- sequi paratus esset (i).
(B) // était sans doute parent de
George Basta. J Quelques-uns disent
qu'il était son frère (a) , et remar-
quent que quatre célèbres historiens
» vrage, est le même qui a écrit con-
» tre AI. de Aleaux , et contre Baro-
» nius ; confondant ainsi trois per-
» sonnes fort diiiërentes. Il est vrai
ii qu'il semble qu'on doive lui passer (3) ont donné d Nicolas une action
» cet article ; il est assez rare de voir glorieuse de George : c'est le secours
» une seule famille si féconde en au- jeté dans la Fère, Fan i5g6. Boute-
J> teurs célèbres : il faut en être bien roue n'a point fait cette faute : il
h instruit pour ne s y pas tromper donne fort bien le nom de George à
ii (6). » Cette réflexion est ingénieuse celui qui fit cette action (4). Il y a
peu de guerriers qui soient capables
de consentir à ces sortes de transports
de gloire : l'amitié fraternelle va ra-
rement jusque-là. L'anonyme, quia
publié l'Histoire de l'archiduc Albert,
l'an 1693, donne le nom de Nicolas
et judicieuse tout ensemble.
(6) Bibliotliéquc universelle , lom. XXII,
VaS- 427 . 4*8.
BASTA (Nicolas), Épirote de
nation , a été un bon officier de Basti à celui qui fit entrer un convoi
cavalerie au service des Espa-
gnols dans les Pays- Bas, oîile cluc
d'Albe l'avait amené l'an 1^67
(a). Il se signala à la défaite de
la Noue, devant Engehnunster,
en 1 58o (b). Le duc de Parme
lui rendit un témoignage fort
de vivres dans la Fère.
(1) Strad.,de Bello belg. , decad. II, lib. V,
pag. 3o8.
(2) Ang. Galluceius , de Bello lielgico lib.
VIII.
(3; Campana, Davila , de Tliou , Bussières.
(4) RucJolph. Rotercius, Commentât-, de Reb.
in Galliâ* gestis , lib. III , pag. 272.
BASTA (George), fameux gé-
glorieux (A) quatre ans après, néral d'armée, au commence-
en l'envoyant au secours de l'é- ment du XVIIe. siècle, était
lecteur de Cologne. Son père, originaire de l'Épire {a) ; mais il
nommé Déinétrius, avait porté naquit dans un village nommé
les armes quarante ans durant , la Rocca , près de Tarente. Il
au service de la maison d'Au- commandait un régiment de
triche (c). Il était sans doute pa- cavalerie épirote , ou albanaise,
rent de George Basta (B) ; ce qui quand le duc de Parme prit pos-
doit diminuer l'envie qu'on aura session du gouvernement des
peut-être de censurer cet article. Pays-Bas, l'an 1579, et il se per-
Lorsqu'un homme est digne d'à- fectionna extrêmement au mé-
yoir place dans un dictionnaire , tier des armes dans l'école d'un
il ouvre en quelque façon la porte aussi grand capitaine que l'était
à ceux de sa parenté. Ce qui soit ce duc qui , ayant bientôt re-
dit une fois pour toutes.
(«; Slrada , de Bello l>elg. , dec. I, lib. FI.
{b) Idem, dec. II, lib. II.
{c) Idem, ib., lib. VU, adann. i585.
connu le mérite de George Basta,
le fit commissaire général de la
fa) Strada, deBtllo Lelg,, decad. II, lib.
III.
BASTA. 163
cavalerie, l'an i58o (A). Il n'y hommes sur la place du côté
avait point d'entreprise considé- des impériaux; mais Tuittori per-
rable dont on ne lui donnât les dit plus de dix mille hommes ,
principaux rôles. Pendant le cent dix drapeaux , quarante
siège d'Anvers en i58f, il eut pièces de canon, et tout le ba-
ordre de tenir la campagne, afin gage de son armée. La ville de
d'empêcher qu'aucun secours Clausembourg fut assiégée peu
n'entrât dans la place, et en 1 588, après, et contrainte de subir îa
ayant été renforcer les troupes loi du vainqueur. Basta se défit
qui assiégeaient Bonn, il cou- d'un rival un peu incommode,
tribua beaucoup à la prise de qui avait partagé avec lui la
cette ville(^). 11 suivit en France gloire de cette journée : je parle
le duc de Parme , pour le secours du vaivode de Valachie , qu'il
de la ligue, l'an i5t)o ; et fit tuer datis sa lente, parce
l'an i^p?. il eut le commande- qu'on le soupçonna d'une intel-
ment de l'arrière-garde, pendant ligence secrète avec les Turcs.
la première retraite (c). 11 fut L'année suivante, il acheva de
aussi de l'expédition du comte ruiner les affaires de Battori,
Charles de Mansfeld en France , par la prise de lhstric , et par la
l'an i5c)?> (tl); après quoi il alla défaite de Moïse, prince des Si—
faire quelques campagnes en cules : de sorte que Battori , de-
Hongrie , et revint au Pays-Bas, mandant humblement la paix,
où il fut chargé l'an i5()b d'une renonça à toutes ses prétentions,
commission très-difficile , dont il et se contenta d'obtenir comme
s'acquitta très-glorieusement (d) : une grâce la qualité de baron
ce fut de jeter un secours de dans la Bohème. En i6o3 , Basta
vivres dans la 1ère assiégée par défit tout de nouveau l'armée
Henri 1\ . Ou n'a jamais vu plus que Moïse avait levée, et il en au—
de conduite, plus de secret , plus rait peut-être forcé les débris
de diligence , qu'il en fit parai- dans Temeswar , si les appro-
tre dans cette occasion. Mais le clies de l'hiver n'eussent empêché
plus beau théâtre de ses exploits qu'il n'assiégeât cette place. Les
a été sans doute la Transilvanie rigueurs qu'il exerça l'année suj-
et la Hongrie. Il remporta en vante contre les protestant de
1601 une victoire signalée sur Transilvanie tirent beaucoup de
Sigisniond Battori , qui s'était tort à l'empereur. Il en fit exer-
fait élire prince de Transilvanie. cer de semblables en Hongrie,
A peine demeura-t-il trois cents par le comte de Bel-Joïeuse ,
ce qui fut cause qu'Etienne Bost-
(b) Tire de Slrada, décade. II , liv. HT, \..\ ,,,.,'f l^s n-,i,u- «* ,.„ *
ttfo , lel y. ' Kal I)1U "5 armes , et se trouva
(c) D'Aubigué, tom Ul , Uv.Tll,chap. bientôt assez fort pour gagner
/Y • De Thon , h» Cil , vers lajîn. Voyez une victoire sur les troupes
tous tes exploits de George Basta pendant ;,,.,'.'. ,1 ,
ces deux e/pédttionsdanfDondim'Rislor. ^pénales que ce COlllte COm-
de Rébus in G.illiâ gestis , ef les Elogii di mandait. Basta ne put reparer
cJl.,u1u,ii,,s.,,(/,i...1.eI,xoCr.i:sl. /„,..;. lVll partie cette perte ; car si
yd) Angel. Oalluccius, du Li-llo bel' i< , • , '...'.
ëib.I. d ll" COte le siège qu il mit ac-
te) Idem, lib. VIII. vaut Cassovie dégagea le couite
,64 EASTA-
de Bel-Joïeuse, il fallut de l'au- TO ^^^"p,^
tre qu'il se retirai de devant ta ^ expi0us. ] Bonifacio Vannozzi ,
place ( f). En l6o5 , il eut le dans une lettre datée du mois de
rWrin de ne pouvoir empêcher janvier 1608 , témoigne que deux let-
cliagrm ox ne pu J,„ît_„s très de G. M. Praga, écrites le 17 et
les Turcs de se Rendre maîtres le ^ de decembre8l6o7 , i„i avaient
de Strigonie (g) ; mais il eut du ^^ ,a mort de 0eorge pjasta (3).
moins la consolation, par sou je pense que ce G. M. Praga avait été
* 1 r> —„« ,.„ — ^t»;..» .lo i*o opnpral 11 s'arllieeait
moins» '*» luuwi«"«" , r— ">- i'""" M" , , . p. , „..
cmmement auprès de Comorre , secrétaire de ce gênerai. Us affligeait
campement <m± ,,„rriere de la perte de ce maître , et se louait
de leur opposer une barrière des b*onte's que ie comte Charles , et
invincible ; et de les charger Ja comtesse sa mère i„i témoignaient
avec avautage lorsqu'ils allèrent (4). Je ne remarque cela qu'ahn qu'on
«rendre leurs quartiers d'hiver, voie que notre général ne. mourut
prendre îeui» m 1 point sans postérité légitime. Les
La paix qui se ht , et le peu ue r^ ^ dotne . Q M Praga ( me
temps qu'il vécut après cela , font juger ^«jj vouiait écrire l'his-
hreut cesser les historiens de toire de son maître. Ces avis-là sont
, t l^t^T^ Tl avait fort sensés. Le Vannozzi lui repré-
parler de ses ^*W^"fi* lente que , si l'on désire de ne point
été honore du titre de comte (/i> passer^pour fiatteur, il faut entre-
Il y en a qui disent que jamais prendre l'histoire particulière d'un
les Turcs n'eurent de l'avantage événement fameux , où la personne
1 • fC\ "N'rmldinns nas Ciu'il dont on veut faire la vie , ait eu la
sur lui (C). JN oublions, ps qu 11 ^ u lui en indi un
est auteur (D), et auteur toit v^ ^^r , George Basta ^ et û
estimé (E). ajoute , qu'en s'y prenant de la sorte ,
on a une occasion favorable de faire
(/^Thuano. venir sur la scène les actions glorieu-
% ÏÏÏZSÏÏMÎ: /"///. ses d'un homme , sans quHl paraisse
UllldUU ui. «« » i *ï , J1A1V.
Milauez. Celui auquel le duc. d Albe
la conféra était Antoine Olivera , issu
de ce Martin Olivera , que don Pedro ,
roi de Castille , avait fait venir de
France, pour s'en servir contre les
Maures de Grenade (1). George Basta
remplit fort bien cette charge, et
l'on s'aperçut que , pendant qu il
était malade à Caudebec , la cavalerie
se relâchant de la bonne discipline
sous laquelle il l'avait tenue, ne ht
pas bien son devoir à l'attaque que
tes Royaux livrèrent au duc de Parme
en i5g2 (2).
(,) Ex Stradâ, decad. /, lib.. VI, ad an-
riiim 15G7. . .„
(2) Dondini, Histona de Rébus in Galia ges-
lis, lib. III , F"S- 5«3.
qualités ne sont pas moindres que les
bonnes. Il cite là-dessus Tite Live ,
eu égard à Annihal. Alcu.nl , per
fuggir il nome d'adulatore , tanto
ambito , quanta dannalo , si danno a
scriver' un' allion publica , o un Lai
membro di essa , nella quale habbia
parle principale colui , di cui noi
inlendiamo istoriar l'altinni , e la vi-
ta •• verbi grazia , volendosi porre in
caria la fila del Sig. Co. Basta, si
potrebbe pigliare descriver un ac-
cidente delta guerra cTUngheria, siasi
il tumullo e la seditinne de' Ribelli ,
od altra impresa , nella quale S. E.
Ç>) Vannozzi, Lettere miscellanee, vol. III ,
pag. 18g.
(4) L'a même , pas. 190.
BATHYLLUS.
havesse hai'uto parte principale : et
cosi dissimidatamente metlersi a dir
délie sue prndezze con molto propo-
sito, e Jttnr di sospetlo ; che hnggi di
per lo piu non si leggono f^ile , e
narrationi di grandi , che non hab-
biano del favoloso : e per cotali Scrit-
tori son tenuli a dire il \>ero , efuggif
la menzogna •' stando che. cosi non
Juss' egli, non t'i sia alcuno tanto
laudabile , che non habbia i suo' nei :
Onde taggiamente Liuio , dopo una
gran diceria a fai'or d' Annibale ,
chiuse il periodo cosi : ./Equabant
vitia virtutes : perche, corne peritis-
simo maestro, sapeua, che non si
potei'a , ne doi'cva tralasciar indielro
i cenni de' vizi, del descritto per ver-
tuoso (5). Il remarque qu'Annibrd ,
qui était borgne , censura le peintre
qui lui avait donne' deux yeux , et
récompensa celui qui l'avait peint en
firofil (6). Cela montre qu'il ne vou-
ait point qu'on mentît ouvertement
en sa faveur , et qu'il était bien aise
qu'on trouvât l'art de dissimuler ses
défauts. Le Vannozzi se jette ensuite
sur un précepte latin, qui est très-
beau : Convien dunque , dit-il (-') , ut
Veritas anle oculos habeatur , gratiâ
alque odiis pnsthabitis : 7iie/iiis est
enim historicum , et politicum , si non
Jert ratio temporum, ab historiâ scri-
(C) // y en a qui disent que les Turcs
n'eurent jamais d'avantage sur lui. ~]
Écoutons Strada. Militari scientid cla-
runi quem è Farnesiand schold supre-
mum Cœsarei exercitds ducem uidimus
in Pannonid ex olhomunicis copiis
perpétua victorem (9).
(D) Il est auteur. ] On imprima son
Maestro di carnpo générale , à Venise ,
en l'année 1G06 , et son Govcrno dél-
ia cat'alleria leggiera , à Francfort ,
en 1612.
(E) et auteur fort estimé. ] Voici
comme M. Naudéen parle dans son trai-
té de l'Étude militaire : In equestris mi-
litiiv disciplina 'quatuor seuduecs seutri-
bunicommuniter proponuntur, quorum
de ed re lucubrationes tanquam abso-
/i(ftt«;»((-e omnium sibi calculos et ap-
probaiionernconcilidrunt; scilicet Geor-
gius Basta , qui summus mandatorum
curalor in belgico régis exercilu , et
cœsarianarum deindè copiarum ductor
summo 1 um imperiofuit. Les trois au-
tres sont : Ludovicus Melzus , Fia-
minius à Cruce , et Joannes Jacobus
IValhausius.
(g) Strada, decad. Il , lib. III.
BATHYLLUS, jeune homme
de Samos , aimé passionnément
par Anacréon, qui en parlait sou-
bendd abslinere , quam eam turpiter vent <]ans ses vers rj^y Entre les
mentiendo , et adufandn, qnnd pie- 1 - . i
,«,„ „ /• ,,\ /?/„,;,* z^„„ ' r odes qui nous restent de ce poète
rosque jactilasse rlavius r opiscus 1 , Jt • 1
scripsit , maculare. Ileipublicœ enim
inltrest , ne quid omninb , nisi quod
sil compertum , et exploralum , in lu-
cem exeat , etc. Cela veut dire que, si
le temps ne permet pas de rapporter
la venté , il vaut, mieux s'abstenir
d'écrire l'histoire, que de la salir de
mensonges ; car il importe au public
que tout ce que l'on imprime soit
bien certain. Jl conclut par une autre
règle, louer peu, et blâmer encore
il y en a une (a) oii il a fait le
portrait de ce beau garçon. Ce
portrait ne se borne pas comme
ceux de nos romans aux parties
découvertes : il s'étend aussi sur
les plus cachées ; et de là vient
que mademoiselle le Fèvre n'a pu
remplir tous les endroits de sa
traduction : il a fallu y laiss er
moins. « Serriamo la lettera, dit -il des lignes toutes entières parse-
mées d'étoiles. Ce même Bathvl-
lus avait été aimé de Polycrate,
tyran de Samos, qui lui lit
dresser une statue (B) , dont l'al-
titude était celle d'un homme
qui chante, et qui joue de la
lyre. Chabot s'est trompé en l'ap-
(a) Cesi la XXIX.
« (8) , con quel moralissimo detto :
» Lauda parce , et vitupéra parcius. »
Ceci valait bien la peine d'une di-
gression : j'en lais juges tous ceux qui
ont du discernement.
(5) Vannozii, Leltere miscellan. , vol. III ,
pag. 191 , 191.
(6) Là même , pag. lai.
(7) T. à même.
(S) Vaunozii , Leltere misccllan. , vol. III ,
i66 BATHYLLUS.
pelant pantomime (C). M. le (D) M. le Fèvre, en tâchant d'ex eu-
■*.. * .» i . j? i^„ ser les déréelemens d Anacreou , a
Fevre en tachant d excuser les bhe dcs Lses qui n'étaient s^ère
dereglcmens d Anacreon , a pu- connues. ] C'est ici que j'exécuterai la
blié des choses qui n'étaient pas parole que j'ai donnée dans la remar-
fort connues (D). On verra ce que (G> de l'article (I'Anacréoh. 11 yaat
7.1 „ j i j mieux au on Irouve ces enoses ici :
que c est ci-dessous dans la der- ,, **■ . A > . „ ,i irtn„„Plll.
a . elles auraient donne trop île longueui
niere remarque. à l'article de ce poète, et n'en donne-
ront pas trop à l'article de Bathyllus.
(A) Anacreon parlait souvent Je dis donc, que comme M- le Fèvre
de /m dans ses vers. ] Horace l'a re- ne pouvait pas ignorer que l'amour de
marque
JV".
voici ses paroles
isse Hathyllo
aliter Samio dictait ar
Anacreonla Tejum ;
Qui persape cavd tesûtdiiteflevit amorem
JVon elaboralum ad pedem (1).
On ne peut guère voir de distraction
plus e'trange que celle d'André Schoi-
tus, qui a cité ces vers d'Horace, pour
notre poète pour BathyMùs n'ait pas-
sé pour une franche pédérastie, et
que la jalousie de Polycrate par rap-
port à Sraerdias n'ait fait du bruit ,
on ne comprend pas qu'il ait dû dire ,
qu'on ne lit point que les plaisirs d'A-
nacréoa nient ité des matières de
scandale , ni qu'on se soit jamais
prouver que Mécène aimait le panto- plaint de sa belle humeur (•}). Ce qu'il
mime Bathyllus, dont je parlerai ci- remarque en un antre endroit, est
dessous (2). Charles Etienne ne s'est beaucoup plus raisonnable. 11 dit
pas moins égaré lorsqu'il a dit que qu'on a vu des passions bien plus
Bathyllus, mignon d'Anacréon, est le scandaleuses dans les troupes auxiliai-
méme que le pantomime auquel se res de France, que ne l'étaient les
rapportent ces paroles de Juvénal , amours d'Anacréon. La manière dont
mo li sa 'tante Bathy fin (3). N'est - ce il raconte la chose est trop belle dans
pas vouloir que Juvénal et Anacréon son latin , pour être traduite : An id
aient été contemporains ? potiùs omet quod pat rwu no sir 01 uni
(B) Polycrate lui fit dresser une memorid in copiis auxUiaribus vidit
statue. ] Quelques-uns croient que Ju- Galtia?
vénal en a parlé , lorsque s'adressaDt
aux dieux , il dit :
incla ca-
• • • . . Ut video , nullutn discrimen haben-
dutn etl
Effigies inter vestras , slatuamque Balhjl-
U (4).
Serica chm dominant ducebant
p pila m y
Cui nitidum cornu muJto radiabat ab auto ,
Et tegmenletlis splrmlebatit letnpora viltis.
llla rosâ et myrto séTtisque recenùhus ilutt
Altum vincha caput , dilectœ conscia for-
ma, (8).
D'autres lisent Vagelli, au lieu de Voilà un morceau d'anecdotes, dont
Baihylli. Cette statue de Bathyllus apparemment plusieurs lecteurs cher-
était au temple de Junon à Samos , cherotft les circonstances ; une chèvre
devant l'autel. Apulée en afait une des- maîtresse de quelque général italien,
crij.tion fort particularisée (5). et menée en pompe avec des orne-
(C; Chabot s'est trompe en l'appe- mens de poupée. On ne saurait pous-
lant pantomime. ] Hic Bathyllus , ser plus loin par des explications for-
dit - il (G) , samius fuit pantomimus cées le
Anacreonti in maximis deliciis. Son
erreur vient apparemment des idées
qu'il avait d'un autre Balhylle , à
qui le titre de pantomime convenait
1res - bien , comme on le verra ci-
dessous.
(1) Iloral. , Epod. XIV.
(?.) Andr. Scbot. Nnt. ad Senec. Controv.
rœ/"., Ub. V, pag. 484, edil. Tli. de Juges.
(3) Elles sont dans la VIe. Satire , vs. 63.
(4) Juvénal. , Sat. XIII , vs. 118.
f5) Apul. Floridor. , pag. 35o , 35i.
(6) Cfcab. , in Horat. , Epod. XIV.
Novimus et qui le transversa tuentibus kir-
cis (9).
Ces anecdotes firent des affaires à
RI. le Fèvre. Il n'est pas fort à propos ,
dit-il (10), qu'on sache que j'ai fait
les vers du Bouc couronné. M. votre
père , a qui j'ai autrefois récite Vhis-
(7) Vie des Poètes grecs, pag. 48, e'dit. de
Hollande en 1680.
(8) Epitt. dedical. Anacreont.
(9) Virgil. , Eclog. III, vs. 8.
(10} Poêles Grecs , pag. 54-
BATHYLLUS. i67
toirc de la Chèvre dont il est parlé testables en leur vie, qu'ils traînoienl
dans la Dédicace d' Anarréon , et qui avec eux des chèvres , pour s'en servir
n'ignore pas de quelle manière je fus à leurs vilenies plus que brutales ; qui
traite dans le sanhédrin, vous dira mes fut cause que puis après en tous les
misons. Voici de quoi faciliter la re- lieux par où ils avaient passé les chèvres
cherche de ce fait. Le duc de Ne- furent tuées et jetées en la vorerie par
mours, ayant assiège Lyon , l'an i562, les paysans. C'est alors sans doute que
fut contraint de se retirer , abandonné Ton vit cette chèvre si parée , dont
par trois mille Italiens, qui déserte- parle M.leFèvre. C'était celle du «é-
rentjaule d'être payés a point nommé, néral. Les soldats vérifièrent alors
Leur vie avait été si licencieuse , que cette sentence de Claudien :
les paysans ne jugèrent pas la pouvoir Tr ,
ea pier qu'en brillant toutes les chèvres U"'"e £?"" Utaoi ™ mor" ca,tra Je1"un-
des lieux par où ils avaient passé (n).
J'aime mieux citer M. Varillas que , auteur c'e Y Histoire des choses
D'An bignë , qui nous apprend que le "^morables avenues en France depuis
duc de Guise ayant voulu que celuide ,,an ï |47 > jusqu'au commencement de
Nemours commandât au siège de £n 1 59l> raconte 'es mêmes choses.
Lyon , Tavannes fit dissiper l'armée , J ^ ^es enirefait es , dit-il (i5), le sieur
mécontenta les italiens, disant ne de layaiies vint de Bourgogne jtliquës
pouvoir mener ii la guerre des gens qui a lrms. heues P'ès de fyoh , faisant
forçaient les enfans et les chèvres, eslat d ^saillir la ville ; mais il en es-
chose si connue au pays , que les t.°U tl0P loin? "' cn"^>^n qu'il eust
paysans n'en laissèrent aucune en vin s P^us de cin(l millc hommes , outre
après Uur départ (12). Le même histo- trois mi"e Italiens , conduits par le
rien raconte que le baron Des-Adrets, c,°"lte d'^nguesole (16) , et soudoyez
menant ses gens au combat contre le "uPaPe- C°s Italiens, qui estoient les
comte de Suze, leur dit pour toute ha- Plus Srânds pitlars du monde, tral-
rangue : Les voila les tueurs de fem- nolc'u aPrès eux force chèvres, et se
mes et enfans, et les amoureux de mesloient brutalement avec les bes-
chèvres : donnons (i3). D'Aubignc tes ' etc' (x7) *l paraît par tous ces
sans doute savait cela par une tradi- autenf?,' <l»l,J« fait dont il s'agit con-
tion toute fraîche, et avait lu un lus- cern<; lan ï56a.^ Mais voici un c'eri-
torien qui nomme les chefs de ces in- vai.",f/.lil t!onnc d'autres circonstances,
fûmes soldats , et qui raconte que Ta- " L lllsto""'; de fiance , dit -1/(18),
ou peu satisfait de l'arrivée * nous rapporte que k duc de Fevers,
vanne
du duc de Nemours qui devait com
mander au siège, ou n espérant aucun
bon succès du siège, se retira en
Bourgogne; qu'ensuite le duc de Ne-
mours tira droit en Dauphiné , où se
» passant d'Italie en France , pour
» venir au secours du roi , dont la
» maison de Guise tâchait d'envahir
» la couronne , sous prétexte de reli-
■» gion , y amena avec lui deux mille
firent plusieurs exploits (14) ; mais le " cll,vl,'s couvertes de caparaçons de
» velours vert, avec de gros galons
» d'or. Elle ne nous laisse pas en mè-
» me temps lieu de douter à quel
» usage servaient ces chèvres, puis-
» qu'elle nous dit , qu'autant qu'il y
» avait d'officiers , c'étaient autanl de
pape firent beaucoup de maux par où " «maîtresses pont eux et pour lui. »
ils passèrent, et pillèrent jusques aux ,c "î10 de Nevefs es! sans doute Louis
souliers des pauvres ladres qu'ils trou- ^e Gonzague, qui épousa Henriette
voient , et au reste si vilains et dé- de élevés, le \ de mars i5GJ. Or
comte JC Anguesol , conlinue-t-il , se
plaignant qu'il n'estoit payé , se retira
dès lors , horsmis six enseignes qui
accompagnèrent Nemours sous la
chargd de Brancaccio. Ces troupes
d Italiens envoiez et soldoyez par le
(11) Varillns, Cliarl. IX, loin. I , pag. 323 ,
e'dil. de Hollande.
(12) D'Anbigné, tom. I , pag. 214, h l'ann.
i562.
(i3) Lanterne, pag. 208.
(1 11 Théodore de Bèzc , Histoire. eedésinst. ,
'"'■ X/, pa^. 23o , à l'ann. l56i.
(ô_) Pag. 255 , e'dit. de i5gq.
fn> Théodore de Rcze /.• nomme ainsi , pag.
229 de son Histoire ecclésiuliqne.
1*7/ ''■ nUK i<- supprime ici en mot à mot ce
qu'on vient de voir aujr dernières lignes du pat-
sage de Théodore de Bèze.
1 >S) Mcmoircid"Artngnan , tom. III, pag:
[68
BATHYLLUS.
nous ne lisons pas qu'il soit passe tragique, la comique , et la sati-
d'italie en France, avec un corps de _;„„-» p„ „'„„». „„„ „„>,.n^ „ r * .
. D cc ,v... rique. L*e n est pas qu elle en lut
troupes, 1 an 1002 : son expédition A ,, x . ^,
regarde l'an 1567. Il était lieutenant un mélange; mais c est que ces
général dans le marquisat de Salaces, deux pantomimes conservèrent
et dans ce qui restait du Piémont à la le caractère de chacune dans
France, et il reçut ordre d'en tirer les l'exécution de leur ieu. Il y
troupes aguerries, que Ion Y tenait . i-rc
en reserve (19) ; et ayant paye, de l'ai- avait entre eux cette difïerence ,
gent que le pape lui envoya, une par- que Bathyllus excellait dans le
ne des montres qui étaient dues à ses comique (D) , et Pylade dans le
soldats, il les lira de son gouverne
ment au nombre de treize mille , entra
dans le Dauphiné , leva le blocus de
Lyon , assiégea et prit Mâcon , et alla
joindre le duc d'Anjou en Champa-
gne (20). Voyez Davila, au IVe. livre
de son Histoire (21). De deux choses
l'une, ou l'on vit deux fois en France
ces chèvres-là , ou on ne les vit point
tragique (c). L'émulation qui
régnait entre eux forma deux
sectes qui ont duré assez long-
temps : chacun laissa des disci-
ples , qui se piquèrent de faire
fleurir l'école, et de perpétuel-
le nom de leur maître (d); car
dans l'armée de Louis de Gonzague : les sectateurs de Bathyllus s'ap-
et quoi qu'il en soit, les Mémoires „~l.,;orit. n„,l //• i ~r à~
,1'Aii^n.n , '„i, .. »I • pelaient JJalfiylli , et ceux de
U Aitagnan peclieront ton purs contre f» 1 1 , r- '
la chronologie; car au temps de ce pylade s appelaient Pjladce. Les
voyage du duc de Nevers , la maison uns et les autres conservaient
de^ Guise ne titcliait pas d'usurper le les manières et les caractères de
trône. Les historiens protestans , qui îa„„ „i,„r t„ J „ J
parlent des chèvres de l'an ,56a ne .} CÏwC' La daUSe de ceux"«
disent rien de semblable touchant les était grave, et propre à exciter
troupes du duc de Neversen 1567 (22). les grandes passions de la tra-
Or personne n'ignore que leur silence gédie : la danse de ceux-là était
ne soit là-dessus extrêmement signi- pr,^,,^ „« „„ „„ t -, . j
ficatif*. enjouée, et se rapportait a des
aventures d'amour , et à des su-
jets comiques. Elle remuait tel-
lement la concupiscence, et
donnait des tentations si victo-
rieuses aux spectatrices , qu'on
n'oserait dire en français ce que
Joiïoio' entière flis,0"'e ',cs Troubles '*liv- ni< Juvénal a dit en latin (E;. Les
* De tous les écrivains que Bayle cite dans Romains se partagèrent en fac-
ttv£T^&Z£5»? •"l'ditL- tiens pour ces deux célèbres
pantomimes ; et il semble même
BATHYLLUS d'Alexandrie (a), que les partisans de Bathyllus
affranchi de Mécène qui l'aimait eurent une fois le crédit de faire
beaucoup (A), et Pylade, furent bannir Pylade (e). La faveur de
inventeurs d'une nouvelle ma- Bathyllus auprès de Mécène peut
nière de danser toutes sortes de autoriser cette conjectur
pièces de théâtre (B). Cette nou-
(19) Varilhs, Hist. de Charles IX , tom. II,
pag. 102, édition de Hollande.
(20; Là même, pag. io3.
(21) Davila, Histoire des Guerres civiles de
France, /n-. IV, pag. i83.
(22; Voyez d"Aubignê, tom. I , liv. IV,
chap. XII, pag. 3i4; ^'Histoire des Choses
mémorables, pag. i?.Q , et La l'opelinière.
n en
velle manière fut appelée Itali-
que (b) (C) , et comprenait la
(a) Atlien. , lib. I , cap. XVII.
{b) Suidas, t'n nt/>.aefnç. Atheo., lib. I,
cap. XVII.
(c) Al lien. , il/id. Plutarchus , S^mp. .
lib. VII, cap. VIII.
(d) Seneca, Nalural. Question. , lib. VII \
cap. XXXII. Vojtes Sautuaise in Garinum
Vopisci; Vossius, Inst. Poelic. , lib. II,
cap. XXXVIII.
(c) Dio, lib.LIV.
TUTIIYLLUS. 169
déplaise à Macrobe (F). Voyez tus , quoique Lipse l'eût corrigée (3)
ce que nous dirons dans l'article l°fqu fl rajusta deux passages de Jé-
dr, 11 . c .. . neque , 1 un desquels portait , lia-
e Pvlade 11 est fait mention thyllo -MœcenateU) , au lieu de Ba-
de Batliyllus dans la VHP. fa-
oie du Ve. livre de Phèdre. L'au-
teur du Supplément de Moréri
a parlé pertinemment de ce
pantomime; mais il a mal cité ,
caria citation de Plutarque ne *ut faite sous Auguste de la danse des
se rapporte qu'à une petite par- Promîmes inconnue auparavant,
\l „ t- 1 4. 11 ] de la quelle Pylade et Batliyllus lurent
tie de 1 article; et celle de les auteurs. Athénée, quana il parle de
thyllo Mœcenalis ; et l'autre , si vanto-
mimus essem, pantillus esseni. (5) , au
lieu de si panlomimus essem, Balhyllus
essem. Zosimc est conforme à Suidas
(6) : il met entre les causes de l'ébran-
lement de l'empire l'introduction qui
..., quanti il ]
Lucien a deux grands défauts: son chef, nomme seulement B
thyl-
l'un , que le livre de Pantomini 1,,si mais quand il cite Aristonicus,
Scend, auquel on renvoie le N n°mrne aussi Pylade (7). Il est vrai
1 , * ,. , „ que pour trouver cela dans son texte ,
lecteur, est une chimère ; 1 au- il y faut corriger un mot de la manière
tre, que le traite de Saltalione , que M. de Saumaise le corrige tout-
où Lucien a dit quantité de à-fait bien (8). Le grec porte
choses des pantomimes, ne parle
point en particulier de Batliyllus
et de Pylade. Je crois avoir dé-
couvert la source de cette mau-
vaise citation (G).
(A) // était affranchi de Mécène qui
l'aimait beaucnup,~\ Voyez le scholiaste
de Perse sur ces paroles de la Ve. sa-
tire : [ vs. 123. ]
Très lanlum ad
Bathylli,
numéros salrrt moveare
et considérez ce passage du chapi-
tre LIV du Ie». livre des Annales de
Tacite , Indulserat si ludicro Augus-
TOV TOV BotOi/AXOV , <$M3-/V 'Apiç-OVfXOÇ KXt
rTi/?.«.cfi>ç , bù \ç) xa.t 0-iyyfa.uy.u. Ttpi
op%inrîa>ç , tmv 'It«.Mx»v opXylT''' o-uçi-
a-xT^nt sx. t«ç X.G//IKÎK, etc. Il faut lire
nt/xsctfnv et traduire , Aristonicus ait ,
Bathyllum hune et Pyladcm qui li-
brum de saltalione scripsit , ilalicam
sallationem compnsuisse ex cnmied ,
etc. Jl n'y a nulle apparence que tant
d'autres écrivains ayant fait partici-
per Pylade à la gloire de l'invention ,
ou la lui ayant conférée toute entière,
lui-même dans un livre public Tait
donnée toute à son rival. Ce nassace
cl Athenee a servi au même critique
pour corriger Suidas (g). De la ma-
nière que le texte de Suidas est rangé,
ts dura Mœcenati obtempérai ejf'uso on y trouve que Pylade a écrit de la
in amorem Bathylli. Consultez aussi danse italique qu'il avait inventée,
Dion , au livre LIV; et Sénèque, à de la danse nommée comique, de la
la préface du Ve. livre des Contro- danse tragique , de la danse satiri-
verses. que (10). Wolfius et Emilius Poilus
(B) Lui et Pylade furent inven- l'entendent ainsi, parce qu'ils n'ont
leurs d'une nouvelle manière de dan- P°™t VU de fautes dans ces paroles :
ser les pièces de théâtre. "] Suidas dit 'Eypi-^e ^J?) ô^n'«a>çT»f 'lT*wit«c, â-rir
expressément qu'Auguste inventa la t'7r <*i/'tgû tupi&ni. Tlipi rrîic x&>//ix>k x*-
danse des pantomimes , Pylade et
Balhyllus étant les premiers qui l'in-
troduisirent (1). Chacun sent que Sui-
das veut dire qu'Auguste fut le pre-
mier qui autorisa , et qui établit l'in-
vention de ces deux grands bala-
dins (2). Il y a dans le grec de cet
auteur Ba.K%i»,i<Siu : cette faute est de-
meurée dans le Suidas d'Einilius Por-
(1) Snidas, in' Op/jiTiç .
(a) V oj-ez Zosimc . fit». /.
Xof//êv»ç opXn<na>ç kcli t>k o-cnuçiiinç.
M. de Saumaise prétend qu'au lieu
(3) Lipsius in Tacil. Annal. , lib. I, pag. 63 .
(4) C.ontroveis. , Prtef. , Ub- V.
(5) Pra-f. , lib. III Epilom.
{6) Zosim. , lift. /.
{-) Aihen., Itb. 1 , cap. XVII, pag- îo.
(8) Salmas. , in Carinum Vopi»ci , pag. 83i,
edit. Lugd. Bat., ann. 1671.
(q) Idem, ibid. Vores. Vossius, inslit. Pocl. ,
lib. II , pag. 180.
(io) Sui<t. , m nvhifnç.
170
BATHYLLUS.
de vip tmç xu/AiKÎiç , il faut lire àwo
•tmç «a)//iK«5 , et ainsi du reste 5 en
sorte que le sens soit que Pylade a fait
un livre touchant la danse italique ,
qu'il avait inventée et formée de la
comique , etc. Il est sûr que . par ce
moyen , Suidas dirait une chose qu'A-
thénée rapporte positivement. C'est
aux lecteurs à juger s'il ne pourrait
pas être vrai que le livre de Pylade
traitait en détail de trois anciennes
sortes de danse et de cille qu'il avait
substituée à ces trôis-là , qui nécessai-
rement devait diflérer de chacune ,
encore qu'ellelesretîntpeut-être toutes
en leur entier.
(C).... qui fut appelée italique.] J'ai
mieux aime m'expliquer ainsi, que de
dire simplement que Pylade et Ba-
thylius inventèrent l'art de représen-
ter une pièce de théâtre par la danse ,
et par le mouvement des mains. Je
n'ignore pas que bien des auteurs en
parlent comme d'une chose qui ne
commença que sousAuguste; car, outre
les autorités citées dans la remarque
précédente, il est srtr que Suidas dit
quelque part, qu'en ce temps-là (c'est-
à-dire sous cet empereur) , fut intro-
duite In danse des pantomimes , in-
connue auparavant , outto) TrpoTêfov
ot/s-a, (11) Zonare en met aussi l'éta-
blissement sous Auguste (12). Mais
comme M. de Saumaise a fait voir in-
vinciblement que la coutuined action-
ner la poésie dramatique par le mou-
vement des pieds et des mains était
beaucoup plus ancienne que Bathyllus
et que Pylade (i3j, il vaut mieux dire
qu'ils n'ont fait que perfectionner cet
art , et que s'en servir d'une nouvelle
façon. Il croit qu'avant eux les panto-
mimes ne faisaient leurs danses et leurs
gesticulations, que pendant qu'on re-
présentait la tragédie ou la comédie j
et que ces deux-ci furent les premiers
qui se détachèrent de tous les acteurs,
et qui introduisirent la danse toute
seule sur l'orchestre (i4)- ^e dirai ail-
leurs (i5) de quels nouveaux agrémens
Pylade enrichit l'art qu'il professait.
Lipse a cru être le premier qui eût
découvert qu'Auguste a été l'inventeur
de cette danse (16). La découverte,
(11) Suid. , in 'AÔMVÔdco/lOf .
(12) Zonaras, lib. I.
(i3) Salm. , in Carinura Vopisci , pag. 82g.
(1/,) Ibidem, pag. 83o, 83i.
(i5) Dans l'article de ce Pïladb.
(16J fcips. , in Tacit. Annal., lib. I.
comme on voit , n'est pas trop heu-
reuse.
(D) Bathyllus excellait dans le co-
mique. ] Athénée ( 1 7) et Plutarque (18)
nous apprennent la différence qui était
à cet égard entre ces deux baladins.
On la peut fort bien recueillir de ces
is de Sénèqùé le père : Quidam
meliùs equitem pntiuntur , quidam ju-
i;iun , et utadmorbum temeuin voceni,
Pylades , in comœdiâ , Bathyllus in
ti . edid multùm à se aberant (ig). La
suite du discours montre qu'il s'agit là
de faire voir , que l'on n'est pas éga-
lement propre à diverses choses. Mais
encore que chacun de ces pantomimes
eût le fort et le faible que j'ai marqué ,
ils ne laissaient pas de se mêler tous
deux du tragique et du comique. Ba-
thyllus n'était pas le seul qui jouât les
pièces où il fallait représenter des per-
sonnages qui se remuaient beaucoup ,
comme les Pans et les Satyres en régal
avec l'Amour : on voit que Pylade se
signala à représenter une fête donnée
par Bacchus à des bacchantes et à des
satyres (20). Vossius , qui a mis un tel
sujet dausle partage de Bathyllus (21),
n'avait pas assez pris garde a la docle
dissertation de Saumaise.
(E) On n'oserait due en français ce
que Juvénal a dit en latin."] Qu'ainsi
ne soit , voici les termes de Juvénal
dans la VIe. satire, vs. 63.
Chironomon Ledain molli sahanle Balhyllo
Tiucia vesiccB non imperat : Apula gannil
Sicul in amplexu : subUum el miserabde
Ion g uni
Attendu Thymele : Thymele tune rustica dis-
cit.
Le père Tarteron jésuite a supprimé
ce latin dans sa nouvelle édition de
Juvénal (22) , qu'il a traduit en fran-
çais. Il a supprimé d'autres passages
pour les raisons qu'il allègue dans la
préface. Cela soit dit en passant.
(F) // semble que les partisans de
Bathyllus firent bannir Pylade: la
faveur de Bathyllus peut autoriser cette
conjecture, n'en déplaise a Mucrobe.]
Il dit que Pylade encourut l'indigna-
(17) Lib. I , cap. XVII.
(18) Sympos. , lib. VII , cap. VIII.
(i9)Epitom. , lib. III, Prtefal.
(20) Voyez les deux r'pigrammes grecques
rapportées par Saumaise sur le Carin de Vo-
pisc. , pag. 835.
(21) Vossius, tnslil. poët. , lib. II, pag. 1S1.
(22) Elle est de Paris, en x68'J.
BATHYLLUS.
lion d'Auguste, à cause que la dis-
pute qui régnait entre lui Pylade , et
îlylas, qui avait été son élève, avait
excite une sédition parmi le peuple.
La réponse qu'il met dans la bouche
de Pylade : Sire , vous êtes un ingrat ,
laissez- les s'occuper de nus dijferens
(a3), est. la même que Dion lui prête.
Dion rapporte que ce pantomime , rap-
pelé' de son exil , et gronde par Au-
guste de ses querelles avec Bathyllus,
lui répondit : il vous est avantageux ,
César, que nous amusions le peuple,
et que nous l'empêchions défaire atten-
tion a d autres choses. 2uu<tîpa o-oi ,
litx.iTz.p , Tnpi iijuÂ; tov énjuov diroJ'ia.rpi-
Qit^-xi. Expedit libi , desar , populum
noOts intention tempus consumere {i\).
Prendra parti qui voudra pour Ma-
crobe cintre Dion : pour moi, je
donne la préférence à celui-ci; et je
trouve fort vraisemblable que ce ne
lut point en faveur d'Hylas , mais en
faveur de Bathyllus, que l'empereur
se f;lcha contre Pylade. Nous verrons
dans l'article de celui-ci l'opposition
qui est entre Dion et Suétone.
(G) Le Supplément de Morérï cite
mal touchant Bathyllus .... et je crois
avoir découvert la source de celle niau-
t'aise citation.'] il. de Sau niaise cite
plusieurs fois Lucien , qui a fait un
beau traité de la Danse. Entre autres
endroits, il rate celui qui contient la
description de l'équipage du pantomi-
me , s'il m'est permis de parler ainsi
pour exprimer tous les inslrumensqui
accompagnaient la danse. Or, avant
que de citer Lucien, il se sert de ces
paroles, Lucianus de Panlomimi scenâ
et apparatu : il ne prétend point dé-
signer aucun titre de livre ; mais seu-
lement la matière d'un certain pas-
sage qu'il va citer. Néanmoins M. Hof-
man s'y est trompé ; car , après avoir
dit une partie des choses qui regar-
dent le pantomime Pylade dans le
livre de .M. de Saumaise , il nous ren-
voie à Lucien de Pantomimi scenâ et
appar. : et , comme il met ces paroles
eu Italique , il ne faut point douter
que le Continuateur de Moréri n'ait
trouvé là un panneau, où il a donné
tout de son long.
(2Î) Ksi; d^a.piçç7ç ^a.m\iu ; s*s-ov etv-
ru/i -i:i «y.îç à.TfrMÏ7*)u.i. Macrob., Salur.,
lit. II, cap. VII , m finr.
(î4) Dio, lib. LIV, ad ann. 7Ï6, pag. 610.
BAUDERON. 171
BATHYLLUS, poêle latin,
contemporain de Virgile. Voyez
dans le Supplément du Diction-
naire de Moréri ce qu'on peut
savoir de lui. Il faut seulement
y ajouter cette circonstance, que
la seconde affiche de Virgile
commençait par le distique que
Bathyllus s'était approprié , et
qu'après cela on lisait , Hos ego
versiculos feci , etc. Il ne fallait
point citer le Gi raidi , qui est
un auteur moderne , mais la Vie
de Virgile par Donat. Je ne sais
point où Charles Etienne a pé-
ché son Bathyllus excellent poète
tragique, qui ne réussissait pas
si bien dans les comédies.
BAUDERON ( Brice), médecin
français, natif de Parei *' , dans
le comté de Charolais, a fleuri
vers la fin du XVIe. siècle, et
an commencement du XVIIe.
Il travailla avec beaucoup de
succès sur la composition des
rnédicaniens , et il publia une
Pharmacopée (A) , qui s'est ac-
quis une très-grande autorité *2.
Elle est en français. Il s'établit
a Màcon a), et y pratiqua assez
long-temps la médecine. C'est
de ce lieu-là qu'il date la préface
d'un livre latin, qu'il fit impri-
mer à Paris, l'an 1620 (B) , et
dans laquelle il nous apprend
qu'il avait quatre-vingts ans , et
*' Ou Paray , il y était ne , dit Joly , en
l53q.
*a Lcclerc, dans sa Bibliothèque de Hichc-
let , raconte que Sénecé étant à Paris, en
1715, entra chez un apothicaire pour acheter
quelques drogues; et qu'ayant été par ha-
sard reconnu pour arrière-petit -fils de Bau-
deron , l'apothicaire ne voulut pas recevoir
son argent , par reconnaissance et respect
pour la mémoire de l'auteur de la Pharma-
copée.
(a) Voyez au-devant de sa Praxis , etc. .
les vers /rancais de Jean Baptiste Verjus
Maçonnais
i7a BAUDIER.
qu'il pratiquait la médecine de-
puis cinquante. Il n'était plus
en vie l'an 1623 (b).
(6) Voyez la remarque (A):
(A) // publia une Pharmacopée.']
Elle a été imprimée plusieurs fois. Jean
de Renou a observé que la seconde
édition est de Lyon , chez Benoist Ri-
gaud , en i5g6- et que la troisième
est de Lyon, chez Pierre Rigaud , en
i6o3 (i). Il a dit aussi qu'il avait vu
dans la troisième la faute qu'il avait
critiquée. Notez qu'il fait cette re-
marque dans un livre qui fut imprimé
l'an 1623, etqu'ily repousse la plainte passé en la campagne a llalie
du fils de Bauderon , et qu'il l'exhorte île Vannée 1640.
édition est de Paris, en 1620,
BAUDITJS.
débitèrent assez Lien. Je n'ai
connaissance que des livres sui-
vans : Inventaire de l'Histoire
générale des Turcs (a); V His-
toire du Sérail; celle de la Re-
ligion des Turcs; celle de la
cour du roi de la Chine ; la Vie
du cardinal Ximénés ; la Vie du
cardinal d'Amboise , la Vie du
maréchal de Toiras ; Y Histoire
du ministère de Romieu ; le Sol-
dat Piémontais , racontant du
Camp de Turin ce qui s'est
à être plus diligent une autre fois a
bien examiner et éplucher de près les
écrits de son père pour les rendre clairs
et intelligibles a tous ceux de sa pro-
fession , au lieu de les noircir et ob-
scurcir davantage (2). Inférons de là
deux choses : l'une, que notre Baude-
ron n'était point en vie en i6s3 * j
l'autre, que sa Pharmacopée a paru
avec quelques additions de son fils.
Elle a été traduite en latin par un
Anglais, nommé Philémon Holland.
Cette traduction fut imprimée, avec
quelques autres pièces de même genre,
à Londres, l'an 1609, in-folio, et à
la Haye, en 1640, m-12 (3).
(B) Il fit imprimer un livre latin,
a Paris , l'an ifiao.] C'est un in-^°.
de 849 pages, intitulé Praxis in dws
tractalus distincta : in priore agitur
defebribus essentialibus , tam simpli-
cibus, quam eompositis, conjusis, er-
raticis , malignis , ac pesliferis , et
symptomaticis in génère et specie cu-
randis : in posteriore , de Symptoma-
tis et Morbis internis , h capite ad pe-
des usque.
(1) Renou, Amidotaire, liv. VI , chap. IV,
pag. 73 de la traduction française , edit. de
Lyon, en 1637.
(2) L'a même. Voyez l'article Renou.
* Il est mort en 1623 , dit Joly.
(3) Mercklini Lindenius reno valus , pag- 133.
BAUDIER (Michel), gentil-
homme du Languedoc , a vécu
sous le règne de Louis XIII. Il
publia plusieurs livres , qui le
mirent sur le pied d'un auteur
fécond et laborieux , et qui se
(a) La 2e
tn-4°.
BAUDIUS (Domimque), pro-
fesseur en histoire dans l'acadé-
mie de Leyde , naquit à Lille,
le 8 d'avril i56i. H commença
ses études à Aix-la-Chapelle. Son
père s'y était retiré avec sa fa-
mille pendant les fureurs du duc
d'Albe , et y mourut l'an 1 576.
Notre Baudius, alla peu après à
Leyde , afin d'y continuer ses
études. Il ne s'y arrêta que huit
mois; et s'en alla ensuite à Gand,
où sa mère s'élait retirée, et
d'oii elle l'envoya à Genève. Il
y étudia en théologie, et y fit
toutes les fonctions de propo-
sant. 11 revint à Gand , en l'an-
née i583 , et y continua ses
études de théologie sous Lambert
Daneau, puis il passa à Leyde,
ou s'étant fort appliqué pendant
quinze mois à l'étude de la
jurisprudence, il fut reçu doc-
teur en droit au mois de juin
i585. Quelques jours après, il
suivit les ambassadeurs que les
États-Généraux envoyèrent^ en
Angleterre , et s'y fit connaître
à plusieurs personnes d'impor-
BAUDIUS. i73
tance , et nommément à l'illus- tions. Il était grand poêle latin
tre Philippe Sidnei. Il fut mis (D) : les vers que l'on a de lui
sur la matricule des avocats de ne permettent pas d'en douter,
la Haye, le 5 de janvier i58^ ; et, Il en fît de plusieurs espèces,
se dégoûtant bientôt du bar- et en grand nombre , et ils ont
reau (A) , il alla voyager en été réimprimés assez souvent. Il
France (B), oii il s'arrêta pen- mourut à Leyde le 22 d'août 161 3
dant dix ans (C). 11 s'y fit de (e). 11 avait eu dans les der-
bons amis , et il y trouva de ni ères années de sa vie quelques
grands patrons. Achille de Har- mortifications (E). Ce n'était pas
lai , premier président au parle- un de ces docteurs belliqueux
ment de Paris, fut du nombre dans le cabinet, qui ne veulent
de ces derniers, et le fit recevoir ni paix ni trêve , et qui traitent
avocat en parlement l'année 1592 de malintentionnés contre la
(a). Baudius fit le voyage d'An- patrie tous ceux qui ne rejettent
gleterre l'an 1602 , avec Chris- point comme un poison dange-
tophe de Harlai , qu'IIenri-le- reux , et comme un piège fu-
Grand y envoyait en ambassade neste, les olfres et les offices des
(b). Ce Christophe était fils uni- médiateurs de paix. Il exhorta
que de M. le premier président, fortement messieurs les Etats à
Enfin Baudius se fixa à Leyde , la trêve avec l'Espagne. Il est
y avant été nommé professeur vrai qu'il n'osa point mettre
en éloquence au mois de mai son nom à la tête de deux Haran-
1602. 11 fit des leçons sur l'his- gués qu'il publia sur ce sujet (/).
toire, après la mort de Me- Il est vrai encore que ces deux
rula : il eut aussi permission Harangues (F) , et les vers qu'il
d'en faire sur la jurisprudence, fit pour Spinola, excitèrent de
L'an 161 1, messieurs les Etats grands murmures (G). Cette hu-
partagèrent entre lui et Meur- meur pacifique ne regardait que
sius la charge de leur historio- l'état public; car d'ailleurs il
graphe (c); et ce fut eu consé- n'était pas ennemi des querelles
quence de cela qu'il fit Y Histoire poétiques : il les soutenait d'une
de la Trêve (d). Cet ouvrage est manière si emportée , que je ne
bien écrit. Le style de Baudius crois pas que les poètes du paga-
était fort poli, comme il paraît nisme les plus fameux par le lit!
par ses Lettres. Ses amis en de leurs médisances , les Archi-
publièrent un assez grand nom- lochus et les Hipponax , aient
bre après sa mort , et de temps pu entasser plus d'injures, ni
en temps on en a joint quelques faire un choix plus exquis de
autres dans les nouvelles édi- termes diffamatoires. Il en vou-
„ , . laii principalement aux ennemis
(ri) "La Vie de Baudius, que je citerai ci- ' , ,l ici- ni •
dessous, met i5ç). ; mais U parait par sa déclares du grand bcahger. C e-
ietire XX111 de la /r<\ centurie, que ce fut
en ]5o2. sa Vie. Saint-Romuald , dam
(b -'oyez la remarque (C). son Journal chronologique, met le VJ de
(cj Baudius, Epislolâ XCV1II, cent- 111. juin.
d Tiré de sa Vie , imprimée à ta télé rf< / U publia l'une sous le nom de Lali-
sei J'oe'sies et de ses Leltres. Voyez aussi nu, Pacalus, et L'autre sous celui de Juliu-
Meuriii Alliea;t> Batavae , pag. l55. uus Rosbccius.
,74 BAUDIUS.
taient des esprits malendurans, téméraires (i). Il consultait trop
et il aurait fallu être bien fin les idées platoniques, et de là vint
pour faire qu'ils demeurassent qu'il fut un peu trop scandalisé
en reste. Ainsi c'était une grêle des disputes qui s'élevèrent eu
réciproque , et un bombarde- Hollande. Il en tira de mauvais
ment alternatif entre l'académie augures , dont les uns ont été
de Leyde , et le collège d'An- faux , et les autres vrais. 11 crut
vers (H). Je n'ai point trouvé que cela ferait changer le goti-
que Baudius fasse mention de vernement , il s'est trompé (M) ;
ses enfans; niais je sais qu'il il crut que cela formerait un
laissa grosse sa dernière femme schisme , il a eu raison (N). Au
te-) et qu'il se maria pour le reste, ceux qui ont publié ses
moins deux fois(I), et que ce Lettres ont procuré plus de pi ai-
n'est pas le bel endroit de sa vie. sir et d'utilité aux lecteurs, que
Le vin et les femmes ont été les d'honneur à sa mémoire. Elles
deux écueils sur lesquels sa ré- sont écrites poliment (O) , et
putation a fait naufrage (K). pleines d'esprit ; mais il s'y
Cela le fit mépriser, et l'exposa donne trop de louanges, il y
à la risée publique. Ses amis paraît trop gueux (P) , trop im-
mêmes en firent des plaisante- portun à ses amis , trop men-
ries sanglantes , qui ont été im- diant , trop vain , trop intéressé,
primées. Il ne faut pas néan- trop déréglé. C'est justifier son
moins croire sur le dernier chef siècle de la dureté dont il l'ac-
tout ce que le satirique Sciop- cuse. C'est par une partie de ces
pius a publié (L). C'est un pas défauts que plusieurs personnes
glissant pour la bonne renom- de lettres se font mépriser dans
mée que certains tempéramens. les lieux de leur demeure , pen-
On ne peut nier que Baudius ne dant qu'ils se font admirer par-
fût de complexion amoureuse, tout où l'on ne connaît que ce
11 n'était encore que proposant, qu'ils publient,
lorsqu'il se laissa coiffer d'amour Quelque long que soit déjà
pour une fille qui logeait chez cet article , je ne puis m'empe-
son professeur Lambert Daneau cher d'ajouter ici^ une chose
(h). Les remarques nous en diront assez singulière; c'est que Bau-
davantage. Il était trop libre dius avait entrepris un ouvrage
dans ses sentimens , et même destiné à la réunion des reh-
dans ses discours : il ne s'accom- gions (Q) : ouvrage qui , comme
modait pas avec assez de pru- il l'avoue lui-même en com-
dence aux préjugés du temps et muniquant son dessein à M. de
des lieux; cela n'était que trop Thou , demandait, entre autres
capable de lui faire de dangereux talens , beaucoup de piété. On
ennemis , et de l'exposer aux verra' ci -dessous ses propres
mauvais effets de leurs jugemens paroles.
(g) Elle accoucha d'une Jllle , après la (0 ^ojrez la remarque (M).
mort de Baudius. Voyez Casaul.on, Episl. ,^ // ^ désmlta du Barreau ]
B^^TkxVIe.U«re,^r. », ^ Wallon cornu» lui ne savait £j
jjag.-2.2tf. assf"'- de flamand, pour plaider avec
BAI D JUS. ,75
silccès : outre qu'il avait besoin d'une Tria.... (3). Ego hic aut alibi in hoc re~-
occupation qui lui donnât de Far- no sedem exila circtunspicio : i~nos-
gent comptant; et c'est ce qu'il ne catntihigeniuspatriœ, plané nonteneor
faut attendre de la profession d'avocat revertendi desiderio (A). 11 allègue à
qu'au bout de plusieurs années. Joi- M. «Il- Tliou plusieurs raisons pour-
gnez à cela qu'il se repaissait un peu quoi il n'a point dessein de retourner
delà fumée de cour, et enfin qu'il en Hollande, et il emploie celle-ci
était népoëte, la chose du monde comme la plus forte : c'est qu'il ne
qui donne le moins de goût pour les pouvait quitter la France pendant
épines et pour les chicanes du barreau, qu'il y espérait quelque chose. Nos..
Voyez les conseils que Ltpse lui donne qui via non pervulgatâ ad bonam
de persévérer sans impatience (i). mentem adspiramus , non ma"isistic
(D) Il alla voyager en France .] ad res tractandas idonei censemur
Il avait bonne opinion de lui-mê- quant ôvoi xvpctç- vultures togatiom-
me , et il s'était mis dans la fantaisie nia virtutis prœmia possident bonis de
qu'il obtiendrait un caractère public prçesidip dejectis , uel (quod deterius
pour voyager honorablement. Il s'i- est) viri Mercuriales , quibus quant
magina que les Étals le députeraient benè convenial cum gencre litterato-
au roi de Navarre, pourvu que sesamis rum discimus magno nostro malo, De-
les en priassent. Il communiqua sa nique (quœ ratio maxima est) non
pensée à Juste Lipse, qui était alors possum a vobis divel/i quamdiù .%/>e-
professeurde l'académie de Hollande : culœ locurn l'idero (5). Il fut trop
la réponse qu'il reçut lui apprit tout heureux de retourner dans un pays
doucement à se mieux connaître, dont il disait tant de mal. Il pria
Prioribus ( litteris) agebas de lega- M. de Thon de le placer auprès du
tiunculd ad Wavarrenum quo funda- prince de Dombesifi) et je crois
mento , mi Baudi, aut qud spe? Nun- qu'il 'it la même prière à Scaligei 17).
quhm id factura, et ut in tua per- On le plaça chez un honnête homme
sondnovum excmplum or.lines insti- q11' , outre la table, lui donnait huit
tuant , cave credns. Tu hoc et afia cents francs par an (8) • et par ce
mereris , sed maie res humanas nosti , moyen , il se trouva à portée de s'in-
si mérita inhis talibus appendis potiùs sinuer dans la connaissance de tout
quant forlunam Hoc unum te mo- ce qu'il y avait de plus illustre au
neoneprœcipitcnttetuorunivota, pia, parlement de Paris qui séait alors à
sed improvida , qui ad lapsum sœpè Tours. Il écrivit de Caen à M. de Thou
impellunt dam cogunt festinare. Ne f[lu travaillait à un ouvrage setnhla-
sperne honores , sed nec avide a p/x -te , ble à celui de George Cassa rider (a).
et qui eo minorent teputantqui rares, Je a>' sais si jamais personne a mis
tu eos habe pro minuits (2). Cela est Baudius dans ia liste des pacificateurs
très-bien pensé : Sénèque ne saurait (''" religion. II travailla à faire appe-
rien dire de plus judicieux. On ne 1er Juste Lipse à Paris , el il fut très
profita guère de ce bon avis: nous fiché que cette affaire se négligeât:
verrons dans la remarque (C) que c;u' il trouvait en cela un grand mé-
Baudius demeura toute sa vie entêté compte. Il souhaitait de revoirie pays
de dépurations et d'ambassades. natal, sans que les frais du voyage
(C) ou il s'arrêta pendant dix 1«» coûtassent rien, etd'une manière
ans] Il témoigne dans quelques-unes 'JU1 l"1 A* honneur , et qui lui four-
<!e ses lettres , qu'il avait dessein d'y nîf "«.prétexte de se donner des airs r
finir ses jours, pourvu qu'il y trouvât *' avait espéré la commission de dé
une condition raisonnable. JEgrè
entra œgrè Gallium desero , nec de-
seram , nisi desertus al omni tvtk-
du
dam
édil.
(1) Ils soal dant une lettre dater
d'octobre t.iS- ; elle e<t la XXVI"
IV*. centime de celles de Baudius,
Lerde , en i65o.
(a) I.ipse , dans une lettre datée du moit de
septembre i58S : elle est la XXVII". „ar/;n
celles de Baudius, k la centurie IV.
(3) Band us, Epist. V II, cent. I, pag. 21 :
elle est datée de Caen, le 1er. de juin i:m,i.
(4; Id.m, Epist. VIII, ejusdem eeiituria ,
pag. 22.
(5 Idem, Kpist. VI, cent. /*«., pag. iS.
I 'idem.
(•;; Epist. VIII, page 21.
(8) Scipio Sardmius. Voyez la r.citrf de
M. Ser»in a Maudins, pag. 38 des Letir
Bandius. Voyex aussi pag. &t.
(9) Fpist. VII, pag. 20.
,76 BAUD
pute auprès de Lipse ; n'était-ce pas
de quoi se fâcher que l'on s'empressât
si peu à Paris de faire venir ce grand
homme? Lipsio equidem omnia sum-
ma cuvio , et ob honorent hominis , et
ob amorem litterarum. Sed lamen mei
potissimum commodi ratio a me duce-
batur, chm tam ambitiosis flagitatio-
nibus iioc agebam , ut hue evocare-
tur. Stiadebat enirn voluntas , et rerum
mearum status urgebat , ut in patriam
excurrerem : quod ut sine sumptu meo
et cumnonnullddignitatefieret, btlla
occasio evenisse videbalur , si quod
spe ne uotis prœceperam , publico no-
mine ad eum accersendum legatusfo-
rem(io). Lorsqu'il écrivait cela à
M. de Thon , ses affaires étaient en
mauvais état (u) : il se tenait à la
campagne , parce que sa bourse était
trop mal garnie pour qu'il pût s'en-
tretenir à Paris. La lettre suivante
(ïi) fut écrite en prison au même
M. de Thou : il lui marque que per-
sonne ne voulait être sa caution , et
que sans cela le bon office de M. Ser-
vin, à la recommandation duquel le
iuge du lieu lui avait été favorable,
lui était très-inutile. 11 était à Paris en
i597> P,ein d'une prétention trop
présomptueuse. L'envoyé des Pro-
vinces -Unies était si malade , qu'on ne
croyait pas qu'il en réchappât. Bau-
dius, se flattant de recueillir cette suc-
cession , écrivit en diligence à Scah-
ger, et le pria de le servir pour lui
faire avoir le caractère d'envoyé des
États-Générauxauprèsd'HenrilV(i3).
Scaliger lui fit à peu près la même ré-
ponse que Lipse lui avait faite dix
ans auparavant (i4). Baudius écrivit
en 1598 aux deux envoyés de Hol-
lande à la cour de France , pour les
supplier très-humblement de lui pro-
curer quelque emploi au service de la
patrie fi5). Au mois de juillet de la
même année il se trouvait en prison.
C'était pour des affaires civiles, c'é-
tait pour avoir été caution trop légè-
rement. In carceremconjeclus sum nul-
lum ob Jlagitium, sed ob inconsultam
(10) Epist. XLI, cent. Ve., pag. 66,
du mon d'août i595.
(11) Voyez la XLIlc. et la XLIII'
de la /,e- cent.
(12) C'est la lettre XLIV.
(i3) Lettre XLV, pag. *o.
(i!\) 1 oyez ci-dessus la citation (2).
(i5) CY</n lettre XLVIl.
date'e
lettre
1US.
spondendi temeritatem (16). Il passa
en Angleterre l'an 1602 , avec Chris-
tophle de Harlai , auquel il avait été
donné pour secrétaire , pour conseil-
ler , pour homme d'étude. Profectus
sum in Angliam, ut ex sim àconsttiis,
à secretis , ub inlerioribus studiis (1 7).
Il passa la même année en Hollande ,
et y devint professeur. C'est tout ce
que ses Lettres m'ont appris touchant
son séjour en France. 11 se croyait si
propre à une ambassade , et il avait
tant d'envie d'en goûter , que sa pro-
fession de Leyde ne put le guérir
de cette passion. Surtout il aurait
voulu être choisi pour aller féliciter
Henri IV , aunomdes États-Généraux,
lorsqu'il courut une nouvelle que ce
prince avait été élu roi des Romains.
Si qua occasio aperitur, ut extra or-
dinem publico nomine in Galliam le-
gari possem, mulliim Jelicitati meœ
gralularer. Sedhœc œgri somma sunt,
ut et rumor il le qui pervagalur de
Gallo designato rege Rornanorum.
Quod si tamen ita esset , cùm insit
in incredibili sœpè méritas (18) , et in
verisimili mendacium , non disconve-
niret magnijicentiœ iltustrissimorum
ordinum , mitti qui publicam lœtitiam
secundâ oratione testarentur { 19). L'an
1607, il passa en Angleterre , pour
présenter ses poésies au roi Jacques,
et il lui monta dans la fantaisie de se
faire députer vers ce prince par les
États- Généraux. Il pria M. Vander
Myle , gendre de Barnevelt , de recom-
mander ce dessein à son beau-père ;
et il ne douta pas que Barnevelt n'in-
ventât quelque bon prétexte de dé-
putation. Cela ne réussissant pas ,
Baudius fit ce à quoi il se préparait
à tout hasard : il fit le voyage en qua-
lité de son propre député. Si ampits-
simiordines aliquidhuic mortali man-
dare dignarentur quod nnstra vox de-
ferret ad aures régis, forte nihiladmit-
terent cujus eos pœnitereposset , et mihi
tumgaudiolumhonoi i.esset reip. causa
legari , tiec Baudii negotium omitte-
re (20). Sin frustra mecum hœc
(16) Epist. XLVrtl, pag. 74.
(17) Epist. LV, cent. Iie. , pag. 80.
(18) Voyez ci-dessus la remarque (F) de l'ar-
ticle Acathon.
(19) Baudii Epistol. LXXI, cent. Ire-, pag.
lo3, date'e de Leyde, le 26 de mars i6o3.
(20) Baudius, Epist. LXIV, cent. II ,p"g-
a 53.
B AUDI US.
Manda somnia meditor ibï a me Icga-
lus (21).
(D) // était grand poêle latin. ]
Voyez le jugement que font de ses
poésies M.\l. Borrichius (22) et Mor-
holius (-23). La première édition n'est
point de l'an 1607 (24) , mais de Tan
1587 : il ia dédia à Pierre Regemorte-
rus. Cette épître dédicatoire est la
IIe. des lettres de Baudius. Il avait
publié à part un livre d'ïambes Tan
1091 , dédie' au cardinal de Bour-
bon (25). 11 dédia quelques-uns de ses
Poèmes au roi d'Angleterre , et quel-
ques autres au prince de Galles , dans
l'édition de L'année 1607 ; et il passa
la mer, pour faire lui - même son
présent à ses deux héros. Il eut la
cruelle mortification de s'en retourner
chez lui , sans avoir reçu ni denier ni
maille de ces deux princes : tout le
;;aiu qu'il fit à ce voyage fut de deve-
nir leur créancier; ce qui valait beau-
coup moins que la dépense qu'il avait
faite. Voici ses complaintes et ses do-
léances (26). Arbitror le ex indicio
famœ factura esse certiorem , me su-
periori mense Augusto transfretdsse
in magnam Britanniam , cujus et Mo-
narckœ de manu in manum tradidi
Salisberiaci Poëmata mea , quorum
minus malumearmen hernïcum ejus ho-
nori inscribitur. Duo verb G nom arum
lambicarum libri dedicati sunt prin-
< tpi Britannianim , quoeum horam
ampliùs unam familiarilcr sum collo-
cutus. S'eil lui fine stetit omnis regia
liberalitas , nec teruncio factus sum
propensior , ut vel meo exemplo li-
quere possit7 magnos terrarum domi-
nos posseperdere, non donare. Intérim
nonpoeniletsuscepti itineris , nisiquod
te non ojfenderim. IVam et liabeo re-
ges debendi reos , et otim forsfuat in-
leiliget
' Hv stT»v, bt" sic iç-ov 'A£siiâ>v oùS'h «Tis-e.
(ll.I.4ia.)
Durabo , et memet rébus servabo secundis.
(lEn. I. an.)
(E) Il avait eu dans les dernières
années de sa vie quelques niortijica-
(21) Ibidem, paç. 254-
(22) Dis,ert. de Poët., pair. i^o.
(ii) Pnlyl,i5|or. , pag. 3o6.
I. Baillet l'a cru. Jugement
Poët., num. i385.
(2S) Voyez la IXe. lettre de la I". centur.
(2'J) Epist. XCI, centur. IIe, pas- 298,
dau:<! du 5 mai 1608.
77
tions.~] On le fit postuler long-temps
une augmentation de gages , quoi-
qu'on ne put point ignorer les persé-
cutions assommantes qu'il souffrait
de ses créanciers. Il ne demandait que
d'entrer dans la secte des millénaires ,
c'est-à-dire d'obtenir que ses gages
allassent jusqu'à mille francs (27) ; et
à peine put-il obtenir cela après une
infinité de basses sollicitations, lors-
que la pension de Scaliger fut parta-
gée à plusieurs autres professeurs.
Alultis collegarurn aucta sunt stipen-
dia, quo nomine illis gratulor, non
invideo : sanè omîtes videntur quasi
facto agmine concurrisse ad cernen-
dam hœreditatem et legenda spolia.
maximivirorumJosephiScaligeri(i%).
Lœsus esse videor quod prœleritis
comitiis nulla sit habita Battdii ratio
nec in augendo peculio , nec in causa
ordinariatiis , quùm tamen multi colle-
garutn ctiam plura oblinueri.nl qu'am
ausi erant sperare (29) . Alors même ,
le pauvre Baudius fut le dernier dont
ou se souvint , quoiqu'il alléguât qu'il
avait contribué autant que qui que
ce fût à attirer ce grand homme dans
la Hollande (3o). Enfin on lui aug-
menta sa pension ; mais on oublia à
un autre égard ses instances redou-
blées : on le laissa professeur extraor-
dinaire, quoiqu'il ne Cessât d-'pui-
long-temps de demander place parmi
les professeurs ordinaires, afin de
jouir du droit de suffrages dans les
assemblées de l'académie , sans quoi
il ne pouvait avoir part aux émolu-
mens qui reviennent dés promotions.
Intcllexi hesternd die ex sermone nos-
tri Heinsii heroïs , habitant esse Ban-
dit rationem in supplemento peculii.
Quo nomine plurimum me collegio
Curatorum , in prii/tis autem beneuo-
lenliœ tuœ , debere confiteor. Sed si
eâdemoperâ in ordincm redactus essem,
nulldex parle beneficium < laudicaret.
Nisi forte honorificenlius est quod
extra ordinem nobis ob sedulant i 1
publico munere obeundo curam ac dim
ligentiam prœmium sit decrelum,
qu'am si adscriptus essem manipulo or-
dinariorum. Jtfiki quidem judicia bo-
les pa*
(27) Voyez la Xe. lettre de la IIIe. cent.,
TO.ME III.
(28) Ibidem.
pist. ull., cent. II ,pag. 3i3 : elle e.
datée du 14 février 1609.
(3o) Pag. 3,4.
12
BAUDIUS.
norum et optimal voluntatis conscien-
tia poiior est om/ii prœrogativd senten-
tiœ dicendœ : tamen aliquid dandum
estfamœ, et publico hominum errori
(3i). Notre homme n'avait guère pro-
fité du conseil de Juste Lipse. Je
fais plus de cas, disait-il, de l'estime
des honnêtes gens , et du témoignage
de ma conscience , que du privilège
de donner ma voix; mais si faut- il
qu'on accorde quelque chose a la re-
nommée, et a l'erreur populaire. Voilà
comme on aime à se flatter, et à
tromper le public : on veut jouir des
honneurs , et de la gloire de les mé-
priser en même temps. Je ne me sou-
cie point d'un tel grade, ou d'une telle
prérogative , dit-on \je sollicite néan-
moins pour l'avoir : c'est parceque
le vulgaire me méprisera, si je ne
puis l'obtenir. Mais qu'avait dit Lipse
à Baudius ? Regardez comme de pe-
tites gens ceux qui vous mésestimeront
à cause qu'ils ne vous verront pas fa-
vorisé de la fortune. Si Baudius avait,
profité de cette sage maxime , aurait-
il dit qu'il faut donner quelque chose
aux opinions populaires ? Laissant là
cette digression morale , je dis que ce
professeur ne mourut pas sans parve-
nir au droit du suffrage. Il fut mis
enfin dans la classe des professeurs
ordinaires (32) • mais par la maxime,
Turpïus ejicitur quhm non admittitur hospes,
(Ovid.,Trist.,.lib. V, Eleg. VI, vs. 343.)
il aurait mieux valu qu'il n'y eût pas
été mis; car on l'en dégrada : et , par-
ce que durant cette suspension il
avait pris le haut bout d'un profes-
seur ordinaire dans un enterrement ,
on lui fit une rude mercuriale en plein
conseil académique, où on le cita pour
plusieurs autres raisons (33). Je ne
dis rien de la défense qu'on lui fit de
réciter la Harangue qu'il avait pré-
parée contre les écoliers de Leyde, qui
avaient commis séditieusement mille
désordres (34). On lui défendit aussi
de la publier. Elle a été publiée de-
puis. C'est une très-bonne pièce. Je
(3i) Baudii epistola VI , cenlur. III , datée
du i3 mai ilioç).
(32) Cela n était pas fait encore le 17 mars
1610. Voyez la lettre XV de la III'. centnr.
Celaétaitfaitlez'imars 161X. Voy. /«LXXIX*.
Lettre de la même centur.
(33) Voyez la XCIX*. lettre de la IIIe.
centur., pag. 470, datée du 2 de juillet 1612.
(34) L'an 1608. Voyez la LXXXlYe. et la
LXXX\ IIe. letlre de la IIe. centur.
n'ai pas dit qu'on lui ôta la profession
en jurisprudence (35) , et que le con-
seil académique lui déclara , le jour
qu'il fut agrégé au corps des profes-
seurs ordinaires, qu'il marcherait le
dernier de tous (36). Il ne voulut pas
se soumettre à cette sentence , et allé-
gua encore son lieu commun , qu'il
fallait donner quelque chose aux er-
reurs du peuple. Belles chansons.' for-
titer contemno et sloudjîrmilate con-
coquo ineplias illas et concertationes
de loco , quùm ad rectum rationem et
ad serium ac severum judicium rem
exigo. Sed obsecundandum est populo
et scenœ, cujus calculo magni sœpc
viri ex ejusmodi inanibus vel œstiman-
turvel depreliantur (3^) . C'est décla-
rer nettement que l'on règle sa con-
duite , non pas sur la droite raison
bien connue , mais sur des sottises po-
pulaires bien connues. Passons à d'au-
tres choses : sa mauvaise économie le
fit tomber dans la misère , et sous la
main de ses créanciers, d'une manière
qui, en sa personne, faisait quelque
déshonneur à l'académie : ainsi on le
mit en curatelle comme incapable de
l'administration de son bien. Ut libé-
rer ab imperiosd auctoritate curatoris
homo jam quinquagenario major, née ,
ut opinor, œtatis vitio delirus , aut ad
agnatos et gcnliles remittendus dc-
decus verô publicumfue.rit nos in hoc
regno libertatis adminislralione bo-
norum prohiberi , quasi rébus nostris
superesse non possimus (38). Nous
parlerons ci-dessous du concubinage
qui le rendit le jouet de tout le pays.
En un mot, ce pauvre homme essuya
tant de chagrins, qu'il dit dans une
de ses lettres (39) , qu'il aurait mis fia
à sa vie , si Dieu ne nous ordonnait
de nous tenir dans ce poste jusqu'à ce
qu'il nous en retire. Son courage et le
vin le soutinrent. II ne s'étonna point
lorsque la faction de ses collègues le
menaçait de le chasser delà chaire de
jurisprudence, ou de l'obliger au si-
(35) Ce fut sans aucune note de déshonneur:
JYec ordine motus est quasi nescius exercendi r
sed honesid missione donatus, stipendiis nullam
partem imminutis, ut onere suhlevarelur. Meur-
sius, Atlien. Bat., pag. i56. Voyez aussi Baud.,
epist. LXXIX, centur. III , pag. 445-
(36) Epist. LXXIX, centur. III.
(37) Baudius, ibid., pag. 447-
(38) Epist. IX, cent. IV, dat. du i3 juin
iGi3.
(3g) C'est la XIXe. de la IVe. centur. pag.
4S6.
BAUDIUS.
79
lcnce par le grand bruit que feraient n'y a de chemin droit que celui qu'ils
les écoliers ( jo). Ne vaudrait-il pas suivent (43) , ou de l'adresse des ha-
mieux vivre comme un ermite , qu'a- biles gens, qui font accroire la même
vec de semblables collègues ? chose saus en être eux-mêmes persua-
(F) Deux harangues qu il fit sur la des, on est également à plaindre
j>aix excitèrent de grands murmu- Quand on se voit exposé comme Bau-
res ] Disons mieux, elles le peu- dius à la fureur de la médisance. II-
sèrent perdre ; car on fit accroire au ^ "* uniuersum obtincl , dit-il (44) ,
prince Maurice qu'il y était offensé , "itio luimanœ malignitatis , ut nihil
et Ton débita que l'ambassadeur de tam commode dicatur à uiris alicujtts
France avait corrompu l'auteur avec J""iœ et existimationis , quin lœi>à in-
une bonne somme d'argent, pour terpretaliorie deprauari possit.... Quid
l'engager à écrire sur la trêve. 11 fal- po'iro absurdius eo génère honrinum
lut que Baudius écrivît au prince et 9M* me rumoribus distulerunt, quasi
au secrétaire du prince, pour sa justi- redeinpttis essempretio al> amplissimo
lication ; et qu'il déplorât sa destinée, prœside et legato Jeanninio , ut scili-
qui l'exposait à une foule de malins cet inanes logos pro insigni Itberalita-
calomniateurs ou de sinistres inter- te rependerem , et succenluriarer doc-
prêtes de ses paroles (4 1). «Je veux , tor umbraticus viro in summis rébus
» disait- il , que je n'aie pas assez fitoacsubacto?
» connu tous les faits particuliers ((*) ••••• de même que les fers qu'il
» pour conseiller ce qui est le plus .fit pour $pinnla.~\ Le marquis de Spi-
» expédient à la patrie: s'ensuit -il nola était allé en Hollande avant qu'il
» que j'aie fait l'action d'un mauvais y ''"t rien de conclu ou pour la paix
)» sujet, en disant librement ce que je ou pour la trêve. Baudius fit imprimer
» pense dans une république comme l,n poè'meÀ la louange de ce marquis;
J> la nôtre? » Quod si per impruden- mais il en retint les exemplaires jus-
tiam jactum est , ut à rectè suadendo (f" à ce que l'on vît plus clair dans
mens aberraverit, quandoquidem pie- l'affaire qui l'amenait. Il en donna seu-
raque i-àv xa.9' Ïhclç-x. me latent, circa liment aux amis les plus intimes. Mit-
quorum cognitionem recti consilii nor- t0 l i°i exemplum Carminis quo gra-
ma gubernari non potest : sa lie m nihil talatus sum marchioni Spinolee, quiim
fecisse arbitror prœter ojfficium boni '" hanc regionem illius ergo adveni-
civis , si in regno ac domicilio liber- ret- Curavi, ut vides, illud typis excu-
tatis , quœ sub ejus prœsidio secura dendum. Sed ex consilio amicorum,
conquiescit , ausus sum uti felicitate hactenùs asservavi inlra penctralia
temporum quibu* tt sentira quœ velis, restœ, nec communicavi nisicum pau-
et quœ senlias fidenterejffari liceat (42). cissimis intimée admissionis. Ct-rlè non
Dans toutes sortes de pays , il n'y a est "isum consultum,utipsi traderetur.
que trop de gens qui s'imaginent qu'on W°n quod illic quidquam sit indignum
ne peut raisonner autrement qu'eux constanti viro uel bono cive: sed quia
sur les affaires d'état, sans être gagné nnn videtar, etc. (45). On ne laissa
par les ennemis de la patrie. Il y en a Pa;s de savoir que ce poème était im-
d'au très qui sont beaucoup plus éclai- primé, et peu s'en fallut que l'auteur
rés : ils savent fort bien qu'avec un no 'ut banni. Il n'évita cette peine
grand zèle pour le bien public , on f|ne. parce qu'il se trouva des gens
peut opiner d'une manière toute con- équitables parmi ceux qui examinè-
traire à la leur ; mais ils ne laissent
pas de semer parmi le peuple que cet-
te manière d'opiner sent la trahison.
H faut qu'ils le fassent, afin d'empê-
cher qu'on n'ose les contredire. Que
cela vienne, ou de l'humeur soupçon-
neuse des ignorans , qui croient qu'il
(4o) Fpist. I/VUI, cent. III, p. 408, 4n
(43) Homine imperilo nHnquiim quidquam in-
juslitu,
Qui msi quod ipse facil nihil rectum
pulal.
Terent. Adelpb. Àcl. /, Se. II.
M. Morus, Prœf. Notar. in Novnm. Test, vou-
lait q„ au lieu d iuiprrito, on mît Jemidocto. Ce
'/» iljf a de certain , c'est que dans la matière
il n'y a point de jupes plut
<|i Voyez /«11e., III*. « 1V«. lettres de J""* Ct pus lrmer*ires , que les demi-savans.
la IIIe. centur. (44) Baudius, epist. III, ceulur. III, pag .
(42) Baudii epistola IV , centur. III , pag. "9- '"."■= au«i pag. 32J.
-0- (45)Ejiût.I.XXXYI1 eentur, II'., pag. îS-.
i8o
BÀUDIÙS.
rent cette pièce de poésie. Penè mihi cours qui nourrissent celle passion
sletit exilio hœc editionisfestinatœ te- sont 'pour le moins la petite oie des
méritas, nisi sanior pars inspecte car- maximes d'état, arcanorum imperii.
■mine me ornni culpà liberdsset (fô). (H) C'était une grêle réciproque et
Une infinité d'autres gens auraient un bombardement alternatif entre l'a-
prononcé qu'on ne pouvait louer ce cadémie de Leyde et le collège d'An-
marquis sans être traître à l'état , et i>ers.~\ Voyez le livre intitulé : t^œvic-
pensionnaire de la cour d'Espagne, tis , Lusus rhelorum Advaticorum ad-
Prai'o et sinistro ingenio nati sunt qui versus Leydenses eructationes, mune-
crimen et pêne perduellionis scelus pu- rario Godefrido francke/i. C'est ie
tant, siquis assurgere audeal in lau- véritable nom d'un jésuite dont Ale-
dem hoslis. Taies multos alit hœc gambe fait mention (49) ; cependant
œlas , et quideru inter eos sunt qui se-
dent adclavum reip.sub quorum maxil-
lis edendum (fa). Ils eussent cru , du
moins extérieurement, que quiconque
ne parle pas selon leurs passions et se
il attribue le Vœ v'xctis au jésuite
Maximilien Habbeque (5o). Il fut im-
primé l'an 1609. On y fait mention
d'un écrit que je n'ai point vu , que
les jésuites d'Anvers avaient publié
Ion leurs préjugés, est nécessairement l'année précédente contre un certain
un traître: et voilà ce que c'est que Schlaffius. On ferait une longue liste ,
de ne pas considérer que la raison a si l'on cotait tous les écrits imprimes
diverses faces, et qu'elle ne se présen- en ce temps-là au Pays-Bas espagnol ,
te pas du même coté à toutes sortes contre lesprofesseursdeLeyde, et dans
d'esprits. Il y avait même des raisons la Hollande contre les jésuites. Bau-
particulières pour Baudius : il était
bon poète 5 il lui venait des pensées
sur tous les sujets remarquables ; l'ar-
rivée du marquis de Spinola en Hol-
lande était un sujet de cette nature :
il était donc très-possible que Baudius
ne fît des vers sur ce marquis que pour
exercer sa muse sur une belle matière
sans aucune mauvaise intention con-
tre l'état. Non - seulement cela était
très-possible , mais même très-vrai-
semblable. D'ailleurs l'espérance de
quelques pistoles , en récompense de
quelques vers , est fort compatible
avec une âme bien intentionnée pour
la patrie. Le mal qu'on pouvait dire
de lui, c'est qu'il n'avait pas la pas-
sion du temps , c'est-à-dire , un tour
d'esprit à s'emporter, à s'effaroucher
à la seule ouïe du mot Espagnol. Il
conservait son sang-froid : il souhai-
tait le bien public tranquillement ,
sans passion , par raison seulement.
Ego tamen si lentum hoc negotium
sperato pacis eventu concludelur , ut
ex intimis sensibus i>Oi>eo , non dubi-
tabo virum ( marchionem Spinolam )
affari , et quidquid hujus est muneris
meque omnem ipsi offerre , salvo jure
patriœ libertatis (48} . Or, le public a
besoin de toute autre chose, et d'une
haine machinale et aveugle. Les dis-
dius était un de ceux que les jésuites
attaquaient de la manière la plus san-
glante. Il est horriblement déchiré
dans le f^œ uictis. Scribanius l'accom-
moda d'une étrange sorte , l'an 1607,
dans son Dominici Baudii Gnoniœ ,
Commentario illustratœ. Baudius ne
niait point qu'il n'eût écrit avec trop
d'emportement contre les jésuites , et
il témoignait du chagrin de l'avoir
fait : il espérait même que les per-
sonnes équitables ne prendraient pas
à la rigueur ce qu'il avait accordé
aux licences poétiques : Ulinam rébus
integris, c'est ce qu'il écrit à Swer-
tius (5i), te monitore et consiliario
essem usus ! Liber noster si non melior,
saltem securior et lœtioribus auspiciis
extsset in lucem. Multaque nimis li-
center ejf'usa , vel privatis laribus in-
clusissem ne tenierè erumperenl , vel ,
quod tutissimœ caulionis genus est ,
tardipedi deo commisissem. Nunc
post culpam admissam séria ringor ,
verum haud grauatè ventant impetra-
turus confido apud elegantioris notas
judices etbenignos rerum œslimatores ,
qui non abrepti prœjudicio aut par-
tium studiis , in causée cognitione di-
ligenter expendent , quantum publiais
legibus ac moribus licenlid poëtarum
concedatur.... Anle omnia et vellcm ,
(46) Epist. LXXXVI, centur. II, pag. 288.
(4^, Ibidem. Voyez aussi la lettre XCV de
m II'. centur., pag. 302.
(48) Ibidem.
(4g) Bibliothec. societ. Jes. , pag. 162.
(5o) Ibidem, pag. 33;.
(5i) Voyez la lettre LXXXVI de tu IV.
centur., pag. 286, 287.
BAUDIUS.
i8r
et futral melitts, non tetigisse unctos.
JYec prudeutissimo consilio factum
esse conjiteor , quod tela strinxerim in
unU'ersam Sotericorum sodalitatem.
Sunl enim ex Us mulli , quos ob doc-
trinam et uiftutis ac probitatis indo-
lent revereor ati/ue obserwo. Dans une
autre lettre , où il avoue que son
style a été trop emporté , il espère
quhm liber iste rcfcrt nohis indolent ,
geniu/n , et i liai aeleremaliorum libro-
rum qui ab eodem paire sunt exposai
(56). Ce qu'il y a de remarquable,
c'est que Baudius , qui craignait de
voir dans le Commentaire sur ses
Gnomes les infirmités dont il se sen-
tait coupable , eut , à ce qu'il dit, la
consolation de n'y trouver que des
que l'emportement dont on use contre faussetés notoiies à tous ceux qui le
lui l'excusera auprès des personnes connaissaient. Ferébar ne curiosus
équitables." Je viens de lire, continue- alienarum papularum obserualor , ea
y> t-il , un livre fait contre moi , qui mihi ex vero objiceret quee séria enn-
» est tout tissu de mensonges ridicu- scientiam remontèrent , et diligentius
;> les , quoique le titre ne semblât uwendinecessitatemimponerent.Nunc
)> promettre que la plume d'un bon quœ de me inclementer dicit , pleraque
5) ami (5a). »> Serio pœnitet t/uœdant talia sunt ut risum non bilem moveant
mmiœ aeerbitatis foras erupisse , quœ
domi continuisse , et vellem etjuerut
melius Veiiimul rem nalam inlel-
ligo , non eril mihi sollicité causa dt-
cenda apud œquos judices. Ipsa enim
adversariorum procacitas et concilia
sine more effiisa largam materiam mihi
prœbenl non tantiim ad sperandam ab-
so/utionem, sed ad consequendam lau-
dem moderationis ac modesties. Vidi
enim et evolui hesternd die a capite ad
calcem librum in me conjectum , etc.
(53). Plusieurs raisons montrent que
le livre qu'il venait de lire est le Com-
mentaire in Gnomas (54)- Or ce Com-
mentaire est un ouvrage de Scriba
Us qui me norunt , nec ad alios judi-
ces provocandum habeo , quhm qui
ciculis et sensu communi nondcstituun-
tur (57). Pour l'ordinaire, c'est le dé-
faut des satiriques ; ils ne dépensent
pas assez en espions : ils imputent dos
crimes qu'on peut réfuter, et 11 im-
putent point ce qui est incontestable.
Au reste , Baudius désavoue l'auteur
allemand , qui avait fait son apologie
en ebaire contre le commentateur des
Gnomes. Quidam para.sitasler pari'u-
lus è Germanid hue adveniens , me
multum réclamante , irnpetravit a se-
natu nostro academico , ut sibi liceret
publiée pro med dignitate scilicel ad-
nius (55) : cependant Baudius le don- venus illum declamare. Ac ne quid
ne sans balancer à Kosweide , et avec
tant de persuasion , qu'il déclare que
rien ne saurait lui ôter cette croyance :
car , dit-il , les autres livres de ce jé-
suite et celui-ci se ressemblent comme
ad summam smisterilatis deesset, aut
ut capul unclius referret , etiam ora-
tionem illam in vulgus edendameura-
vil. lestari possum ex animi senten-
liti , mihi factum istud vehementer
deux gouttes d'eau: même génie, même displicuisse. Salins enim erat me de-
humeur , même style, même caractère. $eri ab omni patrocinio , quam a tant
Concluez de là en passant , que les infirma tibicine causant nostrum sus-
plus grands clercs se trompent au ju- tentari (58). J'ai encore à dire que les
gement de ces sortes de conformités, emporlemens , dont baudius téraoi-
et aux conséquences qu'ils en infèrent gne le plus de repentir, sont ceux qui
par rapport à l'attribution des livres, concernent les princes et les tètes cou
JVon possum demoueri ab ed senlen-
tid (juin exislimem ac prorsùs persua-
suni habeam , edilorem hujus prœ-
clari jcetds esse patrent Heriberlum
Rosweidum. JVam non ovum ovo , nec
i-onnées. 11 ne lit pas même quartier
au roi de France , qui était allié do
la république. Sed horrifica dictu sunt
quœ in Lojolitas , in editnrcm Amphi-
theatri , in impurissimum Sclinppium
aqua è puleo tant similis est aqiuv , stringimus. Alqueulinam hoc fine sese
cohibuisset stylt nostn procaciifls. Sed
in Pontijiccm , in Plùlippos , in Ar-
(56) Baudius, epist. LXXY, cenutr. II, pag.
(5î) Il dit la même chose pag. 276 louchant
lu • ummentar. in Gnomas.
(53) Baudius, epist. LXXV , cenlur. II, pag.
■fH), ■iaU'c du 10 de novembre 1607.
(54) Po/ff* touchant ce livre, et par occasion
touchant Baudius, '1- Jnurnal cutouologique de
St.-Komuald, au 1- de juin.
(.55) Voye% Alegambe, pag. -2.
Idem, epislola LXXWI . cenhir. /'.
pag! 288.
^58) Ibidem.
iSa
BAUDIUS.
chiduces , in partium duces evamil vi- hominum curicsorum , qui in aliorum
rus acerbitutts suce , nec pareil ipsi acta tant sedulo inquirunt , ut eajin-
Liligero régi (5g). §an^ qnœ nunquam fuerunt , nihil
(1) Il se maria pour le moins deux inveniel quo in nobis carpere possit
fois. ] Il parle de la mort de sa femme livor , quant quod interdum , ad exent-
dans une lettre du iode mars 1610 plum prisci Catonis , liberalius invi-
(60) , et il écrit le 21 de février i6/3 tari nos patimur , nec semper consisti-
qu'il s'est remarié. Opinor jani te ex mus intra sobrietatem veterum Sabi-
Jamd audiisse me choro marilorum île- norum, Huic quoque peccatulo indies
riiju esse adscriptum (61). Je n'ai pas moderariconamur ,et putchrèprocedil*
eu le temps de consulter loutes ses II exprime plus galamment cela au
lettres page pour page : ainsi je ne second passage : Malignitas obtrecta-
saurais bien répondre s'il fait mention torum nihil aliud in nobis sugillare
du temps où il épousa sa première polest quant quod nimis commodus sim
femme , ni s'il dit qu'il ait eu des en- com'ivalor , et interdum largius ad-
fans , ou non ; mais je sais bien que spergor flore Liberi Palris (67). Puis-
cette femme en avait eu d'un autre qu'il confesse son péché , on n'a que
mari : car Baudius fait mention d'un faire de produire contre lui le témoi-
fils et d'une fille de sa femme (62) , gnage de Scriverius , qui suppose que
et il se plaint même de la mauvaise Charon ayant mis au choix de Bau-
économie de cette fille (63). Le gen- dius, ou de demeurer dans l'autre
dre , que Théophile donne à ce pro- monde , ou de retourner en celui-ci ,
fésseur (64) , pourrait bien être le à condition de boire de l'eau , et de
tnari de cette mauvaise ménagère, reprendre sa première femme , Bau-
Peut-être aussi que , par un défaut dius choisit le premier parti (68).
d'attenlion , Théophile appela gen- Voici déjà quelque chose qui concerne
dre celui qui n'était que privignus. le second chef: Scriverius n'eut point
L'auteur du fœ victis remarque que fait une telle supposition , si Baudius
Baudius n'avait point d'enfans. eût été en bon ménage avec sa pre-
7v-,, ,„ „ ■ 11 „ „,,j- mière femme.
JM attira quamvir ttberot neget Uln , TT T . . , . .
F.ffœie Bcrdi , nec ubi Baodi , tua '*■ Jamais homme n eut moins de
Si'miles parenUs Hecubajiltos creet (t>i>). besoin que lui de consolation , quand
(K) Le vin et les femmes ont été les ^^J^tu™}™*^^^™}"* °C
alinéa.
I. Sur le premier chef, il ne niait
point la dette : voyez trois beaux pas-
sages sur ce sujet à la tête de ses let-
tres , tirés de ses propres lettres. Je
ne rapporte que le premier et le se-
cond : Conçu rrant omnes , dit-il (6G) ,
non dicam ut ille Satyricus, augures ,
haruspices , sed quidquid est ubique
(59) Baudius, epist. LVIII, centur. III ,
pag. 40G.
(60) C'est la XIV. de la III». centur.
(61) Baudius, epist. III, cenlur. IV .
(6a) Idem, epist. VIII centur. IV, pag.
/}86, et alibi. r b
(63) Idem, epistola XXII, cenlur. III, pag.
3-Î4-
(64) Voyez ci-dessus Ici fin de la remarque
{A) de l'article de (J.-L. Guei de) Balzac.
(65) In Epicilharismate, pag. i3.
(66) Baudius, in epislol.i quddam ad Curatores
Academi». C'en la XXXIII". de la IIIe.
eentur. dans l'édition de i65o : le vassase e<t
pag. 36i. r *
même chose ; il lui dit que notre siè-
cle ne cédait point à celui qui avait
vu un Xénophon continuer le sacri-
fice , nonobstant la nouvelle de la
mort d'un fils 5 ni à celui qui avait
vu Q. Martius aller de l'enterrement
de son fils au sénat. « Baudius , lui
« dit-il , s'est enivré le jour qu'il a
« enterré sa femme : il n'a rien laissé
» à faire aux consolateurs ; il s'était
» dit efficacement avant leur venue
» tout ce qu'ils auraient pu imaginer.
» Le vide qui est dans sa bourse lui
» pèse infiniment plus que le vide
» que son lit vient de souffrir. Je lui
» ai fait toucher quelque argent : cela
» lui a récréé tous les esprits ; car au
» lieu de cet air sombre , et de ces
» yeux fichés en terre , qu'on lui
(67) Idem, epist. XXVI , centur. III, pag.
(681 Voyez le lit're intitule' Dominici Baudii
Amores, pag. 14.
IUUDIUS.
i8-
» voyait , lout comme si sa femme
» eut vécu encore : au lieu , dis-je ,
j> Je ce grand abattement, je L'ai vu
» passer tout d'un coup à une espèce
» de gaieté' ». Baudius noster eo ipso
quo uxorem extulitdie vinum gustarc
voluit.... omnia solatia quœ exulcera-
tis adkiberi mentibus soient ipse occu-
pavit. Nthil amicis in luctu reliquit
quod vel imputare Mi possent Sla-
bat antch demisso vultu ac tristi ,
uxorem ejus vivere adhuc credidisses
(6g). Pix spes melior ajjulsit , respi-
rare cœpit , et constante/' multa defra-
gilitate vitre disputare : nemo J'unus
esse in œdihus existimdsset (70). Tou-
tes ces pièces d'Heinsius sont diver-
tissantes. Mais cette stoïcité n'est pas
le plus grand sujet de blâme pour
Baudius, par rapport au sexe. Nous
allons voir de plus fâcheux incidens.
Dès qu'il fut entre en France , il
s'arrêta si long-temps à Caen , que le
bruit courut qu'il ne pouvait se sépa-
rer d'une femelle qu'il y aimait. IVon
posse nie hinc à mulierculd divelli
autan impotenti amore depeream (71).
11 le nia, et dit que les risques qu'il
aurait courus dans le voyage avaient
été cause d'un si long séjour. Il dit
aussi que malgré les oppositions des
professeurs, il aurait pu enfin ensei-
gner le droit à Caen , s'il ne se fût en-
gage! «.railleurs. Il donne une très-
mauvaise idée de cette université ,
quant à la faculté de droit. Timue-
runt sibi juridici prnj'essores ne ego...
eos de imperitiœ possessione dejice-
rent Prœses de quo retuli verbis
acribus homines istos casligaviteosqtie
assimilavil draconi Uespci iditm hnr-
torum. Tenes qunrsum. Quid multa ?
frementibus miseris istis leguleis par-
tira odio religionis , parlim conscientid
inscitiœ sute perj'ectttm est ut qui Lei-
dœ gradum accepissent , légitimé pro-
moti viderentur (72).
Scriverius a cru que Lipse parlait
de Baudius , lorsqu'il écrivait à Bar-
dai, l'an ï5qc): Scribit ad me , queri-
tur, sed parumapertè, elulcus aliquod
sernwnum ed veste tegi equidem odo-
ror. Si levé curatu , par Uni est ; sin
(6g) Ibidem, pag. 13 et i3.
(70) Ibidem.
(71) Baud. epist. XVI, centur. I, pag. 36.
(72) Ibidem, cpislola XXIII, centur. I",
pag. 4^- Voyez rt'ivri xon poème in très Juris
Pcrversores, là même, pag. 35.
pravum aliquod et tJWstTov ( insanabi-
le) doleo caussd privclari ingenii quod
sese ( ah temerè , ah stultè) in bara-
thrum et prœceps dédit. Quisilligatnm
te triformiPegasusexpedu'lCliinierae?
Sed meliora opto (-/$). Cela sent un
homme embarqué ou embourbé dans
quelque mauvaise galanterie.
Afin de finir par L'endroit le plus
vilain , j'anticiperai sur l'ordre du
temps, et je dirai ici qu'il avait fait
des promesses de mariage qu'il n'a-
vait pas tenues. Quand il se vit veuf,
et pressé par sa misère et par son tem-
pérament de chercher une autre fem-
me , il chargea deux de ses amis de
l'informer en quel état étaient les
biens de cette ancienne maîtresse , et
leur déclara que pourvu qu'elle fût:
riche il était tout prêt, à l'épouser
préférablemcntâ une autre. Il ne dou-
tait point qu'il n'en fût encore aimé.
Peteribus amoribus mets ex animo
volo , nec ullam prrvoptaverim , si ad
cœleras dotes accédai etiam copiosus
imber qui olim per impluvium influxit
in sinum Danaes JVisi mofestum
est , velim aliquid temporis impartiare
disquisitioni , quo loco rcs ejus silrc
suit. Arar/i quin vivat nostrî mentor ,
et non imntunis amorum , nullus du-
bilo (74)- La réponse qu'on lui fit fut
une preuve qu'il avait eu trop bon-
ne opinion de lui-même : la dame dé-
clara qu'elle n'aimait point les grands
buveurs. Baudius comprit de reste ce
(pie cela voulait dire , et trouva dans
ce refus un soulagement de conscien-
ce • car il se faisait un scrupule de
n'avoir pas tenu sa promesse , et il se
voyait alors dégagé , puisqu'on ne
voulait point de lui. Etsi sincero aj-
jeclu nympham illam prosequnr , la-
men magis liberandœ fidei religione ,
et veterum repromissionum ultro ri-
troque slipulalarum memorid adduc-
lus sum , ut consortium ejus ambire
non dedignarer , quam formœ lenoci-
nio, vel divitiarum conditione — (jS)-
Gaudeo me bond cum nymphee ejus
gratin liberalum esse nexu veteris pro-
Tllissi , X4.1 S'iTTXlÙf.dU a-UVStX>.OLyfJ^tT0Ç ,
cujus adhuc me nonnulla intessebat
(73) Voyez Amorti Pau'lii, au commets
cernent.
(74J Baudius, epift XXII . centur. III, pag.
3-i">, datée du i" . de juin i'im.
(75) Idem , epist. XXVI, centur. III, pag.
i s -t
BAUDIUS.
supersliiio (76). Remarquez bien que lam quod scilicet non totum telum
tous ces scrupules de conscience ne corpnre receperit ("80). Sophie se ra-
l'empêchaient pas de mettre une con- doucit, et parut désapprouver les bru-
dition au dessein d'exécuter sa pro-
messe. Cette condition était que son
ancienne maîtresse fût riche (77);
car autrement il déclarait qu'il ne
l'épouserait point : et pour adoucir
ce qui pouvait être de trop dur dans
cette résolution , il ajoutait qu'en ce-
la il ne considérait que l'intérêt de
cette femme 5 « car , disait-il, ne se-
» rait-ce pas un grand inconvénient
» pour elle si nous faisions des enfans
» qui n'auraient à espérer de nous
?» d'autre succession que la misère et
» la faim ? » Tu vero me tacente sa-
lis intetligis quant parùnt ex usu
ulriusque foret , tcv Ki/uov ko.i tïjv ^«vi-
talités de son père. Baudius , ravi de
cela , ne parlait que de mariage ,
quoiqu'il connût bien que cette mat-
tresse n'avait nul mérite , mais seu-
lement une bonne dot. Le dernier ob-
stacle fut enfin levé : c'était la pro-
messe de mariage que Baudius avait
faite à une servante prostituée , qui
le sommait en justice de lui tenir sa
parole (81), et je crois qu'après cela
le mariage avec Sophie s'accomplit.
Voici quelques passages qui prouvent
les mauvaises qualités de cette femme,
et la brutalité de son père. Hesternd
die graviter apud redorent questus
sum.de Renovavi etiam veleres nj-
rtv (78) , infelici conlubernio invicem fensas qubd me in causa desipientis
sociari. Quocirca nisi tant benèfun-
dalum sit palrimonium amicœ , quant
unicè dilign , ut sine notabili incom-
modo nostris diffîcultatibus mederi
queat , in rem communem est ut aliud
mihi suhsidium prnspiciam. Quod ne
in eam partent velit interpretari, qua-
si quidquam detrimenti ceperit antor
ille pristinus , quo juvenculam formel
et œtate florentem sum complexus ,
testor ex amini sententid me, hoc ejus
causa facere , ne liberos educentus in
spem egestatis atque esurilionis (79).
Il jeta ses vues ailleurs , savoir ,
sur une certaine Sophie , en qui il ne
trouvait rien de bon que les richesses.
Sophiœ allocutus esset tanquam vitœ
iratitm , et candidalum palibuli. Sed
Sophiam islam suis moribus ulciscen-
dam permitto , si quidem rata habet
quœ barbarus païens in me ruslicè et
incivililer designavit : nam contrarii
rumores ad me deferunlur. Nonnulli
dicnnt lam honorificè et ennicè de no-
bis loqui : quod si ita est , rectè et
ordine facere ipsam arbitror, x.eù yàp
Toy( Kiiiov êï« , et tune paratus sum
omnium prœterilorum memoriam Jide-
li antneslid ex animo delere , ko.) y.»
MViiTiao.KêM'. Sin taliaflagitia probat ,
nunquam eam sermone fuero digna-
lus. S uni enini qui dicant me ab ipsd
Elle avait un père très-brutal , dont proscindi tant cruentis conviais, quasi
il reçut mille duretés 5 et il fut un crimen sit quod vivant (82). Voilà un
temps qu'elle secondait son père , et homme assez débonnaire : il avait
qu'elle se plaignait d'avoir été enle- déjà marqué qu'on pouvait l'apaiser
xce. Apparemment elle avait fait une facilement. Reversus domum,... opta-
promenade de quelques jours avec ta omnia comperi demed Sophiâ, quœ
Baudius ; car c'était alors nue des ga- me absente ancillant lecti et arcano-
lanteries du pays. Baudius trouvait
cette plainte fort ridicule , et très-
propre à flétrir l'honneur de Sophie ;
et il disait par allusion au procès que
Fimbria fit à Scévola, qu'elle ne se
devait plaindre que de ce que le poi-
gnard n'avait, pas été enfoncé jusqu'au
bout. IVihil habet quod de nobis cjue-
ralur , nisi forte velit eam inlentare
accusationem quant adversùs Scœvo-
(76) Baudius, epist. XXVI , cent. III , pag.
35i.
(77) Elle était alors veuve.
(78) C'esi-à-dire, famem et sitim, la faim et
la soif.
(79) Baudius, epist. XXIV , cent. III , pag.
rum sociam niisit ad patrem scitatum
super noslrâ majestate , an duriùs
accepissem plenant familiaritatis re-
pulsam , et an fera bestia factus es-
sem amissâ voluntale revertendi. Ego
verb oculum mihi exsculpi malim ,
quant pâli ut tant optima conditio ela-
balurè manibus (83). Cette débonnai-
(80) Idem, epist. ad Grotium, in Baudii
A moribus, pag. 85.
(81) Voyez la XCMe. lettre de la III'.
centur., pag. 465, et la XVIIIe. de la IVe.,
pag. 496.
(S2) Epist. XCIX , centur. III, pag. 472 ,
datée du 2 juillet 16 12.
(831 Baudius, epist. XCII, centur. III , pag-
,'fis, datée du 3p mars 1G12.
EAUDIUS. i85
reté serait moins honteuse sans la mi- puisant, ita me tœdet et conlumelia-
sère où Gandins se trouvait réduit , rum parenlis , et insulsorum filiœ mo-
ct sans les grands biens de sa Sophie, rum, quœ prœter nomen non possidet
Voici des paroles qui se trouvent à la micam salis (85).
page 95 du Dominici Baudii Amores, Nous voici à la plus honteuse scène.
et dans la Pe. lettre de la IVe. centurie, Eaudius entretint assez long-temps
page 479- Cette lettre fut écrite le 21 une concubine. C'était une servante
de juillet 1612. Plerique putant hanc qui servait de plastron à quantité d'é-
labem non alid conditione deletum iri, coliers , et qui se sentant crosse jeta
quant si insulsum pecus uxorem dure- le paquet sur la tête du seid Eaudius.
ro , cui prœter Sophiae nomen nihil Elle soutint même qu'il lui avait, fait
adesl humant cordis. Anideb pereun- une promesse de mariage, et l'ajour-
dum erat Pompeio magno, si Lucul- na devant les juges, pour le faire con-
lus non esset luxuriosus ? Ego invi- damner à lui tenir sa parole. Cette af-
tam cogère non possum ut velil esse faire fut scandaleuse et risible en niê-
conjux invicti Jovis , et tanti non est me temps : il faudrait connaître peu
ut velilli , vel furioso parenti suppli- le public pour ignorer qu'elle fit plus
cem. Dos tamen non esset adspernan- rire qu'elle ne causa de scandale. Les
da , nisi marita foret, et posset absque supérieurs de Eaudius ne purent pas
tnuliebri capite conlingeie. Postqu'am dissimuler, ni s'empêcher de le flétrir
.,... reversus fuerit , persuasu amico- en le suspendant de sa charge. Les
rum decretum est mini jacere novissi- railleries où il se voyait exposé l'obli-
?uam aleam , et exquirere an mecum gèrent à faire un voyage à Gand. In-
lege fidelis x.2.1 âéoKou ipmiç'ticts pa- ter alias causas quœ nie mouerunt ut
cisci velit. Paradis sum ex animi sen- in viam me darem hœc fuit non inji-
tentid conceptis verùis jurare y.» fxvviTi- ma, ut prudenti absenlid subterduce-
xa.Ktïv : dum et ipsa levitatis cu/pam rem me ab importunis conjugii dispa-
agnoscal , et parentis furias non ap- ris congratulationibus , quibus quoti-
probet. Si tergiversabilur , relinquam die aures meœ circumsonabantur(86).
illam ulciscendam suis moribus , et 11 paraissait douter que cette servante
aliam consortem invenero quœ meliùs fût grosse ; mais il craignait quelle
mtelliget suam felicitatem. Quelques ne jurât en accouchant qu'il était le
joins auparavant, il avait eu plus de père du poupon : c'est pour cela qu'il
cœur. Il avait bonne opinion de lui- suppliait ses amis de faire en sorte
même : il dit dans la même lettre qu'une carogne comme celle-là ne fat
qu'il n'est pas si épuisé qu'il ne puis- point reçue à faire serment ; et il of-
se trouver une femme de mérite , en- fiait de faire de son bon gré ce que
core qu'il ait été assez fou pour re- les lois de L'humanité demandent ,
chercher long-tcmpsnneimpertinente c'est-à-dire, d'avoir soin de la créa-
Xantippe. Non adeôexarui ex amori- ture qui naîtrait -, mais il lui était
bus et humoribus , ut bona mea sa- dur d'y être contraint. Periculuiu
pienli feeminœ vendilare non possim , enim est in mord, nam propinqua
etiamsi tam insipienter circa Sophiam parliludo appétit, siquidem paiitn-
deliraverim ut mihi Socmtica fi- ra est, nam permulli dubitant num
des objecta sit (84). Il voulait faire
une dernière tentative, mais il sou-
haitait presque d'être encore refu-
sé, tant cette sotte* créature et son
brutal de père lui déplaisaient. Heri
sit grai'ida , quod si est,
Sublimi feriam sidéra vertice.
Cuperem inseri mandato , non esse
illi scorto publiée diffamalissimo de-
mihi Ueinsius jioster adfuit, et rogalu ferendum jusjurandum tempore par-
meo adductus , partim sud sponle in- tionis , nec habendam fidem in de-
citatus, recepit in ss munus colloquen-
ai seriô cum Feslo Honimio ?npt tnç
i''<?iaç. Is tenet clavum imperii , et
patris animum habet in sud manu. Sed
summâ cum œquitate exspeeto quemli-
hel evetttum, et propè est ut malim re-
(84) Ibidem, pag. 480.
signando parente tam multorum ca-
pitula,
Cura suis virât valeatqne mi
Quos >imul complexa ttnet treceolos.
C8.ï) Epist. ultima, c-nf. ///, pag. !t-j, 4-G ,
lu 1 1 juillet 1612.
pist. XC, centur. III, pag- 402, dau'.
I le 4 décembre iGn,
iC6
BAUDIUS.
Ego nïhilominùs sponte med incita-
nts faciam quod nfficium humanitatis
injungit. Sed cogi Baudium non de-
cet, non opnrtet, a tant prostituti pu-
doris scorto (87). En tout cas , il ai-
mait mieux nourrir l'enfant d'autrui
que d'abandonner une cre'ature hu-
maine ; et il se consolait par la raison
que ce serait une preuve de sa vi-
gueur masculine, et que cela ne nui-
rait point à l'avenir à Sophie, sa fu-
ture femme , qui serait un champ à
la culture duquel il réserverait désor-
mais toutes ses forces. Ut ut res ca-
det, nihil mihi euenire potest tristius
tint deterius quant quod aninm prœ-
cepi , et mecum antè peregi. Nempè
j'uturum , ut perjurio caput alliget , et
ÛTroCoXi/uttiov obtrudat heroi Baudio.
Quid turn posteà ? Malo agnoscere
alienum , quant fœtum humanum non
ali. Teslintonio erit me murent esse ,
et viri munia posse fungi. Nihil indè
abradetur in posterum meœ Sophiœ ,
cujus aruofamiliari reservabilur
Quidcjuid in arte meâ possum promiltere
cura: (88).
Il e'crivait cela le 29 mars 1612, lors-
qu'on disait que la servante était prê-
te d'accoucher : Fertur esse h oSùv* ,
sed nullus credo , licet illi plurima
mnnet lacryma. Sunt enim quibus non
potest persuaderi.eam esse grauidam ,
et ego quidlibel credo posse cadere
falsimoniœ , fraudis , et malitiœ in
tant profligntant , perditam, alque in-
testabilemfœminam. Il ne niait point
qu'il n'eût promis mariage à cette ser-
vante ; mais il prétendait qu'une vi-
laine créature comme celle-là ne mé-
ritait point d'être comprise sous le
bénéfice des lois : il ne croyait pas
qu'on fût obligé de garder la foi à
cette espèce d'hérétiques; et il se sou-
venait de l'avoir lu dans le code : et
comme il ne pouvait point citer l'en-
droit , il supplia Grotius de faire ci-
ter cette loi par son avocat , afin que
ce fût un coup de foudre qui fît ces-
ser les poursuites de sa putain. Et
parce qu'il n'y avait que les préten-
tions de cette servante qui empêchas-
sent la maîtresse de Baudius de don-
ner les mains au contrat de mariage,
il priait instamment son ami de se hâ-
(87) Epist. XCIII, centur. III , pag. 465,
datée du 28 mars 1612.
(88) Epist. XCII. centur. III. pag. 4G4.
ter. Do muni reversus auàivi nuncium.
perquam optabile.m de meis amoribus.
Omnia eveniunl ex animi sententiâ ,
nec quidquam deest ad volorum sum-
77iam , nisi ut eximam scrupulum de
pollicitatione mairimonii cum exoleto
islo propudio, labe et tabe meœ fantœ
et exislimationis. Hanc tu pestent ac
perniciem si amolilus Jueris pro digni-
tate ntuneris quo fungeris, et pro auc-
toritale qud mérita vales plurimitin, so-
lidiorent captes gloriam, quant
Dir.im qni conturlit Viydram ,
Notaque failli portenla labore subegit.
Tant viles personœ , tant diobolares
victimœ publicarum libidinunt , non
sunt dignœ observatione legum , ut
memini aliquando légère in corpore
juris, sed locus non occurrit memnriœ .
Çuœso te ut hisce litteris perlectis
continuo cures accersendum advoca-
lunt vander IVewen , qui legem hor-
rendi carminis dictet , cujus obnun-
ciatione fulminari possil fatalis Ma
fundi nostri calamitas. Hoc ego bene-
Jicium lanti faciam , ut nemini plus
in vitâsim unquam debiturus. Sed ma-
tures 010 , nam amanli , et aninto cu-
pienti nihil satis festinatur (89). Voilà
ce qu'il écrivait le 28 de mars. Il n'é-
tait pas hors d'affaire au mois de juin :
la servante espérait toujours d'être
épousée, ou de gré ou de force; et Bau-
dius n'osait se produire devant sa
maîtresse , pendant le procès de la
concubine. Hoc nisi fundamentum
prœslrualur , non sinil Bvy.oç ciyûvaip ut
viant affectent ad meam d'wam quœ
non intelligit sua bona : nec ideo lu-
men ilemowebor ab amandi proposito ,
quandih spes aliqua supercrit expug-
nandi ferreum istud peclus ( 90 ). Il
voulait faire une transaction avec
celle-ci , et il pria Grotius de la dres-
ser : il espérait que la créature , in-
timidée par des menaces , signerait
cette transaction. A tuo discessu nec
patrem tmc tLroqou loqla.; allocutus
sum , nec me conveniendum curavit
Mercurii mater , nisi quod audio eam
adhuc pascere ebriosas , futiles, et fu-
riosas spes de matrintonio :
. . . sed pri'us Appnlis
Jungeniur c.ipre.-r fupis.
(89' Baudins , epist. XCIII , centur. III ,
pag. 46^, datée du 2S mars 1612.
(90) Epist. XCVI .centur. III , pag. 46S,
datée l'onzième juin 1Q12.
BAUDIUS.
jS~
Quid mihi auctor es ut faciam ? JEx-
spectem lilis eventum? Hoc spissum
est amant i , cujus animn nihil satis
festinatur. Quanquam hisce nugis
javi longum valedixi, sallem inducias
QuisquLs es, rxrmplo tanti moveare mariti .
Parce libidinibus , luxuriose , luis.
Addila sit poti'us lascivo Jibula membro,
Vt vindicta tuamtranseat ista domum (çfi).
Voyez le recueil intitule Baudii Amo-
pepigi. Cuperem ad me mitti per hune res » publie' par Scriverius, l'an i638.
ipsum nuncium formulant transactio- Vous y verrez, à la page 77, un Cèn-
nis , quant ipse concepisti. Spero me to Virgilianus de Daniel Heinsius ad
effeclurum injecto meta majoris malt- pominicum Baudium , qui postquàm
tatis ut cupide subsignet , et volunta- lSnafus cum ancilld , cum quâ tum
riant condemnatinnem subeal ( 91 ). a"' > tuTn plurimi scholastici consue-
L'affaire était encore indécise au mois rant' ahquandiii congressus esset, so-
dé juillet suivant ( 92 ) , et Baudius "" Prœter expectationem proie ab ed
trouvait fort étrange qu'on ne chas- €st donatus.
sât pas hors du pays cette coquine. Plusieurs, sans doute, diront qu'il
Tôt justiliœ Antistites unicam maie- eut mieux valu indiquer en marge où
ficam Circen quœ meos sensus vene- 1 _on peut trouver les choses , que de
navit amoliri non possunt , sallem ut citer tant de passages de cet auteur ;
Leidam contagione sud et œdes meas niais plusieurs autres seront bien aises
noxiâ vicinitate non infestet (g3). Il qu'on leur épargne la fatigue de cher-
crut qu'on lui laissait cette voisine cher. C'est pour l'amour des pares-
afin que l'indignité de tant d'afironts seux .1 dont le nombre n'a jamais été
le portât à se retirer. Video hoc agi aussi grand qu'il l'est dans ce siècle,
ut conlumeliis haud tolerandis à.y»vcpi °iue j a* Pris la peine de ramasser ce
G^uâi adigar ad dispiciendam pedum bouquet de plusieurs passages de Bau-
i-iani , et quœrendam haud inglorii at- dius. Ils sont imprimés en différens
que inopis exilii sedem (9.^). Enfin , il caractères: qui ne voudra pas les lire
termina cette affaire, noii pas par une connaîtra facilement ce qu'il doit sau-
sentence de juges , mais par voie îer- ^n aurait tort de se plaindre que
d'accommodement, le 10 d'octobre Ie Tr°uble le repos des morts ; car je
1612. Il donna le moins qu'il put, re- ne ,d's r'en que les amis de Baudius
demi me captum quant potui minimo n a'cnt publié , et que d'autres au-
f95) 5 après quoi il ne tarda guère à *eurs n'aient appris au public en di-
se marier. Il écrivit à Pierre Rubens vers temps. Voyez Spizefius (99), qui
[96] qu'il était fort content de sa fem- c',e un livre que j'aurais bien voulu
me : je ne sais point s'il changea de consulter : il fut imprimé l'an 167$
sentiment ; mais, quoi qu'il en soit , (,00)-
ce mariage ne fut pas de longue du- (L) H ne faut pas croire tout ce
rée. Baudius mourut le 22 d'août 9ue le satirique Scioppius en a pu-
j6i3 , réduit à un misérable état par blié. ] Il en dit trop pour mériter
un délire. Delirio ac vigiliis continuas d'être cru : le maquerellage le plus
miserè attritus , omnique tandem ro- infime et la magie sont les exploits
bore exutus (97). Ses meilleurs amis qu'il lui attribue. On ne peut bonne
se moquèrent de ses folies d'amour, tement mettre en français son latin.
L'un d'eux le propose pour exemple Voici donc l'original : Baudius, Pa-
à tous les incontinens, et les exhorte risiis , uhimultis annis in concubina-
:\ se réfréner par les remèdes les plus '" summd cum infamie", et velul qua-
austères , plutôt que de lâcher la druplatoris filium decebat , uixit, non
bride à leurs convoitises comme Bau- tant uni magiœ deditis , incanlalori-
bus , et sortilegis œdes suas aperuit .
et concubinœ suœ fîliolam ad pera-
genda nef aria sacra commodai'ii , <!t>>
maniumque de thesauris reconduis ,
dius
("91) Ibidem.
-(9a) Voyez la lettre XCIX dr la III'.
cenlur., pag. 4:3, et la I". de la IV. cenlur. ,
pag. 4-S.
(95) I ]>Ut. /, centtir. IV.
d(4) Ibidem.
(nS) Epîst XVIII , cenlur. IV.
(96) Cest la Ilie. lettre de la IV. cenlur.
(S2, datée du 21 de février i6i3.
'(j: I" ' it» ejus.
(riS) Scriverius, in Epitaphio Baudii, pag.
l35. Bandii Amorum.
(V>f>) Tbeoph. Spizelius, in Infclicc Liilcrato ,
P"ê- "•
Cioo) Sous re titre , Spécimen Fiblio.'oprjist*-
rum Gedanensium , editiim 3 Schelgrigio.
i88
BAUDIUS.
imprimisque de Petronio ulrhm is ali- multis , et charus acceptiisque non
cubi integer exstaret , consultât ; sed paucis , qubci voce et stylo passim in-
eliam amicis quibusdam majorent culco subditorum obsequla in legiti-
quondam ingenii divinitatem prœfe- mos principes, et pleno ore decanto
rentibus ejusdem concubinœ flium , veras laudes archiditcum (io3V Je ne
pueront non inelegantem turpissimus doute pas que Baudius ne proposât
leno prostituit , ut cum poslea lumen- avec trop d'indiscrétion et trop de
tibus pueri mariscis scelus propalatum hardiesse la doctrine dont il parle,
iri melueret , quominhs eum veneno de l'obéissance des sujets. Il ne faut
contubernales tollerent , minime im- donc pas s'étonner qu'il fût odieux à
pedivit , aclumque jam de miselh pue- plusieurs personnes.il osa bien insé-
rofuerat, nisi unius contubemalium rer ce dogme dans une thèse publique :
acumine expediti fuissent , aniculd , et il est à remarquer que les supérieurs
quœ morbo mederi sciret , inventa, académiques n'exigèrent point qu'il
Hœc nequaquam a me fingi, neminem l'effaçât ; mais seulement qu'il avertît
paulb humaniorum Parisiis ignorare la jeunesse de ne point embrasser
puto (iot). Mais si ces choses étaient mal à propos ces sortes de sentimens.
si connues à Paris , d'où vient que le Quœrit primitm ex me an statuissem
premier président donne Baudius à praesidium et auctoritatem suffiagii
son fils pour secrétaire dans une am- commodare defendendis corollariis
bassade? Scioppius inventa cela , ou periculosœ aleœ plenis,utest dispula-
l'apprit par des contes mal fondés, et re in ambas partes , an religio sit de
le divulgua pour se venger des injures substantid reipublicœ , et negare fas
que Baudius lui avait dites, dès avant esse subdito privatoque homini ob cau-
raême que le Scaliger Uypobolimœus sam religionis arma sumere contra
eût paru (102). principem , et id generis alla. Hes-
(M) // crut que les disputes de l'ar- pondi , causant non videri cur in hoc
minianisme feraient changer le gou- atrio libertatis non sit f as absque per-
vernement ; il s'est tro'npé. ] Il faut vicaciâ sentire quœ velis , et quœ sen-
l'eutendre lui-même : il déclare que tias expromere. Tamen rogalus^ ut
si la conscience et la religion ne l'eus- admonerem juvenlitlem ne temerè et
sent retenu , il serait allé ailleurs de- absque delectutalibus axiomalisassem
Suis long-temps, et que les violentes sum prœberet , significavi mefactu-
isputes des théologiens, et plusieurs rum (io4)- Jamais homme ne fut plus
autres désordres, lui faisaient crain- propre que Baudius à se faire des en-
dre que l'ouvrage de la réformation nemis par la liberté de sa langue , et
ne devînt dangereusement malade, par ses maximes : « Nous faisons la
Nisi me in his locis conscientiœ scru- >' guerre, disait-il, aux plus puissans
pulus , et religionis vinculum attine- » princes du monde , et nous som-
ret , jampridem captum esset augu- ».mes sous la férule de cent pe-
rium de migrando , nec Lcida spes » tits maîtres. » Bellum gerimus con-
meas includeret. Quanquam non pes- tra potenlissimos mundi monarchas ,
simè mecum agitur. Sed nec ea nostrî et servire cogimur istis minutioribua
ratio habetur , quant oportuit. Théo- satrapis (io5). Voyez la liberté qu'il
logorunt etiarn nostrorum dissidentes se donne de censurer les théologiens
sentenliœ , et uirulentœ concertatio- qui avaient condamné Vorstius sans
nés , odia fratrum quœ ne morte qui- l'entendre. Voyez les conséquences
dem finiuntur , aliaque noslrœ mili- qu'il fait craindre , si on leur permet
tiœflagitia , pêne ejftciunt ut et illud de décider de l'honneur et de la di-
superbum nomen reformatœ religio- gnité des gens sur des présomptions ,
nis , et ipsa causa incipiat mihi esse sur des soupçons , sur des ouï-dire.
dubiœ sanilalis Prœsagit mihi ani- Euadet ista cffrœnis audacia in opli-
mus imminere his prouinciis fatalem micujusque deformationem , siprœju-
rerum commutationem , et ex intesti- diciis , suspicionibus , rumusculis , et
nis vitiis rediturum aliquando ueteris , „. . , . , T-vVlr , TT7
..,.,. 0' (lo3) Idem, epistola LXXII , centur. III ,
imperu desidenum. ôuspectus sum pag. fa, fil, datée du 9 de mars 1610.
(101) Amphotidcs Scliioppianie, pag. 166. (*°U EPisl XCIX, centur. III, pag. fyji.
(102) Voyez la LXXIX*. Lettre de Baudius (io5) Baudius, Epist. LXXXII , cenUir. II ,
de la II*. centur., pag. 2-6, pag. 278.
B AUDI US.
189
susurrU lanlum licentiœ permiuitur , concursationem ut sujjragalo.es sbi
utfamd et fructu dignitatis exuantur concilient , denique mentem contenue -
"ddocïrdd ménisque spectabiles. nis studiosiorem, quam indagandœ
Sed de negolio fratrum , et sacrati noscendœque uerdalis ,
iire"is dabitur alias oportunior <lisse- Iliacos intra mnros peccalur et extra:
rendi locus (106). Encore un coup , Sed ob Atridarum culpas supplicium
c'était un homme fort propre a se iai- yerunt Achivi : et academia pessimi
te îles ennemis ; et je ne m'étonne pas O(loris est non s0Uun „pUd extraneos ,
qu'on ait semé contre lui tant de ca- verum eUam apud nostros cives (107).
iomnies atroces. Il lit un voyage en ^ ^ iettres snnt écrites poli-
Flandre , l'an 1609. Pendant son ab- ma&x î Qn trouve dans le Scaligerana
sence, on répandit mille contes qu il ce . guit Saudius a un style non
s'était allé révolter, qu'il était déjà cieéronien f mais du temps de Dorni
pourvu d'un bon bénéfice , qn il se- tianm . ;e garde toutes les lettres d
tait fait moine, et cent autres choses gaudius. Il fallait donc que Scaliger
de cette nature , qui donnèrent lieu jes trouv!vt belles et bonnes. I! ne pa-
à la XXXIIIe. lettre de la III*"- centu- mU le st le je Baudius soit
5 affecté à aucun siècle de latinité
. ce qui suit. Baudius a un style non
Tétait allé révolter, qu'il était déjà cici:ronien , mais du temps de Vonii-
pourvu d'un bon bénéfice , qu il se- tianm . ;e „arde toutes les lettres de
tait fait moine, et cent autres choses BaudaJ
ivat Dene:
l pas que le style
rie. Il écrivit à deux de messieurs les
curateurs : tant il craignait les plus
ridicules sottises de la renommée.
(X) .... H crut quelles forme-
raient un schisme ; il a eu raison. ] Il
fondait sa conjecture sur la grande
animosilé qu'il remarquait de part et
d'autre. Il lui semblait que la matière
de ces disputes était susceptible dan
(P) .... il y paraît trop gueux. ]
Ce n'était point tant l'honneur d'être
l'historiographe des états , que les
gages de cette charge , qui le pous-
saient à la demander instamment. Il
renvoyait ses créanciers au temps
qu'il toucherait la pension d'histo-
ie ces disputes etau susuepuu» w^" ri0graphe '• ce temps ne venait point ;
bon accommodement, pourvu qu on eJ. ces messieurs ne voulurent plus
se voulût entr'écouter avec un esprit d'un tel renvoi. Flagitantium impor-
le charité. C'était donc la disposition tunltas eJJicitme morosiorem , quam
des esprits qui lui faisait craindre
que l'on en viendrait à une rupture
totale. Il était sur les lieux : il pou-
vait voir de quelle manière Gomarus
et ses amis d'un côté , Armimus et
naturœ mcœ genius , et amiciliœ tua:
reverentia patiatur. Assidue enim ob-
tundor à moleslis creditoribus , quo-
rum nomina rejicio in spem obtinenth
ejus muneris : sed tamdiù lactati sunt
et ses amis dira cote , aiuiuuua v. e^us muneris : sea lamaiu taccu» *«<••.
ses partisans de l'autre , mêlaient les ho(. palp0 j ut uUeriUs produci non
passions personnelles avec L'intérêt de inl (l08). H se trouvait donc dans
la doctrine. Il dit franchement qu on un mortei embarras. Quand il disait
accorderait plutôt les Espagnols et son bien ne craignait pas les
les Hollandais, que ces deux lad Lons voicurs >
ecclésiastiques. Voici ses paroles : je ffon incendia, non graves ruinas,
les rapporte de peur qu'on ne se A„„ çacla impM, non dolos venem,
figure que j'exprime sous son nom Non casus atio, perieulorum ,
mes sentimens. Je ne suis ici, et en fit ^-^ ressemblait à celui de Bias
endroits , que co- (,0gi , il ne se divertissait point à
cent mille autres
cent mule ancres cuuimw , ^»« — ; (1091 , 11 ne se unci«»an j»v.n.. ..
piste: Utinam omnes nostri muneris cbercher des applications plus ingé-
ct ordinis pari'volo ac studio in eau- n;t;uses que véritables : il faisait l'his-
dem mentem conspiraient ! Sedfaei- torlen el non pas le rliétoricicn. La
• . • »„l„.., ,.* /7,cj)/i- • ni :_»_..: l.„ ,.;„f ..,.<;,, .
lias conveniet inter Belgas et flispa
nos , quant inter fratres ubi semel in
contentionem exardescere cœperunt.
Omnino res erumpet in schisma , msi
forlibus consiliis liuic malo occurra-
Uir Si spiritu docilitatis et chris-
tianœ cardans ducerentur duces ( ut
siedicam) partium , confectum ne-
»otium esset. Sed utrinque videra est
maghos animorum motus, manifesîam
(106) Epist XXXIII , centur. M,}>«S- 3(^-
pension d'historiographe vint enfin 5
mais ce ne fut presque qu'une goutte
d'eau à un gosier altéré : il Pavai!
bien prévu , et on le lui avail I
dit ; cest pourquoi il eut besoin d'une
autre ressource, savoir d'une temrae
Siposseminnassammatrimonii
illicerejcemininum altquod opunèdo-
(10-) F.pist. XCV1, centur. II, pag. 3o4-
(10S) Epist.V., cent. III. pag. 3a3.
^iU.,) Epiit. XCU , cent, Ul , ?<>:■ W-
ig©
tatum ( agnoscis heic facundiam sup-
plementi chronicorum ) non aspernarer
dona deorum. Sed ad eam spem aspi-
rare non audeo , quamdiù mihi certa-
men erit cum hydid molestorumfla-
gitatorum (no). Ajoutons à cela ce
qu'il écrivit à son patron Vander
Myle. Reclè dicebas nuper , nihil
aliud posse locare in solido , et ad
portum bonœ spei appellere quassatam
raient Baudii , quam opimum aliquod
tonjugium : sed procax istud genus f
divitum ac forlunalarum mulierum yoici
spernit viros famd merilisque célè-
bres , nisi censu quoque censeanlur
(i 1 1). Mais rien ne vint assez à temps :
il eut beau conjurer les curateurs
par tout ce qui est le plus propre à
«mouvoir les entrailles : Humanitatu
tnœ genium adjuro atque obleslor per
JBAUDIUS.
Scriverius , bon ami de Baudius , n'en
dit guère moins que les je'suites.
En, cum jure trium natorum ducitur uxor
El simut in barathntm prœcipitalur amans.
Sic labanlur opes : sic nil stipendia prosunt ,
Pensio sic domino scepè negata suu.
Pallia sic alius , Cajœque monilia serval :
jEra fuganl inopem sic aliéna famem.
Prosilitet duris urgens in rébus egeslas :
Pignora s tant, vacud non redimenda ma-
nu (u4)-
(Q) // avait entrepris un ouvrage
destiné à la réunion des religions. J
ce qu'il en dit : « .Tampridem
» animo ccncepi opus , et tractatu
» arduum, et usu maxime necessa-
» rium , quod ipsum olim aggressus
h is , de quo nuper multus nobis ser-
» mo fuit , Georgius Cassandcr. Hic,
» tametsi nihil dicas, tamen auguror
tnœ genium adjuro atque obteslor per t) ammo ^u{r\ cogitationi tuœ occur-
Deum immorlalem , per f as christia- n rat ^ esse niali,ùm rem tantœ mo-
nce charitalis , per vinculum sanctœ y) jjg ^ ut eam vjx meuti complecti
jïdei , et quidquid apud génies vene
randum atque antiquum habetur, im-
pone tandem optatum finem dtulurnœ
exspectalioni , neu me patere longius
versari inler sacrum et saxum sub }) tr;nœ Copiis. Opus insuper multi-
ictu credilorum , qui meas aures assi- }) j^ inciUisitione , varia librorum
nplecti
» possim, nedum facultate consequi.
j> Fateor tquidem ad banc provin-
» ciam deligi par esse bominem in-
» structura omnibus ingenii ac doc-
duè molestis vocibus circumsonant ,
ut defœcato animo studia doctrinœ
tractare nequeam (112) : il eut beau,
dis-je , les conjurer par tout cela de
le délivrer de la dure persécution des
créanciers, on l'abandonna à leur
merci ; à sa personne près , ils se sai-
sirent de tout ce qu'ils trouvèrent
dans sa maison. Les jésuites d'Anvers
le surent , et lui en firent des insultes.
Voici des vers tirés de ia page 37 du
V~œ viclis.
Paupcrior Codro Calli nil continet arca ?
Qui pote ? Jam dicam : Baudxus in œre la-
bernai .
Totus erat (nôsli quam pocula sœpe salutel ) ;
Caupo luhl lectos, sedes, mensasque , «6a-
cosque,
El chlainydem et vestes , ollas , ignemque ,
focumque ; .
Nil Bouda-us habet, secum luhl omma Cau-
Necsaterat. Quid ages,Baudi? Vendcris
et ipse.
Accipe Caupo libres , velulas lias ferlo pa-
py ros ,
Muséum atque olaum, lalernam et lampada
sume,
SU modo liber adhuc Baudœus obirepopinas.
(110) Baudius, Epist. XV, cent. III, pag.
335.
(m) Epist. XIV, cent. III, pag. 334-
(112) Epist. XIV, cent. III , pag. 353, écrite
h M. Vandur Style, U 10 de mars îCio.
» supellectile , plurimâ rerum me-
» moriâ , et , quod familiam ducit ,
» pietate. Sed utilitatis inaguitudo ,
» et penuria talium virorum , débet
» etiam ad bunc honestissimum la-
)) borera médiocres viros invitare,
» ut si à spe perûciendi absint , sal-
» tem prseclarae vo'.untalis conscien-
» tiâ perfruantur. Ego mihi conscius
» sum quàm parùm possim, sed ag-
» grediendi studium probis omnibus
» me probaturum non despero. Deuni
j) certè conGdo piis conatibus adfu-
3) turum , in quem prœcipuè inluens,
w id oneris tollere decrevi. Quod si
» saltem efi'ecero , ut aliorum scri-
» bendi studia excitentur , qui digne
» banc spartam exornare ' possunt ,
» nihil est quod me non assecutum es-
» se existimem (i i5). » Colomiés , qui
nous a conservé ces paroles de Bau-
dius , ajoute , Opus , animo, ut pulo ,
duntaxat conceplum , nunquam pro-
diit. Hinc palet , cur Baudium Geor-
gii Cassandri asseclam in Gallid
(n3) Je crois que cela veut dire que Baudius
épousa une veuve qui avait trots •nfans.
(n4) Scriverius, in Baudii Amoribus, pag.
(u5) Baudii Epist. od J. A. Thuauiim , apud
Colomesii Opuscuia , pag. 41 , 42-
BAUDOUIN. i9l
orientait (*) àixerim, quoà muhis tourner à cette université , il
perobscumm, ne c immérité , vuleba- s'arrêta à Strasbourg, et y fit
tul (,l '' des leçons de jurisprudence un
(*) P"g' l24- an durant. Ensuite il alla à
(„q Coiomesii Opuscub, PnS. fc. Heidelberg , et y fut professeur
BAUDOUIN (a) (François), eu en droit et en histoire, près de
latin BalduînuSj célèbre juris- cinq ans , jusqu'à ce qu'il fut
consulte, naquit à Arras le pre- attiré par Antoine de Bourbon,
mier de janvier i5ao. Il étudia roi de Navarre (C) , qui le fit
pendant six années dans l'aca- précepteur de son bâtard. Il
demie de Louvain; après quoi , mena son disciple à Trente; et
il fut quelque temps à la cour ayant appris qu'Antoine était
de Charles-Quint , chez un grand mort d'une blessure reçue au
seigneur (b) , et puis il alla en siège de Rouen , il revint en
France, ou il acquit l'amitié des France avec son élève, et trouva
plus savans * (c) , et entre autres ses biens et ses livres dissipés (g-),
celle de Charles Du Moulin , Il retourna en son pays où il
chez qui il logeai). La curiosité était attiré pour enseigner la
de connaître les plus célèbres jurisprudence dans l'académie
ministres le fit voyager en Aile- de Douai (D). On lui promettait
magne (A) : il vit Calvin à Ge- de grands avantages ; et il fut
nève, Bucer à Strasbourg, et reçu très-civilement par le duc.
d'autres en d'autres lieux. Etant d'Albe , la veille du jour qu'on
retourné à Paris, il fut appelé à emprisonna le comte d'Egmont :
Bourges , pour la profession en mais comme il craignit d'être
jurisprudence (B) : et il l'exerça choisi l'un des juges des person-
avec tant de gloire, qu'il donna nés qu'on voulait faire mourir,
de la jalousie à son collègue il demanda un congé de quel-
Duaren(e). Il quitta cette charge ques jours , sous prétexte d'aller
au bout de sept ans, pour aller chercher son épouse, et faire
enseigner le droit à Tubinge (_/*), transporter sa bibliothèque; et ,
ou on l'appelait; mais ayant quand il l'eut obtenu, il s'en
appris pendant son voyage , que retourna à Paris et s'y arrêta.
Du Moulin avait dessein de re- Il y fit des leçons publiques sur
quelques endroits des Pandec-
(a) On le nomme aussi Baudoin, Balduin , l'applaudissement d'une
Baudoin. Voyez la Cabale clumeiiq. , pag. 11
2$o de la 2 . édition. Il signait en français foule d'auditeurs (h). Il accepta
iMiduin. ja cuajre r]e jurisprudence , qui
0 Le marquis de Bergue. . a- i» î ' ■ j
• Bayle, dans sa note (r) , nommant Budé, llll fut otterte par 1 académie de
Leclerc remarque que Budé était mort en Besancon ; mais avant appris , à
l5ao, époque à laquelle Baudouin étudiait " . , J ,, l l
encore a Louvain. son arrivée , que 1 empereur
(c) De Budé, de Baïf, etc. Maxi milieu avait défendu à cette
{d) Ex Valer. Andréa , Bibl. belg. , pa^. acadé,nie l'érection de cette
B2 i : et" la se trouve aussi dans la IIIe. Ken. . . • , . r -
deBau.i. à CAvm. folio B S. chaire , il ne voulut point taire
t' Bjc Papyr. Massone , Elo°. , parte II , , .
• jti.aji. f) Ex Valerio Andréa, Bibliot. 1
f C'est ainsi qu'il faut dire, el non pas f'"'-r- 221 i 222-
Turiogiam, comme a fait Valère .Audié. l'ojez la remarqua K .
ï92 BAUDOUIN.
de leçons , quoiqu'on l'en sol- rie dans la tête de Baudouin. Il
licitàt. Il retourna à Paris , et était , à l'égard des académies ,
prêta l'oreille à Philippe de Hu- ce que sont en fait de maîtresses
rault (i) , qui lui conseilla de certaines gens , qui courent de
faire fleurir la jurisprudence belle en belle, et les mers d'amour
dans l'académie d'Angers. Il le de rivage en rivage. Il "y a bien
fit près de quatre ans, et jusqu'à de l'apparence que lorsqu'il vi-
ce que le duc d'Anjou, proclamé vait à Bourges dans la commu-
roi de Pologne, le fit venir à nion romaine , il avait plus
Paris , au temps que l'on y reçut d'affection pour les protestans ,
l'ambassade polonaise (k) (E). Il que lorsqu'il communiait avec
fut destiné à la profession en eux dans Heidelberg. On peut
jurisprudence dans l'académie soupçonner aussi qu'il n'était
de Cracovie (/) ; et l'on croit qu'il content , ni du papisme , ni du
aurait suivi en ce pays-là le nou- calvinisme , ni du luthéranisme,
veau roi , si la mort ne l'eût et qu'il eût voulu les refondre ,
prévenu. Il mourut entre les et peut-être bien d'autres sectes
bras de sa fille unique (F) , dans ensemble, pour en faire une nou-
le collège d'Arras à Paris, le 24 velle. Ce qu'il y a de certain
d'octobre 15^3 (m) (G). Voilà à est qu'il se mêla delà réunion
quoi se réduit ce que Papyre des religions (0). On ne peut nier
Masson , Valère André , Aubert d'autre côté qu'il n'eût de fort
le Mire , Bullart , et plusieurs beaux talens , une science très-
autres racontent de lui. C'est étendue , une mémoire adrni-
une chose bien étrange , qu'ils rable (p), et une éloquence d'au-
aient si hardiment supprimé tant plus persuasive qu'il était
tout ce qui concerne ses change- bien fait de sa personne (q) , et
mens de religion («). A peine que sa voix avait de la force et
peut-on recueillir de leur narré des agrémens (r). Ne croyons
qu'il ait vécu une fois dans la donc pas qu'il y ait de l'hyper-
communion protestante. M. Mo- bole dans ce qu'on a dit de son
réri , ou par ignorance , ou par auditoire (K). Il mangeait et
dissimulation , a omis ces mêmes buvait peu , et il travaillait beau-
fautes. En récompense, il s'est coup (s). Il n'approuvait point
étendu sur la querelle de Calvin le supplice des hérétiques (/) , et
et de Baudouin. Elle fut très- il fit de grands reproches à Cal-
rude (H) : Bèze y entra avec un vin à l'occasion de Servet (u).
peu trop d'aigreur, au jugement
même de plusieurs personnes de g %^ZT^r\ ™aTu,
son parti (I). On ne saurait nier pag. 261.
qu'il n'y eût beaucoup d'illCOn- iq) Slaturâ fuit justâ forma eximiâ, et
1 J ii- Ver omnes œlalis gradus venusta. Idem,
stance , et beaucoup de bizarre- ibidem.
(r) Vocem canoram , Jirmissima latera,
(î) Chancelier du duc d'Anjou. utdocens, Periclis instar, fulminare vidcre-
(h) Tiré de Papyre Masson , Elog. , part, tut: Masso, Elogior. parte II , pag. 261.
//, pag. 258 et seqq. (s) Vini cibique parcissimus.... nunquàm
(/) Thuan. , Historiae, Itb. LVU , p. [y]. otiosus. Idem , ibid.
(m) Papyr. Masso, Elog., part. H, p. 261. (t) Voyez la remarque (D).
(n) Voyez la remarque (A), {u) Voyez }a IIe. Apologie contre Calvin.
BAUDOUIN. 3
Il n'a pas été collègue de Cujas , Mais , en conscience , cela signifie-t-il
comme quelques-uns l'assurent (l"e ce dernier avait été huguenot'
(L). Je dirai quelque chose de ses Le,.,ecli;«;r ne peut-il pas s'imaginer
écrits, et du plagiat dont on ïvVnU.ÏÏ'X'inT «î F .CO,iT '•
l'accusa(M). Nbtez^ue Théodore dfpt^ uZZl^t^tt
de Bèze raconte qu'il mourut, '"' Pas,» mc direz-vous; et moi je
ou à la poursuite d'un procès, ou l\T ,,7°nd.,'ai 9.ue V(1<h «Mes très-
de chagrin de ce qu'un autre lu, »e' de ce°u* S^SX
avait ete préfère pour suivre en natale de plusieurs personnes, et Sui
Pologne le duc d'Anjou (». Il y voudront prendre la peine de tirer
aurait bien des réflexions à faire i ra,sonne,»,!ns- Votre devoir est
de marmieren (prniot c-; „i„: iv.i •
la puisse connaître par votre seul livre
?âr, * ™ «,. u « ,56., sriïrtPd:^PTrs;
sur
tune(N)
(A) Z« curiosité de connaître les
plus célèbres ministres le fit voyager
en Allemagne. ] Voilà toute la. faute
que les catholiques romains aient pu
lui reprocher, si l'on s'en rapporte à
son élogiste Papyre Masson. J'ai cher-
ché diligemment dans cet e'erivain si
Baudouin abandonna quelquefois la
profession extérieure de l'église ro-
et je soutiens que ceux-mêmes qui se
souviendraient que Calvin fut chef de
secte avant que Baudouin sortît des
Classes, ne trouveraient point d'ab-
juration dans le familiaris quon lam
î«t;cai , en expliquant cela par l'au-
be passage de Papyre Masson, ils se
fixeraient * cette Vensée : Baudoùn
%™\ 'ait .co°naître à Calvin qu*i
cliercbait sincèrement la vérité eut
avec lui plusieurs conférences' 'dans
— "S"»' M" " ""' *-""c i»»uii:»iaiii. Vj esi
une simple curiosité, c'est tout au ,
plus une espèce de défiance qui ne remDS ) car deux années ne sont pas
signifie rien, à moins qu'on ajoute ,L ^"««Pour satisfaire aux dïffi-
qu'ayant oui les raisons de ces gens- C"
là . il les reconnut pour si bonnes,
,-. , " ■ ; ">- aux «mil-
ites que Baudouin pouvait propo-
-Calvin, qui espérait de le gagner,
qud prit leur parti. Or, bien loin ? ■ I? souhaitait passionnément
que Masson le t'.,s,c, il dit au contraire Cent care*ses , et cent oùvertu-
que Baudouin désapprouva leurs rai- >i Cœt1^ ,nfin Ce»e proie lui
«rmc /„ /2.„„. „„.„„! .....y. . . . échappa : Baudouin ~' ' _*
que Baudouin désappri
sons. In Germanium profectus a de-
fensoribus novec sectes intelligere vo-
lait quas ob causas a romand et ve-
teri ecclesid discessissent . . . quorum """" cfs"-se. voi
opiniones non probans, Bucerum tamen SCnS j1" °,n PoaiLralt donner aux ter-
ci Melancthonem aiebat stùi ob mo- i"6? , ,Pyr? Masson. il a donc eu
,/.»<.#;„».. ../ .• y> i ■ ... tort île s iMirinipi' .!'.,„„
.- _„M„ v-cut; proie lui
échappa : Baudouin , n'ayant pas
trouve que l'on satisfît solidement à
tontes ses objections, ne vo t point
embrasser 1., nouvelle ,.jlM. y. ';, I»
. , , > j : ';" " «■ ""ne eu
tort de s exprimer d'une manière si
trompeuse.
M. Moreri est encore plus blâma-
ble ; car il ne peut point se justifier
qu'il y avait eu autrefois de fefami- P3r , B'.'vdéges i]c l'éloge. Il déclare
hanté entre Calvin et Baudouin (-i) E : * f (' df son llvre» qu'il sou-
v ' tient le caractère d historien : il n'a
donc point pu se permettre toutes |es
destiam placuisse : Calwinum displi-
cuisse propter nimiarn vindictes et san-
guinis situa quant in eo deprehendis-
set{\). Je ne nie pas qu'il ne dise
C») PapjT. Masse
56, i5t.
Elogior. parte II, png.
■) Familiaris quo^am sui. Idem, ibidem,
pag. ï6j. ' '
TOME m.
. ,■ *,, • ■•-..>. lûmes |6{
><";l-yi".- Masson „ pu couler sous
le titre favorable VElogium Francisa
o^rfuiiM. Masson pouvait dire « Ayant
i3
i94
BAUDOUIN.
5) voulu faire l'éloge d'un fameux ju- nio , mensâ , familial itate , menses
» risconsulte , j'ai cru qu'il fallait en- multos commoralus , iteritm evangelici
» velopper ce qui pouvait rendre nominis factus es. Posteà Biturigi-
» odieuse la personne de mon héros. » bus ad papisticam idofolatriam, et tan-
Mauvaise excuse, source continuelle quant canis ad vomitum , rediisti. In-
d'illusions et de faussetés; mais enfin de Argenloratum profectus, evangeli-
on la reçoit mieux d'un panégyriste cum te'professus es : cum Petro Mar-
que d'un historien. Que dirons-nous tjre vixisti. Cœnam dominicain in
donc de M. Moréri , qui s'est contenté Gallorum ecclesid ampliiis decies par-
de ces paroles : // avait eu la curio- ticipdsti. Mox Heidelbergam delalus
site de voir Calvin et les autres chefs confessioni gallicarum ecclesiarum ,
des protestons. On dit même qu'il sue qud pauto antè cœnam dominicain
avait eu du penchant à se jeter dans duodecies sumpseras, hostis factus es,
leur parti; mais que la lecture d'un et hessussianis te parlibusdedisti. Tau-
ouvrage de George Cassander l'en em- dem in Galliam reversus , quarthm
pécha (3). // avait fait amitié avec papista factus es. Horum si quidfal-
Calvin : ce ne fut pas pour long- sum autfictum sit , vola ut mini ocu-
temps. Bien loin de trouver dans ces los eruas : aut , ut calumniatorium
paroles l'abjuration du papisme, on y tuum supplicium imitemur , crura
trouve clairement que Baudouin n'ab- mihi sujfringas (4). Ces paroles sont
jura jamais l'église romaine. Où est tirées d'une longue lettre , qui fut
donc la bonne foi historique, et la écrite à Baudouin l'an i564- On lui
netteté de récit, qui demandent que, avait déjà étalé la même supputation
quand tous les autres livres du monde l'an i562 , et avec des circonstances
seraient brûlés la seule histoire d'un qui sont curieuses ; car on le fit sou-
homme apprît clairement à tous les venir, i°. qu'ayant demandé d'être
lecteurs s'il a dit ou s'il a fait une reçu à la sainte cène dans l'église
telle chose? La faute que je censure française de Strasbourg , il avait fait
est donc très-grande, s'il est vrai une longue déclaration de sa foi, en
que François Baudouin ait changé de présence de l'assemblée ; ae. , que
religion : elle paraîtra donc énorme pendant qu'il séjourna à Genève, il
à ceux qui savent qu'il eu changea avait fait des discours publics sur les
pour le moins sept fois*. Voyons le re- matières de religion. Verbosissimam
proche qu'on lui en fit publiquement : fidei tuœ confessionem publiée in tew-
il n'est point vague; il est muni de plo non infrequenti hominum convenlu
circonstances. Ejectum te, Balduine, magnâ et confidenli voce pronuntiâs-
et excommunicatum ab omnibus piis , ses , ut ad sacrce cœnce et corporis
quicumque in Gallid aut Germanid Christi communionem recipereris.-. . .
nomen tuum audierunt , negare nnn in publicd ( ut vocant) congregalione
potes. Septies his viginli annis reli- consessuque paslorum et doctorum ho-
eionem mutdsti. Non scepiùs ferè ser- minum lanquam Saul inter prophetas
pentes pelleni mutant. Educatus es verba de rébus sacris faceres (5). J'ai
apud tuos in Flandrid papisticè. Post- lu cela dans une lettre dont François
eh Genevœ christianam religioneni Hotman passe pour l'auteur. Notez
professus es : eoque nomine aliquolies qu'il se trompe dans la circonstance
ad corporis Christi communionem ac- du temps; car il suppose que Bau-
cessisli. Inde Luletiam profectus pa- douin fit à Strasbourg sa première
pisticumhabitum recepisli. Mox Gène- abjuration du papisme. Cela est taux,
vain reversus , et in Calvini contuber- il n'y fit que la troisième. Les protes-
f j „ , tans lui donnèrent le surnom d'Ece-
Tb(ol ÇS%ralaZ"ti%rt ?P.«re> bolius , pour signifier qu'il changeait
Charpentier, un peu au-dessus de la citation, de religion Comme de chemise j et
( 5V, vous trouverez bien de l'abus.
* L'Incertitude du nom île l'accusateur paraît (4) Antonins Guœrinius ( C'est ainsi nu il est
i Leclcrc un motif de douter de l'accusation, nommé dans Rivet, loin. III , pag. 1127, col.
mais « le vrai e,t , dit la Biographie universelle, 1 ; mais dans ^Epitonie de Gesner on le nomme
» que Baudouin qui avait très-bien étudié l'an- Guajimeiis nul CynaTus : ), F.pist. adBalduinum,
. tiquité ecclésiastique, convenait qu'il y avait pag. 5(j, apud Rivemm , Oper. , lom. III, par, .
» de -rands abus à réformer dans la religion ca- 1117, col. 1.
» tholique. » Depuis Baudouin on est loin d'avoir (5) Epis!, ad Franc. Balrb/.num, de Officie lui»
rien réformé. io Religione , tum in Scriptionibus retinendo.
BAUDOUIN.
i95
ils lui en firent la guerre si souvent
dans leurs écrits , que personne n'en
peut prétendre cause d'ignorance (6).
Voyez le IIe. volume des Disputes de
Voetius , à la page 780.
(B) // fut appelé a Bourges , pour
la profession en jurisprudence. ] Nous
allons toucher un second défaut des
écrivains qui parlent de lui : ils ne
marquent prescpie jamais en quel
tfinps il lut pourvu de telle ou de
telle charge. M. Ménage , qui a évité
ce défaut, observe qu'il Jut profes-
seur en droit à Bourges , depuis i54g
jusqu'en 1 556 : ( il fallait dire depuis
t5^8jusqu'cn i555), et qu'il y recul
le bonnet de docteur de la main d'E-
guinarius Baro (7). La cérémonie de
cette réception fut faite le i3 de mars
i54g ' comme M. Catherinot nous
l'apprend (8). 11 ajoute, qu'en i553,
les gages de François Duaren mon-
taient à 950 livres , ceux de notre
Baudouin à 35o , ceux de Hugues I)o-
neau à 23o. J'observe cela , afin de
convaincre de mensonge Papyre JVIas-
son, qui a dit que les gages de Bau-
douin ne furent pas moindres que les
gages de ses collègues. Aceersilur à
Btturigibus ad docendi muiius susci-
piendum Jitturus eollega Baronis et
Duareni jurisconsultorum , aceeplu-
rusque de publico honorarium quan-
tum tilts daretur ("y). J«> lui montre ail-
leurs (10) un autre mensonge. M. Ca-
therinot remarque sous Tan 1 5^9 ,
que Balduin fut pendant un temps
suspect d'hérésie , comme disciple <le
Jean Calvin a Genève , et commensal
de Charles du Moulin a Paris. Il dit
aussi qu'en 1 556 , Balduin écrivit con-
tre Duaren sur le siqet des bénéfices,
et que Duaren le nommait par mépris
Balbin. foyez, conlinue-t-il , son
portrait citez Duaren , dans une lettre
du i3juin 1 555. Je donne ailleurs (1 1)
quelques extraits de cette lettre. No-
tez qu'il entretint commerce de let-
tres avec Calvin pendant son séjour à
(6) Voyez le livre que Théodore de Bèze fil
contre lui.
(7) Ménage, Remarques sur la Vie de Pierre
Avrault , pag. 107.
(8) Calberinot, Calvinisme de Berri, pag. 4-
(9) Papyr. Masso, Elogior. part. II , pag.
217. Vous trouverez dans Bulhrt, Acad. des
Sciences , loin. I , pag. 238, la même faute.
(10) Dans l'article Duarek.
(11) Dans la remarque (I) de l'article Doa-
rc.N.
Bourges , et qu'il lui témoignait qu'au
fond de l'âme il était bon protestant
(12). On lui reprocha d'avoir subor-
né à Bourges une riche veuve (i3),et
d'avoir quitté cette académie sans dire
adieu à son hôte (hJ. Je ne rapporte
ces choses qu'afin qu'on voie quel-
ques circonstances de la profession
que notre Baudouin exerça dans l'aca-
démie de Bourges. M. Ménage assure
qu'il y fit en i556(i5) l'oraison funè-
bre d'E^uiiiarius Baro , dont il avait
été ennemi , si l'on en croit Duaren
(16). Duarenus tanlam juvenis ( Bal-
duini ) gloriam non jerens , nunquàm
se Balduino salis œquum pnebuit (17).
Au reste , la date de sa vocation à la
chaire de jurisprudence à Bourges
nous fait connaître une méprise de
M. Butlart. 11 «lit que cet habile hom-
me était passé à Genève , pour appren-
dre de la bouche même de Calvin cl de
Bèze la raison qui les avait obligés h
quitter l'église romaine (18). 11 re-
connaît que ce voyage précéda le
temps auquel Baudouin fut fait pro-
fesseur à Bourges : il doit doue tom-
ber d'accord que Baudouin le lit avant
l'année i5^9 , et par conséquent lors-
que Bèze n'était pas encore un sujet à
consulter sur ces matières. 11 est sûr ,
i°. que Bèze était encore papiste, et
à Paris , lorsque Baudouin prônait
dans les compagnies les lettres de Cal-
vin et de Bucer ( 19) ; 2°. que Bau-
douin s'était retiré de Genève avant
que Bèze y alhlt (20). Ceci nous four-
nit une forte preuve de la fausseté que
Varillas a débitée dans ces paroles :
Calvin , qui prétendait le pousser par-
les mêmes voies que Bèze s était ac-
crédité dans le parti , l'avait appelé
h Genève , reçu dans sa maison , mis
(12) Voyez la Réponse de Bèze à Baudouin ,
Oper. , tom. II, pag. 2i3 , 214.
(i3 Beza, ibid., pag. 2ij.
(i4) Itlem, ibid. , pag. 21 3.
(i5) Il fallait dire i55o. Voyez l'article Dua-
reh, remarque CE).
(1G) Ménage , Remarques sur la Vie de Pierre
Avrault. pag. i5~.
(17; Papyr. Masso, Elogior. part. II, pag.
337.
(18) Bullart. Académie dos Sciences, tom.. I,
pag. 228. I.a même faute est dans le Théâtre de
Ghilini , tom. Il , pag. 83.
(ij)> Beza, Respons. ad Balduin., pag 206.
Ojper. . tom. 11 Votez que Baudouin, dans ta
lit'. Képonse , folio 80 verso , dit que cela ap-
partient a l'an ir>.)li.
(20) Balduin., ibid. , folio 83 verso.
i96 BAUDOUIN.
dans V intrigue du consistoire , et s'en ment à la couronne (25). Mais tout
était serin plusieurs années en qualité cela n'effleure pas même l'ecorce de
de secrétaire. Mais , soit que l'humeur l'intrigue que Théodore de Bèze a ra-
de Baudouin J'ilt exlraordinai renient conte'e. 11 dit qu'après la mort de
inconstante , comme les calvinistes François II , ceux qui craignirent de
lui reprochèrent depuis, ou qu'il eût perdre leur autorité à la cour de
reconnu que le calvinisme n était France , travaillèrent principalement
qu'une hypocrisie raffinée, comme Me à faire rentrer dans la communion
publia dans une piquante apologie , il romaine le roi de Navarre (26). Ils
se retira de Genève a Heidelberg (21). l'engagèrent à envoyer un ambassa-
Bèze n'était pas encore de la religion, deur à la cour de Rome, sous l'espé-
quand Baudouin reçut de Calvin tant rance , ou de recouvrer son royaume,
de marques d'amitié. Baudouin , ou d'en obtenir un autre du roi ca-
après les avoir reçues, ne s'en alla tholique, par les bons offices du pape,
point à Heidelberg : il s'en retourna Ils lui firent espérer d'un autre côté,
en France, et fut professeur à Bour- par des personnes apostées , que les
ges pendant sept ans. J'avoue qu'a- protestais d'Allemagne se pourraient
près cela il fut retrouver Calvin à unir en sa faveur pour lui faire recou-
Genève (22) ; mais il s'y arrêta peu : vrer la couronne de Navarre , et sur-
il y essuya une rude réprimande; il y tout si l'on pouvait moyenner une
témoigna son repentir, et se trans- concorde de religion. Ils lui parlè-
porta bientôt à Strasbourg, par le rent d'un professeur d'Heidelberg ,
conseil de Calvin, et il n'enseigna le nommé Baudouin, qui serait propre
droit à Heidelberg, qu'après lavoir à négocier de telles affaires. Il le fit
enseigné dans Strasbourg. Quùm illà venir en France : il conféra avec lui ;
bituricensis condilio eum gravaret (os- et le jugeant propre à trouver des
tentatio enim , quâ solâ pollel, eva- voies d'accommodement de religion ,
nuerat, ut spei et vous minime satis- il le mit en couvre : et après quelques
faceret) non dubitavilhuc serecipere : ébauches préparées à Paris , il le
et quùm undique liberis eum convitiis renvoya en Allemagne , et le chargea
exagitârint qui prias amici fuerant , nommément de consulter avec Cassan-
huinanker à me impetratd venid ad- der. Cette intrigue destinée à rompre
viissus fuit. Feci quidem quod necesse le colloque de Poissy ne le rompit point.
erat , ut severd objurgatione correctus Les ministres y avaient déjà comparu
lapsus suif œditatem agnosceret. Ser- deux fois, lorsque Baudouin fut de
viliter assensus est, et adulatoriè meis retour, chargé d'un projet de concorde
seconsiliisregendum permisit. Argen- imprimé à Baie (27). On le gronda
tinam profectus nomen dédit apud d'être revenu trop tard : il trouva
pastorem et seniores gallicanœ eccle- changé l'évêque de Valence , qui lui
sice (23). Voilà comment M. Varillas avait promis une profession en droit,
s'instruisait des choses dont il se mê- Tout ce qu'il put obtenir fut la char-
lait de parler. ge de précepteur du fils naturel du
(C) // fut attiré par Antoine de
de Navarre. Il s'en alla à Pai
Bourbon , roi de Navarre. ] Les uns et se fit valoir par des leçons où il joi-
disent qu'il était alors en Lorraine , à g"1.1 le droit civil avec l'histoire;
la suite du prince Casimir , fils de mals " Pertllt s;» réputation , quand
Frideric comte palatin (24) ; les au- on eut lu le livre qui lut publié con-
tres , qu'il était revenu en France trel accommodement des religions
avec l 'héritier du comte palatin , qui qu il avait apporté d Allemagne. Il
venait saluer Charles IX, a son avéne- Pnt le parti de se déiendre , et d'é-
crire contre Calvin. Cela eut des sui-
. . „ ... „. . , n. , ,,. , r tes , comme on le verra ci-dessous.
(21) Varillas, Hist. de (.lianes IX, loin. I ,
pag. 89 , édition de Hollande, en 1686
(32) Beia , Respons. ail Bald , Oper., loin. II, (23) Ménage , Remarques sur la Vie de Pierre
pag. 2i3. Ayrault, pag. 157.
(s3) CaKin., Respons. ad Balduin , pag. iGS. (26) Theod. Bezœ ad Francisci Balduini Ece-
Tra-.tat. Tlieolog. bolii convicia Respons. , init. , pag. 201 et set/.,
(24) Valer. Andr. , Bibl. bels., pag. 222. Cela f>m. Il Oper.
est conforme au narre' de Baudouin dans sa (27) On rCy mit ni le lieu de l'impression , ni
IIIe. Réponse, folio iji. le nom de V imprimeur. Beza, ibid. , pag. 202.
BAUDOUIN.
'97
M. Varillas peut confirmer quant
au fond ce récit de Théodore de Bèze.
Il dit que Baudouin <c se retira de
3) Genève à Heidelberg , où il professa
» la jurisprudence , jusqu'à ce que ,
» Cassander lui ayant inspiré la pas-
» sion de réunir toutes les religions, il
» Il faut avouer que les catholiques
» ne reçurent jamais de conseil plus
» salutaire ([ne celui de Baudouin ; et,
» s'il eût été exécuté avec autant de
«diligence qu'il en était besoin pour
» le succès d'une intrigue si délicate ,
» on eût prévenu tous les maux qu'on
.. ■» .1 ' _..M._. J_ I- . <■'
» crut qu'il fallait commencer par la » vit depuis naître de la conférence
» de Poissy. Et de fait , les ministres ,
» qui n'ignoraient aucune des plusse-
» crêtes maximes de leurs adversai-
» res, ayant su ce que Baudouin avait
» propose à leur désavantage , s'em-
» portèrent contre lui dans tous les
» excès que l'indignation , le dépit ,
» la jalousie et la fureur , peuvent,
"inspirer, lorsqu'elles sont animées
» par le faux zèle, et qu'elles se cachent
» sous une si spécieuse couverture. »
Notez que M. Varillas se trompe ,
j> France , où il s'attendait de trouver
» moins d'opposition. 11 vint à Paris
)> où il porta et communiqua au car-
» dinal de Lorraine , la fameuse con-
■» sultation que le même Cassander
:i avait composée pour l'achèvement
3> de son projet. Le cardinal de l.or-
)j raine la reçut avec d'autant plus de
» joie qu'il prévoyait qu'encore qu'elle
» ne produisît pas tout l'effet que son
» auteur avait prétendu , elle commet-
» trait du moins les protestans les
» uns contre les autres , et diviserait quand il dit que la consultation de
» les ministres de l'assemblée de Pois- Cassander fut portée par Baudouin au
» sy , par les ouvertures d'accord cardinal de Lorraine. Elle ne fut faite
)> qu'elle suggérait aux plus modérés que trois ans après (3o). Je donnerai
» d'entre eux (28). » M. Varillas ve- ci-dessous (3i) le titre de l'ouvrage
nait de dire que Baudouin par cette dont il fut porteur , et je dirai (3'>s)
aventure devint précepteur du fils qu'on l'employa auprès du prince de
naturel du roi de Navarre. Il raconte
ensuite la manière dont les ministres
se tirèrent « du mauvais pas où Bau-
n douin les avait engagés. Mais , ajou-
» te-t -1/(29) , ils n'eussent pas démêlé
Condé , pour moyenuer un accord
ecclésiastique.
(D) On le voulut avoir , pour ensei-
gner la jurisprudence dans l'académie
de Douai. ] Le marquis de Bergue , et
» avec autant de facilité la seconde plusieurs autres grands seigneurs du
» dilliculté de Baudouin, si la fortune Pays-Bas , engagèrent Ma\imilicn de
» ne les eût secondés. Il avait persuadé Bergue, archevêque de Cambrai, à
« le cardinal de Lorraine, de mander faire en sorte qu on procuriH à Bau-
» les plus fameux professeurs luthé- douin cette chaire de jurisprudence.
)> riens du Palatinat et du duché de Ils souhaitaient de se servir de ses con-
» Virtemberg , pour les introduire seils dans les affaires d'état et de reli-
» dans la conférence , où il était as- gion (33) ; car ils savaient qu'il était
» sure qu'ils s'emporteraient avec plus d'avis que l'on modérât les ordonnan-
» de chaleur contre les calvinistes, ces contre les sectaires (34). Nuiu Bal-
» que contre les catholiques ; et (pie duinus in eâ erat senlenùd , ut rete-
» par cet artifice , outre le plaisir rem edictorum sct'eritalem îeniendam
» qu'il y aurait de voir les hérétiques profiteretur , ajjirmaretque , retinere
» aux mains les uns contre les autres , ed ratione ecclesiœ auctorilalem neque
» leur opposition les rendrait ridicu
)) les à la cour , où leur doctrine était
» auparavant admirée : et le peuple ,
» qui les croyait uniformes , appre-
» nant qu'ils s'entrc-déchiraient ,
feteres consuesse, neque us , qiiir tune
erant , temporibus diii posse (35). On
a donc sujet de croire qu'il s 1 a re-
tourna à Paris , pour n'être point en-
gagé par le duc d'Albe dans les pro-
» changerait si promptement en mé- cédures cruelles qui se préparaient
» pris son ancienne estime pour eux ,
» qu'on ne verrait plus de Français
» sortir de la communion de l'Eglise.
<28) Varillas, Histoire de Charles IX , loin.
Ier , pag. ijo , édition de Hullnndc. Vojet aussi
M. Je Thou , liv. XXFIII, pab-. 567.
(29) Varillas, Histoire de Charles IX, pag. 91.
(3o) V<nez Spomle, àl'ann îVJj , nwn. -x-.
(3i) Dans ta remarque (H).
(32) Dans la remarque (î&]
(33) Yaler., Andréas , Bibliolli. belgici* pa. >.
111,
(.'4) Idem, ibidem.
(i5j Idem, ibidem.
i9B BAUDOUIN.
Acné forte quœsitor reis datus , capi-
talibus sentenliis provincialium suo-
rum subscribere cogeretur (36). Les
mécontens du Pays-Bas se promirent
bien des choses d.: ses conseils , puis-
qu'outre les principes que je viens de
rapporter, il avait beaucoup d'adresse
à manier les esprits , et beaucoup de
science du monde : Ut in Belgium
venil , magnum sui exspectulionem
omnibus Jecit. Solers animo , obse-
quendi gratid , et civili congressu ,
nec minus ojficii comilate , ad ingénia
principum vilam instruxerat. IVec
enim novorunt honiinum deliramenta
sectabalur , et rursùs in religione scru-
pulum oderat. Uunianiusque credebat,
iniquitati temporum cedere , pietalis-
que irUegritatem in paucis violare ,
quant, vint adfene lurbatis conscien-
liis , quas in contaminatis hominibtis
nulla uiiquam supplicia eluunt (37).
L'auteur que je cite venait d'observer
que Baudouin avait été fort connu de
Louis de Nassau à Heidelberg. La troi-
sième apologie de ce jurisconsulte
nous apprend que le prince de Nas-
sau , qu'il avait eu à Strasbourg pour
auditeur , lui avait fait depuis peu
beaucoup de caresses dans les Pays-
Bas (38). Ajoutons qu'il fut estimé de
Guillaume, prince d'Orange. Francisco
Halduino , jurisconsulte egregio , pa-
cis ecclesiasticœ studioso , magnifaclo
a principe Arausionensi IVdhelmo
aliisque Belgarum proceribus qui et
opéra ejus usi sunt , cur credi non de-
beat , nihil causœ est (39). C'est Gro-
tius qui parle ainsi , et qui assure que
ce prince et les autres grajids seigneurs
du Pays - Bas se servirent de Bau-
douin.Ce fut dans leurs premières dé-
marches contre l'Espagne. 11 se trou-
va à leurs premières assemblées de
Breda , et ils lui tirent dresser l'é-
crit par lequel ils demandaient à la
ductiesse de Parme le libre exercice
de la religion. 11 montra qu'une reli-
gion ne peut subsister sans l'exercice
extérieur , et qu'elle demande cela
comme un appui et un aliment né-
(36) Papyr. Masso, Elog or. pari. II, pag.
259.
(37) Nicol. Burgund., Ilist. belg., lib. II,
PaS. 67.
(38; Balduinns , ïfi Respons. ad Calvin, et
lîpzam ,J'olio 88 verso. Elle Jut imprimée Van
i564
(39) Grotius, in Rivetiani Apologetici Discus-
sione, pag. 23.
cessaire'(4o). L'auteur qui m'apprend
cela , observe que Baudouin avait été
rappelé de son exil par l'archevê-
que d'Arras. Ab exilio per archiepis-
cnpum Alrebatensem ( il fallait dire ,
episcopum Alrebatensem ) revocalus
(4>) Afin d'entendre cela , il faut sa-
voir que , se voyant déféré comme
hérétique , il sortit de sa patrie , et
qu'après sa fuite on prononça contre
lui une sentence de proscription (42).
Elle fut révoquée lorsqu'on le iit ve-
nir pour le consulter sur l'état du
Pays-Bas. Notez que l'auteur qui parle
de l'archevêque d'Arras ne rapporte
point le fait comme il faut : la Chro-
nique de Jean-François le Petit , à la-
quelle il nous renvoie , nous en dira
mieux les circonstances : « François
» Bauduin , ayant auparavant été
» banni de la ville d'Arras pour la re-
» ligion , fut mandé par ledit seigneur
» prince d'Orange , de France , pour
» l'ouïr sur les difficultés qui s'y re-
» présentaient ; lequel , après son ban
» révoqué par la chambre d'Arthois ,
» à l'instance de l'archevêque de Cam-
» brai , s'en alla trouver ledit seigneur
» prince en la ville de Brusselles , où,
» ayant communiqué avec lui et avec
» les seigneurs ci-dessus, il dressa un
» discours en forme d'avis sur le fait
» du trouble apparent pour le fait de
» la religion , lequel fut envoyé au
» roi en Espagne , adressé en ses
» mains propres , auquel est montré
» le vrai moyen qu'il faudrait tenir
» pour obvier à toutes émotions, et
» pour extirper les sectes et hérésies
» (43j. » On trouve ce discours-là
tout entier dans la chronique de Jean-
François le Petit. Jl est beau et fort
sensé. Baudouin , à ce que dit ce chro-
niqueur , atteignit quant au remède
des troubles le vrai neud de la beso-
gne , que le roi et son conseil ont de-
puis peu avoir cognu entre véritable.
Notons en passant que les écrivains
qui parlent de lui disent à tort que
(4>>) Joli. Grevius, Epist. ad Bernhar
Brantiuni. C'est la CCCLXXVI* . des Epi
eedeMast. et ibeologicœ , éda. d'Amslerdai
1684 II cite Jean Petit , loin. I.
(4i) Idem, ibidem.
/42J Voyez Nicolas Burgund. , Hist. belg. ,
II , pag. 66.
(43) Jean-François le Petit, greffier de
thune en Artois, dans sa Grande Cnrooiqui
Pays-Bas, loin. II, pag. j5, e'du. de Dordre
en 1601.
du m
slolae
m.
ht,
BAUDOUIN. i99
du Pays-Bas il s'en alla à Paris. Ils présens. Le comte Louis de Nassau le
devaient dire qu'il n'alla à Paris qu'a- sollicita plusieurs fois à tenir parole,
près s'être réfugie' à Genève, où il et tâcha de l'éblouir par l'éclat d'une
se (it de la religion (44)- M Sf> van_ dignité prochaine , imminentium No-
tait que , pour faire profession de l'E- nnrum blanditiis allicere (47) ; mais
vangile , il avait souffert l'exil et la Baudouin ne crut pas trouver son
privation de tous ses biens ; mais quel- compte dans l'affaire qu'il avait pro-
ques-uns assuraient que sa mère lui fit mise : tous ses amis luidéconseillèrent
tenir tout ce qu'il pouvait prétendre de s'y engager, et il espéra plus de
de patrimoine. Fortunisexutum fuisse récompenses de la peine qu'il prenait
negant conterranei et familiares : quia à mettre d'accord les Bourbons avec
extra Cœsaris ditionem a matre et les Guises (48). Voilà des choses qui
cohœredibus permissum fuit sumere méritaient bien d'être touchées par
quantum ex hœreditate , si intégra Papyre Masson : et cependant il n'en
fuisset e.jus ennditio , pervenire ad a pas dit un root ; et au lieu de cela
eum poterat : ùt ne quidem assis jac- il nous raconte que les Espagnols le
luram feceril. Et aliquandà coraru demandèrent pour la profession en
homini gratulalus sum , quod tam fa- droit civil dans l'université de Douai ,
cilèrecuperdsselquodsibi vredebat pe- qu'ils lui promirent six mille flo-
riisse (^5). Observez, je vous prie, rins de gages par an, et une por-
un défaut d'exactitude dans Papyre tion de cinquante mille florins aux
Masson. Il ne dit rien du voyage que confiscations des gens proscrits , et.
notre Baudouin fit au Pays-Bas , à la que le duc d'Albe le reçut civile-
sollicitation des grands seigneurs qui ment , etc. Il paraîtrait fort étrange ,
voulaient remédier aux désordres que que les Espagnols eussent honoré de
la trop grande sévérité des lois péna- cette manière un homme qui avait
les contre les sectaires produisait de favorisé les desseins du prince d'Oran-
jour en jour. Il n'a parlé que d'un ge , si l'on perdait de vue la mobilité
voyage fait sous le gouvernement du de Baudouin , je veux dire son extre-
duc d'Albe. C'est avoir oublié le prin- me facilité à prendre un nouveau
cipal: c'est réduire toute cette affaire à parti. L'historien que je cite , ayant
une petite partie- Ce que j'ai cité de rapporté un beau discours du prince
Valère André , et de Nicolas Burgun- d'Orange, ajoute quec'était lefruit des
dius, et de quelques autres , et qui est conversations de Baudouin. Nemini
fort considérable dans la vie de Ban- mirum videri débet ,tantami n illoprin-
douin, se doit rapporter à l'an i564 ■> clPe e^ux^sse cognilionem philnsopliiœ,
sous le gouvernement de la duchesse ex Halduini colloquiis hauserat (49J-
de Parme. Ce fut cette année-là que Je dirai ailleurs (5o) ce qu'il fit au
Cassander et Baudouin fuient attirés sujet de la Saint-Barthélemi.
par les mécontens. L'un, savoir Cas- (E) Leduc d'Anjou le fit venir
sander , fut indiqué par le comte de a Paris au temps que l'on y reçut
Hornc ; et l'autre , par le comte Louis l'ambassade polonaise. ] Baudouin
de Nassau (46). On crut que c'étaient était maître des requêtes de ce prin-
detix hommes qui pourraient pari- ce(5i) : il s'acquit les bonnes grâces
lier les dilVérens de religion. Le prin- des ambassadeurs de Pologne par les
ce d'Orange combla de promesses conversations qu'il eut avec eux, et il
François Baudouin , et le destina , publia un discours de l.egnlione Po-
non-seulement à une chaire de pro- lonicd , dédié à Jean Zamo'-ki (5a; :
fesseur dans l'université de Louvain , on croit qu'au printemps suivant il
ou dans l'uniTersîté de Douai, mais cu' et^ e" Pologne, s'il ne fut pas
aussi à une charge au conseil privé. ft,) \icoi. Bnrgmi». , Hist. belg. , lib. II ,
Baudouin , retournant en Fiance pour p«>' (>s
revenir dans le Pays-Bas en temps et W) Tin' de Nicolas Burgund. , pag. 6-, Cs.
lieu , reçut de ce prince beaucoup de C4«*) Nirnl- Burgund., Hi>i. belg., pag. i3i.
"* r ad ann. i564-
tt.r\ V„.,„ • j /,, , ('"<°) Pant la remarque (A) de l'article de
'44) ' o.yez ci-dessus , citation (4) , les para- ,p;„rl.„i <„.„, r.T ..„ ' '
//e\ r I-: n , i> 1 1 ■ . ;5i) Menag? , Remarques sur U > 1e d Ayrault.
(43J < alvinus, Respons. ad Balduinum , sub pa„ ,35 » • M 1 .
iîn;/,cri'.570JTrAe'V,UUm"ie0lOS'COr- («■) CVtoèl l'un des ambassadeurs de Po-
'l\t>) trere d» Guillaume , pnnee d'Orange logne.
2oo BAUDOUIN.
mort. Voilà tout ce que Papyre Mas- logne , leurs harangues, et les répon-
son raconte de cette affaire. Prenons ses qui leur furent faites, ne dit rien
donc pour des hyperboles fabuleuses de notre Baudouin (54). C'est toujours
la plupart des faits que M. Bullart l'évèque de Posnanie qui harangue :
nous va conter. Ce fut pendant le se- c'est toujours un chancelier qui lui
jour de Bauduin à Angers , qu'arrive- répond : Birague, chancelier de Fran-
rent en France les seigneurs polonais, ce, répondit quand ils haranguèrent
qui venaient offrir leur couronne à Charles IX. Chiverni , chancelier du
Henri, duc <V Anjou. On avait besoin duc d'Anjou, repartit quand ils ha-
d'un habile homme pour recevoir cette Tanguèrent ce duc , et quand ils lui
superbe ambassade, et pour y répon- lurent l'acte de son élection. Si quel-
dre. Il était important défaire des re- que autre prend aussi la parole, c'est
mercîmens de cette offre , sans abais- Nicolas - Christophle Radzievil de la
ser la dignité royale qui était offerte: part des Polonais (55) ; c'est Paul de
il fallait parler en roi et en homme Fois de la part de Charles IX (56). Ma
reconnaissant : on ne trouva personne remarque serait plus faible si absolu-
es France plus capable de l'entrepren- ment M. de Thou n'avait fait aucune
die que le sage Bauduin. Le duc d'An- mention ni de Zamoski ni de Bau-
joul'ay mit fait venir à Paris, ce grand douin ; mais il se trouve qu'il parle
homme parut dans les salles du Lou- d'eux , et voici comment. Il assure
vre entre les premières personnes de qu'on vit imprimée une harangue de
l'état : il fut l'interprète de cette fa- Zamoski ; mais que l'on ne savait pas
meuse légation : il n'eut pas moins qu'elle eût été récitée : /// eandem rem
d'acclamations par l'excellence de sa édita an habita sit incertum oratio lu-
réponse, que le fameux Zamoski par culenta a JoanneZario Zamoscio(5"j) :
celle de sa harangue ■ et il se rendit **■ il ajoute que Baudouin fit im pri-
ai considérable à ces illustres ambas- mer une autre harangue adressée à
sadeurs, qu'on résolut de l'envoyer en Zamoski. N'est-ce pas clairement nous
Pologne, pour affermir cette couron- ,ai,e entendre que Baudouin ne fut
ne sur la tête du nouveau roi, et pour Pas choisi pour interpréter la haran-
disposer ces peuples à le recevoir ; mais §'le de ce Polonais , et pour y répon-
se dernière maladie , qui lui survint ^re en présence de toute la cour?
au même temps, le frustra de cet hon- Quoi de plus fort contre le narré de
neur , et le duc d'Anjou de l'espéran- M. Bullart ?
ce qu il avait de rétablir l'université (F) // mourut entre les bras de sa
de Cracovie par son moyen (53). 11 ne fille unique. ] Elle se nommait Cathe-
poiu ait guère rien arriver d'aussi glo- rine , et fut « mariée en premières
lieux que cela à un professeur d'An- » noces à Jean de Sauzay , sieur de
gers : d'où vient donc qu'un de ses » Sainte-Ouanne en Poitou: etense-
meilleurs amis n'en parle point dans » condes à Adam le Changeur, sieur
1 éloge qu'il lui consacre? On ne sau- » du Cotau en Berri (58). » Elle na-
rait en donner de bonnes raisons , à quit à Heidelberg (5g). Sa mère s'ap -
moins qu'on ne dise que cela est faux; pelait Catherine Biton , et était de
car il est contre toutes les apparences Bourges. Elle était veuve de Philippe
qu il eût ignoré une telle chose, si elle Labbe , bisaïeul du père Labbe , jésui-
iùt arrivée. Il doit être permis aux fai- te , quand elle épousa Baudouin (6o).
seurs d'éloges de se servir d'un langa- Elle avait de son premier mari quel-
ge plus figuré et plus flatteur que s'ils ques enfans qui, non moins que leur
faisaient une histoire ; mais la men-
(54) Thuan. , lib. LVïI initia.
(55) Idem , ibid.,pag.^.
(56) Idem, ibid.,pag.%.
(5^) Idem ibid. , pag. (\-. Notez nue les pa-
ge* sont ici très-mal marquées dans l'e'dilion de
M. de Thou , faite a Francfort , en IÔ25.
,'58) Ménage, Remarques sur la vied'Ayrault,
pag. i58.
(59) Papyr. Masso , Elogior. parle II, pag.
261.'
(60) Ménage, Remarques sur la vie d'Ayiault,
pag. »58.
terie ni les amplifications capables de
faire changer l'espèce d'une aventu-
re ne leur doivent pas être plus per-
mises qu'aux historiens : ainsi l'on
peut dire que M. Bullart s'est jeté
dans des excès inexcusables. M. de
Thou , qui a raconté exactement ce
qui concerne les ambassadeurs de Po-
(53) Bullart, Académie des Sciences, loin. I,
pag. 221).
BAUDOUIN. 201
aïeul , furent ruine's par leur parâtre, son Ad loges de famosis libellis , et de
à ce que conte Calvin. Ipsum minime, calumniatoribus , Commentait n'i , ini-
ç-ofj-ixov esse clamant Bituriges qui prime à Paris, chez A ml ru Wechel,
suos pr'wignos sirnul cum eorum àvid Tau i56a , in-$°. La réplique de Cal-
spoliaverit (61 ). Le jurisconsulte ai- vin (66) fut en campagne bientôt après,
mait mieux laisser une fille qu'un fils, avec de très-bons renforts: car elle
parce qu'il craignait le destin de Ci-
cèron , dont le tils ne tenait rien de
L'éloquence du père. Perconianti milii
inallet ne Jiliam quant Jilium habe-
re , « Minime (62), inquit, Rom a enim
» Ciceronis filium non agnoscebat lo-
)< quentem (63).
fut accompagnée de plusieurs pièces
composées par de bonnes plumes : et
sur le tout on fit imprimer les lettres
que ce déserteur avait écrites en divers
temps à Calvin. Respondit quoque
Joannes Crispinus ejus conlerraneus ,
et perpeluus , quoad ejus fieri potuit ,
(G) le i\ d'octobre i5^3. ] Et amicus. Adjuncta sunt quorundam in-
non pas l'onzième de novembre 15^2 , signium virorum scripta , quibus per-
comme dit Valère André. M. de Thon petua istitis improbitas , summa impu-
met sa mort à l'onzième de no- dentia , et ex tréma inscitia ita mani-
vembre 1573. M. Ménage la met au feslè redarguitur, ut ne nunc quidem
1 S d octobre '5^4 > et néanmoins il ne possit ignorantiamsuamdiffiteri, Ad-
lui donne que cinquante- trois ans,
neuf mois et vingt-quatre jours de vie,
quoiqu'il eût mis sa naissance au Ie
janvier i5ao. Ces deux fautes ont été
prises de la Croix du Maine.
(H) La querelle de Calvin et de
Baudouin.... fut très-rude. ] JVn ai
dilœ sunt denique ipsius lillerœ vartts
tempnribus ad Calvinum scriptœ , ut
horrenda ista defectio, ipsius aposta-
tœ testimonio apud ovines bonos san-
ciretur (67). On connaîtra plus exac-
tement la nature de ce recueil , si j en
donne ici le titre : le voici donc.
rapporté l'origine- (64) quand j'ai dit Joannis Calvini responsio ad Balduini
que François Baudouin distribua un Convicia; Ad leges detransfugis , de-
livret sur la réunion des religions,
pendant la tenue du colloque de
Poissy. C'était un discours latin ano-
nyme que Cassander avait composé ,
et qui avait pour titre , De officio
pii ac publicœ iranquillitatis l'erè
amantis ciri in hoc Religionis dissidio .
(hiand on sut à Genève le préjudice
que Baudouin voulait causer aux réfor-
més avec ce livret, on crut, qu'il fal-
lait faire connaître au public ce per-
sonnage. C'est pourquoi Calvin, en
réfutant cette pièce , qu'il attribuait
à Baudouin , le piqua et le fouetta un
peu rudement. Sa réfutation est inti-
tulée , Responsio ad l'crsipellem quen-
dam jyiedialorem , qui pavijicandi
specie rectum evangelii cursum in Gal-
lid abrumpere molilus est. Elle est dans
le volume des opuscules de Calvin ,
pag. 35 1 et suivantes. Baudouin se
détendit , en publiant un ouvrage pour
lequel il avait obtenu un privilège dès
l'an i557 : i' 'e retoucha , il y joignit
un appendix (65). Ce fut en un mot
(61) Calvin , Tractat. tlieolog, pag. 3-o.
(G2) // fallait dire imù; car minime fait ici
tn sens contraire a la pensée de Masson.
(Gi) Papvr. Masso, Eiosior. part. Il . pag.
16».
(64) Pans la remarque (C).
(lia) Voyez Theuduri Beix Respons. ad Bal-
serloribus et emansoribus , Francisai
Balduini Epistolte quœdam ad domi-
nent Caù'inum pro commenlariis ;
Francisci Duareni J.-C. ad alterum
quemdant jurisc. JJpislola , de Fran-
cisco Ralduino ; Antonii Conlii J.-C.
Admonitio de falsts Constantini Le-
gibus ad quendam qui se hoc tempore
jttrisconsultum chrislianum profitetur;
!)<■ officio tum in Religione lum in
Scriptionibus retinendo £pistola ad
i'i anciscum Balduinum juriscomulr
tum ; Ad legem III C. impp. de apos-
tatis, Joannis Crisjnni commentai iits
ad jurisconsultes. Ce recueil de pièces
fut imprimé l'an i5G-î, in-lf : il con-
tient 117 pages. Baudouin composa
une seconde Réponse, qui fut impri-
mée à Paris ut à Cologne, l'an i5f>2.
Calvin , ne jugeant pas à propos de la
réfuter . se contenta démettre au jour
mit; page d'écriture , où il apprenait
au public qu'il ne voulait plus ré-
pondre à cet adversaire (68). C'est
du ni uni , pag. 302 , 20g , et Calvini Respons. ad
B.ildtiin.. inilio.
(66) Intitulée : Responsio al Balduini Convi-
cia : elle eit au même volume des Opuscules,
pag. 365 et suie.
((>-) Beza , Respons. ad Balduin. . pag. 10-2.
Elle a été mal place dan t le ifi lume fie
ses Opuscules cai On la mise a la Icte du second
202 BAUDOUIN.
là qu'il lui reproche d'avoir violé les cela est faux : on ne voit donc point
droits d'hospitalité', en dérobant des là-dedans la fidélité et l'exactitude qui
papiers qui fussent propres à un coup devraient y être.
de perfidie. Antequam respondeo , dit- (1) * Bèze y entra avec un peu
il (69) , monendi sunl lectores nihil hdc trop d'aigreur , au jugement même de
moneduld esse furacius , ut hdc parte plusieurs personnes de son parti.']
frai rem suum patruelem Antonium L'ouvrage qu'il fit là-dessus, est au
Balduinum superct, cui obfurandiso- IIe. tome de ses œuvres (^3). Voici un
lerliam , cognomen ablativi a condis- petit extrait delà lettre que Sainte-
cipulis inditum fuit. Tanta fuit mea Aldegonde lui écrivit l'an i566. Sta-
erga ipsum facilitas , ut quicquid erat tueram prœterea certiorem facere le
in bibtiothecd meâ chartarum libère, quant hic sinistré plerique inlerpre-
me absente , excusserit. Subripuisse lentur libellas isihic ultro citroque
quœ in rem suum fore putabat , non tum in Balduinum tum in Heshusium
aliundè petenda est luculentior pro- scriptos , ex eoque homines malevolos
balio , quant ex ejus scripto , in quo se gravent evangelicœ veritali conciliare
belle prodidit. Certè fides ejus et hos- invidiam. Sedquoniamaudiviteharum
pitalilas hic deprehenditur. Bèze prit rerum ab aliis esse factum certiorem ,
sa place, et répliqua au second écrit volui ab hoc argumento supersedere.
de Baudouin, qui leur opposa assez Bogolamen, observandeinChrislo pa-
promptement une troisième Apologie, rens , ut vel in harum regionum gra-
Elle parut l'an 1 564 1 et a pour tilre : liant in quibus non modôcum hypocri-
P10 frr. Baldutno responsio ad Cal- tis eo nomine nobis est colluclandum ,
vinum et Bezam ; cum refutatione verumetiam ab apertis hostibus gravia
Calvini de Scripturâ et 2'radilione multa perpetienda (qui suant tyranni-
(70). On pourrait compter pour une dem in contenliones nostras dérivant)
quatrième pièce de Baudouin la. Pré' non graveris stylum quam modestis-
Jace qu'il composa sur Optât , l'an simè in evangelicœ veritatis apostatas
i563. Elle fut traduite de latin en ac adversarios temperare. JSon qui-
français par Pierre Viel, qui la mit dem qubd parcendum il lis censeam ,
au - devant de sa traduction fran- qui nullum non lapident movenl, quo
çaise d'Optat , imprimée à Paris l'an nos in invidiam graviorem vocent , sed
1 564 • ne (dum illis pro merito respondetur)
Tirons de tout ce récit une petite quo d suis illi vanissimis erga nos nia-
censure d'un écrivain protestant. Il lediclis atque calumniis nequeunt con-
rapporte les intrigues touchant l'écrit sequi (neque ut Evangelii lucem obru-
de Cassander, et il ajoute que Bau- ant, e/'usque sectalores apertis veritatis
douin n'ayant point été appelé au col- hostibus excarnificandos tradanl) idip-
loque dePoissy, ni par les catholiques, sum nostris etsi justissimis ac verissi-
ni parles réformés, déchargea tout mis, non lamen, uti plerique existi-
son dépit sur les ministres (71), et niant , evangelicd mansuetudine dignis
publia des libelles contre Calvin et vel accusationibus vel responsiotubus
contre Bèze, et que ceux-ci lui répon- adeplos se esse glorienlur. Id sifece-
dirent. Pub/icis scriptis insectatus est '"'•' , uti omnino slaluisse le audio, et
Calvinuntet Bezam, qui edito responso nos ntagnd invidid levons , et illis ip-
ad illius probra respondent , et illum sis perfidis apostatis turpem maledi-
mendacii , perfidiœ , atque impietatis centiœ notant inustam reliqueris. Ita-
reum esse insliluunt demonstrarc(^'i). que ut facias , vehementer hîc omîtes
<.'est déclarer qu'il tut l'agresseur- or Evangelii studiosi (qui te plerique ut
patentent amant et colunt , reveren-
écril mCil [publia contre Baudouin: et néanmoins, turque ut prœceptorem ) etiam atque
elle lut faite après ce second e'cril. _. , t /> xr I-
,■■'-, •/• , • D ,. „ . . „,, etiam te roganl (74). Vous voyez la,
(hf|) Calvinus, in Prœf. Responsionis Théo- ° w~' J
don 15ez;e ad Balduioi Convicia , pag. 200, loin.
II Operum. * Cette remarque (I), dit Leclerc, peut servir
lr)o)Voyei Valère André, Bibliolhec. belg. à faire récuser avec raison la plupartdes écrivains
pug. 224. que Bayle a copiés dans cet article.
(71) Commentaiius de Statu Reipub. et Reli- ("^) P&8- -0I el suiv.
gionis in Regoo Gallia;, tom. I , folio 169, ad (;4) Philippus Marnixius, Epist. ad Theodor.
mim. i56i. Bezam. C'est la VI*. parmi les Lettres de Bèze,
(72) Idem, ibidem. pag. 206, 307 , du tom. III de ses OEurrea.
BAUDOUIN. 2o3
i°. que d'autres personnes avaient déjà mam meam , non multô magis me , si
donne des avis à Théodore de Bêze, res mea privaia ageretur , istà petu-
sur le préjudice que faisait aux ré- lantid commoveri poluisse , quant si
formés l'emportement des écrits qui in his regionîbus versons audhissem
avaient parucontre Baudouin ; les per- canes in Indui latrare. Sed quùrn per
sonnes malintentionnées s'en préva- nostrum lalus vidèrent gallicas omnes
laient pour rendre odieuse la réforma- ecclesias ab isto conductitio rabulà
tion; 20. qu'on le supplie très-humble- conjodi , et tanquam seditiosos docu-
ment d'émousser à L'avenir la pointe sari, quotcumque istorum latronum
trop acérée de sa plume, quand ce ne telis corpora sua non objecerunt , ut
serait qu'en faveur des réformés du facere necessefuit,nisi et Christi eau-
Pays-Bas, qui avaient à dos, à cette sam et regiam majestatemprodere nia-
occasion, non-seulement les hypocrites liassent, peccavi scilicet , quod ejus
(76), mais aussi des ennemis déclarés calumniis sic respondi, ut et ipsum
et violens ; 3°. qu'il était à craindre sycophanlam suis coloribus depinge-
que des réponses véritables et très- rem, et causœ nostrœ bonilatem pro-
justes, mais éloignées de la douceur barenu Ilaque quod ad illum attinet,
évangélique , ne tissent ce que l'impu- non dissmulo nie nullum peccalum
dence des calomniateurs tâchait en agnoscere , et moderalos istos nihil
vain d'obtenir : c'est que la lumière marari. De Heshusio , quoniam aliud
de la vérité fût étouffée, et que ceux argumentutntractabam ,fateor causant
qui la suivaient subissent une cruelle Mam potuisse aliter agi. Sed singula-
persécation ; 4°- clue s* Théodore de ris Ma istius kominis et inscilia et au-
Jîè/.e déférait à cet avis, comme on dacia inhos veluti scnpulos me adegil,
disait qu'il y était résolu, il décharge- ubi tamen sptro me naufragium non
rait d'une grande haine l'église de Jecisse (76)-
.lésus-Christ , et laisserait aux apostats Je ne ferai que deux réflexions sur
qu'on lui avait dites, il ne s'en serait se scandalisent plus de l'aigreur d'un
non plus ému que d'entendre un chien apologiste, que de celle de l'agresseur.
qui eût aboyé aux Indes ; mais que , Qu'il y ait un écrivain qui déchire
S agissant des intérêts de la religion, il toute la terre , les morts, les vivans,
avait cru qu'il fallait traiter selon son jPS souverains, les sujets, ses con-
mérite l'inf;tme apostat qui l'avait ca- frères de religion, les adversaires de
lomniée, et qu'il se mettait peu en SOn parti; qu'il exerce ce métier plu-
peine des scrupules des gens modérés, sieurs années de suite : qu'il devienne
Il faudrait, dit-il, que tes impudens plus fécond en médisances, et plus pi-
mensonges de ce calomniateur les tou- quant, à mesure qu il vieillit : on a
chassent autant que la vigueur de nos des yeux, je l'avoue, on s'aperçoit
réponses. Chacun comprend qu'il est décela, et on le blâme ; niais si enfin
nécessaire que je rapporte ces paroles; cet homme est fort mal traité par
car plusieurs se pourraient imaginer ceux qu'il a provoqués , vous entendez
que j'en pervertis le sens. Les voici cent fois plus de plaintes contre eux
donc : Superest ut ad eztremam tuant q„e contre lui. Ses ennemis mêmes
epistolam paucis respondeam. Baldui- trouvent étrange qu'on ne lait pas
nuni et Heshusium nonnulli vellent traité avec plus de ménagement. Ils
moderatiùs à me fuisse reprehensos. auront lu avec joie ce qui a été publie
Ego uerù cuperem islos œquè njjici a son désavantage, et ils ne laisseront
impudentissimiseorum conviens in ho- pas t]e dire qu'il ie fallait épargner.
mines innoxios contortis, ac juslis C'est un eil'et de l'inclination énorme
nostris dej'cinionibus. Çuid non eniin que Ton a pour la censure. On se plaît
in optimum illum et imtocentissimum à n'approuver rien. Mais ne jugeons
Dei servum jaculatus est J'œdus Me pas ainsi des personnes modérées dont
apostata ? in me veto quid non dut tt ? Sainte AWlegonde rapportait les senti-
Et lumen Deus mihi testis e*t in ani- mens. Elles étaient sans doute cho-
(75) Je ci»is qu.\l entend es anabaptistes. (76. TneoJor. Rct» , Epist. VII , pag. 30ij.
204
BAUDOUIN.
quées de l'audace satirique de Bau- mort misérable pédant (77). Un te"!
douin , encore plus que des invectives mot ne devait jamais couler de la
de ceux qui le réfutèrent; mais elles plume de Théodore de Bézc , profes-
- eussent voulu que la médisance eût seur alors en théologie, et autrefois
été un caractère affecté aux ennemis professeur en grec. Il fallait laisser aux
de la vraie religion , et que ceux qui cavaliers l'incivilité de nommer ainsi
la justifiaient se signalassent par la par méprislespersonnesquienseignent
sagesse et par la modération du style, la jeunesse. Il ne fallait point qu'il dés-
Elles voulaient haïr l'esprit satirique, honorât une profession qui était du
qui fait un mélange de diffamations même genre que la sienne. Si l'on dit
et de raisons, dans lequel les injures qu'il établissait la pédanterie de Bau-
personnelles sont la partie prédomi- douin , non dans la charge de profes-
nante; et elles ne pouvaient le haïr seur , mais dans les défauts personnels,
fort à leur aise, pendant qu'il était on ne dira rien qui vaille, puisque ce
commun à leurs ennemis et à leurs jurisconsulte ne manquait point de
amis. C'est pourquoi ellessouhaitaient, politesse d'esprit, et qu'il savait vivre
tant à cause de cette raison , que pour avec les grands , et entrer dans leurs
quelques autres , qu'on le laissât en intrigues (78). L'envie de le traiter
propre aux écrivains catholiques, et avec mépris obligea Bèze à débiter,
qu'on ne lui ôtât pas, en l'adoptant, que lorsqu'on proposa au roi de Ka-
cette note d'infamie dont elles vou- vaire, en 1 56 1 , de l'employer, ce
laient qu'il fût marqué. 20. Jedis, en prince ne savait pas qu'il y eût au
second lieu, que Théodore de Bèze monde un personnage nommé Bau-
lâcha un peu trop la bride à son ima- douin (79). Voilà l'une de ces choses
gination ; car si le livre qu'il a fait que les auteurs avancent à tout hasard,
contre Baudouin était le seul qui nous et sur lesquelles ils ne peuvent dans la
restât, nous prendrions ce juriscon- suite se justifier. Baudouin assura qu'il
suite , non-seulement pour un fripon avait été recommandé à ce prince par
très-infâme , mais aussi pour un au- la reine de Navarre (80), à laquelle il
teur sans esprit , sans érudition , sans avait eu l'honneur de faire la révé-
aucun mérite. Il en a donc fait une rence le jour des noces de la fille de
description trompeuse, puisqu'on ne cette reine avec ce prince (81). II as-
saillait nier en lisant ce que Baudouin sura que la faveur et la bonne volonté
a écrit, et ce que d'autres disent de de cette princesse confirmèrent le
lui, que ce ne fût un très -habile choix que l'on fit de lui pour la pro-
homme. On peut excuser sur l'infir- fession en droit à Bourges. Cela est
mité delà nature un auteur qui n'a- bien apparent; car comme elle était
voue pas que son ennemi soit docte, duchesse de Berri, et qu'elle prenait
éloquent, ingénieux. Mais s'il lui est à cœur l'intérêt des sciences, on ne
permis de taire ces vérités-là , il doit parvenait pas aux charges de cette
du moins s'abstenir de les nier. L'em- université sans sa participation. Com-
portement qu'un auteur témoigne dans ment était-il possible à Théodore de
les ouvrages qu'il compose contre les Bèze de réfuter sur cela François Bau-
ennemisde sa religion, peut quelquefois douin? Quelqu'un me dira peut-être
venir d'un grand zèle : c'est pour cela que le zèle de religion porte qnelque-
qu'on doit dire que la colère est e'qui- fois les théologiens à traiter de haut
voque entre le tempérament et la dé- en bas, et comme un chétif auteur ,
votion ; mais je ne vois pas comment celui qu'ils réfutent; car ils croient
on pourrait réduire à un principe qu'il est utile à la vraie église que ses
évangélique la fierté d'un écrivain, sectateurs soient persuadés qu'il n'
.l'appelle fierté les airs dédaigneux a que des ignorans qui la co
qu'il se donne , et l'affectation de par- Je réponds qu'un zèle qui ft
1er de son adversaire comme du plus
méprisable de tous les auteurs ; et
cela, contre la notoriété publique ,
contre les preuves que fournissent les
emplois et les écrits de cet adversaire
rabattent,
èrait tenir
(-7) Bàze , Histoire ecclésiast., lit: IV ,pag.
645!
(78) Porez ci-dessus le: paroles de Burgun-
<lius , la remarque (D) , citation (37).
Je voudrais n'avoir pas trouvé dans g,
l'histoire des églises , que Baudouin est (
(79) l'.eza , m Respons. ad Balduin., pag. 20'J.
(80) Balduinus, 111 tertiâ Ke^onsione , folio
(61) C'est-à-dire, l e 20 d'ociobre i548.
BAUDOUIN.
une conduite si oppose'eà la bonne foi,
à la raison, à la justice, et plus encore
à la morale sévère de Jésus-Ctirist , ne
pourrait jamais passer que pour un zèle
très-aveugle. Je passe sous silence l'in-
convénient de cette conduite. Il est aisé
première apologie pourrait lui suflire,
jusqu'à ce que parmi la multitude
des factums que son adversaire ferait
éclore , il s'en trouvât un qui alléguât
quelque chose de nouveau.
(K) // ny a point d'hyperbole dans
de défendre votre cause, pourraient ce qu'ona dit de son auditoire.] On y
dire bien des gens , puisque vous re-
connaissez qu'elle est si mal attaquée :
vos triomphes ne sont pas un signe que
vous combattez pour la vérité.
Jl faut que je fasse encore une ob-
servation. Sainte-Aldegonde ne donna
point tous les avis nécessaires : il en
voyait des évèques , et des conseillers,
et îles gens d'épée. Sainte-Marthe l'as-
sure comme l'ayant vu. Homo, dit-il
(82) , J'acundissimus , ipsoque oris ac
totius corporis habita non injucundus ,
ex historiarum cl avilis disciplina:
conjunctione , suis prœleclionibus gra-
oublia un qui était très-important ; il liant et vénèrent afferebat. Ac eum
n'avertitpas qu'il fallait répondre à la
troisième apologie de François Bau-
douin. Je sais bien que sur les matières
de droit il ne faut point se piquer de
ne laisser sans répartie aucun ouvrage
quidem sœpè vidimus hoc splendido
summœ doctrmœ apparatu, Lulctiœ
profitentem , ciim ad cjus auditorium ,
permulti primœ notas homines , epis-
cnpi , senatores , équités , libenter et
de ses adversaires : on peut dès la se- maximd frequentiâ confluèrent.
conde réplique mettre les choses dans i\^ u n>a pas été collègue de Cujas,
le plus beau jour qui leur puisse être cQmme quelques-uns l'assurent.1 Bèze
donné; et l'on peut après cela se pro-
mettre que les lecteurs intelligens ne
trouveront point mauvais qu'on ne
rentre plus en lice. -Mais dans les ma-
tières de fait , où il s'agit d'accusations
personnelles et diffamantes, il ne faut
jamais que l'agresseur soit le premier
à se taire; car s'il ne réplique point
aux apologies de l'accusé , c'est un
signe qu'il manque de preuves, et
qu'on le contraint de s'arrêter dès
qu'on lui oppose une simple négative.
La troisième réponse de Baudouin est
toute pleine de démentis et de récri-
minations , et conl it- 11 1 même des t.nls
à la décharge de l'accusé. 11 ne fallait
donc point que Théodore de Bèze la
laissât sans répartie : il fallait donc
l'avertir que la première réponse de-
vail être soutenue d'un nouvel écrit
justiticatif du précédent. Dans les
querelles de cette nature , qui < | u i 1 1 e
la partie la perd : le demandeur et le
défendeur sont obligés d<- répondre à
toutes les nouvelles raisons qu'on leur
oppose, fallut il pousser jusques au
vingtième factum. Prenez garde àl'é-
pitbète de nouvelles , dont je me sers;
car si l'accusateur, par exemple , mul-
tipliait sans fin el sans cesse les écri-
tures, ou par lui-même, ou par ses
amis , répétant 1<^ mêmes choses avec
quelque petit changement de forme,
el ne répondant jamais ni aux tait^ oi
au\ raisons de l'accusé, celui-ci pour-
rait garder uu profond sileuce : sa
est de ceux-là. « Il vous est honteux ,
» lui dit-il (83) , de reprocher à Cal-
» vin un naturel incompatible avec
» les autres , naturam àjtoivœvxrôv ;
» vous, qui vous êtes rendu insuppor-
» table à tons vos collègues partout
» où vous avez mis le pied. Si vous
» le niez , Duaren, le Conte, Cujas,
i> Holman, etc., vous convaincront du
» contraire. » Baudouin répondit que
Cujas avait été son successeur à Bour-
ges, mais non pas son collègue, et
qu'ils ne s'étaient jamais vus. Cuja-
cius Balduino in eu scholâ successif :
collega nunquàm fuit, imo aller al-
ternat nunquam vidit. Per lilteras a!i-
qtiando c^Hoculi sunt , sed tam amicè
ut nihil magis. Jmù Cujacius Baldui-
niun rogavit in iltud suum collegium
ut rediret. Si nobis non crédit, Cuja-
cium inlerrogalo (84)-
(M) Je dirai quelque chose de ses
écrits et du plagiai dont on l'acrusa.}
Courant sa vingt-troisième année, il
mit son nom dans la matricule des
auteurs imprimés ; car il publia à
Louvain, en i5^2, Leges dererust
item novella Constitutif) prima de II
redibus el lege Falcidid Justinia u ■
qu'il avait traduites du grec, et ac-
(81) Simmarttianm
86 , tait. Ienens
F.logior. lib. II , pag.
1696. l'vyrz aussi Pa-
M isson , Elogior. part. II . /• -
(S3) Beia . Respons. art Balduio. , pag. 308.
(84) Kespons. pro BaUuino III , folio 85.
2o6 BAUDOUIN.
compagnées de scholies (85). Cela fut non plus oublier que son Constanli-
imprimé l'année suivante (86), à Là Je, nus , sive de legibus Constantini impe-
par Oporin , avec un gros livre d'An- îatoris , imprime' à Bâle, l'an i556 , a
toi'ne Garron. 11 publia à Paris en 1 545., e'té mis dans V Index Librorum ezpur-
Prolegomena de Jure Civiit; et en 1 546, gandorum , et qu'il passe pour l'auteur
Commentant in libros If Institut. Ju- d'un livre qui fut imprime' à Stras-
ris civilis Jusliniani imperatoris. Son bourg, sub Christianorumjurisconsul-
Commentaire sur les lois des XII torum nomine contra Duarenum , l'an
Tables fut imprimé plusieurs fois. La i556; mais qu'il ,1e désavoua (90). On
troisième édition est de Bâle, en 155^, lui donne dans l'Epitome de Gesner un
in-80., cbez Oporin , qui imprima en ouvrage qui est d'un autre Baudouin,
même temps son Juris Ciuilis Cate- Dion hujus, sed Pétri Balduini sunt
cliesis, et son Commentarius adEdic- (gi) : ce sont des notes sur les Offices
ta veterum priiicipum romanorum de de Cicéron. Ce fut lui qui mit en fran-
Christianis , ouvrage qui prêche la to- çais une histoire de Pologne faite en
lérance, et qui, à cause de cela , fut latin par Jean Herburt de Fulstin ,
blâmé par Claude de Sainctes (87). Je castellan de Sanoc. Cette traduction
laisse plusieurs autres livres de juris- française fut imprimée à Paris, en
prudence publiés par cet auteur; mais i573, in-^°. sans le nom du traduc-
voici une chose qui ne doit pas être teur (92). // se masquait quelquefois
omise, et que je trouve datas M. Me- sous le nom de Pierre de la Moche,
nage : « A la prière du prince de Pelrus Rochius (g3) , et se nommait
» Condé, il tit un Traité des moyens Atrébatius, par allusion au juriscon-
» de parvenir à une bonne réjormation, suite Trébatius , et à sa patrie (9^).
» touchant la religion. Ce traité, ayant Pour ce qui regarde les pilleries qui
» été publié par un carme défroqué, lui furent reprochées , vous n'avez
» qui y ajouta beaucoup du sien, qu'à lire ce qui suit. Pudendum est ,
3> Balduin se plaignit de ce procédé et nimikni itliberale illud plagium ,
}> au prince de Condé. Le prince quod ipse inficiari non potest de unno-
» chassa le moine de sa cour , et per- tatiombus in Jusliniani Institutio-
» mit à Balduin de se défendre. Bal- nés Breclhano prœceptori suo surrep-
3> duin, ensuite de cette permission, Us. Ornilto quœ non modo Ferretus
3> fit en latin, et après en français, et Olhomanus, quorum fortassis J'a-
3) son A.vis sur la rejormation de l'E- miliaritate tum abutebatur ex veterz
» glise : et il fit en français sa tie- i lia formula to. to>v «pi'xœv xoivi, sed
■» ponse a un Prédicant calomnia- eliam maximi ipsius immici Baro , et
» teur (88). » On voit dans la IIIe. ré- Uuarenus , optimo jure ex istius cen'
ponse de Baudouin , que par l'ordre tonibus repetunt. Omilto etiam turpis-
de la reine-mère il fut voir en prison simorum erratorum Centurias , quas
M. le prince de Condé, et qu'il confé- Contins et ipse juris inlerpres in istius
ra avec lui sur l'accord des îeligions , Constantino , quamvis exiguo libello,
et qu'on lui commanda de faire un annolavit (g5). Ce Contius , dont
écrit touchant cette conférence qui Bèze parle, était professeur en droit
avait été renouvelée depuis que ce à Bourges , et s'appelait Antoine le
princeeut été remis en liberté. La corn- Conte. On fait aussi mention d'Hot-
position de cet écrit f empêcha d'aller man dans ce passage. Ce fut l'un des
trouver le duc de Guise , et de lui adversaires de Baudouin, et il le traita
porter une lettre (89). Je ne dois pas avec le dernier mépris (96) : il Pap-
(90) Valer. Andréas, Biblioth.belg. ,pag. 220.
(qi) Idem , ibidem.
(92) y~oyez Du Verdier Vau-Privas, Biblioth.
française, pag. 366.
(g3) Il signait ainsi les lettres qu'il écrivait
à Calvin.
(g4) Catherinot , Calvinisme de Berri , vers
la fin.
Uc>) Beza , fiespons. ad Balduini Convicia ,
(88) Ménage, Remarques sur la Vie d'Ayrault, pag. 203 , 204.
pag. i58. (96) Voyez le livre intitulé : Stiigilis Papyrii
(89) Ex Balduini Responsione ad Calviuum et Mas^onis per Matajjouideu» de Matagombus,
Bezam,/o£. 101 verso, et 102. pag. 2G9.
(85) Valer. Andréas, Biblioth. belgicae pag.
223.
(86) Et non pas l'an i534, comme on le voit
dans /'Epitome de Gesner, pag. 236 : une trans-
position de chiffre , faute ordinaire des impri-
meurs , a fait mettre la i534 pour i5/j3.
(8-) Claud. de Sainctcs , ad Edicta veterum
Principum , folio 6 verso.
BAUDOUIN.
207
t
ou
pela même hermaphrodite , et il sera- fâcher, et ils déchargent leur dépi
ble qu'il prenne ce mot au propre, sur ce qu'ils appellent injustice 01
quoiqu'ailleurs il le prenne ^ au fi- aveuglement de la fortune. Ils vont
guré (97). Uxor(inquis), il s'adresse rarement au fait : ils ne s'avisent
à Papyre Masson, mihi nulla est , nec guère d'une autre cause qui produit
uiKjuam fuit. Nec mirum , Massone , cela bien plus souvent qu'ils ne pen-
siquidem lialduini prœceptoris tui si- sent. Ils devraient savoir , qu'afin que
milis es, quem omnes d'uebant esse des qualités e'mitientes portent un
hermaphroditinn (98). 11 se fait un plai- homme à l'élévation qu'elles semblent
sir de dire que Cujas méprisait Bau- lui promettre, elles doivent être se-
douin : Càni omnes sciant quùd prœ- condées par certaines autres qualités
dictus Cujacius non ferait unqu'am ou n'être pas traversées par certains
numerum de Balduino plus qu'am de défauts : car n'étant pas secondées
suis l'eteribus ocreis (99). M. Ménage ou étant traversées , elles sont une
remarque avec étonneraent que Cu- cause insuffisante; et ainsi , selon les
jas n'a jamais parlé de Baudouin (100). lois de la mécanique , il faut qu'elles
Nous avons vu qu'il lui écrivit des manquent leur eflèt. Or voilà ce qui
lettres fort obligeantes (101). arrive à plusieurs de ceux dont les
(N) Il y aurait bien des réflexions talens ont de l'éclat : il leur manque
a faire sur la bizarrerie de safortw certaines choses, avec quoi ces grands
ne.] Il avait de l'esprit , du savoir, talens feraient des merveilles et sans
de l'éloquence, de l'adresse: il était quoi ils nç peuvent, ni les avancer
bien fait de sa personne ; il entendait ni les soutenir. Les qualités de ces'
le manège de la cour. Quelques-unes gens-là ne sont pas bien assorties- il
des qualités que je vicus de spécifier n'y a point entre elles le concert et
se trouvaient en lui dans un degré la proportion qui devrait y être : au
éminent. Il fut employé diverses fois lieu donc de s'entr'aider les unes les
par de grands princes à des affaires autres, elles s'entre-nuisent. Il ne faut
importantes : cela le mettait en passe donc pas s'étonner si l'on ne s'élève
d'un glorieux avancement; et néan- pas, et même si l'on échoue avec un
moins il ne s'avança jamais beaucoup, tel équipage. Pour ce qui est de cer-
et je pense qu'il ne mourut guère taines gens, qui parviennent à une
riche. Combien y a-t-il de gens, infé- grande fortune, etqui s'y soutiennent,
rieurs en toutes choses à cet habile sans qu'on puisse remarquer en eux
jurisconsulte, qui montent bien haut, rien qui ne soit médiocre , il ne s'en
qui parviennent à de grandes char- faut pas étonner. Il y a un tel concert
ges, qui s'y maintiennent, qui s'y ou une telle proportion entre leurs
acquièrent un beau nom , beaucoup bonnes et leurs mauvaises qualités
de richesses, beaucoup d'autorité ! Ils qu'elles se servent d'appui récipro-
ne brillent par aucun endroit : ils quement;et par- là elles forment un
n'excellent en rien : point de qualités principe complet, et suffisant à la
éminentes : on cherche vainement production de mille aventures pro-
en eux ce qui excite l'admiration : et «tables. 11 en est de ceci comme des
on le trouve bientôt en d'autres per- machines ; car quelque grossièrement
sonnes , qu'on voit néanmoins demeu- qu'elles soient faites, elles feront
rer toujours dans un état médiocre , mieux leur jeu , si leurs parties sont
quelque souvent qu'elles aient eu sous placées et proportionnées comme il
la main une occasion favorable. La faut, que la plus admirable machine
plupart de ceux qui font attention à ne ferait le sien , si l'on enôtait quel-
ce train des choses humaines y trou- ques pièces, ou si l'on y en plaçait
vent de quoi murmurer, de quoi se quelques-unes qui ne correspondissent
pas avec les autres. « Ce n'est pas le
» tout que de joindre avec la m iance
» du monde celle des livres, beau-
» coup d'esprit, beaucoup .1.1.,-
» quence, plusieurs autres dons 1
» tans ; si d'ailleurs vous êtes brus-
» que, capricieux, indiscret, pa
» seux, timide, intéressé, sujet à de
(97) T'1 e* hermaphroditus in negotiis st.itdt,
sicut fuit Baltluinus in negotiis religionis. IJ. ,
ibi.l. , pag. 2R1.
(98) Idem , ihid. , pag. 281.
(99) Idem, ibtd. , pag. îGg.
(100) Ménage, Kemarqucs sur la Vie d'Av-
rault, pag. i5S.
(101) Ci-dessus, citation (84).
ao8
BAUTRU.
)> basses jalousies, présomptueux, in- et l'un des meilleurs; car An-
» capable de suivre une affaire qui toine Loisel dans son Dial0„ue
» traîne en longueur, inconstant, , . ' , , .0
» plus propre à commencer cent nou- des Avocate, a parle de lui en
» veaux projets qu'à résister au dé- cette manière : Bautru volait
« goût de manier quelque temps la d'une plus grande aile queux
tous. Je ne dirai point qu'il fut
» trappe a tels et semblables coins , , r 1 J l
» et que vos grandes qualités ne vous P}™ docte qu aucun'd eux; mais
3) fassent point faire fortune, ne vous /'/ avait la langue mieux pen—
» en prenez point à l'injustice du sort, due; et, s'il le faut dire, plus an-
3. à l'iniquité du siècle, à la mali- „„„• ,* r,TIITT â__ Jof Rc ■
*~ gevine {a). Guillaume et René
5me : attribuez- Bautru DES Matras étaient ses
j; en la cause aux disproportions des frères. Guillaume, conseiller au
» gnité de votre prochain ; prenez-
3, qualités que vous avez eues en par- „ranc[ conseil , et grand iappor
» tage.» Je compte Franco» ; Bau- J d p g é M
douin parmi ceux que 1 on peut apos- tV y t ,,*
tropher de la sorte. Notez qu'entre les du tameux M. .Bautru de 1 aca-
personnes de cette trempe quelques- de'mie française, duquel nous
uns se font justice _ : ils connaissent le parlerons bientôt. René , asses-
mélange qui rend inutiles leurs beaux * ' j- 1 j>a /*\
, s ? ,-i . ,_* „„ „3„cf seur au presidial d Angers (A) ,
talens; et s ils murmurent , ce n est J r r e
pas contre leur prochain , c'est contre et maire d Angers en ibo/j , lut
leur propre tempérament, c'est contre père de Charles, chanoine d'An-
la nature qui a mis des contre-poids à e connu sous le nom de
tout ce qu'elle leur avait donne de S Ar ,
plus propre pour une grande éleva- P™ DFS Matras , au eur de
tion. Au reste, je ne prétends point quelques traites de théologie (c)
enfermer dans cette hypothèse mille (B). Je pense que c'est le même
et mille cas particuliers, où les causes p,-jeur <]es Matras , qui a été si
de la mauvaise et de la bonne fortune
sont tout-à-fait externes : c'est-à-dire,
que ceux qui , avec des qualités fort
capables de les élever , sont demeu-
rés dans l'obscurité , n'ont eu aucune
occasion favorable ; et que ceux qui ,
sans nul mérite , sont montés bien
haut , se sont trouvés dans un tour-
billon de circonstances si actif, qu'ils
n'ont eu aucun besoin de le seconder,
et que leur incapacité ne lui servait
point d'obstacle. Mais souvenez-vous (c) Ménage.
que Baudouin n'a point manqué d'oc- Ay"ult , pag
célèbre par ses bons mots (C) ,
qu'il ne cédait guère en cela à
M. Bautru de l'académie fran-
çaise.
(a) La Croix du Maine, pag. 209, en
parle avec éloge , et dit qu'il mourut le 23
août i58o , âge de quarante ans.
(b) Ex Menagiis Notis Gallicis in Vilam
Petii JErodii , pag. 176.
le) Ménage, Remarques sur la Vie de P.
6.
casions
voies.
il a été mis souvent sur les
(A) René Bautru était assesseur au
présidial d'Angers. \ C'est de lui sans
B, TTrrT» tt t\t?c t\t iTB a c doute que d'Aubiené parle , au sujet
AUTRU DES MATRAS d'uue ^'tendue possédée (i). Elli a
(Maurice), premier lieutenant deux diables , dit-il (2) , l'un nommé
de la prévôté d'Angers en titre Belzébul, l'autre Asiarot. Le pre-
d'office. Ses fils et ses petits-fils mier est un rude diable , fort ennemi
ont rendu son nom très-célèbre ,
comme on le va voir.
BAUTRU DES MATRAS
(Jean), fils du précédent, a été
îles huguenots , qui frappe tout le
monde , et eût frappé !\î. Matras
d'Angers , s'il n'eût pris un bâton en
lui disant : Belzébul ; maître mouche,
(1) Marthe Bro'.uer, de Pomorantin , en iSpf).
(2) Confisi catholiq. de Sanry , liv. /. chap.
avocat au parlement de rans , r/,p«g. 35a.
BAUTRU. 209
ftî vous vous jouez à moi , je vous d'état ordinaire , introducteur
battrai en diable...... Le clergé des amb;,ss,cleurs , ambassadeur
<l Angers voulut que ces deux diables ., . .. .
de bon lieu fussent examinés prenne- vers [ archiduchesse en Flandre ,
renient par l'église : un des juges de la et envoyé du roi en Espagne , en
fille du qu'il y allait de leur honneur, Angleterre , et en Savoie , était
et pour examiner ces esprits commença ,1» a ...„„_- /_\ fil. j„ r 11
• 1 . m . ' 1 1 \r d Angers (a) , tus de dm aume
a latuier, Matrasadiredugrcc.\ oyez D & •,,
la remarque (11) de l'article Ghahdieh. »autru conseiller au grand con-
(B) Charles IJautru est auteur seil (0). Il a été un des beaux
de quelques traités de théologie. ] Voici esprits du XVIIe. siècle. Il se
ce que M. Ménard en dit dans sa liste p- •*. .,,„,„,,, 1
j - • ■ • f / u taisait surtout admirer nar ses
des écrivains angevins. Carolm liau- '" 1JC" 5<-:>
tra , presbjter , doctor theologus et bons mols) et par ses fines repar-
pmfessor, Ecclesiœ Mauricianœ An- ties (A); et l'on trouve dans les
degavensis canonicus, maximi ingenii écrivains de son temps mille
scient iarumtiue dotibus excellais , fa- . i 1 1 11 '
•7 ■- ; 7 • ■> marques de a bêle réputation
miliaque inter clarissimas prœcipuâ. .1 , . Zy, j^'iouuu
ScripsitdesanctissimoEucharisliœsa- ou '• était. C est un homme,
cramento tractationem, brevi publi- disait l'un d'eux (c) , qui met une
candam, quant uidimus. Intenta tjrpis ,)a>lie de sa philosophie à n'ad-
exposuit JJisuutalionem ad articulum ■ < ' , 7
quarlum quœstioms 7G tertiœ partis m"'Cr (1UC très-peu de choses ,
Summœ Theologicœ sancti Thomœ , et qui depuis cinquante ans a
ntrum tota quantitas dimensiva cor- été les délices de tous les minis-
poris Chrïsti sit in hoc sacramento. tres de tous les favoris, et eéné-
ylndesavi.apud Antomum Hernault, 7 . , J , , ,
i638 (3) ralement de tous les grands du
(C) Il fut célèbre par ses bons rojriume , cl n'a jamais été leur
mots.] M. Cousin remarque que la Jlalteur. 11 entra dans l'acadé-
mémoire fournissait à M. Ménage mje française dès le commence-
quanlile de bons mots , au il avait . j p j .- •■ ,
,„„.-; i„„ ■<. , /„ . /„ ment de sa fondation : 1 11 avait
appris dans sa jeunesse, et dont les
meilleurs étaient de M. le prieur Bau- garde d être oublie, étant aussi
tru des Matras (4). Cela montre, qu'au connu qu'il l'était du cardinal de
jugement de M. Cousin , le prieur Richelieu. Son mariage avec
hautru est un suiet à citer préfera- -.T tl x>- au i> ».
blement à l'autre Bautru en matière Marthe Bigot fille d un maître
de bons mot. ; en il ne pouvait pas des comptes de Paris , ne lut pas
ignorer que M. Ménage n'eût appris le plus heureux de ce monde (B).
ceux de Bautru le séculier , tout de Belle matière de lieux communs
même que ceux de hautru 1 ecclcsias- , -. ,n ,, • .
tique. Ù Ménagiana nous fait voir et de reflexions. Il en vint un
que M. Ménage avait profité beaucoup fils , savoir, dl IUAI Ml'. BaDTRD ,
plus à l'école du premier , qu'à celle comte de Serrant , chancelier du
de l'autre. juc ^'Orléans , et mari de Marie
(3) Ménard, dans 1rs Remarques de Ménage T}prtr„,lrl f.lU ,lp Micé FW-
sur la vie ,ie Pier™ Ayrauit, pag. i-j. «émana , nue ae inact I ( 1
(\ Journal de» Savans du il août 1692, paS. traild , SeiglieUT de la BasilllèlV ,
H t. .rrrrr-n ~ , ^ et trésorier de l'épargne. !)•■ ce
BAUTRU * (Guillaume), ni:irui^ sortirent deux filles,
comte de Serrant, conseiller Marguerite , et Marie Magde-
* Si quelqu'un, du l'abbé d'Olivet dans laine. La première a été mariée
son Histoire île V Académie française , rst
curieux de voir comment écrit un liel esprit .u Histoire de l'Académ. française , pag.
qui u'a envie que d'amuser des lecteurs 01- 3 '] 7 , cil de 1672.
sifs , et qui ne se propose nullement de leur b Ménage . Remarques sur la Vie de
être utde, il n'a qu'à lire l'article BA.DTRD , Guillaume Men.ige , piiç 3y6.
dans le Dictionnaire de Bajle. (c) Costar, Lettres , tom. l'r- , P"g- 120
TOME III. I i
aïo BAUTRU.
au marquis de Vaubrun , son bien , puisqu'il avait été si fort son
oncle à la mode de Bretagne, <*mi, et qu'il l'avait vu et fréquenté si
„„„.™a ;i 00.-0 AU ^,* J™„ / j\ familièrement. La lettre de Costar ,
comme il sera dit ci-dessous (g). j ■■> ■ -.- , \ . » i •
, , , ., \ ' que j ai citée (2) , contient plusieurs
La seconde a ete mariée avec choses capables de faire connaître le
Edouard-François Colbert, comte génie de M. de Bautru. 11 avait l'in-
de Maulevrier , lieutenant gé- «pection sur la Gazette (3) et c'est à
' 1 j „ i„„ ' j t? lui que l'avis du gazetier de Cologne
neral dans les armées de .France, ,/-, • » vf •. 1 . %
iam.c, (4)lmputecequilyavaitde trop fa -
et trere de M. Lolbert. J ap- vorable pour le cardinal JVIazarin dans
prends du Ménagiana , que le la Gazette de Paris.
grand-père de ces dames mourut . (B) Son mariaSe nefut Pas, le
r ,,, l j, • „ ■ . j- plus heureux de ce monde.] Puiscru on
a lage d environ soixante-dix- ' imptîmé à Paris avec privilège ce
sept ans (e) , et, a proprement que je vais dire, je puis sans doute le
parler, sans confession (C). il publier en Hollande , sans crainte d'en
vait été peu dévot (D) , et très- être blâmé par les personnes judicieu-
-, , l - ■ v " . . ses. «. M. de S (5) était fils de
sensible aux injures conjugales
à certains égards (E) *.
(d) Vojr. l'article suivant , citation (a).
(e) Ce fut l'an i665.
* Bayle et l'abbé d'Olivet ont ignoré ,
comme le remarque Leclerc , que Bautru
était auteur. Chapelain, dans ses Mélanges ,
pag-, 260, dit que Baulru, dans sa jeunesse,
avait composé des satires ingénieuses. Une
intitulée , Onosandre , et qui est contre le
comte de Montbazon ( qui toutefois n'est pas
nommé ) , a été imprimée sous le nom de
» M. de Bautru ; et quoiqu'ils denieu-
» rassent ensemble où demeure pré-
» sentement M. de Seignelai , néan-
» moins, ni l'un ni l'autre ne se re-
» connaissent pour père ou pour fils.
» M. de Bautru disait qu'il reconnaî-
» trait M. de S pour son fils,
» pourvu qu'il fût honnête homme :
» peut-être avait-il quelque raison
» de douter qu'il le fût. Les soupçons
)> violens qu'il avait de l'infidélité de
la mère l'avait poussé à la pour-
Bautru dans le Cabinet satirique. Leclerc „ suivre en j sti et - en deœandcr
la trouve 1res - plate. 11 parait que Bautru 1 '■ c ' „. . -, r. 1
avait fait une autre satire intitulée , VAm- " ,a vengeance, tn effet, il fit prendre
bigu. Le pèreLelong et Chapelain lui attri- " son valet, qu il accusa d avoir eu
» quelque intelligence avec sa femme,
» et le fit condamner à être pendu par
» son premier jugement. Le valet en
» appela, et fut condamné aux ga-
» 1ères seulement , parce qu'il exposa
» que M. de Bautru s'était fait justice
» lui-même, et l'avait cruellement
» maltraité. Cette affaire ayant fait
le tourquele poète "s7int-Amant'priT " beauC0UP d'éclat, M. de Bautru se
pour se moquer de ceux qui aimaient * mit sur le Pled "en nre comme les
les turlupinades et les pointes : " au,res : aussi dis^l-ri quelquefois :
» Si les Baulrus sont cocus , ils ne
huent les Lettres et dépêches de M. de Bautru,
depuis le 7 octobre 1628 jusqu'au 17 novembre
l67|2 , manuscrit. L'abbé de, Marolles , dans
ses Mémoires , a placé Baulru parmi les meil-
leurs épigrammatistes français.
(A) Il se faisait admirer par ses bons
mots, et par ses fines reparties.] Je
n'en veux point d'autre preuve, que
■>i vous oyez une équivoque.
Vous jetez d'aise votre toque,
El prenez son sens malaulru
Pour un des beaux i
/er. volume.
3î8 de la première édi-
» sont pas des sots. Sa femme voulut
» toujours être appelée Madame de
ts de Bautru (1). » Nogent, nonobstant son mariage
Le Ménagiana me fournirait de fortes " (6> ' disant qu'elle ne voulait pas
preuves , si j'en avais besoin : on y
trouve à tout moment M. deBautru, et
l'on est averti dans la préface, qu'ou-
tre les bons-mots de M. Ménage , on
en trouvera encore d'autres , et parti-
culièrement ceux du fameux M. ds
Bautru , qu'il savait parfaitement
(1) Saint-Amant, dans le poème intitule', le
Poète crotté, pag. 22S,
(2) C'est la Z«. d
(3) Ménagiana, pa
l'ion de Hollande.
(4) Imprimé en 1647. Voyez-y les pages
29, 45.
(5) Dans la première édition de Paris , on a
mis tout du long Serrant.
{6) Je n'entends point cela; car il faudrait,
ce me semble, afin que ceci eût du sens, que
celle dame eut clé appelée mademoiselle ou ma-
dame de Nogent, lorsqu'elle épousa M. de Bau-
BAUTRU.
» être appelée- Madame Bautrmi par
» la reine .Marie de Médicis , <|ui
» avait alors de la peine à bien
» prononcer le français. » Voilà ce
qu'on trouve clans la seconde édition
du Ménagiana où Ton a raccommode
cet endroit, qui n'était point intelli-
gible dans la première. .Mais depuis
que le nom de cette dame a été écrit
selon la prononciation italienne, on
voit pourquoi elle ne le voulait pas
porter. On était alors au temps des
pointes, et on pouvait la persécuter
de mille estocades par allusion au mot
trou.
Si l'esprit pouvait garantir de cette
disgrâce de front , que tant de gens
appréhendent, et quêtant de gens
nomment une bagatelle , M. de Bau-
tru en aurait été exempt; mais ni
l'esprit , ni |e courage , ni la bonne
mine , ni les couronnes mêmes , n'en
garantissent pas. Cette disgrâce , ou
cette honte bourgeoise , a quelque
chose de commun avec la mort , et
la garde qui veille aux barrières du
Louvre , etc ; mais d'ailleurs les diffé-
rences sont grandes : la mort n'épar-
gne aucune tète couronnée , et il y a
partout des reines très-vertueuses.
Malgré ces différences , voilà deux
choses que le même lieu commun de
consolation doit faire souffrir patiem-
ment à une infinité de personnes. Un
poète philosophe a tâché tort noble-
ment d'inspirer de l'indifférence pour
la mort par cette raison : <c Les bons
» rois, les plus redoutables monar-
» ((lies , les grands foudres de guerre,
» les plus beaux génies , les inven-
» teurs des arts , les philosophes 1 s
» plus subtils, sont morts: et vous,
3) misérable petit particulier , qui
» croupissez dans l'esclavage de mille
» basses passions , vous ferez le ren-
» chéri, et vous oserez vous plaindre
» de ce que la mort ne vous epar-
» gnera pas ?
I.umina sis oculis etiam bonus Ancu reliquil
Qui melior mullis quam lu fuit, improbe ,
rébus.
Inde atii mutli reges, rerumque polentei
Oeeiderunt magnis qui genùbus imperitdrunt.
Illequoque ipse, viam qui quondam per mare
tri,. Or cria n'a nulle apparence; car V. ,/.•
Baulru avait un frire qui se nommait M de
Siogenl : ce t/ui montre que cette terre n'était
point entrée dans leur famille par le mariage
de M. de Baulru.
2ÎI
Stravit , ilerque dedil legionibus ire per al-
lum ,
Lumine ademplo animant moribundo corpore
fudit.
Sctpiadei be'.li fulmen, Carthaginis horror ,
Ossa dedil terra; proindè ac famul infimus
esset.
Adde repertores doctrinarum atque Uporum,
Adde HeLconiadum comités , quorum unus
Sceptra polilus eddem aliis sopitu' quiète est.
Ipse Epicurus obit decurw lumtur vilat
Qui genusl humanum ingenio superavit , ri
'■miiir
Prastrinxerit slellas exortus uli celherius sol.
Tu vero dubttabis et indignabere obire
Morlua quoi vila est propè jam vivo, atque
videnti ,
Qui somno parlent, etc (7).
Disons de même aux petits particu-
liers qui se chagrinent des amourettes
de leurs femmes : « Vous vous fâchez
» d'une chose dont les plus puissans
» monarques, les plus grands guer-
» riers , les pins beaux esprits, les
» plus savans et les plus zélés doc-
» teurs , ne sont pas exempts. C'est
» bien à vous à faire les délicats : ap-
» prenez par ces grands exemples à
» supporter patiemment votre infor-
» tune.»
Permettez-moi de dire en passant
que notre Malherbe s'est servi de la
pensée de Lucrèce dans l'épitaphe
d'un prince.
Je suit poudre loutetfois ,
Tant la parque a fait ses lois
Egalrt et nécessaires ,
Bien ne m'en a su parer :
Apprenez, unies vulgaires,
A mourir sans murmurer,
M. Ménage, sur cet endroit de Mal-
herbe, rapporte L'épitaphe de Mar-
guerite d'Autriche, dont la conclu-
sion est :
Al vos plebeio de sanguine , quando
Ferrea nec nobis didierrunt jfala, née ullis
Parcere nominibus , patientait île sub umbras.
Jean Second est l'auteur de cette <:|ù-
taphe. M. Ménagea parodié les vers
de Malherbe au sujet d'un poème épi-
que N. fl
^ Notons aussi en passant que l'on
s'est servi dune semblable moralité
pour apprendre à tous les hooni.es
qu ils ne doivent pas se plaindre d'ê-
tre sujets à la mort Le~ | lus grandes
(;) J.nerct. , /,/, /// , ,„/,. fi„. Voie: Iî„-
mer , Abrégé .le Ga>SenJi, loin. VU , pag. 11,
édition de 1684.
(8 ' Vorez ses Observations sur Malueihe ,
pas. 32i.
2i2 BAUTRU.
•villes périssent , leur a-t-on représen- quelque usage de cette moralité. Le:
té , et nous sommes assez hardis pour fautes qui leur échappent peuvent de-
trouver étrange que l'homme meure ! venir vénielles , par la raison que les
Ex Asiâ rediens, cùm ah JEgindMe- écrivains les plus illustres et les plus
garant versus navigarem, cœpi regio- savans , les Scaliger et les Saumaise ,
nés circumcirca prospicere. Post me ont fait beaucoup de bévues. Si de
erat JEgina , antè Megara , dexird tels auteurs se sont trompés fort sou-
Pirœeus, sinistrâ Corinlhus : quœ op- vent , ne doit-on pas se consoler de
pida quodum tempore florenlissima ses méprises, quand on est d'un rang
fuerunt , nunc prostrala et diruta au- vulgaire dans la république des let-
te oculos jacent. Cœpi cgomet mecum très ? Ils doivent faire à l'égard des
sic cogilare : fient, nos homunculi in- autres auteurs ce que fit Carthage à
dignamur, si quis nostrûm interiit, aut l'égard des autres peuples. Post Car-
occisus est , quorum vita brevior esse thaginem vinci neminem puduit (i3) :
débet, cùm uno loco toi oppidum ca- personne n'eut honte d'être vaincu ,
davera projecta jaceanl (9)/ Le Tasse après que Carthage eut été vaincue,
a fort bien copié cette pensée :
Giace Valta Cartago : a pena i signi
De l'aile sue raine il lido serba.
Muoiono le cilla , muniono i regni.
Cuopre ij'asli, c le pompe, arena ecl herba:
7-7 l'huom dresser morlal par che sisdegni.
O nos h a mente cupida e superba (,10) !
Consultez l'Entretien XXX de Balzac ,
vous y trouverez en vers latins une
C'est ce que je disais dans le projet de
ce dictionnaire (\l\). Notez que l'on
ne doit pas prétendre que je ruine
ici ce que je disais en cet endroit-là ,
et que j'avais étalé plus amplement
en un autre endroit ( i5 ) , que les
grands auteurs sont les plus sujets à
faire des fautes. Cela est très-vrai à
certains égards ; et néanmoins leurs
belle imitation de cette pensée; mais méprises peuvent servir de consola-
vous n'y trouverez pas ces paroles de tion et d'excuse aux écrivains du
tiers état. Mais il n'en faut pas abu-
ser : il faut tendre le plus qu'on peut
à la perfection.
(C) Il mourut..., a proprement par
1er, sans confession. ] Ma preuve se
trouve au Ménagiana ■■ « M. de Bau-
» tru avait environ soixante et dix-
>» sept ans lorsqu'il mourut. Il venait
» me voir fort souvent, deux ou trois
Rutilius
Non indignemur mortalia coi-pora solvi.
Cermmus exemplis oppula posse mori (11) ;
Ni ces vers d'Ausone :
Miremur periisse homines? monumenla falis-
cutil ,
Mors etiam saxis marmoribusque venil (12).
Scarron , qui donnait un air burles-
que à toutes choses , n'a pas épargné „ ans avant sa mort aux jours de j"a
celle-ci. Voyez le fameux sonnet qui
commence par
Superbes monument de l'orgueil des humains.
Pyramides , tombeaux , dont la vaine struc-
ture,
et dont les six derniers vers sont
Par l'injure des ans fous êtes abolis ,
Ou du moins la plupart vont éles démolis.
Il n'est puinl de ciment que le temps ne dis-
soude.
Si vos marbres si durs ont senti son pouvoir ,
Dois-je trouver mauvais qu'un méchant pour-
point noir.
Qui m'a duré deux ans , soit percé par le
coude ?
N'oublions pas les petits auteurs : ils
doivent, et moi tout le premier, faire
(q) Servius Sulpicius , Epist. ad Ciceronem.
C'est la Ve. du [Ve. livre ad Familjares, pag.
«93, içi4-
(10) Gierus.ilem. del Tasso, canlo XV.
(11) Rutilius Numatianus, Itiner. , lih. I, vs.
4.3.
(12) Ausonius, EpigrauimateXXXY , pag. 3o.
» Mercuriale. J'étais chez un de mes
» amis lorsqu'on me vint dire qu'il
>» était tombé en apoplexie. Je cou-
)) rus pour le voir , mais il avait déjà
» perdu connaissance. Ce fut le père
» d'Harrouys qui fut appelé pour le
» confesser. Lorsqu'on lui eut dit le
» sujet pour quoi il était venu : Je
» ne fous connais pas , et vous ne me
» connaissez pas aussi, mon père , lui
» dit-il d'une parole fort embarras-
» sée , cependant il faut que je vous
j; dise ce que j'ai fait de plus secret.
» Je le vis mourir. Ainsi ce que l'on
» dit qu'il me cita n'est point vérita-
» ble. Il mourut, pour ainsi dire, sans
» parler, et même sans confession. Il
(i3) Floi'us, hb. II , cap. VU.
(i4) Vers la fin du paragraphe II. Voyez-le
à la fin du XVe. volume de celle e'dilion.
(i5; Dans les Nouvelles Lettres contre Maim-
fcouig , pag. zk el suiv.
BAUTRU.
ij'5
» se confessa bien , si Ton veut que
■» la confession se fasse par interprè-
» te. Comme il balbutiait, un laquais
j) expliquait au confesseur ce que le
» maître voulait dire. Je laisse à pen-
v ser quelle confession c'était là (i 6). >>
Si Ton demande pourquoi son confes-
seur ordinaire ne fut point appelé, il
faudra peut-être répondre : C'est par-
ce qu'il n'en avait point. 11 était ap-
paremment de ceux qui se conduisent
à l'égard du sacrement de Pénitence
comme envers celui de l'Extrême-Onc-
tion : ils les renvoient tous deux au
lit de la mort.
(D) // avait été peu dévot. ] C'est
ce que l'on peut inférer de ce que je
viens de dire, qu'il n'y avait nulle
connaissance entre lui et le confes-
seur qui le prépara à la mort. Mais
que veut-on de plus exprès que le té-
moignage de M. son fils? « Après la
3) mort de M. de Bautru, quand on
» voulut vendre sa maison , il se trou-
» va que la chapelle était en désor-
■» dre et en ruine. // ne faut pas s'en
» étonner, dit M. de S.... (17). M. de
» Bautru se souciait aussi peu de sa
3) chapelle , qu'il avait soin île sa cui-
■>/ sine et de sa bibliothèque (18). »
S'il gardait quelques apparences , ce
n'était que pour le décorum : à peine
se laissait-il effleurer par les exercices
de religion : Etant aile faire une re-
traite à Saint-Lazare , on lui donna
à méditer sur /endroit de la passion
qu'il croirait le devoir le plus tou-
cher : il s'attacha fixement aux trois
dés (19) : c'est à-dire , à l'endroit où
il est dit que les soldats jetèrent le
sort sur les habits de Notre-Seignenr.
Il aimait fort le jeu (20).
(E) et très-sensible aux injures
conjugales à certains égards. ] Voyez
dans la remarque (B) le procès qu'il
intenta à sa femme , et la dure puni-
tion qu'il fit porter au valet compli-
ce. N'est-ce pas être bien sensible à
la disgrâce du front? mais d'ailleurs,
il prit bientôt le parti de s'en moquer,
et d'en rire comme les autres : il di-
sait quelquefois : Si les Baulrus sont
(16) Ménagiana , pag. io4 de la seconde édi-
tion de Hollande.
(17) C'est-à-dire Serrant , comme dans la
première édition , pag. 5g.1
(18) Ménagiana, pag. io5.
(ig) Ménagiana , pag. <\r de la première édi-
tion.
(20) L'a même.
cocus, ils ne sont pas des sots (21),
C'était le plus fin expédient qu'il pou
vait choisir (22) • car si un railleur
comme lui eût fait le rétif, le morne,
le sérieux sur cette aventure domesti-
que , on aurait trop ri à ses dépens.
Et , après tout , il en pouvait plaisan-
ter tout à son aise , puisqu'il n'avait
pas toléré la faute : il n'y a que le co-
cuage volontaire que l'on puisse jus-
tement reprocher , soit dans le sé-
rieux , soit en raillerie. Il est surpre-
nant , dit M. Ménage (a3) , que pen-
dant quarante ou cinquante ans M. de
Bautru ait rempli toute l'Europe de
ses railleries et de ses bons mots , pen-
dant qiCil y avait tant de choses a dire
contre lui. Risum fecit , sed ridiculus
fuit. Je ne sais oh j'ai lu cela : la
hardiesse l'emporte sur beaucoup de
choses (24).
(21) Ménagiana, pag. io4-
(22) Voypz ci-dessus le commencement de la.
remarque (15) de l'article <Z'Ag£silabs II.
(a3) Ménagiana, pag. 200 de la première
édition.
(24) On a cité ces paroles dans la seconde
édition, pag. io5, sans dire de qui est ce latin.
Il est île Quinlilien, Institut. Orator. , lib. VI,
cap. I.
BAUTRU (Nicolas), frère du
précédent , et capitaine de la
porte, a été connu sous le noni
de comte de Nogent(A) De son
mariage avec Marie (loulou, sœur
de Jean Coulon , conseiller au
parlement de Paris , sont sortis
cinq enfans : I. ARMAND Bautru,
comte de jNogeut, capitaine de
la porte, lieutenant de roi d'Au-
vergne , maître de la garde-robe,
et maréchal de camp , lequel
fut tué en 16-2 , comme il po-
sait le Rhin à cheval et à la
nage (B). Son coqjs fut trouvé
quinze jours après, dans le
Rhin , à trois lieues au-dessous
de Tolhuis, où le passage se fil.
Ce comte avait épousé Diane
Charlotte de Caumont de Lau-
sun , sœur du marquis de Lau—
sun , qui a été capitaine ries
gardes du corps , cl gouverneur
2,4 BAUTRU.
de Berri , et a eu l'honneur
d'être accordé avec mademoi-
selle de Moiitpensier , fille de
Gaston de r rance, duc d'Orléans,
et petite-fille de Henri-le-Grand.
II. Nicolas Bautru, marquis de
Vaubrun (C), lieutenant général
des armées du roi , et gouver-
neur de Philippeville. Il épousa
Marguerite Bautru (a) , qui était
sa nièce à la mode de Bretagne ,
et fut tué en 16 5, à la ba-
taille qui se donna au delà du
Rhin , peu de jours après la
mort du maréchal de Turenne.
III. Louis Bautru , appelé le
chevalier de Nogent , mestre de
camp de cavalerie. IV. Marie
Bautru, femme de René de
Rambures, marquis de Ram-
hures. De ce mariage sortit un
fils en la personne duquel la
maison des sires de Rambures a
fini à l'égard des mâles. V. Char-
lotte Bautru, femme de INicolas
d'Argouge, marquis de Rannes,
cornette des chevau— légers de
la garde, et colonel général des
dragons de France (b). Il fut
tué en Allemagne , au mois de
juillet 1678(0). Il était lieute-
nant général. Sa veuve s'est re-
mariée à Jean-Baptiste-Armand
de Rohan , prince de Mon-
tauban , fils de Charles de Rohan,
duc de Mombazon (d).
(a» Petile-Jille de M. Bautru le bel es-
prit.
(61 Cet article a été tiré de M.- Ménage,
Remarques sur la Vie de Guillaume Ménage,
j>ag. 377.
ici Mercure GalaDt.
[d] Ménage , Remarques sur la Vie de
Guillaume Ménage , pag. 5u6.
(A) // a été connu snus le nom de
comte de Nogent- ] Ce comte a été
l'un des patrons de Sorbière , comme
il paraît parla XXe. lettre de cet au-
teur , où il le prie de faire valoir re-
loge qu'il avait fait du cardinal Ma-
zarin. Cela paraît encore mieux par
la lettre LXXXI , où il le remercie de
l'argent dont son éminence l'avait
gratifié. Je cite ces lettres , afin que
ceux qui désirent connaître les gens
par des témoignages publics satisfas-
sent leur curiosité. Ils peuvent voir
aussi la lettre XLVI1. Le Ménagiana
contient des choses curieuses qui con-
cernent M. le comte de Nogent. Il
« arriva à Paris n'ayant que huit
i> cents livres de rente , et il en avait
» cent quatre - vingt mille lorsqu'il
» mourut. Le premier jour qu'il pa-
» rut à la cour , il porta le roi sur
11 ses épaules , pour le passer par un
» endroit où il y avait de l'eau. C'é-
» tait aux Tuileries. M. de Nogent
» était un homme admirable pour re-
11 mettre les conversations languis-
» santés. Un jour , étant au cercle de
» la reine-mère Anne d'Autriche , et
» voyant que la conversation était
» cessée , et qu'il y avait déjà quel-
ii que temps que ni la reine , ni les
» dames, parmi lesquelles madame
11 àf Guimené était, ne disaient mot :
» N'est-ce pas , madame , dit il in-
11 ferrompant le silence , et s'adres-
» sant à la reine , une grande bizar-
11 rerie de la nature , que madame de
11 Guimené at moi soyons nés un mé-
» me jour, et à un quart d'heure l'un
ii de l'autre, et cependant qu'elle soit
» si blanche , et moi si noir (1) ? »
Ceux qui ont l'adresse qu'il avait de
remettre les conversations languissant
tes , sont d'un grand secours dans le
monde, car puisqu'aux cercles mê-
mes des reines de France, on tombe
dans une espèce d'assoupissement qui
n'est guère moins factieux à la com-
pagnie que le calme et la bonace aux
gens de mer , on peut croire qu'une
infinité d'autres assemblées sont su-
jettes à ces sortes de défaillances. Quel
plaisir donc n'est-ce pas qu'il s'y ren-
contre quelqu'un qui soit toujours
prêt à rejeter une balle , afin qu'on
ne puisse pas dire comme ces dames
du Ménagiana , Il pleut ici de l'ennui
à verse ? Mais je m'étonne que le com-
te de Nogent, doué de cette vertu ,
ait été aussi faible que M. Ménage le
représente contre les attaques de l'An-
geli. « Un jour, au dîner du roi, l'An-
(1) Ménagiana, pag. 4i de la seconde édition.
» geli dit à M. le comte de Nogent :
» Couvrons-nous : cela est sans con-
» séquence pour nous. M. le comte de
» Nogent en eut un tel chagrin que
» cela ne contribua pas peu à le faire
» mourir (2). » Dans la première édi-
tion, on a dit cela de M. de Bautru ,
frère aîné' du comte de Nogent. Il est
■vrai qu'au lieu de dire que cela con
tribua beaucoup à sa mort , on dit premiers gentilshommes
seulement qu'il en eut un furieux cha- nation qui s'attachèrent
BEAUCAIRE. 2I5
BEAUCAIRE DE PEGUILON
( François ) , en latin Belcarius
Peguilio , évêque de Metz , a été
un fort habile homme dans
le XVIe. siècle (A). Il sortait
d'une des plus anciennes maisons
du Bourbonnais, et il fut un des
de sa
_ qui s attachèrent solide-
1 ment à l'étude des belles-lettres.
Le progrès qu'il y fit obligea
Claude de Lorraine , premier
duc de Guise , à le choisir pour
précepteur du cardinal de Lor-
raine son second fils. Beaucaire
s'acquitta si heureusement de
cet emploi * , qu'il en reçut de
la cour de France des applaudis-
semens qu'il n'attendait pas.
1 accompagna le cardinal de
grm.
M. Ménage eut pu corriger lui-même
le Ménagiana.
(B) Arnaud Bactru... fut tué en 1672,
comme il passait le Rhin a cheval et à
la nage.] Les nouvellistes de ce temps-
là firent savoir au public que ceux qui
croyaient que ce comte avait clé noyé
sans avoir été blessé, et que son che-
val avait été cause de sa mort, se trom-
paient , puiscpj'après avoir trouvé
son corps , on reconnut qu'il avait été
tué d'un coup de mousquet h la tête.
Ils firent savoir aussi que son corps
fut inhumé dans la grande église de Lorraine à Rome , et y eut des
Zevenart .Le marquis de Biron épou- COI1fe'rences avec Paul Jove, évè-
sa en 1000 une fille de ce comte de j tvt - • 1. *
Nogent (3). que de JNocere, qui ne 1 empe-
( C ) Nicolas Bautru , marquis de chèreut pas depuis de réfuter les
f^aubrun. ] C'est celui de foute la fa- egaremens historiques de ce pré-
mille qui parait avoir ; eu la plus gran- Jat. A son retour d'Italie, le
de liaison avec Sorbière. Les lettres
imprimées de cet auteur en font foi ,
comme aussi sa relation d'un voyage
d'Angleterre. Par la lettre qu'il lui
écrivit le 8 d'août 1G57 (4)? on aP~
prend que ce marquis était mestre de
camp général des carabins de France,
et d'une valeur extraordinaire; mais
que cela ne l'empêchait pas d'aimer
les bons livres : J'attends, lui dit-il ,
le bonheur de vous revoir l'hiver pro-
chain a Paris , dans celte chambre du
Louvre où. je vous ai si souvent trou-
vé sur votre Tacite , tandis que les au-
tres courtisans que je venais de quitter
employaient la matinée a poudrer leurs
cheveux , et h nouer des rubans. C'é-
tait un officier de guerre fort actif :
les disputes qu'il eut avec le comte de
Lorge , après la mort du maréchal de
Turenne, pensèrent être funestes aux
Français.
(1) Ménagiana , pag. 345.
(3);Mercure Galant de 1671, loin. ///.
f4) C'est la XLril'. Voyez aussi
m 11e. J
cardinal de Lorraine lui procura
l'evêché de Metz (B) : il le mena
ensuite au concile; et ce fut
devant cette célèbre assemblée ,
que Beaucaire prononça la Jia-
rangue (C) , qui se trouve au bout
de son XXXe. livre (a) : car il
faut savoir qu'il écrivit en latin
une Histoire de son temps , qui
est estimée. Il commença d'y
travailler lorsqu'on i568 il eut
cédé l'evêché de Metz au cardinal
Louis de Lorraine (D) , et se fut
retiré dans son château de la
Cbrète en Bourbonnais. Il la
conduisit depuis l'année if\6?. ,
jusques en l'année i56-, et cessa
* Du desaveu rapporté par Bajle dans s*
remarque (G) , Leclcrc conclut contre ce
que Bayle dit ici.
11 Tiré de la Préface du Louis XI de
V inllas.
2,6 BEAUCAIRE.
d'y travailler l'an i588. Il était d'avoir trouvé bon qu'on lui dé-
alors dans sa soixante-quinzième diât un livre , où les alliances
année {b); car il naquit le quin- de François Ier. avec les Turcs
zième avril i5i4 (c). H avait sont censurées fort librement {h).
dessein de continuer {cl) , mais Ce livre est l'Histoire de France
apparemment les incommodités composée par notre évêque de
de la vieillesse ne le lui permi- Metz. Il avait un frère, nommé
rent pas. Il n'eut point dessein Jean, qui avait été élevé auprès
de publier cet ouvrage (E) : il du connétable de Bourbon {i) ,
craignait d'avoir dit des vérités et qui eut un fils tué à la bataille
qui pourraient faire de dange- de Dreux , et une fille mariée à
reux ennemis. Ce fut Philippe Sébastien de Luxembourg , vi-
Dinet , sieur de Saint-Romain (e), comte de Martigues (I) .
qui , ayant trouvé cette Histoire
dans la bibliothèque de l'auteur
au château de la Chrète , la fit
imprimer à Lyon , l'an \Ç>i5{f).
On dit que Beaucaire mourut
le i4 de février \5v)i(g). C'était
un homme fort propre à dresser feras redegit. C'est un mensonge- Son
» i ' • • i? „:i„ fp\ . histoire, à la vérité, fut imprimée à
les décisions d un concile {r), -
car il savait si bien ménager
(/*) Pallavic, Histoire du Concile de Tren-
te , liv. V , ch. Ier. , num. 3.
(i) Belcarius , in prœfatione.
(A) II vivait dans le XVIe. siècle.]
Konig le fait vivre l'an 162$. lies
Gallicas , dit- il , anno , i6a5 in lit-
les termes, que les disputants
que l'on voulait contenter y
trouvaient leur compte. La ma-
nière , dont il opina un jour sur
l'autorité épiscopale , ne plut
point aux flatteurs de la cour de
Rome , et l'on dit même qu'il
en fut censuré par le cardinal
de Lorraine (G), qui nia qu'il
eût jamais été son disciple. Je
renvoie à M. Moréri pour d'au-
tres choses que je ne dis pas.
Lyon , l'an i625 ; mais il y avait long
temps qu'elle était faite. Les biblio-
graphes tombent souvent dans la fau-
te que je viens de remarquer.
(B) Le cardinal de Lorraine lui pro-
cura l'évéché de Metz. ] Quelques-uns
disent qu'il n'était qu'un Custodinos ,
et que le cardinal de Lorraine ne lui
conféra cette prélature que quant au
titre. On ne sera pas fâché de trouver
ici tout ce que Théodore de Bèze a
conté sur ce sujet : En ce mesme
temps (1) , dit-il (2) , Charles de Lor-
raine , cardinal et évesque de Mets ,
le plus grand ennemi au eust la reli-
gion , se démit de l'évesché de Mets ,
de quoi ceux de la religion se resjouis-
Je crois qu'il V a de l'hyperbole soient grandement. Mais comme il
dans ce grand nombre d'ouvra- n'estait aucunement vraisemblable
vY . -1 ■ t> ■„ qu'un tel homme , estant des plus am-
ges qu il attribue a Beaucaire , <bUieux e| ai,ancieux de son ^stat qui
et un peu de confusion dans les fusi au monde, quiltasl volontairement
titres qu'il rapporte (H). Le cardi- un si gros morceau, il se trouva incon
nal Pallavicin a loué Louis XIII ;
(b) Belcarius , injîne lib. XXX.
(c) Idem , in prœfalione Historiée.
(d) Idem, in fine lib. XXX.
(e) // avait été gouverneur du duc de
Longueville , et puis son envoyé en Suisse,
diverses fois.
(j~) Dans l'avertissement du libraire.
(g) Spondaaus, ad ann. i5(jtt, num. 'i\.
tinent que ce bon hypocrite n'avoit
fait autre chose sinon résigner son ti-
tre d'évesque, comme faisant conscien-
ce de tenir tant de crosses en ses mains,
et cependant s'estoit réservé tout le
temporel. Cest évesque titulaire se
nommoit Peguillon , l'un de ses pro-
(1) C'est-à-dire , environ l'an 1 556.
(2) Bèze , Histoire ecclésiast. , lu
pas- 4?9-
XVI ,
BEAUCAIRE.
217
thonolaircs , homme de quelques let- céda cet évéché , il se réserva le droit
très , mais mal versé en théologie, le de retour ou île réversion : Regressum,
quel, accompagné de deux autres éves- ut Romani pragmalici vocant, sibi ex-
ques , à savoir de Thoul et de Ver- ceperat (6) , mais ce ne fut point pour
dun , tous deux de mssme esloffe que lui-même qu'il se servit de ce droit.
lui, venu a Mets, estonna quelque peu L'évêché de Metz demeura entre les
ceux de la religion, estimant qu'ils mains de Beaucaire depuis l'an 1 555 ,
fussent venus comme inquisiteurs avec jusqu'en i568 (7). On a faussement
quelque grand pouvoir de les persécu- débite' dans l'avertissement au lec-
ter , qui fut cause que plusieurs s'ab- teur , à la tête de son histoire, qu'il
sentèrent de la ville. Mais Dieu dé- avait suivi à Trente le cardinal Louis
tourna cette tempeste , et se contenta de Lorraine, auquel il céda sa mitre.
Peguillon de faire un petit livre en II est certain qu'il la lui céda ( 8 ) \
latin louchant la sanctification et le mais ce fut le cardinal Charles de
batesme des petits enfans, auquel il Lorraine qu'il suivit à Trente. 11 était
fut bien-tost après respondu : et par à home au mois de novembre i555 ,
ainsi ceux qui s'estoient absentez ren- lorsque le pape le bulla évêque de
trèrent sans qu'on leur dist mot. Mais Metz. Je l'infère de ce qu'il dit , qu'il
ces évesques en rapportèrent un sou- admira l'e'loquence avec laquelle ce
briquet qui leur fut donné par ceux de pape lui représenta les devoirs de
leur religion mesmes , qui les surnom- l'épiscopat. Mense novembri Paulus
nièrent évesques de earesme-prenant , me pohtificatu Melensi cedente Lo-
pource ( disoient-ils ) qu'ils estoient tharingo cardinale donavit , ac qitùm
maigres comme caresme, n'ayant qu'a- illi gratias agerem me mei ojficii ad-
ne petite pension assignée sur l'éves-
ché dont ils avaient le titre , mais le
cardinal estait le prenant, Voyez ci-
dessous la remarque (D).
(C) et le mena au concile de
monendo , et commissum populum
commendando , facundd in primis et
salis pralixd oratione respondit , ut
tam expeditam in homme sene et in
multis negotiis versato eloquenliam
Trente, où. il prononça une harangue.] admirarer (9). Après sa démission , il
Il la prononça le jour que les pères se retira chez lui , et s'enfonça dans
du concile choisirent pour rendre gril- l'étude. Quum post decimum ter-
, . 1 Dieu de la bataille de Dreux (3). tium ex quo idmunus suscepisseman-
Les deux historiens de ce concile con- num, Metensi ponlificatu defunctus
viennent de léloquence de ce pré- essem , eoque cessisseru , et me abho-
lat (4) •' mais Pallavicin , qui ne donne minum frequentid subducens in chris-
pas un si long extrait de la harangue, tianum fundum (10) paratum senec-
est plus prolixe (pie Frà-Paolo sur les tuti jam dudum inler nostros Boios
louanges de l'orateur; et il remarque studiorummeorumdomiciliumsecessis'
même que Beaucaire avait perdu son sem , ne omninà otiosum vitœ exlrj-
neveu dans cette bataille. Belcarius muni tempus traducere viderer , Com-
rpiscopus Metensis , vir eloquentid mentarios rerum Gallicarum scripsi
prœclarus , victorum laudes celebravit (1 1).
magnified oratione ad synodum , pu- (E) // n'eut point dessein de publier
blicœ felicitati gratulatus in luctu do- son Histoire. ] Il le déclare lui-même.
mestico, quippe qui Gilbertum Bel- Hos ( Commentarios ) me editurum
carium sui fratris filium amiserat in non profîteor : laieant in christiand
conflictu , atque hœc omnia eleganti ( 12) no si 1 <d bibliolhecd , donec tutà
quam scripsit hisloriœ (*) consignala exire possint : verè nec in cujusquam.
posteritati tradidit{5). gratiam aut odium scripsisse confirmo
(D) Il céda H évéché de Metz au (T3). Voilà ce qu'il dit dans sa pré-
cardinal L<<uis de Lorraine. ] Quand
le cardinal Charles de Lorraine lui
(3) Le ç) de janvier i563.
(i) Voyex le pire Paul, liv. VII ,pag. 63o
de la version <r A inclut, édition à" Amsterdam ,
en 1686.
(") Lib. XXX, à num. G ad 10.
(5) Pallavk. , lib. XIX, cap. X, mon. 5.
(6) Belcar. , lib. XXVI, num. C,.
(7) Beli :arius . subfin., lib. XXX.
(8) Idem, ibidem.
(çf) Belcr. , lib. XXVII , num. 6 , ad anr..
i555.
(10) La terre de la Chiite.
n Belcarius, m Prirfalione.
(15) De la Chrèle.
(i'S) Belcarius, in Prœfalione.
2l8
BEAUGAIRE.
face ; et voici ce qu'il dit en finis-
sant : Maluro judicio ne in multorum
odia incurreremus , veritas enini odium
paril , ut inquit poëta contiens , non
slatim edendos judicavimus. Il est fort
violent contre ceux de la religion ;
mais ce n'est point à cet égard que
la crainte d'offenser plusieurs per-
sonnes le fit renoncer à la lumière
publique.
(F) IL était fort propre a dresser
les décisions d'un concile. ] Le père
Paul rapporte les embarras où les
pères du concile se trouvèrent sur les
homme qui saurait former un décret
avec tant de netlete', que tous les
lecteurs y pourraient connaître que
l'on y condamne cela et cela , et que
l'on n'y approuve précisément qu'une
telle chose , serait plus propre que
Beaucaire à dresser les décisions d'un
concile , voici ma réponse. Je con-
viens qu'un tel homme serait plus
propre à cette fonction ; et le seul qui
y serait propre , si les assemblées
synodales pouvaient ou voulaient sa-
crifier à la vérité et à la droiture les
vues humaines , et les intérêts de
Questions du mariage. « Le premier la prudence politique ; mais comme
» chapitre des abus portant le réta- ceux qui composent ces assemblées
33 blissement des bans ordonnés par n'ont pas , ou assez de vertu pour ne
j) Innocent III fut touché et travailler qu'en faveur de la justice ,
» retouché plusieurs fois ... ; mais ou assez de foi pour espérer que
3) toujours avec si peu de succès, que la bonne cause trouvera dans la pro-
» la dernière correction était tou- tection de Dieu de quoi se passer du
3) jours la pire. Entre autres choses ,
3> on changea un point déjà établi ,
3> qui était que tout mariage fait en
3» présence de trois témoins fût bon.
3) Et, au lieu de l'un des témoins,
3) l'on mit que tous les mariages con-
3> tractés sans la présence du prêtre
3> fussent nuls ; ce qui rehaussait
3> infiniment l'ordre ecclésiastique —
3) Je n'ai point trouvé dans mes Mé-
3) moires , qui fut l'auteur de ce
3) grand avantage , niplusieurs autres
s; particularités que je n'eusse pas
3> manqué de raconter , si je les eus-
3> se sues. Cependant je ne saurais
3) frustrer François de Beauquerre ,
3> évêque de Metz , de la gloire qui
3) lui est due : car ce fut lui qui ,
3> voyant l'impossibilité de concilier
3> des sentimens si différens , donna à
j> ce décret la forme où il est , la-
3> quelle véritablement souffre divers
3> sens ; mais qui aussi s'accommode
j) admirablement à la diversité des
3) opinions (i4)- " Voici ce qu'on
trouve dans les Annales de Sponde :
In quo decrelo ad formam reducendo
quœ probaretur et in sessione promul-
garetur , ciim patres valdè psrplexi
essent , Franciscus Belcarius , episco-
pus Metensis , vir pius doctusque et
acumine ac maturitate ingenii prœ-
stans , eam composuit quœ publiée
conspicitur , céleris comprobantibus
(i5). Si quelqu'un m'objecte qu'un
(i4) Frà-Paoto, Histoire du Concile de Trente,
liv. VIII, png. 730 , à l'ann. i563.
(i5) Spondanus, ad ann. i563, num. 3çi-
secours de la politique , il n'y a point
de gens qui leur soient plus propres
que ceux qui savent dresser des actes
pleins d'obliquités , et d'où les divers
partis puissent remporter chacun sa
pièce. En tout cas , on ne me saurait
nier que l'évêque dont je parle ne fût
un vaisseau d'élite pour le pape , puis-
que l'on avait pour but dans ce con-
cile de ménager toutes les factions de
l'école. « Qui n'admirera ia prudence
» de ce concile * ? On nous avoue ici
» fort ingénument (16) , que sa dis-
)) position a été de mesurer lelh nient
» ses décisions, et d'en choisir et limer
» tellement les termes , quelles ne
)) donnassent aucune atteinte aux dif-
» férens sentimens de V école ; sur
)> lesquels les docteurs catholiques
3> étaient d'ailleurs très-partages. On
33 ajoute qu'il était en effet de la pru-
3) dence du concile de ne pas exposer
» l'église a de nouveaux trou files , par
3> les contestations fâcheuses qui se
3) seraient élevées entre les théolo-
» giens , si on avait entrepris la dis-
3) cussion et la censure de leurs dog-
» mes ; et qu'il paraît que c'est un
» des articles sur lesquels le pape
» avait fait instance particulière ,
» n'ayant marqué son penchant pour'
» rien de particulier , que pour le
* Il faut, dit Joly , que la passion de critiquer
soit bien vive, pour blâmer cette conduite du
concile de Trente.
(i6j C'est-à-dire , dant un livre fait par un
docteur de Sorbonne nommé M. Quéras , et im-
prime' à Paris, l'an iG85, touchant la suffisan-
ce de l'atlrilion.
EEAUCAIRE.
219
» ménagement des disputes des sco-
» lastiques , afin de ne choquer au-
■» cime opinion sans nécessite' , et de
» réunir toutes les forces catholiques
» contre les sectaires. Cela se prati-
■» qua si exactement , poursuit-on ,
3> qu'on peut voir même par If s paro-
33 les dont on a composé les définitions,
3> que les pères du concile ont été
3) exacts presque jusqu'au scrupule à
» chercher des termes qui ne blessas-
3> sent les sentimens ni des uns ni des
3) autres , en exprimant les ventes
3) qu'on déterminait. Si c'était Fia-
3> Paolo qui parlât ainsi , on pren-
)> drait un tel discours pour une pe-
» tite satire de la cour de Rome ; niais
» c'est le cardinal Pallavicin qui le
3) dit 5 et par conséquent il faut bien
33 croire que cela est vrai (17). »
(G) II fut censuré par le cardi-
nal de Lorraine. ] Le cardinal Palla-
vicin ayant rapporté que cet èVéque
de .Metz déclara qu'il croyait que les
évéques recevaient immédiatement de
Dieu leur autorite , et qu'ils n'étaient
pas de simples délégués du pape , et
que la puissance du pape n'est point
illimitée, ajoute qu'en cela il franchit
les bornes , hdc in re plurim'um ille
canceliis transgressus est (18). « On
3) soupçonna , poursuit-il , que cet
3> évèque et le cardinal de Lorraine ,
3) s'entendaient , et qu'ils agissaient
3) de concert ; mais le cardinal ayant
3> su que l'on formait ces soupçons ,
» déclara qu'il n'avait jamais été le
» disciple de Beaucaire , et le censura
» devant les ambassadeurs de France
3) et douze évèques. » Fama erat ,
hune episcopum Lotharingi magistrurn
fuisse : et sanc intimant cum eofami-
liaritatem exercebat , att/ue ejus operd
nobilem illam sedem acceperat. L/ndè
suspicio fuit , eos concordtter se ges-
sisse , et texlum a discipulo obscure
proposilum , fuisse dilucidatum h ma-
gislro interprelationis suœ claritate.
Sed cardinalis , hujusce famœ con-
scius , Guulterio negavtl (*) , se un-
quani Beauqueri discipulum fuisse ;
euni quidem à se agnosci virum maxi*
(t 7 > Ce passage est lire' des Nouvelles de la
République des Lettres , février 1686 , art. /".,
pag. 127.
(18) Pallavicinus, lib. XIX, cap. VI , num.
5 , pag. 184.
1*) Litlera Gualterii ad Borromjenm, 7 d'erm-
bris et sequenlibus ami. i5'?ï.
mœ lilteraturœ , sed, minimi constlii.
IVec abstinuit , quin illum castigaret
coram duobus Gallis oraloribus , et
duodecim episcopis (19). Ceux qui con-
naissent l'esprit de cour , qui était
l'iîme de toute la conduite de ce car-
dinal , ne feront pas grand fond sur ce
qu'il dit quand il eut su qu'on le ren-
dait responsable de l'opinion de Beau-
cairc. Il était bien homme à l'envoyer
sonder le gué , pour voir si l'on pour-
rait faire quelque chose qui plut à l'é-
glise gallicane , et puis à le désa-
vouer , quand il voyait, que la cour
de Rome s'en f;1rhait. Au reste , il ne
serait pas impossible que Beaucairc
eût été de peu de conseil et de con-
duite , comme l'on suppose que ce
cardinal le déclara. Cela n'est que
trop ordinaire aux gens d'étude.
(H) Il y a un peu de confusion dans
les titres de ses livres que Moréri rap-
porte. ] Il dit cpie Beaucairc composa
un Traité des Enjans morts dans le
sein de leur mère... et un Traité contre
les calvinistes. C'est déclarer nette-
ment que le premier de ces deux trai-
tés ne combat point les dogmes des
calvinistes : et cela est faux ; car il
est destiné à combattre l'opinion qu'ils
ont que les enfans des fidèles sont
sanctifiés dès le ventre de leur mère ;
et qu'ainsi , quoiqu'ils meurent sans
recevoir le baptême, ils ne laissent pas
d'être sauvés. Le passage de Théodore
de Bèze, (pie j'ai rapporté ci-dessus
(20), nous apprend que l'on répondit
à ce livre de Beaucairc. Un anonyme
répliqua à cette réponse : sa réplique
fut imprimée à Paris , l'an 1567 , in-8°.
(ai) , avec le premier traité de Beau-
cairc (aa) , et quelques autres: A pro-
prement parler, les deux livres dont
M. Moréri parle ne sont qu'un seul et
même livre : il s'est donc brouillé en
deux façons pour le moins. M. de
Sponde remarque que Beaucaire pu-
blia en i56j sa Dissertation contre le
dogme des calvinistes , touchant la
sanctification des enfans dans le sein
(10) AcU Paleotti , apud Pallavicinum , ibid. ,
num. 0.
(20) Pans la remarque ;B).
(21) Elle a pour titre : Anonymi Aot-Apolo-
gia contra Apnlogiain Metcn^-mm minislrorum
nomine scriplam , pro eversionc Sanctification^
Calviniana:.
(22) // a pour titre : Contra Calvini;nornm
do-ma de batirlificatione lofaolinm in utci •
rnntrnm.
220
des mères ; mais ce que j'ai rapporté
ci-dessus montre manifestement que
ce livre avait paru avant ce temps-là ,
et peu après l'installation de Beaucaire
à la cathédrale de Metz. Or il obtint
cet évëché au mois de novembre 1 555,
comme je le dis dans la remarque (Dj.
11 faut donc dire que Beaucaire pré-
para une seconde édition de son trai-
té , et qu'il ne la publia qu'en i567-
11 y inséra des lettres interceptées à
Châlons-sur-Marne , pendant la tenue
du colloque de Poissy. Ces lettres
étaient de Ta (lin et de Théodore de
Bèze. Taflin, ministre de Metz, avait
consulté les ministres du colloque de
Poissy, sur la question s'il fallait rebap-
tiser les enfans baptisés par une fem-
me. On lui répondit que des personnes
de beaucoup de jugement ne ci oyaient
pas qu'il fallût' le faire ; et qu'ainsi
l'on avait jugé à propos de renvoyer
la discussion de ce point à l'église de
Genève , et à celle de Zurich (23).
M. Moréri débite que l'Histoire de
France par Beaucaire commence à
l'an i46o , et finit à l'an i58o • mais
s'il avait consulté les auteurs qu'il ci-
te , il aurait appris de M. de Sponde
(24) qu'elle commence à l'an i4^2 ,
et finit à l'an i566 : que l'auteur pro-
mettait bien de. continuer , si Dieu
lui donnait assez de vie pour cela ;
mais qu'il n'a rien paru qui fut l'effet
de cette promesse , quoiqu'on n'ait
publié l'ouvrage qu'environ quarante
ans après que Beaucaire Peut achevé.
Le Catalogue d'Oxfort fait la même
faute que M. Moréri :jene m'en étonne
point , puisque la préface du libraire
contient cette erreur.
(I) Son frère Jean... eut une fille
mariée à Sébastien de Luxembourg ,
vicomte de Marligu.es. ] Beaucaire
parle de ce mariage, et dit que ce fut
la reine Marie Stuart , femme de Fran-
çois 11 , qui le procura à sa nièce
qu'elle aimait beaucoup (25). M. le
Laboureur confirme cela. Sebastien
de Luxembourg , dit-il (26) , se maria
moitié par inclination , moitié sur Ves-
(î3) Claude «le Saintes , Réponse à l'Apologie
de Théodore de Bèze , cile'e par Pratéolus ,
Elencb. Hœres. , pag. 97 , qR.
(24) ^ ann. i56G , num. 34.
(25) Belcarius , Histor. , lib. XXVIII , num.
37.
(26) Addit. à Castelnau, tom. Il, pag. 829,
83o.
BEAULIEU.
pérance qu'il eut des bonnes grâces el
de la faveur de la reine Marie Stuart ,
à Françoise (27) de Beaucaire , fille
de Jean S. de Pcguillon , et fille d'hon-
neur de cette reine qui l'aimait infini-
ment pour ses belles qualités, il eut
d'elle une fille unique , de laquelle elle
administra les biens avec autant de
soin el d' intelligence , quelle en eut
pour l'éducation de cette riche cl puis-
sante héritière (28). Brantôme n'avait
pas oublié ceci ; car il mit dans la liste
des dames qui ont brillé à la cour
de Catherine de Médicis madame de
Martigues , dite avant madetnoiselle
de rillemonlois , grande favorite de
la reine d'Ecosse (29). M. le Labou-
reur dit que la demoiselle de Ville-
montois était Marie de Beaucaire,
fille de Jean, seigneur dePuy-Guillon,
sénéchal de Poitou (3o).
(27) Son oncle, qui le devait bien savoir, la
nomme Marie, liv. XXVII I , num. 37 , M. le
Laboureur, mieux instruit , le lui donne aussi
en un autre endroit. Vojez la fin de cette re-
marque.
(28) Elle e'pousa en iS^S Philippe E manuel
de Lorraine , duc de Mercaur , frère de Luuise
de Lorraine, femme de Henri III.
(29) Brantôme , Vie des Dames illustres , pag.
94-
(30) Le Laboureur, Addit. à Castelnau, tom.
I".,pag. 3 18.
BEAULIEU (Lotus le Blanc ,
sieur de) ministre et professera
en théologie à Sedan , au XVIIe.
siècle , a été un homme fort re-
corumandable par son érudition
et par sa vertu. 11 fit soutenir
un grand nombre de Thèses de
théologie , qui furent rassem-
blées en un volume après sa
mort, et imprimées en Angle-
terre. Le public en fut si content,
que celte édition fut bientôt ven-
due : on en fit une autre au mê-
me pays , l'an i683 (à). On au-
rait vu à la tête de l'une ou de
l'autre de ces éditions quelque
préface qui eût traité de la vie
de l'auteur, s'il n'eût pas été
Français ; car je ne vois guère
(a) C'est la troisième : la première est
celle de Sedan, in-4°; les deux d'Angleterre
sont in-folio.
BEAU LIEU. 221
que les Français , qui aient la ne (B). Ceux qui connaissaient
négligence île laisser tomber sa vertu et sa pieté n'avaient gar-
dans l'oubli l'histoire ou la vie de de le soupçonner décela : ceux
d'un parent illustre par son es- qui étaient capables de bien ju—
prit et par ses ouvrages. C'est à ger de ses thèses ne l'en soupçon-
une semblable négligence qu'il liaient point non plus ; mais
faut imputer l'impossibilité où je combien y avait-il de gens dans
me trouve de dire le temps et les provinces éloignées , auxquels
le lieu de la naissance de Louis il n'était connu que parce qu'ils
le Blanc, le temps de sa promo- avaient oui dire, qu'il montrait
tion au ministère, et à la pro— qu'en certaines choses les théolo-
fession en théologie , et telles au- giens des deux partis n'étaient
très circonstances historiques et pas aussi éloignés les uns des au-
chronologiques. Je ne puis dire très qu'on le croyait ? ces gens-
autre chose, sinon qu'il mourut là , soit par la crainte de voir di-
au mois de février 1675 *, et minuer les sujets de division ,
qu'il eut beaucoup de part à qu'ils auraient mieux aimé que
l'estime du maréchal de Fabert l'on augmentât , soit par la mau-
(b) , l'un des plus grands génies vaise coutume ou d'interpréter
de son siècle. On fit imprimer à les choses en mal , ou de croire
Sedan quelques-uns de ses Ser- témérairement ceux qui donnent
nions , l'an 1675. Ce n'est point un méchant tpur aux actions de
là qu'il faut chercher le mérite leur prochain , se représentaient
le plus éclatant de l'auteur , en M. de Beaulieu comme un faux-
tant qu'habile homme, mais dans frère, qui travaillait au grand
ses Thèses. 11 y traite avec une dessein de réunir les églises, du-
merveilleuse netteté d'esprit (A), quel le cardinal de Richelieu s'é-
et avec beaucoup de pénétration, tait entêté (C). La pénétration
les plus importantes matières de de ce professeur l'obligea à éviter
la théologie, et il s'attache prin- certains termes de la commune
cipalement à écarter le malen- traditive, qu'il trouvait un peu
tendu qui a tant multiplié les incommodes. Il le fit en particu-
controverses. Il cherche l'état de lier dans la matière de la certi-
la question , il débrouille les tude du salut. Cela donna lieu à
équivoques , et il fait voir qu'il une querelle que lui fit M. Ar-
y a bien des disputes que l'on nauld (D). M. de Beaulieu n'eut
croit réelles, qui ne sont que des point d'enfans : sa veuve, qui
disputes de mots. On ne saurait était une femme fort éclairée et
croire le tort que cela lui fit au- fort vertueuse, a témoigné une
près d'une infinité d'iguorans , constance héroïque dans la der-
qui s'imaginèrent qu'il ne cher- nière persécution (c'). On n'a ja-
chait qu'à faire rentrer les réfor- mais pu la contraindre à la (nom-
més dans la communion romai- dre signature; de .sorte qu'après
•Il mourut, dit Leduchat, le 3 des ca- bien des vexations qu'on lui fit
tendes de mars ( 27 février) 1675. Son e'ni - SOU fin 1" , elle mOUTUt S3I1S avoir
tanlie se trouve dans la lettre de Bayle à Mi-
nutoli , du mois d'avril i6;5. , M. Quick en parle dans ses Proie
b fi était gouverneur de. Sedan. gomènes du Syuodicou in Galliâ reformata.
» le Blanc , s'est particulièrement si-
» gnalé sur ce sujet dans des thèses
» de la Justification , qu'il y a fait
» soutenir. Ce professeur , à qui l'on
» peut donner cette juste louange
» d'être un esprit extraordinairement
» net , et très-propre à démêler les
» questions embarrassées par les diffé-
» rens usages des termes , examine
» dans ses thèmes les principaux dif-
» férens qui sont entre les catholiques
» et les protestans sur cette matière ,
222 BEAULIEU
donné aucune atteinte à sa pro-
fession. M. le Blanc , conseiller
au présidial de Sedan , frère de
M. de Beaulieu , a tâché deux
fois de se sauver en Hollande de-
puis sa signature ; mais il a été
attrapé sur les chemins, et ra-
mené en son pays (d).
M. de Beaulieu a été mêlé
dans la querelle de deux minis- „
c * . . -. , » et conclut sur tous les articles que
très irançais , qui ont dispute » celle des catholiques est bonne , et
entre autres choses sur le prin- » que les protestans n'y sont contrai-
cipe de la foi. Ce que je cite de " re£ clue de nom (0- >'
leurs écrits pourra servir à faire ^£^1,""""^ de d.ébr?uiller /«
, l . équivoques jit croire a quantité
connaître ses sentimens et son dignorans... qu'il ne cherchait qu'a
caractère (E) ; et par conséquent faire rentrer les réformes dans l'église
ne sera pas une chose superflue. romaine- 3 Ce ne sont pas seulement
r\ ~i j . ri Ics esprits faibles , qui ont formé des
Quelques-uns se persuadent qu il soupc'ons contre £qde Beau,ieu . car
V a beaucoup de malentendu voici ce qu'un habile ministre a pu-
dans cette contestation (F). On blié : « Je respecte la mémoire de
M. le Blanc ; mais l'intérêt de la vé-
rité m'oblige à remarquer ce que
personne n'ignore : c'est que ce
théologien a écrit d'une manière
qui a rendu son orthodoxie fort sus-
pecte. En voulant éclaircir 'es ma-
tières , écarter les disputes inutiles
ou qui ne roulent que sur des mots,
et ôter toutes les équivoques , il a
extrêmement rétréci les espaces qui
nous séparent de l'église romaine.
11 a presque réduit à rien des con-
troverses très-importantes j et par
cette conduite, aussi-bien que par
sa grande douceur et par la forte in-
clination qu'il a toujours témoignée
pour la paix , il a donné lieu ;'i bien
> des gens de le mettre au rang des
latitudinaires (a). Le célèbre
> M. le Blanc de Beaulieu , pour la
> mémoire duquel on a d'ailleurs
> beaucoup de vénération , n'est pas
> un théologien dont il faille emprun-
) ter la plume , pour décrire le senti-
> ment des réformés sur les matières
i controversées avec les papistes
' 11 était un peu trop neutre dans la
> querelle que nous avons à démêler
> avec eux (3). » Hœc Me ( Le Bianc ,
(i) Nicolle , Préjug. lésit. , chap. XI , f>*g-
97, 19S , édition de Hollande , en i683.
(2) Saurin, Examen de la Théologie de TjlL. Ju-
ieu , pag. î5g.
(3) Là même, pag. !\")^.
l'a aussi attaqué sur sa doctrine
touchant l'efficace du baptême
Voyez l'ouvrage que je cite (e) ,
qui fut imprimé à Amsterdam
en i6y5; voyez-y, dis-je, le feuil-
let 5 de la préface, et le traité
qui en fait la conclusion. Voyez
aussi M. Saurin , aux pages 52?, ,
55o, etc. de son examen de la
théologie de M. Jurieu. Au res-
te , je viens d'apprendre que M.
de Beaulieu naquit au Plessis—
Marli (y) , où son père était mi-
nistre , et qu'il mourut à l'âge de
soixante ans et six mois.
id) Le roi lui a remis la peine des ga-
lères , à Inquelle il avait été condamné , pour
avoir voulu sortir du royaume contre les
défenses. Remarques sur la Confession de
Saucy, pag. 555, édition de 1699.
le) Recueil de divers Traités concernant
l'efficace et ta ne'cessite' </u baptême.
</} Seigneurie qui appartenait à M. du
Plessis-Mornai.
(A) Il avait une merveilleuse netteté
d'esprit. ] On en croira plutôt M. Ri-
colle que moi j je m'en vais donc ci-
t< i un passage de ses Préjugés légiti-
mes contre les calvinistes. « Un de leurs
» professeurs de Sedan, nommé Louis
BEAULIEU. 223
pag. 796 , num. 56 ) qui laxus nimiian éblouis ou par l'utilité apparente de
est coniroversiarum quas tractât arùi- la chose , ou par le nom de M. de
ter , quo factum ut nimium parlium Beaulieu , homme de grand mérite ,
adversarum canciliationi intentus , a mais dune sincérité trop apostolique ,
communi vid reformatorum sœpè dis- pour se démêler des ruses du maréchal
cessent (4). de Fabert , vieux courtisan, et qui ne
(C) On a cru qu'il travaillait au se piquait pas de ne vouloir tromper
grand ,lessein de réunir les églises , personne [S). 11 y a là une petite mé-
duquel le cardinal de Richelieu s était prise , car le maréchal de Fabert était
entêté. ] Ces faux soupçons se fortifié- mort depuis plus de sept ou huit ans
reut lorsqu'il courut un certain bruit lorsque ce projet fut proposé. Al. de
que le maréchal de Tureune , s'étant Turennc en était le promoteur,
entêté de la réunion des religions , (D) Sa manière d'éviter certains
avait sondé ce professeur de Sedan , termes donna lieu à une querelle que
et en avait l'ecu une lettre qui était lui fit M. Arnaud.~\ Il l'accusa d'avoir
montrée à tous les ministres que l'on renoncé aux sentimens des calvinistes
tâchait de surprendre. Ce bruit n'é- sur quatre chefs, dans la matière de
tait pas sans fondement -, car M. Ja- la Certitude du salut (9). M. de Beau-
quelot raconte , qu'en 2672 , l'agent , lieu publia une thèse particulière sur
qui fut employé pour cette afiaire , ce sujet , pour répondre à M. Arnauld.
vint a Vaisi en Champagne..., chargé Celui-ci a répliqué après la mort de
d'un billet de créance signé Louis , son adversaire (10); un disciple et in-
d'une lettre de j\I. deTurenneà M. de Unie ami de ce dernier a répondu à
Beaulieu processeur en théologie à Se- la réplique de M. Arnauld (11). J'ai
dan, et d'une rtponse de ce professeur comparé ensemble la réponse de ce
à M. de Turenne, et des signalu- disciple et la réplique de AI. Arnauld:
res des pasteurs de Picardie et de niais je n'ai pas pu bien voir quia tort*
Champagne qu'il avait visités ; mais ou qui a raison : ce sont proprement
il ajoute que cette réponse ne faisait des questions de fait , sur lesquelles
aucun tort à la réputation de M. de on peut répandre de part et d'autre
Beaulieu (5). Notez qu'il rapporte (6) mille équivoques, et tous les artilice-
un acte du synode de l'Ile de France , de la dispute. 11 faudrait avoir plus de
qui met à couvert les ministres qui loisir que je n'en ai , pour approfondir
avaient donné des signatures. L'écrit , cela. Je ne laisse pas de croire que si
où il parle de toutes ces choses , est M. de Beaulieu avait fait lui-même
une lettre contre AI. Benoît ministre son Apologie, sa cause eût été mieux
de Delft, qui n'a pas manqué de ré- défendue,
pliquer, et qui, entre autres remar- (£) // a été mêlé dans la querelle île
ques, a fait celle-ci, que les signatures deux ministres Jrancais Ce que
des ministres les plus innocens conte- je cite de leurs écrits pourra servir h
naient cette restriction, et je promets faire connaître son caractère.) Com-
d'y contribuer autant que je le pour- mençous par un passage de AI. Sain in:
rai , ma conscience sauve (7). Cette il venait de dire que le nom de Al. le
dernière clause , ajoute-t-il, prise de Blanc est moins autorisé parmi nous,
la lettre de M. de Beaulieu , était le
piège tendu a la simplicité des bonnes (8) Là même, pag. 4'.
âmes // est certain que trois sortes (r,) Arnauld , Renversement de la Morale, cité
de personnes étaient entrées dans ce par Jarieu, Justification de la Morale des Ré-
C n 1 >• . ,• formés, liv. I V , chap. XIV ,pag. Ho5 , eilit.
projet : i°. des gens malintentionnés ; de u }/aje^ en lGa$r
2°. des gens simples et de bonne foi ; çl0\ pans son nvre intitule , le Calvinisme
3°. des gens Sages et éclairés, mais convaincu de nouveau de dogmes impics, Jiap-
° XIX.
(4) Leydeeker, Pra-fat. in Aphorism. Lud. de „ .(") fV» '« J»stif.cation de la morale, des
Dieu, «Ci. VI. Reformes, Uv. VI, chap. XI V, pag. 3ob
(5) Jacqnelot, Lettre aux pasteurs et conduc- * Lerlerc fait dire à Bajle qu'il n'est pas au
teursdesKgl, ses Wallonnes des Provinces-Unies, fait de la dispute enlre Beaulieu et Arnauld , et
pag. il. Elle est datée de la Haye, le i3 de pari de la pour lui reprocher d'en p-rler a 1 arti-
seplembre 1698 tle Gomaris (remarque (V) j. Ledcrc recon-
(6) Là même , pag. 33.
(^) Benoît, Apologie présentée a MM. lescon
oustenrs de» Eglises Wallonnes, pag. 4°. maine
rail au reste que Beaulieu fut plus équitable que
la plupart de ses conlrères envers l'église rc-
224
BEAULIEU.
qu'il n'est célèbre (12) , et voici ce » Nous répondons qu'on nous demande
qu'il ajoute : Ce que M. Jurieu rap- » une chose injuste ; savoir que nous
porte de M. le Blanc « est plus propre » démontrions une chose indémon-
à décrier sa doctrine , qu'à lui don- » trahie. IVous confessons donc volon-
y, uer du crédit : par exemple , n'est-
ce pas une belle manière de défen-
3) dre l'autorité de l'Écriture, et la vé-
7> rite de la religion chrétienne , que
» de dire (*) qu'il est nécessaire que
» tiers que nous ne pouvons pas dé-
» montrer cela ; c'est-à-dire , le prou-
» ver et le démontrer mathémalique-
» ment. Mais nous nions que de là il
» s'ensuive que ces livres ne puissent
ï) ce qui est le premier principe de la » être la règle première et certaine de
» foi ne se prouve point de soi-même, » la foi , parce que c est là le propre
» et ne soit point prouvé par un autre m ries principes de la foi d'être inévi-
principe ; cl que toutefois le pria- » dens (i4)« » Voyez dans le livre
cipe de la foi ne soit pas quelque même de 31. Saurin comment il réfute
chose d'évident , parce que , tout de ces maximes.
même que dans tes disciplines hu- Il faut mettre ici la réponse de M. Ju-
maines il y a certains principes , qui rieu. C'est une chose curieuse, dit-il
sont les premiers d'où dépendent tous (i5) , de voir les fiertés , les hauteurs ,
les autres , qui ne dépendent ni les duretés , et les emportemens de
d'eux-mêmes ni d'autres principes, M. Saurin contre ce M, de Beaulieu,
il en est ainsi de la doctrine de la qu'il appelle ailleurs un très-excellent
foi. Ceux qui savent les élémens et homme. Mais ici , parce qu'il est du
l'A , B , C , de l'art de penser et de sentiment de M. Jurieu , et de toute
raisonner, savent aussi qu'une pro- l'église sur l'inévidence duprincipe de
position qui n'est pas claire par la foi, il faut qu'il soit d'une orlho-
elle-même, et qui n'est pas démon- doxieforl suspecte, qu'il ait favorisé
trée médiatement ou immédiate- le papisme , l'arminianisme ; qu'il soit
ment, par une autre proposition grand latitudinaire ; qu'il ait sauvé le
claire par elle-même, non- seule- plus de gens qu'il a pu; qu'il ail avancé
ment ne peut pas être un principe des absurdités qui le rendent digne
ni de science , ni de foi ; mais même d'être renvoyé à l'A , B , C ; qu'ily ait
ne peut point passer pour une pro- de l'imprudence à se confesser son
position véritable , pendant qu'elle disciple. En vérité, on a peine à en
demeure dans cette obscurité croire sesyeux. Ici l'on reconnaît coni-
M. Jurieu ajoute , après M. le Blanc, bien les vivons ont d'avantage sur les
qu 'encore que l'Ecriture, c'est-à-dire morts , comme le Sage nous le dit. Tel
la divinité de l'Ecriture , ne soit pas arrache la barbe du lion mort, qui
évidente par elle-même , et ne se
puisse prouver elle-même , on ne doit
pas conclure que ce n est pas le premier
principe de la foi , et qu'elle doit
emprunter son autorité d'ailleurs
n'eût osé l'approcher de mille pas
quand il était vivant Ceux qui ont
connu feu M. de Beaulieu savent que
c'était l'homme du monde le plus ré-
servé à dire ses propres sentunens :
(i3). Ces paroles ne font honneur, Historien fidèle de ceux d'autrui, au
ni à la droite Raison , ni à la Parole moins autant qu'il le pouvait, mais
de Dieu. La divinité de l'Ecriture très-réservé pour les siens propres ; ne
est évidente par ses caractères se déterminant que pour les choses no-
M. de Beaulieu ne raisonne pas plus toires et avouées de tous les théolo-
j uste, quand il repousse ainsi les ob- giens. Tellement qu'il faut le croire in-
jections que les ennemis duchristia- sensé, pour s imaginer qu' il s' est ouvert
nisme font contre l'Ecriture Sainte. sur ces propositions , dont les dehors
Quant à ces importunes inlerroga- i0nt si fâcheux, s'il n'a pas été per-
lions que l'on nous fait, d'où prou- SUadé qu'il suivait le chemin battu.
> vez-vous que les Apôtres ont écrit Lui , qui faisait son élude de connaître
» leurs Livres par inspiration divine? les sentimens de tous les théologiens ,
et qui souvent ne se déterminait pas sur
^trta:ïapàgE:Zea de U Thé0l°Sie ^ le pour et le contre , aurait vgnoré un
(*) Pog- »4 > £0'- '■ (>4) La même, yag. 262.
{iij Saurin, Examen de la Théologie de (i5) Jurieu , Défense de la Doctrine umvev
M. Jurieu , pag. 261. selle de l'Egli.e, pag. 3;2 , 373.
BEAULIEU.
225
fait que M. Savrin aurait pénétré , lui
qui n'a vu les grandes bibliothèques que
par définis ! Ou bien M. de Reaulieu
aurait il élé assez fou et assez méchant
pour établir comme le sentiment public
une impiété dont il aurait été l'auteur?
A qui M. Saurin espère-t-il pouvoir
persuader cela? Ceux qui auront lu la
première partie de cet ouvrage sur la
» tolérance universelle de toutes les
» sectes, comme fait M. Saurin. ;»
Finissons par la réplique de M. Sau-
rin. « Je parle de M. de Beaulieu avec
» toute l'estime et tout le respect qu'il
» mérite, et je mets une grande diflé-
» rence entre lui et M. Jurieu : non
» par la raison que M. Jurieu suppose,
» c'est-à-dire, parce que l'un est mort,
question de fait , auront honte pour » et que l'autre est vivant ; mais parce
AI. Saurin de sa témérité, puisqu'ils
verront , que depuis Calvin , tous nos
théologiens orthodoxes ont parlé com-
me M. de Beaulieu, et qu'il n'est ici
qu'historien , comme presque partout.
Mais AI. de Beaulieu n'a-t-il pas sur
cette question des duretés qui lui sont
particulières? par exemple (*') , que
les preuves, qu'on apporte de la divi-
nité'de l'Ecriture Sainte, ne sont pas
du rangde celles qu'on appelle, defi-
de, dans l'école : qu'elles ne sont point
puisées de quelque principe de foi , ni
d'aucune règle de foi; et que , par
elles-mêmes, elles ne peuvent fonder
un article de foi. Quelqu'un a-t-il dit
cela ? Oui , on l'a dit. Calvin la dit
en plus forts termes : il appelle sotte
et impertinente la prétention de ceux
qui veulent produire la foi par les ca-
ractères de l' Lcrilure (16). Ces preuves
ne sont pas de celles qu'on appelle de
foi « L'autre accusation que l'on
» fait à M. de Beaulieu (*:l) , d'être la-
it tiludinaire, d élargir la voie du sa-
» lut, et de sauver le plus de gens
» qu'il pouvait , est aussi ridicule ,
» puisqu'elle e>t incompatible avec la
» théologie dont M. Saurin lui fait
que le vivant ne ressemble pas au
» mort en toutes choses. Je remarque
» pourtaut les fautes de M. de Beau-
» lieu comme les fautes d'un grand
» homme. Cela m'est permis. Je ne le
» renvoie pas à l'A, B, C, comme
)> 51. Jurieu m'en accuse deux ou trois
» fois. Je dis seulement, que ceux
» qui savent les élémens , et VA , B ,
» C , de l'art de penser et de raiscrn-
» ner , savent aussi, etc. (18) Cela
» est certain, et ce langage est permis
)> à ceux qui sont persuadés (igl
» Je ne fais aucun tort à 51. de Beau-
» lieu, en le traitant de lalitudinaire.
» Il ne l'était pas dans le sens odieux
» que M. Jurieu donne à ce titre, en
» prenant un lalitudinaire pour une
» espèce d'athée. 5Iais il l'était dans
» quelque degré. La manière dont il a
» expliqué l'état de quelques-unes de
» nos controverses avec les papistes
» et avec les autres sectaires sur la
)> Justification , sur la Certitude du
» salut, et sur d'autres matières, en
» est une preuve : et nos théologiens
» habiles et sincères n'en disconvien-
» nent pas. »
Comme 51. Jurieu n'a rien répliqué,
» un crime (17). Il était des rigides je Guis ici cette remarque
» sur la matière de la grâce, et (F) .... Il y a beaucoup de malen-
» croyait que le Saint-Esprit faitait la lemlu dans cette contestntion.]Con-iidé-
» certitude de la foi , sans moyen, rez bien les paroles de 51. de Beaulieu ,
d comme on vient de le voir que j'ai rapportées ci-dessus (20) : elles
» Cette accusation est unique- nous apprennent qu'il croyait qu'on
» ment fondée sur ce qu'il a expliqué
» 1 état de quelques controverses au-
» trement qu'on ne les conçoit ordi-
» nairement. Mais quand il se serait
» trompé, ce serait une pure erreur
« de fait : car jamais il n'a favorisé
» aucune opinion relâchée , ni établi
» l'indifférence des religions , ni la
(*M Disput., loin. IV de S. Script., num. 9.
(16) Jurieu , Défense de la Doctrine univer-
selle de l'Eglise , pag. 3^S , 379.
(") Saurin , pag. 3gg.
(\-) Jurieu, Défense de la Doctrine de l'É-
glise, pag. 38i.
TOME ni.
pouvait pas démontrer mathémati-
quement l'inspiration des livres sacrés.
Comparons cela avec cette réponse
de 51. Saurin. « Si 51. le Blanc entend ,
» par une démonstration matliéma-
» tique , une démonstration contre la-
fi8) Saurin, Dérense de la véritable Doctrinc-
!. il _ m- réformée, pag. 164 , i65.
( 19) Notez que M Saurin n'a point dit, com-
me son adversaire le suppose, el sur quoi il
fonde ses exclamations : ceux qui savent l'A ,
B, C; mait , ceux qui savent l'A , H, C , de
l'ar de penser. La suppression de ces dernières
paroles esl une supercherie.
(20) Citation (j4,-
i5
22Ô
BEAULIEU.
3) quelle la chair et le sang ne font
» point d'objection, on reconnaît que
» la divinité de l'Ecriture ne peut pas
» être démontrée mathématiquement;
)) mais cela n'empêche pas qu'elle ne
3) soit démontrée moralement, d'une
» manière à exclure tout doute : ce
)> qui est manifestement contraire
» aux principes de ftl. Jurieu (21). >>
La comparaison.de ces deux passages
ne vous fait - elle pas connaître que
M. de Beaulieu et M. Saurin ensei-
gnent au fond la même chose ? Us
avouent l'un et l'autre que la divini-
té de l'Ecriture ne peut point être
prouvée mathématiquement. Mais
M. Saurin, direz-vous, ne soutient-
il pas qu'elle peut être prouvée par
une démonstration morale ? Je l'a-
voue ; mais je serais fort trompé, s'il
pouvait prouver que M. le Blanc n'a
pas enseigné la même chose. Je suis
sur que ce grand théologien n'a ja-
mais nié que les preuves de la divinité
de l'Ecriture ne puissent passer pour
une démonstration morale. Il n'avait
nul intérêt à nier cela; car de ce que
l'on avoue qu'une chose ne peut pas
être prouvée par une démonstration
mathématique, il ne s'ensuit pas
qu'en raisonnant juste on doive pré-
tendre qu'elle ne peut pas être démon-
trée moralement. Développons encore
le malentendu. M. Saurin s'imagine
que dans les principes de son adver-
saire les preuves de la divinité de l'E-
criture ne sont point exclusives de tout
doute. Cela est plein d'équivoques.
Cet adversaire ne prétend point que
tous ceux qui ont compris le poids et
la force de ces preuves doivent de-
meurer dans quelque doute ; il ne leur
ôte pas une pleine certitude , une en-
tière persuasion : il prétend seulement
qu'ils ne voient pas que le contraire
soit impossible , comme on le voit à
Tégard des choses qui ont été démon-
trées mathématiquement. Il nous ar-
rive tous les jours d'être pleinement
convaincus d'une chose , et sans le
moindre doute , quoique nous sachions
que le contraire est possible. Un voya-
geur, logeant dans un cabaret dont il
n'a jamais connu l'hôte, niange sans
scrupule ce qu'on lui sert à la table. 11
sait fort bien que ce pourraient être
(21) Saurin, Exainea de la Théologie d« M. Ju-
licu, pag. 2G2 , 2<J3.
des viandes empoisonnées, et qu'il nV
a ni contradiction métaphysique , ni
contradiction physique , ni contradic-
tion morale , à supposer que le hasard
ou la malice ont mêlé quelque poison
à ces alimens. 11 n'ignore pas qu'on
n'ait des exemples dépareilles choses;
et cependant il se persuade qu'il ne
doit rien craindre en cette rencontre :
il mange avec une pleine persuasion
qu'il ne sera point empoisonné. Nous
avons encore moins de doutes quand
nous mangeons chez un ami , et néan-
moins nous sommes très-couvaincus
qu'il est possible que les viandes soient
empoisonnées. 11 ue faut donc pas cri-
tiquer un théologien , qui assure que
nous sommes parfaitement convaincus
de la vérité des doctrines que nos
pasteurs nous annoncent, quoique les
raisons sur quoi ils l'appuient ne nous
fassent pas connaître qu'il est impos-
sible que la chose soit autrement.
Souvenons - nous que 31. Saurin re-
nonce à la prétention des preuves géo-
métriques : il se contente d'une dé-
monstration morale , contre laquelle
il n'y ait que la chair et le sang qui
puissent former des objections. Or c'est
justement la doctrine de son adver-
saire : ils se sont donc querellés sans
savoir pourquoi. M. Jurieu déclare
qu'il n'a rien dit qui puisse signifier
qu'il exclut la conviction de la con-
science (22) : il soutient qu'il a établi
que les caractères de divinité, qui se
trouvent dans la révélation , « sont
>•> capables de produire une espèce de
» certitude , sans le secours de l'Es-
» prit de Dieu , dans un homme qui
» aura de l'équité , et qui ne sera poiut
» prévenu. Mais , premièrement, le
» monde n'a pas de ces gens non pré-
» venus : tous ceux qui ne sont pas
» encore convertis, sont possédés par
u les préjugés de la chair. Outre cela ,
» nous ne demandons pas une certi-
» tude je ne sais quelle , mais une cer-
» titude qui surpasse toute certitude ,
» même celle des sciences fondées sur
» la démonstration (28) Ces
» caractères assurément ne sont pas
» tels qu'ils puissent produire dans
» un esprit bien disposé une certi-
» tude de spéculation, qui égaie la
» certitude des sciences géométri-
(22) Jurieu , Défense de la Doctrine univer-
selle de l'Eglise, p«£. 34i.
^23) La même, pag. 344-
BEAU!
> qucs (24) Il dit , i°. qu'il n'y
» a point île ces esprits bien dispose?
'i dans le monde , avant la grâce ; z°.
» qu'un homme, qui aurait de 1 équité',
» et point de préventions , pourrait ,
» même sans la grâce, obtenir une
espèce de certitude de la divinité
» des Ecritures ; 3°. que la certitude ,
: que nous demandons, est une cer-
» tilude qui surpasse toute celle des
» démonstrations géométriques (ïS). »
Prêtiez garde encore à ceci : M. Jurieu
déclare que son sens a été « que ces
i caractères internes et externes, coin-
» posés et arrangés par l'art de la lo-
» gique et de la rhétorique dans les
> Ouvrages de nos savans , en posant
» d'abord des principes évidens par
» eux-mêmes , et menant l'esprit de
» conclusion en conclusion , font une
» preuve pour la raison, qui vaut
» mieux que les démonstrations rao-
» raies ordinaires. Mais que ces mé-
» mes caractères , proposés m'huent et
sans art, ne sont pas une déruon-
i stialion morale , surtout pour les
• simples, qu'il faut mener par la
» main . el que même on ne saurait
i faire passer par des endroits où il
faut de la pénétration d'esprit et
'> de l'étude. La plupart de nos simples
» n'ont jamais fait une attention dis-
» tincte à cette démonstration qu'on
» appelle morale. Mais ces mêmes ca-
» ractères tous assemblés , qui ne font
» pas une démonstration morale pour
» l'esprit, surtout des simples, tout
» une preuve de sentiment qui est au-
» dessus de toute exception , et qui est
» aussi vive que l'impression du soleil
» sur les yeux (26). » Voilà donc entin
ces messieurs dans le même sentiment:
l'un ne prétend point qu'il y ait ici
des démonstrations mathématiques :
l'autre y renonre. Celui -ci demande
«pion lui accqrde des démonstrations
morales : l'autre y consent. Tout ce
qu'on peut dire de plus plausible en
faveur de M. Saurin est que M. Jurieu
n'avait pasd'abord bien développe sou
opinion, et qu'il semble ne L'avoir dé-
veloppée qu eu se contredisant selon
sa coutume. Je crois aussi qu'en com-
mençant de méditer sur celte matière
d ne connaissait pas bien la nature
'2_i) I.i même, pag. 345.
(a5) Là nit'me.
;>eu, Défense de la Doctrine univer-
clle de l'Eglise, pag. 3^3.
1EU. 227
des démonstrations morales. Il s'en
formait une idée trop relevée, et ap-
paremment cela fut cause qu'il n'osa
dire que les preuves de la divinité de
l'Ecriture montassent à un si haut de-
gré d'évidence. S'il avait su la vraie na-
ture de cette espèce de démonstration ,
il se serait moins commis. Une démons-
tration morale ne consiste pas comme
les démonstrations géométriques dans
un point indivisible: elle souffre le plus
et le moins, et se promène depuis une
grande probabilité, jusquesà une très-
grande probabilité. Ce sont ses bornes:
et ainsi, l'on a beaucoup de chemin à
faire , depuis l'endroit où nos preuves
commencent à pouvoir être nommées
une démonstration morale, jusques à
l'endroit où elles commencent à pou-
voir être nommées une démonstration
physique, ou métaphysique, ou géo-
métrique. Ce qui trompait peut-être
M. Jurieu était de voir que la certitude
et l'évidence avec laquelle nous con-
naissons qu'il y a eu un Jules César ,
une république romaine , etc. ne pas-
seut pas pour une science, mais pour
une foi humaine, pour une opinion ,
et tout au plus pour l'effet d'une dé-
monstration morale : et. comme il ne
voyait pas que l'inspiration de l'Ecri-
ture put être prouvée par des raisons
aussi convaincantes, que cilles qui
prouvent que Cicéron a existé , il crai-
gnait de dire qu'il y eût une démon-
stration morale, touchant cette inspi-
ration. S'il a eu de telles pensées, il
n a point su le fin des choses : car il
n'est pas vrai que le fondement de la
certitude et de l'évidence avec la-
quelle nous connaissons qu'il y a en
nue république romaine, soit une
simple démonstration morale, et que
notre persuasion à cet égard soit un
acte de foi humaine , ou une opinion.
C'est une science proprement dite,
c'est la conclusion d'un syllogisme .
dont la majeure et la mineure sont des
propositions clan; nient et nécessaire-
ment \ éritables. Il y a là pour le moins
une démonstration physique. Les phi-
losophes de l'école n'ont point ignoré
cela. Ille aclus nnn lit /11I1 1 . sed scien-
t i ficus , inmiiiw enim non humano te»-
timonio , sed repugnantiœ ph 1 *
tjuà video non potuisse toi /tontines
convenisse admenliendum Illv "^
sensus nritur h duobus prini ipiis
non patiuntur dissension. Primwi
228 BEAUMOUT.
hoc : impossibile est tôt hommes tôt et le sang, je veux dire les préjuges et
sreculis convenire ad mentiendura. les passions , le conduisaient à cela ;
Seciindiim est: hoc dicunt tôt homines car plus on donne de choses à prouver
lot saeculis (27). Quoi qu'il en soit, à son adversaire , pluson rembarrasse
M. Jurieu s'est enfin mieux expliqué, et on le fatigue. D où vient donc que
Disons un mot sur la remarque de cet ennemi de Jésus-Christ n'a point
M. Saurin , que si M. le Blanc entend nié certains faits allégués par les apô-
par une démonstration mathématique , très? N'est-ce point à cause qu'on pou-
ane démonstration contre laquelle la vait les soutenir par des raisons beau-
chair et le sang ne font point d'objec- coup plus claires que ne l'étaient les
tion on reconnaît que la divinité de raisons de ce qu'il niait? Je ne décide
l'Écriture ne peut pas être démontrée rien : il me suffira de dire que la chair
mathématiquement (2S). 11 serait à et le sang rendent quelquefois les
souhaiter que nous eussions une règle armes , et se soumettent à une clarté
générale pour discerner les objections
nui ne procèdent que de la chair et
qui ne leur plaît point.
qui ne procèdent que
du sang; car chaque secte chrétienne BEAUM01NT (FRANÇOIS DE ),
attribue à ce principe les objections baron Des-Adrets , a été un des
que lui font les autres ; et ainsi l'on ne „entilsnomnies de France , dont
fait que de se renvoyer 1 eteut : et y> ti -,-, -
bien loin de décider une controverse, le courage et les actions militai-
en soutenant qu'une doctrine n'est res ont fait le plus de bruit dans
combattue que par des difficultés que ]es guerres de religion sous le
la chair et le sang suggèrent, c'est fe de Charles IX. TJ était de
une dispute éternelle que de savoir si o ,
une difficulté , si une objection a pour Dauplune , et il avait appris le
principe la chair et le sang. J'ajoute, métier des armes en Piémont ,
qu'il y a des vérités contre lesquelles „u{ fut ]a meilleure et la plus fa-
une personne la plus intéressée à les meuse ëcoIe de rg je œ sife_
combattre, la plus prévenue, la plus ,° , . Jf .
passionnée , ne dispute point. Por- cle-la. On prétend que le désir
phyre , grand ennemi de la religion de se venger du duc de Guise ,
chrétienne, grand zélateur du paga- „lu- \u[ avait été contraire dans
nisme, demeurait d'accord de certaines fe f) j & à se dé_
vérités de fait alléguées par les chre- r v. ' •> l
tiens. L'intérêt de sa cause et de sa pas- clarer pour ceux de la religion
sion demandait qu'il les leur niât, car (p). On ajoute que Catherine de
c*est un très-grand avantage dans une Médicis lui écrivit une lettre,
disniile . fiue de rejeter tout ensemble i> • < 1
aispuie : , que uc . j pour 1 animer a la vengeance, et
etlesfaits,et les consequencesdes taits. 1 . 9 '
M. Saurin, qui est très-persuadé que quelle lui permit même de se
la chair et le sang ne font point les servir des huguenots , afin de
objections que les réformés allèguent ruiner le mieux qu'il lui serait
contre l'éghse romaine , sait bien que , ib,e l>autorité de ce duc dans
lorsqu il s'agit de quelque miracle de , _, .
reliques, ils nient le fait, et qu'ils le Dauplune. Le duc de Guise ,
ajoutent que, quand même ce miracle gouverneur de cette province,
serait certain , il ne prouverait pas y ava{t mis p0Ur sou lieutenant
que le culte des reliques fût légitime j Mothe_Gondrm , gentilhom-
Ainsi, selon les meilleures lois de la dis- 1 &
pute soigneusement observées par les me de beaucoup de cœur (c), et
orthodoxes , Porphyre aurait pu s'im- sa créature. Des-Adrets ne ju—
poser la loi de disputer aux chrétiens, géant pas qu'il pût commencer
non-seulement les conséquences des ° l
faits, mais même les faits. La chair ^ C'était un procès contre le vidame
d'Amiens. Voyez la remarque (L).
JrV) /T"S *Iar,adur%'!e Mendo/za . Di*P»l- ,b) AHard, Vie du baron Des-Adrels , cité
J III de Anima, secl. 111 , nwn . là , pas. 0".o. «, ■ i u ■ . j n i • ■
(,8) Saurin, E«men de la Théologie de Par Maimbourg , .Hist. du Calvinwme.
M. Jurieu, pag. 262. (r) Vai-iHas, Hist. de Charles IX.
BEAU MO NT. 229
plus heureusement ses entrepri— répandit l'épouvante de telle sor-
ses que par se défaire de ce gen- te parmi les troupes catholiques,,
til homme, pratiqua des intelli- que Maugiron , qui les corn man-
gences à} Valence , et les ménagea dait , se sauva dans la Savoie , et
de telle sorte, que la Mothe-Gon- n'osa rentrer dans le Dauphiné.
drin , accahlé par la sédition qui Grenoble retomba bientôt sous
fut excitée dans cette ville, y fut la puissance de notre baron, qui
poignardé de sang-froid. Valen- en usa envers cette, ville beau-
ce fut donc la première ville coup plus honnêtement qu'on
dont le baron se rendit le mai— n'avait lieu de l'espérer. Jl fut
tre , et où sa dignité fut accrue ; infiniment plus farouche dans
car de colonel des légionnaires d'autres lieux dont il s'empara
de Lyonnais , Dauphiné , Pro- de vive force (Bj , et où il usa
vence et Languedoc , qu'il était de cruelles représailles (C). La
auparavant (d) , il fut choisi le victoire qu'il remporta sur le
lendemain de la sédition (e) pour comte deSuze à Vaureas le ren—
administrateur des affaires , en dit maître d'Orange et du comté
attendant plus ample déclara- Venaissin , et fit trembler Avi—
tion du prince de Condé. Dès gnon encore une fois. Il défit les
lors il courut de toutes parts , troupes du pape, il entra dans
et ayant su que le parti s'était la Provence , et y renversa tout,
rendu maître de Lyon , il s'y ce qui se présentait devant lui.
transporta , et s'y empara de Néanmoins il y eut des contre-
toute l'autorité (A) , sans trop temps , ou des jalousies cachées ,
s'informer si cela était agréable, qui lui firent manquer le secours
Il défit, avec cinq cents hommes, de Sisteron. Cette disgrâce fut.
les trois mille que Saint-Vital suivie de quelques autres. Le duc
amenait aux environs de cette de Nemours, après le mauvais
ville-là, pour y faire le dégât, succès de son siège de Lyon, ga-
II ravagea le Forez; il s'assura gna deux combats sur le baron
de Grenoble , où il contraignit Des-Adrets : il n'osa pourtant
tout le parlement d'aller au prè- s'engager à un troisième , et il
che; il pilla et fit mettre en cen- trouva plus à propos d'employer
dre la Grande-Chartreuse, s'em- des artifices , pour faire changer
para du Pont-Saint-Esprit, entra départi à ce redoutable chef des
comme la foudre dans le pays protestans (D). On le prit par les
d'Avignon, et en aurait sans promesses et par les menaces (E):
doute emporté la capitale , pour on lui fit voir qu'il avait de grands
la traiter comme la ville d'Oran- ennemis dans son parti (F), enfin
ge avait été traitée par les trou- on l'ébranla de telle sorte, que
pes du pape, s'il n'avait été aver- sa conduite devint suspect*- «le
ti à une lieue d'Avignon, que plus en plus au prince de Condé
les catholiques s'étaient rendus et à l'Amiral. La conclusion lut
maîties de Grenoble. Il courut qu'ils s'assurèrent de sa personne
tout aussitôt de ce côté-là, et (G), à Romans , le 10 de janvier
.__, _. , ,. ,. Tl i563 (f). Il ne sortit de prison
(c/)Beze, Hist. occles. , Iw. Xlypag. 221. v'' ' x
Le 28 avril i562. /; Varilljs , Histoire de Cliarles IX.
23o BEAU MO NT.
que par le traité de paix qui fut (À). Il se signala partout. Il obtint
conclu la même année; et depuis en 1 53?. , le guidon de la corn—
il rentra dans sa première reli— pagnie du seigneur Dupuy Saint-
gion , et porta les armes contre Martin , lieutenant au gouver-
] 'autre , mais sans aucun succès , nement de Provence (l). Il eut
ni aucune gloire (H) ; de quoi il quelques démêlés avec George
n'est pas le seul qui ait donné d'Urre de Venterol , à qui cette
de fort mauvaises raisons (g). On compagnie fut donnée l,an\53,j,
ne reconnaissait plus ce général, et qui l'empêcha d'obtenir la
dont la vigilance , la prompti— Iieutenance {m). Cela lui déplut
tude , l'intrépidité , et fa présen- de telle manière qu'il protesta
ce d'esprit avaient été admirées de ne plus servir , et se retira
comme des prodiges, pendant en Dauphiné auprès de son père.
qu'il avait servi la cause. Toutes Quelque temps après, il fut trou-
ces grandes qualités , et les vie— ver à Turin son oncle Boutières
toires qu'il remporta sur le pa- (n) , général de l'armée de Pie—
pisme , n'empêchent pas les pro- mont , qui lui laissa la conduite
testans de le regarder comme un de quelques légionnaires de celte
Goliath qui déshonora les balail- province , qui faisaient une par-
les rangées d'Israël par sa con- tic de la garnison de la ville.
duite barbare (I). Il mourut sans II demeura dans cet emploi 'jus-
honneur , et dans une honteuse ques à la disgrâce de Boutières,
vieillesse , également méprisé qui arriva en 1 544 •> ei Çui obli-
des uns et des autres (h) , bien gea l'oncle et le neveu de se reti-
différent de ce baron Des-Adrets, rer en Dauphiné (o). Une longue
Quantum mutatus ab Mo ! qui maladie empêcha notre baron
s'était fait craindre jusque dans plus de trois ans de porter les
Pvome(i); car on y eut peur qu'il armes. Il eut une compagnie de
n'équipât une flotte , pour aller cavalerie sous le maréchal de
rendre visite au pape. Nous par- Brissac, lieutenant général pour
Ions de ses enfans dans l'une de le roi en Italie (p) , et il fut en-
nos remarques (K). suite colonel général des légion-
Voici un Supplément, que je naires de Dauphiné (q). Il reçut
tire d'un ouvrage que je n'ai lu trois blessures au siège du* "Vul—
que depuis que le premier tome pian , en i555. On lui donna la
de ce Dictionnaire fut achevé charge de colonel des légionnaires
d'imprimer. Le baron Des-Adrets, de Provence , Lyonnais et Auver-
n'ayant encore que quinze ans, gne , et il les mena au duc de
fut l'un des deux cents gentils- Guise à Turin , avec ceux du
hommes dauphinois qui se trou- Dauphiné , l'an i55^ (r). Il per—
vèrent à l'armée qu'Odet de
T • „ - j t M Allard, Vie du baron Des-Adrets, pag.
roix , seigneur de Lautrec ,3^4
commandait en Italie l'an 1527 {l)Là même, pa?. ?■
[m) Là même, pag. 9.
(n) Frère de la mère de Des-Adrets.
[g) Voyez la remarque (II). (o) A,iard Vie de Des-Adrets, pag. 10.
(h) Maimb. , Calvinisme, pag. 2;5. Voyez (p) Là même , pag. 12.
la remarque (K). r/ /,,; même, pag. 14.
1; Brantôme , l'éloge de Monluc. r Là même, pag. 16.
BEAU MON î. 23 i
dit son bagage et sa liberté , fatigues , accablé par la vieil-
li, la prise de Moncalve , l'an lesse , et extrêmement dégoûté
i558 (.s) ; et il accusa de la perte du monde , il se retira encore à
de cette ville Pequigni, qui en la Fretle , où il vécut un an avec
était gouverneur. Il le cita de- des marques visibles de son rê-
vant le roi , et perdit sa cause tour au giron de V Église. Il
(L). Le ressentiment qu'il en mourut donc véritablement ca-
conçut contre la maison de Guise tholique , après avoir fait son
fut ménagé par Catherine de testament , le 2 de février i586 ,
Médicis (t) , et eutles suites qu'on et fut enterré dans une chapelle
a vues ci-dessus. L'auteur que de l église paroissiale , qui ap-
jecite en donne un très-grand parlenait à sa maison (ce). On
détail , comme aussi des actions ne sera pas fâché de voir les ti-
qui furent faites par ce baron très qu'il se donnait pendant
depuis son retour au parti du qu'il fut à la tête des proteslans
roi. 11 les représente plus con*-' de sa province (0), ni de savoir
sidérables que d'autres historiens que son visage marquait la féro-
ne les font; mais il avoue que ce cité de son humeur (P).
brave capitaine fut suspect d'in- , . ... ,,,.... .,
. !«■ x t. (ce) Allard . Vio de 1 ><";- Adrpts, uag. qo.
telligence avec le parti hugue-
not , qu'on le mit en prison , (A) Il s'empara a Lyon de toute
qu'il se justifia (M) , et qu'il re- ^orité.} Quelque peine que M. Va-
t i j i h i rillas se soit donnée pour suivre à la
çut ordre de lever mille hommes piste loutes les dJiirches J"^
d înlanterie , quil conduisit a Adrets , il a pris le change sur le gou-
Turin («). Il y était pendant le vernementde Lyon. Il a toujours bâti
massacre de la Saint-Barthélemi. s,,r ce fondement , qu'aussitôt que
Ti -»i- t«4. r\ i • ' cette ville se tut déclarée pour les ré-
Il revint bientôt enDauphine; formés , le prince de Coudé y envoya
et voyant le peu d'état qu on M. de Soubise pour gouverneur (i) :
faisait de lui , il se retira à la car quand il parle des premiers mé-
Frette (x) , dans le Graisivodan contentemens de Des- Adrets , il dit
, \ -i\ C i i c 'I'1 d* vinrent de la nouvelle que Sou-
[y ) Il refusa de signer les for- &$c ctaU ,.,,„„.,. dam Lyon ^ Cda
mulaires de ligue, 1 au 1O77 (z). suppose qu'apre.s y avoir commandé
11 fut saluer le duc de Mayenne '"> certain temps , il quitta ce poste ,
à Grenoble, l'an i5Si (ad, , et rt q«e Des-Adrets lui succéda mais
, p. .1 ■ que Soubise y lut renvoyé à lexclu-
y lit un acte de son ancienne s'ioil de son sJuccesse(ir. (jct historien
bravoure (N). Il accompagna la s'est abusé : le premier qui commanda
\ alette , qui fut envové en Dau- llans 'a v>Ue ('e Lyon , depuis qu'elle
phiné contre Lesdiguières , l'an ,e,f,lt denc,arAe'^ ^^JV*'??' ' '-' !'"
fQK///\ rr r 1 1 , lebaron Des-Adrets (3). Soubise n v ffil
l oVb (bb). &njin , las de tant de renvoyé que lorsqu'on jugea qu'il etail
plus propre à cette cliargc que le ba-
(*) Là même, pag. 19. 10 n ; et il n'en sortit qu'après la paix.
(t) Làmême,pag. 25 , 26, ok Al. Allard AI. Varillas aurait lui-même reconn a
produit la lettre de cette reine, cette gradation , s'il eût bien pesé ses
(11) Là même , pag. 81.
x) C'était L'une de ses maisons. (1) Vai-Hhj, Histoire de Charles IX, loin. 1,
(y) Allard, Vie de Des-Adrels , pag-. 81. PaS- «83.
(z) Là même, pag. 8^. M Ta même, Fn5- 2i3.
(aa Là même, pag. 87. v.^ *&" <r;V'biSné , 'om. J , P»g- .»<>3, ,t
bcie, llist. ecclesiast. , h*. XI . pag
\bb Là même . pag. 8q.
«Mil-
2 3a
BEAUMONT,
propres paroles. Voici ce qu'il dit :
Des - Adrets s' approchant de
Lyon , sous prétexte de mener un
prompt secours aux calvinistes de
cette grande ville qui s'en étaient heu-
reusement saisis , les cajola si bien ,
qu'il leur persuada de lui obéir, et
d'écrire au prince de Condé qu'ils se-
raient ravis de l'avoir pour gouverneur
(4). Au reste , M. Maimbourg (5) et
son copiste (6) se trompent lors-
qu'ils disent que Des-Adrets s'em-
para de Vienne et de Grenoble , avant
que de s'emparer de Lyon. 11 est cer-
tain que la première chose qu'il fit ,
après s'être rendu maître de Valence ,
fut de courir à Lyon , dont il sut que
les protestans s'étaient saisis trois
jours après la sédition de Valence (7).
M. Allard n'a point connu ce fait-là :
il met le voyage de Lyon après la
conquête de Vienne, qui fut selon lui
poste'rieure à la réduction de Greno-
ble (8).
(B) Il fut très-farouche dans divers
lieux qu'il prit de vive force.'] Par
exemple , il traita fort cruellement
la garnison de Montbrisson * , qui
s'était rendue à discrétion. On eut
beau lui représenter les lois de l'hu-
manité , il voulut se divertir à voir
précipiter ces misérables soldats. On
les monta sur la plate-forme au-dessus
de la tour : on jeta du haut en bas
ceux qui n'eurent pas la résolution de
se précipiter eux-mêmes; et l'on ne
pardonna pas même à leur chef (9).
Il n'y eut qu'un soldat à qui l'on sauva
la vie. Il prit deux fois la secousse
d'un bout delà plate-forme à l'autre,
comme s'il eût eu dessein de sauter
plus loin , et cependant il s'arrêta
tout court sur le bord du précipice.
Des-Adrets lui dit d'un ton aigre qu'il
suffisait d'avoir deux fois sondé le gué :
le soldat lui répondit hardiment ,
Qu'il le lui donnait en quatre. Ce mot
adoucit tellement la mauvaise humeur
du baron , qu'il fit quartier au gail-
(4)Varillas, Histoire de Charles IX, tom. I ,
pag. 200.
(5) Histoire du Calvinisme , pag. 2^3.
(6) Le Supplément de Moréri.
(7) Bèze, Hist. ecclésiast. , liv. XI, pag. 221,
et liv. XII , pag. 255 et suiv.
(8) Allard, Vie de Des-Adrets, pag. 42 et 3g,
cité par Maimbour.; , Hist. du Calvinisme.
* 31ontbrison, dit Lcclerc.
(g) C'i'ic.it un brave nommé Moneehu.
lard qui avait osé se servir de ses
quolibets dans une extrémité si pres-
sante (10). Quelques-uns disent, que
les soldats du baron , aussi barbares
que leur général, recevaient avec des
cris et des huées épouvantables sur la
pointe de leurs hallebardes et de leurs
piques ceux qui tombaient du haut
de la tour (n). Castelnau-Mauvissière
raconte ainsi la cruauté qu'il prétend
que Des-Adrets exerça en un autre lieu
( 1 a). « Environ deux cents catholiques,
» dit-il (i3), qui avaient composé de
» rendre la ville , s'étaient retirés au
» château , estimant que la capitula-
» tion leur serait tenue de sortir la
» vie et les bagages sauves. Néan-
» moins, sans avoir égard à la foi
' jurée et publique, le baron Des-
» Adrets les fit cruellement préci-
» piter du haut du château , disant
» que c'était pour venger la cruauté
» faite à Orange. Aucuns de ceux
» qui furent précipités et jetés par
» les fenêtres , où il y a infinies toises
» de haut, se voulant prendre aux
» grilles , ledit baron Des - Adrets
» leur fit couper les doigts avec une
» très-grande inhumanité. 11 y eut
J> un desdits précipités qui, en tom-
» bant du haut en bas du château
» qui est assis sur un grand rocher r
» se prit à une branche , et ne la
» voulut jamais abandonner : quoi
» voyant , lui furent tirés infinis
» coups d'arquebuse et de pierre sur
» la tête , sans qu'il fût possible
« de le toucher. De quoi ledit baron
» étant émerveillé lui sauva la vie ,
» et réchappa comme par miracle.
» J'ai été voir le lieu depuis avec la
)> reine -mère du roi étant en Dau-
» phiné : celui qui fut sauvé vivait
» encore là auprès.» D'Aubigné attri-
bue la prise de Mornac * à Mont-
brun , lieutenant de Des-Adrets, et
remarque que Montbrun essaya en
vain de modérer le carnage : qu'un
de ceux qu'on fit sauter demeura
pendu en quelques branches , et que
comme on lui eut tiré quelques arque-
busades sans le blesser , Montbrun le
(10) Voyei Varillas, Charles IX, tom. I ,
pag. 212.
(11) Allard , Vie de Des-Adrets , cité par
Maimbourg, Hist. du Calvinisme.
(12) A Mornac, dans le comte' Venaissin.
(i3) Castelnau, Mémoir. , Uy. IV , chap. II.
* Jlornas, dit Leflerc.
BEAUMONT.
23 ;
seiuvaet en tira service (i4)- H tlit aussi d'autre ; et Orange fut estimée le Jon-
que ceux d'Orange mirent plusieurs clément de celles qui se faisaient au.
corps sur des bois et les firent dériver Dauphiné de sang-foid par les hu~
par le Rkosne en Avignon , avec de guenots. N'oublions pas la réponse
grands écriteaux sur leurs estomachs que fit le baron à ses ofliciers , lors-
qui disaient , péagers d'Avignon , lais- qu'ils lui représentèrent l'injustice
sez passer ces bourreaux ; car ils ont qu'il allait commettre , et les maux
payé le tribut à Mornac. Tous ces qu'elle pourrait attirer sur leur parti.
faits sont empruntés de l'Histoire
ecclésiastique de Théodore de Bèziî
(i5) , qui montre fort clairement que
Des-Adrets ne fut point l'auteur de
ce qui se lit dans Mornac. Il faut donc
que le Supplémeut de Aloréri soit cor-
rigé là-dessus , non moins que les
« 11 repartit avec un visage dont la
» laideur naturelle était beaucoup
» augmentée par la fureur, et qui
» par conséquent tenait plus de la
» furie que de l'homme , que le cbâ-
» liment dont il allait user était né-
» cessaire pour arrêter la cruauté des
Mémoires de Castelnau , et le Calvi- » catboliques ; et que, pour les ré-
nisme de Maimbour.». » duire aux lois de la bonne guerre
(C) Il usa de cruelles représailles. ] » qu'ils avaient les premiers violées à
11 faut ici relever une fausseté insigne » la prise d'Orange , il leur fallait au-
du sieurMaimbourg. Après avoir rap- » paravant montrer que les calvinis-
porté les barbaries de Des-Adrets, il » tes savaient faire la mauvaise guerre
ajoute ces paroles: A la vérité , il y » aussi- bien qu'eux (i 8).» M. Varil-
eut des catholiques qui , justement ir- las, qui traite ces deux excuses de
rites de tant d'horribles crimes, abu- ridicules , n'avait garde de le réfuter
sèrent injuslementdudroitde représail- sur ces paroles , qu'ils avaient les
les, et les traitèrent a peu près de même premiers violées a la prise d' Orange ,
de leur autorité particulière ; mais peu puisqu'il avait déjà observé comme
périrentde lasorle (16). Il supposedonc de son chef , que le baron apprit les
que Des-Adrets commença à user de cruautés exercées dans Orange , avec
ces barbaries, et que les catholiques ne les transports intérieurs de joie dont
s'en servirent qu'à son exemple , et est capable une âme sanguinaire ,
par droit de représailles. Mais c'est lorsqu'un accident imprévu la met en
ou une ignorance crasse , ou une mau- état de commettre toutes sortes d'excès,
vaise foi prodigieuse ; caries histo- sans qu'on lui puisse reprocher d'avoir
riens les moins suspects de partialité commencé (19). Je renvoie mon lec-
pour ceux de la religion avouent in- teur aux réponses que lit Des-Adrets
génument que les cruautés exercées à à d'Aubigné, qui lui demanda un joui-
Orange précédèrent celles de Des- trois clioses : 1". pourquoi il avoit
Adrets. Qu'on lise le Cbarles IX de usé de cruautés mal convenables à sa
Varillas (17) , on y verra, qu'avant grande valeur; i°. pourquoi il avait
les sauts de Mornac et de Montbris- quitté un pnrty , auquel il estoit tant
son, les catboliques avaient exercé créance ; 3°. et puis pourquoi rien ne
dans Orange les cruautés les plus énor- lui avoit succédé dès le parly quitté ,
mes , et nommément celle de préci-
piter les gens du haut en bas des ro-
cbers , ou sur des piques et des halle-
bardes. Voyez larticle de ( Fabrice )
Serbellon, où je rapporte ces étran-
ges barbaries. Castelnau, que j'ai déjà
cité , se sert de cette mémorable ré-
quoiqu'il sejust employé contre (ao) ?
Il répondit au premier point : « Que
» nul ne fait cruauté en la rendant ;
w que les premières s'appellent cruau-
>■> lés, les secondes justices. Là-dessus,
» ayant fait un discours horrible de
» plus de quatre mille meurtres de
flexion : A la vérité, il semblait que , » sang-froid , et d'inventions de sup
parun jugementde Dieu , les cruautés » plices inouïs, et surtout des sau-
jussent réciproques tant dim côté que » teries de Milcon , où le gouver-
» neur despendoit en festins pour
(18) Varillas, Histoire de Cbailes IX, lom. I,
(14) D'Aubigné, Hist. universelle , lom. I ,
pag. 10-.
(tS)Liv. XII, pag. 371.
(16) Maimhourg, Hist. du Calvin., Uv. IV,
pag. i~5 , édition de Hollande.
(17) Tom. I , pag. 2o3 , 30 j
(i<)) Là même , pag. 2o4-
(20) D'Aubigné , lom. I , bV. /// , cftap. IX ,
pttg. 216, e'dilion de 1O2G.
234
BEAUMONT.
•» donner ses esbatternens au fruit ,
3> pour apprendre jusqu'aux enfans et
j> aux filles à voir mourir les huguc-
j) nots sans pitié' , il dit qu'il leur
» avoit rendu quelque pareille en
» beaucoup moindre quantité, ayant
3> égard au passé et à l'avenir : au
i passé , ne pouvant endurer sans
■> une grande poltronnerie le deschi-
> rement de ses fidèles compagnons ;
•> mais pour l'advenir , il y a deux
» raisons que nul capitaine ne peut
» refuser: l'une , que le seul moyen
•» de faire cesser les barbaries des
-> ennemis est de leur rendre les re-
» vanches (21) • sur quoi il conta de
» trois cents cavaliers renvoyés il y
î) avoit quelque temps en l'armée
» des ennemis sur des chariots , ayant
■» chacun un pied et un poing coupés,
3) pour faire, comme cela fit, changer
3> une guerre sans merci en courtoi-
3) sie.» Tout le reste de ses réponses
est plein de bon sens et de sel : j'y
renvoie mon lecteur , comme je l'ai
déjà dit, me contentant d'observer
ici , i°. que l'on trouvera ces sau-
teries de Mdcon dans l'article de
cette ville ; 20. que notre baron se
justifia bien plus mollement auprès
du duc de Nemours , qu'auprès du
sieur d'Aubigné. Voyez la remarque
suivante.
(D) Le duc de IVemours em-
ploya des artifices pour faire chan-
ger de parti a ce redoutable chef des
prn/estans.] Si nous en croyons M. Va-
rillas , le duc de Nemours prévint
Des-Adrets , en lui écrivant une let-
tre, pour le prier de traiter en prison-
niers de guerre deux soldats italiens
tombés entre ses mains (22). Mais, se-
lon Théodore de Bèze , ce fut le baron
qui écrivit le premier au duc , pour
lui demander la liberté de deux sol-
dats italiens (23). Il n'y a point de
doute que M. Varillas ne se soit
trompé ; car la lettre de Des-Adrets ,
produite selon toute sa teneur dans
Théodore de Bèze , débute par la
demande de la liberté de ces deux
soldats italiens. M. Varillas est tom-
(21) L'amiral de Coligni s'était servi de cette
voie , pour corriger les anglais. Voyez l'appli-
cation qui a été faite de cela dans les Nouvelles
Lettres contre le Calvinisme de Maimbourg ,
tom /, pag. 1S8, 196.
(22) Varillas, Charles IX, tom. /, pag. 272.
(a3) Bèze , Hjst. ecclésiast. , tom. III , pag.
soi.
bé dans une autre faute : il ne
donne pas fidèlement le précis de
cette lettre. 11 prétend que le baron
imputa les sanglantes exécutions de
Vaureas , de Boulenne , et de Pier-
relate , a la nécessité d'obliger les
catholiques a faire bonne guerre aux
calvinistes qu'ils envoyaient au gibet
aussitôt qu'ils les prenaient , et qu'il
ajouta , qu' après avoir obtenu ce point
si nécessaire a son parti , qu'au-
paravant il avait peine à trouver des
soldats , il s'était exactement contenu
dans les lois de l'art militaire qu'il
avait apprises en Piémont. 11 n'y a
rien de semblable dans la lettre de
Des-Adrets , si ce n'est qu'il avoue
qu'à Pierrelate et à Boulenne , deux
villes qu'il prit d'assaut , il ne put à
son grand regret retenir les mains des
soldats qu'ils ne prissent leur revan-
che, sur quatre ou cinq cents hommes
qu'ils y trouvèrent. Son apologie ne
consiste point à alléguer quelque juste
et nécessaire motif de ses cruautés .
ni à dire qu'étant parvenu au but
auquel il les avait destinées , il les
avait interrompues : il ne fait que
nier; et cela, comme le remarque
Bèze , en un style Jort doux et mou.
Pour le moins, M. Varillas a dit sans
mensonge , que le duc de Nemours ,
ayant compris par cette lettre que
Des-Adrets était mécontent, lui fit
proposer une conférence qui fut ac-
ceptée.
(E) On le prit par des promesses et
par des menaces.] On lui écrivit fort
honnêtement (24) ; et après lui avoir
représenté que le chemin qu'il tenait
le conduirait infailliblement à une
confiscation de corps et de biens, on
le tenta par la promesse du collier de
l'ordre , et par celle d'une compagnie
de cinquante hommes d'armes, avec
une somme de cent mille francs : et
s'il aimait mieux demeurer hors du
royaume , on s'engagea à lui envoyer
la somme décent mille écus. Le duc
de Nemours employa toutes sortes de
promesses et de flatteries lorsqu'il
s'aboucha avec Des-Adrets.
(F) on lui fit voir qu'il avait
de grands ennemis dans jO/i parli.\
Le maréchal de Brissac lui com-
(24) Ce fut le maréchal de Brissac , qui lui
écrivit. Théodore de Mèze rapporte sa lettre ,
Histoire ecclésias. , tom. III , pag. zyi.
BEAU MON T. 235
mimiqua une lettré dé l'amiral , qu'il de la détention de Des-Adrets. Après
avait reçue dé la manière que je plusieurs interrogatoires et réponses...,
vais duc! Soubise avait fait savoir la paix estant survenue , il fut relasché
à l'amiral ses mauvais soupçons tou- et renvoyé en sa maison sans absolu-
chatit la conduite de Des-Adrets : le tion ni condamnation. C'est Bèze qui
soldat qui avait été porteur de sa let- parle ^(27).
Ire fut chargé de la réponse; mais (H)*// servit dans le parti catholi-
au lieu de la porter à Soubise, il la que, sans aucun succès , ni aucune
porta au maréchal de Brissac(25j. Or gloire.] Voici ce qu'on trouve dans
voici ce qu'elle contenait sur le cha- le même historien. Estant tumbê si
pitre de ce baron : Quant à ce que bas, il (28) passa encores plus avant
me mandez du baron Des-Adrets, depuis, ayant porté' les armes contre
chacun le cognoist pour tel qu'il est ; ceux de la religion , tant au pais de
mais , puisqu'il a si bien servi jusque s Dauphiné , qu'en France , estant co-
ici en cette cause, il est force d'en- lonnel d'un régiment de gens de pied;
durer un peu de ses insolences : car en quoi toutes fois il ne gagna autre
il y uumit danger en lieu d'insolent chose que dommage et honte, avec
de le faire devenir insensé : par quoi , telle perte de sa réputation , qu'il n'a
je suis d'avis que vous mettiez peine onques depuis été employé, demeurant
de l entretenir , et d'en endurer le plus en sa maison spectateur des misères
que faire se pourra. d' autrui (2g). D'Aubigné raconteqifon
(G) On s'assura de sa personne.] le délit , quand l'armée du duc de
Il est bon d'entendre les Mémoires de Deux-Ponts entra en France , l'an
Castelnau. « Le duc de Nemours, con- i56ç)(3o). 11 dit ailleurs (3i) , qu'à
» noissant Des-Adrets pour capitai- Lyon , au retour du roi dé Pologne ,
» ne , et qui avoit beaucoup de crédit un huissier refusa la porte à Des-
» et de réputation , pensa que c'étoit Adrets; et ce fut en cette occasion qu il
» le plus seur et expédient pour le lui demanda les trois choses dont j'ai
» service du roi de le gagner, que de parlé ci-dessus (3a) : il voulut , dis je,
» le combattre par force : ce qu'il fit savoir pourquoi ce baron avait si mal
» si dextrement avec belles promesses réussi dans les aimées catholiques :
» et douces paroles, comme c'étoit Mon enfant, lui répondit-il avec un
» un prince fort persuasif, et qui soupir , rien n'est trop chaut pour un
» a toujours su attirer les hommes capitaine qui n'a pas plus d'intérêt a
» par son gentil naturel , que depuis la victoire que son soldat: avec les hu-
» les huguenots n'ont eu en ce pays- guettais , j'avais des soldats ; depuis
» là nu plus grand ennemi que. ce je " "' eu que des marchands, qui ne
baron, qui commença dés lors à pensent qu'ai' argent: les autres étaient
» pratiquer contre les Huguenots; serres de crainte sans peur , soudoyés
» lesquels, comme fort vigilans en de vengeance, de pas.'ion et d'hon
)> leurs affaires, en furent avertis, neur. Je ne pouvais fournir de rênes
» aussi ont-ils toujours eu des espions pour les premiers , ces derniers ont usé
» partout. Qui fat cause (pie Mou- "tes éperons (33) Franchement ces
» vans , étant le baron Des-Adrels raisons-là sont bien faibles ; et il suf-
> allé en la ville de Valence, le prit lirait, pour les réfuter invinciblc-
" prisonnier par l'avis du cardinal ment , de renvoyer les lecteurs à ce
• de Ghastillon, et du sieur deCursol grand nombre de combats généraux
» depuis fait duc d'Usez , l'envoya à et particuliers , où les troupes pro-
j> Nîmes, où il fut en bien grand testantes ont été battues. Quoi donc ,
» danger , et à peine en fust-il échap-
» pé , sinon par le moyen de la paix
» en vertu de laquelle il fut élar-
» gi(a6).)> Voyez le XIIe. livre de
l'Histoire ecclésiastique de Théodore
ne Bèze , où il est amplement parlé
^5) Péze, Histoire ecclésiast., loin. III ,
pag. 291.
(26) Casîelnau, Mémoires, liv. If, chap.
(t) Bèze, Hist. ecdeViast. , h.-. XII, pag.
(2s; C'est-à-dire , le baron Des-Adrets.
l'a même, liv. XII , pag. 2o-.
(io) D'Aubigné, loin. I , pag. 4<>3.
(Si) Là même , pag- a i 5.
('il) Dans la remarque (C), citation ,?n). Re-
marquez que tout ceci , depuis Estant , se trou-
voit dans la remarque (K, de la première édi-
tion.
(33) D'Aubigné, lom. I. pag.
•36
BEAUMONT.
les soldats papistes n'étaient - ils pas
soudoyés de vengeance et de passion ?
Wavaient-ils pas les oreilles perpé-
tuellement battues des exhortations
de leurs prêtres qui leur recomman-
daient la vengeance des églises pillées
et profanées ? Y a - t - il rien au mon-
de qui inspire plus de fureur que
ces discours -là? Que dirons - nous
des arrêts qui permettaient à toutes
sortes de personnes , et qui ordonnaient
même a toutes les communes , de cou-
rir sus au. son du tocsin aux hugue-
nots , de les poursuivre vivement par-
tout , et de les tuer sans miséricorde
comme autant de bêtes féroces , de
chiens et de loups enragés , qui déso-
laient tout le royaume ■ de sorte que
l'on ne voyait en toutes les provinces
par les crimes des uns et par la ven-
geance des autres , que ruines , que
cendres , que sang et que carnage , et
mille affreuses images de la mort (34)?
Les soldats catholiques pouvaient-ils
être parmi tout cela exempts de pas-
sion et de vengeance ? Fallait-il user
plus d'éperons à leur égard , que de
rênes pour les huguenots ? Beaux con-
tes que tout cela : les Monlucs et les
Tavanes , et plusieurs antres chefs du
même parti , font voir que le baron
Des-Adrets ne s'en devait prendre qu'à
lui-même. Dans le fond , il faisait plus
de tort qu'il ne croyait aux protestans ,
et l'on a bien su se prévaloir de la dis-
position qu'il leur avait attribuée ,
d'avoir été soudoyés de passion et de
•vengeance (35). Mais voici une raison
encore plus fausse que celle qu'il donna
à d'Aubigné. « Jamais homme ne s'ac-
' » quit tant de réputation en si peu de
» temps , et jamais grand capitaine
j) n'en déchut plus tôt ; car le duc de
3) Nemours , qu'on envoya contre lui ,
» que tout est permis dans la révolte,
« et qu'un chef s'y fait connaître tel
» qu'il est ; au lieu que dans le ser -
» vice de son prince , il doit paraître
» tel qu'il doit être, et qu'il est plus
» sujet à la discipline militaire. Ea
» effet, le baron Des-Adrets était aussi
» furieux que vaillant : il se signala
» plus par la terreur de ses armes que
» par la réputation de sa conduite ;
» et il ne fit plus de bruit que les au-
» très de sa qualité , que parce qu'il
J) fut plus cruel et plus redoutable.
3) on ne lui aurait pas souffert dans
« l'armée du roi les mêmes emporte-
» mens ; et le droit de représailles
» était si ponctuellement observé ,
» qu'on fut obligé de part et d'autre
3» de garder la foi et de faire bonne
3) guerre (3fi). » Quelque intérêt que
j'aie à trouver des fautes dans les au-
teurs , puisque ce sont autant de ma-
tériaux de mon ouvrage , j'ai un véri-
table chagrin qu'un homme aussi
éclairé que M. le Laboureur ait été
capable de publier un si mauvais rai-
sonnement. Demandez - lui pourquoi
Des-Adrets a été un grand capitaine
pendant son protestantisme , et un
très-misérable officier pendant son ca-
tholicisme , il vous répondra : C'est
parce que dans la révolte on fait tout
ce que l'on peut , et dans une guerre
légitime tout ce que l'on doit. Jamais
maxime ne fut plus fausse , ni plus
mal appliquée que celle-là ; puisqu'il
est certain que dans une guerre civile
le parti du roi agit avec plus de hau-
teur et avec plus de confiance que
l'autre : carie parti rebelle se voyant
assez odieux , et assez chargé d'envie ,
n'a garde de commencer les infrac-
tions de la discipline militaire , les
violemens d'une capitulation , les mas-
)> et qui ne le pouvait défaire à force sacres de sang-froid contre la parole
3> ouverte , ne l'eut pas. sitôt prati- donnée , etc. C'est le parti du prince
3> que , qu'on ne parla {.lus de lui qui se donne en cela plus de licence ,
3> que comme du plus faible et du
3> plus malheureux officier du parti
3> royal et catholique. Ce n'est pas
3) qu'il ne fût toujours le même en
3) valeur et en expérience , mais
prétendant n'avoir à faire qu'à des
gens convaincus de félonie , et con-
damnés actuellement au dernier sup-
plice i il n'entre presque jamais dans
la bonne guerre , que lorsque l'autre
3> c'est qu'il y a beaucoup de dif- parti s'est Lassé de ne point user de re-
3) férence entre la manière de faire la présailles. C'est du moins ainsi que la
3) guerre pour ou contre son roi : c'est chose se passa dans les guerres de re-
ligion sous Charles IX ; et par consé-
(34) Maimbourg , Calvinisme, pag. 296.
(35) forez M. de Meaux, Hist. des Variations, (36) Le Lalionreur, Addit. à Castelnau , <e/n»
liv. X , mim. 3g. /, P"S- -$■
BEAUMONT.
((lient , la maxime a été très -mal ap-
pliquée. Outre cela , j'admire que m.
le Laboureur n'ait pas pris garde au
passage de Brantôme , qu'il a cite peu
après. Ce passage est un parallèle en-
tre notre baron et Mopluc • où , quoi-
que Brantôme fasse celui-ci un peu
moins cruel que l'autre , il ne laisse
pas de dire qu'on les comparait en
tout : Tous deux , dit-il , très-braves
et vaillans , tous deux fort bizarres ,
tous deux fort cruels , tous deux com-
pagnons de Piémont , et tous deux
fort bons capitaines. Selon la maxime
de M. le Laboureur , Des-Adrets n'au-
rait jamais acquis la réputation de
grand capitaine , s'il avait toujours
servi son prince : pourquoi donc Mon-
luc l'a-t-il acquise cette réputation-là ;
ou pourquoi i'a-t-il conservée et par-
faitement bien soutenue , lors même
que, selon M. le Laboureur , la bonne
guerreet le droit de repi'ésailles étaient
ponctuellement observés ? Pourquoi
alors Des-Adrets perdit-il toute sa
gloire , puisque celle de Monluc ne
.s'affaiblit point ?
(I) Les protestons désapprouvèrent. ..
sa conduite barbare. ] Outre ce qui a
été déjà dit sur ce sujet (3^), je remar-
querai ici qu'on disait qu'il apprenait
a ses en fans à être cruels , et à se bai-
gner dans le sang. L'aine , qui depuis
fut catholique , ne s'épargna pas à la
Saint - Barthelemi (38). 11 mourut au
sage de la Rochelle , en contrition du
grand sang qu'il avait répandu. Les
protestans se soucieront, fort peu que
cet ouï-dire de Brantôme soit vrai on
faux ; car ils ont été les premiers à
condamner l'humeur cruelle de ce ba-
ron (3g). Mais tout le monde a inté-
rêt à ne pas souffrir la licence de celui
qui a donné le Supplément de Moréri :
Des-Adrets , dit-il , après un grand
carnage , obligea ses deux fils h se
baigner dans le sang des catholiques.
Le père M.iiinbourg lui avait fourni
cette glose(4°)- Disons-leur donc à
tous deux , qu'ils ne devaient pas s'é-
manciper à ces sortes de paraphrases.
Leur témoin sur un oui-dire ne s'était
servi que du mot de sang. De quel
droit ont-ils prétendu qu'il avait parié
(3-) Dans la remarque (B).
(38) Brantôme, Eloge de 31onluc.
(39; /"urri Bèie, Hist. ecclésiasi. , liv. XI ,
pa%. 221.
(40) llist- du Calvinisme, pas;. 274.
237
du sang humain ? Kst-ce que les bou-
chers ne contractent pas une habitude
de cruauté par l'effusion du sang des
bêtes ? Un homme qui cite se doit faire
une religion de s'en tenir aux termes
de son témoin , et de ne pas commettre
le sophisme, à dicta simpliciter ad dic-
tant secundùm quid. Qu'il conjecture ,
s'il veut ; mais il ne doit pas narrer ses
conjectures comme une histoire.
(K) JVous parlerons de ses enfant,
dans nos remarques. ] Brantôme ,
que nous venons d'entendre touchant
l'aîné , dit qu'il y en eut un plus
jeune qui fut page du roi ; mais Théo-
dore de Bèze nous en dira plus de cir-
constances. Le plus grand mal fut ,
dit-il , en parlant de ce baron (41 ) ,
que depuis ce temps-là , allant de mal
en pis , il quitta la religion , menant
mesme ses en fans a la messe ; le plu*
grand desquels ayant esté , durant les
troubles , nourri en Allemagne chez le
seigneur électeur palatin , se rendit tost
après l'un des plus vicieux jeunes hom-
mes quifust en France , comme aussi
Dieu ne l'a pas laissé longuement vi-
vre. Les deux autres esloient jumeaux
et avaient esté nez a Genève durant les
troubles , de l'un desquels maistre Jean
Calvin avait esté parrain.
M. Allard conte que celui qui avait
été page du roi , et dont il rapporte
une action tout-à-fait hardie , fut en-
veloppé dans le massacre de la Saint-
Barthélemi ( fo ). Davila , liv. JK
des Guerres civiles de France, dit que
les ileux fils s'appelaient les colonels
Montaumar et Rouvray , et que l'un
d'eux fut tué au massacre de la Saint-
Barthélémy. L'autre mourut de mala-
die (43). Voyons l'action de ce page.
» Un jour le roi lui ordonna d'aller
» appeler son chancelier : ce page le
m trouva à table, et , lorsqu'il lui eut
» dit que le roi le demandait, le clun-
» celier lui ayant répondu qu'après
» avoir dîné il irait recevoir ses <>r-
» dres : Comment , dit le page , il faut
» retanler d'un moment lorsque le roi
» commande ? y ne , qu'on marche
» sans excuse. Et là-dessus il prit l'un
» des bouts de la nappe , et jeta tout
» ce qui ttait dessus par terre. Ce
(40 Bèze, Hist. ecclésiasi. , liv. XII, pag.
3o-.
142) Allard, Vie de François de Beanmont,
baron UrsAdrets , pu ■;. 81.
(43) Là même , pag. rjo, («t
238 BEAUMONT.
» conte fut fait au roi par le chance- Mettons ici l'addition que je publiai
» lier même, et sa majesté', en riant, à la fin du premier volume de ce dic-
« ne répondit autre chose , sinon que tionnaire. Elle contient ces paroles :
3) le (lisserait aussi violent et emporté Je viens Je recevoir (fo) la l^ie de no-
» que le père (44)- " t,e baron Des-Adrets , composte par
Notez que cet écrivain n'a pas bien M. Allard , et roui de quelle façon
compris ces paroles de Davila : Nel on y relève la méprise de M. le Labou-
medezimo pallazzo (45) furono anuiz- reur. « La famille de Beaumout n'est
zati Teligni generodell' Ammiraglio , » pas éteinte , comme M. le Labou-
Guerchi suo luogotenente ,... i colo- » reur a cru , en parlant du baron
nclli Montaumar è Rourai,il figliuolo ~» Des-Adrets , dans ses Additious aux
delbarone de S. Adrets , e tutti quelli » Mémoires de Castelnau. Elle sub-
della sua corle (46). 11 ne prétend
point parler de deux colonels , qui
fussent fils de notre baron ; et l'on ne
sait même si par son barone de S.
Adreis , il a entendu le nôtre. En ce
cas-là , je m'imagine qu'il se trompe.
Qu'on ne m'objecte point ces paroles
de d'Aubigné : Le marquis de Resnel ,
frère du prince Porcian , fut tué par
Bussi d'Amboise et le fils du baron
Des - Adrets , pour un procès qu'il
avait avec son cousin-germain (fa) , car
» siste encore par les branches de
» Pompignan en Languedoc , de Brcs-
» set en Auvergne , d'Autichamp et de
» St. -Quentin en Dauphiné. 11 est vrai
)> que celle du baron Des-Adrets se
» termina par deux filles , l'aînée des-
» quelles , nommée Susanne , fut ma-
» riée deux fois : la première , avec
» le seigneur de Tarvauas en Pié-
» mont ; et la seconde , avec César de
» laVaucerre, à qui elle porta la terre
Des-Adrets. L'autre eut nom Esther ,
cela veut dire que Bussi d'Amboise » épouse d'Antoine de Sassenage , sei-
et le fils de ce baron tuèrent Kesnel. » gneur d'Iseron (5o). »
M. le Laboureur disait en i658 , que (L) Il cita Peqwgni devant le roi
la maison de Beauraont était éteinte et perdit sa cause. ] Je m'en vais copier
(48) J'ai su de M. d'Hosier , par le le «M
moyen d'un ami , que Susanne de
Beaumont , fille et héritière de notre
baron Des-Adrets , fut mariée à César
de Vaucerre , seigneur de Teis et de
St.-Dizier , dans le Dauphiné. Leur
postérité subsiste encore. Mademoi-
selle Des - Adrets , qui est morte fille
d'honneur de madame la duchesse
d'Orléans , après l'an 1G80 , et qui
avait été de la religion , était des des-
» ron accusa Pequigny de la perte de
» la ville , et de celle de sa liberté et
» de son bagage , il prétendit qu'il
» l'en devait dégrever. Il le cita pour
» ce sujet devant le roi François
» II , qui avait succédé à Henri II ,
» où il soutint admirablement bien
i> sa cause , et dit que Pequigny
>; avait laissé entrer l'ennemi sans
» combattre , qu'il pouvait défendre
cendans de cette Susanne. Elle avait » la brèche avec facilité , parce quelle
pour frères le marquis Des-Adrets, qui » était petite, et que ceux qui avaient
est capitaine de vaisseau , et le che- » résolu d'y passer étaient en petit
û était aide-de- V nombre; que s'il le niait, il le lui
valier Des-Adrets , qu. -
camp du maréchal duc de Noailles , » ferait avouer p;.r un duel. Ce diiie-
lorsqu'il fut tué au siège de ttoses , au >' rent parut singulier à
mois de juin i6g3. Il avait été capi-
taine de vaisseau ; mais on l'avait
cassé p;irce qu'il n'avait pas voulu
assister aux leçons que M. Renaud ,
ingénieur de marine , donnait à Brest
par ordre du roi.
(44) Allard, Vie de François' de Beaumonl ,
baron Des-Adrets, pag . 82.
(45) C est-à-dire , à Phvlel de Vamiral.
(46) Dayila, lib. V ,pag. 272, edit.di Vene-
lia, nell' an. i65o.
(47) D'Aubigné, loin. Il, ZiV. /, cktip). IV,
pag- 54G.
(48) Le Laboureur , Additions a Caslelnati ,
Jôm. / , pag- 23.
et
ces deux ennemis trouvèrent des
» partisans parmi les grands , qui
)> empêchèrent quelque temps qu'il
» ne fût décidé. Il le fut néanmoins
» en faveur de Pequigny , par le cré-
» dit de la maison de Guise , qui com-
» meneait d'en avoir un bien grand
» en France •■ et il leur fut défendu de
» rien attenter l'un contre l'autre , à
» peine d'être punis comme crimi-
» nels de lèse-majesté , dont le baron
(4q) Au mois de septembre iChjG . par les
sains de l'obligeant M. Pinsson des Bwlles.
(5o) Allard, Vie de Des-Adrets, pag. 1 et -.
BEAU MO NT.
» fut tellement outré de colère , qu'il
» jura de s'en venger contre les Gui-
» sars ; et ce fut la cause qu'il em-
» brassa ensuite !e parti des Pro-
» testans ; c'est le témoignage de M.
i de Thon ; et c'est la vérité (5i).»
(M) Il fut suspect d'intelligence avec
le parti huguenot , on le mit en pri-
son et V. se justifia. ] A son retour en
Dauphiné , après la bataille de Mon-
contour , il fut oblige de se retirer
dans sa maison , parce que Gordes ,
gouverneur de la province , avait
conçu beaucoup de haine contre lui
339
» était persuadé de son innocence et
» de ses bonnes intentions; qu'il n'a-
» vait jamais douté de sa bonne con-
» duite et du zèle pour son service ;
» qu'il était extrêmement satisfait 1I1
» lui ; qu'il avait bien toujours cru
» que ses intentions avaient été bon-
» nés , et autres choses de cette na-
» ture , dont il pria sa majesté de lui
» octroyer acte : ce qu'elle fit volon-
» tiers. Il est dans les registres de la
» chambre des comptes (55). »
(N) Il fît à Grenoble , en 1 58 r , un
acte de son ancienne bravoure. ] Le
(52). « On tient qu'il le soupçonnait duc de Mayenne « étant à Grenoble
de ne s être pas entièrement défait
m de ses inclinations huguenotes , et
» même d'avoir favorisé l'armement
■ qui s'était fait auprès de Genève par
■ le comte Ludovic de Nassau , etd'ê-
1 Ire d'intelligence avec lui Quoi
» qu'il en fût , il est certain que Gor-
:> des fit peu d'état de lui , dont le
h non murmura hautement, et fit
» des plaintes qui furent un peu har-
■> dies , et même téméraires : telle*
a ment que le roi l'ayant su , Gor-
) des eut ordre de le faire arrêter ; ce
» qu'il fit. Il fut conduit à Grenoble ,
> et de là à Lyon dans Pierrecise. D'à-
1) bord on le crut perdu , et cela d'au-
" tant mieux qu'on intercepta des let-
» ti'es des princes et de l'amiral en >.i
. faveur , et que les principaux chefs
des protestans parlèrent pour lui
. faire rendre la liberté (53).» Il l'ob-
tint par la paix qui fut conclue an
mois de janvier 1S71 (54). 11 fut se
enter au roi estant en son conseil.
( Là, il déclara qu'étant innocent,
> il suppliait sa majesté de lui pei-
)> mettre de renoncer au bénéfice
» des édits de pacification faits en fa-
» veur de ceux qui avaient agi con-
tre ses intérêts, sous prétexte de re-
ligion ou de politique; qu'il n'avait.
>> jamais rien fait qui put lui être
■» imputé à blâme; que si Quelqu'un
» était assez hardi pour lui soute-
» nir qu'il fût criminel en quelque
) manière, il était prêt de l'en faire
u dédire les armes à la main , si sa
» majesté voulait avoir la bonté de le
» souffrir. Le roi lui répondit qu'il
(Si) Là même , pag. 19 et 20.
(52) Allard , Vie de Des-Adrets , paç. <]5.
fa même , pag. -6.
/.<( me ne , pag. -*.
j en i58i , le jeune Pardaillan , fils
de la -Mothe-Gondrin , parla fière-
ment et injurieusement du baron
Des Adrets , à cause de la perle de
son père à Valence. Le baron apprit
dans sa retraite de quels termes il
s'était servi, et que même il avait
dit que s'il le rencontrait il le trai-
terait mal ; ce qui l'obligea de ve-
nir à Grenoble , où , après avoir
salue le duc de Mayenne , et en
avoir été caressé , il dit plusieurs
fois , et même en présence de Par-
daillan , qu'il avait quitté sa soli-
tude et revu le monde , pour sa-
voir si quelqu'un avait de la ran-
cune contre lui , pour le satisfaire ■
que sou épée n'était point si rouillée '
son bras si faible , et ses forces si
diminuées par son âge , qu'il ne fit
bien raison à tous ceux qui avaient
quelque plainte à lui faire. Pardail-
lan ne dit et ne fit rien qui don-
11 U lieu à une querelle ; tellement
que Des Adrets se retira coulent de
cette dernière bravoure (56).»
(0) On. . . . verra les titres qu'il se
tonnait , pendant qu'il fut h la tête
des protestans de sa province.] Les
voici : « François de Beaumont, sei-
gneur Des-Adrets, gentilhomme or-
dinaire de la chambre du roi co-
lonel de- légionnaires de Dauphiné,
Provence, Lyonnais, Languedoc et
Auvergne, gouverneur et lieute-
tenant général pour te roi en Dau-
phiné, et lieutenant de monsei-
gneur le prince de Coudé en l'ai
niée chrétienne , assemblée pour le
service de Dieu, la liberté et déli-
(55) La même , 1/ Allard rapporte cet acte
tout entier, pag. -9, 80 , Si.
(5(>; La. même, pag. $~ , 83.
24°
■» vrance du roi et la reine sa mère ,
» conservation de leurs états et gran-
3) deur, et de la liberté chrétienne,
m èsdits pais (57). » Il y a dans la
chambre des comptes de Grenoble
plusieurs ordonnances dressées en son
nom , où il prend celte qualité ,
et en d'autres il se dit chef gouverneur
des compagnies assemblées pour le
service de Dieu, etc. On en voit qui
sont ainsi adressées : A tous vrais fi-
BEAUNE. BEDA.
C'était un Picard (a) , qui vivait
sous le règne de François Ier. *
Il se déclara l'ennemi juré de
tous ceux qui voulurent faire re-
fleurir les belles-lettres (6), et ce
fut par-là qu'Erasme et Jacques
Faber d'Étaples encoururent
son indignation. Il prétendit
avoir trouvé un grand nombre
dèles sujets du roi , notre souverain et a'iiérésies dans les paraphrases
naturel seigneur , associes en la con- ,,j, 1 r r
, s , , „t,AU d Erasme, et publia un livre sur
lession des églises reformées , et zela- t. i .
teurs du repos et tranquillité de ce ce sujet. Erasme se justifia, et
pays de Dauphiné , salut et paix par l'accusant à son tour , le con-
«otre-Seigneur Jésus-Christ (58). N'é- va£nqùit d'une infinité decalom-
lait-ce pas un homme bien digne de • 7*\ r> j r J
se servir d'un tel langage? N'était-ce ™es (A) Beda , au heu de prou-
pas un nouvel apôtre bien tourné ver qu il n avait point ete calom-
pour imiter la salutation évangélique
de saint Paul ?
(P) Son visage marquait la féro-
cité de son naturel. ] M. de Thou , qui
le regaida si finement à Grenoble
l'an 1572 (59) , qu'il fut capable de
le peindre de mémoire assez bien
pour que tout le monde le reconnût ,
nous en donne cette description :
Erat jam totus canus . sed crudâ
niateur , ou d'avouer qu'il n'a-
vait pas bien compris le sens de
son adversaire , recourut à des
artifices de cabale. 1 1 relut les li-
vres d'Érasme : il en fit de nou-
veaux extraits , aussi infidèles
que les premiers (B) , et les don-
na à censurer à la faculté de
adhuc ac viridi senectute , oculis tru- théologie , où son esprit impé-
culentis, naso aquilino , jacie maa- jueux et charlatan , ses factions,
lentd, sedrubonbus interjusâ , ut lu- ^ declamatiom vi0lentes contre
tum sansuine maceratum , quoi! ira ,
P. Corn. Sulld observation est , ori les nouveautés de ce temps-la ,
inspersum du ères , de cetero corporis et contre ceux qui n'étaient pas
assez ardens à les réprimer , lui
donnaient une espèce de domi-
nation tyrannique (C). Il en
abusa de telle sorte , qu'il fallut
enfin le livrer au bras séculier ,
qui , pour le punir de ses excès ,
le condamna à faire amende ho-
habitu prorsùs militari (60).
(57) AHard , Vie de Des-Adrets , pag. 28.
(58) Allard , Vie de Des-Adrets , pag. 29.
(5g) Triuan. de Vilà suà, lib. J, p. n65.
(60) Idem, ibidem.
BEAUΌ (Renaud de), arche-
vêque de Bourges, et puis de
Sens , sous le règne de Henri
IV. Cherchez Samblançai (Guil-
laume).
BEDA (Noël) , docteur en
théologie dans l'université de Pa-
ris , fut le plus grand clabau-
deur , et l'esprit le plus mutin ,
et le plus factieux de son temps'*'.
* Leclerc ,dans sa Lettre critique, examine
en même temps l'arlicle Beda et l'article
Farei,. Il reproche à Bayle sa sévérité poul-
ie premier et son indulgence pour le second.
Leclerc , à son tour , excuse Beda et blâme
Farel. C'est ainsi qu'il a fourni à Joly la ma-
tière de pies de dix pages.
(a) Erasmus, Supputât. Errorum Beda;.
folio 22.
"Leclerc, d'après le père Hilarion de Coste,
auteur de VHisloire catholique du XVIe.
siècle, dit que le nom de famille de Beda
e'tait BÉDÉ. Il doute qu'il fût Picard, parce
que du Boulay le dit du diocèse d'Avranches,
et né au Mont Saint-Michel. Il ajoute qu'eu
l5o2 Beda fut principal du collège de Mou-
taigu.
(b) Bèze, Hist. eccle'siast. , lw. I, pag. 2
BEDA. 24,
norable (D) , et à confesser en Bèze attribue à un juste juge-
présence d'une infinité de mon- ment plutôt de Dieu que des
de , à la porte de l'église catlié- hommes la peine que Beda souf-
d raie de Paris , qu'il avait par- frit d'être confiné ou Mont-Saint-
lécontre le roi etcontre la vérité. Michel (f), oit il mourut le b de
On le condamna de plus au ban- février i5 \n (g). Il avait été le
nissement (c). Ceci se passa en principal du coliége de Montai—
1 535. Il s'était fort opposé au gu. Vous trouverez ci dessous
dessein, qu'eut François Ier. de les titres de ses ouvrages (F).
faire opiner la Sorbonne favora-
blement pour le divorce de
Henri VIII. 11 n'avait pas tort
dans le fond ; car ce fut un vé-
ritable mystère d'iniquité que
tout ce qu'on fit pour corrom-
pre quelques universités de Fran-
(,/") La même, pag. l5.
(§•) Saiot-Komuald , journal cl>ronolo<n-
mie, /mu l,pag. i3a, ou il dit des parti-
cularités touchant l'estime que La faculté de
theolog ie avait pour Beda.
(A) Erasme le convainquit d'une
infinité de calomnies. ] Voyez le livre
intitulé : Snnputationes Erratum in
ce : mais il gâta sa cause par ses Censuns NaiLtis Bedœ , per Eràs-
mameres emportées et par ses mum Roterodamum. Il fut imprimé
airs de mutinerie (E) , et il s'en- 1 au 1527. Le revers du titre vous ap-
veloppa même dans le crime prendraque, de compte fait, Érasme
j • ii •. 1 1 trouva dans un assez petit livre de
de parjure. Il avait beaucoup de son censeur cent qilal're-vin/t. un
crédit auprès du premier pré- mensonges, trois cent dix calomnies
sident Lizet {d) , homme bien et quarante-sept blasphèmes ; et cela ,
plus propre à soutenir le person- !?ns l? tra1iter,à 1» rigueur 5 car on lui
j • . x • . ut grâce de plusieurs choses qui me-
nage de mauvais controversiste , rit;fient av>tre relevëes . Ac I™ "J^
comme il fit avant sa mort (*) , queratur iniquam supputationem non
qu'à être à la tête du premier imputavimus il/i tant mu/ta indoctè
parlement de France. Peda fut stllllé ' et silie mentf dicta- ^on im-
r . putavimiis tant midi as pmpnsitiones
un des principaux promoteurs quas in censurij omisit, etc. (i).\Ja
du supplice de Louis de Berqui 11, homme qui aurait eu de l'honneur
comme nous le dirons dans et ^e 'a conscience, se serait uniuue-
l'article de ce martvr protestant. ,mcnt »PPKÇ»* à ** propw justièca-
tp - , , -, , J \ tion contre de semblables listes • mais
Eu gênerai , il n y eut personne Beda et ses semblables trouvent mieux
dans Paris qui témoignât plus leur compte à répéter cent l'ois leurs
premières accusations , tout comme
si Ton n'y avait rien répondu. Si Ton
en croit Erasme , le livre de son ad-
versaire déplut >i fort à François ier ,
que, par ordre de ce prince,' l'on eu
défendit la vente. Jmpi, tenter et infe-
liciler edilo liùro sir dcbacclialus est
in me , ut rex christianissimus , mox
u/u rem cognovit, veluerit codices di-
vendi, haud dubiè vetilurus excudi si
nous en lempestivè monitus fuisset (2). Pareil
'. DlllMIl
(il Erasme, au revers du titre de; Supputa-
tion-* Ftrnrum in Censuris Ppclae.
(2) Erasmua , Fpi>t LXXIII. lit. XIX. pa? .
S9? , ilniée du mois de novembre 1.Ï27. roye*
aussi Epi. t. XtV, libii XX. pag. 0-4, et Epislo!
IV, UbriXXir, paS. i,8i.
l6
de violence que lui contre ceux
qu'on appelait hérétiques (e); et
de là vient que Théodore de
(c) Bèze, Hist. ecclés. , tont. J , pag. l5.
. (d) Voyez la remarque CE) , et Érasme.
Epître LV1 du livre XXX, pag. loAl.
(*) Entendez cela ie l'impression des Trai-
te's de Controverse de Pierre Lizet ; la plu-
part de ces traites ayant été composés par
lui longues aunées auparavant, si
croyons le Passavant de Bèze. Voy
dans cette partie de la Bildiotlieque ecclé-
siastique (ta XVIe. siècle, où il est parlé de
Pierre Lizet. Rem. Cr.iT.
le) Bèze, Hist. ecclésiast. tom. I, pag.
7. i4-
TOME III.
242
BEDA.
traitement fut fait au livre que Noël
Beda avait mis au jour en ce même
temps contre Jacques Faber d'Ëtaples
» teur favorablement , et le 10 juillet
» i52^ envoya par M. l'évêque de Ba-
» zas les propositions au recteur, à
mais on ne laissa pas de faire courir » qui il donna ordre de les faire exa-
les exemplaires de ces deux livres.
Urit hoihinèm quod liber quem in Ja-
cobum Fabrum scripserat , edicto re-
gio suppressus est, etiamsinonest sup-
pressus (3). JYec jussus premere pres-
sât, sed elusil régis edictum curans ut
in Germaniam spargerelur , et islhic
clam dislraheretur (4)
» miner par les quatre facultés assem-
» blées , et non point seulement par
m les docteurs en théologie , quos in
» hâc materiâ suspectas habebat ,
» comme dit le registre de la facul-
a té ....... Je ne trouve point écrit
» quel fut le jugement des quatre fa-
» cultes (7). » Prenez garde que les
Rapportons ici un passage du livre théologiens de Paris s'étaient telle-
deM. Chevillier sur l'origine de Tira- ment rendus suspects de passion et.
primerie de Paris. « François 1er. . . . d'emportement , que le roi ne voulut
» était tellement irrité contre le doc- point qu'ils fussent juges en cette
» teur Noël Beda , qui avait réfuté les cause, sans l'adjonction des trois au-
j> paraphrases et les annotations d'E- très facultés. 11 est bon de voir de
» rasme , et contre la faculté qui avait quelle manière il brida ces zélateurs :
» approuvé et fait imprimer son livre voici un extrait de la lettre qu'il écri-
» (5) , que le premier étant allé à la vit au parlement le 9 avril i5a6. « Et
» cour pour quelque affaire de sa com- >> parce que nous sommes deuement
» pagnie , y fut arrêté prisonnier pen- » acertenéz , qu'indifféremment ladite
» dant un jour, n'ayant eu la liberté, » faculté, et leurs supposts, écrivent
» qu'à condition de se présenter 9 contre un chacun , en dénigrant
» quand on le demanderait; et on en- » leur honneur , état et renommée ,
» voya une lettre de cachet au parle- » comme ont fait contre Erasme , et
'> ment, datée d'Amboise, le 9 avril » pourroient s'efforcer à faire le sem-
» i52Ô, par laquelle il lui était or- » blable contre autres , nous vous
« donné d'empêcher que le livre de » commandons. . . . qu'ils n'ayent en
» Beda ne fût vendu. J'ai lu dans une }> général , ni en particulier, à écrire
3> copie des registres de cette cour , 8 m composer , et imprimer choses
» une lettre latine de Josse Bade, où « quelconques , qu'elles n'ayent pre-
3> il dit qu'il en avait imprimé six cent » mièrement été revues et approuvées
'» cinquante exemplaires , dont plu- » par vous, ou vos commis, et en
5) sieurs avaient été envoyés en Espa- » pleine cour délibérées (8). » Ces rè-
» gne , en Italie , en Allemagne et glemens-là ne durèrent guère , quoi-
3) en Angleterre ; qu'il ne lui en res- qu'ils semblent dignes d'un établisse-
» tait plus qu'environ cinquante co- ment général et perpétuel.
» pies complètes ; et promet qu'il ne (B) Il.Jit de nouveaux extraits des
j) les distribuera point (G) De livres tT Erasme, aussi infidèles que les
■» plus , le nommé Louis de Berquin , premiers.'] Plus il se sentait convaincu
«luthérien caché, ami d'Érasme, de calomnie , plus il travaillait à per-
■» ave qui il avait quelque commerce dre celui qu'il avait calomnié. Il s'a-
» de lettres , présenta douze proposi- visa donc d'essayer, si, en produisant
» tions du livre de Beda , prétendant tout de nouveau les mêmes accusa-
)> quelles contenaient des impiétés et tions, sous une forme un peu diflë-
» des blasphèmes, et demanda que la rente, il en tirerait un meilleur
3> faculté fût obligée de les condam- parti. Urit liominem quod ego
)3 ner , ou de les prouver par l'Ecritu- respondens et meam innocentiam et d-
/ius impudentium sic omnibus ob ocu-
los posui , ut in speculo non possit
evidentius. ltaquè prorsus animo gla-
diatorio parât vindictam non se pur-
gans , quod non potest, sed easdem
3> re sainte. Le roi écouta cet accusa-
(3) Idem, Fpist. LXII, Ubri XIX, pag.
877, datée du 3o novent re iSî1".
(4) Idem, Epist. LXXI. Ubri XIX. pat>.
88rj. Voyez aussi Z'Epist. XIV du livre XX
(5} d'èsie-a-dJre-, celui de Beda contre Érap- calumntas aliâ specie rursùs inge-
II fui imprimé à Para, chez Josse Bade,
{",) Chevillier, Orig. de l'Imprimerie de. Taris,
Pan 1320, in-folio
(6) ChevilUer, Orig. de l'Imprimerie île Paris, pag 173.
pag. 174. (8) Tiré d
pag. 17g, loo.
,
BEDA.
243
rens. .. . Habet sexcentas propositiones nihil sit responsum (12). C'est à cela
è paraphntsibus decerplas. . . . eas ut qu'il fallait répondre , et ne se réser-
narrànt ad jacultatem defert, et in ver pas tout entier pour des voies d'o-
aliqûot jàm audio proriunciatum. Sed bliquité. Érasme fut peut-être le seul
qunmodo "proponit artijex? Omittit qui (il ce reproche à son adversaire.
quœ rem raplicant , quœ calumniam IVisi Bedda prorsûs dijjîderet suce
excludunt : addit de silo quœ jaciunt causa: , responderet salletn ad quœdam
ad calumniam : proponit velul a nie ioca tant impudenter calumniosa va-
dicta hoc tempo re quœ dicunlur ab naque , ut res ntanibus , quod ajunt,
evangelistis aut apostolis , et ad eccle- senliri possit. I\unc hoc omisso quod
siœ pnmordia pertinent ( 9 ). Beda in primis curatum oporluil , vint pa-
n'oubliait aucune Friponnerie d'un in- rat, conduit facilitaient ut ailicu/o-
fidèle faiseur d'extraits; il supprimait rum turba suffrqgiis et autoritate me
ce qui était propre à justifier 1 accusé, opprimât (ii). Erasme, dis-je , fut le
et à faire voir la calomnie ■ il ajoutait seul peut-être cjui fit ce reproche ; car
ce qui était propre à fortifier son ac- ordinairement ceux qui ne sont pas
cusation • il détournait en un sens ce intéressés aux injustices d'un inquisi-
qui avait été dit eu un autre. 11 n'y a feur , se gouvernent par la règle plus
rien de plus aisé que île taire condarii- penser que dire.
néf par ces artifices une opinion ihno- (C) Son esprit charlatan, ses fac-
cente. Voyez la LXXlli'1. lettre du lions , ses déclamations. .. • lui don-
XIXe. livre d'Érasme *. Il se servit naient dans ta faculté de théologie
d'une antre machine : il choisit quel- une espèce de domination tjrrannique.]
qu'es chefs d'accusation: et les ayant Je ne sais s'il y a rien de plus liillicile
mis en français, il les envoya à la que d'obtenir un jugement équitable
cour , afin d'irriter les grands, les dans un procès de doctrine contre un
femmes, et en général toute la France homme l'ait comme Beda II était vio-
contre l'accusé (10). Il s'était de. à lent de son naturel ; il lâchait la bride
ser\i du titre de roi de Fiance , qu'Ë- à sa violence naturelle , avec d'autant
rasme donna au roi d'Angleterre, e.i plus de licence, qu'il se couvrait du
lui dédiant un livre; il s'en était, beau prétexte des intérêts de la vé-
dis-je, déjà servi pour rendre odieux rite; il dill'amait hardiment les gens
à la cour du roi très-chrétien ce pan- dans un livre j il traitait de lâches
vre auteur (1 1). Je ne sais si personne prévaricateurs les personnes modé-
s'avisa de lui reprocher en face , qu'il rées. Celait le moyen d'obliger une
avait grand tort de ne point travailler partie des juges à lui donner gain de
avant toutes choses à sa propre jus ti- cause contre leur propre conscience ;
fication 5 .et que c'était, une grande car il n'y a point de plaisir à se faire
honte délaisser les Listes d'Erasme dill'amer par des assesseurs de l'inqui-
sans repartie : Listes, qui le convain- sition : en un mot, c'était le moyen
quaient manifestement d'erreurs gros- de tyranniser la faculté de théologie,
sières , et de calomnies honteuses. Voici la plus fidèle description que
Quùm meœ supputations ob oculos l'on puisse \ oir île la manière dont un
omnium posuerint hominis inscitutm homme fait comme lui peut extorquer
cum pari malitid conjum tant , non co- un décret académique, une sentence
gitat de purgando , sed articulas ali- synodale, etc Jamais .Michel Auge ne
quot decet ptos ex acervo calumniarum peignit plus heureusement. In omni
et gallicè versos niisit in aulam re- con^rwu semper Juerunt , qui sludiis
giam. ... JVunc eosdem articulas vq- et imp'obilaie nrnin summum 1 'i
bis ingerit, scilicet in ordinem diges- vin liant, iw,- tenu rc fit , ut me/ior
tos , ut novi videanlur , perindè quasi pars vincat. Prr illos primum res pri-
vai im decerriitur , mox excludantur
integriores , adhibenlur idnnei , prœ-
fatio coinruendat cnncordioni , addun-
tur mince , Hîc, inquiunt, apparebit,
(taJErasmiu , Fpin. I.\M, Ub- XIX, pag.
886.
(i3) Idem, Epistolâ LXXIH , libr. XIX,
pag. 89a.
(g) Erasmus , Fp'ist. LXH»f lihr.XlX, pag.
Lerlerc reproche à Bavlc dp citer ii i comme
autorité le même Erasme qu'il réruse dans la
remarque (C; de l'article Farfl
110; Idem, Episl. LXXI, hhr. XIX, pag.
886.
(11) Ibidem, et Epist. XIII, l,bri XXI V,
pag. i3og.
=44
BEDA.
qui sint Lutheranae factionis. Si quis nunciavit : ne forte Lulheranum illum
dixeril aliquid œquiùs , mox audit a fuisse putes. Sed tumen detinetui
frementibus , Luthero pejor. Sunt in
genia modesta , quœ malunt quiescere
quant cum talibus contentionem susci-
pere. Sunt qui in gratiam privatant
deflectant à suâ sentenliâ : sunt qui
meluant aut sperent aliquid , eoque
premant quod judicant optimum : sunt
qui iisdem ajfectibus excœcati sunt ,
quibus Bedda : sunt quos utcunque sa-
nos clamor ac tumullus aliorum , ita
adliuc in carcere detrudendus in mo-
naslerium aliqaod , ut ferunt , ubi et
quando régi visum fucrit. Cette lettre
de Latomus, datée du ig de juin
î535, est la XXVIIe. du XXVIIIe. li-
vre parmi celles d'Erasme.
(E) // n'avait pas tort dans l'affaire
du divorce de Henri F~H1 ; . . . mais
il gala sa cause par ses . . . airs de
mutinerie.'] MM. du Bellai , qui s'in-
ulfit, agît injurias. Ita non fît, sed te'ressaient extrêmement au bon suc-
extorquetur senatusconsultum. In quo ces du divorce de Henri VIII, disent
prodendo rursùs qui extorserunt ad- beaucoup de mal de Noël Beda dans
miscent affeclus suos , aliis vel insciis, leurs lettres. Je n'ai encores veu ce roi,
vel conniventibus. Et hoc dicitur col- (celui d'Angleterre) ne ceulx qui ont
legii decretum (ify. Ce qu'il dit dans le crédit envers lui en si bon train
le quatrième feuillet de sa Supputatio qu'ils sont , à quoi a merveilleusement
Errorum in Censuris Bedœ est aussi aydé ce que vos théologiens ontfaict,
une fidèle peinture. Deliguntur de- selon l'advis qui est venu des ambassa-
pulati ad id ulonei , quos optant ii deurs ; mais il y a ung Beda de ce nom-
quorum vel auctoritas vel improbitas bre, qui est un très-dangereux mar-
vincit in cnllegiis, in quibus frequen- chant, et ne seroit grand besoin d'en
1er quod ait Livius major pars vincit avoir beaucoup de tels en une bonne
meliorem , nonnunquàm minor sed compagnie. C'est ce que Jean du Bel-
imporlunior superat et majorem et me- lai , évëque de Bayonne , écrivait de
liorem. Allegalur relator. Decernitur.
Intérim cum scribis res est. Et hic in-
fulciuntnr quœdam obi ter , quœ vel
non sentiuntur , vel dissintulantur. Ce
qu'il y a de déplorable est que le ma-
nche » dont on vient de voir la pein-
ture, se met en usage lors même qu'il
s'agit de condamner ce qui le mérite
le plus. Voyez les plaintes que l'on a
faites contre la censure du livre de
Marie d'Agreda (i5). Notez que notre
Beda vint à bout de ses desseins : la
faculté de théologie censura les li-
vres d'Érasme le 27 de décembre 1527.
11 est vrai que cette censure ne fut
rendue publique que quatre ans a-
près (16).
(D) On le condamna a faire amende
honorable. ] Barthélemi Latomus , qui
était alors à Paris , manda celte nou-
velle à Érasme. Beda tuusfecit enten-
dant , ut vocant hotinrabitem, cum hdc
confessione quod contra veritetem et
regem loquulus esset, quœ verba ante
œlent divœ V irginis ntagno populi
concursu prœeunte pneconepalam pro-
(i4) Idem , Epist. LXXI , libr. XIX , pag.
689.
(i5) Ci-detsus dans la remarque (C) de l'ar-
ticle de (Marie) d'AcREDA.
(16) Voyez Chevillier, de l'Origine de l'Im-
primerie de Paris, pag. l'ji-
eqi
Londres à M. de Montmorency , le 29
de déceuibie i5'29 (17). Guillaume
du Bellai, son frère, écrivit à Fran-
çois Ie'., le 9 juin i53o, que Beda
avait fait de grands désordres dans
l'assemblée de la faculté. « Durant
» lesquels propos , dit-il , et cepen-
» dant que leur Bedeau recolîigeoit
)) les noms et opinions des délibérans,
» nour voir quelle seroit l'opinion de
)>la plus grande partie, se leva un
» desdits sieurs nos maistres , qui lui
» arracha le roole des poings et le
» deschira . et sur ce point se levè-
» rent en troupe, et avec grand et
» désordonné tumulte , commencè-
» rent aulcuns à crier que c'estoit as-
» sez fait et parlé , et que la plus
» grande et plus saine partie estoit
» d'avis de n'en délibérer sans escrire
» à vous, sire, et au pape. Ainsi se
» départit la compagnie , et les am-
3) bassadeurs du roi d'Angleterre ,
» qui se promenoient en une galerie,
» et les virent sortir en tel désordre
3) et crierie , et oyrent tous les propos
» qu'ils tenoient entre eux , se retirè-
» rent à leurs logis fort mutinés , et
» interprétans cette affaire en très-
(1-) Voyez /'Histoire du Divorce de Hen-
ri VIII, par M. le Grand, tome III, pas,.
421.
BEDA.
245
5> mauvaise part, et s'en attachèrent indéniable et impeccable , lui eust im-
» à moy , disant que pieça ils sea- puté h péché morte/ , ce que ledit sieur
» voient bien que telle estoit la menée président à peine peut recevoir pour
» de Bt-da et ses complices , de taire véniel , tant y a que le roy a décerne
» la délibération telle qu'ils l'avoient commission pour informer des abus
» trouvée (18). » Du Bellai ajoute , et insolences dudit Beda et ses enn-
i°. qu'à sa prière, M. le premier pré- sors 5 20. que les ambassadeurs d'An«
sident appela vers lui Beda , Bai thé- gleterre avaient obtenu de Fran-
lemy , Tabary , et aulcuns autres pria- cois Ier. un ordre au bedeau de la fa-
cipaux autheurs de cette discorde et culte de théologie de bailler un dou-
brigue , et leur lit promettre qu'ils se hle authentique de quelque acte signé
rassembleroient le lendemain; 20. que de la main propre de Beda , et qu'ils
sur une autre circonstance , le même avaient eu recours au roi , parce qu'a-
premier président fit venir devers lui voir delà par congé de la faculté estoit
ledit Beda en l'église JVostre-Dame , rentrer h l'A B C, obstant la tyran-
lui remontra ses faculté z et iinconvé- lne pieça usurpée par ledit Beda et ses
nient ou il pouvait mettre le roi, et tel- adhérons; 3°. que le premier prési-
lement le prescha qu'il lui jura très- dent (20) a tant la sainteté de Beda
expressément, non-seulement de n'em- persuadée, qu'il ne peut croire de lui
pescher qu'il fust obéi aux lettres du tes fautes mesmes qu'il en voit, les-
roi, mais de soi employer comme pour quelles pour vray dire sont telles , que
sa vie h faire que la chose se passast si j'en avois fait de telles en mon en-
sans bruit ne scandale (19) ; 3°. qu'en- droit, et j'aurois une douzaine de tes-
core que de prime face il ne voulust tes , j'aurois gagné qu'on ne m'en lais-
pas se trop fier à cette promesse , pour sast une , comme on pourra voir qui
autant que contre autre promesse voudra lire la légende qu'en feront
pieça faite h monsieur le grand mais- MM. les présidens le f^isle et Panel*
tre , ledit Beiia avoit commencé cette lot, ne voulant pourtant conclure,
brigue, sans laquelle celle affaire se monseigneur, que ledit Beda soit seul
pouvoit démcsler sans que le roi en méchant ; car il a prou de compagnons
fust empesché ne pour lun ne pour qui seroient bien aises de donner occa-
l autre ; toutefois, voyant que M. le sionau roy défaire quelque chose par
premier président s'en, vouloitfier à précipitation h l' encontre d'eux, pour
Beda, lui du Bellai n'avait point acquérir nom de martyrs envers le po-
voulu derechef en écrire au roi. La pulaire. J avois souvent ouy parler de
lettre du i5 d'août de la même année leurs malignes entreprises sous titre et
est curieuse. Du Bellai y fait savoir couleur de bonne foi et hypocrisie ;
à M. de Montmorency, i°. que l'af- mais je n'en eusse jamais creu la dix-
faire avait esté menée par telles et si me } si je ne l'eusse ven (31). Ces paro-
meschantes brigues , que j'ay veu, dit- les valent leur pesant d'or; car elles
il, telles fois les affaires du roy en représentent merveilleusement leca-
danger d'en souffrir grandement; et ractère d'un grand nombre de ces
dans les remèdes que j ai procuré jour- turbulens zélateurs , qui causent
nellement y estre mis par M. le pre- mille désordres dans un état, par
mier président , ayant outre l'autorité l'envie de dominer sur la multitude ,
en laquelle il est constitué , principal c\ qui ne sont pas fâchés de se faire
crédit de persuader audit Beda et ses persécuter, afin que la populace, s'in-
complices , je vous asseure que tel in- téressant à leur disgrâce, se sou-
convénient fust advenu pour les en- lève, et achève ce que leurs intri-
{reprises d un fol, je n'ose dire mau- gues avaient commencé. L'évèque de
vais homme , que le sens de mille sa- Bayonne , dans ses lettres à 51. da
ges eust ahanné de le réparer sans Montmorency , confirme la plupart
coust extresme , et peut-eslre que tout des choses que son frère avait écrites.
autre juge non empoisonné de la per-
suasion que je voy audit sieur pre- (20) C'eiaik Lizel, dont Tlioédore rte Bèie
mier président , que le devant nommé *'«« tant moqué. Guillaume du BrfUi U rrprA
n y r . '7 j • ? • 1 sente ici comme un personnage Jaible, ei peu
Beda soit en parlant llieologiquemcnt blf de la charge qu'd avaU.J
(18) LU menu , pag. 465, 466.
(ig) /.il même , pa£. 4*38.
capable ae la enarge qu
(ai) Au IIIe. tome de FHisloire du Divorce
«le Henri VIII, par il. le Grand, pag. 47-5-
246 BEDELL.
que de Kilmore en Irlande , na-
quit l'an 1 5no , à Black Nottey ,
dans la province d'Essex. Il étu-
dia à Cambridge , et y reçut le
degré de bachelier l'an 1599. Il
sortit de cette université , pour
aller exercer le ministère à Saint-
de la Jaculle estaient entrez en con-
clave pour regraller encores la matière Edmondbury , dans la province
La matière du roy d'Angleterre , dit-
il (ai), a este proposée à Paris , après
qu'il n'y a eu plus d'ordre de y recul-
ler. Beda y a fait le démoniacte , et
s'est parti la chose sans rien faire ■■ le
roy veult qu'on y recommence , et s'il
est besoing qu'on lui envoyé ledit Be-
da Je Jus adverti que messieurs
du roi d 'Angleterre, estans aucteurs et
promoteurs de ce j ait Beda , Barthé-
lémy et leurs complices , lesquels
après tant de beaulx et honnestes alar-
mes fuicts par eux , ainsi qu'avez en-
tendu , sur l'heure qu'ils ont esté dé-
chargez de la présence de leur
doyen , ont , de leur autorité
particulière , entrepris de rompre ce
que généralement en si grosse compa-
gnie avoitesté faict et cànclud... (23;.
f^ous scavez , monseigneur , que
piecza vous ny dit la suspicion qu'on
avoit que Beda feislfalcifier yudil be-
deau le registre , laquelle suspicion
eslre par ce mot plutost augmentée
que diminuée, je ne voulus pas lui en
donner le loisir (z'i). Par ces coups de
pinceau nous pouvons connaître le
vrai portrait de ce personnage.
(F) Poici les titres de ses ouvra-
ges. ] De unicâ Magdalenâ , contra
Jacobum Fabrum et Judocunt Clich-
toveum , à Paris, en i5iç). Contra
Commentarios ejusdem F abri inKvan-
gelia et Epistolas libri 11 , et contra
Erasmi Paraphrases liber I , à Paris,
en i5a6. Apologia advershs clandes-
tine Lutheranos , à Paris , en i526.
Apologia pro filiabus et nepolibus
Annœ contra eumdem Fabrum *. On
le croit auteur du Restilutio in inte-
grum Benediclionis Cerei Paschalis
(a5).
(22) Dans une lettre datée le 17 de juiu
i53o, rapportée par M. le Grand, tome III,
pag. 48{)-
(23) Lettre datée du i5 d'août i53o, lameme,
pag. 491.
(24) Lettre du i5 d août , rapportée par
JU. le Grand, tarie III , pag. 5o2.
* Ce livre est de i5'jo, dit Joly, quoique Mo-
réri et Dtipin disent î^g : c'est un volume in-4°.
(25) Aubert. Miraeus , de Scriptor. Sa;cuii
XVI ,pag. ai.
BEDELL* (Guillaume) , évê-
* Le Dict. de Chaufepié , sans signaler au-
cune erreur de Bayle , contient, un lorme de
supplément, des particularités sur G. Be-
deU,
de Suffolk ; ce qu'il fit avec un
grand zèle sans interruption ,
jusques à ce qu'il fut choisi pour
chapelain de l'ambassadeur que
le roi Jacques envoya à la répu-
blique de Venise (a). Bedell noua
une amitié très-étroite avec
Frà-Paolo (A) , pendant les huit
années de son séjour à Venise ;
et lorsqu'il revint en Angleterre
il y amena le fameux Marc
Antoine de Dominis, et y porta
divers manuscrits du père Paul ,
et entre autres l'Histoire' du
Concile de Trente. Il alla re-
prendre son ancien poste de
Saint-Edmondbury , et s'occupa
parmi les fonctions du saint mi-
nistère à traduire en latin YHis-
toire de V Interdit , et celle de
l'Inquisition, que le père Paul
lui avait données. Il les dédia
au roi. Il traduisit aussi les deux
derniers livres de Y Histoire du
Concile. Il fut pourvud'un béné-
fice considérable dans le diocèse
de INorwich, en l'année 161 5.
Il le posséda douze ans , fort
appliqué à tous ses devoirs , et
se souciant fort peu de faire du
bruit dans le monde. Il était si
peu connu, que personne ne put
donner de ses nouvelles à Dio-
dati , théologien de Genève (B).
Sa réputation 11e laissa pas de
passer jusqu'en Irlande , où on
le nomma , d'un commun con-
sentement , principal du collège
(a) C'était Henri Wollon.
BEDELL. 247
de la Trinité (b). Il n'accepta sieurs personnes avaient cherché
cette charge , qu'à condition que un asile, fut épargnée pendant
ses supérieurs lui commande— deux mois ; et enfin , lorsqu'on
raient de le faire; et comme le voulut employer la violence
roi Jacques le lui commanda, il contre ces personnes , on garda
obéit avec joie , et remplit admi- ce ménagement pour lui , qu'on
rablement ses fonctions. Deux le pria de les renvoyer , faute de
ans après, il fut pourvu de l'évê- quoi on lui déclara qu'on avait
ché de Kilmore, et de celui d'Ar- ordre de le saisir. Il aima mieux
dagh en la province d'Ulster : s'abandonner à la discrétion des
il était alors dans sa cinquante- rebelles que de faire sortir de
neuvième année (c). Il trouva chez lui ceux qui s'y étaient ré-
ces deux diocèses dans un grand fugiés. On le fit donc prisonnier
désordre , et s'employa avec avec ses deux fils , et on l'amena
toute sorte d'activité à y réfor- dans le château de Loclnvater ,
mer les abus. Il commença par avec la petite troupe qu'on trou-
celui de la pluralité des bénéfi— va chez lui. Il eut la liberté de
ces; et pour payer d'exemple, prêcher dans sa prison; et, fort
il résigna l'évêché d'Ardagh , et peu de temps après , il fut mis
ne retint que l'évêché de Kil- en liberté avec ses deux fils, par
more. Il fit des règlemens pour un échange de prisonniers. Il
la résidence : il songea avec zèle fut mené chez un pasteur irlan-
à la conversion des catholiques ; dais , et mourut dans peu de
et croyant (pie rien n'y pourrait jours (d), avec les dispositions
plus contribuer qu'une traduc- les plus chrétiennes que puisse
tion de l'Écriture en langue ir- avoir un véritable prélat. Sa fin
landaise (C) , il fit travailler à fut digne de la belle vie qu'il
cette version. Cette affaire ren- avait menée : c'était le plus
contra bien des obstacles. Il té- grand exemple que ces derniers
moigna beaucoup de zèle pour siècles puissent opposer aux saints
la réunion des luthériens et des pasteurs de l'église primitive (e).
calvinistes (D). Il n'apjjrouvait Les catholiques d'Irlande, à qui
point ceux qui se servaient d'un la haine pour les protestans , et
style emporté contre le papisme l'esprit de rébellion , inspirent
(E) , et il ne les croyait pas pro- plus de férocité que la nature
près à désabuser les errans. Ses même de leur climat et l'éduca-
mamères étaient toutes différen- tion, admirèrent sa vertu, et
tes de leur méthode : elles étaient lui donnèrent des marques fort
remplies de la charité aposto- signalées de leur respect le jour
lique; et ce fut cette honnêteté , de sa sépulture (G). Sa science
qui, avec la protection spéciale était grande (Hj, et il l'aurait
de Dieu, le sauva de la fureur témoignée an public par tm plus
des papistes (F) , lorsqu'ils firent
un si cruel massacre en Irlande, ;;' ,', ■ £■££ '£.,„ Burnet à „
1 an 1641. Sa maison, ou plu- sent évêqvte de SalisBurj ", montre dans un
grand détail , et avec une force d'éloquence
(b) Ce collège est à Dublin. toute Singulière dans la Vie de ce prélat
if) C'était donc l'an 1629. l'oyez la citation suivante.
248
BEDELL.
grand nombre de livres (I), s'il qu'il n'était guère connu , que l'on ne
l.i., ™^+-„ c.^,,,0 l„ «„Q^o« relève en même temps jusqu'aux nues
avait voulu mettre sous la presse
,.. . r sa modestie, son humilité , son desin-
tous ceux qu il avait composes, téressement, et plusieurs autres ver-
On n'en sauva presque rien : les tus véritablement pastorales, et mal-
rebelles dissipèrent ses papiers aisées à trouver. Où sont les ecclésias-
et toute sa bibliothèque. Il avait *&»» <%§ran^ **le™ f l n.e c>'enr-
. î ?i client a faire du bruit dans le mon-
soixante et douze ans lorsqu il dCj et surtout jusqu'aux oreilles des
mourut, et il était encore fort
vigoureux , et n'avait point eu
besoin de lunettes (f).
souverains et des favoris? Rapportons
ce que le docteur Burnet remarque.
Diodati , dit-il (3) , ce célèbre lh< o-
logien de Genève , étant venu en An-
, /■ t, - j -17- - / / sleterre, n'y put trouver personne qui
< f) Tue de sa Vie , composée par le doc- S . ',/- -r ,i » • ■■#
te«r Burnet, traduite en français par L D. au en dit des nouvelles, bien qu il
M. , et imprimée à Amsterdam , en 1667 , eut beaucoup de connaissances dans le
in-12. clergé, il fut fort surpris qu'un nom
me si extraordinaire , si Jort admire a
(A) Bedell noua une amitié très- Venise , si tendrement chéri des per-
étroite avec F a-Paolo.~\ La confi- sonnes du plus insigne mérite , fut si
dence de ce fameux théologien de Ve- peu connu en son pays. Il avait per-
nise fut sans réserve pour Guillaume du toute espérance de le voir , lorsque
Bedell : il lui découvrit son cœur, par un cas purement fortuit illeren-
beaucoup plus irnbu de la foi des égli- contra dans les rues de Londres, où
ses réformées, que de celle du conci- 7/5 se maïquèrtnl tous deux beaucoup
le de Trente. On n'a peut-être jamais de surprise et de joie. Diodati le pré-
su des particularités aussi convain- senta ensuite au savant évéque de Du-
cantes de la foi réformée du père rème , M. Morton , qu'il informa de
Paui, que le sont celles que M. Burnet l'estime particulière que le père Paul
a publiées dans la vie de notre évê- en faisait ; et ce prélat lui fit ua ae-
quo de Kilmore : j'en parlerai ample- cueil très-favorable.
ment en un autre lieu (1). Il me suf- (C) Il Jil faire une traduction de
fit de dire ici que le père Paul aida l'Écriture en langue irlandaise. ] Il
M. Bedell à apprendre la langue ita- avait appris cette langue, et quoiqu'il
lienne , et qu'il en fut aidé pour ap- fut trop dgé pour la parler , il l'en-
prendre la langue anglaise. Il avoua tendit si bien, qu'il en fit une critique,
qu'il en recevait d'autres instructions et en donna une grammaire complète ,
plus considérables : voyez ci dessous; qui est , dit-on, la première qui ait ja-
ia remarque (H). J'ajoute que M. Be- mais été faite (4). En faveur des nou-
dell mit en italien la liturgie de l'é- veaux convertis, il faisait lire tous
glise anglicane , et qu'il eut la liberté les dimanches les communes prières en
de s'entretçnir avec Frà-Paolo tant et irlandais, et y assistait lui-même
aussi souvent qu'il voudrait, lors mê- On avait déjà traduis en irlandais le
me qu'à cause des blessures que ce JSouveau Testament et la Liturgie ;
père avait reçues , on ne le laissait mais jugeant que le Vieil ne devait
aborder qu'à des gens tout-à-fait con- pas être plus caché , il chercha quel-
nus (2). qu'un qui possédât bien cette langue ,
(B) // était si peu connu, que per- pour le traduire (5): il jeta les yeux
sonne ne put donner de ses nouvelles sur un nommé King, âgé d'environ
a Diodati , théologien de Genève. ] soixante-dix ans, lui donna les ordres,
Pour un homme de peu de mérite , ce le pourvut d'un bénélice, et le pria de
que je dis là ne serait pas un éloge ; commencer. Cet homme n'entendant
mais étant question d'un habile théo- point les langues originales fut obligé
logien , et d'un pasteur qui faisait sa de traduire sur l'anglais : son travail
charge si dignement , on ne peut dire fut revu par Bedell qui , après avoir
(1) Dans l'article Sarpi. [Ce! article n'a pas (3) La même . pag. ?5.
été donné par Bayle. (4) Burnet, Vie de Guillaume Bedell, pag.
(a) Le Docteur Burnet, Vie de Guillaume 119
Bedell. " (5) Lit même, pag. lao.
BEDELL. 249
conféré la version irlandaise avec Tan- thieu, qui fut nommé le Postillon Je
glaise , conférait celle-ci avec Thé- la Ligue. Us sont comparables en
bieu , avec les septante , et avec l'ita* quelque chose ; mais ils dillèrent en
lien de Diodati. Dès qu'il eut vu que plusieurs autres. L'un était le minis-
cet ouvrage était achevé, il se résolut tre d'une ligue toute formée, et qui
à la dépense de l'impression ; mais on actuellement sous les armes ne niédi-
traversa son dessein : on fit entendre tait que des desseins violens : l'autre
au vice-roi et à l'archevêque de Can- était le ministre d'une ligue qui ne
torberi que ce serait une honte pour subsistait qu'en idée , et qui n'eût été
la nation que de publier une Bible bâtie que sur la modération des es-
qui aurait été traduite par un homme prits. Il ne faut donc pas s'étonner si
aussi méprisable que King ( 6 ). Il y l'un d'eux courait la poste, et si l'au-
eut un ecclésiastique qui impétra le tre voyageait commodément. On trou-
bénéfice de ce King , et qui l'en chas- ve parmi les traités que Dura-us pu-
sa avec ignominie et violence (7). On blia l'an 166a (12) le sentiment de
ne se contenta pas de l'en avoir dé- Guillaume Bedell sur les questionsque
pouillé , on l'attaqua en son honneur, l'entrepreneur de la réunion avait.
C'est l'ordinaire , dit M. Burnet (8), proposées aux théologiens. Ce prélat
de ceux qui commettent quelque in- lit voir qu'il était propre à de sem-
juslice dr la vouloir justifier par une hlables entreprises : voiei comment.
autre, de charger leurs adversaires de Un grand nombre de luthériens fu-
calomnies , et de répéter leurs accusa- rent s'établir à Dublin , et refusè-
tionsjort souvent, afin de prévenir le rent de communiquer avec l'église
monde, et de les accabler si Jort qu Us d'Irlande. On les cita au conseil de
ne puissent revenir à leur droit , et l'archevêque : ils répondirent que les
soient entièrement affaissés sous un théologiens d'Allemagne ne trouvaient
tel surcroît de malice. Bedell fit tout pas que la présence de Jésus-Christ en
ce qu'il put pour empêcher l'oppres- l'Eucharistie fût enseignée conformé-
sion de ce pauvre traducteur , et se ment à leur doctrine par l'église ir-
prépara à faire imprimer chez lui la landaise L'archevêque les renvoya à
Bible irlandaise; mais les désordres l'évêque de Kilmore , qui leur fit une
survinrent , et il ne vécut pas assez si solide réponse , que lis théologiens
pour exécuter sa résolution. Le manu- d'Allemagne qui la virent conseillè-
scrit ne se perdit pas : on travaillait à rent aux luthériens de Dublin de com-
l' imprimer à la diligence de l'insigne muniquer avec l'église du lieu. Le
philosophe chrétien M. Boyle (9) dès docteur Burnet dit là-dessus que l'é-
té temps que -M. Burnet publia fa Vie glise d'Angleterre n'a donné aucune
de notre é\èque (10). définition positive de la manière dont
(D) Il témoigna beaucoup de zèle le corps de Jésus - Christ est présent
pour la reunion des luthériens et des dans le sacrement : de sorte que les
calvinistes. ] Il ne se contenta pas de personnes de différent sentiment peu-
communiquer par lettres à M. Durry vent pratiquer le même culte sans être
ses lumières et ses avis, il voulut las- obligées de se déclarer , et sans qu'on
sister dans la dépense qu'il lui J'ai! ait puisse présumer qu'il, contredisent
faire pour négocier celle union. Il lui leur Joi ( i3 ). J'ai toujours oui dire
fit une pension annuelle de vingt-cinq que pour prévenir les schismes et les
pistoles, qu'il paya régulièrement à son disputes, il n'y aurait rien de meilleur
correspondant de Londres ( 11 ). Ce que d'éviter le détail , etquededon-
M. Durry se nomme en latin Duiœus : ner aux formulaires la plus grande gé-
011 ne saurait croire la peine qu'il prit néralitéque l'on pourrait,
pour exécuter son projet de réunion. (E; Il n'approuvait point ceux qui
Je crois que sans se presser ii fit au- 5e servaient cFun style emporte contre
tant de voyages que le jésuite Mut- le papisme. J Jl prêcha un jour entre
autr s choses ce que l'on va voir :
(6) La même, pag. 12$ <( perrnettez_moj mes frcreS) de VOUS.
(-) l.a même , pag. 123. ,. ■ • ... . . t
/«\ t , ,-. „„ . „ » dire ici librement ma pensée. Je
(S) La même, pag. 129. «
(9) Burnet, Vie ieBe<\e\\,pag. i3i. (,,) Ce IWre est intitulé, Ircnicorum Tracta-
(10,1 C'eil-à-dire, l'an i685. tuum Prodromiis.
(u) Burnet, Vie de Bedell, pag. i3a. (ii) Burnet , Vie de Bedell , pag. îii.
25o
BEDELL.
» sais bien qu'elle ne sera pas au goût
» de plusieurs ; mais cela ne m'em-
» péchera pas de décharger ma con-
3> science : et j'espère que les person-
» nés de bon sens le trouveront bon.
» J'ai cru il y a long-temps que la raa-
y> nière dont plusieurs traitent leurs
» adversaires en leurs écrits et en
v leurs sermous était blâmable. Ils lâ-
» chent la bride à leur plume et à
D leur langue, et ce qu'ils disent n'est
» qu'un tissu de calomnies et d'inju-
» res. Ils pensent avoir fait des mer-
» veilles quand ils imitent leurs en-
» nemis , ou quand ils les surpassent
» en ce genre , où celui qui fait le
J) mieux t'aiteflèctivementle plusmal.
i> Ils tâchent de justifier leur procédé
» parce texte, Réponds au fou selon
33 sa folie , sans réfléchir qu'il est dé-
3> fendu par cet autre , Ne- réponds
i> pas au fou selon sa folie , de peur
« que tu ne lui sois semblable. iVIais
» ils sont quelquefois d'autant plus
» inexcusables, que n'entendant point
» le sentiment des adversaires, ou du
» moins le déguisant , et le rendant
» plus déraisonnable qu'il n'est, les
3' preuves qu'ils apportent n'ont rien
y» de solide , et ne consistent qu'en
3> des paroles emportées sur des ter-
» mes ambigus que chaque parti
~» prend en un sens différent (i4)
» N'envions point aux papistes et aux
» autres hérétiques la gloire de sur-
3) monter nos adversaires en injures,
» parce que plus on est excellent en
» cet art , plus on s'éloigne du grand
•» modèle de charité qui dit : Appre-
j) nez de moi que je suis doux et hum-
3> bledecœur (i 5).... Ce n'est pas avec
3> des paroles aigres et piquantes, mais
3) par la solidité des raisons qu'on fait
3> connaître l'erreur Nous sommes
3> appelés à confondre l'erreur, et non
3> pas à chicaner, ou à dire des inju-
3> res. On dit qu'Alexandre, ayant en-
3) tendu les brocards d'un de ses sol-
i> dats contre son ennemi Darius , le
3j reprit aigrement en ces termes :
3) Mon ami , je te prends à ma solde
(i4) Ce Prélat touche le* deux plus grands
défauts de ceux qui manient les controverse!.
h un est qu ils disent trop d'injures à leurs ad-
versaires; Vautre est au ils ne représentent pas
fidèlement les opinions qu'ils réfutent; ils dissi-
mulent les raisons fortes de ['autre parti : ils
s'attachent à de faux sens, etc.
(i5) Ces paroles de Jésus-Christ étaient le
texte sur lequel c* prélat prêchait.
3> pour combattre Darius , et non pas
» pour le traiter indignement comme
» tu Jais (16). Mais, en vérité , Jésus-
» Christ, notre capitaine , se sent bien
» peu obligé à ceux qui traitent ainsi
» leurs adversaires • et il y a hien de
» l'apparence que, s'il était encore sur
3) la terre, il leur dirait : A '<> bonne
3» heure , prédicateurs de mon Evan-
» gile , que vous réfutiez le papisme ,
» et que vous fous opposiez h l'Aute-
3' christ , mon ennemi , et à toutes les
3> sectes qui combattent sous son éten-
» dard ; mais je ne vous ai pas appe-
» lés pour les maltraiter de paroles.
» Voilà mes sentimens touchant la
» manière dont nous devons traiter
» avec ceux de la communion ronuai-
» ne. Peut être ne sont-ils pas confor-
>■ mes à la pratique de Luther, de
m Calvin, et de quelques autr s grands
» hommes. Mais s'il faut que notre
m conduite soit réglée , il ne faut pas
» qu'elle le soit selon l'exemple que
» nous voyons en autrui : ils ont été
» hommes , et peut - être ont - ils eu
» la faiblesse de s'être trop empor-
3) tés (17). 3)
C'est une petite partie de l'extrait
qu'on nous a donné de ce sermon dans
la Vie de ce prélat. Celui qui a donné
cet extrait nous a fait savoir que
ce sermon fut prêché peu après le dif-
férent qu'on eut dans la chamhre des
communes du parlement d'Irlande ,
où il y avait beaucoup de papistes.
Le jugement du docteur Burnet là-
dessus est extrêmement digne d'atten-
tion. Il y donne, dit-il (18) , une si
belle méthode pour bien traiter les con-
troverses, qu' il me semble qu'on y trou-
vera un avis aussi extraordinaire qu'il
est peu en pratique.
(F) Son honnêteté le sauva de la
fureur des papistes. ] Leur amertume
( je me sers des termes de M. l'évêque
de Salisburi ) n'était pas assez forte
pour résider à la douceur qu'il leur
avait marquée en toute rencontre, et
qui leur fit dire fort souvent qu'il se-
(16 Je crois que M. Bedetl prend ici Vun
pour l'autre: ce [fut DJemnon, général de T)a-
riu<, qui parla ainsi a un soldat qui médisait
d' Alexandre. Plutarch. Apophth. , pag. \*t\.
Mais comme les anciens ne sont pas toujours
uniformes a appliquer ces sortes de mots aux
mêmes gens, il se pourrait faire que M. Bedcll
eut lu ce qu'il dit.
(imi! Burnet, Vie de Bedell, pag. i45 , i47-
(18) Là même , pag- «43-
BEDELL.
25l
rait le dernier Anglais qui serait chas-
sé d'Irlande. Il fut le seul dans le com-
té de Cavan qu'on n'inquiéta point ,
non-seulement en sa maison , mais en
son cimetière et en son église , qui
étaient remplis de pauvres persécutés
(19). Lorsque les rebelles lui firent di-
re qu'il congédiât les réfugiés qu'il
avait chez lui , ils ajoutèrent, Que
comme il avait fait du bien à plu-
sieurs, et n'avait désobligé personne ,
!,H)i5Vi scienceétait grande. ]Le père
Paul déclara qu'il avait plus appris
de Guillaume Bedell , en toutes les
parties de théologie, spéculative et po-
sitive , que d'aucune autre personne
qu'il eût jamais pratiquée (23). Ce
même père a\ait lu le Nouveau Testa-
ment grec avec tant d'exactitude ,
qu'il avait fait des notes sur chaque
mot : mais , par la critique de M. Be-
dell , il comprit qu'il n'avait pas en-
on le considérait plus qu aucun An- core bien entendu certains passages r
glais qui jiit en Irlande (20). Voyez la et il fut ravi d'en apprendre le vrai
remarque suivante.
(G) Les catholiques irlandais... lui
donnèrent des marques fort signalées
de leur respect le jour de sa sépultu-
re. ] L'évêque titulaire de Kilmore
avait pris possession de Fe'vêché : il
fallut le supplier de permettre que
fil. Bedell lût enterré dans le cimetiè
sens , que ce docte Anglais lui montât
(2J). Marc Antoine deDominis pria ce
même docteur d'examiner les dix li-
vres de la République ecclésiastique.
M. Bedell y corrigea beaucoup de mé-
chantes applications des passages de
l'Ecriture , et beaucoup de citations
des pères ; car ce prélat étant lout-'a-
re de son église : il allégua d'abord fait ignorant dans le grec ne pouvait
que c était une terre sainte, qui ne de- qu'il ne fit toutes sortes de fautes : le
vait plus être profanée par de tels en- grand nombre a été cause que M. Be-
"funt Jut minime œuvres du savant Ussenus archevêque
auprès de celui de son épouse, comme d'Armach. Elles n'étaient ni d'impor-
il a<ait souhaité pendant sa vie. Les tance , ni en nombre ; mais parce
Irlandais voulurent en cette triste oc- qu'elles ne répondaient pas à lexacti-
casion lui rendre des honneurs eulraor- tude singulière de ce grand homme , il
dinaires. Le chef des rebelles assem- crut qu'il les lui devait faire voir : il
bla ses troupes , les mit en ordre , et le fit , et sa censure fut reçue de l'ar-
leurjil accompagner le corps en grau
de cérémonie, depuis la maison de
M. Shereden jusqu'au cimetière de
Kilmore : ils voulaient même que
M. Clogy (ai) fu l'office selon les
statuts de l église anglicane • mais ,
quoique les gentilshommes lui eussent
fut celte honnêteté , on ne jugea pas
à propos den user , de peur d'exciter
la rage d'une canaille qui n'était que
trop échauffée. Lorsqu'on mit le corps
en terre , elle fit une décharge, et s'é-
cria en latin, Requiescat in pace ulti-
chevéque avec la douceur et l'humilité
qui lui étaient ordinaires (26J. 11 étu-
diait beaucoup , et son étude princi-
pale c'était le texte original de l'Ecri-
ture , dont il avait lu si souvent l'hé-
breu et le grec des Septante , qu'il les
avait aussi à la main que la version
anglaise (27).
(I) Il avait composé plusieurs li-
vres. ] J'ai dit dans le corps de cet ar-
ticle , qu'il publia une traduction la-
tine de quelques ouvrages du père
Paul. Je dois dire présentement que
mus Anglorum , paix soit au dernier De Dominisfut beaucoup plus satisfait
des anglais ; et en effet , ils avaient
proteste fort souvent qu'ils avaient
plus de considération pour M. Bedell
que pour aucun autre des évéques an-
glais , et qu'il serait le dernier ôté de
parmi eux (22).
(19) Là même, pag. 181.
(20) Là même, pag. 2o5.
(21) Il avait été minisire de Cavan, et avait
demeuré long-temps auprès de Guillaume Be-
dell. Cest lui qui donna des mémoires au doc-
teur Bnriu-t , pour faire la Vie de ce prélat.
(%-x) liurnet, Vie de Bedell , pag. 222, 323.
de la version de M. Bedell , que de celle
de M. Newton. Celui-ci traduisit les
deux premiers livres de YHistoire du
Concile de Trente ; l'autre traduisit les
(23) Burnet, Vie de Bedell, pag. S. M. Wol-
too atteste ce fait dans une lettre qu'il écrivit
au roi d* Angleterre , rapportée dans la Vie de
Guillaume Bedell, pag. i-, 38.
(24.) Bnrnel, Vie de Bedell, pag. 10, II,
(]i) La même , pag. n, 12.
(16) Là même , pag. 23o.
(t-) Là même , pag. 22-
252
BÉGAT.
deux derniers (28% M. Bedell publia
un livre de Controverse, l'an 1624 , et
le dédia au prince de Galles. Ce livre
était la Réfutation de quelques lettres
de M. Wadsworth. Ce M. Wadsworth,
compagnon d'étude et de chambre
de M. Bedell, était pourvu d'un bé-
néfice dans le même diocèse que M. Be-
dell , et fut envoyé en Espagne envi-
ron le même temps que M. Bedell fut
envoyé à Venise (29) : il fut envoyé ,
dis-je , en Espagne , dans la même
qualité de chapelam , destiné pour ap-
prendre l'anglais a l'infante , lors-
qu'on en eut arrêté le mariage avec le
roi Jacques. Il se laissa persuader de
quitter sa religion et. son pays; et pu-
blia des Lettres sur les motifs de son
changement (3o). M. Bedell les ré-
futa. On croit/que sa réponse fit effet
sur le cœur de M. Wadsworth , quoi-
qu'elle ne l'ait point engagé à la pro-
fession extérieure de l'église réformée.
On croit cela , à cause que le fils de
ce nouveau catholique fut trouver
M. Bedell à Kilmore , et lui dit qu'il
avait ordre de son père de le remercier
de lapeine qu'il avait prise a l'in-
struire ; qu'il lisait incessamnienl son li-
vre, et qu'après celle lecture il lui avait
ouï dire quelques fois qu'il voulait se
sauver. M. Bedell fait mention de la
découverte qui fut faite du nombre
de la bête dans l'inscription d'une
thèse dédiée au pape Paul V (3i). On
trouva' que les lettres numérales de
ces paroles Paulo V ', Vice Deo fai-
saient 6r6 ; mais il ne se vante pas
d'être l'auteur de la découverte : il
l'était pourtant (3a), et il fit un plai-
sir extrême à Frà-Paolo , et aux au-
tres théologiens de la république de
Venise, quand il la leur communiqua
(33). Il avait fait un fort long Traité
sur ces deux Questions , où était l'é-
(28) C'est ce que je trouve dans la Vie fran-
çaise de M. Bedell, pag. 25, 2G. Or c'est sup-
poser que cet ouvrage du père Paul n'est divisé
qu'en IV livres : cependant toutes les éditions
que j'ai vues en ont VIII.
(20) Je rapporte les propres paroles de la
Vje de Guillaume Bedell, quoique j'y trouve un
peu de difficulté; car il me semble qu'il se
passa plus de dôme ans, depuis l'amhassade
de Wollon a Venise, jusqu'au traité de mariage
du prince de Gallrs avec l'infante.
(3o) Vie de Bedell, pag. 4, 5.
(3iJ L'a même , pag. 14.
(3a) M. Wollon en assura le roi Jacques. Là
mente.
(33) Bnrnet , Vie de Bedell , pag. is.
glise réformée avant Luther ? et quel
a été le sort de ceux qui moururent au,
giron de l'église romaine avant la ré-
formation ? Il était résolu de le don-
ner au public , et le docte Usserius
l'en avait souvent pressé: la rébellion
d'Irlande a fait périr cet ouvrage (34),
et un grand amas d expositions criti-
ques sur différais passages de V Ecri-
ture, et ses Sermons et ses Pai aphrases
fort savantes sur toutes les epîtres et
les évangiles du jour , selon la liturgie
anglicane (35). Les Irlandais s'en sai-
sirent et de ses autres ntanuscrils , dont
il y avait une grande caisse pleine : il
n'y eut que son grand manuscrit hé-
breu, qui Jut heureusement retiré d'en-
tre les mains de ces profanes , et se
conserve h présent dans la bibliothè-
que du collège d' Emmanuel. Ce bon~
heur arriva par l'entremise d'un Irlan-
dais quil avait converti , qui , se mê-
lant parmi les rebelles , emporta ce
manuscrit et quelques autres livres.
On est tenté de croire que c'est le
même dont il est parlé dans la page
25. Or là il est dit que M. Bedell
acheta à Venise du rabbin Léo , pre-
mier chacham de la sy/i'tgogue,... le
beau ruanuscrit du Vieil Testament
qu'il donna au collège d' Emmanuel ,
quoiqu'il l'estimdt beaucoup ; car on
dit qu'il lui coulait son pouls en ar-
gent.'
(34) L'a même, pag. 229.
(iâ) Là même, pag. 227.
BÉGAT(Jean), conseiller au
parlement de Dijon , fut député
à Charles IX , l'an 1 563 , pour lui
faire des remontrances sur l'edit
qui avait accordé aux protestans
l'exercice de leur religion après la
première guerre civile. Les Etats
de Bourgogne avaient résolu de
s'opposer malgré l'édit aux as-
semblées des protestans , et pour
le faire trouver bon à la cour ,
on y envoya Bégat , qui haran-
gua fortement sur cette matière.
11 publia ensuite une Apologie. ■>
où il prétendit montrer par plu-
sieurs raisonnemens que l'on ne
doit point souffrir deux reli-
BEL
gions dans un état , et que cette
to'érance est injurieuse à Dieu ,
et contraire au repos public.
Les protestans publièrent un
écrit contre celui-là (a) (A).
(a) Ex Tliuani lib. XXXVI, pat*. j3o,
ad ann. i56^.
(A) Il publia une Apologie.... Les
protestons publièrent un écrit contre
celui-là. ] Je n'ai point encore vu île
catalogue d'auteurs, qui fasse men-
tion de cet ouvrage Je Bégat : el c'est
ce qui m'a détermine à le déterrer :
outre qu'on verra dans cet article le
peu de respect qu'on avait alors en
France pour l'autorité royale. La pro-
vince de Bourgogne , non-seulement
ne défère pas aux volontés de son roi,
mais elle décide , après une mûre dé-
libération dans l'assemblée de ses
états , qu'elle n'obéira point. Quand
on représente de semblables clioses
aux Français , depuis les révolutions
arrivées en Angleterre l'an 1688 *, ils
ne savent que dire , et ils voudraient
bien que les preuves de ces récrimi-
nations ne subsistassent nulle part.
J'ai la Remontrance de Bégat , impri-
mée en latin , à Cologne , l'an 1 56| .
Elle est intitulée, Responsum Con-
venlds iriurn (JrJinum Ducatds Bur-
gundiie'âe edicto pacis nuper in causa
religionis factœ , ad chrislianissimum
i'rulliarum regtm Carolum nonum ,
anno 1 563. 11 est étonnant, qu'elle soit
si inconnue : car elle fut traduite en
plusieurs langues , comme je viens de
le voir dans les Meslanges Para-
dox ailes de Pierre de Saint-Julien. Ce
passage est si curieux , qu'il mérite
d'être rapporté sans retranchement.
« Pour parler de chose plus récente ,
» lorsque la cour de parlement de
» Bourgongne , séant à Dijon, députa
* Boubier , elle par Jolv, prétend que dans
cette phrase Bayle compare la conduite des
Bourguignons, sous Charles IX, a celle des
Anglais sous Jacques II: il raconte que Bégat lut
envoyé deux fois député à Paris pour faire îles
remontrances contre les édits en laveur des
protestans. qu'il fui toujours liicn accueilli à la
cour, cl que même la première fois il recul des
lettres de félicitations de l'Hospital. Ce lût lors
de sou second voyage à Paris qu'on lui Gt la
réponse, rapportée par Pierre de Saint-Julien
Joly renvoie au reste a Vf/moire des Commen-
tateurs de la coutume de Bourdonne Dur Bou-
hif-r et a la Bibliothèque de Bourgogne. !
est mort le 21 [uin 1S72, à quarante-neuf an*,
LAI. ,53
» M. Jean Bégat conseiller en icelle ,
» pour aller rendre raison au roi ,'
» pourquoi ladite cour n'avoit pro-
» cédé à la publication de l'édit de
» janvier (1), ( où icelui sieur Bégat
» parla si bien et si doctement , que
» autre remojistrauce n'a esté mieux
» receue de nostre tems : ce que se
» pentjuger, parce que icelle remon-
» strauce françoise a esté traduicte en
» latin , italien , espagnol et alle-
» mand) , il advint que séparément
» ledit sieur Bégat tomba en propos
» avec le sieur chancellier de PHospi-
» tal sur le même faict. Et comme le
» conseiller feist fondement des privi-
» léges de Bourgongne , et dit que le
» roi les avait juré , et promis obser-
» ver : ledit sieur de l'Hospital ( ro-
» gîte comme un chancellier ) retor-
» qua qu'il n'appartenait aux subjects
» d agir contre leur roi ex sponsu
» ( ce furent ses motz ) et que toutes
» conventions de princes souverains
» avec leurs subjects ne les obligent
» que tandis qu'il leur plaira (2). »
„ {}) je f'°" »»*'' se fompe, el qu'il confond
CedU de janvier ,5bi avec L'édit de pacification.
du mois- de mars i5t>3.
(a) Pierre de Saint-Julien, doyen de Chdlons,
Meslanges Paradoxalles, pag. 123.
BELLAI , famille illustre et an-
cienne dans l'Anjou , de laquelle
sont sortis quelques grands hom-
mes. Voyez dans Moréri une
longue suite de la généalogie de
du Bellai, et un assez grand dé-
tail sur les personnes de ce nom
qui se sont le plus distinguées.
J'éviterai autant qu'il me sera
possible les répétitions en parlant
de Guillaume du Bellai, et de
Jean du Bellai son frère. Je veux
dire , qu'autant que faire se
pourra je laisserai ce qui a été
déjà pris par M. Moréri.
BELLAI (Guillaume du) , sei-
gneur de Langei, était fils de
Louis du Bellai (a) , et de Mar-
guerite de la Tour-Landri. Il
rendit de grands servi, es à Fran-
(<i) Il fonda la branche de Langei.
à54 BELLAI.
cois Ier. , tant par son courage , par ordre du roi , il l'avait tra-
nue-par son esprit : il ne fut pas duite en français. Quelqu'un
moins un bon capitaine qu'un s'empara de cet ouvrage, de
habile négociateur , et il eut la sorte que le public en est de-
plume avissi bonne que la langue meure frustré à la réserve de
et que l'épée. Son adresse à pé- quelques fragmens, et de trois
nétrer par ses espions , et par ses ou quatre livres , que Maktiiv du
intrigues, les desseins des enne-
mis , était surprenante. Voyez
Bellai, frère de Fauteur, a in-
sérés dans ses Mémoires (D).
dans Moréri ce que Brantôme On verra dans les remarques le
en a dit, et ajoutez-y ce que je jugement que Montaigne a fait
rapporte ci-dessous (A). Il fut un de ce livre (E). Le prologue con-
des principaux ressorts quipous- tient des avis très-importans aux
sèrent quelques universités de historiens , et des réflexions très-
France à opiner selon les passions solides sur les indignités qu'on
de Henri YIII, roi d'Angleterre, fait à l'histoire (F). C'est par
lorsque ce prince se voulut dé- une erreur palpable, qvi'on im-
faire de sa femme par la voie du pute à Guillaume du Bellai un
divorce afin d'avoir les mains écrit sur la discipline militaire,
libres pour épouser Anne Boulen. (G). Je crois qu'il était l'auteur
Il était de l'intérêt de la France des autres ouvrages qu'on lui
de favoriser en cela le roi d'An- attribue (H) ; mais je ne pense
gleterre ; car le divorce de la pas qu'ils aient jamais été im-
reine Catherine était un affront primés. J'excepte VÉpitome des
pour l'empereur, et un plaisir Antiquités des Gaules , qui fut
pour Henri YIII. Cet affront imprimé, avec quelques au-
d'un côté , ce plaisir de l'autre , très petites pièces , l'an «55t> *.
étaient fort capables de former La Croix du Maine assure que
une liaison très-étroite entre le Guillaume du Bellai naquit en-
roi d'Angleterre et François Ier. viron l'an 1498, à Glatigni ,
De là vint que Guillaume du dans le Perche (c). Je crois qu'il
Bellai employa tout son savoir-
faire en faveur de Henri "VIII.
Il fut envoyé plusieurs fois en
se trompe quant au temps (I).
Maine s'est imaginé faussement que Guil-
iut envoyé uiusicuia îwu ^u c. _ „ , _
•> \ j . j laurae du Bellai avait fait un livre intitule
Allemagne auprès des princes de 0g(loade , qui était différent de son Histoire
la ligue protestante : il y esqui- de France.
-.° j 't„m/>„t Uc nniinc rrnp * Bayle n'a pas connu , dit Joly , le poë-
vait adroitement les coups que ^ .J^. ^mUdmi du BeUJperegrina.
l'on lui portait , touchant la se— tio humana , 1509. In-8". de 122 pages.
vérité avec laquelle le roi son (c) La Croix du Maine , Biuliotli. franc. ,
maître punissait les hérétiques W* l3$-
(B). Il fut fait chevalier de l'or- ^ gon adresse a pénétrer les dés-
axe , et lieutenant général en
Italie. Il avait composé en latin
seins des ennemis était surprenante
voyez ce que je rapporte ci-dessous. ]
liane. 11 avun wujuwi. *-■» *«-*" --, -,- j _.„ r< , ,-
Tr. ■ j , „ ir\ François de Binon observe que le
une Histoire de son temps (G) , £™gr de £d^ ^ commqeriçait
jamais l'exécution d'aucune entre-
prise militaire , qu'après avoir em-
ployé sa plume à de'couvnr l'état de?
divisée en ogdoades (b) ; et puis ,
(b) Cela veut dire qu'il faisait ses divisions
de huit livres en huit livres. La Croix du
BELLAT.
>55
choses (i). H rapporte ensuite ces pa- Mélanchthon avait publié (5). Le
rôles de Charles-Quint , la plume de père Maimbourg s'est mis là-dessus fort
Langey m atrop plus fiait ta guerre, que eu colère corjtre Sleidan. Comment
toute lance bardée de lu France {"i). Il est ce , demande-t-il [6) , que le set-
dit beaucoup de bien des secrétaires gneur du Bel/ai^) pourrait avoir dit
de ce seigneur ; car après avoir parlé aux luthériens une chose si fausse , et
d'un personnage qui offrit inutilement si éloignée de toute vraisemblance?
deux raille écus d'or pour avoir copie lui , qui au commencement de celle
d'une lettre qu'un cardinal avait écri- même année avait suivi le roi à une
te à François 1er , il ajoute que ce per- célèbre procession , où ce prince avait
sonnage s'en alla assez confus comme témoigné tant de zèle pour la reli"ion
s'ctant présumé avoir affaire à quelques catholique, et au retour de laquelle
bons marchant» semblables à ceux du il fit brûler tout vifs a petit feu six
deffunct marquis du Guasl, qu'un se- hommes convaincus du luthéranisme ?
crétairedu mcmorable Langty {nom- J'aimerais autant demander, comment
me Landry ) rnenott secrètement par serait- il possible qu'un ambassadeur
le bec jusques au fous de leur pensée fin et adroit se servît de quelques dé-
par voye d'argent. Le tout pour laj- guisemens , lorsqu'il veut obtenir des
fiction qu'il portait à un maistre qui se choses de grande importance, qu'un
fiaisoil faire au besoin voluntuire sacri- aveu sincère lui fierait manquer infiail-
fice des coeurs de ses secrétaires et liblement ? Le père Maimbourg avoué
d'autres genlizhommes , dont encore a (8) que du Bellai déclara, que ceux
sa louenge ( et pour avyser la France qu'on avait punis en France n'étaient
des gens de service de son tems ) on pas des gens que les protestans d'Alle-
dit en maint honneste lieu ce mot , mague pussent avouer. Ce même jé-
nourriture de Langey (3). Si l'auteur suite ne censure point Sleidan d'avoir
qui a tant parlé des grands effets de dit que du Bellai protesta que le roi
la plume , et qui en a cité lant d'exem- sou maître n'avait point établi un
pies , avait su ce que je viens de citer, préjugé contre le luthéranisme par le
il en aurait orné son ouvrage intitulé supplice auquel il avait condamné
Arma anserina (4). quelques-uns de ses sujets , et qu'il
(B) Il esquivait adroitement les n'y avait que de malins calomniateurs
coups que l'on lui portait touchant..,, qui pussent dire une telle imperti-
le supplice des hérétiques. ] Voyez le nence. lllum animadvertisse quidem
précis de sa harangue dans le IXe. livre in suœ ditionis quosdam : sed hoc ad
de Sleidan : on ne pouvait pas plai- ipsorum injuriant nullam pertinere
der plus adroitement qu'il le fit pour tametsi malevoli dicant quant illos è
le supplice que François 1er. avait fait medio sustulit, ipsorum quoque cau-
souilrir à quelques-uns de ses sujets sam veluti prœjudicio quodam con-
imbus de la nouvelle opinion *. .Mais demndtse : rogat aulem ne tant ineptia
les conversations de Langei étaient calummis moveanlur (g). Il faut donc
pour le moins aussi adroites que ses que le père Maimbourg ait cru que
harangues : il conférait avec les doc- l'ambassadeur avait parlé de la sorle:
teurs , et leur avouait «pie sur plu- or que peut-on dire de plus contraire
sieurs points le roi son maître ne s'é- à la bonne foi, de plus faux, de
loignait pas beaucoup d'un livre que moins vraisemblable ? La notoriété
publique n'apprenait - elle pas qu'a
Paris on ne faisait point plus de quar-
tier aux luthériens , qu'aux zuin-
gliens? Voyez ce qui a été dit sur
tout ceci contre le père Maimbourg
(i) Bitlon , Fort inexpugnable de l'honneur du
sexe féminin, folio 36 verso, édition de Va-
ris, en if>55, in-40.
(?) T.a même , folio î37-
(3) Là même, folio ?^5 xprio.
(4) Imprime' il Lerdf, en llï-i), l'n-13.
" Leclerc , pour excuser ilu Bellay , dil que son
discours lui avaii été dicté Du rôle . rlil-il , il
ne trompa pas les protestans : car. i°. aucun
Allemand n'.vai été puni en France pour \r-.
placards -, 2°. les auteur* de ces plai ards ne
pouvaient pas êirc avoués par le-, protestans
d'Allemagne , t°. les condamnations prononcées
ne l'avaient pas été par prc|ujé contre le lutLs-
ranisme.
(5) Celaient ses lieux communs.
(6; Maimb. , Histoire du Lulbcrau., lu: III .
paç. lit.
I la page pre'ce'dente, il l'appelle Guil-
laume de Langey, seigneur du Bellai. C eil
renverser l'ordre.
(S; Pop. oit de son Luthéranisme.
(9) Sle:danus, Ub. IX, folio 318.
i56
BEL
dansla Critique générale de son Calvi-
nisme (10). Nous avons ici un article
de la religion du souverain , et un
point ilu catéchisme des ambassa-
deurs j c'est qu'il faut persécuter chez
soi l'hérésie , et la caresser chez les
étrangers ,-ou pour l'exciter à une
guerre civile dans un état qu'on a in-
térêt d'affaiblir , ou pour se fortifier
d'une alliance avantageuse. Agir se-
lon la doctrine des équivoques , c'est
le métier des ambassadeurs. C'est
pour eux principalement qu'elle au-
rait dù être inventée. Si elle était sûre
dans le barreau de la conscience , elle
leur serait absolument nécessaire pour
le salut éternel. Au reste, la bonne
foi de Sleidan a été mise dans tout son
jour par M. de Seckendorf. Il cite des
lettres de Guillaume du Bellai , et de
Jean du Bellai son frère , écrites à
Mélanchthon , par lesquelles ils l'as-
suraient des bons sentiniens de Fran-
çois 1er. (ii)- 11 cite même une lettre
que ce prince écrivit à la ligue de
Sraalcalde, pour excuser les supplices
en question (ia). On se jouait mani-
festement des princes ligués : et pour
les empêcher de s'accorder avec Char-
les-Quint , on tâchait de leur faire ac-
croire bien des choses. Un historien
moderne fi 3) remarque que tout le
discours de Guillaume du Bellai à la
faculté de théologie de Paris , assem-
blée pour délibérer sur le divorce du
roi d'Angleterre , était plein de four-
beries : pourquoi aurait il été plus
sincère au préjudice de François Ier.
en Allemagne ?
(C) // avait compose en latin une
Histoire de son temps. ] Scévole de
Sainte-Marthe s'est fort trompé , lors-
qu'il a dit que cet ouvrage était l'his-
toire de France , depuis le commen-
cement de la monarchie jusques au
temps de l'auteur. Uistnriam de rébus
Gallicis , ab ipsâ imperii origine , ad
sua usque tempora , tum latine tum
gallicè , grat issimo stylo persécutes
est (i4)- S'il avait lu les préfaces , il
n'aurait pas dit cela 5 car Guillaume
(10) Lettre XVIII , pag. 333 de la IIIe.
édition.
(n) Seclsendorf, hb. III, pag. 109. Voyez
aussi pag. o.5g, num. 12.
(12) Ibidem, pat;. J04.
(i3) Le Grand, Histoire rln Divorce de
Henri VIII, loin. /"'., pag. 179.
(\*i) Sammarth. in Elogiis , pag. 12.
LAI.
du Bellai déclare en termes formels
(i5) , que le commencement de ses
Mémoires est dès la première adoles-
cence de François Ier. 11 ajoute que
d'abord il y avait mis , comme par
manière d'avant-propos , un discours
sur l'origine des Gaulois et des Fran-
çais , et sur la réduction de ces deux
peuples en une seule nation , qui se-
coua le joug des Romains : mais qu'en-
suite il mit ce discours à port , et
l'augmenta de telle sorte , [qu'il en fit
un ouvrage séparé , et l'une des sept
Ogdoades qui composaient son his-
toire. Il traitait dans cette Ogdoade :
i°. de l'antiquité des Gaulois et des
Français ; a0, de la division des Gau-
les et de la France : il donnait là une
description géographique , et accor-
dait le plus qu'il pouvait les noms
modernes avec les anciens ; 3°. des
lois et coutumes tant militaires que
politiques , et des charges et des di-
gnités. // apprnprinit le temps passé
au présent , au mieux et au plus près
qu'il ai'oit pu faire (16). Martin du
Bellai ne condamne pas moins claire-
ment Scévole de Sainte-Marthe : Feu
mon frère , messire Guillaume du Bel-
lai,... avoit composé , dit-il (17) , sept
Ogdoades lutines , par lui mes me
traduites du commandement du roi en
noslre langue vulgaire , où l'on pou-
voit voir comme en un clair miroir,
non-seulement le pourtrait des occur-
rences de ce siècle , mais une dextérité
d'escrire merveilleuse , et a lui pécu-
lière , selon les jugemens des plus sa-
vons. Si Ton y avait pu voir toute l'his-
toire de la monarchie , se fùt-il borné
à recommander les mémoires de son
frère par les seules occurrences de ce
siècle , et par le style ?
Notez que le livre de l'Antiquité des
Gaulois et des Français est si rempli
de mensonges , qu'on dirait que l'au ■
teur se proposa moins de faire une his-
toire , que de forger un roman. IVon
Francogallicœ Historiée , sedAmadi-
sienrum Fabularum instituisse trarta-
tionem videtur. C'est ainsi qu'en parle
François Hotman, à la fin du IVe. cha-
pitre de sa Francogallia.
(D)... dont il ne reste que quelques
(i5l Dans son prologue: voyez la pag. /|54
des Mémoires de Martin du Bellai. Édition de
la Rochelle, en iH-'i, in-8°.
(16) L'a même , pag. ^5^.
(17) Dans la préface.
BELL AI.
',5j
livres , que Martin du Bellai... a insé- Genève , en l5g4 , in-8°. : il ne parle
rés dans ses Mémoires.] Il était lui point de celle de la Rochelle, en \^'i,
aussi homme de guerre et de plume. in-8°. Hugues Sureau mit cet ouvrage
Il fut chevalier de l'ordre du roi , ca- en latin , et le publia à Francfort , in-
pitaine de cinquante hommes d'armes folio , l'an iS^- Martin du Bellai
de ses ordonnances , et son lieute- était mort à Glatigni , le 9 de m«rs
nant général eu Normandie. Il a laissé
des Mémoires , qui s'étendent depuis
l'an 1 5 1 3 , qu'il vint a la cour, jusques
à la mort de François Ier. Ce sont des
Mémoires tant de la paix que de la
guerre , dont je puis parler , dit il (18),
en partie comme tesmoing oculaire ;
car en plusieurs endroits , et deçà et
delà les nions , me suis trouvé en per-
sonne , et des autres ai peu avoir cer-
tain advis par ceux qui ont esté pré-
sens. De dix livres qui composent cet
ouvrage , il n'y en a que trois qui ap-
partiennent à Guillaume du Bellai, si
l'on s'en rapporte au frontispice , à la
préface de Martin du Bellai , et au
titre du Prologue des Ogdoades ; mais
si l'on consulte le haut des pages , et
le titre particulier qui est à la tête de
chaque livre , on trouve que le Ve. , le
VIe. , le VIIe. et le VIIIe. livre appar-
tiennent à Guillaume du Bellai, et que
le Ier. , le IIe. , le IIIe. , le IVe. , le IXe. ,
et le Xe. appartiennent à Martin. Ce
qui appartient à Guillaume est tiré de
la Ve. Ogdoade , et s'étend depuis
l'année 1 536, jusques à l'année i5;}o
(19). L'ouvrage entier de Guillaume
comprenait sept Ogdoades ; mais la
première ne regardait point François
1er. : elle traitait des Antiquités des
Gaulois et des Français, etc. , comme
je l'ai déjà dit (20). Les six autres
étaient destinées au règne de ce mo-
narque. Les dix livres que nous avons
en partie de Guillaume , et en partie
de M.irtin , furent imprimés à Paris,
l'an i56g, in-folio, par les soius de
René du Bellai , baron de la Lande ,
cendre de Martin. Je vois citer une
édition de Paris , in-folio, en i5^2 •
<t j'en ai vu une , qui fut achevée
d'imprimer à Paris , le 29 d'octobre
1 587 , in-folio , par Pierre le Voir-
rier , imprimeur du roi es mathéma-
tiques. Elle se vendait chez Pierre
i'rluillier. Du Chêne, dans la Bibliothè-
que des auteurs île l'Histoire de Fran-
ce (ai) , dit qu'il y a une édition de
(18) Dans sa préface.
(19) Préface de Uart.n do Bellai.
faoj Pans la remarque (Ci.
[>,) Pag. 85.
TOME ni.
i559 (32). Il avait épousé Isabeau
Chenu dame d'Yvetot; et par ce ma-
riage , il était devenu prince d'Yve-
tot (a3).
(E) On verra ci-dessous le juge-
ment que Montaigne a fait de ce livre.]
Voici ses paroles : « C'est tousjours
» plaisir de voir les choses escrites
» par ceux qui ont essayé comme il
» les faut conduire ; mais il ne se peut
» nier , qu'il ne se découvre évidem-
» ment en ces deux seigneurs ici ,
» un grand déchet de la franchise et
» liberté d'escrire , qui reluit es an-
» ciens de leur sorte , comme au sire
>> de Jouinville, domestique de saint
» Louis , Eginard , chancelier de
)> Charlemagne , et de plus fraîche
» mémoire en Philippe de Comines.
)> C'est ici plustost un plaidoyer pour
» le roi François contre l'empereur
» Charles V , qu'une histoire. Je ne
» veux pas croire qu'ils ayent rien
» changé , quant au gros du faict ;
» mais de contourner le jugement des
» événemens, souvent contre raison ,
» à nostre avantage, et d'obmettre
» tout ce qu'il y a de chatouilleux en
» la vie de leur raaistre , ils en font
» mestier : témoin les reculemens de
» messieurs de Montmorency et de
» Brion, qui y sont oubliés , voire le
» seul nom de madame d'Estampes
» ne s'y trouve point. On peut cou-
» vrir les actions secrètes ; mais de
» taire ce que tout le monde sçait ,
» et les choses qui ont tiré des efléets
» publics , et de telle conséquence ,
» c'est un défaut inexcusable. Som-
)) me, pour avoir l'entière connois-
» sance du roi François , et des cho-
» ses advenues de son temps , qu'on
» s'adresse ailleurs , si on m'en croit.
» Ce qu'on peut faire ici de profit ,
» c'est par la déduction particulière
» des batailles et exploicts de guerre
» où ces gentilshommes se sont trou-
» \ez , quelqnes paroles et actions
» privées d'aucuns princes de leur
-> temps, et les pratiques et négocia-
(ti) La Croix du Maine , B;i.lioUié<iue fran-
çaise, pag. 3i 4-
(a3) La même, pag. 3i3.
r7
258
BELLAI.
)i tions conduites par le seigneur de
j) Langeay, où il y a tout plein de
» choses dignes d'estre sçeues , et des
3> discours non vulgaires (2:}). » Si
M. More'ri avait lu les Mémoires de ces
messieurs , il faudrait conclure qu'il
ne savait guère juger d'un livre ; car
il dit que le style de Guillaume du
Déliai est pompeux et magnifique , et
de la manière que doit écrire un hom-
me de qualité. Premièrement , il est
certain que le style de cet illustre
personnage n'est point pompeux et
magnifique : il n'est point châtié, il
ne sent point le travail, on y trouve
quantité de termes écorchés du latin;
ce qui témoigne que l'auteur se rend
justice , lorsqu'il déclare qu'il n'a
point songé à la perfection du style.
En second lieu , ce ne sont pas les
personnes de qualité qui écrivent
d'un style pompeux : ce n'est nulle-
ment par ce caractère que l'on décou-
vre si un auteur est de qualité. Un
rhétoricien de profession , un moine
prédicateur, donne cent fois mieux
dans la pompe du langage , qu'un
homme de cour.
(F) Le Prologue de ses Ogdoades
contient des avis très-importans aux
historiens.... sur les indignités qu'on
fait à l'histoire.] Jamais on n'a eu
plus de besoin qu'au temps où nous
sommes , de faire attention à cela ;
mais le grand mal est qu'aujourd'hui
la plupart de ceux qui font les fautes
censurées par Guillaume du Ëellai ,
ne pèchent point par ignorance. C'est
la malice, c'est l'animosité , ou bien
l'envie de s'accommoder au goût po-
pulaire, et d'en tirer du profit, qui
engagent à falsifier les relations.
Quelle que puisse être la source de ce
désordre, je mettrai ici un long pas-
sage de cet auteur. 11 remarque très-
justement qu'il importe que ceux qui
savent les choses se hâtent de les pu-
blier ; car, autrement, la peine de
remonter jusqu'à la première origine
devient trop grande. Voici son vieux
gaulois. « En hystoire, dit-il (25) , de
■'■> tant plus est la tardiveté périlleuse,
« que la vie des mortels est courte : et
(24) Montaigne , Essais, liv.'II, chap. X à
la fin, tom. II, pag. i55. Edition de Paris,
en i65g, in-12.
(ï5) Gnillanme du Bellai, Prologue îles Og-
doades , pag. 435, et suiv.f édition delà Ro-
chelle, en i5-j'i, in 8°. P
si par ceux qui ont cognoissance et
mémoire des choses de leur temps
il n'en est rien mis par escrit, ceux
qui viendront après , tant puissent-
ils avoir bon stile , bon vouloir, et
diligence , si n'en pourront-ils es-
crire certainement et à la vérité.
Ce que desjà nous pouvons voir
d'aucunes prochaines procendantes
(26) années, desquelles parler au
long et véritablement est chose dit
ficile , en partie par la négligence ,
en partie aussi par la témérité de«
mesmes hystoriens, qui cependant
se plaignent de n'avoir assez digne
matière pour bien employer leui
estude et labeur , lesquels néan-
moins eussent beaucoup mieux fait
et pour eux, et pour nous, de se te-
nir en repos et à leur ayse , que de
semer, sous nom d'hystoire, un in-
cogneu recueil de fabuleuses et
mensongères narrations, dont au-
jourd'huy nous avons trop plus que
d'hystoire. J'ay leu en quelque cro-
nique ( ce que je crains que l'on
m'estime avoir songé ) d'un roy de
France , qui en une après-disnée
vint de Compiegne courrant un
cerf jusques à Lodun... : ce sont cent
lieues, ou environ. Chacun sçait
que le tant vertueux prince , et de
si louable mémoire , Charles duc
d'Orléans , après avoir esté près de
trente ans prisonnier en Angle-
terre pour le service de la couron-
ne de France, à la fin en retourna,
et mourut plein d'ans et d'honneur
en ce royaume. Et toutes-fois on
list, mais c'est en plus de vingt di-
vers aucteurs, qu'il fut à Paris dé-
capité pour crime de lèze-majesté.
Le roy d'Ecosse dernier mourut-il
pas en la bataille qu'il donna con-
tre les Angloys, en l'an mille cinq
cens quatorze ? Si ay-je leu , que de
celle bataille il retourna en ses pays
victorieux et triomphant. Je me
déporte , pour éviter prolixité , de
plus avant nombrer telles menson-
ges , lesquelles certes ne sont se-
mées, sinon par la témérité , indi-
ligence et indiscrétion d'iceux hys-
toriens et croniqueurs , qui plus
souvent escri vent pour chose seure,
ce que leur aura dit le premier ve-
nu , sans faire élection ou choix d»
(16) Je crois que cesl une faute d'impression,
>ur précédentes.
BELLAI.
» la personne qui le leur rapporte :
» ou bien en disant selon le bruy t qui
i> aura couru parmy le peuple, auquel
■ à peine peult avoir mot de \éritë.
•) Dont vient aucunes foys , que les
■ liseurs informez du contraire, plus
i> envys (27) croyent aux autres bons
• et anciens aucteurs , les estimans
» avoir escrit de mesme. Et en avient
» ainsi que très- bien dit en autre cas
» le cardinal Liessarion ( 28) , voyant
» à Home tant eslever et canoniser de
3> saincts nouveaux, desquels il a voit
,rneu et peu approuve la vie ,
> encores moins la façon de procéder
■) à leur canonisation : ces nouveaux
> saincts (dit-il ) me jettent grande-
» ment en doute et scrupule de ce
» qu'on list des anciens, ht au mien
» vouloir, que tels autheurs et croni-
u queurs se reposassent, ou qu'à leurs
livres ils imposassent nom convena-
» ble au contenu ; et que ceux qui
» bien pourroient et sçauroient à la
■> vérité en parler, aymassent tant
s l'honneur et la gloire de leur na-
» tion, que d'en escrire en tel langa-
■ ge qu'ils sçavent, selon les choses
)■ veues par eux , on entendues par
a iidelle et bien certain rapport d'au-
» truy. Alors seroient les gens de let-
•■ très , qui par après voudraient les
.-> enrichir de stile et diction plus élé-
.) gante , hors de la peine et ennuyeux
» travail de rechercher la vérité entre
tant de mensonges , contrariété?.
» et répugnances , qui sont divulgées
: par les dessusdits croniqueurs, soy
a conûans témérairement à l'ouyr di-
u re du premier trouve. »
(G) C'est par une erreur palpable
qu'on impute à Guillaume du Bellai
un écrit sur la discipline militaire.]
Du Verdier lui attribue simplement
et absolument ce livre ; mais La Croix
du Maine fait entendre qu'il a quel-
ques doutes là-dessus : il ne marque
ni l'année ni le lieu de l'impression ;
il se contente de dire que l'un trouve
imprimé sous le nom dudit sieur île
Langer , l'Instruction île l'art mili-
taire. Du Verdier est plus exact , il
donne le titre en cette manière : In-
^'est-'a-dire , invili , malaisément.
(28) for»i les parole t de Bot) in dans la re-
marque (G) de l'article de Jeao) de Lacnoi,
vers la fin. Il le< applique aux historiens men-
teur' , q:ti empêchent qu'on n'ajoute foi aux
■>5v,
structions sur le fait de la guerre , ex-
traictes des livres de Polybe , Fron-
tin, fegèce , Cornazan, Machiavel et
plusieurs autres bons auteurs, par mes-
sire Guillaume du Bellay, etc. , impri-
mé a Paris, 4 et 8 , par Michel Vas-
cosan , i553. Brantôme était fort per-
suadé que ce livre avait paru sous le
nom de son véritable auteur. Le livre,
dit-il (29) , qua fait M. de Langeay
de l'art militaire, le fait connaître
autrement capitaine, que ne fuit Ma-
chiavel celui qu'il en a escrit , qui est
un grand abus de cet homme, qui ne
savoit ce que c'éloit de guerre , et en
aller faire et composer un livre , tout
de même comme si un philosophe al-
loii écrire un livre de chasse , comme
''■fait le Fouittou. 11 est aisé de prou-
ver par le livre même, que Guillau-
me du Bellai n'en est point l'auteur.
Celui qui a fait cet ouvrage, n'était que
simple gendarme dans la compagnie
du sieur de Ncgrepelisse. l'an i5a8. Il
se trouva au siège et à la prise de
Troye , sous monsieur de I^autrec •' il
se retira a Bourletle , ville de la
P ouille , après qu'il fut sorti de pri-
son ; il avait été fait prisonnier quand
la compagnie où il servait fut défaite,
à la retraitequele marquis deSallusses
lit de devant Naples. C'est lui-même,
qui raconte toutes ces choses dans son
livre. Or rien de tout cela ne peut
convenir à Guillaume du Bellai. Il
était grand seigneur dès l'année i525,
lorsque la régente l'envova en Espar
gne , auprès de François 1er. Il fut en
1527 l'un de ceux qui assistèrent aux
jugemens des défauts donnés con-
tre monsieur de Bourbon (3o). Le roi
l'envoya la même année en Italie por-
ter de l'argent aux princes confédé-
rés , et travailler au bien de la ligue
auprès du pape Clément VII. Il fut.
envoyé en Angleterre l'an i5îg, et
l'an 1 533 . 11 était alors gentilhomme
de la chambre du roi. Etant gouver-
neur de Turin , Ywn 1 537 , il fut en-
voyé en Allemagne , pour demander
une diète où les droits de l'empereur
et du roi de France sur le duché >1
Milan fussent discutés. Il ne fut don<
point commandé la même année , en
(?f)) Brantôme, Mémoires des grandi
laines français, tom Ie'., pae. 38s.
(3o) Jean du Tillet en son Recueil des Kans»
.V France, àté par le Baron de FoiqaetMiM.
/'ore* la citation suivante.
ï6o
BELLAI.
qualité de capitaine d'une seule bande (36), il y a quelque apparence que ce
de gens de pied, pour as s i» ter le sieur Synlagma ne contiendrait pas l'erreur
de Roberval à la saisie des vais de commune que nous trouvons dans
Saint-Martin et de Lucerne. Or l'au- ces paroles : Qui ( Erricus Roanes )
teur de la Discipline militaire assure nunc in Tellind valle sub christianis-
sur la tin du livre second qu'il reçut simo rege castrorum prœfectus idem
ce commandement : il est donc indu- omnino facit quod quondam in sllpi-
Ritable que le seigneur de Langeai bus Taurmis Guilielmus Bellajus
n'a point compose' ce livre. Voilà des Langœus eodem munere defungensfe-
raisons si de'monstratives, que celui cerul , editis eliam libris de lie mili-
qui les emploie (3i) ne croit pas qu'il tari , quos poste'a Mambrinus Roseus
soit besoin d'y ajouter celle-ci : Si ilalicâ et omnes fermé populi sud lin-
Messire Guillaume du Bellay en es- guâ reddiderunt, ob summam ejusmo-
tnit l'autheur , il ne se loueroit (32) di librorum qui ab expertis et celeber-
pas d'avoir parfaite connaissance des rimis nostrd et patrum memorid duci-
armes et des lettres, ny ne se nomme- bus cornpositi fuerunt ulililatem (3^).
roit pas parlant en tierce personne , Naude' se trompe d'ailleurs , en ce
monseigneur de Langé lui-même (33), qu'il suppose que les livres en ques-
comme ont très-bien sceu remarquer et tion furent imprimes pendant la vie
obmettre Matnbrin Poseo (34) , tra- île Guillaume du Reliai. Quant au
Jucleur italien , et les derniers correc- reste , il |iaraît faire grand cas de l'ou-
tew s français : et de plus, le sieur de vrage : il n'a donc pas été du goût
Langé, qui ne s'oublie que peu ou d'un commentateur d'Onosandre ,
point dans son livre de mémoires , et dont le baron de Forquevauls s'est
qui cotte curieusement les lieux où il plaint en cette manière : Ce discours
s'est trouvé, ne fait presque point militaire est une œuvre véritablement
de mention de lui-même en tout ce nécessaire et utile aux gens du mes-
voy âge fait par monsieur de Lautrec. lier, et qui vivra longuement estimée
Ne nous contentons pas de savoir et prisée entre les mains des plus en-
qu'on a donné cet ouvrage à un hom- tendus , malgré la médisance et l'opi-
ine qui n'en était pas l'auteur : sa- niond'un aulheur moderne, qui, sur les
chons déplus la cause de cette me- annotations de l'Art militaire d' Ono-
prise , et le nom du véritable père, sander, auteur grec , s'efforce de mes-
Raimond de Pavie , sieur de Forque- priser celui qu'en cette science il n'a
vauls , gentilhomme gascon , est l'au- pu atteindre que de bien loin ; quoique
teur de cet ouvrage. Il en communi- plus en docteur qu'en soldat il ait es-
qua un exemplaire à Guillaume du ait durant le loisir et l'oisiveté, que la
Reliai, comme à son bon seigneur et cuisine et les amours d'un certain abbé
ami , et au jugement duquel il l'avait avecques sa femme lui permettaient
premièrement exposé. Cet exemplaire (38), et qu'il ait pris de divers aulheurs
fut trouvé parmi les papiers de ce les commentaires de son livre ; au lieu
seigneur (35) : voilà l'origine de la que le texte de celui-ci , dont je traite,
méprise. Si le parent de l'auteur avait a esté conceu achevai, et escrit l'espée
fait savoir au public la vérité de ce a la main, par le sieur de Forque-
fait avant que le sieur Naudé publiât vauls (3g). À quoi songeait La Croix
son Synlagma de Studio militari du Maine , en rapportant que le con-
(3i) Le Baron de Forquevauls, dans la V,e ne'tabl,<; Anne de Montmorency passait
de plusieurs grands Capitaines français, pag. pour 1 auteur du livre dont il S agit
33a, 333. (4°)' ^e savait-il pas que ce conné-
"■ «■ table n'avait ni étude ni lecture, ni
(36) Les Vies , que le baron de Fourquevauls
a composées. furenl imprimées a Paris, tan if>43.
LeSyalx%ma ReiMilharis parut à RomeJ'an îtii^r
(37) Naudieus, Syntagm. de Studio Milit.
(38) Voilà un fait pour les chercheurs d'a-
necdotes : on ne les exhorte point à te déterrer,
ils le feront assez sans qu'on les en prie, et
je ne crois pas que la chose soit malaisée.
(3g) Le baron de Forquevauls, Vies de plu-
sieurs Capitaines français, pag. 3 34-
(<jo) La Croix du Maine , BiW. franc., pag.i 3g.
ion faite par Michel Vascosan et Galliol du
Pré.
(33) Celte raison est fausse, à moins qu'elle
ne soit toute fondée sur le Monseigneur : une
infinité d'auteurs de Mémoires imitent Jules
César, qui se nomme en tierce personne. Guil-
laume du liellai a suivi cette méthode dans ses
Mémoires.
(34) Il/allait dire Mambrin Roseo.
(35) Voyea les Vies de plusieurs Capitaines
français , par François de Pavie , baron de
Forquevauls, pag. iii.
BELLAI.
26 ï
aucune capacité* d'écrire ? Voyons
d'où naquit le doute de ce bibliothé-
caivc. C'est que lisant ce livre, dit-il,
j'y ai trouvé que l'aulheur d'icelui
loue fort le seigneur de Langey , mes-
sire Guillaume du Reliai , et le recom-
mande pour les lettres et les armes : ce
qui me fait croire qu'il n'en est pas
autheur ; mais que cela est advenu que
Von ait trouve ces Mémoires dans sa
bibliothèque sans le nom de celui qui
l'eust fait , et que l'on a présupposé
que cefust de sa façon , a cause qu'il
avoit promis d'en escrire. Je n'asseure
pas que ce soit de lujr , et aussi je ne
l' improuve pas. S'il avait bien lu l'ou-
vrage , il aurait trouve' des preuves
tout autrement fortes que celle qu'il
tire de l'encens que l'on y donne à
Guillaume du Beîlai.
(H) Je crois qu il est auteur des au-
tres ouvrages qii'on lui attribue. ]
Voyez en la liste dans les Bibliofhé-
ques françaises de La Croix du Maine,
et de Du Verdier. Quelques-uns des
principaux ne furent peut-être jamais
achevés. La Croix du Maine a donne
apparemment pour un ouvrage par-
venu à sa perfection ce que l'auteur
ne fait que promettre dans le prolo-
gue des Ogdoades.
(I) La Croix du Maine assure qu'il
naquit en 1^98, a Glatigni Je
crois qu'Use trompe quant au temps.]
Après avoir dit dans la page i3rj, que
Guillaume du Bellai naquit l'an 1498,
ou environ , il met dans la page sui-
vante sa mort 3119 de janvier i5p, à
l';lge de quarante-sept ans , ou environ.
Un homme tant soit peu exact dirait-il
cela ? Ne mettrait-il pas, ou 1496, d'un
côté, au lieu de 1498 ; ou quarante-
cinq de l'autre , au lieu de quarante-
trois? Mais ce n'est pas le principal,
Brantôme remarque que Langei mou-
rut non trop vieux , et devait encore
vivre (4i). Parle -t- on ainsi d'un
homme qui n'a qu'environ quarante-
quatre ans? Déplus, le cardinal du
Bellai avait soixante-huit ans lorsqu'il
mourut (4?.) ; or il mourut en i5Go :
il était donc né l'an 1492. On ne
peut donc point dire que Guillaume
du Bellai naquit l'an 1498 , car il
était plus âgé que le cardinal son
(40 Brantôme, Hommes illustres français
lom. I".,pag. 384.
42) Teissier, Additions à M. de Thou, lom.
U,pag. 184.
frère (43). Je viens d'apprendre qu'il
mourut dansson année climatérique.
Rabelais l'observe au chapitre XXI du
111" livre, après avoir dit qu'il mourut
le io de janvier 15J3*. L'auteur des
notes sur la Confession de Sanci m'a
indiqué ce passage.
(43) Sainte Marthe, in Eiogiis.
* Leclerc pense que Rabelais a voulu désigner
la quarante-neuvième année qui se nomme aussi-
bien climatérique que la soixante-troisième ; ce
qui porte la naissance de du Bellai a i4g4-
BELLAI (Jean du), frère puî-
né du précédent , fut un homme
d'un grand mérite. Il concourut
avec son aîné à favoriser les pas-
sions de Henri VIII , et à leurrer
les pro testansd' Allemagne * : tout
cela , pour rendre service à Fran-
çois Ier., dont les affaires deman-
daient qu'à quelque prix que ce fût
on brouillât les» cartes entre l'em-
pereur et l'Angleterre , par le
divorce de Catherine d'Aragon
*et qu'on amusât les confédérés de
Smalcalde par des mensonges sur
le prétendu penchant de Fran-
çois 1er. à donner quelque sorte
de satisfaction aux luthériens.
Ce manège aurait été plus inex-
cusable dans Jean du Bellai, qui
était évêque, que dans Guillau-
me son frère , qui était un sécu-
lier. : il aurait été , dis-je, plus
inexcusable , si cet évêque n'eût
été d'ailleurs revêlu du carac-
tère d'ambassadeur et d'homme
d'état (a). On sait la définition
des personnes revêtues de ce
caractère. Ajoutons qu'il n'esl
pas hors d'apparence que Jean
du Bellai ait eu des désirs sincè-
res, et même quelque espérance
de réformation ; et que dans ces
vues il ait encouragé sincère-
ment Mélanchthon à venir en
Leclerc renvoie à sa note sur la remar-
que B de l'article précèdent.
a) Il était évéque de Bajonnc , l'an i52-
lorsque François l". l'envoya ambas*,-
en Angleterre.
aGa BELLAI.
France; car il pencha quelque ' le disoit sur un propos qu'elle te
temps du côté du luthéranisme ,
et il se réforma même secrète-
ment sur l'article du célibat , par
un mariage de conscience *
qu'il contracta (A). Il était évê-
cme de Paris lorsqu'en i534 ?
il fut envoyé à Rome , pour por-
ter les choses à la douceur à l'é-
gard du roi d'Angleterre. Il n'y
gagna rien , et n'empêcha point
que le pape ne lançât la foudre
de l'excommuaication sur la tête
de Henri VIII. Il fut promu au
cardinalat par le pape Paul III ,
l'an 1 535 , et il mourut en 1 56o ,
à Rome , ou il s'était retiré après
la mort de François Ier. C'était
un homme qui aurait aisément
quitté la mitre et la crosse , pour
prendre le casque et l'épée (B) . S'il
est vrai qu'il ait condamné Anne
» noit à monsieur de Manne , proven-
» cal , de la maison de Seulal , et évê-
» que de Fréjus , lequel avoit suivi
» l'espace de quinze ans en la cour
» de Rome ledit cardinal , et avoit
» été de ses privez protonotaires : et
« venant à parler dudit cardinal, elle
» lui demauda s'il ne lui avoit jamais
» dit et confessé qu'il eût été marié ?
» Qui fut étonné ? ce fut monsieur de
» Manne, de telle demande. Il est en-
» core vivant, qui pourra dire si je
» ments ; car j'y et ois. Il respondit ,
» que jamais il n'en avoit ouï parler,
» ny a lui , ny à d'autres. Or je vous
» l'apprends donc , dit-elle ; car il
» n'y a rien de si vrai qu'il a été ma-
n rié, et est mort marié réellement
» avec ladite dame de Chastillon (i). »
Cette dame était la veuve de M. de
Chastillon , qui fut blessé devant
Ravenne , et qui mourut de ses
blessures à Ferrare (a). II avait eu
beaucoup de crédit sous Charles VIII.
Sa veuve, jeune et belle, fut choi-
sie pour dame d'honneur de la reine
de Navarre , et lui donna le beau
du Bourg à être brûlé (C), il faut conseil que cette reine a inséré dans
qu'on ait recueilli son suffrage ses Cent Nouvelles *. L'amiral de
de bien loin ; car il était à Ro-
me lorsqu'on instruisait le pro-
cès d'Anne du Bourg.
* Le fait du mariage est contesté par Le-
clerc , sur cinq raisons dont les deux plus
fortes sont que : I". si du Bellai se maria
étant cardinal cène put être qu'en i536 ; or
le testament de la veuve Cliâtillon , qui est
de i53a lui fait penser qu'ell» mourut cette
année; c'est-à-dire quatre ans avant l'épo-
que de sou prétendu mariage ; eu tout cas ,
comme elle avait été mariée en 1^5 , elle
aurait eu près de soixante ans eu l5i6 ; 2°.
la dame de Cliâtillon était à la cour de
Marguerite de Navarre, et y demeura jus-
qu'à sa mort , de l'aveu de Brantôme; dès
lors que signifie ce mariage pour ne pas habi-
ter avec sa femme ?
(A) lise réforma secrètement sur
l'article du célibat , par un mariage
de conscience qu'il contracta."] C'est
Brantôme qui l'assure , et voici de
quelle manière : « J'ai ouï raconter
w à une dame de grande qualité et
» ancienne, que feu monsieur le car-
» dinal du Bellai avoit épousé, étant
» évêque et cardinal , madame de
» Chastillon, et est mort marié; tt
Bonnivet s'était coulé par une trappe
dans le lit de cette princesse ; mais, au
lieu de jouir d'elle , il n'en remporta
que de bonnes égralignures sur le vi-
sage (3). La reine se serait plainte de
cet attentat à François Ier. son frère, si
la dame de Chastillon ne lui eût don-
né « ce beau conseil, qui est un des
» beaux et des plus sages, et des plus
» propres pour fuir scandale , qu'on
» eust su donner, et fust-ce esté un
■» premier président de Paris , et qui
» monstroit bien pourtant que la da-
» me étoit bien autant rusée et fine
« en tels mystères , que sage et advi-
» sée ; et pour ce ne faut douter si
;> elle tint son cas secret avec son car-
» dinal (4) Je croy que monsieur
» le cardinal, son dit mari, qui es-
» toit l'un des mieux disans, savans,
;> éloquens, sages, et advisez de son
;> fems , lui avoit mis cette science
» dans le corps , pour dire et remons-
(i) Brantôme , Vies des Dames galantes ,
lom. II, pag. i53.
(2) Là même, pag- i54-
* La Heine de Navarre, dit Joly, en » feit sa
quatrième nouvelle.
(3) Là même ,pag. l55.
(4J Là même*
BELLARMIN.
■j.6'j
» trer si Lien.... Je pense que mon dit
» sieur cardinal du Bellai a pu faire
a de même ; car de ce temps-là , il
» panchoit. fort à la religion et doc-
> Irine de Luther (5). »
(B) II aurait quitte la mitre et fa
crosse , pour prendre le casque et
l'épee. ] Brantôme continuera à me
servir de témoin : il dit que quand
Charles-Quint brava fièrement à Ro-
me le roi de France , ce fut un mal-
heur pour François Ier, de n'avoir
point là des ambassadeurs qui lussent
hommes d'e'pee (6). Encore, poursuit-
il , sans M. le cardinal du Bellay ,
qui était prompt et soudain et haut à
la main autant qu'homme de guerre ,
( aussi le sentoit-il ; car il était pour
tout , et un des grands personnages en
tout c t de leltrts et d'armes ) , tout
n'alloit pas bien , et le roi demeurait
fort deshonoré : aussi pensé-je que
pour ce fait n'y al il eujamats homme
de robe longue plus digne d'ambassa-
deur pour tout que ce M. le cardinal ,
ainsi qu il l'a montré en force ambas-
sades , n'étant encore cardinal , en
Italie , Allemagne et Angleterre ; et
AI. de Dax de la maison de IVouailles
en Limosin , qui a servi nos rois en
cette charge fort dignement et suffi-
samment en Angleterre , a Denise ,
oh je l'ay veu, et puis à Constantinople
vers le grand seigneur. Je ne veux
point faire tort h une infinité «au-
tres grands personnages que j'ay veus
en cet étal et cette robe : mais selon
Dion avis , M. le cardinal du Bellay ,
et M. de Dax ont surpassé ; car ils se
J tissent itydez aussi-tôt de leur épée ,
que de leur langue bien-disanle et di-
serte : aussi , en ces ambassades , il se
présente bien autant d'affaires et ma-
tières chevaleresques et de guerre , et
plus que d'autres d'état. M. de Thon
{■]) et Sainte-Marthe (8) ont observe
que ce cardinal rassura les Parisiens
qui avaient peur de l'armée de Char-
les-Quint , et qu'il prépara toutes
choses pour une vigoureuse résistance,
ayant fait fortifier la ville. M. Moréri
a rapporté aussi cela, mais avec peu
d'exactitude : il veut que Jean du
Bellay ait fait ces choses , lorsqu'en
(5) Là même, pag. i56.
(G) Branrùme , Eloge de François I'r. au I".
: m. de se.r Mémoires, pag. i^6.
(:) Thuan. , Histor lib. XXVI, pag. 539,
Sammarth, , in Elogtis, pag. i3.
i5r»7 Charles-Quint entra en Provence,
el ijne le roi sortant de sa capitale y
laissa ce cardinal , et l'établit son
lieutenant général pour subvenir aux
nécessités de la Picardie el de la
Champagne. C'est faire deux fautes.
L'irruption de Charles-Quint en Pro-
vence est de l'année 1 536 : celle qui
fit peur aux Parisiens , et à l'occasion
de laquelle Jean du Déliai fit fortifier
leur ville , est aussi de l'année i536(g) •
mais elle regarde la Picardie , et non
la Provence. C'est celle que Charles-
Quint lit faire par le comte de Nassau.
M. de Thon ne rapporte qu'à l'inva-
sion de la Champagne, en i54(, les
soins du cardinal du Bellai pour la
ville de Paris (10). Il se trompe *.
(C) On dit qu'il a condamné Anne
du Bourg à être brûle.'] Ce fait se
trouve dans M. Teissier. Il a été blâmé
par plusieurs, dit-il (il), d'avoir le
premier eondamné Anne du Bourg
à être brûlé tout vif ; c'est pourquoi ,
disent-ils, Dieu le retira du monde
quarante jours après l'exécution de cet
illustre martyr. Le calcul ne serait point
juste, selon les Annales de Snonde ,
qui mettent la mort de ce cardinal au
16 de février i56o(i'i}; car on sait
d'ailleurs que du Bourg fut exécuté
le a3 de décembre i55<)(i3). L'au-
teur, que M. Teissier cite, convient
que ce cardinal mourut le 16 de
lévrier , et il dit que ce fut cin-
quante jours après du Bourg. Son
calcul s'éloigne moins de la vérité
que celui que M. Teissier lui impute :
néanmoins il n'est point exact ; et dès-
là , l'observation est chimérique.
(0) Mézcrai, Abrégé chronol. a Vann. i536.
(lo) Thuan., Histor. lib. XXVI, pag. 538.
" Leclerc prétend que c'est Bayle qui se trom-
pe ; que l'alarme des Parisiens, ïor>quVn i i
[es troupes de Cliarles-Quint firent le siège de
Péronne, fut bieu moins vive qu'en 1 544 ^ tor-
que Charles-Quint eut pris Cbateau-Tliierry ;
et que c'est à cette circonstance qu'eurent lieu
les soins de du Bellai.
(n)Addit. aunEloget, loin. I"., pag- 184.
Jl cite Continuât. Sleid. per Micliacl. Luupord.,
lib. II : d fallait dire Londorpium.
(îî) Spond. Annal, ad ann. i56o , num. 3^.
(t'i) Bèie, Hist. ecclés. , fcV. III, pag. îfi.
BELLARMIN (Robert), jé-
suite italien , a été la meilleure
plume de son temps en matière
de controverse. Il naquit à Mou-
264 BELLARMIN.
le Pulciano (a), l'an i542 , et site dans sa dernière maladie par
entra chez les jésuites l'an i56o. le pape Grégoire XV, qu'il ré-
Sa mère Cynthia Cervin était gala du compliment du centenier
sœur du pape Marcel II. Il fut (A), seigneur , je ne suis point
ordonné prêtre à Gand , par digne que vous entriez sous mon
Corneille Jansenius , en i56cj ; toit. Il chargea le jésuite Euda?-
et l'année suivante , il ensei- mon- Johannes de témoigner
gna la théologie à Louvain. Il publiquement qu'il mourait dans
fut le premier jésuite qui en- la même foi qu'il avait toujours
seigna cette science dans cette professée et soutenue par sa plu-
fameuse université. Il le fit avec me (c). Il parut , le jour de ses
un succès extraordinaire. Après funérailles, qu'on le regardait
avoir demeuré sept ans au Pays- comme un saint (B). Il est sur
Bas , il retourna en Italie , et qu'il n'y a point de jésuite qui
commença en 15^6 à faire des ait fait plus d'honneur que lui
leçons à Rome sur la controverse, à son ordre , et qu'il n'y a point
ce qu'aucun jésuite n'avait fait d'auteur qui ait soutenu mieux
encore dans cette ville-là. Il que lui la cause de l'église ro-
s'en acquitta si bien, que Sixte V, maine en général, et celle du
envoyant un légat en France pape en particulier. Les protes-
l'an i5qo , lui donna Robert tans l'ont bien reconnu (C) ; car
Bellarmin comme un docteur pendant quarante ou cinquante
qui pourrait être d'un très- ans , il n'y a presque point eu
grand usage, en cas qu'il se pré- d'habile théologien parmi eux
sentàt quelque dispute de reli- qui n'ait choisi Bellarmin pour le
gion à discuter. Il fut de retour suj et de ses ouvrages de controver-
à Rome au bout de dix mois, et se. Les leçons et les thèses de leurs
fut promu successivement à di- professenrs faisaient retentir par-
verses charges , soit dans la so- tout ce nom-là ,
ciété, soit auprès du pape; JUS- Vt iiUus Hyla, Hjla, omnesona-
quesà ce qu'en l'année i Sgcjil fut ret (d).
lionoré du chapeau de cardinal. On l'a attaqué de tous les côtés ,
Il fallut , dit-on, le contraindre et l'on n'a pas oublié d'exami-
par les menaces de l'anathème à ner s'il s'est contredit (D) , et s'il
accepter cette dignité. Trois ans a fourni des armes contre lui-
après , on lui donna l'archevêché même. C'est le sujet d'un livre qui
de Capoue , dont il se démit , ne le devait ,pas médiocrement
lorsqu'en i6o5 le nouveau pape embarrasser. Comme il se trouve
{b) le voulut avoir auprès de lui. partout des indiscrets et des té-
II s'employa aux affaires de la cour méraires, il y a eu des écrivains
de Rome jusqu'en 1621. Alors protestans, qui ont publié des
il sortit dn Vatican , et se retira faussetés contre Bellarmin , des-
dans une maison de son ordre , quelles son parti a tire beaucoup
où il mourut le 17 de septembre d'avantage (E). Cela n est pas si
delà même année 162:. 11 fut vi- ■ - ,. ,
(c) Tiré de la Bibliothèque des auteurs )e-
(a) C'est une ville de Toscane. suites , composée par Alegam.be.
ij>) Savoir Paul V. cl)\ irgil. , Eclog. M , v. 44.
BELLARMIN. 265
fâcheux , lorsque des gens sans tomes in-folio ; mais on le divisa
aveu , et des personnes incon- en quatre dans l'édition de Co-
nues font cette faute ; mais lors- logne de itii5 , à cause que l'on
que des professeurs de réputa- joignit au premier tome sept
tiou et de grand poids imputent traités nouveaux ,dont le dernier
à ce cardinal ce qu'il n'a point est la révision et la correction
enseigné, ils font tort à leur que l'auteur fit de toutes ses
cause , et ils s'exposent à de ru- OEuvres (N). C'est ainsi que les
des mortifications. Un profes- bibliothécaires des jésuites se
seur de Sedan , qui a fait parler sont expliqués; mais cela n'est
beaucoup de soi dans la Hol- pas exact (0). Outre ce Corps de
lande , en pourrait dire des nou- Controverse , il a composé plu-
velles(F). Il est remarquable que sieurs autres livres , qui montent
Bellarmin, sur la matière de la a trois volumes in-folio, dans
prédestination , n'a point suivi la l'édition de Cologne de 1617 (e).
doctrine des jésuites (G) , et Depuis sa mort, on a publié
qu'il n'a point favorisé la morale quelques-uns de ses Sermons,
relâchée , ni les expressions que et plusieurs Lettres (/). Sa vie a
les dévots indiscrets avaient fait été composée par quatre ou cinq
couler dans les litanies (H). La auteurs (P) : le dernier , si je ne
complaisance qu'il eut pour ses me trompe, est Daniel Bartoli.
supérieurs , en souffrant que Au reste , la témérité de Scali-
l'on changeât quelque chose dans g6r , dans le jugement qu'il fai-
ses écrits, eten y changeant lui- sait de Bellarmin, ne peut être
même quelques endroits, tou- assez condamnée (Q).
chant l'efficacité de la grâce , Avec quelque force que ce jé-
n'empêche pas qu'il ne soit au sujte eut soutenu le pouvoir du
fond un docteur augustinien (I). pape sur ]e temporel des rois , il
Il se fit des affaires presque pour mécontenta Sixte V, et il eut le
les mêmes raisons qui ont tant déplaisir de voir mettre son 011-
commis l'abbé de la Trappe avec vrage dans l'indice de l'inquisi-
les moines (K). Il y a eu des tion (R). On traita encore plus
gens qui ont cru qu'il faisait mal en France ce qu'il écrivit sur
grand tort à la catholicité par ses cette même matière contre Guil-
livres de controverse (L) , à cause iaume Bardai (S). Entre tous les
que l'on y trouve les objections catholiques romains , qui ont
des hérétiques. Un homme d'es- écrit contrc luj , il n'v a per-
prit, n'ayant pu trouver en sonne qui ait découvert les lieux
Italie dans aucune boutique de failles «lo ses ouvrages aussi ha-
hbraire les OEuvres de Bellar- bilementque Jean de Launoi(T).
min , a soupçonné qu'on défen- N()ns rapp0rterons deux pensées
dait de les exposer en vente, de je Bellarmin, qui témoignent
peur qu'elles ne fissent connaître ijj a{J1iajt ]a pajx , et qu'il nY-
Jes opinions que l'auteur y a ré- tait tfifâ je l'ambition des
futées (M). Tout le Corps de
f'„„t..„ _ i \- ' ambs, Bibliolb. soc. Jesu, p. un.
Controverse publie par ce car- )' ° . ' „.,,. ., .,,,„,„
0.1 nal comprenait d abord trois r.ar -
266 BELLARMIN.
cardinaux (U). Les protestans te acquit l'estime de Henri IV,
ont fait attention à une chose pendant qu il avoit esté ensa cour,
qu'il dit touchant le mérite des ou il fut envoyé avec le cardi-
œuvres : c'est qu'à cause de nal Henri Cajetan (k) , et qu'il
V incertitude de nostre propre jus- est certain que le meilleur de
iice , et pour le péril de la vaine ses ouvrages est son livre de
gloire, le plus seur est de met- Scriptoribus Ecclesiasticis (/;. Je
Ire toute nostre Jiance en la seu- voudrais n'y avoir pas trouvé
le miséricorde et bénignité de ces deux faits-là ; car ils ne sont
Dieu (g). Ils n'ont pas laissé pas véritables (Y). L'inscription
tomber non plus ce qu'il prê- qu'on mit au bas de la taille-
cha à Louvain , en 1 5j i , sur douce de ce cardinal , porte
l'excellence de la Bible. Us s'en qu'il avait conservé sa virginité,
» servent pour détruire tout ce et son innocence baptismale, et
» qu'il a dit depuis dans ses ou- qu'il n'avait jamais dit aucun
» vrages contre la perfection et mensonge (m). Il légua en mou-
» la suffisance de l'Écriture (h). » rant à la Sainte-Vierge la moitié
Le livre , qui me fournit ces pa- de son âme, et à Jésus-Christ
rôles , contient un bon nombre l'autre moitié (n). Il fut si pa-
de remarques bien solides et bien tient, qu'il souffrait même que
curieuses touchant Bellarmin. les mouches , et telles autres pe-
J'y ai trouvé que ce cardinal tites bêtes , l'incommodassent
eust peut-eslre esté pape, s'il beaucoup (Z). Il les laissait faire,
n'eust pas esté jésuite (X) ; car et il disait qu'elles n'avaient point
Henri quatrième témoigna aux d'autre paradis que la liberté de
cardinaux françois qui allèrent voler et de s'arrêter où bon leur
au conclave après la mort de Clé- semblait. Au reste, il était de
ment huitième , qu'il seroit bien petite taille , et n'avait pas bon-
aise que l'on fit Bellarmin pape, ne mine ; mais on ne laissait pas
(/)(*). J'y ai lu aussi que cejésui- de découvrir sur son visage la
,.„,. ... v, T ,.„ , vjj beauté de son esprit (o). Il s'ex-
(g) Bellarm., lib. fdejustificat., c»;>. VII, . * v ' .. ,-■•
mon. siiteriia, cité par Daillé , Réplique à phquait nettement , et il medi-
Coltibi, IIIe. part., chap. XXIV, pag. 3o3
(h) Ancillon , Mélange critique de littéra
t.ure , tom. I , pag 33
0
tom
la mort des gens dont on veut par avance
canoniser la mémoire. Bellarmin voulut
l
France en l'année i6o5 pouvaient avoir in-
spiré ces dispositions au roi Henri IV par
l'organe dti fameux père Cotlon. Mais la
France se serait apparemment mal trouvée
d'un pape tel que Bellarmin qui , quatre ans
après , à Rome , fit mettre dans Vintlejr l'his-
toire du président de Thou , comme peu
favorable à la cour de Rome et aux jésuites
[à]. Ce qu'au reste M. Bayle observe plus
bas , qu'au-dessus de la taille-douce de Bei-
i.umtii on lisait que ce cardinal avait con-
servé sa virginité . n'était pas un de ces
Lrnits qui se répandent tout à coup, après
[a] Mercure Fiançais, tom. /, au feuillet Z'to
édition.
comme un beau puceau , trop vergogneux ,
dit-il , pour avoir osé, comme d'autres écri-
vains de sa communion, prouver le sacrifi-
ce de la messe par l'autorité d'Ovide et de
Virgile. Rem. crit.
(k) Là même , pag 333.
(I) Là même , pag . 3^3.
(m) Quam à maire virginem carnem ac-
ceperat, quam à sacro lavacro innocen-
tiam , Deo reddidit , sihi nullius in omni
vitâ mendacii conscius. Audreas Carolus,
Memorab. eccl. pag. 538.
(n) Id , ibid- , pag. 535.
(o) Nicius Erytlirajus , Pinacatbeca , I,
BELLARMIN. 267
tait si iuste les paroles qui de- laisse pas de le blâmer: « Qo'eût-il
raient représenter ses pensées, » dit tfû compliment de cetambassa-
r . l ' » deur d fcspagnc en Angleterre , qui
quon ne voyait aucune rature , reçut mie visite du i <u Jacques avec
dans ses écrits ip)- On fait assez » ces paroles de la messe : Domine.
•le cas de sa Grammaire hébraï- » nonsumdignusutintres sub teetum
nue , et l'on iuge néanmoins " 'ïl?"™, ^ ' , . , r ,
1" ' . > o . (K) II parut , le jour de ses fune-
([il'il n avait qu une connaissance rallles , qu'on le regardait comme
médiocre de cette langue (q) ; un saint.'] Il fallut que les Suisses de
quelques-uns disent que la grec- la Sair(le du pape fussent postes au-
1 • ;.„;» ~„t-^„aJ,ar,¥ ;„™n tour du cercueil, afin d'écarter la foule
que lui était entièrement incon- . *a,,|, •» . ' ,
t- ■ qui tachait a se ruer sur le corps ,
nue (r). Je ne pense pas que le pourle toucher et pourie. baiser. Tout
pape l'ait envoyé jamais à Lou- ce dont il s'était servi fut enlevé, et
vain , pour y mettre fin aux dis- distribué à ceux qui souhaitèrent d'en
1 i»/r- i_ 1 t> •■ avoir pour des usaees de dévotion.
putes de Michel Baïus , ou pour AdJ^ umUm %^ concursiintis
en faire rapport a Home ( AAJ. aa> nsculum tactumque sacri pignoris
Tant de gens l'ont attaqué , et adhibeie oportuit Helvetios è stipato-
tant de gens l'ont défendu, rlbus pontifieiis Quidquid rerum
, r . i„, „„«.„1 ,„, J„, i>* '«m habuit raptum distractumque
nu on a tait des catologues des • . , , ' , . 7,.
I t i- j m postulantes est ad venerationem(5).
uns et des autres. La liste de ses Lorsque Bellarmin quitta son église
défenseurs a été composée par de Capoue, la désolation fut grande
Berald italien (s).
(p) Idem, ibid.
{q'< Simon, Hist. crit. du Vieux Testa ment,
■ h: 111 ,chap. XII.
(r) Voyez la remarque (Y) , l'ers la fin.
(s) Baillet , article IX des Anti.
dans la ville. Quelques-uns lui bai-
saient la robe ; d'autres y frottaient
dévotement leurs rosaires ; tout le
monde luidemandasa bénédiction (4).
Voilà les préludes du culte, qui pour-
ront avec le temps être suivis d'une
canonisation en forme. On prétend
qu'il a prédit prophétiquement cer-
(A) Il régala le pape Grégoire XV taines choses, et qu'il a fait dos mi-
du compliment du centenier.'] Suppo- racles (5); et comme depuis sa mort
,mt . comme il faisait, que le pape l'odeurde sa sainteté est plutôt allée
estle vicaire du Fils de Dieu , il ne en augmentant qu'en diminuant, on
voyait pas dans l'application de ce ordonna tout de nouveau, l'an
passage toute la profanation que d'au- à la congrégation des rites, de p;
très y voient; et peut-être même der aux informations nécessaires sur
qu'il crut ne rien dire que de fort sa vie et sur ses miracles , afin que si
pieux Alegambe débite cela comme le cas y échet on le puisse béatifier (6;.
un bel endroit des dernières heures (C) Personne n'a mieux soutenu
de Bellarmin. Inyisit eum decumben- lui la cause de l'Église romaine.. ...
tem Gregorius XV, pontifex max'v Les protestons l'ont bien recnnr.u.]
mus, ac bis peramanter amplexus sa- «. 1rs demeurent d'accord que c'est le
crum se pro ejus vaUtudine facturum » plus subtil ennemi de la vérité qui
promisit. Ipse Christi vicarium obse- » ait entrepris jusqu'à présent d
quiosissimè reverilus usurpavit illud » l'attaquer : que Dc'métrius l'.Argen-
Cenlurionis , Domine , non sum dig- » lier , dont il est parle au XIXe. des
nus ut intres sub teetnm meum (i).
L'ambassadeur d'E-pagne , qui se
servit des mêmes paroles du cente-
nier envers un prince qu'il regardait
comme hérétique , ne peut pas être
excusé si facilement. Balzac . qui allè-
gue cet exemple à son critique, ne
(\) Alegambe, Bibliolh. Script. Societ. Jesa ,
» Actes , n'a pas travaillé avec tant
» d'art à ses petits temples d'argent
(2) Discours I". an Cardinal Fentivoflio , ,'i
la suite du Socratc chrétien. pag. 447 > 4-'|3.
(3) Alegambe, Biblioth. Script, toc. Jt-n .
pas;. .',.>.,.
(4) Idem, ibidem.
(5) Idnn, ibidem, pag. 4io.
(6) Sotuel , in Dibliolhecâ Scriptor. societ.
Jt'iU, f .J£. ^22.
268
BELLARMIN.
» de Diane , que cet adroit artisan
■» de l'erreur a employé l'artifice à
» redresser l'hôtel et l'autel de la
i> superstition; ce qui a donné lieu à
» quelques-uns de le comparer à ce
» Marcion , dont Tertullieu dit que,
» Dedecus suuiu ingenio obumbrat ,
» qui cum causas ubique ferèpessimas
» tueatur et impiorum dogmatum pa-
ît trocinio verissimumse Satanœ alque
> Antichristi satellileni pirebeat , agit
» tamen ingenio ut speciosif coloribus
» inducatomma et dislinrïtonumprœs-
« tigiis , et umbris éludât ea quœ so-
v Udissimâ ueritale constituta sunt
» (7).» Gardez-vous bien de croire ce
qu'Alegambe débite : c'est que Théo-
dore de Bèze demeurait d'accord que
Bellarmin avait renversé par terre
tous les auteurs protestans. JVec ipsi
hostes ausi sunt difliteri, ex quibus
Theodorus Beza , « Unus hic liber ,
■» ajebal, nos omnes hunti proturbat
» (8).« Onse moque du monde, quand
on alJègue de semblables choses , sans
citer le livre où elles se trouvent. Il
faudrait en semblables occasions citer
jusqu'à la ligne, ou du moins jusqu'à la
page , parce qu'autrement chacun juge
que ce ne sont que des ouï-dire vagues
et très-mal fondés. Je suis très-persua-
dé que Bèze n'avait pas une si bonne
opinion des écrits de Bellarmin , et
que , s'il en avait jugé de la sorte , il
se serait bien gardé de l'avouer. Une
autre chose que dit Alegambe n'est
pas si suspecte de fausseté. 11 dit qu'on
fonda à Cambridge et à Oxford une
nouvelle leçon destinée à réfuter Bel-
larmin. In Angliœ Academid Can-
tabrigiensi primùm , mox etiam in
Oxoniensi, nova prœlectio instituta
est ad Controuersias Bellarmini , si
potsent, rejellendas (9).
(D) On a examiné s'il s'est
contredite] Un ministre de Lithuanie,
nommé André Crastovius , a composé
un ouvrage intitulé Bellum jesuiti-
ticum (10) , où il objecte aux jésuites
2o5 contradictions. Quelquefois c'est
Bellarmin qui n'est pas d'accord avec
les autres jésuites : le pins souvent ,
("]) Ancillon, Mélange critique de Littérature,
lom. Jec. pag. 348- Voyez aussi Witaker dans
la préface de son traite' de Scripiurâ.
(8) Alegambe, BibliotU. soc. Jesu, vag.
4n.
(9) Idem , ibid.
(10) Cest un in-quarto de i6i pages, impri-
mé à Balle , Van ity').
c'est Bellarmin qui se réfute lui-
même.
J'ai dit ailleurs (11) qu'on lui re-
proche d'avoir employé et combattu
les mêmes principes , selon qu'il avait
à disputer, ou contre les protestans ,
ou contre les enthousiastes. Voici du
détail sur cette espèce de contradic-
tion. « Quelques-uns, voulant excuser
J> Bellarmin sur ces contradictions et
ces défauts de mémoire , ont dit
que le grand nombre de gens qui
ont travaillé à la fabrique de cet
ouvrage, c'est-à-dire de ses écrits,
comme les architectes de Babel , y
ont introduit cette confusion , faute
de s'entendre; mais bien loin que
ceux de sa communion prennent
cela pour excuse , ils le rejettent
comme une chose qui lui est inju-
rieuse. Fuligati , qui a fait sa Vie ,
dit qu'il n'a même jamais eu de
scribe Je crois que la vérita-
ble cause des contradictions de Bel-
larmin est que la nécessité présente
d'attaquer ou de défendre est un
objet plus puissant et plus péné-
trant que nul autre : il se soucie
peu de s'accorder avec lui-même ,
pourvu qu'on ne croie pas qu'il
est d'accord avec ses parties ad-
verses (12) Bellarmin a sou-
vent vérifié cette remarque dans
ses livres de controverse : lorsqu'il
dispute contre les libertins et les
schwencfeldiens , touchant la né-
cessité de l'Écriture , il parle comme
un protestant : lorsqu'il dispute
contre les protestans sur la même
matière , il raisonne en schwenc-
feldien : s'il entreprend les pélagiens
sur la perfection des œuvres , il
emploie contre eux tous les argu-
mens de ceux qu'il appelle calvinis-
tes : s'il a affaire contre les calvi-
nistes mêmes , il se sert des raisons
des pélagiens et de leurs distinc-
tions. Attaque- t -il les anabap-
tistes sur le baptême des petits
enfans , il le leur prouve par l'E-
criture. Est - il en contestation
avec nous au sujet de la Tradi-
tion, le baptême des petits enlans
est un des points qui lui semble en
prouver la nécessité, et dont l'E-
(nï Vans la remarque (B) de Varticle de
(Marc) Amtoine, l'Orateur, citation (j).
(12) Ancillon, Mélange critique de Littérature,
tom. /"., pag. 35a.
BELLARMIN.
)> criturc ne parle point d'une ma-
» nière convaincante , à ce qu'il dit.
» Cela me fait souvenir de la com-
» paraison que j'ai vue quelque part
)> de Bellarmin à un certain Africain
j> nommé Léon , qu'il compare lui-
» même à cet oiseau amphibie d'E-
» sope , qui était tantôt oiseau, tan-
» tôt poisson : oiseau , quand le roi
i> des poissons exigeait le tribut ; et
» poisson quand le roi des oiseaux
» l'exigeait : ut Léo quidam Africa-
in nus in Granatensi regno natus et
» postquàm subjugatum est illud reg-
w num in Africain prnfugus île se
» fatetur, si Afros vitio altquo nntari
» sentio , me Granatœ natum profi-
» teor ; si Granatenses malc audiant ,
» mox Afer suni ; Bellarminus certè
» ntulto quant Me elegantiùs avicu-
>• lam illant imitatur , qui niniirkm
;> respondet, tom- 1 . Controv.l. i, c. n,
» patres secutos esse septuaginla ln-
>> terprelum edilionem. Idem, loin. i.
» Contrôla. I. i , c. 20 , de 3 Esdrœ
agens , ait patres secutos esse He-
1 brœos , et tamen illud alterum , no-
» taie, quanta vi verborum efferal.
;> Negari ( inquit ) non pnlest. Ipse
» tamen id ipsum loco posteriori ne-
■ • gat (l3).»
(E) Des écrivains protestans ont
publié des faussetés contre Bellarmin,
desquelles son parti a tiré beaucoup
d'avantage.] Lejésuite Jean Argentus,
dans l'Apologie de son ordre , fait
mentionde quatre libelles fraîchement
éclos contre la société , desquels le
troisième attaque directement le car-
dinal Bellarmin , et rapporte beau-
coup de choses qui avaient causé , ou
accompagné, ou suivi sa mort. Néan-
moins ce cardinal était plein de vie.
Sans doute Théophile Raynaud a
voulu parler de ce libelle, quand il
a dit qu'on avait publié en Allema-
gne il y avait vingt-cinq ans (i4) un
écrit qui accusait Bellarmin d'avoir
tué beaucoupd'cnlans, atin de cacher
ses commerces impudiques (i5). On
disait de plus que ce cardinal, tou-
ché enfin de repentance , avait été à
Notre-Dame de Lorette, pour voir
(l3) Là même, p"g. 354-
04) Ce calcul ne s'accorde pas avec l'an
iG5o, daie du /<.;>■ de Th. Raynaud, et avec
ce que du ce je'suite que Bellarmin se moqua de
ce libelle.
(l5) Throph. Raynaudi Hoplnllieca, secl. II ,
série II , cap. /, pag. l66, 167.
269
s'il pourrait expier ses crimes ; mais
que le prêtre auquel il s'en confessa fut.
saisi de tant d'horreur , qu'il lui en-
joignit de sortir : ce qui jeta Bellar-
min dans un désespoir, où il mourut
peu après. Voilà le précis de ce libelle.
Bellarmin le lut , et s'en moqua. Il fit
sans doute plusieurs réflexions sur ce
qu'on usait d'une telle diligence à
publier sa mort, qu'il avait le temps
d'en lire la relation. Théophile Ray-
naud trouve que le père Gretser s'était
donné une peine bien inutile en réfu-
tant ces sortes de contes, et que les pro-
testans perdaient beaucoup par de tels
récits (16) ; car on apprenait par-là
quel jugement il fallait faire de la pré-
tendue lettre de saint Udalric , qui
porte «pie l'on trouva dans le puits du
pape Grégoire II six mille têtes d'en-
fans, après qu'il eut chassé les fem-
mes des prêtres. Hœreticis , uel ad
unamhoram, vagunt mendacium, in
lucro ponitur. Rêvera tamen ex hoc
mendacio, decessit Mis ftaud exiguitni .
Siquidem indè deprehensum est, qudfi-
de ex horum mendaciloquorum majori-
bus quispiam, ex commentitidS. Vdal-
rici Epistold , sex millia capilum
infantilium, inlra puteum Gregoriise-
cundi cùm is uxores sacerdotibus abs-
tu/isset, reperta dixerit. Non est enim
ovum ovo similius, quant hoc de Bel-
larmini infanticidiis scriptum , et Ma
S. Udalrici Epistola de cœdibus per
clerims et sacerdoles scortalores , ad-
venus quant subdililiam S. antislitïs
Epislolam , et ipse Bellarminus l. de
Cleric. cap. a?., et Baronius anno 5oi,
aliique certdrunt. Il n'est nullement
nécessaire que les fables publiées con-
tre Bellarmin aient un effet rétroactif
sur le conte des six mille têtes d'en-
fans; mais il est certain qu'on ne sau-
rait rendre un meilleur service aux
jésuites, et en général à tout parti que
Ton entrepreud de diffamer , qu'en
publiant des calomnies qui se réfutent
très-facilement. C'est une chose re-
marquable, qu'y ayant une iotinité
de personnes possédées d'une déman-
geaison insurmontable de publier des
(16) Il paraît par la P.ibliolliéque d'Ale.
garul.r , ,jur Grêlant a jiu/ilf Vindicatif) illns-
Irissimi Cardinalis Bellarmini à cnminationibna
etinsciliâ Latherani Magislelli Ernesli Zeptryrii,
à Ingolslad, m 1G11, in-40.; et < astigalio Li«
belli famosi atlversus illuslr. Card. Mellarniinuin,
traduite en allemand par le père Conrad \ ■•(-
1er, en 161 5.
BELLARMIN.
satires , il y en ait si peu qui sachent
l'art de les bien empoisonner. La plu-
part de ceux qui s'en mêlent ignorent
que, pour y bien réussir, c'est-à-dire,
pour faire qu'elles portent coup , il
faut se mettre en possession de ces
deux choses, et les observer religieu-
sement : lune est de n'avancer rien
dont on ne puisse donner des preuves,
et surtout de s'abstenir des accusa-
tions qui peuvent être facilement ré-
futées ; l'autre est de ne point s'opi-
niâtrer à soutenir un fait réfuté. J'ou-
bliais un troisième avis : c'est qu'il
faut cacher soigneusement sa passion,
et fuir les apparences d'emportement.
J'avoue qu'en faisant tout le contrai-
re de ces choses , on ne trouve que
trop de gens dans son parti qui ava-
lent doux comme du lait tout ce qu'on
débite : mais c'est cela même qui fait
un grand préjudice à la cause ; parce
que l'autre parti s'indigne, et regarde
comme un corps destitué de raison ,
d'équité, et de l'assistance de la grâ-
ce, celui .d'où partent tant, de satires
si avidement avalées. Ce ne sont point
ici des réflexions dites en l'air : elles
sont prises de l'expérience. Voyez le
profit que le père le Tellier tire de
certains contes que l'on fait courir
sans savoir s'ils sont vrais ou faux. Li-
sez un peu ce qui suit.
« Que servira-t-il , par exemple ,
» aux jésuites de la Chine d'avoir été
» les premiers et presque les seuls
» qui se soient soumis, et sans la raoin-
» dre résistance, aux vicaires aposto-
» liques , dès qu'ils y ont paru en
» i6S4,' puisque cela n'a pas empêché
» leurs ennemis de publier , encore
-> l'été passé, par la plume de leur se-
» crétairelegazetier de Hollande, que
» le saint père était extrêmement ir-
» rite contre les jésuites de ce qu'ils
« ne voulaient pas reconnaître les
» évêques qu'il envoyait à la Chine ?
» Peut-on douter que dans quelques
» années ce mensonge ne revienne à
» son tour sur la scène? De même,
» que servira-t-il aux jésuites d'AUe-
<) magne d'avoir une attestation si-
- gnée par quatre des principaux con-
; seillers deM. l'électeur Palatin, tous
;> protestans, dans laquelle ils témoi-
» gnent que l'histoire du jésuite con-
» trefaisant une voix du ciel , pour
j) tromper ce prince, et. l'animer à
» la destruction de l'hérésie , n'est
» qu'une pure fable ? Cet aeteempû-
)> chera-t-d qu'un jour , sur la foi du
» gazetier de Hollande , quelque bon.
» protestant, qui continuera l'Histoi-
» re jésuitique, ne fasse un chapitre
» de cette chimérique aventure (17^. s
N'est-il pas étrange que fauteur de
la Pieligion des jésuites ait mieux aime
suivre sa passion aveugle que profiter
de ce passage du père le Tellier? 11 ei
a profité si peu, qu'il a ramené sur la
scène l'esprit du Palatinat , et qu'il
n'a rien négligé pour taire que ses lec-
teurs rejetassent l'attestation des con-
seillers protestans de l'électeur Pala-
tin (18). On sait de fort bonne part
qu'il blâma le ministre réfugié qui
mit cette attestation dans l'Histoire
abrégée de l'Europe (19). Des gens
comme celui-là gâtent le métier dont
ils se mêlent. Il devraient laisser faire
les satires à des écrivains modérés, qui
les tourneraient d'une manière plus
adroite , et plus propre à persuader.
(F) Un professeur de Sedan en
pourrait dire des nouvelles. ] 11 sou-
tint des thèses, l'an 167/}, sur la Puis-
sance des Clefs, et imputa au cardinal
Bellarniin d'avoir dit , qu'«« homme
contrit, plein de foi, et désirant d'être
réconcilie a Dieu, périt éternellement,
de cela seul qu'il ne peut avoir de prê-
tre pour le réconcilier avant la mort .
Ce que je ne lis jamais , ajouta-t-il ,
SANSÉTONNEMENT ET SANS INDIGNATION (20).
Cela signifie qu'il avait lu souvent ces
paroles dans Bellarmin; et néanmoins
elles ne s'y trouvent pas. Le gardien
des capucins irlandais (21) alla dispu-
ter contre ces thèses , et se plaignit
d'abord avec une extrême véhémence
de l'injure que l'on avait faite à Bel-
larmin. Il continua la dispute avec la
même impétuosité , et mit le profes-
seur en confusion. Ce ne fut pas tout.
Au sortir de la dispute , le procurem
du roi présenta sa requête contre ledit
professeur (22). Les suites furent que
(17) Défense des nouveaux Chrétiens, Txt.
part. , pag. 29, imprimée à Paris , l'an 1687.
(18) Religion des jésuites, imprimée à la
Haye, en 1689 , pag 77. Voyez la remarque
(Q) de l'article Lotola.
fujl Mois d'août 1686, pag. 160.
(20) Thèses de l'otestate Clavium, pag. ai .• et-
le'cs par l'abbé de CorJeinoi, Lettre aux nou-
veaux Catholiques, etc. , pag. 117.
(21) On l'appelait le père Robert.
(22, Certificat du sieur Rambour, procureur
du roi « Sedan cite par l'ai bc de Cordemùi
la même, pag. 118.
BELLARMIN.
l'auteur des thèses donna sa rétracta-
tion par écrit , que lui et trois autres
minisires signèrent.
Persoune n'aura raison de trouver
étrange qu'un tel accident ait trouvé
place dans un dictionnaire tel que
celui-ci ; car il ne servirait de rien
désormais de se taire sur ce fait : et
quand même j'aurais le ménagement
de ne rien dire , il n'en serait pas
moins connu dans la Hollande, où le
Journal des Savans est entre les mains
de tout le monde. Chacun y a pu lire
<ii puis quatre ans le précis de ce que
je viens de rapporter; et outre cela,
que les preuves authentiques de la ré-
tractation de M. J m ieu (car c'est lui
qui avait composé et qui soutenait
ces thèses , ) sont trois certificats pro-
duits par l'abbé de Cordemoi. L'un
est du procureur du roi de Sedan ,
l'autre de M. le comte de la Bourlie
gouverneur de la même ville , et le
dernier du père JYicolas d'Hibernie
capucin (23). J'ai lu ces trois certifi-
cats dans l'ouvrage de l'abbé de Cor-
demoi : ils sontdatés de l'année 1689-
On se figure aisément que cette dis-
lieu que Bellarmin disait, qu'un
homme pleurant douloureusement
ses péchés, par un sentiment d'at-
trition, était damné, s'il ne reci
vait l'absolution du prêtre. Un
moine se remua là-dessus, fil grand
bruit. Sous la bouche du canon ,
et sous la croix , M. Jurieu lui ac-
corda ce qu'il lui aurait accordé par-
tout , même en pays dominant pour
la religion : c'est une reconnais-
sance qu'il y avait dans l'imprimé ,
faute , ou de la main de l'auteur ,
> ou de l'imprimeur, et que le sen-
> timent de Bellarmin était tel que
> le moine le disait. Dans Amsterdam,
ou dans Londres, tout homme sin-
cère en aurait avoué autant. Ne
voilà-t-il pas une histoire , qui ,
après avoir été imprimée dans tou-
tes les satires , méritait bien de
passer par une troisième ou qua-
trième impression, dans un livre
que l'on destinait à l'immortalité ?
Se peut-il rien de plus petit , et de
plus pitoyable ? H y a donc là-dt-
dans.etmalignité, etpetitesse(a4)><
Voilà les paroles de M. Jurieu : et
grâce affligea ceux de la religion , et voici de quelle manière je les réfutai,
réjouit les catholiques. « J'ai pris garde que l'affaire de Bel-
larmin lui tient fort au cœur : je
Uques
J'aurais voulu n'être pas contraint
d'allonger cette remarque dans la se-
conde édition ; mais M. Jurieu ayant
publié quelque chose de fort outra-
geant contre moi à ce sujet-là , il faut
(pie l'on voie ici tout d'une suite , et
ce qu'il a dit, et ce que j'ai répondu.
« Le grand vide, qui se trouve dans
» les dernières pages de cette fenille,
1 fait une tentation , à laquelle on ne
:> peut résister , d'apporter un exem-
j) pie notable , et des menuités, et
» des malignités, dont on a dit que
» ce livre est plein. Voici le fait.
M. Jurieu, dans une dispute pu-
;> blirpie et imprimée, cita un pas-
» sage de Bellarmin , où , par une
» faute de plume de l'auteur, ou par
» une faute de l'imprimeur, au lieu
» (Tattritus , on trouva contritus : ce
» qui faisait dire à Bellarmin , qu'un
» homme pleurant , pénitent , et enn-
» trit, était damné, s'il ne recevait
» pas l'absolution sacerdotale ; au
(a3) Voyei l'extrait d'une Lettre de M. l'abbé
de Cordemoi aux Catholiques de l'île d Arvert en
Xaiotoa^e , donné dans le Journal des Savans
■lu i!\ avril i'Jçjo , pag. 277, édition d' Amster-
dam.
ne m en étonne pas; mais la pru-
dence aurait voulu qu'il n'en eût
pas fait la matière d'une addition
à la fin de son écrit. Le silence eût
été le bon parti : moins on remue
certaines choses , moins s'y embar-
rasse-t-on. Ce que j'en ai dit
point un exemple de menuités et de
malignités. J'eusse mal rempli sans
cela les devoirs d'historien , puis-
que le dessein primitif de mon ou-
vrage était d'observer les fausses
accusations à quoi les personnes
dont je parlerais auraient élé ex-
posées. Si j'eusse omis celle-là dam
l'article de Bellarmin, n'eût-on pas
pu dire raisonnablement que j'étais
pat liai , et que j'oubliais des 1
dont je ne pouvais prétendre causa
d ignorance ? Je fai tirée, non d'un
livre satirique, comme il le dit
faussement , mais d'un ouvrage de
controverse , et du Journal des
>.i\.uiï. Je n'examine point le tour
qu'il prend pour cou* i ir sa faute :
(i-i) Jurieu, Jugement du public... sur le
Dictiono.iire critique du sieur Bavle, pag. 46,
47-
2^2
BELLARMIN.
» je prie seulement mes lecteurs que grande que ftltson autorite parmi
» de recourir à mon dictionnaire , ses confrères, il n'a eu guère d'imi-
;» afin de comparera sa reflexion les tateurs. Ce petit nombre d'anti-mo-
» pièces qu'on a produites. On verra linistes dans ce grand corps ne lais-
■» par ce parallèle combien la nature se pas d'avoir ses usages. Je ne saurais
» pâtit en lui , quand il faut faire mieux expliquer cette pense'e qu'en
» quelque acte d'humilité et de bonne rapportant les paroles de celui qui a
» foi. Je n'en suis point surpris; car publié l'Histoire de la congrégation de
» lorsqu'un arc a été toujours plié Auxiliis. « Use rencontre quelquefois
» d'un certain sens , on a mille pei
» nés à le courber du sens contraire
» la première fois qu'on l'entreprend.
;> Il en va de même des fibres de
>< notre cerveau (a5).»
La plupart de mes amis trouvèrent
3ue j'avais trop négligé de me servir
e nies avantages : Les occasions, me
dirent-ils , ne vous ont point manqué ;
mais vous avez manqué aux occasions,
et il ne faut pas se rendre digne de ce
reproche dans les combats de plume,
non plus qu'a la guerre. Pourquoi
n avez-vous pas mis dans tout son jour
par un détail circonstancié le faux-
» des génies d'un ordre supérieur,
» qui ont acquis du crédit et se sont
» rendus nécessaires au corps, et qui,
» s'élevant au-dessus des craintes et
» des considérations auxquelles les
» autres se croient obligés de céder.
» enseignent plus franchement les vé-
» rites qu'ils ont apprises par de
» bonnes études , ne se pouvant ré-
» soudre de trahir leur conscience ,
» ni d'être rebelles à la lumière. La
» compagnie les tolère , et soufl're
w cette petite révolte , parce qu'elle
« sait bien le moyen d'en tirer de l'u-
» tilité , et de la faire servir à son
fuyant de cet homme ? JYe le pouviez- » avantage et à sa gloire; et que
vous pas confondre par telle et par » d'ailleurs il n'y a pas sujet de crain-
telle réflexion? Je me défendis par » dre qu'un tel exemple soit suivi
les moyensles plus propres à faire finir
cet entretien : ce fut en disant qu'il
ne fallait point prodiguer de telles
observations dans une feuille volante ,
que c'aurait été placer son bien à
tonds perdu , et qu'il valait mieux le
destiner à la seconde édition de mon
dictionnaire. J'ai songé depuis à cela
plus d'une fois, et j'ai trouvé qu'il
fallait laisser à mes lecteurs tout le
soin de réfléchir sur ce petit incident.
Il ne leur sera pas difficile de compa-
rer ensemble toutes les pièces de ce
procès, ni de découvrir dans l'Apo-
logie de M. Jurieu les grimaces et les
contorsions d'un homme qui soufl're
la gêne. C'est après tout à l'abbé de
Cordemoià réfuter cette Apologie. Il
me convient mieux d'être l'historien
que l'auteur des réflexions que cette
querelle peut fournir.
(G) Sur la matière de la prédesti-
nation, il n'a point suivi la doctrine
des jésuites. ~\ 11 a été bon thomiste ,
et nullement moliniste *. Mais, quel-
(2a) Réflexions sur un imprimé qui a pour
litre : Jugement du public , etc., paç. i5.
* « Bellarmin, dit Leclerc, croyait que la grâ-
» ce habituelle suffisait pleinement pour accomplir
» les œuvres ordinaires de la piété chrétienne ,
» sans que le juste eût besoin pour cela d'aucune
» antre grâce existante. C'est nne preuve cerlaine
» qu'il n'était ni juoliniste ni Ui»misle au seas
j) d'un grand nombre, etfasse schisme
» dans les écoles de la société. Il est
» même de sa grandeur, et conforme
» à ses principes, d'avoir des docteurs
» graves de tous les sentimens , qui
» puissent servir à leur dogme capi-
■» tal de la probabilité. Car on ne
» sait pas ce qui peut arriver. Les
); choses peuvent changer du blanc
» au noir : et. si la compagnie se
» trouvait obligée, au moins en quel-
» ques provinces, de changer de sen-
» tintent sur la grâce, comme elle a
» fait en France sur l'autorité du pape,
» il ne serait pas de sa dignité de
« chercher ailleurs des docteurs gra~
» ves sur l'autorité desquels elle pût
» appuyer son changement. On peut
» compter eu Ire les théologiens dont
» je parle le père Tiphaine, si célèbre
» par ses deux ouvrages De Hypos-
» lasi , et De Ordine, et l'auteur de
» la thèse qui fut soutenue à Rome
» en 1674 , dont les sentimens tou-
» chant la prédestination et touchant
» la grâce sont tout-à-fait conformes
» à ceux de saint Augustin (26;.» J'ai
» qu'on entend aujourd'hui , et encore moins
« ausustinien au sens de Bayle , c'est-à-dire ,
» janséniste. »
(2(1) Histoire abrégée de la Congrégation â-
auxUlis , pt>ë- Sx.
BELLARMIN.
dû rapporter cela lout du long, non-
seulement parce qu'on en peut inférer
que Bellarmin était, fort considéré
dans son ordre , et qu'il le savait bien 5
mais aussi à cause d'un certain sel
dont ces paroles sont parsemées , cpii
est fort propre à exciter bien des
notions.
(H) Il n'a point favorisé la morale
relâchée , ni les expressions des dévots
indiscrets dans les litanies. ] Les
protecteurs île cette morale n'approu-
vent point le délai de L'absolution :
mais le cardinal Bellarmin « a prêché
» devant les papes la nécessité et l'u-
» tilité de ce délai , et ses sermons
» sont si remplis de celte doctrine ,
» qu'on voit bien qu'il l'avait fort à
» cœ.ir , et qu'il la mettait en pratique
» avec beaucoup de soin. On en peut
» voir de fort beaux endroits extraits
» par l'érainentissime cardinal d'A-
» guiredans sesdissertations VJIIet X
» sur le IIIe. concile de Tolède (27). »
Celui qui me fournit ces paroles est
un janséniste qui a publié un Mé-
morial , contenant, i°. une déduc-
tion sommaire de l'origine et de l'é-
tat présent des contestations doctri-
nales du Pays-Bas , et des vérita-
bles moyens de les terminer ; 20. une
réponse succincte aux trois accusa-
tions de jansénisme , de rigorisme , et
de nouveauté (28). Il dit que le « sa-
» vaut et pieux cardinal Bellarmin
» aurait pu passer pour un novateur,
» aussi-bien que pour un rigoriste ,
» s'il a\. lit t'ait en ce temps-ci Ce qu'il
» fit. en plusieurs occasions pour le
» rétablissement de la discipline et
» pour le retranchement des abus.
» Les changemens qu'il fit dans son
» archevêché de Capoue , l'ordre qu'il
» établit dans l'évèché de Monle-
» Pulciano qu'il gouverna quelques
» années en l'absence du propre évê-
» que, les avis qu'il donna au pape
» Clément VIII pour la réformation
» de l'Eglise , ceux qu'il adressa à son
» propre neveu évêque de Tlieane
» pour sa conduite et pour l'adminis-
» tration de son diocèse, les sermons
î> qu'il prêcha dans le palais aposto-
5> lique et dans les deux églises que je
» viens de nommer, sont autant de
» témoins des saintes et. nécessaires
(27) Mémorial , etc. Voye* la cita non suivante.
(28) Il est imprimé « Delfi, chez Henri van
Rj n , en 1696. Il contient î8 pages in-40.
TOME IH.
nouveautés qu'il s'étudiait d'intro-
duire, et dont il fit. connaître l'obli-
gation Chacun sait que c'est
principalement sur cette matière
(29) , que l'accusation de nouveauté
a été premièrement formée Cepen-
dant si c'est là être novateur , le
cardinal Bellarmin ne saurait être
lavé de cette tache ; car il fit dans
les litanies de la Sainte Vierge des
changemens qui (étaient aujour-
d'hui crier bien haut ceux qui sont si
libéraux de la qualité de novateur, et
de celle d'ennemi du culte de la Sain-
te Vierge, que rien n'est plus com-
mun dans leurs écrits que ces sortes
d'accusations contre les personnes
les plus catholiques et les plus vé-
ritablement dévotes envers la mère
de Dieu. .Maison ne pourrait accuser
en cela de nouveauté ce pieux et
savant cardinal, sans en accuser
le pape Paul V , par l'ordre duquel
il avait fait ces changemens. Il en
rend compte dans une préface , où
il marque, Qu'il a retranché plu-
sieurs versets des litanies de Notre-
Dame de Laurelte , parce qu'ils
étaient trop métaphoriques , comme
ceux -ci, TURR1SEBCRNEA , IloRTUS C0N-
cldsus , et d'autres semblables ; et
qu'il en a omis d'autres, parce qu'en-
core qu'ils puissent avoir un bon
sens, ils peuvent toutejois en avoir
aussi un trop dur , rf'où les ennemis
de l'Eglise prennent occasion de
blasphémer , tels que sont ceux-ci ,
Maria, Dei et BOMIN0M mepiatrix ,
Intercède pro noms. Ab omni plccato
libéra nos , Domina, et d'autres de
cette nature. Car ces sortes d 'invoca-
tions semblent attribuer à la Sainte
Vierge ce qui est propre à Jésus-
Christ comme Dieu.»
(I) Ce ijui a été changé dans ses
écrits touchant l'efficacité de la
grdee h' empêche pas qu'il ne soit un
docteur augusii/tien. ] Commentons
ceci par un p issage tiré d'un livre de
janséniste : « Il y a sujet de croire
» que la doctrine de ce cardinal é-
» taittrès-augustinienne surcepoint
» dans son original , lorsqu'il envoya
(2^) C'ea-a-dire, la correction de quelque fa-
ron lie |inrlcr qui scandalise les hérétiques , com-
me quelques-unes du psautier attribué a saint
Bonaventore, qui semblent donner à la Sainte
\ ierge ce qui n'appartient qu'j Dieo ou à Jésu —
Christ, f'i'icz h mémorial, clc. , fag. vu.
18
?•::
BELLARMIN,
)> ses Controverses en Allemagne pour
« être iraprime'es ;et que ce fut une des
t> opinions que ses confrères de ce
» pays-là prirent le liberté' de chau-
» ger , dans l'espérance , dit l'auteur
» de sa Vie , de faite plus de fruit
» parmi les hérétiques. Je ne crains
» guère de faire un jugement témé-
» paire , en attribuant ce changement
» au père Grégoire de Valenlia , ce
5> célèbre martyr de la grâce moli-
3) nienne. 11 était à Ingolstad , pendant
» qu'on y imprimait les Controverses
j) de Bellarmin , et il y ht soutenir ,
« en 1 5^4 , des thèses, qui sont peul-
» être les premières de la société , où
» parut cette nouvelle invention de
» la science moyenne , qu'il croit ne-
•» cessaire pour défendre contre les
s nouveaux hérétiques là liberté de
» L'homme. Je croirai tout ce qu'on
» voudra de la patience héroïque du
3) père bellarmin , dont l'auteur de
3) sa vie le loue à cetle occasion : ce-
» pendant il paraît par la révision
» qu'il fit de son ouvrage en 1608,
3) qu'il trouva qu'on l'avait trop ra-
3> molli , ou plutôt trop co-ronipu ,
.'3 sur l'efficacité de la grâce. Et cet
;< auteur même de sa vie , après avoir
}) loué sa modestie et son humilité à
J3 souffrir les changemensdequelques-
» unes de ses opinions , témoigna que
» d'un autre côté il avait une fer-
>3 meté invincible à l'égard de celles
3) qu'il croyait être ou de la foi , ou
33 fort autorisées dans l'Eglise (*) : Un
3) ne peut concevoir, dit-il, jusqu'à
73 quel point il se montrait alors in-
;> flexible et invariable , comme il pa-
3> rut clairement dans ce qui arriva
:i au sujet de ce qu'il avait enseigné
y. dans ses livres touchant la prédes-
',> tination , les secours de la grâce di-
» fine , etc. C'est-à-dire qu'on ne put
33 ce qu'il dit positivement être con-
33 forme à la doctrine de saint Augus-
3> tin , et même aux Saintes Écritures.
33 C'est ce qu'il avait toujours eu dans
>3 le cœur : et la congrégation de Au-
33 xiliis , qui venait de finir , et où il
33 avait ouï soutenir avec tant de so-
3) lidité par les dominicains la vraie
33 efficacité de la grâce par elle-même,
)3 lui fit sans doute naître quelques
» remords de conscience, d'avoir eu
)3 une patience si préjudiciable à la
33 vérité, en soutirant que l'on chan-
}> geât ses sentimens sur celle-ci , ou
si de les avoir changés lui-même en
« vertu de la promesse qu'il avait
)) faite en entrant chez les jésuites de
33 s'attacher aux sentimens de la so-
» ciété , comme ses constitutions l'y
» obligeaient. Ce qui est certain, est
33 qu'il corrigea, non pas tout ce qu'il
3) y avait à corriger , la compagnie
33 était trop engagée pour l'abandon-
33 ner , mais au moins quelques en-
33 droits, où il ne paraissait pas qu'il
33 reconnût dans la grâce une autre
3< manière d'opérer que celle qu'on
33 appelle objective et morale : il veut
33 au contraire qu'on sache qu il ad-
33 met une opération effective et phy-
33 sique : voluntatem moveri per gra-
3> tiam etiarn ejflcienter et pliysicè ;
3) Deum aspirare volunlali bonuni
33 desiderium, ajflare initiumbonœvo-
3) luntalis , quœ aspiraiio sive qfflatio
3) physicaaclio est et Deo propria(*'}.
)> 11 répète cela plusieurs fois , de
3> peur, dit-il (*2) , que quelqu'un ne
3> s'imagineque nous n admettons dan*,
3; la grâce qu'une manière morale de
» mouvoir la volonté, » L'auteur jan-
séniste, ayant cité d'autres endroits
de ce même ouvrage de Bellarmin ,
conclut ainsi : On voit assez par tout
cela, ce qu'on aurait d'abord trouvé
)3 jamaisluifairecliangerdesentiment dans Bellarmin , si son ouvrage n avait
J3 touchant la prédestination gratuite
3> qui fait, selon lui , partie de la foi
33 de l'Eglise, ni touchant la vérité de
33 là grâce, qu'il croit efficace, non par
3) le seul événement, ni parce qu'il
33 plaît à la volonté d'y consentir ,
>3 mais par elle-même et de sa nature :
(*) Sin vero dogmata ipsa fidei , etc., ejos in
orpétibus cen>urâ notabantur, dici non potesl
<iuàm staniem se iuimutabilemque praberet. Cla-
ri id a;:niliim est in bis qua: evenêre circa éditas
O])iniones de prcedeslinattone, de auxilics divinte
g ratio: , etc., lib. 2, c. 5.
point été altéré par d'autres mains ,
et ce que peut l'obéissance aveugle que
les jésuites promettent de rendre h la
société, quand ils y sont reçus, à
l'égard même de la doctrine de l'E-
glise. Mais on y voit aussi que les
premiers et les derniers sentimens de
Bellarmin ont été pour la doctrine de
la grâce ejjicace par elle-même , et
que l'engagement qu'il avait a l'égard
(*') Reco;;nitio Oper. Brllarm. Iiigolstadii ,
1608, pag. 06.
BELLARMIN.
de sa société ne lui ayant pas permis
d'âter tout ce qu'on avait fourré dans
ses ouvrages sans sa participation , ni
de changer le fond de tous les sen-
timens qu'on lui avait jait prendre ,
il n'a pu néanmoins s'empêcher de
rendre avant sa mort quelque témoi-
gnage a la vérité : comprenant Lien
qu'il en disait assez pour renverser
tout ce qui restait dans ses ouvrages
de contraire à saint Augustin (3o).
Observons que Robert Abbot a bien
poussé Bellarmin sur les changemem
des nouvelles éditions de ses ouvra-
ges (3i).
(K) Il s'est fait des affaires pour les
mêmes raisons qui ont tant commis
l'abbé de la Trappe avec les moines.]
Bellarmin a fait un livre de Gemitu
Columbœ , dans lequel il dit qu'une
des choses qui doivent faire pleurer
et gémir les bonnes unies , est le grand
relâchement où quelques ordres reli-
gieux sont tombés. On s'est plaint
amèrement de cela , comme d'une
invective mordante (3a). Mais le car-
dinal n'a point manqué d'apologistes ,
qui ont soutenu que ce de quoi il s'est
plaint n'est que trop vrai, et que le
besoin de réformation est si visible
en divers endroits , que ceux qui
vivent dans ce désordre , et qui ne
s'en aperçoivent pas , vérifient la
maxime , Sensibile juxta ac multb
magis intra sensum positum non facil
sensalioncm (33) . Citons un passage
de Théophile Raynaud : Audivit Bel-
larminus asper cl mordax quia in li-
brode Gemitu Columbœ fontem unum
lacrymarum proposuit , Beligiosorum
aliquorum (Jrdinum laxalionem ,
quam homo Me (c'est-à-dire celui qui
s était plaint de Bellarmin) spiritu
barylono , uspiam cerni iii/iciatur, et
utinam vel in speciem verè injiciare-
tur ! Sed lantifuit, Bellarminum mnr-
dere quoquo modo. JYam esse aliquas
religiones laxatas , et quibus refor-
matio sit necessaria, res est adeù nota,
ut nemo nisi < œens non videat , ait
Major, in-4°. d. 38. q. 23. Sed non est
(3o) Gery , Apologie, etc. , pa$. 17-, 178.
C3i) Rob Abbolu- . .I<: snpremn Potestats Kc-
ji:" , frcpl. II , an. III.
Çil) L'auteur de celle plainte est un moine,
euntre lequel le jésuite Raeia a ttit quelque cho-
se, lit'. IV de Jesu tigurato , cap. I , num. il.
Voyez Théophile Raynaud, Éroleiuat. de malis
ac bonis libris, pag. lu.
(33) Idem , ibidem.
i75
novum aliquos ita cœculire , presser-
tim in causa pronrid , ut notum est ex
eo exemplo quod récital Nider lib. 2
de Reform. Relig. cap. 9. Episcopi ex
ordine collapsn assuntpli , qui au-
diente ipso Nidero , pertinacissimè
inficiatus est , suum ordinem esse col-
lapsum , et reformatione egere , quan-
tumvis , (tnqtiit Nider), luce foret
clarius loti mundo , contrarium esse
verum (34). Le pseudonyme Phila-
delphus de novo Lacu , qui a composé
un traité de modérais Jesuitarum
Moribus , nous apprend qu'on révo-
que en doute que Bellarmin soit le vé-
ritable auteur du Gemilus Columbœ
(35). Ce doute me paraît fort dérai-
sonnable; car ce traité vit le jour
pendant la vie de ce cardinal , et fut
inséré dans le Recueil de ses OEuvres.
Notez (pie le jacobin Gravina est nu
de ceux qui écrivirent contre ce Ge-
milus. Voyez la remarque (R) de l'ar-
ticle Kf.ller.
(L) Quelques-uns ont dit qu'il fai-
sait grand lorl a la catholicité par ses
livres de controverse. ] Le père Théo-
phile Raynaud avoue qu'il y a des
gens qui ont cru qu'il serait fort bon
peut-être de supprimer les livres de
controverse du cardinal Bellarmin ,
tant parce que les hérétiques en peu-
vent facilement abuser , y prenant ce
qui s'y trouve pour eux et laissant le
reste, que parce que les catholiques
y peuvent être trompés , faute de
comprendre la réponse aux objec-
tions. On a cru que le cardinal du
Perron était de ce sentiment , et peut-
être qu'on ne se trompait pas : on dit
même qu'il s'en était ouvertement ex-
pliqué en conversation , ne prenant
point garde aux conséquences. Mais
quand il sut qu'on lui imputait de ju-
ger ainsi des livres de Bellarmin^ il
le nia fortement : Doclissimus tard.
Perronius cum hoc sibi calumniosum
de Bellarnani Controverstis judicium
affinai inautlLset , copiosc et validé
Mua detersh , ut referiur in ipsius
Bellarminivitâ, lib. II, cap. Vil (36).
Il écrivit une lettre à ce cardinal,
(34) Thpopbili Raynaudi Erotemata de bonis
et malis libris, pag. 112.
Vojet la page \\fi de la pii ■
M. Maycr, intiUdée : Dissertalio de Bellarmini
Fide ipsis pontificiû dubiâ. lui rz ci-après la
citation (C7).
6 Tlieopbilus Raynaud . De bonis et mal,
libris, pag. 223.
ar6
BELLARMïN.
dans la(|iielle il repousse cette accu-
sation avec tonte l'industrie et toute
la force dont il était capable. Cette
lettre datée de Rome le 10 de février
i6o5, se trouve dans la Vie de Bellar-
min , composée par Fuligalti , et dans
la Dissertation de M. Mayer que j'ai
citée ci-dessus (87), et qui nous ap-
prend qll(: 'e cardinal Bentivoglio
protesté qu'il avait ouï faire ce juge-
ment des controverses de Bellarniin
au cardinal du Perron. Sanctè tes-
iari....,se ex ipsius cardinalisPeirouïi
ore propriis hoc excepisse auribus
de Bellarmini controverses judicium
(38). Le collecteur du l'erroniana ne
lui avait pas ouï dire la même chose,
ou bien il ne trouva pas à propos d'en
faire mention : car voici tout ce qu'il
rapporte. « Le cardinal Bellarmin a
» un fort bel esprit et fort clair. Il a
m traité des s.icremeus ira génère fort
3) bien : i! ne se peut pas mieux. Il y
)) a bien à dire que le traité de Eucha-
3> ristid soit de même. Quand il a
3) trouvé quelque matière bien éplu-
» (bée et bien examinée déjà par
j> d'autres , il Ta merveilleusement
3» bien éclaircie avec la beauté et la
3> netteté de son esprit ; mais lorsqu'il
3) a trouvé une matière encore era-
3> brouillée, et où ii y a beaucoup de
3) confusion , son esprit s'y perd (5g) :
3> il se sert bien souvent des traduc-
3> tioiis des pères grecs , sans aller voir
3) le grec ^ je m'en étonne , vu qu'il
3> l'entendait fort bien. Entre autres,
3> il se sert du livre de Prœparalione
33 Evangelicd pour la prière des
3) saints, et le cite en latin de la ver-
3> sion de Trapezunce , qui n'est nul-
3) lumen t semblable au grec , et qui y
3> ajoute une clause qui ne se trouve
3) point dans le grec. » Afin que mes
lecteurs soient bien en état déjuger
de tout ceci, je leur mettrai devant
les yeux le passage du cardinal Benti-
voglio : Taie era il concorso générale
intorno aile sue controversée (40) ben-
che non riescono mal lanto unijor-
(Zn) Dans la citation (35). Voyez les pages
184 et suivantes de celte Dissertation.
(38) Mayerus, ibidem, pag. 192.
(3ç)) Campanella, Synt. Je libris propriis, cap.
IV , art. IX , en juge à peu près île la même
sorte : Bt'llarraious, dit-il, C.ontroversias liâc
tcmpest:i!e plurimuni illustra vit, clarus, non
ineie^ans, inagnu> in labore , sed mocHcus tamen
in inventione.
($0) C'est-à-dire, de Bellarmin.
mi i giuditi , che non vi siaao ancàra
di quelli fret i piu dotti cattolici , e piu
versali in materie simili, che have-
rebbono qualche voila desidirato di
vederlo stringere , ed abbater confnrza
maggiore alcuni urgontenii heretici, e
cou maggior pienezza riporture quel
tqnli , e si manijesti vantaggt, che po-
leva dargli in ogni queslione la dol-
trtiia caltolica : meco piit d'una voila
in Eraucia nioslrù d'aver queslo senso
particolartnente il cardinal Perrone ,
quel grau cardinale , quel ch'è stato
ï'dgostino Francese del nostro secolo :
del resto lo riconosceva ancor egh
per un de' più dolti , e più eminenti ,
e più beneineriti scrittori , che ha-
vesse havuto la Chiesa ne i lempi
nostri (/fi)- On voit par-là que la cen-
sure se réduisait à ceci : c'est que Bel-
larmin n'avait pas toujours réfuté les
raisons des hérétiques avec toute la
force et toute la plénitude de victoire
que la bonté de sa cause lui pouvait
fournir. Notez qu'il y a des protestans
qui avouent qu'il rapporte d'assez
bonne foi lenrs raisons et leurs objec-
tions. M. Heidegger l'a loué entre
autres choses, quod non perindè nialig~
nus alque jesuitœ alii, V^alenlia im-
printis, Masquez, Becanus, Maldo-
nalus , etc. , meliore ut plurimùmjide
udversarioruni sunriim argumenta al-
legavil , et amantior quant illi verita-
tis , sicubi et ravit , prudens sciensque
errare n<»i vuleiur (4a). On jugera ce
qu'on voudra du récit du dominicain
Vincent Baron. Ce moine se mêla de
controverse , et disputa quelquefois
avec des ministres. Il assure qu'il a
oui dire à l'un d'eux, que Bellarmin
leur avait rendu de très-grands ser-
vices, en mettant leur théologie dans
un très-bon ordre, et en donnant plus
de force à leurs argumens qu'ils n'en
avaient dans leurs écrivains. Le père
Baron loue là-dessus la bonne foi de
Bellarmin ; mais sans oublier de dire
qu'il a mis en poudre les mêmes rai-
sons des protestans qu'il avait repré-
sentées selon toute leur force (43). 11
ajoute qu'il a ouï dire pour la justifi-
cation de ce cardinal , que dans les
(4i) Memorie , overo Diario del Caret. Ben-
t'iYOglio, P'ig- 121, 122, edtUone Amslel. , neW
an. 164S.
(42) Heidegger, Histor. Papatûs , pag. 3i2.
(43) Barouius, Apolog. , lib. IF, secl. IF,
pag. itii , 162.
BELL A RM IN
disputes sur les mystères, les argu-
raens de ceux qui attaquent sont plus
aisés à comprendre , que les argu-
mens île ceux qui répondent. Hoc so-
lum adjunxerim quod in defensionem
Jiellarmini me alias audtvisse meniini ,
mvsteriâ ûdei hoc hàbere, quod, cîim
superent caplum ralionis humante , fa-
ciliora sunt sensut argumenta quœ im-
pugnant , quant respensa quœ défie n-
dunl (44)' C'est nous apprendre assez
clairement , qu'on s'est plaint que Bel-
larmin proposait mieux les objections
des hérétiques, qu'il ne les réfutait.
J'examinerai eu quelque endroit (45) si
ceux qui rapportent de bonne foi les
raisons de l'autre parti, gens bien rares,
tiennent une conduite qui réponde à
l'esprit qui règne dans toutes les com-
munions plus ou moins, de ne pas per-
mettre la vente des livres des héré tiques.
(M) Un homme d'esprit .... a soup-
çonné quon défendait en Italie d'expo-
ser ses oeuvres en vente , de peur qu'elles
nejîsst ni connaître les opinions qui y
sont réjutées.~\ L'homme d'esprit dont
je parle est le chevalier Edwin Sandîs.
Voici ce qu'il dit : « Je proteste qu'il
» ne fut jamais en mon pouvoir de
» trouver en aucune boutique de li-
» braire les OF livres de Bellarmin, ou
» de Grégoire de Valence , ou d'aucun
y autre de cette sorte. Mais, en lieu
3> de ceux-là, je trouvai bien par
i> tout des tas inliius d'invectives, et
» de déclamations. Ce qui me porta à
>< cette conjecture, que tout à dessein
» ils les supprimaient dans le pour-
» pris des couvens , et les tenaient
3> sous la boucle des permissions des
» supérieurs, atin que par la libre et
3> commune lecture d'iceux , esquels
» de nécessité il a fallu coter et réci-
» ter les positions et argument des
» protestans , on ne flairât quelque
3» fleur , et ne goùt;)t quelque fruit
3> ou semence de la religion réformée.
3) Je laisse à d'autres de plus haut nez
3> l'enquête de cette mienne conjec-
3> ture (46)- » Ajoutons à cela ces pa-
roles du roi Jacques : Famâ proditum
est, nescio quant verum, libros contro-
versiarum Bellarmtni in llalid non
permitti vulgo , propiere'a quod objec-
(44) Idem, ibiil. , pag. '62-
(45) Pans la remarque (G) de l'article Chrt-
siphe , au troisième alinéa.
, i E Sandis, Relation de l'état de la Reli-
gion', pag. 2i |, édition de i64a, in-ia.
ones ejus nimis valida: sint, respon-
ones auteni nimis débiles (47).
(N) Il fit la révision et la correction
le toutes ses œuvres.] J'ai lu dans
\l. Chevillier un fait si curieux, que
je le rapporte avec beaucoup de plai-
sir : « Ce cardinal, voyant qu'on im-
primait ses Controverses en divers
endroits, et qu'on y laissait beau-
coup de fautes , crut qu'il devait
apporter quelque remède à ce mal.
11 lit une copie cle ses livres , si
exacte, et si bien corrigée, qu'il ne
restait pas dans le manuscrit une
seule faute, et la donna ainsi à un
libraire de Venise pour en avoir
une impression très-accomplie. Mais
il arriva tout le contraire de ce qu'il
avait espéré. L'imprimeur négligea
si fort l'édition, que cette dernière
était la plus défectueuse et la plus
corrompue de toutes celles qui
avaient paru. Ce célèbre auteur,
touché de cet événement, mil la
main à la plume, pour en avertir
le public, après avoir vu que cette
impression, passant pour original,
avait porté le mal dans une seconde,
et même avait beaucoup infect'1 la
belle édition d'Ingolstad , à qui elle
servit de modèle. 11 fit paraître son
livre intitulé: Recngnilio Librorum
omnium Robcrli Bellarmini , où il
mit un co'rrectorium , qui marque
Imites les fuites de cette éditirm de
Venise, et fut imprime: in-S". à lu-
golstad, l'année 160S. 11 se plaint
dans la Préface, page 125, qu'il y
a plus île quarante endroits où l'ini-
pi imeur lui fait donner une réponse
négative pour une affirmative , ou
une affirmative pour nue 1 égative.
Et l'errâta , qu'il fait , remplit qua-
tre-vingt-huit pages, lit quod gra-
vissimum est {animadverti) supra
quadragintà locos ilaesse corruplos ,
additis vel detractis negantibus par-
ticulis , vel alio modo iiumulalis , ut
enntrarium omninb sensum conti-
neant : quod cerlè summo me dolore
affecit, . . tamen quoniam animad*
verti non paucos errores edilionis
primat I enetœ in edilionem secun-
dam VenesUun , <-t in Ingolsladiensem,
ex f^enetd expressam ira .
>• ideo tu Correelorio nolavi libros }
(47) JacoUis lie* , m Prolesiatione inti-1
lianâ, apud Mavertuu, Diss. d.c F
d1, clc. , pag. i83.
a7<
BELLARMIN.
» capita , paragraphes , columnas , Morin ; 8°. Sylvesl. Petra ^ Sancla '>
» Hueras , et versus (48) . » Notez que 90. Tarquinius. GaUuccius (5a). Il y a
ce Correctorium fut d'abord imprimé là quelque réduction à faire : Jacques
à Rome, l'an 1607, et que dès l'an i5g6, Fuligatti , Jean Morin (53), Pierre
l'Auteur, faisant réimprimer à In- Morin (54), et Sylvestre Petra Sancta,
golstad ses ouvrages de controverse ne doivent passer que pour un histo-
revus et augmentés, avait averti le rien de Bellarmin; car les trois der-
mondc qu'il ne reconnaissait point niers n'ont fait que traduire l'ouvrage
pour siennes les éditions précédentes, italien de Fuligatti : et si Petra Sancta,
Ce n'élait point qu'elles continssent qui l'a traduit en latin , y a fait quel-
des opinions qui dussent être désap- ques additions , ce n'est pas à dire
prouvées : c'était à cause des fautes qu'il le faille considérer comme l'un
d'impression , comme il le dit à Pos- des historiens en chef. Si George Ro-
sevin l'an 159S (49). bertusson a fait la Vie de ce cardinal,
(0) Ce que les bibliothécaires des ne devait-il point paraître à sa place
jésuites ont dit de la correction de ses dans le corps du livre de M. Teissier ?
œuvres n'est pas exact.] Je trouve dans 11 n'y paraît nullement, on n'y voit
un ouvrage imprimé l'an 1G08 (5o) , qu'un Georgius Robersonus, auteur
qu'avant cette année-là, les Contro- de la Vie de tîobert Rollocus, théolo-
verses de Bellarmin avaient paru en gien écossais. Notez que Tarquin Gal-
quatre volumes- La première édition luccius n'a point fait l'Histoire de Bel-
en trois volumes in-folio est d'In- larmin, mais seulement l'oraison fu-
golstad, en i586. On les réimprima nèbre. M. Mayer a fait une liste plus
au même lieu ««-8°. , l'année suivante, exacte (55) : il cote la Vie de Bellar-
On en fit dans la même ville une nou- min écrite par Jacques Fuligatti , et
velle édition l'an i588, et une autre imprimée à Piome, l'an 1624, in-^°. •
l'an 1690. La première édition en Daniel Bartoli de t^itd Bellarmini ,à
quatre tomes est de Venise , apud Mi- Rome , en 1618 (56), in-tf. ; Marcellin
jiimam Socielaiem. On y joignit un Cervinns de f^itd et Moribus Bellar-
appendix de plusieurs traités particii- mini, à Sienne, en 1622 , in-8°. ; Dida-
liers (5i). 11 faut donc dire qu'Aie- eus Ramirez in Vitd Bellarmini ex
gambe , ni son continuateur, ne sont l'ariis authoribus concinnald , et Nico-
point exacts , parce qu'ils nous don- lao Antonio in Bibliolhecd Hispanâ
lient pour la première édition en qua- memoratd ; et le récit de pio obitu
tre volumes celle de Cologne de iéi5. Bellarmini, ex litleris Eudaemono-
11s disent aussi que la première édi- Joannis, imprimé àDilingen, l'an 1621.
tion du premier tome est de l'an 1 58 1, H cite aussi Gallutius , Alegambe ,
que celle du second est de l'an i583 , Sebasiiani Badii Décora Roberti car-
at que celle du troisième est de l'an dinalis Bellarmini (57) , les Eloges
i5g2. Cela est contraire au narré de d'Eusébe Sarrini Florentin , abbé de
Possevin, et manqued'exactitudedans l'ordre de Cîteaux , Ugbelli à la page
un autre chef; car ileùt fallu nommer 45o du VIe. volume de Yltalia Sacra,
la ville où furent faites ces prétendues
premières éditions.
(P) Sa fie a été composée par
quatre ou cinq auteurs. ] M. Teissier
en a compté neuf, et les a rangés
de cette manière : i°. Daniel Bartoli ;
20. Didacus Ramirez ; 3°. Jacobus
Fulieatus ; i°. Georqius Robertus- ligattij 'ut imprimée à Pans
sonus ; 5°. Joannes Morinus ; 6°. \^atJu "%?' "'
(52) Teissier, Biblioth. Bibliothecar. , in indice
X, pag. 3g6.
(53) Le père de l'Oratoire : sa traduction
française de Fuligatti fut imprimée à Paris,
Van' i635, in-8°. à ce que dit M. Teissier,
pag 193.
(54) Jésuite , sa traduction française de Fu-
r, tan 1628, in-8°.,
ssert. de Bellarmini
Marcellinus Cervinus ; 70. Pelrus
(48) Chevillier, de l'Origine de l'Imprimerie
de Paris, pag. 162.
(4«) Tiré de Possevin , Apparatus sacri loin,
II, 'pag. 338.
(5o) Apparatus Sacer Possevini, loin. II,
pag. 33o.
'5i) Idem , ibidem.
(55) Mayerus , ibid.
(56) C'est apparemment une faute d'impres-
sion; car cet ouvrage de Bartoli n'a été imprimé
qu'en 1G77.
(57) Sotuel, Biblioth. soc. Jesu , pag. 724»
le nomme Badus , et met l'impression de son
livre à Gènes, en 1671, in-40. M. Leti , dans
la IV. partie de Z'Italia régnante, parle ample
ment de ce Badas , médecin de (jénes.
BELLARMIN.
l'Imperialis . André du Saussai, et
Nicius Érvthréus. Il a oublie Edouard
Coflin , jésuite anglais, auteur d'un
livre de Morte cardinalis Bellarmini ,
imprimé à Saint-Omer , Tan i6a3 ,
in-S°. : il se cacha sous ces deux lettres
C. E. (58). Notez que Didacus Rarnirez
était un jésuite espagnol, qui mourut
le 8 d'avril 1647 (%!•
(Q) La témérité de Scaliger , dans le
jugement qu'il Jait de Bellarmin , ne
peut être assez condamnée.'] Permis à
lui de dire tant qu'il voudra (60), que
quand on lui donnerait un Bellarmin ,
il n'en voudrait point, et qu'il n'aura
garde de perdre de bonnes heures sur
un tel auteur, qui écrit mal, qund
rnalè scripsit non legam , nec malè
bonas koras collocabo : mais on ne
doit pas lui pardonner d'avoir dit que
Bellarmin ne croyait rien de ce qu'il
faisait imprimer, et qu'il était un
franc athée (61). C'est usurper les
droits de Dieu, qui est le seul juge des
pensées , et celui qui sonde ies reins
et les coeurs : c'est donner un mauvais
exemple : c'est autoriser la fureur de
ceux qui ont dit que Calvin, Bèze, etc.,
prêchaient contre leur conscience, et
n'avaient nulle religion.
(R) Il eut le déplaisir de voir mettre
son ouvrage de Romano Pontiflce dans
l'indice de l'inquisition.] M. Arnauld
tire de ce fait un bon argument ad ho-
minem contre ceux qui prônent l'au-
torité des congrégations de l'indice.
On trouve que l'ouvrage de Bellarmin
de Romano Ponti/ice , dit-il (62) , fut
« proscrit par Sixte V , parce qu'il ju-
» gtA aussi bien que les censeurs à qui
» il l'avait donné à examiner, qu'il
m avait apporté un grand préjudice à
)> La dignité pontificale , en ne voulant
» pas que la puissance , qu'ils pré-
» tendaient que J.-C. a donnée à son
» vicaire en terre sur le temporel des
» rois, fût directe , mais seulement
» indirecte ; et que ce fut sur cela que
» ces livres de Romano Ponlijice
(j8) Sotuel, de Scriptor. soc. Jcsu, pag. 183.
(5<() Idem, ibid. , pag. i-3.
(Go) In Scaligeranis, pag. 29.
(6i) Ibid.
(G?) AmaulJ, Diffic. proposées à M. Steyaert.
IXe. part. . paç . SS et tuiv. Il cite le chap .
y II du ri', livre de la Vie de Bellarmin ,
écrite en italien par le père Fuligaiti , et traduite
en latin par Sylvestre i Pétri Sau.ù, tout deux
jr'suilcs.
furent mis antre les livres défendus.
C'est ce que ces deux jésuites (63)
font entendre d'une manière un peu
obscure, alin de faire croire que
cela ne vint pas tant du pape, que
des ennemis de Bellarmin , qui [e lui
avaient persuadé : Doctrind Bellar-
mini auctoritatem illmn minti quant
Clirislus Dnininus vicario suo in
terris dédit ad Ecclesiœ dignitatem
jirmitalemque ; idque fieri in opi-
nione ipsius circa domînium lem-
porarium, quod pontifia competit
item in res tempora.i-.ias. Par où ces
auteurs entendent la puissance , que
l'on croit à Rome qu'a le pape, de
déposer les rois , comme il paraît
par la page suivante , où le livre de
Bellarmin contre Guillaume Barclay
sur ce sujet de la déposition des
rois, est appelé, Traclatio de Po-
testate Pontifias in res tempokarias
advenus Giii/lelmum Bar< latum.
Ce ne fut donc pas faute d'avoir
bien entendu la doctrine de Bellar-
min sur cette matière, qu'on lui fit
cet atlront de mettre ses livres parmi
les écrivains flétris- mais parce que
ce pape ne fut pas content, delà
puissance indirecte qu'il lui donnait;
sur les rois , et qu'il en voulait une
directe. 1J cela dura tant que ce
pape vécut. Car ers poèmes auteurs
reconnaissent que ce ne fut qu'après
sa mort que les cardinaux les re-
tirèrent ex Indice probrosorum
Scriptorum. Dites-nous donc, mon-
sieur , penS£Z-VOUS qu'aucun jésuite
fous avoue que., pendant toute la
rie de Sixte V, c'aurait été un
péché mortel de lire les livres de
ViAl.inmn de Romano Ponti/ice, et
qu ■ si un prêtre l'avait faïl , il eût
milite d'être privé par une sentence
de tout pouvoir de prêcher, de con-
fesser, et de diriger les finies ? h
Consultez la Dissertation du célèbre
},]. Mayer de Fide BoIIarmini ipsis
Pun'i'icus ambigud, imprimée à Am-
sterdam, en 1697, \ >'is v trouverez
(64) "" long passage de Fuligatti, el
quelques autres. Consultez aussi le IIe
tome du .Mercure Français, il vous
apprendra que , sur la fin de l'an i586,
que le premier livre des Controversts
(63) Fuli.;atli et Pclra Saacla, dnn< la V -
,1e Bellarmin.
(64) Pag. i"t et seq.
28o
BELLARMIN
«le Bellarmin /«« apporté en France , brûlé à Paris par la main du bourreau :
de l'impression d'ingolstad, Estienne Faces jam accendebat carnij'ex , ut
Michel , libraire de Lyon , estant a posnas à scripto et scriptore sumeret ,
Paris , s'adjoignit avec un autre li- nisi reginœ animus et ileratis et non
braire, pour faire imprimer ce livre : desincntibus jesuitarum deprecalioni-
ce qu'ils commencèrent a faire : dequoi bus fractus illas extinxisset (68).
monsieur le procureur général du roi Voyez le 11e. tome du Mercure Fran-
ayant eu advis , envoya prendre et sai- çais : on y trouve (Gg) le précis de la
fer vin°t et une feuille' qu'il Y avoit Remontrance de M. Servin premier
jh de faites, et leur fit défenses de avocat du roi , et l'arrêt du parlement
continuer h le faire imprimer : C'esloil (70) ences termes : « La Cour fit inhibi-
h cause de la troisième Controverse
où il traitait de Summo Pontifice, et
ou il attribuait au pape une puissance
temporelle indirectement sur les em-
pereurs , rois et princes souverains ; et
plusieurs autres choses contre la sou-
veraine puissance temporelle des rois
(65). On peut donc dire du milieu que
Bellarmin voulut prendre entre les
canonistes ultramontains , et les doc-
teurs de Sorbe-nne* ce qu'Ilérerinius
» tions et deflènses à toutes personnes
» de quelque qualité et condition
» qu'elles fussent , sur peine de crime
)> de lèze-majesté , recevoir , retenir ,
» communiquer, imprimer, faire im-
» primer ou exposer en vente ledit
» livre : Et enjoignit à ceux qui au-
» royent aucuns exemplaires dudit
» livre , ou auroyent connoissance de
» ceux qui en seroyent saisis, lr déclarer
» promptement aux juges ordinaires ,
us déclara sur la conduite de son » pourenestrefaiteperquisitionàla re-
fils qui sauva la vie, mais non pas » queste des substituts dudit sieur pro-
l'honneur des soldats romains: Istu >> ctireur général, et procéder contre les
quidem sententia ea est quœ neque » coupables, ainsi que de raison (71). »
arnicas parât , neque inimicos tollit , (T) Personne n'a découvert les lieux
servare modo quos ignominie, irritave- faibles de ses ouvrages aussi habile-
. Ce jésuite se servit d'un tem- ment que Jean de Launoi] Vous trou-
verez une ample instruction là-dessus
(66).
pérament qui déplut à la cour de
Rome sans plaire à la cour de dans 1 écrit de M. Mayer. Voyez aussi
France.' C'est le destin ordinaire des la remarque (1) de 1 article de (Jean
sentimens mitigés: ils ne vous gagnent de).}:kVTf01- ...
pas d s ami*, et n'apaisent pas vos C-1) Il aimait la paix , et n était pas
ennemis et ifs vous laissent en butte édifié de l'ambition des cardinaux. ]
aux deux factions qui se posent dans
les extrémités opposées.
(S) (Jn traita encore plus
mal en France ce qu'il écrivit sur cette
même matière contre G. Bardai. ]
C'est-à-dire son Tractatus de Potes-
tatesummi Ponlificis in temporalibus,
adversùs Guilielhium Barclaium , im-
primé à Rome, l'an 1610. M. Mayer
observe que le roi Jacques écrivit
contre ce traité , et que le sénat de
Venise, et le parlement de Paris le
condamnèrent. Il rapporte en latin
l'arrêt de ce parlement , et il nous ren-
voie au Continuateur de M. de Tbou
(67). Il dit même que peu s'en fallut
que cet ouvrage de Bellarmin ne fût
(65) Mercure Français , lom. III , pag. 32.
(60) Titus Livius, lib.IX, décati. I.
(67) Jo. Fridericus Mayer, S. Feg. Majeslat.
Sii'f per GermanniamSuecic. Consiliariusinsa-
< ris i'rtnianuy,docl. etprofess. iheolog. et eccle-
iits ffamburgensis adD. JacobipaHor. Dissert.
cie Bellarmini Fiùo ipsis Pouliliciisdnbiâ, p- 180.
Pierre de Saint-Romuald rapporte que
le plus excellent de tous les ouvrages
de Bellarmin , traitant des contro-
verses, fut proscrit à Rome, et inséré
dans l'Indice des livres infâmes
Ce qu'il supporta , ajoute-t-il , avec la
même patience qu'il souffrait les con-
tradictions d'un certain cardinal au
conclave , disant à ceux qui s'en éton-
naient , qu'une once de paix valait
mieux qu'une livre de victoire. Etant
aussi enquis ( peut-être au sujet de ce
cardinal) d'où venait qu'ily avoil si peu
de cardinaux au Catalogue des Saints :
c'est (dit.-il) qu'ils aspirent à être très-
saints : Réponse aiguë pour ceux qui
savent que signifient en Italie ces mots,
perche vogliono esser sanctissimi (7a) ,
(68; Id., ibid. , pag. i83.
(69) Pag. S S et suiv.
(-•>) Du 26 novembre 1610.
{'/i) Mercure Français , loin. II , pag. 36.
(72) Pierre île Saint-Komuald , Abrégé citron.,
a Van 1621 , pag. 4161 4'7-
Cela veut dire que le tle'sir d'être pape
empêche les cardinaux d'acquérir la
sainteté , encore que ce désir soit, une
envie de porter le titre de Très-Saint
Père. Le Mélange critique de M. An-
cilloQ m'apprend que M. Godeau ,
qui a fait l'éloge de Bellarmin , dit
qu'une de ses paroles ordinaires était
que les cardinaux ne sont pas saints ,
parce qu'ils veulent être très - saints ,
c'est-à-dire , papes , qu'on appelle
Très-saint- Père , sentiment qu'il avait
hérité de son oncle Marcelle II , qui
s'écria un jour à table : Non video
quomodo qui locum linne altissinium
teuent salvari possint (78). « Je ne
'» fois pas comment ceux qui sont assis
» sur la chaire de saint Pierre se
)> peuvent sauver (74). » Le respect
que j'ai pour la mémoire de feu
M. Ancillon, homme de heaueoup de
piété et de savoir, est très-compatible
avec la liberté que je vais prendre. Je
ne trouve point un juste rapport entre
la pensée du cardinal et celle du pape.
L'intention de Bellarmin n'était pas
de dire qu'un pape se sauve difficile-
ment ; mais de dire que la passion de
parvenir au papat attachait de telle
sorte les cardinaux à des soins terres-
tres , et à des intrigues injustes , qu'ils
ne pouvaient point s'avancer dans le
chemin de la sainteté. Le pape Mar-
cel II n'avait pas cette pensée : il ne
considérait que les obstacles qu'un
homme actuellement pape rencontrait
dans le chemin du salut. Il ne me
semble donc pas que le bon mot de
Bellarmin soit une partie de l'héritage
de son oncle. Si l'on m'objecte qu'un
pape a besoin d'autant d'intrigues pour
soutenir le rôle qu'il joue dans l'Uni-
vers, qu'un cardinal pour parvenir
au pontificat, je répondrai que c'est
une autre question , et que c'est sortir
des bornes que Ton doit donner au
sens des termes dont Bellarmin se ser-
vit. Je vais plus avant , et je soutiens
que quand même ce cardinal aurait
dit dans quelque autre conjoncture ,
Les papes ont bien de la peine à se ga-
rantir des enfers : tant s en faut qu'ils
puissent se rendre dignes de la canoni-
sation, on ne pourrait pas prétendre
(■;$) Onupliriuj, in Marcello II, apud Ancil-
•°n , Pag- 329.
(74) Mélange critique rl'Ancillon , tom. I,
pa§ Î28. ' '
BELLARMIN. 281
que les paroles italiennes, que vous
avez vues ci-dessus, sont la copie de
l'exclamation du pape Marcel , son
oncle- Cette exclamation me fait sou-
venir de la saillie d'un Français , qui
entendait donner des éloges à la piétiiet
a la morale sévère d'Innocent XI l'an
îGScj. Le catholicisme, dit-il , n'a que
faire d'un tel pape : il trouverait mieux
son compte dans un souverain pontife
qui entendit l'art de s'agrandir, et de
profiter des conjonctures selon tante
la lubrique des cours les plus raffinées.
La grandeur et la majesté de l'église
catholique demandent un chef qui pos-
sède , non pas les vertus d'un prêtre ,
mais les lalens d'un fin politique. Jïlles
demandent un chef qui ait le courage
de se damner pour te bien et pour l'a-
grandissement de ses états. C'est là le
moyen de faire l'office du bon pasteur,
qui met sa vie pour ses brebis. C'est se
dévouer pour la république, mieux
que (^5) Codrus et les Décius ne firent.
Un pape scrupuleux et dévot, comme
le bon Hadrien fi , nest propre qu'il
laisser dépérir le temporel de l'Eglise
(76) , qui est si avantageux pour le
maintien du spirituel. Tel fut le dis-
cours de ce Français.
(X) // eût peut-être été pape , s'il
n'eut pas été jésuite. ] Il eut plus de
voix qu'aucun autre au premier scru-
tin du conclave de Léon XI (77) :
néanmoins on ne songeait point alors
tout de bon à lui. Ce fut dans le con-
clave suivant (78) qu'on le regarda
comme papable, et qu'on travailla sé-
rieusement à lui procurer le pontifi-
cal; mais la faction du cardinal Al-
dobrandm fit évanouir ce dessein. La
Vertu de Bellarmin , et la trop grande
puissance des jésuites furent les deux
principales considérations qui L'empê-
chèrent de succéder à Léon XL Aldo-
brandino fuggiva Bellarmino
corne giesuita scropoloso , e che lai
voila haveva improvato molle attioni
di Clémente :io , e di lui Stesso
(71) . Haveva Bellarmino graniT amici
per esser egli di lelteralura , e bonla
singolare ; ma l esser giesuita , e di
(-:"<) Codais pro patrid non timidus mort.
Horat.u., Od. XIX , l,b. ///.
'76) Voyez la remarque (Q) de Carùcle
li'H ADRIEN VI.
Conclave di Leone XI, pag. 4^-
(78) Celui de Paul V.
(->;) Conclave di Paob V, pag. 5ia.
28a BELLARMIN.
conscienza delicata , lo rendevano po- pouvoir était supérieur à celui des
co amabile appresso molli , li quali autres états. Rapportons ici ce que
mossero ogni pietra per rovinarlo j'ai dit dans la remarque (H) de l'ar-
Furinovata e sparsa per tutto la me- ticle d'iNNOCENT XI 5 et souvenez-
moria del disgresso dato a Bellarmino vous de cette pensée de Florus , fpsa
da Sisto y che glifece prohibire l'o- sibi obstat magnitude» : j'en ai déjà
■pera sua de Potestate Papœ : furono fait l'application à un tout autre su-
discorse al vivo lutte le conseguenze , jet (83) .
che potevano deviare daW esaltatione Notez que M. Godeau observe que
di un giesuita ; ed in somma s'ado- Baronius ayant fait quelque ouverture
prarno in maniera , die s'aquieto af- à Bellarmin de la pensée qu'il avait ,
fatto il tutto (80). Mettons ici un pas- avec quelques cardinaux , de le faire
sage de M. Ancillon. « J'ai toujours pape, il reçut celte proposition corn-
3> ouï dire que la cour de Rome n'a me une injure , s'en mit tout de bon
» garde de mettre un jésuite sur le en colère, et dit constamment que , si
» siège papal, et que TEurope ne le pour être pape il ne fallait que relever
3) doit point souhaiter , parce , dit- un fétu de terre , il ne le relèverait
s> on, qu'ils se rendraient infaillible- pas (84)- Je m'étonne que M. Ancillon
3> ment les maîtres du saint siège, en n'ait point parlé du vœu solennel que
i> sorte que tous les autres ordres pour- fit Bellarmin, en casque la dignité
3> raient s'en tenir exclus pour tou- papale, qu'il ne souhaitait pas, lui fftt
3) jours, et qu'ils rendraient aiusi leur conférée : il s'engagea à n'enrichir
3> puissance, qui est déjà très-grande, point ses parens. Voici les termes de
3> presque infinie et sans bornes. 11 son vœu : Die 24 septembres , anno
3> semble que celte maxime ne soit i6i/},fer. 6 , in domo navitiorum S.
3> pas nouvelle à la cour de Rome , Andreœ degens, et exercitiis spiritua-
3> si on en croit ceux qui écrivent sur llbus vacans , maturâ prœhabitâ de-
» ce sujet. 11 y a long-temps qu'ils Uberatione in sacrificio missœ , cùni
» s'y détient des jésuites, et qu'ils sont sumpturus essem S. Dom. nost. cor-
3) sur leurs gardes contre eux à cet pus, votum vovi Domino in hœc ver-
3) égard : en effet, nous voyons dans ba • Ego Robertus , cardinalis Bel-
3> la Vie de Bellarmin même que larminus , è societate JESU religio-
3) Clément VIII, parlant de ce car- sus pvofessus , voveo DEO omnipo-
3) dinal , qui s'était déjà rendu célè- tenli , in conspecta B. V. Mariœ , ac
3) bre , disait: Dignus , sed jesuita totius cœlestis cwiœ , quod si forte ,
3> est (81). » Nous avons ici une preu- quod non cupio , et precor Deuni ut
ve de la témérité des jugemens qui non accidat, ad pontificatum assump-
ne sont fondés que sur les premières tus fuero , neminem ex consanguineis
apparences. N'examinez pas profon- vel affinibus meis exallabo ad cardi-
dément les objets , arrêtez-vous aux nalatum , vel temporalem principa-
impressions qu'ils font d'abord sur tum , vel ducatum , vel comitatum ,
l'esprit, vous jurerez que pour obte- vel quemeunque alium titulum, neque
nir une dignité c'est avoir de grandes eoS dilabo, sed solùm adjuvabo , ut
avances que d'être d'un corps très- in slatu suo civili commode vivere pos-
puissant ; mais si vous prenez la pei- sint. Amen, Amen (85).
ne de réfléchir , vous trouverez là un (y) ]yj% Ancillon avance touchant
obstacle presque invincible , et non Bellarmin deux faits qui ne sont pas
pas une ressource assurée. Nous avons véritables. ] Tout le monde sait que
vu depuis dix ans (82) deux exemples ie cardinal Cajelan , légat de Sixte V
de cela. Rien n'a tant contribué à ex- en France, ne travaillait qu'à faire
dure de l'archevêché de Cologne le exclnre de la couronne Henri IV. Ce
cardinal de Furstemberg , et de l'évê- ne f„t pas à la cour de ce monarque
ché de Liège le cardinal de Bouillon , que Bellarmin, le théologien de ce lé-
que d'avoir été recommandés et pro-
tégés par la cour de France , dont le (83) Ci-desms, dans Varticle Acmllea, tom.
0 ' l'*.,citalian (ag).,
(80) Conclave di Paolo V , pag- 5ir), 520. (8^) Godeau, Éloge du cardinal Bellarmin ,
(81) Ancillon , Mélange de Littérature, pag. cité par Ancillon, Mélange de L.tterature , lom.
33o, 33i. '. P"3- 33»- .„.._„ • •
(82) On écrit ceci Van 1698. (85; Fubgattus , m \ lia BelUrnunu
BELLA11MIN.
283
gat, acquit V estime du roi ; car il n'y
fut point : il fut. à Paris parmi les li-
gueurs , et il s'employa de son mieux
pour l'intérêt des rebelles. C'est ce que
les ministres n'ont pas manqué d'ob-
jecter : lisez ce passage de M. Drelin-
court. D'où vient que ceux de la re-
ligion cstoient au camp du ray, cepen-
dant que Bellarmin , Panigarole , et
telles gens estoient à Paris a corner la
sédition , et que. le pape envoyait des
légats pour authoriser la ligue , et je-
ter de l'huile dans un brasier qu'ilde-
foit estcindre de ses larmes et de son
propre sang (86) ?
, Pour ce qui regarde le Traité des
Ecrivains ecclésiastiques, c'est en son
< -spire un bon ouvrage ; mais il s'en
faut bien que ce soit le meilleur livre
de Bellarmin. Il y a dans ses volumes
de Controverse plusieurs traités qui
font connaître bien plus noblement
son esprit , son érudition , sa capaci-
té. Vingt petits ouvrages , chacun
aussi bon que celui <Ie S ctïptoribus ec-
clesiasticis , ne l'eussent point élevé
au degré de gloire qu'il mérita par la
seule forme dont il revêtit le corps de
ses Controverses ; car voici la louan-
ge qu'un savant Anglais lui a donnée
à ce sujet : f^ir erat , haud injicior ,
admirandœ industries , doctrinœ , lec-
lionis stupendœ , Bellarminus : qui ut
prirnus ita solus immanent illam mo-
tem, et immensum chaos controversia-
rum , slupendd ingenii dexterifelui-
tale , artijicio singulari excoluit , in
• ndinem redegit confiuum prias : ac-
*:uratd diligentid , et multorum anno-
rum studio déganter expolivit : pr<c-
ripuit illc palmam secuturis omnibus ,
et sibi desponsatam vel destinatam
cuicunque laudem abstulit. JYam ab
illo , qui tractant hodic Controversias,
ut ab llomero poëtœ, sua omnia j'erè
mutuantur (87 ). On a remarqué des
défauts considérables dans le traité
que M. Calixtc et M. Ancillon préten-
dent être le meilleur de tous les écrits
de ce jésuite (88). Voyez Bosius au
chapitre 11 de son Introductio in No-
tiiiam Seriptorum ecclesiasticorum ,
(86) Drelincourt, Triomphe de l'Église, W.
part. , pag. 444.
(87) Montana. , Pra-f. ad Apparat., Secl.
LVl , npud Pope Blount. Censura; Autboruni ,
pag. 638.
(8S) Baillet, Jngemens des Savaos , article
LXXXf^J des Critiques.
avec les Notes de M. Crenius. Librum,
dit-il (81)) , omnium quas Iiellarminus
edidit optimum vocal D. Calixtus ,
tractatu de Conjugio Clericorum , sec-
tione 202. Au reste, si nous en croyons
le père Labbe, la première édition de
cet écrit de Bellarmin est. de l'an 1G17
(90). Le père Sirmond en prit un
grand soin, comme l'auteur l'en avait,
prié (91). Elle fut suivie de plusieurs
autres, que les imprimeurs g.'ltèrent
extrêmement ; mais enfin on en don-
na une très-correcte , à Paris , chez
Cramoisi, Pan i658, in-octavo. Le pè-
re Labbc, qui en revit les épreuves ,
forma là-dessus le plan d'un ouvrage
(92) , que de fort bons connaisseurs
prennent pour le meilleur qu'il ait
fait : je parle de sa Dissertatia de
Scriptoribus ecclesiasticis , qui fut
imprimée à Paris, en deux volumes
i/z-80. , l'an 1660. Les bibliothécaires
des jésuites n'ont rien su de la pre-
mière édition de ce traité de Bellar-
min : l'un d'eux, savoir Aleganilit: .
n'en indique aucune, et Sotuel ne fait.
mention que de celle de Cologne, en
1G22, t/j-8°. On en fit une nouvelle
dans la même ville Pan 1684, ««-4°-. et
l'on y joignit la continuation qu'An-
dré du Saussai avait publiée l'an i665.
Les omissions de Bellarmin furent
très-considérables : cela paraît par le
Supplcmentum du père Oudin , dont,
on lit mention dans les Nouvelles de
la République des Lettres , au mois
d'avril 1686.
Notez une faute de Bosius. 11 a dit
qu'on ne peut pas se lier au jugement
de Bellarmin touchant les écrivains
grecs , vu que c'est un homme qui
n'entendait rien dans la langue grec-
que ; et que cette ignorance , que ses
autres livres avaient témoignée, a pa-
in surtout par le Traité des Ecrivains
ecclésiastiques, comme Casaubon l'a
remarqué. Crœcarum litlerarum prof-
sus â//î/>iTov fuisse , sicut omnia itlius
scripta , sic eximiè hic liber novissi-
mè ab eo projértus , Casauhonn ju-
dice , exercitat. 3£.yi , secl, CL, oslen-
(8g) Joh. Andréas Bosius, Schcdiasm. de com-
parand» Xolitiâ Seriptorum ccclesiasticor., cap.
II , pa^. 4^5, edu. Crcnianœ, Lugd. liai an.
1699.
(iio ) Labbe, Prtefatione Dissert, de Scriptor.
ccclesiast.
(91) Idem, ibidem.
(93) Idem ,
284
BELLARMIN.
dit , ut proindè judiciis illlus de grœ-
cis scriptoiibus salis lui 6 fi di non pos-
ait (g3 j. Bosius venait de dire que la
première e'dition de cet ouvrage de
Bellarmin est de l'an 16 16 (94) : de
» est damni , quod certè parùin est r
» mihi tantum affert molestiœ , ec-
» quœnam erunt supplicia damnalo-
» rimi ? si apud gehennam impios ma-
rient tormenta tam serumnosa , ne ,
vait-il donc croire que Casaubon en » precor , in ea me projicias , etenim
eût parle de la sorte dans un livre qui
fut imprimé l'an 1614? Mais au fond,
demanderez-vous , est-il vrai que Ca-
saubon ait parlé de cet ouvrage 5 car,
en ce cas-là , l'erreur de Bosius sera
très-petite? Je réponds qu'il y a beau
» impar ero iisdem sustinendis. Car-
» dinalis Crescentius addit , Bellar-
» minum ita se patientiœ velul uicli-
» main destinasse , ut muscas à uultu
» ne depelleret quidem , lamelsi adm-
it s/v niiniùm essent , sicuti Romœ in
coup d'apparence qu'il a eu en vue ce » œstu soient ; cùmque hoc miraren
traité de Bellarmin. On en marque
une édition de Cologne en i6i3, dans
le Catalogue d'Oxford ; et j'en ai vu
une de l'an i6i3 , in-4°. , revue et
corrigée par l'auteur : ainsi c'était ca-
ractériser assez cet ouvrage , que de
» tur qui aderant , ipse suaviler :
-» Haud œquum esse , ajebat , pertur-
» bare animantes illos , quibus non
» u tique superesset paradisus alius ,
» quàm volitandi libertas , ac potes-
» tas ubimalunt, commorandi (95). »
dire dans cet endroit-là de Casaubon 11 est sur qu'il y a une certaine ma-
que c'était le dernier livre qui eût pa- nière d'enfiler les conséquences des
ru de Bellarmin. Assurons donc que préceptes, ondes conseils evangéliques,
le père Labbe se trompe d'en mettre qui conduit presque nécessairement à
la première édition à l'an 1617 *. cette patience que l'on attribue à Bel-
(Z) // souffrait que les mouches larmin ; mais néanmoins le bon sens
V incommodassent beaucoup.} Ceci mé- nous montre qu'il n'y a nulle appa-
rite d'être rapporté dans les propres rence que l'intention de Jésus-Christ,
termes de Fuligatti. Inter insignes ni celle de ses apôtres , eu nous re-
Bellarmini uirtules , alii ponunt mi- commandant si expressément le mé-
ram ejus in perferendis uexationibus pris des commodités de la vie , aient
patientiam , quant Jacobus Fuligatus été de nous interdire le droit de nous
laudat sequenlihus verbis : « Calices, délivrer des vexations des punaises ,
■» modicellas aviculas , sicut et alui et de chasser une mouche qui nous in-
3) pan>a naturœ incommoda , velut a commode.
3) DEO tradilas ad exercitium pa- (A A) Je ne pense pas que le pape
« tiendi , uultu adeo mili perferebat, l'ait envoyé jamais à Louuain pour
« ut nec ipse opposite manu , nec ex- mettre fin aux disputes de Bnïus , oit
■» ciente venlulum aliquo eas conqre- pour en faire rapport a Rome.'] M. Ley-
» tur abigere. Aliquando Clementi decker assure , i°. que Bellarmin y
» MerlinoYi. Rotœ auditori, dumser- f„t envoyé pour s'informer de ces
» mones familiales , ut fil, post nego- disputes , et pour les pacifier , ou en
j> lia decisa, sererent, retulit, se noc- tout cas pour en rendre compte au
3> te ejus diei, qui est Catharinœ vit- pape ; 20. qu'il s'acquitta bien de la
j) gini sacer, adeo ad renés à bestiolis commission; et qu'après avoir oui Mi-
3) quibusdam nequ'am , ac damnificis, cuel Baïus , il s'en retourna à home
3) morsu fuisse uexatum , ut magno fort en colère de l'avoir entendu trai-
3) sensu convenus ad Chrisli prœpen- \cr Je pélagiens plusieurs sentimens
3) dentis è cruce Domini simulacrum des scolastiques qui étaient les opi-
3) dixerit : ô Domine , si hoc quicquid
(t)3) Jo. Andr. Bosius , Schediasm. de com-
par'. Notit. Script, cccles. , cap. Il , pag. £)i5.
(q4) Le père Labbe dit l'an 1617 : Forez ci-
dessus , citation (90).
* Le père Labbe, dit Joly , n'indique pas l'é-
dition de 1617 comme la première de l'ouvrage,
mais comme la première qui ait été donnée par
Sirmond Au reste, Joly reconnaît que la phrase Pati- ■>-'i- . ..
d Labbe est un peu louche. .1 .-joule que la pre- (.fi) Melcbior LeydecW D.sputa, b.stonc -
m.èrc édition de Bellarmin est celle de Rome, Iheoloyca ndovar.o ,a„je mstaru m Fat *7mi
,0.3 in-40. , réimprimée la même année à Colo- la préface de t'edtUon des OEwres «fe Ba.us ,
gne, in-8»., et a Lyon, in-4°. ■•' «696, et In page n3 de la II'. partie.
nions de lui Bellarmin (96). Je ne
trouve nulle trace de cette députation
dans les écrivains de l'histoire de ce
jésuite , et je sais qu'il ne faisait en-
core guère de bruit lorsqu'il alla à
(•gS) Andr. Carolus , Memorab. ecclesiast. ,
i uuvi'.in. il acq.uit sa première répu-
tation pendant les sept ans qu'il en-
seigna la théologie dans ce lieu-là (97)5
et comme il était augustinien sur les
matières controversées entre Bains
et ses antagonistes , il n'y a nulle ap-
parence qu'il se soit jamais fiché con-
tre ce doeleur pour le sujet que M.
Leydecker indique.
(97 ) N icius ErytVir.-eus , PiuacotU. I , pag. 85.
BELLEAU (Rémi), poète fran-
çais au XVIe. siècle , naquit à
Nogent-le-Rotrou. Je n'en dirai
pas beaucoup de choses ; car M.
More ri a déjà marqué presque
tout ce que j'eusse pu recueillir.
Ce poète mit en vers français les
Odes et Anacréon , et leur déro-
ba une grande partie de leurs
grâces , si l'on en croit quelques
auteurs (a) : mais d'autres sou-
tiennent , qu'il égala l'original ;
et que s'il eût aimé à boire ,
comme faisait Anacréon , il l'eût
surpassé. Ne vous fiez pas beau-
coup à cet éloge ; car il est tiré
d'une pièce de poésie qui fut fai-
te par Scévole de Sainte-Marthe
à la louange de la traduction
française dont nous parlons (b).
Pasquier pense quY/z matière
de gayetez Bell eau fut un autre
Anacréon de son siècle (c) (A).
Il joua l'un des principaux rou-
lets dans la Cléopâtre, et dans la
Rencontre de Jodelle, lorsquW/es
furent représentées devant le roi
Henri à Paris en l'hoslel de
Rheims . . . et au collège de Bon-
cour (d). Il mourut en 1577 ,
dans sa cinquantième année (e).
BELLEAU. BELLEI'OREST. 285
Il a commenté la seconde par-
tie des Amours de Pierre Ron-
sard *.
(a) Teissier , Addit. aux Eloges de M.
de Tliou , loin l, pas;. qO'S, etlil. île 1696. Il
cilc le tome l'IIl de la Clélie , pag. 85o.
[f> Sammarth., Elogiorum. lib. III . pag.
[3, 1 '1.
(c) Pasquier, Bccliercli. liv. VII, cliap .
II, pag, 622.
[d î<i même, puLr- 618.
(C) Tliuan., lib. LXIV , pag. ?.q\.
* Cet article est si court , dit Joly , qu'il
n'ennuiera personne. Bayle aurait dû au moins
dire que Belleau faisait partie de la laineuse
Pléiade (les autres auteurs étaient Baif,
Ronsard, .1. Dorât, Jodelle, Joachim du
Déliai , et Ponthus de Thiard ). Joly aurait
Lien voulu savoir si Rémi Belleau n'était
pas un calviniste couvert; ce qu'on peut
croire puisqu'il avait pris plaisir à tourner
les prêtres et les moines en ridicule dans son
poëme macaronique intitule' : de Bello Hu-
guenotico dictamen metrijicum . Un trait de
sa comédie la Reconnue , a rendu encore sa
religion suspecte. Mais, ajoute Joly , comme
cette pièce n'a e'té imprimée que huit ans
après la mort de l'auteur , ce trait rapporté
par Nicecon dans le tome XXXI de ses Mé-
moires pourrait bien avoir été ajouté par
quelque calviniste.
(A) Selon Pasquier, Délie au fut
un autre jinacréon de son siècle. ]
C'était aussi le sentiment d'André du
Cliesne. « Le pays du Perche , dit-
» il (1) , nous a produict ce docte et
» gentil poè'te entre plusieurs autres ,
» souz le règne de Henri II , que je
» pense avoir esté , en matières de
« gaietez, un autre Anacréon de nos-
» Ire siècle ; je dis Piemi Belleau , le-
» quel voulut imiter Sannasar aux
» œuvres dont il nous a fiit part.
» Car tout ainsi que Sannasar, lta-
» lien, en son Arcatlie , fait parler
» des pasteurs en prose, dedans la-
» quelle il a placé toute sa poésie
» toscane , aussi a fait tout le sem-
» blable nostre grand Belleau dans sa
» Bergerie. »
( 1) Un Cbesne, Antiquité» des villes de France,
pas. 376.
BELLEFOREST (François de)
naquit au mois de novembre
i53o, proche de Samatan *,
ville du pays de Couiminges ,
dans la Guienne {a). Il n'avait
que sept à huit ans lorsque son
pore mourut : sa mère , qui se
trouvait sans bien, fit tout son
'Suivant Belleforesl lui même, tom, JU .
p.iï. 3j de ses Histoires prodigieuses ■• ce fut
au village de Sarzan , dit Joly.
*■ (a) La Croix du Maine , Bililiotliéanu
française , pag, 3$.
286 BELLEFOREST.
possible pour l'entretenir quel- l'étendue de ses forces : il lui
que temps dans les écoles. Il fut fallait suivre la direction des li—
nourri quelques années chez la braires , et se tourner de tous
reine de Navarre, sœur de Fran- les côtés , selon le goût du pu-
cois Ier. Ensuite il étudia à Bor- blic ; c'est-à-dire , selon qu'on
deaux, sous Buchanan, Vinet , trouvait que certains ouvrages
Saiignac , Gelida , et quelques bien ou mal faits se débitaient
autres savaus hommes : puis il se promptement. On a dit de lui
transporta à Toulouse, afin d'y qu'il avait des monlles ausquels
étudier en droit; mais son génie avec grande promptitude il jet-
Fappliqua à tout autre chose. Il toit des livres nouveaux {d). Il
s'amusa à faire des vers français mourut à Paris le Ier. jour
pour plaire aux dames et damoi- de janvier i583, et fut enterré
selles, et ayant passé sept ou huit dans l'église des cordeliers , com-
ans parmi les délices de la no- me il l'avait ordonné par son
blesse, et les bagatelles de la ga- testament [e). Thevet , qui n'é-
Janterie , il s'en alla à Paris , où, tait pas un auteur de plus gran—
il écouta les leçons des profes— de conséquence , s'est vanté pu-
scurs, et lia des habitudes étroi- bliquement que Belleforest lui
les avec plusieurs savans person- fit une réparation solennelle au
nages, et s'insinua même dans lit de mort (B). Ils avaient été
la connaissance de plusieurs per- fort brouillés. La Popeliniere dit
sonnes de qualité (b). Tout cela beaucoup de mal de ces deux au-
fut un fonds stérile; de sorte que teurs (C).
si les libraires ne lui avaient Le Ghilini a commis beaucoup
acheté les productions de sa plu- de fautes dans un court éloge de
me , il n'aurait pas eu du pain à Belleforest (D) ; et s'il avait été
manger. L'étude lui tint lieu partout si mal instruit , ses ou-
de patrimoine , et il fut un de vrages ne vaudraient rien.
ces auteurs qui font rouler leur
famille sur la pointe de leur plu-
me. Ses meilleurs amis nous ap-
prennent qu'avec la bénédic-
tion de Dieu répandue sur le
travail de ses mains il avait en-
tretenu sa famille à force de
faire des livres (A). On s'éton-
nera moins après cela qu'il en dit-il (t) , autant de contentement de
ait fait un si grand nombre (c) , notre commerce de lettres , que j'ai
et qu'il ait entrepris tant de dif- c[elmis rec^ de regret par son trépas.
, " l . don nom demeurera immortel entre les
ferentes matières qui passaient hommes . tant nue le monde
(d) Du Haillan , épître dédicat. , de l'His-
toire de France . à F édition de \b%[\
(e) La Croix, du Maine, Bibliotb. française,
pag. 91.
(A) Ses meilleurs amis nous appren-
nent... qui! avait entretenu sa famille
a force défaire des livres. ] Du Ver-
dier Vau-Privas se déclare intime ami
et admirateur de Belleforest. Je tirais ,
(b) Du Verdier Vau - Privas , Bibliotb.
franc., pag. 366, 367.
(c) Vous en trouverez une longue liste dans
la Bibliothèque de la Croix du Maine , et
<lans celle de au Yerdicr Vau-Privas. [ Il y
en a une plus exacte, dit Joly , dans les Mé-
moires de JSiceron tom. XI et XX , <Iui
sont de 1700 et ijJa.]
tant que le monde sera
monde , a cause des belles œuvres
qu'il a faites. Or voici comme il parle
de la fortune de cet ami. Belleforest
eut habitude fort familière avec Ron-
sard , Baïf , Belleau , Vigcnère... Cho-
it) Du Verdier , Bibliothèque française, pag.
BELLEFOREST.
pin , honneur du palais de Pans, et
plusieurs autres : il fut caressé des
princes , comme aussi aimé de la no-
blesse , et porté de tous les vertueux
de ce royaume ; mais si bas de for-
tune , qu'il n'y a eu que le contente-
ment de l'estude qui l'aye nourri , et
le travail de sa main et de son esprit ,
bénys et soubstenus de grâce divine ,
qui ont porté les affaires de sa maison.
(B) Tlicvet... s'est vanté publique-
ment que Bellejorest luijit une répa-
ration... au lit de mort. ] Il n'y a rien
de plus malhonnête que le procède'
de cet homme. Il se fait honneur de
l'humilité que son adversaire témoi-
gna envers lui dans le lit de mort, et
il ne laisse pas de le maltraiter , tout
comme il aurait pu faire avant leur
reconciliation. Voici comme il parle :
« 11 y en a eu , qui n'estans plus
» habiles de sçavoir que Munster, ont
» néanmoins osé gratter sur lui , le
» refondre de nouveau , qui est le se-
» conil chef , sur lequel je fonde le
» grief que je prétends à l'encontre
» de ceux qui , n'ayans porté leur nez
» guères plus loin que les tisons de
» leurs foyers , leurs poiles , ou leurs
» dhuettes , cependant osent se faire
» accroire qu'il n'y a coin , canton ,
« ni angle de terre , lequel ils n'ayent
» fureté j mais c'est imaginairement.
» Pour couvrir leur par trop présomp-
» tueuse entreprise , ils ont , par-ci ,
s par-là , dérobé ce qu'ils ont peu , et
» quelquefois ont voulu estronçonner
» de petits lopins de la suite des dis-
» cours qu'ils ont chaslré : si bien que
» leurs gros bouquins ne sont compo-
» sez pour la pluspart que de pièces
» rapportées , qui sont de si mauvaise
» grâce , qu'à ce que ]c puis appren-
» dre ils ne servent qu'à faire des cor-
» nets aux espiciers et beurriers. Ce
» que j'en dis ainsi ouvertement est
» pour le regret que j'ai que Bellefo-
» rest ait assez indiscrètement voulu
» rabobliner la Cosmographie de
» .Munster. Je ne fais pas de doute que
» quelques-uns n'estiment que ce que
» j'en dis soit pour lui rendre pour
» pois fèves , et qu'ayant esté agacé
» par lui , je vueille à cette heure des-
)> charger la fureur de mon courroux
i> sur lui. Dieu m'en sera à témoin : et
)) de ma part , quand il m'auroit plus
» offensé qu'il n'a , je serois bien fàs-
» ché de satyriser et mal parler d'un
287
» mort. Joint qu'à la fin de ses jours ,
» reconnoissant le tort qu'il sçavoit ,
» d'avoir fait imprimer ces livres , où
« contre sa conscience il déchiroit la
» renommée des gens de bien , et de
» ceux qui lui avoient mis le pain à
» la main , il me manda , et en pré-
v sënce de deux docteurs de la Sor-
» bonne , son médecin , et son mar-
» chaud libraire et imprimeur Ga-
» briel Buon , après m'avoir baisé les
» mains, confessa publiquement qu'il
» sentoit sa conscience chargée des
» blasmes qu'il m'avoit imposés ; par
» quoi il me demauda pardon par plu-
» sieurs fois. De ma part , je le requis
» au mieux qu'il me fut possible , et
» lui dis qu'il ne devoit point penser
» à cela , attendu que nous estions
» tous hommes (2).»
(C)... La Popelinière dit beaucoup
de mal de ces deux auteurs. ] Je l'ap-
porterai un peu au long ce qu'il en a
dit , et j'espère que cela ne déplaira
point à ceux qui aiment à voir les
choses en original , et qui auraient
trop de peine à trouver l'auteur que
je cite. « Ces deux , ores amis, ores
» ennemis , à la poursuite de leurs
» vacations, ont autant mal mérité des
» bonnes lettres , qu'ils estoient indi-
» gnes de les traicter. Voire aussi des-
» pourveuz d'esprit, de jugement, de
» mémoire, et de toutes les conditions
» qu'un bon naturel y peut appor-
» ter , que fournis de hardiesse à mal
» interpréter, el pirement escrire, ce
» qu'ils n'entendirent jamais. Et pour
» ce qu'à l'un quelques mal considé-
» rez voyages , et à l'autre une desré-
» glée volonté d'escrire , favorisèrent
» un peu leurs essais envers le vul-
» gaire, qui ne veut etnesauroit pren
» dre le loisir de bien examiner au-
» cime chose : ils se licentièrent tcl-
» lement à chafourrer le papier , que
» tous les imprimeurs de Paris, pré-
» férans leur mal mesurée capacité
>' d'esprit à tons ouvrages judicieux ,
» s'enoployoient comme à l'envi .1
les acheter , publier el faire veoir
» à tout le monde. Lt bien qu'ils
j> n eussent jamais esté bien instruits
» en leur jeunesse , voire sans .111-
» cime valable expérience des cho-
» ses de ce monde , pauvres d'ail-
(3) Tlievet, Klo^ps «les Hommes illu-tn - ,
tom. fil, paç. aya , 3()i , édition de itjy : .
in-12.
2S8
BELLEFOREST.
j) leurs et desnuez de tous les moyens
)> que les plus advisez ont tousjours
3> nommés les ailesde vertu, ces esprits
» universels toutesfois ont passé sur
3) toutes vacations. 11 n'y a langue ni
j) science qu'ils n'ayent profanées. Ils
» voir autant écrit que saint Augus-
» tin , ) sila pauvreté le fit parler com-
3) me un geay , c'est-à-dire, comme une
3) beste. Car il s'est monstre I rop brutal
en toutes sortes,versla postérité (3j. 3>
(D) Le Ghilini a commis beaucoup
ont mesme barbouillé L'histoire par- défailles dans un court éloge de Belle-
3) ticulière , générale et universelle à forest. ] Ce qu'il a dit de notre Belle-
3j leur sotte fantasie. Qu'y feriez- forest ne contient en tout que vingt-
3> vous ? Comme toutes saisons ont deux lignes. Voici ses erreurs : il
;> certains accidens , qui ne peuvent prend Comminges pour une ville de
3> opérer que mal à tous et nul bien Gascogne * ; il affirme que Belleforest
)> à aucun, desquels mesme on ne peut publia plusieurs écrits en latin, et
3) cognoistre ni rapporter les causes à entre autres les Annales de France
3» la faute des liommes -aussi s'est tous- en deux volumes , Y Histoire des
3> jours trouvé et se trouvera pour ja- neuf rois de France qui ont eu le
3) mais certains particuliers en tous- nom de Charles, YHisloire universelle
3) estats , lesquels ne pouvans que con- oh l'Abrégé de la Cosmographie.
3) fondre ou perdre tout , n'entre- Tout cela est faux : ces ouvrages
3) prennent rien qui ne préjudicie à là nommément , et tous les autres
J3 autruy , et ne profite à un seul. Ces de cet auteur , sont en français. Le
3) gens sont comme une démangeson , Ghilini ajoute que l'on voit de cet
33 présage d'une maladie à ceux qui écrivain un Catalogue des Hommes
)> en sont tourmentez. Les mains et illustres qui se sont rendus célèbres
)> les esprits frémiroient d'escrire à dans les couvens tant par leur science
3) ceux-cy : non pour le bien public , que par leurs actions , et YHisloire des
3) ains , pour leur profit particulier , saints Martyrs , en trois volumes.
3> qu'ils entretenoient au misérable Mais il n'y a nulle apparence que .ce
3- travail de leur plume effrénée. Si Catalogue ait jamais été imprimé. La
3. que je me suis souvent fasché, voiant Croix du Maine ne l'avait jamais vu,
33 la France bien pourveue de bons cer- et il savait seulement que Belleforest
3- veaux , que si foibles esprits, et qui en fit mention au feuillet ig3 de sa
3) ne se pouvoient recommander que Cosmographie. Du Verdier Vau-Pri-
3> d'un assidu mais doublement in- vas , intime ami de Belleforest , ne
3) fructueux travail , trouvassent qui dit rien de ce Catalogue ; et personne
3j voulussent perdre le temps à la lec- n'ignore que les auteurs renvoient à
3) ture de leurs ravauderies : encore des ouvrages qu'ils n'ont pas encore
3) plus, de recevoir leurs annales , his- donnés au public. Le même Du Ver-
3) toires et géographies universelles, dier nous apprend que la Fie , Pas-
3> imaginées, formées , escloses et pu- sion et Sépulture de saint Denis aréo-
» bliées en leurs solitaires tanières, pagite , et de ses compagnons qui lui
3> Ceux qui ne prennent la peine de furent associez au martyre , coltigée
33 s'informer des particularitez du de divers autheurs, par feu Jean,
3> monde , et surtout de remarquer docteur en théologie , grand prieur
j) le cours et issue des actions privées de l'abbaye Saint-Denys en France, et
u d'un chacun , ne sçauroient croire mise en francois par Belleforest , est
3> de combien Belleforest etThevet ont imprimée au IIIe. tome de l'Histoire
3) préjudiciéàlajeunesse,etparconsé- de la vie et mort des sàincts (4)Voilà le
3) (pie'nt à Testât, interprétans si mal et beau fondement des trois volumes de
3> souvent tout au rebours de bien , in- l'Histoire des saints martyrs attribuée à
3) finis passages ; corrompans et falsi-
3; lians les matières, supposansinfinies
3> choses qu'ils s'estoient ridiculement
3> fantasiez en leur trop mal dbndition-
3> né cerveau: sans parler d'un million .
3,d'autres,neptir,donti.ssontrape- ^Z^^I^^fS
3> tasse leurs foibles escrits. Aucun des Montrée ; la ville de Commises ayant été détruite
3) deux CatoilS n'exctiscroit en Cela Bel- en 585 par Gontrand , roi des Bourguignons.
3) lcforest, (encor qu'il se vantast d'à- (4) Du Ycrdier, pag. l-,2.
(3) La Poueîinière, Histoire des Histoires ,
pag. 456.
* Leductat ayant dit que la ville de Commin-
Resét.iit mentionnée par de Tliou, Sidoine Apol-
linaire, Giépoirede Tours, Joly explique que,
BELLEY. 289
Belleforest par le Ghilini , non pas de la ville de Belley , et de son
comme une version , mais comme un territoire qui est assez étendu ,
ouvrage primitif. Il lui attribue aussi appartenait à Vévéque ; mais
la traduction «les œuvres de saint (Jy- ,) r . Â ■
prien. S il eût consulte Vau Privas/il elle fut peu a peu soustraite par
y eût lu que notre homme ne traduisit un prince puissant et voisin SOUS
tpie certains traités de saint Cypnen l'ombre et le manteau de pro-
i5) , et cpie toutes les œuvres de ce iectwn. On voit encore dans
saint turent traduites par Jacques Ti- 7 i- , » , 7 •
geou. Enfin le Ghilini est un peu blâ- leS atrcnlves de l église quailti-
mable de n'avoir point su Tan mor- té d'excommunications lancées
tuaire de Bélleforest , et de l'avoir mis pour ce sujet, et plusieurs au-
environ l'an 1600 Quant aux louan- très d' opposition et de résislan-
ges eNcessives dont il couronne la me- r ■ -, ,
moire de cet auteur, on pourrait les lui ce ; mats en ces matières le
compter pour une faute , s'il n'y avait droit est en la force (c). Depuis
beaucoup de gens qui ont pu lui ser- cela les revenus de l'évèque sont
vir de guides dans cette prodigalité. fort diminués: car ses plus
J en citerai seulement un. C est un , , . ■*.-."
homme de grande leçon , disait René gr<*nds biens consistaient en
de Lusinge , en parlant de Belleforest , droits que cette rebelle seigneu—
qui n'ignore nen de ce que la l'ieil/e rie a usurpés, et qui étaient pres-
anuquilea laisse de confus , dont il lQUS dam ,a ■# (rf, \r y
esclaircit les passages avec grand soin 2 . . ,, v ' «
et bon langage (6). ce que ]e tlre d un ouvrage que
._,.,. . „ M. Camus , évéque de Belley, fit
(3) La nifine , pag. 3-i , 3>-2. • - ,, ,. /, n i'r i .
(6) René de Lusinge , Manière ,1e lire l'His- UnPn.mPP .' ™ 'b/»4- H y déduit
toire, cil,-' par Mart. Zeillerus, Je Ilistor. chro- CCS faits— là 3VeC quelques autres
nol. et geugrapli. , pari. II , pas. 172. 1 .- « * -, *■ , n
observations , afin de réfuter un
BELLEY, ville de France et moine qui avait parlé de cet évè-
la capitale de la province de Bu- che avec mépns (A). Je trouve
gei, est fort ancienne, puisque dans Guichenon , que Jean de
le siège épiscopalj est établi Passelaigue , évoque de Belley,
dés Van 412 (a). Consultez le obtint de Louis XIII en i635 la
Dictionnaire de Moréri , et ajou- confirmation de tous les privi-
tez-y ce qui suit. « Le diocèse de léSes concédés aux évéques
» Belley.... a quatre villes , six de ^llej par l'empereur Fri-
» gros bourgs, et plus de deux déric excepté toutefois le
» cents villages en dix lieues d'é- droH de régale, et fabrication de
» tendue en diamètre {b) monnaie (e). Ce Jean de Passelai-
>» La dignité de prince de l'empi- gue succéda à Jean-Pierre Camus
». re est jointe à celle d'évêque lIul avait commencé de gouver-
>» de Belley , qualité qui fut don- ner ce dl°cèse l'an 1609, et qui
» née par les empereurs à l'ar- avait trouvé beaucoup de désor-
.» cbevêque de Besancon et à dres dans les couvens (B) , et
>. ses trois comprovinciaux ou surtout dans celui de Saint-Sul-
.. suffragans , Bàle , Lausanne P.ice- Je. remarquerai par occa-
» et Belley ... La souveraineté slon la lrautIe pieuse qui a été
(à) Guicticnon , histoire de Bresse et l'.n-
gey , contin. de ta II'. pari. . pag. 12.
(b) Jean Pierre Camus, evèque de Belhj ,
pag, i3y de son Anli-Basdic.
TOME III.
(e) Là même , pitç. 1 5$.
d Là même.
(e Guiclienon, Hist de Bresse et de Bu-
aey , continuât, de la IL. partie, pas-
35,36.
»9
290 BELLEY.
publiée touchant la fondation de
ce monastère (C).
(A) Quelques autres observations
afin de réfuter un moine qui avait parlé
île cet évêche avec mépris. ] Ce moine
avait fait un livre intitule' L' Anti-
Camus. On y trouve ces paroles à la
page 39 : C'est chose bien étrange ,
qu'un petit diocèse oublié derrière les
uilpes , et dont à grande peine le
nom se peut-il trouver dans les archi-
ves de l'église , et de qui le pasteur ,
Jaute d'emploi chez soi , tant son dé-
troit est petit , va prêcher partout
comme un cordelier , se veuille non-
seulement égaler , mais rehausser par
dessus les papes , casser leur ordre , et
réformer leurs rè^lemens. « Le dio-
» cese n est point si petit , repond
J> M. Camus (1) , qu'on ne lui nomme
» cinq archevêchés , et plus de viugt-
» cinq évêchés en France , de plus
» petite étendue , dont les seules pro-
» vinces de Languedoc et de Provence
» en fourniraient plus de douze. On
» lui prouvera vingt archevêchés et
» six-\ingts évêchés en Italie de plus
» petite étendue que le diocèse de
3> Belley... Il n'est point derrière les
3> Alpes , si vous ne regardez les Al-
i> pes du côté de l'Italie en la ma-
» nière que pour nous l'archevêché
3> de Turin est caché derrière les Al-
2> pes. Quand il serait dans les Alpes
» en serait-il moins considérable ?
J) Combien y a-t-il de grands arche-
» véchés et évêchés , dans ce grand
J> monde de montagnes , Embrun ,
5) Tarantaise , Grenoble , Guienne
3> {1) , Maurienne , Syon , Lausanne,
3< Constance , Bàle , Arles , lvrée ,
"» tous diocèses fort renommés , égli-
« ses illustres et célèbres pour leur
» antiquité et leur étendue On
» lui prouvera que l'âge de ce diocèse
» que par mépris il appelle petit est
3> de plus de mille ans , et qu'il y a
» dans la seule France plus de trente
a ou quarante évêchés de plus fraîche
» date Ce n'est pas à l'aune des
■■> revenus que se mesurent les évê-
» chés , autrement un archevêché de
» Sicile , que je nommerais bien , qui
> n'a qu'une cure avec trente mille
(1) A la -page 137 de ï'Anli-Basilic.
'->) Il fallait d„e Genève.
» écus de rente , serait un grand ar-
» chevêche (3). »
Voilà des choses qui satisferont la
curiosité de plusieurs lecteurs , quoi-
qu'elles ne soient pas nécessaires à
1 article de la ville de Belley.
(B) Jean-Pierre Camus avait trouve
beaucoup de désordres dans les cou-
vens du diocèse de Belley. ] Voici une
partie de la description qu'il a donnée
de ces désordres. « 11 y avait une ab-
» baye (4) de moines richement, fon-
» dée , dont l'abbé était un capitaine
» huguenot marié , et gouverneur
» d'une citadelle voisiue , qui tenait
» tout le pays en son échec , et en
» alarme (5). »
11 lui prit envie de faire un haras
dans le couvent « et ayant amassé
quantité de cavales et jumens qui
sont fort grandes et belles en Bresse ,
il y fit venir des étalons d'Espagne
et d'Allemagne , et de grands ânes
d'Auvergne qui sont éuormes en
hauteur , pour former des mulets
de leur mélange avec des jumens ,
selon l'ordre établi dans ce haras...
L'église , grande comme une cathé-
drale , servait à resserrer les foins ,
pailles, et autres fourrages nécessai-
res à la nourriture de ces animaux
durant quatre ou cinq mois d'hi-
ver que la terre y est toujours cou-
verte de neige. A peine restait -il
une partie du chœur autour du
grand autel , qui fût libre pour les
moines , aiin qu'ils y chantassent
leur office , où ils le faisaient encore
comme rats en paille. Dans la mai-
son abbatiale il y avait plusieurs
soldats huguenots avec leurs ba-
gasses (bagage inséparable delà ré-
formation prétendue de ceux du cin-
quième évangile ) , et là ils faisaient
leurs prières, chantaient leurs psau-
mes , et au reste menaient une vie
joyeuse comme de moissonneurs et
de vendangeurs durant la récolte ,
et comme des vainqueurs qui par-
tagent le butin et les dépouilles de
leurs ennemis Monsieur l'abbé
prétendu réformé , pour fermer la
bouche aux moines et aller au - de-
vant de leurs plaintes , haussa un
peu le chevet à leurs prébendes ou
(3) La même, pag. i3i).
(4/ C'est sans doute cette de Sainl-Sulpice,
ordre de Ctleaux.
(5) Anti-Basilic, pag. 35i , 552.
BELLEY.
29 1
" portions canoniques , et par ruse et
» prudence humaine , les caressait
" extraordinaireinent , les recevant à
>• sa table dans la citadelle , où il
» leur faisait une chère d'abbé et de
" capitaine , les supportant en leurs
» humeurs , et les protégeant contre
» toute la noblesse voisine. La pri-
» vauté en vint jusques à ce point
» qu'ils l'appelaient monsieur notre
» abbé , et lui messieurs mes moi-
» nés , et disait mon abbaye , quand
» il parlait de leur maison.
» Au reste , ne vous imaginez pas
» que les moines s'amusassent à caté-
» chiser les soldats gouverneurs du
» haras , ni leurs compagnes dont on
» eût fait un autre haras de bêtes rai-
)» sonnables... Ce couvent devint une
>> église mi'itaire ; car vous ne voyiez
w que moines a la chasse avec les sol-
» dats tous l'arquebuse sur l'épaule :
>» les moines ne sortaient point que
x) sur de grands chevaux , et des meil-
» leurs , selon la permission et indul-
» gence que leur en donnait monsieur
» l'abbé , toujours bien armés , avec
» l'épée et le pistolet , et souvent la
» carabine : on les voyait ordinaire-
» ment en cet équipage rouler par le
» pays ; de sorte que l'on eût dit d'eux
» comme de la Sulamite du cantique,
» (pie c'étaient des chœurs de com-
» battans et des bataillons de cho-
■» ris tes (6).u
Ce beau train dura près de huit ou
ou neuf' ans. L'évêque lâcha quelques
fois des menaces d'en avertir le parle-
ment , ou le gouverneur, ou le lieute-
nant de roi , pour faire cesser ce scan-
dale ; mais les moines d'un côté se fai-
saient plus blancs de leurs exemptions
et privilèges que de leurs robes ,
et de l'autre ne menaçaient que de la
puissance de monsieur leur abbé , qui
comme un redoutable fléau tenait en
frayeur toute la noblesse , l'église et
le peuple du pays. El pour marque de
sa violence cl de son empire , n'alla-
t-il pas jusques à ce point d'attenter
sur la personne même du gouverneur ,
qui eut un homme tué a ses pieds en
la manière qui est récitée dans le Mer-
cure Français... Le roi pour punir cet
attentat commanda que la citadelle
fût rasée , et le tyran en fut déniché
aussi-bien que de son abbaye , et de-
(6) Anti-Basilic, pag. 353.
puis , retiré parmi les huguenots du
Languedoc d'où il était , il fut assas-
siné par ceux de son même parti et de
ses plus proches de sang , durant le
siège de Monlauban. L'abbaye fut
ôtée de commande et remise entre tes
mains d'un abbé projës de l'ordre
même , qui au moins en ôla le haras
et le scandale (7).
j4u pied de la même montagne il y
a un couvent de religieuses du même
ordre , dont les moines d en haut se
disent les pères , et le sont vraiment ,
car ils en ont la direction et la vi-
site : il n'y a aucune trace ni vestige
de clôture , ni d'aucune sorte d'obser-
vance. C est un abord général de tou-
tes compagnies , un vrai abreuvoir d'A-
frique. El sous prétexte de parenté et
consanguinité il s'y fait de merveil-
leuses conversations. Lorsque monsieur
labbé capitaine , dont nous avons
parlé ci-dessus , venait avec les plus
grands de son régiment voir son ha-
ras , il descendait en bas jaire sa
visite au monastère de la vallée , où
il était reçu avec beaucoup d'hon-
neur, et il est croyable qu'il leur fai-
sait de belles exhortations sur le ver-
sel 9 du chapitre 7 de la première
aux Corinthiens. Tant y a que c'é-
tait un concours perpétuel de con-
versations et de familiarités
un Jlux et reflux continuel de com-
pagnies ; les grands y entraient ,
les petits en sortaient , la porte y
était toujours ouverte a tous sans dif-
férence de sexe ni d'âge Bref le
désordre y était , et les ulcères tel-
lement invétérés , par faute de juge-
ment et de discrétion , que la licence
y était prise pour une liberté honnête ,
et ce libertinage y tenait lieu de fran-
chise (8).
Cent et cent exhortations publiques
de l'évèque, et mille remontrances par-
ticulières ne servirent de rien contre
ces abus. « A la lin il leur fit connaf-
» tre qu'il y allait de sa conscience
» de souffrir plus long-temps ce dé-
» règlement , vu que par le concile
» de Trente la clôture des moniales
)> doit être établie par les évêques et
)> ordinaires , de quelques privilèges
» que leurs ordres se parent : ce que
» leur ayant fait voir , oyez la sufE-
(;) L'a même , pag. 354
(8) La même.
292
BEL LE Y.
j> sance de Jeux révérends qui eurent
» en divers temps la conduite spiri-
y> tuelle de ce bénit troupeau , et qui
m empêchaient formellement cette clô-
3) ture : le premier répondit que le
3) concile de Trente avait été fait par
)> des évêques , et par conséquent
« qu'ils n'étaient pas tenus d'y obéir,
» parce que leur ordre était privilé-
» gié et exempt de la juridiction des
» évéques, et que les conciles des moi-
3) nés étaient leurs chapitres géné-
» raux. L'autre beaucoup plus habile
» dit que ce concile n'ayant été fait
» que par trente évêques, quand ils
3> eussent même été quarante ou cin-
)> quante , il ne pouvait avoir lieu en
» l'église universelle, de laquelle les
3) moines faisaient la plus illustre
3) part, la plus parfaite et accomplie,
j) parce qu'elle était en l'état de per-
3; fection. Il y eut une moniale de
3> beau , je ne sais si de bon esprit ,
3) qui sifflée (pour ne pas dire souf-
3> fiée) par ces excellens pédagogues,
3> ou pour mieux dire pères , répon-
3> dit un jour à une des remontrances
33 de M. D.B. : Monseigneur, il sera-
3) ble que vous ayez résolu de nous
33 griller toutes vives sans que nous
33 l'ayons mérité. A laquelle il repar-
33 tit promptement, mais froidement:
33 Ma sœur, vous montrez bien à ce
33 discours que vous êtes fort vive , et
33 peu morte à vous-même, c'est-à-
33 dire , bien peu mortiGée : car com-
33 me le poisson qui est encore vif,
33 saute de dessus la grille, et se roule
3> parmi les charbons, ce que ne fait
» pas celui qui est mort ; aussi les
3) moniales qui ne sont pas bien mor-
33 tes au monde, et de qui les passions
•33 sont vives, et quelquefois vivifian-
33 tes, aiment mieux comme des sale-
j> mandres et piralides , vivre parmi
33 les brasiers des conversations, selon
i) la pensée de saint Bernard qui
>3 compare le moine fréquentant le
,> siècle sans s'y perdre , au miracle
33 des trois enfans de la fournaise, que
3i demeurer encloses dans une grille
>3 crucifiées avec Jésus-Christ , leur
>3 époux. Tant y a que M. C. ni l'ab-
■) bé qui succéda au capitaine , depuis
33 général de l'ordre , ni tous les supé-
;3 rieurs de l'ordre, n'ont jamais pu
» ni renfermer ni réformer ces bon-
» nés dames, de qui la bienséance et
» la pudeur m'empêchent d'en dire
33 davantage , laissant le surplus â
33 l'imagination du lecteur , qui sur
33 ce que j'en ai dit peut former ses
33 conjectures de ce qui se cache sous
33 le rideau du silence (9).
L'ouvrage dont je tire ces mor-
ceaux n'a pas été oublié par M. Baillet
dans sa curieuse liste des Anti , non
plus que I'Anti-Ermite, et I'Anti-Moi-
ne du même M. Camus. Il dit de ces
deux derniers qu'ils se sont trouvés
tellement attachés à la fortune des au-
tres ouvrages de cet auteur, que l'on
ne sait presque plus s'ils ont jamais
été au monde. S'ils continuent avec
la même précipitation , qu'ils ont fait
jusqu'ici pour courir a leur anéantis-
sement , soyez assurés que la mémoire
en sera bientôt effacée , et qu'il sera
difficile d'en sauver même les noms
dans les catalogues de librairie (10).
Cela ne convient pas moins qu'aux
autres à celui qui a pour titre /.Anti-
Basilic pour réponse a l' Anti-Camus ,
par Olenix du Bourg-l'Abbé. J'ai
donc lieu de croire qu'on aimera
mieux que j'aie donné de longs ex-
traits de cet ouvrage, que si je m'é-
tais servi d'un renvoi qui eût été inu-
tile à la plupart des lecteurs.
11 y a dans le récit de M. Camus
quelques négligences qu'il est bon de
remarquer. i°. 11 ne nomme point
l'abbé huguenot , ni la citadelle dont
cet abbé était gouverneur. Je supplée
à ce défaut , et je dis qu'il parle de
Pierre d'Escodeça, seigneur de Boesse,
baron de Pardaillan, maistre de camp
du régiment de Champagne, et gou-
verneur de la citadelle de Bourg en
Bresse. 20. il était de Guienne, et non
pas de Languedoc. 3°. Le désordre
qu'il commit dura si l'on veut huit ou
neuf ans, mais non pas à la vue de
M de Belley qui ne fut sacré évêque
qu'en 160g. Or la citadelle de Bresse
fut rasée l'an 161 1 (11). 4° • Le roi n'a-
vait donc pas ouvert encore le pas de
sa majorité ; 5°. et l'on ne peut pas
dire que le gouverneur ait commis
toutes ces rages sous la minorité de
Louis XIII.
(C) La fraude pieuse qui a été pu-
bliée touchant la fondation de ce mo-
nastère.'] « La vieille chronique deSa-
(c|) Anti-Basilic , pag. 355.
(io) Ba.llet, art. CVI des Anti.
(ii) Voyez le IIe. tome du Mercure Fiaft-
rais , pai;, m. i33/
» voye MS porte qu'Ame II du
nom, et premier comte de Savoye,
seigneur de Bugey, fit vœu de fon-
der une abbaye dans ses états pour
avoir lignée ; et qu'ensuite il eut
un fils appelé Humbert , lequel
étant tombé malade , et craignant
BELOY. 293
» Pontigny , à dessein et y faire péni-
» tence et d'y mener une vie austère ,
« et qu'Ame 1er. , comte de Savoye
» étant sur le point de faire le voyage
y. de la Terre Sainte , pour les y re-
» tenir , leur donna des lettres et des
x privilèges
de le perdre faute d'avoir accompli » Quant a la cause de la fondation ,
son vœu , il fit bâtir et fonda l'ab-
baye de Saint-Sulpice en Bugey à
la persuasion de la comtesse de Sa-
voye sa femme. Voici les mots de
la Chronique :
» De nuit nu fit par plusieurs fois
sospirott la comtesse ; dont l'y de-
manda le comte qu'elle avoit. Mon-
sieur , dit-elle , paour que ne nous
mesad vienne de Humbert nostre
fils. Powquoy (dit- il ) ? Pour cau-
se , dit la dame , que vous avez
voué à nostre Seigneur dejonder un
ordre de l'habit au saint prodomme,
sire Bernard, abbe de Clerevaux ,
se Dieu nous prestoit lignée ; et
vous n'en avez encores riens Jait,
ains le mettez en no/uhaloir. Lors
respond le comte : JVe vous doublez ,
car je le accompliray au plaisir
il est certain que tes historiens de
» Savoye ont erré d'avoir publie que
» ce fut après la naissance du jeune
j) comte Humbert , fils dudit Amé... ;
» car les concessions du comte Amé
» portent en termes exprès te con-
» traire , la première desquelles , qui
» est datée à Yenne , en présence de
» Ponce , évéquede Belley, et d'Hum-
» bert , évéque de Genève , dit ainsi :
» Igitur quicumque ista iegerit et au-
» dierit, hoc donum me fecisse cog-
» noscat, tempore quo in moutanis
» fiatres hospitando retinui , scilicet
» antequàmde uxore meâ habuissem
» infantem ; et la seconde : Noverit
» omnis tam extraneus quàm propin-
» quus hanc meam donationem fe-
» cisse antequàm de uxore me;! , Ma-
libe
tildi nomine , liberos aliquos pro-
Dieu brief ■entent. Si eust le comte » crc.lssem (i3). »
conseil à plusieurs en quel lieu il Je ne saurais me persuader que ni
foivleroit l'abbaye belle ; puis in- le hasard ni l'ignorance aient pro-
forme du lieu se transporta sur une duit le mensonge que Guichenon a
montagne située en Bugeys , oh il réfuté. C'est plutôt l'effet de l'artifice
fonda une abbaye belle et sotem- des ecclésiastiques. Ils font venir 1 eau
nelle sous le nom du confesseur à leur moulin autant qu'ils peuvent ,
monsieur Saint-Sulpice , laquelle il et pour animer les grands à faire des
fournil et doct>i convenablement; fondations ou des donations pieuses ,
et y mit abbé et religieux prodom- ils supposent des exemples de fécon-
mes it louer Dieu de la lignée qu'il dite, ou de guérison , ou de quelque
luy avoit prestée. Paradin en son autre avantage temporel , qu'ils at-
histoire de Savoye (*) a suivi de
point en point la chronique Ms. de
Savoye, et ajoute qu'après que l'ab-
baye fut achevée, et le vœu .iccom-
plij le jeune prince de Savoye revint
en convalescence ; cotant le temps
tribuent à la piété libérale.
(i3) Là même, pag. 10a.
BELOY (Pierre de (a) ) , avo-
cat général au parlement de
de cette fondation avant l'an in8 Toulouse, n'avait point encore
(,2).>> Guichenon réfute cela très- t charge, lorsqu'il écrivit
hdement : il dit qu il a trouve dans j • j • •■ «
; archives de Saint-Sulpice, qu'en Pour les droits du r
m n3o, « quinze religieux de l'or- contre la ligue. S'i
dre de Cileaux , et un nomme Ber- testant, il n'aurai
, nard qui était leur supérieur , allé- ce,a • tfçfafâ
> rent aux montagnes de bugey par ,, *
) la permission d? Hugues , abbé de et d une vertu tr(
solidement : il «lit qu »
les archives de Saint-Sulpice, qu'en pour les droits du roi de Navarre
an n3o, « quinze religieux de l'or- contre la ligue. S'il eût été pro-
dre de Cileaux , et un nomme Ber- testant, il n'aurait rien fait en
fort naturel ,
es- ordinaire ;
, comme il était catholi-
( ) Livre 3 , chap. 4i.
{12) Guiclienon, Ili-ioire Je Bresse et de
B.igey , continuation de la II', p.irt. , pn;.*. (a) C est ainsi qu'il se nomme , et non pas
101. Pierre Belloi.
294
BELOY.
mie (fr , et à Paris , lorsqu'il pu- traduite en latin.-] J'en ai vu deux tra-
?.. v ' ' il- durtions en cette langue. Lune, si
blia un ouvrage contre la ligue , Fon sVn rapporte a(1 titre ? fut impri_
on le doit regarder avec quelque me'e a paris, chez Jacques Petit-Chou,
sorte d'admiration. Cet ouvrage en i586. On ne voit à l'autre , ni le
est intitulé Apologie catholique «?« de l'impression , ni le nom de
... -S, °,, 7 ,.y l'imprimeur: mais on y trouve le
contre les libelles , déclarations , ^ p]us ,on'g qu,, poriginal ? et UQ
avis et consultations , faites , e- avertissement du traducteur.
crites et publiées par les ligués (B) Les ligueurs traitèrent son Apo-
perturbateursdureposdurojau- ^ de libelle diffamatoire.-] Voyez
r ' " r. \ ,j le livre intitule Réponse des vrais ca-
me de France , qui se sont ele- thofiques jra„cais a l'Avertissement
vés depuis le décès de feu mon- des catholiques anglais , pour l'exclu-
seigneur frère unique du roi , sion du roi de Navarre de la couronne
nai E D L. I. C. Il parut en de France. L'édition dont je me sers
1 ,' -Cr; T1 *.■£ -.„i,;+ est de l'an )58q. Vous y voyez au re-
l'annee i585. Ilaete traduit vers du ti1re ,* catalogue &s/i*e//«
en latin (A) : les écrivains de la diffamatoires auxquels on prétend ré-
ligue le traitèrent de libelle dif- pondre : l'Apologie catholique par
famatoire (B) : et l'auteur se vit ^°J est le troisième de ces libelles.
, , v J , r .- J'ai vu une réponse particulière aux
expose a une rude persécution principaux chefs de cet ouvrage de
(C). Il était un docte junscon- Beloy , laquelle passe pour être de
suite et il avait beaucoup de Bellarmin. L'auteur prend le titre de
lecture. Il avait déjà publié quel- Francisons Romains. 11 n'attaque son
,. >/Xi. ^ A, adversaire, ni sur la généalogie delà
ques autres livres {V). Du Fies- maison de Bourbon , ni sur la bâtar-
sis-Mornai le reconnaît pour le dise qu'on objectait à Henri IV , à
vrai auteur de Y Apologie catho- cause du mariage de sa mère avec le
,. , s duc de Clèves, ni sur la dispute de la
tique [C). préférence de l'oncle au neveu : il rc-
Je produirai un fragment de *dui(. tout a la rejigion) et au fonde.
lettre , qui sera un bon supplé- ment de la bulle, qui ne déclarait le
ment à cet article CE). roi de Navarre déchu delà succession,
J'ajoute à ce que j'en ai déjà et incapable de régner qu'à cause de
o ujuuic i ~c H ,J f son hérésie. La première chose que
dit la véritable durée de sa de- Franciscus Romulus entreprend de
tention. Cayet se contente de faire voir est que l'auteur de l'Apologie
dire qu'elle dura plus de deux nest point catholique, comme il s'en
?sl\ ,iiaic T\f>]r.v raconte vante, mais un frar.c hérétique, ou
ans (d); mais Beloy raconte t_ê'tre même un atWe. /y05 /5l-tIir>
qu'elle dura quatre années .Je ul ejus „eitigiis insistamus , demons-
rapporterai ses paroles; ce qui trabimus primum auctorem A pologiœ
servira de supplément à la liste falsb sibi catholici nomen assumere ,
•■> ■ j Â~ J„ ,.£,, «,i,r.-o_ cù'ii aut hœreticus , aut fartasse etiam
que jai donnée de ses ouvia- ^^ ^ ^ J^ ^^
ges (F). l'entêtementpour certains dogmes par-
ti) Voyez, la Chronologie uovennahe de
Cayet, tout. I .folio 17 verso.
le) Du Pl'eSsis, Mémoires, tom. I, pag.
65^. Voyez aussi M. de Tliou , liv. CX,
pag. 628.
(d) Voyez la remarque (C).
" Les paroles de Cayet qui fixent à deux
ans ou un peu plus la durée de la détention
de Beloy , ne regardent que la détention
dans la Bastille.
h) Son Apologie catholique a été
..-tpour certains dogmes pai
ticuliers , qui au fond ne sont pas de
l'essence d'une religion. Ceux qui se
coiflènt de ces dogmes particuliers
soutiennent effrontément, que qui-
conque les combat est un faux frère ,
un prévaricateur , un espion , un
traître, et pour tout dire en un mot,
un athée. Il se trouve de ces sortes
(1) Franciscus Romulus , Respons. ad pr»ci-
pua capila Apologiae qua; falsô Catbolica inscribi-
lur, pag. 5.
BELOY. 295
dentelés dans toutes les communions, monsieur de Vie , gouverneur pour le
sans excepter les réformés sortis de roi , qui le reçut, le présenta depuis a
Fiance. Bellarmin leur doit servir de sa majesté , et pour récompense de
miroir pour connaître leur illusion ; ses peines il est aujourd'hui avocat
car celui qu'il accusait d'hérésie , et général en l'une des ours souveraines
qu'il soupçonnait d'athéisme, a tou- de ce royaume (7). On trouvait donc
jours fait profession de la catlioli» ité dans la destinée de ces deux auteurs
en fort honnête homme. Voici un pas- une image de ce qui fut dit au mau-
sage d'Antoine Arnauld : Qui fisteeste vais riche (8) : mais c'était une image
réponse sanglante contre C Apologie défectueuse ; car Louis d'Orléans pro-
cathnlique , sinon les jésuites , qui spéra encore après avoir essuyé quel-'
employèrent toutes leurs estudes pour ques fatigues infiniment (dus légères
dire contre la personne et les droits de que ses rébellions furieuses ne liiéri-
sa majesté régnante ce qui se peut taient.
excogiter de faux et de calomnieux (D) Il Si publié quelques au-
au monde (1)? très livres.] La Croix du Maine fait
(C) Il se vit exposé à une rude perse- mention des quatre suivans : Decla-
culion. ] Cayet raconte qu'au temps ration du droit de légitime succession
qu'il faisait son livre (3) l'on mettait sur le royaume de Portugal apparie-
en parallèle le principal écrivain des nant a la reine, mère du roi très-ehi'é-
royalistes , et le principal écrivain des tien, à Anvers et à Paris, en i58a,
ligueux (4). Il veut parler de Pierre in-8°. ; Panégyric ou Remonslrance
de Beloy et de Louis d'Orléans. Tous pour les sénéchal , juges, mage et cri-
deux, disait-on, ont fait publier leurs minel de Tolose , contre les no-
livres sans se nommer : celui de la ligue taires et secrétaires du roi de ladite
plus éloquent , mais calomniateur ; ville, à Paris, en 1682 , in-^° . • Requête
celui du parti du roi de Navarre, plus verbale pour les susdits seigneurs et
docte et jrancais. Celui de la ligue , officiers de Tolose , contenant une
au contraire du royal, a eu la récorn- Apologie et défense à l'advertisse-
pense de ses écrits premièrement , cl ment publié au nom des docteurs ré-
futfa.it avocat général en la cour sou- §ens de l'université de Tolose, à Pa-
veraine du royaume , durant la puis- ris > en ' 533 , in 8°. ; firiève explica-
sance de la ligue , et depuis il a eu tion de l'an courant 1 583 , selon le ca-
beaucoup de peine et de mal.... Mais lendrier grégorien, à Paris, en 1 583 ,
celui qui. a écrit pour la majesté des in - 8°. La Croix du iMaine ajoute
roi* a eu la peine, les prisons elles qu'en î 584 on imprimait à Paris un
afflictions au commencement. L'an 88 ouvrage du même Beloy , savoir Sup-
(5), il fut enferme* dans laConcier- pulation des temps depuis la création
gerie (6). Après la mort du duc île <!'* monde jusqu'en i582, séparée en
(.aise , l'on le changea de logis : la deux colonnes diverses, et qu'il parle-
Bastillejul le lieu où il fut très-étroi- rait ailleurs des écrits latins de cet
tentent tenu plus de deux ans ; et ayant auteur. Le Catalogue d'Oxford con-
trouvé le moyen d échapper , s'etant tient , Pétri Beloii Variorum juris ci-
sauve a S ai nt- Denis , il y trouva "Mis libri IV, et Dtsputatio de suc-
cessionc ab intestato , etc. , à Paris, eu
(3) Arnauld, Plaidoyer contre les jésuites, en '583; plus, la O'njcrence des edits
1394, pag. a3. de pacification et explication desdits
(S) Cesl-a-dire , Van i6o5. eiiUs f a parjs j en ,6oo , l/J-80. Beloy
Jto Lhronolog.e oovennaire, ton. /, folio ,o est auieur d'un Commentaire sur le-
iht qui ordonnait L'union du patri-
moine du roi au domaine de la cou-
(5) Voyez la remarque (E) , iinme'diateinent
au-dessus de la citation ( 10J.
* Le livre pour lequel il fui enfermé et dont
de Thou parle sans le désigner autrement que
parles mots grandem Ubrum, est , dit Leduchat,
intitulé : Moyens d'abus, entreprises et nutlit/s
du rescri/it et bulle de Sixte V, contre Henri ,
roi de Navarre, et Henri, prince de Condé ,
i586, iu-8°. ( Votez Bayle lui-même dans *a
remarque (T) de l'article Hospital. )
(fi) M. de Thou.&V. XCIII, pag. 25i , dit
nue ce fut par ordre du roi.
ronne , à Toulouse, en 1608, in- 8".
(E; Voici un fragment de lettre qui
sera un bon supplément pour cet arli-
cle.~\ Voici c-* que l'auteur des Notes
sur la Confession de Sanci et sur le
(7) M. de Thou en parle, lu: LXXXTf ,
pan. M.
(8) Evangile de saint Luc, chip. XVI, v. ai.
296 BELOY.
Catholicon a eu la bonté de ni'écrire. » i588. M. Ménage a cité une ouver-
« J'ai un livre qui aurait pu vous » ture d'audience de Pierre Belloy ,
■» donner bien des lumière* au sujet » prononcée l'an \6<>g (10). » L'au-
i) du fameux jurisconsulte Pierre Bel- teur de cette lettre a inséré une par-
» loy. Le titre en est , Réplique faite tie de ces faits dans la seconde édition
» a la réponse que ceux de la ligue de ses Notes sur la Confession de San-
» ont publiée contre l'examen qui ci (1 1) , et il remarque une chose que
>) avait été dressé sur leur prétendu je ne dois pas oublier : c'est que notre
■» discows touchant la loi Salique de Beloy naquit dans la ville de Montau-
33 France, 1587. On y voit une am- ban (12), et que ses trois frères aî-
» pie et belle généalogie de Pierre nés furent tués au service du roi con-
3» Belloy, qui fait honneur à cet ha- tre les huguenots.
bile homme , et qui le prouve bien (F) Cette remarque servira de sup-
gentilhomme d'une maison origi- plément a la liste.... de ses ouvrages.]
naire de Bretagne , transplantée en L'épître dédicatoii e(i3)de son Exposi-
)> déjà prisonnier en i58}, et que j'ay esté presque contraint par mes
5) par conséquent c'était le roi Henri amis de revoir et passer les yeux sur
» III qui l'avait fait mettre eu prison, une partie de la Supputation des
3) par complaisance pour les Guises , temps (i4)> que j'ai dressée d'autie-
■» qui l'accusaient d'ailleurs d'être un Jois en la prison de la Bastille de Pa-
» brouillon et un hérétique, et qui ris, où j'ay esté durant quatre ans de
3) l'avaient déjà l'année précédente la tyrannie de la ligue, pour donner
3> fait accuser envers le roi par un cest échantillon au public. Concluez
3) évêque , que je soupçonne être G. de ceci qu'il devait donner encore
33 Roze, d'avoir fait le livre pour le- d'autres ouvrages de cette nature ,
» quel M. de Thou nous apprend que d'autant plus qu'il appelle cette petite
3) François le Breton, qui en était l'au- Dissertation sur les Semaines de Da-
3> teur , fut pendu en t 586. On y voit mel le premier Essai de ses histori-
3) encore que Belloy était d'une fa- ques discours. Il faut donc ajouter
.) mille dont tous les membres avaient cette Dissertation au catalogue des
3) toujours été bons catholiques, et ouvrages de Beloy. Elle est intitulée
3) lui particulièrement ; qu'à l'âge de Exposition de la Prophétie de l'ange
3) vingt-un ans , il avait été nommé Gabriel touchant les septante Semai-
3) régent en l'université de Toulouse, tics descriles par le prophète Daniel
3> par l'université même , et par le au chap. IX de ses P roplttlies , par
:» parlement ; qu'ensuite, après avoir M. maislre Pierre de Beloy , etc. , à
» fait la fonction d'avocat àToulouse Tolose , en i6o5, in-S°. On a aussi
3> quatre ou cinq ans, il fut reçu con- oublié les suivans : De l'Origine et
)> seiller au présidial de cette ville , Institution de divers ordres de cheva-
3> avec des marques d'une distinction lerie, tant ecclésiastiques que proj'a-
3) très-honorable par le parlement de nés, dédié a monseigneur le dauphin
■)> Paris ; et que ce qui avait don- de Viennois , duc de Bretagne , à
3) né prise sur lui dans Paris aux 11- Montauban , chez Denis Haultin , en
j) gueurs ses ennemis , c'était que 1604 , in-8°. ; Arrest de la cour de
3) pendant le long séjour qu'il avait parlement de Tolose , prononcé en
3> été obligé d'y faire en qualité de l'appellation comme d'abus relevée
3> député de ses confrères en cour (qï, par f 1ère Jean Journé , religieux de
3) son zèle pour son prince et pour sa l'ordre de saint Dominique , et pro-
3> patrie l'avait porté à s'opposer à
» plusieurs mauvais desseins de la li-
i> gue. Au reste , puisqu'il est con-
3> stant. qu'il était déjà prisonnier en
j> 1587 . on n'a pas raison de dire
» qu'il ne fut mis en prison qu'en
(10) Ménage, Origines de la Langue française,
au mol Chaperon.
(11) Pag. 20 et 21, édition de 169g.
(12) Je Cavait fait natif de Toulouse, nie
fondant sur La Croix du Maine.
(i3) Elle esladresse'e a M. Bridait de SilleiJ,
(0) Pour une affaire qu'ils avaient, coulre les Sarde ,les sceaux-
notaires de Toulouse. («4) Voyei ci-dessus dans a remarque (DJ.
EELOT.
vinciab audit ordre en la province de
JTolose , sur la procédure contre lui
ordonnée par les sieurs évesques de
Candnn et d'Aure , contenant le plai-
doyé sur ce fait, par M. maistre Pierre
de Beloy , conseiller et avocat général
du roi audit parlement, à Paris, sui-
vant la copie imprimée à Tolose , en
1612, in-S°. (i5).
(i5) Tiré d'un Mémoire manuscrit , commu-
nique par M. Lancelot, de la Bibliothèque ma-
sarine a Paris.
BELOT *(N.), avocat au con-
seil privé du roi , sous le règne
de Louis XIII, publia un livre
qui le fit entrer avec peu d'hon-
neur dans la fameuse Requête des
Dictionnaires (A). II entreprit de
prouver qu'il ne fallait pas se
servir de notre langue dans les
ouvrages savans , et il allégua
entre autres raisons , qu'en com-
muniquant au peuple les secrets
des sciences , on a produit de
grands maux. Il promettait un
autre ouvrage (B) , où il devait
faire voir le détail de cette
preuve.
* Leclerc croit que ce personnage est
Michel Belot , natif de lilois , licencié en
droit à Orléans m i6'32. vivant encore en
lt>66, et neveu de G. Rihiei dont il fit im-
primer celle même année les Mémoires en
deux volumes in-folio.
(A) // fît un livre qui le fit entrer. . .
dans la fameuse Requête des Diction-
naires.] M, Pellisson en paris : « Le
sieur E 'lot , avocat , de'ilia aussi à
» l'acatlémie en ce temps-là , si je ne
» me trompe, un livre que je n'ai pu
» trouver, et dont il n'est point fait
■» de mention dans les registres, inti-
» tulé Apologie de la langue latine ;
» et c'est ce qui a donné occasion à ce
i' bel endroit de la Requête des Dic-
» tionnaires :
» T. a pauvre langue laliale
» allait être troussée en mate,
» Si te bel avocat Belot, etc. (1) »
Ce que M. Pellisson entend par et ce-
tera contient onze vers que voici :
(1) Pellisson, Hist.de l'Académie française
pag. irp , 196.
297
Du barreau le plus çrand falot,
N'en eusl pris en main la défense ,
Et protégé son innocence.
En quoy certes , ri sa bonté' ,
Et son zèle , et sa charité ,
Se firent d'autant plus paroistre ,
Qu'd n'a l'honneur de la connoislre;
Semblable à ces preux chevaliers,
Ces paladins aventuriers ,
Qui, deffendanl des inconnues ,
Ont porté leur nom jusqu'aux nues.
J'ai ce livre que M. Pellisson ne put
trouver , et j'en vais dire quelque
chose ; car il faut qu'il ne soit guère
connu, puisque dès l'an i65o (2) il
échappait aux recherches des plus cu-
rieux. 11 a pour titre , Apologie de la
langue latine , contre la préface de
monsieur de la Chambre en son livre
des nouvel/es Conjectures de la J)i-
gestion , dédiée it monseigneur Se-
guier, chevalier, chancelier de Fiance.
Il fut imprimé à Paris, l'an 1687,
in - 8°. , et contient environ 80 pa-
ges , y compris l'épître dédicatoire ,
la préface, etc. L'auteur expose (3)
qu'il le publie par contrainte, et en
apprend l'occasion. Je te dirai que
monsieur de la Chambre. ... m ayant
obligé de lui dire mes sentimens de ses
premiers Traités , ma franchise me
porta de lui en reprocher le langage,
etaynuf. néanmoins continué d'écrire
en français , il a pensé qu'il était obli-
gé de faire a son livre des nouvelles
Conjectures de la Digestion , une pré-
face en faveur de notre langue contre
la latine , laquelle m'étant adressée
sous le nom du lecteur, je me suis
trouvé engagé d'y répondre par cette
Apologie , que mes amis m'ont tiêie
des mains en se servant de l'autorité
de personnes qui ont tout pouvoir sur
moi , pour m obliger de la donner au
public (\\ Il a mis à la fin du livre la
lettre qu'il écrivit a messieurs de l'a-
cadémie française.
(B) Il promettait un autre ouvrage. ]
Notez qu'il voulait que M. Seguier s'in-
téressAt dans cette cause par des rai-
sons de politique. Il y va du bien de
l'état , et de celui de la religion , di-
sait-il. Les anciens Romains , à son
compte , se trouvèrent mal d'avoir
employé à tout la langue vulgaire.
Ce sont là les effets que les secrets des
(ï) C'est en ce temps-là que M, Ptllisson_/m-
sail /'Histoire de l'Académie.
(3) Dans la préface.
(.'() Rclot, préface , folio Ai;.
2Ç,8
BEMBUS.
savons , mal h propos découverts aux et il y fut heureux : car Ses Azo-
lains eurent une vogue extraor-
dinaire (b). Il parut beaucoup à
la cour du duc de Ferrare , et
à celle du duc d'Urbin , qui
étaient alors les plus polies de ce
pays-là , et le rendez-vous des
plus beaux esprits (c). Il témoi-
gna publiquement sa gratitude
pour l'estime dont le duc et la
duchesse d'Urbin l'honorèrent,
car il fit un livre à leur louange
(d). Il était bon poëte , tant en
italien , qu'en latin ; mais on
le blâme justement d'avoir pu-
blié des poésies trop libres et
trop impures (E). Il est un de
ceux qui ont été accusés d'avoir
parlé de la parole de Dieu avec
beaucoup de mépris (F) : peut-
être n'en blâmait-iï que le style.
On n'est pas d'accord sur le sexe
de ses enfans (G) , mais on s'ac-
corde à dire qu'ils étaient illégi-
times , et au nombre de trois.
On a une de ses lettres , qui té-
moigne que ses deux aïeules ont
vécu cent ans (H). Il mouiut
peuples , ont produits chez les Ro-
mains , et dont l'exemple serait aussi
périlleux a notre monarchie , qu'il a
été dommageable h cet empire. Je
laisse à part les belles considérations
qui pourraient être tirées de chaque
science , et qui feraient voir plus clai-
rement , de quelle importance il est de
les tenir cachées , ou du moins ne les
déclarer qu'à des personnes qui en fus-
sent capables. Ce sera dans un traité
de Politique a qui j'ay donné le nom
de\& France , ou la Monarchie parfai-
te , où Von trouvera sujet d'etonne-
ment et d'admiration , en examinant
combien la connaissance qu'on a don-
née de la philosophie aux peuples , a
fait de brouillons et de sophistes ; com-
bien celle de la théologie , d'héréti-
ques et d'athées ; la morale , de faus-
ses vertus et d'hypocrites ; et combien
la médecine que l'on professe en notre
langue a fait d'empiriques et d/homi-
cides , qui tuent plus d'hommes que la
peste et la guerre ensemble , et qui
n'ont point trouvé d'autre moyen de
vivre que celui défaire mourir impu-
nément tant de monde (5). Il n'est pas
inutile de conserver la mémoire de
ces sortes de faussetés de l'esprit hu-
main. Ce sont des poisons qui peuvent
servir de remède.
(5) Belot , Apologie , etc. , pag. 28 et suiv.
BEMBUS (Piekre) , noble vé- l'an 1 547 ^ ' dans sa soixante-
nitien , secrétaire de Léon X dix-septième année (/). Speron
(A) , et puis cardinal , a été l'une Sperone lui attribue d'avoir fait
des meilleures plumes du XVIe. grand cas de la connaissance des
siècle, quoiqu'il faille convenir langues (I). Si cet article est
qu'il est quelquefois tombé dans court, c'est à cause que M. Mo-
le ridicule , par l'affectation de réri a parlé fort amplement du
des termes de cardinal Bembo.
ne se servir que
l'ancienne latinité (B). Son His-
toire de Denise a été par-là
fort exposée aux censures de
Juste Lipse. Elle a été critiquée
par d'autres à l'égard de la bonne
foi (a). Ses Lettres n'ont pas été
plus épargnées (C). Il commença TeeqUp6ol
àe bonne heure à courir les ris-
ques de la qualité d'auteur (D) ,
Lorsque sa mère fut morte , il
écrivit à Bernard Bembus , son
père, une belle lettre de consola-
(b) Voyez la remarque (D).
{c) Job. Casa , in Vitâ Bembi.
(d) C'est celui de Guido Ubaldo Feretrio
deque Elisabethâ Gopzagiâ , ad Nicolaum
(a) Voyez Boditt,Me'tbodehist., cap. IVt
pn«. 9H.
(e) TbuaD. , Historiœ lib. III, subfinem.
(f) Et non pas dans sa soixante-hui-
tième année, comme dit Moréri , après avoir
remarqué qu'il naquU en 1^70 , et qu'il mou-
rut en l547-
BEMBUS. ?99
tion. Il y dit que cette femme les-ci sont divisées en VI livres, et
avait vécu quarante-huit ans 'es autres en XVI. Léon X avait un
• j autre secrétaire, qui était aussi pu-
avec son mari dans une concor- riste queBembus (,'. Jl lesavait cffi-
de qu aucune plainte n avait ja- sis avant que de sortir du conclave où
mais interrompue (K) ; et il pa- il fut promu à la papauté (a). M. Gra
rait fort affligé d'avoir perdu
cette bonne mère. On le blâma
d'avoir suivi la coutume des flat-
teurs, auprès de qui le mérite
des vivans surpasse toujours celui
des morts ; car il publia que Paul
III était plus docte que Léon X.
Il est bon de voir comment il se
disculpa (L). Le conseil des dix
le nomma , en 1 53o , après la
mort d'André Navagiero , pour
écrire l'Histoire de la républi-
que de Venise {g) (M). Son âge
de soixante ans lui eût fait fuir
cette peine , s'il n'eût mieux ai-
mé s'incommoder, que de ne
point rendre service à son pays
(h). Il faudra que je dise un mot
du dessein qu'on prétend qu'il
eut de refuser le cardinalat (N.)
Son historien s'est étendu là-
dessus , et n'a pas manqué de
dire que ce récit passerait pour
une fable auprès d'une infinité
de gens qui jugent de leur pro-
chain par eux-mêmes. Il a ex-
primé noblement ce lieu com-
mun (0) , comme ou le verra
ci-dessous (>i) ; et je l'examinerai
plus au long dans la dernière
remarque de cet article.
P.embus, Epist. XXV. lib. III , pag.
Soi.
(A) Bembus. initioEisl. Rerum Venetarum.
(t) Citation \ i ' .
(A) Il était secrétaire de Léon X. ]
11 écrivit un fort grand nombre de
Lettres pour ce pape : la façon lui en
avait été payée largement , et il a eu
de plus toute la gloire de les avoir
composées ; car elles ont paru sous
son nom , et de compagnie avec elles
qu'il avait écrites pour lui-mècue. Cel-
verol Favocat aurait publié avec des
notes les Lettres qu'ils écrivirent pour
ce pape , si une mort prématurée n'eût
arrêté ce travail.
(B) II est quelquefois tombé dans le
ridicule, par i affectation de ne se servir
que des terme* de l'ancienne latinité."]
« Combien l'affectation de ne se ser-
» vir que de mots d.^ Cicéron , et de
» ce qu'on appelle la pure latinité ,
» a-t-elle fait écrire de sottises à cer-
» tains auteurs italiens ? Qui ne rirait
» d'entendre dire à Bembe , qu'un
» pape avait été élu par la faveur des
» dieux immortels , deorum irnmor-
» talium bénéficias ? » C'est de l'au-
teur de l'Art de penser que j'emprunte
ces paroles (3). Avant lui , Juste Lipse
avait critiqué judicieusement et agréa-
blement tout ensemble la latinité de
Bembus (4) Il le blâme , eutre autres
choses , d'avoir rapporté que le sénat
de Venise écrivit au pape , « Fiez-
» vous aux dieux immortels , dont
» vous êtes le vicaire sur la terre j »
Uti fidal diis imnmrtalibus , quorum
uicem %erit in terris. Après cela , on
ne doit point s'étonner qu'il se soit
Servi du mot de Déesse , en parlant
de la Sainte Vierge. C'est dans une
lettre (5) , où Léon X reprnebe aux
babitans de Recanati , d'avoir donné
de mauvais bois pour le bâtiment de
Notre-Dame de Lorctte , et leur com-
mande d'en donner de meilleur : « de
» peur , dit-il , qu'il ne semble que
)> vous vous soyt z moqués, de nous,
» et de la déesse même ; » JYe lum
nos , lum etiam deant ipsam , inani
lignorum inutilium donatiorie lusisse
videaniuù. Les termes que le christia-
nisme a consacrés , comme fuies , ex-
commumeatin ont paru barbares à
cet écrivain : il a mieux aimé se ser-
vir de persuasio pour Jides , et de aquee
(i) C'était Jacques Sadolet, ijvi fut ensuite
eardmal.
la) Rimlius, Hist. Rerum Venetar. , infine.
(3) Art de penser, III'. part. , chap. XIX,
pag- 36r>, édition d'Amsterdam, en iri85.
(<j) Lipsius, Epist. LVII, cnitur. II . Mit-
cellan. , pag. i--.
(5; La XVII*'.. lu, VIII». livre.
3oo
REMBUS.
et ignis interdiclio pour excommunica- grecque à Messine , il composa un
tio. Lipse lui trouve d'autres défauts , Traité latin de Monte .Etna , qui fut
quelques italicismes , et même quel- imprimé l'an i486 (9)- Etant retourné
ques solécismes. Le même Lipse, dans chez sou père, il le suivit quelques
ses notes sur le chapitre IX du 1er. li- années après à la cour d Hercule d'Est
vre de sa Politique , comprend en peu duc de Ferrare. Il s'y lit aimer et con-
de mots ce qu'il a plus amplement sidérer : et ce fut pendant cette vo
montré dans la lettre ci-dessus citée.
Il dit , entre autres choses , cùm tant
curinsè h verbis sibi cat'eril , repetio
alibi quœ non dicant Tulliana non
sint , sed vix latina. La phrase offerte
naves , qu'il lui critiqua , serait plus
pardonnable à un Flamand ; parce
que le même mot Flamand , qui si-
gnifie mener, signifie aussi porter,
d'où naissent quelquefois des expres-
sions bien plaisantes dans la bouche
des Flamands qui commencent à parler
français. L'Histoire de Venise , que
Lipse a tant critiquée par rapport au
style , a paru à notre M. de Baizac
l'ouvrage d'un petit esprit , et d'un
auteur sec et rampant (6).
(C) S'<n Histoire a été critiquée... ses
Lettres n'ont pas été plus épargnées. ]
On a défié ses amis d'en montrer une
qui ne pèche lourdement contre la
grammaire , et qui ne soit remarqua-
ble par quelque insigne puérilité , et
d'ailleurs vide de bonnes choses. Ut
cœteram carminum ejus nbscœnitatem
iaceam , quid ejus Epistolis ineptius ,
et quidem Mis quas ponli/icis maximi
nomine et de rébus maximis scripsit ,
et ad firos maximos ? Mentiar ego
cum Scipione Gentili (*), et luam gra-
vi poenâ , si vel unam mihi in tôt il-
lis voluminibus Epislolam ostendant
amatores ejus, quœ non insigni aliqun
vitio grammatico laboret , autpuerili
aliqud ineptideonspicua sit et démons
gue , qu'il écrivit ses Azolains. Ce
sont des discours d'amour, ainsi nom-
més , parce qu'on suppose qu'ils fu-
rent faits dans le château d'Azolo. Il
n'avait alors que vingt six ans (10).
Ce livre italien eut un grand succès ,
tant parmi les hommes , que parmi
les femmes : on aurait passé en Italie
pour un novice , si l'on n'avait pas
eu connaissance de cet écrit, Eos li-
bros tantJ hominum , mulierum eliam
médius Jidius approbatione , et tan-
quam plausu exceplos récentes esse
meminimus , ut extemplb cuncla eos
ludia cupidissimè lectvârit , atque
duliceiil : ut non satis urbani aut élé-
gantes ii haberentur , quitus Aiulanœ
illœ Disputationes essenl incognito;
(11). 11 a été imprimé beaucoup de
fois. Un certain Jean Martin , secré-
taire du cardinal de Lenoncount , en
fit une traduction française , qu'il pu-
blia l'an i545.
Il la fit sur l'édition italienne de
l'an i54o , qui avait été précédée
de trois ou quatre autres depuis celle
de l'an i5i5; et il observe cela , afin
d'empêcher qu'on ne s'étonne des dif-
férences qui se trouvaient entre sa
version , et l'original imprimé chez
Aide l'an i5i5 (12). S'il leur plaist
considérer , dit-il (i3), que depuis ce
temps l'œuvre de M. Bembo a esté
trois ou quatre fois réimprimée , et
que ledict seigneur Bembo en a ex-
trabilis. Ne quid de rébus ipsis atque pressentent nslé plusieurs choses qui lui
semblaient superflues ; mesmes que la
dernière impression ( laquelle j' af suj
vie ) est de l'an mil cinq cens qnaran
te , fnicle ( comme il est à présuppo-
ser ) soubz son auctorité et licence ;
scienliis dicam sapientiœ inanissimis
et miré languidis , et ( repetendum est
enim , quod ejus proprium maxime
est , ) ineptis (^).
(D) // commença de bonne heure à
courir les risques'de la qualité d'au- mon opinion est qu'Uz ne diront que
leur. ] Pendant les trois ans (8) qu'il j'ayeencest endroict faict tort à lauc-
passa dans la Sic le , écolier de Con
stantiu Lascaris, professeur en langue
(6) Voyez sa Dissertation sur une harangue
prononcée à Rome , pag- 973. C'est te IXe;
Discours de ses Oliuvres diverses.
(*i Comment, in Ep. Paul, ad Philem. , cap.
XVIII.
(7) Lanzius, Oratione contra iuliam , pag.
(8) C'esl-à'dire , depuis 1482 , jusqu'en i485.
(r,)Berobus, Epist. VI, lib. 11.
(10) Joli. Casa , in Vitâ Berabi , pag. i43.
(n) Idem, ibidem.
(12) On voit au Catalogue de la Bibliothèque
de Nicolas Heinsius, h la page i83 de la IIe.
partie , Gli Asolani di Pii-tro Bembo, Aid. i5o5.
Il est sûr qu'ils furent imprime'* celte année-là.
Voyez la VHlOettre du IVe. livre de Bembus.
("1 3) Jehan Martin, Avis aux lecteurs. Oui.-
trouve à la fin du livre.
BEMBUS.
Soi
teur. Ceci sert de quelque chose à
Gafl'arel , qui , se voyant censuré
d'employer sa plume à des matières
peu convenables à un ecclésiastique ,
se couvrit de L'autorité de plusieurs
exemples , et nommément des Azo-
lains du cardinal Bembo (i4)- On pou-
vait lui opposer que cet ouvrage fut
composé par un jeune gentilhomme ,
qui n'avait encore nul engagement à
l'état ecclésiastique ; mais il eût pu
répliquer que l'auteur en fit une nou-
velle édition depuis son cardinalat.
(E) On l'a accuse d'avoir publié des
poésies trop libres et trop impures. ] On
a déjà vu (i5) ce que Lanzius lui re-
proche ; et voici un passage de Scali-
ger : Petrus Bcmbus elegiaco ( car-
miné ) eam partent corporis huniani
ami de ne lire point les Épîtres de
saint Paul , de peur de gâter son style.
Adverlile , atuhtores , inepîi honunis
impietalem cum pari stultiiid conjunc-
tani. Is siquideniEpistolas omnes Pauli
palam condenmaiil , easque deflexo in
contuiueliam ^ocrtèu/oEpistolaccias est
ausus appellarc , cum amico auctor es-
set ne illas altingeret , vel si cœpisset
légère, de manibus ejiceret, si elegan-
tiani scribendi et eloquentiam adama-
ret (20). D'autres prétendent qu'ayant
su que Sadolet expliquait l'Ëpître aux
Romains , il lui dit. : « Laissez là ces
» niaiseries ; elles siéent mal à un
» homme grave. » Oniitte has nugas j
non enim décent gravera virum taies
ineptiœ (21) *. Nous verrons ailleurs
(22) un conte qu'on a fait courir , et
celebravit , sine quâ nulïa obscœnilas qui marquerait qu'il ne croyait pas
foret. Legalur ejus elegia , cujus ini- l'immortalité de Pâme.
(G) On ne s'accorde pas sur le sexe
liant :
Ante alias omnes, meus Lie quas educat
liortus,
L'n.i puellares allicit berba raanus.
OuO'l poëma mérita focare possis ob^
Scœnissiruam eleganliam, aut eleganlis-
simarn nbscœnitatem- Unius etquadra-
ginla distichoru7iiest(\6). M. de Thou
et M. Ménage vont me servir de nou-
veaux témoins : celui-là , par ces paro-
les, Jllius (Bembi) multalicentiosius,
ut temporum nequitia et donum eue
serviebat mores jérebaul , scripla ex-
stanl (17) ; celui-ci, par cette remar-
que : <( S'il était vrai que le (Jasa eùl
» été exclus du cardinalat , à cause
m de ce poème , le cardinal Bembo
» aurait été plus heureux que lui ;
» car les vers licencieux qu'il lit dans
» sa jeunesse , et qui sont encore plus
» licencieux que ceux du Capitolpdel
» Forno . ne l'empêchèrent pas cPêtre
» cardinal \,i8) »
(F) et d'avoir parlé-de la parole
de Dieu avec beaucoup de mépris. ] Je
n'ai pu remonter que jusques à un
auteur allemand , nommé Thomas
Lanzius , qui a publié diverses haran-
gues pour et contre les nations de
l'Europe. 11 dit , sans citer personne
(19) , que Bembus conseillait à un
(i4) Gafl'arel , prrface des Curiosités inouïes.
(i5) Ci-dessus, citation (7).
(16 Scaliger, Confut.it. Fabulœ Burdoouni ,
fit :; ■ iz'i.
(i-; Thum. , lib. III . sub. fin.pag. 66.
(iS) Menasse , Anti-Baillet , ckap. CX Y
fig Kortij; cite Scipio Gentilis , Couimentar
; dEpist. Pauli ail Pbileiw. , pag. i,o.
de ses enj'ans.~\ M. Moréri lui donn«
deux fils et une bile ; mais Imperialis
observe que Bembus garda toute sa
vie une concubine , de laquelle il eut
trois tilles (23). Il est certain que
Bembus avait un (ils nommé Torqua-
to , auquel Manuce a dédié son Vir-
gile. Je ne doute point qu'Imperialis
ne se soit trompé ; car Jean de la Casa,
qui a écrit la vie de Bembe avec
beaucoup d'application , marque ex-
pressément que sa maîtresse lui don-
na deux fils , savoir Lucilio et Tor-
qualo , et une fille nommée Hélène ,
qui eut pour mari Pierre Gradeuigue.
11 remarque aussi que cette maîtresse
était une belle femme , et que Pierre
Bembus , bien fait de sa personne ,
poli , galant , doux et honnête, était
fort aimé dans les compagnies. Pen-
dant son séjour à Ferrare , le duc Her-
cule d'Est , et. Lucrèce Borgia , femme
d'Alphonse d'Esl , lui témoignèrent
une amitié particulière (24)-
(H) On a une de ses leltrts qui té*
(ao) Laniius , Oral, contra Ilaliam , pag. ^83.
(ai) Greg. Micbacl, Not. in Curiositates Gafl'a-
rclli , pag. m.
* Ces paroles que s'est appropriées G. Miclicl
dans sa traduction latine des Curiosités inouï .
ctf Gaffarrl sont, dit Joly , de Victorin Slri-
gelius , ué en ID24. auteur <l\.n < orumenlaire
-m les psaume*. <e^t dans son i implication du
psaume 1^ qu'on les trouve.
(as) /'h /if la remarque (P) de l'article Mt-
lancbthon , a la fin.
(23, imperialis , in Mus.-to Lislorico-
(a.'t) Jobao. Casa , ir. Visa Bembi.
3o2 BEMBUS.
moiene que ses deux aïeules ont vécu privari lectissimâ prudentissimâque
cent ans. ] Comme cette lettre est conjuge , cum quâ duodequinquaginla
courte , je la rapporte toute entière annos sine clla querela concordissimè
■ 25) : on y verra que Benibus aurait vixisses , ttbi patn meo acerbissimum
volontiers sacrifié ces dei.x vieilles alque luctuosissimum pularem futu-
femmes à la vie de feu son Irère. rum , hnrum duarum causarum altéra
Petrus Bembus HerculiSlroUo. Avias me abs te levait sentiebam , etc. (29).
ambas meas ejfœtas , deploratasque Cette lettre , datée d'Urbin le 22 de
feminas , et jam propè centum anno- novembre i5og, est un grand éloge
rum muiieres mihi juin reliquerunt : de la mère, et un illustre témoignage
unicumfralrem meumjuvenem acfio- de la tendresse du fils. Elle mérite
rentem abstulerunl , spem et solatia d'être lue d'un bout à l'autre. Bernard
mea. Quamobrem quo in mœrore sim Bembus avait déjà des petits-fils. Sa
ipse facile pnles existimare. Reliqua femme avait vécu près de soixante-dix
ex nieis ïiitelliges. Heu me misenun ! ans. 11 y a une autre lettre de Pierre
Vale Id. Jftn. i5o4. Kenetiis. Il fut Bembus, où l'on voit sa tendresse
beaucoup plus sensible à la mort de fraternelle ; car il y représente vive-
sa mère. Voyez la remarque (K). ment l'infortune de sa sœur , afin
(l> Speron Sperone lui attribue d'à- d'obtenir du patriarche de Venise
voir fait "rand cas de la connaissance quelque remède aux malheurs de cette
des langues ] C'est-a-dire , de l'avoir femme. Elle était mariée à un homme
préférée au marquisat de Mantoue. abandonné à toutes sortes d'impure-
Io sa nulla per rispetto a que' gloriosi : tés, et qui donnait à des créatures
ma auel p>>co che io ne so délie lin- prostituées toute l'amitié qu il devait
«ne non lo cangierei al marchesato à son épouse. Marcelti ejus manu me-
di Mantoua (26) Comme un faiseur de retncio amore animus lurpiter abalie-
dialogue ne se fait pas une religion de natus (3o). De Marcello etiam spero
ne faire dire à ses personnages que ce fore , ut cùm se ille meretricid consue-
ciu'ils ont dit enèctivement , je n'ap- tudine plend infamiœ , plend calanu-
m-ouverais pas trop que l'on soutînt talis , liberatum per te solulumque se-
nne Pierre Bembus a eu réellement et dato anima alque pacato cognont , tibi
d'effet le coût que Speron Sperone lui gratins agat , qubd illum belluarum
attribue qu'on le soutint, dis-je , more sine pudore , sine lege , sine ullo
sans autre preuve que le dialogue officia degentem ad hominum vitam
de cet auteur Quelqu'un a cité Spe- ralionemque traduxens (il). 111a mal-
ron Sperone comme si Bembe n'avait traitait horriblement , sans se laisser
uarlé ciue de son talent d'écrire en attendrir par la patience , par le si-
latin (In) ■ mais il est sûr , par les pa- lence , par la pudeur , avec quoi elle
rôles aue' l'ai citées , que Bembe a tâchait de le ramener a son devoir,
carié en -énéral de la connaissance Nolo libi commemoraie quot aut
qu'il avait des langues : et il ne faut quantas indignitales , Antonia soror
pas s'imaginer qu'il ait prétendu ex- universum liennium perlaient , dum
clure la grecque , qu'il avait apprise prudens alque oplima mulier, huma-
en Sicile sous Lascans jusques au point mtate , pudore, contuienlia , labore
d'écrire très-bien en grec (28). etiam summo suo , quodque inhujus-
(K) Sa mère avait vécu quarante- modi rébus solet esse difJiciUimum ,
huit ans avec son mari dans une con- taciturmtate , vin improbitatem , per-
corde qu'aucune plainte n'avait jamais ditissimosque mores placare , ac Jtec-
interrompue } Voici ses termes : Cùm tere in meliuscupit O2). C est une let-
duœ essent causœ quibus maxime cotn- tre encore plus belle que 1 autre. Elle
moveri dtbui ad luclum, una, qubd est datée d'Urbin , le 7 de juillet ijio,
vie parente optimd meîque amantissi- et cela fait naître une petite difficulté ;
md orbatum viderem : altéra , qubd te car on y suppose que la mère de Bem-
bus était vivante : Curandum tibi certe
(25) Cesl la XVI'. du III'. IU>. , pag. 486.
(26) Speron Speroue , dans le dialogue délie (2gj petlus Bembus , Epist. VI , lib. I, pag.
Lingue fohu i»7 verso. /J26.
f 2-ï Teisner, Addit. à M. de Thou, loin. I, (3o) Bembus , Epist. 1 , Idt. F, pag. 55f>.
„ae 11 (3l) Ibidem-> PaS- 5tia-
&) Min. Casa , m Viti Bembi. P») ***"» . P<* • *"•
BEMBUS.
3o3
est ne soror mea , ne pater , ne mater ,
ne universa nostra fami'ia... securè
tandem ac plane libéré irrideamur(S3):
et nous avons vu qu'au mois de no-
vembre i5og on écrivit à son mari
une lettre de consolation sur son état
de viduite. Il est fâcheux que tant de
lettres de grands hommes soient mal
datées (34).
On voulut qu'il la commençât où Sa-
bellicus l'avait finie (37) , et qu'il la
continuât jusques à son temps. Cet
intervalle comprenait quarante-qua-
tre années (38). Il ne le remplit point •
car il termina son ouvrage à la mort
de Jules II. Cette histoire est divisée
en XII livres , et fut imprimée à Ve-
nise , l'an 1 55i , et contrefaite la mê-
(L) Unie blâma de flatterie.... voici me année à Paris , chez Michel Vas-
cnmment il se disculpa. ] Lorsqu'il cosan, in\°. Elle fut ensuite imprimée
à Bâle , avec les autres oeuvres de
Bembus, en trois volumes in-8°. , l'an
1567. Ni lui , ni aucune autre person-
ne , ne put tirer nul profit du travail
d'André Navagiero , qui avait eu une
semblable commission , et qui ordon-
na en mourant qu'on brûlât tous ses
écrits (39). On a vu dans la remarque
(B) le jugement quia été fait de cette
histoire de Bembus.
(N) On prétend qu il eut dessein de
refuser le cardinalat.] Moréri en parle
assez au long • mais il n'a point fait
connaître les beautés que Jean de la
Casa qu'il copie a répandues sur ce
récit. Cet historien de notre Bembus
déclare qu'il sait bien que plusieurs
personnes rejetteront cette partie de
son narré ; et que comme la plupart
des gens jugent d'aulrui par eux-mê-
mes , on ne trouvera point croyable
que Pierre Bembus ait sincèrement
méprisé un grade d'honneur , que
presque tout le monde juge très-digne
des vœux les plus passionnés et les
plus ardensj mais que pour lui, qui
écrit pendant que les choses sont en-
core fraîches, et pendant qu'une par-
tie des acteurs sont encore en vie, il
fie doit pas être soupçonné d'impos-
ture; qu'après tout, il n'a pas eu
peur des apparences de mensonge qui
accompagnaient la vérité qu'il avait â
dire, se souvenant bien que la faute
de ceux qui osent mentir dans une
histoire n'est pas moindre que la faute
de ceux qui craignent d'y étaler la
vérité. Non plus que M. Moréri , je ne
représente pas les beautés de l'origi-
nal; c'est pourquoi je les ferai voir
elles-mêmes à ceux qui entendent le
latin. JYon sum nescius mutins fnre.
qui nnstra; oratinm hw ai rc parum
Jiilei hab'-ant : pterique étant omnes .
quid de attend volunlate credendunt
(37) Environ l'an i486.
(38; Bembus , inilio Hist. Rerum Venetar.
(iq) Idem, itid.
mit au jour , en i535, les lettres qu'il
avait écrites au nom de Léon X , il les
dédia à Paul III , et le déclara beau-
coup plus savant que n'avait été
Léon X. Eas aulem ad te,Paulc, potis-
simùm lilteras mitlo , qui et ponlifex
taux anus es , ut Léo decimus fuit , et
in oplimarum artium disciplines mullby
quant die , habitas doctinr. Vera enim
Juleri omnes non solum honestè possu-
mus , sed etiam debemus. On trouva
que cet éloge passait les bornes : on
n'y voyait ni le caractère de Bembus ,
ni le souvenir des grandes obligations
qu il avait à Léon X , ni la vérité.
Esse nnnnullos qui me in laudan-
do Paulo Pont. Max. tnngiùs pro-
gressant esse putenl quant aul mei ntn-
res , aul summa in me Leonis JC offi-
cia , aul verilas omninb ipsa postula-
nt (35). Il répondit au Molsa , qui
l'avait averti de cette critique , qu'il
n'avait donné la préférence a Paul 111
qu'à l'égard des belles-lettres , où les
malheurs domestiques avaient empê-
ché Léon X de faire de grands pro-
grès ; qu'il s'était bien gardé de juger
Lequel des deux surpassait 1 autre en
prudence , en fermeté , en tempéran-
ce , en bonté , en libéralité ; qu'il
n'était pas difficile de connaître que
le pape Paul avait plus d'érudition que
l'autre ; qu'il n'avait jamais manqué
de reconnaissance pour Léon X , quoi-
qu'il lui fût moins redevable de sa for-
tune qu'à Jules II : Tametsi medtam
plus partent earunt quas haben fnrlu-
narum nninium Julius secundus Pont.
Max. eut nunquam inser.'ivi confie
Ut (36).
(M) Il fut nomme... pour écrire /'His-
toire de la République de Venise. ]
(33) Ibidem.
(34) rqjtêt, tom. I"., la remarque (B) Je
l'article (d'André) Ahmomils.
(Ï5) Bembus, Epist. LXXXV , Ub. VI, pag.
-01.
Ufi) Id. , ibid. , pag. 70a
3t>4
BEMBUS.
sit , de sud conjecturant faciunt : ila- fait la même remarque , par rapport à
que , incredibile multis uisuiu iri in- ceux qui assistent à une oraison fu-
telligo , Bembum id vere atque ex nèbre. « La louange, disait-il, que
aninio aspernaium esse , qund omnes , » les auditeurs se croient capables de
Jerè sumrnd cupidilate , expetendum «mériter, n'est point sujette à la
atque optabde esse exisltment , ta- » critique ; mais si elle surpasse leurs
metsi scribtmus hœc revenu hujus » forces, elle les rend envieux et in-
j'acti memorid , multisque , qui in » crédules : ils la prennent pour une
agendo adfuerunt, superslilibus , quos » fiction et pour une flatterie. » Ea-
mendacii atque impudenitœ nostrœ tenus tolerabiles sunt alienœ laudes ,
conscios ac testes habere cur veli- qualenùs seipsum quisque parent ar-
nius causa nulla est. Sed quoniam par bilralur alicui illarunt assequendœ :
eorum peccalum esse censemus, qui quibus verb imparem , iis ini'idil ,
menliri in historié audent, atque eo- jîdemque non kabet (4^). Le fonde-
rum , qui dicere verum rcf'ormidant ; ment de tout cela est que chacun s'ac-
mendacii specicm , verum tùrn dicturi coutume à mesurer à son aune les
essemus, non horruimus (4o). Je me actions d'autrui. Quœ volumus et
sens obligé de dire ici que je ne suis credimus libenter , ce sont les paroles
point de ceux dont Jean de la Casa de Jules César (43) , et quœ senlimus
prévoyait l'incrédulité : j'ai vu dans ipsi, reliquos stniiie speramus. Rien
les lettres de Pierre Benibus tant de n'est plus facile que de tromper ceux
caractères, non-seulement d'un hon- qui n'ont jamais trompé , et rien n'est
nête homme, et d'un ami généreux et plus difficile que d'attirer dans un
officieux, mais aussi d'un savant qui piège ceux qui ont toujours agi frau-
préférait aux vanités et à la pompe de duleusement (44)- On devine bientôt
la cour la tranquillité d'une retraite la raison de cette facilité, et de cette
qui permet de se consacrer tout entier
aux muses, que je n'ai aucune peine
à m'imaginer qu'il souhaita tout de
bon de n'être point cardinal.
difficulté. Une bonne âme , simple et
sincère, ne soupçonne pas qu'on soit
enclin à la fourberie; et la-dessus,
elle agit sans beaucoup de précau-
(0). . ■ Son historien. . . a dit que tion ; mais un fourbe , se persuadant
cela serait regardé comme une fable que les autres hommes sont faits com-
par ceux qui jugent de leur prochain me lui, se tient en garde contre tous
par eux-mêmes ; et il a ea primé noble- les artifices qu'il sait bien qu'il em-
menl ce lieu commun. ] C'est ce que ploierait en semblables occasions. On
l'on vient de voir dans ses paroles la- a de coutume déjuger désavantageu-
tines • et par conséquent il ne me reste sèment de ceux qui se défient de tout,
à pro'uver si <5e n'est qu'il y a là un et qui, croyant sans aucune peine tous
lieu commun. Je le ferai voir sans les mauvais bruits qui courent de leur
peine. Il y a long-temps qu'on a mis prochain , nient ou révoquent en
entre les difficultés du métier d'histo- doute, ou interprètent en mal les
rieu. la coutume qu'ont les lecteurs plus belles et les plus louables actions
de prendre pour des mensonges les dont on leur parle. On leur applique
actions sublimes dont ils se sentent ce que Phèdre a dit de certaines gens,
incapables. At mihi quidem , disait qui prennent pour une offense per-
Salluste .... in primis arduum ui- somielle les descriptions ou les censu-
re tur , res gestas scribere , primùm, res du vice. « Est-ce ainsi , leur a-t-il
quodfactadiclis exœquanda sunt : de dit, que vous avez l'imprudence de
hinc , quia plerique , quœ deticta re- révéler les secrets de votre cœur ? »
prehenderis , malevolentiâ et invidid
dicta putant , ubi de magna virtute
atque glorid honorum membres , quœ
sibi quisque faciliafactu putat , œquo
animo accipit , 'supra, uelulificlapro
falsis ducit (40- Pe'riclès avait déjà
(4o) Joannes Casa, in Vitâ Pétri Bembi,ptf£
i5o Colleclionis Batesii.
(4i) Sallust. , in Proœm- Belli Catil. . pa$
lel".
Suspicione xi quis errabit sud,
El rapiel ad se quod eril commune omnium,
Stultè nudaba attirai conscientiam (45).
f4?) Thucydid. , lib . TI,pag. 100, loi , edit.
lalinie Franco/., an. i58g.
(43) Cœsar. , de Bcllo civili , hb. Il, pag.
(44 1 Foyez les vers fiançais que je rapporte
dans la remarque (A) de l'article d'Eva.
(45) Phœd. , lib, III, m prolo^o.
BEMBUS.
3o5
D'autres s'étaient déjà servis de cette Ut quisque pessimus est, ita de aliis
pensée. Ciceron a dit : Neminem no- pessimè suspicatur. Qui fastu tumet ,
mino , quare irasci mihi ncmo polerit, supcrbos ; qui dii'itiis inhiat, avaros ,
nisi qui anlè de se voluerit conjiteri qui sanctitatem Jingit, hypocritas ;
(46). Saint Jérôme a dit depuis: qui dolos versai, proditores ; qui nulld
Quando sine nomine contra vitia scri- jide et conscientid est, conscientiam
bilur , qui irascitur accusalor est sut pensi non haberc una secum omnes
(47 • On prétend donc que ces cré- exislimat. ■ . . (49J- Si figilantianis ,
dules à l'égard de la médisance, qui qui nullos castos ex clero ci edebant ,
sont d'ailleurs incrédules à l'égard de benè objicit Hieronymus , satis nsten-
ce qui comble de gloire leur prochain, dant quant sanctè vivant , qui malà de
témoignent le mauvais état de leur omnibus susjjicantur ; certè satis con-
âme , leur disposition à mal faire, scientiam tuam , quant jaclas puram ,
leur impuissance par rapport au bien, quant sit tetra et impia ostendis, qui
M. le Fèsre se servit de ce lieu com- de scriploiibus romanis, parisiensi-
mun contre ceux qui voudraient dire bus , modernis , antiquis , grœcis ,
qu'il avait fait une' action fort con- latinis , imperatoribus enristianis ,
traire à la piété , en soutenant que le summis pontificibus anliquissimis ,
passage de Josephe touchant Jésus- conciliis generalibus plenissunis , sex
Christ est une pièce supposée. « Ils fe- christanis seculis , tetra et impia non
» ront voir, dit-il, que l'impiété ne suspicaris modo, sed certissimè ajjir—
» leur paraît qu'une bagattlle , s'ils mas,ubinelei>issima quidemjustasus-
» en accusent les autres sans nulle rai- picionis umbra est (5o).
» son. » Si quis tanten aliter judica- Notez qu'il n'y a point de matière
vent, et meunt senbendi consilium in sur quoi les catholiques romains se
crimen detorscrit , is, ut ait »iixa>Ta.TGç soient plus servis de ce lieu commun ,
que sur le chapitre de la continence-
car ils ont affecté de dire que ceux qui
accusent les ecclésiastiques de ne la
point garder, et ceux qui en jugent
presque impossible l'observation, sont
des impudiques qui jugent d'autrui
par eux-mêmes (5iJ. Le jésuite qui ,
sous le faux nom de Joannes Baptista
Gullus , écrivit contre M. de Thou ,
poêla ,
Stultè nmlabit anirui conscientiam.
Q uemadmodltm enim et rectè et verè
olim pronunciavil Amphis ,
cç-'Ç c/xvt/ovri y.viiiv Trt&nsu ,
ett/TOÇ êfl-IOfJtfîv foldYûJC tTriçcttctt ,
Sic non minus verè dici potest , qui
ob rem nullam alios impietatis insimu- eut l'audace de débiter que ce grand
lant , eos satis apertè ostendere quant homme ayant la réputation d'aimer
Levé peccalum e.tistiment tant dirum les femmes, croyait aisément que les
scelus (48). Les deux vers grecs de ce autres hommes avaient le même dé-
passage ont un très-beau sens; ils si- faut, et lui allégua Néron. ()u, d de
gnifient que celui qui n'ajoute point de IVerone Jerunt , qui cùm perditissimè
foi aux sermens de son prochain n'a et impurissimè viveret , caslum esse
nulle peine à commettre des parjures, passe neminem censebat (52). Osten-
Cela ressemble beaucoup à ces paro- dunt, continue-til , ajebat S. Hiero-
les de Tertullien contre un faiseur de nymus de hœrclicis agens , quant caste
jugemens téméraires : Si potes ista de vivant, qui benè de alits senlire aut
aliis credere , potes et facere. Un de Loqui nequeunt, a-cjiîç àTstç9*xi>tç <f«t-
ceux qui écrivirent contre Marc-An- /AirpmuTt aL-ra.vTx.ç. Ce grec est cité
toine de Donnais fit bien valoir ce comme de Grégoire de Nazianze.
lieu commun. Hic aliud argumentum Ce qu'on allègue de Néron se trouve
adducam, quo ostendam, conscientiam
tuam et fidem meritô liobis et cordato , (M), r"M" Aonosus Vereraentanus Tbeologns
. . J , , j\ta . • (c esl-a-dirt , Jean Flovd , lesuite «"«toi,) ir.
cuivis suspectant esse debere. IVostt, ilypocrisl Marci Anionii de Domini» detecti ,
Opinor, oraiOlis dictunt, CUJUS verita- pas;. 116, 117. Alegainbe le nomme Aonosus
lem quotidiana experientia déclarât : Fidelis Verimontanus.
(5o) Id. , ibid. , pag. 134.
(4<3) Cicero , pro Lege Maniliâ.
(4-) RuCn, lib. I , cap. III.
(4S) Tanaquiltas Faber , Epistol. XLIY , lit.
I . pas- "S-
TOME III.
(5i) Voj*% les Nouvelles [.étires contre 1«
Calviniamc de Maimbourg , pag. 681.
(5j) Jo. -Baptista Gallus, in Notation, in Jac.
Auausli Tbuam Hisloriaruiu libros, cap. IX,
20
3o6 BÊMÈ.
dans Suétone , et en plus forts termes. EÊME , meurtrier de l'amiral
L\ x nonnuuis comperi, dit 1 historien j„ ri **n • 1 c - ^ -m i '•
(53), persuasissimum habms.se eum ^eChatillona la Samt-Barthele-
neminem hominum pudicum , aut ulld mi » ne mériterait point de place
corporis parte purum esse : uerhm pie- dans ce Dictionnaire, si ce n'est
rosque dissimularevitium, et cal/idi- qu'iJ y a beaucoup de gens qui
taie obtcsere : ideoque professis apud ■ » • • i ■•» '
*e «focaS»***», ç*tera 7«o,/ue co«- aPreS a.v01r connu , quelqu'un
cessisse delicta. Si je joins à tout ceci Par quelque crime Irès-énorme ,
une cruelle et impudente invective de souhaitent de savoir ce qu'il de-
Scioppius contre Théodore de Bèze , vint après cela , et de quel genre
ce n est qu afin de Ja réfuter. Il assure i , -i • -, r\ -i °
que la raison, pour laquelle ce mi- de mor\l1 pent. Or d* "e peu-
nistre soupçonne de fausseté l'histoire vent guère contenter leur Cli-
que nous lisons dans le chapitre VIII riosité, sans chercher beaucoup,
de saint Jean , est parce qu'on y ra- quand il s'aglt d'un homme vul-
conte que Jesus-Christ demeura seul • » .°
avec la femme accusée d'adultère gaire : c est pourquoi on ne peut
(54). Talis Beza, qui in octavum ca- que leur procurer du plaisir, lors-
pui Johannis affirmât , sibi mulieris qu'on leur met en main un livre
in adulterio deprehensœ historiam sus- ou ils yont dans un moment a ]a
pectœ fidei ac veritatis esse , quod -, -, - . _ .t , .
Christw dicatur solus cum solâjemi- conclusion du fait. Ceci soit dit
nâ remansisse : sibi nempe conscius , mie fois pour toutes à l'égard de
quid solus ipse cum candidâ sud sold pareils articles. BÊME donc , allè-
ge consuevent : qui s, eut Sparlani, mand de „ation (A) éj ^ hfiZ
quod martiales ac bellatores essent , i j J n ■ t i
omnes deorum dearumque, imagines le duc de tmise , se rendit le
aique statuas hasiaiasfaciebant , tan- principal exécuteur du massacre
quam deos omnes virtute bellicd prœ- que l'on avait résolu de faire
ditos exisùmarent ; ita ipse propler de pamiral tas Ce fut Béme
suam hbidinem et impudicitiam, Chris- j. ', ,
tum quoque sanclum sanctarum (55). V11 ' deS quer la porte de la
Je ne puis rapporter la suite ; car on chambre eut été enfoncée , lui
a coupé dans l'exemplaire dont je me demanda , es-tu l'amiral ? et
sers sept feuillets de suite : j'attribue ; t su ga ,
cela au zèle de quelque bon hueue- * ,-, S i • , • l r
not. Jamais satire ne fut aussi mal 4U l\ demandait , lui enfonça
fondée que celle-là ; car il est bien l'épée au travers du corps , et
vrai que l'histoire de cette femme a puis lui donna un grand coup
paru suspecte à Théodore de Bèze; d'estramacon sur le visage. Ce
mais ce n est nullement par la raison n , . . , ,. o
que Scioppius rapporte. On en donne Iut .lui qui répondit , au duc de
plusieurs raisons , et si Ton se sert de Guise demandant si la besogne
la remarque que Jésus-Christ demeura était faite ? que oui , et qui exé-
seul avec cette femme , ce n'est pas à cuta Fordre qui fut aussitôt don-
cause qu une telle circonstance con- , -, . , l , .
tient un motif de quelque soupçon ne de leter Je corPs Par la fene-
déshonnête , c'est à cause que le fait tre. H fut pris enXaintonge, par
même ne s'accorde , ni avec la suite la garnison de Bouteville , l'an
du texte , ni avec les apparences (5G). ,5^ H promit une grosse ran-
{53) Suelon., in Ver^e, cap. XXIX. COU ? et de faire SOrtirMont-
(54) Le cordelier Feuardent avait déjà dit ta hl'UU , que leSCatlloliqiieS avaient
même fausseté dans le chapitre XI II du IV*. 1)rjs pn T)flimhiné Ta SPulppn-
livre ^.«iTheomaclnacalvinistica,^. 164. P.S en .LMUpiline. l^a SCllie en-
(55) Scioppius, in Scaiigero hypobolim. ,/o/io vie de sauver Montbrun empê-
i5«kTk ; vin,.* a ti ■ a j pi chaque l'on ne fit mourir Berne;
(5b) royezles INotesrf^ Iheodorede Bèze sur l
te VIIIe. chapitre de saint Jean. (a) M. de Thou, lib, LU , png. 1075.
BÊME.
UEME. 3o7
pourquoi il eut belle peur Bèze en dit a peu près autant.] Rap-
pj'il eut sut le supplice de !,01'tons ce qu'il en dit • car on y trou-
ibrun. Tl rnrrmn,,// un W- ™ ?.™tr*s, circonstances. Parlant de
c'est
dès qu
Montbrun. // corrompit un sol- ^Î^TaL ,
, . -7 J , ,a wraite dès reîtres (3) commandes
dat, qui le sauva sur un bon par Thoré , fils du connétable Aimé
cheval, un pistolet à l'arçon de de Montmorenci , il dit que Clervanl
la selle. Berlantville , gouver- J fut an'êté prisonnier, et n'enst esté
neur de ce lieu , le sentant eschap- %%**} lJe Plfusicurs ^ghéufs ses pa-
r rens , ( joint qu environ ce mesme
pe , saute sur un courtaut seul , temps Besme , lun dés principaux
et empoigne Besme avec le sol- meurtriers Je t'admirai, et tant pour
dat, et n'ayant armes qu'une cettecauseeIueP0'u outres grandement
espée donne à tous les deux : le ?.„!'! ""c;de_?""a' "voit est,- pris
soldat ne l'attend point ; mais
Besme se mit à crier , tu sais
que je suis un mauvais garçon ,
et tira sou coup de pistolet. "'T ZZ™"^1
r, , } . L ai'ec Besme; mais quoiquil fhst en
/> autre en repondant , je ne veux très-grand danger de sa vie , estant
plus que tu le sois , mit V espée sollicité d'accorder cet eschànge, il
jusques aux gardes dans le ven- nVondlt généreusement , que jamais il
>r Voilà corn- He c0?sënti?°X *«*£« eschangé avec
par ceux de la religion près de Ponts
en Poiclnu (4) , ) a grand peine eust-il.
eu la vie sauve Peu après ? i{
fut conduit a Paris , et beaucoup pro-
mené pour essayer d'en faire eschànge
tre de son prisonnier. Voilà com
ment d'Aubigné raconte le fait
:ù). Bèzeendità peu près autant
(c) (B) : mais nous verrons ci-
dessous que M. de Tbou rapporte
la ebose revêtue d'autres cir-
- ange „„ot,
un tel et si détestable meurtrier • et
Dieu le favorisa tellement, qu'ayant
esté mis a rançon. . . . , il fut finale-
ment délivré, et Besme se cuidant
sauver du chasteau où il estoit pri-
sonnier , fut ratleint et mis en pièces
tomme il méritait , horsmis que ce ne
--»'—— — «^^.^^ v.i» iwnrac it met uuii , norsmis que ce ne
constances (C). Me'zerai nomme fol pat là main d'un bourreau (5). Le
cet assassin N. Dianovitz Bes- Ça*rianà> daJ»s «es discOnrs sur Ta
me(d). C,te' ^'ant \ht ',1'"- .Wme tua d'un
me (d)
[è] D'Aubigné , Hist. , tom. II, liv. II,
c/iap. XVI , pag. -t\çt.
(c) Bèze, Hist. ceci. , liv. XVI , pag. ^79.
(c/i Me'zerai , tom. III in-folio, pag. 38o ,
edit. de l685.
(A) Il était Allemand de nation. ]
11 était natif du pays de Wirtemberg,
et lils, disait-on , d'un bomnie qui
avait eu la charge de l'artillerie (1;.
L'auteur du livre de Furoribus Gal-
Ucis (a) remarque qu'on disait que le
cardinal de Lorraine avait fait épou-
ser l'une de ses bâtardes à BiW. 11 le
nomme toujours Benvesius : c'esl ap-
paremment une faute d'impression
pour Bemesius. Le Cavriaua , que je
citerai ci-dessous, dit que cet homme
avait été page du duc de Guise le
père.
(B) Il fut tué par Bertantville, . . .
'•) Vie de l'amiral de Coligni , pag. iîç,.
(2; // t ni déguise sous le nom de Erucslus
> aramundus , Fri«'
,■> . • *- ' l'" « 1111
coup de pistolet 1 amiral , ajoute que
ce meurtrier fut tué de la même ma-
nière quelque temps après en venant
d'Espagne. Fit pochï ahhi dtzpoi ve-
nendo d'Espagna con somigliunte spe-
zte di morte del suo fatto premiato.
C'est trop envelopper l'aventure sous
des notions peu distinctes. Mais on
ne manque pas d'écrivains qui l'ont
bien développée.
(C) M. de T/wu rapporte la chose
revêtue d'autres circonstances. ] 11 dit
que Bénie rcvmanl d Espagne , où il
avait été envoyé par le duc de Guise,
pour acheter des chevaux , ou pour
renouveler sous ce prétexte les intel-
ligences que le feu cardinal de Lor-
raine avait entretenues avec Philippe
11, fut pris auprès de Jarnac • qu'il
Offrit ses bons offices pouf sâuvt 1
Montbrun, et une somme rrèVcônsi-
derable; mais qu'on n'ecout.i point
(3) F
(4) Jl fallait dire Xaintongr.
(5) Be'ze, Butoïre ecclciiasl. , liv. XJI pag.
4:9-
3o8 BENCIUS.
ses propositions, et qu'au contraire heureusement des leçons de ce
ceux <jui l'avaient pris sollicitèrent „rand rhétoricien , qu'il devint
les RocheUois de le leur acheter mille f d , excellens orateurs
pistoles , et puis de le punir du der- _"" "" r
nier supplice pour l'infâme assassinat de ce temps-la. 11 tut aussi un
de l'amiral; que les RocheUois , de très-bon poëte latin. La manie—
crainte de représailles , et par le con-
seil de la Noue , rejetèrent ces offres ;
que Bretouville, gouverneur de Bou-
te ville , ne voulant point mettre à
rançon un tel prisonnier, et craignant
que s'il le faisait mourir il ne donnât
un exemple qui aurait de fâcheuses sui-
tes, imagina un milieu : ce fut de subor
ner
re dont on conte qu'il se déter-
mina à prendre l'habit de jésuite
tient beaucoup du merveilleux
(B). Il enseigna la rhétorique
plusieurs années à Rome dans le
collège de la (société , et il y
./ûnloVdar,lpour fournir à Bême les mourut le 6 de mai 1 5g4 («)•
moyens de s'évader. Ce soldat et Bême \\ avait trois frères , qui étaient
s'évadèrent en effet; mais ils tombé- augsi ^suites (&) : son père vivait
rent dans les embuscades que cretou- ' „ e- / \ -\r A
ville S avait dressées, et on tua Bê- encore] an , , 59o (c). Vous trou-
me de plusieurs coups de poignard
(6). Mézerai raconte la chose à peu
près de la même façon (7) : il remar-
que que les consistoriaux de la Ro-
chelle voulaient donner mille écus de
ce prisonnier, pour le punir solennel-
lement ; mais que les plus sages , et
Bertoville (8) , gouverneur de la place
(9) > appréhendèrent la revanche.
Pierre de Saint -Romuald rapporte
que les RocheUois désiraient avoir Bê-
me , à la persuasion de la Noue , qui
le voulait faire mourir d'une mort éga-
lement honteuse et sévère , et que Bê-
me , blessé à mort par Bertoville , et
puis achevé par les soldats , fut enfin
envoyé au baron de Rufec a sa grande
prière, qui le fit ensevelir honorable-
ment à Éngolesme, et que le soldat
qui avait lâché de le sauver, étant
grièvement blessé, enfui quitte pour
une rançon, et pour son bannissement
hors la place (10).
(6)Thuan., lib. LX, ad ann. i5^5, pag.
jî5, 126.
(7) Mézerai, Histoire de France, tom. II I,
in-folio , pag. 38o.
(8) C'est ainsi qu'il nomme celui qui, dans
d'Aubigné . s'appelait Bertantville , et Breto-
villa dans M. .le Thou.
(9) C esl-'a-dire , de Bouleville.
(\o) Saint-Romuald , Journal chronologique,
au vl\ d'août, pag, 214.
BENCIUS ( François ), jésuite
italien, naquit à Aquapendente,
l'an 1642 (A). Il étudia les bel-
les-lettres à Rome , sous Marc-
Antoine Muret *, et il profita si
■* Il avait , dit Joly , commence' ses e'tudes
sous son père, il les eontiuua quelque temps
verez dans Moréri les titres de
quelques-uns de ses ouvrages :
je ne m'arrêterai qu'à ses Haran-
gues (C).
chez les je'suites ; et ce ne fut qu'en l563
qu'il entra à l'e'cole de Muret.-
(a) Alegambe , Biblioth. societ. Jes. , pag-.
Il5.
{b) Ibidem.
(c) Voyez l'épîlre dédicatoire des poe'sies
de Bencius.
(A) Il naquit h Aquapendente l'an
i54^. ] Les éloges tirés de M. de Thou
par M. Teissier , nous apprennent que
Bencius vint au monde dans un vil-
lage de Toscane, nommé Aquapen-
dente , qui était du patrimoine de son
père (1). Les paroles latines de M. de
Thou sont Palrimoniali Etruriœ op-
pido , cui Aquœ-pendenli nomen , na-
lus (2). Le mot oppidum étant équi-
voque , et signifiant tantôt une ville ,
tantôt un bourg , il fallait ne le pren-
dre point ici pour un village, mais
pour une ville. Je ne sais pas si M. de
Thou a eu raison de dire que le père
de Bencius en était seigneur *. Ale-
(1) Teissier, Eloges des Hommes savons, tom.
Il , pag. 206, édition de 1696.
(2) Thuani Historiar. lib. CIX ,pag. 612.
* Joly trouve très-ridicule que Bayle ait fait le
père de Bencius seigneur d'Aquapendente. Avant
Joly , Leduchat avait remarquéqu'e Palrimoniali
Elruriçe oppido veut dire, ville située dans la
partie de l'Etrurie qui dépend du patrimoine de
saint Pierre. L'article Bencios parut pour la
première fois dans l'édition posthume de 1720.
« Bayle, ajoute Leduchat, remarque dans l'arti-
» clede Chigi ( à la Gu du texte; que la prin-
» cipauté de Faroèse est située dans le pain-
BENCIUS. 3o:<y
gambe ne le dit pas; et ce n'est point loin que l'autre auteur. Celui-ci se
sa coutume de supprimer ce qui re- contente de dire que depuis que Ben-
lève la naissance et les richesses des cius se fut confesse pour la première
écrivains de son ordre. fois , ce qu'il fit chez les jésuites ,
Quand j'ai mis la naissance de Ben- il lui monta dans l'esprit qu'il serait
cius à l'an i54'j , je me suis fondé sur un jour de leur ordre (6) ; mais, selon
deux raisons : l'une est qu'il mourut Nicius Erythréus, il crut entendre ,
l'an i5o4j cela ne souffre aucune dit- eu se confessant dans l'église des jé-
ficulté : 1 autre est qu'on trouve dans suites , une voix qui prononça ces pa-
Alegambe qu'il mourut dans sa cin- rôles , Toi aussi , tu seras aussi un
quante-deuxième année. Alegatnbe jour au nombre de ces religieux (7).
s'est un peu brouillé dans ses chiffres ; Alegamhe , comme je l'ai déjà remar
néanmoins j'ai cru qu'il n'y avait
point d'erreur dans celui-là ; mais je
m'étonne , qu'en faisant l'errata de
son ouvrage , il n'ait pas rectifié ceux-
ci. Annos natus XX , in societalem
que , n'exténue point ce qui relève,
l'honneur de sa compagnie. 11 est donc
à croire que Nicius Erythréus a usé
ici d'hyperbole: le fait, en passant
de bouche en bouche, s'était eu Ile
est adscitus xv Cal. Junii anno Chrisli avant que de parvenir aux oreilles de
MDLXX (3) AnnoSalu- cet écrivain.
tis MDXCIV ' , migrant è vitd, œta- (C) Je ne m'arrêterai qu'a ses Ha-
tis suœ LU, postquam venit in socie- rangues. ] Quelques-unes avaient été
talent XXPin\). Il dit que Bencius , imprimées séparément, et il courait,
s'étant fait jésuite, en 1S70, ilgé de des copies manuscrites de quelques
vingt ans , courait la cinquante- autres. Ces copies devenaient défec-
deuxième année de sa vie, et la vingt- tueuses à proportion qu'elles se mul-
septième de sa profession de jésuite tipliaient. Cela fit résoudre l'auteur à
en i5y4- Ce sont des calculs qui s'en- donner une édition de ses Harangues ,
tre-réfutent. Nicius Erythréus ne s'est en i5go (8). Il la dédia au cardinal
point brouillé de même ; car ayant Ascagne Colonna. 11 publia aussi la
une fois dit que Bencius se fit jésuite
à l'âge de vingt ans , il lui donne cin-
quante-deux ans de vie , et trente-
deux de jésuitisme (5) *'.
(B) La manière , dont il se
détermina h prendre l'habit de jé-
suite , tient beaucoup du merveilleux.]
Ceux qui aimeront le détail sur cette
aventure prendront , s'il leur plaît ,
la peine de consulter Alegambe et
Nicius Erythréus*2. Ils y verront des
apparitions nocturnes du crucifix,
et bien d'autres choses. Je dirai seu-
lement que Nicius Erythréus va plus
» moine. Il est donc a présumer que, s'il avait
- assez vécu pour publier lui-même l'article
» Bencics , il se serait aperçu que patrimv-
» niale oppidum s'entend d'une ville du palri-
. moine. -
(i) Alegambe , Bibliotheca societ. Jes. , pag.
114.
(4) Ibidem, pag. n5.
(5) Nicii Erythrrei, Pinacoth. II, pag. Ii5.
*' Joly dit que Bencius n'entra chez les jésui-
tes qu'a vingt-huit ans ; il n'avait donc que vingt-
quatre ans de jésuitisme. L'observation de Bayle
sur les contradictions d'Alegambe et de Nicius
Erythréus ( dont le vrai nom est J.-V. Rossi ) ,
n'en existe pas inoins dans toute sa force.
*' Joly ajoute que le pire Jouvency la raconte
aujsi dans son Histoire de In Société', part. V ,
liv.XXIV, sect. iS
même année un recueil de Poésies
latines , et le dédia au cardinal
François Sforce. Ses Harangues , au
nombre de XXVI, sont, accompagnée!»
d'une petite dissertation de Stylo et
Scriptione, et contiennent entre au-
tres pièces l'Oraison funèbre de Mu-
ret , celle d'Alexandre Farnèse, duc de
Panne, et celle du cardinal Alexan-
dre Farnèse. Les poésies sont divisées
en IV livres. On les réimprima , avec
les Harangues , à Ingolstad , l'an
1599 , et l'on y joignit deux Poèmes
dramatiques du même auteur (9) ,
qui avaient, déjà été imprimés à part.
L'édition de Cologne, chez Jean Kin
chius . en 1O17, <>i-ia, contient ton I
cela. Elle est assez correcte; mai> L<
papier et le caractère en sont très
mauvais. On n'y a point ajouté le
poème en vers hexamètres , qui a pour
(6) Et en tenipore subiit animtnn ea rogiti-
tio , et tu de illin eris. Alegambe, Bibliolb. ,
societ. Jes. , pag. n4, ni.
(7) Visus est vocem in bac verba audire : Et
tu quoque aliquando reiigiosorum istorum nu-
merum augrbis. Nicius Erylhneus, Pinacolb. Il ,
pag. i55.
(8) Voyei. l'Épîlre dedicaloire de cette édi-
tion.
(9) Inldule's Ergastus et Philoiim-j-
3,o BÉNÉDICTIS.
fifre Quînque Martyres , où Bencius tiers du cardinal de lui faire faire
;i célébré le martyre cjue cinq jésuites un service somptueux dans l'égli-
ran se des saints Vincent et Anasta-
i583. Cet ouvrage, divisé en six li-
vres , fut imprimé à Venise Tan i5o,i ,
et dédié par Benoit George au cardi-
nal Octavio Aquaviva , neveu de
Claude Aquaviva , général des jésui-
tes. J'en ai l'édition d'Anvers , en
1602 , ji-13. L'auteur relève par des
fictions poétiques la simplicité de
l'histoire ,. et en avertit les lecteurs :
Si qua visa , et quœ speciem habent
miraculi inserta sunt , J'actum est ut
se , qui avait été la paroisse de
cette éminence. Il s'en acquitta
admirablement , et publia une
description de cette pompe fu-
nèbre (a). On lui donna ordre
de faire faire un service à la rei-
ne-mère (b) avec toute sorte de
pompe dansl'église de Saint-Louis
milUVUU WWC/ lll juin , iHimnt cji «•»•»..- 11 1 I i' "1 1 12 t.
poeticum artificium luslonœ simpli- qui est celle de la nation : il le ht
citati mederelur. Les relations en en homme qui entendait parfai—
prose auraient souvent besoin du mê- tement ces sortes de cérémonies,
me avertissement. q t ; j description de
M. Teissier assure que IVicws kry- ¥ , ... 1 ,.r ,.,
thréus dit que ce jésuite a fait une ces funérailles dans un livre qu il
^i i ï.i j> A.:.
traduction de la Hhttorique d'Atis
lote , si belle, qu'il serait difficile de
trouver rien de plus achevé sur cet ou-
vrage (10). Je n'ai point vu cela *
dans l'éloge que Nicins Erythréus
publia (c). Il en a fait un autre,
qui est un monument authenti-
que de son zèle pour la gloire
de son bienfaiteur : car ayant su
seulement que Muret a dédié sa ver- ma]t étrangement lt
sion latine de la Rhétorique d Anstotc Mazarin j, bHa un
a Bencius, et que ce dernier ht des ' f z
leçons sur le même ouvrage (n).
(io) Teissier, IZIotfes des Hommes savans,
nous a donné de ce jésuite : j'y ai vu qu'il courait un livre qui diffa-
le cardinal
Recueil de
divers Mémoires qu'il crut pro-
pres à réfuter cette satire. Il
/, Pag. 207. l'augmenta peu après , et l'ac-
* Joly laisse entendre que Bayle s'en rapporte COmpafflia de réflexions VOlilï—
à ce que dit Teissier, ce qui n est pa-i , comme l O J. . -. 1 • 1
on voit. Joly donne un catalogue exact des ou- qiieS . 11 a traduit eil italien le
vrages ou opuscules de Bencius , au nombre {é j • dg £ j- du D(,_
'9- I T J •
(11) Nicins Erythraus, Pinacoth. H, pag. voir des grands, .le ne dois pas ou-
l5'- blier les Tables chronologiques,
BÉNÉDICTIS ( Elpidio de ) a qu'il a publiées. Ceux qui auront
eu bonne part à l'estime et aux vu la maison et le jardin qu'il a
affaires du cardinal Mazarin. Il fait bâtir auprès de Rome, ou
était son secrétaire pendant la qui auront lu la description qu'il
nonciature de France, et il fut en a faite sous le titre de Villa
depuis son agent à Rome. Il s'ac- Benedicla Literaria , convien-
quitta de cet emploi de telle sor- dront qu'il entendait l'architec-
te , que le cardinal dans son tes- ture , et que son goût était bon
tament donna des louanges à sa
fidélité et à sa bonne conduite ,
et le recommanda au roi très-
chrétien. Cette recommandation
ne fut pas infructueuse, car l'abbé
Ta) En voici le tilre , Pompa funèbre nell'
essequie celebrate in Ronia al cardinal Ma-
zariui , nella cbieza de' Santi Vincenzo ed
Anajtasio.
{b) Anne d'Autriche mère de Louis XIV.
(c) Intitulé il Mondo piangente , ed il cie-
Bénédictis fut déclaré agent de lo festeggiante , nel funerale apparato de.1T
celebrate in Roma nella cbiesa tli
rancesi , alla gloriosa memo-
ustria résina dj Frai)
la Fiance à Rome , et comblé de ^Xigit^
biens. Il fut charge par les beri- rw di Anna d'.v
BE
rn fait d'ornemens, et de jolies
propretés. C'est lui qui est l'au-
teur des décorations qu'on voit
dans une chapelle dédiée à saint
Louis dans l'église du même saint,
laquelle chapelle il a fait con-
struire presque dès les fonde-
mens (d).
{d ) Ex BiMiolh. ronianà Prosperi Man-
dosii , cent. IV , mtm. 71,
BENI ( Paul ) , professeur en
éloquence dans l'université de
Padoue, depuis l'an i5qc), jus-
qu'à sa mort arrivée l'an i6a5 ,
a été un des plus féconds écri-
vains qui aient fleuri de son temps.
Il était (irec de nation (A) , com-
me on l'a débité depuis peu , et
il n'était point né à Eugubio , au
duché d'Urbin , comme quantité
de gens l'assurent. Il vécut long-
temps chez les jésuites; mais il
quitta leur société , à cause qu'ils
ne voulurent point lui permet-
tre de publier un Commentaire
sur le Festin de Platon: l'obscé-
nité de la matière les obligea à
lui refuser la permission qu'il
demandait. La réputation que
ses ouvrages lui acquirent porta
le sénat de Venise à le choisir
pour successeur de Riccobon
dans la chaire d'éloquence ; mais
il remplit mal ce poste , et trom-
pa misérablement les espérances
qu'on avait conçues de lui. Il dé-
goûta ses auditeurs par un long
verbiage vide de choses , et dé-
bité lauguissamment : ce qui
joint à d'autres raisons (a), et à
la manière agréable dont Vin-
cent Contarini son collègue dé-
bitait sa science , fit tellement
(a) Oderant aulem nniivrsi morbosas
tarn nnimi nngnstias , quibiis ipse in-
do/ts haud itu libewalis referebat indicia.
impérial m Museo Hislorico , pag. 10*0.
NI. 3m
déserter ses auditeurs , que quel-
quefois il n'y avait pas dans son
école autant de gens qu'il en
faut pour la signature d'un con-
trat {b). Cela ne le découragea
point d'étudier, et ne diminua
point son application extraordi-
naire à remuer et ses livres et sa
plume. On s'en peut aisément
convraincre par le grand nom-
bre d'ouvrages qu'il a donnés au
public , où il y a sans doute beau-
coup de lecture et beaucoup
d'érudition , et même bien du
génie. Il soutint lui seul glorieu-
sement une querelle contre l'aca-
démie délia Crusca (B) , ce qui
le rendit très-formidable à bien
des auteurs (C). Le respect qu'on
a dans Padoue pour la mémoire
de Tite-Live , n'empêcha point
notre Paul Béni d'attaquer à tou-
te outrance cet historien (c). Con-
sultez le Dictionnaire de Moréri :
je n'ai pris que ce qu'il avait
laissé.
[V Tn en gymnasio crebris jaclaretur ser-
mombiis mule de Benii rebits actum fore,
si pactum ei aliquodfuissei celebrandum .
quando vel duobus eidtm in schold suâ
teslibus contigitset tgere. impérial tu Mu-
seo liislorico, pag. irio.
< ) Tin- de l'diil Frolier. Theatri Viror
illustr.^«y. i5li$.
(A) // était Grec de nation. ] Je fus
surpris de voir aflirmer cela dans
L'Histoire des ouvrages des savans (i),
et pour m e'claircir lequel des deux
parlait de son chef , ou l'auteur du
livre dont on donne là le précis , ou
l'auteur même du Journal , je consul-
tai la Vie du Tasse, et j'y trouvai ces
paroles (a) : Toute l'Italie savante...
a suivi unanimement le sentiment de
Paul Béni. Ce savant grec, tr,ins-
plantJ en Italie , a fait voir dans une
comparaison fort recherchée des poë-
(i) Mois de décembre ir>go, pag. iG), dan-s
l'extrait d* ta \ ie du Tasse , compote* par l'ab-
bé de Cliarnes.
(i) Dans la préface.
3i2
BENNON.
mes d'Homère , de Virgile, et du
Tasse , que le moderne avait renfermé
dans son ouvrage toutes les beautés
des deux anciens, sans tomber dans
leurs défauts.
Je crus que c'e'tait une faute : car je
savais que le Tomasini , et Lorenzo
Crasso, assurent qu'il était ne à Eu-
gubio ; et il se nomma lui-même Eu-
gubinus , dans le titre de quelques-
uns de ses livres , et dans l'inscrip-
tion qu'il souhaita que l'on mît sur
son tombeau. Je me réglai donc sur
» longue et la plus embarrassante,
» ne réussit pas à leur honneur. Car
» elle leur attira une furieuse re'pli-
» que de la part du Béni , qui la pro-
» duisit comme une défense de l'Anti-
» Crusca. Il la fit imprimer sous le
» titre d'il Cavalcantt , b vero , la
» difesa del paragone délia lingua
■» italiana , elc (5). La fin de ce
» combat a été si glorieuse pour le
» Béni ( au sentiment du Tomasini , )
)> qu'il remporta le triomphe sur
» toute l'académie de la Crusca , et
cela dans la première édition de ce » fut proclamé défenseur de la lan-
Dictionnaire ; mais j'ai été délivré de » gue italienne (6). » Voyons les pa-
mon erreur par monsieur l'abbé de rôles du Tomasini. Advenus acade-
Charnes , et cela d'une manière qui /nicos cruscantes et Dictionarium ita-
m'engage à me féliciter d'avoir dit licum ab iisdem editum , Anti-Crus-
que je l'estimais et que je l'hono- cam condidit. Cui cîun respondissent
rais beaucoup. Il m'a fourni un pas- academici, cumulatè libro iisdem al-
sage qui ne permet pas de douter que tero sub Cavalcantis nomine satisfecit,
notre Béni ne soit né en Candie (3). seque h variis eorumdem jurgiis validé
Il est vrai qu'il était encore enfant adeb vindicavit , ut loto orbi clarissi-
lorsqu'il vint eu Italie. 7nus acerrimusque ilalici idiomatis de-
(B) Il soutint seul une querelle fensor fuerit acclamatus (7). On pré-
contre l'académie délia Crusca. ] Tout tend qu'il ne remporta pas un moin-
le monde sait que le Dictionnaire dre triomphe sur ces messieurs quel-
italien de cette fameuse académie de que temps après , en défendant le
Florence est un ouvrage important. Tasse contre leurs censures (8).
« Ce fut sans doute la cause qu'il (C) ce qui le rendit très-for-
» n'eut pas plus tôt vu le jour, qu'il se midable a bien des auteurs. ] Il fut.
» vit remué et maltraité entre les cité à Rome au sujet du livre qu'il
33 mains de presque autant de cen- publia sur les matières de Auxiliis ,
■» seurs qu'il rencontra de lecteurs, sans les connaître. « Ce qu'il souffrit.
3> Mais le Béni, entre les autres, ne » de la part des juges ecclésiastiques
33 cessa de décrier l'ouvrage, et de » ne le rendit guère plus sage. On le
» vit déchaîné depuis ce temps- là
» contre des auteurs de mérite diffé-
» rent , sans épargner même la per-
» sonne de Tite-Live. De sorte qu'il
h était devenu la terreur des écri-
» vains de son temps , dont plusieurs
» n'ont osé laisser voir le jour à leurs
» compositions , de crainte de les
» exposer à sa censure impitoyable
» (9). »
(5) Baillet, là même.
(*>) Là même.
(7) Toaiasin., E)og. , tom. I pag. 35i.
(8) Baillet, art. CLXII des Ant'i.
(9) Là même.
BENNON , évêque de Misne
3> tre lui par voie de tait. Mais, si nous j 1 VTe
3. en croyons le Tomasini , cette mé- en Allemagne, dans le Al . sie-
)) thode, qui était d'ailleurs la plus cle , fut canonisé par Hadrien VI.
„, - , ,., . n. La bulle de la canonisation , en
(3) Ce passage est tire du premier Discours '
rie Paul Béni sur la Comparaison d'Homère , de date dll 3 I de mai l5a3(A), foit-
Vireile et du Tasse, imprimée l'an 1607, ■. , ' -, 1 T) _"^
(|; Baillet , art. clxii , des Ami. de le mente de Bennon, premie-
3> déclamer contre ses auteurs , coin-
3) me s'ils eussent été autant de mo-
3) nopoleurs de la langue italienne :
3) il entreprit de leur faire voir qu'ils
3> n'avaient ni la suffisance , ni l'au-
■» torité nécessaire pour décider. Le
3) livre qu'il publia dans cette vue ,
3) parut à Padoue , dès l'an i6i3,
3> in - 4°- , sous le titre cYAnti-Crusca,
3> o vero , il paragone délia lingua
3) italiana , nel quai si monstra chia-
3) ramente que Vantica sia inculta e
3> rozza a la moderna regola , etc....
3) (4). Messieurs de l'académie voulu-
» rent s'assujettir à lui répondre avec
3) la plume , au lieu de procéder con
BEN
rement, sur ce que lui seul de
tous les évêques d'Allemagne fut
fidèle à la cour de Rome dans
les démêlés de Grégoire VII et
de l'empereur Henri IV; secon-
dement , sur les miracles qu'il
avait faits (B) , et pendant sa vie,
et depuis sa mort. Il y avait
long-temps qu'on sollicitait à
Borne cette canonisation, et peut-
être ne l'aurait-on jamais obte-
nue, si Luther n'avait secoué le
joug du pape, dans le pays me»
me oii était le corps de Bennon :
mais la cour de Rome , s'imagi-
nant que l'institution d'un nou-
veau saint soutiendrait la foi
ébranlée dans ce pays-là, se ren-
dit enfin aux instances de l'évê-
que de Misne , qui était allé
trouver le pape avec de puissan-
tes recommandations de Charles-
Quint , des archevêques de Mag-
debourg et de Saltzbourg , et
des marquis de Misnie. Luther
ne se tut point en cette rencon-
tre : il publia un traité en alle-
mand , qu'il intitula , Contre la
nouvelle idole et le vieux démon
de Misne. Emser écrivit contre
ce traité de Luther avec aigreur,
et se glorifia avec insulte , de ce
que , nonobstant les invectives
de cet ennemi de l'Église , un
merveilleux concours de peuple
avait assisté aux cérémonies de
cette nouvelle solennité , et il
présagea qu'elle durerait éter-
nellement. Sa prédiction fut con-
vaincue bientôt de fausseté (C) :
celle de Bennon fut réfutée en
même temps (a) (D). Emser se
trouva intéressé d'une façon par-
ticulière à écrire là-dessus con-
tre Luther ; car il avait publié
[a) Tiré de l'Histoire du luthéranisme de
St:ckendorf , &>, /, pag-, 285.
NON. 3i3
la vie de Bennon , l'an i5i2, ou,
entre autres choses, il allégua
diverses raisons pourquoi la bulle
de la canonisation n'avait pas été
encore obtenue après tant de
frais et tant de sollicitations (b).
On s'est étrangement abusé dans
le Dictionnaire de Moréri (c).
f b) Ex eodem Seckendorfio , ibid. , pa§ ■
286 in additione.
(c) Voyez la remarque (A.).
(A) La huile de sa canonisation est
datée du 3i du mai i5a3. ] On trouve
cette même date dans le Diction-
naire de Moréri, et cela ne va pas
mal ; mais on y trouve aussi que ce
fut le pape Adrien IV , qui expédia
cette bulle : c'est une fausseté impar-
donnable. Adrien IV vivait au XIIe.
siècle.
(B) et se fonde sur quelques mi-
racles qu'il avait fait s. .] Les principaux
sont, i°. que les clefs de sa cathé-
drale , qu'il avait jetées dans l'Elbe ,
après avoir fermé cette église à l'em-
pereur et à ses ambassadeurs , furent
trouvées dans le ventre d'un poisson ,
et rapportées au prélat ; 2°. qu'il
passa l'Elbe à pied sec ; 3°. qu'il con-
vertit de l'eau en vin ; 4°- qu'avec un
coup de pied il fit naître une fon-
taine ; et voilà de quoi se vanter dans
la communion romaine , que la fable
de Pégase a trouvé son accomplisse-
ment parmi les chrétiens ; 5°. qu'il
célébra la messe en deux lieux tout ;'»
la fois ; 6°. qu'après sa mort il vint
en songe crever un œil à Guillaume
marquis de Misnie (i). On se figure
aisément la manière dont Luther ac-
commoda ces miracles.
(C) La prédiction d' Emser louchant
le culte de Bennon , fut convaincue
bientôt de fausseté. ] En effet , les
inspecteurs ou les visiteurs qui furent
envoyés en Misnie , l'an i53ç), ayant
débuté par signifier aux prêtres de la
campagne qu'ils eussent à se confor-
mer à la confession d'Ausbourg, al-
lèrent peu après exhorter à la même
chose les chanoines de l'église cathé-
drale de Misne. Jules Pflug , leur
doyen , ayant convoqué le chapitre ,
(0 /tpudSecVtni. Historié lutheran., lib. I.
pag. 285.
âUy
BENSERADE.
il fut résolu de laisser les choses com-
me elles étaient. Sur cela , on leur en-
joignit de ne faire aucun acte de reli-
gion dans l'église selon l'ancien rituel,
et on démolit le tombeau de Eennon ,
comme un objet, d'idolâtrie bahali-
gion *, comme son nom de bap-
tême le fait connaître : mais il
n'y fut pas élevé ; car il était fort
petit lorsque son père se fit ca-
tholique. La raison pourquoi
lique (2). Voila donc un culte qui, \*â„A-.„~ , - i„ c 1 '
,., i;„ Vf » 1 v 1 eveque qui le confirma ne lui
au lieu d être éternel , comme r.mser , * . |
l'avait auguré, ne dura qu'une quin- ota point le nom d Isaac est tres-
zaine d'années. Un homme sage doit singulière (A). On prétend que
être extrêmement réservé sur l'ave- ses ancêtres ont été de grande
nir , lors même que les apparences :~,~„w'+„„„„ m\ „ „v +^ ,* i„
c„_f t ui * • » • 1 • importance ( b) , mais tout le
sont favorables : et ie trouve a plain- * , , % ,,
dre ceux qui sont de profession à monde n en demeure pas d ac-
nourrir les espérances des peuples ; Cord. Son père , en mourant , le
car fort souvent, contre leurs pro- laissa fort jeune, avec fort peu
Se'VlZths'. ^ S°nt 0bllg" ' fairC de bi™ . « f°rt ^barrasse; de
cm t„ 'j- . j» n„.,„„„ f,.t s°rte ou il aima mieux, à ce
(D) La prédication de Jiennnn Jut , ? .
réfutée en même temps. ] Sa Vie por- 9U on dlt » L abandonner , que de
te, qu'il déclara en mourant, qu'il plaider (c). Il se fit connaître à
avait obtenu par ses prières que le ]a cour par ses vers et _ S(m
service établi dans sa cathédrale ne „__;+ „+ ;i „ . 111 j
» „ a. ■ • / „ • . esprit; et il eut le bonheur de
cessât |amais. In eo tamen maxime X. • _. . .
fahum esse apparet quod teste F.msero plaire au cardinal de Richelieu
moritiuus dixerit , precibus suis ef- (C) , et au cardinal Mazarin (D):
fectum esse ut cultus ecclesiœ Misnen- de sorte que, non-seulement il
sis perpetuus sit futurus (3). Ce ser- „k+:„* J„ , : „ 1
• ' t1-. ■ ,■ v . •. en obtint de quoi rouler, mais
vice était singulier , et ne se trouvait . a 3
pas même à Rome. On avait disposé aussi en»« df qu°i mettre en
«le telle sorte les relais de psalmodie lieu de sûreté les dernières an-
dans la cathédrale de Misne , qu'il n'y nt5es de sa vie. On lui donna des
avait aucune heure, ni du lour, ni de „ „:„„„ » -< z. ' * j
1, •* « n 1 .«il î pensions sur un eveche etsurdeux
la nuit, ou Ion ne chantât les louan- r . ,-,
ges de la cour céleste , ut nullum dïei abbayes (d) (E) , si bien qu il
aut noctis tempus cantu et deorum pouvait être considéré comme
hymnis ac laudibus vacel (4). Ben- facon d'ecclésiastique (e). La
non mourut en faux prophète, s'il „•*„.. _< „ 1 • K 3 >
1-1 t s j ' , reine-mere lui avait donne une
déclara en mourant que cela durerait
toujours.
(2) Ex Seckendorfîo , ibidem, lib. lit ,pag.
'J2I.
(3) Secltendorf. , lib. 1 , pag. 280, litlera a.
4) Emserus, apud Seclead. , ibidem.
BENSERADE (a) ( Isaac de ) ,
l'un des beaux esprits du XVIIe.
pension de trois mille livres ,
après que la mort du cardinal de
Richelieu lui eut fait perdre la
pension de cette éminence (f).
Il trouva le moyen de subsister
à la cour par le secours des
mille écus de la reine-mère , et
siècle, était de Lions, proche de par celui de quelques dames ri'
Rouen (b). Il naquit de la reli- ., ,, .-, „ , . „ . ,. ■■ «.
\ / T. L abbe lallemant est l auteur de ce JJis-
(a) C'est ainsi qu'il signa dans une lettre * Leclerc et Joly conviennent du fait;
qu'il me fit l'honneur de iri 'écrire le 18 de mai mais ont le plaisir de ne pas trouver la preu-
" ve bonne.
(r) Tallemant, Discours sur Bensserade.
l665. J'ai trouvé Bensseradde , au bas de
•.on épilre dédicatoire de la Paraphrase sur
les IX leçons de Job. M. L'abbé Tallemant
le nomme toujours Bensserade.
(b) Discours touchant la vie de M. Bens-
serade , à la tête de ses poésies , édition de
Paris en 1697, et de HoUaiuh en 1698.
(d) Ménage, Anti-Baillet chap. CXLV.
Voyez aussi la remarque (D) , vers la fin.
(<•) l'oyez /'Anti-Baillet, chap. CXLIV.
if) Forez la remarque (E), au coni
mencement.
BENSERADE. 3i5
ches et libérales (g). J'ai lu vingt-deuxième année (m); d'au-
quelque part , que la cour avait très disent qu'il n'a vécu que
résolu de le députer à la reine près de quatre-vingts ans (n) *.
de Suède ; mais cela ne fut point ] 1 avait une pension du duc d'Or-
exécuté (F). Son sonnet de Job , léans , et un appartement au
mis en parallèle avec celui d'C- Palais-Royal (o). C'était un très-
ranie , fit extrêmement parler honnête homme, et admirable
de lui (G) ; car quel honneur en conversation, réussissant bien
n'était-ce point que d'être chef dans les bons mots (K) , et disant
«le parti contre Voiture (h) , et aux gens leurs vérités sans qu'ils
d'avoir sur le Parnasse la faction eussent lieu de s'en fâcher (L).
des jobelins , qui disputait le II avait une manière d'agir har-
terrain à la faction des uranistes? die, qui V obligeait de traiter
il est certain que cette dispute familièrement avec les gens de
partagea toute la cour , et les la première qualité ; de sorte
beaux esprits, et qu'il y eu eut qu'il faisait passer sans qu'on
de fort illustres qui se déclaré- osât le contredire tout ce qu'il
rent contre Voiture pour Ben- lui plaisait d'avancer : et il sem-
serade. Celui-ci réussissait mer- blaii même avoir pris un ascen-
veilleusement aux vers qu'il fai- daut sur les plus considérables...
sait pour les ballets (H) ; mais il Sa familiarité avait même, quel-
échoua dans ses rondeaux sur que chose d'impérieux : car non-
Oyide (/)• H entra dans l'acadé- seulement il voulait qu'il lui fit.
mie française assez tard , puis- permis de trouver à redire ain
que ce fut l'an 167 4 5 et qu'il autres; mais il ne pouvait souf-
avait alors plus de soixante ans. frir qu'on critiquai ses comj)osi~
II succéda à Chapelain dans cette lions, qu'il défendait avec un
place , et lui donna des éloges , tel entêtement , que ceux-mémes
qui déplurent au comte de Ra- qu'il consultait là-dessus ne pou-
butin(A), et qui furent plutôt valent lui dire leurs pensées sain
un hommage fait à la coutume , s'exposer à essuyer de sa pari
qu'un effet de sincérité. // s'ap- d'étranges emportemens (p). II
pliqua aux ouvrages de piété était de bonne foi , et très-ojji-
quelques années avant sa mort , deux, surtout envers les dames;
et traduisit presque tous les car son carrosse et ses gens
psaumes (/). Autre hommage étaient toujours à leur service (q).
fait à la coutume, mais qui peut H n'était pas savant (AI) : il tirait
aussi venir d'un bon fond de tout de son génie ; mais je ne
cœur (I). Il mourut au mois de voudrais point prendre pour u:r
novembre ifigi , dans sa quatre- lm, r A, Wercare „,,,, n [UL. ,/t, n0.
vembre 1691 , pag. 5'iy.
Discours touchant la vie de M. Bens- '" Tallemaot, Discours sur Bcnsseradc.
serade. * L'abbé efOlivet, comme le remarque Le-
{h) Il était l'auteur du sonnet d'Uranie. c'erc Je fa.t naître en 1612 et mourir le
r„ rez le Ménagiana à la pag. 180 de '9°^ \ r ;, U)Ju{'^ ' d^rès d °!l-
la 2«. édition de Hollande. P * " • d"na b '"£ dcs':s «""»§«; „
,., v . T . (O) Mercure Historique , novembre IDQI
(Al * oyez les Lettres de ce comte , part. .Jll:r 5 ;-
;.' , leUreXÇI. I illemanl , Discours sur Benseradc.
{I lallemant, Discours sur Bensserale (7} Là même.
3i6
BENSERADE.
preuve d'ignorance l'impossibi- à la table , je n'y ai pas rencon-
lité où il fut un jour d'expliquer tré une seule ligne d'histoire *.
la différence qu'il y a entre les
Hamadryades et les Dryades (N).
Il commença de bonne heure à
se mettre sous la presse ; car on
dit que sa tragédie de Cléopâtre
fut imprimée l'an i63o *- C'est
„„ ; „f„;(j;„ .„„>;i „'<„,•( /,„/»7n. que sept à huit ans lorsque l'évêque
ce qui a tait dire cru il était auteur i . * „ . . . , 3 , i,.,
/! , 1 - r ., qui le confirmait lui demanda, su
plus que jubile [O). J^uretiere uouiait bien changer son nom juif
le maltraite trop dans ses fac- avec un nom plus chrétien ? jy con-
" Joly termine ses remarques par deux:
pièces de vers de Benssérade, qu'il croit n'a-
voir jamais été imprimées.
(A) La raison pourquoi l'évêque...
ne lui ôta point le nom d'isaac est
très - singulière. ] Benserade n'avait
tums (r). Sarrazin , dans la Pom-
pe funèbre de Voiture , lui a
donné un coup de dent : c'est
lui qu'il appelle Rousselin de
Grenade, au IIIe. chapitre de
la grand' chronique du noble
Vetturius; et il se sert de ce
nom , à cause que Benserade
était rousseau (P) , et que par
plaisanterie, et pour la ressem-
blance des noms , il se disait issu
des Abencerrages. J'ai trouvé
cela écrit à la main à la marge
d'un exemplaire de la Pompe fu-
nèbre de Voiture , lequel exem-
plaire avait appartenu à un hom-
me qui savait la carte. Jl paraît
par ce chapitre de Sarrazin , que
Benserade avait supplanté Voi-
ture chez madame de Saintot (Q).
J'espérais trouver beaucoup de
choses sur la vie de M. de Ben-
serade dans le Recueil des plus
belles pièces des poètes français
(s) : le titre m'en assurait ; mais
quand j'ai été à la page marquée
* Le Ménagiana sur qui Bayle s'appuie
[t'oyez les remarques (C) et (O) ) ne donne,
dit Lpclerc , la date de l63o que comme
douteuse. La Cléopâtre ne fut imprimée en
effet qu"en i636. Elle avait été jouée à la fin
de i635.
(r) Voyez la pag. 18 du 11'. Factum,
cl la 27 du III"., de l'édition de Hollande.
(s) Ce Recueil est en 5 tomes. L'auteur des
Mémoires et Voyages d'Espagne l'a publié
à Paris l'an 1692. Il fut d'abord contre-
fait à Amsterdam.
sens , répondit-il , pourvu qu on me
donne du retour. Le prélat surpris du
génie de cet enfant ne voulut point
lui changer le nom : // faut le lui
laisser , dit-il , il le rendra très - il-
lustre +. Cette particularité m'a été
communiquée de bon lieu ; et je
pense qu'elle se trouvera dans la Vie
de M. de Benserade , faite par mon-
sieur l'abbé Tallemant , si jamais
elle s'imprime.
Voilà ce que je disais l'an i6g4- Ma
conjecture n'a pas été fausse : ce Dis-
cours de M. l'ahbé Tallemant se voit à
la tête des œuvres de M. de Benserade ,
imprimées à Paris l'an 1697, et en Hol-
lande l'an 1698. On y trouve la parti-
cularité que j'ai rapportée.
(B) On prétend que ses ancêtres ont
été de grande importance.'] C'est la cou-
tume, quand on est reçu dans l'Acadé-
mie Française , de faire l'éloge de ce-
lui auquel on succède. M. Pavillon ,
successeur de M. de Benserade, le
loua délicatement : voici de quelle
manière il mania le chapitre de
l'extraction : « Ce n'est pas ici le lieu
» où l'on doive faire valoir la noblesse
» du sang de cet illustre mort. Ici le
w hasard de la naissance ne fait esti-
» mer ni mépriser personne : aussi
» dans la pompe funèbre des défunts,
» on n'y fait point marcher devant
» les images de leurs ancêtres ; on
» n'y expose que leurs talens , on n'y
» montre que leurs ouvrages. Que pai-
» tout ailleurs , on pare 1 éloge du dé-
» funt du nom des anciens seigneurs
» de Maline , que l'on compte entre
» ses aïeuls celui qui dans le commen-
» cernent du siècle passé fut grand-
* Joly avance que cette histoire est racontée
un peu différemment dans les Hommes illustrer
de Perrault. C'est , il est vrai , dans d'antres
termes, mais le fond est absolument le méiat.
BENSERADE
maître Je l'artillerie : on ne doit
» parler ici que de ce qui le fit admi-
» rer pendant sa vie , et de ce qui le
» doit faire revivre après sa mort (i). »
Voici ce qu'on trouve dans le Dis-
cours de M. l'abbé Tallemant : Quoi-
que M. de Benserade ne parldtguère de
son père , il n oubliait pas pour cela
ses ancêtres , dont l'un avait été cham-
bellan d'un de nos rois , et châtelain
du château de Milan Du côté ma-
ternel, il elait allié des J^ignancours
et de ceux de la Porte : sa mère por-
tait ce dernier nom , qui était celui de
la mère du cardinal de Richelieu
Elle ne consentait pas trop volontiers
a la parenté du cardinal , disant sou-
vent dans sa famille quelle n'était pas
île la Porte dont on voulait qu'elle
fdt Monsieur l'amiral de Brézé
considérait Benserade comme une per-
sonne qui lui appartenait. On affirme
dans l'Epître dédicatoire de ses œuvres
(2), qu'il avait l'honneur d'appartenir
an grand cardinal de Richelieu. Com-
parez , je vous prie, tout cela avec ce
passage du Ménagiana. « 31. de Ben-
» serade , à ce que j'ai entendu dire ,
» était fils d'un procureur de Gisors ;
» et j'ai été fort, surpris , lorsque
» M. l'abbé Régnier lut ici dernière-
>j ment la harangue de M. Pavillon ,
i) à sa réception à l'Académie , dans
» laquelle on donne à M. de Benserade
» une généalogie magnifique. Mais je
» ne l'en estimerais pas moins pour
» être encore de plus bas lieu. Les
» savans doivent se piquer d'être les
» fils de leurs propres ouvrages. M. de
» Benserade avait une assez jolie mai-
» son à Gentilli. Au-dessus de la porte
« de cette maison, d avait fait rnet-
» tre des armes qu'il s'était données
■» avec une couronne de comte. Un
» de ses amis dit un jour en les voyant:
» C'est aux poêles à en faire (3). »
Notez que M. Pavillon et M. l'abbé
Tallemant ne disent rien l'un de ce
que l'autre caractérise touchant les
ancêtres de M. de Benserade. Cela
fait soupçonner qu'ils ont suivi des
notions vagues ; car on ne s'éloigne pas
si étrangement de l'uniformité, quand
(1) Voyez les Lettres historiques du mois de
février 1692, pag. 16g, 170.
(2) Imprimées à Paris , chez Charles de Ser-
.1 , l'an 1697.
'3) Suite du Ménagiana , pag, 53 , édition de
Me llunde.
on se règle sur des titres généalogiques
bien prouvés. Quoi qu'il en soit des
ancêtres (*) , l'obscurité du père ne
peut point passer pour douteuse. Les
uns avaient ouï dire que c'était un
procureur de Gisors (4); les autres
qu'il avait été maître des eaux et fo-
rêts (5). Son fils ne parlait guère de
lui, quoiqu'il n'oubliitt pas ses an-
cêtres (6). Voulez-vous de plus grandes
preuves d'un petit état ? Prenez garde
à une autre chose. Une infinité de
gens prouvent mieux la noblesse de
leur père , que celle de leirr aïeul ; et
si vous les obligiez à prouver celle de
leur bisaïeul , vous les embarrasseriez
davantage. Perse a employé celte ob-
servation (7). Ici c'est tout le contraire.
Il faut sauter quelques degrés en re-
montant, si l'on veut sortir des té-
nèbres généalogiques. Notre M. de
Benserade ne trouve rien de commode,
ni chez son père, ni chez son grand-
père : il ne trouve sa noblesse que
dans les siècles passés. Il est sûr que le
sang noble ressemble quelquefois à ces
fleuves, qui tombent dans un préci-
pice, et, après avoir coulé dans des
canaux souterrains pendant quelques
lieues , reparaissent tout de nouveau
(8). L'histoire généalogique, précédée
presque toujours du temps fabuleux
est assez souvent entrecoupée par des
périodes de temps obscur. C'est une
carte géographique , qui a ses déserts,
et ses terres inconnues. Voyez M. Pa-
villon , qui a été obligé de faire un saut
de cent cinquante ans , pour rejoindre
deux bouts dlustres dans la famille de
Benserade. Je ferai ci-dessous (g) une
antithèse des vers de Perse dans un
autre sens.
Je ne sais que dire d'un Nicolas Ben-
serade, à qui Erasme écrivait des let-
(*) Les Mémoires de l'état rlc France sous le
règne de Charles (X, tom. I , feuill. aqti et 3g- ,
tournés de l'édition de î57g, parlent d'un
Clacpe de l'-i.vsuirn , clerc du greffe civil
du Palais de Rouen , massacré avec sa femme
à Rouen, pour la religion, en l'année i5-2.
Rem. crit.
(4) Ménagiana , là même.
(5) Tallemant, Discours sur la Vie de Bense-
rade, au commencement.
(6) Va mime.
(') for" la remarque (B) de l'article de
(Scipion) Gurritu.
(8; Tel esi le Guadiana , en E<pagne.
(g) Dans la remarque ' B) de l'article d*
(Scipion) Ctjnui
3i8
BENSERADE.
très ( 10) , et dont il parle comme d'un
ti es- honnête homme, qui lui avait fait
du bien, et qui avait de l'érudition (i i).
On le qualifie jurisconsulte (12). Notre
M. de Benserade l'eût-il voulu mettre
parmi ses ancêtres?
(C) H eut le bonheur de plaire au
cardinal de Richelieu. ] Le même
M. Pavillon expose que ce cardinal lit
élever Benserade. fous avez vu dans
<e dtgne confrère, dit-il ( 1 3) ,le fruit
des soins que le grand cardinal de Ri-
chelieu avait pris de son éducation :
celui qui Sonna la naissance a votre
docte compagnie fit élever sa jeunesse,
et comme ce n'est que du côté de l'es-
prit qu'on regarde If s hommes parmi
fous , avant même que vous l'eussiez
associé, il pouvait se vanter que vous
étiez enfans d'un même père. On pour-
rait croire , si Ton ne songeait qu'à
ces paroles, que M. de Benserade ne
fut connu de ce cardinal que sur le
pied d'un jeune homme de belle espé-
rance , qui était d'autant plus digne
de la protection du premier ministre,
qu'il était fils d'un huguenot converti ;
mais quand on prend garde aux cir-
constances du temps , lors , dis-je , que
Ton considère, que dès l'an i63o (*'),
la CléopdlreAe Benserade était impri-
mée^) , on ne peut douter qu'il n'ait
eu part à l'estime du cardinal de Ri-
chelieu en qualité d'auteur, et de bel
esprit actuellement.
(D) Et au cardinal Mazarin.~]
Ou'il me soit permis d'insérer ici un
long passage d'une pièce d'un titre as-
sez surprenant (i5). Plusieurs de mes
lecteurs seront bien aises de voir ici ce
que c'est, sans avoir la peine de chan-
ger de livre; outre que quelques-uns
pourraient bien n'avoir pas dans leur
cabinet l' Adiquiniana. (*») « Votre
(10) Voyez les Lettres XXI et XXIV du
IXe. livre d'Érasme. Elles sont datées, lune
de l'an i499> el l'autre de l'an ifa%.
(11) Érasme, la même. Voyez aus si Z'Épître
XXIV du livre V , pag. 3s3.
(12) Dans la table des Lettres d'Erasme.
(i3) Lettres historiques de février 1692, pag.
171.
" Voyez ma note pénultième sur le texte,
page 3i6, colonne iIe.
('4) Voyez la remarque (O).
(i5) Jn«i«u!e Arliquiuiana. Je ne sais pourquoi
on a mieux aimé dire Arliquiniana qu'\r\ecim-
niana, puisqu'on dit Arlequin et non Arliquin.
*2 L'auteur de l Arliquimana est Cotolendi.
Le passage qu'en cite Bajle est traité de fable
par Leclerc et par Jal)T
histoire me fait souvenir d une chose
qui a fait la fortune de Benserade :
c'est lui-même qui me l'a dit; vous
l'avez connu ? Oui, lui répondis-je,
je l'ai vu jusqu'à sa mort : celait
l'esprit le plus vif, et l'ami le plus
ardent que j'aie jamais vu; il était
honnête et galant homme, et je
vous dirai quelque jour des choses
bien particulières de lui. Vous savez
donc , reprit Arlequin , que Bense-
rade vint à la cour , jeune , agréable,
et plein de mérite. 11 s'attacha au
cardinal Mazarin qui l'aimait, mais
d'une amitié qui ne lui produisait
rien. Benserade, suivant toujours son
génie , faisait tous les jours des vers
galans, qui lui donnaient beaucoup)
de réputation. Un soir , le cardinal,
se trouvant chez le roi , parla de la
manière dont il avait vécu dans la
cour du pape , où il avait' passé sa
jeunesse. 11 dit qu'il aimait les
sciences; mais que son occupation
principale était les belles-lettres, et
surtout la poésie , où il réussissait
assez bien , et qu'il était dans la cour
de ce pape , comme Benserade était
en celle de France. Quelque temps
après il sortit, et alla dans son ap-
partement. Benserade arriva une
heure après : ses amis lui dirent ce
qu'avait dit le cardinal. A peine
eurent-ils fini, que Benserade, tout
pénétré de joie, les quitta brusque
ment sans leur rien dire. 11 couruti
l'appartement du cardinal, et heurta
de toute sa force pour se faire en-
tendre. Le cardinal venait de se
coucher. Benserade pressa si fort ,
et fit tant de bruit , qu'on fut obligé
de le laisser entrer. 11 courut se je-
ter à genoux au chevet du lit de son
éminence; et après lui avoir de-
mandé mille pardons de son effron-
terie, il lui dit ce qu'il venait d'ap-
prendre , et le remercia avec une
ardeur inexplicable de l'honneur
qu'il lui avait fait de se comparer à
lui pour la réputation qu'il avait
dans la poésie. Il ajouta qu'il en
était si glorieux , qu'il n'avait pu re-
tenir sa joie , et qu'il serait mort à
sa porte , si on l'eut empêché de ve-
nir lui en témoigner sa reconnais-
sance. Cet empressement plut beau-
coup au cardinal. 11 l'assura de sa
protection , et lui promit qu'elle ne
lui serait pas inutile : en effet , six
BENSERADE. 3io
■> jours après il lui envoya une petite sinn sur l'évéché de Memle En-
» pension Je deux mille francs. Quel- fin Bensetfade eut encore une pension
» que temps après il en eut d'autres de Jeux mille livres sui une abbaye de
» considérables sur des abbayes ; et il monsieur l'abbé de Fourilles , appelée
» aurait été e'vêque , s'il avait voulu Haut-Milliers Il avait outre cela
» s'engager à l'église (16). » M. l'abbé une rente de cinq cents cens sur la mai-
Tallemant ne conviendrait pas de ce son de ville de Lyon , et beaucoup
dernier fait. Voyez la remarque sui- d'argent comptant (i8j. 11 eût bien
vante. voulu avoir un titre, et peut-être ne
(E) On lui donna des pensions sur un lui a-t-on point voulu accorder cette
évéclié etsurdeux abbayes.^llca obtint grâce, parce quil ne s'était pas d'a-
nne du cardinal de Richelieu, dès les bord destiné entièrement à l'église.
premiers ouvrages qu'on vit paraître de Mais s'il n'a pas obtenu celle-ci , qu'il
sa façon: elle lui fut continuée jusqu'à avait demandée avec instance (19), il eu
la mort de celte éminence , et il aurait a eu ou il ne s' attendait pas (7.0). ()n nous
peut-être trouvé la même protection conte ensuite la manière dont il re-
auprès de madame la duchesse d' Ai- eut les trois cents pistoles que le roi
guillon, si ces quatre vers qu'il fit après lui lit porter un matin (21). Ce prince
la mort du cardinal ne l'eussent extré- donna dix mille livres, pour les figu-
mement offensée : res dont les Rondeaux de Renserade
Cy-Si6t, oui rist, par la mort-bleu , 8ur !es Métamorphoses d'Ovide furent
Le cardinal de Richelieu ; Ornes.
1 El , ce qui cause mon ennuy, Qn s'étonnera peut-être , ces na-
Ma pension avecque luy. „„1„„ ,-„„«. J \i n i 1 ■ 'nu
F ' 3 rôles sont de M. labbe fallemant,
La pension était assez considérable, h qu'étant aussi accommodé qu'il était
c qu'on m'a assuré; ce qui fut une i-l ait tant raillé sur sa pauvreté ; mais
terrible perte pour lui , et qui l'aurait pour repondre h cela, il ne faut que dh-
exlrêmement incommodé , si elle n'edt tinguer les temps •■ c'était au commence-
été réparée par une autre de trois mille ment qu'il vint a la cour. Si l'on cher-
livres,que la reine mère lui donna (17)- cn:,it bien les dates, on trouverait
Admirons ici la force de l'habitude de peut-être que cette apologie n'estpoint
plaisanter. Un poète , qui s'est tourné jus'e, et que M. de Renserade s'est
de ce coté-là , aime mieux risquer sa plaint de la pauvreté , lors même qu'il
fortune, quede perdre l'occasion d'une uen sentait plus l'embarras, il ne se-
raillerie : je dis l'occasion la moins na- rait pas le seul poète qui serait tom-
turelle , la plus opposée aux bienséan- hé danscette faute: etc'est undc'sordn:
ces ; car que peut-on concevoir de beaucoup plus digne de censure , que
plus éloigné du décorum , que de ba- celui dont on a blâmé Sénéque ,' d'a-
diner sur la mort du plus grand v0'r loué et recommandé la pauvreté
homme qui ait été dans le ministère a" milieu d'une opulence excessive. Il
de France ? Et si, par cette seule rai- va,lt mieux faire cela, que de se
son , la plaisanterie choque les règles , plaindre d'être gueux , quoiqu'on
quel nouveau degré de bizarrerie n'y so'' fort à son aise. En tous cas, notre
a-t-il pas là-dedans , lorsque le poète, Renserade est un exemple à opposeï à
qui folâtre sur ce sujet , avait reçu du l'auteur d'un joli rondeau dontje parle
défunt une pension considérable? Je ailleurs (23), et qui commence, Le
ue saurais trouver mauvais que la du- bel- esprit au siècle de Mnrot. -
cliesse d'Aiguillon l'ait supprimée : vers lui firent faire une assez belle for-
elle eut en cela moins de tort que tu°e,et le mirent en état de pouvoir
M. de Renserade. Mais passons aux
autres bienfaits dont ce bel esprit fut (,8) *fcwéW
gratifié. Le cardinal Mazarin lui fit e ^ ** «*t*caà en gnh earoeûret, afin de
avoir une pension de mille écus sur • . "n.tir VoPPosi*on, enlr<- -V. l'abbé Talle-
labbayedeHSaint-L/,y.... el lut laissa ™é££ttê2£g!?a&'& l£
en mourant deux mille livres de peu- **&*** a l'*8«'". Vojn ci-dessus , tUaUan
(iC)
(16) Arliquiniana, pag. 235, édition de Hol- (-<>) Tallcmant , Discours sur Bensscrade
'""de (21J L'a mime.
Jitf L abbé Tallemant, Discours Wr Beosse- C»J Dans le. IWelI,, Lî([res contre M.i«-
bourg , pag. 5qo el suit:
320
BENSERADE.
{•rêter aux dames un carrosse et des
aquais. Il était sans doute tris-digne
de récompense , mais on aurait dû lui
assigner ses pensions sur d'autres biens
que sur les revenus de l'église, non hos
qucesitum munus in usus. Voyez la re-
marque (G) de l'article Thomas. Au
reste, il ne faut point douter que plu-
sieurs autres beaux esprits ne lui por-
tassent envie, tant à l'égarddu carrosse
qu'il taisait rouler , qu'à l'égard de l'a-
vantage dont il jouissait de dîner sou-
vent en ville. L'un d'eux (23) composa
un sonnet , dont voici la conclusion :
11 fréquente les bonnes tables,
El je ne mange que chez moi :
J'en connais de plus misérables (l'\).
Voilà le goû.t des parasites de l'anti-
quité.
Si Iristi domicœnio laboras ,
Turani , potes esurire mecuin h5).
Observons que ce sonnet n'avait plus
de lieu il y avait long-temps; car la
mauvaise santé obligea M. de Bense-
rade sur la fin de sa vie a ne manger
guère que chez lui: et non-seulement ,
il ne sortait guère pour dîner dehors ,
mais il ne sortait guère pour faire des
visites (26).
(F) On avait résolu de le députer a
la reine de Suède ; mais cela ne fut
point exécuté.] J'ai lu cela dans une
lettre de Costar à madame la marquise
de Lavardin. Les paroles de Costar
sont dignes d'être rapportées, puis-
qu'elles nous font savoir qu'en ce
temps-là Benserade n'était pas trop
bien dans ses affaires. C'est une mau-
vaise coutume à messieurs les beaux
esprits de ne dater point leurs lettres.
Si Costar avait daté les siennes , nous
saurions l'année où Benserade devait
avoir cet emploi. « On vous aura
» mandé que la reine l'envoie en
» Suède, et qu'il part d'ici dans huit
» ou dix jours. Il se morfondait fort à
» Paris . je ne sais s'il se dégèlera à
» Stockolm , et si l'air du Nord sera
» plus favorable à sa fortune , que n'a
» été celui de la cour. Je m'assure que
» tout le froid du septentrion , et que
(23) L'abbé Esprit.
(24) Ce sonnet fut fait sur Joli. Talleuiant ,
Discours sur Bensserade , etc.
(:5) Martial., epigr. LXXIX libri V. Voyez
aussi les épigramm. LXXV11) , LXXIX du
livre XII.
(26) Talleuiant, Discours tnr Bensserade.
)> toute la neige et la glace du pays de
» Bise, ne seront pas capables d'é-
» teindre ce beau feu qui l'anime; et
» que la présence de la plus brave et
» de la plus spirituelle des reines lui
» inspirera des choses dignes d'être
» conçues sous un meilleur ciel , et
» sous un climat plus doux (27). »
Voyez dans le recueil des plus belles
pièces des poètes français (28; les plai-
santeries que fit cet ambassadeur sur
la misère de son équipage. Scarron ne
put se taire sur ce que'. a députation
n'eut point de lieu : voici comment
il date une épître à la comtesse de
Fiesque :
L'an que le sieur de Benserade
N'alla point à son ambassade.
On n'en sait pas mieux quelle est cette
année. Je ne sais pourquoi M. Talle-
mant assure que quelqu'un fit ces deux
vers dans ses gazettes ; car ce n'est pas
ainsi que l'on doit nommer les épîtres
de Scarron.
(G) Son Sonnet de Job fit
beaucoup parler de lui.~\ Ce sonnet, et
celui d'Uranie, firent éclorre une in-
finité de vers, que l'on peut voir dans
le recueil des pièces choisies. Je crois
que pendant le cours de cette querelle
il ne se fit rien de plus spirituel , que
la Glose à M. Esprit (29). Ce fut Sar-
razin qui la composa : il s'était décla-
ré pour le sonnet d'Uranie. Balzac fit
une censure sévère de ces deux sonnets,
qui se trouve à la fin de son Socrate
chrétien. Quand on examine cette
censure , on ne peut s'empêcher de
dire qu'il y a d'excellentes pièces qui
ont de fort grands défauts. Il y a
certaines beautés, et certaines grâces,
qui brillent de telle sorte au milieu
des fautes qui sont échappées à l'au-
teur , qu'on ne prend poiut garde à
ces fautes. Mais , après tout, je ne vois
point qu'aujourd'hui ces deux sonnets
passent pour les meilleures pièces de
leurs auteurs. Voici ce qu'un fin cri-
tique (3o) en a dit : Beaucoup de gens
ont pris parti dans cette contestation
(27) Costar, Lettre CLXV du J«. volume,
pag. ijSo.
(28) Tom. y, pag. a3i. Je parle du Recueil
publié par l'auteur du Voyage d'Espagne.
(29) Vous la trouverez parmi les Poésies de
Sarr'axin , pag. 86 de l'édition de i658 , in-12.
(30) M. Sallo, dans le Journal des Savans
du 26 de janvier 16(0 , pag. 48 , édition, de
Hollande.
BENSERADE.
32 1
(3f) : et elle s'est tellement échauffée , porte que ce prince ne croyait pas
quil s'est fait des gageures considé- avoir jamais vu déplus beau sonnet
râbles en faveur de l'un et de l'autre, que celui de Job. La fin , disait cette
Mais il est à craindre qu'il n'arrive à altesse, en est la plus heureuse du
ces deux pièces la même chose qui est monde ; mais les autres vers . quoique
arrivée à ces deux sonnets <jui divi- fort galans , semblent être plutôt né-
sèreut le Parnasse en deux factions si gligés , que polis et achèves. Madame
célèbres, sous les noms de jobe/ins et de Longueville se déclara pour le son-
d'uranins. Car étant examinés déplus net de Voiture (34). Note/, que Bense-
près , ils perdirent beaucoup de leur rade fit le sien en envoyant à une darne
prix et de leur estime. la paraphrase qu'il avait composée sur
L'auteur de l'Epître qui sert de pré- Job (35) : notez, dis-je, cela comme
face à la traduction nouvelle de Perse une preuve de la licence profane que
et de Juvéual (3a) débite une parti- se donnent les poètes galans *. La
cularité curieuse, que je ne saurais patience de Job , cet exemple canoni-
omettre. « C'est ainsi (33) qu'un grand que, divin, sacré, devait-elle servie
» prince qui savait beaucoup, mais d'introduction où <le texte à une dé-
» qui avait encore plus de goût pour les claration d'amour ? Un poète chrétien
» bonnes choses que de capacité, ju- ne devait-il pas avoir plus de respect
)> gea si juste, en deux petits vers des pour les histoires de la Bible? devait-il
» deux fameux sonnets qui amusèrent mettre sa patience , et sa prétendue
» autrefois toute la cour, et qui la misère, au-dessus de celle de Job, sous
» partagèrentendeux cabalesde beaux prétexte qu'il était amoureux, et qu'il
m esprits, dont la guerre fut fort in- n'osait déclarer sa flamme?
» nocente. Voiture eut pour lui de re- (H) Il réussissait merveilleusement
» doulables partisans, et Benserade aux vers qu'il faisait pour les ballets.]
» aussi : mais en vérité , la décision H y avait une adresse toute nouvelle
» du prince de Conti , que lui dicta la dans ces vers : ils caractérisaient en
J> nature seule , donna gain de cause même temps les divinités poétiques ,
» aux jobelins , et cela sans appel, et les personnes qui représentaient ces
>» Voici l'arrêt :
» L'un est plus grand , plus achevé ;
» Mais je voudrais avoir fail Vautre ".
» Le premier vers regarde Voiture , et
» le second regarde Benserade , qui
» fut , je pense , alors bien content du
» souhait qu'avait formé un juge d'au-
to tant plus incorruptible, que tout le
» monde expérimente , en lisant les
m termes dont il S'est servi, qu'il a jugé
» sans prévention, m M. l'abbé Talle-
mant n'a rien dit de ces deux vers de
M. le prince de Conti, quoiqu'il rap-
i s'éleva sur la Jocondc de
rétaire de Jeu M. le duc
I
(3i) C'est cell
M. de Bouillon ,
d'Orléans, et sur la Joconde de M. de la
Fontaine.
(3s) Faite par le jésuite Iliérôme Tarleron , et
imprimer il Paris, l'an i6Sg.
(33) C'est-à-dire , en jugeant par ce qui se
passe en nous-mêmes lorsque nous lisons.
* Le sonnet qui finit par ce1» deux vers est de
P. Corneille, dit Leclerc, et non du prince de
Conti. Le père Tarleron s'était sans doute a-
perçu de sa faute ; car dans la nouvelle édition
de son Perse et Juvénal, en 170G, il supprima
le passage. Un prince de C .nue I.eclerc croit
être Comté el non Conti) est auteur d'un qua-
train qui finit ainsi :
Le grand est le plus admirable,
Le petit est le plus galant.
TOME III.
divinités. L'auteur des Nouvelles de
la République des Lettres a parlé en
passant de cette singularité. « M. de
» Benserade lut (3t>) une pièce de sa
» façon, qui fut extrêmement applau-
» die. C'est le portrait en raccourcides
» quarante académiciens par rapport
» à leurs personnes, à leurs talens , à
» leurs aventures, et à leur fortune.
» 11 parle avec liberté de chacun
» d'eux ; mais avec ce tour tin et ini-
» mitable dont il s'est servi tant de
» fois pour faire des vers de ballet
(34) Tallemanl, Discours sur Bensserade. //
rapporte queL/ues particularités touchant lu
guerre des uranins el des jobelins.
(35) La même.
* Ces Paraphrases virent le jour en i638, et
cependant, comme le remarque Joly , la dis-
pute ne commença qu'en i65i. - Je penserai)
» volontiers, ajoute Joly , que Benserade at
- composa le sonnet qu'après 1649 , année iù
I. s Paraphrases sur Job parurent pour la sc-
» conde fois a Paris, in-12. J'ai celle seconde
.- édition , inconnue à ceux qui ont parlé de
• Benserade, et omise dans la Bibholheca sacra
.. du père Lelong. Peut-être vers 1GÏ1 y eut-il
» une troisième édition au sujet de laquelle
m Benserade aura pu taire le sonnet dont il
. s'asit. -
(36) Le jour qu'on reçut M. Corneille le jeunt
a l'acaiWmie fi anraise .
■3.1
«)22
BENSERADE.
» personnellement propres aux da- vent leurs inclinations, leurs attache-
» mes et aux seigneurs de la cour mens , et jusqu'à leurs aventures les
» qui devaient paraître dans les en- plus secrètes; mais d'une manière si
j) trées (37). » M. Perrault a beaucoup agréable, si fine, et si détournée, que
mieux expliqué cela : voyons un peu ceux qui Y étaient raillés étaient les
ce qu'il en dit. Je vais vous dire enco-
re une sorte de poésie qu'on a ajoutée
aux anciennes. Ce sont les vers admira-
bles que M. de Benserade faisait pour
les ballets du roi. vivant lui, quand on
premiers à s'en réjouir, et que ses plai-
santeries ne leur laissaient dans l'âme
ni ressentiment ni chagrin : ce qui est
une marque essentielle de leur perfec-
tion. Voyez aussi la première lettre de
fusait les stances sur Jupiter, par exem- )a 11e. partie de M. de Râ butin , et le
pie, qui fait une entrée où il foudroie Discours de M. l'abbé Tallemant. Vous
lescyclopes , ces stances ne parlaient trouverez dans ce discours que Ben-
que de Jupiter comme Jupiter, et point serade eut une querelle avec le presi-
du tout de la personne qui le represen
tait. M. de Benserade tourne ses vers
de manière qu'ils s'entendent égale-
ment de l'un et de l'autre ; et comme
c'était ordinairement le roi qui repré-
sentait Jupiter, d'autres fois Neptu-
ne , quelquej'ois Murs ou le Soleil ,
rien nen est plus admirable que la fi-
nesse des louanges qu'il lui donne sans
dent de Périgni, et avec Molière , qui
avaient fait des vers de ballet. C'est
une marque qu'il voulait être le seul
que l'on employât à cela.
(1) C'est peut-être pour s' accommo-
der a la coutume qu'il traduisit les
psaumes dans sa vieillesse ; mais cela
peut aussi venir d'un bon fond de
cœur.'] On est d'autant plus porté à
adresser à lui. Le coup porte sur le croire que cela sortait d'un bon prin
personnage , et le conlre-coup sur la
personne : ce qui donne un double plai-
sir, en donnant à entendre deux cho-
ses a la fois , qui , belles séparément ,
deviennent encore plus belles étant
jointes ensemble (38). J'ajoute un troi-
sième témoin à ces deux-là , parce
qu'il caractérise d'une manière plus
étendue à certains égards les vers en
question, et qu'il me fournit une preu-
ve de deux remarques suivantes. Nous
venons de perdre , dit-il (39) , un bel
esprit, qui a excellé en l'art de railler
finement et agréablement, tant de vive
voix, que dans ses écrits, surtout dans
les ingénieux vers de ballet qu'il a
faits pour toute la cour , pendant plu-
sieurs années. Il est original en ce
cipe dans M. de Benserade, que sa
soumission à Dieu a été insigne pen-
dant sa dernière maladie. Citons
M. l'abbé Tallemant. « On ne pouvait
» commencer sa vie avec plus de ga-
m lanterie , ni la finir avec plus de
» piété ni plus de soumission à la vo-
» lonté de Dieu, qu'a fait Bensserade.
» Il a souffert de si grandes douleurs,
» que Job, dont il a vanté la patien-
» ce , n'en a guère pu souffrir de
» plus aigres : elles l'étaient de telle
» sorte, que des gens d'un tempéra-
» ment moins vif, et beaucoup moins
» sensible que le sien, n'eussent, pas
» été capables de les supporter (4<\).»
(K) // réussissait bien dans les bons
mots. ] Le passage que je viens de
genre: les anciens ne lui ont fourni rapporter (40 témoigne qu'il possé-
aucun modèle de celle espèce de rail- dait ce talent. Voici un autre té-
lerie ; et personne n a jusqu ici réussi
à l'imiter. Il mêlait aux descriptions
des dieux et des déesses , et des autres
personnages qui étaient représentes
dans ces ballets, des peintures vives et
ressemblantes des gens de la cour qui
les représentaient: il y découvrait sou-
(3-j) Nouvelles de la République des Lettres ,
mois de janvier iG85 , pag. i-.
( 38) Parallèle des AnciL-ns et des Modernes,
iom. Il , pag. 2ïo, édition de flullande.
(2û Recueil des bons Contes, ihtprimés chez
la veuve Cramoisi , en I&J3 , pag. io!\ , édition
de Jlullande. On attribue ce livre a M. de Cal-
lière, de l'académie française, et pléikjidlen-
ttaire de France au traite de paix de Rjrswîèlt'
moignage tiré de la même source.
C'est un témoignage qu'on pourrait
appeler pratique; car il consiste en-
exemple. « Un homme de la cour
3> était soupçonné d'être impuissant ,
» et ne voulait pas demeurer d'ac-
>> cord qu'il le fût: il rencontra Ben*
» serade , qui l'avait souvent raillé
j) là-dessus. Monsieur, lui dit-il', non-
» obstant toutes vos mauvaises plai-
■» sauteries , ma femme est accouchée
» depuis peu de jours, lié ! monsieur,
« lui répliqua Benserade, on n'aja-
(4oJ Tallemant, Discours sur Bensserade.
(40 Ci-dessus, cilalwn (3y .
BENSERADE.
323
» mais douté de madame votre fènï-
» me ( 43 )• " Vous trouverez < 1 1 1 <_• I —
ques-ûns de ses bons mots dans la
suite du Mériagiana, et dans le Dis-
cours de AI. l'abbé Tallemant.
(L) 11 disait aux gens leurs véiïtés,
sans qu'ils eussent heu de s'en plain-
dre. ] Rien n'est plus certain que cet-
te sentence , Obsequium amieos , Ve-
ritas odnini pant: c'est-à-dire, On
se fait des amis par la complaisance,
et des ennemis en disant la vérité. Il
faut donc que ceux qui savent Ôter à
la vérité cet air odieux, et cette mi-
ne factieuse qui l'accompagnent ordi-
nairement , aient une adresse bien
5i choquantes et si outrageuses, qu'el-
les attirèrent sur lui les menaces d'une
personne de la première qualité , qui
y prenait intérêt; de sorte que , non-
obstant son imprudence , il fut obli-
ge de la supprimer , pour la bonne
amitié qu'il portait à ses épaules
(46).
(M) Il n'était pus savant. ] Cela
e'tait si connu, qu'on ne (it point scru-
pule de l'avouer quand on reçut
AI. Pavillon à l'académie française ,
jour favorable à M. de rjenserade, où
l'on était bien plus disposé à lui don-
ner ce qui ne lui appartenait pas ,
qu'à lui ôter ce qui lui appartenait.
particulière. Voilà le talent dont Ben- Voici comment M. Charpentier s'ex
serade fut loué par son successeur, prime dans la réponse qu'il fit au dis-
Que/le adresse défaire également cours du nouvel académicien. La
souffrir des railleries aux plus impa
tiens , des louanges aux modestes , de
dire des vérités au milieu de la cour
sans nuire a sa fortune , et de diver-
tir ceux même auxquels il reprochait
quelque défaut ! Aimable censeur ,
dont les vers ingénieux , purges de
compagnie a perdu en M. de Bensera-
dc un de ses ornemens : c'était un es-
prit original , et qui ne devait qu'à
lui seul toute sa réputation. Sans rien
emprunter des anciens , ni même les
avoir trop bien connus, il les a égales ;
et si l'on aperçoit dans ses écrits quel-
la bile et du fiel de la satire , ont ques-unes de leurs pensées, c'est un ef
trouvé cet art admirable de reprem Jet du hasard , plutôt que de l'imita-
dre tout le monde , et de n'offenser lion. Il à montré qu'il se pouvait faire
personne (45)- ^n ne pourrait pas
accuser AI. Pavillon d'avoir outré la
matière , quand même ce que l'on
trouve dans certains factums (4f) sé-
rail vrai ; car il n'est point de règle
si générale qui ne souffre des excep-
tions : c'est l'auteur des factums qu'il
encore que/que chose île nouveau sous
le soleil; et ce caractère de nouveau-
té lui a <te si naturel, que sitôt qu'il
l'a voulu abandonner , il n'a plus été
le même ; et le commerce qu'il avait
avec les grdees demeurait interrompu
quand il travaillait sur d'autres idées
faut soupçonner d'outrer les choses, que les siennes Je ne m'étonne point
Il dit 45) que Beûserade s'était érigé de voir que1 l'on ne supprima pa-, ce
en galant dans la vieille cour, pur des défaut d'érudition- car on en tirait
chansonnettes et des vers* de ballet ,
<pn lui avaient acquis quelque repu-
talion peu tant le règne du mauvais
goiit , des équivoques, et des pointes,
qui subsiste encore chez lui. Elles lui
ont attire d'autre rote , continue l-il,
quelques menaces et aventures Jacheu-
ses . qui ont servi de date h des ga-
zelles burlesques. A la page 28 du
III1'. factum , il dit que la liste scan-
daleuse que Bensérade avait faite île
l'académie, et qu'il eut la témérité de
lue publiquement dans une des assem-
blées solennelles, contenait des choses
Cl?) Rrciieil ries bon- (.unies, pag. i!i , ".
(43.) Pavillon , Discours prononcé .1 l'acadé-
mie tranraise. rofezt'es Lettres liislor., mois rie
février ioaa . pas. 170.
(4',1 De Furelière.
(4ÔJ PaS' '9 de i0n "e" factum.
la matière d'un éloge rafliné.
(Nj 11 ne put expliquer la différen-
ce qu'il Y a entre tes hàrriddryades et
les dryades. ] Voici le fait : nous >
verrons qu'il pava d'esprit : « SYtant
» trouve UTi jour à I opéra dans la
» loge dé Monsieur", Madame lui de-
» manda quelle différence il y avait
» entre les hamadrjades et les drya-
» des.' Il se trouva fort embarrassé .
» mais, ne voulant pas demeurel
» court , comme il s'aperçut qu'un
» archevêque et un évêque atten-
» liaient Madame à la sortie, n'ayant
» pas \oulu faire paraître leurs croix
» dans la loger, il dit qu'il y avait au-
» tant de différence c/u entre les r vê-
» ques et les archevêques. Cela fit as-
(4t'; Tjllcmnut, Discours suc Censscrmls.
3?4
BENSERADE.
» sez rire sur-le-champ ; et Madame de (52) : et j'ai connu par ce moyeu
» le redisant le lendemain à sa toi- que cette pièce fut imprimée chez
» lette , quelqu'un regardant un ec- Antoine de Sommaville , in-4°- , et
» clésiaslique de ses amis, dit en le achevée d 'imprimer le 29e. jour de
» montrant , Voila de quoi faire une mars i636.
« dryade et une hamadryade, quand
« votre altesse voudra l'entreprendre
» sérieusement (47)- » L'embarras de
M. de Beuserade eu cette rencontre
ne me paraît pas un bon signe d'igno-
rance : car je suis sur que la question
de Madame eût mis à bout plusieurs
célèbres docteurs régens (48). On sait
mieux ces choses-là à la sortie du col-
lège, qu'après avoir blanchi dans dis
études plus relevées.
(0) // était auteur plus que jubilé.]
Cette expression est empruntée des
cloîtres. Un moine qui a cinquante
ans de profession, est un religieux, ju-
bilé , que l'on dispense de matines et
des rigueurs de la règle en quelques
endroits (4ç^- Les couvens ont formé
cette expression sur la durée du jubi-
lé judaïque , qui était de cinquante
ans (5o). Voici comment M. Ménage
prouve que M. de Benserade était au-
teur plus que jubilé. 11 suppose que la
Joignons à cela ces paroles de M.
l'abbé Tallemant : « A peine était-il
» sorti du collège qu'il donna deux
» ou trois pièces de théâtre : j'en ai
» vu deux , dont l'une s'appelait
» lphis et Hiante , et l'autre Marc
» Antoine (53). Elles eurent toutes
y> deux assez de succès : mais s'il ai-
)> mait la comédie , il n'aimait pas
.■» moins les comédiennes; et l'on dit
» qu'avec feu le marquis d'Arman-
» tières , pour lors abbé , il quittait
» la Sorbonne , où leurs parens vou-
» laient qu'ils étudiassent l'un et l'au-
» tre , et cela pour aller presque tous
» les jours à l'hôtel de Bourgogne ,
» où se trouvaient leurs inclinations,
» qui étaient la Valiote et la Belle-
■» Boze (54). »
( P ) Benserade était rousseau. ]
M. l'abbé Tallemant a cru que Bense-
rade avait aimé la Belle-Roze à cause
de leur conformité de poil. Elle avait
Cléopdtre de cet auteur fut imprimée lei cheveux d'un blond ardent ; et pour
l'an i63o, et puis il continue de cette [ui^ tf avouait franchement qu'Hélait
façon: « 11 est mort en 1691 , âgé de rousseau, se donnait lui-même ce
» quatre - vingts ans : ainsi il y a
» soixante-un ans qu'il a fait cette
» pièce ; et je suppose qu'il avait du
» moins vingt ans quand il la lit. De
» plus , il est à remarquer qu'en ce
d temps-là on n'imprimait guère une
» pièce de théâtre qu'un an après
3> qu'elle avait été jouée pour la pre-
» mière fois (5 1 ) . )>
M. Ménage se trompe quand il sup-
pose que la Cléopâtre de notre au-
teur fut imprimée l'an i63o , et je
m'étonne qu'ayant pu trouver à Pa-
ris tant d'occasions de s'assurer de ce
fait, il ait négligé de s'en informer ,
ou de charger de cette recherche quel-
qu'un de ces jeunes hommes qui fré-
quentaient sa mercuriale. Le hasard
m'a fait tomber depuis peu entre les
mains un exemplaire de la première
édition de la Cléopâtre de Benssera-
(47) Tallemant, Discours sur Bensserarle.
(48) Voyez l'article Dryades.
(49) Voyez Furetière , au mot Jubilé.
(50) La même.
(5i) Ménagiana, pag, 335 de la première édi-
tion de Hollande.
nom , et s'associait là-dessus des plus
grands seigneurs de la cour , sans se
mettre en peine si cette société leur
plaisait ou non (55).
(Q) Il avait supplanté Voiture chez
madame de Sainiot.] Sarrazin s'expri-
me ainsi : Comme Vellurius arriva a
la cour de la reine Lionnelle de Gal-
le : comme il en devint amoureux ; et
comme il en fut chassé par les menées
de Hunault d Armorique et de Rousse-
tin de Grenade. Les notes manuscrites
de mon exemplaire (56) m'apprennent
que madame de Saintot fut désignée
sous le nom de Lionnelle de Galle, à
cause de Gaillonnet , maison de son
père. M. de la Hunaudaye , qui était
Breton, fut désigné par Hunault d' Ar-
morique.
(5i) C'est l'orthographe de son nom , tant au
litre qu'au bas de l'e'pîlre dédicatoire et dans le.
privilège du roi.
(53) C'est apparemment la même que M. Mé-
nage nomme Cléopâtre.
(54) Tallemant, Discours sur Bensserade.
(55) 1-a même.
(56) Voyez ci-dessus , vers la fin dit texte de
cet article.
gnait à Lausanne, quand Bèze y
alla en i54q (c). Il y enseignait
BÉRAULD. 3s5
BF.RAULD (Nicolas) , en latin
Beraldus , doit être compté par- ana en 1049 {c). il y
mi les savans du XVIe. siècle. 11 aussi en l'an i55y (d). 11 était à
fut précepteur de l'amiral de Genève l'an i56i (e\ Il était
Coligni (À). Érasme le loue en principal du collège de Montar-
plus d'un endroit (B), et con- gis l'an i5yi (f), d'oii il alla à
fesse que, passant par Orléans , la Rochelle , pour y exercer un
pour aller en Italie , il logea chez semblable emploi (g). Il était
lui (C) , et qu'il en reçut mille bon poète et en grec et en latin
marques de bonté. Nous appre- (h). Il n'est pas besoin de dire
nons par - là que Bérauld de- qu'il était de la religion. Il a tra-
meurait à Orléans. Quelques- duitquelqueslivresd'Appien(K).
uns disent qu'il y était né (D) ; (c) Ant. Fayus in Vilâ Bez;p pag ^
mais d'autres assurent qu'il était
de Languedoc (E). Il a travaillé
sur Pline (F) , de quoi le père
TIardouin n'a point parlé dans
son excellent catalogue des com-
mentateurs de cet ancien auteur.
(d) Melch. Adjni. , in Vilâ Stuckïi.
(e) Colomesii, Gallia orient. , pag. 55.
if)Tbid.,pag.të.
(g) Ibid. et pag. 38. Voyez la Lctlre que.
Bèze lui écrivit : c'est la LXXI'. de celles de
Bèze.
{h) Colomesii, Gallia orient., p. 22, qo.
(A) // fui précepteur de V amiral
Il témoigna dans sa préface un de Coligni.] En voici la preuve. Na-
juste chagrin des abus de l'impri- <«« est hic Gaspar anno MDXVil,
merie. On sera sans doute bien rttensis feb die XF1 , tfuicUmpuev
. . indolent virtulis alque ingénu miri-
aise que je rapporte sa plainte jicam os(emuret t màieT ,°eum patrc
(G) , et que j'indique quelques mortuô bonis litteris al> ineunte œta-
autres pièces qu'il publia (H). te imbuendum curait s ei que Ni-
0. ' j • „i„ l colaum lier alduni , qui tum erudilio-
n a rapporte depuis quelque • , , . .' i \ '.",,,
H r . „K * . ttis lande in prinns totius Galliœ
temps une chose qui lait voir jiorebat f prœceptorem attribua (i).
que c'était un honnête homme L'ancienne Vie de cet amiral ne dit
(I). 11 fut fort considéré d'Étien- 'l'"' cela ; mais celle qui fut donnée
au public l'an 168G rapporte plus de
circonstances *. Nous y apprenons
que lierauld fut mis <1 abord auprès de
l aîné qui , ayant infiniment d'esprit,
profita beaucoup sous un si bon maî-
tre (a) D'Odet , continue-t-on, il
passa auprès de Gaspard , et il trouva
en lui , non pas un esprit plus péné-
trant , car il ne s'en trourait guère ;
mais un esprit plus disposé à V obéis-
sance ; tellement qu'il lui apprit bien-
tôt, non-seulement le latin , mais en-
core la philosophie. Comme M. de
Montmorency , qui venait d'être J ait
(1) Vil* Gasp. Colinii, pag. 33, 3.J, édition,
tllrtij. tiuni 164Î
* L'ancienne Vie de Coli„-ni , citée par Flavlr.
c*t écrite en latin et a pour auteur Jean de Serres
(Sertwnus), ou, suivant d'autres, Jean de Vil-
liers Hotman 11 en existe une traduction fran-
r.n-r , il">'(3 , in-4°. et in-ifi F, a Vie de l'amiral
de Coligni , i(ï36 , in-12 , dont Baylc rapporte
un passage, a pour auteur le fameux Gatien
Sandra; de r.ourtiU , écrivain justement décrie
•-) v ,e de Gaspar de Coligni, pag
ne Poncher, évèque de Paris , et
puis archevêque de Sens (a)*',
prélat d'une grande autorité
dans le royaume , et le protec-
teur des lettres *2. François 1!i -
ratjld, son fils, fut fort docte.
Il entendait bien la langue grec-
que , et il l'enseignait dansMom-
belliart, l'an 1 554 (^0- H ensei-
(«) Cela paraît par une Lettre de Bude'
à Erasme. C'est la LX'. du IIIe. livre de
celles (/'Erasme.
*' La lettre cile'e dans la note {a) e'iant de
mars 1 5ip, - il fallait dire (suivant Joly ) ,
» auparavant évèque de Paris et alors ar-
•• chevêque de Sens » : critique au tnoius
futile.
° lï.iyle ne parle pas de la mort de Be'-
ranld LeclerC croit qu'elle arriva eu i5qo.
(b) Colonies., in Gallia orient. . pag. I-.
3 a6
BÉRAULD.
connétable * , aimait sa sœur et ses
enjans , il trouvait le temps , parmi
les grandes occupations qu il avait ,
de vaquer h l'édu.calioh de ceux - ci :
c'est pourquoi il oyait commande à
Bérauld de le venir voir règlement une
J'ois là semaine , et de C avertir fidèle-
ment de tout ce qu'il reconnaîtrait en
eur de bien ou de ma!. Or , Bvrault
l'étant venu trouver selon son com-
mandement, et lui ayant dit qu'il était
bien plus content de Gaspard que
tTOdet, le connétable prit l'un p/our
l'autre , et lui Jît réponse qu'il vil a
Y remédier , parce qu'il voulait que
Gaspard f Ut d'église, et qu'Odet,
comme l'aîné, soutint l'honneur de sa
maison. Bérauld, surpris de celle ré-
ponse , lui demanda si c'est quil fal-
lait qu'un ecclésiastique f lit ignorant,
et un homme du monde plus habile ?
Ce discours de Bérauld fit connaître
au connétable qu'il s était mépris , et
il fut ravi d'apprendre que Gaspard
eût tant de disposition aux sciences ,
qu'il y avait lieu d'en espérer quelque
chose de bon. Mais Bérauld ayant jait
part de celte conversation a son éco-
lier , d eut si peur qu'on ne le fit d'é-
glise , qu'il n'y eut plus moyen de lui
faire regarder un livre.
(B) Erasme le loue en plus d'un en-
droit.'] Ce qui! en dit dans son Cice-
ronianus est un mélange de bien et de
mal , puisqup s'il lui don' e d'un cote'
le talent d • bien parler , il lui ôte de
l'autre le talent de bien écrire ; et
qu'il le représente comme un pares-
seux. j4^no.\co dirlianis illalmrato
fluxu Pino n"ii cftssimilei.it : veiitnt is
in hoc génère nunquàm nervos inten-
dit suos , d.icendo quant scripto Jeh-
cior. Quid possit .salis divino , sed est
magni laborn, fugitanltor (3). Dans
la remarque suivante , il lui donnera
des éloges plus purs et en plus grand
nombre. ISotez qu'il lui dédia son
livre de Conscribendis Epislolis, l'an
i5a2.
(C) Erasme logea chez lui. ]
* Montmorency , (lit Leclerc , ne devint con-
nétable qu'en i538. Odel, déjà cardinal, était
alors âgé de yjngt-troïs ans, et Gaspard qui en
avait un peu plus de vingt-un portait les armes
depuis plusieurs années. De Courtils a donc
grand tort de supposer que ce» deuKfrères étaient
encore sous la lerulé ne Bérauld quand Mont-
morency fut fait connétable. En 1 538 Bérauld
ïi'éluit plus chargé de l'éducation des Coligni.
(S) Erasm. , m Ciceron. , pag. r^.
Rapportons le passage tout entier . il
nous fournira un point de critique
contre l'historien moderne de l'ami-
ral de Coligni. Nicolaus Beraldus le-
pidè nimirîiqt hospitalis tesserœ me-
minit in subscriptione sud. IVani me-
mini chm ohm essem Aureliœ, Ita-
liam aditurus , me hominis hospitio
usum , atque apud eum dies aliquot
sanè quant bénigne comiterque habi-
tuai. Etiam nunc audire mihi vuleor
linguam illam explanatam ac volubi-
lem , suaviterque tinnientem et blan-
dè canoram vocem , oralionem para-
tam ac pure Jluenlcm : videre os illud
amicum et plurimiun huntanitatis prœ
se ferens , supercilii nihil : mores ve-
nu sto s , commodoS , faciles , minimè-
que molestas : qum et interulam seri-
catn velut apophorelum obtulit abilu-
rp , vixque ab /tontine impetravi ut
liceret recusare (4). Cette lettre est
datée du 21 de février i5it> , d'où l'on
peut inférer que Bérauld n'était point
jeune, quand il fut donné pour pré-
cepteur aux fils du maréchal de Clnl-
tillon. .Mais cette volubilité de langue
qu Erasme, témoin auriculaire, lui
attribue , comment l'accorderons-
nous avec ce que l'on va lire ? L'a -
mirai avait en lui deux choses qui pa-
raissaient extrêmement opposées , sa-
voir : une grande vivacité d'esprit, et
une parole fort lente ; si bien que
ion eût dit qu'il rêvait à ce qu'il al-
lait dire. Les politiques voulaient que
ce fût une adresse pour avoir le temps
d'observer ceux h qui il avait affai-
re-. .. Il est bien plus vraisemblable.
de croire que celait un défaut qu'il
avait contracté par la fréquentation
de Nicolas Berauhl , son maître, en.
qui l'on remarquait la même cho-
se (5) *.
{D) Quelques-uns disent qu'il était
né à Orléans. ] IVicolai Beraldi Ao-
kelii Dia/ogus. C'est ainsi que
parle Gesner (6). Voyez aussi Rocol-
les, à la page 2i4 de l'Histoire vé-
ritable du calvinisme. Je rapporte-
rai ses paroles à la fin de la remarque
suivante.
(4) Erasmus , Epist. XIV libri I , pag. 56.
(5) Vie de Gaspard de Coligni , pag. 18.
* Joly prétend que Bayle dit que Bérauld
élait bègue, lîayle ne parle que de sa lenteur â
parler, et cela sur le témoignage de Sandras de'
Courtils qu'il oppose à celui u'Hrasme.
(6; Gesneri Biblioth. , folio 5t8.
BERAULD.
32'
(&) {Vautres fissurent qu'il était au livre IX. M. Chevillier va clone,
de Languedoc] « Louise de iWontmo- trop loin dans ces paroles de la page
» renci, leur mère , assistée des con- 191 de son Origine de l'impriment.
» seils de son frère , prit soin de leur de Paris : j'ai été étonné. , quand {'ai
» éducation, et leur donna pour pré- vu, qu'on n'y (10) avait rien du de
» cepteur Nicolas Bérauld , natif du Jean Caesarius , et qu'il n'y était fut
» Languedoc, mais qui avait appris aucune mention de son ouvrage , ni
» les belles-lel très à Paris, où il était dans la préface, ni dans ta liste des
» venu dès sa jeunesse. >• C'est ainsi principales éditions de ce fameux au-
qu'on parle dans la page 8 de la nou- teur , qui a éternise au premier tome.
velle Vie de l'amiral. Gesner aura pu Ceci servira de note ou d'accessoire
être trompe' par le long séjour que à ce que l'on touche de l'omission de
Bérauld lit à Orléans, où il était pro- Bérauld dans le texte de l'article,
fesseur en droit , si je ne me trom- (G) Il témoigna son chagrin des
pe. Bocolles en parle ainsi , à la page abus de l imprimerie. On sera bien
21 /j. de l'Histoire véritable du Calvi- aise que je rapporte sa plainte.] <c Jac-
nisme : Nicolas Bérauld, d'Orléans, » ques Fontaine , professeur en droit
grand Jurisconsulte. Gesner fait men-
tion d'une harangue de Bérauld de
Jurisprudenlui vetere ac novitid.
(F) // a travaillé sur Pline.] Il est
le troisième des commentateurs de
dans l'université de Paris , ap-
prouve fort le conseil que Nicolas
Bérauld donna aux souverains d'ap-
porter queîqu/î remèdg à ce mal , et
de faire des édits pour éloigner de
cet auteur qu'Erasme a nommés, lier- » ce bel arttous ceux qui par le 111:111-
molaus Uarbaru.s est le premier (7) ,
Bude le second*, et Jean Caesareus
le quatrième. Pnst hune (Biuheum )
JYicolaus Beraldus , homn supra pe-
ritiam hiimanarum lillerarum , ma-
themalices eliarn pulchrè caltens, quod-
que hic vel prœcipuum erat sanijtt
que d'érudition et de science , se-
raient juges incapables de l'exercer.
Quarè prudenttssimc. in Prœfalione
operis sui Pliniani admonet longe
crudiiissimus JYicolaus Beraldus,
ut aliquo puhlico decrelo insolen-
te tissima ista ignora/ititin impresso-
dicii, non minore studio quant reli- » rum audacia reprirnatur ; quibus hoc
gione versalus est in hoc labore. JYu- » debemus sludiosi , quùd pro undqud-
per omnium postremus Joanncs Cœ- » que litterd inyenirnus plagam , pro
sareus in nmm génère lillerarum exer- „ $ylfaf>d crueem , pro libro lormen-
ciïatissimus , non infelicem opérant „ tant. Sri! ici indignitas , qupe loqui
prœstitit (S). C'est ainsi qu'Érasme a „ compuJ.it, etiam lacère cogit (n).»
parlé dans la préface du Pline çju'il £os paroles de Jacques Fontaine se
tit imprimera Bâlé , chez Frobenius , trouvent dans l'éloge qu'il lit de
l'an i5a5. Il assure qu'il avait cor- HerlhoMe Kembolt , fameux impri-
rigé beaucoup de passages, et que meur. On le lit au Sexte des IXécré-
jamais Pline n'avait paru en meilleur talcs, imprimé par Chei'alon , l année
état. In cœleris item ita vigilatum est, 1020 (i*)-
ut meo periculo non dubitem pollicen /[\\ e> que jindique quelques
niinqu'am liactenit; crisse Plinium je- autres pièces qu'il publia.] Voici
liciùstraclalum (9). Cependant le père celles dont Gesner a fait mention.
Hardouin ne dit rien tle cette édition, Dlalogus quo raliones explicanlur
et il ne compte Caesarius ( c'est ainsi quibus dieendi ex tempore jacultas pa-
qu'il le nomme) (pie parmi ceux qui rn,i polest : deque ipsâ dieendi ex
n'ont travaillé que sur un morceau de tempore facultate , àLyon, en i:V!j.
Pline. Il ne lui, attribue que des Sco- ])e Jurisprudentid Ùeïere ac novitid
lies sur ce qui concerne les poissons Oralio, cum cnidttd ad antiquorum
leclioneni ac studuim exJiortalione ,
à Lyon, en K>.';.'{. Des notes sur le
Rusticus et sur le JVutricia de Poli-
(7) Le père Tlarelouin remarque , et nrec rai-
ton , que te premier qui entreprit VYmcJ'ul Jean
André Valeriensis antîstes m CoreicS. Je crois
quil fallait dire Meriensis.
' l.'rlil'.on ,1e BérauUÎ est rie Pari. , l5l6.
(8) Erasm. , Priefai. . in Plin. Elle est im-
primée parmi set Lellres , au livre XX! lit .
pag- 16
(9) IHd. , pag. iG33.
(10) C'est- il- dire , dans l'édition du pire
Ilarilouin.
(n) Clicvillier, Origine de L'imprimerie de
T.iris, pa
: nfmf.
Ô2Ï
tien. Il est vrai que quant à ce dernier
ouvrage, Gesner n'est pas hors d'in-
certitude. Ferlur etiani in Politiani
JYuiricia scripsisse , si bcnè memini
(i3). Josse Badius , dédiant à Louis
de Berquin la seconde partie des
œuvres de Politien , l'an i5i2, s'ex-
cuse le mieux qu'il peut de ce qu'il
n'a point encore imprimé la très-docte
et très-solide épitre que Bérauld avait
BÉRAULT.
présenta les précipices , et lui con-
seilla de ne s'y point engager contre
son inclination (i5).
(K) // a traduit quelques livres
d'Appien.] Ce fut Henri Etienne, qui
le choisit pour traduire les guerres
d'Annibal et celles d'Espagne : Sicut
hosce duos libellos a nie ex Italid ( uti
dixi ) allatos primus edidi , ita eliam
„ primus latine i>ertendos curavi , etqui-
comnosée contre Laurent Valïa , et dé- dem delecto ad id munus viro Grœcœ
linguœ non pariun perito , Francisco
Beraldo Aurelianensi{\6)-\\ montre
dans ses notes pourquoi il a préféré
la traduction de François Be'rauld à
celle de Cœlius Secundus Curion *.
(i5) Vie de l'amiral de Coligny , imprimée en
1686 , pag. 10 , 11.
(16) Henricus Stepbanus , in Prcef- Appiani.
* - On lit, dit Joly, plusieurs particularités
» curieuses surN. Bérauld dans les Singularités
» historiques et littéraires de D. Liron , toin^.
» III, pag. J2f) et suiv. , ou il dit qu'il ne connaît
» que Gessner qui ait parlé de Bérauld. Il
» pouvait consulter le Dictionnaire critique. Du
» reste, il cite un grand nombre d'ouvrages in-
» connus à Bayle. •
BÉRAULT (Claude), auteur
du Commentaire sur Stace in
usum Delphini , mourut à Paris,
au mois de mars 1705. Il était
professeur royal en syriaque ,
rt de M. d'Her-
diée à son bon ami Louis de Berquin.
Voyez Bocolles, Hist. vérit. du Calv..
pag. 2i"4 , qui dit que cet ouvrage de
Bérauld avait pour titre , De la Ré-
crimination contre Laurens Valla ,
Antoine de Palerme , et Barthélemi
Facius (t/j). Le Catalogue d'Oxford
contient un Dictionarium Grœco-La-
tinum Nicolai Beraldi , imprimé à
Paris , l'an i52i ** , et un autre livre
intitulé Syderalis Abyssus , imprimé
dans la même ville , en i5i4*5-
(I) C'était un honnête homme. ]
Madame de Châtillon , et le conné-
table de Montmorency son frère, vou-
laient faire de Gaspard de Coligni un
homme d'église ; et ayant su de lui-
même que ce n'était pas son inclina-
lion, ils donnèrent ordre à Bérauld
de lui insinuer leur volonté, croyant
que comme if avait toujours manié son
esprit de jeunesse, il savait mieux
que personne le moyen de le réduire, depuis la moi
Ils lui représentèrent que son disciple j^elot
pourrait l'oublier dans la profession
des armes ; mais que sous l'état ecclé- HÉRAULT ( MlCHEL ) , minis-
siastique , il aurait toujours besoin v . '
de lui, et le comblerait de bénéfices, tre , et puis aussi protesseui en
Ils ne s'y pouvaient prendre plus fi- théologie à Montauban , a fleuri
nement pour lui faire faire ce qu'ils yers ]a fin du XVIe. siècle , et au
commencement du XVIIe. Il se
fit fort considérer dans son parti.
Ilavaite'/e moine , si l'on en croit
Scaliger , qui lui a donné la
louange de docte et d'habile
homme (a). Il fut choisi , en
1 593 , pour disputer contre du
Perron dans la conférence de
Mantes , comme je l'ai dit en un
autre endroit (b) ; et il publia
un ouvrage contre le même du
(à) Scaligératia, au mot Bérault, pag. 20.
(b) Dans la remarque (B) de l'article Ro-
ta N.
pour lui Jaire j
voulaient ; mais Bérauld
, qui était
plus homme de bien qu'intéressé , au
lieu de faire tous les efforts qu'ils es-
péraient, se contenta de lui montrer
les avantages de la dignité de cardi-
nal , et en même temps il lui en re-
(i3) Gesn. Bibliolli., folio 5iS.
(i4) Bocolk's, Histoire vér. du Calvinisme,
fia g. 214.
*' Ce Dictionnaire ne porte aucun nom sur le
frontispice. L'auteur primitif était , dit Lcclerc,
un carme italien nommé Jean Craston ou Cras-
toni. Bérauld ayant revu et augmenté cet ou-
vrage , l'appelle dans sa préface : noslrum hoc
I.exicon.
*2 Joly remarque que Bayle a oublié de citer
un ouvrage de Bérauld , mentionné dans la
iïibliolhrca sacra du père Lelong et intitulé:
Nicolaus Bcraldus Aurelius calholicus : Enar-
■aliopsabnorum 71 et i3o, Paris , i5?9, in-4°.
BÉRAULT. 3 29
Perron, l'an l5g8 (A). Il favorisa ranci , il fallut l'entendre (2). Il
beaucoup au temps des guerres ai'oua le livre : il P'^ndit n'y avoir
civiles, les intérêts du duc de pomt °.™ei?™ la àoctrine qu'on ha
_ .. , ,. - imputait, et excusa sur la malice des
Rohan , et il publia dans cette temps ce qu'il y avait de suspect. Il
vue quelques écrits qui lui fi— dit qu'il s'y trouvait des paroles am-
rent des affaires (B). 11 avait bri- *'(?"«* » et 9ui1 détestait la consé-
> . quence qu'on en avait tirée. Le com-
pile presque ouvertement , en ' • / , ■ . / -
°„ ff . ■* . . 3 \l " nussaire ne voulut point laisser passer
lbo5 , la nomination de députe cette espèce d'excuse , et il convainquit
aux assemblées générales de ceux Béraud d'avoir écrit formellement ,
de la religion (c). Il nous a an- dfns une Préface de son li"re, les
P.- ,._- £-.~~.,~ „,,; „,* choses dont on l'accusait. De sorte qu'il
ris une époque , qui est assez e * ■ r . ■ ,
i 1. ' 1 fut censure fort vivement par le syno-
Cuneuse (C) ; je veux dire, ce de , qui traita les expressions de son
qui porta plusieurs ministres de Uvrede termes scandaleux, qu'il avait
France à commencer de lire les employés ma\ à propos. Cette doctrine
i" / j\ fut condamnée , et iljut défendu aux
" /> '* ministres de l'enseigner. Cependant
(c Hist. de l'cdit de Nantes, tom. I, Béraud demeura exclus du synode ;
pag. 425. (,t ai,ant qUf, (jy £lre établi , il essuya
{d) r oyez la préface de son livre de la €ncore line nouvelle censure de la part
Défense de la Vocalion des m.n.stres. du commissaire.
(A) // publia un ouvrage contre le Après que les députés du synode
même du Perron , l'an i5y8.] Il le fit eurent harangue le roi, on permit à
imprimer à Montanban , par Denis Be'rauld de prendre séance dans l'as-
II. mit m , et le dédia aux magistrats et semble'e (3).
aux habitansde la ville : c'est untVi-S°. (C) tlnous a appris une époque qui est
de 498 pages , intitulé Briève et claire assez curieuse.] 11 dit (4) > qu'en\iron
défense de la vocation des ministres l'an i585, lorsque ceux de la religion
de l'Evangile contre la réplique de réformée étaient occupés à repousser
Messire Jacques Davy , évéqued'E- les furieux et plus que gigantins efforts
vr 'eux , faite article par article sur la de la ligue, on reçut de surcharge
même réplique. certain avis venant de Paris et de la
(B)... et quelques écrits, qui lui cour d'Henri III , que quelques jeunes
firent des affaires.] Le commissaire du hommes autrefois sortis d'entre les
roi au synode national de Charenton , réformés préparaient guerre
en i63i , demanda , entre autres cho-
ses, qu'il fut défendu aux ministres
de se mêler des affaires politiques (1).
Cet article regardait Béraud , minis- -
tre de Montauban , homme d'un es-
prit un peu chaud, et qui allait vite
Pendant les derniers troubles il avait à l'imprimé jusqu'à cette nouvelle in-
écrit un livre , où, non content de jus- clusivement
tifer la prise des armes , il s'était « Comme Dieu , ajoute- 1- il, donne
avisé de soutenir que les ministres » toujours aux siens quelques moyens
même ont vocation de les porter , et » défaire profit des plus envenimés.-
de répandre le sang. Le commissaire
exagéra l'importance de cette opinion,
dangereuse dans un homme comme Bé-
raud, qui , outre la qualité de ministre,
ftvait encore celle de professeur en lluo-
logic. Il prononça le premier la con-
damnation de ce coupable, et ordonna , . _.
au synode de le censurer. Avant que („ >t0,re de "*' de Nan,ï5' """' U<
de rien répondre sur l'affaire de Bé- (3) j^^Sme. pag. 5=3.
(t) Histoire de l'édil de Nantes, lom. II, (4) Bér-ault, Préface de la Défense de la W
pag. 5i8. cation des ministres.
33o
BÉRENGER.
à H mp ri me jusqu'à A ceux - ci, in-
clusivement . »
♦Cette remarque (C) rejetée dans le quatrième
volume dans l'édition de 1720 , a été totalement
oubliée dans les éditions de ir3o , 1734 ,
174°) etc* J'aurais voulu, comme j'ai déjà eu
le bonheur de le faire en d'autres articles , rem-
plir les citations qui ne sont qu'indiquées ici.
J'ai vainement cherché dans toutes les bibliothè-
ques pi bliqties de Paris et dans plusieurs des
déparlemens l'ouvrage de Bérauld dont Bayle
donne le titre dans sa remarque (A). Un avis in-
séré dans la Btblif graphie de ta France , deux
lettres écrites à Montauban, n'ayant rien produit
jusqu'à présent, je fais ici un nouvel appel aux
amis des lettres; et dans l'espoir qu'il produira
tôt ou tard quelqu'efi'et , j'ai laissé quelques li-
gnes en blanc. Aussitôt que j'aurai trouvé le livre
de Bérautt je n'aurai qu'a faire réimprimer le
présent feudlet ou les blancs seront alors rem-
plis.
BÉRENGER* (Piebre), de Poi-
tiers, disciple d' Abélard , prit
fort à cœur les intérêts de son
maître condamné par un conci-
le (a) en i i /, o : et parce qu'il
regarda saint Bernard comme la
principale cause de cette con-
damnation , ce fut contre lui
qu'il jeta le plus grand feu de sa
colère. Il écrivit une Apologie
pour Abélard {b) , ou il expose
qu'on prépara le jugement du
procès parmi les verres et les
pots (A) ; et que l'accusé, voyant
la mauvaise disposition de ses
juges , demanda que la cause fût
renvoyée au pape (B) ; qu'on ne
laissa point de le condamner ;
et que saint Bernard prévint
avec tant de promptitude l'esprit
du saint père , qu' Abélard fut
bientôt condamné à Rome, sans
avoir été ouï (C), et sans même
qu'on lui eût donné le temps de
se présenter au tribunal devant
* « Article purement satirique, dit Le-
» clerc, l'oyez le père Mahillon dans son
» édition de saint Bernard , édition de 1690.
» La même lecture servira pour l'article que
» Bayle a donné à saint Bernard ».
(a) Tenu à Sens.
(J>) Elle est imprimée aree les OEuvres
d'A hélai cl, à Pans en 1616.
lequel il avait évoqué sa caus,e
Là-dessus , l'apologiste rapporte
les raisons qu'on pouvait allé-
guer pour saint Bernard": savoir
que le zèle de la maison de
Dieu le rongeait; que la lèpre
qui défigurait le corps de l'église
se serait répandue au long et au
large , si l'on n'avait étoiiffé le
mal dans sa naissance ; et que ,
pour épargner aux lecteurs la
peine de parcourir plusieurs vo-
lumes , il avait été à propos de
donner une courte liste des pro'
positions pernicieuses d'Ahé-
lard. On ne peut tirer d'affaire
celui qui fut le faiseur d'extraits
en cette rencontre; et soit que
saint Bernard ait pris seul toute
cette peine , soit qu'il ait pro-
duit avec ses extraits ceux que
d'autres lui fournirent , il est
certain que cet endroit de sa vie
ne fait pas beaucoup d'honneur
à sa mémoire (D). La liste qu'il
produisit contenait des choses
qu' Abélard n'avait jamais dites
ni écrites , et des choses qu' Abé-
lard n'avait jamais entendues se-
lon le sens qu'on lui imputait
(c). C'est ce que l'apologiste de-
vait montrer dans la IIe. partie
de son ouvrage; mais il ne la
composa point , et pour cause
(E). En attendant cette seconde
partie , qui ne vint jamais , il fit
comprendre à saint Bernard
dans la première, que ce n'était
point à lui à persécuter les au-
tres sur leur doctrine , puisque
ses écrits n'étaient point exempts
d'erreur. On lui soutint qu'il
avait enseigné une chose , qu'il
n'aurait pas manqué d'insérer
comme un monstre de doctrine
dans ses extraits d' Abélard , si
(c) Voyez In remarque (Ï]P.
BÉRENGER. 33»
Abélard l'avait débitée (d). Cette positions erronées. Je ne prétends
récrimination de Bérenger fut pas que les erreurs imputées à
inutile : il s'adressait à une de Aliélardaienttoutesunaussimau-
ces personnes privilégiées, qui vais fondement que celui-là (H) ;
s'acquièrent le bénéfice de l'im- mais on ne le saurait nier à l'é-
punité , par les grands services gard de la meilleure partie (I) :
qu'ils prétendent avoir rendus à et ainsi les amis de ->aint Bernard
la cause (F). Il ne gagna pas da- n'avaient pas un juste sujet de se
vantage, en représentant à ce plaindre de ce qu'on trouvait des
dénonciateur l'indulgence qu'on erreurs dans ses ouvrages , en se
avait eue pour les erreurs de servant contre lui de sa inétliode.
quelques pères de l'église. Outre II est de l'utilité publique que
cette pièce de Bérenger , nous certaines gens soient obligés de
avons deux lettres de sa façon , s'écrier ,
l'une à l'évêquede Mende , l'an- Ehcu'.
tre contre les chartreux. Elles Quant lem$rè in nosnuf legem sancimus
«.•_"' I - inuiuam (£■).
sont imprimées avec les oeuvres ' Sl
d'Abélard. Il soutient dans tous Le mal est que l'événement ne
ses écrits le caractère d'un esprit se déclare pas toujours contre
ardent et aigre , que Pétrarque l'agresseur ; car nous voyons
lui a donné (G) ; mais il dit que encore aujourd'hui le malheu-
son invective contre les char- reux Abélard couvert de honte et
treux ne tendait qu'à les corri- d'ignominie (K) , pendant que
ger de leur médisance (e). Ceux son adversaire est invoqué com-
qui ont dit qu'il était de petite nie un saint. Il avait été con-
taille ont mal entendu l'auteur damné à Soissons dans un concile
qu'ils citent (/"). Au fond, les présidé par le légat du pape,
reproches d'hétérodoxie qu'il a lequel légat n'entendait rien à
faits à saint Bernard ne sont l'état de la question (L). Gcrson
que de vaines chicanes, et ne a cru que le fameux Bérenger.
doivent servir tout au plus qu'a qui niait la réalité , était disci-
faire voir , que quand on appuie pie de Pierre Abélard (/i) : i! l'a
trop rigidement sur certaines pris peut-être pour celui qui fait
expressions, sans se revêtir decet la matière de cet article; et en
esprit d'équité qui cherche le tout cas, il s'est trompé, vu
sens d'un auteur dans le but et qu' Abélard n'avait pas dix ans,
dans les principes de ses ouvra- lorsque l'adversaire de la réalité
ges , on trouve aisément despro- mourut.
,,. , Ceux qui voudront s'informer
(a) Savoir que lame e'tait crce'e au ciel. , i • -i • T> ' »
Dum dignila/em anima, jacl.las , originrm et P'US dl détail SI hereilger avait
sideréam flore jejuni èloquii nundinaris. raison de prétendre qu'Abélard
Ouod si in Pelri Opusculis hujus vecprdiam ? t. -. > » ».■ • * «.
^périsses, non Jt dubn.m ,,,„„ eam Mer n *}*}\ Pas un hérétique qui eut
illa qnir peperi.fi capitulorum monstra lo- mérité les persécutions qu'on lui
casses. hyei,,. in Oper. .\!,,1,, ai pag. 3 ,5. ^^^ fe ^ bi (,(1 consulter
(e) rolui resecan: in ets nnmoderalam li-
cenliam iingnœ , quà peint, quidam geomelra
tottun orban mensitrabanl I3ereng. in Ojier. ig] Horat., Sat. III, vs. 66 . lib. '.
■VLa-lanli . pv. 323. h Gerwm. , Oper . loin. IV, alphabeti
I y oyez la remarque Y J.XIX , lit. Q, folio 212.
332 BÉRE
M. du Pin , qui a porté un juge-
ment équitable sur la doctrine
de cet homme , et nommément
sur les XIV propositions ex-
traites de ses ouvrages , et lues
dans le concile de Sens. On ne
peut pas nier, dit-il (i), qu'il
n'ait eu des sentimens catholi-
ques sur le mystère de la Trini-
té , et qu'il nait cru les trois
personnes divines d'une même
nature. Je rapporterai tout ce
qu'il a dit sur cette proposition
d'Abélard . Dieu ne peut faire
que ce qu'il fait (M.). C'est une
question plus importante et
plus difficile que l'on ne saurait
s'imaginer. J'ajouterai à cela ,
que les protestans sont plus en-
clins que beaucoup de catholiques
à condamner Abélard (N) ; et je
citerai un passage de M. Joly ,
chanoine de Notre-Dame à Pa-
ris.
(i Du Pin,Bibliot. des auteurs eccle'siast.,
tom. IX, pag. 122 , édition de Hollande.
(A) // exposa dans son Apologie
pour Abélard , qu'on prépara le juge-
ment de son procès parmi les verres et
les pots ] On ne peut pas faire une des-
cription plus satirique , que celle
que Rérenger a faite des préliminai-
res de ce jugement synodal. Il dit que
les pères du concile, après avoir bien
bu et mangé , se firent lire l'écrit de
Pierre Abélard. Ils frappaient, des
pieds pendant la lecture , ils riaient ,
ils badinaient , ils buvaient 5 et lors-
qu'ils entendaient quelque chose à
quoi leurs oreilles n'étaient pas ac-
coutumées , ils grinçaient les dents
contre cet auteur, et se demandaient
s'ils laisseraient vivre un tel monstre ?
Ils avaient tant bu qu'ils s'endor-
mirent ; de sorte que quand leur lec-
teur rencontrait quelqu'endroit sca-
breux , il leur demandait s'ils ne le
condamnaient pas? ils se réveillaient
en sursaut , et disaient à moitié en-
dormis, les uns damntimus , les au-
tres seulement namus. Les termes de
Bérenger ont plus de force que les
NGER.
miens : qu'il me soit donc permis de
les rapporter. Il appliquait fort joli-
ment les pensées des anciens poètes
latins. Posl aliqua pontijices insul-
tare , pedem pedi applodere , ridere ,
nugari conspiceres , ut facile quilibet
judicaret illos non Cliiislo vola per-
solvere , sed Baccho. Inter htec salu-
tantur cyphi , pocula celebrantur ,
laudantur vina , pontipeum guttura
irrigantur lelhœi polio succi pon-
tijicum corda jam sepelierat. Ecce,
inquit Satyricus ,
• • ■ Inter pocula quserunt
Pontifices saturi quid dia poemata narrent.
Deniquc, cùm aliquid subtile divinum
que sonabat quod auribus ponliftcali-
bus erat insolitum, audientes omnes
dissecabantur cordibus suis , et siride-
bant dentibus in Petrum, et oculos
talpœ habenles i/i philosophum, Hoc,
inquiunt , sinerernus vivere mon-
slrum? Cujus (vini) caloritain-
cesseral cerebris , nt in somni lelhar-
giam oculi omnium soh'erenlur. Inter
liœc , sonal leclor , sterlit auditor.
Alius cubilo innililur , ut det oculis
suis somnum ; alius super molle cer-
vical dormitionem palpebris suis mo-
litur ; alius super genua caput recli-
nans dormilat. Cùm ilaque leclor in
Pétri salis aliquo-lreperiret sumetum,
surdis exclamabataurjbusponlijicum,
Damnatis ? Tune quidam vix ad ex-
t renia m syltabam expe.rgejacti , som-
nolent a voce, capite pendulo , Dam-
namus ajebant. A lu ce, ô damnantium
tumultu excitati , decapitatd prima
sylJabà 5 namus inquiunt. Je ne sau-
rais m'empêcher de mettre ici ce pe-
tit conte. Un conseiller s'endormait
quelquefois sur les fleurs de lis. <c Un
» jour , le président de sa chambre re-
» cueillant les voix de la compagnie,
? et lui ayant demandé la sienne, il
» lui répondit en sursaut , et n'étant
') pas encore bien. réveillé qu'il était
» d'avis qu'on Jît couper le cou a cet
>' homme-la. Mais c'est un pré dont
w est question , dit le président : (Ju'il
» soit donc fauché, répliqua le con-
» seiller (i).» Balzac avait lu cela
peut-être dans l'écrit burlesque de
François Hotman . déguisé sous le nom
de Matago de M alagonibus , contre
iVîatharel. D/ola omnibus, dit-il est
historia de eo qui cùm dorniiens a
(1) Balzac, Aristipe , pag. 199.
BÉRENGER.
prœside excitatus et senlenliant inter- (D)
333
ce procédé de saint Ber-
ro-atns esset, semisomnis dixit Sus- nardnej'ait pas beaucoup d'honneur
pendatur , suspendatur , credens cri- à sa mémoire.] Le zèle et la solitude
minaient processum esse. Cui prceses , lui communiquèrent beaucoup de bile
Quinimô, i/iquit, agitur de prato : et beaucoup de crédulité, si nous en
ergodefalcetur, responditebrius. croyons le même auteur (6;. Cette
(B) que voyant la mauvaise remarque vient de plus haut, quoi-
dispusition de ses juges, il demanda qu'elle n'ait pas retenu toutes les im-
que la cause fût renvoyée au pape.] pressions de sa source : car voici
Othon de Frisingen dit qu'Abélard comme parle Othon de Frisingen :
appréhenda d'être accablé par quel- JE rat aulem Bernardus Clancvallen-
que émotion populaire , et que, pour •»'•* abbas tant ex christianœ relisio-
éviter ce malheur, il demanda son nls Jérvore zclotypus , quinn ex habi-
renvoi en cour de Rome. Dunt de tudinali mansuetudine quodamruodo
jïde sud discute retur , seditionem po- credulus , ut et magistros , qui hu-
puli timons , apostolicœ sedis prcesen- ntanis rationibus seculaiï sapienlid
liant appellavil (a). Il avait raison de se confisi nimiùnt inhœrebant , alhnire-
déiier d'une populace animée par les rtt , et si quicquam ei christianœ Jîdei
déclamations de ses dénonciateurs, absonum de talibus diceretur , facile
qui le taisaient passer pour le destruç- au rem prœberet(y). Voilà comment
teur des plus saints mystères de l'É- la providence de Dieu dispense les
vangile. biens et les maux : la plupart de ceux
(C) et qu'a l'instigation de Hu) ont un grand zèle deviennent
saint Bernard, il fut condamné sans crédules et soupçonneux, et conçoi-
avoir été ouï.] On lui lit la même in- vent aisément une extrême animo-
justice au concile de Soissons ; et cela s'*e contre les personnes qui leur
sur un fort mauvais prétexte : c'est S0Dt suspectes. Us écrivent contre ces
qu'on craignait les subtilités de sa gens-là lettres sur lettres (8); ils a-
dialectique, et les adresses de son larment les consciences , et ils ne se
éloquence. Libros quos ediderat pro- donnent point de repos qu'ils n'aient
pi id manu ab Episcopis igni date inspiré à tout le monde leurs préven-
conclus est , nulld sibi respondendi 'ions. S'il s'agit d'examiner les livres
facultate , eb qubd disceplandi in eo d'un homme , Dieu sait la peine qu'on
periliaab omnibus suspecta haberetur , :» d'entrer dans le véritable sens de
concessd(3;. Le président d'Argentré Fauteur , et dans l'interprétation la
a raison de trouver mauvais que , sur p'us équitable. Voyez ci-dessous la
un tel fondement, on ait violé l'une remarque (I).
des plus saintes lois de la justice, il (F) Berenger ne composa point la
ne Jaut condamner personne sans IIe .partie de son Apologie pour Abé-
i entendre : audiatur et altéra pars; lard , cl pour cause.] 11 pourrait bien
Qui staluit alitjvid, parle inauditd allerâ ,
/Equum Ucet statuent, haud mauusfuil (4).
Voici ce que dit de cet auteur celui
qui a publié les œuvres de Pierre Abé
être qu'il n'a point dit la véritable-
raison de son silence. Cetle raison fut
apparemment la crainte de voir sou-
lever contre lui tous les moines et
lard. Çuentur eum non fuisse audi- Î?US k's ecclésiastiques, et d'être par
tant m concilia contra eum coacto
quod omnes quantumvis docti et sub-
tiles ejus acumen ingenii , lingiuv
fersalilis volubilitatim , eloquenliœ
/lumen aureuvt , vel potiùs fulmen
igneum et trisulcdm , srllogismorum
gryj'os et conlorla enlhymemata rc
fnrmiddiint (5).
(î) Oiho Frising., de Gestis Frider. , hb. I,
cap. XLVIII.
(3) j~l<-> ,tb„i.,cap.XLVir.
(4) Seneia , in Medeâ , act. II , se. II.
(5 Argentré , apud Franc. AuiboeMum , prief.
Apotog. ad Opéra Abâtardi.
là exposé à l'indignation des peupli -
et à mille maux. Il avait senti com-
bien il s'était rendu odieux par la
première partie de son livre; mais
la seconde eût tout autrement aij;ri
les esprits. La première ne contenait
que des lieux communs d'injures et
(G) Argentré, ibidem.
• - Otljo Frising., de Gest. Frid., hb. I, cap.
XII II
; (8) D. Bernardus eum eo timuUates gravùsf
mas eiercuil, ita ut liUeras acrimonia p'.ei as
scnpsrrtlad varias. Argentré , ajmd Ambo'
pra:f. Apolog. ad Opéra Abxlardi.
LÉRENGER.
«le reproches , avec quelques récrimi-
nations peu capables de taire du tort
à saint Bernard ; mais la seconde l'eût
convaincu de mauvaise foi, ou d'i-
gnorance , et par conséquent d'avoir
t te nu injuste persécuteur. Plus la
chose eût été notoire, plus se serait-
on f;iché contre Bérenger , le destruc-
leur d'une sainte réputation si utile-
ment établie ifâns'lés esprits: Il trouvai
«loue plus à propos de se taire , et de
justifier son silence par un honteux
galimatias. Il déclara qu'il était de-
venu sage avec le temps , et qu'il
avait einioavé l'opinion de saint Ber-
nard , et refusé sa protection à des
dogmes qui sonnaient mal , quoi-
qu'ils ne fussent pas mauvais dans le
fond : enGn, que s'il avait dit quel-
nue chose contre la personne de
l'homme de Dieu, il voulait que cela
passât pour une plaisanterie , et non
pas pour une parole sérieuse. Proces-
su tëmporîi trieum sapere crevit; et in
senlentiam àbbàlis j>edibus , ut ilici-
tnr, ivi. JYolui esse patïoriiïs capitu-
loriiin objectorum sibetardn , quia
etsi sanum sapèrent, non sanè sona-
bani Si quiet in personam ho-
mïnis Dei dixi , fàco legalur , non
senô (9). Et néanmoins , peu aupa-
rnant , il avait dit que sa critique
tic saint Bernard était bien fondée.
C'est le sens légitime de ces paroles :
Legdht erudili inri Apologeticum
uûeni eduli, et si domiriùrri abbatem
juste non argui , licen'er nie rèdà'r-
guant. N'est-ce point le galimatias
d'un homme qui n'ose dire qu'il ait
raison , et qui a honte d'avouer qu'il
iit tort?
(F) 1/ attaquait une de ces person-
nes privilégiées , qui s'acquièrent le
bénéfice de l'impunité par les grands
services qu'ils prétendent avoir rendus
a la cause. ] Saint Bernard avait un
m vie fort agréable : toute la terre
Liait inondée des productions de sa
, iume ; ses livres volaient partout ,
t» il en composait un grand nombre.
..,,,, mlur hommes in te, liberalium
disciplinaruni ignare , tanlam uberta-
tum facundice , quia eniissiones tuœjam
cooperuerunt univers'àm superficiem
léi'rœ (10). La réputation de sa sainteté,
Lie son zèle, de ses miracles , n'était pas
(g) Beiengar. , in Oper. Abœl. , pag. 33» ,
iii.
(10) Ibidem.
moins répandue , que celle de sa plume,
Jamdudum sanctitiulinis tua- odorem
aies per orbe.m fama dispersit , prœco-
nisavit mérita , miracula declamavit
(11). Avec cela, il n'y avait point
d'homme qu'il ne pût ruiner de répu-
tation , tant s'en faut qu'un grand
philosophe comme Abélard pût passer
en dépit de lui pour orthodoxe. Béren-
ger a représenté fort heureusement le
crédit de l'homme de Dieu en cette ma-
nière : Damnatur , proh dolor ! absens,
inauditus , et inconvictus. Quid di-
cant , quidve non dicam , Bemarde ?
Ait opus est bello. veniantpacemque rogamus,
Porrigimus jtincias ad tua lora inanus.
Jura cadent rerum , verletur sanetto le^um,
Si t'i s , si mandas, si sic decernis agrndum,
Quein pênes arbilrium est et vis cl norma lo-
quendi (12).
Où est l'orthodoxie , qui puisse te-
nir contre de tels accusateurs ? La
foule se laisse tellement remplir de
préjugés , qu'elle a de la peine à souf-
frir qu'on se iléfende : on ne le peut
faire sans accuser de calomnie le pro-
moteur lIu procès et le dénonciateur ;
et ilès-là , chacun perd patience.
Quoi ! nous souffririons qu'un si grand
serviteur de Dieu jiit diffamé comme
un insigne calomniateur ? Qardons-
nous en bien : l'honneur de l'église y
est trop intéressé. Voilà comment un
petit particulier a raison île dire : Je
serai orthodoxe , ou hétérodoxe , se-
lon qu'il plaira à un tel ; car s'il m'at-
taque sur ma doctrine , on n'osera , ou
on ne saura m'absoudre : ma justifica-
tion le flétrirait , et causerait trop de.
joie a l ennemi- J'aurai beau ledéjérer
à mon tour , on n'y aura nul égard :
je n'ai pas travaillé comme lui au bien
de l'église ; je ne mérite pas les immu-
nités qui sont dues à ses veilles et h
son infatigable vigilance. Une infinité
de gens trouveront mauvais que j'ose
publier des apologies , et me diraient
Jorl bien , s'ils osaient déclarer tout
ce qu ils pensent , ce que Caligula
disait a son frère , quoi ! tu prentls un
antidote contre César ^i3j ? Je leur
paraîtrai digne d'une nouvelle accu-
sation , par cela même que je n'aurai
pas succombé a la première. C'est ainsi
(n) Ibidem, pag. 3o3.
(12) Ibidem, pag. 3<*7,
(i3) Triieidaturus fralrem, quem me.lu vene-
iwntm prieiriunîri medicatnenlis susfjicabatur ,
Jnlidolum, inquîl , advenus Cœsarem? Sue-
tpn., in Caligula, cap. XXIX.
BÉREISGER.
335
qiie fut traite Quintus Scévola , Puis
des plus honnêtes hommes de son siè-
cle. Diem Sccefolœ dixit posteaqu'am
campent euntposse vivere : cùm ab eo
qucereretur qiiid tandem accizsaturus
esset eum i/uem prodignitate ne /au Jure
quidem quisquam salis commode pôs-
set , ajiuil hominem l ut eraljuriosus )
respo/ultsse , quod u<>n lutum tetum
corpore vecepisset (i4;-
(G) // soutient dans tous ses écrits
le caractère d'un esprit ardent et ai-
gre , que Pétrarque lui a donlié. }
Voici les paroles de Pétrarque dans
son apologie : Dantnavit Bernardus
Clarœvallensis abbas Peirum Abœ-
lanlum litteratum quondarn t'irum.
Huic itatus Berengarius Piclaviensis
vïr , et ipse non injacundus ac disci-
pulus Petit, contra Bernurdum librum
mutin scripsit non rrtagni quidem cor-
poris , sed inoentis acrimonie. De quo
poslmodiini à mûltis increpalus se ex-
cusat'it quod adolescens scripsissel , et
quod sibi viri sanctilas nondum peni-
tùs nota esset. François d'Amboise ,
ne considérant pas avec assez d'atten-
tion ce passage , a cru y lire que Bé-
renger était petit. De Berengario
Petrarc/ia in Apnlogid ait ipsumj'uisse
facundum , non màgni eorporis sed m-
gentis acrimonies (ï5). Cela doit ap-
prendre aux auteurs , et à moi tout
le premier , à être perpétuellement en
garde contre les distractions d'esprit ,
qui sont cause si souvent que Ton ap-
plique à une chose ce que ceux que
l'on copie ont dit d'une autre.
(H) Les reproches d'hétérodoxie qu'il
a faits h saint Bernard, ne sont que
des chicanes... les erreurs imputées à
Abélard n'ont pas toutes un aussi mau-
vais fondement que celui-là. ] Par
exemple , on ne lui a point fait dé
tort en l'accusant de donner trop d'é-
ti'iidhe aux forées du franc arbitre ,
et trop peu à la nécessité de la grilce.
Il s'est exprimé là-dessus si clairement
(i6j, que qui v ouili ait le justifier , imi-
terait la mauvaise foi de ceux qui sur
d'autres questions soutiennent qu'il a
été hérétique. 11 ne faut point non
plus chicaner sur certains articles
qu il est diilicile de n'adopter pas ,
(i41 «".icero , pro Se*. Roscio.
(i5) Amboesii Praef. apoloeet. ad Opéra Aha:—
Lrdi.
( 161 Voyez «on Exposition de l'Epître aux lio-
Éutrai , pas- 65? el suiv.
lorsqu'une fois ou a embrassé le dog-
me du franc arbitre. Disons donc
qu'il est fort vrai qu'Abélard était de
bonne composition envers lés péchés
d'ignorance , et qù il ne damnait per-
sonne pour le péché philosophique
(17). H me semble aussi qu'il a ensei-
gné clairement que Jésus-Christ n'est
point mort , afin de nous racheter de
la tyrannie du diable , mais afin que
la bonté que Dieu témoignait à l'hom-
me , par l'incarnation de son fils,
nous portât à l'aimer réciproquement,
et à suivre les instructions et les
exemples d'un Dieu incarné. Ce dogme
ësl à moitié socinien ; et quiconque le
profère, mérite moins, selon saint
Bernard, d'être réfuté, que d'être char-
gé «le coups de billon. Annon juslius
os loquens talia justibus tunderetur ,
tiua'ih ralionibus rej'elleretur (i8j ?
Voici un autre dogme fort chorpiant :
c'est que les choses , qui n'ont jamais
été , et qui ne seront jamais , ne sont
point possibles. C'a été sans doute le
sentiment d'Abélard (19) ; et je ne
vois pas que ceux qui disent que-
Dieu est déterminé par sa sagesse in-
tinie à faire ce qui est le plus digne de'
lui puissent nier sans inconséquence
la doctrine de ce philosophe. Voyez
ci-dessous la remarque (M). Je laisse
quelques autres senlimens , qu'on
peut avoir eu raison de lui imputer,
et qui sont , ou véritables, ou indif-
férensà la religion.
(1 maïs on ne le saurait nier à
l'égard de la meilleure partie. ] Ou
lui imputa faussement «elle thèse,
Deus paler Plena est pntenlia , lùlius
quœdam potentia , Sptrilus Sanctus
nul/il potentia. Ceux qui ont le plus
de partialité pour saint Lernard con-
viennent qu'il n'a point compris le
sentiment de l'auteur. Abœlardi men
tem assecuti non vid'éntur S. Beruar
dus , abbiis S . Theodàrtci , et Aiio-
nymus, qui ipsi tribuùnl, ele
IVon ideô in Sabellianàrn nul Aria-
iium hcéresim mtpëgil', non Trinita-
trm déstruxit , non blasphemiam dix il
iri Spirilum Sahctum' , non Deoritm
iifii>i uni ûnnuntiatùr. fuit , ut maxiaii
illi viri fervore dispututipnis àbrrpti
11') J'v-i ri ses OEuvres , A'«£ H11" • "i.1 1 $t%
(18 JVroard. , Enisl. ad Iddo< 1 . 1 . ...
11. I oir. les /"■•'• i>'3 «■'« ii»5 J* ses
01 •„;„-
fîO) Natalis Alexnndir, <<ec. XI el XII
part, III , ; ag. 19.
336' BÉRENGER.
ipsi intproperdtunt (21). ^a c'I10Se parle menti capitula legimus Hœc et alla
d'elle-même , lorsqu'on examine tout indiculus luus conlinet quorum quœ-
le passage d'Abélurd. On le trouva clam , fateor , Petrus et dixit et scrip-
liérétique dans ces paroles : Spirilus $it ; quœdam verô , neque prolulit ,
quamfHs ejusdem substantiœ sil cum neque scripsit. Quœ autem dixerit et
paire et Jilio , undè etiam Trimtas qUœ non dixerit , et qu'am catholicd
ÔmooÛ<tjoç , id est unius substantiœ mente ea quœ dixerit senserit , secun-
prœdicatur , minime tamen ex sub- dUs arrepti operis tractatus chrislianâ
slanlid patris aul filii si propriè loqui- disputatione ardenter et impigrè de-
mur esse dicendus est , quod oportet clarabit (26). Quelques-uns accusent
ipsum ex pâtre i-el Jilio gigni , sed Abélard d'avoir enseigné qu'ily avait
magis ex ipsis habet procedere. Mais autant de cieux que de jours en l'année,
pour peu qu'on eût suivi les idées de et ils ajoutent qu'on lui répondit ,
l'équité , on aurait compris qu'il tom- qU'H en mettait si grand nombre afin
bait d'accord de toute la substance du je ne faillir d'en trouver quelqu'un a
dogme , et qu'il n'avait rien de parti- sa disposition (27). Mais c'est plutôt
cuher qu'une de ces abstractions de un badinage qu'une dispute. Ce fut
logique , qui seront toujours inévita- donc une oppression tout-à-fait crian-
bles à ceux qui voudront raisonner fe ; que <Je donner gain de cause à
sur la différence des trois personnes, l'accusateur , sans avoir su de l'accu-
On lui imputa d'avoir enseigné que le s^ s';i reconnaissait pour siens les ou-
Saint-Esprit est l'âme du monde (22) ; vragesdont les propositions furent ex-
qu'il n'y a point de péché , ni dans l'ac- traites , s'il convenait qu'elles eussent
tiou, ni dansla volonté, ni dans lacon- e'(e' extraites fidèlement, s'il les enten-
cupiscence, ni dans le plaisir qui Texci- Jait au sens de l'accusateur , etc ? et
te ; et que nous ne devons pas vouloir ie pape, qui , sur les mêmes extraits ,
éteindreces choses. Il soutient dans son condamna les livres au feu, et Abé-
Apologie , qu'il n'a jamais dit ni écrit iarc| a Ja clôture , sans s'être informé
une pareille proposition (23). Ou parle s; Abélard enseignait ces choses , fut
d'une Apologie qu'il publia, où il encore plus inique que le synode de
niait en partie quant aux paroles, et Sens. Les lettres de l'accusateur, et
tout-à-fait quant au sens , les propo- ]e messager qu'il envoya à la cour de
sitions qui lui étaient objectées. Ad Pi0me , et qui dit tout ce qu'il fallait
Cluniacense cœnobium se contulit. p0ur rendre odieux Abélard (28) , mi-
ytpologeticum scribens prœdiclorum rent le comble à l'oppression. Le sieur
capilulorum partim verba , ex tolo François d'Amboise a fort vivement
autem sensum negans (24). Mais on a décrit le personnage que saint Bernard
quelque lieu de croire que cette Apo- joua dans tout ce procès. Ce fut celui
logie s'est perdue (25). llsoutient dans d'un trompette sonnant la charge , et
celle que nous avons , qu'il n'a jamais celui d'un incendiaire mettant le feu
fait l'un des livres , dont quelques-uns aux poudres (29) : vu qu'il envoya au
des dogmes qu'on lui imputa furent pape toutes les ordures qu'il avait pu
tirés; et qu'on lui attribue cet ouvra- ramasser, et que des gens malinten-
He , avec la même malice , ou avec la tionnés avaient ramassées , ou des
même ignorance , que toutes les pro- écrits et des leçons de son adverse
positions du Catalogue , sed sicut cœ- partie , ou des papiers que l'on faisait
ter a contra me capitula , ita et hoc courir sous son nom. Je ne m'étonne
quoque per malitiam vel ignorantiam donc pas que Horstius se soit un peu
prolatum est. Son apologiste Bérenger emporté contre ce François d'Amboi-
s'inscrivit en faux avec plus de res- se (3o) ; mais je ne sais s'il le censure
triction. Indiculum vidimus , in quo Bereni. , ,-„ Oper. Ab*l. , pag. 3io.
non Pétri dogmata , sed nejandi corn- (^ Garasse , Somme de Théol. , pag. 3o4 ,
■vi vn et Doctrine curieuse , ptf£. 266.
(ai.) Nalalis Alexander , scec. XI el XII, ,2%\ nuod meluis JSicotaus if le meus, imo et
part. III, Vaë- "• vester , vivd refit el voce. Bernard., Epist. ad
(?î) Rien n'est plus mal fonde' que cela. |nnoc. 'il , in Operib. Abitl. , pag. 2^5
Votez le père Alexandre, là même, pag. 27. / \ jjoc classico multi ad arma spirilualia
(ï'S) Opéra Abâtardi, pag. 333. excùati sunt Admovet faces incendii ut
(24) Olho Frising., lib. I, cap. XLIX. damnationem ab eu ( Pontiiice ) exlorqueal.
r»Si Voyez les Notes d'André du Chêne sur Amboesii prref. Apol. Oper. Abâtardi.
la Kelation d'Abélard, pag. 11C1 , 1162. (3o) In Nous in Bernard. ,/„J,o 3,.
BÉRENGER.
337
dune chose qui le mérite: c'est d'à- n'entendait rienà l'état de la question*.}
vancerque Pierre le Vénérable écrivit Après que la condamnation fut pro-
à Innocent Jl , qu'Abélard , opprimé noncée , l'un des accusateurs dit entre
par les vexations de quelques person- les dents , qu'il avait lu dans le livre
nés qui le traitaient d'hérétique , en de l'accusé , que Dieu le père est seul
appelait au s.iint siège. Ail Abœlai- tout-puissant (35). Le légat ayant eu
dum graratum vexationibus quo- l'oreille assez bonne pour entendre
rumdam qui illi nomen hœretici quod cela , se mit à dire , qu'il ne fallait
ualdè abominait atur imponere vole- pas même croire qu'un enfant fût ca-
bant , majestatem apostolicam appel- pable de tomber dans une si grande
lasse. Celui qui aurait écrit une telle erreur, vu que , selon la foi commu-
chose au pape aurait donné manifes- ne et publique , il y a trois tout-puis-
tement le tort à saint Bernard ; mais sans. Un docteur ne put s'empêclier
ce n'est pas ainsi que la chose se passa, en se moquant du légat , de citer ces
Pierre le Vénérable n'a dit sinon paroles de saint Athanase , et tamen
qu'Abélard disait qu'il était perse- non 1res omnipotentes , sed unus omni-
cuté, etc. Quœsivimus quo tenderet : potens. Son évêque l'en censura ; mais
gravatum se vexationibus , etc. , ma- on lui répondit hardiment par un
jeslatem apostolicam se appelldsse res- passage de Daniel , qui regarde les ju-
pondtt. ges ignorans , et plus dignes de con-
(K) [Vous voyons encore aujourd'hui damnation que ceux qu'ils jugent. Sic
le malheureux Abèlard couvert de fatuijilii Israël , non judicantes neque
honte et d'ignominie.'] Le voilà chargé quod verum est cognoscentes , con-
tour jusques à la fin du monde de demndslis filium Israël. Revertimini
toutes les erreurs qui lui furent impu- ad judicium , et de ipso judice judica-
tées dans le concile de Sens , et de te •' il ajouta de son crû , qui talem ju-
plusieurs autres. Frère Pierre de Per- dicem quasi ad instructionemjidei et
game lui attribue d'avoirniéque Dieu correctinnem erroris instituistis , qui
fût l'auteur de tous les biens , qu'il t"'" judicare deberet , ore se proprio
fût un être simple , qu'il fût seul éter- condemnavit.
nel , et que tout fût ou créateur ou (M) Voici ce que M. du Pin a dit
créature (3 1 ). FrèreBernardde Luxem-
bourg lui attribue ces mêmes choses ,
sur la foi de l'autre. Pratéolus a suivi
frère Bernard (3-2 ) , et a été copié par
le jésuite Gaultier (33). Belleforèt et
du Haillan ont fait comme Pratéolus.
Les catalogistes d'hérétiques , nation
moutonnière s'il en fut jamais , les
Sanderus , les Alphonse de Castro ,
etc. , n'ont pas manqué d'adopter les
accusations qui tombèrent sur la tête
d'Abélard. Mais d'ailleurs ceux qui
l'ont mis dans le catalogue des té-
sur cette proposition d'Abélard , Dieu
ne peut faire que ce qu'il fait. ] « 11 ne
» nie pas non plus que la puissance,
» la sagesse et l'amour ne soient des
» attributs communs aux trois per-
» sonnes divines ; il déclare même le
» contraire en termes formels • mais
» il attribue la puissance au Père , la
» sagesse au Fils , et l'amour au Saint-
» Esprit, par appropriation : en quoi
» il ne semble pas s'éloigner de la
» doctrine des pères et des théolo-
» giens. Mais il ne s'accorde pas avec
moins de la vérité (34) n'ont su ce » la manière de penser et de parlei
» des autres dans la troisième propo-
» sition , où il soutient que Dieu ne
» peut faire que ce qu'il fait , et ne
î> peut pas faire tout ce quil ne fait
» pas. Ce n'est pasqu'il ne reconnaisse
» (pie la puissance de Dieu en elle-
» même ne pût s'étendre a d'autres
■» objets ; mais il prétend , qu'étant
» considérée comme jointe à la sa-
* tes Mémoire de Trévoux, novembre 1-38.
qu'ils faisaient : il a bien eu quelque
sentiment partieulier sur les acci-
dens eucharistiques ; mais c'était plu-
tôt en supposant la réalité , qu'en la
niant.
(L).... Le légat , qui le condamna ,
(3i) Pelr. Perg.im. apud Bern. Lutzenburg. ,
m Catalogo Hrereticor.
(3î) Pratéolus, ùi Elencho Hœreticor.
(33) Cault. Tabut. Chronol.
(34) VU.Y- la Vie d'Abélard. par Thomasius,
'tome de J'Hisloria Sa-
ffall , en Allemagne .
imprimée dans le prem
pieDlisç et Stullitia: ,
Van iGy3.
ml l'apuloaie de
mars et août i"3q,
Connu et la censure de Bavle. Joly en transcrit
coniula raniment un morceau.
(35) Oper. Abjcl. , pag. i+.
22
335
BÉRENGER.
» gesse et à la volonté de Dieu , il ne
)> se peut pas faire qu'il veuille , ni
» qu'il fasse autre chose , que ce
» qu'il veut et ce qu'il fait actuelle-
» ment (36). » Vous verrez ceci plus
au long , dans le précis que M. du Pin
a donné d'un ouvrage d' Abélard (37).
Dans te troisième livre , (/ traite par-
ticulièrement de la puissance de Dieu,
et il soutient que Dieu ne peut jaire
que ce qu'il fait , et ne peut pas faire
tout ce qu'il ne fait pas ; parce que Dieu
ne peut faire que ce qu'il veut : or il ne
peut pas vouloir faire autre chose que ce
qu'il fait , parce qu'il est nécessaire
qu'il veuille tout ce qui est convenable :
d'où il s'ensuit que tout ce qu'il ne fait
pas n'est pas convenable ; qu'il ne peut
pas le vouloir faire ; et , par consé-
quent , qu'il ne peut pas le faire. Il
avoue lui-même que celte opinion lui
est particulière ; que presque personne
n'est de cet avis ■ qu'elle semble con-
traire à ta doctrine des saints et à la
raison , et déroger a la grandeur de
Dieu. Il se fait là-dessus une objec-
tion difficile : « un réprouvé , dit- il ,
» peut être sauvé ; mais il ne saurait
» l'être que Dieu ne le sauve : Dieu
» peut donc le sauver , et par consé-
» quent , faire quelque chose qu'il ne
» Jait pas. » Il y répond, que l'on
peut bien dire que cet homme peut
être sauvé par rapport h la possibilité
de la nature humaine , qui est capa-
ble du salut; mais que l'on ne peut pas
dire que Dieu peut le sauver par rap-
port a Dieu même , parce qu'il est im-
possible que Dieu fasse ce qu'il ne doit
pas jaire. Il explique ceci par divers
exemples ; un homme qui parle peut
se taire ; mais il ne se peut pas faire
qu'un parlant soit dans le silence : la
voix peut être entendue ; mais le sourd
ne la peut pas entendre : un champ
peut être cultivé , quoiqu'un homme ne
puisse pas le cultiver, etc. (38).
J'examinerai peut-être ce dogme
dans quelqu'une des remarques de
l'article de Wiclef
damner Abélard. ] « Hoornbeeck , au
» commencement de son Apparat ad
)' Controversias et Disputationes So-
» cinianas, remarque les Hérésies d'A -
» bélard...Perizonius, dans son Speci-
» men Apologelicum Anti-Gualieria-
» num(Jig),accusationibusJacobiGual-
» leri jesuitœ oppositum , dans sa dé-
» fense cinquième , de Fide ituplicitd.
» fait aussi une description assez am
» pie d'Abélard et de ses senti mens ,
» et s'étend à faire voir , ponlificios ,
» et nominatim jesuitas , in mullis
r> cuni Abailardo convenue : il en fait
» le parallèle, et montredans un autre
» endroit de cette même défense cin-
» quième , que , quant pulchrè soci-
» nianis prœluxeril , minime obscu-
» rum est : Becmann , dans ses Exer-
» citations théologiques , exercit. H .
» dit que , Socinus hune errorem ,
» Christum pro peccatis nostris non
» esse mortuum , è lacunis veterum
» hausit ; quippe anno Chrisli 1 i^o in
ji Galliis Peints Abailardus ( quem
» Bernardus et Otho Frisingensis
» Abailardum , Plalina Baillardum
» vocant ) idem docuit (4o) Joly ,
» chanoine de Notre-Dame de Paris...
» dit dans son Traité des restitutions
« des Grands , que les ennemis d'A-
» bélard , jaloux de sa réputation , en
» firent tellement accroire au bon
■a saint Bernard , lequel y procédait
■» de bonne foi , qu'il se trouve que le
» livre des Sentences fut condamné
» au feu sous le nom d'Abélard , com-
>} me en étant l'auteur, quoiqu'il fût
» de Pierre Lombard , évéqite de Pa-
ît ris: ouvrage néanmoins , ajoute-t-
» il , que l'on sait être canonisé dans
» la Sorbonne . et sur lequel estfon-
» due toute la théologie scolastique.
■» 11 dit encore , que le même Abélard
>, fut fort maltraité et persécuté par
j) les moines de St.-Denys en France,
» et par St. Gildas (4 1 ) de Ruys , près
)> de Cannes en Bretagne ; parce qu'il
■» reprenait leurs vices (42)-
Je remarquerai deux choses sur ce
(N) ' Us protestant sont plus enclins passage de M. Ancillon : l'une , qu'en
* beaucoup de catholiques à con- effet Pierre Abélard est assez con-
que beaucoup
(36) Du Pin , Bibliothèque des Auteurs ecclé-
siastiques, tom. IX, pag. 122, édition de
Hollande.
(37) Le III'. livre de /'Introduction à la
Théologie. f
(38) Ou Pin, Bibliothèque des Auteurs ecclé-
siastiques , tum. IX , pag. 119, 130.
* Cet article n'existe pas.
(3q) Voila un Anti omis par M. Baillet.
(4o) Ancillon , Mélange critique de Liltéra-
re , loin. I , pag. 4-
(4i) Il fallait due, et par ceux de Saint -
/,
Gilda
(42) Ancillon
pag- 4-
Mélange critique , tom.
EÉRÉNICE. 339
forme dans les matières de la grâce porté le prix aux jeux olympi-
aux opinions ; que les jésuites soutien- () obtint , à Cause d'une
mut ; mais M. du Pin observe , que . ',, . , - , , . .
si la doctrine de cet auteur n'«i pas , . singulante , la permission
conforme aux principes de taint Au- d'assister à ces jeux-là , qui avait
gustùf ,.... aussi n'est-elle pas pela- été ôtée aux autres femmes par
Sienne ni sànipébgienne , pmsqvHl d^cret public (A). Quelques-uns
■■< connaît la nécessite de la grave pour ,. ; n V - * . , ,
le commencement du bien, et qu'il disent qu elle obtint ce privilège
soutient seulement que Dieu a donné avant que son fils eût été vain-
une grdce égale à tous les hommes queur (B) : on se contenta de
dont chacun peut faire un bon usaiie „_.„:___
ou la rejeter (&/u seconde choie f?0lT W? SOn Pere Ct CIUe s^
que j'ai à dire est qu'il faudra exa- ireres avaient remporte cet avan-
miuer en quelqifautre lieu , si le li- tage , et de voirqu'accompagnée
vre des Sentences , condamné au jeu de ses frères victorieux elle pré-
sous le nom d Abélard , est celui de co,,t„\. „ c\ * »,. - i-
Pierre Lombard. SGntait b0n fils tout Pret ? &Spu-
(43) Du Pin, B.bliotbéque des Auteurs ecclé- teF Cftte SOrte de Couronnes. Le
siastiques, paS. 122. narré de Pausanias diffère de ce-
BÉRÉNICE , nom de plu- lui— là , et vaut mieux peut-être,
sieurs femmes et de plusieurs Pausanias conte que les habitans
villes. Nous parlerons ci-dessous de I'Élide firent une loi , qui con-
de quelques-unes de ces fem- damnait à être précipitées du
mes; et quant aux villes, nous haut d'un rocher toutes les fem-
nous contentons de remarquer mes qui oseraient se couler aux
qu'Ortelius en compte neuf, et jeux olympiques, ou passer l'Ai—
que les deux principales étaient phée (b) pour quelque sujet que
en Afrique , l'une dans la Peu- ce ^ut > pendant les jours que cela
tapole, l'autre sur la mer Rou- ne leur était point permis (c). Il
ge. Celle-ci reçut ce nom en u'y en eut qu'une qui contrevint
l'honneur de Bérénice , mère a cette défense. C'était une fem-
de Ptolomée Philadelphe (a), et me nommée Cattipatfra) selon
l'autre en l'honneur de Béréni- quelques-uns , Phérénicc selon
ce, femme de Ptolomée III du quelques autres (C). Elle fit sem-
nom (b). Bérénice est un nom blant , après la mort de son
grec (A). ma" » d'être un de ceux qui dres-
,«) Pliu, hb. vi , cap. xxix. saient les jeunes gens aux exer-
(6) Solinus, cap. xxvii. cic.s des jeux olympiques ; et,
(A) Bérénice est un nom grec. ] Il a SOUS ce déguisement , elle se pré-
eté forme de celui de $«,«,/*» cVst-à- senta au d de b t ;„ £
dire , Porter ictoire , par le- Macedo- rl , ..* .c d a
mens qui changeaient le Ph en B. s°n Ulb ' (IU e"e .v amenait com-
Voyez Plularque (1) , et Etienne de me un athlète qu'elle avait dres-
Byzance (2). Aussi tronve-t-on des au- se, et qui se préparait au combat,"
teurs qui nomment Phérénicc celle »„,„. .,, _.,„ .„„ fiu .
que d-aut.es nomment Bérénice. Il y A^a,,t V" 4ue ^n fils avait rem-
en a qui , au lieu de Bérénice , disent (a Vna Bérénice, quajîlia, somr, mater
en latin Beronice. Olympinmcarnm. Plioius, tib. VII , iUp.
(0 /" Quaest. Gr. , pag. 292 , E. %LU ex édition* , Harduini, qiixjuxta
(2) Voce Bspoi*. Mss- omnes habet Bérénice , ciirn libri edtU
habeant Plicrenice.
BÉRÉNICE, fille Sœur et 0: C'est le nom d'une rivière, auprès de
™i*_„ J~ • ■ laquelle se célébraient' les jeux olympiques
mère de gens qui avaient rem- 'c)Paus«., l,b. v.pa/.i53. 3 P1
34o BÉRÉNICE.
porté la victoire , elle sauta par-
dessus une barrière qui servait
de parquet aux maîtres des corn-
battans , et fit connaître son
sexe par cette action. On aurait
procédé contre elle selon les
lois , si les juges n'avaient cru
qu'ils devaient l'absoudre , à
cause qu'il se trouva que son
père et que ses frères avaient
gagné le prix de ces jeux , et que
son fils venait de le remporter :
tant de gloire dans une famille
obtint grâce pour cette femme.
Mais on fit une loi , qu'à l'avenir
les maîtres mêmes des atblètes
viendraient nus à ces specta-
cles. Il ne faut pas oublier que
la Bérénice dont il s'agit était
fille de ce Diagoras Rhodien ,
qui fit tant parler de lui dans les
jeux publics de la Grèce (d). Je
ne sais si aucun commentateur
tnoderne remarque cela. Il est
aisé de trouver en quel temps
vivait cette Bérénice (D).
{d) Voyez la remarque (G).
(A) Elle obtint la liberté d'assister
aux jeux olympiques , qui avait été
ôtée aux femmes par décret public. ]
Cette défense suppose que l'on ne
se fia point aux suggestions de la
bienséance et de la pudeur naturelle.
Les athlètes étaient tout nus : cela
seul devait bannir de ces sortes de
spectacles le beau sexe. Néanmoins on
ne compta point là-dessus : on fit des
lois , et on les notifia , pour interdire
aux femmes la vue de c<js exercices.
Passe pour cela : on songeait au grand
pouvoir de la curiosité • mais qui
pourrait ne pas condamner la rigueur
extrême et cruelle de ces nouveaux lé-
gislateurs ? Ils ordonnèrent que si
quelque femme était surprise dans ces
assemblées , ou si seulement elle passait
la rivière en ce temps - là , elle se-
rait précipitée du haut d'une monta-
lagne (i). Il ne faut pas s'étonner
(i) Voyez Paur.anias , liv. V , pag. i53.
qu'aucune femme n'ait été punie de
ce terrible supplice (2). La vue de
quelques hommes nus ne devait pas
être un charme ou un attrait assez fort
pour faire négliger un si grand péril :
et si enfin il se trouva une femme qui
n'observa point la défense , c'est qu'elle
ne crut rien risquer. Elle s'était dé-
guisée en homme , et ne songea pas
qu'un simple saut la trahirait. Appa-
remment elle fut si transportée de
joie , en voyant que son fils vain-
quait , qu'elle s'élança un peu trop
gaillardement sur la barrière : que
sait-on même si ses habits ne s'accro-
chèrent pas en quelque endroit , par
un accident imprévu ? quoi qu'il en
soit , elle donna , sans y penser , un
nouveau spectacle , qui troubla la
fête , et qui fit naître un procès dont
elle sortit victorieuse. Je dis sans y
penser ; car il ne faut point croire ce
que dit un savant critique , qu'elle se
déshabilla tout exprès , afin de faire
montre de son sexe , en voyant la vic-
toire de son fils. Scribit autem ( Pau-
sariias ) nemini fuisse suspectant , do-
nec visojîlio l'ictore veslem abjiceret
niulieremque se ostenderet (3). Il a
tort d'imputer cela à Pausanias , qui
n'a voulu dire autre chose , sinon que
cette femme , en passant par-dessus
la barrière , découvrit une nudité qu'il
fallait cacher. Voici son grec : Ta ipu-
ulol, sv mTWiyvy.vtLÇ'à.S '^oua-tv ÀTruMift-
f/.tvouç, toSto Ù7rtf7TYiiaiaa.» Yia.KKiTra.'Tiipx
iyvy.yâ>bn. Sepimenlum in quo magis-
tros seclusns habent transiliens , nu-
data est (4). Romulus Amasœus a mal
traduit , transiluit veste positd , com-
me l'a remarqué Sylburgius.
(B) Quelques-uns disent qu'elle ob-
tint ce privilège avant que son Jils
eût été vainqueur. ] Valère Maxime
l'assure ; voici ses paroles : Pherenices
quoque non vulgaris honos , cui soli
omnium fœminarum gymnico specta-
cula interesse permissum est , cîan ad
Olympia filium Euclea certamen in-
gressurum adduxisset , olympionico
paire genita , fratribus eamdem pal-
mam asseculis lalera ejus cingentibus
(5). Élien raconte la même chose , et
dit que la cause fut plaidée , et que
(2) Idem , ibid.
(3J Schcfferus , in iElian., lib. X , cap. I.
(4) Pausao., lib. V, pag. i53.
(5) Val. Maxim. , lib. VIII , sub fin.
BÉRÉNICE.
341
E
Phérénice la gagna (6). 11 n'y a point
lieu tle douter qu' Euclea , dans Va-
lère Maxime , ne soit le nom du jeune
athlète qui fut mené sur les rangs
par Bérénice. Pausanias ne le nomme
point ainsi : il l'appelle Pisidore ou
Pisirode('j). On ne doit pas conjectu-
rer qu' Euclea , dans les auteurs grecs
qui fournirent à Valère Maxime cet
événement , était l'épithèle des jeux ,
et non pas le nom de l'athlète ; mais
que l'écrivain latin , n'ayant pas été
assez attentif , crut trouver un nom
propre où il n'y avait qu'une épi-
thète : on ne doit point , dis-je , avan-
cer cette conjecture , puisque nous
trouvons un athlète nommé Euclès ,
qui était pour le moins le neveu de
Bérénice (8). Il faut donc croire qu'il
a des auteurs grecs qui ont donné
e nom d'Euclés :'i son (ils : ce sont
ceux que Valère Maxime copia. Voyez
la remarque suivante.
(C) On a nommé cette femme Calli-
patira selon quelques-uns , Phérénice
selon quelques autres. ] C'est ce que
Pausanias remarque dans son Ve. li-
vre (9) ; mais dans le VIe. (10) , il dit
une chose qui semble prouver mani-
festement que Callipatira et Phéré-
nice étaient deux sœurs , filles du fa-
meux athlète Diagoras. Il dit que Dia-
goras eut le bonheur de remporter des
victoires et d'avoir trois fils qui en
remportèrent , et des filles dont les fils
en remportèrent aussi. 11 dit Filles au
nomhre pluriel , d'où il faut conclure
que les deux petits-fils de Diagoras ,
desquels il parle, n'étaient point frères,
mais seulement cousins germains, fils
de deux sœurs. 11 nomme l'un de ces
deux petits-fils , Eudes , et l'autre
Pisidore. 11 dit qu'Eudes était fils de
Callianax et de Callipatira fille de Dia-
goras. Il ne nomme point la mère de
Pisidore : il dit seulement que sa
mère , déguisée en maître des jeunes
athlètes , le mena sur la lice des com-
battais. Je le répète: puisqu'il a par-
(6) ^Elian. , lib. X, cap. I.
(7) Pausanias , Uv. V,pag. i53, du Tlits-i-
?o<Toç, ût Uv. FI , pag. 184, UuTiSa>f. oç : d
faudrait corriger l'un par l'autre ; car il est vi-
sible qu'en ces deux passages il s'agit d'un seul
et même homme. Il vaut mieux mettre partout
Ptudore.
(8) Apud Pausan. , lib. VI , pag . i83 , i^i.
(9) Pag. 153.
fi») Pag. 184.
lé des tilles de Diagoras au nombre
pluriel , puisqu'il a dit que les deux
petits-fils de Diagoras du côté des fil-
les avaient remporté des victoires .
il faut qu'il ait prétendu que la mè-
re d'Euclès et la mère de Pisidore
étaient deux sœurs. Or la mère d'Eu-
clès se nommait Callipatira : il est
donc juste de penser que la mère de
Pisidore ne se nommait point Callipa-
tira , et qu'elle se nommait Phérénice;
car c'est le nom que plusieurs lui don-
nent dans le Ve. livre de Pausanias : et
si quelques-uns ont nommé Callipatira
celle qui sous l'équipage d'un maître
des athlètes mena son fils Pisidore au
combat des jeux olympiques , il faut
attribuer cela aux mêmes causes qui
font que tant d'écrivains peu exacts
confondent les actions d'une personne
avec les actions d'une autre.
(D) // est aisé de trouver en quel
temps vivait cette Bérénice.'] Pausa-
nias nous apprend qu'elle était fille de
Diagoras , et sœur de Dor ieùs ( 1 1 ) . Or
Dorieùs se battit pour les Lacédémo-
niens contre les Athéniens , au temps
que Conon était général de ceux-ci
(12) : il florissait donc vers la 95e.
olympiade. Consultez la remarque (D)
de l'article de Diagoras Rhodien , où
je recherche quel est le temps auquel
il vivait.
(11) Pausan. , lib . Pi, pag. 184.
(12) Idem, ibid., pag. i85.
BÉRÉNICE, femme coura-
geuse et vindicative , ayant perdu
son fils par le complot de Lao-
dice , monta bien armée sur un
chariot , et poursuivit le meur-
trier si vivement qu'elle le tua.
Il s'appelait Cœneûs. Il n'avait
fait qu'exécuter un ordre royal.
Elle le manqua , en lui lançant
son javelot : mais non pas , en
lui jetant une pierre; car du
coup de cette pierre , elle le ren-
versa raidemort. Ensuite elle fit
passer sur lui son chariot , et se
retira à travers les troupes enne-
mies dans la maison où elle
croyait qu'on avait caché le corps
de son fiU. Voilà ce qu'on trouve
342 BÉRÉNICE.
dans Valère Maxime (a). 11 ya
quelque apparence que cet au-
teur a joint pêle-mêle ce qui ne
convient que séparément à deux
personnes. Les commentateurs
s'y trouvent embarrassés (A).
Voyez la remarque.
(a) Valer. Maxim., lib. IX, cap. X,
subjtn.
(A) falère Maxime lui attribue ap-
paremment ce qui ne convient qu'a
deux personnes. Les commentateurs
s'y trouvent embarrassés. ] Olivier ,
qui a fait de longues notes sur Valère
Maxime , pleines d'une érudition tri-
viale , prétend que la Bérénice dont il
est ici question , s'appelait aussi Lao-
dice , et qu'elle était sœur de ce Mi-
thridate qui fit si long-temps la guerre
aux Romains. Là-dessus , il conte que
cette dame fut mariée en premières
noces avec Ariarathe , roi de Cappa-
doce , et en secondes avec Kicomède ,
roi de Bithynie ; et que les deux fils
qu'elle avait eus d'Ariarathe , ayant
été tués par Mithridate , l'un immédia-
tement , l'autre médiatement , elle
s'arma , et poursuivit Cœnetis , qui
avait exécuté les ordres de Mithridate ,
et le punit de la manière que Valère
Maxime le rapporte. J'ai à dire contre
ce récit : i°. que Valère Maxime a été
si éloigné de vouloir parler d'une
femme qui se nommât indifféremment
Bérénice ou Laodiee , qu'il remarque
queLaodice fit tuer le fils de Bérénice.
a°. La première partie du récit de notre
commentateur se trouve bien dans Jus-
tin (i); mais on n'y trouve pas que
la sœur de Mithridate , femme d'Aria-
rathe et de Kicomède , eût d'autre
nom que celui de Laodiee. 3°. Ou n'y
trouve pas que le second fils d'Ariara-
the et de Laodiee ait été tué par ordre
de Mithridate : on y trouve , au con-
traire, qu'il mourut de maladie. Nec
multb post adolescens ex ύritudine
collecta ïnfirmitate , decedit (2). 4°. La
dernière partie de ce récit est contre-
dite et démentie manifestement par
Justin • car voici de quelle manière il
rapporte que Laodiee tâcha de se ven-
ger de son frère , après avoir perdu
(1) Justinus , lib. XXVI 11 , cap. I etll.
(a) Id. , ibid. , cap. II
ses deux fils. Kicomède , son second
mari , suborna un très - beau jeune
garçon , pour faire accroire qu'd res
tait un troisième fils d'Ariarathe , et
il envoya Laodiee à Rome , avec or-
dre de témoigner qu'Ariarathe avait
laissé trois garçons , dont le dernier
était encore vivant , et demandait au
peuple romain le royaume de son
père. 5°. C'est une chose trop hardie
pour mériter d'être soufferte, que d'a-
vancer plusieurs faits circonstanciés ,
sans en pouvoir citer de témoins. Où
est-ce qu'Olivier a lu que !a sœur de
Mithridate monta sur un chariot, pour-
suivit Cceneûs , le meurtrier de son se-
cond fils , etc. ? Je remarquerai , en
passant , que Freinshemius n'a pas eu
raison d'accuser Justin de se contre-
dire, ou de brouiller prodigieusement
l'histoire (3). Justin a parlé de deux
Laodices mariées à deux Ariarathes.
La première , après la mort de son
mari , tua cinq de sesenfans , et aurait
tué le sixième, le seul qui lui restât , si
les parens ne l'eussent dérobé à sa bar-
barie (4). Le peuple se défit de cette mé-
gère. La seconde Laodiee épousa ce
fils d'Ariarathe qui était seul demeuré
de reste. Ou verra ceci amplement
dans un autre endroit (5). Plût à Dieu
que Justin ne fût coupable d'autres
confusions et d'autres contradictions
que de celles-là !
Le père Cantel a observé qu'Olivier
avait eu tort de donner à la sœur de
Mithridate l'action que Valère Maxime
rapporte. Il croit , lui , que Valère
Maxime a voulu parler de Bérénice et
de Laodiee , femmes d'Antiochus
Theùs , et filles toutes deux de Ptolo-
raée Philadelphe. Tout le monde ne
demeure pas d'accord qu'elles fussent
sœurs. Polyaentis, cité par un confrère
du père Cantel (6) , assure que Lao-
diee , femme d'Antiochus Theùs , était
sœur de son mari , et fille d'Antiochus
Soter. Pour Bérénice , l'autre femme
d'Antiochus Theùs , on convient gé-
néralement qu'elle était fille de Pto-
lomée Philadelphe. Kéanmoins on ne
saurait condamner le père Cantel : il
a pour lui l'autorité d Appien («). Il
(3) Voyez le Juslin de M. Crœvius , pag. 548.
(4) Justin., lib. XXXVJI . cap. I.
(5) Dans l'article Cappadoce , remarque (I),
nuin. III . dans /'alinéa.
(6) Par le père Hardouin sur Pline, liv. VII,
ckap. XII , pag. 25
(7) Appian. , in Sytiacis , cirea finem.
BÉRÉNICE.
a quelque raison de croire que Valère
Maxime a voulu parler des femmes
d'Antiochus Theiis ; mais il devait le
• censurer d'avoir mis une pièce de rap-
port à la triste destinée de Bérénice.
La vaillance que cet auteur attribue
à sa Bérénice , et le bon succès qu'il
lui fait avoir contre l'assassin de son
fils , ne conviennent point à la femme
d'Anthiochus ; car, bien loin qu'elle
ait pu venger la mort de son fils , elle
fut cruellement massacrée avec lui
dans le lieu où elle s'était sauvée. 11 est
vrai d'ailleurs que ce fut une Laodice
qui lui procura ce malheur (S). Mais
puisque le père Cantel a cru que l'au-
teur qu'il commentait avait eu en
vue l'histoire des femmes d'Antiocbus
Tbeiis , il ne devait point marquer en
marge l'an 66$ de Rome : cette chro-
nologie est troj> différente de celle qui
convient à ces deux princesses (9).
(8) Voyez Justio. , lib. XXVII , cap. I.
(!)) dntiochus Theiis commença de régner
environ Van de Rome 492. Voyez Calvisius , ad
ann. mundi 3689.
BÉRÉNICE , fille de Ptoloméc
Aulètes , roi d'Egypte, succéda à
son père, avant qu'il mourût.
.Te ne trouve pas qu'elle ait exci-
té les Égyptiens à le chasser (a) :
et il y a quelque apparence qu'ils
se portèrent d'eux-mêmes a se
délivrer d'un joug incommode,
sans qu'elle les y animât ; mais
il est sûr qu'aussitôt que le
père fut chassé , la fille fut cou-
ronnée (A). Ce prince banni im-
plora l'assistance des Romains, et
obtint enfin que Gabinius , gou-
verneur de la Syrie, travaillerait
à le rétablir. Pompée fit ce coup-
là ; car le peuple romain , appuyé
sur quelque vers de la sibylle ,
ne voulut pas qu'on se mêlât de
ce rétablissement. Bérénice , de
son côté , fit toutes les diligences
possibles , pour se maintenir sur
le trône; et quoiqu'elle crai-
gnit les Romains , elle ne fit à
(a) Voyez la remarque (C).
343
son père aucune proposition
d'accommodement , ni aucune
sorte d'honnêteté (b). Comme
elle crut qu'un mari lui serait
d'un grand usage, elle attira un
prince nommé Séleucus , issu
des rois de Syrie, et l'associa à
son lit nuptial et à son sceptre.
Elle en fut bientôtdégoûtée , ne
trouvant pas que ce fut. un hom-
me d'aucun mérite , et le fit
mourir (c) : après quoi , elle jeta
la vue sur Archélaiis , fils de ce-
lui qui avait quitté le parti de
Mithridate , pour se joindre à
Sylla. Elle s'offrit à lui en ma-
riage (B), et lui promit de lui
faire part de sa royauté. Il était
alors dans l'armée de Gabinius ,
et on l'aurait facilement empê-
ché d'aller trouver Bérénice , si
Gabinius n'avait mieux aimé
pour ses intérêts particuliers lui
donner la liberté d'épouser cette
princesse (C). Archélaiis l'épousa
effectivement , et se mit à la tête
de ses troupes ,afin de repousser
les Romains, qui prétendaient
rétablir le roi Plolomée. II fut
tué dans un combat (D). Ptolo-
mée rentra dans Alexandrie , et
fit mourir sans pitié sa fille re-
belle (d). Voilà quel fut. le des-
tin de Bérénice. Un auteur mo-
derne a très-bien développé tou-
tes les intrigues qu'on fit à Ro-
me pour le rétablissement de
Ptolomée ; mais il s'est trompé
dans les circonstances de la dé-
tention d'Archélaus (E).
Eu quamquam Bomanos metuebat , mhil
tamen mansueti Ptulemœo exhibait. D10,
lit,. XXXIX, pag. i3o.
(c) Voyez la rernart/ue Ç).
[d) Ex Dione lib. XXXIX , pag. i3o .
i3i.
344
BÉRÉNICE.
(A) Aussitôt que sonpère fut chassé , pouser. Je ne trouve point dans Slra-
elltfut en u ronnre.~\ Strabon remarque bon que cette princesse ait songe" à
que ce prince avait trois filles , et que Archélaùs ; je n'y trouve, sinon que les
l'aînée , qui était légitime, fut placée Egyptiens, ayant chassé leur roi Pto-
sur le trône (i). Ce narré n'est point lomée , cherchaient un prince de sang
exact , si l'on suppose que Porphyre a royal pour le marier avec Bérénice ,
parlé comme il fallait de celte révolu- et qu'Archélaiis , sachant cela , s'offrit
tion ; car il assure que CléopîUre ou à eux sous la qualité supposée de fils
Tryphène , et Bérénice, deux filles de Mithridate Eupator et fut accepté,
de Ptolomée , régnèrent ensemble la et régna six mois. T«u/t>i £»Tot>/uÉvGts
première année de la fuite de leur «v<fpàç fia.a-i\uioû yhouç tvtXitptrtv Iclwtov
père , et que , Tryphène étant morte , tois a-uju.7rpâ,TT(iun , ?rpo<r7rou\<râ:uivoç
sa sœur Bérénice régna seule pendant Mi9piJa.Tou toS Et/Tro/ropoç ùios tiveti ,
deux ans (2). Cela montre que Béré- koli -n-et.pa.S'ixQih , i£a.o-lteuo-iv t% /*«v«ç.
nice n'était point l'aînée , et fortifie Eicum quœrerelur maritus regio san-
mou opinion qu'elle ne cabala point guine nalus , dédit se Archelaus auxi-
pour chasser le roi : les soupçons tom- liariis suis , simulavilque se jHiuni
lieraient plutôt sur sa sœur Tryphène. esse Milhridalis Eupatoris , itaque re-
3e ne prétends pas nier qu'il ne soit ceptus , sex menses regno politus est
possible que l'ambition les ait portées (5). On peut voir là un exemple des
à favoriser les mécontens , et à s'ou- scrupules que l'on doit avoir en rap-
vrir le chemin du trône par la desti- portant ce que l'on trouve dans un au-
tution de leur père : je prétends seule- teur. La moindre licence qu'on se
ment que les anciens livres ne con- donne est capable quelquefois de faire
tiennent point ce fait. M. Baudelot a tort à l'honneur des gens. 11 n'est
soutenu le contraire (3) ; mais je suis point de la bienséance , ni de la
sûr qu'en examinant ce qu'il em- dignité d'une reine , de s'offrir pour
prunte , ou de Dion , ou de Porphyre, femme et d'attirer un jeune hom-
ou de Photius , on n'y trouvera au- me par l'espérance qu'il l'épousera,
cuue preuve de son opinion. Ce qu'il C'est à ses sujets à lui procurer un
allègue de plus fort est que Ptolomée , parti sortable. Strabon met les cho-
étoufl'ant les sentimens paternels , fit ses sur ce pied-là par rapport à Bé-
niourir sa fille Bérénice , à cause de ce rénice : il ne fallait donc pas rap-
qu'elle avait commis. 11 est clair que , porter le fait de la manière que l'a
sans la faire complice de la révolte rapporté le père Noris ; ou bien il
des Égyptiens , on la jugera assez cri- fallait citer d'autres gens que Strabon.
minelle aux yeux de son père , pourvu Si l'on avait cité Dion , rien n'eût em-
seulemeut que l'on songe qu'elle ac- péché de décrier Bérénice comme une
cepta la couronne , et qu'elle employa princesse qui , après avoir usurpé le
toutes sortes de moyens pour se main- trône sur celui à qui elle devait la vie ,
tenir dans l'usurpation. allait à la quête d'un mari et s'offrait
(B) Elle s'offrit à Archélaùs en ma- elle-même avec sa couronne , pour le
riage. ] J'ai raison de dire cela ; mais prix de la protection qui lui était né-
le père Noris n'a pas eu raison de le cessaire. Voyez la remarque suivante,
dire. Archelaus à Bérénice spe nup- (C) .... Gabinius , qui pouvait l'em-
tiarum Alexandriam evocatus , eddesn pêcher , aima mieux .... laisser à Ar-
uxore ductâ , copias contra Gabinium chélaûs la liberté d'épouser cette prin-
ducens, victus prœlio occubuit, mense cesse.'] Gabinius découvrit d'abord les
regni sexto. Ex Strabone, lib. 12. pag. desseins d'Archélaiis et le mit en lieu
385 '4). Si je n'avais eu à citer que de sûreté. Dèslors, c'était une affaire
Strabon , je n'aurais pas voulu dire , finie ; mais , comme il craignit de ne
comme a t'ait le père Noris , que Béré- trouver pas assez de difficultés dans
nice l'attira , en lui promettant de l'é- le rétablissement de Ptolomée , pour
avoir lieu d'exiger toutes les sommes
(1) Strabo, lib. XV11 , pag. 547. que ce prince avait promises , il fit
(2) Porphyr. apud Eusebmm, in Chron., pag. en sorte que ce rétablissement fût tra-
60, eda. Scal.geii, ann. i658. versé de quelques obstacles. Dans cette
Ci) Baudelot de Doirval, Histoire de Ptolemee ^
Aulètes , pag. i3i , 167 et suiv. (5) Strabo , lib. XII , pag. 384- Voyez ausù
(4) Noris, Cenotopb, Pisan., pag, 22>. Uv, XVII , pag. 548.
BÉÎIÉNTCE.
345
vue , il ne trouva point de meilleur
expédient que de laisser mettre Arché-
laiis à la tète des rebelles. Archélaùs
passait pour homme de main, et jouis-
sait d'une grande réputation : le chas-
ser d'Alexandrie parut à Gabinius un
grand exploit , pour lequel on pour-
rait honnêtement demander à Pto-
lomée de magnifiques récompenses.
Autre source de profit : liabinius ne
donna la liberté à son prisoumer ,
qu'après l'avoir bien rançonné (6j.
Ainsi il en prit à toutes mains : il tira
de l'argent des deuxpartis. Belle image
des supercheries que l'on fait aux sou-
verains. 11 y a telle campagne qui
achèverait une guerre, si les géne'raux,
pour leur profit particulier , ne four-
nissaient adroitement des ressources à
l'ennemi. Remarquons bien qu'il fallut
faire courir le bruit qu'Archélaùs s'é-
tait sauvé (7). Gabinius , bien payé de
la permission qu'il lui donna de s'en-
fuir , se mit sans doute dans une feinte
colère contre ceux qui le gardaient.
Nouvelle scène de comédie. Mais je re-
marque que Strabon ne savait rien de
tout ce manège de Gabinius. Ce fut à
son insu , dit-il, que l'on amena Ar-
cbélaiis à Bérénice. AaSàv Si toc/tov
KO/Jii^iTttl (flATIVOÇ (OU TiVaiv) SIC THV /ÎX-
c-îkis-tclv x.a.1 iva<fW*vc/Tst.i fi&TiXiu;. Ko
(Gabinio) nescienle , per amicos quos-
dam ad reginam deductus rex decla-
ralusjuit [8,. C'est ôter un grand op-
probre à ce général romain. Strabon
décharge beaucoup Bérénice , et nous
conduit à juger qu'elle ne fut point
coupable de l'expulsion de son père. 11
dit nettement que ce prince fut chassé
par les habitans d'Alexandrie, qui
mirent après cela sur le trône l'aînée
de ses trois filles, et firent venir de S) rie
un certain Cybiosacte, qui se disait
issu des rois de Syrie , et le donnèrent
pour mari à la reine. Elle le fit étran-
gler dans peu de jours , rebutée des
manières basses qu'elle vit en lui. On
dit qu'il fit mettre le corpsd'Alexandre
dans un cercueil de verre, afin de
s'approprier celui d'or massif d'où il le
tira. J'ai lu ce fait dans un moderne ,
qui cite Strabon et Suétone , deux au-
teurs qui n'en disent mot (g). Le der-
(6) Ex Dione, Mb. XXXIX, pas. i3i.
(7, Dio , ,bul.
(8) Slrabo, lib. XVII , pas. 548.
i,i L'abbé de Sainl-Kéal , dans le Ce'sarion,
F.nlret. II , pas. 78.
nier dit en général que ce prince avait
été d'une avarice sordide. Alexandrini
Cybiosacten eum (Vespasianum) va-
carc perseierdrunt, cognomint unius è
regibus suis lui pissimarum sordiuni
(10" ; et voici les termes de Strabon :
ToôrTov//6V oùv oXtyav H/Aipasv a.7riÇftt,yax-
Xio-«v » jÊcts-iXitr^a. , où q'^WTO. tû fia.va.u-
trov clÙthZ kcli to ÀvjXêiyâepov. Hune in~
Ira pauens dies regina slrangutavil,
don ejus sardes iltiberalitatemquc pâli
non possel hi).
Vous ra'allez dire que cet écrivain,
dans la page précédente, avait fait
mention d'un Ptolomée qui , étant
venu de Syrie , avait enlevé le sépul-
cre d'or, et n'avait tiré aucun profit
de cette action , parce qu'd fut ren-
versé bientôt ; mais qui vous a dit que
cela se doit entendre du mari de Béré-
nice? Ne voyez-vous pas que Strabon
donne seulement à ce'ui-ci le titre de
Cybiosacte , et qu'il donne à l'autre le
nom de Ptolomée, et le surnom de
Coccus , et de Pareisacte? "EfuKiwt d"'
olÙtiiv 0 KÔkxhç xa.1 riatfjiVaxToç stixXM-
6aç nrohty.auj; : aureum Plnlemœus
cognomentn Coccus el Sulditicius ra-
puit (12). Ne savez-vons pas que Dion
nomme Séleucus celui qui fut marié
avec Bérénice (i3)? Doit-on croire
(pie si Strabon avait prétendu parler
du même homme dans la page 54^> - et
dans la page 547 1 '' se serai! exprimé
comme il s'exprime ? On ne voit dans
son narré , ni phrase , ni mot, qui in-
sinue que le Syrien qui enleva le tom-
beau d or est le même Cybiosacte que
Bérénice fit mourir. Lisez néanmoins
les savantes Réflexions de .M. BaudelotJ
qui croit avec l'abbé de Saint-Réal ,
que Cybiosacte et Ptolomée Coccus
sont une même personne d4)-
(D) Archelaûi fut tut dans un com-
bat ] Ceci ne s'accorde point avec
le XVIIe. livre de Strabon , où on lit
que Ptolomée, ayant été rétabli dans
son royaume. Ut mourir sa fille et
son beau-fils Àrchélaiis. K-j.-j :■'■;
Ta.Civî'ili Tlr'jX'.jU.*.:; , TO»T« A; >=/*-,-.
ctv&ifîi x.z.1 T«v huyctTicx. l'tnlcm.rus a
Gabinio reductus Archelaum affiliant
interintit (1 5).. Mais j'aime mieux m'en
(10) Surtonins, in Vespas. , cap. XIX.
(nj Slrabo, lib. XVII , pas. 548.
(11) Id. , ibid., pas. 546.
(li) Dio , l.b. XXXIX , pas. i3o.
04) l'auJelot de Dairval , Hi.-l. de Ptoltn:.;*
Anlèles, pas. 170.
05; Slrabo, l,b. XVII, pas. 54$.
346 BÉRÉNICE.
rapporter au XIIe. iivre de Strabon , BÉRÉNICE , fille de Costoba-
qu'au XVIIe; parce que Plutarque con- rus etde Salonié, sœur d'Hérode-
urine manifestement ce que Strabon a ]e Grjmd ^ fut mar;ée en pre_
raconte' au XIIe. livre: savoir, qu'Ar
cbélaûs fut tué dans un combat. Toùtov
jxh ouv o TstC/vioç etveîxev èv Trxf.xtxçit ,
XXTXyOOV TGV TlTOXif/.XirjV . Elilll GiiOl-
nius Ptoltmœum reducens in pugnâ
occidil (16). Plutarque débite que Marc
Antoinefitplusieurs actions décourage
dans l'armée de Gabinius , quand on ré-
tablit Ptolomée, et qu'il fit aussi une ac-
tion d'bumani té qu'on loua beaucoup :
niières noces avec Aristobule, fils
du même Hérode et deMariamne,
et vécut en assez mauvaise in-
telligence avec lui : car à cause
qu'il avait un frère marié à la
fille d'Àrchélaùs, roi de Cappa-
doce , il reprochait souvent à
Bérénice qu'il s'était mésallié en
c'est qu'il fit cliei cher le corps d'Arche- " ... ,t. .
laus so.. ami , et qu'il lui fit faire des 1 épousant , et qu il s était rendu
funérailles magnifiques. N'est-ce pas très-inférieur à son frère. Bere-
une preuve qu'Archélaùs avait été tué n;ce a\\a[i rapporter en pleurant
en combattant ? Ityo^syàp «faf*vf- tQUS ces discours et plusieurs au-
»'9»s
très a sa mère , et 1 irritait lu-
£»vti j to Sï a-my.x ttîctovtoç tÇiuposv ,
xxi iwwytowws {ixTWixSùc. ixi&i-jri. JYam rieusement : de sorte que Salome,
quant jamiliaritas ei cum Mo et jus qUi aVait beaucoup de pouvoir sur
hospitii intercessisset , bellum cum vi- y t a'Hérode", luf rendit sus-
fecti requisilum regio cultu funeravit pect Aristobule , et tut la prin-
venle gessit necessario , corpus inler
fecti requisilum regio cultu funeravi.
(17). Dion raconte la chose avec un tel cipale cause qui poussa ce cruel
ordre , qu'il fait clairement entendre pgre a se défaire de lui (a). Béré-
qu'Archélaiis fut tué dans le combat „,„„ ™k-Q Ac, n'ir.n onfan« (h\ .
qui décida la querelle du père et de la
fille , et qu'après cette victoire de Ga-
binius , les Egyptiens furent obligés
d'ouvrir les portes d'Alexandrie à Pto-
lomée , qui fit mourir Bérénice , et
plusieurs autres personnes.
(E) Un moderne s'est trompé
dans les circonstances de la détention
d'Archélaùs. ] Le moderne dont je
parle est l'abbé de Saint-Réal. Voyez
le IIe. eutretien du Césaiion qu'il pu-
blia Tan i685. La méprise que je veux
marquer consiste en ce qu'il suppose
qu'Archélaiis partit en secret d'auprès
de Gabinius , pour aller épouser la
reine d'Egypte (18) \ et qu'ayant été
fait prisonnier dans une bataille, après
que les Romains se furent rendus les
maîtres de Pelusium , Gabinius lui
donna les facilités nécessaires pour s'é-
chapper , moyennant grosse rançon
(19). Dion, que Ton cite, remarque
très-expressément que Gabinius laissa
évader Archélaùs , avant que l'armée
eût pris la route de Pelusium , et qu'il
y eût eu aucun combat (20).
(16) Strabo, lib. XII , pag. 384.
(in) PluUrch. , in M.. Antonio, pag. 917.
(18) Saint-Réal, Césarioo , pag. 80, édition
de Hollande en iti85.
(19) Là même, pag- 82.
(2o)Dio, lib. XXXIX, pag. i3l.
nice , mère de cinq enfans [b) ,
ne laissa pas de convoler en se-
condes noces : elle se remaria
avec un frère de la mère d'An-
tipater , lequel Antipater était
fils d'Hérode. Ayant perdu ce
second mari , elle fit un voyage
à Rome , et s'y fit considérer par
Auguste : mais surtout elle s'in-
sinua dans les bonnes grâces
d'Antonia. femme de Drusus(B);
ce qui dans la suite servit beau-
coup à son fils Agrippa. Au pre-
mier voyage que celui-ci fit à
Rome , sa mère Bérénice vivait
encore (C) ; mais au second , elle
était morte.
(a) Joseph , de Bell, jud., lib. I, cap. XVII.
{b) Trois fis et deux filles ■ les fils furent
Agrippa T" .du nom. roi de Judée Hérode,
roi de Chalcide ; et Aristobule • les filles fu-
rent Hérodias et Mariamne. Jos. , de Bell.
,ud., lib. 1. cap. XVIII.
(A) Elle était fille de Costobarus et
de Salomé sœur d'Hérode-le-Grand. ]
Josephe le dit expressément : c'est donc
par un défaut de mémoire , que Mon-
taigu doute que Ton ait jamais déter-
mine si Bérénice était tille de Costo-
barus , ou de Joseph. Quant (Bereni-
cen filiam Salomes) vcl è Costoltaro
vel Josepho , nam non memini pro
certn tradilum , genuerat(i). Le jésuite
Cornélius à Lapide a cru faussement
qu'Hérode était le père de notre Béré-
nice (2).
(B) Elle s'insinua dans les bonnes
grâces d'Antonia.] Il y a un passage
dans Strabon qui mérite d'être rap-
porte. Y*.a.iva,p y.d.i touç i/iot/ç tripot rt rou
H;a>tfoi/ ntti rnv it<TêX«j)»v SAXay/Hv , xcti
rnv Tait/Tue ôuya.rtpa. Bêfêv»'xnv : c'est-à-
dire , l'empereur honora lesjils d'Hé-
rode , et sa sœur Salomé , et Bérénice ,
fille de Salomé (3). Apparemment ces
deux femmes allèrent ensemble à
Rome , lorsqu'il fut question de dis-
puter à Archélaiis, fils d'Hérode , le
royaume de Judée; car ou sait que
Salomé 3' alla alors avec sa famille
(4)-
(C) Au premier voyage de sonjîls
Agrippa a Rome , elle vivait encore.^
Car nous lisons dans Joscphc , qu'A-
grippa vivait familièrement avec
Drusus, fils de Tibère, et qu'il ac-
quit l'amitié d'Antonia , femme de
Drusus , frère de Tibère . à cause de
l'estime qu'Antonia avait pour Béré-
nice , mère d' A grippa (5). Cet histo-
rien ajoute qu'Agrippa , pour ne point
fâcher sa mère, contraignait son na-
turel, qui le portait à faire beaucoup
de dépenses; mais que , quand elle fut
morte, il fut si prodigue, qu'il s'é-
puisa. N'ayant plus d'argent , ni de
crédit, il s*en retourna en Judée , d'où
après plusieurs aventures il revint à
Rome, et fut saluer Tibère dans l'île
de Caprée. Il en fut d'abord bien reçu;
mais il eut ensuite bon besoin de la
protection d'Antonia. Je ne sais où
Noldius avait lu que Bérénice était
morte chez Antonia (6).
(1) Montacm. , m Apparat. V , num. '^.pag.
191 , apud Noldium de VitS et Gcstis Herodum,
pag. 297.
(2; C. à Lapide, in act. XXV, il. apud
rv'oldium , ibid. , pag. 296.
(\) Strabo, lib. XVI , pag. 5i6.
(4) Joseph., Antiquit. , lib. XVII, cap. XI.
(5; Idem, ,bul., hb. XVIII , cap. VIII.
(6) Noldins.de Vitî el Gcstis Herodum, pmg.
"97
BÉRÉNICE , petite-fille de la
BÉRÉNICE 3,f7
précédente , et filled'Agrippa Ier.
du nom , roi de Judée, a bien fait
parler de ses amours. Elle fut
fiancée à un certain Marc, fils
d'Alexandre Lysimachus , Ala-
barche; mais il mourut avant les
noces. Peu après elle épousa son
oncle Hérode , qui , à la prière
d'Agrippa son frère et son beau-
pève tout ensemble , fut créé roi
de Chalcide par l'empereur Clau-
de (a). Elle n'avait que seize ans
lorsque son père mourut {b).
Elle perdit son mari la huitième
année de lVmpereur Claude (c) ,
et se comporta fort mal durant
sa viduité; car l'opinion com-
mune fut qu'elle commettait in-
ceste avec Agrippa , son frère.
Pour faire cesser ces bruits , elle
chercha à s 3 marier, et s'offrit à
Poléinon , roi de Cilicie , pourvu
qu'il voulût changer de religion
(d). On croira facilement qu'elle
exigea cette condition , plutôt
par vanité, ou par politique,
que par zèle ; mais ce n'est pas
une chose rare qu'une convertis-
seuse zélée et galante. Polémon,
ayant plu^ d'égard aux riches-
ses qu'à la mauvaise réputation de
la dame qui le recherchait , accep-
ta ses offres, se fit circoncire , et
l'épousa; et s'il ne passa point
toute sa vie dans les liens de ce
mariage, ce ne fut point sa fau-
te : ce fut celle de Bérénice;
puisque cette femme déréglée le
planta là, et s'en retourna ou il
lui plut (A:. Tout aussitôt il
abandonna le judaïsme , pour
reprendre sa première religion
(e) La mauvaise vie de Béréui' -
(a Joseph., Aotiq., lib. XIX, cap. IV,
Ibidem, cap J' 11.
• tbid . lib. XX, cap. III.
[d] Ibid., cap. V.
e Ibidem.
348
BÉRÉNICE.
ne l'empêchait point de prati- d'empereur. Le théâtre français
quer les observances des Juifs.
Elle avait fait un vœu ; et pour
l'accomplir , elle se transporta à
Jérusalem , et se soumit à la
coutume, qui portait qu'avant
que d'offrir ses sacrifices , on
au XVIIe. siècle a retenti des
amours de Titus et de Bérénice
(D). Elle avait une sœur trop
belle pour qu'elles s'aimassent
(E). L'Ecriture a fait mention de
Bérénice (F). On a fait de lour-
passât trente jours en prières et des fautes concernant cette prin-
en oraisons sans boire du vin, cesse (G). Je n'ai pu parler de
et qu'on se fit raser la tête.
Pendant qu'elle observait ces
cérémonies , elle reçut mille
affronts des soldats romains , et
fut en danger de sa vie. Elle
eut beau s'en aller nu -pieds
intercéder pour le peuple auprès
du gouverneur Florus : elle
n'obtint rien; non pas même les
civilités que sa qualité et son sexe
rendaient indispensables ( f ).
Elle était toujours fort bien avec
Agrippa son frère , elle le secon-
da dans le dessein de prévenir
la désolation des Juifs , en les
exhortantà se soumettre aux Ro-
mains. Toutes ces exhortations
toutes les reines qui ont porte ce
nom-là. J'indique quelques fau-
tes de M. Moréri (H) , de M.
Hofman , de Charles Etienne ;
etc. (I).
(A) Elle planta Va Polémon, son
mari , et s'en retourna où il lui plut.]
Je Tais copier un passage qui est plein
de fautes. Oeste Bérénice, de laquelle
nostre Xiphiliny<7ic£ mention , fut fille
d' ' Archélaùs , et femme d'Herodes ,
après la mort duquel elle se maria a.
Polémon, roy de Lycie, lequel elle
quitta propter nimietatem coifûs, ut
quidam dixerunt, dictJosephe, lif. 20,
chap. 2. Voilà ce que j'ai trouve' dans
les Annotations du sieur de Canque
sur l'Histoire de Dion Cassius abrégée
par Xiphilin (i). Observons d'abord
accompagnées de larmes furent rju'ijs'a8it l* de Bérénice , maîtresse
., y p , „ , , de litus, et après cela comptons les
inutiles {g) : de sorte que Bere- fautes. ,o. Elle n'dtait point fi|le d'Ar-
nice , ou pour n'être pas enve-
loppée dans la ruine de la nation,
ou pour exercer son savoir-faire ,
alla trouver Vespasien et Titus,
et les gagna si heureusement,
l'un par ses libéralités , et l'autre
par sa beauté (B) , qu'elle se mit
en passe de devenir impératrice
romaine. Elle mit Titus dans ses
filets , et vit l'heure que , de
chélaiis. 2°. Pole'mon n'e'tait point roi
de Lycie. 3°. La raison pourquoi elle
le quitta ne fut point qu'il lui rendît
trop souvent ce que l'on nomme devoir
conjugal. Ce fut plutôt une raison
toute contraire. Car voici comment
s'exprime l'historien juif cité par l'au-
teur des Annotations : où juiiv î7Ci 7ro\v
0-uv'iy.iivtv hya.f/.oç, àxxa. BêfviK» <fi a.x.o-
\cL?ia,v , à>S iqa.?a.v , KXTetKitTrtt Tov Ilo-
hipaivu.. Itl lumen conjugium diutur-
num non fuit , propter inlemperantiam,
galant favorisé sans nulle excep- f Ar?ur' discedenteab eo Bérénice
o. -î j - j • • X (2). Si cet auteur avait consulte la ver-
tion,il deviendrait son mari (C); sion de Génebrard , il ne serait pas
mais les murmures du peuple tombé dans la bévue qu'il a faite : il y
romain frustrèrent cette espé- aurait lu » ce mariage ne dura pas
■1 ' 1 • 1 .-. fort lons-temps : et on dit que ce fut
rauce : il ne lui resta que le titre J ,"° „ a* «^,J„,v^ 7»,;
, i pour l intempérance de tSeï emce , qui
de maîtresse ou de concubine „:, , , „ . , , . -
(1) Elles sont a la fin de la traduction fran-
, „ T . . p ,1 i 7 / rr Saise de Xiphilin. ,y«i«e par Anlhoine de" Ban-
(f) Joseph., de Bell. ]ud. , lib. II, cap. ioie, H imprimée a Paris , l'an 1610, in-/,0.
X-XVI. (2j Joseph. Antiquit. Judaïc. , lib. XX , cap.
;^) Ibid,, cap. XXVIII , XXIX V , ( et non pas cap, II , ) pag. 693.
BÉRÉNICE.
349
le laissa- Je veux que les paroles de Quelque chicaneur me viendra dire
l'auteur juif considérées en elles- quela pensée du sieur de Canque est que
mêmes puissent avoir je ne sais quelle Bérénice quitta Polémon , parce qu'elle
ambiguïté , qui fasse douter s'il agit là avait besoin de trop de caresses, et
du dérèglement de l'époux, ou de ce- qu'il ne pouvait fournir à l'appointe-
lui de l'épouse : n'y avait-il pas un ment; mais je soutiens que les pa-
bon moyen d'ôter l'équivoque? Ne rôles ne sont pas rangées d'une manière
suilîsait-il pas de prendre garde aux à être ainsi entendues. Quelle qu'ait
mauvaises mœurs de Bérénice? Tous été son intention , elles signifient clai-
ceux qui savent de quelle manière elle rement ce que je suppose ; et par con-
vécut lui donneront volontiers un séquent elles représentent Bérénice
tempérament à ne se pas dégoûter d'un d'une humeur tout-à-fait extraordi-
homme par la raison qu'il aurait été naire. Voyez ce qui sera cité des
infatigable dans les exercices de l'a* Lettres du comte de Bussi habutin
mour. Toutes les personnes du monde, dans la remarque (D) de l'article Glei-
Bérénice comme les autres , admettent chen.
cette maxime généralement parlant, (B) Elle gagna Vespasien par ses
De rien trop (3J ; mais les variétés sont libéralités, et Titus par sa beauté.]
infinies, quand il est question de Tacite nous apprend que cette dame
mettre des bornes entre le trop et la s'intrigua pour mettre la couronne sur
suffisance. Si le tempérament de Béré- la tête de Vespasien. Je ne m'en étonne
nice ne dispute point contre la thèse pas; elle avait plus à espérer de lui,
générale , il se soulève contre l'appli- que de ses compétiteurs , s'il parve-
cation , il ne croit pas être dans le cas, nait à l'empire. Mox peroccultos suo-
il appelle médiocrité ce que d'autres rum nuntios excitus ab urbe Agrippa,
nommeraient excès. Il n'est pas tel , j'y ignaro adhuc Vitellio , céleri naviga-
consens , qu'il remplisse au pied de la tione properauerat. JVec minore animo
lettre la sentence du XXXe. chapitre regina Bérénice partes juuabatjlorens
des Proverbes de Salomon : Tria sunt œtate formdque , et seni quoque Ves-
insaturabilia, et quartum quod nun- pasiano magnijïcentid munerum grata
quant dicit , sujjicit. Infernus , et os (5). Le même Tacite nous apprend
vulvœ, et terra quœ non saliatur aqud, qu'elle était aimée de Titus , et qu'on
ignis vero nunquam dicit, sufficit ; et crut qu'elle fut cause qu'il n'acheva
qu'il rende fausse celle de Pindare : point son voyage, mais retourna en
; Judée , ayant appris à Corinthe la
. .... A.«r««/«c mort de Galba. Fuére qui accensum
E» it*vti yxvxu* *n». Ko/jov <T «i , desiderio Bérénices reginœ sertisse iter
lU.yu.wx.uTiT.^, *v8s A^odW. crederenu Neque abh°orrebat àBere-
Yn omnt duUis ' ^"adeUtUvunte halet , «f A-*""'--* ""imus ' ««* gerendts
Et met et jucundtjlores venerei (4). r^us nullum ex eo tmpedimentum (6).
En deux mots, cet historien réfute la
Mais, au moins, fait-il mentir cette médisance : il convient que cette reine
maxime, de peu de biens nature se ava;t touché le cœur de Titus; mais
contente. En un mot , l'auteur que je il déclare que ce n'était qu'une amou-
réfute devait plutôt mettre le péché de rette d'amusement , qui ne le détour-
Polémondansledéfautquedansl'excès, nait point des affaires,
et comparer ce monarque avec le pie- (C) File i>il l'heure que. . . . Tilus
mier mari de Jeanne reine de Naples. deviendrait son mari. ] Agrippa et Be-
ll est vrai que Polemon en fut quitte r^nice sa sœur firent un voyage à Ro-
à meilleur marché : il n'y perdit point me pendant le quatrième consulat de
la vie, comme l'autre l'y perdit. Vespasien. On leur fit de grands hon-
neurs : elle logea au palais, ne fit
qu un lit avec Titus, et commença à
disposer de toutes choses , comme
une femme légitime ; mais Titus ,
ayant appris que le peuple eu était
scandalisé, la renvoya C'est ce qu<?
(5) Taeit.. Hl-lor , l h. ff . cap. LXXXI.
[6) Ibi<lem. cap. II
(3) Iil arbilror adprimè m vild esse utile, ut
ne quid nirnit. Terentius , in Andri'i , acl. I, se.
I. forez dans Érasme , chil. I , cent. VI,
nuin. nt> , pas. 226 , plusieurs sentences sem-
blables.
(4) Pindar. Nemeor. , Ode VII, pag. fiSo.
Vorez une semblable sentence <i'Homère dans
In remarque (E) de l'article Xtaomsss,
ayant V alinéa.
BÉRÉNICE.
:i
Xiphilin raconte (7) ; et il remarque
ne Bérénice était alors dans sa fleur,
ans son grand éclat : Bêpovi'x» <f« '""X"-
pàiç <rt »v6êi. Beronice maxime Jlorebat
(S). Elle avait néanmoins quarante-
quatre bonnes années ; car le quatriè-
me consulat de Vespasien tombe sur
l'un 'ji de Jésus-Christ (g) ; et elle
avait seize ans, lorsque son père mou-
rut (10), c'est à-dire la 3e. année de
l'empereur Claude (1 1) , qui était la
44e- de Jésus-Christ. Le calcul est aisé
;'i faire. D'ailleurs , elle était entrée de
fort bonne heure dans la carrière , et
avait jouté courageusement sans re-
lâche. Elle avait un mari, et peut-être
çles enfans, la «eizième année de sa
vie; elle avait eu un second mari ; elle
avait eu des galans ; et néanmoins,
la voilà dans son grand éclat à l'à^ge
de quarante-quatre ans. C'était de
quoi être exposée à l'en vie. Suétone
observe que la séparation se fit à re-
gret de part et d'autre. Nec minus li-
bido (suspecta erat in Tito) pi opter
exolelorum et spadonum grèges, prop-
terque insignem reginœ Beronices a-
morem , cui etinm nuplias pollicitus
ferebatur Beronicem stalim ab
urbe dimisil iiwilus invitam (12). Ti-
tus se fit une grande violence , en
renvoyant Bérénice , pour calmer les
plaintes des médisans. Bérénice fut
fort fâchée qu'on la renvoyât : elle
eût mieux aimé sans doute une conti-
nuation de médisance ; et s'il est vrai
que Titus lui eût promis mariage,
comme le bruit en courait, il faut
croire qu'elle pesta contre la mauvaise
foi des hommes. Il est probable que ,
pour adoucir l'amertume de ce ren-
voi , Titus lui dit que c'était un sacri-
fice qu'il fallait faire aux murmures
de toute la ville ; mais qu'après avoir
cédé à ce torrent , qui ne ferait que
passer, on se reverrait. Ce qu'il y a
de certain , c'est que Bérénice se con-
duisit tout comme si on l'eût congé-
diée de cette façon. Elle revint trou-
ver Titus quelque temps après , et n'y
gagna rien : il ne voulut plus ouïr
parler d'elle. Je crois que Xiphilin est
le seul qui ait observé ces deux ren-
(■;) In Vespasiano.
(8) Xiphil. , in Vespas. , pag. 222.
(g) Voyez Calvisiiis.
(10) Joseph. , Antiq. , lib. XIX, cap- VII.
(11J Ibid.
(12) Sueton. , in Tiio , cri;}. VIT.
vois de Bérénice, l'un sous l'empire
de Vespasien , l'autre sous celui de Ti-
tus. 'O Je £>) Ti'toç oùJiv quti ^jovikgv qu-
Xpil^OÇ XAI7Ttp Ï7n{ZtjLlKtl>QtlÇ , KO.I îrcé<()cû)V
Xa.ÎT0( KCtl T«ç BêpOVJKMÇ êÇ Pfty/MV ClùQlÇ
sxôciî-itç , îyîvno. Titus ex i/uo lempore
principatum solus obttnuit, nec cœdes
Jecit nec amoribus inseivivit , sed co-
mis , (/uamt'is insidiis peteretur , et
continens , Beronice licet in urbem
reversa , fuit (i3). Il est assez appa-
rent que Xiphilin ne se trompe pas,
encore qu'Aurélius Victor et les au-
tres ne parlent que d'un seul renvoi.
Ut subiit pondus regium Berenïcen
nuptias suas sperantem regredi do-
mina. .• . prœcepit (i4)- Ces paroles
d'Aurélius Victor, comparées avec ce
qu'il avait dit peu auparavant, le con-
vainquent d'une extrême négligence.
H dit ici que Bérénice espérait d'é-
pouser Titus ; et il venait de dire
qu'elle était sa femme. Cœcinam con-
sulareiu udliibitum cœnœ vix dum tri-
clinio egressum ob suspicioneni stu-
pralœ Bérénices cxoris sUiE jugulari
jussit. Recueillons de là , que Béré-
nice prêtait l'oreille à d'autres fleu-
rettes qu'à celles de l'empereur. Cela
est assez ordinaire aux maîtresses des
grands princes. Je ne puis passer sous
silence une erreur de Noldius. Il dit ,
dans la page 400> , que Dion ou Xiphi-
lin se sont trompés , quand ils ont
mis le divorce de Bérénice sous Ves-
pasien , puisqu'Aurélius Victor assure
que Titus ne la renvoya qu'après
avoir pris possession de la couronne :
ut subiit pondus regiian (i5). Voilà
ce que dit Noldius dans la page 4°8 j
mais dans la page 4°9> il assure que
Bérénice revint à Rome , pour faire
un nouvel effort sur le cœur de Titus,
et que son dessein ne réussit pas. Il
cite pour cela les paroles «le Xiphilin.
Quoi! après avoir dit qu'un homme
se trompe , faut-il affirmer ce qu'il
avance, faut-il le prouver par son té-
moignage ?
(D) Le théâtre français au XVIIe.
siècle a retenti des amours de Titus et
de Bérénice- ] On joua en même temps
deux pièces intitulées Bérénice. L'une
était de M. Corneille , et l'autre de
.VI. Racine. Chacune avait ses parti-
(i3) Xipuilin. , in Tito, sub inil.
(i4) Aurcl. Victor, in Epilom.
(i5) Noldius, de Viiî et Gestis Heiodum.
critique de toutes les deux.
rais point qu'il est l'auteur
Je ne sau
nus point qu'il est rameur de cette
critique, si je n'avais lu ces paroles
dans les Sentiraens de Cle'anthe (16) :
En eussiez-vous douté , si le critique
BÉRÉNICE. 35r
l'abbé de Villars publia une » nice , si j'avais été' à sa place, j'au-
» rais fait ce qu'elle fit , c'est-à-dire ,
» que je serais parti de Rome la rage
» dans le cœur contre Titus, mais
» sans qu'Antiochus en valût mieux
» (19). » Voici ce qu'on lui répliqua.
des deux Bérénices vous fût venu Votre cœur n'est pas aussi indifférent
dans la pensée? . . . Par quelle raison que je le croyais , puisqu'il vous sou-
aurions-nous échappé au censeur de vient encore que vous auriez pu donner
deux excellens poètes, dont l'un n'a le reste à Bérénice en fait de tendresse •
pas daigné lui répondre, et l'autre et il faut l'avoir poussée bien loin'
n a dit qu'en deur mots pourquoi il ne pour trouver qu'on en aurait plus
lui répondait pas (17) ? quelle. Je vous en loue et révère. Une
Voici des extraits qui me paraissent faut pas aimer a demi, quand on s'en
fort dignes de la place que je leur mêle (ao). On apprendra dans ces
donne. Je suis très fichée , c'est une trois passages le jugement qui a été
dame qui écrit cela au comte de Ka- fait de la Bérénice de M. Racine , et
butin , de ne pouvoir vous envoyer au- combien les dames sont portées natu-
jourdhui la Bérénice de Racine ■ je Tellement à donner leur approbation
l'attends de Paris. Je suis assurée aux coeurs qui poussent loin la len-
qu'elle vous plaira; mais il faut pour dresse. Je ne trouve point que la criti-
cela que vous soyez en goût de ten- que du comte de Rabutin soit juste :
dresse : je dis de la plus fine ; car ja- car il eût voulu que le poète eût fal-
mais femme n'a poussé si loin l'amour sifié un événement qui devait être
et la délicatesse qu'a fait celle-là. conservé sur le théâtre. Le renvoi de
Mon Dieu! la jolie maîtresse ! et que Bérénice est si connu par l'histoire ,
c'est grand dommage qu'un seul per- que ceux qui ne l'eussent pas trouvé
sonnage ne puisse pas faire une bonne dans la tragédie, eussent crié juste-
pièce! La tragédie de Racine serait ment contre fauteur. M. Racine pres-
parf'aite (18). Le comte lui répondit : sentit cela sans doute ; et ce fut ap-
« Je viens de lire Bérénice. Vous m'a- paremment la raison pourquoi il 1 e-
» viezpréparé à tant de tendresse, que présenta la tendresse de l'amant infé-
» je n'en ai pas tant trouvé. Du temps rieureà la tendresse de l'amante. Cette
» que je me mêlais d'en avoir , il me économie pouvait déplaire au beau
» souvient que j'eusse donné là-dessus sexe; mais enfin on trouva que cet in-
» le reste à Bérénice. Cependant il me convénient n'égalait point l'autre.
» paraît que Titus ne l'aime pas tant (E) Elle avait une sœur trop belle
» qu'il dit, puisqu'il ne fait aucuns pour qu'elles s'aimassent. ] Josephe re-
» efforts en sa faveur à l'égard du se- marque que Drusille, sœur de Béré-
» nat et du peuple romain. 11 se laisse nice, écouta les propositions de Félix,
» aller d'abord aux remontrances de gouverneur de Judée , pour se mettre
» Paulin qui, le voyant ébranlé, lui à couvert de la jalousie de sa sœur,
» amène le peuple et le sénat pour qui ne pouvaitsouH'rir qu'elle Drusille
11 Vetei Ofï (Toi. -on lin iJîl *Al «ntiljj «A» ~„: 1-1 lJ T"V-*II /..
» madame ; et ainsi j'aurais accordé
» la gloire avec l'amour. Pour Béré-
(16) C'ettle faux nom de celui qui a critique'
.et Entretiens du père Bouliours. I.'abbê <le Vil-
lars, qu'il désigne ici . avait publie pour le père
Bouhuncs contre Cléantl.e le Traité de la Déli-
catesse.
(17) Sentimens de t'iéanitie, //e. part., pa«.
3, édition de Hollande, en 1672.
fiS) Lettre CXXXI1I de /., III'. parlie de<
LeUres «lu cnmte rie liiissi Rabutin, pag. i!fi,
édition de Hollan.U. Celte Lettre est datée de
Dijon , le 2S de juillet 1671.
cette recberche , et devint l'épouse
de Félix, et il semble même qu'elle
abjura le judaïsme (21). J'examinerai
cela dans la remarque (A) de son arti-
cle. La baine fraternelle est grande
on peut citer des maximes I i-dessus;
mais, si je ne me trompe, la baine des
(19) Bu«5i. lettre CXLVNI de la III'. par-
tie , pag. a'i.t.
(an' La même, lettre CLII . pag. 2-q , »8t>.
(ai; Joseph., Ant.ci. . Ub XXIX, cap. y,
35s
BÉRÉNICE.
sœurs va plus loin que celle-là. Nous pis • car , avec un peu d'attention , on
pourrons dire un mot sur ce chapitre voit manifestement que Juvénal parle
en quelque autre endroit (m), d'un Agrippa qui demeurait en Judée;
(F) L'Écriture a fait mention de Bé- ce qui ne peut convenir aucunement
rénice ] L'on trouve dans le chapitre au fils de Julie. Outre que, selon la
XXV des Actes , qu'Agrippa et Béré- remarque de Noldius (27), personne
nice arrivèrent à Césarée pour saluer n'a jamais dit qu'Agrippa et son im-
Festus ; et qu'ayant ouï parler de pudique sœur Julie aient été accusés
saint Paul , qui était alors en prison , d'inceste. 11 n'est pas si aisé de relan-
ils le voulurent ouïr ; que pour cet ef- cer le scoliaste sur l'autre point ,
fet ils se rendirent au lieu de Eau- parce que la répétition du mot dédit
dience avec une grande pompe (23) , a fait croire à d'habiles gens , que le
et entendirent saint Paul. poète suppose ici deux personnes qui
(G) On a fait de lourdes fautes ont donné à leur sœur un diamant de
concernant cette princesse.'] Sabellic prix : i°_un roi d'Egypte ; 20. un
a cru qu'elle fut femme d'Aristobule ,
et ensuite d'Antipater (24)- C'est con-
fondre ensemble deux Bérénices ,
l'aïeule et la petite-fille. La première
fut mariée en premières noces à Aris-
tobule , et en secondes à un oncle
Agrippa. Cette explication n'est point
la bonne. Tout se doit rapporter à
Agrippa , roi des Juifs , et à sa sœur
Bérénice ; et nous apprenons ici une
chose que Josephe n'a point touchée ;
c'est que Bérénice reçut de son frère
d'Antipater, et non pas à Antipater un diamant d'un très-grand prix
même. Voici donc une nouvelle me- qu'elle s'en para , et que leurs amours
prise de Sabellic. Mais pour la Béré- incestueuses firent plus de bruit par
nice dont il parle ( c'est la maîtresse ce moyen. Baronius a cru que Juvé-
de Titus), elle n'a eu ni l'un ni l'autre nal a fait allusion à une pierre pré-
de ces deux maris. Je m'en vais rap- cieuse dont parle Pline , que Ptolo-
porter un passage de Juvénal, qui sans mée, roi d'Egypte , donna à sa fem-
doute doit être entendu de la dernière me , qui était aussi sa mère , à ce que
Bérénice , de celle qui fut aimée de prétend Baronius. Alludere videtur
Titus , et qui fut soupçonnée d'inceste pretioso lapidi quem prias dédit Pto-
avec Agrippa son frère. lomœus jÈgypti rex uxori sitnul et
malri. Verwn Plinius tradit fuisse
topazion (28,). Un auteur moderne ,
leindè adamas nolissimus , et que j ai déjà cité plusieurs fois (29) ,
trouve bien des fautes dans cette pen-
Grandia lollunlur cryslallina , maxima rur-
s'us
Mrrrh nn ,
Bérénice
In digilo J'actus preliosior : hune dédit olitn
Barbarus incesiœ, dédit hune Agrippa sorori,
Observant ubi (esta tnero pede sabbata reges,
indulget
El velus
cis (25).
senibus cletnenùa por-
Le scoliaste de Juvénal entend ici
sée de l'annaliste. i°. Juvénal parle
d'un diamant enchâssé dans une ba-
gue ; mais la pierre précieuse dont
parle Pline était une topaze brute ,
dont on fit ensuite une statue. 2°. Ce
par Bérénice une sœur de Ptolomée , ne fut point Ptolomée qui donna à sa
roi d'Egypte , et par Agrippa un fils mère cette topaze, ce fut Polémon,
de Juiie, fille d'Auguste , ce fils de Ju- gouverneur de l'île où la topaze fut
lie et d'Agrippa , que Tibère fit mou- trouvée, qui la donna à Bérénice,
rir aussitôt qu'Auguste fut décédé mère du roi qui succéda à relui qui
(26). C'est une négligence prodigieuse régnait alors. 3°. Pline ne dit point
de ce scoliaste pour ne rien dire de que Ptolomée Philadelphe ait fait pré-
sent de cette topaze à sa femme Arsi-
noé , qui était aussi sa sœur : il dit
seulement que l'on fit de cette pierre
une statue d'Arsinoé, femme de Pto-
lomée Philadelphe ; et que cette statue
était de quatre coudées , et qu'elle fut
(22) Dans la remarque (B) de l'article de
Dbcsille.
(q3) Mira. ttoXauç Qct.vTdL(rieLÇ , cuin ,nulia
ouentaiione , seu ambilione. Actor. Auostol
cap. XX y, vs. 23.
(2.4) Sabellicns , in Paraphrasi ad Titum Sue-
tonii , apud Noldium de Vità et Gestis Hero-
dum , pag. 4'4-
(25) Juven. , Sat. VI , vs. 154.
(26) Il avait été relégué par Auguste dans
l'île Planasia. Tacit. Ann. , Ub. I , cap. III ,
et non pas en Sicile , comme dit le scoliaste-
(27) De Vitâ et Gestis Herodum, pag. 4i2.
(28) Baron. Anual. ad ann. 58, num. 164.
// cite Pliu. , Lb. XXXVII , cap. VIII.
(39) \uldius, de Vitâ et Gestis Herodum,
pag. 412.
BÉRÉNICE.
353
I
consacrée dans un temple qu'on nom-
mait le temple d'or. On pourrait ajou-
ter cette IVe. censure : c'est qu'on ne
trouve pas qu'aucun roi d'Egypte ait
été le mari de sa propre mère , et que
cela convient moins au père de Ptnlo-
rnée Philadelphe qu'à tout autre. C'est
de la femme de celui -là que Pline
parle, quand il dit que la topaze en
question fut apportée à la reine Béré-
nice. J'ai été beaucoup moins surpris
de ces fautes de Baronius , que de
voir le père Hardouin dans cette pen-
sée : c'est que les paroles de Juvénal se
doivent entendre du diamant de la
même Bérénice dont Pline a parlé,
femme de Ptolomée Lagus , et mère
de Ptolomée Philadelphe (3o). Le Ju-
vénal P^ariorum contient bien des
fautes touchant Bérénice- On y voit
une note qui porte que la Bérénice
dont ce poète parle , était reine de Ju-
dée, et femme d'Hérode; que d'au-
tres veulent qu'il ait parlé de Bérénice
femme d'Hérode , et , après la mort de
son mari , maîtresse de son beau-
frère , c'est-à-dire, d'Agrippa frère
de son mari. Tout cela ne vaut rien;
car, en premier lieu, voilà deux Héro-
des diHérens , que l'on n'a eu soin de
distinguer par aucune marque ni pe-
tite ni grande. L'un doit être celui
qui fit mourir les enfans de Bethlé-
hem ; l'autre doit être le roi de Chal-
cide, frère d'Agrippa Ier. du nom. Or,
le premier de ces deux Hérodes n'a
point eu de femme qui ait eu nom Bé-
rénice; et il n'y a point eu de Béré-
nice qui ait été reine de Judée. De
plus, il n'y a point eu de Bérénice
en Judée, dont l'inceste ait consisté
dans l'amour de son beau-frère. L'in-
ceste , dont Josephe et Juvénal par-
lent , consiste dans les amours d'A-
grippa II du nom a\ec Bérénice, sa
propre sœur. Ce qui a trompé l'auteur
de la note est que Bérénice et. ut
veine d'Ilérode, roi de Chalcide, et
frère d'un Agrippa, lorsque l'on cau-
sait de ses amours pour Agrippa;
mais l'Agrippa ilu frère duquel elle
était veuve n'était point celui avec
lequel elle commettait inceste. Elle
(tait fille de cet autre Agrippa , et
sœur de celui-ci. Il y a uni' autre note
dans le Juvénal f^ariorum , de la-
quelle l'auteur se nomme Lubin Ce
(3o) Harduin. in Plin., l,b. XXXFII , cap.
V lit , pag. ?t|3 , loin. y. -
Lubin se sert d'une plaisante manière
de raisonner. Après avoir dit qu'Hé-
rode Agrippa était frère de Bérénice,
il prouve que l'amour de cet Agrippa
pour Bérénice était un inceste, par
ia raison que Bérénice avait été ma-
riée avec son oncle Hérode. Herodes
Agrippa dédit incestœ suœ sorori Be-
renïcœ , cum quâ inceslum commise-
rat , ut pote quœ antè nupta eral pa-
truo sud Uerodi. Noldius , qui a vu
deux fautes dans ce Variorwn , et qui
les a mises sur le compte de Schrévé-
lius le compilateur de ce Commen-
taire (3i ), n'a point remarqué celle-ci»
(H) f^oici quelques fautes de
M. Moréri. ] La lre. Bérénice dont il
parle est la mère de Ptolomée Phila-
delphe , roi d'Egypte : ce qu'il en dit
ne se trouve point dans l'auteur qu'il
cite (3aj. La IIe. est fille de Ptolomée
Philadelphe , et femme de Ptolomée
Evergètes ; il cite Elien et Justin,
qui ne disent pas ce qu'il raconte II
fallait citer Hyçin (33), qui rapporte,
ce qui concerne la chevelure de cette
reine Pour ce cpii est du temple de
Bérénice la Gardienne , j'avoue que
je n'ai pu déterrer la source; ainsi
je n'oserais affirmer que M. Moréri
avance là quelque fausseté. J'ai bien
des soupçons contre cela. Il aurait du.
se souvenir que dans l'article d'-^r-
sinoé, fille d Antinchus Saler, il avait
dit que Bérénice , femme de Ptolo-
mée Evergètes, était lillc de jl/agus
"' j , roi de Cuène, et frère de Ptolo-
mée Philadelphe , et, par conséquent
oncle de Ptolmnée Evergètes. Alors
Bérénice, femme de Ptolomée Ever -
gètes , n'était que sa cousine germai-
ne; présentement, c'est sa propre
sœur. Chacun voit combien ces varia-
tions brouillent la tête aux lecteurs,
et les devraient dégoûter de l'étude
d'un dictionnaire. Il faillirait leur dé-
brouiller ces chaos, en marquant qui
sont ceux qui racontent les choses
(3iï Noldins, de Vilî el Geslij Herudum,
;)«;,• 4i ' . 4,a
(.lîj II cil* Appien : il put mieux fait Je citer
Pau-ani.-» , lib. I, pa^ I.
(33) AMronoDi. , lib. Il ', cap. XX f ■
(34) " /allait due Mapa* : il 'tait roi de
Crrrnr, ri. il eu vrai , «elon Justin , Uv. -VYK/',
cha/> Il I . qu'il maria Bérénice -a plie uniqum
au fil de ton frère; je veux dur a Ptolomée
surnommé Evei gèles. Ce Magas riait fil' d'un
Macédonien de petite cundiuun , el de Bérénice
qui fut depuis femme de Ptolomée Lagus. Pau-
san.as . lib. I, pag, li
23
354
BÉRÉNICE.
d'une façon , et qui sont ceux qui les
racontent d'une autre. La IIIe. Béré-
nice , selon M. Moréri , est sœur de la
IIe. , et femme d'Antiochus Soter , roi
de Svrie. Jl fallait dire Antiochus
les pieds nuds. Il fallait dire que ,
pour accomplir un vœu , elle s'en alla
à Jérusalem, et y observa les cérémo-
nies en tels cas requises : c'est qu'a-
vant que d'offrir des sacrifices , on
Tlicûs, et non pas Antiochus Soter ; faisait des prières pendant trente
celui-là était fils de celui-ci , et fut
marié avec une fille de Ptolomée Phi-
ladelphe , nommée Bérénice (35). La
IVe. est fille de Ptolomée Aulètes.
J'en ai fait un article : voyez-en les
remarques. La Ve. est Bérénice , sœur
d' Agrippa 11 du nom. Ce que dit
M. Moréri, que cette princesse était
jours , on se faisait raser la tête , et on
s'abstenait du vin. Voilà tout ce que
Josephe nous apprend de ce voyage
de Bérénice (4o). Il est vrai qu'il re-
marque qu'elle alla à l'audience du
gouverneur à pieds nuds j mais ce
n'est point ce qu'on appelle un voyage
de Jérusalem. IVe. A quoi bon citer
aveeson frère Agrippa en 55 , lorsque les chapitres XXV et XXVI du livre
saint Paul plaida sa cause h leur pré- des Actes , et le XVIe. livre de Stra
sente , et à celle des proconsuls Félix
et Pontius (36) Festus , suppose que
ces deux proconsuls commandaient
dans la Judée en même temps ; et cela
est faux (3^). 11 ne fallait point citer
bon, immédiatement après avoir dit
que Bérénice alla à Jérusalem la tête
rasée et les pieds nuds ? Est-il parlé
de cela au livre des Actes? Et Strabon
ne parle-t-il pas d'une Bérénice qui
de Titus.
(I) ..... . de M. Hofman , de
Charles Julienne , etc. ] La lre. faute
(]<■ M. HoiMAN est d'assurer que la Bé-
rénice dont Juvénal fait mention ,
était fille d'Uérode l'Ascalonite (38) ,
et femme de son frère Agrippa. C'est
a copiées.
Charles Etienne falsifie le témoi-
gnage de Pline : il lui attribue d'avoir
dit que Ptolomée Philadelphe bâtit
une belle ville sur la mer Rouge , et
la nomma Bérénice, du nom de sa
mère. Pline dit seulement que cette
un double ou triple mensonge pour le yille portait le nom de la mère de Pto
moins j car cet Hérode n'a point eu de
tille qui s'appelât Bérénice , ni de fils
qui s'appelât Agrippa. Celle dont
parle Juvénal, était fille du premier
Agrippa , et ne fut jamais mariée
avec son frère Agrippa second du
nom : on crut seulement qu'elle eut
avec lui un commerce incestueux.
Saint Cbrysostome s'est trompé , ou a
parlé figurément , lorsqu'il l'a nom-
mée la femme d'Agrippa (3()). La IIe.
faute est de dire, que la Bérénice que
Titus aima est différente de celle
dont Juvénal fait mention. Hofman les
fait différentes, puisqu'il traite dans
un article à part de celle qui fut maî-
tresse de Titus. IIIe. Il n'est pas vrai
que la Bérénice de Juvénal ait fait un
voyage à Jérusalem la tête rasée et
(35) Voyez Justin. , lib. LXVII , cap. I.
(3<>j If fallait dire Portius.
(i-) Voyez les Actes des Apôtres, chap.
XXIV, *s. î8.
(38) C'est le même que le grand Hérode , qui
fil mourir les en fans de Belliléhem.
(3<)) Ciirysostom. apud Cornet, à Lapide in
Act."XXV , vs. 3 , citation à Noldio de "Vit*' et
6f stis Uerod. , pag. 4o4-
lomée Philadelphe. Bérénice oppidum
matris Philadelphi nomine (L\i). Cela
me faitsouvenir d'une faute de M. Hof-
man , que j'avais laissée à quartier :
il fait dire à Pline que cette Bérénice
donna son nom à une ville qu'elle fit
bâtir. Voilà pour ce qui regarde la
l'e. faute de Charles Etienne. La IIe.
est d'avoir dit qu'il y a eu une Béré-
nice fille d'Hérode l'Ascalonite, la-
quelle se maria avec Agrippa son
frère. Nous avons déjà trouvé cette
faute dans Lloyd et dans Hofman :
c'est de Charles Etienne que Lloyd l'a
prise. Quelqu'un me dira peut-être :
« Vous entendez mal ces paroles : Be-
» renice , Herodis Ascalomtœ filia ,
j) quœ nupsit etiam Agrippœ J'ratri
» (4^). Vous les expliquez comme si
» elles voulaient dire que Bérénice
» épousa son propre frère ; et il faut
w entendre qu'elle fut mariée avec le
» frère d'Agripp" ■
(4°) Josepl
XXVI.
(4i) Plin. , lib. VI, cap. XXIX , pag. -;33
(4?) Elles sont dans Cli.irles Llicnne.
et c'est aussi le
de Bello judaïco, lib. II, cap.
BERG
» sensu-fles paroles de MM. Lloyd et
» Hofman. Bérénice, Herodis Ascalo-
» nitce filia , Agrippœ fratris tucor. »
Je réponds que j'explique le latin de
ces trois auteurs dans le sens le plus
naturel, et que puisque les deux der-
niers confirment par les vers de Juve-
nal les paroles alléguées, ils ont voulu
dire sans doute qu'Agrippa était le
mari , et non pas le frère du mari. Au
pis aller, je le puis convaincre de ce
mensonge. Ils supposent que Bérénice,
femme du frère n'Agrippa , était fille
d'Hérode l'Ascalonite : cela est faux;
elle était fille d'Agrippa 1er. du nom ,
qui la maria à llérode, roi de Chal-
cide , son frère. La IIIe. faute est de
citer Strabon pour la prétendue fille
d'Hérode l'Ascalonite : c'est n'avoir
point su qu'il n'a parlé que de la fille
de Salomé. Cette fille fait un article à
part dans Charles Etienne, ce qui
montre qu'il n'a point pris lune pour
l'autre , mais qu'il s'est figuré deux
personnes très - distinctes ; et cela
pourrait passer pour une IVe. faute.
BERGAME (Jacques-Philippe
de), religieux augustin , naquit
iBergame , l'an i434- Il composa
en latin une Chronique depuis
la création du inonde jusqu'à
l'année i5o3(A),elun Traité
des Femmes illustres *. Il était
d'une famille très-considérable
(B) , et il se fit moine l'an i/j5i
(C). Il avait une dévotion parti—
* Ce traité des Femmes illustres est inti-
tulé de Plurimis claris selectisçue /initieri-
ons, Ferrare. 1 4ç>7- itt-folio; réimprimé dans
leRecucil ilf J. Kavisius Textor , avani (mur
titre : De Memorabilibus et claris mulierihus
aliqiwl dwersorum scriplorum opéra ,
Paris, i:V.'.i , m-lolio. Ou y trouve sur la
papesse Jeanue un article qui fait rechercher
ce livre par les curieux Pour leur épargner
tics recherches, David Clément en rapporte
un passage dans le lom. III , p.ig. i-'j de sa
Bibliothèque curieuse C'est a tort que Nice-
ron intitule l'ouvrage de J. deBergame^
Traite des Femmes illustres chrétienne <\
Bavle avait commis cette faute dans l'édi-
tion de 1702, et on la lui reproche dans le
loniel"1. , nag. 202 des Mémoires de littéra-
ture de Sallengre . La faute a . comme ou
voit , été corrigée d'après cette critique , par
P. Marchand ; si ce n'est pas Ba\le Lui-même
qui l'a aperçue et fait disparaître
AME. 355
culière pour Nicolas Tollentin * ,
par l'intercession duquel il crut
avoir été guéri de la peste l'an
1 474 (a)- Il mourut à Bergame
l'an if)i8, dans le couvent de
sou ordre. Il en avait été prieur,
et il l'avait fait réparer à très-
grands frais (b). Consultez le
Dictionnaire de Moréri sous le
mot Foresta. Ce que vous y
trouverez de fautif se pourra
rectifier par un parallèle avec
cet article.
* « Il faut de Tolentin , dit Lcclerc
» autrement ou croira que Tollentin est un
» nom propre »
(«) Voyez sa Chronique à l'an ll\l\Ç> , folia
290.
[b) Titré de Phil. Elsàus in Encomiast.
Augustin, pag. 5ll\ , 3l5.
(A) // composa en latin une Chroni-
que depuis le commencement du mon-
de jusqu'à l'année i5o3] Vossius ob-
serve que la première édition est de
Bresce, et quelle finit à l'an 1 485 , et
non pas à l'an i436 , comme Possevin
1 assure (n. Beflarmin a commis la
même faute (2). La seconde édition
est de Venise, et s'étend jusqu'à l'an-
née i5o3. Vossius dit que l'auteur
marque à la fin <lu livre qu'il avait
alors soixante-neuf ans. On réimprima
cet ouvrage à Paris, l'an 1 535 , avec
une continuation jusqu'à ce temps-là.
On en donna une traduction italienne
à Venise, l'an i54o, in-folio. Elle
contient des additions à l'ouviage du
premier compilateur, jusqu'à l'année
iSSg. Celui qui a fait ces additions
était de Milan , et se nommait Ber-
nanlino Ilimloni. Je crois que Jacques
Philippe de lin.;. un,- continua à tra-
vailler depuis Pan i5o3, et qu'une
partie de ce qui suit est de lui; mais
on a m îglieé de marquer dans cette
version italienne où commencent les
additions qui viennent «l'une autre
main. Je n'y ni pjs trouvé à la Sn de
l'an i5"3, que l'auteur dise touchant
ce que Vossius rapporte *.
(1) Vossius, dr Historicis latinis, lit/. III,
cap. XI . png. 66:1.
(1) Bellarm., de Scripl. er. les . jiau,- 4'».
* (.V>id la lin ue la version italienne que
Bavle dit ne. pas avoir trouve l'âge de J. de lier-
356
BERGIER.
Cette Chronique est assez bonne, et
surtout à l'égard des siècles voisins de
hauteur.. Il a eu soin de marquer les
hommes illustres qui ont vécu dans
chaque siècle , et il dit touchant
les modernes d'assez bonnes parti-
cularités. Gesner , en i544 , ne con~
naissait aucune édition de ce livre-
là (3).
(B) II était d'une famille tres-consi-
dérable. ] C'était celle des foresli.
Matthieu de Berganio , qui était de
cette noble famille, et un très-savant
turisconsulte , obtint de l'empereur
Louis de Bavière plusieurs très-beaux
privilèges , tant pour lui que pour sa
postérité. 11 fut créé comte palatin ,
avec le droit d'instituer des notaires,
des docteurs, des chevaliers et des ju-
ges par toute l'Italie . et de légitimer
Ses bâtards , etc. La liste de tous ces
privilèges se trouve dans la Chronique
de notre auteur (4). Ils ont été confir-
més par tousles seigneurs qui ont pos-
sédé Bergame. Les lettres patentes de
cette concession de Louis de Bavière,
furent datées à Trente, le 20 de janvier
>33o(5).
(C) // se fit moine Van i45i.J » as-
sure dans un endroit de sa Chronique,
selon Vossius, que Jean Rochus * le
fit entrer dans son couvent , avec
quelques autres jeunes hommes , l'an
i45i , mais je trouve dans la version
italienne de cette Chronique que
ce fut Jean de Novare , supérieur
des augustins de Bergame , qui l'as-
socia à son ordre le iei. de mai
?45i. Il avait parlé de Jean Roco, ré-
formateur des augustins et leur géné-
ral, qui mourut à Mantoue, l'an 1 4^ • ?
à l'âge de soixante et dix ans. Immé-
diatement après , il parle de Jean de
Kovare , qui avait fort secondé Jean
Roco dans l'ouvrage de la reformation
de l'ordre, et qui lui succéda à la di-
gnité de prieur du couvent de Crè-
me ; en suite de quoi il fut promu à
la même charge dans le couvent de
Bergame. C'est à ceux qui ont l'édi-
^ame.Leclerc assure que le témoignage de Vossius
est cependant véritable : ce qu'il dit se trouvant
dans I édition de i5o(J qu'il a citée.
(3) Gesneri BibliolR. , folio 3Go verso.
(4) Phil. Ber^om. Chromca, fuUo 249i "^ "'"'•
i33o.
(5) Idem , ibid.
* Ce ne fut pas Jean Hoclius , comme le
remarque Leclerc. L'auteur lui-même dit que
..; fui Jean de Novare.
tion latine dont Vossius s'est servi ,
à examiner s'il s'est trompé. L'ita-
lienne , dont je me sers , a été faite
sur l'édition de Paris, corrigée de
plusieurs fautes.
BERGIER ( Nicolas ) naquit
à Reims, en i55^+. Il y étudia
dans la nouvelle université que
le cardinal de Lorraine venait
d'y établir, et il y régenta aussi
pendant quelques années. Il
passa du collège chez le comte
de Saint -Soupplet , grand bailli
de la province , pour être pré-
cepteur de ses enfans , et il em-
brassa ensuite la profession d'a-
vocat , où il se rendit fort habile.
Les habitans de la ville de Reims,
qui connaissaient son mérite et
sa capacité , le firent leur syndic,
et le députèrent souvent à Paris,
pour les affaires de la ville. Cela
le fit connaître de plusieurs sa-
vans , et entre autres de MM.
Peiresc et du Puy , à qui il com-
muniqua le dessein de son livre
des Grands Chemins de Vem-
pire , et qui l'encouragèrent
beaucoup à l'exécuter. M. Pei-
resc lui communiqua pour ce su-
jet la carte de Peutinger (a).
Mais de tous les amis et de tous
les protecteurs que ses bonnes
qualités lui attirèrent , le prin-
cipal et le plus illustre fut M.
Nicolas de Bellièvre , président à
mortier au parlement de Paris ,
qui lui procura un brevet d'his-
toriographe , avec deux cents
écus de pension, et le voulut
avoir chez lui , oii il le garda
j usqu'à sa mort. Il mourut le i5
septembre 162 3 , dans le châ-
teau de Grignon , appartenant à
* Il est né en 1667. t ''oyez la Biographie
universelle, an mot Beiigier.
(a) Voyct, Gassendi , dans la Vie de Pei-
resc.
BÉRIGARDUS. 357
M. de Bellicvre. On peut voir au tation dans l'université de Paris ,
commencement de l'Histoire de que le grand-duc de Florence
Reims, imprimée en 1629, l'é- l'attira à celle de Pise (a). Il y
pitaphe que fit cet illustre pré- enseigna la philosophie pendant
sident à la mémoire de son ami douze ans (b), après quoi on l'ap-
(b). Je parlerai ci-dessous des pela à Padoue , pour la même
ouvrages de Bergier (A). Voyez profession. Il l'exerçait glo-
aussi à la fin de ce Dictionnaire* rieusement , lorsqu'en 1643 il
la Dissertation sur le Jour, re- fit imprimer à Udine un ouvra-
marque (B). ge qui déplaît beaucoup à plu-
sieurs théologiens (A). Cepen-
dant il est muni de l'approbation
du saint-office. Il en avait publié
un autre à Florence, l'an i63a
(A) Je parlerai des ouvrages de (c). Sa taille douce au-devant
Bergier.] Outre Y Histoire des grands du livre imprimé l'an 16^3, lui
c/le™ nous avons de lui le Boa- donne dnquante et un ans • mais
quel îoyal, qui est une relation du sa- , * ■ i> ' j
cre de Louis XIII , imprimée à Reims, on n y marque point 1 année du
Tan 16J7 *' ; un Traité de point siècle.
du jour, imprime à Reims en 162c).
ÇA^ Me'moive communiqué parM. Ondinet,
'unie du cabinet des médailles du roi Louis
XIV. Je le donne tout tel que je l'ai reçu.
* Toril. XV de la présente édition.
Moulins, le l5 août 10-8 de Pierre Guil-
lermet sieur deBeauregard ; il mourut à Pa-
doue en i663.
(a) Vojra la préface de mn Ci indus
pisanus, lib. VU! Physic. Aristot.
(b) Voyez sa première épilre dédicatoirc.
(c) Intitulé Dulntationes Gai. Galihei
Lyncci.
(A) il /Il un ouvrage qui déplaît
et qui Pavait été ù Paris dès l'année
1617, sous le titre cY A rrhemeron (1) ;
le Dessein de i Histoire de Beims ,
imprimé eu i(j3^. Il composa la fie
de s. uni Albert, a>'ec l histoire de la
translation de son corps de Beims a
Bruxelles , qui se tit en 1612 , à la
réquisition de l'archiduc Albert. Il
reçut pour récompense de cet ouvra-
ge une chaîne d'or , que ce prince lui beaucoup à plusieurs théologiens . | Il
enraya ; mais l'ouvrage n'a point été a pour titre : Circulus Pisanus. Voici
imprimé, et le manuscrit est entre le jugement ([n'en a fait un archi-
les mains des héritiers de l'auteur, diacre de Cantorbéri. Hune ( Cœ-
avec quelques aul res cahiers e'erits de salpinum ) eàdem impietatis via et
sa main de l'Excellence des bonnes raûone non modo seculus est, sed supe-
Leltres de l'antiquité , et de l'Excel- ravit Claudius Berigardus iVnlinen-
lence de la Poésie et de la Musique sis, qui unacum impid Arislotelis dis-
speculalive (2) **., cipltnd obsoletam islam quoque vete-
ruin lonicorum ( quemadmoduiu de
" La Relation a été , dit Leclerc, imprimée Us ipse censuit ac alii platane cru-
suerunt ) rcvocuint ; cunt cnirn dispu -
en i635 et noo 1637
(1) Consultez notre Dissertation sur le Jour,
tome, XV , et surtout à la remarque (B).
(a) Tire' d'un Mémoire communiqué par
M. Oudinet.
*a Joly parle du manuscrit sur la musique
spéculative comme d'une omission de Bjyle.
taliones suas dialogorum consuetudi-
ne perscripsit , sermonem in duos
perso/ias Charilaum cl Artstivuni dis-
tribua , quorum aller Arist< <■ lem
quiprœter materiam, quendam primum
motorew , providentice tamen expei -
lem posuit , aller antiquos islos de--
BÉRIGARDUS (Claude) . l'un
* ' ie/71 posait. , aiter anitqiK's iuo> uc--
des plus subtils philosophe-» du fendit, quos omnia corporea esse vel
XVTTe. siècle , était de Mou- le . nullumque primum motorem ab
lins *. Il s'acquit une telle répu-
* Chanfepié d'après Niceroj» dit que son
nom français était. Beauregard. Né a
universo corporen distinxisse putavil.
A/que adeb uno eodemque opère di-
1 rsas cùm Epicureœtùmperipaieticœ
impietatis taliones adornaeiX, quaii-*
358
BERYTE.
quant Aristotelis disciplinant Jlisiits
et ardentiits excoluit, atque eam po-
tissimùm quant libro Physicorum oc-
taun , librisque de Cœlo et rerurn Gé-
nérât ione tradidit , quibus unu'ersam
mundi fabricant sine providcntiâ ar-
tinuà impugnet ac subuertat; an quie*
quant in rébus physicis stabile et im-
motum relinquil ? IVonne contra per-
pétua sud il/a libratione cunctas sus-
pendit ? Deindè quà tendit assumpta
hœc Anaximandri hypothesis , quant
chitectncè extruxisse se putat philo- Berigardus Aristolelicœ longe prœ-
sophus Neque nej'aria sua dogmala fert , nisi eo ut in supremi IVuminis ,
dispersé uno aut allero capite ( ut
Cœsa'pinus ) insinuavit , sed apertè
oni/tem peripateticœ irnpietatis ratio-
nent secutus est , neque numinis pro-
'videntiam ut ille è rerurn naturd tôl-
ière satis habuit , nisi et salsè dictis
( qua/ia vir non admodum Jacetus po-
tuit ) increparet (i) JJunc auteni
sicut et Cœsalpinunt , quanquani mili-
ta uberihs rem traclavil , et qu'idem
integrum peripateticœ impietatis sys-
terna descripsil , hoc loco redarguere
Operœ pretium non existimo , qubd in
uno Aristol, le vincantur qui ab eoste-
terunt omnes (a). M. de Villemandy ,
ministre français (3) , se conforme à
ce jugement ; car il considère Beri-
gardus comme un grand fauteur du
pyrrhonisme , et comme un propaga-
ejusque providentiœ locum infini-
tam quandam materiam , injinitis cor-
poribus dissimilanbus , ex seipsis mo-
bilibus , cmflatani , hoc est, in Ve-
ri Dei locum Csecam Naturam substi-
tuât ( 5 ) ? Il le cite , à la page 100 ,
comme ayant dit une chose qui est
pleine de libertinage ; mais il est
bon de considérer que les paroles
qu'on lui attribue , et que l'on rap-
porte en caractère italique , ne se
trouvent point dans son écrit. Les
voici : Ex Us duci quident nolionem
virtutis cujusdam , quœ omnia dispo-
sueril , ac sapientissiniè regat , sed
hanc nihil aliud esse , quant universi
totius corporei uigorem , ab ipso so-
Id ratione distinclum ; cujus universi
singulœ partex ditdnitatis participes se
teur de l'impiété : ^estigiisejus (Pom- ipsis misceantur ad omnia componen-
ponatii ) mstilit Berigardus in Circu- da , nullo alio intclleclu ordinante ,
lis Pisanis sub sœculi hujus initiwu. quant sud ipsarum energiâ , pertndè ,
Quanta ab his , nonnullisque aliis ad finent optimum tendente , ac si ab
ejusdent ordinis doctoribus , malorum aliqud mente dirigerentur (6). Il eût
seges in scientiis , societate civili, et donc fallu faire savoir aux lecteurs
religione luxuriârit , nôrunl erudili que l'on citait, non le texte de Beri-
gardus, mais la paraphrase de sa pen-
sée. J'ai cité cet auteur dans l'article
de Buiin, remarque (C).
(5) Idem , ibid. , pag. 28, an.
(6) Villemandy, Scept. deuell., pag. 100. Il
cite Berigard. Circulor. Pisanor., part. II , cire.
XIX.
EERYTE , ville maritime de
Fhénicie, proche du mont Liban,
avait aussi nom. Beroé (A). On di-
sait que Saturne l'avait bâtie (a).
Elle avait un bon port , dont on
trouve la description dans l'iti-
néraire de Jean Phocas (b). Stra-
bon dit qu'elle fut ruinée jïar
Tryphon , et rétablie par les
Romains (c). Ce fut Auguste qui
(a) Stepliani Byzanl., in Bnpc/TÔç.
(A) Voyez Berkelius in Steph. Byzantin.
Voce Bwpt/TÔc.
(.c) 5trabo,/j7>, XVI, pag. Ô2o.
(4)- Il s'explique plus fortement en
un autre lieu. Ipsorum quident dubi-
taliones , contendendique pruritus, eo
usque non evagantur , ut vel dwinant
pros'identiam , vel eliam exislentiam ,
apcriè suinmoveant : ita lamen pro-
cedunt eorunt nonnulli , ut summove-
re velle videantur : utcunque sit, sus-
pecta est admodum eorunt religio ac
fides. Ciim , ex. g. Claudius Berigar-
dus , in Circulis suisPisanis, res on\-
nes physicas , imo et diuinas plcras-
que , ex principiis Aristotelis ita dé-
clarai et aslruil , ut easdem illas ex
opposais Anaximandri hypothesibus,
purum atheismum redolenlibus , con-
(1) Samuel ParVerus , Disputât, de Deo et
Proviilentia divinS , pag. 67.
(2) Samuel Parkeius , Disp. de Deo, etc.,
pa^. i">8.
(i) Il était professeur en philosophie a Sau-
mur lors delà révocation de Védit de Nantes;
et depuis, il a été recteur du collège ÏValon à
Zeyde.
i4) Prtrus de Villemandy, in Scepticisme.
to . yn™. 11.
BÉRYTE. 359
la rétablit (d) , et qui en fit une son le mot B«p&n en celui de Bup-
colonie, que l'on nomma Julio, ^i'vv . . „ , .„
y. T. , . * . . . - i ■■ •. (15) G était lune des trois utiles ou
fehx (e) , et qui jouissait du droit Von enseignait paMiquemmt Lll jlins_
italique (f). Agrippa y condui- prudence.] [11 n'y avait dans tout lYm-
sit deux légions (g). C'était l'une pire romain que ces trois villes qui
des trois villes ou l'on enseignait ?ass«£* \a permission d'avoir des éco-
,,. ^ i • • ? les de droit. Cela est surprenant ,
publiquement la jurisprudence quand on considere l'étendue de cet
(B) : les deux autres étaient empire , et plus encore quand on son-
Rome et Constantinople. On a ge » la multitude d'universités qui
lieu de croire qu'il y avait dans s°nt aui0l";d,'iui <lans l'Europe. Quel
-n ' i j l > changement de coutumes! Les sept
tieryte plus de professeurs que pr0vinces-Unies , qui ne sont qu'un
dans ebacune des deux autres point sur la carte en comparaison
(C). Les incendies , les inonda- <le la monarchie romaine , ont di u\
lions, et les tremblemens de ™ t™is fois plus d'écoles de jur.sp.u-
. .... .. dence qti n n y en avait dans ce vas-
terre , qui la ruinèrent en divers tc c:tat. prouyons ce qu'il faut prou-
temps , n'empêchèrent pas que ver : Hœc autem tria uolumina , c'est
les écoles de droit ne s'y rétablis- J'»stinien qui parle (8) , a nobis corn-
sent(D). La dignité métropoli- V°»ta , lra<*1 e? Mminregii* u*bi-
J?. , , . Tr vus (n) , quant in fieryliensium pul-
taine , que Iheodose-le-Jeune ekemmd ciuitate ( quam et legem nu-
accorda à l'évêque de Béryte, tricem benè quis appellet) , tunium-
ne fut que titulaire (E).
(d) EuwIj. in Chron. , num. 20o3.
(e Plinius, lib. V, cnp. XX, pag. ^f]!\.
(y* "i Ulpianus, de Censibus , apud Scalig
Aiiidninclv. in Euseb. , num. iuo3, pag. 171
(g) Strabo , lib. XVI , pag. 520.
modo uolumus : quod jam et a rétro
pri/iripibus constitutum est , et non
m aliis lacis quœ a majoribiis taie non
meruerint privilégiant. Ces paroles
nous apprennent que les prédéces-
seurs de Justinieti fixèrent à trois le
nombre des auditoires de jurispru-
(A) Elle a fait aussi nom Beroé. ] dence ; mais on ne sait pas en quel
Le témoignage d'Eusèbe , allégué par temps se fit cette fixation. Le premier
ii- père Hardouin (1), ni celui d'E- qui, au sentiment de M. Ménage (10),
tienne de Byzancc , allégué par Guil- ait fait mention de l'école de Béryte,
laume Grotins (2), ne me servent est Grégoire Thaumaturge (1 1) , qui
point de preuve- car je n'ai point vivait bous Alexandre Sévère. L'ilis-
trouvé qu'Eusèbe, ni qu'Etienne de toire ecclésiastique d'Eusèbe fait men-
Byzance disent cela. Mes preuves sont tion d'un pïune martyr , qui souffrit
celles que Scaliger a trouvées dans la mort sons l'empire de Maximien ,
les Epigrammes de Jean Barhucalles et qui avait fait ses études à Bër] te
sur L'incendie de Béryte , et dans le (12). Cette école était alors bien ilo-
XLI*-. livre des Dionysiaques de Non- rissante (i3). Elle ne l'était pas moins
nus (3) ; et celles que M. Ménage a lorsque Zacharie de Mitylène écrivit
découvertes dans le IIIe. livre des mè- contre Ammonius : il nomme Béryte
nies Dionysiaques (£) , et dans une
épigramme de l'Anthologie (5) où Ber-
trand (fi) a voulu changer , sans rai-
(1) Nain et Berieam appellalam être auctor
est Eusebiui in Chron. Har.luin., in Plin. , lib.
V , cap. XX , pag. 5-\.
(a) Guil Grotius , de Vitis jurisrons. , lib.
II, cap. VI , pag. 144.
(3) Scalig. ( Auimadv. in ïïuseb. , num. 1 - 1 ",
pag. i3o.
'il Meoaeiua, Juris Civil. AmœnX , cap.
XXIV, pag. i3j.
(5) Elle en au litre l'r. du livre IV.
(6) Bertrand. , de > iiis Juriscousultorum ,
pctiTifi*. aœv vop.o!v , patentent legwn.
Il tloiissait au \T'. siècle. Son ti
se trouve dans le onzième tome «le la
(7) M. Ménage et Guillaume G rôti us , /h
rr'l'utent dans les ouvrages qu'on rtenl île cuir.
(8) Jmlinian., l'rœf. in Digeslâ de Juris do-
cendi Kalione.
(j|) ("■'■ .(-il- lire , Home et C«n<lanlinople.
(10) Menagii Amœnit. Juris, pag. i33.
(11J ïn Oratione Panegyricà ad Origenera.
Ensebios , de Marivnb. Palastinw, cap.
IV . pa
fi3) Voyez Rerlrand in Vitis Juri^cons. , yag.
5, qui cite L. 1. C. q'ii art. se excus.
36o BERNARD.
Bibliothèque des Pères, de l'édition de bus coronatam. Lgitur hœc quoque
Paris en iC44- metropolitanam habeat dignitalem ,
(C) Il y avait.... plus de pro- Tyro nihil de suo jure derogetur. SU
fesseurs , que dans chacune des deux Ma mater pro\>inciœ majorum noslro-
autres. ] Le titre de Studiis liberali- rum bénéficia : hœc nostro. L'empe-
bus Urbis Romœ et Constantinnpoli- reur déclare qu'il ne veut diminuer
tanœ , dans le Code Théodosien , et en nulle manière les droits de la nié-
dans celui de Justinien , nous ap- tropole de Tyr : il ne prétendait donc
prend qu'il n'y avait que deux pro- pas que l'èvèque de Béryte donnât
fesseurs en droit à Rome, et deux à atteinte à ces droits-là. Néanmoins
Constantinople. Or, comme Judinien Eustathius , poussé d'ambition , usur-
adresse à huit professeurs en juris- pa l'autorité sur plusieurs églises qui
prudence la Constitution de Juris do- relevaient de la métropole de Tyr.
cendi Ratinne, il faut conclure qu'il y On en fit des plaintes an concile de
en avait quatre dans l'école de Béry- Chalcédoine , qui le mit à la raison ;
te. Voyez M. Ménage (i4)- e* Ie privilège que Théodose lui avait
(D) Les incendies , les inonda- accordé fut comme celui que Marcien
lions, n'empêchèrent pas que les accorda depuis à la ville de Chalcé-
écoles de droit ne s'y rétablissent. ] doiue. Chalcedonensem cwitalem in
Je vous en donnerai pour preuve ces quâ sanctœ fidei concilium gestum
paroles de François Baudouin. liery- est metropolis privilégia habere san-
tum Syriœ urbem fuisse nutiicem le- cimus nomine tanlùm , salva vi-
gum Ro. ail noster Just. ut et matrem delicet Nicomediensium civitali pro-
jurisprudentiœ Eunapius t'Ocat, et an- pria dignitate. Consultez le père No-
le utrumque Nnnnus multô magis. ris (17).
Quid igitur ? Tempore Constantii
terras motu conduisant fuisse ait Ce-
drenus. Sed fuisse restitutam et tem-
pore Justiniani noslrifloruisse constat.
Ciiin verb Justinianus jam Mi suos
juris cirilis libros explicandos tradi-
disset , ecce horribiliori terrœ motu giècle. Il s'acquit une si grande
cum auditortbus et doctoribus absorp- . , , . * ,., ° , . -.
ta est. Tesns est Agathias. Sed idem considération , qu il semblait
testis est eo casu mudmè deterriium que toutes les affaires de 1 église
Justinianum fuisse qiiomuiiis Mam in- reposassent sur ses épaules , et
stauraret. Ergb rursùs instauratam es- ,eg roig et jes prjnces peus_
se. auo mnsis semucr exlarel sedes L i • - 1» 1 ■. > • 1
junsprudenttœ. Mirum verb, ecce sent choisi pour 1 arbitre gênerai
paulo post inundatione et incendio de leurs differens (A). II est
iteriim vaslalam esse lego. Nam id certain qu'il avait de fort gran—
testatur vêtus liber Grœcorum Epi- de§ qualjtés , et beaucoup de
esse- T- ' , x ■ 1
zele : mais quelques-uns pre-
(17) Noris, de Antio et F.pochis Syro Macedo-
num, dissert. IV ', cap. III , pag. 4°° , 401 »
edil. Lips. , ann. itigt).
BERNARD (Saint) , abbé de
Clairvaux , florissait au XIIe
giammatum Necdum tamen cesse
runt talibus tempeslalibus qui afflic-
tœ jurisprudentiœ opem ferre debue-
runt (i5).
(E) La dignité métropolitaine
de son évêque ne fut que titulaire. ]
Théodose-le-Jeune , surpris par Eus-
tathius , évêque de Béryte , lui ex-
lendent que ce zèle lui don-
nait un peu trop de jalousie
envers ceux qui s'acquéraient un
grand nom par l'étude des scien-
ces humaines ; et ils ajoutent que
pedia ce décret (i6j : l'ropter multas son naturel doux et facile le ren-
justasque causas metrapolitànp nomine jaJl un trop cn5dule , quand
et dignitate civilatem Bcrylum decer- • •. jp ' ^ 1^ mn\ „„rt
0 j J • * *■ il s agissait d écouter le mal que
minus exornandam, jam suis virluti- nadgroan »>-^ 1
l'on disait de ces savans-la. JJs
(i4) Menagii Amœnit. Juris , paS- 133. croient que par ces principes il se
(i5) Franciscus Balduinu;. ad L. si Pact. C. T- A . * *
de pan , suhjin. laissa trop préoccuper contre
cJde tf/iS &?xh°n*ième ^ dU Abélard (B). H est difficile de s>
BERNARD. 36 1
maginer qu'il ne se soit pas mêlé traordinaires de la prophétie. Il
beaucoup de passions humaines grossit par ce moyen les troupes
dans les mouvemens perpétuels de la croisade plus que l'on ne
qu'il se donnait pour l'aire acca- saurait dire; mais toutes les belles
bler d'anathèmes tous ceux qui promesses dont il les avait re-
lui paraissaient hétérodoxes. Mais pus s'en allèrent en fumée : et
il est fort facile de comprendre lorsqu'on voulut se plaindre
que sa bonne réputation , et qu'il avait mené à la boucherie
l'ardeur avec laquelle il sollicitait sans sortir de son pays une infi-
la condamnation de ses adversai- nité de chrétiens , il en fut quitte
res , surprenaient les juges, et pour dire que les péchés des
faisaient succomber sous le poids croisés avaient empêché l'effet de
des préjugés et des procédures ses prophéties (F). Il n'y a point
peu régulières les personnes d'imposteur qui ne se puisse ca-
accusées. Quoiqu'il en soit, il cher derrière ce retranchement,
vérifia l'interprétation du songe Saint Bernard a été canonisé :
qu'avait fait sa mère. Elle son- c'est un des grands saints de la
gea , lorsqu'elle était grosse de communion romaine ; et l'on pré-
lui , qu'elle accoucherait d'un tend qu'il a fait une infinité de
chien blanc, dont l'aboi serait miracles, soit pendant sa vie,
fort sonore (C). Etonnée de ce soit après sa mort. Notez qu'il se
songe, elle consulta un bon re- mit une fois dans l'eau jusqu'au
ligieux, qui lui dit, ayez bon cou pour se délivrer de la tenta-
courage , vous aurez un Jils qui tion oii la vue d'une femme l'avait
gardera la maison de Dieu , induit (b). La meilleure édition
et qui aboiera bien contre les que nous ayons de ses œuvres est
ennemis de lafoi (D). Saint Ber- celle de 1690 : c'est la seconde
nard fit plus que ne portait la que le savant père Mabillon a
prédiction ; car il aboya quelque- eu soin de procurer. Les jour-
lois contre des ennemis chimé- nalistes de Leipsick en ont parlé
riques , contre des erreurs qui fort exactement (c). Elle est ac-
hetaient ou que pures bagatelles, compagnée de plusieurs doctes
ou qu'une interprétation inique préfaces : il y en a une oii l'on
desparoles et des pensées d'autrui reconnaît que saint Bernard a
(a) : et soit qu'il eût raison , soit enseigné que l'àme des bienheu-
qu'il eût tort , il savait admira- reux est reçue au ciel , et dans
blement donner l'alarme , et la société des anges , dès qu'elle
faire retentir le tonnerre de ses est séparée du corps ; mais qu'elle
triomphes (E). îl fut plus heureux jouit seulement de la vue de l'hu-
à exterminer les hétérodoxes , inanité de Jésus-Christ , et non
qu'à ruiner les infidèles ; et ce- de la vue de Dieu,
pendant il attaqua ces derniers , {o) Viu Bem., lib. /, cap. m, apud
non-seulement avec les armes kyserum , tract, de Polygam., pag. i3o.
«-(î-rli'vioi'i.oc A,. ,.~ À\ _ (r) I" Xict- XI Supplenicnlorum , loin.
oicunanes de son éloquence , rtpag. 556.
mais aussi avec les armes ex- ',.» „ ,
(Aj // s acquit une si grande consi-
(aï Voyez la remarque (I), de l'article Aération, qu'il semblait que tes
Bérenger. princes l'eussent choisi pour Carbilre
362
BERNARD.
de leurs àifférens. ] Il ne sera pas
hors de propos d'écouter là - dessus
François d'Amboise : voici de quelle
manière il s'exprime. Plus favoris in
humilUate adeptus quant Salomon in
ornai glorid sud, ita otnnes in sut ad-
mirationem.... adfamamsui nominis,
ad sut amorem et observantiam rapuit,
ut ad eum totius orbis vota concur-
rerent , ut ab ejus monitis et exem-
plis iota res monastica et ecclesiastica
pendere visa sit , ut ab ejus oraculis
prœsules , principes , populi , consi-
liurn expeterent , eumque induciarum
ac pacis arbitrum agnoscerent , et se
ejus orationibus omnes ordines cupi-
verint esse commendalos (i).
(B) Son zèle lui donnait de la ja-
lousie , et son naturel doux le ren-
dait trop crédule, à l'égard des
savons , et particulièrement d'Abé-
lard. ] J'ai cité un long passage de
François d'Amboise , dans la remar-
que précédente : en voici un encore
plus long. Pace igitur sancti abbatis
liceat dicere quoddeeo ausus est An-
nalibus mandare ejus discipulus Cla-
rœvallensis quondam monachus , de-
mùm abbas Morimontanus Otho epis-
copus Frisingensis , Leopoldi PU
Marchionis Austriœ Jilius , Frederi-
ci I JEnobarbi , cujus vilam scripsil,
patruus , qui quamvis abbatem suum
in magnd habuerit vencratione, tamen
scribit eum ex religionis chrislianœ
fervore zelotypum , et ex habitudinali
( sic enim loquitur ) mansuetudine
quodammodo credulum , ut magistros
qui humanis rationibus et sœculari
sapientiœ confidenter nimiùm inhœre-
bant abhorreret , et de talibus sinis-
trum quid recitanti facile aurem prœ-
beret juxta illud Festi , va. toKKÀ
ypu.//./j.a,Ta. iiç //stvistv irtfiTftTru. \)uo
Jieri poluit ut sibi in animum in-
duxerit quœdam. esse dicta aut scrip-
ta ab Abœlardo , quœ non essent, aut
quœ in pejorem parlent accipi non de-
berent (i).
(G) Sa mère,... grosse de lui, son-
gea quelle accoucherait d'un chien
blanc, dont l'aboi serait fort sonore-~\
Elle s'appelait Aletiie : son mari ,
père de sainl Bernard, portait le nom
de Tesselin. Chm mater Aletha uxor
(i) Franciscus Ambnesim, Pirefalione Apo-
Ingelicà pro Pelro Abailardo, prie/ixd Opeiibus
Ab.elardi.
(t) Idem , ibid.
Tesselini in utero gestaret , somnin
vidit prœsagium futuri partûs , catel-
lum scilicet se parituratn totum can-
didum , in dorso subrufum et clarè
latranlem (3).
(D) ... Un bon religieux lui dit...
quelle aurait un fils... qui aboierait
bien contre les ennemis de la foi. ]
Continuons à citer François d'Am-
boise. Cui (Alethœ) de illo terricula-
menlo anxiœ et sciscitanti respondit
religiosus quidam vaticinii spiramine
afflatus : « Optimi catuli mater eris ,
» qui , domûs Dei cuslos futurus ,
» validos pro ed contra inimicos fidei
» editurus est latratus (4). »H ne des-
cend point à l'explication particulière
du blanc et du roux, comme font
d'autres, qui disent que la blancheur de
ce chien signifiait que saint Bernard
serait doux et débonnaire envers les
amis de la maison, c'est-à-dire envers
les personnes pieuses ; et que la rous-
seur du dos signifiait qu'il serait sau-
vage et farouche envers les impies et
les étrangers, et qu'il japerait éter-
nellement après eux (5) : car c'est le
propre d'un bon chien de caresser les
amis et les domestiques de son maître,
et de s'élever fièrement contre l'étran-
ger , par des abois continuels, et
même par des morsures. In peregrinos
férus et atrox eos caudd erectd con-
tinuis lalratibus , imo morsibus inter-
dum insectetur (6). François d'Am-
boise, laissant là cette distinction des
deux couleurs, observe que saint Ber-
nard confirma la prophétie, et n'é-
pargna qui que ce soit. Firmavit va-
tidinium eventus , nec enim ulli peper-
cit (7). Il s'éleva contre Abélard ,
contre Arnaud de Bresse , contre
Pierre de Bruys , contre Gilbert Por-
retan, etc. En un mot, ce n'est point
atteindre à son mérite, que de rappe-
ler simplement chien de meute, chien
au grand collier : il faut, en un cer-
tain sens , le comparer à Nimrod , al
dire qu'il était un grand veneur de-
vant l'Eternel (8J.
[V Idem, ibid., ex Wlllilmo , Vilœ Bernardi
lib. I.
(4) Ibidem , ex eodem.
(5i Voyez PbilippusCa-sius à Zcsen, in Cœlo
AstrononîicoPoelico , pig. î5S.
(G) Idem , ibid.
(7) Fr. Ambocsius, j'/iPraîf. Apologet . ad Abâ-
tardi Opéra.
(8) Voyez Genèse , cliap. X, vs. 9.
BERNARD.
363
Qu'il me soit permis fie faire une
digression sur le songe de la mère de
saint Bernard. La pensée de celui qui
l'expliqua fut heureuse ; car entin
quel meilleur symbole de la vigilance
peut-on trouver que le chien ? Quelle
image plus heureuse des combats li-
vrés à l'erreur , tant de vive voix que
par e'erit , que l'aboi d'un chien ? il
faudrait seulement prendre bien garde
de ne pousser pas trop loin la com-
paraison , vu Qu'il ne se trouve que
trop de gens dans tous les pays et
dans tous les siècles qui , pour éviter
le blilme de chiens muets , aboient à
propos et hors de propos , et mordent
et déchirent tout ce qui ne leur plaît
pas. Les chiens qu'on entretenait à
Kome pour la garde du Capitole étaient
destinés à faire du bruit en cas qu'il
vînt des voleurs : à cause de cela , ou
ne trouvait pas étrange qu'ils aboyas-
sent pendant la nuit , qui (pie ce
fût qu'ils entendissent; car c'est une
heure indue , qui autorise- les soup-
çons, et qui empêche le discernement.
On les laissait donc aboyer, soit que
ceux qu'ils entendaient venir fussent
gens de bien , soit que ce fussent des
voleurs ; mais si en plein jour ces
chieus eussent, aboyé contre les per-
sonnes qui venaient au temple pour
faire leurs dévotions , on leur eût
rompu les jambes. J'emprunte ceci
d'un ancien Romain : il est aisé d'en
faire l'application. Anseribus cibaria
publiée locantur , et canes aluntur in
Capitolio , ul significent si fures ve-
nerint. Al Jures inlernoscere non pos-
sunt , signifîcant tamen, si qui noctu
in Capitolium venerinl : et quia id est
suspiciosum , lametsi besliœ sunt , t<i-
men in eam partent potih* peccant quœ
est cautior. Quotl si Luce quoque canes
lalrenl quimi Deos salutnlum atiqui
venerint , opinor Us crura suffHngan-
tur , quôd acres sint eliam tum quian
suspicio nulla sil (9). Le public, vous
entretient pour la garde de la vérité :
faites donc du bruit contre tout ve-
nant , si vous êtes assez ingénu pour
vous comparer à un chien (pu dans
les ténèbres de la nuit ne peut discer-
ner personne. Si vous êtes dans les
ténèbres , ou à cause de votre incapa-
cité , ou à cause que les passions vous
offusquent le jugement, et si vous
avez la bonne foi de reconnaître la
(g) Cicero , pro Roscio Amcrino , cap. XX.
nuit qui vous environne , on doit \ ou ■
faire grâce et vous excuser : mais si
vous prétendez à la qualité d'un grand
docteur, qui n'agit (pie pour la gloire
de Dieu, sans aucun motif de ven-
geance personnelle, et que néanmoins
vous enveloppiez une infinité d'hon-
nêtes gens dans vos délations, dans
vos libelles , dans vos dénonciations ,
vous méritez d'être puni : \ous êtes
indigne de votre poste : vous (Mes un
chien qui se rue indifféremment sur
les amis et sur les ennemis de la mai-
son ; ce qui ne peut causer que mille
désordres. Vous êtes de ces do
d'Angleterre , dont le jésuite Maim-
bourg ht une fois l'une des quatre
parties de son sermon (10). On a vu
en Hollande , depuis peu d'années , je
ne sais combien d'imprimés farcis de
g.missemens , et d'extraits de lettres
plaintives, comme si une très-consi-
dérable partie des ministres réfugiés
avaient conspiré d'établir les plus
abominables erreurs, partout où ils
étaient dispersés (11). Il s'est trouve ,
qu'au bout du compte, ou n'a su dé-
couvrir un seul coupable , quelque
peine qu'on se soit donnée. De tels
chiens destitués de discernement de-
vraient-ils demeurer impunis ?
(E) // savait admirablement donner
r alarme , et faire retentir le tonnerre
de ses triomphes.] Je ne fais que suivre
pied à pied le sieur d'Aïuboise, auteur
très-bon catholique*. 11 remarque (pie
les lettres, écrites par saint liernard
aux prélats de Kome et au pape,
étaient les plus propres du monde à
les prévenir, et à les irriter contre
Abélard : elles ne parlaient que de
sacrilèges, que de lions, (pie de dra-
gons. Legile si placet F.ibrum queni
dicit Theologire, legile et alium quem
dicunt Sententi.11 um ejus, neenon et
(10 Voyez la préface de la Défense de la
Ira ludion de Mous , édition de Cologne, en
Î668.
(11) .1/. l'e'vénue de Mcaux en a lire' de grands
avantages dans ses Avcrlissemens. Votez /'His-
toire des Ouvrages des ^avans, mois de mai
1' ■!• , pag. 4°0 et suiv.
* Jolv reproche à Bayle d'avoir suivi d'Am-
boise , éditeur d'Abélard , de préférence .■ M-i-
billon , c.lilrur de saint Bernard. Il renvoie, ou
reste, aux Mémoires de Tr/lfOUX , mars et août
i-3n, qui contiennent l'Apologie de saint Ber-
nard , et dit que dans la Bihliotheca manuscrip-
torum nova de Bfontfaneon, ptg. 1 si . on
trouve une longue et curieuse Icare de saint
Bernard en français et eu laén qui n'ai ait pas
encore c:c impri
364
BÉROALDE.
a
<M1
illum qui iVwcrièiWScito teipsum, et natif de Paris ¥ , enseignait 1
animaduertite quantœ ibi sibescant j hébraïque à Orléans , ei
segeles sacrileçiorum et errorum... tP ~1 t. î n 1 •
Leonem evasimus , sed incidimus in l5bp- C'eux de Ja Rochelle lui
J)raconem (12). Il ne se contenta pas offrirent de l'emploi dans leur
décrire en son nom, il dicta des Jet
très à l'archevêque de Reims et à trois
de ses suffi'agans , par lesquelles ils
"demandaient les foudres de la cour de
Rome : et quand ils eurent obtenu la
condamnation des propositions qu'ils
avaient fournies au pape, ils firent
sonner cela comme un plein triomphe,
quoiqu'au fond le pape n'eût rien
prononce' contre la personne d'Abé-
lard. Leurs fanfares et leurs vacarmes
empêchèrent que la cause de l'accusé
n'eût audience nulle part. Ils préoc-
cupèrent les esprits partout. Ce sont
les artifices ordinaires des cabalistes :
je ne dis pas que d'autres ne s'en
soient jamais servis, sit accusatores
potenlissimi tanquam albis equis trium-
fantes lœtum pœana canlcirunt , vic-
toriamque suam toto orbe dissemind-
runt ; ila ut miser Me inauditus apud
probos quamplurimos malè audirel , et
ejus exemplaria quœ Gallium Ita-
liamque splendare colluslrdrant , tan-
quam horrendi criminis cm mina i>el
voracibus rogis cremanda traderentur,
vel in situ , squalore, et cinere velerum
bibliothecarum latitanlia putrescerent
(i3).
(F) Lorsqu'on lui reprocha le mau-
vais succès de sa croisade, il en fut
quille pour dire que les péchas des
croisés avaient empêché l'zffel de ses
collège, l'an i5ji (a). Je crois
qu'il ne l'accepta point. Il était
dans Sancerre , lorsque le maré-
chal de la Châtre l'assiégea peu
après la Saint-Barthélemi (b);
et il rendit de grands services
auxhabitans , par ses bons et cou-
rageux conseils (B). Au sortir de
Sancerre , il se retira à Sedan ,
et y fit des leçons sur l'histoire.
Tout le monde ne fut point édi-
fié de la manière dont on pré-
tend qu'il parla de François Ier.
dans ses leçons [G). Je ne sais pas
bien en quel temps il fut minis-
tre de Genève (Dj ; mais on ne
peut douter qu'il ne l'ait été :
et puisqu'il y enseignait la phi-
losophie l'an 1576 (c) , on peut
croire qu'il y exerçait alors le
ministère. Il publia un livre de
chronologie, l'an 1 5^5 , où il y
a sans doute beaucoup de savoir,
mais au fond très-peu de solidi-
té. A force de vouloir faire hon-
neur à l'Écriture, il s'embarrasse
mettre à couvert sous l'autorité in-
violable d'un si grand nom , c'est
parce qu'il prétendait que les mem-
bres de la croisade ne s'étaient pas
moins souillés de crimes , que les en-
fans d'Israël; et qu'ainsi les uns et les
autres avaient détourné l'effet des
promesses. Voyez ce qu'a pensé là-
dessus un philosophe moderne (i5).
(12) Amboesius, in Pnefalione Apolog. ad
Opéra Abâtardi.
(i3) Idem , ibidem.
(i4) Lisez /'Histoire des Croisades, parle
père Maimbourg , tiv. If, P"S- 3g el suif, du
IIe. tome , édition de Hollande.
(ij) L'auteur des Pensées diverses sur les
comètes, pag 779, 780.
BÉROALDE (Matthieu (A)),
la doctrine des temps, que les
écrits inspirés de Dieu (E). Sca—
ligera montré clairement la nul-
lité de celte hypothèse ; mais il
s'est trop emporté contre l'au-
teur. M. Moréri s'avance trop,
quand il assure , qu'outre la
chronologie latine on vit divers
* La lYTounoie , dans ses notes sur La Croix,
du Maine , dit que Be'roalde était né à
Saint-Denis près Paris, d'où lui est venu le
nomMe Dyonisianus.
ya) Colonnes., (rallia oriental. , pag. l{5.
{/)) Voyez l'Histoire de Sancerre , pag.
199-
(c) Voyez la remarque (D).
ewrages de la façon de Béroal-
de, et qu'il mourut vers Van
i5;5 ou 76. La Croix du Maine,
qu'il cite , ne lui a point donné
droit d'assurer cela ; mais seule-
ment que Béroalde n'était plus en
vie l'an 1 584, et qu'apparem-
ment ses autres compositions se-
raient publiées par les soins du
sieur de Verville son fils.
(A) // s'appelait Matthieu.] Théo-
phile Raynàud lui donne mal le nom
de Michel (1). Je trouve que Thoma-
sius doute si c'est une faute (a) : il
n'en devait pas douter.
(B) Il rendit de grands services aux
habitons de Sancerre , par ses bons et
courageux conseils. ] D'Aubin-né le
remarque en deux endroits. Les San-
cerrois, dit-il (3) , composèrent aussi
un conseil , où surtout ils se trouvè-
rent très-bien de Béroalde, autrefois
lecteur en hébreu à Orléans. Celui-là
acaonipagna de courage ses conseils...
Les assiégés fort étonnés de ces nou-
velles eurent besoin de leurs pasteurs
pour les soutenir ; mais surtout des
sages et courageux avis de Béroalde ,
selon lesquels ils résolurent en leurs
conseils de soutenir toute infirmité , et
que ceux qui n'y consentiraient se-
raient jetés par-dessus les murailles
(4)-
(C) Qp ne fut point édifié de la
manière dont on prétend qu'il parla
de François /»"". dans ses leçons. ] l'a
ministre , qui était alors à Sedan , et
qui depuis abjura sa religion, a fait
imprimer ce que l'on va lire. « 11 est
» à notter que Matthieu Béroald ,
» homme docte entre eux , et de leurs
» professeurs, sorty de Saoxerre, et
» retire' à Sedan, fut prié par le pré-
» sident la Louètte et quelques autres,
» défaire quelques leçons : ce qu'il fit
» au lieu même où on presche . el
» exposa une chronologie qu'il disoit
» avoir faicte. Or , venu au roV Fran-
» cois premier de ce nom. prince de
» très - heureuse et louable mémoi-
(■) Theoph. Raynaud., De malii je bonis Li-
bris, pag. 1C6, et ,„ Theol. \at. , /.
(2) rtjomasiiis, de PIa«io literar. , pag. i8ci.
(3j To,n II, i,V. /, chap. IX, pag 5-8 '„
lann. i5-2.
■ncme, chap. XII , pag. 5(}Ç) , 600.
BÉROALDE.
365
» re, et lequel à bon droict nous de-
» vons nommer père des lettres , et
» restaurateur des bonnes sciences en
» ce royaume de France j bien qu'on
» ne sçauroit assez priser , duquel
>' puis après s'est sentie toute l'Eu-
» rope : estant, dis-je , venu au règne
» de ce grand et tant vertueux prince,
» et il parla de luy et de sa très-illustre
»' très-ebrestienne postérité tant impu-
» demment,et avec telle irrévérence,
» que je ne sçache cœur respirant
» lair de la France , qui ne s'en fust
» scandalizé. Le président, lt baillif
» et autres justiciers, et tous les mi-
» nistres résidentz lors à Sedan
» étoient présens : que s'ils eussent eu
» le cœur tant soit peu chrestien et
» françois , et non ingrat du bien
» receu par le moyen des lettres, que
» ce bon prince a fait revivre, il est
» certain qu'ils s'en fussent formalisés
» autant que moy , et n'eussent tol-
» 1ère un tel homme. Pour le moins ,
» le président et antres qui avoient
» authorité en la ville en eussent ad-
» verty le seigneur du lieu , lequel ,
» (selon qu'il estoit affectionné au
» bien de cette couronne et service
» du roy , ) l'eust , je m'asseure , clias-
» tié selon sou mérite. Mais cela fut
» couvert. J'en parlay moy-mème au
» président; luy remontrant quelques
» autres fautes, queledil Beroaldavoit
» faictes en chronologie, et l'exhor»
u lay par l'obeyssance que nous de-
» vons tous à nos princes, et pour
» l'honneur de nostre nation , et pour
» leur seureté même, d'en taire son
» devoir : lequel me répondit assez
» froidement, qu'il eust bien voulu
» que cela n'eust point esté dit , et
» que c'estoit à la vérité une impru-
» dence. Cependant il fit son rapport
» de ma remontrance : qui fut cause
:> d'asprir davantage leur aigreur
» contre moy, sans toutes fois en rien
» manifester en apparence , sinon
)> quelques œillades de travers; mats
» ils cherchoient occasion (5). ■» Je
consens qui' l'on tienne ce discours
pour suspect de fausseté autant qu'on
voudra ; et s'il est faux , tant mieni
pour ce dictionnaire, qui doit princi-
palement contenir les mensonges des
(5) Défense de Malihien de I.aunor .|
d'Henri Pennelier , naguère ministres ,' èlc.
pag. 'il. Ce litre fut nnpnme à Paris , L'a'
W:
BÉROALDE.
autres livres *.Ce qui soit dit à l'égard fait mention. Scaliger traite de fana-
de cent sortes de passages qu'on pour- tique et de prophétique (en prenant
ra citer. ce dernier mot dans un sens odieux,)
(D)Je ne sais pas bien en que! temps cette manière d'expliquer tes temps;
il fut ministre de Genève. ] Théodore et il soutient que , si les auteurs pro-
de Bèze ne le marque pas : il se con- fanes n'eussent point fourni de lu-
mières , on n'eût jamais pu débrouil-
ler la chronologie de l'Ecriture. Ac-
tum de. chronologie sacra absque exo-
tiris monumends foret (i i). 11 appelle
Pareiis tlierophantam Bsroaldinum.
(il) Scaliger , in Elencho chronol. Prophétie»,
pag. 5 , apud Vossium , ibid.
BÉROALDE (François) , sieur
de Verville , fils du précédent ,
naquit à Paris (A) le 28 d'avril
i558 («). 11 avait de l'érudition
tente de donner à Béroalde la qualité
d>ï son collègue en l'Eglise ; ce qui
emporte, comme le remarque très-
hien M. Colomiés (6) , que Béroalde a
exercé le ministère à Genève. 11 y a
enseigné aussi la philosophie, com-
me l'observe le même M. Colomiés
(7) , et comme on le peut prouver par
l'épi" tre dédicatoire que Lambert Da-
neau a mise au-devant du Traité «les
Hérésie/ : elle marque , qu'en 1576 ,
Matthieu Béroalde enseignait la phi-
losophie à Genève. Voici les propres
termes de Théodore de Bèze. Aliam
isitur rurshs rationem iniit v'vr beutœ et du génie ; mais il ne choisit pas
memotiœ, et meus sttpcriortbus anms
in hdc ecclesid collega , Beroaldus (8).
Je crois que Béroalde alla professer à
Genève, après avoir été à Sedan. Il
lisait avec grand applaudissement ,
des matières qui fussent propres
à perfectionner ses dons naturels.
Il s'amusa à traduire le Songe de
Polyphile (b) *' , et puis à faire
dit Scaliger (9) , et était admire à Se- un ouvrage de pareille trempe*2:
dan , et a Genève , où il y avait de
grands personnages.
(E) Il ne veut d'autre guide dans la
doctrine des temps , que les écrits in-
spirés de Dieu. ] En conséquence de
cette maxime, il a effacé du Catalogue
des rois de Perse, Cambyse, et Darius
lits d'Hystaspe; « car, dit-il (10), ces
» noms-là ne paraissent nulle part
» dans l'Écriture » ; quœ nomina ,
quia nunquam exslanl in Scripturd, à
nobis sunt prœlermissa. Vossius pré-
tend qu'il se trompe quant au fait ; et
que s'il avait raison à cet égard , il ne
laisserait pas d'être très-blâmable de
nier l'existence de ces rois , sous pré-
texte que l'Écriture n'en aurait point
* Leclerc, dans sa Lettre critique, pas- 121 ,
relève cette phrase de Bavle et y oppose ce que
Bayle lui-même du dans la remarque (F) de
l'article Goulu, ton» VII. Joly , suivant son
usa^e , copie ici Leclerc sans le citer; mais il
renvoie en outre au tome XXXIV des Me'moires
Je Niceron et au Me'nagiana ( Dissertation mi-
le livre intitule' : le Moyen de parvenir) ou il e*t
en effet question de Béroalde.
(6> Colome-ii Gallia orient. , pag. 46.
(r) Ibidem , pag. 45.
(S) Beza. in Acta Apostol., cap. XIII, vs. 20,
où il s'agit des 4S0 ans qui s'écoulèrent depuis
Josué jusqu'à Samuel.
(q,i In Scaligeranis.
(10) Beroaldus, lit). III Chron. , cap. VIII,
apud Vossium , de Scientiis mathem. , p a^. 2'5'S.
ce fut le Voyage des princes
fortunés ; il l'appelle stéganogra-
pliique. Il fit plusieurs autres
(a) La Croix du Maine , Bibliotb. franc.,
pag-. 4^0.
(b Sorel . Bibl franc., pag-. 173.
** Le Songe de Polrphile a pour auteur
un religieux, dominicain , nom rué François
Culonna. La Monnoie , dans le tom. IV du
Ménagiana , el P. Marchand , dans son Dic-
tionnaire , ( au mot CoLONNA^ , parlent lon-
guement de ce livre et de l'auteur ainsi <(iie
des traducteurs. J.-G. Lcgr.nd , architecte,
mort le 7 novembre 1807. a donne' une
nouvelle traduction de l 'ou. ragede Colonna.
Elle est intitulée : Songe de Polyphile,
traduction libre de l'italien , 1804, 2 vol.
in-12, qui ne lurent publics qu'après la
mort de l'auteur. 11 devait y avoir un atlas
de planches qui u'a point paru. Cela u'a pas
empêché Bodoni de réimprimer la traduc-
tion de Legrand , Parme, 1811, 2 vol in-4°.
Le Songe de Polyphile • est , au jugement
» de Tiraboschi , un confus mélange de fa-
» blés , d'histoires , d'architecture , d'anti-
» qui tés ,' de mathématiques et de mille au-
.. très choses. »
*" Le Voyage des princes fnrlune's est un
livre de chimie : le Songe de. Polyphile est
un livre d'alchimie. « 11 ne faut pas confon-
.. die, dit Joly, la chimie qui est une science
- utile et licite , avec l'alchimie qui est une
folie des souffleurs. -
X.
BERQUIN.
367
1
manier
pabl
ue valent guère mieux que les
écrits de ]Nervèze , et du sieur
des Escuteaux. Il eût mieux fait
peut-être de continuer à s'exer-
cer sur les matières par oii il se
mit au monde. Dès l'âge de vingt
» mer là-dedans , ce sont les senti-
» mens d'honneur et de vertu qui
» sont les pins beaux du monde, avec
» quantité de secrets de la nature et
e l'art , par le moyen desquels plu-
::a
» font, au lieu que les anciens ro-
mans rapportaient tout à la magie ,
deux ans , il publia des commen- >} faute d'invention et de doctrine(!).>»
taires sur les Mécaniques de
_ _ ... -.- (2) aorel , bibliotu. française, pag. inr.
Jacques Besson (d) ; mais a pei- l ' " ° lj
ne eut-il tenté fortune par cette BERQUIN ( Louis de ) , gen-
porte , qu'il courut après la tilhomme du pays d'Artois , fut
pierre pliilosophale. On vit sor- brûlé pour la religion, à Paris,
tir de dessous la presse, en je a2 d'avril 1 529 (A). Il était
l'année 1 583, ses Appréhensions seigneur d'un village dont il
spirituelles , Poèmes , et autres portait le nom ( a ) , et il fut
œuvres philosophiques , avec considéré à la cour de France ,
les recherches de la pierre phi- et honoré du titre de conseiller
losophale ( e ). L'année d'après (]u roi (£). C'était un homme
il fit imprimer un poème inti- de bonnes mœurs, et qui prati-
tulé Vidée de la république {f). quait régulièrement les précep-
te) Là même, pag. 177 et 256. tes de l'église (c). Il était laïque
(rfi imprimée à Lyon en \5$oet i58r , et garçon : néanmoins il ne s'é-
à ce nue dit La Croix <lu Maine , p<ig. QI. 1 ' 1 • „ „ . j
,,'t n ■ 1 ai S leva contre lui aucune sorte de
(é) La Croix du Maine, pag-. 92. ,
(/) Là même, Pag. 480. médisance par rapport a la chas-
,v„ , _ . _ „ , „ teté. Erasme, à qui des gens
(K) Il naquit a Paris. 1 M. de Ma- , • , „ ■
11 \' 1 1 -, 1 „ . ,i„ i„ i;.t„ non suspects avaient appris ces
rolles le doit donc rayer de la liste l . . , JrJr.
qu'il a donnée des illustres Tourau- sortes de particularités , ajoute ,
geaux (1). qu'ils lui avaient aussi appris
(B) Il Jil plusieurs manières de roman que Berquin abhorrait le lulhé-
P. > f°rt "F*1» d'ennuyer, j Ç est ranisme {dy ei que le grand crj-
lui qui a lait les Aventures de clo- ? ■ 1 - « •
ride, le Cabinet de Minerve , la Pu- me qu on trouvait en lui était
celle d'Orléans , l'Histoire d'Bérodias, qu'il faisait profession ouverte de
« et d'autres ouvrages , où il intro- haïr ]es théologiens chagrins et
(0 Mémoires, paS. tas. bourrus , et les moines qui n'a—
O Vervilleest ans»! auteur au fameux Mojren vajent pas moins de férocité que
rie parvenir, livre que, sur la loi des compila. I X
teuradn Ménag iana, bien des gens croient être d'ignorance (e). Il disait beau —
«l'un clianoine de Tours. Voyez la page ^Cn cl °
(a) Erasmus, Epist. IV, lib. XXIT,
pag, 1278.
h) Idem, Epist. XLIV, lib. XX
1931.
m Episl IV. lib. XXtV.
J rhi l . pag. 1279.
(e) //<>.- a/fbanl m en ennui, eSSe g ra-
vissimum , i/und ingénue prœ se fertbat
odium m morosns Quosdam tlic<-;
monavhns non minus féroces quàm itoUJo*.
Ifii du Palais iie< curieux du même Verville
impr. 1/1-12 a Paris eu ilïi?. (l'est ee même
Mu^en de parvenir que Naudé, pag. 579 .le la
seconde édition de son Mascural, désigne -<m,
le nom de bouffonneries du sieur de Vcrvillc.
Kfm- crit. [Un peut voir la Dissertation sur
le Moyen de parvenir , mise par la Monnoie a
la fin dn tome IV .lu tlénagiana. Mais Joly
remarque que la Monnoie et le père Vnvion
n'ont point connu la première édition du Moren
d>- parvenir, qui fut publiée a Pan*, in-12, sans
date , et esl antérieure à celle des Klievirs. ]
363 BERQUIN.
coup de mal d'eux , tout ouver- l'excessive animosité des déla~
tenient et sans façon. Ce fut l'a- teurs, firent en sorte que l'affaire
cheminement à une guerre san— fût examinée de nouveau. Plu-
glante , qui commença par le sieurs croient, qu'à la recom-
démêlé qu'il eut avec l'un des mandation de madame la ré-
plus ardens inquisiteurs de ce gente, mère de François Ie'., on
temps-là (f) (B). On ne tarda donna ce tour à la cause , afin de
guère à le déférer comme héré- sauver Berquin. Sur ces entre-
tique : on tira d'un livre qu'il faites, François 1er. revint d'Es-
avait donné au public certaines pagne , et sachant le péril où
propositions ; et là-dessus , il fut était son conseiller entre les
constitué prisonnier: mais les griffes de la faction de Beda, il
juges ne trouvant point de crime écrivit au parlement de prendre
en lui, le renvoyèrent absous bien garde à ce qu'on ferait , et
(C). Les délateurs prétendirent qu'il voulait connaître lui-ruê-
qu'il n'avait évité la peine, que me de la cause de Louis de Ber-
par l'autorité royale : pour lui , quin. Quelque temps après, on
il prétendit ne devoir rien qu'à élargit ce prisonnier. Cela lui
la justice de sa cause, et ne se enfla de telle sorte le courage,
ménagea pas plus qu'auparavant, qu'il eut bien la hardiesse de se
Il mit en français quelques-uns porter pour accusateur contre
des livres d'Érasme (D) , et y ses propres accusateurs (g) : il
ajouta du sien quelque chose, leur intenta un procès d'irréli-
Tout aussitôt, Noël Beda et ses gion , et il se flatta de remporter
émissaires se remirent en cam- pleine victoire (h). S'il avait sui-
pagne , firent quantité d'extraits vi les conseils judicieux d'Éras-
cle ces livres, et les ayant défé- me, il aurait compté pour un
rés comme des erreurs perni- grand triomphe de n'être pas
cieuses , furent cause que l'au- opprimé par ces gens-là (E) , et
teur fut renvoyé en prison. La n'eût point conçu l'espérance de
cause jugée, il y eut des moines les mettre à la raison. Mais , si
qui allèrent lui prononcer la sen- d'un côté il se trouva mal d'oser
tence définitive qu'on avait ren- résister en face à ceux avec qui
due contre lui. Elle portait que Erasme, pour de très-bonnes
ses livres seraient brûlés, qu'il raisons , lui conseillait de n'avoir
rétracterait ses erreurs, qu'il jamais affaire (F) , ce fut de
se soumettrait aux satisfactions l'autre un grand avantage pour
qu'on lui prescrirait , et que s'il lui , puisqu'en devenant la vic-
refusait de le faire il serait brûlé, time de leur haine, il se pro-
Comme c'était un esprit raide et cura la couronne du martyre,
intrépide , il ne se soumit à rien ; Il fut mis pour la troisième fois
et apparemment on l'aurait en-
voyé au feu , s'il n'y eût eu quel- te) V<V'* les remarques (B) et CE).
J ■ ' • i J , , (h) Tiré de ta IV . lettre du XXIV*.
ques juges qui , s apercevant de ^,re d-Erasme. Fojez „„, reiat>on plus
In hos palam debacchubalur. nec stoma- exacte de ce procès dans une lettre de Ber-
clium suum dissimulare poterat. ErasiBus , '["'" à Erasme , datée de Paris le 17 cl avril
Epist. IV, /(//. XXIV , pag. I2-7Ç). 1^-26, et publiée par 3 «-an Feclitius , in Hia-
(/) Guill.elmusQue.ous, ou à Ouereii. to»la- ecclesiast; Supplemento, pag. 874,
BERQUIN. 36g
l'arrêt rendu contre cette chronologie dans une lettre
en prison
lui le condamnait à faire amende
honorable de ses erreurs (i) , et
à une prison perpétuelle (G).
Il ne voulut point acquiescer à ce
jugement : il eût reconnu par-
là que ses sentimens étaient erro- au"tre lettre d'Érasme (■>.) , où "le sup-
nés. Il fut donc condamné , plice de Bcrquin est place sous le 17
comme un hérétique opiniâtre, d'avril ^.C^/e/id. iJ/a/a* (3). Cette
, „ , ,, V- < ,,, . lettre est datée duqde mai lûao. tout
a être étrangle en Grève {k) , et ce que peut fair* Érasme, c'est de
d'Érasme, dalée du icr. de juillet
i52g (1) : elle contient une relation
assez ample de la vie et de la mort de
Louis de Berquin. On y marque expres-
sément , qu'il avait été brûlé decimo
Culeiid. Majas. Celte preuve fixerait
le jour de la mort, s'il n'y avait pas une
puis brûlé {l). Il souffrit la mort
avec une extrême constance. Il
était âgé d'environ quarante
ans. On dit que le moine qui
nous fixer au mois d'avril i5aq : il
faut prendre les autres variétés pour
des méprises. Me'zerai se trompe à
l'année , et peut-être aussi au jour : il
assure qu'on brûla Berquin le 21 d'a-
l'accompagna sur l'échafaud, dé- vril de l'an i5a8 (4). Jean Crêpin,
clara qu'il avait remarqué en lui dans ses Actes des Martyrs , met la
quelques signes d'abjuration (H); mort de celui-ci ;
ru'Éi
dit
mais voyez ce qu Erasme a
là-dessus (I). Théodore de Bèze
croyait que Berquin eût été en
France ce que Luther fut en
Allemagne, si François Ier. avait
fait pour lui ce que fit le duc de f,igoieperustis,etgra^issimdtumfame
Saxe pour Luther (m). Il est sûr tum etiam peste conse<]uutd(6). Sponde
que c'était un habile homme , et leconvaipcd'err^r manifestement par
* - , m- 1 la IVe. lettre «lu XXIV c. livre d Erasme,
général iSaq. The'odore de Bèze la
met au 10e. de novembre de la même
année (5) , dans son Histoire ecclé-
siastique, et dans un autre écrit. Fru-
gibus nocte post interitum illius proxi-
iikI ( qui J'uit undecunus dies novem-
bris anno Dontini 1 529 ) in Iota Gallid
un homme de courage. .Nicolas
Bérauld était un de ses meilleurs
amis, comme l'assure Badius
Ascensius , en leur dédiant les
œuvres dePolitien.
Depuis la première impression
de cet article, il a paru un ou-
vrage où les différentes procé-
dures que Louis de Berquin eutà
essuyer ont été bien débrouillées
(K). J'en donnerai le précis
[ui, étant datée du Ier. de juillet i5af),
parle du supplice de Berquin; mais
il se trompe ensuite visiblement, lors-
qu'il donne la raison pour laquelle il
s imagine qui: Théodore de Bèze a fal-
sifié celte date (7). Il prétend que la
falsification a été faite , afin de rendre
plus vraisemblable ce qu'on voulait
dire sur les jugemens de Dieu. Bèze
débile que le ciel , se déclarant pour
Berquin, cassa la sentence des juges ,
puisque la nuit suivante le froid gâta
les blés par tout le royaume, d'où sortit.
dans la dernière remarque de cet lT Ç»»*? faminc et ,me ?ra.nde mo,r
. . L taille. Jiidicium. , senientiaveluU cœu-
article
(i) Voyez les Acta Marlyrum , recueUlts
par Jean Crépin , pag. 211 , édition de
i55(i.
{k ) Bèze , Hist. eccl. , pag. 7 , dit à la
place Maubert , et se trompe,
I à même , et plus au long dans la
IVs lettre du XXIVe, livre de celles d'É-
rasme, pag, 1278.
m; Beza . io Iconibus.
'.V II fut brûlé a Paris, le M d'a-
vril i5ag J Nous avons une preuve de
roME m.
tùs rescissd, triumphdrit ,Jrugibus noc-
Ci) La IV". du XXIV'. livre , pag. il",.
(2) C'e<t la XI. VIII'. du XXX'. Lire. '
(3; Bodin, Demonom. , chap. dern. du IV'.
livre, pus- ty5, dit le 17 d'avril.
srai, ilan< le Discours louchant l'É-
glise, a lajin de la Vie de Henri IN .
(5) La nuit suivante , qui fut la vrille de
Saint - Varun , les blés gelèrent en France ,
duiit s'ensuivit famine et peste en plusieurs en*
Beze, Hist ecelés. , liv . I , pag. 8.
(6; Idem, in Iconibu».
;;, Spondani Annal., ad ami. 1529, num. \\
$7°
BERQUIN.
te, etc. (8). Il n'y avait rien de plus plus ardeiis inquisiteurs de ce temps-
facile que de bien critiquer Bèze sur /à.] Berquin n'était nullement pol-
cet article ; car , i°. , c'est disposer de tron : il fallait qu'il eût beaucoup de
!a providence particulière de Dieu avec courage , puisqu'il ne craignait, ni
un peu trop de témérité, que de dire un h Quercu, ni un Noël Beda. Il
que les fléaux qui désolent tout un osait, et se défendre contre eus, et
grand royaume sont la vengeance de les attaquer : Bèze l'en loue. Adfuil
la mort injuste d'un homme. En se- autem animi lanta generositas , ut
cond lieu, le froid ne peut guère nuire maxime omnium tune meluendos cra-
aux blés le 10 ou le 1 1 de novembre, brones in ipsis eorum cavis , Bedam vi'
On sème alors presque dans tout le delicel et h Quercu (de quibus scrip-
royaume 5 et pour le moins, est-il fort, serai procul iltos configens Erasmus ,
certain qu'une bonne partie de ce que Luteliœ Betam sapere et Quercunt
l'on a semé est hors de prise en ce concionari) Malœologorum ejus secidi
temps-là : de sorte que , si Bèze avait principes , in ipso eorum sterc/uilinio
voulu falsifier de dessein prémédité, sitausus non modo ulcunque lacessere,
il se fût bien donné garde de choisir sed impietatis etiam accusalos non
la veille ou le jour de Saint-Martin. Le unius anni calamine tum voce lum
temps véritable marqué par Erasme scriptis strenuè exercere (n). Voici ce
était mille fois plus propre à sa ré- que dit Érasme touchant le procès où
flexion : le froid peut nuire aux biens Berquin fut l'agresseur. Non enim io-
de la terre sur la fin d'avril. Voilà par liim promitlebat sibi absolut ionern ,
où M. de Sponde pouvait renverser la verumetiam victoriam esse in manibus,
moralité de Théodore de Bèze. S'il sed malle seriùs aliquanto finiri eau-
l'avait critiquée par ma première con- sam , quo magnificentihs triumpharet,
sidération, il se fût désarmé lui-même; Jamque mutatis vicibus , ipsam facul-
car il est aussi accoutumé qu'un autre tatem sacratissimam, monachos et Bed*
à dire que tels et tels maux sont arri- daicos reos peragebat impietatis. JYam
vés en punition de ceci ou de cela. Un quœdam arcana deprehenderat in illo-
de ceux qui écrivirent contre le Calvi- rum aclis (12). Voyez la remarque (A)
nisme de Maimbourg (9) remarque que de l'article Beda, citation (7).
Berquin fut. exécuté le 12 mars, veille (C) Il fut déféré comme hérétique...
de saint Martin pape , en la place et renvoyé absous.] On l'accusait de
Maubert. Ce qu'il ajoute du docteur condamner la coutume qu'ont les pré-
Merlin , et que je rapporterai ci-des- dicateurs d'invoquer la Sainte-Vierge,
sous (10) , me persuade qu'il n'a fait au lieu d'invoquer le Saint-Esprit. On
que copier Bèze, si ce n'est qu'il a pris disait qu'il n'approuvait pas que la
garde , que le mois de novembre n'é- Sainte-Vierge fût appelée Fontaine de
tant pas un temps où les blés puissent grâce, et que dans le cantique du soir
être endommagés du froid , il a cher- on la nommât notre espérance et noire
ché une autre veille de Saint-Martin, vie. Cela, disait-il, convient beaucoup
Qu'on ne s'étonne point que le jour mieux a Jésus-Christ ; et l' Ecriture ne
d'un tel martyre n'ait pas été bien favorise point l'usage moderne. Voilà
connuaux écrivains protestans, et qu'ils les vétilles pour lesquelles il fut con-
aient varié sur cette date. La bataille duit en prison , et mis en danger d'être
de Cerisoles , la mort d'Antoine de traité comme un héi'étique. Ob hujus-
Bourbon , roi de Navarre , les barri- modi nenias ductus est in carcerem ,
cades de Paris sous Henri III , n'ont reushœreseospericlitatusest.Atjudi-
pas été mieux datées par de grands ces, ubi viderunt causam esse nullius
auteurs. Voyez l'extrait que M. Bernard momenli , absolverunl hominem (i3).
a donné d'un livre du père du Londel, Je m'étonne moins qu'Erasme appelle
dans ses Nouvelles de la République cela des vétilles , que de voir Berquin
des Lettres , à la page 224 du mois de renvoyé absous sur de telles opinions,
février 1699. (D) Il mit en français quelques-uns
(B) Il eut un démêlé avec l'un des des livres d'Erasme.] Entre autres, le
(8) Bcza, in Iconibus. (11) Beza , in Iconibus.
(9) Rocolles, Hist. vérit. du Calvinisme, (12) Erasm. , Epist. IV , lib. XXIF, pa$.
pag. 217. 1280.
(10) Dans la remarque (H). (i3) Idem, ibidem.
BERQUIN.
3^t
Panégyrique du Mariage (i.{) , le Ma-
nuel du Soldat Chrétien (i5j , /« Com-
plainte de la Paix. Voyez lu remar-
que (K).
(V.) S'il avait suivi les conseils
d Érasme, il aurait compté pour un
grand triomphe de n'être pas opprima
par ses délateurs.] Peu de gens d'es-
prit , peu de gens accoutumés à réûé-
cliir sur ce qu'ils voient, et sur ce
qu'ils lisent, penseraient à la conduite
de Berquin , sans lui appliquer la fable
du loup et de la grue. Il ne se conten-
tait pas d'être échappe des mains de
ses délateurs : il voulait , pour récom-
pense de ses combats, le prix et l'hon-
neur de la victoire. N'est-ce pas imi-
ter la grue, qui demandait récompense
après avoir retiré son cou sain et sauf
d ud passage très-dangereux?
Ingrata es , inquit , ore quœ nostrv r.apul
Incolume nbsluleris , et mercedem postu-
las (.6;.
Ces vers d'Horace sont très-applicables
à Berquin :
Cervi luporum prœda rapacium
Sectamur uUib , quos opiums
Fallere et effugere est triumphus (17).
(F) Avec qui Erasme , pour de
très-bonnes raisons , lui conseillait de
n'avoir jamais affaire. ] 11 n'avait ja-
mais vu Berquin : il en avait seule-
ment reçu des lettres; et comme il
craignait d'être mêlé dans les procès
qu'on faisait aux novateurs, il n'était
guère content de voir dans un même
livre ses pensées avec celles de Berquin
(18) , et il exhortait celui-ci à se tenir
en repos, ou du moins à ne le com-
mettre pas. « Jamais vos adversaires
» lui dit-il, n'avoueront le crime dont
» vous les accusez. Songe/ que Beda
» est une hydre à plusieurs têtes ;
» vous avez affaire à un ennemi im-
» mortel ; une faculté , une cora-
» munauté , ne meurt jamais. I>e
n vous fiez point à la protection du
» prince. La faveur des rois est chan-
;> géant' : un délateur les préoccupe j
> la crainte qu'ils ont des gens d'église,
'•> et le désir de n'être plus fatigués de
» leurs importunes sollicitations , les
1/1) /<*<•»), Epi-t. XCI, lib. Xr\, Fag.gii.
(i5) Idem, KP,st. IV, U. XXIV.
i6i Phaedr; Frtml. VIII libri I.
(17) llorat. , Oiîe IV ,, n n
<iS) Brrquin IraduKU en françaic quelques
ouvrages tf Erasme , et y joignit quelque chose
de son crû.
» contraint à leur accorder ce qu'ils
» demandent. » Citons son latin : on
y verra s'il vient d'un bon peintre.
Crehris Kpisto'is hortalus sum , ut vet
arte qudpiam semel extricaret a causd ,
puta curarent arnici , ut prœlexlu re-
giœ legationis longihs projiciscerelur .-
Jortassis theologos passuros ut causa
tempore evanescerel , nunquhm passu-
ros ut impietatis crimen, quod illis ob-
jiciebat , agnoscerent. Etiam atque
etiam cogitaret qualis excetra esset
Bedda , quoique capilibus efjlaret ve-
nenutn : tum expendere sibi cum im-
mortali adversario rem esse ■ facultas
enim non morilur : simuf illud cogita-
ret , qui cum tribus monachis bellige-
ratur , eum cum multis phalangtbus
habere rev/ , nom soiiun opulentts ac
polentibus, verum etiam improbissimis,
et in omni malarum arlium génère in-
structis. lllos non conquieluros, donec
ei procurassent exitium, etiamsi cau-
sant haberel meltorem quarn habuit
Christ us : neque plus satis Jideret ré-
gis prœsidio. Principum entmfavores
esse temporarios , ac delatorum artibus
facile in diversum trahi illorum ajffec-
tits. Poslremo , ut nihd horum accidat,
ntagnos etiam principes vel delassari
talium improbitate , vel metu nonnun
quant cogi , ut cédant (ig).
(G) L arrêt rendu contre lui le con-
damnait a faire amende honorable , et
a une prison perpétuelle.'] J'ai suivi
les Acta Mavtvriini de Jean Crépin;
mais je remarquerai ici les différences
des relations. Bèze ne parle point d'a-
mende honorable , et il dit. que les
livres de Berquin devaient être jetés
au feu en présence de l'auteur j ce que
Crépin ne remarque pas. Érasme rap-
porte quatre chefs de peine: les li-
vres devaient être bnllés ; l'auteui
se devait rétracter; on lui devait per
cer la langue; et le laisser en prison
toute sa vie (20) Bèze et Crépin n'ont
pas oublié ce dernier chef. Erasme
ajoute que la cause lui jugée par douze
commissaires ; que Bude , qui étail
l'un d'eux exhorta fortement Berquin,
avant la condamnation , à se rétractei
(21); (pie berquin ayant oui la sen-
Ciq) Fra-m., F.pist. IV, Ub. XXIV , pas.
1280.
(ao) T.ii mrme.
(ai) Rocollct , Histoire vérit. Ju C Ivinmne ,
■ fï , d.t qn? Budf'r . grand aini d<t Ber
qutn,Jit tout son possiblf pour te ta
372
BERQUIN.
tence , en appela au roi et au pape;
et que les juges, indignes de ce terme
d'appellation , condamnèrent l'appe-
lant au feu dès le lendemain. Erasme
rapporte tout cela sur un ouï-dire (22).
Voyez la remarque (K).
(H) Le moine qui l'accompagna sur
l'échafaud, déclara qu'il avait remar-
qué en lui quelques signes d'abjura-
tion.'] Un homme (23), qu'Erasme croit
digne de foi , lui écrivit , qu'il deman-
da à ce moine si Berquin avait reconnu
ses erreurs en rendant le dernier sou-
pir? et que le moine lui répondit que
oui, et témoigna ne faire aucun doute
que l'âme de Berquin ne fût au séjour
des bienheureux. L'ami d'Erasme as-
sista de près à l'exécution , et lui en
rendit un fidèle compte. Il lui apprit
que personne n'avait pu entendre le
discours que Berquin avait fait au
peuple : le bruit que les archers firent
tout exprès en fut la cause. Personne
ne cria Jésus , quand on étrangla le
patient , et néanmoins, cela se pratique
envers les sacrilèges et les parricides
(a4). Si ce que Théodore de Bèze rap-
porte était vrai , nous le verrions in-
failliblement dans la relationd'Erasme:
son ami n'aurait eu garde de se taire
sur cela. Bèze rapporte que le docteur
Merlin, alors pénitencier de Paris ,
qui l'avait conduit au supplice , fut
contraint de dire tout haut devant le
peuple après sa mort , au grand regret
de ses accusateurs et juges , qu'il y
avait peut - être plus de cent ans
qu'homme n'était mort meilleur chré-
tien que Berquin (25). Il y a quelque
apparence que Bèze apprit ensuite la
fausseté de cela ; car, s'il avait cru le
fait , pourquoi ne l'aurait-il point mis
dans ses Icônes? Il est certain que,
dans ces rencontres , il court cent
fraudes pieuses, dont un historien se
doit défier.
(1) Voyez ce qu'Erasme a dit
la-dessus. ] Il a déclaré tout franc qu'il
croit que le franciscain qui accom-
pagna Berquin sur l'échafaud, dit un
mensonge : « C'est toujours , ajoute-t-
» il , leur coutume en pareil cas. Ces
f22)Erasni., Epist. IV, lib. XXI F , pag.
i2So . Epist. XVII, lib. XXVII, el Epistol.
XLVIII , lib. XXX, pag. 19^7.
(23) Nomme' MoiUius.
(24) Ex Erasmi Epist. IV, Ub. XXIV, pag.
:--n, 1278.
.-5] Bèze, Hist. ccclés. , liv, I , pag, 8.
» fraudes pieuses leur servent à se
» maintenir dans la gloire d'avoir
» vengé la religion , et à justifier dans
» l'esprit des peuples ceux qui ont ac-
j> cusé et condamné les hérétiques
» brûlés, w Al ego franciscani dictis
nihil habeofidei , prœsertim quùm hoc
sit istis solemne , post exslinctum lio-
minem spargere rumores , quod in in-
cendio cecinerit palinodiam , quo simul
et vindicatœ religionis laudem aufe-
rant, et multiludinis invidiam calurn-
niœque suspicionem effugiant (26). Il
savait d'original quelques-unes de ces
fraudes pratiquées à Bruxelles, et il
les rapporte en peu de mots. Si les
peuples étaient raisonnables, ils se-
raient à craindre à ces sortes de déla-
teurs et déjuges ; car enfin, que peut-
on concevoir de plus affreux , quand
on l'examine sans préjugé, que de se
représenter un homme condamné aux
flammes , parce qu'il ne veut pas violer
la foi qu'il a jurée au vrai Dieu ? Mais
bien loin que cela donnât quelque
crainte aux auteurs de ces supplices ,
qu'au contraire ils en devenaient plus
insolens; car ils espéraient de se rendre
plus redoutables. Ce fut l'un des mau-
vais endroits qu'Érasme trouva dans le
supplicedu pauvre Berquin. Periculum
est ne Beâdis sud sponte plus satis
insanienlibus nimium accédât animo-
rum (27).
(K) Il a paru un ouvrage , où les pro-
cédures qu'il eut à essuyer , ont été bien
débrouillées. ] C'est le Traité de V Ori-
gine de l'Imprimerie de Paris , par M,
Chevillier. Voici de quelle manière il
rapporte ces procédures. En l'année
i523, le i3 mai, le parlement fit saisit
les livres de Louis de Berquin, et ordon-
na qu'ils seraient communiqués à [a
faculté de théologie , pour en avoir son
avis. On lui trouva le livre De abro-
gandâ Missâ , avec quelques autres de
Luther et de Mélanchthon ; et sept ou
huit traités dont il était auteur, quel-
ques - uns sous ces titres : Spéculum
Theologastrorum, De Usu et OfEcio
Missœ , etc. ; Rationes Lutheri quibus
omnes Christiauos esseSacerdotes mo-
litur suadere ; le Débat de Piété et Su-
perstition. On trouva aussi quelques
livres qu'il avait traduits en français ,
comme, Raisons pour lesquelles Luther
(26) Erasmus , Epist. IV libri XXIV, pag.
1278.
(37) Idem , ibid. , pag. 1282.
a fait brûler publiquement les Décré-
tales et tous les livres de Droit Cano-
nique , la Triade Romaine, et autres.
La jaculic , après avoir examiné ces
livres , jugea qu'ils contenaient expres-
sément les hérésies et les blasphèmes
de Luther. Son Avis est date du ven-
dredi 26 juillet 1Ô33, et adressé h la
cour du parlement. Après avoir porté
sa censure sur chaque livre en particu-
lier , elle conclut qu'on les doit tous
jeter au Jeu ; que Berquin s' étant fait
le défenseur des hérésies luthériennes ,
on doit l'obliger à une abjuration pu-
blique, et lui défendre de composer h
.■'avenir aucun livre , ni faire aucune
BERQUIN. 3-3
» lettre du roi , qui revenait d?Es-
» pagne , datée du premier d'avril
» 1526, où il ordonnait qu'on arrêtât
» la procédure. Et enfin, après plu-
■» sieurs lettres écrites , il envoya un
u lieutenant de ses gardes, avec le
» prévôt de Paris, qui le tirèrent de
» la Conciergerie, le gardèrent quel-
» que temps au Louvre , et lui don-
8 nèrent la liberté (39). » La faculté
de théologie ayant censuré les Collo-
ques d'Erasme , l'université défendit
de les lire et de les enseigner dans les
collèges. Alors Berquin fit tertre à
Erasme, qu'il ne fallait plus tarder,
qu'il devait se joindre h lui , qu'Hélait
traduction préjudiciable à la foi temps de faire perdre aux docteurs
I28). « Le parlement ordonna que cet toute l'autorité qu'ils avaient dans lé-
;> avis lui serait signifié. 11 y répon- élise , et de les décrier tout-à-fait,
» dit par écrit et de vive voix en l'occasion étant favorable. Nunc tem-
» présence des juges. Sur ses réponses, pus esse ut theologis omnis in poste-
» il lut arrêté prisonnier le premier rum detralierctur auctoritas. Sa cause
» jour d'août; et quatre jours après on était demeurée en suspens. Elle con-
}> lui lut son arrêt , qui le renvoyait sislail dans une sentence portée contre
» au tribunal de l'e'vêque de Paris, pour lui par deux conseillers juges délégués
3) être jugé par lui sur les cas résultans du pape ( laquelle Erasme attribue au
J) du procès. Le 8e. d'août, le roi le prieur des Chartreux , à celui des Ce-
» fit tirer des prisons de l'oflicialilé lestins , et à un troisième qu'il ne
» par le capitaine Frédéric , et évoqua nomme point). Elle consistait aussi
» la cause à son conseil , où il fut jugé dans un reproche qu'il faisait à laja-
« par M. le Chancelier , et condamné culte de théologie d'avoir approuvé la
i> à abjurer quelques propositions lie- doctrine impie , comme il disait Jaus-
» rétiques; ce qu'il fit. Ce sont les sèment, du docteur Beda.... enflé par
■>> termes des registres du parlement, la protection qu'il avait eue de la cour ,
■• 11 ne fut pas sitôt sorti de ce dan- flatte d une vaine espérance d'abattre
» ger, qu'il recommença à débiter des la faculté , débitant toujours des er~
>' hérésies dans ses livres et dans ses
» discours. Pour n'être plus si obser-
vé, il se retira dans le diocèse d A-
•» miens , où il scandalisa tellement le
y peuple et le clergé, que l'évêque fut
» obligé de venir à Paris se plaindre
» au parlement , qui le tit prendre , et
» fut déclare- hérétique et relaps , par
» sentence de deux conseillers de la
» cour , choisis pour connaître du fait
» d'hérésie , et revêtus de l'autorité
» du saint-siége , par un bref du pape
■» Clément Vil , daté du 20 mai 15^5,
» registre en la cour , que la reine
» régente avait obtenu de Rome en
>> l'absence du roi son fils. Il fut aban-
» donné par ces juges d'église au par-
» lement comme au bras séculier.
» Son procès avait été distribué à un
» conseiller. Le matin qu'il devait être
3> rapporté , le parlement reçut une
(28) Chevillier , de l'Origine de l'Imprimerie
■le Paris , pag. 176.
reurs , il voulut poursuivre son absolu-
lion contre l'avis d Erasme , qui lui
conseillait fort sagement de quitter
cette entreprise , et de sortir du royau-
me Douze commissaires furent dé-
putt s pour /<■ juger , qui l'ayant trouvé
convaincu d'hérésie, lefrenl prendre
prisonnier. Ils étaient convenus en-
semble qu'on brûlerait ses livres, qu'on
lui percerait la langue , et qu'il ne se-
rait condamné qu'à la prison perpé-
tuelle , pourvu qu'il voulût abjurer ses
hérésies. Le savant Guillaume Budé ,
qui fut un de ses juges, fil tout <e qu'il
put pendant trois jours pour lui persua-
der de sauver sa vie par la rétractation
de ses erreurs ; mais n'ayant pu l'aincrt:
son opiniâtreté , sou arrêt lui jut pro-
noncé. Il fut brûlé en Grève , au mois
d'avril 1539 (3o).
(jq) Oievillier, de l'Origine de l'Imprimcri-
dc Paris, pag. 177.
(?o) Là même , pag. 177 ,
374 BERS
BERSAL A (A) ( Anne ) , fille et
principale héritière de Wolfard
de Borselle (a) , et de Charlotte
de Bourbon-Montpensier {b ) ,
qui furent mariés ensemble le
17 de juin i/\68, fut femme de
Philippe de Bourgogne, fils d'An-
toine de Bourgogne, seigneur
de Bèvres , l'un des bâtards du
duc de Bourgogne Philippe-le-
Bon (c). Elle lui apporta en dot
la seigneurie de "V ère (B) , celle
de Flessingue , et quelques au-
tres , et eut de lui un fils et deux
filles. Son père et ce'ui de son
mari , firent une très-grande fi-
gure (C). Le mérite de cette da-
me , et quelques endroits de sa
conduite el de ses malheurs , se-
ront le sujet de notre dernière
remarque (D).
On y verra , entre autres cho-
ses , qu'Érasme l'estimait singu-
lièrement.
(a) Fabert , Hist. des ducs de Bourgogne,
iom. I , pag. 162.
(b) Anselme , Hist. de la maison royale ,
-pag. 272.
(c) Pontus lleuterus, Rerum Burgundic.
lïb. VI -, pag. 7.
(A) Bersala. ] C'est ainsi qu'Érasme
a latinisé le nom vulgaire Borselle.
(B) Elle apporta h son mari la sei-
gneurie de Vère. J Elle est en Zeelan-
de, dans l'île de Walcheren , et a été
depuis érigée en marquisat. On la
nomme vulgairement Ter-Veer.
(C) Son père et celui de son mari ,
jirent une très- grande figure. ] Car on
dit ( 1 ) que Wolfard de Borselle
épousa en premières noces Marie,Jille
de Jacques Ier. , roi d'Ecosse , qui lui
apporta le comté de Boncam (2), et
qu'il fut maréchal de France (3). 11
est plus certain qu'il fut créé cheva-
lier de la Toison d Or. (4). Louis Gollut
(1) Fabert, Histoire des ducs de Bourgogne ,
lom. I , pag. 162.
(2) Je crois qu'il faudrait dire Bnchan.
(3) Anselme, Histoire des grands Officiers,
pag. i5î.
(4) Gollut , Mémoires de Bourgogne, pag.
<-AU.
A LA.
le met dans la liste, et le qualifie comte
de Grand-Pré. .M. Fabert fait la même
chose; mais j'ai de la peine à croire
qu'ils aient raison ; car je trouve
qu'Antoine de Bourgogne , bâtard de
Philippe-le-Bon , fut fait comte de
Grand-Pré et de Château-Thierri, par
Louis XI, Fan 1478 (5), qui est le
temps à peu près où Wolfard de Bor-
selle reçut le collier de l'ordre. Quand
nous n'aurions point d'autre preuve
du rang qu'il tenait, que son mariage
avec une fille de Louis de Bourbon ,
comte de Montpensier , et dauphin
d'Auvergne, troisième fils de Jean 1er.,
duc de Bourbon , nous ne pourrions
douter qu'il ne fît beaucoup de figure
dans le monde. Voilà pour ce qui re-
garde le père d'Anne de Borselle.
Disons un mot de son beau-père et de
sou mari. Antoine de Bourgogne, sur-
nommé le grand Bâtard, fut fait che-
valier de la Toison, l'an i456 (6) Il
fit lever le siège de Ceute aux Mores ,
il conduisit l'avantgarde à la bataille
de Grandson (7) , et il demeura pri-
sonnier à celle de Nancy. Il entra en-
suite au service de Louis XI, qui lui
donna de très-belles terres, comme je
l'ai déjà dit (8). Charles VIII lui ac-
corda des lettres de légitimation l'an
i485, et le fit chevalier de l'ordre de
Saint-Michel. Du mariage de ce bâtard
de Bourgogne avec Marie de la Vie-
ville , contracté l'an i4^9, sortit Phi-
lippe de Bourgogne, seigneur de Bè-
vres , qui fut établi amiral et gouver-
neur d' Artois , el créé chevalier de la
Toison, a Bruges, l'an 1478- Il fut
aussi pourvu du gouvernement du
comté de Flandres et il épousa Anne
de Borselle (9).
(D) Le mérite de cette dame , et quel-
ques endroits de sa conduite,... feront
le sujet de notre dernière remarque."] Il
n'y avait rien de plus honnête ni de plus
généreux qu'elle , si nous en croyons
Érasme, fivi pervenimus , dit-il dans
une lettre datée du mois de février
1497, ad Annam Principem Veria-
nam. Quid ego tibi de hujus mulieris
comitatc , benignitate , liberalitate ,
(5) Anselme, Géuéalog. de la maison royale,
pag. 211.
(6) Là même, pag. 220.
(7) L'an 1476.
(8) Ci-dessus , citation (5).
Iq) Tire' du père Anselme, Généalogie de la
maison royale, pag. 220 , 221.
I5ERSALA.
memorem ? Scio rhetotum antplijica-
tiones suspectai haberi solere , prœser-
tirri iis qui ejus arlificii rudes non sunt.
Al hic rue nihil allevare , iiuô re vinci
artem nostrarn , mihi credas velim.
Nihil unquam produxit rerum nalura,
aut pudentius , aut prudentius , aut
candidius , aut benignius (10). 11 ve-
nait de recevoir d'elle mille marques
de bonté' et de libéralité. Tarn Ma
m uni benefica fuit.... la/itis Ma me
officiis çumulavit nullis a me studiis
prouoeala (il). O te beatum, 6 supe-
ris charum , si lu istos scopulos enavi-
gdris : sijelicitate tud , quœ mihi qui-
dem summa videtur , sine im'idid jrui
possis. Quod utjore confidam , </o-
minœ virtusfacit , cui superos onines
propitios , benèque volentes esse non
dubilo. Evenit mihi , mi Batte , in
ista , quod in te sœpenumern snlet , ut
lum ardenliits amure . mirarique inci-
piam , quiim absum. Boue Deus , qui
eandor , quœ comitas in amplissimd
fortuné, quœ animi Icnilas in tantis
injuriis , quœ hilaritas in tantis curis ,
tum quœ animi constantia , quœ t'itœ
innocentia, quod in lilteralos studium,
quœ in nmnes ajff'abilitas (12) ! Je ne
dirais rien de la lettre qu'il écrivit à
ce même ami fan i5oo, si elle ne té-
moignait que cette dame faisait de
grands biens aux ecclésiastiques. Il
souhaite qu'elle le choisisse pour un
objet de ses libéralités, lui dont les
travaux de plume sont plus durables
que la voix des prédicateurs (i3) , et
qui voudrai! aller prendre en Italie le
bonnet du doctorat; ce qu'il n • sau-
rait taire sans des dépenses qu'il
voit point en état de soutenir, si elle
n'ouvre sa bourse. Ostendes quanta
ampliùs ego sim meis litleris decus
dnminœ allalurus , qu'uni alii , quos
alit , theologi. Nam Mi uulgaria con-
cinttanlur , ego scribo , qu<r seniper
sint viclura. ll/i indoctè misantes ,
uno aut allero in lemplo audiunlur ;
mei libri , h latinis, à grrecis , ab omni
sente toio orbe legenlur. Ejusmodi
indoctorum theologorum permagnam
u/nque esse copiant , mcî similern uix
multis seculis inveniri , nisifor'.i
iuperstitiosus es , ut religio tibi sit , in
do) Erasm. , Epist. XIV , Ub. IV, pag. 186.
fil) Idem, ibid
(12) Erasm., Epist. XXIV, Ub. IV , pag.
(i3j J'oret /rtL«ltreXLVII du VIII*. livre-
\fo
omit i negottu mendaciolis aliquot abu-
ti. Deindè ostendes nihilo illam pau-
periorem J'uturam , si ut Hieronymus
jam deprai'iitus , si ut fera theotogia
instauretur , aliquot aureis adjugent ,
cum tanla ex itlius opibus lurpissimè
pereant (\\). Elle se trouva dans l'em-
barras l'an 1 \Ç)8 , et même dans une
espèce de détention. Apud dominant
T^eriensis oppidi res hoc eram loco ut
nec colloqui sine summo periculo po-
tuerim , nec abire sine gravi suspi-
cions. JYôsti causant prœpnsili qui ut
nunc in vincuHs est , ita domina in
tutetd (1 5). Les choses n'allèrent pas
mieux l'année suivante. Vcriana durit
salis prerrtitur , ut sublevanda poliiir
quant oneranda l'ideatur (iG) : mais la
fermeté de son courage contre la mau-
vaise fortune fut une belle matière
d'éloge. Voyez la lettre qu'Erasme lui
écrivit l'an i5oo. Je n'en tirerai qu'un
passage : il nous apprendra qu'elle fut
mariée très-jeune, et qu'étant, passée
d'un mariage peu agréable à l'état de
viduité, elle ne voulait point se re-
marier , quoique les soupirans se pré-
sentassent avec de grandes sollicita-
tions. JYam te qiiulem non tant in
viiluis, quant in virginibus pono : siqui-
dem quod olim pue/la admodùm nup-
sisti, idquidem partira parentum auc-
torilali , partira generi propagando
datum : et ejusmodi fuit conjugium ,
ut non tant sit imputanda t'oluptas ,
quant palientia spcctula. Quod autern
nunc istii adhue œtate virenti , et penè
puellari , nulld procorum inslanlid
posais à continenlice proposito diuelli,
quod m foflund tant afflue ni i , tant
nihil indulgcs tibi, id ego non mdui-
latent , sed virginitatem exislimo : in
quo si , ut confido , perseverabis , ego
te, mihi crede audacter , non in ado-
lescentularum chorn, quarum, ut ail
Scriptura , non est nurnerus, non in
nctoginta Salomonis concubinis , sed
in quinqungintii Réglais, et Ilieronymo
quittent, ut spero , approbanle annu-
meravero (17).
Disons aussi quelque chose d'Adol-
phe de Bourgogne son £ds unique. 11
(i4) /./. . ibid. , pag. 44o-
(iS)fdem, Epislol. XXIH, Ub. IX. pag.
482 : ell" r't datr'p de Pans, en i4o8- Vojet
awi la lettre XXV du même livre.
16) Idem, Epist. XX, Ub. IX, pag. 4;8 :
elle est dale'e de l'an i4oo.
(17) Idem, Epijt. uluma , Ub. IX, pag.
5o3 , 5<>4.
376 BERTELIER.
fut amiral de Flandre, ef créé chevà- ligure dans les écrits d'impOr-
lier de la Toison d'Or, à Bruxelles, Unce ,^_ Cette action fut vj
l'an i5i6. Il est loue pour ses bonnes . . .. A ,
qualités par Érasme, qui lui dédia supposa que la république de
son livre de la Vertu. Il mourut en son Genève l'avait envoyé à JNoyon ,
château de lièvres en Flandre , le avec ordre d'y faire des perquisi-
7 décembre i54o (18). Il laissa un hls tjons esactes touchant les mœurs
et des filles : celles-ci ont laisse pos- . . , _ , . ,
4'-»</ n ■ k nu „■•;- cp'nnm et la vie de Calvin ; et qu ayant
tente (19^ : mais le lus , qui se nom- f f » _ n J
mait Masimilien , n'eut point d'en- exécute cette commission , il
fans de Louise de Croï , sa femme, trouva que Jean Calvin avait été
qui était fille de Philippe de Croï, convaincu de sodomie , et qu'à
duc d'Arsr.hot (20). Il tut fait marquis , -, , „ ,• A l
Qucaanwnoi ; 1 ja priere <Je Peveque on commua
de Vere par Charles-l^uint (21;, et 1 1
Fan 1 546 il reçut le collier de l'ordre la peine du feu en celle de la
delà Toison d'Or (11). Il mourut l'an fleur de lis. Il se vanta d'avoir
>558(a3). La XVK lettre du X«. livre un acte ${ • de notaire qui
d'Erasme est écrite a Adolphe de c . . c . P . -, *
" r> „•„,- is^rinnn fI!p faisait foi de ce procès et de cet-
Bourçogne , Pnncipi Veriann. tue . r
est datée de Londres, en i5i2. Il lui te condamnation, fjolsec assure
écrivit de Paris, la même année, une (c) que lui et bien d'autres ont
lattre très-excellente, qui est à la fin yu œt acte et vôi|a ]e fonde_
de VEnchiridion Mdilis Christiani,
dans quelques éditions.
(18) Le père Anselme, Génèalog. de la mai-
son royale, pag. 221 , 22a.
(ig) Voyez le père Anselme , la menus
(20) La. même y pa g. 222.
\i\) Pontus Heuterus, Reriim Belgic. lib.
VI,pag.S.
(11) Anselme, Généal. de la ma/son royale,
peig* 222.
(%'i) Lud. Guicciard. Descript. V.elgii, pag.
322.
BERTELIER ( Philibert ) ,
greffier de la justice inférieure
de Genève sa patrie, n'aurait
ment de l'horrible accusation
qui a couru par tant de bouches,
et qui à été insérée dans une in-
finité de livres. La question de
fait , si Calvin a été puni de la
peine du fer chaud pour le cri-
me de non-conformité , se ré-
duit , de la part de ceux qui
affirment , à la seule autorité de
Boisée , qui assure qu'il a vu
l'acte que Bertelier rapporta de
la ville de Noyon. On verra dans
point de place dans ce Diction- Fartide rfe Bolsec , que son té-
naire, si son article n était pro- mo{gna„e ne vaut rien dans les
pre à être le supplément d un choses • sont a ]a ch e de
autre {a), et une décharge de Calvin*. Celui de Bertelier ne
l'article de Calvin , qui apparem- gaurait »tre meilleur . car ce fut
ment sera bien long. Ce Berte
un homme de mauvaise vie , et
contre lequel il y eut sentence
de mort (A) ; et qui , après tout ,
n'avait point eu à Genève de
lier vivait au milieu du XVIe.
siècle. Il ne s'est fait connaître
que par de mauvaises actions ;
mais comme il en fit une qui
donna beaucoup de joie aux con-
troversistes , parce qu'elle leur
fournissait une ample matière
de déchirerla mémoire de Calvin ,
il se mit en état d'être cité corn- de la rem'arf ^^'"^"SÏIÏl'.
, 1 r> ■ comme on le pense bien , il u est pa<
me quelque chose , et de taire ravis de Bayie. Joly
ta) De celui de (Jérôme) BoLSEC.
(b) Voyez la remarque (D).
(c) Dans l'Histoire de Calvin , publiée
l'an lb'jj.
* Sur celte circonstance île la vie de Cal-
vin , Joly disserte amplement à l'occasion
nue (0) 1 de l'article Cilvm , et ,
de
au reste , en partie ne
fait que re'péter ce que Leclerc avait dit dans
ses remarques sur l'aiiictc Bolsec.
plus inexorable partie que Calvin
(B). Mais pour détruire cette ac-
cusation, il n'est nullement né-
cessaire de se servir des justes
reproches qui rendent nul le té-
moignage de ces deux person-
nes (d). On trouve dans l'acte
même une marque infaillible de
réprobation (C) , et rien ne me
surprend davantage , que de
voir un aussi grand homme que
le cardinal de Richelieu , faire
fond sur cette pièce de Bertelier
(D) , et s'appuyer principalement
sur ce que la république de Genè-
ve ne s'inscrivit pas en faux (E).
Ce n'est pas ici le lieu d'exami-
ner si elle eut raison de mépriser
ce mensonge (F). Il n'y a point
d'articles de Dictionnaire, qui
soient, plus capables de rpnclre
service au lecteur que celui-
'ci (G).
(d) Voyez Rivet , dans son Catliolicus
ortliorloxus, au fom. III de ses œuvres,
pag. 8, etc. ; et dans son Jisuil.i Vapulans ,
chap. II, pag. 4g5 , etc., du même tome ,oh
il montre à Lessius , par ses propres règles ,
i/ue ni Bertelier , ni Bolsec, ne peuvent point
rendre témoignage contre Calvin.
(A) Ce fut un homme du mauvaise
vie , et contre lequel il y eut sen-
tence de mort.] M. Drelincourt , le
ministre de Paris, me fournira une
preuve de ce fait, contre laquelle la
chicane des plus déterminés sophistes
qui soient au monde ne ferait que
blanchir. Il a inséré dans un livre
imprimé à Genève, avec le privilège
de la seigneurie (i), l'extrait d'une
lettre qu'il avait reçue de M. Lullin ,
conseiller et ancien syndic de Ge-
nève .or voici ce que porte cet extrait.
<c Je ne veux pas cependant refuser
» à votre contentement particulier
» ce que j'ai appris, et que je puis
» tous assurer que j'ai lu, et que je
» viens de lire dans les anciens re-
» gistres de notre conseil , où j'ai
» trouvé que le nommé Philibert
(il II a pour titre : La défense de Calvin, et
fui imprimé l'an 1(167 > ««-8°.
BERTELIER. 377
» Bertelier était de cette ville, et qu'il
» y a possède' la charge de Secrétaire,
» que l'on appelle ailleurs Greffier de
» la justice inférieure , qui est bien
» au-dessous de celle de Secrétaire
» d'état qu'on lui attribue; et que
» cet homme étant accusé de crimes
» de sédition et de conspiration con-
» tre cet état, et cette église , il se
» rendit fugitif, et n'ayant pas vou-
» lu comparaître pour en répondre,
» fut condamné comme atteint et
« convaincu de ces crimes , à avoir
» la tète tranchée, par sentence ren-
» due contre lui le Ge. d'août i555.
» Et même , environ deux ans après,
» ayant un procès contre un particu-
» lier de cette ville en une justice
» étrangère où il s'était retiré , et au-
» quel il y allait de l'honneur et de
» l'intérêt de notre république et de
» ce particulier de faire connaître ce
» perfide , l'on octroya une attesta-
» tion du jugement rendu contre lui,
» aux termes que vous verrez par
» la copie ci-jointe, datée du 5e. de
» février 155^. Voilà les qualités vé-
>> ritables de celui dont on relève
)> si haut le témoignage dans le livre
» de feu M. le cardinal de Richelieu.
» Pour ce qui regarde son envoi ou
» sa députation à Noyon, pour faire
» une information de la vie de Mon-
» sieur Calvin, c'est un fait, qui non-
» seulement est faussement supposé,
» et dont il n'est fait aucune mention
» en nos registres; mais qui est contre
» toute vraisemblance. Car , outre
» qu'il c'est jamais sorti envoyé ou
"député de notre ville, pour affaire
» publique, qui n'ait été en une
» charge plus haute que celle de Ler-
» telier , et que l'on ne donne ces
» emplois qu'à des conseillers du petit
» conseil , il est notoire, comme \<>us
* savez, que nous a\ions en cette
» ville des personnes remarquables
» de Noyon, qui s'y étaient retirées
» avec M. Calvin peu de temps api es
» lui ,et entre autres, un chanoine,
» nommé M. Collemont , et Mgr. de
» Normandie , lieutenant civil de la
>< ville de Noyon , dont la famille
» est encore des plus considérables
» parmi nous, et duquel je suisdes-
» cendu du coté maternel ; par le
» moyen desquels il était bien facile
)> de prendre toutes le-; informations
)) que l'on aurait pu désirer, sans al-
378
BEKTELIER.
5> 1er plus loin. Joint à cela, qu'il
» est constant que ce Bertelier a
» toujours été ennemi de M. Calvin ,
» parce qu'il l'avait souvent repris
» et censure de ses vices , et de ses
» scandales ; et qu'il s'était oppo-
» se de tout son pouvoir à ses nie-
» chans et pernicieux desseins. Ce
» qui se prouve par les lettres de Cal-
» vin à Viret et à Bullinger, aux mois
» de septembre et de novembre i553 ,
» par lesquelles il le décrit comme
» un homme vicieux et audacieux.
» M. de Bèze représente aussi en la
» Vie de Calvin les méchantes quali-
» tés de Bertelier (2). »
Voici la copie de l'attestation de la
seigneurie de Genève contre Philibert
Bertelier (3).
« Nous syndics et conseil de Ge-
» néve, à tous ceux qui ces présen-
» tes verront , certifions que le 6e.
« d'août de l'an i555 a été donné et
» prononcé publiquement, à son de
» trompe, sentence criminelle, contre
:» Philibert Bertelier, et complices
» nommés en ladite sentence, par
3) laquelle , pour les crimes borribles
» et détestables de conspiration con-
» tre la sainte institution et réforma-
» tion chrétienne , et contre cette
» cité , bien public et tranquillité
» d'icelle, a été ledit Philibert Ber-
» telier, comme des auteurs de con-
» spiration et ennemis de cette cité ,
* paix et union et tranquillité d'icelle,
» condamné à devoir être lié et mené
>» au lieu de Champel, et là avoir la
M tête coupée , et son corps mis en
» quatre quartiers , lesquels seront
»> élevés es quatre lieux plus éminens,
» à l'entour de cette cité , pour don-
» ner exemple aux autres , qui tels
» crimes voudraient commettre :
» comme ainsi l'attestons. En foi de
» quoi nous avons mandé et comman-
» dé être concédées les présentes ,
» sous notre sceau en ce accoutumé,
» et seing de notre secrétaire. Donné
» à Genève, ce 5 de février 155^. »
(B) Il n'avait point eu de plus inexo-
rable partie que Calvin. ] Bertelier,
ayant été excommunié l'an i55a par
le consistoire de Genève (4) , en porta
(2) Drelincourt, Défense de Calvin , pag. 148.
(3) Elle est dans le livre de M. Dielincourt ,
pag. i5r.
(4) C'est de lui qu'il faut entendre ces paro-
les de la Lettre de Calvin à Bullinger , {c'est la
ses plaintes au sénat. Les ministres
furent mandés pour rendre raison de
cette affaire : le sénat, parties ouïes ,
prononça que l'excommunicationétait
juste. Au bout de dix-huit mois, Ber-
telier eut recours encore au sénat ,
qui, après avoir ouï les oppositions
de Calvin, prononça que Bertelier se-
rait reçu à la sainte cène. Dès que
Calvin eut appris cette nouvelle , il
pria messieurs les syndics de convo-
quer le sénat; et lorsque l'assemblée
fut formée, il représenta ses raisons,
et conclut par jurer qu'il perdrait
plutôt la vie , que de consentir qu'un
tel homme participât à la cène (5).
Voilà ce que Calvin a écrit lui-même.
Son historien nous en dira davantage
(6;. Les vacarmes que l'on lit contre
les ministres , comme si à certains
égards ils se fussent emparés des droits
delà souveraineté, furent cause que
le conseil des deux cents ordonna que
la connaissance des causes d'excom-
munication appartiendrait en dernier
ressort a» sénat, et que le sénat pour-
rait absoudre les excommuniés qu'il
verrait bon être. En conséquence de
ce décret, le sénat accorda des lettres
d'absolution à Bertelier, qui furent
scellées du sceau de la seigneurie. On
devait célébrer la cène dans deux
jours , lorsque Calvin fut averti de
ce qui s'était passé. Il prit son parti
promptement : il prêcha sur le mépris
de la cène, il éleva la voix et la main,
il dit qu'il imiterait saint Chryso-
stome, qu'il n'opposerait point la force
à la force , mais qu'il se laisserait plu-
tôt massacrer, que d'employer sa main
à présenter les saints mystères à ceux
qui en avaient été jugés indignes. Ce
fut un coup de foudre qui déconcerta
la faction de Bertelier ; de sorte qu'il
fut jugé à propos qu'il ne se présentât
pas à la communion. Le lendemain
de la cène , Calvin , accompagné de
son consistoire , demanda au sénat ,
et au conseil des deux cents , la per-
mission de parler au peuple sur cette
affaire , attendu qu'il s'agissait de
l'abrogation d'une loi faite par le
peuple. Cela fit tant d'impression sur
CLXII : ) Quidam , ob effrenes suas libidines
et niulla ll.igilia, mira usu privatus, donee resi-
pisecret.
(51 Ex Epistolâ Calvini ad Viretum. C'est la
CTÂVe. Elle est datée du 4 'le septembre
t553.
(6) Beza , in Yitâ Calvini , ad ann. i553.
BERTELIER.
3n(^
les esprits, qu'il fut résolu qu'on con- Je pousse cette pense'e dans un autre
suit-, rait les Cantons Suisses, et que lieu (g), laissons-la donc ici comme
le décret des deux cents demeurerait elle est. l'ajoute que si l'exposé de
suspendu, sans que l'on pût dire que Bertelier était véritable , il aurait eu
les anciens règlemens eussent reçu la son papier quand il s'enfuit de Genè-
moindre atteinte. In eam senlenttam ve, c'est-à-dire, que sa prétendue
animis non mediocriter immuta lis itum commission aurait précédé l'affaire
est , ut suspenso Mo Diacosiorum de- pour laquelle il fut condamné à la
crelo statueretur petendum esse à qua- mort par contumace l'an 1 555 ^ car,
tuor cit'itatif/us Helvetuis judicium, depuis ce temps-là, il est visible qu'il
nec interca prœjudicium ullum Jieri n'a point eu la commission dont il se
receptis legibus oportere (7). Parce vante. Mais, à qui persuadera-t-on ,
moyen , le consistoire remporta un qu'avant l'année i555, lorsque ceux
plein triomphe, et fit bouquer, pour qu'on appelait hérétiques n'osaient
ainsi dire, et le sénat et le conseil se montrer de peur du feu , un député
des deux cents. Qu'eussent-ils fait dans de Génère alla hardiment à Noyon
un pays de démocratie ? Peut-on do- pour s'informer de la vie de Calvin ?
miner sur des personnes, qui du haut A qui pi'rsuadera-t-on , que si Berte-
d'une chaire disent an peuple qu'ils se lier avait eu un acte authentique de
laisseront plutôt tuer, que de consen- l'infamie de Calvin l'an i554, il l'au-
tir que les choses saintes soient pro- rait si bien tenu sous la clef, que le
fautes .J L'exemple de saint Chryso- public n'en aurait eu connaissance
stome, allégué bien à propos , est une qu'en l'année 1577? ^'était-ce pas
très-fine manière de menacer d'une une pièce que le clergé de France
sédition messieurs du gouvernement! aurait achetée au poids de l'or ? Hais
(C) Il y a dans Pacte qu'il produi- à quoi m'amuse -je de réfuter un
sit contre Calvin une marque infait- roman aussi ridicule que celui-là?
Cible de réprobation.] On ne sait , ni (D) // est surprenant de voir le car-
en quel temps il fut dressé, ni par dinal de Richelieu faire fond sur cette
qui, ni les noms des témoins, ni en pièce de Bertelier. j « Ce qui doil pas-
général aucune des circonstances que » ser , dit- il ( 10 ) , pour une con-
l'on n'oublie jamais , si ce n'est lors- » viction indubitable des crimes im-
qu'on a peur de fournir des armes à » pûtes à Calvin est que depuis qu'il
ceux qui ont intérêt de s inscrire en » a été chargé de cette accusation ,
faux. Ce que je vais dire est t<>ut au- 0 l'église de Genève , non-seulement
trement décisif. Si l'acte de Bertelier » n'a pas justifié le contraire, niais
avait été légitime , il y aurait eu à )> même, n'a pas nié l'information
a des doctimens authentiques et » que Bertelier , envoyé par ceux de
publics du procès et de la fleur de lis » la même ville , fit à Noyon. Cette
en question 5 et cela étant, on les » information était signée des plus
aurait publiés dès qu'on aurait vu les » apparens de la ville de Noyon, et
ravages que soutirait le catholicisme » avait été faite avec toutes les for-
par le moyen de Calvin. A moins » mes ordinaires de la justice ; et
d'un miracle continuel , et plus inouï » dans la même information l'on voit
qu'aucun miracle que l'on connaisse , » que cet hérésiarque . ayant été
tous les habitans de Noyon n'auraient » convaincu d'un péché abominable ,
pas gardé le secret , et n'auraient » que l'on ne punit que par le feu ,
point épargné la réputation d'un com-
patriote qui leur était si odieux (8).
(•;) Beia.in Vitî Calvini, ad ann. i553.
(S) L'an i55i , sur une fausse nouvelle de la
mort de C.itlviu t ou fit des prière* publiques et
» la peine qu'il avait méritée fut , à
» la prière de son e'vêque, modérée
» à la fleur de lis. Et l'église de
» Genève, qui ne désavoue pas celte
» information touchant la vie de Cal-
ites processions à Noyon, pour rendre eràces a » vin , n'eut pas manqué de la ilr-.i
p.ende cette mort. Non d**M oui* i \amaudi+ „ j ,|e ^ , pouvoir
ri* me patrtee esse superstitem. lia urbem mor- l
tuant lugere coeor , ( c'est à l'occasion de l'in-
cendie qui fit périr cette ville, l'an i55a , que (Q) Pans la remarqu- 'K) dr V article Bol-
Calvin dit cela, ) qua> superiore anno , oh f'al- stc i et p'<" amplemei.l dans la remarque (L)
tum inortis meœ rumorem , solennrs habuil sup- '^c l'article Uèie.
plicationes , ut de Christo Iriumpharei. Calvi- (10) Méthode pour convertir ceux qui se sont
nus, epist. CXL, datée du 5 décembre i55a. séparés de l'EgKte , Ur. IF . chap. X, pag. 3 19.
38o
BERTELIER.
-» faire sans blesser la vérité.» N'est- vin. Itane? Ergb quotiescunque li-
ce pas une chose étrange, qu'un pre- buerit infami alicui agyrtœ crimina
mier ministre , dont le crédit n'était confingere in viros bonos necessarium-
pas moins grand que celui du roi, se ne erit libellas illosfamosos discutere,
fonde sur un acte borgne, qu'un pe- ut hnmines isti , si tamen homines ,
fit médecin de Lyon s'était vanté quifamamaucupanturexadversario-
d'avoir vu entre lesmains d'un homme rum nomine , applaudant sibi quôd
vulgaire? Un petit particulier avait tandem repererint qui se cum illis
donc plus de crédit que le cardinal voluerint componere , et exislimârint
de Richelieu . pour déterrer les vieux talia esse responsione digna , quee
registres de Noyon ? La vérité est que contemplu pottùs erant dihienda (i4)?
ce cardinal employa toutes les per- Nous allons entendre un jésuite , qui
quisitions imaginables, pour chercher s'accorde parfaitement avec ces mi-
les prétendues procédures de Noyon nistres . « Depuis quand est-ce qu'il
contre Jean Calvin , et qu'il ne trouva
rien (n). Cependant il ne laissa pas
de soutenir l'affirmative , sur la foi de
Jérôme Bolsec. Peut-on excuser une
conduite si étrange ? M. Drelincourt
ne saurait croire que ce grand homme
l'ait tenue : il en jette tout le blâme
sur ceux qui ont publié le livre inti-
tulé Méthode pour convertir , etc.
(ia).
(E) et sur ce que la république
de Genève ne s'inscrivit pas enfaux.~\
Nousavons rapporté dans la remarque
précédente les propres paroles du
cardinal de Richelieu : elles montrent
qu'il faisait son fort du silence de la
république de Genève. M. Drelincourt
lui fait voir par des exemples sensi-
bles , qu'il n'y a rien de plus faux , ni
de plus absurde , que de prétendre
que ceux qui laissent courir une ac-
cusation , donnentlieu de croire qu'ils
sont convaincus qu'elle est bien fon-
dée. Le premier de ces exemples est
M. le cardinal de Richelieu lui-même :
Que ceux qui ne pouvaient souffrir
son élévation et son pouvoir , en di-
saient des choses étranges ; et qu'il y
en a même qui ont été publiées , et
dont on a rempli des livres. Parce
que Von n'a pas fait d information
juridique pour justifier le contraire ,
les parens de cet illustre cardinal , et
ceux qui honorent sa mémoire, vou-
draient-ils que cela passât pour des
vérités constantes (i3) ? M. Rivet ,
professeur en théologie à Leyde ,
s'était servi d'un pareil principe , en
répondant à une objection de Lessius
tirée du silence des bons amis de Cal-
(n) Voyez la Défense de Calvin, par M. Dre-
lincourt, pag. g.
(12) L'a même, pag. 71. Voyez aussi pag.
l4o , etc.
(x'i) Drelincourt, Défense de Calvin, pag. 84-
n'est point permis de demeurer
dans le silence , à moins de vouloir
passer pour convaincu des crimes
qu'on nous aurait imposés ? L'on ne
voit pas que ce soit là le sentiment
des plus sages , ni de ceux dont
l'exemple peut servir de règle aux
autres. Qui ne sait combien de
sottises les ennemis de la France
ont accoutumé de publier contre
elle dans leurs gazettes et dans
leurs libelles? Qui ne sait aussi les
infamies et les abominations que
M. Jurieu a répandues contre les
papes et contre l'église romaine
dans son Parallèle, dans ses Préju-
gés , et en tant d'autres livres dont
il remplit le monde? Si donc le roi
ne tient pas des gens exprès pour
réfuter ces gazettes étrangères de
point en point, et s'il ne se trouve
personne parmi les catholiques qui
ait assez de temps à perdre pour
s'amuser à prouver sérieusement
que ce sont des visions de M. Ju-
rieu, de dire que les papes ont
prétendu à la monarchie univer-
selle ; que pour cet effet, ils ont
suscité exprès le schisme entre les
Grecs et les Latins ; qu'ensuite , afin
de vider la querelle , ils ont... etc.;
à moins , dis- je , que le roi ou le
pape n'aient soin de faire réfuter
ces chimères et ces médisances, le
gazetier de Hollande et M. Jurieu
ne seront-ils point en droit d'in-
sulter l'un à la France, l'autre au
saint-siége , et de dire : Ils n'ont
osé entreprendre de répondre , on a
sujet de croire qu'ils ne l'ont pu ?
Et l'auteur de la Morale pratique
ne serait-il point d'avis qu'on leur
passât condamnation là-dessus? On
d4) Rivet, Operum lom- III, pag. 9 <H
496.
BERTRAM.
38i
» veul croire qu'il aurait honte de
■» l'accorder. Pourquoi donc ne vou-
» drait-il pas que les jésuites eussent
» pu négliger de répondre à des li-
» belles qui ne sont à leur avis , ni
j> moins fabuleux , ni moins mepri-
» sables , que les gazettes d'Amster-
5> dam, et que les systèmes histori-
■» ques ou prophétiques de M. Jurieu ?
■» Doivent-ils être plus délicats sur le
» fait de leur réputation, que ne le
» sont ceux que Dieu a mis sur nos
» têtes? Ne doivent-ils pas, ou du
» moins ne leur est-il pas permis ,
» après ces grands exemples , de mé-
> priser ce qui ne touche que leur
« honneur particulier (1 5) ? »
(F) Ce n'est pas le lieu d'exa-
miner si elle eut raison de mépriser ce
mensonge.] La maxime de M. Drelin-
court et du père leTellier est belle et
bonne , et très-véritable , générale-
ment parlant- mais il y a des ren-
contres particulières, où il vaut mieux
ne s'en pas servir , que de s'en servir.
Je ne déciderai point si la républi-
que de Genève aurait mieux fait
d'opposer une déclaration publique
à l'exposé de Bolsec, concernant la
prétendue députation de Bertelier. 11
semble d'abord que l'avantage , que
les controversistes catholitpies ont
prétendu tirer du silence qu'on a
tenu à cet égard , prouve qu'on n'a
pas bien fait de se taire : je veux dire,
de ne démentir pas expressément et
par un acte public l'audace de ces
gens-là ; mais ceux qui font réflexion
que rien n'arrête la plume de ccv
laines gens , et que si on leur op-
pose des diguesd'un coté , ilsse jettent
de l'autre à l'infini , voient bien
qu'un acte de la république de Ge-
nève n'aurait pas terminé celte dis-
pute. Je conviens de la maxime , que
la meilleure manière de se venger d'un
impudent calomniateur, est quelque-
fois celle de ne lui répondre rien (16).
Avec tout cela , je crois que Bèze
n'appliqua pas bien cette maxime ,
(i5) Le père le Tellier , Défense des nou-
veaux Chrétiens, I" . part. , pag. 25 , 26.
(16) Genus ullionis est eripere ei qui fecit
contumeliîe voluptateni. Soient dicere , miseram
nie , puto non intellexis>e '. Aileô fruitus cootu-
melie in sensu et indi^natione patieotis est, ut
jplim'e Seneca , cap. XVII de Cor.st. Sapien-
tis. Hune frucuan quœrebat BoLecut quem et
ademil viventi tapientum pattentia. Riveti Ope-
l'Iim (OUI. ///, ya^. iJyO.
quand il s'en servit envers Bolsec.
Une réponse lui aurait donné de la
vanité, il en eût conclu que ses mé-
disancesavaient pénétré jusqu'au vif:
cette conclusion l'eût comblé de joie :
j'en tombe d'accord; mais il valait
mieux le laisser jouir de cette joie
rabattue par la note infâme de ca-
lomniateur public , dont une bonne
réponse l'aurait couvert , que de
fournir un prétexte tant à lui qu'à
ses copistes de se vanter qu'on n'avait
pu se défendre. Qui lacet consenlire
t'idetur. Les vérités, qu'on nomme
maximes, ne se battent guère moins
entre elles , que les erreurs et les vé-
rités.
(G) Il n'y a point d'articles de dic-
tionnaire plus capables de rendre ser-
vice au lecteur que celui-ci.] Une des
plus grandes utilités qu'on puisse ti-
rer de la lecture est d'apprendre les
faiblesses du cœur humain, et les
mauvais effets des préjugés de reli-
gion. Or où peut-on mieux connaître
cela qu'ici ? Que ne faut-il pas que
l'homme soit naturellement, on qu'il
devienne par le zèle aveugle et furieux
de religion, puisqu'un moine, devenu
médecin protestant, et puis médecin
papiste, chassé deux ou trois fois avec
note d'infamie des lieux où il s'était
établi , ne produit pas plus tôt une
accusation sur la foi d'un fugitif con-
damné à la mort par contumace :
une accusation , dis je, la plus mal
bâtie, et la plus mal prouvée du
monde, qu'on l'adopte , qu'on la fait
passer de livre en livre , qu'on en
tire mille conséquences, que les au-
teurs de la première volée, le grand
cardinal de Richelieu même, la propo-
sent aux hérétiques comme un motif
efficace de conversion ; et tout cela ,
proplcr majorent Dei gloriam ? (I
QUANTUM EST IN REBUS INANtfj^) !
(17) Persius, salir. ï, vi. 1.
BERTRAM (Corbeille Bon-a-
venture), nalifde Thouars" en
Poitou , se rendit recommanda-
ble dans le XVIe. siècle , parla
connaissance qu'il s'acquit des
langues orientales. Il avait étu-
dié l'hébreu à Paris, s<>u- \n
Caninius , et ensuite à Cahors
avec le jurisconsulte François
382 BERT
Roaldes. Il eut bien de la peine
à éviter les massacreurs de Ca-
hors,l'an 1572; mais enfin il
leur échappa , et se sauva à Ge-
nève , ou au bout de deux ans il
remplit la profession en hébreu
que Rodolphe Cevalier avait oc-
cupée. Il travailla à divers ou-
vrages considérables , pendant
son séjour à Genève (A) , et il ne
discontinua point de s'appliquer
iil'étude, lorsqu'il se fut transpor-
té à Franckenthal au palatinat.
Il y publia un livre l'an i586 ,
intitulé Lucubrationes Frcnc-
kentalenses. Il quitta ce poste
pour s'en aller à Lausanne , où
MM. de Berne lui offrirent une
charge de professeur qu'il exerça
jusques à sa mort arrivée l'an
1594. Il était dans son année
climatérique lorsqu'il mourut
(a) , d'où l'on peut juger qu'il
naquit l'an 1 5 ?» 1 . Il ne faut pas
oublier qu'il était ministre, et
qu'il exerça cette charge dans
Genève (b). Il y épousa Gene-
viève Denosse , nièce de la pre-
mière femme de Théodore de
Bèze , chez qui elle avait été éle-
vée dès son enfance. Elle était
aimée de sa tante fort tendre-
ment (c). Bertram était bon cri-
tique , comme Théodore de Bè-
ze , Casaubon , et plusieurs au-
tres savans personnages l'ont re-
connu publiquement (d).
'a) Tiré de M. de Thou , à la fin du livre
CIX.
(b) Voyez la préface de Bèze sur Merce-
rusinJobum, imprimée en i5j3.
'é\ Ant. Fayus, de Vilâ etolntu Th. Bezac,
pag. 4§.
(d) Voyez Colomesii Gallia orieutal. ,
ras- 73 w4-
(A) Il travailla a divers ouvrages
considérables , pendant son séjour a
Genève. ] Il publia le Trésor de Sanc-
les Pagninus , avec des augtneata-
RAM.
tions dont il prit une partie dans les
écrits de Merrerus et dans ceux de
Cevalier , et il fournit 1 autre de sou
propre fonds. Il publia aussi la Com-
paraison de l'hébreu et de l ' aramée ,
et un traité de Pnlltiâ Judàicâ. M. de
Thou n'en savait pas davantage : il
met ce dernier traite' au-dessus des
autres livres composés par cet. auteur.
Qui ex omnibus ejus operibus maxime
commendalur (1). Il aurait puajouter
que Bertram contribua autant qu'au-
cun autre à l'édition du Commen-
taire de Mercerus sur le livre de Job.
On l'avoue dans la préface : Cœteriim
ne sud quidem lande J'raudandus Cor-
nélius noster videlur , ejusdcm Mer-
ceri quondam discipu/us et mine meus
111 hdc ecclesid collega. Huic siqui-
dem non parvd ex parte debetur istius
libri editio , c uni vix alius reperiri po-
tuisse videretur qui hœc à Mercero
minutissimis charavteribus ac J'ugien-
îibus penè litteris in adversariis des-
criptnlegendo consequeretur (3). M.Si-
mon a parlé d'un autre travail de
Bertram : il dit que ce professeur,
aidé par Bèze , la Faye , Rolan ,
Jaquemot , et Goularl , revit la ver-
sion française de la Bible en l'année
1 588 , et qu'étant plus savant dans la
langue hébraïque que tous ceux qui
l'avaient précédé , il prit beaucoup
plus de liberté dam la réjormalion
qu il fit , tant dans les versions , que
dans les notesÇS). Les autres choses
que M. Simon a dites touchant cette
révision se voient non-seulement dans
son Histoire critique, mais aussi dans
le Supplément de Moréri. Je remar-
que que , selon M. de Thou , l'ou-
vrage , qui a pour titre Lucubratio-
nes Franckenlalenses (4) , fut publié
l'an i586, et intitulé de la sorte à
cause que l'auteur demeurait à Franc-
kenthal. Comment donc, me dira-t-
on, a-t-il travaillé à la révision que
ceux de Genève firent l'an 1 538 ? Cette
difficulté est. vaine : quand M. Simon
assure, qu'en l'année i588, il se fit,
fi) Thuan., lib. CIX, sub finem.
(2) Beza , in prœfat. Ulius Commentarii.
Ci) Histoire critique du Vieux Testament,
hv. II, chap. XXIV, pag- S47-
(4) Pour donner le titre tout entier , il fou',
ajoutrr ici : seu Spécimen exposiliouum in ciiili-
ciliora utriusque Tcstamrnti loca. Dans ta Cri-
tique de M. Simon , et dam le Supplément de
Moréri, on a du Fraucliellatenses, au lieu de
Frar.ckci. 'aliénées.
BÉRULLE.
383
une autre reformation de la version
de Genève , il ne veut sans doute
marquer que la date de l'impression :
il ne prétend pas que tout ce travail
ait e'té fait Pan i588. On sait assezque
ces sortes de révisions durent ordi-
nairement plusieurs années. Ainsi
Bertrarn a pu être le principal di-
recteur de celle-là , quoiqu'elle n'ait
vu le jour que long-temps après qu'il
fut sorti de Genève. J'ajoute qu'il fut
en particulier Vauteur des figures de
cette Bible , et de leur explication (5).
C'est donc de lui qu'il faut entendre
ces paroles de la préface qui fut mise
au-devant de cette Bible : Nous avons
aussi ajouté certaines figures , mais h
la fin et hors du corps de l'ouvrage ,
qui pourront servir h l'intelligence de
certains passages , en quoi a particu-
lièrement travaillé un docte person-
nage de notre compagnie grandement
versé en la langue hébraïque , et en la
lecture du Piteux Testament. M. Co-
lomiés les a appliquées à notre Ber-
trarn (6).
(5) Tcissier, Addit. aux Éloges de M. de
Thou , font. II , pag. 202.
(6) Coloaiesiiis, in Galliâ orientait, pag. ^3.
BÉRULLE (Pierre de) , cardi-
nal et fondateur des pères de
l'Oratoire en France, naquit le
. de février i5^5, et mourut
le 2 d'octobre iÔ2y (a). Vous
trouverez beaucoup de choses
sur son chapitre dans le Diction-
naire de Moréri , et dans les
Hommes illustres de M. Perrault;
mais vous n'y trouverez pas qu'il
fut exposé à la satire des cannes
(A), qui s'efforcèrent de le dé-
crier comme un très-malhon-
nête homme ; ni qu'il s'opposa
au dessein que le cardinal de
Richelieu avait formé d'abaisser
la maison d'Autriche (B); ni
qu'on voulut faire accroire qu'il
était mort de poison (C). Ce que
je dirai de l'édition de ses œu-
vres rectifiera une négligence
(a) Perrault , Hommes illust. , Ire. part.,
pag. 3o, 34.
de M. Moréri (D). Je réfuterai
aussi une faute de M. Perrault
(E). Le cardinal de Bérulle avait
un frère conseiller d'état , et
dont l'un des petits-fils a été
maître des requêtes, intendant
à Lyon , et puis premier pré-
sident au parlement de Grenoble
(b). Le frère de celui-ci se nom-
mait l'abbé de Bérulle, et fut
maître des requêtes , et prieur
de Saint-Romain du Puy, auprès
de Lyon, et mourut sur la lin
du mois de juin 1704 (c).
{ù) Mercure Galant de juillet 1704 ,
PaS- 99-
« I.à même , pag. 100.
(A) // fut exposé a la satire des
carmes, ] Voici ce que j'ai lu dans un
livre de l'évêque de Bellei (1). « M. de
» Bérulle, encore supérieur de l'ora-
» toire avait été fait supérieur
» par délégation et commission du
» pape , de certaines moniales de
» grande piété et édification (2), qu'il
» avait amenées d'Espagne et intro-
» duites en France. Les moines du
» même ordre , voulant en avoir la
» direction , remuèrent ciel et terre
» à Borne et en France. Et ne pouvant
» venir à bout de leurs intentions
» ( parce qu'en cour de Rome ils ont
» en horreur la conduite des moniales
)> par des moines , pour des raisons
» que L expérience fait assez ennnaî-
,- Ire . ) ils se mirent à faire des li-
» belles diffamatoires, où ils l'appel-
» lent anti-pape , huguenot couvert,
» impie , libertin ; bref, ils vomis-
» sent tout ce que la passion peut
)> écumer de plus odieux. Ils accu-
» sent ses mœurs, censurent sa doc-
» trine ; que ne font-ils pour noircir
« sa réputation .' A la .'in , ces contra-
» dictions par une providence admi-
» rabiedeDieu. qui sait tirer le bien
)j du mal , et la lumière des ténèbres,
» ont fait naître ces exccllens ou-
)i vraies de l'Etat et îles Grandeurs
). de Jésus , et celui de sa Vie , qui
» jetèrent tout le soleil dans les \
(1) I/Aiili-Rasilic, pour rcpotiie a l'Aoti-Ca-
mns, pas;. il\i.
(2) C'est-à-dire , des carmélites
384
BERULLE.
;> de ses adversaires , et les rendirent » phète inspiré du ciel. Bérulle lui
» muets comme des poissons.» Quel
ques-uus d'eux arrivèrent à tel de-
gré d'outrecuidance et d'aveugle-
ment , de soutenir que le pape ne
pouvait donner le gouvernement des
moniales a d'autres qu'aux moines de
leur même ordre (3).
Il y a parmi les œuvres du cardi-
nal de Bérulle un narre' de la querelle
qui lui fut faite par les carmes. Leur
» parlait selon son cœur.... Cerlaines
» religieuses carmélites du faubourg
» Saint -Jacques , grandes visionnai -
» res, que Bérulle leur directeur , le
» garde des sceaux , et la reine-mère,
» consultaient comme des oracles ,
)i trouvaient le plan admirable (S).
» Dieu leur avait révélé dans leurs
» oraisons et dans leurs extases , que
telle était sa volonté (9). » Nous
prétexte fut un certain mémorial qu'il verrons dans la remarque suivante
avait dressé pour servir de formu- comment cet historien l'excuse d'avoir
laire à une nouvelle sorte de vœu (4). souhaité qu'on n'abaissât point la
C'était un vœu de servitude à Jésus- maison d'Autriche.
Christ et à la Vierge. Cet auteur ne Le Testament politique du cardinal
répondit point à leurs écrits : mais de Richelieu nous apprend la partia-
il composa un Discours de l'état et des lité du cardinal de Bérulle pour TEs-
grandeurs de Jésus , pour faire l'apo- pagne. J'en citerai ce morceau. Zoo-
logie du mémorial. Au lieu de repli- tre majesté { c'est le cardinal de Ri-
que et de repartie , dit-il (5) , après chelieu qui parie à Louis XIII ) eut
dix ans de patience et de silence; par ce moyen affranchi pour jamais
après trois ans de tempêtes et orages les Grisons de la tyrannie de la mai-
suscités en France et en Italie , par des son d'Autriche , si Fargis , son am-
esprits nés à cet exercice ; avec plu- bassadeur en Espagne , n'eut , à la
sieurs calomnies et six libelles inju- sollicitation du cardinal de Bérulle .
rieux et diffamatoires soigneusement fait ( ainsi qu'il l'a confessé depuis }
espandus et même aux province s élran- sans votre su , et contre les ordres ex-
gères ; je produis ce discours en évi- près de votre majesté, un traité fort
dence, et le produis, non pas pour désavantageux, auquel vous adherd-
parler de leurs personnes , de leurs tes enfin , pour plaire au pape , qui
desseins , de leur conduite ; mais , prétendait être aucunement intéressé
pour parler de Jésus. dans cette affaire (10). L'abbé Ri-
(B) // s'opposa au dessein d'à- chard cite ces paroles dans son Ilis-
baisser la maison d'Autriche.'] Il fut toire du père Joseph , après avoir dit
secondé par Marillac , garde des que le traité fait par le seigneur du
sceaux , et par quelques autres gens Fargis fut désavoué , parce qu'il
du conseil secret de Marie de Médi- n'avait pas suivi les instructions du
cis (6). Les raisons qu'ils alléguèrent , père Joseph ( 1 1 ). Il ajoute qu'il fut,
pour empêcher qu'on ne secourût le résolu au conseil du roi de dissimuler
duc de Mantoue , se trouvent dans cette faute de du Fargis : mais qu'au
M. le Vassor (7) , qui ajoute « Bérul- lieu de ratifier ce qu'il avait Jait , ou
« le , homme d'état à révélations , se lui enverrait un autre projet , sur le
» repaissait de sa politique dévote : quel il ferait réformer le premier ; ce
» il la débitait au conseil de la reine-
» mère , et l'appuyait des faux rai-
)> sonnemens que sa théologie mysti-
» que , et son imagination naturel-
» lement vive et féconde lui suggé-
)> raient en abondance. Le garde des
» sceaux l'écoulait comme un pro-
(3) L'Auti-Basilic , pour répondre à l'Anti-
Camus , pag. 202.
(4) Ce Mémorial est dans les OEuvres du
cardinal de Bérulle, paç. 2-8 el suiv. , e'dil. de
Paris, en 1637, ia-Jolio.
(5) Bérulle, pag. III d» ses OEuvres.
(G) Le Vassor, Histoire de Louis XIII, tom.
VI, pag. 1.
(7) Là même , pag. 3-
que l'ambassadeur exécuta (12).
(C) On voulut faire accroire qu'U
était mort de poison.] « 11 était mort
» subitement, en disaut la messe
(8) C'est-à-dire , celui que le garde des
sceaux avait formé , de s'élever sur les débits
de la fortune du cardinal de Bichelieu.
(9) Le Vassor, Histoire de Louis XIII, tom.
VI , pag. 1 el S.
(10) Testament politique du cardinal de Iii
cVjèlieu, chap. I , pag. II.
(11) Richard, Histoire de la Vie du père
Joseph , tom. 1 , pag. 3i3. Voyez ausu la Vie
du véritable père Joseph. , pag. i32, édition
de la Haye, en 1705, iri-ia.
1 lu même.
EEVERNINGK.
385
» Un pareil accident fit croire à plu-
» sieurs personnes que Richelieu l'a-
» vait empoisonne. Le duc d Orléans
■» l'insinue dans une lettre au roi. En
» me réconciliant avec la reine muda-
» nie ma mère, dit Gaston, mon cou-
rt sin le cardinal de Bérulle me >en-
» dit un fort bon office. Mais il lui
» fut funeste , puisque sa mort le sui-
» vit de si près (*). N'est-ce point
» pousser la malignité trop loin? Bé-
j) rulle languissait depuis plus d'un
» an. On lui trouva les parties nobles
» gâtées et corrompues. Peut-être que
» les malins s'imaginèrent que c'était
v un eflet du poison lent que Fuche-
x lieu , qui vit l'élévation de Bérulle
» avec chagrin , lui avait fait don-
j) ner. Quoi qu'il en soit, tout le mon-
■» de reconnaît que Bérulle était par-
j> faitement homme de bien. S'il eut
» des travers dans la politique , cela
» vint de la tendresse de sa conscien-
» ce, et de ce que, trompé par un
» zèle mal entendu de religion, et
i> par certains préjugés de dévotion,
» d s'imagiuait bonnement que son
xi opinion était plus avantageuse au
m bien de l'état, et au rétablissement
i. du culte romain en France et ail-
j) leurs (i3). »
Notez que .M. le Ya->sor ne rejet-
te , ni n'adopte la médisance des
ennemis du cardinal. C'est un signe
qu'd ne la trouvait guère vraisem-
blable.
(D) Ce que je dirai de l'édition de
ses œuvres rectifiera une négligence
de M Moréri. J Une partie des œu-
vres du cardinal de Bérulle avait clé
diversement imprimée de son vivant :
l'autre partie fut trouvée dans ses
manuscrits 04J- François Botirgoing ,
sur les désirs et instances des pères
de l'Oratoire , dont il a été général ,
les lit ramasser toutes, et recueillir
en un corps (l5). Le père Gibieuf ,
qui en avait une plus grande connais-
sance qu'aucun autre , les disposa ,
et les enrichit d'argumens et de som-
maires (\6 .'. Files fuient imprimées à
Paris , l'an 1644 , in-folio, et l'on en
(") Lettre du duc d'Orléans au roi , en
i63i.
(|3) Hist. de Louis XIII , lom. VI, pag. 204,
2o5-
(i4) François Bourgoing, préf. des OEurres
du cardinal de Bérulle.
(i5) L.à même.
(16) Là même .
TOME III.
donna une seconde édition dans la
même ville , l'an i65j , in-folio. Le
père Bourgoing ( 17 ) les dédia à la
reine régente Anne d'Autriche , et y
ajouta une préface , qui n'est point,
comme le prétend M. Moréri , un
abrège de la fie du cardinal de
Bérulle , mais plutôt l'éloge de sa
dévotion , et l'idée générale de ses
écrits.
(E) Je réfuterai une faute de M. Per-
rault. ] 11 affirme que le cardinal de
Bérulle, ayant conduit la princesse
Henriette-Marie en Angleterre , s'y
concilia l'amour et la vénération de
tout le monde (18). Cependant voici
ce qu'on trouve dans une lettre que
ce cardinal écrivait à cette princes-
se , le 26 d'octobre 1625. // a pieu
h M. le duc de Boukquingam faire
faire de grandes plaintes au roy , par
un sien confident , nommé M. de
Gerbières , arrive dix ou douze jours
après moy , que j'avois conspire et at-
tenté en Angleterre contre sa vie et sa
fortuné (19).
(17) Moréri le nomme Bourgouin. Cela est
blâmable ; il faut donner les noms propres sans
altération.
(18) Perrault, Hommes illustres, lom. /,
pag. 34.
(19) OKuvres de Bérulle, pag. 86 1 , /dit. de
Paris, en 1637.
BEVERNINGK (Jérôme) a été
l'un des plus habiles hommes du
XVIIe. siècle pour ce qui regar-
de les ambassades , et les impor-
tantes négociations. Il était ori-
ginaire d'une maison noble de
Prusse (A); mais il naquit à Ter-
gou , dans la Hollande , le 2Ô>
d'avril i6i4- Cette ville, qui se
glorifie avec raison d'avoir pro-
duit un si grand homme, le vit
au nombre de ses conseillers
l'an 1645, et au nombre de ses
bourgmestres l'an itij8. Elle le
députa l'an i6,6aux états de la
province. Il y donna de si bon-
nes preuve» de sa capacité, qu'on
ne tarda guère à se servir de lui
pour les affaires de conséquence
Les états de Hollande le députè-
25
366 BEYERNINGK.
rent avec M. de Brederode , l'an par le grand nombre de traités
i65o , aux états d'Utrecht, pour de paix ou d'alliance qu'il a cou-
les prier de se trouver à l'assem- clus (B). Il fut envoyé deux fois
blée extraordinaire des Provin- à Clèves l'an 1666. La première
ces-Unies qui se devait tenir à la fois, il conclut une alliance très-
Haye. Les mêmes états de Hol- étroite avec son altesse électorale
lande le députèrent en i65i , de Brandebourg (b) : la seconde ,
pour assister à cette grande as- il conclut la paix avec l'évêque
semblée des Provinces-Unies. La de Munster (c). L'année suivante,
ville de Ter^ou le députa en 1 653 revêtu du caractère d'ambassa-
à l'assemblée des états généraux, deur , il conclut avec l'Angle-
II fut envoyé la même année au terre le traité de paix de Breda
protecteur et à la république (d). Il fut envoyé l'an 1668 en
d'Angleterre , en qualité de dé- qualité d'ambassadeur extraor-
puté extraordinaire : cette qua- dinaire à Aix-la-Chapelle, pour
lité fut changée l'année d'après le traité de paix entre la France
en celle d'ambassadeur extraor- et l'Espagne; et ce traité fut con-
dinaire. Il conclut la paix entre clu le 2 de mai. On le nomma
la Hollande et l'Angleterre, le en 1668, pour aller avec le prin-
28 d'avril i654. Pendant le cours ce Maurice de Nassau sous la
de cette ambassade , on lui con- qualité d'ambassadeur extraor-
féra la charge de trésorier gêné- dinaire vers l'empereur ; mais
rai des Provinces-Unies. Il la les états généraux se ravisèrent
posséda jusqu'en i665 , et il ne à l'égard de cette ambassade. Les
tint qu'à lui de la garder plus états de Hollande donnèrent des
long-temps; car les états gêné- marques à M. de Beverningk de
raux le prièrent de continuer à leur considération pour ses îm-
êxercer cet emploi, et ne con- portans services (e). Il alla à la
sentirent àla démission qu'il leur cour d'Espagne , l'an 1671, en
demandait, qu'après avoir vu qualité d'ambassadeur extraordi-
que ni leurs raisons , ni leurs naire , pour disposer sa majesté
prières n'étaient point persua- catholique à mettre en négocia-
sses. On lui donna un témoi- tion ses différens avec la Fran-
enage très-avantageux que l'on ce : et il réussit à la satisfaction
était parfaitement satisfait de sa de ses maîtres. Il suivit en 1672
conduite , et on lui marqua en M. le prince d'Orange à l'armée
particulier l'estime que l'on avait comme député des états. Apres
pour sa personne (a). Il avait eu cela , il se voulut donner du re-
le bonheur, l'an i65c,, de con- pos : il crut qu il se devait con-
tribuer avec d'autres députés à tenter de la gloire qu il avait ac-
la cessation des différens qui quise , et qu'il s'était acquitte de
s'étaient élevés dans la province tout ce qu'un bon sujet doit a
de Groningue. On peut dire que sa patrie; mais on avait trop de
cette sorte de bonheur était at- ^ Le & de février 1666.
taché à son étoile , et cela paraît M *f \9 d'a^a 1666.
1 (d; Le Jl /mt/el 1OO7.
(a) Ce fut par le présent d'une coupe d'or (e) Us lui fient présent d'un btau servie,
émailié,tfUe le conseil d'état lui ft. de vaisselle d'argent.
BEVERININGK. 387
besoin de ses talens , pour le cette importante et laborieuse
laisser jouir de la retraite ou il commission. Ou ne saurait dire
voulait vivre. Les instances re- les obstacles qu'il lui fallut vain-
doiiblées des états et de M. le cre : une adresse , une expérience
prince d'Orange l'obligèrent en moins consommée que la sienne
it>7 3 à s'engager à l'une des plus n'en seraient jamais venues à
importantes négociations qui se bout; car, excepté les ambassa-
fussent encore présentées. Je par- deurs de France, presque tous
le des conférences de Cologne, les autres travaillaient incompa-
On avait d'abord choisi la ville rablement plus à éloigner le trai-
d'Aix-la-Chapelle , pour y négo- té de paix, qu'à l'avancer. Néan-
cier la paix entre les princes qui moins , depuis la prise de Gand ,
étaient alors en guerre ; mais il semblait que la paix était de-
l'on trouva plus à propos d'aller venue pour le moins un mal né-
à Cologne. M. de Beverningk y cessaire à la Hollande , et les
parut avec le caractère d'ambas- peuples comprenaient si bien les
sadeur extraordinaire. L'enlève- suites funestes que la prise de
ment du prince de Furstemberg cette place pouvait avoir, qu'ils
eut tout l'effet que l'on avait souhaitaient ardemment la fin
attendu de ce coup bardi ; savoir de la guerre. M. de Beverningk
la rupture des conférences par eut ordre d'aller trouver le roi
rapport à la France. On ne laissa de France à son camp de Wette-
pas de négocier avec les alliés de ren rg) , et on ne douta plus ,
cette couronne ; et on le fit avec après la réception qui lui fut fai-
toute sorte de succès ; car M. de te (C) , que la paix ne se conclût.
Beverningk ramena dans l'ai tiaii- Ellefuteneffetsignéele lod'aoùt
ce des états généraux l'électeur 1678 entre la France et la îlol-
de Cologne, et l'évèque de Mun- lande; après quoi , M. de Bever-
ster {f). H fut fait curateur de ningk servit efficacement de nié—
l'académie de Leyde , l'an 1670. diateur pour faire conclure celle
C'est une charge qui ne se donne de la France avec l'Espagne le
ordinairement qu'à ceux qui ont 11 septembre de la même année,
servi la patrie dans de grands II conclut aussi un traité de paix
emplois. Lorsqu'il crut jouir du et de commerce entre la Suède
repos qu'il cherchait depuis long- et les états généraux le 1 2 d'oc-
temps , il se vit plongé dans la tobre 1679. Ce fut après tant de
plus pénible de toutes les négo- glorieuses et tant d'heureuses
dations : on le sollicita si instam- négociations, qu'il goûta enfin
ment d'aller à Nimègue comme la vie tranquille qu'il avait tant
ambassadeur plénipotentiaire de souhaitée. J 1 se retira dans une
la république pour la paix gêné- belle seigneurie qu'il avait à une
raie, qu'après s'en être excusé petite lieue de Leyde 'h), ou il
plus d'une fois, il ne put refuser s'occupa principalement à la cul-
ture de toutes sortes de plantes
(,/) Le traité de paix avec l'évèque de qu'il faisait venir de tous les. eu-
Munster , fut signé le 22 d'avril 167^1 el
celui avec l' électeur de Cologne, le 11 de (g) Il y arriva le 3o mai 1 1>"8.
mai suivant. ''. Elle a nom Oud-Teiliogt».
388 BEVERNINGK.
droits du monde. Mais cette rait voir. Il a toujours réussi
agréable et innocente occupation, dans ses négociations : c'est une
si semblable à celle que de grands gloire dont on ne trouve presque
princes ont fait succéder aux point d'exemple parmi ceux qui
triomphes et au gouvernement ont eu tant d'affaires publiques
de l'état, ne l'empêchait point à manier. Il était laborieux et
de travailler pour la république adroit, et ne se rebutait de rien
des lettres. 11 remplissait avec (/). Les écrivains de France , et
beaucoup de vigilance sa fonction ceux de Hollande s'accordent à
de curateur de l'académie. Il lui donner de grands éloges. J'en
sentit les commencemens de sa pourrais alléguer beaucoup de
dernière maladie peu après avoir preuves ; mais il suffira de pro-
passé une matinée à voir les ma- duire ce qu'ont dit de lui M. de
nuscrits de la fameuse bibliothé- Wicquefort (E) , et M. de Saint-
qued'Isâc\ossius, qui avait été Didier (F). Pour ce qui est de
achetée depuis peu pour l'uni- M. Temple, il fait paraître un
versité de Hollande (i). Il ne fut peu de chagrin de la signature
pas plus tôt remonté dans son car- de Nirnègue , mais il ne laisse
rosse , qu'il frissonna. Ce furent pas d'avouer que M. de Bever-
les commencemens d'une fièvre ningk apaisa les murmures de
qui devint plus forte de jour en ses ennemis (m). Il aurait pu di-
jour, et qui l'emporta le ôo d'oc- re que messieurs d'Amsterdam
tobre 1690, à l'âge de soixante- lui écrivirent une lettre très-
seize ans. Madame sa femme lui obligeante , pour le remercier
a survécu ( k) : il n'en eut jamais de la conclusion de la paix (>?).
d'enfans; de sorte que , comme Ils l'assurèrent qu'ils avaient tra-
il était fils unique, il ne reste vaille fortement auprès des mem-
personne qui porte son nom en bres des états de Hollande, pour
ce pays-ci. Il fut enterré à Ter- qu'il fût employé à cette négo-
gou, dans une chapelle de marbre dation. Ils savaient bien qtï'il
qu'il avait fait faire. Messieurs fallait un homme tel que lui ,
ses narens y ont fait graver son pour la faire réussir. La ville
épitaphe sur une pierre de tou- où il était né lui témoigna en
che. C'est une fort belle inscrip- cette rencontre combien ellel'es-
tion : on la verra toute entière timait. Messieurs de Tergou lui
dans les remarques CD). Elle con- firent présent de deux chenets
tient en abrégé une vie qui pour- d'argent l'année 1679 , en consi-
rait remplir un juste volume; et dération du dernier traité de
si M. de Beverningk avait pris paix, et pour d'autres services
la peine de composer des mémoi- importans rendus à l'état et à la
res touchant ses ambassades, ce ville.
Serait un livre le plus instructif ,[^ Tiré de Mémoires venus et ramassés de
et le plus curieux que l'on sau- bon heu.
1 x (m) Mémoires, pag. 417, édition de la
(i) C'est celle de Ley de. Haye, en 1692.
{k) Elle naquit à Amsterdam, le II de (n) Elle est datée du \\ d'août 1678.
mai i(jj5 , et s'appelle Jeanne le Gillon. ' . . .
Elle est originaire d'une famille noble de (A) U était originaire a une maison
Picardie* noble de Prusse. ] Jeaw de JJeVER-
BEVERNINGK.
38g
singk , son aïeul, gentilhomme de
Prusse , vint en Hollande l'an 1675 ,
avec le comle de Hohenlo. Les états
lui donnèrent une compagnie d'in-
fanterie. 11 devint ensuite lieutenant
générai de l'artillerie. 11 épousa la
iille de Dirck Loncq , bourgmes-
tre de la ville de Tcrgou , et tréso-
rier général de la province de Hollan-
de. De ce mariage sortit Melchior de
Beverningk , capitaine d'infanterie au
service des états généraux , et com-
mandant aux châteaux d'Argenteau et
de Dalem. 11 se maria avec Sibylle
Standert , tille de Léonard Standert,
» sotte crainte qu'il a pour M. Pa-
» tins , quen cas qu'il vienne a pas-
» ser par la Suisse, il n en échappe
» pas à fort bon marché Je m'assure
» que si cela arrivait qu'il passât par
» ce pays, messieurs les Suisses , tant
» des cantons protestante, que desca-
» tholiques romains , le recevraient
» avec leur civilité ordinaire, et avec
» le respect dû à son caractère et à
» son grand mérite , et qu'ils lui fe-
» raient des remercîmens solennels
» pour avoir tant contribué à la con-
» servation de la religion , et pour
» la liberf'é de l'Europe. » Voilà ce
écuyer , capitaine d'infanterie , et qu'on trouve dans une Réponse qui
gouverneur de Knodsenbourg , vis- fut faite aux Lettres de M. Stoupe sur
à-vis de Nimègue , et de Catherine la religion des Hollandais (2).
Haussait, iille de François Haussait , (C) // alla trouver le roi de Fran-
chambellan de la reine de Hongrie, ce, et l'on ne douta plus de la paix.
Notre M. de Beverningk est sorti du après lu réception qui lui fut faite.']
mariage de Melchior de Beverningk Voyez la réponse que le roi de Fran-
et de Sibylle Standert. ce ht à la lettre de messieurs les états
(B) Le bonheur de faire cesser les généraux , et le mémoire qu'il fit li-
dijjércris était attache a son étoile : ce- Vrer à M. de Beverningk avec la mê-
la parait par le grand nombre de rne réponse. Tout y facilite l'avance-
traités de paix ou d'alliance qu'il a ment de la paix : le style en est doux
conclus. ] Vous allez voir un passage et honnête , et l'on y fait bien des
qui , dans une longue parenthèse , avances. Chacun s'en peut convain-
dous commentera ceci. « M. Pari us cre (3). 11 y eut dans cette ambas-
}> (1) étant ambassadeur en Espagne , sade une circonstance particulière
» et ayant conservé et augmenté, par qui n'est point connue , et qui méii-
» sa grande capacité, dans l'esprit te de l'être. Elle témoigne d un côté
« de la reine et du conseil d'Espagne la distinction avec laquelle le roi de
v lessalutairesimpressionsqueM.de France considérait la personne qui
h Beverningk ( homme né pour faire lui avait été envoyée : et de l'autre ,
» la paix dans le monde, l'ayant don- avec quels principes d'honneur et de
» née du temps de Cromwel , et puis désintéressement M. de Beverningk se
)> après à Breda, aux Anglais et aux conduisait. Lorsqu'il partit de Wet-
j> Hollandais; à Clèves , à l'evèque teren , le roi lui voulut faire présent
» de Munster ; à Aix-la-Chapelle , de deux portraits de sa majesté enri-
}> aux Français et Espagnols; et tout chis de pierreries», qui valaient cha-
» nouvellement à Cologne, à l'ar- cun environ huit mille francs. D'ordi-
» chevêque de Cologne et à l'évè- nairc, on ne donne pas deux portraits.
» que de Munster, et n'ayant pas mais un. Il répondit à celui qui lui
» peu contribué à la paix faite depuis voulait donner ce présent de la part
v peu avec l'Angleterre , et qui pour du roi , qu'il remerciait sa majesté de
» ce sujet pourrait porter avec justice cet honneur; mais qu'il ne trouvait
» le nom de pacifique ) leur avait pas à propos de 1 accepter. 11 ne lais-
v données pour s'opposer de bonne sa pas de faire un présent au porteur
» heure, par des moyens justes et des deux portraits, connue mI les
» eflicacieux , à l'ambition ue.s Fran-
» cais , Stoupe ne sait comment s 1 0
» venger autrement qu'en le calom-
» niant, et en l'accusant faussement
m d'être arminien. C'est encore une
eût acceptés. La lettre du roi aux
(1) Il fallait dire Paets. C'est cclu: dont je
parle dans la nols (m) de l'article Saijictes ,
remarque (F).
(i) Cell- Réponse a pour titre : la Véritable
Religion des Hollandais, et fui imprimée à Am-
sterdam, en 1675, ùi-ia. fujei-en les pages
234 et a35.
(3) Tout cela est insère' dans la II*, parti--
du II'. tome des Actes et Mémoires des Réc i
ciattOQS de la paix de Xtinègue, petg. t\i~ , c'dit.
•i' .-imiter I. en 1680.
39°
BEVERNINGK.
c'tats porte que la conduite et la per-
sonne du sieur de Beverningk lui ont,
été très-agréables.
(Dj On verra son épitaphe toute en-
tière dans les remarques. ] La voici :
on observe la même situation des li-
gnes qui est dans l'original.
Perillustris. ac generosus. vir
HIERONVMUS. VAN. BEVERNINGK.
Theilingîe. Toparcba
Senator. Judex. Consul. Goudanus
In. consessu. pra'pot: ord: gen: Assessor
Idem, aliquot-es. extra, ordio:
Communi. Bi-lgica-. Fœd : œrario. Praefectns
Lycei Batavorum. Gurator.
In. Hispan: et. Fced: Belg: finibus. regundis.
Adjutor
Legalus. Willielmo III. in. exercitu. datus
V> e.stmonaslerimn. Ciiviam. II. Bredam
Aqui.'granum. Bruxellas. Madritum
Coloniam Agrippj'Noviomagum
Ad. Gall: ittm. Regern
Wettera;. Morinorum castra liabentem
Cum potestate. res. componendi. mîssus
Ad. Caisarem. vero. designatus. Orator.
Re. nisj. perfectâ. nunquàm. reversus.
De maximi. prœterca momenti. rébus- domi.
I>e amici tus. parandis
Et. feederibus. pangrndis. foris
A. Palri.-e. Patribus. passiru
Féliciter consultas, et adlubitus
Natus. Gouda;, xxv. April. mdcxiv.
Mortuus The.lingse. xxx octob : mdcxc.
Salur. I onoruni
Hoc. monumeuto. condilur
Cnm
Optirûa. vilae. fnrhiuarnni que. socia
Joanna. Le. Gillon
Nata. Amst. xi. maji. mdcxxxv
Mortua.
0ANATn. ETANTES. O*EIAOME0A.
(E) Voici ce qu'ont dit de lui M . de
Wicquejort ] « Hiérome Bever-
j) ningk est sans doute un des pre-
i) raiers hommes des Provinces-Unies
3) pour la négociation. La ville de
j> Goude , qui d'ailleurs ne manque
■)> pas de grands sujets , l'a députe
}> plus d'une fois aux assemblées des
3> états de la province de Hollande ,
» et aux collèges de la généralité, et
3> il a toujours parfaitement bien ré-
î) pondu à ce qu'on pouvait se pro-
i> mettre de son habileté. Ce fut lui
» qui, en l'an iG54, fit, avec Olivier
3) Cromwel , le traité qui donna la
i> paix aux Provinces Unies ; mais qui
3> faillit à !es jeter dans une guerre
v civile, à cause des intérêts du prin-
» ce d'Orange qui , selon l'avis de
3> quelques uns^n'y avaient pasété bien
3) ménagés. La Hollande, en son par-
» ticulier, fut tellement satisfaite du
service qu'il lui rendit en cette ren-
contre , qu'elle lui fit donner la
charge de trésorier général , c'est-
à dire , de premier ministre des
Provinces-Unies. H n'y a point d'af-
faire si difficile qu'il ne démêle
lorsqu'il s'y veut appliquer Si on
en veut des preuves, il ne faut que
voir le traité qu'il fit conclure à
Clèves avec l'évêque de Munster ,
en l'an 1666 : et il n'a pas moins
heureusement négocié à Madrid ,
touchant les importans intérêts des
provinces de Flandre. S'il n'a pas
réussi à Cologne , il s'en faut pren-
dre à la mauvaise disposition des
esprits , et à la méchante conjonc-
ture des allaires, plutôt qu'à sa ma-
nière d'agir , qui s'est toujours son-
tenue avec la même force. Aussi
lui a-t-on confié toute la négocia-
tion qui s'est faite à Nimègue ; et
c'est lui que les états ont choisi
pour l'aller achever avec le roi très-
chrétien auprès de Cand. 11 se trou-
ve rebuté des emplois : de sorte
qu'au lieu que les antres les cher-
> client , il les fuit ; aimant mieux se
> posséder dans sa solitude champê-
> tre , que de nourrir le chagrin que
> les allaires lui donnent, et qui bien
> souvent ne lui est pas moins in-
> commode qu'à ceux qui ont à né-
> gocier avec lui. Pour faire le caraç-
> tère de M. de Beverningk , il fau-
•> drait une autre plume que la mien-
ne , parce qu'à en bien examiner
toutes les parties , il se trouvera
que, sans une petite inégalité qui se
rencontre en son humeur, il n'y a
rien qui ne soit achevé (4). »
(F) et M. de Saint-Didier ]
De tous les endroits où cet auteur par-
le de M. de Pieverningk , je n'en choi-
sirai que ces trois. « Le prompt re-
» tour de M. de Beverningk, que cette
» nouvelle (5) fit partir de chez lui
» pour se rendre en diligence à Ni-
3) mègue , confirmait la conjecture
s» qu'on avait d'un accommodement
j> particulier de la Hollande avec la
» Fiance. Cet ambassadeur paraissait
» si affectionné aux véritables intérêts
» de sa patrie , que , s'il y avait quel-
3> que négociation particulière à at-
j> tendre , ce ne pouvait être que par
(4) Wicquef. , Traité de l'Ambassadeur , lom.
II , pag. 443.
(5) // entend celle de la bataille de Cassel.
BEZANITES. 3gi
» ce moyen (6)...... C'est un homme s'il faut en croire Pratéolus (b) ,
3> qui a lespnl vit, qui connaît le :i „»'i • „ 1 •■
» bien , et qui y va toujours par la lj S f ev* un<; Secte S0US * emP,re
» voie la plus droite. 11 est applique de Charles V, et sous le pontifi-
» et laborieux. Il a été employé par cat de Jules III, environ l'an
» les états dans plusieurs ambassades, , 550 (c) laquelle on nomma les
j> et dans tous les traites qui se sont / / -, x , , .
» faits depuis i65o ; mais il aime la bezamtes > °u le* btzaniens , a
» retraite, et ce fut avec quelque sor- cause de Théodore de Bèze. Tou-
3> te de chagrin qu'il quitta la mai- te la preuve qu'il en pourrait
3, son de campagne qu'il a auprès de rapporter serait qu'on a lu ce-
3> Leyde, pour aller a JNimegue (7) 1 V ,. , \. ,
» M. de Deverningk est un homme |a dans un livre de Lindanus : car
» qui n'est pas moins habile qu'expé- il est vrai que Lindanus le débi-
» ditif (8). 3) te (d), mais sans citer qui que ce
(6) Histoire des Négociations de Nimèguc, loin. SOlt. Ce qu'il y a de fort SUl" est
I , pag. ni, à l'an 16-7. > 1 -i
\y) Zk'iièmg, pag. 187. quon ne hasarderait pas une
(8) ih même, tvm.n,Pag. 29. maille, si l'on consignait cent
BEZANITES, ouBÉZA- millions pour être donnés à ceux
N I E N S , secte imaginaire , qui <Iui pourraient prouver qu'il y a
n'a jamais subsisté que dans la eu an XVIe. siècle quelques per-
tête de quelques faiseurs de cata- sonnes qui , en qualité de dia-
logues d'hérétiques. On aurait ciples de Théodore de Bèze , ont
lieu de s'étonner que des écrits fait secte à part. On peut faire le
aussi absurdes que le sont ces ca- même défi à l'égard d'un très-
talogues n'aient pas été suppri- grand nombre d'autres sectes qui
mes dès leur naissance par les remplissent l'alphabet de Pratéo-
personnes d'autorité : on aurait ms- Peut-être que la principale
lieu , dis-je , de s'en étonner , si cause, qui le porta à faire men-
l'on ne savait que ces personnes tlon de la préfendue secte des
d'autorité sont bien souvent les bézanites , fut l'envie de donner
moins éclairées , et les plus per- pour ornementa son ouvrage les
suadées de la mauvaise maxime , médisancesque l'on publiait con-
qit on peut se servir indifférent- tre Théodore de Bèze (A). Si,
ment , ou de la fraude , ou de la au lieu de récompenser Linda-
bravoure, contre l'ennemi ; m,s> on l'avait châtié de ses inm-
...Dolus an virtus quis in hoste requi- SOnges (B) , il n'eût pas été copié
iat M ? par tant de gens , dont sans dou-
Ces personnes ne voyaient pas te le plus ridicule est un char-
que ces catalogues , étant rem- treux d'Allemagne (C).
plis d'impertinences et de faus-
.' . • , >. • (b) In Elenclio li<trclicorum , / ~oce Bozani-
setes notoires , n étaient pro- (!E, j,«». 93.
près qu'à donner aux hérétiques • ' '" ' temps-lit, Bézc n'était point mi-
un très-grand mépris pour les JJj»? *'*** *'" '*#"*** m lmBut
écrivains du gros de l'arbre : <l Lindanus, Dubitaotii dialogo H , pày.
elles ne considéraient que le pro-
fit qui naîtrait de ce que les hé- (A) Pratéolus n'a peut-être parlé da
rétiques seraient crus divisés eu bèzaniens que jour ramasser les mé-
mille sectes. Quoi qu'il en soit , ^TSf' \n &""""' c0.ntre ''' " "
^ l ' dore de heze. \ Jla conjecture paraî-
« Virg. S.a. , hb. il. vs. 390. tra fort vraisemblable à tous ceux qui
392
BÉZANITES.
prendront garde que Prateolus n'ayant sa Table Chronographique, fonde' sur
eu que cinq ou six lignes à donner à le témoignage de Prateolus. Si ce n'est
ses prétendus bézanites, a rempli sept pas son unique auteur, c'est du moins
ou huit pages de tout ce qu'il a trou- la principale et la capitale de ses au-
vé de pius flétrissant contre ce célè- torités. Cent auteurs ont parlé et par-
bre ministre , dans les écrits de Lin- lent de ces même» sectes sur la foi de
danus , de Claude de Saintes et de ce jésuite. Voyez l'immense et affreuse
Jean le Vieil. 11 empoisonne même ce propagation du péché d'un seul écri-
qu'il prend d'eux ; car ii le rapporte vain , je veux dire de Lindanus. Et,
infidèlement. J'en vais donner un quand on songe que cet auteur, par-
exemple. Lindanus avait cité Pierre venu à un petit évêché, monta ensuite
Viret , qui a dit que certains régens à un plus grand , et reçut à Rome de
se plaisaient à répéter mille fois à grands honneurs (4) ; et qu'entre tous
leurs écoliers, que celui-là était heu- les supérieurs auxquels il devait ren-
reux qui avait pu mettre sous ses dre compte de sa conduite , il ne s'en
peids la crainte même de la mort et est pas trouvé un seul qui l'ait censu-
des peines infernales. C'est un passage ré de la hardiesse avec laquelle il s'é-
de Virgile. Testalur P. Virelus lib. 2 tait érigé en créateur d'une infinité
de miriist. vetbi esse quosdam ludi- de sectes (5); on ne s'étonne plus qu'il
magislros ex Mo fïpicuri grege pnreos, y ait tant de menteurs parmi ceux
qui in scholis solcant suis sœpè scho-
lasticis occinere illum t'erè beatum qui,
uti est apud Vtrgilium ,
Metus omtn's et inexorabile fatum
Subjecit pedibus, strepitumque Acherontisava-
ti (1).
( Georg. II , 4f)i. )
qui se mêlent de controverse. Si les
supérieurs de Lindanus avaieut exigé
de lui qu'il prouvât que certains dis-
ciples de Bèze , distincts de ceux de
Calvin, et de ceux des autres réforma-
teurs , avaient formé un corps petit
ou grand qui se sépara des autres sec-
Lindanus ajoute que Bèze s'était ren- taires ; et si , faute d'en donner de
du suspect d'un semblable épicuréis- bonnes preuves, ils l'avaient condam-
me parmi les siens , comme ses cou- ne' à la peiue des imposteurs publics ,
frères de Pans et d'Orléans le térnoi- et l'avaient déclaré inhabile à manier
gnent. Qu'a fait Prateolus? lia sou- ]es choses saintes, ils auraient établi
tenu que Lindanus dit que Théo- mi exemple qui aurait fait rentrer en
dore de Bèze , lorsqu'il était maître eux-mêmes tous les écrivains crédu-
d'école, répétait souvent à ses éco- \es ou fourbes, qui débitent tant de
hers ce passage de Virgile (2). N'est-ce faussetés. Mais , bien loin de lui faire
point falsifier un auteur? Aprèscela , des affaires, ils le regardèrent com-
Lindanus , qui jusque-là n'avait rien me un vaillant champion de la cause
cité contre Théodore de Bèze , cite uu catholique , et l'élevèrent de plus en
certain Fabricius (3) , qui accuse ce p|us. Qui se ferait après cela une re-
ministre d'avoir vendu ses bénéfices , H^ion Je ne point calomnier les héré-
et d aimer excessivement le sexe. Be- tiques? Peu s'en faut qu'on ne puisse
nejicia ecctesuistica publiée ven- apostropher cet auteur avec ces paro-
deret , et aliénas uxores perrnoleret les d'Horace :
tam familiarité/' ut publions mnlrona-
7'umhaberetur maritus. Cela est bientôt
dit ; mais où en sont les preuves ?
(B) Au lieu de récompenser Linda-
nus , on devait le châtier de ses men-
songes. ] C'est un fait constant que
Prateolus a rangé selou l'ordre alpha-
bétique un très-grand nombre de sec-
tes qui n'ont jamais existé , et qu'il
n'a point eu d autre garant que Lin-
danus. Un jésuite , nommé le père
Gaultier, étala ces mêmes sectes dans
(1) Lindanus , Dubitantii dialogo II , p. i!&.
(2) Piateol. , in Elencbo Majrelic. , pag. 94.
(3) MicU. Fabricius pro Franc. Balduino.
Vlla si juris libi pejerati
Pana , Barine , nocuisset unquhm ;
Dénie si nigro fieres , vel uno
Turpior lingue ;
Crederem. Sed tu sitnul obligtîsli
P^r/idutn volts capul , enitescis
Pulchriur multo , juvenurnque prodis
Pubttca cm a.
Expedit mains cineres operlos
Fallere , et tolo lacilurna noclis
Signa cum cœlo . geliddque divas
Morte carentes [G).
(4) Valer. Andréas , Bibl. bclg. , pag. 323 ,
324.
(5) Il les tira du néant, il les fil de rien : Es
nibiio sui et ex nibilo subjecti. Cal ce qu'on
appelle créer.
(6)Horat.,Od. VIH librill.
BÈ
îî y a une autre réflexion à faire, qui
serait bien digne d'être pesée. Je crois
aisément que s'il eût été question de
diffamer les tailleurs , ou telle autre
brandie du corps des métiers d'une
ville impériale, Lindanus n'aurait
voulu rien affirmer publiquement ,
sans être certain du fait; mais, parce
qu'il s'agissait de la religion et de la
gloire de Dieu, il publia sans examen,
sans remords, tout ce qui lui monta à
la tète. De sorte qu'à le bien prendre,
le zèle des controversistes est si peu
propre à augmenter leur vertu , qu'il
ne fait qu'étouffer toutes les lumières
et tous les scrupules , qui, sur des su-
jets purement humains , les retien-
draient dans le chemin de la probité :
QDOD NOTANnUM (7).
(C) Le plus ridicule des copistes de
Lindanus est un chartreux d' Allema-
gne. ] Nommé Théodore Pétreius
Son Cata'ogus Hœrclicnrum fut im-
primé l'an 1638. Voyez ce qn'Hoorn-
beeck en a dit dans sa Summa Contro-
t'ers., pag. 3ai.
6 (7) To/e* '« remarque (0) de l'article Càtet.
BÈZE* (Théodore de), l'un des
principaux piliers de l'église ré-
formée, était de Vezelai en Bour-
gogne. Il naquit noble de père
et de mère (A) , le o.l\ de juin
1D19. A peine fut-il sevré, que
Nicolas de Bèze son oncle, con-
seiller au parlement de Paris , le
voulut avoir chez lui. Il fut élevé
chez cet. oncle, avec toute sorte
de tendresse , jusques au com-
mencement de décembre i528
(a) , qu'on l'envoya à Orléans
auprès de Melchior Wolmar, qui
avait une adresse merveilleuse
pour instruire la jeunesse. Il lo-
* La Monnoie dans le Méiiagiana de 17 1 5,
IV, 232, dit que l'ancienne ortlioçra]ilic-
dece nom e'tait Besze, et non Besj'e , comme
l'écrit Ménage dans l'Anti-Badlct , II ,
114.
{a) Antoine la Faye, de Vità et OLitu Th.
Beza:, pag. 9, anticipe ce temps et se trompe:
il dit que Bèze, âge de Cinq ans .fut donné
à élèvera tfplmar à Orléans. M. Teissier,
A ! iiit. aux Eloges de M. de ïliou, loin. Il ,
pag. 3'J2 , dit la même chose.
ZE. 393
gea pendant sept ans chez ce
Wolinar, qui lui fit faire des pro-
grès extraordinaires dans les hu-
manités, et qui lui fit des leçons
sur la religion prises de la pure
parole de Dieu (b). Cela signifie
qu'il l'élevait au protestantisme.
Wolmar avait été appelé à Bour-
ges par la reine de Navarre, pour
y enseigner la langue grecque.
Il quitta cet emploi, et s'en re-
tourna en Allemagne , sa patrie ,
l'an 1 535. Alors Bèze fut envoyé
à Orléans, pour étudier en droit.
Cette étude ne lui plut guère , il
donnait son meilleur temps à la
lecture des bons auteurs grecs et
latins , et à composer des vers.
Il en faisait de si bons , qu'il se
distingua par-là d'une façon par-
ticulière, de sorte qu'il fut aimé
et considéré de tout ce qu'il y
avait de plus docte dans l'univer-
sité d'Orléans. Tl y prit ses li-
cences, Tan i53c)(c), et s'en alla
à Paris , oii de bons revenus l'at-
tendaient (B), qui combattirent
pendant quelque temps la réso-
lution qu'il avait prise d'aller re-
joindre Wolmar , pour faire pro-
fession ouverte de la réforme.
Les plaisirs de Paris, les honneurs
qu'on lui présentait, et une in-
finité d'autres pièges de Satan ,
dit-il, n'étouffèrent point la bon-
ne semence : il n'abandonna ja-
mais la résolution de rompre
avec le papisme , quoique lés
tentations du monde le rendis-
sent irrésolu (C). II s'était pré-
(b) Verâ pietalis cognitione , ex De, .
tanquam limpidtssimo fonte petitâ, lu me
ila imbuisti ut. etc. Beza Epistolâ ad M. AVol-
marum. voycz ci-dessous la caution (c).
(c) Anno domini 153g, // Cal. âugusti .
qttum unnum œtalis vicesimum essem in~
gressiis. Beza , Euist. ad Wolmar. Il comp-
te mal : U était déjà entre dans sa vingt et
unième année
3g4 BÈZE.
cautionné contre celles de la chair lemagne, avec le caractère de dé-
par un mariage de conscience puté (G). Il eut alors la joie de
(d), c'est-à-dire, par la promes- s'aboucher avec iViélanchthon.
se qu'il fit à une personne de S'étantétablià Genève, l'an 1 55g,
l'autre sexe de l'épouser publi- il s'attacha à Calvin d'une façon
quement, dèsque les obstacles qui particulière, et devint en peu de
l'en empêchaient alors seraient temps son collègue dans l'église
levés, et en attendant de ne se et dans l'académie. Il fut envoyé
pas engager à l'état ecclésiastique, à Nérac , à l'instigation de quel—
Il exécuta fidèlement ces deux ques grands du royaume , pour
promesses, mais il fallut qu'une convertir le roi de Navarre , et
dangereuse maladie l'arrachât du pour conférer avec lui sur des
milieu despiéges qui l'attachaient choses d'importance {f). Ce fut
au bourbier. L'image affreuse lorsque MM. de Guise se furent
d'une mort prochaine lui fit re- emparés de l'autorité , sous le
nouveler avec tant de force le règne de François II , au préju-
vceu qu'il avait fait autrefois d'en- dice des princes du sang. Le roi
trer dans la profession de l'égli- de Navarre ayant témoigné, tant
se réformée , que , dès qu'il eut par lettres , que par dis députés,
recouvré assez de santé pour qu'il souhaitait que Théodore de
cheminer, il se sauva à Genève Éeze assistât au colloque de Pois-
avec cette femme. Il y arriva le sy , le sénat de Genève ne inan-
p.4 d'octobre i548; et avant que qua point d'y consentir. Onn'au-
de fixer à quoi il se destinerait , rapt pu faire choix d'une person-
il alla voir à Tubinge Melchior ne qui fût plus capable de faire
Wolmar. L'année suivante, il honneur à la causn. Bèze parlait
accepta à Lausanne la profession bien, il savait le monde , i! avait
en langue grecque; et après l'a- l'esprit présent et beaucoup d'é—
voir exercée neuf ou dix ans , il rudition. On écouta sa haiangue
s'en retourna à Genève (D) , et attentivement, jusqu'à ce qu'il
se fit recevoir ministre (e). 11 ne eût toucbé à la matière de la
se borna point pendant ces neuf présence réelle.- Une expression
ou dix ans aux leçons grecques : qu'il employa fit murmurer (H).
il en fit aussi en français sur le Dans toute lasuitede ce colloque,
Nouveau Testament (E); et cela, il se comporta en très-habile
pour l'instruction et pour la con- homme; et il ne se laissa jamais
solation de plusieurs réfugiés de surprendre aux artifices du car-
l'un et de l'autre sexe, qui de- dinal de Lorraine. Il ne retour-
meuraient à Lausanne. Il publia na point à Genève, après la clô-
divers livres pendant son séjour ture du colloque : Catherine de
dansxette ville (F) ; et, avan l que Médicis voulut qu'étant Français
de quitter la profession qu'il y il demeurât dans sa patrie. Il
exerçait , il fit un voyage en Al- prêcha souvent chez la reine de
(d Voyez les remarques (C) et (Y). (/ ) Clinique eo de relus gravissimis
{e) Tiré de l'Épîlre de'dicatûire de Rèze à communtcaret , scd potissimum ut illius ant-
Melcliior Wolmar , à la tète desa Confession iro si Detts aspirarc dignareiur , vercc reli-
defoi, qui estait commencement de ses reu- gionis gustum aliquem instillaret. Ant.
■vres in-folio, éditwndc Genève , en l582. tayus, de Vitâ etObitu Th. BeZfe, pag. XI.
BfcZE. ' 395
Navarre, chez le prince de Cou- chaque parti se vanta d'avoir
dé , et aux faubourgs de Paris, triomphé, et publia des relations
Après le massacre de Vassi (g) , victorieuses, l'èze perdit sa fem-
on le députa au roi, pour se me l'an 1 588 ; mais cette afïlic-
plaindre de cet attentat : la guer- tion domestique , quelque gran-
re civile suivit de près , pendant de qu'elle fût , ne l'empêcha pas
laquelle le prince de Condé le re- de se trouver au synode que MM.
tint auprès de lui. Bèze se trouva de Berne avaient convoqué. On y
à la bataille de Dreux comme condamna le dogme de Samuel
ministre (I). Pendant la prison rluberus * touchant notre jus-
du prince, il se tint auprès de tification devant Dieu , laquelle
l'amiral de Coligni , et ne re- consistait, selon lui, dans une
tourna à Genève qu'après la paix qualité inhérente (h). Bèze se re-
de 1 563. Il ne revit la France maria la même année, avec une
qu'en i56S. Ce fut pour aller à veuve qui lui survécut (N). Les
Yezelai ou sa présence était né- incommodités de la vieillesse
cessaire(K). Il avait fait plusieurs commencèrent à se faire sentir
livres, depuis son retour à Ge- l'an i5o->, et le contraignirent
nève, et il continua d'en publier de ne parler en public que ra-
depuis qu'il fut revenu de Veze- rement; et enfin , il désista tout-
lai (L). Il retourna encore en à-fait au commencement de l'au-
France l'an 1 5^ i , pour assister née 1600. Sa veine poétique n'e-
au synode national de la Rochel- tait point tellement tarie l'an
le, dont il fut élu modérateur. i5y7, qu'il ne fit des vers pleins
L'année suivante, il assista à de feu contre les jésuites, à l'oc—
celui de Nîmes, et s'opposa à la casion du bruit que l'on fit cou-
faction de Jean Morel , qui pro- rir qu'il était mort , et qu'avant
posait l'introduction d'une nou- que d'expirer il avait faitprofes-
velle discipline. Le prince de sion de la foi romaine (0). Les
Condé le fit venir auprès de lui derniers vers qu'il composa fu-
à Strasbourg, l'an i5y4? pour rent une votiva Gratulatio à
l'envoyer au prince Jean Casimir Henri IV, après l'accueil qu'il en
administrateur du Palatiuat ; ce reçut auprès de Genève, au mois
qui montre qu'on n'ignorait pas
»*i •«. C • » „1 „,.„ ,...^. * Joly remarque nue cône fut pas llube-
qu il savait faire autre chose que ?m J^ cJdc \lUri ou Aul)'ri qui ftll
des leCOllS et des livres La COn- condamné à Berne. C'est de ce dernier que
férence de Mombelliard le mil jwle Antome La Faye. Joly ajoute que
„ _ dans r.irticle Rotan , remarque H . Bayli
aiixprises, 1 an li>00, avec JaC— nomme Albe'ri comme condamne', cl qu'il
gues André théologien deTubiu- renvoie cependant 4 «on arlide,Bè«E « sans
a „, i i j- «voirquila mal entendu le passage de La
ge. Beze demanda que la dispute , Faye . Ba>ie donne ,,,„!, .,,;, ,ni
Se fit par des argUmeilS en for- Aubn dans la remarque (E) de l'article
me ; mais il fallut céder aux dé- 0("^e noslrd ad tribunalDt,: ,„,,,,„ ,„,,
sirs de son adversaire, qui ne naperjîdem, tanr/uam instrumentant tpto
„.„l, :.. „„, », * , ' _„_ i„, 1_:0 Chrislus iustiiia nottra apprehenditar , /<m
voulait pas être gène parles lois /<wh< J M pmUus tiJ'lin< çuum ,/„,,,„
du syllogisme. Le succès de cette et scripto a verbo r/,.,»u.«r/ justiuam nos
dispute fut comme touioursfM : ,ra"\ "i"' ' D'""' <— guaUtatemquamtam
1 f K pahhili-in in nobis inhœrentcm. rayus, ir.
/. : '■■ de mars i562. Vitâ Beue , pag. 55.
396 BÈZE.
de décembre jGoo (/*) (P). Il vé- Font accusé d'avoir eu part à l'as-
eut jusques au 1 3 d'octobre i6o5, sassinat du duc de Guise : c'est
et conserva toujours son bon ce que nous pourrons examiner
sens (Q) , et témoigna de beaux dans l'article de Poltrot*. Ils ont
sentimens de piété jusqu'au der- dit qu'il a souhaité de retourner
nier soupir. C'était un homme dans le giron du catholicisme
d'un mérite extraordinaire , et (Z). Il n'est pas vrai qu'un do-
qui rendit de très-grands servi- minicain l'ait confondu dans une
ces à son parti (Pi). Il fut exposé dispute (AA). INous verrons ail-
à cent sortes de médisances et de leurs (/) si Bolsec mérite quelque
calomnies : mais il fît voir et aux croyance.
catholiques et aux luthériens , Je crois, qu'après avoir fait la
qu'il entendait l'art de se défen- faute de publier ses Juvendia, le
dre, et qu'il avait bec et ongles, seul et unique moyen qui lui
11 eut beaucoup de part à l'es- restât de n'en point porter la
time de Scaliger (S). Je ne criti- peine, était de vivre dans un état
que M. Moréri qu'en cinq cho- très-obscur , ou très-éloigné des
ses(T). M. de Mézerai traite fort disputes de théologie ; car , sous
mal ce ministre : il adopte com- quelque figure qu'il eût brillé, il
me certain Je conte qui avait se fût fait des ennemis qui se se-
couru d'une accusation de sodo- raient prévalus de cette tache ,
mie intentée à Bèze devant le afin d'abaisser sa réputation. 11
parlement de Paris , et un autre avait principalement à craindre
conte de l'enlèvement de Candi- cela, dans quelque parti qu'il se
de femme d'un tailleur. Cela ne signalât du côté de la controver-
paraît point digne d'un historien se , et il ne faut poinldouter que,
judicieux (V). Les poésies , inti- s'il eût tourné contre ceux de la
tulées Juvenilia , ont donné lieu religion l*es mêmes armes qu'il ern-
à de grands vacarmes (X). On ne ploya contre les papistes, il ne se
peut nier qu'elles ne contien- fût trouvé des écrivains réformés
nent des vers trop libres, et peu qui l'auraient terriblement bar-
conformes à la chasteté des mu- celé sur son Audebert et sur sa
ses chrétiennes ; mais si les enne- Candide (PB). On indiquerait
mis de l'auteur avaient été rai- plus facilement celui des catho-
sonnables , ils auraient pris plu- liques romains qui l'a traité avec
tôt le parti de le louer du regret * le plus de modération , que celui
qu'il en témoigna (h) , que le qui l'a traité avec le plus de co-
parti d'empoisonner l'épigramme 1ère. Ceux qui ont marqué pour
de Candide et d'Audebert (Y). Ils lui de la retenue et de l'équité ,
(i) La Faye, pag. 6i , dit en 1599 et sont en petit nombre : ceux qui
se trompe. ont déchainé contre lui toute la
* Leducliat croit que c'est d'environ c il ■ „'*,! *.
i553 ( Joly dit .- peu après i55o),que da- fureur de leur animosite, sont
tent le* regrets de Bèze. il se fonde sur Té- innombrables; mais je ne crois
ïflde!aSt ses f*T* ''-^ A°m~ Point qu'il y en ait guère dont
menée par Fcttl troupeau, et qui est de ce i 1 J O . ,
temps-là. Joly dit qu ou trouve des lettres l'emportement soit aussi énorme
manuscrites de Bèze dans la Ijibliolhe'que ;.
publique de Sainte-Élisauell. à Breslau. * BaJle n a Pas donne cet art,cle-
(fi) Voyez la remarque \X). (I) Dans fart, de Bolsec , remarque (L).
BÈZE.
39:
que celui de l'auteur de la Doc- pour des raisons qu'il n'était pas
trine curieuse. Je rapporterai nécessaire de rapporter,
l'une de ses calomnies (CC) : elle Le feuillant Pierre de Saint-
est si étrange, qu'à peine peut- Roiuuald lui fait un procès fort
ou ajouter foi à ses propres yeux ridicule, en l'accusant de rébel-
sur un fait de cette nature. Il en lion , pour avoir donné le titre
fut publiquement censuré par un de reine de France à la reine
auteur catholique (DD) : l'affront Llizabeth (GG). Je m'étonne que
lui en demeura tout entier; mais Balzac fasse la même querelle à
il n'en eut point de honte , et il des gens dont il ne dit point le
aima mieux se servir d'une dé- nom (HH).
faite pitoyable, que de donner /a\ // >> , ,
. . l , ,J , '. 1 /rir,. T, - , (A) // naquit noble de père et de
gloire a la vente (LL). Jai lu mère. ] Son père , qui était bailli de
quelque part dans ses ouvrages , Vezelai, s'appelait Pierre de Bèze : sa
que Sturmius assurait que Théo- meDre avait nom Marie Bourdclot. P.
dore de Bèze pouvait dire véri- SfSS KiW^S'**"*
. i , nurtlelotia , utroque Uei gratta génère
tablement , je ne crois qu une nobili ( utinam vero potiùs ueri Dei
chose , cest que je ne crois rien cognitione imbuto ) et integrœ famee
(m). Quelle calomnie! il faut parente natus. Bèze , qui parle delà
.¥).'i , 1 sorte ilans une épître dédicaloire à
compter Prateolus entre les au- ™-ni'„ /tx nn ' ... LU'1'"«"e a
Wolmar (1) , nous dit
. ailleurs que ses
tcurs qui ont ete les plus dlligens ancêtres étaient riches depuis plu-
nt
ise.
copistes d'injures contre ce mi- sieurs générations, et qu'ils avaie
nistre : il n'a rien perdu de ce laisse' beaucoup de biens à rÉsli«_
e • 1111 ' ■ A uni enim ego ( ne nescias ) Dei ara-
que Surius et semblables ecn- ud non ex^achiS} non}ex „££..
vains ont ramasse (n). Le cardi- rio vel stupro, sedhoneslis avis etata-
nal de Richelieu employa dans sa fis prognatus; et ne ad allegorias tuas
Méthode quelques-unes de leurs eonfugias , scito Bezarumjamiliam,
1 • v r sl Jorte quœcunque ante ducenlos et
rapsodies. JNous terons une re- ..,,,,,/,,•., ' OI ,„ mn„„ i,n
ce tvt» umpuus annos 111 monaclios sttperstt-
marque contre lui (lr). IN OU- tiosè largita est reciperet, tant fore lo-
blions pas que Théodore de Bèze cupletem quant œgrè hodiè sese in sud
fut enterré dans le cloître de inoPj* !"el.fr ('-»)• .
^ . , r, . , • B 11 alla a lJai is , ou de bons re-
SaintrPierre , et non pas au a- yenus VaUendaienU^ u ;ivait t
metière de Plein Palaix , parce ans que son oncle le conseiller était
mort (3) ; mais un autre oncle, abbé
de Froidmond, n'avait pas moins d'a-
mitié p >ur ce neveu. Il songeait ù lui
résigner son abbaye, qui valait quin
ze nulle livres de rente : cela, joint
à deux autres bons bénéfices , dont
Bèze était déjà pourvu , et. qu'on lui
avait procurés ..ms qu'il en sot rien,
l'eût mis en fort belle passe. Hue ac-
cedebat quod duobus pinguibus et opi-
que les Savoj siens s'étaient van-
tés qu ils le viendroient déterrer,
pour l'envoyer à Rome (0). La
Faye dit que l'on eu usa ainsi
(/n) Notez que Bèze , A pot. I ad Ciaudium
de Xaintrs, Oper. tom. II, pag. 2y^ , dit
cela de François Baudouin, Vir sanè
nullius fidei , ut tanquam alter Socrate; verè
possit illud usurpare , Mue unum credo qitbd "lls beneficus me ultoqui macrum ado
ni/ni credo.
(n) Voyez son Elenrhus alphabeticus Hse-
reticorum , et son Hist. de l'elat et succès de
l'Eglise, dressée en forme de chronique , et
imprimée à Paris, l'an i583 , en deux volu-
mes m- folio.
(o) Spon, Hist. de Genève, pag. 357-
(1) C'est celle de ta Confe-sion de foi , qu'il
publia en latin l'an 1SG0. f\i e: la ci.alion (e)
de cet article, pa%. 3rj4-
(2) liera , ad Ciaudium de Saintes Apolog. al-
téra, sitbjin.
(S) Vrrliriden , qui le fait encore vivant. , paçt
•joq, se h
3gS BÈ
lescentem et prœtereh , quod verè tes-
lor , istarum rerum prorsus ignarum
et absentent onerdt ant , quorum vecti-
galia aureos coronatos annuos plus
minus septingentos œquabunt ($). Ou-
tre cela , son frèie aîné n'en pouvait
plus : c'était un homme confisque': la
succession à ses bénéfices était une
espérance prochaine. Il mourut effec-
tivement bientôt après , et cette mort
augmenta notablement les revenus de
Théodore de Bèze. Ex fralris morte
auctiores mihi reditus essentjacti (5).
11 est aisé déjuger qu'un jeune hom-
me si bien établi déjà , et qui avait
de si grands dons, beaucoup d'amis
et de parens , et une réputation peu
commune, bâtie sur le succès des vers
latins que le public avait vus de lui,
se pouvait promettre toutes sortes d'a-
vancemens. Quumque mihi prœter il-
la impedimenta quœ antè commemo-
ravi, triplicem laqueum Satanas cir-
cumdedisset, nenipe uoluptatum illece-
bras quœ sunl in ed civitate maxintœ :
gloriolœ dulcedinem , quant ego non
parlant , ex meorum prœsertim epi-
grammatum editione , ipsius quoque
M. Antonii Flaminii doclissimi poë-
tœ, et quidem ftali, judicio eram con-
sequutus : spem denique maximorum
honorum mihi propositam, ad quos ex
ipsis aulicis proceribus aliquol me vo-
cabant , incitabant amici , pater et pa-
truus hortari non desinebant : t'Omit
Deus Opt. Max. ut tandem ex his
quoque periculis évadèrent (6).
(C) Les tentations du monde le ren-
dirent irrésolu. ] Cela ne doit pas nous
étonner. A cet âge-là , un bel esprit ,
bien fait de corps, et qui a de quoi se
bien divertir, résiste avec peine aux
tentations. La femme que Théodore
de Bèze entretenait sous promesse de
mariage avait beau lui parler de no-
ces, le revenu des bénéfices, auquel il
eût fallu renoncer, réfutait fortement
toutes ses instances. On croit facile-
ment ce que Bèze dit là-dessus. Mais la
force qu'il eut enfin de rompre cette
ligature ene.it d'autant plus admira-
ble. Quit.it mihi et jwem et à meis
otio , pétunia , rébus denique omni-
bus potiùs quant consilio , abundanti ,
Satatias omnia illa impedimenta dere-
peniè objecisset , fateor nie inani illa-
(4) Beza , Epist. ad Melcliior. Wolmar.
(5/ Ibidem.
\G) Idem, ibidem
ZE.
runt rerum splendore et yanis blandi-
tiis ita fuisse pellectum , ut me totum
hue et illuc abripi facile paierer
Uxorem mihi despondi , sed clam , id
tamen fateor et uno tanlùn et altero
expiis amicis eonscio , pariim ne cœte-
ros offenderem, partim quod adhuc non
satis possem a sceleratd illd pecuniâ
quant ex sacerdotiis , de quibus anle
dix i , percipiebam ut impunis canis ab
uncto corio absterreri Ego tum in-
lertà seniper in luto hœrere , instantt-
bus meis ut tandem ce rlum aliquod vi-
tœ genus amplecterer , et patruo mihi
omnia dej trente , adeb ut quiint unâ
ex parte me preineret conscientia , et
cnnjux de promisso appellaret : ex al-
téra veto persontitus Satan mihi placi-
dissimo vullu blandiretur, et ex f rat ris
morte auctiores mihi reditus essentfac-
ti, quasi omnis consilii inops interistas
aninti curas jacerem (7).
(D) Après avoir exercé a Lausanne
neuf ou dix ans la profession en
grec , il s'en retourna h Genève. ]
Voici ce qu'il dit lui-même dans sa
Réponse à Claude de Saintes : IVovem
circàer annos grœcas Ulleras docuisse
(8). Antoine la Faye s'est servi du
nombre rond : il a parlé de dix ans
entiers. Inciderunt postea tempora
quœ Bezam ad migrandum Lausannd,
ubi decem annos inlegros hœserat
grœca docendi munere defungens ,
induxerunt (9). Bèze, dans un autre
endroit de ses livres , raconte que de
Lausanne il retourna à Genève au
bout de dix ans. Inde vero tandem ,
id est posl annum decimum..., in hanc
urbem ilerùnt in placidissimum por-
tum redii (10). Ni lui, ni la Faye
n'ont pas jugé à propos de nous expli-
quer toutes les raisons de cette sortie
de Lausanne : ce qu'ils en disent ne
laisse pas de nons faire soupçonner
qu'il y eut là je ne sais quoi qui serait
propre à des anecdotes. Inciderunt
tempora que Bezam ad migrandum
Lausannd . . . induxerunt ( 1 1 ) . Inde. . .
pariim quod meipsum cuperem theo-
logiœ totum consecrare , pariim alias
ob causas quas nihil hic atlinel com-
memorare . . . in hanc urbem . . . redii
(7) Idem , ibid.
(8) Beza , Apologiâ altéra , pag. 35g.
(9) Ant. Fayus, in Vitâ Beza; , pag. 18.
(10) Beza, E[)ist. deilicator. ad Melchior
Wolmar.
(11) Fayus , in Vilâ Bcite, pag. 18.
BÈZE.
399
(E) H fit des leçons en français sur
le Nouveau Testament. J 11 choisit
d'abord l'Epître aux Romains, et puis
celles de saint Pierre. Ce furent
comme les semences et comme les
(11). Ses ennemis, qui faisaient d'une
mouche un éléphant, publièrent qu'il
avait été chassé de cette ville. Voyez
Lindanus , à la page i52 du IIe. dia-
logue de son Oubitantius , et Bau-
douin dans sa IIIe. réponse , folio préparatifs de ce grand ouvrage qu'il
146 verso, où il dit, docuii Lausannœ publia quelque temps après je veux
mtiltis annis .... Mine turpiter atque dire de sa traduction latine du Nou-
ignominiosè pulsus. Cela était faux; veau Testament avec des Notes. 11 y re-
mais il y eut quelque chose que je ne toucha plusieurs fois ; il y fit bien des
sais point , qui donna lieu à ce men- corrections. C'est à ceux qui ignorent
songe An reste, M. Teissier a pris la difficulté de ce travail à trouver
l'un pour l'autre, quand il a dit que étrange qu'à chaque édition on y ait
Bèze exerça pendant dix ans à Lau- changé quelque chose, lllas tamen
.unie la charge de professeur en phi- aliquoties emendalas ah ipso miiabitur
losophie (i3). nemo qui operis dijfficultatem cum
Un de mes amis d4), professeur dignitate conjunctam ut decet perpen-
celèbre à Lausanne, ayant lu ce qu'on derit (17). Il est vrai que cela faisait
vient de lire, prit la peine de recher-
cher ce qui pourrait me fournir quel-
ques éclaircissemuus ; mais ses re-
cherches furent inutiles , et ne'au-
qiiclque peine à ceux qui s'étaient
servis des premières éditions : ils
craignaient toujours qu'il n'en vînt
une nouvelle, qui renversât ce qu'ils
moins l'extrait que je vais donner île avaient regardé comme certain • mai
se fâcher de cela , c'est se fAcher con-
tre la nature, qui a voulu que nos lu-
mières fussent très-bornées , et qu'elles
s'augmentassent peu à peu. On lit de
cruels reproches à Théodore de Bèze
sur ce sujet. Nisi quis septies tuas
Novi Testamenti edttiones emal, nés-
ciet quid ajas , aut quid neges. Me-
mini lypographum eruditum Hiero-
nymuni Çomrnelimtm hoc nuhi antè
decennium durisse, quai erebrd mu-
talinne ennsilii hoc tanlitm adeptus es
ut plurinu nihili faciant Pfovum Tes-
tament uni titlerd lœsum atque sensu
» honorable du souverain , bond cum fUxiloquum. Elolim quidam doctor
» veniâ amplissimi magislratûs Ber- Cantabr'igiensis niihi rrtu/u , quôd
Cantabrigiœ plures aversati sunt reli~
gionem ducti p<r te ad credendum
quod Novum Tcstamentum deprava-
lum e>t , sicut per Edwardum Livile-
lettre est de conséquence. « Je
» croyais pouvoir vous envoyer quel-
» que éclaircissement sur la vie de
« M de Bèze , et principalement sur
» sa sortie de cette académie pour
» aller à Genève. Vous laissez sentir
» qu'il y a là quelque chose de caché.
» Je sais bien que Ion a dit , et même
3) un auteur dont le nom m'est écha-
» pé a écrit que c'était pour avoir
» fait un enfant à sa servante. Ce-
» pendant , si cela était , on l'au-
» rait su à Genève comme ici ; il
ne serait pas sorti avec un congé
» nensis , comme il le dit dans son
» Epître à son précepteur Wolrnar ;
» et enfin , il ne serait pas venu com-
» me il faisait toutes les années à
ausanne, et n'y aurait pas été si jum quod foetus ulceratum (18).
» bien reçu. On lui faisait tant d'hon-
» neur que le conseil lui allait tou-
» jours au-devant , comme nos mé-
» moires en font. foi. » Je ne saurais
dire si l'auteur dont on ne se souvint
pas était Rehoul (i5), cet écrivain
satirique, rpii fut décapité à home ,
pour ses pasquinades (îGj.
(ia) Ben, Epist. dedicator. ad Wolraâr.
Voyez la remarque (FF) île l'article de Calvin.
(i3) Addit. à M. de Thou , tout. Il , pag. 3(53.
('h) Sf. Constant de Bebecque.
(là) Voyez la satire qu'il intitula : Actes du
Synode universeldelasainteRéformalion. p r,3.
(iG) Vore% les Note.» sur la Confession de
S21-.C1 ,pag 436, e'dition de îtxio
Notez que la première édition de
cet ouvrage de Théodore de Bèze est
de l'an 1 55G. H en fit une seconde dix
ans après , et la dédia à la reine d'An-
gleterre. La cinquième édition fut
faite l'an i5g8 *. il la dédia tout de
(17) Ant. Fayns, in Vit» Bei* , pag. i5.
(18) Joh. Drnsiu. , fn RpislolS a I Tbeod. Be-
zam MS. , apud Colome-ium in Ii ne Presbv-
terianorum .pag. utt. ; mais Colomiés se trom-
pe d'attribuer celle Lettre a Drusin. : VO/et une
Lettre de Si utiDus Amam» , au-devant du tare
de Oru>iu< de Hasidxis. J'en parle dans l'arti-
de Brodcbton , citation 11).
L'auteur des Obsen-ntiont qui sont dansla
Bibliothèque française ayant dit . X\IX. 1S0,
qoo BÈZE.
nouveau à la même reine , je veux ce conseil, et traduisit en vers fran-
tlire par une nouvelle épître, et en çais les cent Psaumes qui restaient à
traduire- Ils furent imprimes avec
privilège du roi, l'an i56i *'. « La
» traduction du demeurant des Psau-
» mes de David montre ce qu'il pou-
» voit faire , encore qu'il n'ait si
» heureusement rencontre que Clé-
» ment Maroten ses cinquante (20). »
Après être réchappé de la peste , il fit
une Ode *" pour en rendre grâces
à Dieu. On pre'tend que Jodelle fit ce
quatrain en ce temps-là :
fièze fut lors de la peste bccueiUi
Qu'il retouchait celle harpe immortelle ;
Mais pourquoi fut Bèze d'elle assailli?
Bèze assmillail la peste à tous mortelle (21).
L'un des plus remarquables écrits pu-
bliés par Bèze , pendant son séjour à
Lausanne , fut le traité de Hœreticis
supprimant la première. Il ne devait
pas la supprimer ; car elle explique
amplement les vues , la méthode et
le dessein de l'auteur.
(F) // publia divers livres , pendant
son séjour a Lausanne.] Le premier
fut une tragi-comédie française , in-
titulée le Sacrifice d' Abraham *. Ja-
comot la mit en latin, l'an 1598.
Presque au même temps , Jacques
Brunon la traduisit en la même lan-
gue à Amsterdam. tlle a été réim-
primée je ne sais combien de fois.
Voyous ce que Pasquier en a dit. y ers
ce mesme lems , estait Théodore de
Bèze , brave poêle latin et français. Il
composa en ve/sfrancois le Sacri-
fice d'Abraham, si Lien retiré au vif ,
'que le lisant il me fil autrefois tomber « magistratu puntendis. Il le publia
des larmes des yeux (19). Bèze avait po"r répondre au livre que Castalion,
accoutumé daller à Genève pendant déguisé sous le nom de
les vacances , pour y voir Calvin ,
qui l'exhortait à consacrer ses talens
au service de l'Église , et qui lui con-
seilla nommément d'acheser ce que
IVIarot avait commencé. Bèze suivit
qu'il possédait une édition de Zurich, i55ç),
et que cooséquemment celle de i564 qui est
dédiée a la reine d'Angleterre ne peut être la
seconde, un anonyme prétendit dans cette même
Bibliothèque française, XXXIII, 'i'io , que
cette édition de 1569 ne différait pas de la pre-
mière. L'auteur des Observations répliqua dans
le tome XXXV 111, 198, et prouva que l'édition
de i559 , qui est •,ans dédicace , diffère de l'édi-
tion de i556. 11 ajouta que l'édition de i5t)8 n'é-
tait pas la cinquième , mais au moins la septième,
puisque, outre les trois éditions précédemment
citées, il existe encore celles de >565, i5;9.
lius , avait composé sur celte impor-
tante matière, peu après le supplice
de Servet (22) Castalion traita la
thèse générale de la tolérance : Bèze
lui soutint que les magistrats doivent
punir les hérétiques. L'auteur de sa
Vie soutient (pie cet ouvrage fut pu-
blié très à propos , afin de réfréner
les esprits flottans. Scriptum utriusque
Beza lurn refutavil , tempnre in spe-
ciem importuna : sed re ipsâ apporlu-
nissima ad cohibendas levium homi-
num in religinne fiucluanlium vagos
et incerl.os œstus (23). On ne peut
nier que la crainte du dernier sup-
plice n'ait beaucoup de force , pour
e j^oa, io'9, r -' — . .1 . 1 *j
.590. Joly qui ne paraît pas avoir connu toute faire taire ceux qui auraient des CiOU-
ceùe discussion, cite, d'après le père Lelong , tes à proposer Contre la religion do-
une édition de .5S2 et une de ,588. minante , et pour maintenir l'unité de
* Joly dit que « ce fut en i55a , suivant 1 au- .' * , . ...
» tcur de la Bibliothèque des Théâtres. . Mau- communion extérieure; mais il en va
point se contente , pag. 321 , de donner à cette du dogme qui autorise cette pratique,
pièce qu'il intitule, Abraham sacrifiant, la date
de i5Ô2, sans dire si c'est l'époque de sa com- *' Leducliat pense qu'il doit y avoir une
position , représentation ou publication. L'auteur
de la Bibliothèque du Théâtre français ( connue
sous le nom de Lavallière et composée par Ma-
nn et autres; place cet ouvrage dramatique par-
mi les Mj stères , etc. et en cite d'abord une
édition de Lyon , Fr. Dupré, in-12 , sans date,
puis une édition de i552. Les frères Parfaict n'en
parlent pas dans leur Histoire du Théâtre fran-
çais Le Catalogue des livres de M. le comte
de Ponl-de-Vesle, 1 7 ■; 4 . in 8°. , en cite sous le
n° 164 "ne édition de i55o : c'est une faute. Le
volume qui portait ce numéro n'était qu'un
fragment du volume, sans date, nom de ville ni
d'imprimeur, intitulé, Theod. Beza? poéma-
la, etc., et qui contient, pag. iS5 et suiv. , la
Tragédie française du sacrifice il' Abraham.
(19) Recherches de la Fiance, Ut. VII. chap.
FI,pag.6i5.
édition , antérieure d'environ dix ans , faite a
Genève.
(20; Kecbercliesde la France, liv. VII, chap.
VI, pag. 6t5.
*2 li composa , vingt-huit ans après , un traite
sur le même su jet , et qui , dit Joly , est inti-
tulé : de Peste tiuœsliones duœ explicatœ :
tua , situe conlagiosa? aller a , an et qiiatenus
sitchristianis ptr sr.cessionem vitanda? (ienève,
1579 , in-8°. de 35 pages. Goujel croit qu'il y a
une édition de i?>--.
(21) Nous examinerons dans la remarque (E)
de V article Jodelle, .11 ce fut lui qui composa
ce quatrain
(22) Servet fui brûlé a Genève, l'an i553.
(î3J Fayus ', in Vit". Beza;, pag. i5. Notez
que par uliiusque il entend Lelms Socin et Cas-
talion.
BÈZ
comme de l'invention des bombes et
des carcasses, et de tontes sortes de
machines de guerre. Ceux qui s'en
servent les premiers en retirent de
grands avantages ; et pendant qu'ils
sont les plus forts , cela va le mieux
«lu monde ; mais , quand ils sont les
plus faibles, on les accable de leurs
propres inventions. Si le parti de Bèze
avait été le plus fort par tout le mon-
de , et s'il avait été assuré de se main-
tenir toujours dans sa supériorité , le
dogme de puniendis Hœrtlicis aurait
rendu de grands ser\ices, et il eut ré-
primé le zèle ou l'humeur brouillonne
des novateurs; mais comme, à un
quart de lieue de Genève , ou était
sous le caprice du plus fort , et qu'on
ne savait pas si Dieu permettrait que
la secte de Socin devînt supérieure ,
il y avait beaucoup d'imprudence à
soutenir que les magistrats doivent
infliger la peine de mort aux héré-
tiques. Le profit présent ne nous doit
pas si fort éblouir , qu'il nous em-
pêche de songer aux suites : il faut en
et te rencontre se servir de la maxime
de Régulus :
Hoc caverat tnens provida Reguli ,
Dissenlientiv cunditiombus
Fcetli* f et exemylu trnhentis
Pernictem veniens in œvum (24V
Je ne parle pas des autres raisons qui
pcuveut combattre ce dogme : je
ne m'arrête qu'à elle de l'utilité allé-
guée par l'historien de Théodore de
Bèze. Cetle utilité est bien peu 1!,:
chose en comparaison du mal que le
livre de puniendis Hœrelicis produit
tous les jours ; car dès que les pro-
testans se veulent plaindre des persé-
cutions qu'ils soutirent, on leur allè-
gue le droit que Calvin et Bèze ont
reconnu dans les magistrats. Jusqu'ici
on n'a vu personne qui n'ait échoué
pitoyablement à cette objection ad
hominem. Mais passons aux autres
livres publiés par Théodore de I
avant qu'il quittât Lausanne. 11 pu-
blia une courte Explication du chris-
tianisme ex doctrimi de mternii Dei
pnedestinatinne ; une Réponse a Jn,t-
chim ffestpha/e , touchant la Cène
du Seigneur, deux Dialogues sur la
même matière contre Tillemannus
lleshusius (15), et une Réponse h Cas
(24)Uo«:., Od. V, lu. m.
(î5) L'un intitule' : Kfia>$a.yi& } l'autre,
')...- Tt/XtoyiÇofAtioç.
TOME III.
E. 401
talion louchant le dogme de la prédes-
tination. Bèze n'avait pas encore alors
assez tempéré son feu et son humeur
enjouée; c'est pourquoi il lui échappa
dans quelques-uns de ses écrits je ne
sais quelles railleries , sur lesquelles il
passa l'éponge quand il fit de nou-
velles éditions. In his quidem (Dialo-
gis ) posle'a quœdam liberiore calamo
quant rei qudde agebalur majestati
conveniebat scripta mutawil , ut et in
nonnullis aliis scriplis c quibus jocos
aliquot ( ut' eral ingenio lep'ulo et fa-
ceto dutn tetate adhuc uigente esset
postquam maturior J'actus est , et
SiVTîf,tnc <ffovTi<Ta.ç in consilium adhi-
bttisset, erusil (26).
Je m'exprime ainsi comme traduc-
teur d'Antoine la Fayc ;-car si je vou-
lais me régler sur le jugement de quel-
ques auteurs luthériens , il faudrait
que j'employasse des termes qui pas-
sassent la raillerie. Conrad Schlussel-
burgius prétend qu'il y a dans ces
ouvrages de Théodore de Bèze une
médisance si bouffonne et si impure ,
qu'elle ne peut convenir qu'à ceux qui
n'ont point eu d'autre école que les
lieux de prostitution. Ce qu'il a dit
là-dessus a été recueilli comme de la
manne par l'auteur du Calvino-Tur-
cismus. Je ne puis citer que lui ; car
je n'ai pas le livre de ce fameux lu-
thérien. Omissis aliis , Theodorum
Bezam cxemp'i gralid proponit, ex
cujus scriptis non tnodù contra papis-
tas, sed etiam Lutheranos hoc (inquit
abundè potest demonstrari. Et ha-c
adeô suntvera, ut ipsos sacramenta-
rios pigeât et pudeat futilitatum et.
bla^phemiarum , quas Beza sine metu
divinaa majestatis evomit, sicut ipse
Lavatherus fateri cogitur, et aliquot
nobiliores Calviniste apud ipsum Be-
zam conquesli sunt. El quanquani
Beza excuset oninia , vocans sanctam
urbanitatem : haec tamen urbanita-
( inqutt isle Patriarcha) non theolo-
go- in pietatis scholâ versantes, sed
I. non. s effrontés et scurras spurcilo-
quofl m Indo meretricio à Thaide ve]
Candide* profugâ ernditos decet.Und<
haud dubiè noster i lie Beza dosculos
suarum elegantianmi deci rpsit. Mox
jnruits urgens atqne probans hoc de
Bezœ maledico et elumbi in disputa-
tionibus et scriptionibus char ac Ver e.
Si qais( inquit) de bâc re ambigeie
(26/ Ant. Fayus, in Vilà Kcza:, pag. 17.
26
402
BEZE.
velit, ille duos famosissimos dialogos
Bezœ contra D. Heshusium légat , qui
cei tè non ab homine , sed ab ipso
in.carn.ato Beelzebub exarati esse vi-
dentur. llorret animus blasphemias
obscenas , et diabolico atramento
tinctas referre , quas iste impurus
convitiator et Atheus indialogis illis ,
in articulo gravissimo blasphémé ,
impie, et scurriliter eructavit. Certè
adeô sunt fœdœ , ut ipse Beza pauld
post quo specinsius prièrent editionem
supprimera , secundam procurant, in
quA septem folia intégra omisit , et
les Vallées de Pie'mont , que le roi de
France posse'dait alors , c'est-à-dire
Tan 1 557 (3o).ll reconnaît néanmoins
dans la Vie de Calvin, qu'on demanda
cette intercession pour les prisonniers
de Paris , et qu'elle ne fut pas inutile.
Ptirlim inlervenientium Germanorum
Piincipum legatione quant summâ ce-
leritate Calvinus procuravit , tempes-
tas illa nonnihil conquievit (3i). Il
reprend Claude de Saintes, qui avait
mis ce voyage à l'an i556.
(Hj II assista au colloque de Pois-
Une expression qu'il y employa
loca pluiima expunxit , quœ erant in Jît murmurer. ] La voici cette expres-
editione priori. Quanquam iste bonus sion : IVous disons que le corps de
et gravis superintendens hdc quali- Jésus-Christ est éloigné du pain et du
cunque castigalione non cnntenlus , vin , autant que le plus haut ciel est
vptat ut non modo isti dialogi in uni- éloigné de la terre (3a). Voyons pré-
versum , sed simul alia ejus omnia sentement quel en fut l'eflèt , et ser-
impia et blasphéma scripta quae sunt vons-nous des propres termes deThéo-
plurima, aboleientur, ne à teneris, dore de Bèze. Cette seule parole,
piis , et castis liominibus videreutur (combien qu'il en eût bien dit d'autres
in œternum. Sis ille (27). Souvenez- aussi contraires et répugnantes à la
vous que ce Conrad est un écrivain doctrine de l'église romaine ) fut
fort emporté. cause que les prélats commencèrent a
(G) il fit un voyage en Allemagne, bruire et murmurer , dont les uns di-
avec le caractère de député,] Voici le saient Blasphemavit , les autres se
sujet de ce voyage. On surprit une
Assemblée de ceux de la religion à
Paris . l'an i557- Elle était composée
de quatre cents personnes , dont on
brûla sept, les autres furent mis dans
les prisons (28). Les églises recouru-
rent à l'intercession de quelques prin-
ces d'Allemagne , pour tâcher d'obte-
nir de Henri II la vie de ces pauvres
prisonniers. Farel , Bèze et JeanBudé,
fils du grand Guillaume Budé , furent
les trois députés qui allèrent à la cour
de l'électeur palatin , à celle du land-
grave de Hesse , et à celle do duc de
Wirtemberg , l'an i558. Ces trois
levaient pour s'en aller, ne pouvant
faire pis à cause de la présence du
roi : entre autres , le cardinal de Tour-
non , doyen des cardinaux , qui était
assis au premier lieu , requit au roi et
à la reine qu'on imposât silence à de
Bèze , ou qu'il lui fut permis et h sa
compagnie de se retirer. Le roi ne bou-
gea , ni pas un des princes , et fut
audience donnée pour parachever. Si-
lence fait , de Bèze dit , Messieurs , je
vous prie d'attendre la conclusion qui
vous contentera : puis retourna à
son propos, qu'il poursuivit jusques à.
la fin (33). .Catherine de Médicis, dans
princes recommandèrent fortement la sa lettre à M. de Bennes, ambassadeur
cause des prisonniers; mais la cour de de France à la cour de l'Empereur,
France eut peu d'égard à ces recom- dit que Bèze , en parlant de la cène ,
mandations. En passant par Francfort,
Bèze eut le plaisir de parler à Mélanch-
thon (29). Voilà ce que dit Antoine la
Faye ; mais , selon Théodore de Bèze,
le motif de re voyage fut de deman-
der l'intercession de ces princes pour
(27) Gnlielmiss Reginaldas , in Calvino-Tur-
c'isino, lib. III . cap. XIX, pag. 671 , 67a. Il
tile Conrad. Schlusselb. in Theoiog. Calvinis. ,
lib. I, folio 92, inprcefai. , lib. III, folio 34,
35, etlih. ÏI , folio 77, 78, 127.
(28) Selon Bèze, in Vità Calvini , on en prit
environ quatre-vingts; les autres se sauvèrent.
(29) Fayus , in \itâ fiez* , pag. 37.
s'oublia en une comparaison si ab-
surde, et tant offensive des oreilles de
toute l'assistance, que peu s'en fallut
qu'elle ne lui imposât silence, et qu'elle
ne renvoyât tous ces ministres sans les
laisser passer plus avant ; mais qu'elle
s'en abstint , de peur quon ne s'en re-
f 3o) Bez* , ad Cl. de Saintes Apolog. I , Oper.,
tom. Il , pag. 2g5.
(3i) Beza, in Vità Calvini.
(ii)Rèie, Hist. ecclésiast. , liv. IV, pag.
5.0.
(33) Là même , pag. 52r.
BÈZE.
4o3
tout nul imbu de sa doctrine , sans
avoir ouï ce qui lui sera répondu ;3.jJ.
Remarquez bien la parenthèse dont
l'historien s'est servi (35) : rien ne
marque mieux la faiblesse de l'esprit
«le riionnue. Un vieux cardinal, et
plusieurs évoques, se scandalisent,
veulent sortir, crient au blasphème;
et pourquoi? parce qu'ils ont ouï dire
à un ministre, que Jésus Christ n'est
point sous les symboles du pain et du
vin de l'Eucharistie quant à son corps;
car voilà à quoi se réduit cette expres-
sion tant ojfènsive des oreilles de toute
l'assistance : peut-on voir un scandale
plus mal fondé, ni pins pjjérilt- ?
Quand on enseigne que l'humanité de
Jésus-Christ n'est présente qu'en un
seul lieu tout à la fois , et qu elle est
toujours assise en paradis à la main
droite de Dieu , il est évident que l'on
soutient qu'elle est aussi éloignée du
sacrement de l'Eucharistie , que le
paradis est éloigné de la terre. Or les
prélats du colloque de Poissi ne pou-
vaient, pas ignorer cpie les ministres
enseignent que l'humanité de Jésus-
Christ est toujours en paradis à la
main droite de Dieu, et qu'elle ne
peut point être présente en plus d'un
lieu à la fois; et ils ne devaient pas
attendre que Théodore de Bèze a osât
point exposer les sentimens de son
parti : ils n'ont donc pas dû se scan-
daliser de son expression, (car encore
un coup, elle n ajoute quoi que ce
soit à la simple et nue doctrine des
ministres,) ou bien ils étaient allés à
l'assemblée avec cette persuasion que
les ministres trahiraient leurs senti-
mens , et ne chercheraient qu'à trom-
per le roi. Je ne vois qu'une chose qui
puisse excuser l'irritation des prélats.
On peut dire qu'il y a des expressions
qui nous choquent, encore qu'elles ne
signifient rien cpii ne soit signilié par
des expressions qui ne nous offensent
pas. Par exemple, les parties (pie la
pudeur défend de nommer peuvent
être désignées par des noms honnê-
tes ; et cependant ces noms signifient
la même chose (pie les noms qu'on
appelle sales. Si l'on est choqué de
(34) foret. Maimbonrg , Histoire du Calvin.,
pag. 223, 224 Le Laboureur, Arllil à C.astel-
naii , lum. I , pag. -63 , rapf/orle toute la lettre
de la reine-
('■5 ( Combien qu'il en eût bien dit d'autre*
au<*i contraire* et répugnantes a la <■'
romaine. ) Bèze, Ilist. ecclésiast. , pag. 521.
ceux-ci , ce n'est pas à cause de la
chose même qu'ils signifient ; mais à
cause que l'on juge que celui qtri les
emploie contre l'usage ne nous porte
pas le respect (pie la bienséance exige
(36). Sur ce pied-la , le-; é\êques de
Poissi se pouvaient plus offenser de la
doctrine des ministres, représentée
par une comparaison, que de la même
doctrine représentée nuement et sim-
plement ; mais alors, leur scandale
n'était pas fondé sur le zèle de reli-
gion ; car la foi, ni la divinité , ne
peuvent pas être plus blessées par la
comparaison que Bèze allégua, que
pai l\-xposition la plus simple de la
doctrine des protestans. Ce n'est donc
point pour les intérêts de Dieu que
l'on se pouvait scandaliser : c'é.ait
donc uniquement parce que l'on sup-
posait qu'un petit ministre ne respec-
tait pas assez humblement ses audi-
teurs, lorsqu'il osait se servir de cer-
tains firmes. Ceux qui voudraient
faire ainsi l'apologie de ces prélats
leur attribueraient une vanité très-
crimineile. Que faire donc? Vaut-il
mieux dire qu'ils agissaient comme
des enfans, qu'ils ne s' offensaient pas
des choses , mais des mots ? Cela ne
leur ferait point d'honneur. Je suis
surpris qu'un historien aussi grave
que Mézerai ose dire que cette pro-
position de Bèze était emportée et
choquante , que Bèze en cul honte lui-
même , qu'elle blessa horriblement
les oreilles catholiques , que les pré-
lats en frémirent d'horreur (37). il est
visible que Mézerai trouve raisonna-
bles ces frémissemens d'horreurj et il
se rend par-là ridicule; car c'est ioufe
la même chose de dire le corps de
Jésus-Christ n est point présent au
saint sacrement , et dédire, il en est
éloigné d'une distance infinie *.
(I) // se trouva n ta bataille de
Dreux comme ministre.] J'ajoute cet-
te clause, alin qu'aucun de mes lec-
teurs ne soupçonne qu'il y assista pour
se battre , et pour jouer dfl l'épéi .
Claude de Saintes lui fit des repro-
ches là-dessus: voici comment on lui
répondit. Interfui sanè pralio , et in-
choanli et desinenti ( quidm enim hoc
facereni ? en rili: vocatus ) et quittent,
(3fi) Veye% Z'Art <lc penser , I". part. , chap.
(3:) Mézerai , Abrégé chron. a l'ami. i56i.
* Joly contredit celte apologie Je liiîe.
4°4
BEZE.
quod magis mireris , palliatus , non en toutes sortes de vers latins. 11 pu-
armatus : nec rnihi quisquam ver'e vel blia un Traité des Sacremens , et un
cœdem cujusquam vel fugam objece- livre contre Hoffmannus , quelques
rit (38). Sermons sur la Passion de Jésus-Christ
(K) // alla à Kezelai, où sa présen- et sur le Cantique des Cantiques ; une
ce était nécessaire. ~\ Nicolas de Bèze, version de ce Cantique en vers fyri-
bailli de Vczelai , se réfugia à Genève ques , et une Réponse à Génebrard , à
pour la religion , et y mourut peu qui cette traduction avait donné un
après de peste , dans la maison de nouveau sujet de répéter ses médisan-
Théodore, son frère de père. Celui-ci, ces. Il publia , en i5go, son Traité de
voulant donner ordre à la famille du Excommunications et Presbylerio ,
défunt, et tâcher en même temps de contreThomasErastus. Quelque temps
sauver quelques débris de son patri- après, il examina le livre de Saravia,
moine, lit un voyage à Vezelai. Hœc ds Ministrorum Evavgelii Gradibus.
fuit occasio Bezœ yezelios suos revi- .le laisse les titres de quelques autres
sendi,partim utfratris defundiliberis livres : «m les pourra voir dans la lis-
prospiceret , partirh ut nonmdlas patri- te qu'Antoine la Faye mit à la fin de
rnonii sui reliquias dispersas collige- son ouvrage de Vild et Obitu Theo-
ret , quod et fecit quantum locus, teni- dori Bezœ, dont j'ai tiré ce qu'on vient
pus et res permiserunt (3g). 11 tlîcha de de lire. Je n'y ai point vu tout ce
persuader à une sœur qu'il avait dans qui partit de la plume de Théodore
un couvent de quitter l'église romai- de Bèze : Y Icônes des hommes illus-
ne. C'était une vieille nonne, très- très qui ont mis la main à l'ouvrage
obstinée dans sa religion , qui n'é- de la réformation {^i) n'y est point,
coûta point les remontrances de 6on L' 'Histoire ecclésiastique des églises
frère (4o). réformées n'y est point non plus. Ces»
(L) Il avait fait plusieurs livres de- un ouvrage très-curieux *', qui s'é-
puis son retour à Genève , et il conti- tend depuis l'an i52i jusqu'à la paix
nua d'en publier depuis qu'il fut re- du l3 de mars i563. Je ne m'étonne
venu de f^ezelai. ] Peu après son éta- pas que l'on n'ait point mis dans cet-
blissement dans l'église de Genève, il te liste la lettre ingénieuse, mais trop
mit en latin une Confession de foi burlesque de Benedictus Passavan-
qu'il avait autrefois écrite en français, tius au président Lizet (43). La Faye
pour se justifier auprès de son père , n'en parle point du tout ; mais pour
et pour tacher de convertir ce bon quelques autres écrits satiriques ou
vieillard. 11 publia cette confession en burlesques qu'on attribuait à Bèze, il
latin, dédiée à son- bon maître Mel- soutient qu'on se trompait. Dicteriis
chior Wolmar , l'an i56o. Sa plume plenos libros composuit , haranguant
se reposa pendant qu'il suivit dans les ad cardinalem Lotharingum , de furo-
armées , ou le prince de Condé , ou ribus Galticis, J^itam Calharinœ Me-
l'amiral de Coligni 5 mais , dès qu'il diceœ et similis notee charlas. Jltqui
se revit à Genève , il fit deux Répon- tam verum est libros illos fuisse com-
ses , l'une à Castalion (40 , l'autre à positosa Bezd, quant verum est ( quod
François Baudouin. Ensuite , il atta- isti ignoranter et temerè déblatérant )
qua Brentius et Jacques André sur ab Amirallii ministro scriptum fuisse
leur dogme de l'ubiquité : puis il lit librum cui nomen est Matagonis de
son livre de Divortiis et Repudiis con- Matagonibus (44)
tre Bernardin Ochin, qui avait écrit
en faveur de la polygamie. Il attaqua
aussi les erreurs de Flacius Illyricus.
11 répondit à Claude de Saintes, à Sel-
neccerus, à Jacques André, à Pappus,
etc. , et mit les Psaumes de David
Garasse soutient que Bèze « bouf-
» fonnement se qualifia du nom de
» Frantopin , écrivant contre le doc-
(38) Beza , ail Claud. de Saintes Apologià ai-
dera, Oper. loin. 1 1 , pag. 36î.
(3g) Fayus, in Vitâ Bezœ , pag. 48.
(4o) Idem, ibidem.
(4i) Il avait critique' Bèze sur lit traduction
àa Nouveau Testament.
(4z) Imprimé h Genève, l'an i58o , i'h-4°.
* Joly est , comme on pense bien, d'un autre
avis ; et développe son opinion dans ses Bemar-
ques sur l'article de FI. de Rémond. Ces remai-
ques appartiennent à Leclerc qui , dans sa Lettre
critique, pag 410 , avait dé[à exposé les mêmes
raisons contre le jugement de Bayle.
(43) Voyez les nouvelles Lettres contre le
Calvinisme de Maimbourg , Pag *44
(44) Ant, fayus , \n Vitâ Bezas , pag. 70,71.
BÈZE.
4o5
■ lever de Saintes , en ce livret maca- vaincu en ces rencontres , pour-
» ionique , qui commence par ces vu qu'on sache jaser. Les parties
m mots , Tufacis benè de sujjiciente , convinrent de ne point donner au
» domine magister noster , post ha- public la relation de la conférence ;
» bere bihitum quatuor boitas jîdes de mais, comme on sut qu'il courait des
» veslro uino Sorbonico in dejeunan- lettres par toute l'Allemagne , qui fn-
i> do theologaliler , etc. (^5). Il lui reiït lues dans les cours des princes ,
attribue aussi un livre intitule Pa- et dans les ruelles , et que ces lettres
raltèles de Henri H avec Pilate (4^>). chantaient le triomphe de Jacques
.Notez qu'il y a un grand défaut dans André , et qu'enfin les théologiens
la liste d'Antoine la Faye : on n'y de Wirtemberg publièrent la confé-
trouve ni la date des premières édi- rence avec des notes marginales , il
lions , ni quand et combien de fois fallut que Bèze publiât une Contre-
les Livres de Théodore de Bèze furent Relation.
réimprimés. J'ai lu depuis , dans un ouvrage
(M) Le succès de la dispute de d'Abrabam Scultet , que les raisons
Mombelliard fut comme toujours. ] politiques, tant delà part desFran-
C'est Antoine la Faye qui l'assure, cais réfugiés, que de la part du comte
Utrinr/ue, dit-il (47) , placide disces- de Mornbelliard , contribuèrent beau-
sum est sine lite aut amarulenUÙ : sed coup plus que les raisons théologiques
nulloj'ructu,ulferèsemperintalibus à nouer cette conférence. Les réfu-
palœUris publicis contingere solet. giés appelèrent Bèze, parce qu'ils cru-
Quelques gentilshommes , sortis de rent que s'il conférait amiablement
France pour la religion , et réfugiés à avec le docteur André sur les matic-
Mombelliard , donnèrent lieu à cette res controversées , ils trouveraient
dispute. Le comte de .Mombelliard pria plus de douceurs à la cour du comte,
le canton de Cerne de nommer quel- et que peut-être le duc de Wirtem-
ques députés pour conférer avec des berg passerait de leur côté. Quant au
théologiens de Wirtemberg. Il pria comte , il avait été ubiquitaire dans
aussi messieurs de Genève d'envoyer sa jeunesse ; mais ayant oui les ser-
Théodore de Iïéze à la conférence : il nions et les leçons de Théodore de
le fit, pour s'accommoder au désir des Bèze , il déclara librement qu'il avait
réfugiés. Abraham Musculus , minis- vu à Genève et dans le pays des Suis-
tre de Berne, et Pierre Huberus, pro- ses beaucoup de choses dont Jacques
fesseur en langue grecque dans la mè- André ne lui avait rien dit. , et qu'il
me ville , furent les députés suisses, n'y avait presque rien vu de ce dont
Bèze et Antoine la Faye furent les le même docteur lui avait parlé sou-
députés de Genève. Jacques André et vent. Genevœet in Heluetid vidi mul-
Luc Osiander furent les principaux ta de quibus nihil , pâma eorum , de
députés de Wirtemberg. Ils ne ser- quibus sœpèaudivi ex D. Jacobo{/\cj).
virent presque tous que d'auditeurs à C'était déclarer que ce personnage
Théodore de Bèze et à Jacques André, faisait peu fidèlement le portrait des
et ne virent guère clair dans cette calvinistes. Depuis ce temps - là , le
dispute de plusieurs jours , parce comte fut plus bénin à l'égard des ré-
qu'on n'argumentait point en forme, formés, et il donna retraite à ceux
et que , quand deux hommes s'entre- qui sortaient de France pour la reli-
répondenl par de longs discours , il gion. Mais quand on lui eut représen-
tai presque, impossible de s'apercevoir té que le duc de Wirtemberg n'avait
s'ils lèventles difficultés. Jacobus An- point de iils , et que la maison d'Ati-
dreas perpétua et declamatorid ora- triche ne souffrirait pas qu'un fauteur
tione ulebatur. Quare illius vesligiis des huguenots recueillît la succession
insistere Beza coactus est. Undè non de ce duc : quand , dis je , on lui eut
tam facilis , erpedita , aut perspicua représenté qu'il s'était rendu suspect,
fuit tola Ma. dierum aliquot Discep- et par son voyage de Genève , et par
tatio (48)- Ou n'est presque jamais ses bienfaits envers les réfugiés de
France , il consentit à la dispute en-
(45) Garasse, Doctrine curieuse , pag. 1022. tre le docteur André et Théodore d'.
(46) La mr'mf ', ]>a^. 1012.
(47) Fayus, in Vità ïitzx , pag. 53. (4o) Abrab. Scultitus, ITirral. apr!og<- ,
(48) L'a même. P"S- «6-
4o6
BÈZE.
Bèze , et il avait moins en vue de tra-
vailler pour la vérité , que de se pur-
ger du soupçon de calvinisme. J\on
tant ut ventât i consuletet, quant ut se
de calvinismn purgarel ( 5o ). Voilà
ce q:ie Daniel Tossan répondit à Chris-
tophle Pe'zelius , q>u" lui avait deman-
dé les causes d>' la conférence de Mom-
belliard. Scultet, qui le rapporte (5i),
était du repas où cela fut dit (5a). Si
nous avions un recueil de semblables
propos de table aussi gros que celui
qu'on trouve dans les œmresde Plu-
tarq te, nous y apprendrions bien des
curiosités.
(N; // se remaria, en 1 588, avec une
veuve qui lui survécut. ] Sa première
femme s'appelait Claudine Denosse :
voyez ci dessous la remarque ( Y ).
Leur mariage dura quarante ans : la
seconde avait nom Catherine de la
Plane, et eut un grand soin de lui tant
qu'il vécut. Catharina Planta, Astetv
sis , Francisa Turiiffi Jaauensis ci-
dua , quœ et usqite ad ultimum spiri-
tum ma&nn subsidio fuit (53). Patin
s'abuse lorsqu'il conte qu'Etienne Pas-
quier fit des vers sur les trois maria-
ges de Théodore de Bèze.
Vxores ego très vario sum tempore nactus ,
Cum juvenis, tum vir , factus et inde
senex.
Propler opus prima est validis mihi juncta
sub annis,
Altéra propler opes, lerliapropteroi ein (54).
Voici le sens de ces vers : J'ai épousé
trois femmes en divers temps , dans
ma jeunesse . dans mon âge viril , et
dans ma vieillesse. J'ai épousé la pre-
mière femme pour le plaisir de l'a-
mour, la seconde à cause qu'elle était
riche , la troisième afin qu'elle eût
soin de moi dans mes infirmités. Cela
n'a pu convenir à Théodore de Bèze,
puisqu'il n'a point eu trois femmes.
I! y en a qui disent que Pasquier ne fit
ces vers que pour lui-même (55). Ce-
lui qui remarque cela ne laisse pas
d'être dans l'erreur de Guy Patin tou-
(5o) Abrab. Scullelus, Narrât, apologet. ,
pag. 26-
(5i) Idem, ihid. , pag. 1$ et seq.
(5î) Tossan, professeur a Heidelberg , avait
prié il dîner, eu l5t)t , Christoplile Péîelms ,
théologien de Brème.
(53) Fayu'! , in VUS Rezn; , pag . 55.
(54) Patin, lettre DV1 , tom. III , pag. 490;
c'est la CKXXV1». lettre A> la première édition.
(55, Saint-Romuald , Abiégé chronol. il l'an
:6i5.
chant le9 trois femmes de Bèze. Il s'é-
tait marié pour la troisième j'ois a
l'âge de septante ans, et en m'ait donné
avis a son intime ami Junius, Hollan-
dais (56) , en ces termes : Si c'est une
folie de se marier à septante ans, voi-
là que je viens de la faire. C'était un
vieux coq qui ne pouvait se detacher
du char de fènus , auquel il avait été
attelé dès sa jeunesse (5^). Ces paro-
les sont d'un moine crédule , et qui
rarement est bien informé de ce qu'il
dit. Si lui et Patin avaient consulté le
XIXe. livre des lettres d'Etienne Pas-
quier , ils auraient parlé avec plus
d'exactitude. Pasquier conte qu'ayant
ouï dire que Théodore de Bèze s'était
remarié , il jeit ce quatrain en faveur
de celui qui aurait espousé trois fem-
mes ( 58 ). La seconde femme de Théo-
dore de Bèze eut un soin merveilleux
de lui : il la laissa héritière de tous
les biens qu'il possédait à Genève : Fo-
rum quœ Genevœ habebat hœredem ex
asse inslituil Calharinam Planiam ,
conjugem suant ; quâ senectulevi ip-
sius sustentante, et g lo riant ex ofjîais
asstduis erga ipsum annorum seplen-
dreim spatto quœrenle vivebal ( 5ç) ) .
Bèze n'eut jamais d'eufans (Go).
(0) // fit des vers à l'occasion
du bruit que l'on fit courir qu'il était
mort et avait fait projession de la
foi romaine. ] Ceux qui inventèrent
ce conte, et ceux qui le firent courir,
connaissaient très-mal le véritable in-
térêt de leur église. Ces sortes de frau-
des sont bonnes à débiter contre une
secte qui n'a ni auteurs ni impri-
meurs ; mais elles ne peuvent être
que préjudiciables quand on ose s'en
servir contre une église qui a mille
presses et milles plumes dans son sein,
qui ne laissent rien tomber à terre, et
qui prennent la balle au bond. Ne fal-
lait-il pas être de la dernière bêtise
pour s'imaginer que les protestans
laisseraient perdre une si belle occa-
sion de crier contre l^s impostures et
les fourberies monacales , et de tirer
cent conclusions foudroyantes de la
hardiesse que l'on aurait eue de débi-
(56) Il n'était pas Hollandais , ni en Hol-
lande , quand Bèze. se remaria.
(57) Sainl-Romuald , Abrégé cbronol. , pag.
3f)i , à l'an i6o5.
(58) Pasquier, Lettres, tom. II , pag. 486.
(5fj) Fnyus, in Vitâ Beza: , pag. 74.
(60) Idem , ibid.
BÈZE.
4o;
ter une fausseté dont la conviction té de la monde M. de Bèze , quant
était si facile? Les ministres de Genè- nondum certô accepi, quanquam jam
ve ne se turent point en cette rencon- olim aninio prœoepi. Et trois ou qua-
tre. Ils publièrent deux écrits revêtus tre esloiles qui nous restent couchées ,
de toute l'authenticité nécessaire pour je ne voi qu'espaisses ténèbres parmi.
réfuter cette sotte raenterie : l'un de nous. C'est dans les pages 94 et 95
ces écrits était en latin, et l'autre en du 11e. volume de ses Mémoires qu'on
français. Editis nomine suo publicis trouve cela.
duobus scriptis, atlero latine ( cui Be- (P) Il fit des vers après l'accueil
za redivivus nomen fecerunt ) , altéra qu'il reçut de Henri IV, au mois
gallicè (61). Une lettre de Théodore de décembre 1600. ] M. Spon rappor-
de Bèze à Guillaume Stuckius réfuta te la harangue que Bèze lit à ce prin-
le même conte (61) : et le jésuite Clé- ce, et la réponse du roi (65). M. de
ment du Puy , que l'on regarda com- Pérefixe a cru faussement que Henri
me l'inventeur de la fable, attira sur IV entra dans Genève, et qu'il y fut
sa personne en particulier, et sur son harangué par ce ministre (66). Ce fut
ordre en général , une grêle de vers à Luysel (67) qu'il reçut les députés
satiriques, que les muses de Théodore de Genève , à un quart de lieue du
de Bèze, toutes vieilles qu'ellesétaient, fort Sainte - Catherine , lequel fort
ne laissèrent pas de rendre bien ter- était à deux lieues de Genève. .M. de
lassante (63). Il était aisé de prévoir Thon dit que le roi fit un présent
cela : ce furent donc des personnes de cinq cents écus à Théodore de
peu éclairées dans leurs propres inté-
rêts qui s'avisèrent d'un tel roman.
11 y a des étourdis dans toutes les com-
munions: voyez l'article de Bellakmin,
remarque (K).
Bèze (68).
(Q) Il conserva toujours son bon
sens. ] Son historien n'a rien dit de
ce que M. de Thou remarque tou-
chant la mémoire de ce vénérable
Il ne faut pas que j'omette que les vieillard. Prœsentium memoriam dc-
jésuites soutinrent que cette fable bilitutd quippe mente evanidam arni-
avait été forgée dans le'parti protes- serai , prœteritorum ditm ingenio va-
lant , afin de la leur imputer. Voyez lebal impressam servaverat. Itaque et
lu Scaligérana sous le mot f^elserus , lotos Psalmos hebraïcè , et quodeun-
et les Notes sur la Confession de Sanci. que caput ex B. Pauli Epislolis pro-
EUes donnent un extrait de la lettre pnsuisses integrum gra'cè recitabat ,
qu'ils publièrent en iSgS, sous le nom nec in Us quœ olim didiceral judicio
d'un gentilhomme savoysien , où ils carebat . sed quœ dixerat statim obli-
soulinrent que la prétendue lettre a viscebalur (69). Cela veut dire qu'à
eux attribuée sur la mort et conversion divers égards la mémoire de Théodo-
re Théodore ife Bèze, n'était qu'une re de Bèze était fort bonne et fort
pure imposture de Bèze lui-même et mauvaise : fort bonne à l'égard des
des Bézéens de Genève. L'auteur des choses qu'il avait apprises pendant la
notes remarque qu'Etienne Pasquier force de son esprit ( car il pouvait ré-
n'eut aucun égard à cela, et que le je- citer par cœur tous les psaumes en
suite hicheome débita comme certain hébreu , et tous les chapitres de saint
le conte de la conversion de ce mi- Paul en grec ); et fort mauvaise à IV-
nistre , dans un ouvrage réimprimé gard des choses présentes ; car peu
l'an 1399 (64)- après qu'il avait dit une chose, il ne
Notez qu'en 1591 il courut un bruit se souvenait point de l'avoir d>le. Cet
que Bèze était mort. Cette fausse non- état dura près de deux ans , si nous
velle fut mandée par un ministre à en croyons M. de Thou, qui paraît
M. du Plessis Montai , qui lui répon- sur ce point-là avoir été muni de fort
dit en ces termes : fous m'avez atlrîs-
(Gi) Idem, ibid. , pag. 5g.
(<>a) Voyez aussi la préface de son Nouveau
Testament de l'édition de i5()8.
(63) Antoine la Faye rapporte ces vers de
Théodore de Bèze, pag. 60 et 6t.
(04) Tué des Notes sur la Confession Je San-
•i , pag. 4-' , e'ditior. de îùç*).
(65) Spon. , Histoirf de Genève, liv. III ,
pag. 3>C), édition d'Vlrecht , en i685.
(66) Péreliie, Vie de Henri IV.
(67J Matthieu, llist. de la Paix, liv. IV ,
pag 661. I.a Fave nomme Ce lieu Elucrluin.
.1/.' de Thou , liv.'CLII, Louellom.
(68) Tliuau. , Ub. CXXf . pag. 9*».
69 Idem , I». CXXXIV, PaS. 1082.
4o8 BÈZ]
bons mémoires. En effet , Casaubon
assure qu'en matière d'érudition Bèze
j montrait les dernières années de sa
vie tout tel qu'on l'avait vu vingt an-
nées auparavant. 11 discourait sui l'an-
cienne histoire avec tant de netteté ,
nir des levées ; que Bèze Courut de
ville en ville par tous les cantons de
la religion, et qu'il anima tellement
les Suisses , qu'il fut cause qu'ils four-
nirent de grandes sommes pour le
prince Casimir; que les, cantons ca-
m eût dit qu'il venait de lire Plu- tholiques voyant cela firent savoir a
tarque et les auteurs de cette espèce : la cour de home le grand préjudice
il parlait, latin , et quelquefois grec que cet homme apportait à la catho-
comme auparavant; mais, dans la mê-
me conversation , après s'être entre-
tenu amplement sur le sujet du nou-
veau roi d'Angleterre , il demandait
de temps en temps s'il était vrai que
la reine Elisabeth fût morte. Vene-
ramlus senex Theodorus Beza cùm
per longinquilatem cetalis factus sit
ob/ii'iosus , adeo ut posl fréquentes île
noua rege Angliçe sermones subindè
licite ; que là-dessus Sixte V fit tenir
deux conférences , dont le résultat fut
qu'il fallait employer toute sorte de.
moyens pour faire sortir de Genève ce
ministre; qu'après cela rien ne serait
plus aisé que la conversion de cette
ville , et que la conversion de Genè-
ve serait la ruine totale de l'hérésie ,
tant en Suisse qu'en France; que M. de
Sales , évêque de Genève , se trou-
me rogaret deregind, an verum esset vant alors à Rome , fut prié de dire
quod fama jactaret , illam fatis con- en présence de sa sainteté par quels
cessisse ; idem tamen in litleris visus moyens il croyait que l'on pourrait
nobis is esse quem ante annos uigin- dénicher de son poste ce vieux minis-
ti rioveramus. Loquilur latine, inler- tre ; qu'il déclara que le seul moyen
dum et grœcè ut anteà ■■ audiuimus de
historié veleri disserentem è re nald lu-
culenlissimè, ut videretur recens esse à
iectione Ptutarchi et id genus auclorum
(70). M. de Thon fut mal informé des
circonstances de la mort de Théodore
de Bèze : il dit que ce ministre , prêt
à sortir pour aller au temple, fut saisi
d'une convulsion subite qui l'empor-
ta. La vérité est que depuis quelques
semaines ses forces diminuaient à vue
était de fournir au duc de Savoie les
forces qui lui seraient nécessaires pour
la conquête de Genève : que Beze ne
doutant pas qu'on n'en voulût à sa
vie , se prerautionnaitde telle sorte ,
qu'il ne fallait point espérer qu'au-
cune entreprise contre sa personne
pût réussir; qu'après ce discours de
M. de Sales , on abandonna le dessein
de se défaire du ministre , ou par l'as-
sassinat , mi par le poison , d'autant
d'ceil, et qu'il n'y eut rien de subit ni plus que l'on apprit que son altesse de
d'imprévu dans sa mort. Voyez la Savoie avait inutilemeut tenté toutes
Faye aux pages G5 et 66. sortes d'expédiens pour cela +.
(R) Il rendu de très-grands services'a J'ai trois choses à remarquer sur ce
sonparti.] M. Léti rapporte queSixteV récit. i°. Antoine la Faye ne dit point
lit tenir deux conférences où il assista, que Théodore de Bèze ait fait un voya
pour délibérer des moyens doter au
parti des protestans l'appui et le grand
ressort qu'ils avaient en la personne
de Théodore de Bèze (71). Que peut-
on rien dire de plus glorieux pour ce
ministre que de le représenter com-
me un homme qui faisait passer de
mauvaises nuits au pape et aux cardi-
ge en Suisse l'an 1687; et cependant,
il n'oublie guère ces sortes de choses.
Une expédition comme celle-là, dont
les effets furent, dit-on, si grands, et
d'une influence si générale pour le
bien de la cause, l'aurait-il bien, ou
ignorée ou supprimée ? 20. François de
Sales n'était point évêque de Genève
1587 le député du roi de Navarre au- ne s'accorde point avec ces paroles de
près des cantons se servit des bons of-
fices de Théodore de Bèze pour obte-
(70) Casaubon. , Epist. CCXCVH , ad Sca-
liger.
"(-1) Lcti, Vit?, di Sisto V, parle II, lib.
III .pag. 2G2 , ete.y eda. dsll'an< 1686.
* « Bayle, dit Joly, critique avec raison G.
» Léti , qui raconte d'une manière fabuleuse les
» mesures qu'on prit à Komc pour faire rentrer
» Bèze dans la communion catholique par l'en-
» tremise de saint François de Sales. » Joiy
entre dans quelques détails à ce sujet,
BÈZE. 409
M. Moréri: Bèze, avec qui François de Scaliger ait reçu la moindre con-
de Sales asait eu quelques conférences tirmation. Ce n'était pas un de ces
U Genève, lui avoua que la religion présages poétiques , qui ne tirent pas
catholique était la seule véritable (72). plus à conséquence que ceux 'd'un
Sur on tel aveu, le prélat aurait cou- commentateur fanatique des révéla-
seillé au pape d'ofl'rir au ministre tou- tions de saint Jean. Je ne crois pa
tes sortes de dignités. Il y avait de l'hy- même que l'envie de comparer Bèze à
perbole dans la description des soins saint Augustin , qui aurait, pu enga-
qu'on disait à Rome que lièze prenait ger cent autres poètes à hasarder la
de sa vie. Non faceva passo , senza prédiction, ait fait parler Scaliger. 11
un cumula grande di precauzioni , e y a beaucoup d'apparence , qu'en rai-
senza pigliar cento e nulle misure , sonnant sur l'état des choses, il crai-
non costumando di praticar nissuno, gnaitpour la ville de Genève le destin
senza esser sicuro d'una inveterala co- de celle d'hippone , qui fut prise par
noscenza, ne voleva domestici in sua les Vandales peu après la mort de son
casa, délia di cuijede nonne J'osse si- évêque. C'était donc une conjecture
euro, nltre che quei suoi perversi sel- politique , plutôt qu'un enthousiasme
tarii lo custodivano corne suoi demoni de poète. L'événement s'en est mo-
tutelari , ne usciva mai da casa senza que : ce qui montre que le plus sûr est
haverne cinque o sei a lato , e quel che de ne point juger de l'avenir. Voici
importa, che per maggior sicurezza ce mauvais augure de Scaliger.
non metteva mai li ptedi tuo'i délia .
J tijue /).■: fiitnnlo non Hippo superslile capta
eut,
Qu'um quaterel Liùycas Vandatus hosûs
Induisit tibi sic prœtentia nutninit, islo
Cernere ne posscs ulteriora nialo.
Âlque ulinam celeres rapianl procul omi.x.
venli ,
El potiits mendax Jînxeril ista melus '•
Sed lej'elicem , etc.
11 y a certaines choses dans le Scali-
gérana , qui ne sont pas avantageuses
à Théodore de Bèze ; mais quoi, cesse-
città (73). Mais il est. vrai qu'il usait
de précaution. Voyez l'un de ses ou-
vrages contre Claude de Saintes. Vous
y trouverez qu'un lui reprocha qu'il
n'osait sortir de Genève , de peur,
comme un autre Cain, d'être tué par
le premier qui le trouverait. Geneva
pedem non audes efferre , ne le quis-
quis inveneiit ut alterum Caïn occi-
dat. Il répondit , que si Dieu l'y ap-
pelait, il irait partout sans crainte,
quoiqu'il n'ignorât pas les embûches t.on d'estimer un homme , lorsque
qu'on lui tendait , et qu'il évitait par exemple on ne fait pas difficulté
aussiprudemment qu'il était possible, d'avouer que le grand nombre d'af-
Etst mihi apposilos à luis Mis et ve- faires f]ont j[ s\.;t m,-.|, ,.t ]a mu||j-
ne/îcoj et ticarios non ignora ( hœ Uuie (ll. livres dont il est l'auteur,
sunl enim artes Romanœ ) quorum yQnt enipêché d'acquérir beaucoup de
etiam unusjam h'tc deprehensus pœnas scjt.nce?
dédit Inlereh me sanè libens /j^ je ne critiqueM. Moréri qu'en
domi conttneo , et veslras insidias cin() cnoses. ] i°. Bèze n'était point
qu'amprudentissimèpossumevito^j). sorti de l'enfance lorsqu'on le mena
(S) // eut beaucoup de part a Ces- « paris . sa mere y y mena dès ,,„ ,|
time de Scaliger. ] Cela paraît par son ful sevré. Mater. . . mariti imperio ob-
Epicedium SOT la mort de Théodore secula Luteliam usque me recens ablac-
de Bèze. Il y fourra un mauvais au- TXTUM perduxit. C'est Bèze qui écrit
gure qui n'eut point de suite. Addito ceja .• \v,,|m.ir. a0. Nous verrons ci-
eliam de fat o urbis in qud decessit dessous (7-) s'il faut croire qu'une
omine, quod lamen hactenùs eventu épigramme' scandaleuse ait attiré h
caruit (^5). Il y a quatre-vingt-dix
ans plus ou moins , que M. de Thou a
fait cette observation ; et l'on n'a
point vu jusqu'ici 1 76) , que le présage
(72) Dans l'article de François de Sales.
[ Cel article n'existe pas.]
(:3) Lrti, Vita di Sisto V, pag. 264.
(-4) Beza , Oper. tom. If , pag. 362.
(:5) Thi.anus, lib. CXXXIV ,Vag. 1082.
(76} On e'cril ceci en mai 1G99.
Bèze le ressentiment de la justice.
et qu'on l'accusa encore d un crime
plus horrible que n'est le concubinage,
etq>ie ses débauches lui causèrent un ■
maladie. 3°. Il n'est pas vrai que I al
vin ait fait souvent donner des com-
missions d'éclat à Théodore d
(-') Dansla remar<;-
4io
BÈZE.
pour se trouver à quelques conférences
contre les luthériens. Je ne pense pas
que, durant la vie de Calvin , il y ait
eu de ces conférences où Bèze se soit
trouvé ; car il ne faut point mettre en
ligne de compte la dispute de l'an
i557 : le hasard la fit naître (78). Ce
fut peu de chose : on était allé en Al-
lemagne pour d'autres desseins. 4°- H
n'est point vrai que Théodore de
Bèzc: soit l'auteur de la Confession de
foi des églises réformées. La Confession
de foi qu'il composa premièrement en
français , et puis en latin , est une
pièce différente de la Confession des
églises. 5°. Bèze ne présida point au
synode de Nimes l'an 1572. C'est aux
imprimeurs de Moréri qu'il faut im-
puter les fautes suivantes : ils ont mis
la naissance de Bèze à l'an 161g , au
lieu de i5i6 • ils ont cité Antoine Pale
De Vild et Obitu Theodor. Beze s il
fallait citer Antoine la Paye., et met-
tre Bezœ.
(V) Ce qu'en dit Mézerai ne parait
point digne d'un historien judicieux. ]
S'il s'était contenté de dire qu'on li-
sait dans plusieurs écrits imprimés ,
que Théodore de Bèze fut accusé de
cette abomination, il ne faudrait pas
le trouver étrange ; car il n'avance-
rait rien qui ne soit très-vrai. On
pourrait citer peut-être deux cents au-
teurs, qui, se copiant les uns les au-
tres , ont parlé Je ce procès. Mézerai
va beaucoup plus loin : il soutient la
chose , il s'en rend caution , et il n'en
saurait produire nulle preuve; cVst ce
qu'on peut appeler la conduite d'un
historien étourdi *. Rapportons ses
paroles : « On peut bien sans préju-
» dice d'aucune religion le nommer
}> un très-méchant homme , et. une
j> âme entièrement corrompue qui ,
» comme une vilaine harpie, gâtait
» le-, choses les plus saintes avec ses
3) railleries malignes, et dont le cœur
» ne couvait que des desseins san-
j) glans et tout-à-fait exécrables Aussi
» il n'était sorte de vilenie dont il
» n'eût souillé sa jeunesse ; les poé-
» mes, dont il a voulu couvrir ses or-
i) dures par ce titre de Juuenilia, en
(•-S) Beza, Apol. ad Claud. de Saintes, pag.
295.
* Joly renvoie à Bayle la qualité d'historien
étourdi , qu'il mérite, dit-il, pour avoir inséré
dans son Dictionnaire presque tout Brantôme qui
oe cite personne.
» font assez mention ; mais, outre
» cela , il est constant qu'il s'enfuit à
M Genève , pour éviter la punition des
» sodomies dont il était accusé devant
j> le parlement de Paris ; et qu'il em-
» mena avec lui sa Candide, femme
» d'un tailleur, qui vivait encore au
» commencement de ce siècle , après
» avoir vendu quelques bénéfices qu'il
» avait eus de son oncle , entre autres
» le prieuré de Longjumeau; com-
» mençant de cette sorte la réforme
» de sa vie par une simonie , et par
» un adultère (79). » M. Maimbourg
ne fit que donner la paraphrase de ce
texte de Mézerai , quand il voulut
faire un portrait horrible de Théo-
dore de Bèze (80) ; mais , au lien de
suivre l'exemple de Mézerai , qui ne
cite rien, il cite Bolsec, de Sponde ,
Florimond de Remond , Claude de
Saintes , etc. S'il avait eu de meilleurs
témoins à donner , il les eût donnés
sans doute ; ainsi l'on peut tenir pour
induhifuhlp que Mézerai n'a point eu
d'autres garans que eux que' Maim-
bourg a cités. Or, encore un coup,
c'est la conduite la plus indigne qui
se puisse d'un historiographe aussi cé-
lèbre et aussi illustre que celui-là.
Vraiment, un historien débiterait de
beaux contes, s'il s'amusait à rappor-
ter toutes les injures personnelles que
les controversistes se chantent , de
quelque religion qu'ils soient. Ce ne
sont point des gens qu'il faille croire
dans les faits personnels qu'ils repro-
chent à leurs adversaires, à moins
qu'ils ne les appuient sur des actes au-
thentiques ; de sorte que M. de Méze-
rai , n ayant fait que suivre un Clau-
de de Saintes , et un Florimond de
Remond , qui n'ont apporté aucune
preuve de leurs médisances , s'est fait
un grand tort auprès des personnes
de jugemrnt.
Qu'il me soit permis de faire ici une
observation, qui peut avoir des usa-
ges dans la discussion des faits per-
sonnels. Plusieurs auteurs ont soutenu:
i°. que Bèze sortit de France pour
éviter les suites d'un procès de sodo-
mie, qu'ils disent qu'on lui avait in-
tenté au parlement de Paris ; 20. qu'il
amena avec lui la femme d'un certain
(*-q) Mézerai, Histoire de France, lof. III,
pag. r>4-
(80) Maimbourg , Histoire du Calvinisme ,
pag. 217.
ïiÈZE.
tailleur. Bcze a soutenu publique-
ment que c'étaient deux calomnies
énormes, et qu'il avait vécu à Paris
sans reproche, et <|u'il n'en sortit, ni
par crainte , ni pour dettes, mais pour
la religion ; et que jamais il n'avait
attente à la femme de son prochain
plus qu'au royaume des Indes. Lule-
tiœ inculpait et bond integrdque exis-
timatione. . . vixisse. Inde nonfugd,
non clam , non i>i , non metu , non œre
alieno oppression , (que: tu inihijalsis-
simè et mendacissimè impingis) , sed
iiiuus reltgionis studio... ad verant ec-
clesiam justis itineribus ultra conces-
sisse.... Corant Deojuratus lestari pos-
iitm non inagis unquàm milii conti-
gisse ut cujusquam uxoris pudicitiam
attentarcm, quant ut Jndorum regnum
iwaderem (81 ,.. Jusque-là , personne ,
de quelque religion qu'il puisse être ,
n'est obligé de juger , ai que Bèze est
innocent , ni qu'il est coupable; per-
sonne n'est obligé de croire, ou que
son ministre ne nierait point un crime
infâme, s'il n'en était pas innocent,
ou que son prêtre n'avancerait pas
une accusation atroce , si elle n'était
véritable. C'est donc aux lecteurs à se
tenir dans l'équilibre, jusqu'à ce que
l'accusât ion soit prouvée ; mais d'au-
tre côté, c'est à eux à prononcer pour
l'accusé , dès qu'ils voient que l'aecu-
sati m d-meure sans preuve , et prin-
cipalement dans les circonstances que
je m'en vais dire. Si le fait en ques-
tion est de nature à pouvoir être
prouvé authentiquement , et si les ac-
cusateurs ne manquent ni de bonne
volonté, ni d'industrie, il faut con-
clure que, lorsqu'ils ne prouvent pas,
ils sont calomniateurs. Il ne faut que
cela pour convaincre de calomnie les
accusateurs de Théodore de Bèze. Un
procès, intenté à un prieur de Long-
jumeau devant le parlement de Paris,
est une chose qu'on peut avérer faci-
lement. Les accusateurs , leur procu-
reur , leur requête , la commission
d'informer , les procès verbaux des
commissaires sont , ou des gens domi-
ciliés , ou des pièces qui se conservent
sous l'autorité publique ; et l'on ne
s'imaginera jamais qu'un misérable ,
qui se sauve le plus vite qu'il peut, ait
eu le crédit d'anéantir la procédure,
et de faire perdre la parole aux corn-
ai) Beza , Apolog. altéra ad Claud. de Sain-
tes , Opcr. , loin. II , pag. 35g.
plaignans, ou à ses parties adverses.
Le tailleur, dont on avait débauché
la femme, a vécu autant que. le pré-
tendu séducteur : il était donc facile
de fournir sa déposition juridique.
D'où vient donc qu'un Claude de Sain-
tes, et tant d'autres ecclésiastiques ,
accusateurs publics de Théodore de
Bèze, n'ont jamais pu fournir les do-
cumens de ce procès , ni la déposition
en bonne forme de ce tailleur? C'est
peut-être que les phrases obligeantes
de Théodore de Bèzeles désarmèrent;
mais au contraire il les traita comme
des chiens : ses railleries et ses inju-
res les perçaient de part en part, et
tous leurs écrits respirent la plus vio-
lente haine. Ils avaient donc d'un côte!
tous les moyens imaginables de trou-
ver les preuves, et de l'autre l'envie
la plus passionnée de les trouver : ce-
pendant ils ne les ont point fournies.
Dés-là, tout homme équitable doit
conclure qu'ils sont de francs calom-
niateurs.
Voici le précis de tout mon raison-
nement. Le fait est d'une telle nature
que, s'il était véritable, les preuves ju-
ridiques et authentiques ne manque-
raient pas. Les accusateurs ont toute
l'adresse et toute la capacité qui sont
nécessaires pour trouver ces preuves.
Ils ont le plus grand intérêt du mon-
de de les trouver. Ils ne les ont pas
trouvées : c'est parce , faut-il con-
clure , qu'd n'y en avait pas. Il n'y en
av.nt pas, c'est parce , faut-il encore
conclure, que le fait en question était
chimérique.
Je me suis étendu sur cette pensée ,
parce qu'il m'a semblé qu'elle peut
servir de clef pour débrouiller les in-
certitudes où nous jettent tant d'écri-
vains téméraires , qui copient les uns
après les autres les accusations les
plus atroces , sans se soucîel' d'en
donner des preuves , pendant que
d'autre côté les accusés et leurs amis
ne cessent de crier à la calomnie.
(X) Ses poésies, intitulées Juveni-
lia, ont donne lieu a de grands l'a-
carmes.] Elles furent imprimées à l'a-
ris l'an iS'jS, dans l'imprimerie de Jo-
docus Badius Ascensius, par Conrad
Badins, tant pour lui que pour Robert
Etienne, avec privilège du parlement
pour trois ans. La faille douce de l'au-
teur y paraît à la seconde page; on y
marque qu'il avait alors vingt-ueuf
412
BEZE.
ans. Il dédia cet ouvrage à Melchior
Wolmar son professeur (+). Ces poé-
sies consistent en Silves , en Elégies,
en Épitaphes , en Tableaux , Icônes ,
et en Épi grammes. C'est en vain que
l'on répond aux controversistes que
Bèze accoucha de ces poésies impures
a\ant que d'être de la religion; car
il dément lui-même ceux qui s'érigent
en ses apologistes par cet endroit-là.
11 reconnaît , que dès l'âge de seize
ans, il était imbu des lumières du
pur évangile ; et que , lorsqu'il abjura
extérieurement la papauté , il avait
voué à Dieu cette abjuration depuis
long-temps (8a). La première chose,
dont il rend grâces à Dieu dans son
testament, est , quôd anno œtalis suœ
16 , verce christianœ religionis cogni-
lione ac luce donalus sit (83). Notez
que Morton , ayant avoué dans la
première édition de son Apologie ca-
tholique , que Bèze , pendant qu'il
était papiste , était tel qu'on le re-
présente, erat, erat, sed ilum in co-
lutabro veslro miser hœserat. . . dum
qui causèrent du scandale. Je m'é-
tonne qu'on ait cru le contraire (88) ;
car non-seulement les auteurs qu'on
cite ne disent pas que Bèze donna
tocs ses vers , pour les faire imprimer
avec les plus beaux caractères que l'on
piit trouver chez les Etiennes ; mais
il est certain aussi que l'édition qui
se lit alors ne contient point les vers
libres du Juvenilia. Considérez bien
ces paroles de la Faye : Accidit ut de
Bezœ poematis ageretur et generosus
D . Zaslrizellus peleret à Bezâsibi do-
nari Ma carmina , quee cùm ipse , tùm
Paludius ( c'était le précepteur de
Zastrizellus ) vitd digna judicarenl. Id
quùm impetrdssent , Bezd concedente ,
curavit Me in unum colligi Sylvas ,
Elegias , Epitaphia , Epigrammata ,
Icônes , Emblemata , Catonem censo-
riurn , et ut elegantissimis typographii
Stephanianiformis excuderenlur effe-
citanno 1597 (89). M. Baillet a fait
voir son honnêteté et son équité (90).
Vous trouverez une bonne justifica-
tion de Théodore de Bèze dans le Mé-
papista hircusfuit, etc. (84), a corrigé lange critique de M. Ancillon (91). Il
cela dans la seconde édition, etsoutenu
que Bèze avait toujours vécu en hon-
nête homme. Brerleius s'est prévalu
de la première édition (85). C'est en
vain aussi que l'on recourt à la récri-
vain aussi que
mination ; car ni Muret , ni la Casa ,
ni cent autres poètes , qui n'avaient
aucuneréformation,niaucuneérection
de nouvelle église à établir , n'ont pas
dû être distingués par des caractères
singuliers de vertu et de piété. Le plus
court est de mettre cespoe'sies de Bèze
parmi les péchés de sa jeunesse , dont
il demanda pardon à Dieu et au pu-
blic (86}. Il est certain qu'il travailla
à les supprimer (87) , autant que ses
ennemis travaillèrent à les faire vi-
vre; et s'il consentit à l'âge de soixan-
te et dix-huit ans que l'on fît une
nouvelle édition de ses vers latins, ce
ne fut pas pour y laisser insérer ceux
(*) Il faut précepteur. Rem. crit.
(82) Epist. dedicator. Confessionis Eidei ad
Mel. Wolmarura.
(83) Fayus, in Vitâ Bezse, pag. ^Z.
'84) Morton , Apolog. cathol, , part. 1 , lib.
11, cap. XXI.
(85) Brerleii Apolog. Protest., pag. 55o/
(86) Voyez la préface de ses Poésies à André
Dudithius , datée du 14 de mai 1569; ses Notes
sur le chapitre premier de saint Matthieu , vs. 19;
tes Réponses à Claude de Saintes , etc.
Fayus, in Vitâ Bezœ, pag. 9, 10.
rapporte un beau passage de M. Daillé
(92) , où l'on apprend que les infidè-
les reprochaient à l'église primitive ,
qu'elle donnait ses plus beaux em-
plois à des gens que les scandales de
leur mauvaise vie avaient rendus odieux
et infâmes parmi les païens M. An-
cillon nous renvoie à son Apologie de
Calvin , de Luther , de Zuinçle et de
Bèze (93).
(Y) On a empoisonné l'épigramme
de Candide et d' Audebert. ] Il n'y a
rien de plus mal fondé que l'accusa-
tion énorme que l'on a fondée sur celte
épigramme. Voyez l'article d'AuDE-
bebt. Ceux qui prétendent que la
Candida de Bèze était sa femme se
trompent : car la femme de Bèze ne
fut jamais grosse , et il y a des vers sur
la grossesse de Candide dans le Juve-
nilia de l'auteur. Quœnam Ma est
Candida ? Uxor mea scilicel , quam
in meis versiculis prœgnantem superi.%
commendo , quùm uxor mea nunquaiu
(88) Jugem. sur les Poètes , num. i366.
(89) Ant. Fayus , in Vitâ Bezs , pag. 5g.
(go) Enfans célèbres, art. 56.
(91) Au premier tome , pag. 386 et suiv.
(92) Tiré du Sermon XIX sur le cliap. III de
la I™. épître de saint Paul à Timothée.
(g3) Ancillon , Mélange critique , tom. I , pag
398.
BÈZE.
4i3
etiam conceperit (qj)- Je n'ai pu en- comme un ange, ne manquant point
core rien déterrer touchant la femme d'argent , se mésallie ! Un de ceux qui
de Théodore de Bèze , sinon qu'elle ont répondu au Calvinisme du sieur
n'était pas de famille, et que leur corn- Maimboarg, nie que la Candida de
merce commença quatre ans avant Bèze soit une certaine dame Claude ,
qu'ils sortissent du royaume , et qu'ils Jtiiiiued'un tailleur , et il se sert , en-
se mariassent en face d'église. Son tre autres raisons, de celle-ci : Quand
mari lui rend un bon témoignage, Bèze parle de l'agrafe , il se plaint
Uxorem mihied quant Ma tempera fe* de ce que , coërcet globulos duos ru-
rebant ratione quatuor circiter an- bent.es, intracaeca jubet manere claus-
nos anlè voluntarium meum exilium tra : ces expressions d'un sein , dit il ,
despondi , génère equidem imparem , ne sont pas pour la femme d'un tail-
sed ed virtute prœditam mulierem eu- leur (99). Qui lui a dit que la femme
jus me pœnitere ab eo tempore minime d'un tailleur de Paris ne pût porter
oportuerit (ç)5). Scaliger assure qu'elle en c.P. temps - là une agrafe qui ne
était fille d'un avocat , et stérile ; et permettait pas qu'on lui vît à son
puis il s'écrie : ô la sotte femme (96) / aise les tétons ? Cet apologiste don-
L'hislorien du mari en parle bien au- ne là des observation, vétilleuses ,
trement : il la loue de plusieurs bon- qu'il aurait mieux fait de supprimer.
□es qualités, et surtout de sa tendresse Je ne puis ajouter aucune foi à une
conjugale; mais c'est le style ordinaire chose que j'ai lue dans un ouvrage de
de ceux qui écrivent la vie d'un boni- M. Ancillon : c'est que Théodore de
me de lettres : sa femme, s'il en a eu , Bèze épousa en première noces denioi-
\ toujours été d'un grand mérite, et selle Françoise de Saint-Marcel d'A-
a fait régner la concorde dans la mai- ve/içon , sœur d'un évesque de Greno-
son. Les oraisons funèbres des profes- ble , qui es toit veujve de Nicolas
seurs n'oublient jamais ce bel endroit , Odeuoud , frère de Jean IV , pre-
encoreque ceux qui les récitent n'aient mier consul de la mesme ville de Gre-
que trop souvent un £ocrate à préco- noble son premier marj , et de noble
niser. Quoi qu'il en soit , voyons l'é- Philippe de Poy, seigneur île fiancé,
loge de la première femme de Théo- son second mary (100). Une noblesse
dore de Bèze. Anno 1 588 , mense si distinguée ne peut s'accorder avec
aprili, è vivis excessit Claudia De- la mésalliance que le prétendu troi-
nossa Bezœ conjux , cum qud con- sième ruariavouesi ingénument. D'ail-
junctissimè et honcslissimè vixerat an- leurs , M. Ancillon ne s'était pas bien
nos quadraginta. Fuit illi casus hic instruit de ce qui concerne les maria-
gravissimus : erat emm Jœmina mu!- ges de Théodore de Bèze : il en admet
titm laudata , sedula , Jrugi et viii sui trois , et il leur applique (101) l'épi -
in primis studiosa (97)- Pas un mot de gramme de Pasquier , que j'ai rappor-
.1 famille : cela fait que je doute un tée dans la remarque (N).
peu de ce que dit Scaliger , qu'elle (Z) On l'a accusé d'avoir souhaité
était fille d'un avocat : et d'ailleurs de retourner tians le giron du catholi-
Bèze serait-il convenu si bonnement cisme. ] Voyez dans la remarque (<)
qu'il s'était mésallié , si sa femme le bruit que l'on lit courir qu'il étai(
avait été 611e d'un avocat de Paris ? mort bon catholique l'an 1597. Ici j'ai
Cette mésalliance a quelque chose que .1 citer un auteur dont le nom et le
je ne saurais démêler, et qui laisse des tempérament étaient de fort bonni
soupçons. Bèze , beau comme un Ado- intelligence ( 102). A-il pas demie-
nis (98) , poli , savaut , de l'esprit rement supplie très-humblement par
lettres nostre roi très-chreslién, qu'il Im.
(94)Apolog altéra ad Claj.d. de Saintes, oblin!tt absolution et réconciliation de
Oper. , loin. II, pa;. 35q , 30o. Vorei aussi , , .
Vtpitre dedicaioire de <■■< Voésies. nostre saint père t le mesme prince I ■
(95) F.pisi. dedicntor. Poënutum. Voyez ainsi dit par deux diverses fois il un prélat ,
'« 11e. Réponse a Claude de Saintes , pag. 3Go.
(96) In scaligi-rams . au mol Bcz
(y-) Fayus , in V il» Bexte, pag. '4-
(9S1 Voyez son portail par Maimbour^ , Bist.
<ïu l.alvinisme , pag. 217. On voit dans te Sca-
ligerana, que Beze avait ta mine it'un prince.
Vint vaille pulclier senex... fuit valdè prsstanli
, ut judicarelur aLquis prince^.
renie livre intitule : Histoire vérita-
1 1 inisme , pa:;. 1-1.
(100) Ancillon, Mélange critique, lom. /,
i"i Là marne , pag. .'(o5.
(\oi) Feuardent. Entre-manjeriesministrale.-,
.'1. /// , chap. XXIV ,pa3. 337.
4>4
BÈZE.
et masseure qu'Une le révoquera pour
hugnostiquerie du monde. Criez et mur-
murez-en tant que vous voudrez. Le
sieur Corneille , naguère* ministre ,
m'a dict que le mesme Bèze lui con-
seillant laisser tous leurs erreurs , et
se rendre à la foi et église catholique ,
iuy protesta qu'il enjeroil autant , s'il
pouvoit bien aisément sortir de Genève.
Si vous voulez vous enquérir davantage,
il vous dira le jour , le lieu et les pro-
pos a^icelui , avec tant de particulari-
tés que vous n'en pourrez douter , etc.
Voilà comme le corclelier Feuardent
parle de Théodore de Bèze. On est
étonne , quand on le voit citer Henri
ÎV , avec tant de confiance : car , pour
î'ex-ministre Corneille , sa citation ne
dit rien. Comparez ceci avec la re-
marque (ftj vers !a fin.
(AA) // n'est pas vrai qu'un domi-
nicain l'ait conjondu dans une dis-
pute.'] Aiplionse Fernandez , dans ses
Annales des Jacobins , imprimées à
Salamanque Tan 1617, conte que le
père Sébastien Michel , religieux de
Tordre de saint Dominique , réprima
dans Montpellier le caquet des hugue-
nots , et principalement celui de '1 héo-
dore de Èèze , qui faisait souvent des
voyages de Genève à Montpellier. M
Un et dit là-dessus , qu'au temps de
ce prétendu triomphe , Bèze courait
sa quatre - vingt - unième année , et
qu'il était hors d'état d'entreprendre
de longs voyages , et qu'il est certain
que ni cette année - là , ni depuis , il
ne mit le pied hors du territoire de
Genève. Cùni tante n certum sit Be-
zam tùm octuagesimum primum an-
nv.rn agentem , illo anno nec potuis-
set , si voluisset , JMontempessulanum
adventare , nec ab illo tempore Ge-
nevâ excessisse , aut saltem fines Ge-
nevensium (io3). Je ne crois pas que
ce ministre en aucun temps de sa vie
ait fait de fréquens voyages de Ge-
nève à Montpellier. Nous avons vu
(io4) qu'on lui reprochait qu'il n'o-
sait sortir de Genève. M. Rivet, ne sa-
vait pas qu'en 160J Bèze fit un tour
à Lausanne f io5) : il dit alors le der-
nier adieu à cette ville.
(io3) Rivetns, in Je-uit.î vapulante , Oper.
tom. III , pag- %){)- On trouve dans ce Trait?
de Rivet plusieurs re'ponses aux accusateurs de
Bèze.
(io4' Dans la remarque (R) , à la fin-
(îo.ï; Fsyus , in Yitû Bezw , pag. hj.
(Y>?>) S'il eût. été du parti catholique
il sejdt trouvé des écrivains reformés
qui l'auraient terriblement harcelé sur
son Audebert et sur sa Candide. ] Ce
serait trop présumer des privilèges de
l'orthodoxie et démentir l'expérience,
que de croire que tous ceux qui pren-
nent la plume pour le soutien de la vé-
rité, résistent de telle sorte aux impres-
sions du ressentiment, qu'ils ne voient
dans les écrits de leur adversaire, que
l'état le plus naturel que la justice vent
qu'on y trouve. L'épigramme de Théo-
dore de Bèze sur Audebert n'est au
fond qu'un jeu d'esprit : elle est pure
et nette des horreurs que les mission-
naires prétendent y découvrir : mais
pour y voir cette pureté , il faut être
ou des amis de l'auteur , ou n'avoir
aucun préjugé ni pour lui ni contre
lui : car dès qu'on est bien en colère ,
et que l'on se veut venger des offenses
que l'on a reçues de cet auteur, on
donne un tour criminel à ses paroles.
Les protestans de la confession de Ge-
nève ne doutent point que ceux de la
confession d'Augsbourg ne soient une
partie de cette église véritable qui
conduit au ciel : cependant il y a eu
des luthériens si choqués de ce que
Bèze avait écrit contre leur parti,
qu'ils adoptèrent les médisances des
catholiques romains à l'égard de ses
Juveni/ia. Voici un long passage du
Calvino-Turcismus , où l'on verra les
pensées d'un fameux théologien de la
confession d'Augsbourg. Et quanquam
Theodorus Beza aliter de vitd mori-
busque Calt'ini scribat , tamtn contra
Thendorum Bezam isti arguunt hœc
esse verissima , nec unquani lucul en-
ter et solide à Calvinistis refulata.
D/am quotl ad Bfzœ teslimontum at-
tinet , quùm Theodorus Beza ( in-
quiunt) (*') eâdem ba?resi , et eodern
fermé peccato nobilitaïus sit , ut his-
toria de Candi dâ meretriculâ ( et Au-
deberto ) testatur : nemo ipsi hâc in
parte fidem habere pottst. JYihil certè
apud homineru moderatum tt œquum
valere polest ejus quœiunqve vthe-
mentissima licel conteslalin , si verum
est quod juxla istos ("). Certè constat
Theodorum Bezam à pueritiâ* imbi-
bisse vatum impudicitiam , et impu-
dentiam , totamquc refateni explendis
(*') Conrad. Sclilusselb., Calvinist. tbeolog.,
lib. II , folio 72.
'**) Idem, lib. I , folio 92.
BÈ
suis libidinibus et cupiditalibus , ac
describendis suis amoribus , et ulcis-
cendis suis rivalibus exercuisse , at-
que in meretricem lenam , et cyne-
dum transformatum esse. De que item
constat et hoc ( + ) quod obcœnissi-
mos versus scripsit ad Gerraanum Au-
debertum Aureliœ , et eunderu tan-
quain Adonidem à Theodoro Bez;\ fac-
tumesse (106). Le même aveuglement
3ui engagea Schlusselburgius à écrire
e telles choses, se serait trouvé dans
quelques auteurs reformes , si Théo-
dore de Bèze eût suivi les traces d'un
Claude de Saintes , ou d'un Ronsard
(107) , s'il eût été à la bataille de
Dreux aumônier du duc de Guise ,
si au colloque de Poissi il eût haran-
gué contre ceux de la religion , si en
un mot il les eût persécutés par ses li-
vres , par ses intrigues , par ses ser-
mons , par ses voyages, etc. Disons
donc que la gloire qu'il acquit , en
soutenant avec un grand zèle la cause
des réformes , ht prendre garde à des
poésies , qui sans cela n'eussent fait
crier personne : et s'il était permis de
comparer les petites fautes aux gran-
des (108) , on se souviendrait ici de
ce qu'on dira ailleurs de Jean de la
Casa. Son Capitolo del Porno serait
demeuré inconnu , comme tant d'au-
tres poésies encore plus infâmes , s'il
n'eût pas été élevé à la fonction d'in-
quisiteur. Encore un petit mot. Si
Théodore de Bèze, grand persécuteur
des huguenots, avait été exposé à leurs
libelles à cause de ses Juvenilia , les
écrivains de l'autre parti eussent sou-
tenu qu'il n'y avait nul venin dans
l'épigramme d'Audebert et de Can-
dide , et qu'il fallait être abandonné
à l'esprit de médisance, caractère per-
pétuel de l'hérésie , pour, etc.
(CC) Garasse se déchaîne horrible-
ment contre Bèze. Je rapporterai une
de ses calomnies.] « Le quatrième,
» qui a commis une signalée beslise
)> en matière de sacrement , c'a été
» Théodore de Bèze j car cet homme ,
» qui avait l'esprit bon pour faire une
)> épigramme lascive , quoi qu'il ait
» fait des fautes puériles en la quau-
(*) Folio 93.
(106) Gulielmus Pvcginnljus, in C.alvino-Tur-
cismo, Uli. //, cap. XF , p.!*;. ^74-
(107) frorez les remarques (D) el VF.) de l'ar-
ticle Kons.vrd.
(108) . . . Si parva licet componere magnis.
Virgil. , Georg , Ub. IV , vs. 176.
ZE. 4,5
tité des vers latins , ne parlait ja-
mais des choses de théologis . qu'il
ne s'expos.lt à la moquerie des hom-
mes savans. George Fabritius ra-
conte , in Responsione ad Apolo-
> giam Bezœ , que ledit hérésiarque,
1 étant au colloque de Poissy , fit un
» long discours en forme de para-
> phrase, sur les paroles de la consé-
cration , par lequel il fil voir égale-
ment sa malice et sa sottise. Car,
> disait-il , je vous avise , messieurs ,
qu'ils' est glissé une.Jaule essentielle
dans le Nouveau Testament es pa-
roles de la consécration : car , au
> lieu que nous lisons : Hoc est cor-
> pus racum , hic est calix mens , il
Jaul lire assurément avec une né~
, gative : Hoc non est corpus meura ,
hic non est calix mens , et que c'est
ainsi que Jcsus Christ l'avait pro-
nonce en termes exprès ; mais que
les évangelisles el saint Poul , qui
ont été les secrétaires de Notre- Sei-
gneur Jésus- Christ , nnl par mal'"
heur , ou par trop grande précipi-
tation , ouitfié la négative , comme
souvent , dit-il , il se voit dans les
) Pandecles de Florence , et les juris-
consultes remarquent , qu'assuré-
ment ceux qui les ont transcrites
ont oublie souvent la négative , et
ont fait par ce moyen des lois
toutes contraires à ' l'intention du
fondateur. Ainsi , disait Uéze , tes
évangelisles , pour avoir oublié le
HOB ) sont cause que nous débat-
tons aujourd'hui une vérité très-
claire ; car que/le apparence y a-l-il
que le corps de Jésus - Christ soit
sous une petite hostie rondelette ?
Je feins , dit-il , messieurs , et dis
que Non plus est in coena , qnàm in
COERO : il n'est pas plus dans un
bourbier que dans la cène, A ces dis-
cours , les docteurs, et particuliè-
rement Claude d'Espenses et Claude
de Saintes , demeurèrent comme
étourdis d'étonnetnent, voyant L'ion
pudence et la stolidité du person-
nage : et comme Claude de Sain-
tes , pour le confondre , eût pro-
duit la confession d'Angsbourg , la-
quelle les calvinistes de France
avaient < mhrassée , qui porte en
terme-; exprès ces paroles : Chrisli
corpus in Euekaristiâ adesse , Bèze
npondit qu'il fallait corrige!- , e!
qui! y avait la même faute que
4i6
BÈZE.
■» dans les évaogélistes; et que, par qu'une masse de plomb, pour souffrir
m le changement d'une lettre , il fal- seulement, cette pensée , que Notre-
» lait lire abesse , que le corps de Je- Seigneur Jésus-Christ ait dit : Hoc non
i> sus-Christ était absent dans l'Eu- est, etc. Car, cni bono ? Pourquoi
7) charistie (109).» Nous allons voir faire savoir a ses disciples , que le
comment ce discours absurde du père pain n'était pas son corps , plus tôt
Garasse fut réfuté par un homme qu'une autre viande qui étoit sur la
même de sa communion. table , plutôt que la table même ?
(DD) Il en fut publiquement cen- Puis , quelle counexité , quelle suite ,
sure parun auteur catholique.} Je veux quel raisonnement a ce discours : Ceci
dire par le même M. Ogier , qui écri- n'est pas mon corps qui est livré pour
vit pour Balzac quelque temps après , vous f ceci n'est pas mon sang , etc.
et qui a été un très-bon prédicateur, sans ajouter après aucunes paroles
11 ne se nomma point à la tète de Té- expositives , par lesquelles il fît sa-
crit , qu'il intitula Jugement et cen- ,/0j/- quel esloil donc ce corps et ce
sure du livre de la Doctrine curieuse sang qUl devait être livré et répandu
de François Garasse ; et qu'il publia pour le salut des hommes ? Quant
à Paris l'an 1623 ; mais on ne laisse « moi, j'avoue, quelque contention
pas de savoir avec une pleine certi- d'esprit que fy apporte , que je n'y
tude qu'il en est l'auteur. Ou n'a ja- peux concevoir aucune raison ny aw
mais vu d'écrivain accablé ou écrasé curie suite, et crois fermement que ,
par son adversaire , comme Garasse pour être capable d'y en trouver ,
le fut par M. Ogier à l'égard de ce il faut être furieux et enragé. Finale-
beau conte. Le censeur fit deux cho- ment , qui croira que Bèze ait fait
ses : il montra premtèrementpar trois cette belle harangue , que Garasse lui
raisons qu'il n'y a rien de plus absurde fait tenir au colloque de Poissi , lui
que de supposer que bf ze ait parlé qU[ présenta de sa propre main aux
ainsi ; et puis, il prouva que le témoin évéques assemblés audit lieu cette f 01-
cité par Garasse ne disait point ce mule de confession touchant C ' Eucha-
qu'on lui attribuait. ristie : Contiteinur Christum Jesum in
Voyons ses trois raisons. Quelle ap- Suâ sanctâ" cœnâ nobis ollerre , dare
parence , je vous prie , que Bèze, l'un et exhibere veram substantiamcorpo-
des principaux ministres du colloque ris etsanguinis, per operationem Spi-
de Poissi , ait tenu les discours que lui ritûs Sancti , et le reste , qui se lit en
prête Garasse , et dit qu'il faut lire : la Réponse de Cl. de Saintes a V A-
Hoc non est corpus raeum ; vu que pologie de Bèze ? et quoiqu enfin ces
celle maudite corruption ruine , non- belles paroles , si orthodoxes en appa-
seulement la créance catholique tou- rence , s'évanouissent en des idées et
ehant le saint sacrement de l'Eucha- des figures en l'air , si est-ce toutefois
ristie , mais aussi l'hérétique , et l'o- qu'en quelque sorte qu'on les prenne ,
pinion propre de Bèze et de son parti? elles ne peuvent subsister avec cette
Certes , Unie semble que si Notre- prétendue négative (11 o).
Seigneur avait dit: Ceci n'est point \\ nous apprend ensuite la compa-
mon corps , comme les catholiques raison qu'il fit entre le narré de Ca-
ne pourraient conclure la réalité du rasse , et celui du jurisconsulte Ga-
corps par cette énonciation , aussi briel (111) Fabricius , que Garasse
les zuingliens n'en pourraient tirer avait donné pour garant de son His-
leur signification de corps , et encore toire. 11 raconte que François Bau
moins les calvinistes leurs découle- dnuyn , autrement Baldum , ayant
mens, irradiations , participations du quitté la secte des calvinistes , servit
corps de Christ , qu'ils ajoustent à long-temps de butte h leurs calomnies
la signification , puisqu'il aurait dit et à leurs malédictions. Joint... qu'il
absolument : Ceci n'est pas mon corps, composa de fort doctes traités contre
ajoutez a celle considération , qu'il la doctrine de Calvin , et entre autres
faut être , non - seulement bêle, com- une épître qui sert de préface à une
me dit Garasse , ains pis que bêle, plus
insensible qu'une souche, plus slupide J^^*C~g£ »—
(109) Garasse, Doctrine curieuse . pag. s83, r,"] Fi "°n ""' George, comme Garas,
»84-
curieuse , cliap. V III , pag. 89, 90.
(m) Et non pas George, comm
rivait du . de quoi le prieur Ogier le censure.
BÈZ
édition quil publia d'Optalus Mile-
fit anus qui porte en sa superscription
Joanni Lucanio (112). <c Si les minis-
» très , ajoute-t-il (1 13) , haïssaient ce
)- jurisconsulte beaucoup , ils ne le
)> craignaient pas moins à cause de sa
» suffisance et profonde érudition :
» tellement que tout ce qui partait
» de la main des docteurs catholiques,
» où quelque point de leur doctrine
» était solidement réfuté , ils l'attri-
» huaient à Lalduin. Étant donc ar-
»-rivé que le docteur de Saintes, de-
» puis évêque d'Evreux , eut coiu-
» posé un livre intitulé Examen doc-
•» trinœ cah'inianœ et btznnœ de cœ-
» nd Domini (1 14) , Bèze composa
» une apologie pour y servir de ré-
» ponse , où il fulmine contre Bal-
» duin , comme le principal auteur
» de l'Examen. De Saintes repart par
» une Réplique qui porte ce titre ,
» Responsio ad Apologtam Tlieadori
» Bezœ , etc. ; et Gabriel Fabricius ,
» d'un autre côté , entreprit la cause
» de son maître Balduin, et composa
» un libelle qui porte ce titre , Ga-
» brielts Eabrictt Responsio ad Be-
j) zam fezeliam l'.ceboliam (1 1 5) ,
» qui , à parler proprement , est une
» satire ménippée , où il dépeint Bèze
» de toutes ses couleurs , ne l'appe-
» lant jamais autrement que de noms
)> féminins , et traitant avec lui ,
» comme avec une femme la plusim-
» pudique et la plus abandonnée du
» monde. Là-dedans , il fait des fein-
» tes , des levées de bouclier contre
» lui : il lui «liesse un mausolée ma-
» gnifique ; bref , il lui fait souffris
» toutes les pointes plus piquantes ,
» que la satire puisse aiguiser contre
» son ennemi. C'est de ce livret que
» Garasse... a tiré cette belle haran-
» 211e de Bèze faite au colloque de
» Poissi , qui pourrait encore passer
» à la montre , si Fabricius le faisait
» haranguer de la sorte , et en même
» façon que Rapin , dans le Catholi-
» cou , fait discourir le cardinal de
» Pelvé. Mais tant s'en faut que cela
» soit , que même il n'y a rien d'ap-
» prochant de harangue en tout le li-
(iiî) Jugement et Censure de la Doctrine
curieuse, paç. 91.
(n 3) Là même , pag. <J2 et mi».
'n4) Ce livre fut imprimé à Paris, fan
067.
(n5) Imprimé à Paris , t"ar» I5C; , in-8°.
TOME III.
E. 4i7
» vre. Fabrice dit seulement que
» Bèze , sans se rompre la tête après
» tant de formules de confessions ,
» de commentaires , d'explications
» de ce passage , Hoc eu corpus
» meum , devait dire tout efl'ronté-
» ment , que c'est une erreur des
» scribes et copistes qui , au lieu
» que les évangélistes ont écrit Hoc
» non est , ont laissé par mégarde en
» arrière la négation , et ont écrit
» Hoc est , etc. Voici les propres
» termes de Fabricius , page 17 de
» mon exemplaire. Et forçasse , ut
» tandem te expédias , et tôt corn-
» nienlariorum plauslra 1 acessere ju-
» béas , reçûmes nd talcm cmendatio-
» neni ■ et quia nostri correctores di~
» cunt in ipsis etiam Pandectis Flo-
» renlinis , sa-pè déesse negationem ,
» lu ta/i artificio statim te libères , et
» adversariis os obstruas , prœserttm
» cùm alins ,nii/i us evangeliorum locos
» sirniliter scilicet ernendaris , parlim
» ex conjectura , parlim ex manuscrip-
» tis , ut ais , exemplaribus. Par les-
» quelles paroles il paraît plus clair
■» que le soleil en plein midi , que
» Fabricius veut dire en un mot à
» Bèze , Eum qui semel verecundiœ
» fines transierit , naviler oportere
» esse impudentem. Que puisqu'il a
■ été si impudent de corrompre l'E-
» criture en divers passages moins
» imporfans , il pourra bien encore
» l'être jusqu'au bout , et corrom-
» pre même ce passage , Hoc est cor-
» pus meum , y substituant, Hoc non
» est , etc.
» De même étoffe est l'imposture
» suivante de Garasse , quand il dit
» que Claude de Saintes , entendant
a parler Bèze de la sorte , produisit ,
» pour le confondre , la Confession
» d'Augsbonrg , qui porte ces mots ,
» Chnsti corpus in Eucharistid ades-
» se ; et que Bèze répondit qu'il fal-
» lait, lire abesse. Garasse s'étonne
)• de la stolidité de Bèze . et moi j'ad-
» mire la stupidité de Garasse , qui
» pense faire aerroire ■'; suri lecteur,
» tpie Bèze , qui ne voulut jamais
» signer la confession d'AugSOOurg ,
» quelque instaneeque lui en eut faite
» le cardinal de Lorraine , ni même
» dire clairement son opinion sur la-
» dite Confession , ail l'ait cette ^otte
» et impertinente repartie au docteur
» de Saintes... La vérité donc est
2"
4i8
BÈZE.
» que Fabricius se moque de Bèze à
» son ordinaire , et poursuit sa pointe:
a Ubi ici eviceris, dit-il , facile deindè
3» effîcies quod prceterea suspicis , ut
3) persuadeas , tam fuisse hacttnùs te-
)> muteatos ovines protestantes , etc.
3> Et peu après , Ingenua profectb et
» ingeniosafueril Ma tua emendatio ,
» ut ubi in eorum de cœnci confes-
sj sione scriplum est corpus adesse ,
3» scribatur abesse. Facilem enim tap-
» sum tbrii scriptoris fuisse , in tantâ
'■> affiniiate unius litterulce. Certes , ce
» serait une ingénue correction que
3) la tienne , si , au lieu que la Con-
t> fession d'Augsbourg porte adesse ,
» tu mettais abesse, et que tu vinsses
J' dire que c'est une erreur qui s'est
)> glissée facilement dans le corps du
» texte, par la faute de qutlque ivro-
» gne d'Allemand, à cause de l'affinité
3> et ressemblance de ces deux lettres,
» d L't b (i l6y.
Vous pouvez croire que ce censeur
n'oublie point d'insulter Garasse sur
la hardiesse de noter cette circon-
stance, qu'à ces discours les docteurs,
et particulièrement Claude d' Espen-
ses , et Claude de Saintes , demeuré-
rent étourdis d'etonnement. 11 finit
par une très-bonne réflexion. Celte
procédure, dit-il (117), est grande-
ment nuisible a la conversion des dmes
errantes , et particulièrement de ceux
(jue Garasse prétend ds ramener h l'é-
glise par le moyen de son livre. Car ,
degrâce , quel hérétique , quel athée ,
voudrait maintenant se Jier a lui ,
ayant été surpris en une si manifes-
te fausseté ? Qui ne présumera que
nulle absurdités qu'il rapporte de di-
vers auteurs hérétiques ne soient de
même aloi , et qu'il cite les anciens
avec pareille foi que les modernes ?..-.
Je sais de bonne part , que la princi-
pale raison qui a retenu ce grand Ca-
saubon dans l'erreur où il avait été
nourri , ce fut pour avoir aperçu de
pareils traits dans quelques docteurs
modernes , qui luifrent concevoir une
très-mauvaise opinion de la foi de
ceux qui veulent triompher de leurs
ennemis à fausses enseignes.
Notons quelques petites méprises de
ce judicieux censeur. La cause des mé-
disances que les proteslans publièrent
(116) Jugement et Censure de la Doctrine
■curieuse, pag. (:5.
(117) Là même, pag- 96, 97.
contre Baudouin ne fut pas qu'il eût
quitté leur religion , et composé de
doctes ouvrages pour les réfuter.
Voyez la remarque (H) de son article :
vous y trouverez qu'il s'attira leur in-
dignation , pour s'être mêlé de quel-
ques intrigues où ils crurent que l'on
cherchait à les perdre sous prétexte
d'accommodement des religions. Vous
y trouverez qu'ils le prirent pour l'au-
teur d'un petit écrit que Cassander
avait fait , et qui u'était pas un livre
de controverse , mais plutôt une ex-
plication du devoir d'un honnête
homme dans l'état où était alors l'é-
glise. Enfin , vous y trouverez que la
tempête de médisance fut antérieure
à la préface de VOptatus Milevita-
nus. Ce sont déjà quelques fautes du
prieur Ogier. En voici d'autres : les
protestaus n'attribuèrent à Baudouin
que le seul écrit anonyme de George
Cassander. 11 est faux que Théodore
de Bèze l'ait regardé comme l'auteur
principal de V Examen Doctrines cal-
vinianœ de Claude de Saintes : il se
contenta de dire que Baudouin avait
fourni à ce docteur certaines choses
qui consistaient beaucoup plus en faits
qu'en raisonnemens.
(EE) .... Et aima mieux se servir
d'une défaite pitoyable , c/ne de don-
ner gloire à la vérité. ] D'abord , il
suppose qu'il ne s'agit que de savoir
si Eabricius a dit ces paroles sérieuse"
ment, ou par ironie (118). Il avoue
ensuite que son adversaire se fonde
sur la page 17 du livre de Fabricius ,
et puis il s'exprime ainsi : « A tout
3) cela , pour ne multiplier mal à pro-
3) pos les paroles , je réponds que
» n'ayant pour cette heure le livre
» de Fabricius en ma puissance, pour
3) vérifier le passage , et ne l'ayant
» pu recouvrer quelque ddigence
» que j'aie su faire , il faut que je
3> m'en rapporte à la fidélité de mes
33 extraits, que j'ai faits fort ponc-
3> tuellement il y a plus de douze ans ,
3> par lesquels je m'aperçois , que
» M. Ogier a fait par simplicité ,
3) ou par finesse , ce que les ministres
3> font par malice es livres des anciens
» pères ; car il a pris une partie du
)> passage qui lui était favorable, et
» a dissimulé l'autre..... Pour mon-
3) tver donc que Fabricius ne par-
fit8) Garasse, Apologie de la Doctrine cu-
rieuse, chap. XXVI , p«g. 3.{g.
BÈZE.
4'Ô
» lait pas par ironie , et qu'il n'accu- vince la plus éloignée de la capitale ,
» sait pas mal à propos Théodore de et dans le pays le plus perdu , les bi-
» Bèze d'avoir substitué une négative bliothéques de snn ordre peuvent
» aux sacrées paroles des évangélis- fournir en cas de besoin tout ce qui
» tes , il montre évidemment en la lui est nécessaire , nous viendra dire
» suite de son discours, que la créan- qu'il n'a pu trouver à Paris l'ouvrage
» ce de Bèze était telle , et qu'assu- qu'il avait cité ? Votre adversaire ,
» rement il avait corrompu les pas-
)> sages de l'Evangile. Voici ses paro-
)> les , qui sont dignes d'une grande
» considération. Ipse lllyricus de illd
lui répondrons-nous , l'y a bien trou-
vé , et sans qu'il témoigne qui! ait eu
qutlque besoin de diligence. Que ne
recouriez-vous à cet exemplaire , si
» explicatione et Inventione Bezand toute autre ressource vous manquait ?
3) loquens , vocat phantasticam inven- 31. Ogier n'edt pas osé vous le refu-
» tionem , qualis est amantium m pic- ser ■ son refus aurait été une preuve de
» lurd et poësi , ut ibi suos aniores esse votre innocence. Voici bien pis : ce
)> somnient , ubi non sunt. lllum ab- jésuite a tiré de ses recueils un passa-
3> sens absentent audit que videtque , et ge de Fabricius, et l'a donué comme la
» ita , inquiebat lllyricus, se cum suite de celui que son adversaire avait
» Christo in Eucharistid Beza gessit , rapporté; comme une suite , dis-je ,
■» ut Phœdria cum Thaïde apud Te- artificieasement supprimée par cet
» renlium , cum ait, volo ut cum mi- adversaire : mais d paraît manifestc-
» lile isto prœsens sics , etmecum to- ment que M. Ogier ne supprime rien,
» ta sis. Ita Beza, sud illd phantas- et que les paroles de Fabricius, que
» tied et imaginosd invenlione vult ut François Garasse a citées , concernent
» Christus in Eucharistid prœsens et un autre fait. Que serait-il devenu , si
» absens siet , et itasitut non essedi- la réplique que M. Ogier allait faire
)> catur. Par ces paroles , M. Ogier n'eût pas été arrêtée par la réconci-
» pourra voir clairement , que Fabri- liation que l'on moyenna entre eux ?
» cius, lequel il nous représente com- Eût-il trouvé de nouveaux moyens de
» me un esprit de bateleur, tout se dispenser de reconnaître nettement
« exprès pour amoindrir son auto- sa calomnie , sa témérité , son impos-
» rite , ne parlait pas en boull'onnant ture , son impudence ?
» comme il suppose , mais avec toute Je le dirai plusieurs fois, je ne
» la sériosité qu'on doit porter en m'en lasserai point , il est très-utile
■» semblables matières (119 ■ » de recueillir les exemples de la mau-
On 11e peut représenter dignement vaise foi des auteurs, et les pièces des
la mauvaise foi qui règne dans ce dis- procès qu'elle a fait naître. il serait à
cours du père Garasse. Un laïque de
peu de bien, et séjournant dans quel-
que canton éloigné des grandes villes ,
pourrait se servir de cette excuse , je
souhaiter que les Laugius et les Gru-
terus eussent destiné à île telles com-
pilations uni; partie du temps qu'ils
ont donné à des Polyanthca. Garasse
n'ai pu trouver un livre , je n'ai pu y aurait paru souvent : c'était un es-
vérifier un tel passage ; mais s'il de- prit satirique , étourdi , bouffon , té-
meurait dans Paris , et que son bon- méraire , qui avançait hardiment une
neur l'engageât à justifier une cita- fausseté , el qui ne voulait pas con-
tion , 011 serait en droit de se moquer venir qu'il l'eût avancée. 11 a été de
de cette excuse, et de la tr.dter de son intérêt que la doctrine de ceux
fourberie. Or Garasse était alors à Pa- qui tiennent qu'un lionime qui meurt
ris; il pouvait donc trouver aisément au service des pestiférés est un mar-
l'ouv rage de Fabricius , et jamais au- tyr fiïl véritable. Voyez Théophile
teur n'eut un si grand intérêt de se naynaud . au Traité de Martyrïo per
purger de calomnie Ce fut donc une Pestent. Il dit que la lecture de ce
hardiesse prodigieuse , ce fut une livre persuada au père Garasse qu on
obstination iminrible à ne démordre pouvait recueillir ainsi la couronne
de rien . que .d'oser dire, je n'ai pu du martyre, el le porta 1 s'exposer
recouvrer cet ouvrage , quelque dili-
gence que j'aie su faire. Quoi ! un jé-
suite , à qui dans le fond d'une pro-
(119) Là même , pig. 35o.
au péril de la peste (120) 11 mourut
(tao) Vojre* le numéro 44 ''" Tlicoln^i» aotS-
qua Ue vrrà Martvrn nolione , aux pa^r< i63 ei
it>4 <le ''A[n.>poinpa:us de Théophile l'.aj-oaud.
420
BÈZE.
de cette manière , et il avait publié tre ministre (i23). A l'égard de ce
tant de calomnies , et s'était servi de qu'il dit de Costerus , il nous renvoie
tant de mauvaise foi , qu'il ne fallait au chapitre XXI du IIe. livre de la
guère moins qu'un vrai martyre , I'e. partie de l'Apologie catholique de
pour expier de telles fautes. Notez Morton , où il est certain que les pa-
qu'il y a des gens qui sacrifient plu- rôles latines que le cardinal a citées
tôt leur vie , qu'un faux point d'hon- GalUœ probrum , etc. , se trouvent
neur. Garasse , pour rien du monde , comme tirées du Ier. chapitre du IIIe.
n'eût avoué ses calomnies , et il ne fit livre d'un ouvrage de Costerus. On ne
pas difficulté de s'enfermer avec des saurait pardonner à cette éminence ,
pestiférés (121). ou à ceux qui ont publié sa Méthode ,
(FF) Voici une remarque contre le le défaut de citation : il fallait néces-
cardinal de Richelieu. ] Rapportons sairement faire trouver à la suite du
premièrement ses paroles. Bèze étant Galliœ probrum , etc. , le nom d'un
ecclésiastique, et possédant quelques écrivain réformé ; car quand même
bénéfices , sortit Je l'église romaine on prouverait que les paroles de Cos -
en même' temps que le parlement le terus se lisent dans les écrits du luthé-
fit assigner pour être nui sur une poé- rien Schlusselburgius, on ne se sail-
le ( *« ) qu'il avait composée ex- verait pas , vu qu'il est de la dernière
traordinairement impure et scandaleu- évidence que ce luthérien ne pourra
se ; mais , se sentant coupable d'un si jamais passer pour un confrère de
grand excès , il ne répondit à cet au- Théodore de Bèze. Quant au reste , il
guste sénat que par fuite , et se retira faut avouer qu'un Flamand de nation ,
à Genève (+2). Pour apprendre quel et jésuite de profession, n'est pas le
il a été nous n'avons pas besoin premier , qui ait répandu ce torrent de
d'autre témoignage que le sien , ayant bile, etc. Costerus ne pouvait être que
publié lui-même par les vers qu'il a le copiste de plusieurs Français , et
faits à l'imitation de Catulle et d'O- nommément de Claude de Saintes. On
vide , qu'il s'était abandonné a des aurait pu relever une faute chronolo-
impùretés énormes et monstrueuses gique du cardinal. Il dit dans une note
rempli de tous vices, et de celui- vingt-neuf ans.
même qui a attiré le feu du ciel (*3).
Voilà ce que dit ce cardinal , dans le
chapitre X du IIe. livre de sa Métho-
de , aux pages 32 1 , 322 , de l'édition
de Paris , eîi i663. M. Martel , profes-
seur en théologie à Montauban et à
Puilaurens , avant la révocation de
l'édit de Nantes , et à Berne depuis
cette révocation , oppose à ces paroles
du cardinal le témoignage d'Etienne
(GG) Pierre de S aint-Rornuald l'ac-
cuse ridiculement de rébellion , pour
avoir donné le titre de reine de France
a la reine Elisabeth. « Cette même
» année 1 58 1 , dit-il (ia5) , Théodore
» de Bèze , ministre de Genève ,
» donna le jour à son livre intitulé
» Icônes Pirorum illustriurn pietale
» et doctrind , lequel il dédia à Elisa-
» beth , reine d'Angleterre , la qua-
Pasquier ; et il ajoute que ce n'est i> lifiant reine de France. Certes , un
point un Français qui a répandu ce » Français ne peut, user de ces ter-
torrent de bile nù Bèze est traité de si- » mes , sans se déclarer mauvais su-
moniaque, aussi-bien que de sodomie. » jet ; car c'est dire que le roi son
C'est Costerus , Flamand de nation , » maître est un usurpateur , et que
et jésuite de profession. Je ne sais par » la couronne ne lui appartient pas ,
quelle figure de rhétorique on prétend >j mais à un autre. Cela se peut-il
de le ranger entre les confrères de no
(121) Voyez son article à la remarque (E).
(") C'était une épigramme adressée à une
femme qui s'appelait Candida.
(*2) En 1 5 54 . âgé de cinquante-cinq ans.
(123) Le cardinal cite ici en marge quelques
vers de l'épigramrne de Audfberto et Candida.
(*3) GalliiE prubruui, simoniacus , sodoiaila,
omnibus viUis coopertus.
(iî3) Martel. , Réponse à la Méthode de M. le
cardinal de Richelieu, tiv ■ II, chap. X, pag.
186, 187.
(124) C'est sans doute une faute d'impression
pour trente-rinq ; car dans une note suivante,
on marque la naissance de Bèze au mois de
juin .5 ii>
(i25) Pierre de Saint-Romuald , Abrégé du
Trésor cliroDol., tom. III, pag- 36^.
BÈZE.
421
» faire en un livre imprime, sans cri- fort persuade que Charles IX , et
» me de félonie et de trahison ? Mais Henri 111 , possédaient légitimement
» que faut-il attendre d'un hérétique, la Fiance, ne laissait point de donner
» que de semblables traits ? » 11 a ré- à Elisabeth les titres qu'elle se faisait
pété mot à mot la même chose dans donner en Angleterre. Il est donc de
un autre livre (136); ce qui prouve la dernière impertinence , de conclure
qu'il se savait très-bon gré de cette qu'il traitait d'usurpateur le roi de
remarque, qui est néanmoins puéri- France. Enfin , je dis en 4e. lieu , que
le, grossière et superstitieuse. Je lui l'usage , ou que la coutume , autorise
passe les erreurs de lait : je l'excuse ceux qui donnent les mêmes qualités
d'avoir dit que les Icônes de Bèze vi- aux possesseurs et aux pre'tendans
rent le jour l'an i58i , et qu'ils furent et que, jusques à ce que ceux-ci aient
dédiés à la reine d'Angleterre. Ce fut renoncé à leurs prétentions et à leurs
à Jacques, roi d'Ecosse , que l'au- titres , on les appelle rois ou seigneurs
teur les dédia , le Ier. de mars i58o ; d'un tel pays , sans cesser de recon-
ct c'est l'an i58o que je vois marqué naître pour rois ou seigneurs du roê-
au titre de mon exemplaire ; mais si me pays ceux qui le possèdent actuel-
l'on pardonne cette sorte de mépri&cs leraent. Nous en avons , entre autres
au feuillant, on ne doit point lui faire exemples , la conduite qu'on tenait
grâce sur l'erreur de droit où il est en France envers Uladislas , roi de
tombé. J'avoue que Théodore de Bèze, Pologne , et Gustave Adolphe , roi de
en dédiant ses Remarques sur le Nou- Suéde. On avait des alliances très-
veau Testament à la reine Elisabeth, étroites avec celui-ci et comme avec
lui donne le titre de Angliœ , Fran- un roi de Suède , et on ne laissait pas
cice , Hiberniœ , et circumjacentium de donner à l'autre la qualité de roi
Insularum Regina : mais il est absur- de Suède. M. le Laboureur a inséré
de de prétendre que ce fut un crime dans sa Relation de Pologne (127) une
de félonie et de trahison ; et que par- lettre , qui fut écrite par le roi de
là , l'on décide que le roi de France France au roi Uladislas , le 24 de
est un usurpateur. Car, en 1er. lieu, novembre 1645 , lorsqu'il y avait
Bèze ne devait point être considéré en tant de liaisons entre la reine Chris-
ce temps-là comme un sujet du roi de tine et la France. La suscription de
France : il avait renoncé à sa patrie cette lettre est , a très-haut , irès-ex-
pour la religion , et avait cherché un cellent , et très-puissant prince nostre
refuge dans les pays étrangers ; il était très-cher et très-amé bon frère et cow
devenu bourgeois de la ville de Ge- sût leroi de Poulogne et de Suède. Je
nève , et y exerçait actuellement la ne pense pas que , dans un temps de
charge de professeur et de ministre, concorde , on fît des affaires à un au-
Jedis, en 2e. lieu , qu'un particulier, teur espagnol , qui , en dédiant un
qui donne aux princes , dans une let- livre à sa majesté très-chrétienne ,
tre , les titres qu'ils prennent ordi- l'appellerait roi de France et de JVa~
nairement, ne s'érige point en juge «'«ire ; et je ne sais si le grand seigneur
de leurs prétentions : il ne fait que serait assez turc , pour punir un évè-
suivre l'usage qu'il trouve établi ; de <lue grec , qui , en écrivant au dur de
sorte qu'en se conformant au formu- Savoie , l'appellerait roi de Chypre ,
laire des suscriptions , il ne s'engage °U qui. en écrivant au roi d'Espagne ,
point à examiner si l'on a raison ou l'appellerait roi de Jérusalem ; et qui ,
tort de se donner de tels ou tels titres, en cas d'accusation , répondrait qu'il
Je passe plus avant, et je dis, en 3e. avait suivi bonnement le formulaire
lieu , nue lors même qu'on ne doute des inscriptions , sans vouloir déroger
pas qu un royaume n'appartienne lé- le moins du monde à la fidélité qu'il
gitimement à un prince , on suit devait à sa hautesse. Y a-t-il aoeon
néanmoins l'usage des suscriptions prince dans la chrétienté , qui ne re-
dans une épître dédicatoire , ou dans connaisse deux rois de Navarre : l'un,
une autre lettre. Bèze , par exemple , en France , l'autre en Espagne • l'un,
qui n'est que titulaire , l'autre qui est
(126) Dans son Journal chronologique, sous possesseur ? Cela doune-t-il lieu à des
te i.-) de janvier ( i.Siii , ) ;aur natal de Théo- _1 ■ « * J > i-
dore de lièze , prelend-U; niatsTse trompe , P,aUlteS > OU a deS menaces ? Ferait-
«< devait dir* le 24 de juin. d,7) A la paee i4 de la I". partie.
4^2 BIBLIANDER.
on des affaires à un Anglais qui , crois qu'il en veut à Théodore de Bè-
dans une épître dédicatoire à Louis ze , et que Pierre de Saint-Romuald
XIV, 1 appellerait roi de France ou n'a été que son copiste.
roi des Français , ce qui est la même I] n'est peut-être pai
conversation mais aussi, dans des au roi d'Angleterre. Voyez la remar-
lustoires , et dans des actes publics ? qUe(B) de l'article Beda , citation (i i).
(HH) Je m'étonne que Balzac fasse
la même querelle a des gens dont il ne
dit point le nom. ] Je la rapporterai ,
sans la réfuter ; car je l'ai assez dé-
truite dans la remarque précédente.
« Qu'il soit donc permis à ceux qui
33 ont perdu des états de se flatter
3> avec les titres qu'ils se réservent.
» Ce peuvent être des amusemens ,
33 et des jouets formés par l'imagina-
33 tion , après la perte des choses es
)■
BIBLIANDER * ( Théodoef. ) ,
professeur en théologie à Zurich
dans le XVIe. siècle , était né à
Bischoffssel (a), près de Saint-
Gai en Suisse. C'était un hom-
me fort universel (b), mais il
excellait principalement dans
l'exposition de l'Ecriture. Il fut
» sentielles. Il y "aurait de la cruauté professeur en théologie à Zurich
» de refusera leur douleur cette lé- depuis l'an 1 53?! jusquesen i56o,
» gère consolation. La reine Elisabeth et [[ m0urut de peste dans la
» d'Angleterre a donc pu se nommer
33 elle-même reine de France , et les
» Anglais pouvaient parler le langage
3) de leur maîtresse. Je ne veux pas
» insister là-dessus. Mais je ne saurais
» supporter qu'il se soit trouvé des
» Français qui aient osé parler ainsi.
» Cet autre Français disait bien
même ville le 24 de septembre
i564 (c). Si l'on me demande
pourquoi sa profession finit plus
tôt que sa vie, je répondrai que
ce fut à cause qu'il remuait cer-
taines questions qui causaient
» mieux , quand il disait du roi Jac- du trouble (A) , dans lesquelles
3. ques, successeur d'Elisabeth .Sans y Partait trop de la doctrine
33 doute , il a plus d un nom qu il ne , l ,
» faut , ou moins d'un royaume qu'il commune des protestans sur la
3) ne croit : et si le roi de France est prédestination. Pour aller au-
)> a Londres , à qui em>oie-t-il des am- devant des schismes qui auraient
■ pu naître d'une trop longue
contestation sur ces points-là ,
il fut jugé à propos de déclarer
Bibliander emeritus , je veux
dire de le traiter en vétéran, et
de lui faire entendre que son
âge et ses longs services deman-
33 puisqu'on parle partout impropre-
33 ment, et que' tout est comédie dans
3< le monde , celle-ci se peut souffrir
33 comme les autres 5 mais on la doit
33 jouer en Angleterre , et non pas en
» France , ni aux lieux qui sont sous
33 la protection de la France. Un Fran-
33 çais ne peut user de ces termes ,
■33 sans oublier qu'il est Français , sans
33 se déclarer mauvais sujet , sans dire
3> que le roi son maître est usurpateur.
3) Dégrader son prince publiquement,
33 donner sa couronne à un autre
)) prince , par un aveu solennel et im-
33 primé , cela se peut-il faire , sans
3) crime de félonie? Je ne le pense pas,
33 monsieur ; et, de peur de me mettre
3) davantage en colère , je suis d'avis
:> de changer de discours (128). 3> Je
(128) Balzac , entretien XLI , pag. 384, 385.
* Son véritable nom , dit Joly , était
Bouchman , selon A. Rurliat , auteur de
l'Histoire de la réformation de la Suisse.
Bibliander n'est donc que la traduction en
grec du nom allemand Bouchman ou mieux
Buchman qui signifie l'homme du ou des livres.
(a) En latin Episcopi Cella ou Episcopo-
cella.
{b) Vir fecundissimi ingenii, et theologiae
exegeticie , communis in Helvetiâ parens.
Hotlinger. in Bibliolh. Tigurinâ, pag. 72.
(e) Hottinger. in Bibliotti. Tigurinâ , pag.
72. M. de Tliou , Bucholcer, Melcluor Adam ,
etc., mettent sa mort au 2t> de novembre.
RIRLIANDER. ^3
liaient que pour récompense on «b ipso fuisse quœstiones quasdam no-
i - Jii. J„ ..„,->^. «* „„a vas et insolentes ,undi; auctoritali ali-
ui accordât du repos , et une . , , . ' , , ...
, . ; .\ ' quia Jecesserit : sed quales illce fue-
demission honorable, .le ne sais rint quœsiObnes non addit ( i ). Mais
pas s'il comprit le fin de ce com- BenriAlling nos est point tenu dans le
pliment , et s'il s'en fâcha; mais général : il a dit que Bibliander avait
f ■ , . n < • î embrasse les erreurs d Erasme ton-
je sais bien qu il n enseigna plus. diant ,a pnklestination . et qu • cause
Comme il entendait les langues de cela , messieurs de Zurich le dé-
orieutales , il travailla à une chargèrent des fonctions de sa charge,
nouvelle édition de YAlcoran, setus prétexte que sonextréme vieillesse
... , , l en rendait incapable , et mirent en sa
dont il corrigea le texte selon piace Pierre Martyr (2). On ne pour-
les règles de la critique , en cou- rait pas contester ce dernier fait, sous
férant ensemble les exemplaires prétexte que Pierre Martyr fut appelé
arabes et les latins. Il y joignit * Zu.ri^..dès l'aia 1 556. pour succé-
1 tjt. j m 1 « 77 j Uer a Pélican, il pouvait être profes-
la Vie de Mahomet , et celle de seur a Zurich depuis quelques années,
ses successeurs , et une pré- et succéder néanmoins à Bibliandre :
face apologétique , contre la- (,ai" tous les professeurs en théologie
quelle on a bien crié (R). Il pu- "c sont Pas affectés aux mêmes fonc-
A. 1 ■ i- 7n\ tions. Voyez ci-dessous ta remarque
blia plusieurs autres livres (L) , rg\ a ja gn_ ^
et il en composa un grand nom- (Li) Il joignit a la version de Z'Alco-
bre, qui n'ont jamais été impri- ran une préface apologétique contre
mes , et dont on garde les ma- {??uellf °'1 a. bie" cvié- 3 7EUe a Pour
, 1 imi- 1 ■ i titre si pologia ad reverendissimos pa-
nuscrits dans la bibliothèque de lres ac dominos episcopos etdodores
Zurich (d). Il eut part à une Ecclesiœ Christianœ , in qud rationes
version de l'Écriture (e). J'ai redduntur editionis voluminis quod
cherché inutilement l'âge qu'il ™"l'"et f^0'",' et ejm conJuta-
... D . ^ , tiones , et Imitas Mahumelis alque suc-
avait quand il mourut : je n a- cessorurn ipsius. Cet ouvrage fut im-
joute jioint de foi là-dessus au primé chez Oporin , l'an 1 54"> , iv-
bon Melchior Adam , et j'admire foho (3)- Bibliander corrigea le texte
qu'il n'ait point aperçu sa fau- de r^»™? Part la collation des ma-
/t\ -\i iTr - • * • nuscrits latins et arabes , et ni des
te (D). M. Moren rapporte très- notes marginales, qui indiquent ou
mal ce qu'il emprunte de M. de qui réfutent les absurdités de ce livre.
Thou touchant Bibliander (E). Cela n'a pas empêché les inquisiteurs
Je viens d'être averti ( f) que '[tspagne de condamner cette édition
., . 1 r> "e * Alcoran : ils ont condamne non-
I on trouve dans la Prosopogra- seuiement les préfaces , mais aussi
jihie de Pantaléou , qu'il vécut YAlcoran même (4). Cela est de la
soixante ans (F), étant né en
1 5o4 , et mort en 1 564 •
d Hottinger. in Bibliotliecâ Tigurioà,
pag- 72> 73-
(e) Voyez la remarque 'JE).
(f)Par AI. Bresler.
(A) Il remuait certaines questions
qui causaient du trouble. ] Pantaléos
n'a point spécifié ces questions : il
s'est cimtenté de les noter comme peu
conformes à la commune traditive ,
et de dire qu'elles firent perdre à Bi-
bliander une partie de son autorité.
Panlalcon srribit unie obiluni motas
dernière évidence , et néaumoins il
se trouve des auteurs qui disent qu'on
n'a condamné que les préfaces impies,
et les notes pernicieuses qui l'accom-
pagnent dans l'édition de Bibliander.
Le père 1 héophile Raynaud soutient
que l'Alcoran même est très-digne
(i) Mrlchior Adam, in Vit. tlieol. , pag. 'jo3.
(l) Allingii throl. Hislor. , toc. If, cUe' par
Temier , Addit. à M. de Thou , loin. I , pag.
a55.
(3) Notez que la préface de Bibliandi r a éli
imprimée a pari l'an i638, par les rouit Je Jean
Fabricioa de Vanlùck.
(4) ^°.rez l'Index f.ibroruin proliibiloruin ,
pag. ^65 , e'dition de 16G7.
4^4
BIBLIANDER.
d'être proscrit, et il montre que Sanc-
tarellus, qui a débité que Y Index
n'en a défendu la lecture qu'à cause
des pièces que Bibliander y a cousues,
a raisonné peu solidement (5). Je rap-
tione Israëlis , de inslaurandd urbe
Jérusalem et lempln , terrdque divi-
dende rursùs inter tribus, quod ultimis
octo capitibus Ezechielis legilur. Cet
ouvrage fut inséré dans les Coramen-
a raisonne peu sonaeiueui \^/- •"- »«f uuvm^t: mi imiic uaus ko <
porte un peu au long la remarque de taires de Pélican sur l'Écriture. Pur-
ce jésuite, afin qu'on ait une idée gatio scriptorum Joannis OU
ds générale du dessein de Biblian-
der. On verra que ce ministre ne trou-
ve pas bon que les livres des adversai-
res soient exterminés. Tractans hoc
punctum Antonius Sanclarellus tract,
de hœresi, cap. i\, dub. unico, pro-
positione 7 , ait , Alcoranum per se
nonprohiberi., sed ratione scholiorum
impiorum , notarumque ac pnvfalio-
num Lutheriac Melanchlhonis, quibus
Basiliensis editio Alcorani , per Théo-
dorum Bibliandrum damnatœ mémo-
rial scriptorem adornata , conlamina-
tur Une verè et rectè auctor Me. Et
addere œquè pnterat , ipsius BibUandn
Apdogiam, quà Alcorano patrocina-
tus est , dignissimam fuisse quœ con-
figeretiir. Omnium quippe librorum
prohibitorum indemmtali studet meri-
bibulus ille , usque adeb , ut non eru-
buerit contra Theodosii et ValerAv
niani Imper atorum legem de combu-
rendis Nestor 11 libris , grunnire. Hœc
igitur concedo Sanctarello. Sed addit
quo everli videantur quœ sic sunt con-
stitua ; addit enim rationem , cur Al-
galio scriptorum Joannis OEcolampa-
dii et Ulrici Zuinglii , quâ et acla
eorum obiler defendunlur contra ca-
lumnïatores. Cet écrit fut imprimé à
la tète désœuvrés de Zuingle. De Fa-
tis Monarchiœ Romance Somnium ,
Valicinium Esrœ prophetœ explica-
tum non conjectatione privald , sed
demonslratione theologicâ , historicâ ,
et mathematied ; Ad Julium II l pa-
pam , et cœteros ecclesiœ Romance
preesides , Consideratio de JuJœorum
et Christianorum dejectione a Christo,
et Ecclesid, et fide catholied : item-
que de Judœorum et Christianorum
conversione ad Christum Jesum , et
Ecclesiam Dei sanctam et fidem
catholicam , à Bâle , en i553 ; De
summâ Trinitateetf.de cathnlicâ, à
Bâle en i555; De Mysleriis saluliferœ
passionis et mortis Jesu Messiœ Ex-
positionis Historirce libri très , au
même lieu , en 1 555.
(D) Je n'ajoute point de foi h Mel-
chior A dam touchant l' âge de Biblian-
der. J'admire qu'il n'ait point aperçu
ta enim ranunei» , v— ■"*«- 5a foule.} 11 assure que Bibliander
coranùs prohibeatur , esse, quia in naqUit l'an i5i4 (7). et qu'il mou-
eo agitur de religione nationis , hoc rut enfin pan i564 , fort vieux ,
tempore maxime potentis , et ad cor ^aldè senex. Peut - on dire cela d'un
porum uoluptatis patentissimum os- nomme de cinquante ans * ? Il ajou-
tium aperientis ; quœ sunt valida cor- te je trop d'attachement aux h-
ruplelœ itlectamenta. Hœc , inquam ,
ratio monslrare ridetur , Alcoranum
non vetari tantum ratione impiarum
Bibliandri Annotationum , vel ratione
Prœjalinnum Lutheri ac Melanchthn-
nis , sed per se ac ratione contextus
ipsiusmel Alcorani, quo Apostasiœ
hami , quos diximus , apponunlur
(6)
vres avait tellement atlaibli la vue
à Bibliander , que dans le déclin de
l'âge , entrant un matin dans son
poêle , et voyant sonebat qui folâtrait
sur une table , le prit pour sa servante,
et lui souhaita le bon jour. Ex nimus
studiis œtate declivi, a,/x£xuce7ritLv con-
traxil. Accula ergo ut ahquandô cùm
diluculo surrexissel, hypocaustum in-
). diluculo surrexisseï , «y pwu»»"> *«
(C) Il publia plusieurs autres livres.] gressus 1 feli in mensd gesticulanti ,
oici les titres de quelques-uns : ancu[am Suam esse ratus , jaustum
Voici les titres de quelques-uns : ancMam suam esse ratus , jaustum
Evangeiica Hisloria quant scripsit fuerfr diem precatus , quemjclis , ut
B. Marcus,etc. unàcum TitâJohan-
(r) Si cela Hait, on remarquerait comme
queli,ue chose de fort exlraordmaoequdeû^
nis Marci evangelistœ collecta ex
pmbatioribus auctoribus , à Bâle , en
! 55 1 . Il y ajouta le Proievangelium
Jacobi , de quoi plusieurs le blâmè-
rent. Expositio raticinii de Reslitu-
(5) Theopb. Raynandns, Eroiem. Hé malis et
bonis libris , num. 34' » PaS- ~°°-
(6) Idem, num. 3/|î , pag. 201.
'été professeur en théologie Van i532; mats c est
ce que Von ne remarque pas.
' D'après Kuchat , déjà cité, ce serait à ye.ne
SRé rie irenle-deux ans , et le it janvier i53a (]ue
Bibliander aura.l pris possession de la cha.rc de
professeur. . B.bliander, ajoute Joly , est donc
, né environ l'an i5oo; ce qui détruit toutes les
» conjectures de Bayle. »
BIBLIANDER.
4^5
potuit resalulavit. Belle particularité ,
et bien digne d'être transmise aux
siècles futurs !
(E) M. Moréri rapporte très-mal
ce qu'il emprunte de M. de Thou
touchant Bibliander.] i°. 11 n'est pas
vrai que Al. de Thou mette la mort
de Bibliander au 2g de novembre :
il se sert de l'expression V 1 Kulend.
Decemb. , qui veut dire le 26 de no-
vembre. 2°. Il n'est pas vrai qu'il
parle de Léon Juif. Il s'est servi de
ces termes Léo Judœ , qu'il faut tra-
duire , ou par Léon Juda, ou par
Léon de Juda. Quant au reste, il est
très-vrai que Bibliander fut un de
ceux qui mirent la dernière main à
la Bible de Léon Juda , à cette Bible
que l'on appelle de Zurich, et qu on
imprima dans cette ville l'an 1 543.
Léon Juda avait fort avancé la ver-
sion latine de l'Ecriture quand il mou-
rut , et il fit promettre à ses collègues
qu'ils achèveraient cet ouvrage, Que m
Léo Judœ inchoai'eral , et mode n s ut
opus persequerelur , collegis in fidëm
religiosè adactis , transeripscrat (8).
e Bibliander traduisit les huit der-
" niers chapitres d! Ezéchiel , D niel ,
» Job , l' LUcclésiaste , les Cantiques ,
» et les ^8 derniers psaumes , qui
i> restaient h traduire. Pierre Cholin
■» Jit la traduction des Hures grecs que
» les protestons nomment Apocry-
■» plies (9). » C'est de Cholin seul que
M. de Thou assure qu'il entendait
très -bien la langue grecque» Bibli-
ander Ckunradi Peliicani et Pétri
Cholini Tugiensis gnvciu linguœ pe-
ritissirm operd adjutus. Al. Moréri ne
traduit pas bien cela par ces paroles:
Bibliander aidé par Conrad Pélican et
par Pierre Cholin savuns en la langue
grecque. C'est sa IIIe. faute. La IVe.
est beaucoup plus considérable, /long-
temps après, dit-il, les théologiens es-
pagnols Jirent encore imprimer cette
Bible de Zurich à Lyon, ayant été
revue par Guillaume Bouille (10).
Voici le latin de M. de Thou : His-
puni theologi dUi post recognitam
per Gulielmum Rouillium denuo Lug-
duni eacudendam curavenuA. Guil-
laume Boville est l'imprimeur de
(8) Thuan., lib. XXXVI, pag. 736.
(9) Simon , Hist. critique du Vieux Testament,
pag. 324.
(10J lhin< les Eloges publiés par M. Teissier,
on a mis K.-.uviUe.
Lyon, duquel ces théologiens se ser-
virent; mais ce ne fut point lui qui
retoucha la version : ce furentles théo
logieiis espagnols eux-mêmes. Le père
Simon ne parle pas de cette édition
de Lyon : il dit que les théologiens
de S alamanque firent réimprima cette
Bible a S alamanque , en beaux carac-
tères , et en y changeant fort peu de
chose (1 1). S'étonnera-t-on que le bon
M. Du Hier , de l'académie française,
ait mal traduit les Cicéron , les Sé-
nèque, et les Tite Live , lui qui a
tant fait de fautes en traduisant AI. de
Thou ? car AI. Aloréri n'est ici que le
copiste de la traduction de Du Rier.
Quant à ce que AI. de Thou rapporte,
que Jean Stuckius fut mis à la place
de Bibliander, cela ne s'accorde , ni
avec Alting qui a dit que Pierre Mar-
tyr succéda à Bibliander, ni avecllot-
tinger qui a dit que Josias Simler lui
succéda par intérim ( 12), et que Stuc-
kius ayant été quelque temps le sub-
stitut de Jacques Ammien , professeur
en rhétorique et en logique , fut pro-
fesseur ordinaire en théologie depuis
l'an i5^i jusqu'en 1607(13). Il est cer-
tain que quand Bibliander se démit
de sa profession , Stuckius , jeune
homme de dix-huit ans , était en
France (1 4)- H était à Paris l'année
d'après, et il y reçut la commission
de se joindre à Pierre Alartyr pour le
colloque de Poissi. Il demeura long-
temps en France : il fut depuis en
Italie, et il ne commença d'avoir ries
( barges académiques à Zurich , qu'en
i568. Cependant on assure dans sa
vie, qu'il succéda à Bibliander dan^
la charge de professeur du Vieux Tes-
tament (i5). Ce fut au mois de fé-
vrier 1 5^ 1 . Il y avait longtemps que
Bibliander était mort. Ce n'est pa<
une affaire : sa charge demeura va-
cante plusieurs années ; on a cent
exemples de pareilles choses. AI dl
Thou ne laisse pas d'avoir négligé
l'exactitude ; car tous ses lecteurs
sont portés à croire que Stuckiui
devint professeur en théologie l'an
i5().|. On aurait donc dû marquer en
(11) Simon, Hist. critique du Vieux Testament,
pag
(fi) Hurle donalur lampadcm ait lempus vi-
canatn Iradidii D. Josiœ S'unlrrn. Hotting. , in
Bibliotli. TigurinS , pag. 72.
(l31 / '1 . ih.,l. , pag. 169-
{ i4) Melch. Adam., in Vitis thcol. pa£. 767.
(i5j Id'm . iliid. . pag. --<?.
426 BYBLIS.
quelle année il recueillit cette suc- que Byblis fut amoureuse de
cession. r- !. ■ > .
rv\ n ■ t i ™ Caunus , mais qu au contraire
(t) II vécut soixante ans. \ C est r 1» ™ ,fv i
dans l'édition allemande de cette Pro- JaunUS l aima ^ > et ne But Ia
sopographie(i6), qu'on trouve cela , faire consentira le contenter,
et non pas dans l'éditon latine (17), Us la dépouillent un peu après
rir?"ZoitA r".0.0"*™!.^ T^ m0U1?t de l'honneur de cette belle résis-
tance : ils supposent qu'elle se
repentit d'avoir eu pour lui
une dureté qui l'engagea à s'exi-
ler, et qu'elle courut le monde
pour retrouver ce cher frère ;
et que , n'ayant pu le rencontrer,
Ï3VBT tc e"e se Pendit (d)' D'autres ra-
BYBLIS, fille deMilet, et de content cette aventure d'une ma-
la nymphe Cyauée (A), devint nière qui ne déshonore, ni By-
l'an i56o, à l'âge d'environ cinquante
ans. Pantaléon reconnut sa faute , et
la corrigea dans l'édition allemande.
(16) Imprimée à Bdle chez Léonard Ossen,
l'an i5;8, in-folio.
(17) Imprimée à Baie chez Nicolas, Brylin-
ger, l'an i566, in-folio.
amoureuse de Caunus son frère
jumeau , et tâcha de lui inspirer
une semblable passion ; mais
n'ayant pu réussir, elle en fut
si affligée, qu'elle s'étrangla (a).
Ovide , qui nous l'assure dans
blis ni Caunus (E).
(d) Voyez ce qui sera cité de Conon ,
dans la remarque (D).
(A) Elle était fille de Milet , et de
la nymphe Cyanee.] Cette Cyanée
était fille du fleuve Méandre (1) '■, mais
l'un de ses poèmes (b) , dit dans il y a des ailleurs qui disent que Milet
un autre qu'elle courut après se.mar£^yec Eidothée fille d'Eurytus
Cn-.-.mTv i.,;:, , „ • > 11 roi de Carie, et que Caunus et Byblis
Caunu, , jusques a ce qu elle ne naquirent de'ce ^ariage (a). D^tres
put plus marcher. Il ajoute , assurent que la mère de ces deux en-
qu'etant tombée par épuisement ^ns s'appelait Arie(3): d'autres la
de forces, elle s'opiniâtra à de- nommenl Tragasia(4). 11 y a aussi des
„.„„„„ 1 ' 1 . variétés sur le nom de leur aïeule
meurer couchée par terre , et paternelle ; car les uns disent que Mi-
a pleurer abondamment , mal- let était fils de Deione (5) : d'autres
gre tous les soins que prirent lu* donnent pour mère Àcaeallis fille
les nymphes de la consoler et deMinos (6). On s'accorde mieux sur
~„'«n„ JL 1 ce point-ci : c'est que Miiet se retira
quelle se consuma en larmes, de frle de Crète, et s'en alla fonder en
et fut convertie en fontaine Asie une ville qui porta son nom. Minos
(c). Il a décrit admirablement fut la cause de cette retraite : on vou-
les progrès et les symptômes lut Prévenir , ou les violences de son
j ■*.. ° ■/ 1 ambition , ou celles de son amour.
de cette passion incestueuse (B) ; Ovide le représente fort inquiet de se
et quand il n'aurait point fait voir vieux, et de voir Milet à la Heur
d'autres vers , il aurait suffi- de l âSe : cette inquiétude trop ordi-
samment témoigné qu'il était ^ ic,T ('ui r<iSnent flt clu'011 re"
»,° 1 * •,, -, garda iviilet comme une personne ca-
un savant maître dans 1 art de pable de détrôner,
peindre l'amour. Antonin Libe-
ralis raconte l'issue de cette
affaire un peu autrement (C).
Quelques-uns disent , non pas
(a) Voyez la remarque (D).
iù) Ovid., de Arte amaudi , lib. I.
c 0\ \à , Metam., lib. IX, fab. XI.
Tune erai invalidus , Deionidemquc jurent
Bobore Milelum t Phœboqite parente supr
bu m
(1) Ovid., Metam. , lib. IX, vs. 45o.
(21 Anton. Lîberalis, cap. XXX, pag
(3j Sctioltast. Theocriti a,l Idyll. VII.
(4) Nicrenetus , npud Parthca. , de Amator
Afl'ect. , cap XI.
(5) Ovid., Metam., lib. IX, vs. Wf
(0) Auton. Liber. , cap. XXX, p ag. i55.
5.
Pertimuit, credensque Suis iniurgere regnis ,
llaud (amen est palriis arcere penatibus
ausus.
Sponle fugis , Milele , tua (7).
Vous trouverez sans doute dans le grec
que je vais citer un prince amoureux
(lui se lit craindre : "ë.ttÙ <Ts ô tt&Ïç
ntlÇlTO, KOÙ iyiVîTO KtLKOÇ , X.CLI (T/Jstç-itpiof,
KHI h Ml'vûJÇ KO.TCL ÎTOÔOV tVlX^P11 &*■'*<?-
Sa», TOTê VUKTOÇ 0 MlXSTOÇ i/JtCÙc ilÇ O.H.3L-
TOV, @0VM SstDTHlfÔvGÇ, «iÇ Kstp<0tV StTO-
(TiJfis-xêt (8). Puer ut adolevit , pul-
cher slrenuusque evasit : M masque
desiderio impulsas eum violare inten-
du : ibi tum Milelus noctu conscenso
lembo , consulente Sarpedone , in Ca-
1 iam projugit .
(Bj Ovide a décrit admirable-
ment les progrès et les symptômes de
sa passion incestueuse.] Byblis, au
commencement , ne discerna point
ce que c'était , et ne sentit point son
feu : baiser son frère souvent , se jeter
souvent à son cou lui paraissait une
bonne action ; elle confondait cela
avec l'amitié légitime qu'on doit à
un frère. Elle demeura dans cet état
d'ignorance , lors même qu'elle a-
perçut le soin qu'elle avait de se pa-
rer , et l'envie qu'elle avait de paraî-
tre belle , quand il s'agissait de voir
Caunus.
Paulatim déclinât amor , visuraque frairrm
Culia venit , ntmiumque cupit formosa videri*
Et , si qua est llltc f.ifinostor , invidet illi ;
Sed nondurn manifesta sibi est : nullumqiie
sub Mo
Igné facii votum , verumtamen œslual in-
lus (0).
Cela , ni le chagrin qu'elle concevait
contre les belles du voisinage, ne
l'éc'.airait point encore : son feu brû-
lait et n'était point lumineux ; il n'in-
spirait pas encore de souhaiter le
remède. On alla jusqu'à se plaire à
donner à Caunus le titre de monsieur :
on aimait mieux de lui le nom de
liyblis , que celui de sœur,
Jam dominum appellat , jam nomma sangui-
nis odit.
Bjblida jam mavult quant se vocel ille soro-
rem (10) ;
et néanmoins, pendant qu'on veillait,
on n'avait pas la hardiesse d'envisa-
ger l'espe'rance. Ce fut endormant,
que l'on commença à s'apprivoiser à
(7) Ovid., Melam., lib. IX, vs. 443.
(8) Anton. , Libéral., cap. XXX , pag. i55.
'0) Ovid., Metam., lib. IX, vs. 460.
10) Idem, iuid. , lib. IX, vs. 4*35.
BYBLIS. 427
de si sales imaginations. Byblis en-
dormie songeait souvent à son frère ,
et «rut une fois jouir de lui.
Placido" resoluta quiète
Sœpè videl quod amal , visa est quoque jttn-
gere fralri
Corpus , et erubuit, quamvis sopita jace-
ret[ii).
Elle en eut honte , quoique ce ne fût
qu'un songe ; mais le lendemain , elle
fit bien des reflexions, et souhaita, non
pas de veiller de cette matière, mais
de dormir fort souvent comme cela.
Dummodb taie nihil vigilans commiitere ten-
tem ,
Sœpè licel simili redeal sub imagine somnus,
Teslis abesl somno , nec abesl imitala vulup-
las.
Proh Venus, et tenerd volucer cum maire
Cupido !
Gaudia quanta lulil quàm me manifesta li-
bido
Contigit ! ut jacui lotis resoluta medullis 1
Ul meminisse juvat ! quamvis brevis Ma vo-
luptas ,
Noxquefuil prœceps, et cœptis infida nos-
tris (12) .'
Un peu après, elle se fâche que la
qualité de sœur lui défende d'espérer
celle d'épouse : elle se représente les
Dieux qui ont épousé leurs sœurs , et
ne peut croire que cette prérogative
{misse tenir lieu de règle parmi les
îumains.
Sunt tuperis sua jura : quid ad cœlestia ritus
Exigere humanos , diversaque ftedera len-
to (ii) ?
Elle veut , ou se délivrer de sa passion ,
ou mourir : elle sent bien que si son
frère l'avait le premier aimée , il au-
rait été écouté favorablement , d'où
elle conclut qu'il faut qu'elle risque
de s'ouvrir à lui par une lettre, si la
pudeur ue lui permet pas de se ser-
vir de la parole. Elle prend la plume,
et après mille agitations d'esprit, elle
déclare sa passion. Elle représente à
son frère plusieurs choses qui s'étaient
passées , d'où il aurait pu deviner
qu'il était aimé : elle le fait souvenir
de certains soupirs qu'elle avait pous-
sés , et de la coutume qu'elle avait
prise de l'embrasser , et d'un je ne sais
quoi qui pouvait faire connaître que
ses baisers n'étaient pas ceux d'une
sœur.
Esse quidem lœsi polerat libi pecloris index
Et color , et macies , et vultus , cl humtda
sœpè
Lumina , nec causa swpiria mota patenù ,
(11) Ilnd.,vs. 468.
(n) Ibid. , vs. 4-S.
(•i)Ibid., l'j. 599.
4'i8
BYBLIS.
El crehri amplexus , et quœ, si forte notd.ti,
Oscula seutiri non esse sororia postent (14).
Elle proteste qu'elle a fait tout ce
qu'elle a pu pour éteindre celte flam-
me, et qu'elle n'a recours à lui qu'après
avoir inutilement tenté tout autre
remède. Elle l'exhorte à laisser exa-
miner aux vieillards ce qui est juste
ou injuste , et à se servir des privi-
lèges de la jeunesse dans une chose,
où les plus grands dieux servent
d'exemple ,
. . . Etsequimurmagnorum exempla Deorum
(il).
et où il n'aura à craindre ni l'opposi-
tion d'un père , ni le qu'en dira t-
on , puisque leur commerce pourra se
cacher sous les familiarités que la
bienséance autorise entre uu frère et
une sœur. Enfin elle implore sa pitié ,
et le conjure de ne vouloir pas être la
cause de sa mort.
Nec nos aut durus paler , nul reverenlia
Aut timor impedient ; lanlum absil causa li-
mendi.
Dulcia fralerno sub nomine fur ta te g émus.
Est mihi libertin tecum sécréta loquendi :
Et damut amplexus , et jungimus oscula
Quantum est quod desil ? miserere fatentis
ainorem ,
Et nonfassuiœ , nisi cogerel ultimus ardor :
Neve merere meo subscribi causa sepul-
chro (16).
Le porteur de cette lettre lui vint
rendre compte bientôt de l'indigna-
tion de Caunus. Ce coup la terrassa ,
et la fit évanouir ; mais dès qu'elle
eut recouvré la connaissance, el!e fit
des plaintes qui marquèrent qu'elle
ne se voulait point rebuter. Elle se
blâma de s'être servie d'une lettre
et se figura que ses discours auraient
pu avoir beaucoup plus de force , et
que peut-être le messager n'ayant'pas
bien pris son temps, avait détourné
le bon succès.
Forsitan et missi sil quœdam culpa ministri :
JVon adiil apte, nec legil idonea , credo,
Tempora , nec petiii horamque , animmnqHe
vacantem.
Hœc nocuêre miki (17)-
(i4) Ibid., vs. 536. L'Amarillis du Pastor
tido , sans savoir que la personne de'guise'e en
file fût son amant, trouva néanmoins une
grande différence entre ses baisers et ceux des
autres filles :
Quando la leggia drissima Amarilli
Oiudicando i miei baci
Piii di quell d'oga' ahia saporiti , etc.
Voyez la I". scène de l'acte II du Pastor fido.
pag. 82, e'dilion de Venise, en i6o5 , in-â°.
(i5) Ovid., Metam., Ub. IX, vs. 554.
(16) Ibid , vs. 555.
(17) Ibid. , vs. 60g.
Elle s avisa de fout ce qui la pourrait
excuser dans ses nouvelles tentatives :
tant les passions sont ingénieuses à se
flatter, tant elles mériteraient qu'on
les prit pour des animaux, et même
pour ces sortes d'animaux qui ont le
plus d industrie à chercher leur nour-
riture ! Elle résolut de se déclarer de
vive voix : elle parla, et reparla ,
sans que l'inutilité de ses prières la
décourageât jamais. Caunus, las de re-
fuser avant qu'elle fut lasse d'être re-
fusée , abandonna le pays.
Si Ovide n'avait pas mérité en cet
endroit-ci, autant ou plus qu'en mille
autres, la censure des grammairiens,
qui ont trouvé qu'il s'arrêtait trop sur
les détails, il aurait fait une peinture
achevée. Lascivior aliquanto est Ovi-
dius, inquit Fabius Ub. 10. Inslitulio-
num,cap. 2 et nimius amator ingé-
nu sui , etmox : Ovidii Medea videtur
mihi ostendere , quantum vir ille
prœstare potuerit , si ingenio suotem-
perare, quàm indulgf re maluisset. Et
nicsanèjatendumest, lascivire ipsius
ingenium , nacturn scil. materiam se-
quacem et genio suo riffi/iem (18).
Notez que je ne marque qu'une partie
des traits dont il s'est servi.
(C) Antonin Liberalis raconte l'is-
sue de la passion de Byblis un peu
autrement qu'Ovide.} \\ dit que By-
blis , recherchée en mariage par de
grands partis , les méprisa tous ; et
que, ne pouvant résistera la furieuse
passion qu'elle avait conçue pour son
frère , elle résolut de se jeter du haut
en bas d'une montagne. Elle était
prête d'exécuter ce dessein , lorsque
les nymphes touchées de compassion
l'en empêchèrent. Elles firent plus ;
car elles l'endormirent profondément,
et lui changèrent pendant ce sommeil
sa condition humaine en la condition
des immortels : elles la nommèrent la
nymphe hamadryade Byblis , et l'a-
grégèrent à leur communauté. L'eau ,
qui découlait de la montagne d'où
elle avait voulu se précipiter, fut ap-
pelée les larmes de Byblis (19). D'au-
tres prétendent que la fontaine qu'on
appelait Byblis se forma où cette fille
avait pleuré , et s'était pendue (20).
(18; Farnab. in Ovidium, Metam., Ub. IX,
vs. 5gi ,pag. 225.
(19) Anton. Liberalis, Metam. , cap. XXX.
(10) Pliotiiis et Parthenius, de Amatonis Af-
fect., cap. XI.
BYBLOS.
429
(D) Quelques-uns disent qne Ilygin se contente d'assurer que la
Caunus fuima.] L'une des narrations passion, qu'elle avait conçue pour son
de Conon , desquelles Photius nous a frère , la porta à se luer (26). Eusta-
thius dit la même chose (27) ; et voici
deux vers d'Ovide conformes à la même
tradition :
Bjbl.da quid référant , vetito qure fratris
ainore
AriU, et est laqueo forùler ulta nefas (28).
(E) .... D'autres en parlent d'une
laissé des extraits , porte qne Caunus,
ayant employé' inutilement plusieurs
moyens pour obtenir la jouissance de
Byblis sa sœur, s'exila lui-même. Ou
ne sut point ce qu'il était devenu.
Cela fit un si grand chagrin à Byblis ,
qu'elle abandonna sa patrie , et qu'elle
se mit à mener une vie vagabonde; manière , qui ne déshonore , ni liyblis,
enlin, elle se sentit si angoissée , ITfiç ni Caunus. ] Considérez bien la nar-
toùç ÀTiKitç l/uépoi/ç àLrcty^iiiùot/Tx, Où ration de Nicaenetus rapportée ci-des-
J'rustr.Uos arnores aninio J'racta (21) , sus : vous y trouverez seulement que
en considérant le mauvais succès des Caunus, à son grand regret, fut amou-
amours de Caunus, qu'elle lit de sa reux de sa sœur , et qu'il s'absenta:
ceinture un licou , et se pendit. Cau- et, que Byblis, très-aflligée de cette
nus errantpar le monde, vint en Lyde, absence , souhaita qu'il retournât , et
où la naïade Pronoé lui annonça que l'a- pleura beaucoup sur ce sujet. Toutes
mouiTavait vengé, vucpieBybliss'était ces choses sont compatibles avec la
pendue. T*. t« <rvvivi'xJiïvra. t» BuCàicT» vertu la plus sévère; car on peut sup-
>-=7s», kxi ce; è^fii^ATo t» ifcun <Jix*ç-h : poser que Byblis ne souhaita sinon
c'est-à-dire, selon la version d'André que son frère se délit de sa passion ,
Schot , Quœ Bybluli accidissent nar- qui le tenait éloigné de la paîrie.
rat, utque aniore sit coacta mort. Sentir une passion criminelle, et la
« .Mariez - vous avec moi, ajouta - t- combattre jusqu'à s'éloigner de l'objet
» elle, vous régnerez sur ce pays ci.» que l'on aime malgré soi , n'est pas
La proposition fut acceptée (22 j. Par- un crime. C'est un sentiment aussi
thénius raconte, i° que Nicaenetus involontaire que la douleur: on n'en
avait débité que Caunus, aimaut est pas responsable, à moins qu'on
malgré lui sa sœur, sortit du pays , B'y acquiesce; et notez que Nicaenetus
et s'engagea à de longs voyages; et donne à Caunus le bel éloge d'avoir
(pie Byblis fut bien ailligée de l'ab- toujours aimé la justice : Kat/vov etix.-
sence de son frère ; 2°. que la plupart Tev dit <j>ix=ovt* écuiç-ctç. Caunum pe-
des auteurs rapportent que ce fut péril gaudenlem legibus œquis (29).
elle qui aima Caunus, t't qui le pria
(26) Hygin. , cap. CCXLIII , pag. 29g.
(2-) Eusiath., in Dionys. Perieget. , et. 533.
(28J Ovid. , de Artc amand, , Ub. I , vs. 284.
(îçlj Parilien. de Amaloriis AH'ect , cap. XI.
BYBLOS, ville maritime de
durait toujours , et de l'antre qu'elle Phéilicie , entre Tripoli et Be-
avait contraint son frère à sortir de rvte , était située Sur un coteau ,
son pays, fut accablée de tant de dou- . 1 _i,,_ „„„;„.,„„ ,,"il„J
, ' J ,' .. ,.. . , ,x et la plus ancienne vil e du mon-
teur, qu elle se pendit a unarbre (2i;. j , * • ,,
Le scoliaste de Théocrite a suivi la de W> si ' on en veut croire quel-
de ne faire pas le cruel; qu'il abhorra
cette vilaine proposition, et se retira
chez les Leleges , et y bâtit une ville
qui fut appelée Caunus; et que By-
blis, voyant d'un côte «pie sa passion
amoureuse de son frère , s'étrangla à
cause qu'il avait pris la fuite (25).
(21) Pholius, Bibl. , codice CLXXXFIypag.
423, et Narr.lt. Il Coqodls.
(22) Idem , ibid.
123} Partiien., de Amaloriis AiTeciionibns ,
cap. XI.
(24)Schol. Tbeocriti ad Idyll. VU k. ii5.
: Sieph. Byiaotin. , in K*!/Vi{ ex edU.
BerkeJii.
candre et Astarté son épouse ,
qui y régnaient, y firent un
bon accueil à Isis , lorsqu'elle
y alla pour chercher le corps
d'Osiris que les Ilots de la mer
(a Stephan. Bysant. in Bu£>.o;.
(b) Saoclioniatho, apudSuieb.
Bvang, , lib. I, cap. X. pag. 3".
Praepar
43o BYBI
avaient jeté sur cette côte (c).
Les grammairiens ont fondé sur
ce voyage l'une de leurs obser-
vations étymologiques (A). Quel-
ques habitans de Byblos con-
taient qu'Osiris avait été enterré
dans leur ville , et que c'était en
son honneur que l'on pratiquait
les cérémonies qui passaient
pour être faites en l'honneur
d'Adonis(^). La ville de Gobel ,
ou Gebal , dont il est parlé au
verset 9 du chapitre XXVII d'É-
zéchiel , était celle de Byblos ,
si l'on en croit saint Jérôme (e);
ce qui se peut confirmer par la
version des Septante. On croit
aussi que les Bybliens furent
employés par Hiram, roi de Tyr,
pour préparer les matériaux du
temple de Salomon (f). Ils se-
couèrent le joug des ïyriens , et
s'érigèrent en un royaume par-
ticulier. Us furent ensuite tribu-
taires des rois de Perse (B). Cette
ville ayant été subjuguée par
Alexandre demeura soumise aux
Ptolomées, rois d'Egypte, jus-
ques à ce qu'Antiochus-le-Grand
leur eut enlevé laPhénicie, dont
il fit une province du royau-
me de Syrie , l'an 3 de la i4oe.
olympiade , le 536 de Rome (g).
Les guerres civiles ayant ren-
versé ce royaume-là , Tigranes ,
roi d'Arménie , se rendit maître
de la haute Syrie ; et alors il
s'éleva un tyran qui établit son
autorité dans Byblos. Il fut dé-
capité par les ordres de Pompée
(h). Strabon , en disant cela , re-
(c) Plut. , de Iside et Osiride , pag. 35j.
(d) Lucian. , de Deâ Syriâ , pag. 879,
lom. II.
(e) Hieron. , de Locis liehraieis.
Vf) Voyez le IIIe. livre des 'Rois, cliap.
V , vers. 9.
(g) Voyez Polylie , au liv. V.
[h) Slrabo , lib. XVI, pag. 521.
,os.
marque que Byblos , le siège
royal de Cinyras , était consacrée
à Adonis (C). La déesse Vénus y
était particulièrement honorée
(D). Isis y avait aussi un temple
(i). Byblos fut attribuée à la
Phénicie maritime dans la divi-
sion qui fut faite des provinces
sous les empereurs chrétiens.
Ses évêques ont paru dans le
premier concile de Constanti-
nople , et dans le concile de
Chalcédoine. Les Génois la déli-
vrèrent de la domination des Sar-
rasins l'an 1106; mais elle re-
tomba sous le joug des infidèles
après la victoire que Saladin
remporta sur les chrétiens l'an
11 87 (A:). Il y avait en Egypte
une ville nommée Bïblos , qui
était très-forte. C'est ce que
nous apprenons des extraits que
Photius nous a conservés de Cté-
sias (Z). Voyez aussi le Diction-
naire de Stephanus Bjzantinus.
(ï) Plut., de Iside et Osiride, pag. 35y.
(k) Voyez le père Noris , de Epochis Sy-
ro-Macedouum, disserl. IV, cap. ult., pag.
466 et seqq.
(/) Photius, cap. LXXII,pag. 120, 12!.
(A) Les grammairiens ont fondé sur
le voyage d' Isis à Byblos l'une de
leurs observations étymologiques .] Re-
marquons en premier lieu, que le mot
fiCCxoç signifie la plante qui fournis-
sait la matière dont on faisait le
papier, et rapportons après cela ce
qu'ont dit les faiseurs d'étymologie.
Ils ont assuré que Byblos fut ainsi
nommée , parce que ce fut le lieu où
Isis pleurant Osiris posa son diadème,
qui était fait de papier (1). D'autres
veulent que ce nom vienne de ce que
le papier se conservait dans cette
ville autant de temps qu'on voulait,
sans se gâter en nulle manière (a).
Consultez Etienne de Bysance, et l'au-
teur du grand Etymologicon.
(1) Steplian. Byzant,
<?) Idem, ibidem.
BwbAo
BYBLOS.
43i
(B) Les Byhliens furent tributaires
des rois de Perse, j Arrien raconte
qu'Enulus, roi des Bybliens, servait
avec ses vaisseaux dans la flotte de
Darius j mais qu'ayant appris que
Byblos avait capitule avec Alexandre ,
il abandouna le parti des Perses , et
fut joindre ses vaisseaux à la flotte
macédonienne (3).
(C) Strabon.... remarque que By-
blos , le siège myal de Cinyras , était
consacrée à Adonis. ] Je m'en vais
copier cet endroit de Strabon, pour
faire sentir la négligence avec laquelle
les anciens auteurs écrivaient. 'H juh
Oï/V B!/ê\oÇ TO tou K»vi/pof /2<ts-iX«iov ,
UpÔ, Sç-I TO» 'AtrÉDVlJoC" M V TffîiVVOI/yivMV
ÀKiudifiec-i no//Tii(oç 7Tî>.(i(.)Ta.ç ix.tivov
(4), c'est-à-dire, Byblos, la rési-
dence du roi Cinyras , est consacrée à
Adonis. Pompée la délivra de la
tyrannie , en lui faisant couper la
télé. Voici le sens le plus naturel de
cela. Cinyras avait établi le siège de
sa tyrannie à Byblos; mais Pompée
lui lit trancher la tête : et par ce
moyen il redonna la liberté à cette
ville. Or il n'y a nulle apparence que
Strabon ait eu cette pensée : et si
c'était son sens , il serait d'ailleurs
coupable d'une extrême négligence ,
puisqu'il nous ferait sortir du terre
tout d'un coup nu tyran nommé Ci-
nyras , et qu'il nous laisserait là, sans
nous en dire quoi que ce soit. Il n'a
pas été obligé d'être plus long, si l'on
suppose qu'il parle de l'ancien Ciny-
ras , père d'Adonis ; car ce nom était
assez connu. Je crois qu'il parle de
lui; et sur ce pied-là, que ferons-
nous de son sasivov ? à quoi pouvons-
nous le rapporter? Notez que ^on tra-
ducteur latin a mal rendu le uti. sç-i
'AJaiviJoç, par in qud sunt Adonidis
templa. Pinedo a relevé cette faute
(5). Voyons une petite négligence du
père Noris : Adonis, dit-d (6j , films
fuerat Cynerœ (jf) apud Byb/um régis,
ut ex Plutarclio et Ovidio prœnotavi.
Or il est certain que louchant cela il
n'avait point allégué Plutarque, mais
Strabon jet qu'Ovide, qu'd avait allé-
gué, ne dit point que le père d'Ado-
(3) Arrian ., Fxpedit. Alex. , Ub. II.
(4) Strabo, Ub. XVI , pag. 52i.
(•i) Pinedo, in Stepb. Dyzanl. , pag. 186.
(o; Noris, de F.poch. Syro-Maced., dissert.
IV , pag. 469.
(7) Il fallait dire Cinyraï.
nis fut roi de Byblos , ni le mari de la
mère de cet Adonis. Il suppose que
cette mère était fille du père d'Adonis,
et c'était la tradition générale. Néan-
moins l'auteur s'exprime de cette ma-
nière : Cyneras fuit è velustis Bybli
regibus, qui ex Zmyrnâ conjuge Ado-
nna puerum formosissimum suscepit
(8).
(D) Vénus y était particulièrement
honorée.] Elle y avait un temple , dans
lequel on célébrait les cérémonies du
culte d'Adonis. Lucien en parle com-
me témoin oculaire : E7</oy Ji km h
Bu£>,a> y.iycL ifov 'A<ppo<f<TMc /Si/Cà/mç" ~tv
t&> x.a.1 ta. hpyitt èç'AJaiviv MnTihiovet,
failli eliam Bybli magnum Bibliœ
Venais templum , in quo ritus quos-
dam sacros in Adonidem peragunt (9).
Il parle aussi d'un autre temple de
Vénus, consacré par Cinyras, sur le
mont Liban , à une journée de Byblos
(10). Il le fut voir. Le père Noris
estime que peut-être c'est le même
temple que Constantin fit démolir
( 1 1 ) , et qui était consacré à Vénus
Aphacitide proche le mont Liban et
la rivière d'Adonis (12). Je ne crois
pas qu'il faille douter de cela , puis-
qu'Eusèbe remarque que le temple de
cette Vénus était sur le mont Liban.
Au reste , le surnom d'Aphacitide
était pris du lieu où ce temple fut
bâti , comme l'observe Zosime (i3) ;
et apparemment c'est de celte Vénus
que Macrobe parle dans le chapitre
XXI du Ier, livredes Saturnales, et non
pas de Vénus Architide , comme por-
tent les éditions (i4)- H s'agit là du
culte de Vénus et d'Adonis parmi les
Assyriens , et l'auteur dit même , que
le simulacre de cette Vénus étaitsur
le mont Liban. Eusèbe remarque qu'il
se commettait une infinité d'infamies
d'homme à homme, et d'homme à
femme, dans le temple que Constat)
tin fit détruire (i5); mais Sozomène
(8) Noris, de F.poch. Syro-Maced., pag Ifi*,.
rg) I m mu. de Deâ Sjrià , pag. 87S , toau
(10) Idem , ibid. , pag. 880 ,881.
(11) F.useb. , de VitS Constant., Ub. III ,
cap. IV. Sniomen., Ub. II , cap. V.
(12J Noris, de Epocli. , Syro-Maced. , pag.
467.
(i3) Zosira., Hist., Ub. I.
(i4) Voyez Seldenus, de Diis Syris , irr.t. II 1
cap. III , pag. 204.
( i5) Euseb.. de Vit» Constant. , Ub. III , cep
IV
432
BIGOIS.
se contente d'observer que les gentils
assuraient , qu'un certain jour de
l'année , l'eflieace des invocations fai-
sait descendre du sommet du mont
Liban un feu en forme d'étoile , qui
s'enfonçait dans la rivière voisine. Ils
prétendaient que ce feu était Vénus
même, qu'ils appelaient Uranie (16).
(16; Sozomen., kb. lit, cap. V.
BIGOIS , nymphe qui avait
écrit dans la Toscane un livre
louchant V Art d'interpréter les
éclairs. On gardait ce livre à
Rome , dans le temple d'Apollon
avec quelques autres de cette na-
ture (a).
(«) Servais in iEu. lib. VI , vers. 72.
BIGOT* (Émeric), l'un des
plus savans et des plus honnêtes
hommes du XVIIe. siècle , était
de Rouen (a) , et d'une famille
très-illustre dans la rohe (A;. Il
naquit l'an 1626 (b). L'amour
des lettres le détourna des em-
plois publics : il ne s'occupa que
de livres et de sciences : il aug-
menta merveilleusement la bi-
bliothèque que monsieur son
père lui avait laissée (B). On s'as-
semblait une fois chez lui toutes
les semaines , pour des conversa-
tions d'érudition. Il entretenait
commerce de lettres avec un
grand nombre de savans : ses
conseils et ses lumières étaient
utiles à beaucoup d'auteurs; et
il travaillait de son chef au bien
et à l'avantage de la république
des lettres. Il n'a publié qu'un
livre (C) ; mais apparemment il
* Joly rapporte et transcrit l'éloge que
fait de cet article Fr. Camusat,à la page 17
«les Mélanges de littérature tirés des lettres
de M. Chapelain , 1726' , in-12 dont il fut
éditeur.
(a) Hist. des Ouv.des Sav. Vois defévrier
1690 , pag. 267.
(i) Là même.
BIGOT.
en aurait publié d'autres , s'il
avait assez vécu pour y mettre
la dernière main. M. Ménage
dans le royaume , et ^Nicolas
Heinsius dans les pays étrangers
étaient ses deux plus intimes
amis (D). Il n'avait contracté
aucun des défauts que la science
traîne avec soi : il était modeste
et ennemi des contestations.
En général , on peut dire que
c'était le meilleur cœur qu'il y
eût au monde (E). 11 mourut à
Rouen , le ib de décembre 1689,
âgé d'environ soixante-quatre
ans (c). Il a témoigné par son
testament , qu'il mourait avec
la même affection pour le bien
des lettres avec laquelle il avait
vécu (F).
(c) Gazette de Paris , du 2i décembrt
1689.
(A) II- était de Rouen , et d'une fa-
mille très-illustre dans la robe.} Selon
le bel éloge que M. de Beauval lui a
consacré dans son Histoire des Ou-
vrages des Savaus (1) , il était fils du
doyen de la cour des aides , et d'une
fille de M. Groulart , premier prési-
dent au parlement de Normandie ; et
il comptait parmi ses ancêtres deux
présidens au mortier , un avocat gé-
néral, et six conseillers au parlementi
Développons un peu cela , selon le dé-
tail que M. le Laboureur nous fournit.
Laurens Bigot , seigneur de Tiberme-
nil, était avorat général au parlement,
lorsque la vill^ fut prise sur ceux de
la religion , l'an i5Ô2. Il était catbo-
liquezélé, et il contribua de toutes
ses forces à la penderie qui se fit alors
à Rouen. Les historiens huguenots se
sont plaints de sa rigueur. Il mourut,
le i3 de juillet \5no. 11 était fils d'Ati-
toine Bigot, lieutenant général du
bailli de Rouen , et il fut père dllÉME-
ry Bigot , seigneur de Tibermenil , qui
fut pourvu en survivance de la charge
de son père , avec dispense d'âge , par
lettres du Ier. novembre i55i, regis-
trées au Parlement le 21 août i552, et
(1) Au mois de février iOgo ,pag. 266, 267
BIGOT.
433
l'exerça depuis l'an i5no jusqu'en
ïfJ^H , qu'il fut élevé à la charge de
président au même parlement- Il s'é-
tait opposé en la même année à la pro-
position qni fut faite aux états de
Blois , d'exclure de la succession à la
couronne de France, le roi de Navarre,
comme lla remarqué M. de Thou, au
Jivre LX1II de son Histoire. On a im-
primé plusieurs de ses Lettres avec
celles d'Etienne fasquier (2). Il ne
laissa point d'enfans.Cel te famille a été
continuée par Jean et Etienne Bigot,
frères de l'avocat général. Je laisse là
les descendans du Jean Bigot : quant à
Etienne , il eut douze fils et six filles.
Laurens Bigot , sieur de la Tur^ère ,
l'un de ses fils, père d'ÉTiEN.NE Bigot,
conseiller en la cour des aides de
Rouen , qui transmit sa charge à Guil-
laume Bigot, son tils , père île Guil-
laume Bigot , conseiller au parlement
de Rouen. Jean Bigot, autre fils d Ë-
tienne , fut lieutenant du bailli de
Rouen , et eut pour seul héritier Jean
Bigot , son fils , sieur de Sommenil,
conseiller en la cour des aides de
Rouen, qui, dans sa riche bibliothè-
que, a assemblé les vérités en oiiginal
de l'histoire de la Province de Nor-
mandie, et qui , de Barbe Groulart,
sa femme , fille de Claude , premier
président au parlement de Rouen, a
eu dix-neuf enfans, entre autres Jean ,
sieur de Sommenil, conseiller au par-
lement de Normandie , Nicolas , sieur
de Clettville,qui a succède a lu charge
de son père, et Hemery Bigot (3j, qui
est le sujet de cet article.
(B) Il augmenta ... la bibliothèque
que monsieur son père lui avait lais-
sée.} J'ai déjà dit (4) quelque chose
touchant cette bibliothèque de M. Bi-
got le père, en citant M. le Laboureur:
mais voici un homme qui en parle
plus amplement. « M. Jean Bigot ,
» écuver, sieur de Sommeuil (5) et
» de Cleuville , doyen des conseillers
» de la cour des aides de Normandie,
m a une grande connaissance des bons
(2) L'épigramme LX an livre II de Pasquier
est adressée ail Edemericum Bigolium Tiber
mt-muui , iu Senatu Rotomagensi président.
('i) Tiré des Additions de M. le Laboureur
aux Mémoires de Castelnau , loin I , pag. 884
et suiv.
(41 Pars la remarque précédente , vers la fin.
(5) IL fallait dire Sommenil. I. et noms propres
sont étrangement défigurés dans Us livres du
p'eie Jacob.
T02IE III.
» livres , desquels il a fait une magni-
•» tique bibliothèque , composée de
» plus de 6000 volumes, entre les-
» quels il y a plus de 5oo manuscrits
» très-bons et bien rares , lesquels il
>■> communique facilement à ceux qui
» en ont besoin pour le public, en
» quoi il sera à jamais louable (G . »
(Cj II n'a publie qu'un livre. ] C'est
la fie de saint Chrysostome. compo-
sée par Palladius. Ni Fronton du Duc,
ni Henri Savill , n'avaient pu venir à
bout de trouver le texte grec de cet
ouvrage : on n'en avait qu'une tra-
duction latine , composée par Am-
broise de Camaldoli. M. Bigot trouva
le grec à Florence, dans la bibliothè-
que du grand -duc, et le publia à
Paris, l'an 1680. H y joignit la nou-
velle traduction latine qu'il en avait
faite , et quelques autres traités. Le
Journal des Savans en parla dans un
assez grand détail; mais sans rien tou-
cher qui concernât urmLt.ttre de saint
Chrysostome * au moine Césarius (n).
Consultez les journalistes de Hollande,
qui en ont parlé souvent (S). Voici de
quelle manière ils l'ont fait en der-
nier lieu : le dessein de M. Bigot avait
etè de joindre à la Vie de saint Chry-
sostome rtpîlre à Ccsariits , qu'il
avait déterrée dans une bibliothèque
de Florence ; mais elle parut si for-
melle contre la T"ranssubstanliation ,
que les examinateurs le contraignirent
a la supprimer (9).
(D) Al. Ménage... était de ses //lus
intimes amis.] De tous les endroits du
(6) Le père Jacob, dans son Traité des Bi-
bliothèques, pag. G81 , imprimé l'an 1644.
* Dans Ohaufepié on lit des détails sur la sup-
pression faite, par ordre des examinateurs, de
la Lettre de saiiti Chrysostome uu moine Césa-
rius. Cette Lettre parut trop formelle contr" le
do^mc de la transsubstantiation. Chaufepié est
donc ici de l'avis adopté par Bavle ; mai* Jolf
soutient qu les examinateurs ue regardèrent pas
comme suffisantes le* preuves sur lesquelles on
s'appuyait pour attribuer cette pièce à saint Cliri-
sostome. Jolj s'appuie sur 1rs Mémoires de 7V -
VOUX, février it m.irs 1737, ainsi que sur Vffis*
toire générale des Ailleurs sacrés et ecclésiastie*
ques parD. Ceillier, toni. IX, pa«. a^ft.
(7) Journal des Savans du a5 mars 1680 , pag.
io3 de l'édition d' itnsterdam : voit, r trouvez
cet paroles a la louange de fauteur : M. Bigot,
lameii^ par -a riche bibliothèque , et qui fait de-
puis loni; temps l'honneur les Lettres a Knuen.
(8) Nouvelles de la République les Lettres ,
juin l685 , art fil , pag. 6o5: filin 1686 , ,1,1.
VII, pag. 685 et ailleurs.
9) Ili-toire des Ouvrages ùes Savani , février
iCg» , pag. ïC".
28
434
BIGOT.
Ménagiana où il est parlé de M. Bigot,
je ne copie que celui de là page 75.
« Si j'étais à l'âge de quarante ans ,
» je pleurerais amèrement la mort de
» M. Bigot; mais je suis tellement ac-
v cable de mes maux, que je ne suis
•» plus capable d'être sensible aux
)> maux étrangers. Je suis aussi mal-
33 heureux que Priam, qui survécut
» à tous les siens. 11 y a trente-cinq
» ans, que M. Bigot logeait chez moi
» toutes les fois qu'il venait de Rouen
33 à Paris, sans que nous ayons jamais
» eu le moindre différent Pua avec
» l'autre. Il était singulier en une
» chose : comme il parlait peu , il ne
» me disait jamais rien de ce qu'il
)> avait dessein de faire, nonobstant
>. la familiarité qui était entre nous 5
» jusque-là que , lorsqu'il fit le voyage
m de home . il ne m'en dit rien qu'un
« jour ou deux avant de partir. Lors-
•» qu'il prit congé de moi, il me de-
» manda seulement si je n'avais rien
» à lui commander. Je perds beau-
» coup à sa mort. Il m'avait écrit , il
» n'y avait pas long-temps , qu'il al-
j» lait lire tous les anciens poètes gau-
3) lois pour l'amour de moi , et qu'il
» me ferait part de tout ce qu'iLtrou-
» verait de propre pour mes Origines
■» de la langue française. La biblio
3) théque qu'il a laissée vaut au moins
-,> quarante mille francs. 11 avait une
» grande littérature, et les savans
3) de Hollande attendaient ses lettres
d comme des décisions sur les diffi-
33 cultes qu'ils lui proposaient.» C'est
une très-belle amitié, que celle qui a
duré si longtemps , sans aucune in-
terruption , entre ces deux hommes
illustres. Celui qui a dit que ces sortes
d'amitiés sont heureuses ( 10 ) aurait
pu dire avec autant de raison qu'elles
étaient rares. M. Ménage
M. Bigot son Anti-Baillet.
qu elles
dédié à
(E) C'était le meilleur cœur qu'il y
tût au monde. ] Je ne saurais mieux
commenter ce texte, que par les pa-
roles de M. de Beauval. Jamais, dit il
(11), l'on ne fut un plus sincère ni
(10) Felices ter el amplius
Quas irrupta lenel copula. : nec malis
Oivulsus querimoniis ,
Supremd citius solvel amor die.
Horat. , Od. XIII , lib. I. L'e'pilhète rari ne
ferait pas un sens moins vrai que l'épithèle
l'elices.
(11) Histoire des Ouvrages des Savans , février
i6yo , pag. 267.
plus fidèle ami , el il avouait lui-même
que c'était la louange qui le touchait
davantage. Il était d'une probité peu
commune dans ce siècle malheureux ,
et tellement ennemi du faste , que sa
modestie allait jusqu'à ta simplicité
dans ses ?nœurs. Son humeur pacifique
et tranquille le rendait incapable des
éclats et des querelles, que la jalousie
cause parmi les gens de lettres.
(F)// a témoigné par son testament,
qu'il mourait avec la même affection
pour les lettres avec laquelle il avait
vécu.~\ « Il a substitué sa bibliotbéque
3> à sa famille , pour en éviter le par-
» tage , et il en a confié le soin à
» M. Bigot de Monville , conseiller au
3> parlement de Paris , avec un legs
» considérable pour la grossir et
» l'augmenter tous les ans (12). 33
(12) Là même.
BIGOT (Guillaume) , natif
de Laval au pays du Maine (a) ,
médecin et philosophe , a été un
savant homme , sous le règne de
François Ier. On a cru que le
docte Pierre Castellan conçut
quelque jalousie contre lui, et
que par la crainte de souffrir
éclipse, il l'empêcha d'avoir accès
auprès du roi. D'autres disent
que ce fut une calomnie , à la-
quelle Mélanchthon ajouta foi
trop légèrement (A). Il est sûr
que le moyen dont on prétend
que Castellan se servit pour ren-
dre odieux Guillaume Bigot à
leur commun maître, a très-peu
de vraisemblance (B). Le conte ,
qui en a été inséré dans le Mé-
nagiana, n'est point exact (C).
Bigot devait être un grand
philosophe , puisqu'il a été fort
loué par Jules -César Scaliger
(b). Il publia quelques traités,
les uns en vers , les autres en pro-
se (D). On se trompe , quand oit
dit que Calvin lui reprocha la
(a) La Croix, du Maine, pag. i'.\i.
<!> i Voyez la remarque (D) , à la fit:
BIGOT. 435
détention de la vérité en injus- faire : il faut montrer ce que Melanch-
tice (E). Bongars n'avait point !l,".'n poM»3»** ce qui fut dit contre
i j • r "il Melancuthon sur ce suiet Voici Ip«
oui parler de notre Guillaume ___„iM ,i , «.. o( fi J /, ts
t,. t , , ,.. paroles do âleianchtlion : Duo sunt
Bigot ; car dans une lettre qu il in Gallid viri excellenter docti , Cas-
écrivit le t> d'août iôgô, il de- teUanus et Bigotius. Et quia Castel-
mande qu'on lui apprenne quel lfm disputaiiànes crebrù à Rege au-
, *■. , .^. x A *, Uiuntur , liortiitur auisniam r-r r,m
homme c'était (F). ceribus m Ri~o,,,Tj iP °~
. v J . cet tous UL Uigolius etiam audialur.
J ai bien des choses curieuses Interrogat rex m qun doctrinœ génère
à ajouter à cet article. Notre versetur. Cùmque alii honorificn testi-
Guillaume BiSot était fils de ^ia eum ornarent , tandem Castel
1 r> . -i •» laïuis, qui augert ejus opinionem nole-
Jean Bigot, et il naquit vers bal ,,,/»„,„//;„, « n«,\S «««««e
' . . .1 "<"> inieipeitans , \/uid , inquii , l un-
is, hn du mois de juin i5o2; toperè prœdicatis ? Est Aristotelicus.
car il dit dans une lettre, datée Rex interrogat qualissii en descriptio'
de Bâle le 27 de décembre 1 536, r^am' "!<?"" ÇasteUanus. Anstateles
mi'il sortit dp FrinrP W dp *."ç'r>*f*T'*v. adjïrmat meliorem sta-
quil sortit de 1 rance âge de tum esse quant regnum. Hoc voce apud
Vingt-huit ans, et qu il y a déjà regem sciebat se omnem auctoritatem
six ans et demi qu'il est exilé de eiAristotetiet ejus studiosis detraxis-
sa patrie. Il avait donc trente- se- .Cùm<Iu* rf* interrogarei an hoc
r. „ . 1 11 scnpseril Ai naaleles , et céleri id ad-
quatre ans et demi , quand il jirmarent ? audivissètque defendere
écrivit cette lettre. // jr a peu Bigotium Aristotelicus sententias de-
d'auteurs qui se plaignent tant hrare Arisiotelem inquit , et negavit
de leurs ennemis, que fait ce ** defe™°rem harum ineptiarum au-
7 .j 7 , * J dilurum esse, taede vicit Castellanus
* . , j • ■ /-> • quendam m vicis et quadriviis profi
nies de ses adversaires. Ce qui tente ltu prwaUm et publiée latessOus
l a obligé de nous apprendre convitiisque appetitus fierai , et sain-
bien des particularités de sa vie to apud exteros traduelus, ut mérité
(G) , dont même quel, nus-unes "'/" °àioprosequi poste vukretur.
4 tJV t '.' J n Carnet PhUippum M clan, hthonem
se sentent de l ingénuité de Car- cabumniis ita dix infestant reddiderat
dan (c) , tant elles sont peu judi- ut is nimiùm credului et facilis ea de
cieusemenl débitées (d). 11 nous V*0 scriberet quee nos, propter pu-
fait savoir , entre autres choses , btlcam "™<™,nonsine gemitu légère
1 . j c ri poicramus. JVempe Lasiellanum ex eo
que le galant de sa femme lut calumnùuomm Le génère qui, 7ntl
châtie tout comme Abélard. did concitali , menduciis conjictis bo-
Voyez ci- dessous la remarque '"" causas apud rt^a, oppugnarent et
(j e^# détériores redderenl. Argumenta esse
Bigotium, quem Ule philosophai Am-
ies remarques de l'article tolelicd prœstantem, ni- sibi et sua- gru
(c) Voyez .
CabOAS , et particulièrement la remarque
d >~0j-e- ci-dessous citation ^i.i
.e Entre les citations j3 et 1 |
(A) On a dit que Castellan... l'eni-
tiœ obesset, eum odiosum régi reddere
meditaretur. Arisiotelem, quod lau-
duto paucorum et populi principalu
unius iniperium ùnprobdsset, apud
regem graviter criminatusesset. Quod
trdum ciun esset vanissitnum , et aCas-
ha d avoir accès auprès du roi...; tellano Arisiotelem amante et adnii-
et que ce fut une calomnie , a laquelle rante alieniisimum, ne, minus imi ,■■
Mrlanchthon ajouta loi trop légère- ,,,M. „,,,
ment. J JNous avons deux choses a rum Colonieasc i 1543.
436
a Bigotio corifictum quant a Melanch-
ihone leviter litleris mandalum , Bigo-
tiumtamenposteà ingratiam receptum
régi commendavil , atque illi quœ a
rege petebat apud Wemausenses im-
pétrant (2). On voit dans ces paroles,
!°.queBigot, à l'imitation des anciens
sophistes, et nommément de Gorgias,
déclamait et faisait leçon à tout bout
de champ ; a0, qu'il avait médit de
Castellanus, et en particulier, et en
public ; 3°. qu'il fit sa paix avec Cas-
tellanus , et qu'à la recommandation
de cet ennemi re'concilié , il obtint de
François 1er. , ce qu'il souhaitait d'a-
voir à Nîmes.
(B) Le moyen , dont on prétend que
Castellanseservitpour nuire a Bigot...,
a très-peu de vraisemblance.'} Je ne ré-
BIGOT.
quent point la politique ; et l'on se se-
rait rendu ridicule en ce temps-là , si
l'on avait dit , je m'en vais vous expli-
quer ce que c'est qu'un philosophe
aristotélicien : c'est un homme , qui
préfère les républiques aux monarchies.
4°. Il est très-certain que François Ier.
se rendit le protecteur d'Aristote con-
tre Ramus. L'historien de Castellan
conte que ce priuce pensa condamner
aux galères ce rebelle d'Aristote (3).
On a donc quelque sujet de penser que
Mélanchthon ne rapporta pas la chose
comme il fallait. On l'avait mal infor-
mé : il s'était laissé prévenir sans en-
tendre les deux parties. Cependant ses
paroles ont porté coup : je ne vois per-
sonne qui parle de notre Bigot, sans
donner pour un fait certain ce que
péterai point les remarques de Pierre Mélanchthon en a publié; tant l'étoil
Galand contre le narré de Mélanch- :
thon : j'en ferai qu'il n'a point faites.
x°. Il n'est nullement vraisemblable
que François Ie'". ait demandé ce que
c'était qu'un philosophe aristotélicien.
il avait trop de lumières ; et il se fai-
sait trop exactement rendre compte
de l'état où était l'université de Paris;
en un mot, il avait eu trop souvint
des conversations avec des personnes
doctes, pour ignorer le nom d'Aris-
tote, et ce que c'était qu'un sectateur
d'Aristote. La demande qu'on veut
qu'il ait faite serait vraisemblable,
nonobstant l'érudition de ce prince,
si c'eût été une chose rare et nouvelle
en France, que d'être péripatéticien;
mais comme il n'y avait presque per-
sonne dans les chaires de philosophie,
qui ne fît profession ouverte de suivre
Aristote, rien n'est plus contraire aux
apparences, que de supposer que ce
prince fut si étourdi d'une idée de
nouveauté à l'ouïe de philosophe aris-
totélicien , qu'il voulut tout aussitôt
qu'on lui expliquât ces termes. 20. La
prospérité où était alors la secte péri-
patéticienne , et le respect infini qu'on
portait à Aristote , ne permettent pas
de croire que Castellanus ait cru pou-
voir nuire à la gloire d'un rival, en
le traitant de péripatéticien. C'eût été
prendre une fausse route, pour affai-
blir les éloges qu'il entendait donner à
Bigot en présence de François Ier.
3°. Les professeurs en philosophie
dans les universités de France n'expli-
(2) Petru» Gallandius , in Vit» Pétri Caslel-
hsi, num. 74i PaS- lio 1 *?*?
de certains hommes a de force pour
immortaliser un conte, quel qu'il soil,
vrai ou faux , conforme ou contraire
aux apparences !
Naudé était dans Terreur commune :
car voici ce qu'il a dit : Entre les sa-
vans que François Ie'". tira à sa suite
par les chaînons de sa libéralité ,....
on n'eut pas manqué de voir Erasme ,
s'il eût voulu accepter la principauté
de son collège royal , ou une chanoi-
me de quinze cents livres de revenu ,
qu'il lui offrit plusieurs Jnis(*')j et pa-
reillement Guillaume Bigot , qui était
le premier philosophe de son temps ,
si son grand aumônier , l évéque de
Maçon , ne l'eût diverti de la volonté
qu'il avait de i approcher auprès de sa
personne (*2) , afin de n'avoir un si
docte censeur des discours qu'il Jaisaiî
tous les jours à sa table (4).
(C) Le conte , qu'on en a inséré dans
le Ménagiana , n'est pointexact.~\ Voici
ce conte. « Petrus Gallandius avait
» des envieux, et cesenvieux voulaient
» faire venir de Normandie un nomme
» Bigot , grand philosophe aristotéli-
» cien , pour le supplanter par son
» moyen. François 1er. , à qui l'on en
)> avait parlé, demanda à Petrus Castel-
)) lanus quel homme c'était. Petrus
» Castellanus répondit que c'était un
(3) Galland. Vita Castellani , num. 45,
pag. -5.
(*') Erasmi Epist. ad Cliristop. Messiam ;
item ad < jodenium , item ad Jo.inueui ftond.
(*2) Riclher., in Axiomat. Polit.
( ',) Naudé , Addit. à l'Histoire de Louis XI ,
pag. 36ç), 370.
BIGOT. 437
» philosophe qui suivait les sentiraens valensis, Cliristianœ PhilosophiœPrœ-
» d'Aristote. Et quels sont les senti- ludium, Opus cum aliorum tum homi-
m mens d'Aristote? ajoutaFrançoisl". nis suhstantinm lurulentis er promens
» Sire, repartit Petrus Castellanus, rationibus ; Tolosœ , 4 > apud Guido-
» Aristole préfère les républiques h ueiu Boudevilleum , i5^9 (9). C'est
» l'état monarchique. Cela ht une telle apparemment à ce dernier livre que
» impression sur l'esprit de Fran- Jules-César Scaliger avait égard , lors-
» cois 1er. , qu'il ne voulut plus en- qu'il disait : Sic videmus êjusdem rei
» tendre parler de ce M. Bigot. Ainsi diversas esse noliones : quas barbare
» Petrus Castellanus servit son ami quidein barbaris , sed non inscilè apud
» fort adroitement (5). » J'aurais quel- dociosformalitatesappellabamus.Hœc
ques objections à faire contre ce Eecit. quidem risui sunt atqne contemptuï
i°. Notre Guillaume Bigot n'était point novis Lucianis alquc Diagoris culina-
Normand , mais Manceau. 2°. Son riis : sed non neglecta sunt a niaximo
habileté dans le péripatétisme n'é- philosopha Gulielmo Bigotio, qui qui-
tait point propre à supplanter Pierre dem penè solus hoc summum jus hodiè
Galand , qui n'enseignait que les tuetur in reconditd philosophid (10).
belles lettres. 3°. Mélanchthon , qui (E) On se trompe, en disant que Cal-
doit passer pour l'écrivain authentique vin lui reprocha ta détention de la vé-
quant à ce fait, puisque ce n'est que rite en injustice.'] Voici ce qu'on trouve
par lui que l'on l'a su , ne dit point dans les Notes d'un très savant homme
qu'il fût question de supplanter quel- sur la Vie de Caslellan. Ad quem (Bi-
que professeur de Paris : il dit qu'on gotinm) exlat epislola Joannis Càlvi-
ni, data IF liai. Januarii MDLf^lI,
in quii eum increpat quôd à supersii-
tionibus , ' id est a projessione fidei
romanœ non recederct. Cette lettre de
que p
voulait introduire Bigot auprès de
François Ier. , a tin que ce monavque ,
qui avait oui tant, discourir Pierre
Castellanus, entendît aussi les discours
de ce Guillaume Bigot. Remarquez Calvin est la CCXLVI (11) : elle est
bien, que lors même que le seul et écrite à un Pierre Bigot, qui ne don-
unique auteur qui parle de quelque nait pas gloire à Dieu par la profession
fait , s'abuse, on ne peut altérer sa nar- de la vérité. Calvin avait autrefois lo-
ration sans un nouvel égarement, gé avec lui. L'adversaire de Castellan
J'excepte les cas où l'on se fonde sur la s'appelait Guillaume Bigot : il n'est
véritable découverte du fait. 4°- Nous donc point celui à qui Calvin écrivit.
apprenons de la vie de Castellanus, (F) Bongars demanda qu'on lui
qu'à sa recommandation François 1er. apprit quel homme c'était.'] 11 demanda
accorda à ce Bigot une chose qu'il de- cela , après avoir lu la lettre que Joa-
mundait. Comment donc a-t-on pu ehim Camerarius avait écrite à ce
dire que ce prince ne voulut plus en- Guillaume Bigot. Elle est à la fin du
tendre parler de ce AI. Bigot? [IIe, livre du 11e. tome des Lettres de
(D) Il publia quelques Traites, les ce Joachim. Slibarus quis fueril, nisi
uns envers , les autres en prose.] Ou molestum est, explica, et quis Vilel-
imprima quelques-uns de ses vers fran- mus Bigotius Gallus, ad quem exlat
çais , avec les poésies de Charles de Epislola sub finem tertii libri (12).
Sainte- RI arlhe , oncle de Scévole (6). (ty J^es disputes qu'il a eues... l'ont
Gesner parle d'un Becueil de Poésies obligé de nous apprendre bien des par-
Guliclmi Bigoiii Lavallensis , imprimé ticularités de sa vie. ] « A peine avait-
à Baie , l'an i536 (7). lly a sept ans , » il un an , que sa nourrice mourut de
ajonle-t-il, que j'ai vu l'auteur à Bdle. „ peste. Notez en passant, qu'il avait.
Entre autres pièces , il y avait dans ce „ fallu [ui chercher une nourrice aux
Becueil, Catoptron ad emendationem „ champs, aucune femme de la ville
juventutis J'actum Carmen, Epilhala-
mium quoddam , et epigramma in em-
piricum ;8). Du Verdier Vau-Privas a
donné ce titre, Gulielmi Bigotii , La-
[5) Méoagiana , pai;. \^-.
[6) La Croix du Maine, pig. i^i.
(-) Gesuer. , in Biblioth , folio 287.
[S) llnd.
> ne le voulant élever, parce qu'il était
né avec deux dents. La mort de sa
(ci) In Supplemrnto Fpilomcs Oesnerian*.
(io foL-Oeur. Scal'ig. , Exercit. CCCYII,
nutn. i5, /'«s'- g46,ad Cirdanum.
(ti) In ednwne III , Hanov. , ann. i5$7.
(iï) Bongars. , Epist. CXXX aj Camerar..
f.-r-;. 433 > *dit, II<ij , ann. iCiuS.
433
BIGOT.
» nourrice, précédée de celle de Ireize
3J antres personnes de la même maison,
» fut le commencement des malheurs
3> de notre Bigot. Aucun des voisins ne
» voulut s'en charger, pas même en
3) avertir ses parens : eh un mot ,
» on l'exposa sans pitié auprès d'une
a haie, sur le bord d'un grand che-
» min. Son père, que d'autres affaires
» particulières avaient appelé de ce
» côté-là, le trouva en cet état. De-
y> venu plus grand, son éducation fut
î> confiée à des gens qui n'en eurent
j> pas tout le soin nécessaire : aussi à
» peine put-il se soustraire à leur dis-
3> cipline, qu'il se jeta dans la débauche.
» S'étant attiré une mauvaise affaire à
j> Angers, il fallut se retirer à la cam-
>> pagne. Celle retraite ne lui servit
» pas peu : elle le remit dans le goût
» de l'élude; il s'appliqua au grec,
» qu'il apprit sans maître et en peu
3> de temps. Toutes les autres sciences
3) ne lui contèrent pas davantage : il
» avoue qu'il ne devait à ses premiers
3> maîtres qu'un peu de latin ; et , pour
3> la philosophie, astronomie, astrolo-
v gie , médecine, etc. , il fut o.ùto£i-
j; «TautToç. Après avoir passé quelque
3> temps dans cette retraite, il résolut
3> de passer en Allemagne , pour être
3) plus en liberté. Il fit ce voyage avec
3> M. du Bellai de Langey , que le roi
3> envoyait auprès des princes alle-
3> mands , pour les informer des droits
3) de sa majesté; laquelle négociation
» se faisait secrètement : et M. de
3) Langey ne devait paraître dans
3> toutes ces cours que sous l'habit
3) d'un marchand de pierreries. Notre
j) Bigot vint à Tubinge, el y fut reçu
» professeur en philosophie. S'étant
3> brouillé avec les autres suppôts de
5) cette université, pour avoir voulu
.. réfuter le système philosophique de
3> Mélanchthon, il lut obligé de quitter
3» la partie, et de s'en venir à Bille ,
3> en 1 536 , où il resta quelque temps.
3> Enfin , il revint en France, et trouva
)> un asile assuré chez MM. du Bellai ses
3) Mécènes. Budé voulut le retenir ;'i
j) Paris , et lui faire donner slipendium
3) regium philnsophi ; mais Castellan
s; l'empêcha. Voici comme parle de
;> cette affaire un Guillelmus Figulus
3> Avenerus , qui a fait des notes sur
3> un poème de Bigot à Jésus-Christ ,
» dont je vous parlerai ci-après. Bu- Denique.
» dœus . Bit/Otlunt , è Gerniarild re- Invilo invita est mihi clausa Luletia fatis-
o gressum, rogai'U slipendium regium
philosophi prœferret aulœ , quant
sequi parabat : quo de Bigotius vi~
cissim egit cum cardinale Bellaic>
Mecœnatesuo, id utferret; sed longé
ûberat ab illo sibi desiderata scopo
Bigotius , cum id apud Franciscunt
regem tacitd invidiâ et oblrectationc
quidam aulicus interrupisset , non
obscuriorecertè Academiœ Parisien-
sis quant Bigotii damno. Qui sit au-
tem is , in responsione Melanchlho-
nis ad Colonienses im-enies : idnunc
Bigotius insinuât , et idquidem miris
Jalis,cumeoini>itoeainvilaclaudatar
(i3j. Etait-ce d'une place de profes-
seur royal en philosophie, dont il
s'agissait? Quoi qu'il en soit, l'affaire
ayant manqué , Bigot songea à d'au-
tres emplois. On lui offrit une chaire
dans l'université de Padoue , avec
de bons appointemens : il la refusa,
et aima mieux s'en aller à Nîmes,
où il était appelé , pour remettre sur
pied l'université qu'un nommé Ba-
duellus y avait commencée. Le zèle ,
qu'il témoigna à défendre les pré-
tendus privilèges de cette aradémie,
lui attira plusieurs ennemis, qui
rappelèrent Baduellus. Ce fut alors
une espèce de guerre entre les deux
maîtres et leurs écoliers. Bigot eut
quelques arrêts du parlement de
Toulouse, qui confirmèrent les con-
ventions qu'il avait faites avec la
ville. Il vint même à Paris; et, par
le moyeu de Ses amis , particulière-
ment du cardinal du Bellai, il ob-
tint quelques lettres du roi, et d'au-
tres personnes de la cour , adressées
au gouverneur et aux premiers de
la ville de Nîmes : mais pensant
venir jouir d'une tranquillité assurée
dans cette ville , et pour cet effet
ayant vendu ce qu'il pouvait avoir
de patrimoine à Laval , il vint pas-
ser à Toulouse , où il apprit bien
d'autres affaires. Sa femme de qui il
avait déjà eu deux filles, ne lui
ayant point gardé la foi conjugale,
et s'étant laissée aller aux caresses
d'un certain sien compère , joueur
d'instrumens , qui demeurait dans
la maison de Bigot , il arriva que
l'adultère, nommé Pefrus Fontanus,
se trouva puni de la même manière
'\ <,) Guil. Figulus in liaec Bigotii verba.
BÎLLAUT.
43g
qu'Abélard le fut : en un mot , qu'il
» perdit les vrais témoins de sa viri-
» lité ; mais ce qui augmenta encore
» le malheur de notre pauvre époux,
') fut qu'on sut que le principal ac-
» teur de cetlè tragédie était un nom-
» mé Antonius Verdanus, ancien valet
» de Bigot. Il n'en fallut pas davan-
» tage aux ennemis de Bigot , et l'oc-
1 casion leur parut trop belle d'inten-
» ter de mauvaises affaires à leur ad-
» versaire, pour la manquer. Sa femme
» fut enlevée. On l'accusa du crime de
>» mutilation , auquel on en joignit
» plusieurs autres, qui tous ne de-
» mandaient que sa tète. 11 se consti-
» tua prisonnier assez imprudemment,
» et y resta long-temps : il pensa
» même n'en sortir , que pour finir
» malheureusement sa vie sur unécha-
» faud , tant était grand le pouvoir de
» ses ennemis, et tant ils donnaient
» de mauvais tours à toutes ses actions.
» Enûn les grands jours qui se tinrent
a à Poy en Vêla y le tirèrent bien de la
» prison, mais non pas de la misère où
» l'avait réduit cette affaire, qui même
m n'était pas encore finie quant au ci-
» vil en i549, quand il fit imprimer
» son Christïanœ Philosophiez Prœlu-
» dium. Lassé de tant d'attaques, il dit
» en plusieurs endroits de ce livre,
» que les astres lui promettent de
j> mourir vers le nord, et hors de sa
» patrie ; qu'ainsi, il souhaite pouvoir
)> èlre en état de se retirer de cette
» terre ingrate, et d'aller mourir à
» Metz. C'est là sa ville favorite : il n'a
)> pu s'empêcher de lui adresser plu-
>> sieurs vers dans son poème à Jesus-
» Christ, et de la prier de ne pas le
» rejeter un jour. Tout ceci est pris en
partie d'une épître apologétique, et
■» d'une autre épître antilogique , etc.
j) L'épître apologétique se trouve dans
» un recueil, de l'édition duquel vous
» n'avez pas parlé : le voici , Guillel-
i> mi Bigolii, Lwallensis , S omnium
» n,I Cruillelinum Bellaium Langceum,
>> Mecœnatem suum , in quo cùm alia
;> titnt Imperaloris Caroli descnbitur
» au regno Galtiœ depulsio . Jijusdem
■» eicplanatrix Somnii Epistola, qud
» se item et Guillelmum Budœum a
■> quorundamdej'endu calumniU. Ejus-
» dem Catoplron , et alia quœdam
» poemata , cusa priits inentend luit*.
» Paiisiis , i537 , in-8°. L'épître an-
" Illogique se trouve avec le Chrislia-
» na? Phtlosophiœ Prœludium , opus
» cùm aliorum tum hominis substan-
» liant luculenlis expromens et exem-
» plis et rationibus , G aille/ ino Bigo-
» tio Lavallensi , auctore. Ejusdem et
» ad' Jesuni Christum Carmen sup-
» plex , et antilogica dedicatrixque
» /'.pistola (i4), peraptè tant Prœlu-
» dio quant reliquis ipsius Christianis
» Scriptis prœlegenda : Tolosœ,Guid.
» Bottdeinllœi , i54<), in-folio. J'ai
» déjà dit que le Carmen supplex avait.
» été commenté par Guill. Figulus.
» Ses notes sont insérées dans cette
» édition , aussi - bien que d'autres
» qu'il a faites sur d'autres vers du
» même Bigot , qui sont à la fin du
» même volume (i5).
Le mémoire , que je viens d em-
ployer tout tel qu'on me l'avait en-
voyé , est fort propre à nous apprendre
deux choses: l'une, que M. Lancelot
se s;lit admirablement servir des li-
vres que la bibliothèque Mazarine lui
met en main ; l'autre , qu'il n'y aurait
rien de plus nécessaire à l'auteur d'un
livre semblable à celui-ci, que de
pouvoir consulter toutes les préfaces,
toutes les épîtres dédicatoires , les
apologies, et tous les écrits qu'on
nomme éristiques , et toutes les notes
des écrivains. C'est là que l'on trouve
une infinité de particularités de leur
vie.
(14) Ad Joan. cardinal Bellaium.
(i5) Tiré d'un Mémoire manuscrit , commu-
nii/uc par M. Lancelot.
BILLAUT (Adam), connu
sous le nom de maître Adam,
était un menuisier de Nevers ,
qui devint assez bon poëte fran-
çais. Il se fit connaître première-
ment dans sa patrie , et aux
princesses de Gonzague {a ) , qui
demeuraient quelquefois dans
leur duché de Nevers , et puis,
il se hasarda d'aller à Paris, ou
il trouva des patrons. Ce fut
en i63- qu'il fit ce voyage (A).
M. le duc d'Orléans l'honora
d'une pension (b). Ce nouveau
(a La princesse Marie, et la princesse
Anne , dont la première a été reine de
Pologne.
b l'oyez la préface des Chevilles.
44o
EILLï.
poète publia un recueil de poé- lorsqu'il disait ( 2 ) que sa pension ne
sies sous le titre de Chevilles de se.rvait 1U\U, raiement de ses créan-
am jj ciers : ce n elait donc pas le moven
maître Adam , et ne manqua d'acquérir à ses enfans (3) un bon
pas d'y joindre les vers qu'un patrimoine. Il avait une pension du
très-grand nombre des poètes du cardinal de Richelieu, comme on le
temps firent à sa louange. M. l'ab- Teut i?,férer r!e ce ^il PVie un de*es
i » j ht 11 m t amis d en solliciter le paiement (4J-
he de Marolles 1 honora d une (C) M BaiUtt ne & a p0int ^.0.
préface qui sent le panégyrique, digue f encens.] « Maître Adam , dit-
et oii il n'oublia pas de nous * il (5) . surnommé Billaut, appe-
apprendreque Pierre Billaut et " \? communément le Virgile- Au-
-tl * -ht • i " Kabot, nous a laisse ses Chevilles ,
Jeanne More , père et mère du „ son vilebrequin , son Rabot, et ses
poëte Aaam, avaient tiré leur » autres outils, qu'il s'est avisé de
origine du village de Saint-Benin- " vouloir immortaliser , en les consa-
des-Bois au pays de Nivernois. Il »' crant aux div,inités du Parnasse.... >
«t 1,J i ht a -« moins que de savoir que c était un
parait par les vers de Maître menuisier sans lettres et sans étude, on
Adam, qu'il se fourrait chez les le fera passer pour un poëte médiocre,
grands ; mais je ne crois pas et Peutélre pou, un Goujat du Par-
qu'il se soit fort enrichi au ,.V """V"; ca' d J^t tomber d accord
\ , „, T1 . 1 <]ue c est aux menuisiers et aux autres
lier de poète (B). Il mourut le artisans que M. Adam fait honneur,
19 de mai 1662 (c). M. Baillet plutôt qu'aux poètes et aux muses.
lie lui a point prodigué l'eilCenS (l) Dan, VipUre dédicaloire de ses Chevilles
(C). J'ai ouï dire une chose que au comte d'Arpajon.
• • * „'„„«- „„'„C„ (3) Il avait femme et enfans. Préface de
je ne croîs point; cest qu afin m. de Marolles.
d'avoir de quoi vivre , d fut
obligé de reprendre sou métier
de menuisier.
(c) Saint-Romualc! , Journal histor- et
chron. , au 19 d'octobre, pag. Ifio.
(A) // vint a Paris Ce fut en
(4) Chevilles , pag. 110, e'dilion de Rouan,
en i654'
(5) Jugemens sur les Poètes, num. 1^58.
BILLI (Jacques de ), abbé de
Saint-Michel en l'Herm , était
un des savans hommes du XVIe.
siècle. Il a traduit en latin plu-
1 637 qu'il fit ce voyage.'] Toute la s l 'eu rs ouvrages des pères grecs ,
preuve que j'en ai est un passage de et nommément Grégoire de Na-
M. l'abbé de Marolles, où il dit que- • j» •>
tant à Nevers , en ,636, il fut salué un ZlUn^ L» d Une ma™ere qui a con-
matin par maître Adam Bilkut, qui ten|e les connaisseurs (a). Je lui
lui récita de ses vers, et lui en donna avais destiné un long article ;
des copies. Cet abbé ajoute qu'il promit mais je n'ai pu trouver sa vie ,
a la princesse Marie de faire connaître • t m < ,,..
. ,', ,j --X i composée par Jean C h atard ( a) :
Je talent de ce rare poète, et que } . l . maïKx^j .
maître Adam vint à Paris Tannée d'à- ainsi ]e renvoie mes lecteurs à
près. Il y fut connu, poursuit -il, M. Moréri , et me contente d'ob-
des grands , et de toute la cour (1). server ici quelques méprises du
(B)Jenecroispasqu'ilsesoitmricni savant M de Launoi (A) , qui
au métier de poète 11 ne faut pas ton- ,,. , -, , /' *
jours prendre au sens littéral ceque les a publie deux lettres , qui nous
poètes représentent sur leurs grands apprennent que Jacques de Billi
besoins à celui dont ils veulent obte- se plaignait fort d'être à Paris. Il
nir quelques pistoles ; mais je crois
que notre Billaut n'exagérait point, (a) Voyez M. lïaillet, Jugomens sur les
traducteurs , mon. 8^3.
(1) Mémoires de l'abbé de Marolles, pag. W VojezTeissier , Bibliolh Bibliotbscar .
î"7> P"ê- '7°
ETLLI. 44i
sVn plaignait , entre autres rai- Luteiiœ 10 Calend. Feb. i58î (a). 11
sons, à cause de la cherté des «»«»»«. sans doute dans longrna
, ,., celle du lieu et du |our, et il y a joint
vivres , et a cause du temps qu il ceile de v>année. On ne sait pas sur
lui fallait perdre avec les dames quoi il a pu fonder ses conjectures.
(B). Une sœur , qu'il avait chez on sait seulement , ou qu'il n'a fait
madame de Moutmorenci , l'en
gageait à celte perte de temps.
Tout Te monde ne demeure
pas d'accord que sa traduction de
Grégoire de Nazianze soit bon-
ne : je m'en vais rapporter des
lucune attention au contenu de cette
lettre, ou qu'il n'était guère verse
dans notre histoire moderne. D'ail-
leurs la publication de ces lettres té-
moigne qu'il n'entendait rien dans le
grec ; car il a laissé plusieurs fautes
que les imprimeurs avaient commises,
sur quelques paroles grecques dont
choses, qui feront juger qu'elle notre abbé s'était servi. Par exemple,
ne l'est pas (C). ce vers d'Homère,
(A) J'observerai touchant de Billi
quelques méprises du savant M. de
Launoi. ] 11 a inséré dans son Histoire
du collège de Navarre(i) deux lettres
de Jacques de Billi à Jacques Pelletier,
et il a cru qu'elles ont été écrites l'an
1682 C'est n'avoir point su que l'au-
teur de ces deux lettres est mort l'an
i58i. La Croix du .Maine l'affirme.
j\1. Baillet le suppose comme certain
en divers endroits de ses jugemens. Mo-
réri marque le 11 de novembre i58o.
Mais Thevet , au IIe. tome des Eloges,
pag. 392, marque le a5 de décembre
i58i. 11 a plus de raison que Morëri
À^vt/^wevoi' «•«/>,
Ili., Ub. XVIII, v. ii2-
a été imprimé ainsi ,
'AKKÀ t* (MV TTf&crSf T6KV* ii.oy.ti ,
(B) // se plaignait du temps qu'il
lui fallait perdre avec les dames.]
Pour savoir toutes les raisons qui l'en-
gageaient à regretter le séjour de la
province., il faut l'entendre lui-même:
Hic omniapertarbata , morbis infesta;
hic extrema annonœ caritas , hic meo
sueco victitandum , hîc cursitandum ,
litisandum , et sororis causa quœ apud
L'ignorance de semblables choses n'est Magistri Equitum uxorem educatur
rien, et m- peut faire aucun tort à inter puellas , tenions terendum et
un habile homme; mais je ne saurais perdendum*. Ce dernier point ne
comprendre que l'on puisse donner à sent guère son abbé : aussi ne parlons-
connaitre que Ton ignore d'autres nous pas d'un abbé de cour; mai-.
q
faits infiniment plus considérables ,
sans se taire quelque tort. M. de Lau-
noi, en publiant ces deux lettres
comme écrites l'an i582, a du croire
que le prince de Condé était alors en
iirison ; que l'amiral , ayant ramasse
es débris de l'armée , avait passé la
Loire , et faisait beaucoup de ravages ;
que le duc de Guise le poursuivait à
grandes journées , etc. Toutes ces
choses sont clairement contenues dans
la première des deux lettres de Jac-
ques de Billi , avec cette autre circon-
stance , qu'il s'en était peu fallu que
le prince de Condé ne se sauvât de la
prison; ce qui avait obligé la reine a
le faire transporter à Cbartres. Il est
\i-.ible que cette lettre fut écrite au
«/ommeticement de l'année i563. La
• laie , que .M. de Launoi produit , est
(0 P"g- '36o.
d'un abbé qui était grand grec , et
qui n'avait que ses études en tète.
(C) Voici des choses qui feront
juger que sa traduction de Grégoire
de Nazianze n'est pas bonne] Elle
fut d'abord imprimée à Paris, en i56g,
et à Cologne , en 1570 , et puis encore
à Paris , l'an i583. Cette dernière
édition fut fait.- par les soins de Géne-
brard, et dédiée au pape Grégoire
XIII : elle est beaucoup plus ample et
plus exacte. C'est celle ver>v<n que
l'on a mise à cote du texte grec dans
Vcdilion de Paris en deux volumes ,
(?) C'est-à-dire, le î3 de janvier,
" Pour que ce passage eût le sens que Bavle
lui donne djns le texte , il faillirait que la vir-
gule fut placée apre, edu, alur . I non ap' è* pael-
las. Aiusi . comme le remarqua Leclerc , ce pu-
sage latin de Billi ne dit pa- ce que BaOr lui fait
dire. Joly renvoie au re-te pour 1 article de J.
Billi au tome XXU ries Mémoires de Riti
442
BILLI.
faite par Morel en 1609 (3). Le père scril grec de l'abbé de Billy , il n'y en
Louvart , bénédictin , qui a dessein de eut jamais en état d'être imprimé. On
travailler à une nouvelle édition de sera surpris de la nouveauté de cette
Grégoire de Nazianze , compte parmi proposition , après ce que Chatard en
les diflicultés qui retarderont l'exé- a dit dans l'Eloge de l'abbé de Billy ,
cution de cette entreprise , la néces- et ce que Génebrard en écrivait au
-i te de retoucher la belle version de pape Grégoire XIII , l'an i582, in-
l abbé Billy (4). Quand elle répon- continent après la mort de cet abbé,
drait encore moins au texte, dit-il (5), Cette lettre se lit encore dans trois
que ne l'ont remarqué dans leurs pré- éditions de Paris. J'ai entre les mains
faces les éditeurs même de Paris , en ce prétendu MS . grec de l'abbé de
610 et 1611, « la profonde vé- Billy, l'original même qui a passé
nération qu'on a pour la me'moire de cet abbé a Génebrard , et des
et l'érudition de ce grand homme , mains de celui-ci en la bibliothèque
fera toujours qu'on conservera de de M. Pétau , d'où les libraires de
la version tout ce qui se pourra. Paris le tirèrent pour imprimer , di-
Et si ce que remarque le savant soient- ils, le texte grec revu par l'abbé
père Pe'tau sur saint Epiphane , de Billy. Je suis prêt de le montrer à
qu'il est plus difficile de rajuster tout le monde , et de les convaincre
une version, que d'eu faire une au doigt et h l 'œil , qu'il n'y eut ja-
nouvelle; si , dis-je, cela n'est pas mais de texte grec rétabli par l'abbé
vrai d'une version savante et polie, de Billy, ni par aucun autre. Saint
comme celle de l'abbé de Billi , cela Grégoire est. ... le seul des quatre
pourra abréger le travail , au moins docteurs de l'église grecque , dont le
e'pargner le chagrin de relever trop texte soit resté dans la corruption
sensiblement certaines fautes qui de sa première édition, si même l'édi-
ont échappé à ce savant abbe', qui tion de Paris n'y a beaucoup ajouté
posse'dait d'ailleurs si parfaitement (7). // est certain , de l'aveu même
les deux langues. Au reste , le père des éditeurs de Paris , ( 1 et 2 préface)
Sirmond n'est pas le seul qui ait que cet abbé n'a rien laissé quant au
corrigé cette version. On ne la re- texte grec de saint Grégoire qu'une
connaît presque pas dans les Dog- édition de Bdle chez Hervagius , l'an
mes théologiques du père Pétau , i55o, dans laquelle , à force de de-
où saint Grégoire est cité jusqu'à viner , on lit a la marge , quelquefois
chaque page. Ce qui est d'autant entre les lignes , tantôt un mot latin ,
plus considérable , qu'outre la con- tantôt un mol grec C'estun chaos,
naissance incomparable qu'avait que je ne crois pas que son illustre
des deux langues ce savant jésuite, auteur pût débrouiller lui-même, s'il re-
il possédait encore en perfection la venait à présent aumonde... M^rel , en
théologie des pères grecs. » sa préface, parle à peu près de même de
De quelque civilité que l'on use en ce manuscrit; et tous ceux qui voudront
parlant ainsi, on ne laisse pas de peuvent s'en convaincre par leurs pro-
faire entendre bien clairement que près yeux. Ce fut pourtant cette pré-
cette version de notre abbé de Billi tendue correction du texte grec par
est fort imparfaite. l'abbé de Billy, qu'on abandonna à
Le même bénédictin réfute ce qui un correcteur d'imprimerie , qui , n'y
avait été avancé dans un mémoire- comprenant rien ( ce n'était pas mer-
fourni aux journalistes de Trévoux, veille ), n'imprima ni l'édition de
que l'abbé de Billi abandonna son Bdle , ni cette prétendue correction ;
manuscrit aux libraires. Cet illustre mais je ne sais quel composé des deux
abbé, dit-il (6) , a fait imprimer de h sa fantaisie Je laisse à juger
son vivant son saint Grégoire latin , après cela s'il y a eu de la bonne foi
pour la seconde fois. Pour de manu- aux libraires à tromper le public par
,-,\ rx tv it-i.1- L „ ce titre si capable d' imposer par le seul
(î) Du Pin, Biblioth., tum. Il , pag. 22î, , „ /, - > z>/f tu tvi
i dition d'Amsterdam. nom «e l ahbe de Billy , Jacobus Lll-
(4' Voyez Us Mémoires de Trévoux, juill. lius cum MSS. Regiis contulit,
1704 , pag. 1247 , édition de France. emendavit etc. (8).
(5) L'a même.
(G) Mémoires de Trévoux , juillet 1704, pag. (7) Là même , pag. nîln.
iîïfo elsuiv. (8) Efolei que le Mémoire du. père Louvart
BILLON. BION.
44:
Ceci est fort capable , i°. de de'sa-
buser ceux qui ont une fort bonne
opinion du travail de cet abbe ; 3°. ,
de rendre suspectes les affirmations
des libraires.
.<e trouve ausai dans les Nouvelles de la Répu-
blique des Lettres , oct. 1704, pag. 38i et suiv.
BILLON (François de), secré-
taire , natif de Paris , fit un livre
intitulé le Fort inexpugnable de
V Honneur du sexe féminin, qu'il
dédia à Catherine de Médicis , et
à quelques autres princesses (a).
Son épitre dédicatoire est datée
de Rome , au camp antique de
Mars, Van i55o. C'est un ou-
vrage bizarrement construit (b),
et dans lequel Henri Etienne a
trouvé beaucoup de blasphèmes,
qui consistent en comparaisons
entre les anciens prophètes, et
Jes secrétaires du roi de France
(c). Il fut imprimé à Paris , Tan
1 555 , in~4°. Je l'ai cité quelque-
fois. L'auteur était neveu d'un
évêque de Senlis (A). Je pense
qu'il avait été secrétaire de Guil-
laume du Bellay , seigneur de
Langei.
[a) La Croix <lu Maine , pa?. 0,3.
h Voyez la Billiolli. franc. , de du Ver-
dier , pag-. 3o5.
(c) Henri Etienne, Apologie d'He'rodote ,
rluip. XI y , pag. 94.
(A) Il était neveu d'un évéque de
Senlis. ] Le chapitre XVI de son li-
vre contient une requête que la plu-
me fait aux dames en faveur des secré-
taires. Ils se sont seulement saisyz ,
repre'senle-t-on clans cette requête (1),
des fruicts provenons de mes lettres —
ainsi que l'ingénieur de ce fort, qui
tout son avoir ou Billon n'a non plus
< pargné au bastimenl di'icelluY . pour
la deffence éternelle de vous toutes,
quemaistre Arlus Filfon{i) n'a pas
long-temps évesque de Senfys son on-
(1) P. lion , Fort inexpugnable, Julio 3->C|.
{1) C'fit ptut-ftre une faute d'impress.on ,
peur Billon.
de*, faisoit en Normandie pour la
protection du pays par lui deffendu et
soulagé de maintes charges dont il
emporta de son vivant le nom de peu
de la patrye à la mode antique.
* L'éïêque de Senlis onele de Billon se nom-
mait Artus Fillon, selon son épitaphe et le né-
crologe de SenlW. Bayle s est donc trompé, dit la
Moanoie { dans ses" note- sur la Bibliothèque
français de Ouverdier) , quand, dans sa note
'(») , il croit qu'il y a taute d'impression.
BION, poète bucolique, natif
de Smyrne (A) , a vécu en même
temps quePtoloniée Philadelphe
(B) , dont le règne s'est étendu
depuis la quatrième année de la
123e. olympiade , jusqu'à la
deuxième année de la 1 33e. Il y
a quelque apparence qu'il passa
la meilleure partie de sa vie dans
la Sicile (C) , ou bien dans la
Grande Grèce (a). C'étaitun poète
incomparable , si l'on s'en rap-
porte aux regrets de Moschus son
disciple. Le peu de pièces qui
restent de lui ne s'opposent point
à ce témoignage , si nous en
crovons des gens qui sont très-
capables de juger de ces matiè-
res. Bion mourut empoisonné ,
comme Moschus le remarque
très-clairement (b). On a plu-
sieurs éditions des Idylles qui
nous restent de ces deux poètes ;
mais la meilleure de toutes, aussi-
bien que la plus nouvelle, est
sans doute celle de Paris , en
1686, accompagnée d'une tra-
duction en vers français et de re-
marques (c). Voyez ce qu'en ont
dit les journalistes des savans
(D). On la contrefit bientôt après
en Hollande.
'"est ainsi qu'on appehvt la partit
de l'Italie, que nous nommons royaume de
ISaples.
(I> Tiré de la Vie de Bion , à la tétc de
la traduction de ses idylles , publiée par H
de Longe-Pierre.
(c) M. de Longe -Pierre est Fauteur de
tout cela.
444
BION.
(A) Il était natif de Smy me. ]Vé\>\- que Bion était de Sicile, ou qu'au
thète de Ipv pv euos , qui l'accoinpa- moins il y a fait son séjour (4) ; mais
gne parlout, en est une bonne preu- il y a beaucoup d'apparence que ces
•ve : on la peut fortifier par les vers deux vers ont été principalement
de Moschus , où il est parlé des regrets considérés ,
du fleuve Mélès pour la mort de son
fds Bion. Ce fleuve passe auprès de
Smyrne.
Toc/tÔ toi, ce TTOTa.f/.ûv "MyupanitTi ,
itunpw a.xyoç,
Tc^to, MéXM, vsov a.xy'jç' À7ru>Xirr<i -rrpâ.^
TOt'OjUtlpOÇ,
'Ajuqorîpot rrityctiç 7Ti^i\a.fji.îvct' le /ulv
vt/v ?rx>.iv aAXov
Tint éaxpùuç :
Hic tibi , o Jluviorurn maxime canore , aller
inaror est ,
Hic , S Mêle , novus dolor : interiil tibipri'us
Homerus ,
nunc ilerhrn ahum.
Filium déploras ( i)
ïlxyttni'oç xpâv&ç, ô <T t%tv Trlua. tÂç
'ApiÙoî/0-a.Çy
jimbo fontibus chari erant, aller (5) bibebal
De fonte Pegaseo : aller (6) lenebal poculum
de fonte Aretkusir.
Lorenzo Crasso remarque que Jean
Lascaris , dans ses Hommes illustres
de Sicile, cité par Maurolicus (7),
ne parle point de notreBion poète bu-
colique mais d'un autre Bion qui était
de Syracuse , et rhéteur de profession.
Jérôme Ragusa , jésuite sicilien , ne
parle que de ce rhéteur (8). Le Bo-
nanni soutient une chose qui tient
(B) // a vécu en même temps que un peu du paradoxe. Il prétend que
Ptolomée Philadelphe. ] Voici la Moschus ne parle que de Théocrite.
preuve qu'on en donne. Théocrite Sappia chi legge , dit-il (9) , che nel
fut aftligé de la mort de Bion, et il sopradetto Iddlio non si pun inlendere
vivait au temps de ce Ptolomée : il Bione poêla bucolico, perciochè coslui
faut donc que Bion, ait vécu aussi en non jh Siracusano , ma Smirneo , e
ce même temps. Cette preuve aurait fiori dopo Moscho. Cosi medesima-
beaucoup plus de force qu'elle n'en a , mente per nessuna ragione vi puh
si les six vers qui précèdent ces mots esser inteso un' altro Bione il quale è
de Moschus , h Si Suftcuta-Uio-t QiLx.pi- Siracusano , perche egli nonju poêla,
toc, interque Syracusanos Theocritus , ne scrisse cose pastorali ,majà rheto-
ne passaient pas pour un supplément rico.
de Musurus(a). Cet auteur, trouvant (D) La meilleure édition de ce poète
là une lacune, la remplit , en suppo- est celle de Paris , en 1686.... Voyez
sant que Moschus avait rapporté les ce qu'en ont dit les journalistes des
plaintes que la mort de Bion avait savons.] Savoir le Journal de Paris du
excitées parmi les poètes en divers 19 d'août 168C, les Nouvelles delà
pays du monde. Cette supposition lie République des Lettres au mois de
fort bien le commencement et la fin septembre 1686 article Ier. , les Acta
de la lacune : mais , comme ce n'est Eruditorum de Leipsick à la IIe. sec-
pas le seul et unique expédient de tion du Ier. tome des Supplémens. Je
trouver cette liaison , il y a lieu de ne crois pas qu'on en ait parlé dans
douter que Moschus ait eu effective- la Bibliothèque universelle,
ment la pensée que Musurus a imagi- Lor£nzo Crass0 le cite dans son Histoire da
née j et des lors on ne peut plus Poètes grecs, pag. 89.
être certain que Théocrite soutînt là (4) Sono molle alire le pruove
un personnage vivant.
(C) // passa la meilleure partie de
sa vie dans la Sicile.] C'est encore
Moschus qui fournit les preuves
qu'on a de ce fait. Je n'ai point vu
de quelle manière Jean Vintimiglia
les met en œuvre (3) , pour soutenir
(1) Moschus , in Epiupiuo Bionis.
(2) Vojes, les Remarques de M. de Longe-
Pierre, pag. 177, 180.
(3) Nel libro primo de' Poëti Bucoli Siçiliani.
Ile allre le pruove e l'autorità
porlate dal Kintimiglia che almeno crede d'abi-
lazione Sicdiano Bione. Lorenzo Crasso, Hist.
de' Poëti greci, pag. go.
(5) C'esl-à-due , Homère.
(6) Cesl-h-dire, Bion.
(7) Nella Storia di Sicilia.
(8) Kagnsa , in Elogiis Siculorum qui yeteri
memoriâ liMeris iloruerunl.
(9) NeW Antica Siracusa , cile'e par Lorenzo
Crasso , Hist. de' Poëti greci , pag. 90.
BION, surnommé Borysthé-
nite , à cause qu'il était de Bo-
I
BION. /,45
rysthène (a), a été un pliiloso- passa dans une autre extrémité
phe de beaucoup d'esprit , mais (E). 11 devint superstitieux : il
de fort peu de religion. Il floris- eut recours aux ligatures ,. et à
sait environ la 120e. olympiade cent autres choses, qui, au ju-
(b). Il fut aimé d'Antigonus , gement du vulgaire . étaient
roi de Macédoine ; et comme il des préservatifs et des charmes,
avait une hardiesse cpii tenait un Diogène Laërce s'est moqué de
peu de l'effronterie , il ne fit nul lui comme il faut à ce sujet (F) .
scrupule de lui avouer qu'il était Bion souffrit beaucoup dans sa
fils d'un affranchi qui avait fait maladie, n'étant secouru d'au-
banqueroute , et d'une putain cun de ceux qui prenaient soin
(A). Il eut beaucoup de mépris des malades : enfin Antigonui
pour les philosophes platoni— lui envoya deux personnes qui
ciens , pendant qu'il fut auditeur le servirent (c). On a confondu
de Cratès; ensuite il prit l'habit quelquefois Bias et Bion l'un avec
de cynique, puis il s'attacha à l'autre (G). Il y a eu dixperson-
Théodore qui était athée de pro- nés de ce dernier nom, desquels
fession , et enfin il fut disciple Diogène Laërce a parlé. M. Mo-
de Théophraste, qui était le chef réri en parle après lui; mai-, il
de la secte d'Aristote. Il aima la donne le premier rang à celui
pompe et le faste , et il se fit qui fait le sujet de cet article ,
voir en diverses villes. Il se fit et il ne fallait le compter que
suivre à Rhodes dans le lieu des pour le troisième (d). Diogène
exercices par une troupe de ma- Laërce n'a point parlé de tous
telots, qui avaient eu la comptai- les Bions (e). Les traducteurs de
sance de s'habiller en écoliers à Plutarque n'ont pas entendu une
sasollicitation. Il fallait être bien pensée de Bion qu'il a censurée
éloquent, pour persuader une (H). Le sophisme de Bion, auquel
telle chose à des gens de mer. Il Sénèque a solidement répondu ,
avait beaucoup de génie pour les n'était, cerne semble , qu'un ar-
bons mots (B) : on en peut juger guiuent ad hominem , par ou il
par ceux qui restent de lui (C). voulait conclure que la doctrine
Il ne réussissait pas moins bien touchant l'empire de Dieu sur
dans les parodies. C'est apparem- toutes choses enferme des con-
ment lui qui, sur la difficulté tradictions (I). Je n'ai pu trou-
de plaire à diverses sortes de gens, ver d'où le sieur Konig a puisé
a eu la pensée que Dion Ch rysos- que Bion mourut l'an 4 de la
Jome réfute (D). Il se relira à 1 34e- olympiade (K).
Chalcis , comme avait fait Aris- C'est de lui sans doute que
tote ; mais on ne dit pas que ce Théon parle , quand il dit que ,
fut pour un semblable sujet : et
y étant tombé malade, ilfitCOlU- (c Tiré de Diogèoe Laërce dans la Vie
me presque tous les impies, il àeBion. ElU est au lfairsect.xz.riet
1 A l ' suivantes , a l édition d Amsterdam en
(a, Il y a eu une ville et une rivière de ce 1092-
nom. La rivière se nomme aujourd'hui Daie- à Ses autres fautes ont été corrigées
(ier .- elle est sur les frontières de la Mosco- dans l'édition de Hollande,
rie et de la Pologne. e t'oyez les noies de M. Me'nagesur Din-
> oyez les remarques fi) et (K). gèae Laérce, liv. ft', nu
446
BION.
selon le sophiste Bion , l'avance
est la métropole de toute sorte
de méchancetés (/) : sentence ,
qui a été canonisée par le grand
apôtre des nations. Plutarque
lui attribue une maxime qui
ferait honneur aux philosophes
les plus orthodoxes : c'était de
dire à ses écoliers , que quand ils
auraient acquis assez de constan-
ce , pour supporter avec la même
tranquillité ceux qui les injurie- du Borysthé
raient , que ceux qui les traite- <
raient honnêtement , ils pour-
raient croire qu'ils avaient faitdes
progrès dans la vertu (L). Il s'en
faut bien que sa réponse à Théo-
gnis ait autant de moralité (M).
(/) Bjojv ô e-oqtç-tiç t»v qiKcLf.yvpi<i.v
fxmpâffoMv thtyi na-cric ko-mclç tivctt.
Bion sophista vitiorum metropottn dicebat
avaritiam. Theol. Progymn. , cap. V ,
pag. 72.
(A) // ne fit nul scrupule d'avouer
a Antigonus, qu'ilétaitjils d'un affran-
chi et d'une putain.] La manière,
dont Antigonus le questionna ,
T/s, wiâsv «Te «v<Tfwv j ?rô9i tgj a-ôms «
Odys., lib. I, v. 170.
Qui et quel homme étes-vous , quelle
«* untre vatrie et voire famille ? fit
dans Athénée comment s'appelait la
mère de Bion. K<a.ii Bi'aiv <f'ô Bopt/arÔsviTUi:
<flAÔ3-0<j)OÇ , (Tet.ipU.Ç «V t/JOC 'Oxu/umctç
ha.x.a.ivnç, S( «f>n^t NiKistç 0 Nix.a.tùç sv
Tatiç tûiv qiXo<rô<$a>v Ant.S'oX^i ■ Bion
Borysthenites philosophus Olympiœ
Lacedœmoniœ meretricis films fuit .
ut inquit IVicias Nicœensis in Sucr
cessionibus philosophoruni (2). Son
nom était, beau , et sa patrie bien
éloignée du lieu où elle se maria. Ce
serait en vain qu'on demanderait si
elle s'était prostituée dans sa patrie ,
et si elle alla se dépayser sur les bords
ène , afin de se pouvoir
îonneur en cas de besoin,
ou afin de faire mieux ses affaires
parmi des barbares , infiniment moins
déficits que les habitans de la Grèce :
les livres ne disent rien là-dessus ,
mais il paraît par la réponse de son
fils, qu'elle fut tirée d'un mauvais
lieu quand elle trouva mari. M»T»p <Ts
oïstv 0 toioÛtoç <*v yn/ucti , anr oix.njua.rcr
(3) : Ma mère fut prise au bordel, et
un homme comme mon père ne pou-
vait prétendre qu'à un tel parti.
(B) Il avait beaucoup de génie poui
les bons mots.\ C'est de lui qu'il faut
entendre cet endroit d'Horace :
Cavmi
Ille Bi
te tu gaudes , hic Jeleclalur ianibis
>neis serrnonibus , el sale nigro (4).
est votre patrie
Chabot remarque sur ce passage , que
la plupart des interprètes entendent
par sermones Bioneos, les comédies.
Leur sens est qu'Aristophane ayant
excellé dans le comique , et le père
e à Bion qu'on avait médit de d'Aristophane ayant eu nom Bion (5),
son extraction auprès de ce roi. Il ne oa a donné aux comédies l'épithète
crut donc point qu'il y eût meilleur dont il s'agit présentement. Cette pré-
parti à prendre , que celui d'avouer tention est nulle : le père d'Jrislo-
la dette \ et en effet il y eût eu plus phane s'appelait Philippe (6) ; et Ton
perdre qu'à gagner pour lui dans ne saurait douter, quand on prend
un désaveu. 11 dit donc de son père
et de sa mère tout le mal que le pu-
blic en savait, et il finit par un vers
d'Homère , pour mieux répondre à
Antigonus qui s'était servi d'un vers
de ce même poète en l'interrogeant ,
T*I/TJ1Ç TOI'J.SVêîïÇTê KCLi a.'iy.&'TOÇ iU%,0-
U.OLI *îv*i :
r Ili., lib- VI, V. 211.
Voila dequel père et de quelle mère je
me glorifie d'être sorti. 11 ajouta, que
Persée et Philonide cessent d'insérer
ceci dans leurs histoires , et jugez de
moi par moi-même (î). Nous trouvons
(,) Diog. taërtîup. hb. IV, in Bione , init.
arde de près au caractère de Bion Bo
rysthénite, que ce ne soit lui que
l'on doit trouver dans ces paroles
d'Horace. Un ancien scoliaste de ce
poète (7) a frappé au but; car il ex-
plique Bioneis , par satyncis , lividis ,
amans , carmme maledico. Bion au-
lem , poursuit-il , Sophistes cognomi-
(2) Athen. , lib. XIII, cap. VI, p. 591,59a.
(3) Oiog. Laërtius , lib. IV , in Bione.
(4) Hoiat. epist. II, il*. /, W. 5g
(5) Porpbyrion, ancien interprète d'Horace
le du. Vuyez Cruquius sur ces paroles d'Ha
race.
16) Dacier sur ce passage d'Horace.
(;) C'est Acron.
BION. 447
nalus mnrdacissimis versibus est usus , pour avoir la tcle chauve on en sentait
quibus Un omîtes laceravtl , ut ne moins sa douleur. Laërce ne rapporte
Hnmero quidem parceret. Pourquoi pas cela : c'est Ciceron qui le rapporte.
aurait-il épargné Homère? 11 n'epar- Oint Me Agamemno Homericus et
gna ni Socrate , ni Jupiter : il mordit idem Accianus ,
indifféremment et les hommes, et les c . , , , ., .,
Acmclens dolore idenlidem inlonsam cornant.
dieux. Voyez la remarque suivante.
11 avail l'art de faire rire. *H» «fs x*<
BtCCTpHlOÇ , KCtl 7T0KÙÇ èv fS ythoieç JW-
4>c,f »tsu , qtprwdïi ovôptcta-i kxtoL tûJv
-rpa.yp.û.'TOùv foûjuivoç. Etal autem et
spectatorum studiosus , risumque mo-
vere auditoribus maxime pentus ,
grafibus nominibus adversum tes
utens(8). Il avait un esprit impétueux
qui outrait les* choses. C'est ainsi que
je traduis <$op<rix.oïç ôvéjuaa-i ^pâ^svoç
In quofacetum illud Bionis , perindè
stultissimum regem in luctu capillum
sibi evellere , quasi calvitio mœror
levaretur{\i). Ce railleur exprima
fort vivement la de'bauche d'Alcibia-
de : Pendant l'enfance , il a ôlé aux
femmes leurs maris; quand il a été
grand, il a ôté aux maris leurs fem-
mes (i3). Le plus insupportable et le
jt uouum Yuf,"lI"f ovojMao-i /jotfAiw plus criant de ses railleries était qu'il
et il ne me semble pas que le traduc- attaqua insolemment la morale et la
teur latin de Plutarque ait bien en- religion. Si Socrate, disait-il, a eu
tendu l'endroit où il est dit que les besoin d'Alcibiade, et ne s'en est
premiers poils de la barbe des beaux point servi, il a été un grand sot :
garçons étaient, au dire de Bion , des *'*' nen a Pa* eu besoin, sa conti-
llarmodius et des Aristogitons, parce »e/,ce n'est pas grand' chose (i4).
que dès qu'ils se montrent ils font Pour se moquer de ce qu'on disait
cesser la tyrannie de l'amour. Voilà du supplice des Danaïdes , il dit
un exemple de ces expressions fortes , ou' on les punirait bien mieux , si on
vives et outre'es, qui étaient ordi- ^es condamnait a porter de l'eau dans
naires à notre sophiste. Plutarque 'JL'S vases qui ne fussent pas troués.
/est servi du mot <$opTix.cérip ov , que f-^yi towç èv l$w y.£.\>>ov à\ hoxx-
l'on a fort mal rendu, ce me semble, £«°^*'i «' oX'jKhnp'ac xa.î /*» TtTp»juîvoir
par celui d'importunius. Mettons ici *»»'»« ûfpoqopovv . Dicebat eos qui
tout le passage : 'Eti <Tf qopTmm'rtpM a essenl apud inferos magis profeele,
■roçiç-TiK Biœv <rà.ç tTv xstxôv Tfi^stç cruciandos si inlegris , quàm si per-
' ApfjLoSîouç ikxku titti 'Apiç-o'j/siTov*?, céc for<ilis vasis aquam ferrent (1 5) : et
uy.ct Ka.\yi; rupxvvifoç a.7ra.X\a.iTOfjt.îvouç sur 'a remarque qu'on fait ordi-
ù-ir etùràv raùç \pa.çâ.ç. Elquandb Bin nairement que la justice divine punit
sophista importunius nonnihil formo- quelquefois sur les enfans la faute des
sorum crines Harmodios t'ocavit cl l>('ies, il dit que cela était plus ridi-
Aristogitones , quod iisenatis pulchrd cu^e aue 5* un médecin faisait pren-
tyrannide amatores sese abdicare co- ^re ^es remèdes au Jils ou au petii-
ganlur(g) . fils , afin de guérir la maladie du père,
(C) Il avait du génie pour les bons ou ^ maladie du grand père. 'O yàp
mots : on en peut juger par ceux qui Bicov, tov ètov xohxÇovra. toÙcttoaSo.^ tûv
restent de lui.] M. Moréri en a rap- ^vxpœv, yiKoitTipov ihcti qn<riv ia.rpoZ ,
porte quelques-uns; mais il n'a point •*•* v^trov v<*-T?rou kxi i-a-rpo;, «x^oyov
choisi les plus remarquables.' Le chc- '" fiif* qxp/u&xiùïvTcç. Etenim Bio
'■un de Vautre monde, disail-il (io") Deum qui ma/orym liberis supplicia
est fort aise : ony i>a tes yeux fermes. infe"'el i magis ajebat ridiculum < sst
Il trouvait quelque chose de contra- medicoqui filmant nepnti ob morbum
dictoire dans les funérailles: Ony P"lrisvelavimedicinanifid/iif>er( t(\6).
brûle les gens, comme s'ils étaient Phitarque montre très-solidement la
insensibles ; et on les pleure , comme f'u^ete de cette comparaison. 11 est
i'iia étaient sensibles (i i). 11 prenait far''t-' l'e montrer qu'il y a du faux
nnnr ii n.- criHic. ,1., »V.«h„aI I _1_ . i .111^ ni-i'siiiit> (,»ii. I... L ... ... < Jl ~
pour une sottise de s'arracher les che
veux en temps d'affliction , comme si
(8) Diog. Laërt., lib. IV, num. 5a.
(9) Plut. , in Amatorio, pag. 1--.
(xo) Diog. Lacrt. , /,*. IV num'/'0
11J Ibià. , num 48.
tl.ms presque tous les bons mots de
Bion. Cela n'empêche pas qu'ils ne
(13) Ciccro, T.uculan., Vb. I II, cap. XXVI.
(i'S) I>iog. Laèrt. , num. ia.
Mlbil
(i5J tbid. , num. 5o.
(iû) Plut., de Sera .Vunjin.s Vindicjâ, p. 561 ,
443
BION.
soient pour la plupart l'effet d'une a force personnes , qui n'aiment non
vive et heureuse imagination ; et l'on plus l'argent ni l'or, que s'il n'y en
peut dire en général, que presque avait point au monde : et partant ,
tous les bons mots ont un faux coté, je dis que ce désir est un désir Junlas-
L'impudence qu'il avait de tourner en que.
ridicule la religion devait être répri- (E) Etant tombé malade , il fit
niée; car une réfutation sérieuse ne comme presque tous les impies, il
fait pas à beaucoup près tant de mal , passa dans une autre extrémité.] J'ai
que les railleries d'un homme d'esprit, oui dire à un gentilhomme , qui avait
Les jeunes gens se laissent gâter par été à M. le comte de Soissons (20) ,
ces sortes de moqueurs plus qu'on ne que Sainthibal, fameux esprit fort, se
saurait dire. Bion en gâta beaucoup plaignait de ce qu'aucun homme de
(17). Cela était inévitable , vu la har- leur secte n'avait le don de persévé-
diesse avec laquelle il abusait de son rance. Ils ne nous font point d'hon-
esprit contre une fausse religion , que neur, disait-il , quand ils se voient
l'ignorance et la fourberie avaient au lit de la mort ■ ils se déshonorent ,
rendue cent fois plus ridicule que la ils se démentent , ils meurent tout
religion en elle-même et dans son véri- comme les autres bien confessés et
table état n'est une chose excellente, communies. 11 pouvait ajouter qu'or-
(D) // a eu, sur la difficulté de dinairement ils passent jusqu'aux
plaire a diverses sortes de gens, une minuties delà superstition. L'exemple
pensée que Dion Chrysoslome réfute.] de Tullus Hostilius , rapporté par
Bion disait qu'à moins qu'on fut une l'auteur des Pensées sur les comt-
tarte , ou du vin de Thasos, il n'était tes (21), est admirable sur ce sujet,
pas possible de plaire à plusieurs per- Une longue maladie terrassa telle-
sonnes. Dion Chrysostome a trouvé fa- ment ce prince, qu'il passa de l'esprit
de cette pensée ; « car il est arrivé sou- fort à l'esprit superstitieux et propa-
» vent , dit-il, qu'à une table de dix gateur des superstitions, lpse quoque
-» personnes, une tarte a semblé froide longinquo morbo est implicitus. Tune
» à quelques -uns , et chaude à quel- adeà Jracti simul cum corpore sunt
» quesautres. Peut-être que Bion, a/ou- spiritus illi féroces , ut qui nihil anlè
» te-t-il, a prétendu parler d'une tarte ratus essel minus regium quant sacris
» qui fût chaude et froide en même dedere animum, repente omnibus mag-
î> temps (18). » Un auteur , quej'au- nisparvisquesuperstitionibusobnoxius
rai assez souvent l'occasion de réfuter, degeret , religionibusque etiam popu-
a falsifié ceci. On rapporte, dit-il (19;, htm impleret ( 32). 11 ne faut pas
de Bion le philosophe, que pour plaire s'étonner de cette conduite. Presque
a tout le monde, il eût désiré de se faire tous ceux qui vivent dans l'irréligion
tourteau, d autant , disait-il, que tout ne font que douter : ils ne parviennent
le monde l'aime : mais Dion Chrysos- pas à la certitude; se voyant donc
tome lui montre en l'oraison lxiv , dans le lit d'infirmité , où l'irréligion
qu'il se trompe grossièrement , et que Iie leur est plus d'aucun usage , ils
ton souhait est un vrai souhait de f ré- prennent le parti le plus sûr, celui
nétique , d'autant , disait-il, que tous qui promet une félicité éternelle en
ri 'aiment pas les tourteaux de même cas qu'il soit vrai , et qui ne fait
façon ; car l'unie veut chaud , l'autre courir alors aucun risque en cas qu'il
froid: l un le veutrond , l'autre carré : soit faux. lisse confessent, ils font
l'un le veut mollet , et l'autre dur; tout le reste, ad majorent caute/am.
voilà pourquoi, disait Dion Ch<y- Tous les lecteurs ont admiré cette
sostome , Bion devait désirer d'être pensée de M. Despréaux :
or ou argent, pour plaire a tout le - ., rhomme inlre>ide , et tremblant de
monde : mais encore si ) osais tondre faiblesse
sur l'avis de Dion Chrysostome , Attend pour croire en Dieu que la fièvre le
comme il a repassé sur celui de Bion, _ presse;
cumin*, i« •» r > El toujours dans l orage , au ciel levant les
je dirais que JJion 1 -my sostome se mains,
trompe aussi-bien que Biun ; car ily _
(■xo) C'est-à-dire, h celui qui fut lue' auprès
(17) Laërt. , num. 53. de Sedan , dans une bataille l'an îQ^i.
(,8) Dio Clirysost. , orat. LXV , pag. 613. (21) Pag. 35$.
(19) Garaise, Doctrine curknse , pag. 704. (aa) Livius, decad. I , lib. I , cap. AAAi.
Dès que l'air est calmé rit des faibles hu-
mains (a3).
A cela se peut rapporter ce passage de
Guy Patin : <c Feu mon père m'a ap-
» pris que le gros M. du Maine, chef
» de la ligue, disait que les priu-
» ces n'avaient point de religion qu'a-
» près avoir passe l'a"ge de quarante
» ans, quand ils deviennent vieux ;
» . . . . C'um numina nobis
» Mors instans majora J'acil (a4)-
Touchant ces paroles latines , voyez
Silins Italicus (-î5) ; et quant au reste,
je vous renvoie à la remarque (F) de
l'article Des-Bakreaux.
(F) Diogène JLaërce s'est mo-
qué de lui comme il faut a ce sujet.~\
Les vers qu'il fit contre lui (26) , sont
les plus jolis du monde : en voici une
traduction latine :
Sionem Borrslhenitem , quem. Scjthica lellus
prod'uxil ,
Dixisse audtvtmus , révéra nihil esse deos.
Ac siquidem id dogma tueri perstilissel , me-
ritb dicendus esset
Sensisse ut visum J~uissel , etsi maté visum
esset.
At nunc , qu'uni in longum morbumincidissel,
ac mori perlitnesceret,
Qui deos non esse dixeral , qui Janum non
viderai ,
Morlahbus qui illuscrat, dum diis immola-
rem,
TVon proj~oco solum, arisque ac mensd,
Nidore , adipe , thureque dcorum nares im-
plevit ;
Nec solitm , peccavi, dixit , delictit parcite;
Sed et anui collum facile porrexil excantan-
du m .
Brachiaque loris prrsuasus devinxit (i~);
Bhamnumque et lauri ramum jaunie impuiuit:
Cuncta administrai e magis quam mori pa-
rafas.
Stultus qui mercede vohteril Deos esse :
Quasi lune essenl, qu'um illos Dion denium
esse arbttraretur.
Voyez l'usage que M. du Rondel a tait
<le ceci dans son excellente Vie d'Epi-
cure (28). Ce qu'il dit que Diogéne
Laëi'cc était épicurien est remarqua-
ble ; car ce Diogène insinue claire-
ment qu'il ne blitme point le con/i-
teor de Bion ; et son mecî culpd , med
nia.ximd culpd, ou son peccavi
(G) On acoitj'omhi quelquefois. Bias
et Bion l'un avec /autre.] C'estce qu'a
(1?.) Sat. I , 9S. i53.
(ï.\) Patin , lellre LXIV de la première édi-
tion.
16 Diog. Laert. , in Bione, num. 5j , lib.
IV
'■"< t''on s'était moqué de cela dans un de
set livret, comme on t'infère de Plutarque au
Traité de Superstition* , pag. 1G8, l>.
(28) Imprimée à Amsterdam, en 160,3.
TOME III.
bion. 449
fait Plutarque, lorsqu'il a dit, qu'Anti-
gonus, importune par les sollicitations
redoublées de Bias , donna ordre qu'on
lui donnât un talent (29). 11 désigne
cet Antigonus par l'épitiiète de ^Sfaiv :
c'est un signe qu'il parle du premier
Antigonus, de celui qui lut l'un des
capitaines et l'un des successeurs
d'Alexandre. Or comme Bias a pré-
cédé pour le moins de deux cents ans
la mort d'Alexandre, il est manifeste,
qu'il n'a pu rien demander h Antigo-
nus ; et. puisque Bion a élé disciple
deCratès et de Théophraste, il.esl sût
qu'il a pu être connu d' Antigonus. Il
faut donc dire , ou que Plutarque s'est
lourdement abusé , ou que les copistes
de son livre y ont changé Vùtt» Biaivoç.
qu il avait mis, en ôto Bi'otyroç. Poul-
ie dire en passant, je ne suis pas trop
assuré qu'Aldobrandin ail raison d'en-
tendre Antigonus Gonatas , par l'An-
ligonus qui demanda à notre Bion
d'où et de quelle famille il était (3o).
J'avoue qu'il est possible que ce
philosophe ait vécu jusqu'au règne
d'Antigonus Gonatas ; mais entin
voilà Plutarque , qui nettement et
précisément le fait vivre sous le vieux
Antigonus ( car je suppose qu'il a
il if liion et non Bias). Cela est digne
de quelque considération ; et c'est
pour cela que je n'ai pas voulu dire
avec Moréri , que Bion n vécu en la
126e. olympiade , et du temps d' An-
tigonus surnommé GrOnatas , roi de
Macédoine. Voyez ci-dessous la re-
marque (K). Au reste , si , par une
illusion de mémoire, Plutarque avait
pris Bias pour Bion, il ne serait pas
le seul à qui de pareilles méprises
seraient arrivées; car Eustathius a
donné à Antisthèncs ce qui ne con-
vient qu'à Bion : c'est sur le vers de
riliade(3t) employé par Bion dans
sa réponse à Antigonus,
TiKT»; TOI \t\int Tï KXI «lysCTOC
lù/j-p.u.1 i::xi.
Fustathius dit nu'Antisthènes le cy-
nique se servit de ces parole; , après
avoir repondu à celui qui le qu
tionnait sur sa race: Je suis fils d'un
homme qui se mouchait du coude (3%) ,
(59) Plut. , île Yiùo-io piidnre , pag. 53i , E.
(3o) Aldobrand. >ot. ail Diog. Laërt. , in B.io-
nis init.
(il) Lib. FI, ... 2M.
(3»J C est-à-aire , d'un Satsamentarins , com-
me qui dirait aujourd'hui d'un revendeur de
29
45o
BION.
etc. Casaubon a remarqué cette mé-
prise d'Eustathius. Voyez M. Ménage
sur Diogène Laè'rce, au paragraphe
XLVIi du livre IV.
Je remarquerai que le sophisme
contre le mariage, le sophisme, dis-je,
qui dans tous les compends de logique
est allégué comme un exemple d'un
dilemme vicieux, est attribué à Bion
et à Antisthènes par Diogène Laè'rce ,
et à Bias par Aulu-Gelle. Peut-être y
a-t-il une faute de copiste dans ce
dernier, un changement de Bionisexx
Biantis , comme Casaubon le conjec-
ture (33). Quoi qu'il en soit, voici le
dilemme de notre Bion : Si vous pre-
nez une belle femme , elle vous sera
commune avec plusieurs autres; et si
vous en prenez une laide , ce sera pour
vous un supplice- 'E*v y.h yriftyç cticr-
XpctV, 6Ç4IÇ ■7T0IVMV " 0.1 <fs JC*ÂHV, S^EIÇ
xoiym'v. Si turpem duxeris , pœnam ha-
bebis ; sin aillent Jormosam , commu-
nis erit (34)- Entre autres défauts, ce
raisonnement a celui de pouvoir être
rétorqué : Si je la prends laide , elle
ne sera point commune ; si je la prends
belle , ce ne sera point un supplice.
Mais cette rétorsion ne va pas au fait :
ce n'est qu'un remède palliatif; de
sorte que le dilemme de Bion ne vaut
rien, ni à. l'endroit , ni à l'envers.
La vraie réponse est de dire, i°. que
la plupart des femmes ne sont ni belles
ni laides ; et qu'ainsi son raisonne-
ment conclut du petit nombre à toute
la généralité. Voyez Favorin au cha-
pitre XI du Ve. livre des Nuits At-
tiques d'Aulu-Gelle ; 2°. Que la beauté
d'une femme n'est point incompatible
avec la vertu ; et qu'une laide femme
peut d'ailleurs se rendre très-chère à
son époux (35). Il y a un commenta-
teur d'Aulu-Gelle (36) , qui réfute le
raisonnement de Bias par une rai-
son empruntée des Hébreux : C'est ,
dit-il , que ceux qui auront été mal
mariés , seront absous devant Dieu
sans comparaître devant son tribu-
nal. Cela vaut bien la peine d'é-
harengs ou de morue , d'un charcutier. Bion,
dans Laërce, fait la réponse dont Euslathius
parle.
(33) Casaubonus in Diogenein Laërt. , lib. IV,
num. 48.
(34) Diog. Laërt., lib. IV, num. 48.
(35) Favorin ne se sert point de cette raison :
il semble adopter pat son silence les deux con-
séquences particulières du d démine.
(36) // s'appelle Pbilippus Carolus.
pouser une laide femme. Si saint Chri-
sostome était pris pour juge, il con-
damnerait la rétorsion du dilemme :
car il a prêché que ceux qui ont une
belle femme ne trouvent rien de pire
que de l'avoir; tant c'est une posses-
sion pleine de soupçons et d'embû-
ches : et que ceux qui en ont une
laide ne trouvent rien de pire que de
l'avoir; tant c'est une chose pleine
de dégoût. 'O xcthhv s'^œv yuva.7x.ct &Jefsv
X,i7pW CpMfl Tuù XCtKïlV ê^êlV yVVCUXCt
( Ù7ro-\.ictc 10 7rpà.y/utct yîy.u x.a.1 iTrtCovKtiç).
a J't/s-ité» , oôê'it Xl'P'jV 4"10"' q ou" à/u.cpqov
'*Xi,v yuva.7x.ct, aùt<Ti«ç ya\p to Trpa.yp.a.
su7rt7rx>iç'ai. Qui pulchram ha bel uxo-
reni nihtl pejus esse ait quant pulchram
habere u.xoreni ( rem enim esse insidia-
rum. et suspicionum plénum ) : qui de-
jormem, nihil pejus esse dicit quant
turpem habere uxoreni, rem enim esse
acerbitalis referlam (37). Voilà un
prédicateur qui ne raisonne point en
l'air : il se fonde sur l'autorité ou sur le
dire d'experts \ cependant ses conclu-
sions ne sont pas meilleures que celles
de Bion. Il suffirait , pour condamner
la rétorsion du dilemme , de dire
qu'il contient deux mauvaises consé-
quences. Si je la prends belle , ce ne
sera point un supplice : nego conse ■
quenliam ; car peut-être que si , peut-
être que non. Si je la prends laide ,
elle ne sera pas commune : nego simi-
liier consequentiam ; car peut-être que
si, peut-être que non. Mais pour arrê-
ter toutes ces chicanes , on n'a qu'à
dire aux Bias ou aux Bions , j'en veux
courir les hasards.
Je n'ai pas dit toutes les variations
qui concernent ce dilemme : il est
encore temps de copier là-dessus ce
qu'on a lu dans Tiraqueau (38). Ce
raisonnement cornu est attribué, non-
seulement à Bion et à Antisthènes par
Diogène Laërce, et à Bias par Aulu-
Gelle , mais aussi à Aristippe, par le
moine Antoine (39) , et à Solon par
Maxime de Tyr et par Pierre Martyr
(4o). La rétorsion est l'ouvrage de Pit-
tacus, si nous en croyons les Commen-
taires d'Ariston cités par Stobée(4i).
(37) Chrysost., homil. I, in Epist. II ad Ti-
motlieurn , apud Menagium, Notis in Diogenem
Laërt., lib. IV, num. 48.
(iS) Leg. Connubial. , pag. 32.
(3g) In Melissâ, tom. II , cap. XXXIV.
(4o) In Locis cominunibus , cap . XXXIX.
(40 Sermone LXY.
BION.
45i
(H) Les traducteurs de Plutarque rapport à celui qui est loue. L'inter-
n' ont pas entendu une pensée dk Bion prête latin a bronché plus lourde-
qu'ila censurée.] Rapportons d'abord ment: il impute à Bion la sotte et ri-
le grec de Plutarque : EùnQn toiv«v xaù dicule pensée d'avoir cru , qu'en
a.C(\npat. Tôt Toô Bi&jvgç, tî tov etyfov louant un champ on le rendait plus
'îfAixXiv iyx.ùùy.n*.Ç}a>v sw^opov ctgisjv x*< ferlile qu'en le labourant (44)- Stultè
tùx.a.frQV , oùk ctv ù.ua.{,TsLviu/ tfoxit toi/to itaque ne fatuè Bio , qui agrum lau-
7roifflv jMoÎXXov , h (rx.â.TT'raiv ko.) Trpa.yixa.Ta, dando pulabal se reddilururn Jertilem
?^cov. où To/vfv ût/eT' a.v9pa>7roç xt<ito( «ïv un ac frugiferum , polihs quant fodiendo
sTsuvôi', ù toÎs î^-aivoy^/êvoiç aù<t>6Xi/^tôç èç-j et coleado. JYon larnen (45) nomo ab-
kcli 7ra.y.qopoç (4U)- Cela veut dire, Za surdè facit laudans , ubiul iis qui lau-
pensée de Bion est donc très-imperti- danlur est utile. Pour excuser Amyot,
nente : il croyait que si , e« donnant on pourrait dire qu'il a songé que
des louanges a un champ , il le pouvait Dion , étant alliée, ne reconnaissait
rendre Jertile , il ne serait point bld- point d'autres devoirs que ce qui est
niable d'aimer mieux lui en donner, profitable ; et qu'ainsi sa pensée était
que de prendre la peine de le tabou- qu'il faut répandre les louanges par-
rer. Jl ne faut donc pas traiter d'ab- tout, où elles sont bien payées, et qu'il
surdè un homme qui loue, si ses ne faudrait pas même les refuser à
louanges sont utiles à ceux qu'il loue , un champ , si elles le pouvaient ren-
et si elles leur font produire de bons dre fertile. En un mot , que le métier
fruits. L'impertinence que Plutarque de flatteur n'est point blâmable ,
trouve dans cette pensée est qu'un pourvu qu'on y trouve son profit,
champ , à qui on donnerait des louan- Mais cette excuse est tout-à-fait vai-
ges, n'en deviendrait pas plus mau- ne : un traducteur doit rendre fidèle-
vais , au lieu que les louanges , qu'on ment ce qu'il trouve dans l'original,
donne à un homme qui ne les mérite et renvoyer ses conjectures à des re-
point, le remplissent de vanité et le marques particulières. Si l'on croit
perdent. 'O //sv yàp iypbç où yiiitcu que Plutarque n'a pas rapporté exac-
^si'paiv êîra.ivot//c«vor av9fa>Tov i%ru^ou<ri tetnent une chose, il faut en avertir
Kni à.Toxxûouj-iv oî ^tuiSt K!ti?rstf oîfïav les lecteurs ; mais il faut traduire ce
i7ra.iv oi/vT-fç- Atque ager quittent /au- qu'il a dit.
dando non fil deterior : liominem in- (I) // prétendait que la doctrine de
fiant ac perdunt qui immérité laudant l'empire de Dieu sur tontes choses
(4^. Cette censure de Plutarque est renferme des contradictions. ] Bion
un coup perdu; car Bion ne disait pas prétendait prouver deux choses très-
simplement et absolument qu'il fallut différentes : l'une, que tous les voleurs
louer : il faisait dépendre les louan- étaient sacrilèges ; l'autre qu'aucun
ges de cette condilion-ci , c'est qu'elles voleur n'était sacrilège -(46). Il tirait
rendraient meilleurs ceux qu'on loue- ces deux conséquences du même pi in-
rait.Nous allons voir comment Amyot cipe , et ce principe est l'une des plus
a traduit le grec de Plutarque : « Par solides vérités que la bonne philoso-
» quoi le dire de Bion est sot et lourd; plue nous enseigne touchant la nature
» car il disait ainsi : si , à force de de Dieu. Le souverain Etre, l'Etre
» louer, je pouvais rendre une terre souverainement parfait , doit possé-
» bonne , grasse et fertile , je ne der l'empire absolu de tontes choses :
» ferais point de faute en la louant, c'est de lui que tous les autres êtres
» plutôt que de me travailler le cœur dépendent ; c'est à lui , comme à leur
» et le corps à la labourer et cultiver, auteur et à leur conservateur , qu ils
» Celui donc ne pèche point aussi , appartiennent. Bion avait sans doute
» qui loue un homme, si en le louant pour but de réfuter cett«? doctrine,
» il le rend utile et fertile à celui qui par deux conséquences contradictoi-
» le loue." On a pris dans cette version
l'actif pour le passif ; car Bion ne par-
lait pas de l'utilité des louanges , par
rapporta celui qui loue, mais par
(4^) Plut. , de Adulai, et Amici Discrim. . pa g.
59-
(43) Idem , ibid.
44 Dans la table det matières vous tr.mvez
Bion ;i:;riuii lautl.in^o f.rlil or. m lierl pui.ibat.
(45) Q"<" "OÎlà un lamen Inr
fZ6 / 01 n Sénèqtie au chapitre fil du livre
VU <le Benedciia. Aucun commentateur ne
marque f* Sénèque avau trouve ce raisonnement
de Bion dans quelque ancien auteur qui nous
reste.
45c
BION.
res et pernicieuses, qu'il prétendait nécessairement convenir que Bion
en pouvoir tirer. Voici Tune : Tous parvint pour le moins jusqu au com-
ctux qui dérobent les biens de Dieu mencement de la i3ie.; car au-dessous
sont sacrilèges : or tous les voleurs de vingt ans, Ératosthène n'aurait
dérobent t'es biens de Dieu ■ car tou- pas lié avec lui une connaissance qui
tes choses lui appartiennent : donc , eût valu qu'on en parlât. Je ne vois
ions les voleurs sorti sacrilèges. Voici qu'une difficulté dans cette supposi-
l'autre : Transporter une chose d'un tion : c'est que je remarque que le
lieu qui appartient à Dieu en un au- docte M. du Rondel insinue qu'Epi-
tre qui lui appartient aussi, n'est cure survécut à Bion (5i). Or Epicure
point commettre un sacrilège : or mourut l'an 2 de la 127e. olympiade.
ceux qui pillent les temples ne font Je ne propose ce nœud , qu afin d'en-
que transporter les choses d'un' lieu gager AI. duttondel à éclaircir docte-
qui appartient à Dieu en un autre qui ment ce point de chronologie.
lui appartient aussi; car toutes choses (L) Selon lui, supporter avec la
appartiennent h Dieu ■ donc, ceux qui même tranquillité les injures et les hon-
il se représente Bion comme un tyran,
qui en certains temps veut être cruel,
et eu un autre saccager les temples.
Quand il veut être cruel , il se sert de
son premier syllogisme : c'est un
arrêt pour précipiter tous les voleurs ;
'et il se sert du second , lorsqu'il sou-
haite de s'enrichir des dépouilles des
saints lieux.
(K) Je ne sais où Konig a puisé que
» profité quand ils auroyent aquis
» tant de constance , qu'ils enten-
» droyent aussi patiemment ceux qui
» les outrageroyent et injurieroyent ,
» que ceux qui leur diroyent CO :
» Ami passant , certes lu n'as point chère (52)
» D'eslre homme Jol, ni de mauvais affaire:
» A Dieu te dis , priant la dette'
» De le donner toute prospérité' (53). »
Bion mourut tan 4 de la 1 34e- utym- Cette rJgJe de Bion Cst plutôl
piade.\ J'ai suppose ci-dessus(47) que d'une très grande et très-pai
Plutarque a fait fleurir notre Bion bitude de notre âme qu'un s
Plutarque a raison de remarquer que
tôt un signe
arfaite ha-
__ que a ian ucuiu uuiig mvu mtude ele notre ame qu un simple si-
„ou8 le règne du premier Antigonus , „ne d'amendement. C'est en vérité un
■si je n'ai pas trouvé trop sûre l'opi- caractère de perfection.
:iion d'Aldobrandin, savoir que ce q,\^ ga réponse à Théognis n'a
philosophe fut questionné sur sa nais- j)ai autant de moralité. ] Plutarque
sauce par Antig mus Gouatas. Je dois nous pa conservée , et il en dit du
dire ici , pour un plus grand éclair- bien. Voici ses paroles, selon la ver-
cissement, uu'Ératoslhèneavaitconnu s[on d'Ainyot : « Aussi fut-ce bien
Bion dans Athènes , et qu'il le comp- „ gentiment respondu à Bion à l'en-
tait parmi ses héros. On ne peut dou- „ contre de ces vers de Théognis ,
ter raisonnablement que Strabon , en
nous apprenant cela (48), ne veuille
parler de Bion, le Borysthénite ; car
ce qu'il dit qu'Ératosthène attribuait
à son Bion (49) est la même chose
tm'Ératosthène attribue dans Diogè-
1! Laërce à Bion le Borysthénite. >> la teste de ton caque ( 54 )?>- On
Puis donc qu'Ératosthène naquit l'an voit ici 1 esprit insolent et insultant
e' delà âv. olympiade (5o), il faut de ce philosophe. Ce n'est pas ams,
1 J v K " qu'il faut traiter un pauvre poète.
(47) Dans la remarque (G). uj se pjaint que la misère lui lie la
^^dWot^^p^mierquieùiha- langue ; car quoique l'expérience
JJhomme ne peut faire ne dire rien.
Quand povrelé Veslraint en son lien ,
> El a sa langue au palais alachée :
comment donques babilles-tu tant,
veu que tu es pauvre, et nous romps
biîle'ia philosophie d'unejobe semée de fie
<$>x<ri Ktynv S7T o-Ùtov tov 'kpcLTorèîvnv
m; ttiHt'^ Bia)V thv QitoroqicLV ÀvÔiva.
iviouciv. D103. Laërt. , lib. IV ' , num. 52.
Strabon. corrigé par Casaubon , dit la même
chose , liv. 1 , pag. 10.
(5o) Yobiius, île Hisl. graec. , pag. 108.
(5i) De Vitâ Epicuri , pag. i33.
(*) RrOdyss., V I et XXIV.
(52) C'esl-a-dire , la mine.
(53) Plutarcli. , deProfeet. virlut. , pag. 82,
D. Je me sers de ta vision ,1'Amjol.
(54) Plularch., de Audiend. Poétis, pag. 8a.
B1R0N. BLANC. BLANCHE. BLANDRATA. 4$3
montre assez souvent que le manque d'un autre Bion, il a eu grand torl d
de pain et d'habits inspire beaucoup ne pas le faire savoir à ses lecteurs.
de verbiage, il est certain qu'il y a Je ne sais si quelqu'un a jamais pris
une infinité de choses que l'on n'ose garde à cette faute.
BIRON , maréchal de France.
Cherchez Gontaut.
dire quand on est mal habille :
Plurin
Non audenl /tontine
a sitnl qute
pertusd dtcere lœnà (55).
11 est certain, dis-je, que l'indigence
engourdit les inains à plusieurs per-
BLANC (André), jésuite de Gê«
sonnes, et qu'elle leur ferme la bou- nes » écrivit contre le probabi-
che comme Theognis le remarquait, lisme un ouvrage qu'il publia
Et, sur ce fondement, son avis fm qne sous ]e nom de Candidus Phila-
l'on se défit de la misère avec tous W
soins imaginables , et qu'on préférât
même la mort à la pauvreté.
"AvtTo' oLyxBh înv!» nxvrmv $xu\*ti
/utxhiç-X,
K«t) ynpeeç TroAiot/, Kt/pvs, «ïi hmx-
xatf
lelhus , l'an 1642. Mercorus et
Gon^t , deux fameux thomistes ,
ont da faussement qu'il fut le
premier jésuite qui prit la plume
en Italie contre le dogme de la
probabilité; car dès l'année 1600,
Hv A xfn ^«yovT* KXi BW«^f« paul Comitolus* jésuite italien,
7T0VT0V •. c t 1 » ' 1 ,t
'p/m ko.) mrfSi , tip; **<t' *™lt tait la mem* chose, \oyez.
»xi£*tû)v. YAnti -Probabilismus du père
rixç yàp à.inf nw* J'ify.ny.ivrjç oiV* t» Gisbert , provincial des jésuites
^•!'TS'i' ^' « ■ en la province de Toulouse, pagre
NJ&u. m 184, 1 85 (a.)
Xf» yxp cy.cèç 'nri yn\' ts kxi iùpîx vwrx
Sxkxttïiç.
Ai'^WSst» XxKi7rîiç , KCpt , hî/Ttv
TTiVInÇ.
TêÔvi'.'îtl , <tlAÉ KlytVS, 7rtVl%pt6 /éikTi-
pov àvipi-,
"H ÇléitV yx\l7C* TêiptytSVOV /TSVIVt.
Virum honiim paupertas , quàm aliar res om-
nes domat magis .
jc?t quàm seneclu.t cana , Cyrne , et quàm
j*r«.
Quant quittât! paupertatem oporlet Jugere ,
et in immensum mare
Projicere et pelrat . Ci rtie , conlrrt aha*.
Oinnit enitn vit paupertate domitut , neque
qmcquani dicete .
Neque facere polett : lingua verb illi ligata
eu
Oportet tgilur ximul superlerram et lata dorsa
maris ,
Quœrerr gravis , Cyrne , liberalionem pau-
perlait t :
Mort, ,', amire Cyrne, pauperi meliut ett t/ro,
Quàm viveredurdajfltclum pauperlale(bb).
Les paroles de Theognis, rapporte'es
par Plutarque. se trouvent dans les
vers que Ton vient de lire. Mais com-
me c'est un théologien qui a vécn
long-temps avant notre Bion , on ne
saurait disculper Plutarque : car s'il
a parlé de ce Bion , il a été un Fort
* Avant Coruitoltis , ilit Leclerc, un autre
jésuite nommé Rehollus, mort dès 1608,
s'était déclaré contre la probabilité. Cet ar-
ticle d'André Blanc parut pour la première
fois dans l'édition de 1720; il est donc post-
hume ; ce qui explique pourquoi il est si
court et ians remarque. Joly , pour y sup-
pléer, dit qu'André Blanc cuire chez les jé-
suites à quinze ans, en [002, professa d'abord,
puis devint un célèbre prédicateur, et mou-
rut le 29 mars lb5^. Joly donne la liste de
ses ouvrages au nombre de dix- s pi
(a) // est imprime à Paris , l'an ijo.3 ,
in !t°.
BLANC (Louis le) , professeur
en théologie à Sedan. Cherchez
Beaulieu.
BLANCHE de Castille , mère
de saint Louis, roi de France
Cherchez Castille ( Blanche de
BLANDRATA (George), mé-
decin italien, natif du marquisal
de Saluées (A), a vécu au \\ i' .
siècle. 11 se sauva de Pavie a
ou l'inquisition lui aurait jou"
mauvais chronologue; et s'il a par!- quelque mauvais tour, et se n-
(55) Juvenal. , sat. V, i\c. i3o.
(56; Theognis, vs. 17J, pag. 1-.
rt/ Biblioth. antitrinit., pag. 28.
454 BLANDRATA.
tira à Genève (B). Il y embrassa ta qu'il ne serait point recherché
la religion protestante, et d'abord touchant ses fautes passées ; mais
il édifia l'Église par sa conduite Blandrata ne s'y fia point ; car
et sa docilité ; mais on s'aper- au bout de quelques jours, ayant
çut dans la suite, qu'il attaquait vu entrer l'un des syndics de la
sourdement la divinité de Jésus- république dans l'auditoire de
Christ. Il ne se contenta pas de théologie où il entendait une
répandre ses difficultés parmi les leçon de Calvin , il feignit de
ignorans : il les proposa aussi saigner du nez , et s'enfuit au
au ministre de l'église italienne, plus vite, et ne rentra plus à
Ce ministre, qui était de la mai- Genève (d) (D). Comme il avait
son des comtes de Martineng^e , autrefois exercé la médecine dans
le renvoya bien loin , et »e vou- la Pologne et dans la Transilva-
lut pas même se servir de lui nie, il se destina ce théâtre pour
dans ses maladies , pi dans celles y dogmatiser tout à son aise (e).
de sa femme, quoique Blandra— II s'en alla donc en Pologne l'an
ta lui offrît avec une grande ar- 1 558 , et y fut reçu honorable-
deur tout ce qui dépendait de ment de ceux de la religion. Cal-
son art. Calvin , auquel les me- vin lui fit voir qu'un théologien
mes difficultés furent proposées de sa force a les mains longues
cent fois, voyant, qu'après avoir (E) : il écrivit plusieurs lettres
témoigné qu'on acquiesçait à ses aux fidèles de Pologne , pour les
réponses , on revenait le lende- exciter à chasser du milieu d'eux
main à la charge , se mit enfin ce personnage , qui pouvait in-
en colère contre Blandrata , et le fecter de ses hérésies la pureté
traita durement (C). Il continua de la foi. L'impression que firent
néanmoins de le saluer et de lui ces lettres traversa beaucoup les
parler , et il eut même la com- desseins de George Blandrata ;
plaisance de répondre par écrit mais rien ne lui fut plus con-
à ses objections (b). Mais ayant traire que les discordes qui s'é-
découvert qu'on lui avait tendu levèrent entre ceux qui comme
un piège , en demandant une ré- lui combattaient le mystère de
ponse par écrit , il ne voulut la Trinité : et néanmoins ces dis-
plus écouter Blandrata. On rap- cordes n'empêchèrent pas qu'on
porte que cet hérétique accusa ne frayât le chemin à l'hérésie
Calvin, en présence de tout le socinienne, qui s'établit quelque
peuple , d'avoir écrit quelque temps après en ces quartiers-là.
chose, et que cette accusation II changea de scène l'an i563 ,
fut convaincue de fausseté par ayant été appelé en Transilvanie
l'exhibition de l'original. Quel- par le prince Jean Sigismond (_/*).
crue temps après, on fit dans le N'oublions pas qu'à son arrivée
consistoire de l'église italienne
de
;édures dont
les proceaures aonx je parle ail-
leurs (c). Calvin assura Blandra-
(b) Cet écrit est imprimé dans le volume
des Opuscules deCalvin.
(c Dans l'article de (Jean-Paul) ALC1AT ,
fl dans celui de (Yalentin) Gkntilis.
(diTiréde la CCCXXIR Leltre de Calvin.
(e Post varias délibéra tiones ita fors tu-
Itt ul Blandrata , qui medicinam diit in Po-
loniâ primum, deindè in Transy L>aniâ
apud reginarfectrat , eo reverteretur. Beza .
Epist. LXXXl.
( /) Biblioth, antitrin.. pag-. 2&.
BLANDRATÀ. 455
en Pologne on le fit ancien des patrons : il fut médecin d'Étien-
églises qui étaient sous le ressort ne et de Christophle Battori ,
de Cracovie (g) ; et qu'en i56o , princes de Transilvanie. Il le fut
au synode de Xianz , auquel il aussi d'Etienne, lorsque ceprin-
avait apporté la somme de six ce jouissait du royaume de Polo-
cents écus de la part de Nicolas gne , et il fut même de son con-
Radzivil , grand chancelier de Li- seil privé (m). Il s'opposa de tou-
thuanie , il fut donné pour asses- tes ses forces à François David ,
seur à Cruciger , avec son bon qui , non content de nier avec les
ami Lismanin (h). Ce Cruciger autres unitaires la divinité de Jé-
était surintendant des églises; et sus -Christ, soutenait de plus
l'on craignait que, s'il n'avait qu'il ne fallait pas l'adorer. Blan-
point de collègues , le gouverne- drata fit venir du fond delaSuis-
ment ecclésiastique ne ressentît se Fauste Socin à son secours ,
trop la papauté (/'). N'oublions afin de l'opposer à ce François
pas non plus qu'en i56i , Blan- David («) : il le fit, dis-je, venir
drata parut au synode de Pinc- l'an 1 5^8, en Transilvanie, où
zovie, avec des lettres de recom- il était médecin du princeXhris-
mandation de Nicolas Radzivil , tophle Battori. La faveur où il
et qu'il y donna une confession se vit auprès du roi de Pologne
de foi , en vertu de laquelle la lui fit prendre un si grand plai-
compaguie lui expédia un témoi- sir à thésauriser que , de peur
gnage honorable (F). S'étant re- de refroidir la libéralité de ce
tiré en Transilvanie , appuyé prince , il abandonna les intérêts
qu'il fut de la faveur de Jean Si- des unitaires, et se mit à favo-
gismond , dont il était médecin , riser les jésuites (G). Il vivait
et de celle de Petrovits premier encore environ l'an 1 585 (o) ,
ministre d'état , il fit hautement lorsque Bellarmin écrivait son
lever la tête à son hérésie; et sur- traité de Cfiristo ; mais il était
tout , après la dispute publique mort en i5cp , quand Socin écri-
qu'il soutint avec François David vait contre Wuiekus. Le père
contre quelques docteur* réfor- Maimbourg débite que Blandiata
mes, en présence de toute la cour devint furieux, et qu'il fut as-
Van i566 (k). Le prince se ran- sommé par un de ses neveux qui
gea entièrement au parti des an- enleva tout son argent (p). Je ne
titrinitaires, et mourut dans cet- sais ce que l'on doit croire tou-
te foi , entre les mains de Blan- chant la fureur; mais l'autre fait
drata, l'an i5^o (l). Cet héréti- est certain, et n'a pas manqué
que ne manqua pas de nouveaux d'être attribué à un jugement de
Dieu , tant par les orthodoxes ,
la CCCXXême' V°ye" a"",Calviai Epiit0- que par les hétérodoxes (H). On
(h) Lstns, Compendiam Hbt. univers., Peut Voir la ,iste deS ouvrages de
'm" «L , ma. f71 \ "p- Vvi'c la rcm"r,?'n: K ■ , ,
,' (n) >Y issowalii .Narrât, coinpend. inlith]
v.*) royez Maimbourg, Hist. de l'Arijni- autitnt. , pag . 2l3
Bme , ton,. III, pag. 346, édit. de Hollande, (o} BlU. anlltri„., pag. 2g.
(/) Maimbourg, là même, pag. 36l ; [p) M.iimb.. Hirt. 4e l.V.ianisme, lom. 111
mais il a mis i5ji , au tien de i5-]0. pag. 3o'i , ex Rescid de Alheismo evang.
456 B LAN DR ATA.
Blandrata dans la bibliothèque réri le fait aller de Pavie en Pologne,
des antitrimtaires (I). On avait à **:fe d«t nen du voyage de Genève.
, . v /. . . Cela n est nullement exact. Blandrata
Genève une si mauvaise opinion m pilis $>ùûe <ois en p0iogne . et
de sa plume , qu'on y croyait c'est ce qu'il fallait remarquer. Il y
que les écrits qui paraissaient sous avait exercé la médecine avant que
'* ■ „+ Lfmirlipcmrnn d'aller à Genève. Il l'avait aussi exer-
son nom étaient rctoucncs par un , ...
, i j cee en Iransilvanie avant ce même
autre (K). Je rapporterai dans VOyage de Genève : et comme il avait
!a remarque (D) plusieurs fausses été en ces pays-là un médecin de dis-
dates concernant ses aventures , tinction , puisqu'il avait été médecin
et dans la remarque (K) plusieurs de reincs \Aaim?n( ' > m/eux s>,re-
. , «. tirer "Iue d aller ailleurs , lorsqu il ne
méprises touchant ses erreurs. cmt point pouvoir demeurer en sû-
Je ne dois pas finir , sans dire reté, ni à Genève, ni en Suisse. Voi-
que les historiens unitaires par- là une de ces combinaisons du moral
lent de la confession de foi qu'il fvec ^ P^ique dont le père Malle-
branche a parle dans son traite de la
nature et de la grâce. Pourquoi a-t-il
fallu cpie la Pologne , que la Transil-
vanie, aient été plus tôt infectées des
erreurs des sociniens qu'un autre pays?
C'est que les lois générales, qui exci-
tent nos passions naturelles et notre
bon sens , ont voulu que Georges
Blandrata, contraint de chercher une
retraite , l'ait plutôt choisie dans un
donna aux synodes de Pologne
avec tant de déguisemens (q).
Les anachronismes et les chi-
mères de M. Varillas sont si
étranges , qu'on ne peut se dis-
penser d'y faire quelques ré-
flexions (L).
Depi
mis la seconde édition , j'ai ]ie„ ou jj avait "beaucoup d'habitudes,
vu un livre , oii l'on assure qu'il que dans un pays inconnu. Voilà pour-
avait bien bu, avant que de se quoi sortant de Genève il s'en alla
, i •. '-i . en Pologne : et quand il y fut, il y at-
coucher , la nuit qu il mourut ; Ura les*Alciat e] les Socfn . u sMntri.
et que c était un problème , si Kua cnez les grands ; un prince de
quelqu'un de ses parens , ou le Transilvanie, dont il était médecin ,
diable , l'avait tué (M). f"t son prosélyte, etc. Quoi qu'il en
soit , M. Moréri aurait du dire que
(7) Vide Histor. reformat. Pollon. pag. Blaudrata avait été médecin en Polo-
i3o, e^Biblioth. aniitrin. pag. i85, 18b'. gne et en Transilvanie avant que l'in-
quisition As Pavie mît les mains sur
(A) II était natif du marquisat de lui ; que ', s'étant sauvé de Pavie , il
Salaces.] ()u\ n'admirerait que II. Mo- • s'en alla à Genève; et que, sortant
réri se soit avisé d'observer une gran- de Genève , il s'en retourna en Po-
de différence entre le Piémont et ce logne.
marquisat? Blandrata, dit-il, était (C) Calvin le traita durement.]
Piémonlais. D'autres disent qu'il était Calvin avoue sans façon les injures
natif du marquisat de Salaces. Ce ne qu'il lui dit. Je vois à votre mine le
sont nullement deux opinions diifé- détestable monstre que vous nourrissez
rentes. Ceux qui l'ont fait Piémontais dans votre cœur. Rapportons le passa-
n'ont pas prétendu mettre ce marqui- ge tout entier. Eodem tempore , suis
sat hors du Piémont: ils ont pris le quœslionibus fatigabat Calvinum, eo-
Piémont dans sa signification généra- que inagis quod cùm subindèjingeret
le , comme l'on fait quand on ne se se placalwn esse et acquiescere respon-
propose pas d'expliquer exactement , sis, postridiè redibat quasi novus, nec
et eu géographe, tous les états du duc desinebat ea ipsa de quibus sœpè au-
de Savoie. Or, il est sur qu'en ce sens- dierat , sciscitari. ltaque coaclus est
là le marquisat de Saluées est une par- ei Cab'inus in faciem dicere , rultus
lie du Piémont. Voyez le Dictionnaire tuus detestabile monstrum mihi osten-
de,Ë' ?,aUdRIIÎA" • ,. . ,„ ,, (1) Fojet dans la citation (e) , le passage de
(h) Il se retira a Ixenevc. \ M. Mo- U Lettre LXXXI de Théodore de Bèie.
BLANDRATA. /457
dit quod in corde occultumfoves ; ac supplice de Gentilis est une affaire de
sœpiits cum asperè objurgavit , ut si l'an i56f>, on juge sans peine s'il put
fiai posset, corrigeret perfidiam , et être cause que Blandrata sortît du
fallacias dolosque tortuosos , quorum pays des Suisses, et se réfugiât en Po-
fastidio eratquodammododefessus{i). logne. Si ce supplice l'avait détermi-
(D) // s'enfuit au plus vite , et ne né à se sauver en ce pays là , aurnit-
rentraplus a Genève. ] Plusieurs au- il pu en être chassé Tan i565 ? Des
teurs se trompent sur le temps auquel gens plus croyables que Hornins en
Blandrata sortit de Genève. Ils disent ces matières assurent, que Jean Sigis-
qu'il n'en sortit qu'après que Valentin mond, prince de Transilvanie, (il ve-
Gentilis se fut retiré sur les terres du nir auprès de lui Blandrata , environ
canton de Berne $ mais cela est faux, l'an 1 563 (8). Ce ne fut donc pas un
Gentilis ne se retira ({d'après l'amen- arrêt de bannissement qui l'obligea
de honorable qu'on lui lit faire par de s'enfuir de Pologne en Transilva-
tous les carrefours de la ville, le 2 nie l'an i565. Jean Lretus a commis
de septembre i558. Abnegatione per une bévue surprenante dans son Abré
compita civitatis J'actd , dtmittitur gé de l'Histoire universelle (9). Il fait
( Gentilis ) prœstito jurejurando sese dans trois lignes deux personnes du
portas urbis non excessurum : mor ta- médecin Blandrata , et de George
nien violalà fide ad Matlhœum Gri- Blandrata : il dit du premier que le
baldum in Sabaudiam profugit. Se- synode de Xianz le donna pour asses-
quuti sunt aliquanlô post Alçialus et seur au surintendant des églises , l'an
Blandrata ( 3 ). Primus Calentinus i56o; et il suppose que le second alla
Gentilis in judicium vocatus , simula- en Pologne lorsqu'à peine les désor-
tâ pœnitentid non sine insigni perjuno dres de Stancarus étaient cessés. Nou-
profugit. Sequutus est Paulus Alcia- veau mensonge : les disputes que Stan-
tus , aut etiam prœcessit , solo malœ carus avait excitées, eu soutenant que
conscientia' vulnere adactus. Blandra- Jésus-Christ n'était point notre mé-
ta aliquanlà post (4). Erat ille Blan- diateur selon sa nature divine, étaient
drata Saluriensis , professione medi- dans leur plus grande force à l'arrivée
eus , qui Gentilem Genevâ profugum de Blandrata. Tum aulem forte, Fran-
paulb post sequutus fuit (5). Or, il cisci Stancari Manluani petulantissi-
paraît par une letlrede Pierre Martyr, mi hominis importunitate ( ut sanèfa-
datée de l'onzième de juillet 1 558, talis esse ridetur Polonis Italia) scis-
que Blandrata et Alciat avaient déjà s<c erant Polonicœ ecclesice (to). Mais
été à Zurich , et qu'ils n'en étaient tout ceci n'est rien en comparaison
partis qu'après que Martyr leur eut des anachronismes du pète Maim-
donné ce conseil. L'erreur de Hornius bourg. 11 envoie en Transilvanie no-
est infiniment plus grossière. Il dit tre Blandrata dès l'an i553 fu). Il
3ue Blandrata et Alciat se retirèrent suppose qu'en la même année le prin-
e Suisse en Pologne, épouvantés du ce Jean Sigistnond prenait plaisir d'en-
supplice de Servet et de Gentilis , et tendre son médecin, lorsque , voulant
qu'ayant été chassés de Pologne l'an faire le théologien, il parlait en phifo-
i565, Alciat s'alla faire Turc , et sop/ie de la Trinité qu'il traitait de
Blandrata s'enfuit en Transilvanie (6). chimère. Il ajoute (pièce prince n'osa
Il n'y a rien de vrai là-dedans. J'ai pas encore se déclarer , tant parce que
réfuté ailleurs (7) le prétendu maho- sa mère , la reine Isabelle , princesse
métisme de/Jean-Paul Alciat, et je dis très-catholique , vivait encore, que
ici que Blandrata se retira en Pologne parce que Soliman ne souhaitait pas
la même année qu'il quitta Genève, qu'on souffrît la diversité des sectes.
c'est-à-dire l'an 1 558. Or, comme le
(3) Calvini Epistola CCCXXir.
(1) Beza , in Vilâ Calvini.
M) Idem, EpistoU I.XXXI.
(5) Hoornbeek , Apparalus advers. socinian. .
paç. 1$.
(6) Hornius, Ilist. reeles., pag. 35i, édition.
an. 168-,
(7) Ci-dessus , remarque (D) de l'article de
Jean-Paul) Alciat.
Cela regarde l'an 1 555. Il dit que . par
complaisance pour Soliman, on chas-
sa tous les hérétiques ; mai- que la
(8) Biblinih. anlitrin., pag. =8- Hi: tor. Refor-
mât. Potonicar , pag. 170.
(9) PaS- 4"-
fioj Rcm, EpisinU I.XXXI.
fil* Histoire de l'Ariani-me, tom. lit , pag.
?15, édition d- ffdttande.
458
BLANDRATA.
reine et Soliman étant niorfs bientôt
après, en i56"6, les novateurs revin-
rent et jouirent d'une grande liberté',
et que ce fut pour lors que Blandrata
corrompit la plupart de la cour. Quel-
le manière de narrer les choses ! et
combien de faussetés! Nous verrons
ci-dessous (12) les anachronismes et
les visions de Varilîas.
(E) Calvin luijit voir qu'un théolo-
gien de sa force a les mains longues
(i3). ] Nous voyons par les lettres de
Calvin que les églises de Pologne con-
çurent beaucoup d'estime et d'amitié
pour Blandrata ; mais nous voyons
aussi par les histoires sociniennes que
les lettres de Calvin furent regardées
comme une persécution fâcheuse, qui
contraignit Blandrata de se retirer ail-
leurs. Voici des preuves de l'un et de
l'autre de ces deux faits. Valdb miror
hominem quem sola ostenlatio et Jas-
tuosus vultus commendat tanli apud
vos fieri , ut quasi novus Allas Eccle-
siam sustineat suis humeris. Cette tant
inconsideralœ creduhlalis nisi nie pu-
derel , gentem l'eslram non aniarem....
(i4)- Ununi non dissimula , eos qui
tam hunianiter Geoigium Blandratam
exceperunl parùm fuisse cautos et pro-
vidos , et malè consuluisse vestrœ exis-
timationi. Magis eliam miror quosdam
primante auctoriiatis viros graviter
ojfendi qubd libéré hominem detexe-
rim(i5) Ergô non vulgare fecit
operœ pretium longo itinere qubd lan-
tum sibi nomen acquisierit. JVullus est
apud alias génies , vos admiramini non
secùs atque Angelum è cœlo delap-
sum. f^eslras delicias minime vobis in-
video (16). Vous voyez avec quel zèle
on se fâche de ce que Blandrata avait
trouvé tant de dupes qui l'admiraient,
et qui s'étaient scandalisées d'un écrit
public où on l'avait tympanisé (17).
Voyons présentement les preuves de
l'opération de ce remède. Calvinus ,
his non contentus , Blandratam, qukm
aliâ ratione non possel , litteris in Po-
loniam missis persequi , apud patronos
et fratres acriler criminari , ila cuncta
(ia) Dans la remarque (L).
(i3) yorez la remarque (E) de l'article de
(Jean-Paul) Alciat.
(i4 Calvinu*, F.pist. CCCXIX.
(i5) Idem, Epist. CCCXX.
(16) Idem , Epistolà CCCXXI.
(17) C'est la préface du Commentaire de
Calvin sur les Actes des apôtres.
ad eum perdendum agere lllœ ejus
lilterœjidem in multorum animis inve-
nerant (18) Quam ille ( Blandra-
ta ) vocationem tanlo alacriùs am-
plexus est , quàd eum Calvinus missis
per Poloniam et Lituaniam litteris per-
sequi non destiterit , ita ut ei tutam in
fus oris vilam agere per ejus cacoze-
liam non licuerit , prout in superiori-
bus exposuimus (19) Cùm nec hic
quietè degere possel , Calvino scriptis
suis eum persequente , à Johanne Si-
gismundo principe circa an. 1 563 evo-
catus , concessit in Transylvaniam ;
atque illic egit ipsius , hinc Stephani
et Chrislophori Bathorcorum Tran-
sylvan'ue principum , immb et Stepha-
ni ad regnum Polomœ jam evecti ar-
chiatrum et consiliarium inlimum{ïo).
Socin, en lui dédiant sa IIe. réponse
à Volanus , le traite de Stephani ré-
gis Polontœ archiater et consiliarius in-
timus.
(F) // parut au synode de Pinczovie
en i56i avec des lettres de recomman-
dation de Nicolas Badzivil, et il y
donna une confession de foi , en vertu
de laquelle il obtint un témoignage
honorable.'] Ce que Calvin avait écrit
à ce grand seigneur polonais , pour
l'avertir que George Blandrata cou-
vait dans son sein les hérésies de
Servet, n'avait point encore produit
l'effet nécessaire : les artifices de
Blandrata avaient éludé le coup ; car
Nicolas Radzivil se plaignit très-forte-
ment de la conduite des églises envers
Blandrata , et déclara que Calvin en
avait usé injustement et étourdi-
ment. Homo iste facile technis suis
fallacibus optimo principi fucumfa-
cit , adeb ut ille iratus Joh. Calvino ,
Blandratam nomine suo ad synodum
Pinczoviensem, an. 1 56 1 , i5 jun.ha-
bitam , delegaret eum litteris, quibus
serib expostulabat in causa Blandralœ
eum ecclesid , dicebalque malè et prœ-
cipitanter egisse J. Calvinum , qubd
Blandratam traduceret , et Servetismi
notaret (21). Blandrata plaida sa cause
dans le synode , avec beaucoup de
hardiesse, et fort finement, et voici
la confession qu'il donna : elle était
(18) Histor. Reformat. Polon. , pag. 126.
(19) Là même, pag. 170.
(20) Bibl. antitrinit. , pag. 28.
(21) Andréas Wengerscius, Slavnnia; Refor-
matx Itb. I, eap. XIII, pag. 85 edttionis
anni 1679.
BLANDRATA.
Irès-orthodoxe. Fateor me credere in
unum Deum Patreni , inunum Domi-
nant Jcsum Christuni Filium ejus , et
in unum Spirilum Sanctum, quorum
quilibel est essentialiter Deus. Deo-
rum p.'uralitatem detestor, cùm unus
nobis ut tanlùni Qeus essentid indivi-
sibilis. Fateor très esse dislinclas hy-
postases et œternam Christi divini-
latem ac generationem , et Spirilum
Sanction verum et œlernum Deum ab
ut roi] ue procedentem (22). L'effet de
cette confession fut tel que le synode
munit Blandruta d'un bon témoigna-
ge ; ce qui parut même par les leitres
que la Compagnie écrivit à Nicolas
Kadzivil , et à Jean Calvin (23).
(G) 11 abandonna les intérêts des
unitaires , et favorisa les jésuites. ]
C'est ce que nous apprenons deSocin,
qui en fait ses doléances dans la ré-
ponse au père Wuiekus. Il avoue que
Blandrata avait rendu beaucoup de
services à leur secte : de noslris eccle-
siis aliquando prœclarè est meritus ;
mais il se relâcha , dit-il , sur ses
vieux jours. Haud paulb ante mortem
suam, vivente adhuc Stephano rege
Poloniœ , in illiusgratiam , et quo il-
luni erga se liberaliorem {ut J'ecit)
redderet , plurimum remisisse de stu-
dio suo in ecclesiis nostris Transylva-
niens nostrisque hnminibus juvandis ;
imô eu tandem devenisse , ut vix exis-
timaretur priorem quant tanloperè fo-
veral de Deo et Christo senlentiam
retinere ; sed potiiis jesuitis qui in eu
provincid tune temporis Stephani régis
et ejusfratris Chrisiophori , principes
haud multo ante vitd Juncti , ope ac
liberahtate non ntediocriler jlorebanl ,
jam adh,vrere , aut cer/è cum eis quo-
dammodo colludere. lllud cerlissimum
est , eum ab eo tempo re quo Itbcraltta-
tem quant ambiebat , régis Slephani
erga se est c.rperlus , cœpisse quos-
dam ex nostris Itominibus quos carissi-
mos priùs habebat et suis opibusju-
vabat , spernere ac deserere . eliam
contra promissa et obligationem suajn,
et tandem illos pemtus dégarnisse, ni-
que omni verœ ac sincerœ pietatis
studio valedixisse , et solis pecuniis
congerendis intentant fuisse , quœ for-
tasse, jusiissirno Dti judicio , quod
grarissimum exercerc solcl contra ta-
(ii) Idem , ibid. , pag. 86.
(a3 M™, ibid.
459
les desertores , ei necem ab eo quem
suum hœredem fecerat , concilidrunt
{ i\ ). La manière dont le Gis de son
irère se défit de lui fut , dit - on ,
de l'étouffer pendant qu'il dormait
(25).
(H) Sa mort fut attribuée à un juge-
ment de Dieu, tant par les orthodoxes,
que par les hétérodoxes. ] Nous avons
vu (26) comment Socin lui applique
le très-juste jugement que Dieu est ac-
coutumé d' exercer avec une très-grande
sévérité contre ceux qui abandonnent
sa cause pour des intérêts mondains.
Si le père Maimbourg avait eu quel-
que connaissance des bons sentimens
de Blandrata pour les jésuites , il n'eût
point jugé de sa lin comme il a fait,
et il n y aurait pas cousu la fureur.
Mais laissons parler un docte théolo-
gien de Leyde : A fratris sui filio in
lecto jacens suffocatus juit : sanè non
extra juslam Dei ullionem in hominem
quent primum in istis ecclesiis exe-
crandœ hœresis , mullarum in Dettnt
et ejus verilalem blasphemiarum , h-
brorunt horrendissimorum turbarum-
que gravi ssimarum auclorem , non
aliter quant singulari diroque morlis
génère octumbere oporlail (27).Konig
s'est trompé quant au temps. Periit ,
dit-il, in lecto , strangulatus perfra-
truelern quem hœredem constituerai
an. i56o.
(I) La liste des ouvrages de Blan-
drata se trouve dans la Bibliothèque
des antttrinitaires. ] Ils sont de deux
sortes : les uns ne lui appartiennent
qu'en partie , les autres paraissent lui
appartenu- en propre. De ce dernier
ordre sont quelques thèses , quelques
lettres , et quelques observations tou-
chant l'invocation de Jésus-Christ, qui
n'ont été imprimées que dans d'autres
livres. La plupart furent insérées dans
un écrit que Jacqui s Paléologue publia
en i58o, où il réfute le jugement des
églises polonaises sur la cause de Fran-
çois David. Quant aux ouvrages où
Blandrata n'a fait que contribuer sa
part , les principaux sont 1rs deux
Conférences tenues à Albe-Jule, Tune
en làtifj, l'autre en i568; le livre
intitulé, Dejalsâet verâ unius Dei
(a4) Socïni Rrspon?. ad Waieîmn , cap. XI,
pag. 43- Vojet Hoornbeek, Appar ,pag. sî.
(2-5) Voyez ci-dessous , citation (-•; .
(16) Dans la remarque (G).
(27) flouinbcek, Appar , pa
46c
BLA1NDRATA.
Patris Fi/ii et Spiritds Sancti cogni- ne fit que passer par cette opinion : il
tione, authoribus ministris ecclesia- donna dans relie île Paul de Samosate,
rum consentientium in Sarmatid et et y fut plus fixe que dans aucune
Transylvanie., imprimé à Albe-Jule, autre. C'est donc par cet endroit-là ,
l'au 1567 (28); et celui qui a pour qu'il doit être caractérisé , et non
titre, Réfutât io Scripti Georgii Ma- point par l'arianisme. Considérez la
joris , in quo Deum trinum in pvrsonis, nature de la lettre dont Bèze parle
et unum essentiel, unicum deindè ejus dans le commencement de celle re-
jftlium in persond, et duplicem in na- marque. De plus, il est certain que
turis , ex lacunis Anlichristi probare Socin , et les histoires du socinia-
cnnalus est, imprimé l'an 1 56g. Hoorn- nisme , parlent de Blandrala comme
beek se plaint justement que ces hé- d'un socinien ; et du prince Jean Si-
rétiques aient inséré dans ces deux, gismond , comme d'un homme , qui
écrits certaines peintures abomina- après les conférences que l'on tint en
blés , qui avaient servi à représenter sa présence, embrassa la doctrine des
la Trinité ( 39) : Temeraria et horrenda unitaires, au sens que les sociniecs
papistarwu simulacra, quœ œternâ se donnent ce nom (32). M. Maicn-
oblivione et execratione sepelienda bourg ne donne que l'arianisme à
eranl potiùs... non delegenda Ma pu- Blandrata, et au prince Jean Sigis-
denda et proslituenda coram omni- mond; et il prétend que Blandrala
bus, etc. (3o). gagna Ie ministre François David,
(K) On croyait ses écrits retouches qui , dit-il (33) , de protestant qu'il
par un autre. ] Bèze le déclare assez était , se fît arien. Voilà deux nou-
nettement : Exlat , dit-il (3i), apud veaux mensonges. François David était
me ipsius Blandratœ epistola (non pis que socinien, et ce fut lui qui
lamen scripta sine Theseo , si Blan- rapprocha de ce système Blandrata.
ilratam benè novi) in qud Gregorium Ecoutons Théodore de Dèze. Incidit
suo quodam jure non lantiim de illd Blandrata in Transylvaniam rediens
pœdobaptismi controversid non salis in quemdam Franciscum Davidis pau-
opportune niolâ increpat, uerùni etiam lô magis quàni superiores Mi , ut
aperlé Muni à Trilheismo ad Sanio- ajunt , providum , qui cùm nimiiim
sateni dogma re.vocare nititur. Mais ce crassam esse illani Trilheilarum blas-
qu'il avait déjà dit décide plus forte- phemiam simpliciter propositam ani-
ment la chose ; car il avait nommé la madvertisset , maluit omnia involvere,
personne qui ajustait les pensées de permixtis omnium pêne hâc in re hœ-
Blandrata. Pelro quodam Statorio reseon commentes, quant simpliciter
jwene , alioqui bono ingenio nec con- suant senlenliam projiieri (3|). La
temnendd doctrind prœdito , operatn vérité est que Blandrata , goûtant les
omnem suam fucandis barbarissimi hypothèses samosaténiennes de Fran-
scriptoris Blandratœ commentis na- cois David , et les trouvant plus unies
vante. J'auraispu ne rapporter qu'une que le galimatias qu'il a\ait cru jus-
partie du premier passage; mais j'ai qu'alors, abandonna là le trithéisme ,
eu mes raisons pour faire ce que j'ai et devint bon unitaire. Gentilis n'en
fait. Les paroles que j'ai citées, qui fit pas autant j et ainsi M. Moréri ne
ne servent de rien à la preuve de la devait point brouiller ensemble les
question , servent à réfuter M. Moréri dogmes de ces gens-là. Ecoutons en-
sur ce qu'il n'a pas bien caractérisé core une fois Théodore de Bèze. Inde
l'hérésie de Blandrata. Il l'accusj
d'avoir enseigné l'arianisme , et les
mêmes dogmes que Valentin Gen-
tilis. C'est parler d'une façon trop
in Moraviam adBlandratam tt Alcin-
lum aliosque nihilo meliores discedit
(Gentilis;) ubi ciim satis inter eo$
convenue non posset , qubd a tri-
vague, et même trompeuse. Blandrata theismo ad samosntenum plerique
fut d'abord arien : je le crois: mais il transudssent... inSabaudiam adsuum
Gribaldum redit (35). De Blandrata
(2S) Bellarmin avait vu ce livre, et Va cite ., . „.. „ , . „., ,
plusieurs fois. K'"") Wissowat. , narrât, compeud. m Bibl.
, • TI . , . ,. Antilrinit. , paj. 2i3.
^q, Hoorobeel , Apparat., pag. 2?. Voyez m) Mai1Tfbo Hist. de l'Arianisrae , 'on,.
aass, pag. 55. I[f ' 3^
(3o) Idem , ibid. , pag. i~. ^^ Beza> |.p;5toia LXXXF.
(3i) Beza, Epistola LXXXI. (35) Bcza, in Vitâ Calvini.
BLANDRATA.
46 1
rogatus (Gentilis,) periit etiam, in-
quit , ut qui in Sabellii et Samosaleni
aèlirium incident (36).
(L) Les anachronismes et les chi-
mères de Al. Parillas méritent
quelques réflexions. ] 11 raconte que
Georges Biandrat , persuadé qu'un bel
esprit ne pouvait demeurer long- temps
dans la religion catholique , s'était
donne la peine de chercher entre les
hérésies anciennes celle qui fui revien-
drait le mieux, et s'était enfin arrêté h
celle des ariens... ( 3^ ) ; qu'il l'avait
enseignée d'une façon toute nouvelle
dans la ville de Payia (3$) j que le
magistral l'avait conjiné dans une
prison , d'où il ne serait jamais sorti ,
s'il n'eût trouvé l'invention de cor-
rompre un concierge qui le sauva ;
qu'il se réfugia dans Genève, où ne se
trouvant pas assez libre , il voyagea
jusqu'à ce qu'il trouva dans la Tran-
silvanie ce qu il avait inutilement
clic r< hé partout ailleurs. « Les esprits
» y étaient extrêmement aigris contre
» la maison d'Autriche , à cause du
» meurtre du cardinal Martinusius...
» Ces dispositions parurent si belles à
•1 Biandrat , qu'il s'arrêta dans la
» Transilvanie, à dessein de s'en pré»
« valoir. » 11 se fit connaître par le
talent qu'il avait pour la médecine : il
fut élevé a la dignité de médecin du
jeune Jean Sigismond. « Les plus
»> grands de la Transilvanie se tin-
» rent honorés après le choix que
» leur souverain avait fait de la
» personne de Biandrat, qu'il daignât
» les visiter dans leurs maladies , et
» il s'y rendit assidu. Il ne leur par-
» lait durant le cours île leur mal,
» que des choses les plus divertissan-
» tes; mais après qu'il les a\ait guéris,
» ou qu'il les avait au moins persua-
» dés qu'il avait beaucoup contribué
» à leur guérison, il changeait insen-
» siblement de discours, et leurpar-
» lait de politique. H leur faisait oh-
)> server qu il fallait bien que les lla-
>> liens qui avaient tué le cardinal
» Martinusius, et que la maison d'Au-
» triche , qui certainement avait
» ordonné ou du moins approuvé ce
» crime;, ne fussent pas persuadés de
» la religion catholique; puisqu'ils
(y'i) Idem, EpistolS LXXXI.
(S-) Var.ibs, H, ,t. dé l'Hérésie, /if. XFIII,
pag. i4'), r'dition de Hollande.
f.ti même, pag. i5o.
n'avaient point fait de scrupule
d'attenter à la vie d'un homme qui
leur devait être inviolable par ce
qu'il y avait de plus sacré dans la
religion catholique , puisqu'il était
tout ensemble prêtre, archevêque,
> et cardinal. Si Biandrat apercevait
que sa proposition ne fût pas tout-
a-fait bien reçue , il en demeurait
> là ; mais s'il remarquait, qu'on l'eût
écoutée avec avidité , il ajoutait,
tout bas, et comme s'il avail voulu
expliquer un grand mystère , que la
> religion catholique en l'étal d :plo-
> rable où la corruption humaine
> l'avait réduite , n'était plus qu'un
i artifice dont la cour de Rome et la
1 maison d'Autriche se serv aient pour
> partager entre elles l'empire de tout
> le monde; que la cour de Borne
> usait de cette illusion, pour se main-
; tenir et s accroître dans la tyrannie
) qu'elle avait usurpée sur les con-
> sciences; et que la maison d Au-
> triche s'en prévalait aussi , pour
> établir dans l'Europe une seule mo-
> narchie , qui serait la sienne; que
> les nouvelles sectes avaient à la
> vérité reconnu le mal; mais qu'elles
> n"y axaient pas apporté de remède,
1 puisqu'en recevant la Trinité des
1 personnes divines dans la manière
> que les papes en avaient établi la
. créance , il fallait par une suite
1 nécessaire ajouter foi au reste de la
> doctrine des mêmes papes , qui
> n'était que des conséquences tirées
> de ce principe. Au lien qu'en ne
) reconnaissant point en Dieu plus de
> personnes que de natures , on ôte-
> rait toutes les difficultés formées
) durant quinze siècles en matière de
> christianisme; on mettrait l'Ecri-
> ture Sainte en état d'être entendue
par elle-même; on n'aurait plus
besoin de concile ; et les papes ,
n'étant plus consultés, perdraient
leur autorité. Ce furent là les voifs
pur où l'arianisme recommença
dans la Transilvanie (3g).
l'eu île paroles sulliront p<nir faire
voir les impostures de cet historien ,
et pour le convaincre qu'il a débite
comme des faits historiques les i.na-
ginatiooaqoia'éleTaieol dans son es-
prit. Considérez seulement qu'il sup-
pose que tout ceci se passa l'an i55a:
(3q) Maimbourg, Histoire de l'Arinoisme ,
pag. 01 , i5j.
4g2 BLOMBERG.
et il fallait bien qu'il le supposât , on commençait à douter que la
puisque Martinusius avait été massa- <janie qUi passait pour la mère
cré vers la fin de Tannée précédente. , , d'Autriche le fût effecti-
Notez aussi qu'il suppose que Blandrat
S'XfdrrSHv.^ vexent (A). 0„ doutait mom.
d'aller dogmatiser en Transilvame. que l'empereur eut joui d elle
Que penserez-vous après cela, lorsque /g^ . et uans ]e fon(J } il n'y avait
vous saurez que cet hére'tique ne de consë ence de l'un à
.tnittn fionève au en i3i)o,et au il ne I .1 • i •
&tattir é SrLilvauie/poJr y être l'autre. Ce prince auraitbien pu se
médecin de Jean Sigismond , que vers divertir avec la belle Barbe blom-
l'an i563? Que direz-vous de tant de ^ ^ qu'on ne lui avait d'abord
raisonnemens fondés sur le meurtre é ,&ûn >el]e chantât
• lu cardinal Martinusius • vfue aire^ 1 f - j- ■
vous de Sresse avec quoi il ménagea devant lui , pour lui dissiper son
les dispositions des esprits que ce chagrin; il aurait bien pu , dis-
meurtre venait d'aigrir ? Prenez bien • ^ passer du plaisir de l'oreille
garde que personne ne l'accuse d avoir J autres sans ^^ un
•loomatisé en Transilvanie pendant le , , ^
sêlomqu'ily fît avant que d'avoir été fils de cette maîtresse (6). Quoi
emprisonné à Pavie. qu'il en soit , Juan d'Autriche
(M) J'ai lu qu'il avait bien bu.... la mourut très-persuadé que Barbe
nuit qu'U r«™«y\HflPf^ Blomberg était sa mère, et il la
problème, si.. . te diable lavait tue. ] & . '
L'auteur qui m'apprend cela , est un recommanda sur ce pied-la au
moine, dont je donnerai l'article. roi d'Espagne. Cette recomman-
Blandrata , dit-il (4o) , cui chm sano dation fut suivie de son effet.
anie œdes ejus qffuissem secunda ^y ]T à ; k veritable
nocte subito extmctus est, utium a *■ J t . » 1 .
,S'afa/«2 , a« «6 <#"« , ">"> 4uo fi» in mere n etait P3S lnconnue (c) '
Transylvanie tempore sub judice lis fit tout ce qu'il fallait pour trom-
fuit. Hoc certum , qubd optimo, pnùs je mon(Je> H fit venir en Es-
quamcubitum concèdent , vina mca- j^^ ^^ Blomberg) la meme
année que don Juan mourut (d),
(4„) Leonardus Rubeiius, de IdololatrU , Ub. j j fit très-bon aCCUeil. Il
lenvoya quelque temps après a
BLOMBERG (Barbe) était une Mazote , dans le monastère royal
fille de bonne maison à Ratis- de Saint-Cyprien , avec un bon
bonne , au temps de l'empereur équipage. Après y avoir vécu
Charles-Quint. On a cru pendant qUatre ans , elle s'en alla à La-
fort long-temps qu'elle avait reda , attirée par le bon air du
couché avec lui , et qu'elle lui ]ieu , et y mourut. Brantôme
avait donné un fils , qui fut le nous apprendra avec qui elle
célèbre don Juan d'Autriche ; avait été mariée. Elle avait un
mais présentement la plus com- fi[s? qUe don Juan, qui le croyait
mune opinion est qu'elle ne fit son frère utérin , recommanda
que servir de couverture à une au roi d'Espagne en mourant, et
grande princesse , dont Charles-
Oninl put rp Mtai-d l'en Uarle (b) Barbara Blomberg -a , Ratisbonensis ,
Quint eut ce bataid. J en pane ^ nWV juxtà nobilis_ Ex quâ ad
plus au long dans un autre lieu Caroium inducià ut mœrarem cantu aile-
(a) Dès le temps de Brantôme , wret, etc. Strada , Ub. x , dec. /, pag. 611.
v ; ' l (C) Voyez la remarque (A) de l'article de
W Dans la remarque (A) * l'article de (don Juan d*) Al^ica*. tom. II, pag. Sgtf.
(don Juan d'j AUTRICHE, loin. II , pag. 5g6. (d) En l^O-
BLOMBERG
qui s'appelait Pyrame Conrad
(C). II servit sous le duc de Par-
me (e).
(e) Ex Stradâ, decad. I, lib. X.
463
(A) Elle a long-temps passé pour
mère de don Juan d'Autriche. Dès le
temps de Brantôme , on commençait a
douter quelle le fût effectivement.']
Je m'en vais dire uu peu au long ce
qu'il nous apprenti sur cette affaire.
« Juan d'Autriche fut fils naturel du
» grand empereur Charles-Quint, et
» d'une grande dame et comtesse de
» Flandre mère d'un grand , dont
» nous avons parle , ou possible en
» parlerons , et non point d'une bou-
» langère de Bruxelles , ou d'une la-
» vandière , comme la plupart du
» commun l'a dit; laquelle était belle
» en toute extrémité, et on la nom-
» mait dame Barbe de Plomberg , qui
» fut depuis mariée au seigneur Re-
» quel , gentilhomme du pays de
» Namur ou de Luxembourg. De l'a-
» voir bien aimée , et joui d'elle , il le
» faut croire : mais qu'elle ait été
» mère de doni Jean , ce sont abus ;
» car il tenait par trop du noble, et
» d'un côté et de l'autre. Aussitôt
» qu'il fut né , l'empereur , son père ,
» envoya quérir un ricbe pasteur des
» montagnes de Liège , et le lui don-
» na à nourrir et à l'élever fort cu-
» rieusement, sans que beaucoup de
» personnes le sussent, et à endurer
» et s'endurcir au travail, ui plus ni
« moins qu'un de ses enfans ; sans le
» nourrir mollement ni délicatement,
» et sans qu'il dît qu'il fût fils de
» l'empereur; sinon au bout de quel-
» que temps, qu'il vint à se faire
» grand , et que l'empereur voulut
» quitter le monde , et se retirer en
» Espagne; qu'il commanda au roi
» son fils de l'envoyer quérir, com-
« mandant au pasteur pareillement
» de l'amener , et qu'il s'en servit, et
» lui ordonna une pension fort belle
» et grande ; et le lui recommanda
m plusieurs fois comme si c'était son
» propre frère. J'ai appris cela en
» Espagne de quelques grands et ha-
» biles bommes, qui le savaient bien.
» Voilà que c'est d'une belle et géné-
» rtuse naissance. Celui qui avait été
» nourri en maison champêtre , com-
» me un pasteur , se rendit depuis si
» gentil, si galant, si honnête, et si
» agréable , comme il a été, et sentant.
» si peu sa nourriture rurale , ainsi
» que j'ai vu en Espagne. Car il était
» fort beau, de fort bonne grâce ,
» comme j'ai dit : et s'il avait été
» nourri en vie rustique , si n'en
» tenait-il rien ; car il avait fort
)) bonne et belle façon parmi les sol-
» dats : il avait bien aussi bonne et
» belle grâce parmi les dames , des-
» quelles il était fort doucement re-
» gardé, et bien venu auprès d'elles
» (i) ».
Je ferai trois remarques sur ce dis-
cours. i°. Il semble que Brantôme ait
cru <pie dame Barbe de Blomberg était
une boulangère de Bruxelles, ou une
lavandière ; car puisqu'il ne saurait
croire qu'elle ait été la mère d'un
prince qui tenait par trop du noble et
d'un côté et de l'autre, il faut qu'il
ait distingué de la grande dame et
comtesse de Flandre qu'il reconnaît
pour la mère de don Juan ; il faut ,
dis-je, qu'il ait distingué de cette
comtesse la dame Barbe de Plom-
bergh. S'il n'avait pas fait cette dis-
tinction, il faudrait dire qu'il a pris
pour une seule et même personne
Barbe de Plombergh, et la comtesse
de Flandre ; mais, en ce cas, eût-il
pu dire que don Juan tenait trop du
noble pour(étre fils de Barbe de Plom-
bergh ? Il s'est donc trompé sur la
famille et sur le pays de cette Barbe :
elle était une demoiselle de Ratis-
bonne , de fort bonne condition, et
non pas une boulangère ou une lavan-
dière de Bruxelles. ■?.". Ce serait mal
prouver qu'un grand prince n'aurait
pas eu un bâtard d'une fille de petite
condition, que de le prouver en disant
que ce bâtard tient par trop du n^ble
et d'un côte et de l'autre ; car si l'on
veut dire qu'il est de grande maison,
tant du côté paternel, que du mater-
nel, on suppose ce qui est en ques-
tion, on d allègue point de preuve :
on dit simplement , il est fils d'une
grande dame, parce qu'il est /ils d'une
grande dame; raisonnement ridicule.
Si l'on veut dire que de tous côtés on
remarque en lui des inclinations trop
nobles, trop grandes, pour croire que
mi naissance ne soit point noble tant
du côté maternel que du paternel ,
(i) Bnntùme , Vies des Capitaine* étranger*,
tom> II, pag. 49-
,j64
BLONDEL.
c'est encore un méchant raisonne-
ment ; puisque l'expérience montre
que les grands seigneurs qui se mésal-
lient ont des enfans aussi tiers, et aussi
entêtés de grandeur, que ceux qui ne
se mésallient pas. Je suppose que d'ail-
leurs l'éducation soit égale. Trouve-t-
on de la bassesse dans les sultans , qui
sont quelquefois fils d'une misérable
paysanne? 3°. Cette éducation chez un
berger du pays de Liège est démentie
par les bons historiens, comme est
Famianus Strada. Voyez l'article de
Juan d'AuTRiCHE (î).
(B)...on doutait mains que l'empereur
eût joui d'elle. ] Nous venons d'enten-
dre Brantôme , qui dit de l'avoir bien
aimée et joui délie, il le faut croire.
Il y a fort peu d'apparence que Char-
les-Quint ait négocié pour cette feinte
auprès de la demoiselle de Ratisbon-
ne, avant que d'avoir lie avec elle un
commerce très-étroit. Il n'y a pas plus
d'apparence que la demoiselle ait été
moins facile sur l'être , que sur le pa-
raître; car ordinairement, on redoute
plus le dernier que le premier; et l'on
s'estimerait très-malheureuse de pas-
ser par le dernier , sans avoir passé
par le premier L'auteur des Nouveaux
Dialogues des morts pourrait dire
cent folies choses selon cette idée par-
ticulière de la conduite de Barbe
Blomberg. 11 en a dit de bonnes selon
l'idée diflerente.de celle-là (3).
(C) Elle avait un fils qui s'appe-
lait Pyrame Conrad. ] L'auteur wal-
lon , qui a publié à Amsterdam , en
l'année 1690, la Vie de Juan d'Autri-
che, croit que Blombergue était veuve,
quand elle souffrit de passer pour la
maîtresse de Charles - Quint , et que
Pyrame Conrad était son fils légitime
(4). S'il avait pris garde à ce qu'il
rapporte dans la page 279, il aurait
vu très-facilement que ce Pyrame était
plus jeune que Juan d'Autriche. Stra-
da , qu'il copie , rapporte que don
Jean avait envoyé en Bourgogne son
prétendu frère , pour l'y faire étu-
dier ; et qu'ayant su que Pyrame
avait bientôt jeté bas les livres, et
s'était plongé dans la déhanche, il
l'avait Fait rostre pn prison. Voilà
son état à la mort du prince. Le roi
1er; le commencement du texte.
ans le Dialogue Je Lucrèce et Je Barbe
Jilomrierg.
14) Vie de dou Juan d'Autriche . pag. ' ' ■
d'Espagne, ayant égard à la recom-
mandation de don Juan , écrivit au
duc de Parme de savoir i'inclination
de Pyrame. Le duc lui apprit qu'il en
avait reçu une lettre, où le jeune hom-
me se reconnaissait mal propre et
sans inclination aux lettres , et qu'il
souhaitait de porter les armes. Le roi
ordonna qu'il fît son apprentissage de
guerre sous le duc de Parme, et lui
assigna une pension de trente ecus par
mois. Voilà jusqu'où le père Strada le
conduit (5).
(5) Strada, decad. I , pag. 627.
BLONDEL ( David) , ministre
protestant au XVIIe. siècle, a
passé pour un des hommes du
inonde qui avait la plus grande
connaissance de l'histoire ecclé-
siastique , et de l'histoire civile.
Il était de Châlons eu Cham-
pagne (a) , et il fut reçu minis-
tre dans un synode de l'Ile-de-
France , l'an 161 4 (b). Il exerça
son ministère à Houdan, au-
près de Paris. Il commença d'é-
crire peu d'années après pour
la cause de ceux de la religion ;
car il fit imprimer à Sedan ,
en l'année 1619, un ouvrage
intitulé, Modeste Déclaration de
la sincérité et vérité des églises
réformées de France. C'était une
réponse aux invectives de trois
ou quatre écrivains du parti con-
traire, et en particulier à celles
de M. l'évêque de Luçon , qui a
été si connu depuis sous le nom.
de cardinal de Richelieu. Dès lors,
Blondel fut regardé comme un
sujet de grande espérance. Aussi
eut-il toujours des emplois d'hon-
neur dans les synodes. Il fut
secrétaire plus de vingt fois dans
(n) Catalaunensis , et non pas Cabilonen-
sis , de Châlons-sur-Saône , comme on l'as-
sure, dans le Diarium de Witte.
(b) Voyez la préface qu'il a mise au-de-
vant d'un livre de M. DaiMé intitulé, A polo -
giapro duobus synodis nationalibus.
BLONDEL. 465
ceux de l'Ile-de-France (c) (A), qua beaucoup plus ù d'autres
On le députa quatre fois de choses. 11 fut demandé au sy no-
suite aux synodes nationaux ''B;, de national de Charenton, l'an
où il ne manquait jamais d'être iOoi , par la province d'Anjou,
choisi pour dresser et pour pour être professeur en théolo-
recueillir les actes. Ce fut lui , gie à Saumur (f) : mais cette de-
apparemment , que le synode mande n'eut point de suite; soit
national de Castres députa au qu'on crût que, comme il n'a-
roi l'an 1626, et qui remercia * vait aucun talent pour la chaire
sa majesté , au nom de la com— (F) , il était moins propre qu'un
pagnie (d). Sa Harangue est autre à l'instruction des éludians
tout du long au XIIe. tome du en théologie , soit qu'on crût
Mercure français. Ce même sy- que , s'attachant uniquement à
node le chargea d'écrire pour la l'histoire qui était sou fort , il
défense du parti (e). J'ai ouï dire pourrait se mieux signaler pour
qu'on avait principalement en le parti. Quoi qu'il en soit, il
vue les Annales de Barouius , et demeura attaché à la province
qu'on ne crut pas qu'aucun pro- de l'Ile-de-France. Le synode
testant fût plus capable que national de Charenton le lit
Blondel de les détruire. Elfccti- professeur honoraire, l'an îCLj5
vement il avait une mémoire (G) , avec une pension convena—
prodigieuse (C), et une lecture bie; ce qui ne s'était jamais pra-
tout-à-fait vaste; et il ne man- tiqué envers personne (g) (H).
quait pas de pénétration, pour Les Eclaircissemens sur l'Huclia-
faire des découvertes, et pour ristie {h)-, un gros livre Je la
tirer des conséquences avanta- Primauté en l'église (/); le
geuses d'un fait. Son style était Pseudo - fsidorus et TuirianUB
rude, etemharrasséd'uu peu trop validantes k , qui est ua ouvra-
de parenthèses (D ; maisqu'im-r ge contre les Epîtres Décrétâtes ;
porte, cela l'eût— il empêché de Je Traité des Sibylles (/) ou il
réfuter une fausseté? Il a paru s'inscrit en faux contre les ora-
par l'événement, qu'il ne se fit des qu'on leur attribue, et où
pas une affaire de la réfutation '' réfute l'ancienne pratique de
de Baronius (E) , et qu'il s'appli- la prière pour les morts ; le f rai-
té de Episcopis et Preshrteris
VVojrez /«^préface. (,7,;, plurent beaucoup aux pro-
L, auteur des Observations insérées dans * . ' J
la Bibt./i anç. xxix, 190, dit que dans la testans: mais quelques-uns deux
table du synode de Cadres, il n'y a qu'un désapprouvèrent qu'il ne s'at-
dé(Hile du nom de Blondel. Ce synode fît . i • . . . ,
deuxdéputaiions au roî.D. Blondel nefutque ,acllil1 l>as tout entier a fa con-
de , la seconde dont l'..l>jei était de faire au roi
des repre'sentaiions, sur les justes et réels ', (/ '■'.>'''-" ' <l'"re dedicaloirc ■le ses
èkefs des reformés , et non de lui adresser Acles ■«tb.iiUqw..
des remercimens. - ' ' ''' " âtpQci-dessui, citation i
d Si /'e ne l'assure pas. C'est parce qu'il * 4 ?<»<"'", en 164 1 .
n en dit rien lorsqu'il parle de ce synode.
Outre que le Mercure Français ne dit pas
David Blondel, mais simplement Blondel.
Or ..' y avait plus d'un ministre de ce
nom en ce temps-là.
(e) Voyez la préface citée ci-dessus.
(i) A Genève, en 164 1 , in-fol.
1 ■ • il ' I in-\ '
ojret
touchant ce l'^-nHo-Isidorus, la remarou»
l)A Charenton, en 16 j . in 4°.
m A Jmslerdam , en \Cj6-
/,66 BLONDEL.
troverse , et qu'il se mêlât dans inutiles à son frère (N). Il était
les disputes de l'histoire civile, encore envie l'an 1645 {p). Ce
comme quand il fit un ouvrage fut lui qui fournit le manuscrit
de Formula régnante Christo (ri), sur lequel l'éclaircissement de la
]1 y en eut aussi qui furent papesse fut imprimé (q). J'ai
scandalisés du livre qu'il publia oublié de dire qu' Amand Fla-
pour montrer que ce qu'on débi- vien est un faux nom , que Da-
te touchant la papesse Jeanne est vid Bloudel se donna à la tète
une fable ridicule (J). Après la d'un petit livre de la Liberté de
mort de Vossius, il fut appelé conscience , qui fut opposé à la
pour lui succéder dans la profes- bulle d'Innocent X , contre la
sion de l'histoire, par les cura- paix de Munster. Je n'ai point
teurs de l'école illustre d'Amster- parlé non plus des grands efforts
dam. Il s'y transporta l'an i6:5o, que firent les catholiques pour
et continua ses veilles et ses tra- attirer notre Blondel dans leur
vaux avec son application ordiuai- communion. Un de ses confrè-
re, ce qui , joint au changement res , qui ne l'aimait pas , a pré-
d'air, lui attira beaucoup d'in- tendu que ce n'était point une
commodités, et lui fit perdre la chose qui lui fît honneur. Sa
vue. On assure qu'en cet état il pensée mérite quelque examen
ne laissa pas de dicter deux volu- (0). Il a soutenu aussi que Blon-
mes in-folio sur la Généalogie del jouissait d'une pension à la
des rois de France contre Chif— cour de France , et que cela le
jlet (o). On prétend qu'il entre- détournait de réfuter Baronius
prit cet ouvrage à la prière de (P).
M. le chancelier Séguier. Il se « Il avait une manière detu-
trouva en Hollande des esprits » dicr toute singulière : il se cou-
chagrins, qui tachèrent de le « chait par terre , et avait à Pen-
rendre suspect d'arminianisme » tour de lui les livres dont il
(K), et qui blâmèrent les Con- » avait besoin pour l'ouvrage
sidérations religieuses et politi- » qu'il faisait (r). » Celui qui
ques qu'il publia durant la m'apprend cela le donne pour
guerre de Cromwel et des Hol— une chose très-vraie : il dit aussi
landais (L). Il mourut le 6 d'à- que l'anonyme, qui a fait des
vril i655, âgé de soixante-qua- Considérations libres et chari—
tre ans. Il avait deux frères plus tables sur le recueil des actes
âgés que lui, tous deuxministr s : authentiques ramassés par M.
l'un s'appelait Moïse, et l'autre Blondel, s'appelait M.Gauthier,
Aaron. Moïse Blondel fut mi- et était ministre aux environs de
nistre à Meaux , et puis à Lon— la Rochelle. Ce recueil déplut
dres , et publia un livre de. con- beaucoup aux théologiens qui
troverse , qui témoigne qu'il avait (p) Cela paraîl par ,me (ellrc „ue David
de l'érudition (Mj 0:i prétend Blondel lui écrivit le 2Q d'août i6'j5- On ta
que Ses lumières ne furent pas «ous,* au commencement du l„re français
I I sur la papesse
(«y La même Lettre l'assure. Voyez la ci-
(n) A Amsterdam , en iG^ô, in-fy>. talion précédente.
o)Fls sont en latin, et firent imprimés \r Ancilloa , Mélange critique, loin.
h Amsterdam en 1654. P"S- 4°7-
ELONDEL. 467
avaient combattu M. Amyraut. petit en soi - môme ne Test plus après
J'ai vu une lettre toute remplie les fausses conséquences et les fausses
de plaintes à ce sujet (Q). J'en *°P\™}}°™ M" on y ajoute.
. 1 i_ (w '' avait une mémoire prodi-
tirerai quelque chose. gieuse. ] M. Colomiés en dit une chose
qui en peut donner une grande idée,
(A) Il fut secrétaire plus de vingt autant que quoi que ce soit. J'ai ap»
fois dans les synodes de V lie -de- pris de Al. fossius , dit il (\<jj, que
Fiance. ] .M. Desmarets, le proies- A/.dc Saumaise étant h Paris évitait
seur de Groningue, veut qu'on ait autant qu'il pouvait de sa rencontrer
choisi liloudel pour cette fonction , à en visite avec AI. Blonde/, , parce que
cause de la beauté de son écriture. In celui-ci était un grand causeur, et
œslimio fuit apud suos fratres a que- omnia in numerato habebat, ctiam
lus sœvc propter calligraphiant jactus locos inlegros auctorum , au lieu que
est actuarius synodorum : nunquam l'autre , quoiqu'il eiil une prodigieuse
tamen in ullâ earum vel nationali vel mémoire , sscpè silebat. Des gens, qui
provinciale prœsidts aui assessoris gra- avaient ouï lîloudel en conversation
dum oblinuit (1). On ne lui donna ja- m'ont assuré que sa langue allait corn-
mais, ajoute-t-il, la charge de mode- me un torrent , et qu'il parlait de tou-
rateur , ou d'adjoint au modérateur, tes sortes de choses avec une facilité
dans les synodes. J ai ouï dire que surprenante, sans hésiter jamais sur
récriture de Blondel était la plus nette les noms propres, ni sur les années j
et la plus distincte qui s pût rair; quelquefois même, il savait dire en
mais extrêmement menue, de sorte quel jour du mois et de la semaine
qu'en peu de lignes il pouvait faire tels et tels faits étaient arrivés, (eux
de longues remarqu -s à la marge d'un qui ont fait l'Oraison funèbre de Jean
livre imprimé en grand papier. Caspar Leutzius disent que Blondel,
(B) On le députa quatre fois de déjà aveugle , l'entretint pendant
suite aux synodes nationaux.] L'un quatre heures du gros livre qu'il mé-
de ces quatre synodes ne fut pas celui ditait contre Chitllet; qu'il l'en entre-
d'Alez en i6ao , comme Ta cru .M. tint , dis-je, avec des effusions de mé-
Desmarets (1). La méprise ne serait moire quiépouvantèrent lesauditeurs,
qu'une bagatelle, s'il n'avait pas Quo (malo excita lis) nonobs tante Àm-
ajouté que du Moulin, modérateur de stelodami eum sal niantes non admisit
ce synode, fut extrêmement traversé modo, sed pe quatuor horas operis sui
par Blondel , secrétaire de la compa- qnod proie Callica contra Chillletium
gnic * , et s'il n"t ùt débité cette mes- Hispanica causœ patrocinantern spis'
intelligence comme la cause de plu- sum moliebatur , summam eis expo-
sieurs autres événemens. Quantum au- suit, qui ad prodigiosam tanti viri
tem Alolinœus suos alios duos ex or- mcmoriam obstupuerunt (5). Nous al-
dine ministerii condeputatos infensos 'ons entendre deux hommes, qui,
habuerit in Uld functione m qud ipse quoique appointés contraires en mille
synodi prœses , B/ondellus secretarius choses, et nommément sur le chapi-
Juit , et eum sœpiùs querentem audivi, tre de l'amitié pour David Blondel,
et evenlus ipse docuil. Ciim enim, etc. s'accordent sur le ] rodige de sa nié-
(3). Voilà une considération qui doit moire. Ils s'accordent aussi sur la pau-
ohliger les écrivains à éviter jus- vreté de son style; mais l'un d'eux
qu'aux plus petites fautes. Ce qui est prétend que Blondel fut si estimé en
France par les catholiques romains,
que pour le tenter on employa jus-
qu'à la promesse d'une mitre. Je rap-
porterai tout le passage. Vir exce/lens
fuit noster Blondellus, .... nam ut
prcete.ream ingnui a< 1 imomnm . judi-
cii soltditatem , mcmoriam ad prodi'
(1) Mares., in Refutatlone Prcefat. apologct.
Curcellxana; , pag. 3o4>
i.) Idem, ibid.,pag. 543. Vaynla Répli-
que de Courcrlles : elle est à la léle du Qua-
lernio Dissertationum.
* I. auteur des Observation* insérées dans la
Bibliothèque française pense que pour mieux
prouver 1 erreur de Desmarets, Bavle aunil du
Dommerles deux secrétaires , qui étaient Vieniec
et Papillon.
(3) Mansius, in RefutaUOuC Prarfat. apologct.
Curcelta:au:e, pag. i\i.
'4; Colomiés, Mélanges historiques, pag.
14, i5
(5) Apud Paulum Fretcrum, Tbeatri pag.
1180.
t68
BLONDEL.
gitan usque felicem, eloquentiam tem-
peraneam, (qttœ lamen, ut nihil est
ab omnï parte beatum , non ita elucet
in scriptis , projundce quidem ubique
eruditinriii , sed quorum gratiam ob-
scuritas aliquandà imminuit ) ad hœc
natures doua indefaligabUis diligen-
tia , quâ non vulgarem linguarum la
et ingratus ubi prœmedilatè publiée
docere debebal; prout slylus ejus utrâ-
que linguâ tant intricatus est et tôt
hypcrbatis scatet, supra diffusissimurn
quemlibet atticismum (8), ut sinej'as-
tidio legi non possit , leclorque atlen-
tus oblitus sit sœpè quomodo perio-
dum incœperit , ubi pervenit ad illius
tinœ, grœcœ , hebraicœ, ut et ilalicœ Jinem (9). Il avait dit dans la préface
quoque et luspanicœ , notiliam sibi
eompavavcrat , omne scriptorum ge-
nus pervolverat , et eorum opes in di-
l'ilem illum cordis sut thesaurum re-
condiderat. Ade'o ut nihil esset , sive
magnum, sii'e parvum , in libris pa-
trum , actis conciliorum , disputalioni-
bus theologorum , et in hislorid vetere
ac recenti , tum sacrd tum profana ,
quod ejus cngnitionem effugcret , et de
quo , inlerroghniibus , accuratè illico
non responderet , mdlusque cum eo
familîariiis ùérsaretur, qui nonsemper
do, -tinr ab ejus colloquiis discederel.
de ce même livre : Decennium est
prœter propter , ciim primum ejus ed
de re Diatribe prodiit. Sed ciim gal~
licè tantiim scripta esset , nec eo stylo
qui suum lectorem alliceret ( nam
qu'am Juit memoriosus et muhce leclio-
nis , tum J'u3-t_p/ji.Kviia. laborauit, parùm-
que Jbelix juit in suis conceplibus ,
sive patrid sive latind linguâ expri-
mendis ) ; tandem visus est uoluisse
earn sermone erudilorum extare.
(Dj Son style était rude , et embar-
rasse d'un peu trop de parenthèses. ]
Nous avons déjà rapporté le jugement
Quare omnes qui noverant, stupendœ que Desmarets et Courcelles ont pro-
ejus eruditioni assurgebant , non so- nonce là-dessus : joignons-y celui
lùni protestantes , sed etiani catholtci d'un jésuite. Càm B fonde/ lus propter
romani , qui ipsum vel infulœ epiico- sinuosas inconditœ plerurnque oratio-
oalis quamdik cœlebs l'ixit, velmag- nis ambages et inexti icabiles Trapivôé-
nœ àlLcujiié in auld , aut in curid dig- c-tuv xct't 7ra.f,s{,ya)v labyrinthes minus
nitalis il/icio in partes suas pertrahere gratus po/ilis tectoribus esse soleat , et
parati étant, nisireligiosiorem compe- bonœ causœ ojfusis tenebiis sœpiùs in-
rissent, quant ut mundanarum opum
aut honorum splendore caperetur,
Ouid dicam de morum suavilale, de
modcstid , de candore , et aliis virluti ■
bus quibus omnes honeslos viros ad
sut umorent rapicbat (6)? Ecoutons
maintenant l'adverse partie. Laudi-
bus quas hic, Curcellœe , in B/ondel-
lum congeris , calculum meum inte-
grum adjicio : Fuit vît mu/ti-jugœ
lectionis , porlenlosœ memoriœ , ju-
cundœ admodum conversationis (^) ;
Us prœsertim , qui in aliorum consor-
tio audire malunt qu'am loqui , ut tant
paritm tœdii adferret Us apud quos
eruditissimos suos sermones , linguâ
prcesertim nostrâ , torrenlis instar ad
multas horas fundere poterat , de quâ-
cunque materiâ ex improvisa ciim dis-
seret'ë oporteret ; qu'am frigidus erat
(6) Steph. Ciircellaeus , in Prrefal. apoloseti-
câ. <*/. Daillé exprime en beaux le unes , et plnf
brièvement ,,toul cet éloge . en lui de'dianl Vh-
pnloRie des Eglises réformées. Voyez ilans Pope
lilount plusieurs autres éludes, semblables.
(7) Il avait dit dans son Exercit. llldeGra-
ti'i et Kedempt. , num. 22 , 0 nru-tu Blondellus
Photius ille nostri sa;culi,et umms anliijtutatis ,
ifuoadvixit, Bi£Vioâ>tx« î{j.^,vfcjç.
commodaverit , operœ prelium visum
Juit ennuient reetprocare serrant (10).
Il veut dire qu'il a retouché la ques-
tion de la papesse. Chifllet raconte
qu'une dame de Paris , à laquelle
ljlondel avait donné son volume des
Sibylles, en lut quelques pages sans
y rien entendre, et dit à l'auteur ,
qu'il serait fort à propos que cet ou-
vrage fût traduit en meilleur français,
et qu'elle était bien fâchée et bien
surprise qu'on ne l'eût pas fait en-
core (m).
(E) Il ne se fil pas une affaire de la
réfutation de Baronius. ] On n'a trou-
vé après sa mort que des Notes qu'il
avait écrites sur les marges de son.
Baronius. Sa manière d'écrire en ca-
ractères fort serrés et fort menus fait
(8) N'aurait-il pas voulu dire aeiaticismum ?
car c'est te style asiatique qui passait pour trop
diffus.
(y) Maresius , in Refut. Pnefat. apologct.
Curcellïeana*.
(10) Pliilippus Labbe , in Joaan.-e Papissre Ce-
nôlapb. everso , ad calcem primi vol. rie Scnpt.
ecclesiast , pag. 84 1 -
(11) GUifflet. , î'n Imagine Davidis BIondelH ,
paS. 0.
bien que ces notes-là sont plus nom-
breuses ; mais enfin , ce n'est point et:
qu'on appelle la réfutation d'un au-
teur. Les magistrats d'Amsterdam
achetèrent cet exemplaire de Baro-
nius, et le donnèrent à la bibliothè-
que de leur ville. C'est là que ceux
qui veulent connaître ce que c'est
que le travail de David Blondel con-
tre les Annales de Baronius , peuvent
contenter leur curiosité. Un ministre
béarnais (12), réfugié à Amsterdam
plusieurs années avant la révocation
de l'édit de Nantes, dit que les bourg-
mestres de cette ville l'ayant chargé
de ruiner de fond en comble les XII
tomes de Baronius , il Ta fait sans
peine, par l'assistance de Dieu; et
que non-seulement il a copié les no-
tes de David Blondel , selon l'ordre
qu'il en avait reçu de ces messieurs ,
mais aussi qu'il les a collationnées
avec les Annales de Baronius, livre
qu'il n'avait jamais vu auparavant ;
et que , comme il a découvert des fau-
tes que Blondel n'a point marquées,
il a cru qu'il commettrait un péché
d'irréligion, s'il ne les publiait pas.
Quiim tuihi demandala foret ab am-
plissinis Reip. Amslelodamensis con-
sulibus provincia fundiliis everlendo-
rurn Annalium .17/ tnrnis comprehen-
sorum.... Den coopérante nil arduunt.
esse comperl (i3). . . . Ut eorum
(Consulum Amstelodamensiumjjussu
quœ Blondellus. . . . animadverlciat
non tanlurn exscripta , sed eliatn cuni
Baronianis collata , . . . . publico da-
tent (14) Non politisent) pos-
thumas animadsersiones Blondelli- ..
cum chronologicis Baronii narrationi-
bus nunqu'ani ante'a mihi vi\is conf er-
re , quin slatim ] Hœc aulcm
(ex aninto fateor) mini reli^io fuit
impio sepelire silenlio (i5). 11 publia
donc un livre l'an i(i^5 , intitulé :
Anli-liaronius JMagrnelis , qui con-
tient 140 pages in-folio. Dans mon
exemplaire , le titre ne fait aucune
mention de David blondel ; mais, dans
le Journal des Savans (16), le titre
contient cette queue : Quibus acces-
jerunt quœdam ad Baroniunt uniniad-
(13) Nomme Maçenclie.
(i3) Majenclis Anti-Baromos , Epist. déli-
cat.
fi 5) Ibidem, in Praafa'..
(l5) Ibidem.
(i(î) Du in juillet 16V9, pa
BLONDEL. 469
uersiones Dacidis Blondelli. D'ail
leurs le titre marque l'an 1679. K<
doutez pas qu'il n'y ait eu là un tour
de supercherie de libraire. Apparem-
ment on ne vendait point le livre ,
et on s'avisa au bout de quatre ans
d'en rafraîchir le frontispice , et d'y
promettre merveilles sous le nom cé-
lèbre de David Blondel. La vérité est
que Blondel n'occupe presque point
de place dans ce livre , et que si l'on
jugeait de ses notes marginales par cet
endroit-là , on les mépriserait extrê-
mement (17).
(F) IL n'avait aucun talent pour la
chaire. ] Voyez ce qu'on cite de Sa-
muel Desmarets à la fin de la remar-
que (C). J'ai ouï dire que Blondel ne
prêchait pas par méditation, et qu'il
avait une extrême peine à apprendre
ses sermons mot à mot. Ainsi la chaire
n'était nullement son fait.
(G) l.e synode national de Charen-
ton le fit professeur honoraire. ] Dès
lors, il fut censé libre de tout engage-
ment avec un troupeau; il ne fut plus
obligé à la résidence; il eut pleine
permission de se fixer à Paris , pour
être à portée de consulter commodé-
ment les bibliothèques. Ce furent les
raisons qui obligèrent, le synode à lui
conférer ce titre : voici mon garant.
Posteriori synodus) Blondello hono-
rarii professons nomen et stipf/idium
assignaverat , solutn i>incu!o quo suœ
ecclesiœ lenebatur , et faatâ ci facul-
tate sedes suas oh commoditalein li-
brorum ipsi necessanorum ad Baro-
nii promissam rejulalionem Jigendi
Luletiœ (18) *.
(H) Il fit un gros livre de la Pri-
mauté en l'église.] Cet ouvrage est
fort estimé, et réfute savamment le
cardinal du Perron. L'auteur en pré-
parait une seconde partie , commi
nous l'apprend M. Colonnes. J'ai ouï
(17} Voyez M. Baillct, dans le num. 136 des
Ami.'
(18) Samuel Maresius , Réfutai. Curcell. ,
pag. ïo\.
* Sur tout cria l'auteur déjà rite dei l'oser-
valions remarque i°. que ce ne fui pas !<• synode
national île O.arenliin qui .!e.l..u 401 D. Blondel
île son min. stère. Cela avait déjà été fait parle
synode provincial ; nais le synode naMonaJ
,!a a I>. Blondel une pension <!■■ uuV,- ji ,v.. .
outre ee qu'il recevait de la province de Vlle-de-
Frnr.e; 1". que l'acte pat
nomme etspécilie plusieurs ouvr.iges de Blondel
mais qu'il n'y <>t nullement question de la refit1,
m de Baronius
470
BLONDEL.
dire a M. D aillé , dit-il (19), que del ; et au lieu de croire qu'un homme
M. Blondel avait laissé une continua- qui avait tant lu , et dont les lumières
tion de la Primauté en l'église , près- étaient si vastes , avait pu décou-
sue aussi grande que celle qui est im- vrir le faible de ce beau conte , ils
primée. Elle est entre les mains d'un soutinrent que la bonne foi n'avait
ministre qui se tient auprès de J.ejde, nulle part à son action ; qu'il cher-
nommé Courcelles , jils de celui qui chait un bon bénéiice , et qu'a fin de
se fit arminien. l'obtenir il avait fait sa cour au pape
(I) Quelques-uns furent scandalisés de Rome, Prœlereo illos quos non pu-
du livre qu'il publia pour montrer det jaclare Blondelium in fabulant
que cequon débile touchant la papesse iransformare molitum esse qund certu
Jeanne est une fable ridicule. ] Je n'ai plurium historicorumfides de Johannd
pas voulu me servir d'une proposition prodidit , ut ponti/ici romano gratiji-
universelle , quoiqu'un fort zélé théo- curelur , et ab eo pingue aliqûod be-
logien de Groningue s'en soit servi, ncficium ertorqueret (22). Celui qui
Aliis quiritantibus de Joannœ papissœ rapporte ce jugement téméraire le ré-
Historid per ipsum suggillald ac in fute tout aussitôt , par une raison ti-
fabulam commutalâ , non sine offen- rée des choses désobligeantes pour le
sinne omnium protestantium (20). J'au- papisme, qui sont dans ce livre de
rais craint qu'on n'eût regardé cela Blondel. Malignam islam suspicionem,
comme un trait de médisance. Je me scriptum undè ca/umniandi ansam
suis donc contenté de dire que cet ou- arripuerunt , plané jugulât , in quo
vrage de Blondel scandalisa quelques tantùm abest ut partium illarum gra-
protestans. C'est un fait incontesta- tiam ambiverit , ut contra multis in
ble. Les raisons , que je m'en vais rap- locis acriler eus pungerenon dubitdrit.
porter de ce scandale , sont si peu II ajoute lire antre raison prise de ce
glorieuses , ou même si honteuses , que l'ouvrage de la Primauté en l'église
que si le théologien de Groningue ne s'imprimait lorsque l'auteur travail-
les avait avouées , je croirais que le lait à celui de la papesse. D'autres fn-
professeur arminien d'Amsterdam les rent moins iniques : ils avouèrent que
impute aux réformés , pour les tour- l'auteur avait réfuté l'Histoire de la
ner en ridicule , ou pour les rendre papesse par des raisons si puissantes ,
suspects d'un énorme entêtement, qu'ils ne voyaient pas qu'on pût y op-
Courcelles est le professeur* arminien poser rien de bon ; mais iis trouvèrent
dont je parle. 11 dit qu'aussitôt que fort mauvais qu'il eût abusé de son
l'ouvrage de Blondel eut vu le jour , loisir et de sa science pour réfuter une
il y eut des gens qui le condamnèrent tradition de cette nature. L'intérêt
sur l'étiquette du sac. Ils n'attendirent des protestans , disaienl-ils , demande
pas qu'ils l'eussent lu : ce leur fut as- qu'elle soit vraie . pourquoi faut-il
sez de savoir le but de l'auteur , pour qu'un ministre en montre la fausseté ?
dire qu'il en avait très-mal usé, et Ne valait-il pas mieux laisser aux pa-
pour se plaindre violemment qu'il leur pistes le soin de nettoyer leurs ordu-
ôtât un sujet d'insulter les catholiques res ? méritaient -ils qu'on leur rendit
romains. Non defuerunt qui audito so- en cela quelque sorte de bon iffice ;
liim eius argumenta dajnnatoriam con- eux qui ne cessent de déchirer la mé-
feslim sentenliam ferrent, indignali- moire des réformateurs? Voilà quel était
ijubdmateria sibieriperelur romano- ca- le langage des plus modérés; et c'est
lholicisposthacittsultandi,etmulierem ainsi que l'on parlera toujours lorsque
Romœ ponlificiam sedem aliquando l'intérêt de parti aura plus départ à ce
lenuissenbjiciendi(-î\). Ils cherchèrent qu'on dira , que les idées de l'ordre ,
les motifs de cette conduite de Blon- que les idées de l'honnête , que l'a-
mour de la vérité en général. Je dis en
(19) Colomes. , in Opusculis , pag. 99. géneral;el ce sont deux choses biendif-
(20) Maresms, exerdtat. III de G»t.â , num fé qu'aimerla vérité en elle-mê-
32. IL dit dans sa heponsc a l.ourrelles, pag. ' n . .
3i5 , qu'aucun réforme n'aurait voulu conseiller me , et qu aimer le parti que 1 on a une
la composition d'un livre si scandaleux; nemi- f0Js pris pour le véritable , et que l'on
*em reformatorum reperies qui Uliauctorexùtc- t bien réso\u ,Je ng prenJre jamais
k scriptioms. L J
rit istius scandalosa: !
(21) In Pncfat. npologct. apud Maresium ,
(22) Idem, il/id.
BLONDEL,
47*
pour faux. Alii erga aurtorem et opus entre Léon IVel Benoit III* Après sa
paulo œquiores,falentur quidam ipsum mort , le sieur de Courcelles fit împri-
tam efficacibus opinionem l'ulgarem ar- mer en latin oe même ouvrage , ruai»
gumentis impugnâsse, ut non videant beaucoup plus ample , à Amsterdam ,
quid ad Ma reponi cum specie possit : Tan i65y. En voici le titre : DeJoannd
sed tcimen aiunt non debuisse otio suo papissd , sii'e jamnsœ quœstionis , an
et eruditione abuti , in conjutandd fa- Jemina itlla inter LeoncmlP , et Ue-
buLi quant pro vevâ historié liaberi nediclum III , romanos ponlifices me-
proteslaiitiiim inleiiit. PrœUitisse sor- dia sederit , 'Avaxpjs-iç. Courcelles as-
des suas ponti ficus cluendasrelinquere: sure que l'auteur retint chez lui son
indignosenimessequibus noslrioperam manuscrit plus de neuf ans ; et qu'en
gain re suant commodent ; chm Luthc- commençant à y travailler, il ne son-
runt , Zuinglium , Caluinum , alios- geait à rien moins qu'à l'impression
que protestanliuni doetnres , s oie mit (26). Il avait seulement la complai-
atrocibus convitiis proscindere , quitus sance d'examiner une matière sur la-
illorum memoriam , quantum in se est ; quelle l'un de ses amis l'avait con-
toti mundo odtosam reddanl (j3). M. suite; mais il se laissa vaincre enfin
Desmarets , qui a réfute Courcelles, ne aux pressantes sollicitations de ses
nie point qu'on ne fît ces jugemens , amis, qui l'assurèrent que cet ouvrage
et ne dit point que l'on eût tort en plairait beaucoup aux curieux de l'his-
cela. Au contraire , il confirme le toire ecclésiastique. M. Desmarets as-
mieux qu'il lui est possible la pensée sure que Blondel nia qu'il eût eu au-
de ceux qui disaient que Blondel com- cime part à l'impression de son livre ,
posa ce livre pour faire sa cour aux et que par cette protestation il tâchait
catholiques romains. Nec poluit id de diminuer le scandale , et d'éviter
consiliûm BlondelL non displicere bo- la censure du synode. (Juam ( pro-
nis inter protestantes , quitus monstri mulgationem ) t'uni etiam Blondellus
quid aie re visa est prœpostera hœc di- ut se insciofactam excusabat , ad of-
ligentia in agenda causa adversario- fensionem elevandam , et censurant
ruin , ac si ip*imet ei pares non essent synodwarn cautiùs declinandam (27).
(a{) : et il rapporte (25) un passage II ajoute que le manuscrit ne fut pas
du sieur Congnard , avocat de Kouen , envoyé tout droit en Hollande , mais
qui avait écrit contre Blondel, et qui de Paris à Londres, et de Londres à
avait dit que la plupart des réformés Amsterdam : tout c. -la par précaution
furent étrangement surpris du dessein contre les censures qu'on avait à cr'ain-
de cel auteur , et qu'ils jugèrent qu'il dre : Ut si lis ulla super ejus editione
avait voulu , ou faire montre de sa suo auctori moverelur , eadem preesto
lecture, ouse mettre bien dansle grand esset excusatio qud bodiè utitur D'al-
monde. Voyez ci-dessous la remarque lœus. Franchement, je ne crois pas que
(Pj. L'église romaine est toute remplie cet ouvrage ait été mis sous la presse
de gens qui jugent la même chose de sans le su et le consentement de l'au-
ceux qui réfutent 1< s légendes : on les teur. M. Ménage contait une chose qui
traite d'hérétiques , ou de fauteurs fait à notre sujet , et qui témoigne
d'hérétiques ; de sorte que de part et qu'il n'avait pas bien retenu les prin-
d'autre , un homme qui n'a point pour cipales circonstances ; car il ignorait
but de se confirmer par ses recher- l'édition française. C est moi, disait-
ches et par ses études dans tous les il (28; , qui suis cause que David Bfan-
préjugés de sa communion , s'expose del a fait imprimer son traité de la pa-
à de grands inconvéniens. pesse Jeanne. Il n'avait Jait d'abord
Au reste ce que Blondel a écrit sur la qu'un discours en français , qu il ma
papesse a paru en divers temps , et en prêta , ei que je gardai quelque temps.
deux langues. On imprima à Amster- Je le prêtai ensuite a M. Nublé , qui
dam, en \G\~ , son Familier éclaircis-
sement de la question , si une femme
a ete assise au siège papal de Borne ,
(25) Idem, ibid.y pag. 3i4*
(34) Maxesius, exercitat. III de Gratià, paf,
(î5) Ibidem, pag. 3i?,
+ L'auteur des Olxervaliom cite une >econde
édition française , Anlster.lani , Maew, 1649.
(26) Cureellreus , in PrxT.it- apolog. , aputt
Marcsium, exercit. III de G rati:î , pag- 3 14.
(1-) -Mare.,., in Rcfutatione Prarfat. , pag.
(38) Ménagiana , pag. 344 , rdilion dn Hul-
Inniie.
4?:
BLONDEL,
le garda près d'un an. David Blondel
vint ensuite nie. le demander , el je ne
coulais pas le lui donner d abord ,
parce (pue je craignais qu'il ne voulût
le supprimer. Je lui dis que c'était un
ouvrage qui méritait d'être imprimé ,
et qu'apparemment il voulait en frus-
trer le public ; mais il m'assura si fort
qiCil voulait Y travailler et le faire im-
primer , que je le lui rendis. En effet ,
il le fil imprimer en latin , mais tout
autre qu'il n était auparavant. On dit
que M. de Saumaise , sur les premiè-
res nouvelles de ce livre de Blondel,
s'écria : Qu'on me l'apporte , je le dis-
siperai en soufflant une J'ois dessus.
Cura primùm ejus faraa ad Cl. Sulma-
sii difïusissimœ eruditionis , ut omnes
sciunt , ^iri aurcs pervenisset, exeidit
ipsi ut paru m consideratè diceret :
tradatur milii liber . ego illum uno ha-
liludifflabn(2Ç)).h[onde\ lui envoya l'o-
riginal de son ouvrage latin , et n'exi-
gea aucune condition, si ce n 'esl qu'on
le publiât tout entier , ou à la tête ou
à la lin de la réponse. Saumaise accepta
cette coudition , el vécut encore six
ans : mais , quoiqu'il eût promis de ré-
pondre , il ne le fit pas , et l'on ne
trouva quoi que ce soit parmi ses pa-
niers qui concernât la réfutation de
Blondel (3o). Le même Courcelles, qui
débite tout Cf la , assure que Rivet lui
avait écrit qu'il doutait qu'on put ré-
pondre solidement à Blondel , Plaidé
se dubitare an herà ei responderi pos-
set , et cum lectoris cordati satisj'ac-
tione. Un avocat de Rouen nommé
Congnard , répondit au livre fran-
çais, justement la même année que
Blondel mourut. Desruarets répondit
au livre latin , un au après qu'il eut
été imprimé , et l'inséra tout entier
dans sa réponse; ce qui est une preuve
évidente qu'il n'avait point aperçu
les grandes difficultés qui mettaient
en peine Rivet , ou qu'il croyait les
avoir pleinement levées; car on n'a
jamais l'imprudence de publier tout
enlier l'ouvrage auquel on répond ,
lorsqu'on est persuadé qu'on n'a pu
répondre à plusieurs difficultés : on
prend le parti en ce cas-là de choisir
(29) Curcell. , in Prtef. apologet. apud Mare-
s ■ ■•■■i, in Kefut. Pnefat. , pag. ^24.
{?>o)Idrm, ihid. Desmarets avoue lot pro-
■ de Saumaise : ici non promit Salma»ins
eujus spem fecerat amicis et milii sa-pè. /« t.e-
i..t. i\u:lat. , pag. 326.
ce que l'on veut dans l'écrit de l'an-
tagoniste, et de faire semblantde n'a-
voir point vu ce ?» quoi on ne sait que
répliquer. Il y a cent livres contre les-
quels on ne dirait rien , si l'on était
obligé de Ls insérer tout du long dans
sa réponse (3i). Il n'y a pas long-
temps que M. Spanheira, le professeur
en théologie , a écrit pour rétablir la
papesse Jeanne (32). 11 n'a pas été re-
buté parles embarras qui inquiétaient
Rivet et Saumaise. On peut dire de
son livre et de celui de Desmarets,
due s'ils ne peuvent pas convaincre
toutes sortes de lecteurs que l'histoire
de la papesse soit véritable , ils les peu-
vent du moins convaincre de l'habi-
leté et de la science de leurs auteurs.
Une lettre de M. Sarrau m'apprend
que Blondel , à la prière de quelques
personnes , ayant examiné la question
de la papesse , trouva que le senti-
ment commun était fabuleux , et com-
posa sur ce sujet un livre latin. Les
uns approuvèrent cela, les autres le
condamnèrent : ceux-ci prétendirent
qu'un protestant se rendait infâme,
lorsqu'il attaquait les sentimens or-
dinaires de son parti. Quasi probro-
sum foret viro protestantiu/n parlibus
addiclo , quidquam attulisse , quod
vulgatas suorum opiniones convelte-
ret (33). Blondel eut égard aux ter-
reurs paniques des esprits faibles , et
mit son ouvrage entre les mains de M.
Sarrau , afin de pouvoir le refuser à
des personnes qui , contre son inten-
tion , auraient pu le publier. Il re-
toucha cette matière l'an i63q , à
cause qu'il se répandit un bruit qu'il
détruisait amplement, l'histoire de
la papesse, dans un livre qui s'im-
primait en ce temps -là. C'était ce-
lui de la Primauté du pape. Pour n'a-
voir pas la peine de feuilleter tous les
cahiers d'un si gros livre , on s'in-
forma dé lui touchant ce bruit qui
courait. Il répondit qu'il ne parlait,
point de cela dans l'ouvrage qui était
(3i) M. Arnauld, s'est imaginé que son livre
du Renversement rie la Morale , était de celle
nature. Voyez les Nouvelles Je la Képublique
des Lettres, mois de novembre 1684 , article XI,
pag. 975.
| .>2, Cet ouvrage, mis en français par M. Len*
fant, ministre de Berlin, à été imprime à Am-
sterdam, eu i6ç)4- [el réimprimé a la Haye en
1720 par les soins de M. Des Vignoles. A»D.
Je l'édit. J Anist. 1
(33} Sarrav*. , F.PI !0la CLXXVIII, pag. i8r
edit. Ultrajeçti
alors sous la presse; mais , afin qu'on
sû.t quel était son sentiment , il com-
posa un Traité français qui était plus
court que le latin , et qui vint bien-
tôt entre les mains de beaucoup de
gens. Saumaise le vit à Paris , Tan
iG-fi- M. Sarrau ne voulut point dire
comment cet ouvrage fut envoyé au
libraire Blaew , qui le publia à Am-
sterdam en 1647 i mais il déclare (pie
l'auteur disait que cette affaire avait
c'té ménagée à son insu. Cette auctor
affirmai se inconsullo , quidquid id est
procurutum fuisse (34j. 11 ajoute, qu'a-
près la publication de ce livre , il y
eut des gens qui louèrent l'ingénuité
de Blondel , et qu'il s'en fallut peu que
d'autres ne l'accablassent d'injures
(35j : les plus modérés le condamnaient
d'imprudence. Quelques lettres de Sau-
maise , où il promettait de s'ériger en
protecteur de la tradition que Blon-
del avait rejetée , et de la rétablir
bientôt et facilement , consolèrent
beaucoup ceux qui regrettaient la
perte d'un argument qui , selon eux ,
terrassait l'église romaine. Recredsti
aiiimos corum qui bus dolebat eripi
sibi telum , ut arbitrantur , aculissi-
mum , quo Rctma in capite Jertretur
(36). il. Sarrau fut un de ceux qui ap-
prirent avec plaisir ce nouveau des-
sein de Saumaise ; mais il l'avertit de
prendre bien garde à cette entreprise.
Notez qu'il lui envoya l'écrit latin de
Blondel , et qu'il lui marqua que Cha-
rnier , Pierre du Moulin et M. Bochart
de Caen , trois des plus doctes minis-
tres de France , croyaient que l'his-
toire de la papesse était fabuleuse. 11
n'oublie pas de dire que du Moulin ,
qui aurait pu plaisanter admirable-
ment sur cette histoire, n'y avait ja-
mais employé le sel de ses railleries.
fllulta certè cùni scripserit ( Petrus
MoUnams ) quibus romanum suggiUit-
verit pudorem , ab istd tamenjenumi
semper manum abstinuil : et polerat
tamen i'ir non infacelus alicujus libe-
ralis joci indè caplare occasinnem. Je
ne crois pas que l'on se trompât , si
l'on ajoutait H. Basnage à ces trois il-
lustres ministres qui tenaient pour fa-
buleuse l'histoire de la papesse Jeanne.
Voyez ce qu'il a écrit là-dessus dans
(V,) Sarrav. , Epistola CLXXVIII, pag. 181
edit. CUrajectinte.
(35) Alii penè optimo viro conviciari. Ibid.
(36) IbUlem.
BLONDEL. 473
les termes d'Iiistorien des raisons de
chaque parti (3'j) : vous n'aurez pas
de peine à comprendre quelle est sa
pensée.
(K) Des esprits chagrins... tachèrent
de le rendre suspect cParminianisme.']
Il y a beaucoup de gens dans les pays
étrangers , qui se font, une fausse idée
de la liberté hollandaise et de la ser-
vitude française (38;. Ils n'ont pas tort
de dire que le tribunal de l'inquisition
espagnole est abhorré en Hollande ;
mais il ne laisse pas d'y avoir un assez
bon nombre d'esprits soupçonneux ,
ombrageux, inquisiteurs, qui prennent
garde quels amis l'on a , et qui fon-
dent là-dessus mille jugemens témé-
raires , dont ils font part à beau-
coup de gens de maison en maison ,
et surtout à ceux qui peuvent servir
ou nuire selon qu'ils sont prévenus ou
pour ou contre. Le pauvre David
Blondel s'imaginait qu'en sortant de
France , pour aller à Amsterdam , il
passerait de la servitude à la liberté ,
et il ne savait pas qu'il s'allait mettre
sous les yeux de certains espions , qui
lui feraient un crime atroce de ce
qu'il aurait des liaisons d'honnêteté
avec un ancien ami (3g) , qui avait
contribué à sa vocation , et dont la
connaissance lui était d'un grand
usage dans Ain pays inconnu. Il ne
savait pas que ces espions rapporte-
raient tout ce qu'il dirait , et qu'on
donnerait un sens sinistre à certaines
choses qui lui pourraient échapper en
conversation ; si bien que la médi-
sance fondrait sur lui avec toutes ses
horreurs et le ferait passer pour un
homme qni conspirait contre l'état et
contre l'Église. Je n'avance rien que
je n'aie lu dans les écrits d'un fameux
théologien , qui a pris la peine d'ap-
prendre au public ce tissu de médi-
sances. Quod Uli apohgiœ (4o) pro-
logum galealum prœjixerit a 'Tra.vu
Ci') Basnage , Hist. de l'Église, tom. I , p"g-
4o8 et tuiv.
(38) Une Infinité de gens s'imaginent que
personne n'ose dire en France ce qu'il pense :
cependant on le dit et on l'écrit fort librement.
D'où est-ce que nos nouvellistes apprendraient
tout ce qu'ils débitent concernant la France,
si on n'écrivait ses pensées avec la dernier*
franchise? On s'entretient encore plus franche-
ment de ces choses qu'on ne les écrit.
(3$) C'est-à-dire, avec Courcelles, professeur
arminien.
(4") Il parlé d^unouifrage de M. Dailié , tou-
chant la Grâce universelle.
474
BLONDEL. ^
Blondellus... multùm detrivit de ip- magne (4^) déplore le malheur de
sius existimatione apud plernsque , ac David Blondel qui, quelque doux et
si medilatus Juisset in gratiam remon- pacifique qu'il fût , et quelques ser-
strantiurn Eyersionem doctrines publi- vices qu'il eût rendus à la cause , ne
cœ in his ecclesiis (40 : aliis observan- laissa pas d'être expose à mille mor-
tibus intimant illani et jugent quant sures , et pendant sa vie , et après sa
cum D. Curcellœo familiaritatem co- mort.
luit ex quo vixit in Be^gio : aliis ad (L) et blâmèrent les Considéra-
animum revocanlibus liber iores quas- tions religieuses et politiques qu'il pu-
damvoccs ipsius in sententiam Augus- b lia durant la guerre de Crnmwel et
tini et synodum Dordracenam... Aliis des H d Landais. ] Nous avons vu dans
indignantibus quod justo projundiùs la remarque précédente , que ses en-
se immiscuerit negotiis hujus reipu- nemis tirèrent de là Time de leurs
blicœ (42) '" <l"d erat recentior hos- preuves de sa prétendue conspiration
pes (43)- Je laisse plusieurs autres contre l'Église. Son apologiste prétend
mauvais bruits que cet auteur ra- que c'était par haine contre les états
massa à son grand regret, dit-il (44) > de Hollande, que l'on blâmait les Con-
et néanmoins , avec un soin si exact , sidérations de Blondel ( 47 ) : maiS
que M. Daillé lui en a fait un très- on lui réplique que cet ouvrage < on-
dur reproche , après les avoir réfutés tient des choses qui devaient déplaire
tous l'un après l'autre. Hœc sunt quœ aux états de cette province , ef qui
Epicrita contra clarissimam optirui et déplurent à quantité de gens de bien ,
eruditissimi viri fantani , nul finxit et qu'il contient d'ailleurs beaucoup
ipse , aut a malevolis plebeiisque in- d'invectives contre les -parlementaires
gémis ex cogitata nwgno studio con- d'Angleterre, et contre les princes
quirenda et corradenda et in pnblicam qui , au lieu de venger la mort du roi
hominum lucem edenda putavit ; quœ Charles, se hâtèrent défaire des ligues
quant sint putida , et ad id , quod avec Cromwel (48)- Ola veut dire que
agit , conficiendum inepta , omnes si Blonde! avait encore vécu deux ou
jam intelligunt... Nunc quo nomine trois ans, il eût couru risque de se voir
appellabo illani Epicritœ diligen- accusé de crime d'état , pour avoir fait
tiam , qud is quisquilias et nugas , un libelle contre la république d'An-
parlim futiles , partim falsas , pleras- gleterre ; un libelle , dis je , qui était
que dubias et incertas , aut ipse corn- une censure violente de l union qui
mentus est , aut ex otiosorunt homi- régnait après la mort de ce ministre
num circulis ntque rumusculis studio- entre la Hollande et l'Angleterre.
sissimè collegit hoc animo , ut persua- (M) Moïse Blondel Jut ministre à
deat eximium Dei seri-um , et post Meaux ,... et publia un litre de con-
immensos in Christi vined labores , è troverse qui témoigne qu'il avait de
terris nuper in ccelos receptunt , hoc l' érudition.] Ce livre est intitule : Jé-
antequant moreretur , egisse ac medi- rusaient au secours de Genè^ e ■" il fut
tatunt esse , ut pub'icam ccclesiœ , in imprimé à Sedan, en l'année 1624.
qud degebat , doctrinam everieret(^5)? L'auteur justifie le sentiment des pro-
Depuis la mort de Blondel , les choses testans sur les livres apocryphes , par
sont bien empilées, et principalement ]e suffrage des Juifs et des pères. Le
depuis que certains esprits factieux fameux controversiste Père Veron ac-
et superbes sortis de France se veu- Cuse Blondel de plagiat. Jean Rai-
lent faire redouter par des coups nold Anglais , dit-il, a composé un
d'essai d'inquisition. Voyez , je vous gros livre in-quarto , contenant 600
prie , comment un ministre d'Aile- yeuillets ou environ 4g) • intitulé Cen-
sure des livres apocryphes du Vieil
(40 Voyez ee que dit ce même auteur dans Testament , contre les papistes , spé-
ia préface des Considération? libres tt chari-
tables snr les Actes autheat.ques de Blondel. '£6) Spizelius in Infelice LilteratO, pag .
(42) flores la remarque suivante. g V* 't s^u/,nl '
(4?)Maresius,exercu.llIdeCra,i5,nmn.22 9 „, ;„ prœrat. ,0 pag.
(44; Quœ omnia dici el jaitan m illum co \4,J x"u " '
mibi œsrius accidit, quod surama mibi cum ipso 3og.
necess.îudo semper iilercesserit. Idem, ibid. (48) Maresius , m Refutal.one Prsfat. , pag.
(45l Dallceus , m Vindiciis apoloe. , part. 30g, 3io, 3li.
III, \ao. FUI , paS. 45! . C49J M *« contint plus de 8oo.
BLONDEL.
W
cialoment contre Robert Bellarmin.
M. DC. XI... Des pièces de ce gros
volume est composé ou recueilli le
livre de Blondel , lors ministre de
Meaux , sur celte matière , intitulé ■■
Hiérusalem et Rome an secours de Ge-
nève (5o). Je ne sais point si Veron a
cru que ce Blondel , ministre de
Meaux , était David Blondel ; mais il
a été cause que Chilllet a pris l'un
pour l'autre. Chilllet , avant de pu-
blier sa réplique au gros volume de
Blondel , lâcha un petit avant - cou-
reur de trente pages , sous le , titre
de Imago Francisai eeersoris Davidis
Blondelli , ministri calvinislœ , clypei
austriaci liber prodmmus. 11 dit là
beaucoup d'injures à Blondel , qui ne
lui en avait pas été chiche ; et il l'ac-
cuse nommément de plagiat. Il pré-
tend que c'était un vieux péché en
lui , et il le renvoie aux paroles du père
Veron que l'on vient de lire. Blondel-
lum IVeoclide furaciorem, Boucheto ,
Dominico . ac Tenneurio totum ine-
quitare nihil novi est , antiquum obti-
net dum plagiarium agit , non ignorât
Itœc Pilœa , non Tyltigias. Recorde-
lur tymcinii suijœdos (lies ciim apud
Meldenses ministellum agens Oenevœ
suce ab Uierosolymis et ipsd Romd
suppetias frustra quœsivit , de quibus
Francisa f^eronis , etc. (5i). Le voilà
donc persuadé que son adversaire
était ce même ministre de Meaux ,
qui avait fait le livre de Jérusalem au
secours de Genève; mais c'est attri-
buer à David Blondel ce qui n'est dû
qu'à son frère Moïse. La méprise de M.
l'abbé de Marolles est moins considé
rable que celle-là. il donne à Blondel
le nom de Daniel au lieu de celui de
David. C'est dans le Dénombrement
des auteurs qui lui ont fait présent de
leurs ouvrages , ou qui oui parlé ho-
norablement de lui. Il dit que Blon-
del lui lit présent de son livre de la
papesse Jeanne , s'étant serin , ajoute-
t-il, d'une observation considérable (pic
je lui fis un jour dans le cabinet ds
feu M. du Puy sur ce sujet. 11 dit la
même chose dans son Histoire de
France , et marque en quoi consistait
cette observation.
(N) Ses lumières ne furent pas
inutiles à son frère. ] Voici ce que je
(5o) Veron, /7e. partie, Ve. controverse,
'rs Livres Canoniq., chap. VI , num. 3.
(5i) ChilDetii, Ima;o Francisa liversons.
trouve dans le professeur de Gronin-
gue. CœterU'ii inde apud noslros , nos~
in sœculi Pkolius dictus est B'ondel-
lus , quod ex suis et suifratris , DIo-
sis Blondelli , uiri pientissimi etdili-
gentissimi , laboribus , velerum pon-
tificum Epistolas Décrétâtes , quant
jamdiil tamen nemo sanus volebat ad-
mittere , in suo Pseudo - Isidoro et
Turriano vapulantibus , suam in vi -
terum canonum notilid periliam abun-
dè comprobdssel , et insuper diligen-
tissimè evolviiset canones et comtitu-
tiones synodorum nalionalium refor-
malarum , ejusdem Mosis fratris sui
adjutus industrid : cui comprobandœ
id proferre possim quod habeam in
meo musœo , ex manu Mosis Blon-
delli , prreter excerpta qucvdam pa-
trum grœcorum et latinorum , et Bel-
larmini opusculum de Scriptor. Eccl.
variis notis manuscriptis elucidatum ,
Disciplinant ecclesiarum Galluv nili-
dissimè scriplam , variis si holtis ex
synodorum nationafium decisionibus
iltustratam ( 5ï ). Remarquez que ce
professeur insinue qu'il n'était pas né-
cessaire de faire voir la fausseté des
Décrétales. Rapportez à cela ces pa-
roles de M. Baillet : « Au sujet du
)> faux Isidore , le père Sirmond
» appelait M. Blondel un enfonceur
» de portes ouvertes , à cause de la
m chaleur et des efforts avec lesquels
» il a poursuivi ces deux auteurs
» dont la défaite n'était , ni dif-
» ficile , ni fort considérable , après
» que tant de critiques catholiques
» avaient déjà découvert les impos-
» tares d'Lidore , et que le procédé
» de Turrien avait été silllé et cen-
» sure par les plus judicieux d'entre
» nos écrivains avant lui (53). » Ri-
vet parle bien plus avantageusement
de ce livre de Blondel (54).
(0) Les catholiques le voulurent
avoir.... Un de ses adversaires... dit
que cela ne lui fut point d"lionneur.
Sa pensée mente quelque examen. ]
Courcelles avait entre autres louanges
donné celle-ci à David Blondel, que
les catholiques admiraient de tell-
sorte son érudition , qu'ils lui oflri-
(5a) Mares. , in Refut. Priefalionis Curccll.,
pas.- i53.
(53) Baillet , Jnjem. des Savans , mm. »55
de< Critiques historiques.
(54) Voyez Rivet, Opcr., loin. Il , png
1070.
476
BLONDEL.
rent la mitre * pendant qu'il e'tait à luntate esse soleas , eam tamen citm
marier , et puis une belle charge ou quid momenti majorU pelere institue-
à la cour , ou au parlement , s'il vou- tint , religionem adhibere soles , ut
lait abjurer son hérésie ( 55 ). Desma- non temerè eiiam qui te caus^â sud
rets répond que ce n'est pas un sujet oninia velle sciât , uel sibi quicquam ,
de louange, tant parce que les papis- vel amicis ausit poslulare quod te fri-
tes tendent le hameçon en tout temps buere \>el indulgere i?iinàs dignum fi-
el en tout lieu, que parce qu'une hon- deatur, edquere in te concernât , quod
nête femme ne met point parmi ses de Cato/ie Tulliunt dixisse legimus :
éloges d'avoir résisté à des proposi- ô te feîicem , M. Porci , à quo rem
tions impudiques. Sed nec ad laudes improbam petere nemo audet (5-j) !
ipsius pertinere mihi videlur quod eum Mais tournons la médaille , nous ver-
libenter corrupissent pontificii , cùrn rons que le professeur de Groningue
hnnanhamus ubique pendeal , nec so- a mal censuré Courcelles. 11 n'est pas
leat honesta mationa suis laudibus ac- vrai, généralement parlant, qu'une
censere quod impudicis sotlicttationi- honnête femme ne doive pas s'estimer
bus quondam restiteril (56). Cette der- digne de louange, pour avoir souvent
nière maxime n'est pas absolument résisté à de mauvaises sollicitations,
vraie : elle a besoin d'être vue d'un Toute famille, qui peut citer une telle
certain coté , pour ne point paraître ou une telle , qui ont résisté aux offres
fausse. Il est honteux à une femme d'un grand financier , ou d'un grand
qu'on lui ait fait des propositions d'à- prince , croit se couronner de gloire
niour; car cela fait voir qu'on n'a pas (58). Plus les tentations ont été fortes
eu trop bonne opinion de sa vertu ; et et fréquentes , plus s'est-on assuré paî
ainsi , toute femme , qui se vante d'à- de bonnes preuves que l'on aime l'hon-
voir résisté à des sollicitations impu- neuret la vertu, et que l'on est digne
res, fait savoir en même temps qu'elle d'être estimée et louée. Il y a des rela-
n'avait pas su mettre sa réputation tions qui portent que les plus hon-
sur le bon pied qu'il fallait, ou inspi- nêtes femmes en Espagne sont bien
rer tout le respect qu'une femme ver- aises , quand elles sont seules avec un
tueuse mérite. En ce sens-là , on doit homme , qu'il leur demande jusqu'à
admettre la maxime du censeur de la dernière faveur , et qu'elles trou-
David Blondel. On m'accordera sans vent fort mauvais s'il ne le fait point,
doute que , de deux femmes également Ce n'est pas qu'elles veuillent l'accor-
belles et charmantes, et engagées dans der ; mais elles se font un plaisir de
le monde , celle qui n'aurait jamais ne l'avoir pas accordée à des prières
essuyé aucune proposition malhon- ardentes. Après tout , on a eu raison
nête aurait plus de lieu de se vanter , de louer Blondel par l'endroit que Des-
que celle qui aurait souvent repoussé marets a critiqué. Les catholiques de
le tentateur; car ce serait une preuve France n'auraient point employé tant
que celle-ci n'aurait pas imprimé de promesses , s'ils ne l'eussent consi-
comme l'autre sur sa conduite ce ca- déré comme une personne de grand
ractère de sagesse, qui persuade qu'on mérite. 11 y a beaucoup de différence
serait très-mal reçu , et qu'à coup siir entre un ministre à qui Ton offre des
ce serait peine perdue que de faire le honneurs s'il change de religion , et
soupirant , et ce qui s'ensuit. Il n'y a une femme que l'on cajole avec des
point de louange plus délicate , que présens. L'action qu'on propose au
de dire à un ministre d'état , qu'il est ministre n'est point mau , aise dans les
semblable à Caton , à qui personne principes de ceux èjtri en font la pfo-
u'osait demander une chose injuste, position , et. l'on n'exige point qu il
Scioppius s'est servi de cette pensée la fasse pendant qu'il la croira niau-
cn louant un cardinal : Erga amicos vaise (5g; : on l'exhorte à s'instruire ,
porro quanwïs exinud et constanti vo- et on lui promet que s'il peut se desa-
._ ., . , . . . _ , (5n) Scionpius, Epia, dedicator. Elementor.
* Leclerc ne voit dans les paroles de Courcel- p],;) ' illa! flojca, Moralis , ad Cjrnthmm cardi-
les , qui sont rapportées dans la remarque (C) , nalem sanctl èekrÀi. Celle exclamation de
qu'une simple imagination du panégyriste. Cicéron se trouve dans la préface de Pline.
(55) Curcellteus , in Pra;f. apolog. , pag. 338. (58) Voyez le George Dahuin de Molière.
Voyez ci-dessus la remarque (C). (5,() On ne parle ainsi que des honnêtes cen-
(56i Mares. , in Uefutat. Pisefat. , pag. 338. vertîfieWJ.
BLONDEL.
477
buser , on récompensera largement la
peine qu'il aura prise à chercher et à
trouver la vérité. Mai? ce qu'on pro-
pose à une femme est une mauvaise
action , et selon ses principes , et se-
lon les principes du tentateur.. On ne
peut donc la tenter sans lui faire af-
front , c'est-à-dire, sans la croire très-
capable de faire une chose dont elle
connaît la saleté : ainsi la comparai-
son de Desmarets n'est point juste ;
car on ne fait pas d'injure à un hom-
me , lorsqu'on croit qu'il sera capa-
ble de connaître ses erreurs , et de
donner gloire à la vérité , ou , ce qui
est la même chose , lorsqu'ou le sol-
licite à changer de religion. Je suis
bien assuré , que si M. Desmarets
avait en à faire le panégyrique d'un
ministre qui eût refusé cent beaux
avantages que les catholiques lui au-
raient offerts , il en aurait tiré la ma-
tière d'un bel éloge , et qu'il n'aurait
pas fait scrupule d'avouer lui-même ,
comme un exploit remarquable , la
force qu'il aurait eue de résister aux
tentations de celte nature. Admirez
en passant le pyrrhonisme qui règne ,
sans qu'on le sache , dans la plupart
des disputes. 11 y a cent maximes qui
sont vraies d'un coté , et fausses de
l'autre. Ou s'en sert tour à tour , ou
pour sa cause , ou contre ses adver-
saires : mais est-ce le moyen de par-
venir à une légitime certitude? Voyez,
outre ceci , touchant les louanges que
mérite une honnête femme , ou pour
n'avoir point été sollicitée , ou pour
avoir souvent résiste à do mauvaises
sollicitations, toute la remarque (D)
de l'article de Judith.
(P; On n dit qu'il jouissait d'une
pension à la cour de France , ei (pie.
cela le détournait de réfuter Baro-
nius. ] Desmarets déclare que Blondi 1
lui avait dit qu'il se trouvait impor-
tuné dflS atl laits du monde (C>*)- II
ajoute que d'Emeri , surintendant des
finances, pavait une pensiou à ce mi-
nistre , el que celle pension l'obligea
à publier sa papesse Jeanne. JPfec <lu-
î'iuni (juin Blondellus in sud papissâ
motteratioiiis laudem sibi comparare
^■tducrit, preesertim quo tempore eum
m suis slipendiis ex annud pensione
habeuat supremus cerario prœjectus
(Cm) Maicsius, in Relu:. Prîefat. Curcellxan.,
pas. 3o5,
(6i). XJbi ( Lutetia: ) tamen nihil mi-
nus quitta Baronio i>acavii ■ sed con-
juncld I). d'ICmeri , summi prœfccti
œrario regio , pensione , cum eccle-
siarum stipendio , animum appulit ad
eaquœab illd professione honorarid,in-
ter reformatas , satis remotaerant. Onœ
etiam offensioni fuisse multis piis et
bonis viris , mihi abundè constittt cum
essem Lutetiœ. Undè nalum consilium,
de ipso in Betgium, si pote foret, trans-
mittendt), quo sic et Mis sumptibui sibi
inutitibus ecclesiœ liberurenlv.r, et ipse
expediretur ex aulœ et sœculi inesca-
tionibus , quas et sibi graves et impor-
tunas esse , apud me tum satis apertè
piofessus est. Si l'on eût demandé à
cet auteur d'où il savait que d'Emeri
faisait pension à Blondel , il aurait
pavé d'un ouï-dire **,
M, Ancillon nous apprend un fait
assez étrange : « Je scay deluy , que
)) M. le président de Mesmes , très-
» cath. rom. pourtant , luy donnoit
» douze cens livres de pansion par
» an , afin qu'il écrivist contre la pri-
» mauté du pape ; et qu'un conseiller
» du parlement de Paris , aussi très-
» cathol. rom. , qu'il m'a nommé ,
» mais dont j'ay oublié le nom , luy
» donnoit six cents livres de pension
» pour le mesme sujet : el que , pour
» satisfaire à ces deux messieurs , il
» avoit lait ce gros volume in-folio ,
» de la Primauté du Pape , (pie nous
» avons de luy , qui sert de réponse
» au livre que le cardinal du Perron
» a écrit contre Jacques 1'1 . , roi de
» la Grande-Bretagne ( 63 ). » Il fal-
lait , ou que ces deux magistrats n'eu--
sent que le nom et l'extérieur de ca-
tholiques romains , ou que leur peu -
sionnaire les trahît ; car on ne peut pas
soutenir plus fortement les intérêts
du calvinisme, que Blondel les a soute-
nus danssonouvragede la Primauté *' .
(Gt) Tbid. , pas- 3i3. Voyez ainsi la prélat t
dr ton Epicrisis tlicoloijica adversin Job. Dal-
lai Apologiam.
*' Ia4*erc trouve celle remarque Irès-jusle et
•lit que fiavle, ..(• r.'- ^ l'avoir faite, aurait . 1 Cl
moins se fier à Desmarets , qu'il a ln.p copié
dans cri article.
(6a) Mélange critique de Littérature, loin. I ,
pas- 4''"
*a Leclerc «lit que si le récit d'Anrillon est w..i
(ce dont il «Imite ; , I). Blondel serait un urand
fourbe, puisque dan* s.i préface il dit n'avoir
écril ce livre qu'a la pneie .les calvinistes
confrères.
O. Traité tir la Primauté du Pape est daté
•le Kouci. Blondel élaii en ell'et ministre liant
BLONDEL.
est dès son entrée rendu
sa façon de vivre n'était
m \vqj a en ici uuinc i cj trtivuguMG K«/tnc wc sa jerrune.
de m'en communiquer l'original : elle Après cela , on s'étend sur les éloges
est datée de Delft , le 24 de juin 1 655. de M. Kivet , et Ton assure que les
On y voit que les deux personnes , mémoires qu'il a laissés de sa vie
que M. Blondel avait le plus maltrai- contiennent un véritable récit de ce
tées étaient M. du Moulin et M. Ri- qui s'est passé en ces matières de con-
vet , avec lesquels pourtant il faisait troverse , depuis le synode national
profession d'une singulière amitié , et de Tonneins en l6i4 , où il fut secré-
desquels il était sincèrement aimé , taire ; et que par - là il est aisé de
comme il se peut prouver par les bons connaître sa modération. Je souhaite ,
offices qu'il en a reçus , et par les re- c'est mademoiselle du Moulin qui par-
connaissances qu'il en a témoignées, le , que cette piquante pièce ne tombe
On pourrait produire des lettres de lui point entre les mains de mun père ; car
par tlouzaines , écrites à M. Rivet ; je craindrais qu'en son âge infirme il
par lesquelles il le traite de père , d'à- ne fut trop rudement frappé de coups
mi fidèle , de protecteur , et de bien- qui ne peuvent être reçus comme bau-
faiteur ; et était aise à croire qu'il par- me , et qu: n'ont rien de la fidélité de
lait selon le sentiment de son cœur; l'amitié. Ne doutons nullement que
car il devait à lui seul la charge qui M. Rivet n'ait employé tous ses bons
l'avait tiré d'incommodité i etdu péril offices , pour attirer en Hollande M.
où les plus judicieux le croyaient en- Blonde! ; car il paraît par les lettres
ferré, lorsqu'il était a Paris entouré de M. Sarrau , qu'on le pria de se mê-
des grands , et occupe a leur généalo- 1er de celte afiaire , et. qu'on lui en fit
gie. Cette bonne âme, qui veillait sans voir l'importance. Utinam vero cogi-
cesse a prévenir les scandales , crut tare vellelis de Blondcllo nostro , qui
qu'il le fallait tirer de ces pièges, afin hic plané ad alienum scribil et vivit
aussi que ses dons fussent employés arbilrium. Posset islic , honorariœ
en choses plus utiles. Il employa tout fungens professionis munere, singulis
son crédit pour parvenir ason but(65), unms singulos Annalislœ tomos con-
a quoi se rencontrait tant d'obstacles , fodere et alla , quœ mortalium nemo
qu'un ami moins constant se fût rébu- qUeat prœstare , ad Historiœ Eccle-
té ; et je suis témoin des peines et ja- Siaslicœ purissimum intctlectum. Idem
ligues qu'il a souffertes a ce sujet : et
combien qu'il fût trop accoutumé a
être paye d'ingratitude, il n'a jamais
appréhendé cela de celui-ci , qui lui
témoignait des reconnaissantes si vi-
ves , et qui avait besoin de son sup
„.*.„ — —. , —
senbo Hivelo • hoc agite : nos adjuto-
rein habebitis (66).
Notez que M. Ancillon observe que
l'auteur des Considérations libres et
charitables sur les Actes authentiques,
... — r tj,u fuient imprimées à Groningne ,
port continuel en un lieu où il n'eut pati 1668, avec une préface deM Des-
pas le bonheur d'agréer d'abord ; et niants , traite très-mal 31. Blondel
le tout se pourrait voir par ses lettres (67). Cela , quoiqu'assez ordinaire ,
qui sont entre les mains de M- Rivet est srandaleux dans le fond; mais le
le fils. Un peu plus bas , dans la mê- pis est que cet auteur et Blondel ne
me lettre de Marie du Moulin ,011 lit s'accordent pas sur la narration des
ces paroles : // avait fort peu a amis faits. On a vu la même discorde entre
en ce pays, sinon entre les arminiens, la narration de M. Bivet , et celle de
M. Amyraut. On pardonnerait à ces
messieurs de n'avoir pas les mêmes
66 Sarr;,vius, Epist. CL*\'I ad Salmas. ,
paB. .70. Voyel aussi la Lettre CXC1V , qui
n'est pas de Saumaise a Sarrau, comme on le
marqué au commencement, mais de Sarrau a
Sanmaise. _.
(6n) A ncillon , Mélanges critiques, tom. J,
paç. 408»
cette ville, et cependant, ajoute Leclerc, Bayle
n'a pas fait mention de ce poste de Blondel.
(63) EVe est morte a la Haye, au mois de
février 1G99.
(64) Dont je parle dans la remarque (L) de
l'article Bore , et plus amplement dans la re-
marque (F) de l'article Wilhem.
(65) C'est-à-dire , pour le faire appeler a
Amsterdam.
BLONDEL. , 47î)
pensées sur des matières difficiles . et ni n'adoucit la flétrissure que
d'expliquer diŒremment je système pOIl imprime sur ]a mémoire <]u
de la Grare ; mais quand il s agit de ï t * I • • i i-
narrer des faits , ne devraient-ils pas dehint. Je ne sais Si les livres
être uniformes ? Que peut on penser , qu'il promettait au public sont
quand on voit qu ils s'entre-réfutent imprimés (E). Il ne faut pas
sur les narrés historiques de ce qui omettre que le grand soin qu'il
S es! liasse sous leurs veux . Feut-on . . x3 ° ,. , Tl
bien s'imaginer qu'il n'y a là qu'im- avait Pris de se remplir degram-
bée.illité de mémoire ? N'est-on pas maire et de critique , et de se
tenté de dire que l'un ou l'autre parti charger d'une érudition sauvage,
agit de mauvaise foi ; ou plutôt que ne pavait empêché de se mu-
de part et d autre , il y a de 1 artifice • j /• i i -
et de la ruse , et que chacun narre ce nir des finesses les plus profon-
qui lui est avantageux , et supprime des d'un malin persécuteur (F),
le reste ? Cette contrariété sur les faits et de savoir cacher sous cette en-
règne partout Nous en vîmes inn , fa- veloppe la violence du tempe-
meux exemple 1 année passée 001 dans l l T1 , . l
les relations sur le quiétisme. rament. 11 ne s opposait aux
nouveautés , disait-il , nue par
(fiS) C'est-à-dire , l'an ifkfl. ji , t .. , ' * l.
zèle pour la vente et pour la
BLONDEL (Fraxçois), pro- gloire de Dieu. Il ne faut pas le
fesseur en médecine dans l'uni— confondre avec un autre Fkax-
versité de Paris , était un fort cois Blovdel , médecin , qui a
savant homme ; mais sa science fait un livre sur les bains d'Aix-
était indigeste (A); et d'ailleurs la-Chapelle: Thermarum Aquis-
son entêtement contre la chi- granensium et Porcelanai unt
mie et contre l'antimoine rem- DcscrijJlio : eongruorum quoaue.
plit de troubles et de divisions ac salubrium usuum balneatio-
la faculté. Guy Patin , quoiqu'il nis et polalionis Elucidatio. \ oi-
fùt de son sentiment sur l'anti- là le titre du livre. Il fut impri-
moine, ne laissa pas de parler de nié à Aix , l'an 1671 , in-12.
lui comme d'un grand chicaneur /A, ^ , . . ,. -,
L ,, . , 0t , -t,, (A) fia science citai tndisreste. \
et dun méchant ecnvain (B). « Notre M. Blondel est uu homme fort
Personne peut-être n'a caracté- » savant; mais qui écrit d'un style ob-
risé d'une manière plus ingé— » scur et embarrassé». C'est ainsi que
nieuse ni plus agréable ce mede- p"* P:îHtl f,D »,arle ,lans sa CCCCVe-
r, . ° T . . lettre (1). 11 dit en un autre lien , que
cm , que le sieur Lami ; _ mais le sty\e Au pere Théophile Raynaud
comme il en avait été persécuté, est pire que celui de Lipse . li Jolet
il faut prendre garde si la pas- Lipsianum , quo tamen est mûllb de-
sion n'a point trop de part au ^r^^)^\" q»''l »J ? aujourd'hui
..1,1 1 , » aucun auteur qui ccnve de même ,
tour malin qu on remarque dans „ si ,.,. „,.,, pent-étrè M. Blondel no-
sou portrait de Blondel (C ,. Rien » tre doyen , qui , bien qu'il soit un
ne témoigne avec plus de force » des plus savans hommes du monde,
le peu d'estime et d'amitié qu'on " ■fe?5 cette espèce de barbarie,
1. , 1 - >; et edilem scabie litborat cum 1 crlul-
avait pour ce docteur, que de „ Liann (3). „ Voyez d'autres tëmoi-
voir de quelle manière sa mort a
, ? x , -, 1 ai /-> (1) Pac.too du tfl*. tome, rdu. de Genève.
ete annoncée dans le Mercure Lira- (-., p.tin, Lettre clxxhi , pa^. es du w.
lant du mois de septembre 1682 t0'"r: T - 1 . , r> . , 1 .
1 A f (i) La me, ne , crue leltre de P.itm e<t datée
(D). Pas llll terme d'honnêteté du an avril .1660. Blondel fut fait doyen de la
j 11 facuhe' de médecine le i de novembre i658.
n accompagne cette nouvelle, Wun.ieureCXXiv, u>m. i.r«s 48*
4&> BLONDEL.
gnages de ses études indigestes , dans connaît comme les jardiniers. Il en
la remarque (C). sait des vertus à la manière galénique.
(B) Patin.... parle de lui comme 11 en mesure les degrés de froid et de
d' un grand chicaneur, et d'un méchant chaleur, avec une justesse qui sur-
ecrtvain.J « Notre M. Blondel.... est prend tout le monde. Il en cultive plu-
» plaideur et chicaueur , et aime les sieurs avec beaucoup de soin. Il a
» procès : il aime mieux plaider qu'ac- tant d'aversion pour la chimie , qu'il
n corder et terminer les querelles. Il ne saurait en ouïr un seul terme sans
» a un procès contre Tlievart le Ca- se récrier. Il a une très-grande incli-
» mus , qui est un autre méchant nation pour enseigner sans aucun in~
» chicaneur. Il a fait un grand fac- térét, et sans qu'il y soit obligé. Je
» tum pour sa défense ; mais il n'y en vous assure que je l'ai vu se donner la
» a encore que deux feuilles impri- peine de venir tous les jours de la porte
> niées : ilm'adit qu'il y en aura huit, de Saint-Denis à nos écoles , pour un
» lise plaint fort de monsieur le pre- seul écolier , qui le quitta enfin, par-
» mier président , qu'il pensait , à ce ce qu'il n'était pas assez savant pour
» qu'il dit , être son ami : je ne sais Ventendre , et que l hébreu et le grec
» ce que c'est que tout ce galimatias dont ses discours étaient remplis ,
» de gens chicaneurs. Dès que le fac- étaient pour lui des langages point ou
y tum sera achevé, je vous le ferai peu connus. Il est vrai que ce monsieur
» tenir , comme aussi un livre qu'il est très-curieux des étymologies , et
» promet de f^omitu , Stibiique vene- tâche de ramasser dans ses traites tout
» no , par lequel il veut prouver que ce qu'il a lu autrefois. De façon que
» l'antimoine est poison , puisqu'il dans un livre qu'il voulait faire du
» fait vomir (4) Cet homme aime vomissement , et des remèdes éméti-
» trop à plaider: c'est pourtant grand ques , il donna une préface de la chi-
» dommage ; car c'est un très-savant nue ; et , pour en trouver l'auteur , il
» homme (5). » remonta jusqu'au delà du déluge , et
(C) Il faut prendre garde si la pas- fît une question , savoir si Tubalcaïn
sion n'a point trop de part au tour ma- en avait été l'inventeur ; parce qu'il est
lin qu'on remarque dans le portrait dit de lui au 4e. chap. de la Genèse ,
que le sieur Lami a fait de Blondel. ] qu'il faisait des ouvrages de cuivre et
Comme il y a beaucoup de lecteurs de fer. M. Lami ajoute que M. Blondel
qui veulent trouver dans un diction- l'accusa en plein auditoire d'avancer
naire , non-seulement un abrégé de la une hérésie, parce qu en disputant
vie des personnes , mais aussi ce que contre une thèse ou l'on s était déclare
Ton a dit des mœurs et du caractère pour le mouvement des cieux , il ob-
des gens , je ne pense pas que l'on me jecta que la rapidité du premier mo-
blâme de transcrire quelques mor- bile serait incroyable , puisque, selon
ceauxdu livre de M. Lami. C'est un le système de Copernic %1 equateur de
denos plus anciens docteurs, dit-il (G), la terre va aussi vite qn un boulet de
en parlant de M. Blondel, qui passe canon. L'accuse reponditçw dpouvail
pour savant chez quelques-uns. Il a J avoir de l'erreur dans la supputation
beaucoup lu, et sa mémoire est fort qu'il faisait ; mais qu'on ne pouvait
heureuse. Usait fort bien décider s'il jamais dire qu'il y eût de l hérésie ,
faut lue un mot grec , ou un autre , puisque ce nest pas un point de reh-
dans Hippocrate et dans Galien. Il les gion de savoir bien compter. M. Blondel
idolâtre en telle sorte , qu'il ne veut repartit que ce n était pas la unfait de
entendre parler que de ce qu'ils ont dit; médecine. J en demeurai d accord ,
et les vieilles erreurs sont plus de son dit M. Lami , et la-dessus, un docteur,
sont , que les ventes nouvelles. Il sait prenant mon parti , lui du que puis-
fort bien les noms des plantes , et les qu'on avait mis la proposition dans la
thèse, je pouvais disputer contre. lit
(4) C'en Patin qui parle dam sa CCCCV. bien, répliqua M. Blonde/. , qu'il
Lettre, pag. îoo du III'. tome. prouve que la terre tourne , mais qu'il
(5) Là même, pag. 2o3. Voyez aussi la le prouve médiciiu dément. Je vous
Lettre CCXC , au IIe. tume , pag. 545. avoue que je ne pus le faire , et qu'il
(6) VoreilaWc. Lettre quiest au-devant de fauut cn demeurer là. Un écolier de
ses Discours anatoiniqucs , impr:mes a lioueti J . . . ,
„ ,5,5. médecine , qui a de l esprit , et qui n a
BLOJNDEL, 481
rien à démêler avec M. Bloudel , ni nous avons fait un doyen nouveau :
aucunsujet de lui imposer , m'a assuré ■ c'est AI. Blnndel, dont le troupeau
que dans nos écoles il avait dit une antim mial est fort étonné et fort
fois que tous ceux qui emploient te muni. On croit que c'est lui qui est
chincliina pèchent mortellement , et l'auteur de V Aletophanes , pièce cu-
qu'ils /ont un pacte implicite avec le rieuse comme vous savez contre l' an-
diable. Et, pour montrer que la guéri- timoine et les principaux antimo-
son qu'on obtient pur ce remède est niaux , et principalement Guer.aut ,
magique , c'est , disait-il , qu'il agit des Faugerais , Rainssanl , JYlauvi-
sur toutes sortes de tempérament, et lain, Saint-Jacques et Thevarl (g).
qu'après un certain temps la maladie Touchant le Traite de Vamiiu ,
revient ; ce qui a clé reconnu de tous voyez les remarques (R) et (C).
ceux qui ont écrit contre les magi- \F) I! s'était muni des finesses d'un
ciens , pour le véritable caractère malin persécuteur.'] Si quelqu'un ne
d'une gtu rison diabolique. s'en veut pas rapporter au témoignage
(D) Sa mort a été annoncée dans le que Ion va lire, à lui permis. Pour
Mercure Galant du mois de septem- achever ma première peinture , c'est
bre 1682. ] Voici les paroles de M. de M. La mi qui parle (10), je vous dirai
Vizé. Lu faculté de médecine de Paris qu'il se pique de beaucoup d'intégrité ,
jouit a présent d' un grand repos par la qu'il semble Jouler aux pieds tous les
monde M. Bloudel. // demeurait seul intérêts mondains , pour maintenir nos
obstinément opposé à l'approbation statuts dans leur vigueur • que tout ce-
générale de l'antimoine , dont il corn- qu'il dit , ou ce qu'il fait , est toujours
battait l< s bons (Jj.ts , ayant telle- appuyé d'un motif jorl louable , et
ment trouble depuis trente ans cette qu il ne fait jamais île mal a personne
d>iete compagnie , qu'elle a paru que par charité, M. Bloudel était l'un
toujours divisée. Comme apparemment des huit examinateurs qu'on avait
ses opinions mourront avec lui , il y a donnés à M. Lami , et il pria l'un
lieu d'espérer que la concorde et la d'eux d'avoir des njj'aires tt de ne se
paix ne manqueront pas à s'établir point trouver à l'assemblée ; et puis,
parmi tant d'honnêtes gens (7). 11 sous prétexte qu'ils n'étaient que sept,
est certain qu'en plusieurs lieux la il empêcha qu ou oe décidât. Il mou-
mort d'un seul professeur est plus effi- tra des remarques beaucoup plus
cace pour le rétablissement de la grosses que le livre de M. Lami, qui
paix , (pie les médiations de cent as- tendaient à empêcher l'impression.
semblées : mais est on assure que ce 11 disait que les sentirai us de .M. Lami
grand perturbateur du repos public étaient contre Galicn , contre les sta-
n'aura pas bieutôt des successeurs ? tuis , contre la Suinte Ecriture. L'exa-
Cette espèce de gens ne tinit point, minateur absent fut tant prié de se
uno avutso non déficit aller. Puisqu'il rendre à rassemblée un jour qu'un
faut que le genre humain soit maltieu- avait marqué , qu'il s'y serait rendu
reux en ce monde , ces geus-là sont effectivement, si M, Biondel ne lui eût
nécessaires : ce sont des parties essen- fait dire que la conférence ne se ferait
tielles à la société civile. pas. M Lami s'était rendu de bonne
(E) Je ne sais si les livres qu'il pro- heure au lieu de la conférence: c'était
mettait au public sont imprimes.] Dès chez M. Bloudel. Il avait attendu deux
le mois d'avril 1657, son Traité île heures, et s'était bien ennuyé à ne lui
Pleuritide ne demandait que trois entendre rien dire de si trivial , qui
mois pour être achevé (8;. L'auteur ne fût tout aussitôt appuyé du téinoi-
en était au chapitre de Purgatione , gnage d'Hippncrale, de Platon et
qui devait être une méthode gêné- a'Aristote. On vint avertir .M. Bloudel
raie, et contenir de belles choses non qu'on le demandait : il sortit de sa
communes de orgasmo Hipp. et sur chambre, et y rentra peu après poui
l'explication de l aphorisme 22 , sect, dire a M Lami, que le docteur que
t. Voici ce que .M. Patiu rapporte en Ion attendait faisait dire qu'il ne
un autre lieu : Le matin, 2 novembre,
(7) Mercure Galant de septembre i68a , pag-
(S l'jtin, lettre CXtU , loin. I,pag. 436.
TOMfc lit.
(9! Lettre CXXIV, dale'e du S novembre i653,
loin. I , pag. 483.
( 10) Lami , lettre IV au-devant de ses Discours
aoatomiqaes.
3.
48a
BLONDEL.
a
sur
pouvait point venir. Il blâma extra- des charges considérables à
memenl la négligence de ce monsieur , gUerre , tant sur mer que
continue M. Lami , qui manquait tou- {[ g conduit quelques
inurs aux assignations , et qui me '. . • i •
donnait tant de peine Voyez la négociations auprès des princes
bonne foi et l'intégrité de ce monsieur, étrangers ; de sorte qu il était
qui a toujours Dieu et les lois dans la parvenu jusques à la dignité de
Louche , pour justifier ce qu'il fait. é j , d t à u j^
Lorsqu'on crut avoir mis a bout toutes luc" 1 '
ses chicaneries, il se servit de celle- conseiller d'état. Il eut 1 honneur
ci : il présenta ses remarques, et, par d'être choisi pour montrer les
Ull artifice qu'on ne peut assez détes- mathématiques .à M. le dau-
ter, il apporte dés propositions sépa- , { j ■ d é
,ee* Je* «ufres guf les rectifient, et F"1" » . j 1.,
<W véritablement seules ne pouvaient le dessin des nouvelles portes
pas passer. On contesta , on lut les qUi ont été faites à Paris depuis
endroits du livre, et après bien du ia guerre de Hollande de 1672,
bruit on résolut ££&£ Çgg. et |e tous les embellissemens qui
pourvu que la jaculte de tneoiogie , , . . . -, '1
vouldt l'approuver. Cela suffit à Blon- ont ete ajoutes a cette capitale
del pour parvenir à ses fins ; car les du royaume (a). Il a même fait
théologiens , qui lurent le livre , rae que]qUes_unes des inscriptions
qui se voient à ces nouvel les por-
tes ; car il n'était pas moins ver-
sé dans la connaissance des belles-
lettres , que dans celle de la
voulurent signer ni pour ni contre, et
M. Lami ne voulut pas s'engager à
leur prouver que son livre ne con-
tenait aucune hérésie. Dans quelle
mer serait-ce m embarquer ? dit-il :
j'irriterais contre moi ses flots en si
i'irritprais contre moi ses fiots en si , , ■ * "1 1» a '
j irriterais curui* 1 i j géométrie , comme il 1 a temoi-
«rand nombre qu ils m enseveliraient 5 , ' . ,.,
Infailliblement, quoiqu avec injustice, gne par la comparaison qu il a
La multitude, qui n'a point de dis- publiée de Pindare et d'Horace.
cernement , s'imaginerait qu'ils com
battraient pour l'intérêt du ciel , et
croirait faire a Dieu un sacrifice
agréable, si elle m'en faisait la vic-
time.
BLONDEL (François) , pro-
fesseur royal en mathématiques mourut le 1
et en architecture , a été fort es- 1686 (b).
timé pour l'intelligence qu'il s'é-
tait acquise dans tout ce qui re-
garde celte profession. Il avait
été gouverneur de Louis-Henri
de Loménie , comte de Brienne ,
et il accompagna ce jeune sei-
gneur , déjà reçu en survivance
de la charge de ministre et se-
crétaire d'état : il l'accompagna,
dis-je , dans le voyage qu'on lui
fit faire, et qui commença au
mois de juillet i65ï , et finit au
mois de novembre i655. La Re-
II a été directeur de l'académie
d'architecture, et membre de
l'académie royale des sciences.
Nous avons un grand nombre
de livres de sa façon (B). 11
jour de février
(a) Voyez la Description de la ville de
Paris, imprimée en i6b^-
(b) De Witte, in Diario Biograpl).
(A) La Relation latine du voyage
qu'il fit avec le comte de Brienne a
été imprimée deux fois. ] La première
édition est de Tan i6Go, et ne con-
tient, que 39 pages in-12. La seconde
fut procurée par Charles Patin , deux
ans après , et contient 96 pages in-h0.,
y compris Y Index geographicus (1),
qu'on y ajouta , et sans compter plu
sieurs vers latins que les plus excel-
lens poètes composèrent à la louange
du jeune seigneur qui avait iait ce
lation latine en a été imprimée voyage. Mais si d'un côté on ajouta
ileUX fois (A). Il a eu d'ailleurs (,) Fait par Nicolas Sanson.
BLONDEL.
483
beaucoup de choses à la seconde édi- fait l'histoire d'un pays, ou la relation
tion , on en retrancha de l'autre un d'un voyage, soit obligé de se taire à
endroit fort singulier. C'est celui l'égard d'une coutume publique , sous
où l'auteur raconte, qu'en traversant prétexte qu'elle est ridicule, sale , et
à cheval les forêts de Westrogothie , de fort mauvais exemple. Établissez
ils s'arrêtèrent un peu à Lincope , une maxime contraire, vous verre/,
pour y contempler une colonne de qu'on en conclura nécessairement , et
pierre, où il y avait un trou destiné sans beaucoup de gradations de con-
à des usages qu'on ne peut exprimer séquences , que le travail des histo-
honnêtement en français. Voici donc riens est mauvais, et que leur pro-
ie latin : Festrogoticis silvis equitnn- fession doit être rangée au catalogue
tes inducti, Lincopiœ , ob loci reli- des arts illicites et pernicieux; car
gionem non omittendœ , tantilliim il est impossible d'écrire l'histoire ,
substitimus : ibi cippus lapideus , per-
tusus , explorandœ maritorum mem-
brositati; qui pares j'nramini , appro-
liantur , impares excludu/itur connu-
biali loro , indè malrimonia aut stant
nul cadunt , pro modulo peculti (a),
La préface de la seconde édition nous
sans rapporter des actions infilmes
et abominables. Souvenons-nous que
les censeurs les plus rigides ne blâ-
ment pas les historiens qui expo-
sent tout le détail d'un vilain assas-
sinat , ou d'une noire trahison ; ou
qu'ils ne blâmeraient pas ceux qui
apprend pourquoi on supprima cet diraient véritablement, qu'il y a des
endroit: Unum te moneo , huic edi- villes qui choisissent pour leurs
tioni , cui /lihil deest, vnluisse Lomé- bourgmestres les bourgeois qui ont
nium aliquid déesse ; quod scilicel in pratiqué telles et telles manières tout-
festrngoticis silvis , per errabunda à-lait brutales de s'enivrer ; qu'à
i'estigia, morosœ viœ pellendis Uediis moins d'avoir résisté à cette épreuve
juvénilités luserat , sapientinrem œta- on n'est point admis au consulat, etc.
tem et pudorem suppressisse (3). La
cause de la suppression est très-légi-
time , puisqu'on n'avait point rap-
porté la chose, parce qu'en effet cette
coutume était observée en ce lieu-là ,
mais parce qu'on avait inventé ce jeu
d'esprit , afin de se désennuyer dans
les fatigues d'un fâcheux voyage. On
avait donc trompé les lecteurs , et
outre cela , on leur avait présenté des
images très-obscènes, et qui étaient
fort injurieuses aux habitans du pays;
et par conséquent , toutes sortes de
raisons demandaient que l'on effaçât
cette partie de la relation. Si quel-
qu'un me demandait , Eût-il fallu re-
trancher cela , au cas même que la
chose eut étf très-véritable? je répon-
drais franchement , qu'il faut dis-
tinguer livres et livres , auteurs et
auteur'!. Il y a des personnes , dont le
caractère exige une gravité extraor-
dinaire , et qu'il faudrait louer des
scrupules qu'elles auraient par rap-
port à la narration d'une vérité his-
torique de cette nature ; et il y a des
ouvrages, où il ne serait nullement toute sorte de droit de l'apprendre .1
Ils ne condamnent que les relations
qui contiennent des pratiques mal-
honnêtes par rapport à la chasteté
ils condamneraient, par exemple, sans
rémission un écrivain qui donnerait,
le détail de la pratique du congrès si
sagement abolie entin par le parle-
ment de Paris; et ils ne considèrent
pa- que leur critique condamne les
anciens pères, qui ont représenté fort
naïvement les impuretés effroyable
de plusieurs coutumes des païens et
des hérétiques. Quoi qu'il en soit , je
ne craindrai point d'assurer que si
la colonne de pierre, dont le voyage
de M. de Loménie fait mention, avait
effectivement servi de règle pour la
validité ou pour l'invalidité des ma-
riages , on eût pu rapporter cela , non-
seulement dan^ |a première édition ,
mais aussi dans la seconde ;et qu'ainsi
la vraie raison pourquoi on a dû le
supprimer dans la seconde, est que
c'était une fable. Je soutiens, qu en
supposant que cela se pratiquait pai
l'autorité publique, M. Blondel a eu
1 propos de faire entrer de tels faits ;
mais je ne crois pas qu'un laïque , qui
(2) T.udovici tlenrici Lomeoii Itincrir. , pa£.
S, edit. mm. îtWo.
'3) Ibid--n , in jirscfat. , edit. ami. 1G62.
9 is lecteurs. Je soutiens même , qu'on
aurait pu faire des recherches .-nr
l'origine de cette coutume, et les in-
sérer dans une histoire : rerber< h 1
dis-|e , quels avaient pu être les in-
484
BLONDUS.
convéniens qui avaient fait introduire cette vieille colonne, les uns aient
cette manière de discerner ceux qui recherché sérieusement la raison pour-
étaient inhabiles au mariage , et ceux quoi elle fut percée (7), et que d'autres
qui y étaient propres ; quels procès voulant boutlbnner sur tout aient
on voyait régner auparavant entre les inventé ce qu'il a dit. On sait que les
maris et les femmes ; quelles consul- mauvais plaisans débitent dans leurs
tations furent faites pour y obvier, et convei salions libres je ne sais com-
pourinventer ce sot remède; car enfin bien de contes touchant des plaintes
l'histoire de l'esprit humain, de ses de disproportion portées devant les
sottises et de ses extravagances, et tribunaux par des personnes mariées,
l'histoire des variétés infinies qui se et qu'ils supposent faussement que les
trouvent dans les lois et dans les avocats qui piaillaient de telles eau-
usages des nations , ne sont pas des ses pendant les jours gras ne Diaient
choses dont on doive frustrer les lec- point la disproportion , et se conten-
teurs, et dont on ne doive pas espérer taient de soutenir réciproquement
des utilités. Il est bon de voir si ce qu'il n'en fallait pas imputer la faute
qu'on a dit des philosophes convient à leur partie , mais à la partie ad-
aussi aux législateurs. On a dit qu'il verse , et employaient les gestes ou
n'y a rien de si absurde , qui n'ait été signes, lorsque les paroles eussent pu
soutenu par des philosophes. JYescio paraître trop impudentes. La Suède a
quomodo niliil tant absurde dicipotest, pu avoir de tels bouffons , qui ont
quod non dicatur ab aliquo ph'doso- donné lieu au conte que M. Blondel
pfwrum (t\). Nento œgrolus quictfuam avait rapporté.
iomnial tain infandum , quod non ali- (B) Nous avons un grand nombre
quis dicat plulosophus (5). M. Huet a de livres -de sa façon. ] Des Notes sur
inséré dans la relation de son voyage l'architecture deSavot; un Cours d ai-
de Stockholm la manière ridicule chitecture , en trois volumes in-folio ;
dont on élit le bourgmestre d'un cer- un Cours de mathématiques ; l Aride
tain lieu qu'il nomme Hardenberg. Il jeter les bombes; l'Histoire du Calen-
rapporte que, le jour de l'élection, drier romain; Nouvelle manière de
les bourgeois se mettent autour d'une fortifier les places , etc. 11 ne faut pas
table, et y appuient leur menton oublier, à l'égard de ce dernier ou-
garni d'une longue barbe, après quoi, vragc , que l'auteur l'ayant présenté
on met un pou au beau milieu de la au roi son maître, sa majesté ne voulut
table, et l'on choisit pour bourg- pas qu'on le mît au jour avant que
mestre celui à la barbe duquel le pou les fortifications qu'elle faisait faire
s'arrête. Ma traduction est si négligée, en plusieurs places , selon cette nou-
qu'il faut que je mette ici les excel- velle méthode, fussent achevées;
n'étant pas juste que les étrangers en
profitassent avant ce temps-là. Une
semblable raison fut cause que l'im-
pression de l'Art de jeter les bombes
fut. renvoyée à un autre temps, lors-
que l'auteur en montra le manuscrit
à sa majesté en 1675 (,8). Cette pré-
caution n'a de rien servi auxDieppois
la présente année 1694.
(-) Le docle Suarès , évéque de Vaison , a fait
une Dissertation très-docte de Foraminibus La-
pidiim*
(8) Voyez , tant pour ceci que pour le corps,
V article ,' les livret de M. Bloodel , ouïes ex-
trait' que les journalistes en ont donnés; ceux
dr Lrip<ic , en iGS/j , pag. 225, en i685, pag.
164, 4i8. NouvelKes de la F.épubl. de» Lettres,
se peut faire , qu'en Voyant le trou de iCSj , pag. 427 et 745 de la seconde édition.
BLONDUS * ( Flavius ) , né à
lens vers de cet auteur
Mox Ilardenbergarn sera suh nocte vrnimus:
Bidelur nubis veleri mos ductus ab œvo.
Quippe ubi deligilur revolulo lempore consul,
Harbati circa inensam statuunlur acemani ,
Hispulaque nnponunl altérai menla Quintes:
Pomgtlur séries barbarum desuper ingens.
Bestia, pes , murdax , suela tnler crescere
sordes
Ponititr m medio ; tum cujus , nurnine Divwn,
Barbant ailiil, feslo huic graiantur murmure
patres ,
Âlque cetebralur subjecla per oppida con-
sul (6;.
Je ne sais si le jeu d'esprit que
M. Blondel inséra dans sa première
édition ne fut pas fondé sur quelque
plaisanterie des habitans du pays. Il
(4) Cicero , de Divinat., lib. II, cap. LVÎÎI.
(5) Varro, in Eumcned. , apud JNonium,
Voce Infans, pag. 56.
(6) Huet.us.mltioereSuecico.p^. ■} , edtt. * J»'y seconlente de renvoyer pour cet
ann. 1662. article, 1°. au tome XII du Journal de Ve-
BLONDUS.
Forli, en Italie , l'an 1 388 (A) ,
s'attacha aux belles-lettres avec
tant d'application, et avec tant
de succès , qu'étant allé à Rome
dans un temps où les hommes
doctes étaient plus rares qu'ils
ne le furent depuis , il y trouva
bientôt des patrons parmi même
les cardinaux , qui le recomman-
dèrent au pape Eugène IV; et
lui firent obtenir auprès de lui
la charge de secrétaire (a). Il fut
continué dans cet emploi par
les successeurs d'Eugène , jusques
à Pie II, sous le pontificat du-
quel il mourut , le 4 de jum
1 463. Il composa beaucoup de
livres (b), et entre autres une
Histoire depuis l'an 4«o jusques
à l'an <44o (c). Il n'approche
pas de la pureté de style , qui a
paru dans quelques historiens
du XVIe. siècle , et il ne faut pas
même trop se fier à tout ce qu'il
dit; car, quand même l'on se
persuaderait qu'il agissait de
bonne foi , on devrait considé-
rer qu'il suivait des guides trom-
peurs (d) , et qu'il avait plus en
vue de rassembler beaucoup de
choses, que d'examiner si elles
étaient véritables (B). On serait
néanmoins ingrat et injuste, si
l'on ne reconnaissait que ses tra-
vaux ont été utiles à la républi-
que des lettres , et si l'on n'avait
nise; 2°. au XVIe. volume des Mémoires de
Niceron ; 3°. au tome Ier. de la Bibliot/ieea
média et infimœ tatinitatis, de Fabricius;
t\D. à la Bibliotheca manuscriptorum noua,
de Montfaucon. Le nom de Blondus est la
traduction latine du nom italien Biondo.
(a) Boissard , in Icooib. apud Pope Blount ,
Censura celebr. auclor., />«;■ . 327.
(b) Voyez-en les titres dans le Moreri.
(c) Voyez Vossius , de Histor. lalin. , pag.
535.
(d) Voyez dans Pope Blount, Censura
celebr. auctor., pag. 32b, le passage de Gi-
fanius.
435
égard aux difficultés qu'il ren-
contrait, étant presque le pre-
mier qui eût entrepris la restau-
ration des antiquités romaines.
Quoiqu'il fût chargé de famille ,
il se comporta en bon philosophe
à l'égard des richesses : il ne tâ-
cha point d'en acquérir, et il ne
voulut pas même laisser à ses
fils (e) une portion de l'héritage
(C) ; car les voyant bien élevés et
assez âgés pour qu'ils pussent
travailler à leur fortune , il lais-
sa à ses filles tout son bien. Ceux
qui voudront connaître les di-
vers jugemens que l'on a faits de
ses livres , pourront consulter
V Eponymologium de Magirus
{f)i Hankius de Scriploribus
Renan Romanarum (g) , et la
Censura celebriorum ttuctorum
de Pope Blount (/*). Quelques-
uns soutiennent qu'il le faut
nommer Blondus Flavius , et
non pas Flavius Blondus. Ces
deux noms signifient la même
chose.
(c^ Il en laissa cinq, qui furent tous doctes
à ce que dit Léandru Alberti, Descript. liai.'
pag. 478.
W) P"ff- »34-
{g) Tom. I, pag. 202, et tom. If , p. 3\j.
I, fag. 327, 328.
(A) 1/ est ne... l'an i388.] Ces! ce
que | mine de ce qu'on lit dans son
épitaphe qu'il vécut soixante-quinze
ans, et qu'il mourut le 4 de juin t j<~> >.
Vossius la rapporte , comme tire'e de
la Description de Rome de George
Fabricius ( 1). Le père Labbe, dans
son Trésor d'Epi ta phes (a , et Schra-
derus, dans ses Monomens d'Italie
(3), la rapportent de la même façon.
Quelques autres la rapportent comme
si elle ne donnait à Blondus que
soixante - onze ans de vie (4) } mais je
(1) Vossius , de rlist. lat . paç. 580.
(a) Voret Pope Blount, Censura celebr. Auc-
tor. , pag. 3a8.
(3)fo_re;Hanlius, de Fierum Roman. Script.,
tom. //, pag. 34i.
(4) Voyez Maoklus , la. même, et tom. ï, petg,
202 , et Uagiras in Epoi ■■?* i35.
486 BOCCACE.
crois que cela vient d'une faute d'im-
pression copiée plusieurs fois , et dont
il ne faut pas se prévaloir pour sou-
tenir ce qu'a dit Paul Jove , que Blon-
dus mourut à l';1ge de soixante-dix ans
(5 ). Je remarquerai par occasion une
méprise semblable , qui se trouve dans
Vossius : les imprimeurs ont mis
cIoccclviii au lieu de ctocccci/vm (6) ;
car il s'agit de Tannée que Jean (io-
belin désigne, en parlant de la mort
de Flavius Blondus. Or Vossius savait
très-bien que cette année est la 63 du
XVe. siècle. Sandius n'a pas observé
cette faute (7). Magirus, en rappor-
tant l'épitaphe , et partout ailleurs où
il marque l'année mortuaire de Blon-
dus, met i363 , au lieu de i463 (8).
(B) // avait plus en vue de rassem-
bler beaucoup de choses , que d'exa-
miner si elles étaient véritables.] Voilà
le jugement que fait de lui l'auteur
de l'Histoire des choses qui se sont
passées au temps de Pie H Blondus
Flavius.... ab Honono Arcadioaue
Cœsaribus (quo tempore inclinasse
ramanum imperiurn memorant ) usque
nd œtattm suam universalem scripsit
historiam , opus cerlè laboriosum et
utile ; verùrn expolitore emendatore-
que dignum. Procut Blondus ab elo-
quentid priscdfuit, neque satis dili-
genler quœ scripsit examinavit . non
qu'am vera , sed quàm multa scriberet
curant habuit (9)—. Exstanl et a/ia
Blondi opéra non parvœ utilitatis ,
quamvis cautè legenda sunt , nefalsa
pro veris accipias ; in pluribus enun
errasse deprehenditur (10).
(C) II ne tâcha point de s'enrichir ,
et il ne voulut pas même laisser a ses
fils la portion de son héritage. ] Con-
tinuons de faire parler l'auteur que je
cite dans la remarque précédente.
. Mortuus est Homœ pauper ut philo-
sophum decuit , J'amiliam benè instilu-
tam reliquit utriusque sexds. Patri-
monium quod habuit tenue dotium
,:ausd inter feminas divisil , masculis
prœler doclrinam bonosque mores nihil
(5) II semble que Sandius le fasse dans ses
Nota; in Vossium de Histor. lat. , pag. 2JQ.
(<>) Vossius, de Hist. latinis , pag. 585.
(n) Sandius, dans ses Notae in Vossium de
Hisloricis latinis.
(8) Magiri Eponymolog. , pag. 1 35.
(9) Jo. Gobelinus , Comment. Pli H, lib. XI ,
pag. 3 10.
(10) Idem, ibid.
reliquit. Id marient i s at fuit e) us asla-
tis filios dimisisse , qui sibi ipsis con-
sidère possent (11).
(11) Idem, ibid.
BOCCACE (Jean), l'un des plus
polis et des plus doctes écrivains
de son siècle , naquit à Certaldo
(A), dans la Toscane, l'an i3i3.
Son père , quoique pauvre paysan
chargé de famille , ne laissa pas
de le destiner à quelque chose
qui fût au-dessus de sa naissance.
11 se résolut à cela, après avoir
observé que la gentillesse, la phy-
sionomie , et les inclinations de
cet enfant promettaient beau-
coup. Il le destina au négoce, et
le mit chez un marchand flo-
rentin, qui l'amena à Paris. Boc-
cace servit ce maître pendant
six ans , et s'en fit aimer ; car il
savait bien tenir les livres de
compte (B) : mais il s'ennuyait
beaucoup de cet emploi , et com-
me il donnait à connaître qu'il
serait propre à l'étude , on le fit
changer d'occupation. On lui fit
apprendre le droit canonique ,
comme une chose qui le pourrait
enrichir. Il perdit presque autant
de temps à cette seconde fonction
qu'à la première : il s'y déplai-
sait , il ne songeait qu'à la poé-
sie ; les ordres de son père , les
censures-, les exhortations de ses
amis , n'arrêtaient point l'incli-
nation naturelle à versifier et à
philosopher (C). On avait beau
lui dire que ce n'était pas le che-
min de la fortune, et qu'il trom-
perait les espérances que son bon
homme de père avait conçues
de se voir un jour à son aise par
le moyen d'un tel fils ; rien de
tout cela ne diminuait son aver-
sion pour le métier de légiste.
Il ne put néanmoins se débar-
BOCCACE. 487
rasser de cette étude désagréa- dans une ville divisée , quand on
ble , qu'après la mort de son pè- est de ce naturel. Ayant quitté
re : il fallut qu'il se contraignît Florence, il rôda en divers cn-
jusqu'à ce temps-là ; mais , dès droits de l'Italie , et il s'arrêta
qu'il fut parvenu à l'indépen- enfin à la cour de Naples , où le
dance, il renonça pleinement à roi Robert lui fit un très-bon ac-
ses anciennes occupations , et cueil. ïl devint fort amoureux
s'abandonna tout entier à la lec- de la fille naturelle de ce prince
ture des poètes. Il se mit sous la (b) ; ce qui fit qu'il séjourna un
discipline de Pétrarque : il cher- assez long temps à Naples. 11 fit
cha partout d'autres maîtres ; et aussi un long séjour dans la Si-
n'ayant point un revenu qui cile, où il eut beaucoup de part
pût suffire à ses dépenses , il se à la faveur de la reine Jeanne,
jeta sur son capital, il vendit son II retourna à Florence , lorsque
patrimoine , et il s'épuisa de tel- les troubles y eurent été un peu
le sorte qu'il eut besoin de la apaisés; mais il ne s'accommo-
charité d'autrui (D). Il se fit tra- da guère du train de vie qu'il y
duire Homère en latin ; et il aurait fallu suivre. C'est pour—
procura à un homme grec une quoi il se retira à Certaldo , où
chaire de professeur à Florence, loin du bruit des affaires il don-
pour l'explication de ce poëte(E). nait son temps à l'étude selon
Il ne s'attacha pas tellement à la sa fantaisie. Il avait toujours ai-
poésie, qu'il négligeât les autres mé la liberté; passion qui fut
études; il entreprit même la lec- cause qu'il ne voulut point se
ture de la Bible : mais comme il mettre au service d'aucun gr;m<i
était déjà vieux, il ne fit que seigneur, quoiqu'on l'en priât
l'effleurer ; et il crut , qu'ayant de divers endroits. Sa trop forte
été appelé de Dieu à la culture application à l'étude lui attira
de l'art poétique , c'était à cela un mal d'estomac, qui le fit mon-
qu'il se devait arrêter (F). La ré- rir à Certaldo l'an 1 3>j5. 11 y fut
publique de Florence l'honora enterré, dans l'église de Saint-
du droit de bourgeoisie (a), et Jacques et Saint-Philippe. Il avait
l'employa à des affaires publi— été d'une complexion amoureuse;
ques , et nommément à négocier et néanmoins il ne se voulut ja-
le retour de Pétrarque. Elle le mais marier , et il ne laissa qu'un
députa vers lui ; mais Pétrarque, bâtard (c) (G). Il composa plu-
non-seulement ne retourna point sieurs livres (H), les uns doctes
à Florence , mais aussi il déter- et sérieux , les autres galans et
mina Boccace à s'en retirer, vu pleins de contes. C'est par ceux-
les factions qui la partageaient, ci principalement qu'il s'est im-
11 n'eut pas , je pense, beaucoup mortalisé (I). On lui impute le
de peine à lui inspirer ce dessein ;
car Boccace était un homme qui '•' v°xc' lu remarque (H) de l'article
• , , -.1 . 1 • l jSaples ; Jeanne lrc., reine de).
aimait la tranquillité , et qui ne e) yw >u sa Vie composée par Mcssei.
VOlllait Se joindre à nulle faction. Giuseppe Betussi da Bessauo. Elle est à la
On joue un assez méchant rôle £■ ** 1" traduction italienne dutim <u
> boccace de Crunealogia U'ioruna ,jaite par (i
(o] Kojrea la remarque (A) même BeJ
488
BOCCACE.
péché de plagiaire (K). Je ferai
une remarcpie sur le soin qu'ont
pris les inquisiteurs de mettre
son Décaméron dans la liste des
ouvrages défendus (L). On vient
de traduire son Labyrinthe d'a-
mour (M) , qui est une preuve
de ses engagemens dérég'és avec
le sexe , et des chagrins qu'il y
trouva. Je ne doute point qu'il
n'y ait une infinité de choses
particulières et très - curieuses
touchant Boccace, et touchant ses
livres , dans VIstoria délia vol-
gar Poesia , publiée l'an 1698,
in-l\°. par l'abbé Giovanni Mario
de' Crescembeni. Je n'ai point
ce livre-là , qui me serait très-
nécessaire, et je ne connais per-
sonne qui l'ait. Quelques-uns
disent que Boccace a été ou l'au-
teur ou l'approbateur du livre
de Tribus Impostoribus (dj *.
L'une des omissions que je
veux ici réparer est qu'on se
tromperait fort , si l'on prenait
pour des aventures véritables
celles qu'il raconte dans son Dé-
caméron . Il y en a quelques-unes,
qui peuvent avoir été bâties sur
des réalités, dont il avait con-
naissance , et où il n'a fait que
joindre des ornemens ; mais la
plupart des autres sont des jeux
d'esprit, inventésendivers temps.
L'un de ses meilleurs contes se
trouve dans Apulée (N).
({/) Maresius , de Joannâ papissâ , pag.
196.
* Leclerc dit qu'il fjllait ajouter que « ce
» fait est faux et que ce livre n'est qu'une
« chimère , comme le fait voir La Monnoie
•- dans sa Dissertation dans le lome IV du
» Menagiana. » Iles! bon, sur ce livre de Tri-
bus impostoribus dont La Monuoie révo-
quait eu doute l'existence, de consulter le
Catalogue de la bibliothèque d'un amateur
(M. Renouard ) , tom- Ier. pag. 119, et la
troisième édition du Manuel du libraire de
M. Brunet, UI , 479-
(A) // naquit a CertaIJo. ] Le Ee-
tussi, qui est ici mon auteur , l'assu-
re (1) : plusieurs autres le disent aus-
si; mais je ne sais comment accorder
cela avec un passage de B ccace. C'est
celui où il fait mention de la rivière
qui coule proche le château de Certal-
do (2). « Je célèbre volontiers , dit-
» il (3) , la mémoire de ce château ,
» qui a été le pays natal et la demeu-
)> re de mes ancêtres avant que la vil-
» le de Florence les reçût au nombre
» de ses citoyens. » Parlerait-il de la
sorte s'il y était né? N'alléguerait-il
point pour motif la qualité de patrie?
Le Behissi n'a pu ignorer ce passage ;
car il a traduit en italien le traité
d'où je le tire. Peut-être que s'il y eût
fait attention , il n'aurait point dit
que la ville de Florence donna à Boc-
cace la bourgeoisie. Quello , per le
sue degne virtù,Ju jalto citadino Fio-
rentino ^). Ce présent n'eùt-il pas été
superflu à l'égard d'un homme dont
les ancêtres étaient Florentins? Sabel-
lic prétend que Boccace était de Flo-
rence, et de la famille de Certaldo,
Floreiitinus Certaldd domo ( 5 ). Que
ces difficultés ne vous fassent point
de peine , puisque Boccace assure ,
dans l'épitaphe qu'il se composa , et
qui est sur son tombeau, que Certaldo
est sa patrie.
(B) Boccace se fit aimer de son
maître; car il savait bien tenir les li-
vres de compte. ] Cette amitié ne du-
ra pas jusqu'à la fin. Boccace , beau-
coup plus propre à être garçon de bel
esprit, qu'à être garçon de comptoir,
se dégoûta du négoce, et négligea les
affaires de sod maître. Celui-ci , s'ac-
commodant peu de cette conduite, le
congédia, et le renvoya en son pays.
Egli odiando taie essercilio , et poco
curando i negotii del padrone , da lui
J'u hcenlialo , erimandato alla patria
(6). Je m'étonne plus de la patience
de ce marchand , aue du congé qu'il
donna : je m'étonne, dis-je, qu'il ait
pu garder six ans un garçon qui n'as-
pirait qu'à la poésie , inclination in-
(1) Cinseppe Betussi, dans ta Vie de Boccace.
(2) Elle se nomme El* a
(i) Boccace, au Trailè de* Fleuves, au mot
Eisa.
(4) Betussi, nella Vita di Boccaccio.
(i) Sabellicus, lib. IX, cite' par Betussi, Vie
de Boccace.
(6) Benvenuto da Iiaola , cite par le même.
BOCCACE.
489
Uniment moins convenable aux. in-
térêts d • ce maître « { 1 1 0 la lecture du
Parlait Négociant, et la connaissance
du change.
Cent francs au denier cinq, combien Jonl-ih ?
vingt livres.
Cinq et quatre font neuf, ôlez deux , reste
sept {-).
Voilà les sciences pour lesquelles le
jeune Boccace eût dû être passionné,
s'il eût voulu se conserver les bonnes
grâces du patron. Mais d'ailleurs, c'é-
tait un bon signe qu'il pourrait deve-
nir poète , que de voir son aversion
pour ces calculs.
Hamani pueri longis ralionibus assem
Diseunt in part/-- centum diducere. Dicat
Filtus Albmi , si de quint unce retnota est
Vncia , quul superal ? paieras dixisse, Trient:
heur,
Rern potrrit servare tuain ; redit, unrin • nuid
fi*
Semit. ld ha>t- animas a>rugo et cura peculi
C'uin seinel imbuerii , tperamiis caraimnjingi
Passe Uuenda cedro , et levi servanda cupres-
so (») ?
(C) Les ordres de son père... n'ar-
rêtaient /joint l'inclination naturelle à
versifier et a philosotiher.} Consultez-
le au XVe. livre de la Généalogie des
Dieus : Faslvdiebat hœc animus, dit-
il (9) , tidco ut in neutrum horum of-
ficiorum, a ut prœ/eptoris doctrine, aut
genitoris auclortlale , qud novis îiian-
datis angebar continué, aut amicorum
precibus sen objurgationtbus inctinnri
posset , in tantum illtim pnë'ica trahe-
bat affectin. Ce qu'il ajoute du pen-
chant qu'il avait eu dès L'enfance à
la fiction est curieux : Nec ex novo
sumpto consilio in poësim animus to-
tis tendebat pe Itbus, quinimà à velus-
tissimd dtsposilione ibat impulsas ,
nain satis memor sum, nondum adsep-
timum œtatis annum devencram , nec
dum fictiones videram, nondum doc-
tores aliquos adiveram, vix prima lit-
terarwn eUmenta cognoveram, et ecce
ipsd impellente nature fingendi desi-
derium affuil , et si nullius essenl mo-
ment!, tamen aUquas ficliunculas edi-
di, non enim suppelebanl lenellœ œta-
tis r>ffl,i\ tanti vires ingenii (10). Il
observe qu'il acquit bientôt la répu-
tation de poète , et avant même qu'il
connût les règles de l'art ; et il se
(-) Dr^préaux , sat. VIII , vs. 184 , 214.
(8 lloral. , de Ane port., v<. 3a5.
((,) Boccacms , île GenealogiS Deorum , lib.
X.V , apud Papyr. Massoneui , Elogior. tom.
II, pag. 188.
(10J Idem , ibid.
plaint de son père qui, ne songeant
qu'à l'utile, ne lui permit pas de s'ap-
pliquera cette élude. <c Il a été cause,
» dit-il , que je ne suis ni marchand
» ni canoni9te, comme il l'avait, sou-
» hailé ; et que j'ai perdu l'avantage
» de me signaler dans la poésie. »
Mirabile diclu . cùm nondum novis-
sem , quibus seu quoi pedibus curmen
incederet , nie eliam pro vin bas reni-
tente , quoi] nondum sum, poêla fera
a notis omnibus vocatus fui : nec du-
bito dum œlas in hoc aptior crat , si
œquo çenilor tulisset animo , quin in-
ler célèbres poëtas unus evasissetn ■■ ve-
rùm dum in lucrosas arles primo , m-
dè in lucrosam facultatem ingeniutn
flectere conarer meuni , faclum est ut
nec nesrociator sim , nec évadèrent ca-
n iittsta , et perderem poelam esse con-
spicuum (il). On peut facilement se
représenter les déplaisirs du vieillard :
il n'était pas à son aise , et il se
voyait un fils capable de s'avancer ;
mais , au lieu de lui trouver quelque
inclination pour les emplois lucratifs,
il ne le voyait porté que vers l'esprit
philosophe et la poésie, qui sont des
choses ordinairement opposées à l'ac-
quisition des richesses. Piacendogli
sommamente leggeree intenderc i buo-
ni poett, a quali era molto inchinato ,
e in tulle le sue altioni la vila philo-
sopluca imitando. JYondimeno questn
suo proposito glt era non impedUo, ma
quasi vietato dal padre , il quale si
perché era maie agiato , corne ancho
perche giudicat'a gli sludi délia huma-
nitit c philosophia congiunli cou la
poesia potergli dan poco utile , desi-
derata e valeva che si mellesse ad al-
tra prqfessione , per lo mezzo de! la
quale potesse sostentar se e dare aju-
to a lui ( 12 ). Ceci me remet en mé-
moire un passage de M. Boileau :
Fils, frire, oncle, cousin, beau-frère de
greffier ,
Pouvant charger mon bras d'une utde Ua<sr,
J'allai loin du Palais errer sur le Parnasse.
I>a famille eu pdlit, et vit en frémissant
Dans la poudre du greffe un poète naissant.
On vit avec horreur une muse effrénée
Dormir chez un greffier la grasse matinée.
Dès lors à la richesse il fallut renoncer (i3).
(D) Il chercha partout d autres maî-
tres que Pctrarque ; et il s'épuisa
de telle sorte , qu'il eut besoin de la
charité d autrui. ] Il passa en Sicile ,
(11 Idem , ibid. , pag. iSc).
(12) Betusfi , Vita di Boccaccio.
(i3; Despréanx, r; itr<- V , ex. 111.
49e
BOCCACE.
pour y entendre les leçons d'un Ca-
labrois (i4) , qui avait la réputation
d'être très-docte dans la langue grec-
que (i5). Il loue beaucoup Andalus
de Nigro , natif de Gêues , qui lui
avait enseigoé l'astronomie (i6)Nous
verrons ci-dessous ses liaisons avec
un savant personnage de Thessaloni-
turi. Nec in Hetruriam tantiim , sed in
palriam deduxi. Ipse ego fui qui pri-
mas ex Latinis a Leontio Pylato in pii-
vato Iliadem audivi. Ipse insuper fui,
qui ut legerentur pubhcè libri Homeri
operatus sum : et esto non satis plenè
perceperim , percepi tamen quantum
potui : nec dubium si permansisset ho-
jue ; mais voici l'épuisement de ses fi- mo Me vagus diutiùs pênes nos , quin
;<iances : Ma, non posendo il povero
poeta col débile palrimonio, che quasi
gia se n'era andato lungamente piu
negli studi conlinuare, corne dispera-
to se ne stava quasi per pigliare novo
riarilto , e sema dnbbio sarebbe stalo
pleniùs percepissem , sed quantulum-
cunique ex multis didicerim , nonnul-
los tamen prœceploris demonstralione
crebrd intégré intellexi , eosque prout
oportunum visum est , huic operi mis-
cui (19). 11 le cite en divers endroits
a cio constretto dalla nécessita : ma de son ouvrage de la Généalogie des
il divino Pelrarcha, che molto l'ama-
fa, incomincio sovenirlo in diverse co-
se, ajutandolo secondo i bisogni di de-
nari, e provedendogli di libri, ed altre
necessarie cose ; onde sempre egli lo
chiamô padre e benefatlor suo (17).
Vous voyez là que si Pétrarque n'avait
fourni, et de l'argent, et des livres, et
et telles autres assistances au pauvre
Boccace, celui-ci eût été contraint
par la misère à quitter l'étude , et à
chercher un autre parti. Notez que
Pétrarque lui légua par son testament
cinquante florins , pour se faire faire
un habit d'hiver , afin de pouvoir étu-
dier plus commodément (18).
(E) Il procura a un homme grec une
Dieux : ce n'est pas que ce Pylate eût
écrit des livres: mais Boccace lui avait
oui dire plusieurs choses qu'il conser-
va dans ses recueils. Nous verrons ,
dans les paroles qui le témoignent ,
une partie du portrait de ce docteur
grec. On en conclura sans peine qu'il
était pédant : Leonlium Pylalum
Thessalonicensem virum, et ut ipse ab-
sent Barlaœ auditorem , persœpè de-
duco : speilu horridus horno est , tur-
pifacie, barbd prolixd , et capillitio
nigro , et meditatione occupants assi-
dud , moribus incullus , nec satis ur-
banus homo , veràm uti expenentia
notumfecit, litterarum greecarum doc-
tissimus , et quodamruodo grœiarum
chaire de professeur à Florence, pour historiarum atque fabularum artium-
l explication d'Homère. ] Cet homme
était de Thessalonique, et se nommait
Léonce Pylate. Voyons ce que Boccace
nous en apprend. Ego Leontium Py-
lalum a Venetiis occiduamBabylonem
quœrenlem à longd peregnnatione
que inexhaustum, esto lalinarum non
satis adhuc instructus sit. Hujus ego
nidlum uidi opus, sanè quicquid ex eo
recito ab eo vivâ voce referenle perce-
pi. JYam eum legentem Homerum , et
mecum singuld amicilid conversanlem
meisflexi consiliis, in patrid tenui, il- ferè tribus annis audivi , nec injinitis
ab eo recitatis urgente etiam alid cura
animum , acrior suffecisset memoria ,
nisi in schedulis commenddssem (20).
(F) Il entreprit la lecture de la Bi-
ble déjà vieux ; mais se sentant
attaché à l'art poétique , il crut qu'il
s'y devait arrêter.] Rapportons un pas-
sage du Betussi : « Diede quell' opra
» maggiore che per lui si potesse alla
» poesia , ed ancho si pose a studiare
» nelle sacre lettere : ma , essendo
» hoggimai quasi vecchio , si corne
» testimonia egli stesso nell' ultimo d'i
(in) Boccacins, de Genealogiâ Deoriim , hb ,
XV, cap. VII , apud Papynum Massonem,
Elogior. loin. // , pag. 191, iga.
(20) Idem, ibid. , cap. VI, apitd cumdem ,
pag. 19I.
lum in propriam domum suscepi , et
diù hospitem habui : et maximo labo-
re meo curavi , ut inter doclores Flo-
lentini sludii susciperetur, ei ex publi-
co mercede appositâ. Fui equidem ip-
se insuper, qui primus meis sumptibus
Homeri libros et alios quosdam Grœ-
cos in Hetruriam revocavi , ex qud
multis antè sœculis abieranl non redi-
(i4) C'eiait sans duute le moine Barlaam.
(i5) Betussi, Vita di Boccaccio.
(t6) Boccacius, de Genealogiâ Dcorum , lib.
XV, cap. VI. Voyez Papyre Masson , Elogior.
tom. II , pag. ig5.
(17) Betussi, Vitadi Boccaccio.
(18) Don Eugenio Gamuirioi , abbale Casi-
nese , Istoria genealogica délie Famiglie nobili
Toscane e Urabre , dans le Journal des Savans
du 7 de février 1678 , pag. 58 , édition de
Hollande.
BOCCACE. 49,
3> presentilibri (ai) , dicendo : Cœle- des notes de Jacques Micyllus. De
j> rafacultatumstudia, et si placèrent, Casibus Virorum illuslrium : cet ou-
vrage commence à Adam , et finit à
Jean , roi de France , pris par les An-
glais l'an i35G. 11 fut imprimé à Pa-
ris , in-folio , par les soins de Jean
Thierri, de Beauvais : je ne sais point
en quelle année ; et , par conséquent,
j'ignore si cette édition est postérieure
à celle d'Augsbourg , de i544- Ce li-
vre a été traduit en italien , en espa-
gnol, en anglais, et en français, sous
le titre de Traite des Mésaventures
des personnages signalé* , à Paris, en
1 5^8, in 8°. : le traducteur se nomme
Claude Vitart. Je m'étonnequeVossius
ait parlé de presque tous ces ouvrages
comme s'ils ne se trouvaient qu'en
manuscrit (a^)- Quant aux livres que
l'on attribue à Boccace * de Victoria
Sigismundi imperatoris in Turchas ;
de Hœresibus Boemoruni ; de capta
Conslantinopoli ; de Tartarorum rie*
torid in Turchas ( a5 ) ; ils me sem-
blent chimériques : cela est certain à
l'égard de quelques-uns. Disons quel-
que chose des compositions italiennes
de Boccace. Il (it il Philocolo , la
Fiammetta , l'Ameto , il Labirinto
d Amore , la Fila di Dante (a6) , il
Decamerone, dont je vais parler, etc.
Tous ces écrits-là , et la plupart des
latins, ont été traduits en français de-
puis long- temps (37). Quant à ses vers
italiens , il me suffira de dire qu'il
» quoniam non sic impellerent, mini
» mè secutus sum. Vidi tamen sacra
» uolumina a quibus, quoniam annosa
5) et œtas , et tenuitas ingenii dissua-
» sére , destiti , turpissimum ratus se-
» nem , ut ita loquar , elemenlarium
» noua inchoare studia, et cunctos in-
3) decenlissimuni esse ni attentasse ,
» quod minime arbitreras perfirere
» po*se. Cosi , non molto in questi
» studi si fermé, anzi lasciandogli da
» parte attese alla sua cara poesia, al-
» la qualc da i cieli era chiamato , si
» corne continuando segue dicendo :
i) Et ideo cùm e.xistimeni Dei benepla-
» cilo me in hdc vocatione vocatum ,
» in eâdem consistere mens est (aa). »
Ceci est notable. Il croyait que , mê-
me dans sa \ieillesse , il se devait ar-
rêter à la culture de la poésie, et que
c'était le talent que Dieu lui avait
confié, et le ministère à quoi le ciel
Pavait appelé. Il suivit la maxime .
Quam quisque noverit arteni in hdc
se exerceat. Il faut se mêler du métier
que Pon entend.
(G) Quoiqu'il fût d'une cnmp/e.rinn
amoureuse , il ne se voulut jamais ma-
rier , et ne laissa qu'un bâtard. J Ci-
tons encore le Betussi. Fu medesima-
mente molto inchinato ail' amore e li-
bidinoso , e non poco gli piacquero le
donne , como che di loro in molli luo-
ghi deli Opère sue ne dicesse quel en fit beaucoup , et qu'il n'y fit point
peggio che due si potesse , tuttavia di
alquanta nellc scrittur* sue sottojinto
nome ne fa honorato ricordo N<~>n
lascià di se heredi legitimi , perche
non hebbe mai moglie , solamente di
lui rimuse unjigliuolo naturale senza
più (a3>
paraître un talent fort relevé. Per di-
re il uern , lo stilo volgare in 1
non gli fu troppo amico(i$). Cepen-
dant il fut un des triumvirs, ou du
trois princes des poètes de ce siècle-
là. Il est vrai qu'on s'accorda à ne lui
donner que le dernier rang du Iniu.
(H) // composa plusieurs Hures. ] virât poétique. Le premier fut donne
Un Abrégé de l'Histoire Romaine , à Dante, et Le second à Pc Irarque
depuis Bomulus jusqu'à Pan de Borne
724; avec un Parallèle des sept rois
de Borne et des empereurs , jusqu'à
Néron inclusivement : cet ouvrage fut
imprimé à Cologne, Pan i534 , in-8°.
Y? Histoire des Femmes illustres , im-
primée à Berné, Pan i53g, in-folio.
La Généalogie des Dieux , avec un
Traité des Montagnes , Mers , Fleu-
res , Lacs , etc. : cet ouvrage fut im-
primé à Bàle, Pan i53a, in-folio, avec
(21) C'est-à-dire, de Genealoglâ Dcorum.
{n) Betussi , \'i(a ,lel Boccaccio.
(i?) Th même.
(an-
notez que la Theséidc de Boccace fut
(?4) VoflïlM, de Ilislor. latinis , pag. 5?".
'* Pour le catalogue des ouvrais de Boc-
cace, Joly renvoie au tome X.WIII àea Mé-
moires de Nice'ron , a la Bibl. mediœ ri infinie
liilinitatis de Fabricius , et à la Bihl. manus.
nova de "Ion t faucon.
(a5; Pocciantius, de Script. Florentinis, pag.
ç)q. Betussi, m Vîtâ Boccacji. Voye* aussi Ge».
ner, in Biblioth.,/0/,0 390.
(16) Elle a e'ié imprimée à Rome , en i5.$.'| ,
in-16, cl à Florence, en iï-'i. w-8°.
l'uiez la Bibliotli«':quc française de Du
\ au-Privas , an nwi Jean L'occacc.
(28) Betussi, Vita di Boccaccio.
(?oj Là même.
49"
BOCCÂCE.
un poème d'une nouvelle invention,
et c'est toujours un relief ; car il n'ap-
partient qu'aux grands esprits de tra-
cer des routes inconnues auparavant.
Scrisse la Theseïde , opéra in ottava
rima , nella cui si conlengono i fatti
di Thcseo , efu il primo inventore di
taie testera : perciochè per inanzi non
mi ricordo io haver trovala cli allri la
usasse ( 3o ). N'oublions pas qu'il re-
connut son infériorité ; car , ayant vu
les sonnets et les chansons de Pétrar-
que , il résolut de jeter au feu ses
poésies. Pétrarque lui écrivit une let-
tre pourledétournerdecedessein (3 i).
Le Betussi s'arrête là j ruais il devait
dire aussi que Boccace brûla actuel-
lement ses vers italiens , après avoir
vu qu'ils n'approchaient pas de ceux
de Pétrarque. Voyez l'auteur que je
cite (32).
(I) Cest par ses ouvrages galans
principalement qu'il s'est immortali-
sé,] Cela doit surtout s'entendre du
Décaméron , qui est un recueil de
cent nouvelles, où l'on voit des aven-
tures d'amour bien récréatives , et
beaucoup de tours de friponnerie
joués aux maris. Cet ouvrage a été
traduit en plusieurs langues , et réim-
primé cent et cent fois. C'est par-là
qu'une infinité de gens, à qui les au-
tres écrits de l'auteur n'auraient ja-
mais révélé son existence, savent que
Boccace a été un ornement de son
siècle, un bel esprit, une belle plume,
un virtuoso , et tout ce qu'il vous
plaira. Paul Jovefait cette remarque :
Obsolescunt et œgrè quidem l'ilœ spi-
ritum relinent libri de Genealogiâ
Deorum, varielateque fortunœ, et de
fontibus , accuratè potius quam féli-
citer elaborati , quando jam illœ de-
cem dierum Fabulœ, Milesiarum imi-
tatione in gratiam oblectandi otii ,
admirabili jucunditate compositœ , in
omnium nalionum linguas adoptentur,
et sine ullâ suspicione inleritds , ap-
plaudente populo , cunctorum operum
gratiam antecedant (33). Il y a des
protestans à qui le Décaméron de
Boccace ne déplaît point : ils y trou-
vent des railleries contre les moines ,
(3o) Betussi , Vita di Boccaccio.
(3i) Là même.
(32) Petrarcha , Epist. ad Boccacium, lib. V
Kerum senilinm , apud Papyr. Massonem , Elo-
gior. tom. II , pag. 191.
(33) Paulos Jovius, Elog. cap. VI , pag. 23.
et contre les dévotions papales. In en-
fabulis et hisloriis centum papale reg-
num, confessionem auricularcm, sanc-
tos , lipsanolalriam , purgatorium ,
etc., acerrimè perstrin.rit, perversita-
tis papœœ non ignarus (34). De là
vient sans doute que des auteurs ca-
tholiques l'ont traité d'impie : Bocca-
cius Hclruscorum Cicero , fabulator
jucundus, et eloquens sermone patrio,
sed lalini parùm peritus , theogoniœ
non admodum uccuratus , et mytholo-
giœ non salis idoueus enarrator , in
omnibus obscœnus , impius , et versi*
Jicator ineptissimus (35;. Vous voyez
qu'on le traite aussi d'obscène. Mes-
sieurs de Port-Royal lui fout le même
reproche. « Il faut prendre garde ,
■» disent-ils ( 36 ) , qu'il y a des en-
» droits clans cet auteur qui font bien
» voir qu'il a été moins scrupuleux
» à violer les règles de la pureté des
» moeurs , que nous avons reçues de
» Dieu même , qu'à choquer celles de
» la pureté du langage , qui ne sont
» nées que du caprice ou de la vo-
» lonté des hommes. » Voyons ce que
M. Bullart observe touchant cet écrit.
La plus considérable de ses composi-
tions, dit-il (3^) , est le Décaméron :
ayant été reçu avec applaudissement
de toute i Italie , il fut encore accueil-
li si favorablement des nations étran-
gères, que chacune le voulut avoir en
sa langue ; et on le rechercha avec
d'autant plus d'empressement qu'on
travailla h le supprimer , et qu'il fut
censuré à cause de ses discours trop
libres et trop satiriques contre les
moines. Boccace le donna au public
l'un 1 348 , en un temps que la ville de
Florence, était désolée et presque dé-
serte par une cruelle contagion. Il
peut être compté entre les plus beaux
de ses écrits, qui sont faits pour le di-
vertissement, etqui joignent en quelque
façon rutile et le délectable ensemble;
aussi Pétrarque l'ayant parcouru, il y
trouva tant d'agrémens , qu'il prit lu
peine de mettre en latin , pour sa pro-
(34) Bernegger. Idol. Lauret. , pag. 128 et seq.
apud Pope Blount , Censura; Auctor. pag.
3o8.
(35) Baltliasar Booifacius , Histor. Ludicrx ,
lib. XV, cap. III , pag. 432 , 433.
(36) Baillct , Jugem. des Savans , num. içfl
des Critiques grammairiens. Il a cite la préface
de /«Grammaire italienne de MM- deVon-Woyxï .
(37) Bullarl, Académie des Sciences, loin. I,
pag. 2G3.
pie satisfaction , un échantillon de ce
bel ouvrage , qui jut la patience in-
croyable de Griselide , à l'endroit du
marquis de Saluées, son mari. Pétrar-
que dédia à Boccace la version latine
qu'il avait faite du conte de Griseli-
dis, et lui marqua qu'en parcourant
le Décaméron il avait pris garde que
l'auteur avait été obligé de repousser
certains satiriques , qui ne savaient
faire autre chose que reprendre ce
qu'ils ne voulaient , ou ne pouvaient
faire. Animadverti alicubi Ubruni ip-
sum canuni denlibus lacessitum , luo
tamen baculo egregiè, tudquB voce de-
Jensum. JVec rnirat us sum : nam et vi-
res ingenii lui novi , et scio erpertus
esse hominum genus , et insolens et
ignavum, qui quicquid ipsi vel no-
lunt , i>el nesciunt , vel non possunl ,
in aliis reprehendunt , ad hoc unum
doeti et arguli. Sed elingues ad rtli-
qua (38j. Il ajoute qu'il excusait les
endroits lascifs sur Fà"ge de l'écrivain,
et sur la nature des matières , et sur
le caractère des personnes qui liraient
un tel ouvrage. Si quid lascivité libé-
rions occurreret, excusabal œlas tune
tua duni al scriberes , stylus, idioma ,
ipsa quoque rerum levitas , et eurum
qui lecturi talia videbantur : refert
enim largiter quibus scribus , morum-
que varielate styli varietas excusatur
(3g). On ne peut rien voir de plus
équitable que cela. Tous ceux qui se
mêlent de jug.rd'un livre se devraient
régler sur ce modèle : ils devraient
considérer l'âge et la profession de
L'auteur , la nature du sujet, et pour
quelles gens il écrit ; car ce qui serait
insupportable dans un ouvrage dog-
matique ne l'e^t pas dans un ouvra-
ge destiné à divertir. Quoi qu'il en
soit , les obscénités du Décaméron
n'empêchèrent pas la plus sage et la
plus vertueuse princesse de France
de donner ordre qu'on le traduisît en
français . puisque ce fut pour obéir à
la très-illustre -Marguerite de Valois ,
reine de Navarre , qu'Antoine le Ma-
çon '4°) 'e traduisit eu notre langue.
Du Verdier Vau-Privas cote jusqu'à
(38) Petrarctia ,apud Papyr. Maçsonem , Elo-
gior. lom. //, pag. 198, igg.
k) l <tetn , ibidem.
1'.'" Il elail de Dauphiné , tre'sorier de
l'extraordinaire des guerres , et secrétaire de
treine de Aavarre, saur unique Je François
BOCCACE. 493
cinq éditions de cette version (40 j
et néanmoins il ne parle pas de celle
dont je me sers : c'est celle de Paris ,
chez Martin le Jeune, en i55g, in-8°. ;
ni de celle de Paris, chez Olivier de
Harsy, en i56g. Il observe que ce mê-
me livre avoit este traduit long-temps
auparavant par un nommé Laurent ,
de premier Jaict. Notez qu'il y a une
édition italienne du Décaméron (4^),
où François Sansovin ajouta une pré-
face et la Vie de l'auteur. On a publié
à Amsterdam une nouvelle traduc-
tion française, de cet ouvrage , avec
des Figures, l'an 1697. Celui qui a fait
cette traduction avoue dans la préfa-
ce qu'il a développé les gnïces de l'o-
riginal, qu'il les a habillées à nos
manières, qu'il a abrégé , qu'il a évi-
té les redites ; qu'il a change assez
souvent non- seulement des périodes
entières , mais même le plan de l'ou-
vrage; qu'il n'a pris que l'essentiel de
la nouvelle , et que , pour éviter les
préambules qui sont a la tête de cha-
que conte , il a juge à propos de ne
point nommer les interlocuteurs, et de
retrancher la distinction des journées ;
que, quand il a trouvé des endroits
trop libres, il a pris un soin tout parti-
culier de ménager les expressions, et
d'envelopper les choses de manière que
le beau sexe puisse en rire sans rou-
gir. 11 ose espérer qu'on n'aura pas su-
jet de se plaindre qu'il ait g;Hé quel-
que chose par une circonspection trop
scrupuleuse. Mais bien des gens se
persuadent que tous ceux qui peuvent
lire le Décaméron en italien auront
du dégoût pour une version si peu
conforme à l'original ; et qu'ils aime-
raient encore mieux se servir des vieil-
les versions que de celle-ci j et, quand,
au lieu de traduire littéralement , ou
se donnela libertéde retrancher et de
changer tout ce qu'on juge à propos .
on s'attire de la part de ces geni-là
les mêmes reproche* que les bous bu-
veurs font tous les jours aux mar-
chands de vin , qui n'ont presque ja-
mais dans leurs caves que des mélan-
ges d'où l'art chasse la nature.
Personne peut-être n'a plus crié
contre Boccace, que le Vannozzi. Il
prétend que la lecture du Décamei >n
a produit tant de courtisanes que, si
(4>) Du Verdier , Bibliothèque française.
pag. 72.
(4a) A Venise , en ià4o , m-4*-
494
BOCCACE.
l'on en savait le nombre, on serait
épouvante'. Al fuoco , al fuoco , s'é-
crie- t-il (43) , si fatli volumi ; spen-
gasi il sente una voila di cosi maligna
zizania, chi polesse conlare quante
puttane ha fatlo il Decameron del
Boccaccio , rimarrebbe stupido , e
senza senso. Che cose dicano di lui
due Fiorentini savi, e lellerati amen-
due , leggasi in due letlere , una di
Francesco Petrarca tra le laltine , ed
una di Bartolomeo Cavalcanli ira le
vulgari, ed intenderallo. Ma che oc-
corre cercar piii ollre di quello , che
n'habbia giudicato In santa inquisi-
tione dannandoln ? Non si pub negare,
che l'opéra del Decameron non sià sta-
ta di nolabil giovamento alla lingua
Tosca, délia quale egli è veramenle
maestro ; ma , per conto délie materie ,
e délie cose narrate da esso , in quel
suo novel/iere , non si puo dire , quan-
to , e quale sia stato , e perseveri tut-
lavia, ildanno, che se ne sente. 11 y a
dans cette lettre du Vannozzi plu-
sieurs témoignages de zèle contre les
livres d'amour.
(K) On lui impute le péché de pla-
giaire. ] On (44) prétend que son livre
de Genealogid Deorum fut tiré d'un
pareil ouvrage du jurisconsulte Paid
de Pérouse , bibliothécaire du roi Ro-
bert (45)- Mais puisqu'il avoue qu'il en
tira plusieurs choses, et surtout celles
qu'il a débitées sous le nom de Théo-
donce (46) , il ne faut pas qu'on lui
fasse un crime de ses emprunts. 11
n'est pas si excusable à l'égard de ce
qu'il a pris d'un autre auteur, et du
livre de Vibius Sequeste de IVomini-
ô'is Fluminum, Fontiuvn , Lacuum ,
JVemorum, Paludumet Gentium (47) ;
car il ne le cite jamais. Boccacius in
opère de Genealogid Deorum Fulgen-
lii Mythologiam , etiam citrn non ci-
tât, graviter exscripsil : adeb ut ex
Boccacio in non paucis emendari
Fulgenlius potuerit (48)- C'est une
question s'il est l'auteur véritable de
(43) Bonifacio Vannozzi , délie Lettere Miscel-
ïanee vol. I , pag. 58o.
(44) Lcand. Alberlus , Descript. Italiœ , pag.
101.
(45) Il était roi de Naples.
(46) Boccic. , de Genealogiâ Deor., lit. XV ,
cap. VI. Voyez Vossius , de Histor. latin. ,
pag. 525 , 5î6.
(47) Voyez Vossius, de Philologiâ , cap. XI ,
num. 10 , pag. 5^.
(îfS) Faber. , in Decad. , num. t)5.
VAmeto et de l'A/natona Visionc
(49). Thomasius ne l'a point mis
dans la liste des plagiaires.
Le Vannozzi remarque que le De-
cameron même est parsemé de lar-
cins. In un libro di novelle , e di bel
parlare gentile , anleriore al Boccac-
cio , e di doue egli cavô alcune délie
risposte da lui nel suo Decameron, 6
principe goleotlo , che uuol dire prin-
cipe de' rujjiani , si legge questa cosi
puntalmente , e de verbo ad verbum
descrilta (5o). Ayant rapporté les pa-
roles de l'écrivain antérieur à Boc-
cace , il observe que le copiste avait
corrompu d'une manière scandaleuse
son original. Les personnages de la
copie sont ecclésiastiques , et de bons
deviennent médians ; ceux de l'autre
auteur étaient laïques , et avaient
quitté leur mauvais train. Io ho co-
piato qui questa novellelta , dal suso
delto libro , accib si noti il peggiora-
tuento , che n'ha falto il Boccaccio ,
trasferendola tra le sue, che è quel/a
à punto di Masetto da Lamporecchio
tanto peggiorata , e cosi scandalosa ■
mente alterala, corne giudichera chiun-
que la sapia : altribuendo a persone
sacre il Boccaccio quella colpa, che
dal suo anleriore fit ascritta a persone
profane ; e dove quelii fa di cultive
doventar buone le sue, il Boccaccio
fa di buone doventar cultive le nos-
ire (5i).
(L) Les inquisiteurs ont pris soin
de mettre son Decameron dans la liste
des ouvrages défendus. ] M. Arnauld
observe que les livres des poêles
païens , remplis de tant de vilenies ,
qui peuvent beaucoup porter au pèche,
n'ont pas été défendus, par cette seule
raison , qu'ils sont nécessaires à quel-
ques personnes pour apprendre la lan-
gue latine Ceux donc qui ont fait
les règles de /'Index n'ont pas cru
qu'on dût défendre par aucune loi po-
sitive , que de jeunes gens, qui son/
maîtres de leurs lectures , à qui ces
sortes de livres sont beaucoup plus
dangereux qu'aux enfans , lussent les
infamies de Martial, de Juvenal ,
d'Horace, de Pétrone, d'Apulée , etc.
Ce n'est pas qu'ils n'aient cru que la
plupart de ceux qui les lisaient , fai-
(49) Leand. Alber!., Desciipl. hal., pag. 76.
(5oJ Vannozzi , délie Lettere Miscellanec
vol. /, pag. 5So.
(5l) ià même.
salent mal ; mais c'est que d'autres as-
sez affermis dans la vertu pour n'être
pas touches de ces images fâcheuses,
et pour n'y chercher que la propriété et
l élégance de la langue grect/ue ou la-
tine , les pouvant lire innocemment ,
on a jugé qu'on pouvait sén tenir au
droit naturel, et en laisser le discerne-
ment a la conscience de chacun , et au
jugement des directeurs et des confes-
seurs. Ils ont Jait la même chose h
l'égard du Decaméron de Boccace.
Parce que les Italiens y trouvent la
plus grande délicatesse de leur langue,
la licence de ses contes n'a pas empê-
ché qu'on ne l'ait laissé entre les
mains de tout le monde , pourvu qu'il
fut corrigé. El cette correction , h ce
qu'on m'a dit, consiste seulement à
changer dans des contes scandaleux,
les mots de moines et de religieuses ,
en d'autres. Cependant plus les mau-
vaises choses, et qui peuvt-nt être un
sujet de tentation à l'égard de l'impu-
reté, sont contées agréablement , plus
il y a de danger qu'on ne s'empoisonne
en les lisant. Ce n'est donc pas une
chose qui fasse beaucoup d'honneur a
la religion chrétienne , d'avoir laisse
un livre si dangereux de ce côté- là en-
tre les mains de tout le monde, par
cette raison qu'il est écrit fort poli-
ment , pendant qu'on en défend une
infinité d'autres , où il y a plus à ap-
prendre , et où les dangers de se nuire
sont infiniment moindres. Ce que j'en
dis n'est qu'en comparant tant de li-
vres défendus avec celui de Boccace
non défendu (Sa). Tout ce discours
est fort judicieux , et il contient une
chose bien capable de faire penser que,
pourvu que les gens d'église soient
hors d'intérêt, on ne se soucie pas
beaucoup du mal que la lecture de
Borcace pourrait produire.
(II) On vient de traduire son Laby-
rinthe d'Amour, qui est une preuve
de ses déréglemens avec le sexe, et
des chagrins qu'il y trouva. ] Cette
traduction française , imprimée à l'a-
ris eu it>99 , a été tout aussitôt contre-
faite à Amsterdam. Elle a pour titre
le Songe de Boccace. C'est une in\ ec-
tive contre les femmes : l'auteur l'é-
crivit pendant la colère où il était
contre une veuve qu'il avait aimée ,
» I qui lui avait joué un mauvais tour.
1 Difficultés proposées * M. Steyaert, /.\"e.
BOCCACE. 495
Celui qui a traduit cet ouvrage s'est
donné encore plus de liberté que le
nouveau traducteur du Decaméron.
Il en a retranché beaucoup de choses,
qu'il a remplacées de contes , defrag-
mens et devers, composés, ou par
ses amis, ou par d'autres écrivains
de notre temps. M. de Beauval assure
que ce n'est nullement une traduction
régulière du Songe de Boccace, mais
un assemblage assez mal assorti du
Songe de Boccace, et de tout ce que
les modernes ont dit longtemps après
Boccace sur le chapitre des femmes
(5.Î). Un autre journaliste est encore
plus sévère : il dit que les supplé-
mens font de toute la pièce quelque
chose de monstrueux , et en ruinent en-
tièrement l'économie. Rien ne paraît
plus hors d'oeuvre dans un ouvrage de.
Boccace, qui vivait ily a plus de trois
cents ans, que des vers de mademoi-
selle de Scudéri, des pensées de M. de
la Bruyère, des maximes de la Roche-
foucauld , et des pièces encore plus
nouvelles (54). Notez que le traduc-
teur nous avertit qu'il a retranché
bien des choses que la pudeur ne souf-
fre point ; mais qu'il a conservé à Boc-
cace sa dévotion, parce qu'il a cru
qu'il aurait trop défiguré son ouvra-
ge , s'il la lui avait ôtée , après lui
avoir ôté ses saletés. Il remarque que
la manière ordinaire de cet auteur est
de mêler de la morale et des senti-
mens pieux parmi des bagatelles.
Observons que, généralement par-
lant , il n'y a point d'écrivains qui
médisent du beau sexe autant que
ceux qui l'ont le plus fréquenté, ai-
mé et idolâtre \ et ainsi les femmes se
doivent fort peu soucier de ces mé-
disances : ce sont des preuves de leur
empire, ce sont des murmures d'un
esclave qui sent le poids de ses chaî-
nes , ou qui, dans sa liberté , voit en-
core sur son corps les marques de sa
servitude.
(N) L'un de ses meilleurs contes est
dans Apulée. ] C'est celui de la fem-
me qui cacha son galant sous au ton-
neau. Béroaldc l'a remarqué. Joannes
Boccacius , dit-il (55) , eloquio verna-
(53) Histoire des Ouvrages des Savans, mars
1699 , pag. 128.
,5^) Bernard, Nouvelles de la Républ. des
Lettres . moit d'a.rit it'iÇKj , pag ')"''
IMiilipi>i licroaIJi .Voix m M. fX Asini
Aurei Apuleii , pa£. 29- . ayS. rdd. Baiitase-.nj
atmi 1397 , j'n-8°.
496 BOCCALIN.
culo disertissimus , condidit centum saper la force par certains expé-
fabulas trgumenlQ et stylo lepidissi- A[em vj in(Jjqlia rfo On a cm
mo festivissinwque , inter quas si vu- r . 1 j „ *
Teiaiam hanc iZerÙit, transposuitque que ce fut la cause de sa mort.
commodissimè , non ut interpres , sed Les Espagnols se plaignent beau-
ut condilor ; quant fœminœ nostrates coup deses médisances (A). Voyez
«o/z surdis auribus audiunl , neque in- jang ]y[oreVi comment on le fit
uitœ lesunt. M. delà Fontaine a don- r^t l,nmmp fm; rpntl1
, »? i ... .„ j„ /-».. mourir. L.et nomme , qui censu-
né aussi ce conte, sous le titre du Lu- muu.ii*. i j
uier (56) ; mais on n'a point averti rait toute la terre , et qui trou-
qu'il Tait tiré d'un autre auteur. Il vait tant à redire au gouverne-
marque quelquefois la source où il a ment fjt v(Hr C[ue sa théorie et
puisé. Je m'étonne quu ne lait pas t; s'acCordaient fort
touiours lait. i * , . _ ,
mal ensemble (n); car la juri-
(56) Au II'. tome de ses Contes , pag. ,90 diction vj exerca dans quelqueS
de l'édition d'Amsterdam, en i685 , 1/1-8°. S* * , ~1. J
lieux de 1 état ecclésiastique ne
BOCCALIN (TraJan) , natif de fut nullement conforme aux rè-
Rome, a élé un fort bel esprit gles. On s'allait plaindre éternel-
au commencement du XVIIe. lement de lui à Rome; ce qui
siècle. Il aimait trop la raillerie fit faire des réflexions bien mali-
et la médisance , et il prit un gnes , tant contre les avocats et
tour assez nouveau et assez plai- les médecins , que contre les
sant, pour critiquer tout ce qu'il théologiens (C). Ceux qui se sont
voulait. Ce fut de feindre qu'A- contentés de dire qu'il méditait
pollon, tenant ses grands jours des discours politiques sur Ta-
sur le Parnasse, écoutait les plain- cite (c) , lorsqu'il fut assassiné
tes de tout le monde , et faisait (D) , n'étaient guère instruits
droit selon l'exigence des cas. des choses. Il laissa des enfans
De là sortirent les Ragguagli di (E). On l'a mis au nombre des
Parnasso, qui ont été traduits plagiaires (F), et l'on a fait des
en diverses langues (a), et fort fautes sur ce chapitre, comme
goûtés du public. Il tomba dans je l'ai montré dans l'une de mes
le défaut ordinaire de ceux qui remarques (d).
se plaisent trop à la satire ; c'est (b) ^.^ ErylhraîUS< pinacoUl.riT , pag.
qu'il voulait élever Sa médisance 223, en parlant du livre intitulé Pietra del
iusque sur les trônes, et sur leste- pmagone politico.
> *■ t . . ■_ (c) Moréri est de ceux-là.
tes couronnées , et attaquer pri n- j ' ^^ u nmarqm (F) § vers lafin.
cipalement celles qui faisaient
alors le plus de bruit dans l'Eu- (A) Les Espagnols se plaignent
rope. 11 attaqua la cour d'Espa- beaucoup de ses médisances .1 Ëcou-
l î i £ j> ■> tons ce que dit a ce siqet un de leurs
gne;et il le ht d une manière auteurs. jye nuestros tièmpos ser nota-
d'autant plus piquante qu'il pré- ,}os por de çenio critico y matdtctente,
tendait faire voir que la monar- Francisco Berna, poeta, conirajos de
i - i t 'i ■.» • i 'su nacioii llultanos : 1 rajann Bocalt,
clne de ce nom n était point aussi ■" """ " J"" , ' . ,„ ,'
, ,. * . discursisla paradoxo couira toda la
puissante qu on s imaginait , et nacion espariola. C'est ainsi que s'ex-
qu'au contraire il était facile d'en prime Juan Vitrian , dans ses Notes
sur Philippe de Comines (i).
la) J'ai vu une traduction française de la f B) iS'a théorie et sa pratique s'ac-
/re. centurie imprimée à Paris, l'an ib'l5 ,
(«-8J. dont l'auteur s'appelle Fougasse. (1) Ckap. T , lettre F, ?'<§■ 3-
r.OCCALIN.
497
cnnhùenl fort mal ensemble. ] Voici
ce que Nicius Erythréus en a dit. At
qui se aîiis Reip. benè gerendœ tluceni
ac magistrum projitetur ac prœstut ,
in us oppidis, quorum illi administia-
lio eninniissa Jiieral , regendis , suis
ipse prœceptis non paruil , sed inullu ,
ut aiuut, commisil, quœ ab illnrum
rationibus esseni aliéna. Quamobrent
Jiebal, ut Romani crebrœ de ipsius i/i-
ju. lis querimonuv dejerrentur {?). 11
n'est que trop ordinaire que ceux qui
composent des ii\res de politique, je
dis île bons livres, fassent voir très-
peu de capacité, lorsqu'il leur arrive
d'être promus à de grandes charges ;
tant il est vrai que l'application des
règles est plus malaisée que l'art d'en
bien discourir !
(C) ce qui fit faire dfs ré-
flexions bien malignes , tant contre
les avocats et les médecins . que con-
tre les théologiens *.] Nicius Erythréus
prétend que cela lit naître un pro-
verbe qui portait qu'il y a trois sortes
de gens , qui ne font presque aucun
usage des lois qu'ils prescrivent aux
autres. Personne ne s'écarte plus du
droit dans les affaires, qu'un juris-
consulte; personne n'observe moins
le régime de san'é, qu'un médecin;
personne n'a moins de crainte des re-
mords de la conscience, qu'un théo-
logien. On verra dans l'original, dont
je viens de rapporter le précis, l'ex-
ception que l'auteur a faite. Il ne
conte point la ebose comme les rail-
leurs la content ordinairement. Ils di-
sent (pie les avocats , qui conseillent
tant aux autres de plaider , n'ont
presque jamais de procès; que les
médecins , qui ordonnent tant de re-
mèdes à leurs malades, en prennent
très-peu dans leurs maladies \ et que
les théologiens, qui marquent aux au-
tres un si grand nombre d'articles de
foi , ne croient que peu de choses (3).
Voici le latin de Nicius Erythréus.
Qituinobrcm Jiebal . ut Romani cre-
brœ de p>ius (Boccalini) injuriis que-
rimoniœ dtfrrentur , ac bu-us prover-
bioferet, quo dicilur , tria rsse hn-
(2) Nicius F.nrllirnîus, P nacotn. I, pflj,'. 172.
(*) Sur celle réllixion , laquelle, so.t Hit en
e,t de P
L. 3 cli
'•'.>
de R.l
bêlais Benjamin Priolo avait formé une de
maximes, rapportée |)ar M Bavlc, remarque K)
de l'article Priolo. Hlm. cuit
(3) Voyez li- Courtisan de Ballhas. de Castil-
lon , pag. -M)"'.
TOME III.
m inum gênera , qui nihil ferc legibus,
quas ipsi altis iiponunl, utantur ,
mmiriim jurisconsu/tos , medicos , ni-
que theo/ngos : nulli enim inagis in
negoliis ah jure , ab œquitate, ttîsçe-
dunt qu'uni ./. C, ; null tuendœ 1 aie-
ludinis rationem minus servant quant
medici ; nulti conscientiœ aculeos mi-
nus metiiunt quain theologi. Itaque
qui juslitiam , valeludinem , et enn-
scienliam amitié re sataeunt7juris doc-
torum, medicorum , tneologorumque
anùcitias cotant : qund tamen de lis
lantiim intelligendum , qui eu sludia
non serio av sedulà, verhm in speciem
et duis causa , projitentur (4).
(D) On a dit qu'il méditait des dis-
cours politiques sur Tacite , lorsqu'il
Jut assassine ] 11 fallait dire, non-seu-
lt ment que ces discours étaient com-
posés , mais aussi qu'on en avait fait
à Genè\e deux éditions différentes.
Pour relever le prix de ces éditions,
on a fait accroire au monde, 1°. que
le manuscrit de cet ouvrage était
une pièce très rare; i°. que le sénat
de Venise avait gardé soigneusement
l'original , jusqu'il ce qu'il en lit pré-
sent à la reine de Suède ; 3°. qu'on
avait trouvé moyen, a\ec mille frais
et mille peines, de recouvrer une co-
pie du manuscrit donné à rette prin-
cesse par le sénat de Venise. Pure
forfanterie. Vingt ans avant l'arri\ée
de cette reine en Italie , ce manuscrit
courait partout II y en a bien trente
copies en diverses bibliothèques de
delà les monts. L'auteur avait lui-
même fait présent de son ouvrage à
plusieurs personnes, .1 nommément
au cardinal Barberin à liorue , et .m
procurateur Morosini à Venise. Le
cardinal lit présent de son exemplaire
à l académie des humoristes, et on en
tira plusieurs copies. L'exemplaire de
Morosini n'a pas été moins copié :
ainsi il n'était pas difficile d'en ache-
ter «les copies. I.e gouverneur A'wn
milord en acheta une, dont il s'ac-
commoda à Genève avec un libraire
qui l'imprima (5). Un gentilhomme
allemand en apporta d'Italie uo autre
exemplaire environ le même temps
et le donna à un professeur de 'I u-
binge. nommé M. du May, qui y
joignit des remarques, et l'envoya à
M. I.i-ti a Genève. AI. lelile fit im-
(4 Nicius Erythrcas , Pinaoo'h. I , pag, -.
(5) Ce fui le sieur de Tournes.
32
498 BOCCALIN.
primer chez le sieur Widerhol , et pourquoi le cardinal Cajetan se dé-
l'intitula Bdancia Politica , et y joi- pouilla de son droit en faveur d'un
enit un troisième volume, auquel il autre, on vous répondra que ce fut
mit son nom (6). Cet ouvrage de Boc- afin d'avoir le plaisir de censurer et
câlin n'a pas été estimé : M. Amelot de mordre sans faire t<|rt à sa dignité,
de laHoussayeen parle avecbeaucoup ni sans se faire des ennemis. Je ne
de mépris (7). saurais croire que cela soit vrai 5 je
(E) // laissa des enfans.~\ J'ai sa crois seulement que Boccalin fit comme
Pietra del Paragone Politico ,impri- Térence : il communiquait ses pen-
mée à Paris l'an 1626, in-80., et dédiée sées aux cardinaux qui le protégeaient
au cardinal de la Valette. Ce fut le (10), et il profitait de leuis avis et des
fils de Boccalin qui la dédia à ce car- pensées qu'ils lui suggéraient. Il se
dinal : l'épître dédicatoire est datée faisait un honneur de l'opinion qu'on
de Paris, le 10 d'avril 1626. Ce qui aurait qu'il était aidé par de telles
me surprend est d'y voir traité de gens : c'était suivre le goût de Té-
posthume cet ouvrage - là ; car j'ai vu rence. Quemadmodum Jerentio maie-
une édition de l'an i6i5 du livre de voli objiciebant , ipsum, in fahulis
Boccalin , qui porte le titre de Pietra faciendis , Scipionis Ajricani , Lœlii
del Paragone Politico. Cela me ferait qui. dictus est. sapiens , et Furii Pii
conjecturer que l'ouvrage, qu'onde- opéra uti, assiduèque cum illis unà
dia'au cardinal de la Valette, était scribere ; ita etiam de Trajano fuma
une suite, ou une seconde partie de distulerat , in his actis rejerendis ho-
là Pietra del Paragone Politico. Je
prie ceux qui auront du loisir, et
plusieurs éditions en main , de véri-
iier ce qui en est. M Giri avait publié
sa version française de cet ouvrage de
mines nobilissimos socios et adjutores
habere. P^eriim id sibi non minus lau-
di ducebat , quant Terentius , qui
gloriosum sibi putabat , idquod maie-
voli quasi malediclum vehemens exis-
Boccalin , avant que le fils de l'auteur timabant , ac.Jit verisimile hœc cum
le publiât en italien , l'an 1626 (8). La illis eum communicâsse , quibus , ad
version latine du même ouvrage , faite notanda et animadvertenda aliorum
par Ernest-Jean Creutz , fut imprimée vilia , eadcm esset wolunlas alque pro-
à Amsterdam, l'an 1641, in-12, sous pensio (11). Quelques-uns, pour n'a-
ie titre de Lapis Lydius Politicus. voir pas assez pris garde à l'ordre du
(F) On l'a mis au nombre des pla- temps, ontditque le cardinalCajetan,
siaires.'] Ce terme me paraît impropre, qui disputa contre Luther , a fait les
parce qu'on n'impute pas à BoCcalin Ragguagli du Parnasse , et la Pietra
d'avoir dérobé le travail d'autrui , del Paragone. M. Chevreau attribue
mais d'avoir prêté son nom pour cette faute à Jean Rhodius , médecin
mettre à couvert l'auteur véritable. Il danois, et à Pierre Scavenius : il se
a imité , dit - on , certaines personnes trompe ; car ils prétendent parler d'un
qui, pour épargner à leur patron ecclé- autre cardinal Cajetan , et il les réfute
siastique la honte d'avoir engrossé par une mauvaise raison. Boccalin,
quelques servantes, disent que ce sont dit-il (11) , qui était Jils d'un archi-
eux qui l'ont fait, et se marient avec tecte de Rome , fut saquetté à fenise
la servante , résolus à l'adoption de par l'ordre de l'ambassadeur d'Es-
tous les enfans qui pourront venir de pagne. Est-ce une preuve qu'il n'a pu
la même main. On veut que le cardi- prêter son nom à un ouvrage du car-
nal Cajetan soit le véritable auteur dinal Thomas de Vio, qui disputa
des livres qui ont paru sous le nom
de Boccalin (9) ; et si VOUS demandez rholius , Polyhist., pag. 81, rapporte ce sen-
timent. Voyez Placcius de Pseudonym. , pag
(6) Toutes ces particularile's sont tire'es d'un
Mémoire venu de bon lieu. On en garde l'ori-
ginal.
(") Dans le Discours critique qui est au-de-
vant de sa Morale de Tacite , et de sa traduc-
tion des six premiers livres des Annales de
Tacite.
(8) Cela paraît par V e'pîlre de'dicatoire.
(g) Scavenius, num. 89, V affirme, apud Rtio-
«liuîa de Auctoribus supposititiis, pag. ^1. Mo-
timent. Voyez Placcius de
i65 , et Deckherrus de Scriptis Adesp. , pag. 253,
254.
(10) Il dédia la première centurie des Rag-
guagli, l'an 1612 , au cardinal Borgkèse , et
la seconde , l'an i6i3 , au cardinal Cajetan.
(11) [Nicius ErylUrseus, Pinacoth. III, pag.
222.
(12) Chevreau, Histoire du Monde, liv. V,
chap. IV, pfl£. i85, édition de Hollande, en
1687.
EOCHART.
contre Luther ? Notez que Nîcius
Erythréus assure que Pereiula , qui
avait été secrétaire du cardinal Henri
Cajelan, aida Boccalin à composer les
Jiugguagli (l3).
(i3) Nicius Erythr. , Pinacoth. III, pag. i3i.
BOCHART (Matthieu), minis-
tre du saint Evangile, à Alençon,
dans le XVIIe. siècle, a publié
quelques livres (A) qui l'ont fait
passer pour un savant homme.
Celui qu'il composa contre le sa-
crifice de la messe lui fit des
affaires, comme le remarque M.
Daillé : un missionnaire , ayant
trouvé plus à propos de le tradui-
re devant les juges séculiers, que
de répondre à ses raisons , s'avi-
sa de lui faire une querelle juri-
dique, sur ce qu'il avait donné
aux ministres la qualité de pas-
teurs (<?). Il n'y a point lieu de
douter du fait ; mais il est fort
apparent que M. Daillé ne s'est
pas bien souvenu des circonstan-
ces (B). On a quelquefois con-
fondu Matthieu Bochart avec son
cousin Samuel Bochart (C), dont
je vais parler.
(a) Daillé, Réplique à Adam et Cottihy ,
//''. part. , pag. io3.
(A) Il a publié quelques livres] Les
principaux de ses ouvrages sont un
Traité contre les Reliques, et un Traité
contre le Sacrifice île la Messe. Il a
fait aussi un Dialogue sur les difficul-
te's que les missionnaires faisaient
perpétuellement aux protestans de
France , en vertu de ce qui s'était
passé au synode national de Charen-
ton, touchant la tolérance des erreurs
luthériennes. Ce dialogue, étant tom-
bé entre les mains de l'électeur pa-
latin, lui parut propre à porter les
princes de la confession d'Augsbourg ,
à travailler à la réunion des deux
églises protestantes (i) ; ainsi il le leur
fit voir pendant rassemblée de Franc-
fort. Cette bonne nouvelle étant venue
(i) Epist. dedicat. Diallact. Mattb. Boctiarti.
499
à la connaissance de l'auteur, lui Ut
enfanter un livre latin intitulé Dial-
lacticon, qu'il dédia à celte altesse
électoiale. Il fut imprimé à Sedan , en
l'année 1GG2 , el contient un projet
de réunion entre les luthériens et les
calv inistes.
(B) On lui fit une querelle juridique,
sur te qu'il avait donne aux ministres
la qualité de pasteurs M. Daillé
ne s'e.it pas bien soutenu des circon-
stances.] Je n'ai besoin pour le prou-
ver, qi.e de M. Daillé lui-même. 11
veut que le missionnaire , embarrassé
par le livre de Matthieu Bocharl con-
tre le sacrifice de la messe , ait mis
l'auteur en justice l'an 1657; mais il
convient dans l'une des tables de son
livre, cpie le traité contre le sacrifice
de la messe fut imprimé à Genève, l'an
iG58. 11 remarque daus la page 4'7
de la première partie de sa réplique ,
que cet excellent traite du sacrifice de
la messe (a) fut mis en lumière il n'y
avait que trois ans. Ce qu'il dit vers
la tin de sa préface est une preuve cer-
taine qu'il composait sa réplique en
1GG1. Il ne peut donc pas être vrai,
que le missionnaire, qui fit un procès
à Matthieu Bochart en 1657, trouva
cela plus à propos que de réfuter le
livre du sacrifice de la messe. De
plus, M. Daillé déclare qu'il 11e sait
point, qu'avant le procès intenté à
01. Bochart en 1657, on eût jamais
porté plainte contre les minisires de
ce qu'ils se qualifiaient pasteurs. Mais
il ne laisse pas de faire mention tout
aussitôt d'un arrêt du parlement de
Rouen , tendu 22 ou 23 ans depuis l'art
iG.!3 , (pie les minisires de Cliarenton
se donnèrent la qualité de pasteurs de
l'église réformée de Paris, dans l'ap-
probation d'un livre (3). Cet arrêt du
parlement de Houen fut rendu sans
doute sur la plainte portée contre le
ministre Bocharl ^ car autrement M.
Daillé se contredirait lui-même : i)
n'est donc point vrai que le procès fait
à ce ministre tombe sur l'année 1657.
Il faut donc (pie M. Daillé se soit mé-
pris, et quant au temps que ce procès
fut intenté, et quant au livre qui en
fournit l'occasion II s'est mépris en-
core par un autre endroit , puisqu'il
est certain qu'en l'année i633 les
agens généraux du clergé de France
(1) Il te loue beaucoup eu c*l endroit.
(3; C'est /"Apologie de M. Daillé.
5oo
BOCHART.
se peignirent de ce que M. Aubertin
avait fait imprimer un livre, où il
prenait </ua!ité de pasteur de l'église
réformée de Paris, et où ses collègues
Mestrezat , Drelincourt et Daillé, si-
gnaient dans l'approbation , les deux
premiers , pasteurs de l'église réfor-
mée de Paris, et le dernier, ministre
du Saint Évangile de ladite église (4)-
Sur cette plainte , le conseil prive
donna un arrêt le i4 juillet i633,
portant prise de corps contre M. Au-
bertin , et ajournement personnel
contre ses collègues , avec injonction
aux ministres de prendre la qualité a
eux attribuée par les édits , et non
autre (5).
(C) On l'a quelquefois confondu
avec son cousin Samuel P>ocliail.~\
M. le Fèvre , docteur rie Sorbonne ,
dans sa réplique à M. Arnauld pour la
défense de ses motifs invincibles, a
cité le Diallacticon de notre Bocbart.
Je ne pense pas qu'il puisse trouver
mauvais qu'on croie qu'il l'a cru un
ouvrage de M. Lochart de Caen. S'il
avait su que deux ministres de ce nom
ont écrit des ouvrages de controverse ,
ou du moins s'il avait su que l'auteur
du Diallacticon n'est pas le même Dn-
chart qui s'est rendu l'admiration de
la république des lettres par son Pha-
le% etc., il n'eût jamais cité, comme
il a'fait plus d'une fois (6) , l'auteur du
Diallacticon avec cet éloge , le savent
Bochart. Qu'on dise tant qu'on voudra
que le ministre d'Alençon était savant,
et que M. le Fèvre a pu l'appeler ainsi
sans hyperbole, ni flatterie- je suis
jftr qu'on ne persuadera jamais aux
lecteurs intelligens que j'aie tort dans
cette remarque.
(4) Vœfei le Recueil des Édits pour le clergé.
(5) t'oyez lu remarque (B) de L'article Ao-
bertin, lutn. II,pa£. 5i4-
(6; Pag. 27, 129.
BOCHART (Samuel) , ministre
de la parole de Dieu à Caen, a été
un des plus savans hommes du
monde. Il était de Rouen , et de
fort bonne maison (A), et naquit
l'an i5qq. La prématurité de ses
progrès lut très-grande : on en
peut juger par les quarante-qua-
tre vers grecs qu'il composa à
la louange de Thomas Dempster
(a), qui les publia en 1612 , à
la tête de ses Antiquités romai-
nes. Il étudiait alors sous ce sa-
vant Écossais ; et apparemment il
était logé chez son oncle mater-
nel, le fameux Pierre du Moulin,
ministre de l'église de Paris (i>).
Il fit sa philosophie à Sedan , et
il y soutint des thèses publiques,
l'an i(5i5, qui lui firent beau-
coup d'honneur, non-seulement
à cause qu'il répondit bien aux
argumens , mais aussi à cause de
certains vers dont il les accom-
pagna , accommodés à la figure
d'un cercle avec beaucoup d'ar-
tifice (c). On croit qu'il a étudié
en théologie à Saumur, sous Ca-
méron {d) ; et l'on sait qu'il le
suivit à Londres , lorsque la
guerre civile eut dissipé cette
académie. Il ne fit pas beaucoup
de séjour en Angleterre > puis-
qu'on sait que vers la fin de l'an
1621 il était à Leyde , ou il s'at-
tacha ardemment à l'étude de
l'arabe sous Erpénius. Il trouva
dans Ta même université un pro-
fesseur en théologie , qui conçut
pour lui une estime très-parti-
culière , et qui lui en donna des
marques publiques l'an 1 629, en
lui dédiant son Calholictis Or-
thodoxus (B). Je parle de M. Ri-
vet, qui était alors marié avec
une sœur de la mère de notre
Bochart. Celui-ci, étant en Fran-
(a) Ils sont dans la nouvelle édition des
OEuvies de Bochart , en 1692.
(b) Tune, nisi memoria me fallu, hospita-
batur Pansiis apud avunculum Pelrum Mo-
linœum. Stepli. Moiin. de Bocharto , et ejus
scriptis.
ie Ils sent dans la susdite édition de ses
œuvres , en 1692.
(/ Pulo me didicisse r/nod Salmurii au-
diverit Çameronèm, et eo prwside thèses
théologiens défendent. Moïinus, de Bochar-
to , ei ejus scriptis.
BOCHART. Soi
ce, fut bientôt reçu ministre, et de bataille (•»). La réputation de
donné à l'église de Caen. La pre- ce ministre , laquelle jeta dès
mière cbose de grand éclat qu'il lors ses fondemens, s'augmenta
y fit , fut de soutenir une longue beaucoup en i(ijG, par la publi-
conférence avec le père Véron , cation du Phalcg et du Chanaan
et d'en sortir pleinement victo- (C). Il y traite, i«. , de la dis-
rieux *. Cet homme, muni d'une persion des peuples causée par la
mission spéciale émanée de la confusion des langues : ?.°. , des
cour pour disputer , et revêtu colonies et de la langue des Phé-
en quelque manière de la charge niciens. Les recherches qu'il lui
de controversiste exploitant par fallut faire pour travailler à ces
tout le royaume , défia M. Bo- ouvrages et à quelques autres ,
chart le quatrième jour de sep- et qui l'obligèrent à fouiller dans
tembre 1628 , et ne cessa de tous les anciens auteurs, et dans
criailler qu'il n'eût obtenu jour les trésors les plus cachés des lan-
et lieu pour entrer publiquement gués orientales, ont cette relation
en lice avec lui. La dispute se lit à sa qualité deministre, qu'il ne
au château de Caen , en présence s'y engagea peu à peu qu'à cau-
d'un grand nombre de personnes se qu'il avait entrepris de pi è-
de l'une et de l'autre religion, cher sur la Genèse; car dès qu'il
Le duc de Longueville, gouver- en fut au second chapitre, il fal-
neur de la province , s'y trouva lut qu'il expliquât la situation
aussi souvent que ses affaires le du paradis terrestre. Les chapi-
lui permirent , et il y eut des très suivans l'engagèrent à exa-
commissaires nommés de part et miner l'origine des nations, et il
d'autre pour y assister. On dis- y eut cent autres passages qui
pu ta depuis le ?.?. de septembre l'appliquèrent à travailler sur les
iusqa.es au 3 d'octobre, et l'on animaux, sur les piaules. <•; sur
battit presque tout le grand pays les pierres précieuses de la Bible,
des controverses dans les neuf S'il avait assez vécu, il aurait
séances consécutives que l'action donné des traités completssur ces
contint. Les actes bien signés et matières; mais il n'a pu achever
collationnés eu furent rendus que ce qui regarde les animaux,
publics de chaque côté : mais M. Onl'imprima à Londres, en i663,
Bochart ajouta du sien plusieurs sous le litre à? Hicrozoïcan. Ses
choses, que l'humeur tumul- recueils sur le paradis terrestre,
tueuse de son antagoniste avait sur les plantes et sur les pierres
empêché qu'on ne mit en ordre précieuses, n'ont point été trou-
sur-le-champ; et il y joignit la tes en état après sa mort qu'on
dispute de l'eucharistie, et celle en put faire quelque choses 'fout
du célibat , que l'on était couve- le monde sait que la reii
nu d'examiner, mais que l'on Suède l'attira à sa gouf(D), et
n'avait pas approfondies , à cause qu'il y alla en i65i. Il n'est pas
que Véron avait quitté le champ besoin «le parler eu partiel
• Joly demande de quel droil Bayle assure de quelques écrits qu'il publia
n 1e li vicloire resta h Bocliaxl ; mais il n'es-
., . ersarùis vadimonium deseruit.
M s inns. ibid.
5o:
BOCH
en divers temps, et qui lui fi-
rent honneur. Par exemple , il
publia une Lettre, en i65o, sur
l'autorité des rois , et sur l'insti-
tution des évéqueset des prêtres :
il en publia une , en ibbi , con-
tre le jésuite la Barre, touchant
la tolérance du luthéranisme ,
décidée dans le synode national
de Charenton; et il en publia
une, en ib63 , oii il montre par
plusieurs savantes raisons , quY/
n'y a point d'apparence qu Enée
soit jamais venu en Italie. Il
mourut à Caen , le i(i de mai
1667 , ayant perdu tout d'un
coup la parole et la connaissance,
dans l'académie qui s'assemblait
chez M. de Brieux. Ses papiers
sont entre les mains de M. de
Colleville, fils de sa fille unique
(f) , et ci-devant conseiller au
parlement de Normandie. Il y a
parmi ces papiers un grand nom-
bre de sermons , écrits de la pro-
pre main de M. Bochart. Ce sont
ceux qu'il a prêches sur la Genè-
se , depuis le premier chapitre
iusques au verset 18 du chapitre
XIX. On a ramassé autant qu'on a
pu les Dissertations manuscrites
de ce grand homme , et on les a
jointes à la nouvelle édition que
l'on a faite de toutes ses œuvres
en Hollande, l'an 1692 (E). M.
Morin , autrefois collègue de M.
Bochart , et à présent ministre
de l'église française d'Amster-
dam , et professeur aux langues
orientales dans l'école illustre de
la même ville , a joint à cette
édition un discours (g), duquel
if) Elle fut mariée avec un conseiller au
parlement de Normandie , nomme M- de Col-
leville. Celait un nom de seigneurie ■ celui
de famille était Le Sueur.
{g) De clarissimo Bocharto, et omnibus
<~jus scriplis.
ART.
je me suis servi pour la compo-
sition de cet article. Ceux qui
voudront voir les éloges qui ont
été donnés à M. Bochart feront
bien de s'adresser aux auteurs que
je leur indique (h). Sa science ,
quelque vaste qu'elle fût, n'était
pas sa principale qualité : il avait
une modestie infiniment plus
estimable en lui que toute sa
science. Aussi a-t-il possédé sa
gloire avec beaucoup de tran-
quillité , et à couvert de ces
malheureuses querelles que tant
d'autres savans s'attirent parleur
orgueil , et par l'emportement
de leur style Je n'ai jamais ouï
parler d'un certain traité que M.
Ménage lui attribue (F).
(h) Colonnes , dans la Gailia orienlalis ,
qu'il lui dédia ; Pope Blount , Ct-nsur. celeb.
auclorum; Spizelius, in Iufel. Literal. pag.
916 et seq.
(A) // était de fort bonne maison. ]
Son père, René Bochart du Ménillet,
ministre de l'église réformée de Rouen,
était arrière-petit-fils de Jean Bochart,
conseiller au parlement de Paris, en
1490, et petit- fils de Jean Bochart,
qui plaida avec tant de force pour la
Pragmatique Sanction (1), et fils d'E-
tienne Bochart , qui fit la branche du
Ménillet. On peut voir dans le Diction-
naire de Moréri la parenté qui était
entre notre Samuel Bochart , et les Bo-
chart Champigni , qui ont exercé tant
de belles charges dans la robe.
(B) Rivet.... lui dédia son Catholi-
cus Orthodoxus.] M. Rivet dédia ce
livre à quatre personnes : savoir, à
Pierre du Moulin , ministre et profes-
seur à Sedan; à Guillaume Rivet, mi-
nistre de Taillebourg ; à Jean Maximi-
lien de Langle , ministre de Rouen ; et
à Samuel Bochart , ministre de Caen.
Il loue ce dernier de sa dispute contre
Véron , dans laquelle , lui dit-il , vous
lui montrâtes qu'il ne savait rien , ni
en grec, ni en hébreu, et vous mîtes
un frein à son impudente sophistique -
rie , lequel il a taché de secouer en
(1) Ce fut en présence de François I". : il
combattit le concordat.
BOCIÏART.
5o3
débitant bien des fables , selon sa cou-
tume , sur ses victoires imaginaires ;
mais les gens sages n'y ont pas été
trompés , et vous avez découvert sa va-
nité par votre réponse. Ceci peut servir
de supplément au narré que j'ai fait
de cette dispute tiré de M. Morin. On
voit par-là que Véron s'attribuait la
victoire. Au reste, en la même année
1629, M. du Moulin dédia son Anti-
Barbare (2) à M. Bocliart. Ce dernier
l'avait averti d'une méprise , c'est que
du Moulin ayant promis ce traité de
controverse , dans la table de la Nou-
veauté du papisme , avait oublié de le
donner.
(C) Sa réputation s'augmenta beau-
coup en 1C4G, par la publication du
Phaleg et du Cbanaan.] Ce sont les
titres des deux parties de la Geogra-
phia Sacra de M. Bocbart. On fit ve-
nir à Caen un imprimeur de réputa-
tion (3), afin que cet ouvrage fût plus
correct, et qu'il sortît plus tôt de des-
sous la presse. S'il en faut croire ceux
qui l'ont fait réimprimer à Francfort,
m-4°. en 1681, l'édition de Caen est
toute pleine de fautes, dont ils se
vantent d'avoir repurgé la leur : Ab
in finit is trtpa.\uix.^i , quibus exemplar
Cadomi impressum referlum erat , pur-
gatum. Ils joignirent à leur édition
deux lettres de M. Bocliart, l'une tou-
chant l'épiscopat et le droit des rois ,
écrite à M. Morley , chapelain du roi
d'Angleterre Charles II ; l'autre écrite
à M. de Segrais, sur la question si
Enée est venu en Italie (4>. La pre-
mière de ces deux lettres avait été im-
primée en i65o, comme je l'ai déjà
dit. Spizélius n'en savait rien; car,
après avoir cité une lettre de M. Sar-
rau, qui témoignait qu'il serait injuste
de ne point rendre publique cette
belle production de M. Bocliart , il
ajoute qu'elle est néanmoins demeurée
dans les ténèbres (5). Je n'ai point de
connaissance de l'édition de la Geo-
graphia Sacra, marquée par M. Pope
(2) C'est ainsi que le livre esl intitule , et
non pas l'Anti barbarie, comme le disent te
Catalogue d'Oxford, yag. 462, et M. Baillet ,
num. 176. § G des Anti.
(3) Il s'appelait Jean Jannon. Voyez Stcph.
florin, in Dissert. de IWtiarto, et «j u s Siiipti.-.
(4) Forez les Nouvelles de la République des
Lettres , mois de juillet 1684, art. IF.
(5) Spiieliui, in tnlel. Littéral. , pas;. 923.
iVotei qu» dans ferrât» il fiait savoir qu'il a vu
qu'elle a été jointe a l'édition de la Geogrnpb.
sacra , à Francfort , en 1G-4-
Blount comme faite à Caen, in-folio,
l'an i65i ; et je ne crois pas qu'il y en
ait eu de telle. Quant à V Hierozoïcon
( c'est le titre du volume de Anima-
libus Sacrœ Scriplurœ) , il fut réim-
primé à Francfort , l'an i6^5 , et l'on
en fit un abrégé l'an 1690, qui fut im-
primé à Franeker. L'auteur de cet
abrégé est un Hongrois nommé Vec-
seùs.
(D) La reine de Suède l'attira h sa
Cour.] J'ai ouï faire mille sots contes
de ce voyage de M. Bochart ; par
csemple, qu on lui fit un jour fort
brusquement cette question dans la
bibliothèque de la reine , que pensez-
vous d'un certain livre , qu'on nomme
la Bible? On prétend qu'il prit la
chose d'un ton aussi sérieux qu'il le
devait, et qu'il fit. un grand discours
sur les caractères de divinité qui
brillent dans l'Écriture; mais que les
assistans ne firent que s'en moquer.
On ajoute que l'abbé Bourdelot avait
fait accroire à la reine, que M. lio-
chart jouait admirablement delà flûte:
mais qu a moins d un commandement
absolu de sa majesté, il n'en jouerait
pas devant elle; et que là -dessus ,
la reine , sans écouter les protesta-
tions d'ignorance qu'il lui redoublait,
voulut absolument qu'il en jouilt; à
quoi il obéit. J'ai oui dire ces choses
et quelques autres de même nature
à une infinité de gens; mais, quand
j'ai voulu les examiner de prés, je
n'ai rien trouvé qui les doive rendre
croyables. J'en parle néanmoins ici,
afin d'empêcher autant qu'il me sera
possible , que ceux qui entendront
parler de ces sornettes n'y ajoutent
point de foi. M. Huèt, à présent évéque
d'Avraaches, qui alla avec M. Bocbart
en Suède , a fait une relation fort gen-
tille de ce voyage (6). Je l'ai citée dans
la remarque (A) , citation (6) , de l'ar-
ticle de (François) Blondêl le mathé-
maticien.
Cette remarque était achevée , lors-
que le Ménagiana m'est tombé entre
les mains : j'y ai trouvé ces paroles :
« C'était une belle chose à voir , que
de voir jouer M. Bocbart au volant
» avec la reine de Suède! La reine
» l'ayant pressé un jour d'y jouer avec
» elle, il mit manteau bas , cl joua.
» Ses amis lui en firent la gu^iii" , et
;> lui dirent qu'absolument il devait
(6; Elle en en vers latins.
5o[ BOCHIUS
» refuser delefaire (7). » J'y ai trouvé M. Bochart eût publié ses recueils sur
aussi que la reine avait résolu de se
trouver à une assemblée où il devait
lire quelque chose de son Phategj
mais que SI. Bourdelot , pour le pu-
ver de cet honneur, tàta le pouls à la
reine, et lui dit qu'elle avait de Té-
motion , et qu'il fallait qu'elle prit un
remède. Elle demeura donc au ht ce
jour-là. Si le conte de la QiUe avait eu
quelque fondement , on le verrait dans
le livre que je viens de citer.
(E) On à joint des dissertations a
la nouvelle édition de toutes ses
autres en 1692."! M. Morén n a-
vait pas tout-à-fait tort de donner
quelque espérance -Mie .M le Moyne
publierait le> manuscrits de M, Bç-
chart ; car il est certain qu il songeait
à cette nouvelle édition , et que
n'ayant pas tout le loisir qu'il fallait
pour entrer dans le détail de cette
entreprise, il en commit les soins a
M. de VillAnandv , en lui promettant
de l'aider de ses conseils, et de lui
fournir plusieurs lettres et plusieurs
dissertations de M. Bochart. La mort
l'a empêché de s'acquitter de cette
promesse. Mais , d'ailleurs , il est cer-
tain que M Moréri s'est trompé lour-
dement dans cet article, soit quand
il a dit que tous les traités manuscrits
de M. Bochart étaient tombés'entre
une matière aussi curieuse que 1 est
celle dont M. Ménage fait mention.
File roule sur certaines choses que l'on
ne trouve qu'une fois dans les écri-
vains Mut ta esse in libris juris, ut
libios cœteros taceani, singularia ut que
ut grammatici greeci loqui amant //.o-
vh'cîi , sive o-ttcl'C t*if,xy.hct. [quo titn/o li-
brum audio scripsisse Samuelem Bo-
charlum ) quis nescit [S ?
(8) Menag. Juris civilis Amœnit. , cap XX,
pag.çg, ioo.
BOCHJUS ( Jean), bon poëte
latin , et secrétaire de la ville
d'Anvers , naquit à Bruxelles,
le 27 de juillet 1 55 (a). Il fit
ses premières études à Lire et
dans Aeth, et se distingua de ses
camarades. Il «scella principale-
ment clans la poésie ; de sorte
qu'on pourrait le nommer le
Virgile du Pays-Bas (A) Il en-
tra chez le cardinal George Rad-
zivil , et par ce moyen , il eut
occasion d'étudier en théologie à
Rome , lorsque Bellarmin y ex-
pliquait les controverses. Bo-
chius assistait à ses leçons avec
en-
les mains de M. le Moyne soit quand beaucoup d'assiduité. Il fit <
il a dit qu'une affaire ja, lieuse avait 1 ., .
obligé M. le MovTie h sortir duroyau- suite divers voyages : il vit
me. Il est de notoriété publique, qu'il
ne sortit de France, qu'avec la per-
mission de la cour, et qu'il ne te
naît qu'à lui de demeurer dans son
église de Rouen , qui faisait tout ce
qu'elle pouvait pour le retenir. Il ne
sortit du royaume, que pour venir
prendre possession d'une chaire de
théologie qu'on lui offrait a Leyde
depuis long-temps. Il est vrai , qu'en
ifir4 on 'u' "' "" rnéchant procès à
Pologne
la
la Lithuanie et la
Moscovie. Ce ne fut point sans
de fâcheuses incommodités et
de grands périls {b) ; car en pas-
sant de Smolensko à Moscou , il
fut si maltraité du froid, que
ses pieds se gelèrent entièrement.
On parlait déjà de les lui cou~
per, lorsqu'un chirurgien du
l'occasion d'une demoiselle délaie- czar trouva qu'il n'en fallait pas
venir à ce remède : celui dont il
se servit n'aurait peut-être point
procuré la guérison , si un au-
tre accident ne fût survenu. Bo-
chius s'était fait porter au quar-
tier des Livoniens , et il y était
(a) Valerii Andréa' BiM. belg., pag. i\(jl.
\b. Il enfuit le récit dans ses notes sur i«
psaume CXLYII.
li<>ion, qui , étant sortie de chez son
père , conseiller catholique au paie-
ment, s'était sauvée en Angleterre;
niais il est vrai aussi qu'après quel-
ques mois de prison, il fut remis plei-
nement au premier état.
(F) Je n'ai jamais ouï parler d'un
certain traite, que M. Ménage lui
attribue] h serait à souhaiter que
(-) Ménagiana, pag. 34'.) de lu première e'di-
fiuit de Hollande,
BOCHIUS. 505
encore, lorsque le grand-duc (A) On pourrait te nommer le Vir
Basilides y entra en armes pour Sde du Pays-Bas.] 11 faut que je rap-
le piller (B). Bochius , saisi de *?¥)** P/opres paroles de Valère
1 , ,- •. . -i ' . André, atin que Ion voie mieux
peur , s enfuit ou il put ; et après avec quelle précipitation Môréricom-
avoir été dépouillé et battu , pilait son Dictionnaire. In poeticd
s'échappa des mains du soldat , palmam cœteris facile prœripuit ,
et regagna son gite le lendemain. adeb ut alteru"r Be¥\ ™stri f1*™-
r t • i »* j i nem nominare liceat (i). Dans l'exem-
Cet exercice hâta de beaucoup plaire dont je me sers, la première let-
l'effet des remèdes. Etant retour- tredu motirfarônemn'a pas bien mar-
né en son pays, il fit un poëme <ïué;à,esorteque,siï,onn!,yregardepas
qui plut tellement au duc de de b\en Pr&. °nk peut facilement
■A r c. , prendre pour un V: ]emiuaa«me mie
Parme , que ce prince ht donner ['exemplaire de M. Moreri a éulemême
à Bochius la charge de secrétaire défaut -} et qu'ainsi ila été cause qu'on
d'Anvers. Ce poëme était un a lu raronem au lieu de Maronem.
Panégyrique du duc de Parme, U"l,essus on s'est souvenu que Vairon
fJ ? t ... ,. ' a passe pour le plus savant des Ro-
sur la prise de cette ville. Il a mains , d'où l'on a conclu , que puis-
depuis composé plusieurs poésies que Bochius a été surnommé le fanon
de COUr (C) : et enfin, il prit du Pays-Bas, il fallait le déclarer
les Psaumes de David pour le f.è.bre par son .fi***0» . j™ faire
, . . -, ,r -, Jane un merveilleux progrès dans
principal sujet de sa plume. Il C intelligence des langues savantes et
mourut avant que l'impression dans toute sorte de doctrine, et ajoti-
de ce qu'il avait fait là-dessus ter 1U**' se forma très-bien dans tou-
fût achevée (c) (D). Ce fut le '" ies "fc"*»."***" de la contro-
o • • à , ,\ r? \ i verse » de la jurisprudence civile et
ad janvier ibog irf). Quant a la canonique , et de la théologie scoîas-
P^ie de David , qu'il avait écrite, tique. François Swert , qui l'aimait
il la publia en i(io8. Il ne laissa ef flni le connaissait trés-partiçulié-
qu'une fille. On fit imprimer à "j?^*' T V' donne„a"T W
A , r _ * _ qui nous conduise a cette idée. Mel-
Udogne, en ibi5, un Recueil chiorAdam, et Valère André, qui
de ses E pi grammes , de ses le louent un peu plus , ne nous y con-
Élégies , et de ses attires poèmes Nuisent pas pourtant; il s'en faut
dispersés; et l'on y joignit tout h^\ .^. der™'" "e dit pas même
r ' ; jv^m. wui (ju ,| ;ut elt, SIlrnomrne le Vlrt,,lt. <J„
ce que Ion put trouver des Pays-Bas, mais seulement qu'on lui
Vers de Jean Ascagne Bochius , pourrait donner ce titre.
son fils , qui était mort en Italie , (B), U s'etait /«* porter au quartier
à la fleur de sa jeunesse. Fran- tlf^TL ^"ï ****?/
■ c . ' . enlia en armes pour le piller La
çois Swert , qui eut soin de cette raison ou le prétexte de cette violence
édition , nous apprend que Jean fut que le patriarche des Moscovite
Bochius, son bon ami avait été ^plaignît au czar que les Allemands,
malheureux en femme ; ce qui, (
dit-il , est assez la destinée des
grands hommes (e).
(c) Melcluor Adam, in Vilâ pbilosoph.,
pag. \ç$.
d liUbus januar. Idem., ibid. Val. Audi-.,
Bil.l. Belg. , pag. ^6l Moreri a mal traduit
cela parle i5 de janvier.
(e Mairimonin implicHus fuit non usque- masculos animos enervarent(i)
aua,,„efclui ac concardi auod fera viris (l) V«l. Andrew, Bibl. belg., pag. 461.
magms commune. Swerlu Ath. Belg.,p.3o8. (a Mclcl,. Al,m. in Vit, ,-bilos , pag. 498.
ceux «le Livonie) , efléminaient le
courage des Moscovites, et leur fai-
saient dépenser beaucoup d'argent
pour diverses sortes de breuvagef
qu ils leur vendaient. Quasi Germa-
nt, in quibus iÂvones , deliciu Mos-
chos corramperent , coctUquevariis po-
ids generibus pecunid emungerent , et
5o6
BODEGRAVE. BODIN.
(C) // a composé diverses poésies
de cour.'] C'est ainsi que j'appelle ,
par exemple , la Description des hon-
neurs faits aux gouverneurs du Pays-
Bas , lors de la prise de possession.
Celle qu'il fit du voyage et de l'in-
stallation d'Albert d'Autriche, et de
son épouse l'infante Isabelle- Claire-
Eugénie , ne peut pas avoir été im-
primée l'an ï5g5 , comme l'assure
Valère André ; car ils ne firent leur
entrée qu'en i5gg.
(D) Il mourut avant que l'impres-
sion de ce qu'il avait fait sur les Psau-
mes fût achevée. ] C'est Melchior
Adam qui l'assure eu termes précis
deux fois de suite (3). On en pourrait
néanmoins douter , si l'on s'en rap-
portait à François Swert , qui ne fait
nulle mention d'aucun livre de Bo-
chius imprimé depuis sa mort , ex-
cepté d'un recueil de poésies diverses.
Outre qu'il remarque que les Obser-
vations physiques , morales , politi-
ques et historiques de Bochius , qui
sont sans doute l'ouvrage sur le Psau-
tier, furent imprimées l'an 1608. Mais
quand on considère que Valère André,
dont l'ouvrage est sans comparaison
moins fautif que celui de François
Swert , donne à Bochius un ouvrage
intitulé, Observalinnes pliysicœ , ethi-
cœ , politicœ et historicœ in Psalmos,
è grœcis latinisque auctoribus , sans
marquer l'année de l'impression , on
ne saurait se persuader que l'année
1608, marquée par François Swert,
soit bien marquée; et par conséquent,
on s'imagine qu'il s'en faut tenir au
narré deMelchior Adam, tout comme
si l'auteur des Alhenœ Belgicœ n'a-
vait rien dit.
(3) Melch. Adam, in Vitâ philos., pag. 498.
BODEGRAVE , village de Hol-
lande sur le Rhin. Je n'en parle
que pour corriger le Diction-
naire de Moréri , où l'on trouve
que c'est un bourg célèbre par
la bataille que les Français y
gagnèrent contre les Hollandais
l'an 1672. C'est une fausseté
(A). On cite Baudrand : c'est
une autre fausseté (B).
(A) Moréri dit que c'est un bourg
célèbre par une bataille c'est une
fausseté.] Il n'y a jamais eu , ni ba-
taille , ni combat , à Bodegrave , entre
les Français et les Hollandais. Tout
ce qu'on peut dire est que sur la fin
de décembre 16-2, les Français as-
semblèrent une armée considérable
pour pénétrer jusqu'au cœur de la
Hollande, à la laveur des glaces ;
mais qu'un grand dégel , qui survint
subitement , Ips contraignit de renon-
cer à leur entreprise. Le dépit qu'ils
eurent de ce contretemps les porta
à des cruautés extrêmes sur les ha-
bitans de Bodegrave, l'un des postes
qu'ils avaient occupés-, et qu'il leur
fallut abandoner. On trouve le détail
de leurs barbaries dans un livre que
M. de Wicqueiort publia sur ce sujet(i).
(Bj Moréri cite Baudrand.
C'est une autre fausseté.] Car M. Bau-
drand ne dit pas que les Français aient
gagné une bataille sur les Hollandais
en ce lieu-là : il dit seulement que
les Hollandais y furent maltraités
par les Français, ubi Belgce uniti
maie habili f'uéreà Froncis anno 16-2.
On ne l'a peut-être déjà dit que trop
de fois : un traducteur , qui se ha-
sarde de paraphraser , ou d'abandon-
ner tant soit peu son original , doit
savoir à fond la matière dont il s'agit.
Sans cela, il s'expose à des méprises
d'autaut plus blâmables , qu'il est
cause qu'une infinité de gens les im-
putent à ceux qui en sont très-inno-
cens , je veux dire aux auteurs tra-
duits. Cent exemples de ce désordre
pourraient être facilement indiqués.
(1) Il a pour litre : Avis fidèle aux véritables
Hollandais.
BODIN (Jean), natif d'Angers,
l'un des plus habiles hommes qui
fussent en France au XVIe. siè-
cle, fit ses études de droit à
Toulouse (a) ; et après y avoir
pris ses degrés , il y fit des leçons
de droit, avec grand applau-r
dis sèment de ses auditeurs
(b). Il avait dessein en ce temps-
là de s'établir à Toulouse en
qualitéde professeur en droit : et
dans ce dessein , pour captiver
(a) Ménage, Remarques sur la Vie de P.
Ayrault, pag. <4'-
, b) l'oyez sa lettre latine à Pibrac , au de-
vant de su République.
EOD
la bienveillance des Toulousains
il fit son oraison de Instituendâ
in republicâ juventute , qu'il
adressa au peuple et au sénat de
Toulouse, et qu'il récita publi-
quement dans les écoles de Tou-
louse. On a dit aussi que , dans
ce même dessein, il fit l'épi-
taphe de Clémence Isaure (c) ,
gravée à Toulouse en 1 55y , sous
la statue de cette Clémence (A).
Mais il préféra enfin la plaidoi-
rie à la jurisprudence , et quitta
l'école de Toulouse, pour le bar-
reau de Paris. Loysel et Sainte-
Marthedisentque la plaidoirie ne
lui fut pas glorieuse (B) ; et
c'est sans doute ce qui l'obligea
de quitter le barreau . pour s'a-
donner à la composition des li-
vres , où // réussit admirable-
ment. Il commença par faire
imprimer son Commentaire sur
les livres de la chasse d'Oppian ,
et sa traduction en vers latins de
ces mêmes livres. On l'accuse
d'y avoir été plagiaire (C). Je
donnerai dans une remarque la
liste de ses autres livres (D) , et
n'oublierai point ce qui concerne
son Heptaplombres , qui n'a ja-
mais été imprimée, et où l'on
prétend qu'il débita beaucoup de
choses impies. « Sa réputation
>> d'homme sasant , et de bel es-
» prit le fit souhaiter par Henri
» III (E) , qui aimait les gens
» de lettres, et qui se plaisait
» dans leur entretien (d). Hen-
» ri III appela donc Bodin au-
» près de lui : et comme Bodin
» avait la conversation agréa-
» ble; car il avait une grande
» lecture, et il se souvenait
(c) Institutrice des jeux floraux de Tou-
louse à ce qu'on prétend faussement .
(d Ménage , remarques sur la Vie de P.
Ayianlt , pa j . i | >
IN. 5o;
» de tout ce qu'il avait lu ; 1 len-
» ri III se plaisait dans sa con-
» versation. 11 eut d'abord tant
» de considération pour lui ,
» qu'il fit emprisonner Jean de
» Serre *, qui avait fait contre
» Bodin un écrit injurieux , et
» qu'il lui fit défense sur peine
» de la vie de publier cet écrit
» (eV Mais sa faveur ne fut pas
» de long,*» durée. Ses envieux
» lui rendirent aussitôt auprès
» du roi de mauvais offices , qui
» firent que le roi cessa de le
» considérer. Ce fut en ce ternps-
>» là que , se voyant caressé de
» François de France , duc d'A-
» lençon et d'Anjou , frère des
» rois François II , Charles IX et
» Henri III , il prit parti avec
» lui. Le duc d'Alençon le fit son
» secrétaire des commandemens,
» un des maîtres des requêtes de
» son hôtel , et son grand maître
» des eaux et forêts (*). Et il
» le mena avec lui en Angleter-
» re et en Flandres comme un
» de ses principaux conseillers.
» Étant en Angleterre , il eut
» le plaisir et la gloire de voir
» lire publiquement dans l'uni-
» versité de Cambridge ses livres
» de la République (Fj, traduits
» en latin par les Anglais ; car
» il les avait faits en français.
» Ce qui l'obligea de les traduire
» ensuite lui-même en latin
.. L'Histoire de Flandre remar—
» que que ce fut lui qui ron-
» seillaau duc d'Alençon de se
* T.eclerc remarque que ['adversaire rie
Bodin, qui écrivit contre sj République, et
fut emprisonné, n'est pas Jean de Serre.
mais Michel de Serre, que Bodin lui-même
appelle pourtant en latin Serranus qui est
le nom que J.de Serre a mis à ses ouvrages.
(r Voyez la remarque (0\ cJatïon 69V
(* Voyez l'abné le Laboureur, pag. 385
de son If- volume de Caslclnaa.
5o8 BODIN.
)> saisir d'Anvers *•. Après la par un aveuglement du roi et
» mort du duc d'Alençon , arri- des conseillers du roi , ceux qui
» vée peu de temps après l'en- eussent pu détourner cette mau-
» treprise d'Anvers , Bodin se vaise résolution n'osaient rien
» voyant déchu de ses espéran- dire , il s'abstint de proposer
» ces, songea à sa retraite. Il se son sentiment, qui lui était en
» retirai Laon , où il épousa » particulier préjudiciable, sans
une femme qui était sœur d'un servir de rien au public (h). Il y
magistrat (G). Il eut une charge eut des villes qui se plaignirent
dans leprésidial de la même vil- qu'il avait passé sa commission ,
le (H); et ce fut apparemment à en s'opposant à la demande;
cause de cette charge ■> qu'il fut mais le conseil du roi , qui exa-
député en \5j6 par le tiers état mina ces plaintes, le disculpa
de Vermandois aux états de (i). Chacun sait que dans les
Blois ; quoique dans la relation Ragguagli du Boccalin il fut
quil a faite de ces états , il ne condamné au feu comme un
prenne d'autre qualité que celle athée , notorio atheista , pour
de député du tiers état de Ver- avoir dit dans ses livres de la Ré-
mandois (f). Il s'y montra bien publique , qu'il faut accorder
intentionné pour les droits du aux sectes la liberté de conscien-
peuple(I), et il a cru que cela ce (k). L'abbé le Laboureur, it
fut cause qu'il n'obtint point une » la page 385 du IIe. volume
charge de maître des requêtes , » de son Castelnau , a écrit qu'il
» avait été lieutenant général
» de la table de marbre (/). Il
» est constant que , du temps de
» Charles IX , il lut procureur
» du roi * d'une commission
» pour les forêts de Normandie
» (K). » 11 avait été de la reli-
gion : cependant , en 1 58c) , il
charge
qui lui avait été destinée. Il eut
le courage de s'opposer forte-
ment à ceux qui voulaient que
tous les sujets du roi fussent
contraints à professer la religion
catholique (g). Il représenta vi-
vement, que cette demande était
une infraction des édits , et
qu'une telle infraction exciterait persuada aux habitons de Laon
nécessairement la guerre qui de se déclarer pour le duc de
avait été si souvent funeste à
tout le royaume. La liberté
avec laquelle il représentait ce-
la , lui fit beaucoup d'ennemis ;
c'est pourquoi , ayant aperçu
qu'il y avait complot pour faire
passer cette demande , et que
* Leclerc dit qu'au contraire Fodin n'avait
pas été de l'avis du voyage en Flandre; mais
il conjecture cependant que voyant le voyage
entrepris il aura conseillé l'occupatiou d'An-
vers.
(f) Ménage , Remarques sur la Vie de P.
Ayrault, pag. i/|6.
(g) Tluian., lil>. LXIII , pag. i83, ad
ann. 1576'. Voyez la remorque (I).
Maine ( L ) , leur remontrant
que le soulèvement de tant de
villes et de tant de parlemens ,
en faveur de MM. de Guise , ne
(/;! M. de Thou s'est contredit, et a réfuté
ceci lui-même. Voyez la remarque (I), à la
fin.
{1) Ex Thuani lib- LXIII. Voyez la re-
marque (I), citation (3iK
(h) Ragguagli di Paruasso, cent. I, cap.
LXIV, pag-. iq5.
(Z) Ménage, Remarques sur la Vie de P.
Ayrault, pag-. Iq6.
" Il lit à cette occasion, dit Joly, un ma-
nuscrit cilé par M ont faucon et intitulé :
Avertissement aux commissaires pour la re-
formation des eaux et forêts de Normandie.
BODIN. 5o9
devait pas être appelé rébellion que l'autorité des monarques est
mais révolution (m) • et il fit im- illimitée (P) ; mais il ne laissa
primer en ce temps-là une lel- pas de déplaire aux esprits ré-
tre sur ce sujet (n) // mourut publicains. Je crois que ce fut ,
de peste ¥ , à Laon en iSçô entre autres raisons , parcequ'il
dans, sa soixante-septième an- soutint d'un côté, qu'il y avait
née (M), et fut enterré aux Cor— dans l'Europe quelques monar—
deliers de la même ville , comme ques absolus , et de l'autre, qu'il
il l'avait ordonné par son testa- n'appartient à pas un des sujets
ment (o). Il avait été carme dans en particulier , ni à tous en gé-
sa jeunesse, si l'on en croit M. néral, d'attenter à l'honneur ni
de Thou; mais M. Baudri ,avo- à la vie de tels monarques , soit
cat au grand conseil , et petit- par voie de fait, soit par voie de
neveu de Bodin, a dit plusieurs justice, quand même ils auraient.
fois affirmativement à M. Mé- commis toutes les méchancetés ,
nage , que M. de Thou avait été impiétés et cruautés qu'on pour-
mal informé de cette particula- voit dire (s). Ce sentiment ne
rite (p). Il me semble qu'il y a paraît pas bien lié avec le dog-
autant d'hyperbole, dans les me qu'il avait aussi soutenu , que
louanges que Gabriel Naudé a la puissance de ces monarques a
données h Bodin, que d'injustice des bornes , et qu'ils sont obli-
dans le mépris que Cujas , Scali- gés de régner selon les lois : mais
ger et quelques autres lui ont après tout, on peut connaître
témoigné (M). Possevin n'est pas dans l'une et dans l'autre de ces
le seul qui l'accuse d'avoir écrit doctrines , qu'il avait à cœur le
bien des choses qui sont con- bien public, la paix et la tran-
traires à la religion (0) ; et il y quillité de l'état (Q). Les Alle-
eut des gens qui le soupçonné- mands se plaignent beaucoup
rent de magie (q), et qui assure- de lui , et le maltraitent. Voyez
rent qu'il était mort juif (r). No- sur cela plusieurs passages dans
tez qu'il se déclara assez libre- les recueils de Magirus (/), et
ment contre ceuxqui soutenaient dans ceux de Pope Blount (y).
'.,. m;„,„„ Tf„mi „. i«v-j n Consultez aussi la Harangue de
yin Menace, nemarques sur la Vie de 1J. . D
Ayrauit, pag. 1 17. Thomas Bansius coutrela France
n) Datée de Laon, du 29 de janvier i5go. rx^ I) y a néanmoins des Alle-
Là même. -, • l • . . "i ,
, c ,, • , T , mands nui lui attribuent 1111
Sur cette circonstance, Joly rapporte 1
un passage tronqué par 1m, d'un Borbonia- esprit et 1111 jugement SUblimeS -
p,«alo«aia0usCnt,etqaiadepuis été im- et une tares-grande érudition.
prime dans le tome H des mémoires liislori- . i â -i
t/ues, critiques et littéraires def eu M.Bruys, > oyez les mêmes recueils. Les
i7.m, deux v,,ium,s in 12. Voici ce qu'on Italiens se sont aussi appliuii (S .1
lit à la page 230 : • J. Bodin mourut de la , - . XT 1
. pe«e, à Laon enrôlasse» vieux, et ne le critiquer. iNous en avons des
- dit pus un mot de Jésus-Christ. Il avait
- écrit et croyait que ceux, qui avaient passé (s) Bodin.de la République, lU>. II, <7,<//>.
- soixante ans ne pouvaient plus mourir de V , pas;. 3o2
• la p. sic. Celte opinion est bien fausse. - ,, •] -0t.ias Magirus, Eponjna t., pag. i3;
(o) Là même, pag. Iq8. et seqq .
interne, pag. ll{l. . Pope Blount , Cens, auctor. . ;
' oyez tu remarque 0), à la fin. et scq.
■ Voyez ci-dessous la citation (66). •<■' Pag. 3oi, 3o2
5io
BODIN.
preuves dans les Discours politi- (B) Loyselet Sainte-Marthe ontdit
ques de Fabio Albergati , dont <P" <* plaidoirie ne La fut pasJo
(a méthode ne plaisait pas trop ri,ense) Voyez ci-dessus les paroles
à Bonifacio Vannozzi. Yovez le Antoin* tqrfel (3j, et joignez-y ce
premier volume de ses Lettres P '^ bai"te-Marfh« = WeQm
(jr). On fit à Bodin en Angleterre
une réponse très-ingénieuse (R),
qui pouvait lui faire connaître
qu'il n'avait pas eu assez de pru-
dence dans ses discours. Il avait
l'estomac si bon , qu'il ne fut ja-
passagc uc oaiiue-njarriie : LSeque
veroquamscriptis comparm-eral exis-
timationem prœsentia sua minuebat ,
si quando infamiliari hominum con-
grtssu de qudcunque re propositâ di-
serte copiosèquedispularet. Quô magis
mirandum est , hominem eâ Jacuttate
prœdilum inter nobt.'iores Curiœ Pa-
ri siensis ndvucatos locum oblinere non
mais incommodé dans les vovâees L°S • Prœ?erti% cùm. œ9^les ha-
«i,M fit ~„ ,c\ c J o. bti,el "lïssonios, Pascasios, Pnhœ>s
quilfit par mer (S). Son senti- et altos comptes, ingènii lauie
meut sur les comètes était un peu Postantes uiros , qui amœnioribus
étrange. Voyez la remarque (0) etiam disc>pt'"is incumberent , nec eo
. . „ ' , i v y minus cetebriler infori luce versaren-
(y) l'ope BJounr, Cens. Auclor.,pae-.iQo turfi). enaren
\\j) Il fit un Commentaire sur Op-
Plan On t'accuse d'y avoir été
plagiaire.] « Jacques Bongars , dans
» une de ses lettres à Conrad Ritter-
» shusius , commentateur et traduc-
» teur d'Oppian , prétend que Bodin
» avait compose cet ouvrage des écrits
» deTurnèbe : ce qui paraît peu vrai-
» semblable , Bodin n'étant pas moins
» savant que Turnèbe : et. en i555
» que Bodin fit imprimer son Op-
» pian, dont il avait obtenu le pri-
» vilége dès i553 , Turnèbe étant
» encore en vie ; car il ne mourut
» ou eu i565. Cependant Turnèbe
» lui-même, à la fin de son édition
» d Oppian de 1 555 , se plaint qu'on
« lui a volé ses corrections sur cet
» auteur. Septem ab hinc annis levi-
» ter emendaveram Oppianum de Ve-
» nalione , partim animi conjectura,
, » partim libri veleris ope. Eus emen-
^ « dationes quidam usurpavit , et sibi
» donavit : quas tamen non pulabam
» tanti , ut infurtivU rébus esse de-
» berent. Eus a nnbis vindicatas et
» recuperatas esse nemo conqueri de-
» bebit ; nain rerum jurtïn arum , le-
» ge , œlerna est auctoritas. Ce qui
» apparemment doit s'entendre de
» Bodin. Bodin, de son côté , se plaint
» dans sa Méthode de l'Histoire, qu'on
» s'est servi avec ingratitude de son
» travail sur Oppian. Quos ego de
» Kenatione libros , cùm latinn versu
» et commentants illuslrâssem , qui-
et sui
(A) On a dit qu'il fit l'épita-
pne de Clémence Jsaure , gravée sous
la statue de cette Clémence] M. Me-
nard l'assure dans ses Hommes illus-
tres d'Anjou (i)j mais Cutel , dans
ses Mémoires de l'histoire de tangue-
doc, a écrit que Bodin , estimé l'au-
teur de cette épitaphe , n'en était pas
l'auteur, et que c'était Martin Gascon.
C'est ainsi que M. Ménage s'est expri-
mé : voyons les paroles de Catel « H
» n'y a personne qui doute que l'in-
» scription qui a été apposée au pié-
■» destal de ladite statue ne soit nou-
» velle , et faite en l'année i55^ 3
» bien que l'on doute qui est celui
)> qui l'a faite j car quelques-uns di-
j> sent que ce fut Bodin , qui a écrit
3> le livre de la République , étudiant
» à Tolose; les autres , que ce fut un
» nommé Dutil avocat : mais
>> crois que ce fut un avocat no...
» mé maître Martin Gascon , natif
» de l'île de Rhodes, qui était capi-
» toul en ladite année, homme fort
j) bien disant en latin, suivant le té-
» moignage du docte médecin Fer-
» lier, lequel dans un petit poème
w qu'il a fait imprimer des excellens
» hommes de Tolose, parle dudit
» Gascon en cette façon :
» Ipsaque de longis reçionibus incfyta fama
- Gasconum adduxii Rhodium, Cicsronii
alumnum {2).
(1) Ménage, Remarques sur la Vie de Pierre
Ayiault, pag. 1^1.
(2) Catel , Mémoires de l'Histoire du Langue-
doc , pag. 4oo.
(3) Dans la remarque (\) de l'article de
(Pierre) As* av lt . citation (1), tom. I.
(4) Samniarth. , Elog. , Ub. IF. pag. 92 , 93.
BODIN.
5n
j) dam grammaticus , quantum libuit
» de meo labore detrahcns , iterùm
■» pervtdgavil. Guillaume Morel im-
» prima en la même aunée ■ 555 la
v traduction en vers latins des livres
« d'Oppian de la Pêche , et les livres
>; d'Oppian de la Chasse, en prose
» latine. Et c'est apparemment aussi
v de cette version des livres de la
» Chasse d'Oppian, dont a voulu par-
» 1er Bodin (5). » Notez que la let-
tre de Bongars, citée par AL Ména-
ge, se trouve aux pages 8a et 83 du
Gallia Orienlalis. Elle est datée de
Francfort, le 4 d'avril iGoo. Le père
de SI. Colomiés en avait reçu une
copie l'an 1648. Celui qui la lui avait
envoyée la tenait de M. Gronovius le
père , qui avait copié l'original à Nu-
remberg , l'an iG3a, chez Nicolas Rit-
tershusius , tils de Conrad. On voit
dans cette lettre plusieurs choses dés-
avantageuses à Bodin. Ce qui con-
cerne le plagiarisme est conçu en ces
termes : Jam edidisse illum lectiones
Turnebi in (Jppianum pro suis, nemo
noslrorum ignorât (6). Notez aussi que
M. Ménage a donné pour le justifier
une raison qui n'est pas solide. C'est
celle qu'il fonde sur ce que Bodin
n'était pas moins savant que Turnèbe.
Je crois qu'à tout prendre il a raison ;
car Bodin sans doute était plus habile
3 ue Turnèbe dans la jurisprudence,
ans la politique, et dans l'histoire
moderne; mais il lui était inférieur
dans la critique , et dans tout ce qui
s'appelle les humanités; or le livre
dont il s'agit appartient à cette espèce
de science.
(D) Voici la liste de ses autres
livres.] il publia sa Méthode de l His-
toire , l'an i566, et son Discours sur
le fait des monnaies , et Réponse aux
paradoxes de Malcstroit touchant ren-
chérissement de toutes choses , et le
moyen d'y remédier, l'an 1 568. Sa
République fut imprimée in-Jolio ,
l'an 1 5^6 ^ , et ensuite plusieurs fois
(5) Ménage, Remarques sur la Vie de Pierre
Ayrault , pag. 1^1.
(6) Voyez la Gaule orientale de Colomiés,
pag. 83. Voyez aussi les Lettres de Ricluerus,
pa.<. 2o5.
* Joly meotionne l'Abrégé qui en fut publié
sous ce titre : Johannis Aneelii rf'erdenhagen
J. C. C. synopsis .«Ve medutla in sejr lihros
Johan., Sodini, Andegavensis, de Republicd ,
ulii per quœsttones otnnta succincte et nervosè
explicanlur. Amsterdam, 1. Jausson , i635,
in- 12.
irt-S". (7), et lui donna une très-grande
réputation. « Mornac en parle en ces
» termes :
• Jani Bodini gallicam Bempublicam.
» Qui viderit , majus nihil f'atebitur
» In erudild luce prisci sœculi.
- Galtis hic , ohm quod Quirili Tullius.
» Le président de Thou ne parle
pas moins avantageusement de cet
ouvrage ; quoiqu'il parle de l'auteur
moins avantageusement : l'accusant
de vanité , qu'il appelle le vice des
Angevins (8). Opus magnum de Re-
publicd gallicè publicavit , in quo ,
ut omni scienliarum génère , non
tincti , sed imbuti ingcnii fidem fe-
cit , sic nonnullis , qui rectè judi-
cant , non omnino ab oslentationis
innalo genli l'itio vacuvan se proba-
vit. Ces grands éloges de la Républi-
que de Bodin me font souvenir de
faire part en cet endroit à nies lec-
teurs de ce que j'ai ouï dire autre-
fois à M. Naudé , que la Rhétorique
d'Aristote , la Poétique de Scaliger ,
la Sagesse de Charron , et la Répu-
blique de Bodin , étaient de tous
les livres ceux qui étaient faits avec
le plus d'art. En i5y8, Bodin pu-
blia ses Tables de droit , intitulées :
Jurisuniversi Distributio. Elles sont
imprimées à Lyon , par Jean de
Tournes , pour Jacques Dupuy , li-
braire de Paris. Dans la Dédicace
de la Méthode de l'Histoire il fait
mention de cet ouvrage de droit eu
ces termes : Juris unifersi formant
sic adiunbrai'imus in tabula quant
tibi cxhibuimus speclandam , ut ab
ipsis caussis summa gênera , gene-
rumque partitionem ad infima de-
duceremus : ed tamen ratio ne , ut
omnia membra inter se apta cohœ-
rerenl. In quo verissimè à Platane
diclum iniellexi , tuhil dijficilius ac
divinius , quant rectè partiri. 11 fit
ensuite , en 1 579 , sa Demcnoma ■
nie îles sorciers , qu'il adressa à
Christophle de Thou, premier pré-
sident du parlement de Paris : à la
> lin de laquelle il ajouta une Réfii-
i ttition du livre de Lamiis de Jean
IVier , médecin du duc de Clèves *.
(7) Voyez la remarque (X) , citation (48).
(8) M. Ménage se trompe , car M . de Tbon
veut parler des Français en général, et non pas
des Angevins en particulier.
* L'épîlre dédicatoire étant datée du 20 dé-
cembre >'~Ç). le livre ne peut guère avoir été
5l2
BODIN.
» Il avait fait, en 15^6, une Relation
» des états de Blois. Cette relation
» a été imprimée , mais sans le nom
» de son auteur. Et il fit peu de temps
» avant sa mort son Théâtre de la
» nature universelle. O.utre tous ces
» livres , il a fait un Dialogue des
» religions , qui n'a point encore été
» imprimé , intitulé Heptaplomer/tn ,
» su>e de abdilis rerum sublimium ar-
» canis. 11 donne dans ce Dialogue l'a-
» vantage à la religion juive ; ce qui
» a fait croire à plusieurs personnes
» qu'il était juif... Dans sa Méthode
» de l'Histoire , au chap. 6 , il fait
» mention de son livre de Decretis.
» Sed hœc uberiùs in libro de De-
3> cretis disscruimus. Ce livre n'est
» pas imprimé. Il ordonna par son
» testament , dont j'ai vu l'original ,
» ipie ses livres de hnperio , et Juris-
» dictione , et Lcgis actiombus , et
» Decretis , et Judtciis , seraient brû-
» lés : ce qui fut fait avant sa mort
» eu sa présence. Auger Ferrier , de
» Toulouse , médecin et astronome ,
« et Jean de Serre de Montpellier ,
» et Pierre de l'Hostail , écrivirent
» contre lui. 11 leur répondit sous le
» nom de René Herpin , qui était un
» homme de la ville d'.Angers ( 9 ). »
M. Teissier lui attribue la version fran-
çaise de la Harangue latine , que
Charles des Cars , évêque de Langres
fit aux ambassadeurs de Pologne ,
dans la ville de Metz, l'an i^fi (10) ,
et. Consilium de principe rectè insli-
tuendo , et Paradoxon quod nec vir-
tus ulla in mediacritute , nec sum-
mum hominis bonum in virlulis nr-
tione consistere possit , et Historica
narratio projectionis et inauguratinnis
Alberti et Isabellœ Auslriœ archidu-
cum , et eorum in Belgio adventiis
(11). Il se trompe , à l'égard de ce
dernier livre 5 car Bodin mourut
avant ce voyage de l'archiduc Albert ,
et de l'infante Isabelle-Claire-Eugénie.
Quant au manuscrit que M. Ménage
nomme Heplaplomeron , etc., et du-
quel M. Huet a parlé dans sa Démon-
publié que l'année suivante , dit Daviil Clément.
L'édition de 1578, cilée par Nice ron , est doue
imaginaire.
(i)| Ménage, Remarques sur la Vie de Pierre
Ayrault , pag. \\i , \l(i.
(10) Du Verdier Vau-Piivas en fait mention
a tapage 654 ''e *a Bibliothèque française.
(11) Teissier, Addil. aux Eloges , lom. II,
pag. aaj9'
stratio evangelica comme d'un livre
abominable (12) , je vous renvoie aux
Nouvelles de la République des Lettres
(i3) , et je fais cela pour éviter les re-
dites. M. Teissier s'abuse quand il
dit que M. Diecman a publié cet ou-
vrage de Bodin à l.eipsic ( >4 ) H fal-
lait dire que l'on trouve beaucoup de
particularités concernant ce livredans
un Schtdiasma inaugurale de Natu-
ra/ismo , lùm aliorum , tùm maxmc
Joannis Bodini , que M. Diecman fit
imprimer l'jjn i683 a Kiel , et qui fut
réimprimé à I eipsic l'année suivante,
1/2-12 : on l'a réimprimé à Iene, in-^°.,
l'an 1700 (*).
(E) Sa réputation d'homme savant
et de bel esprit le Jit souhaiter par
Henri III ] M. de Thou rapporte cela
d'une manière qui est fort glorieuse à
Rodin. Dùm hœc scriberet , à rege
Henrico 11/ , qui litteratis descrip*
tionibus pe.r olium oblectabalur , ad
Jamiliare secrelum cum plcrisque aliis
viris doctis sœpiùs est admissus , mag-
namqne laudem ex iis repnrtavit ,
quippè qui ingenium in numeralo ha-
berel , et paratam ad omnia , quœ
proponerenlur, pulcherrunarum rerum
copiant qud pollebat acri memor'ul ej-
Junderet (i5). CYst-à-dire , selon la
version de M. Teissier : <c Pendant
» qu'il travaillait à ce livre , le roi
» Henri III , lequel aux heures de son
m loisir , prenait plaisir dans la con-
» versation des savans , s'entretint
» diverses fois avec lui en présence de
» quelques hommes doctes, et ces con-
» férences lui acquirent beaucoup de
» gloire ; car comme il avait l'esprit
» présent , et que , s'il faut ainsi dire ,
» il avait en argent comptant toutes
}> les richesses de son esprit , il éta-
» lait une incroyable abondance de
» choses curieuses , que son excellente
» mémoire lui fournissait sur le
(12) M. Ménage en cite trois passages dans
ses Remarques sur la Vie de Pierre Ayrault,
pag. i43.
(i3) Mois de juin 1684.
(»4) Teissier, Addit. ans Éloges, lom. II,
pag. 25o , édition de l6qtï.
(*) Bodin , comme on sait , avait suivi le duc
d'Anjou dans les P.iys-Bas. Busbeck , lpît. XV
de son Ambassade de I rance . dit que des trois
diverses Relations qui, en i583, parurent pres-
que en même temps de l'entreprise de ce duc
sur Anvers, la seconde qui était en français, et
en forme de lettre, passait pour être de Bodin.
Rem- crit.
(i5) Tbuan., lib. CXVII,paS. 771.
BODIN.
5i3
» champ. » Cette narration de M. de
Thon renferme un anachronisme, que
RI. Ménage aurait dû rectifier , et
qu'au contraire il a adopté. M. de Thon
prétend que la laveur de liodin au-
près d'Henri JII durait encore, quand
cet auteur composait la Démonoma-
nie. Il suppose aussi que Bodin , se
sentant disgracié , s'attacha au duc
d'Alençon , et obtint chez lui un rang
honorable. C'est confondre les temps.
Il n'entreprit le livre intitulé de la
Démonomanie des sorciers , qu'en con-
séquence d'un jugement qui avait été
conclu contre une sorcière , et auquel
il avait été appelé le 3o d'avril 1578
(16) , et il était maître des requêtes
et conseiller du duc d'Alençon dès Tan
1571 (17). Nous verrons ci-dessous (i 8)
un passage de M. de Thou , qui nous
apprendra que la conduite de Bodin
aux états de Blois , l'an 1576 , lui lit
perdre les bonnes grâces du roi.
(F) II eut le plaisir et la gloire de
voir lire publii/uemeiit dans l univer-
sité de Cambridge ses libres de la Ré-
publique. ] J'ai observé bien des fois
que, pour réduire à leursjustes bornes
les idées que les auteurs nous inspi-
rent touchant la prospérité glorieuse
des gens dont ils parlent , il faut con-
sulter la personne même qu'ils ornent
avec tant d éclat : il arrive , qu'encore
qu'elle se soit fait bonne mesure ,
elle fournit de quoi redresser les hy-
perboles de ses historiens. Bodin n'en
sera pas ici un exemple aussi clair
que je voudrais ; mais cependant je
puis dire que ses expressions ne sont
pas aussi précises que celles de Sainte-
Marthe. Voici ce qu'il dit : Tamelsi
nova occasione ad id (19) maiimè im-
jtulsus essem , cura Londini Olybium
gallum hominent in privalis illustrium
virorum œdibus ; alium item apud
Cantabriges in ipsd acadeimd dtjjicili
ac mnlesld ratione singlis lltmpubli-
cam noslram interprelari comperissent
(30). Ceux qui savent que , dans les
collèges des universités d'Angleterre ,
il y a des leçons de chambre , et des
(16) Bodin, préface de la Démonomanie.
(17) JUem, île Rep.iblicâ, lib. I , cap. X,
pa±,. 255, edit. Vrsell. , ann. 1601.
(18) Pan< la re'naraue (l).
(if)) C'est-à-dire , à mettre en latin ton ou-
vrage de la République.
(20) BoJinus , epist. dedical. libroi ■ de Repu-
blicâ edilionis laltnce.
TOME in.
leçons publiques , trouveront que
Sainte-Marthe s'est plus avancé que
Bodin ; car il décide que la Républi-
que de Bodin était expliquée à Cam-
bridge dans ks auditoires publics :
Quem ( Andium ducem ) in Angliam
secutus , cùm illic e suggkstu publico
sua scripta jwenibus enarrari compe-
risset , ex hoc inusilatcv i^lnriola; pro-
venlu non mediocrem figiliarum sua-
ittm jructum sibi visas est collegisse
(•21). M. Ménage a suivi la même idée.
(G) // se retira h Laon , où il épou-
sa la sœur d'un magistrat.^ « II épou-
» sa Françoise Trouilliart, veuve de
» Claude Guyart, contrôleur du do-
» maine du roi en Vermandois , et
» sœur de Nicolas Trouilliart, procu-
» reur du roi au bailliage et siège
» présidial de Laon. Les articles de
» son mariage sont du 25 février
» ^76 (22 ). » Cette date montre
qu'il est nécessaire de rectitier la
récit de RI. Ménage. Je m'y suis ac-
commodé ; mais c'était dans la pen-
sée d'en faire voir ici le défaut. M.
Rlénage suppose que l'an 1576 est pos-
térieur aux voyages que tit Liodin avec
le duc d'Alençon en Angleterre et au
Pays-Bas : il prétend même que cette
année-là est postérieure à la mort du
duc d'Alençon - mais c'est une grande
fausseté. Ce duc alla en Angleterre l'an
1579. N y retourna l'an i582. Il entre-
prit de se rendre maître d'Anvers l'an
i583 , et il mourut l'année suivante.
Il fallait donc dire , non pas que Bo-
din , déchu de ses espérances après la
mort de ce prince , se retira à Laon ,
et s'y maria ; mais qu'il retourna chez
Lui à Laon , où il s'était marié l'an
1576. Notez qu'il eut trois enfans de
son mariage, deux garçons, Élie et
Jean , et une fille. Il survécut à Élie ,
et Jean mourut jeune, sans avoir été
marié. La fille tomba en démence , ne
lut jamais mariée , et vécut plus de
quai ie- vingts ans (33).
(II) Il eut une charge dans le j<r,-
sidtal de Laon. ] « Le présidi nt d.-
» Thou dit qu'il y fut ]i,ii<, i,,n '
nei al. C'est auliv. CXVN de son \\\,-
» toire. M. .Menard . dans ses llom-
» mes illustres d'Anjou , dit qu'il y
» fut procureur du roi. M. Joly, dans
(21) Sammartb., Elog. , lib. IK, pag. g3.
(aa; Ménage, Remarques sur la Vjerle PïrrrL-
Ayrauli , pag. i.'('l
(ii) Idem, ibid., paç. \\- , i js'.
33
54
EODIN.
j> ses Notes sur le Dialogue des avo- tamen a populL commuais oaldc
» cats de Paris de Loysel , et M. de aliéna : ego ad collegium pontificùm
» Mézerai , dans son Histoire de et patrilios ire jus sus , ordinis nostri
» France , disent qu'il y fut avocat du decreto , illos a propositd suscepld-
» roi. Sainte-Marthe , dans l'Eloge de que scntentid deduxi. Cùm verb prœ-
}> Bodin , dit, en général, qu'il y dia publica sub hastd vendere , el qui-
» exerça une charge de magistrature, dem alienatione sempiternâ , ac tri-
» li est certain qu'il y fut procureur buta duplicare specie levandœ plebis
» du roi, en la place du sieur Troail- propositumessel, idque modis omnibus
■» liait son beau-frère. 11 dit dans son
» testament , qu'il est un des plus
■» pauvres procureurs du roi de
» France (i^)-» Notez que M. de Thou
suppose qu il n'eut la charge de lieu-
tenant général , qu'après la mort du
duc d'Alençon.
(1) Aux états de Blois , il se montra
bien intentionné pour les droits du
peuple. ] « Il y remontra avec une li-
ai berté gauloise , pour user des ter-
» mes de M. de Mézerai , que le
» fonds du domaine royal apparte-
» nait aux provinces , et que le roi
« n'en était que le simple usager. Ce
» que le roi Henri 111 ne trouva point
v mauvais , disant que Bodin était
» homme de bien. Voyez la relation
» de Bodin. 11 y remontra autsi que
» les députés de deux corps ne pou-
» vaient rien décider au préjudice du
» troisième , et sur sa remontrance
» les députés de l'ordre ecclésiastique
» et les députés de la noblesse , qui
« avaient été d'avis contraire , chan-
» gèrent de sentiment ; ce qui fit dire
» au roi Henri III , que Bodin avait
» été ce jour-là le maître des états.
5> Voyez le chap. 7 du liv. III de la Ré-
» publique de Bodin (a5). » Voyez
aussi la lettre latine qu'il écrivit à Pi-
brac , et qui se trouve au-devant des antea fuisse
.-,■.■ r ■ J 13 ' ui: . J
tentaretur , nos tanto studio intercessi-
mus ut cùm nihil obtineri potuisset , rex
ipse , Homaro Burdegalensiùm prœ-
side , Dureto prœside Molineorum ,
Jiipuarir, Aquilaniœ sindyco , ac ple-
risque aliis nudieniibus dixerU , Bo-
dinum ab ejus commodis non modo
dissentire , verhm etiam collegaruin
l'oluntates ac studia à se avertere con-
suésse.S'i tamen procurator regius tune
fuissent , non aliter sentirent ; quia
necesse est si lien intumescal , ut ca-
put ipsum , ac caetera membra conta-
bescant. Quid igitur facere decuil ple-
bis legatum r Cùm aillent nullis ille-
cebris Jlecti poluissem , omnes penè
firomunduorum limitâtes , quœ me
absentent , et certc repugnantem cnm-
munibus sufftagiis elegeranl , litle-
ris quorumdam persuasœ , procurato-
res ad com'enlus miserunt , ut JJodi-
num , sijieri posset , a susceptd lega-
lione revocarent , quasi qui duplices
in republied religiones lueretur : sed
non priits procuralorias tabulas in co-
mitio aperueranl , quant sumnid cum
ignominiâ explosij'uére. Ex eo tamen
quantum delrimenti meis rationibus
allatum sit , satis intell igunt , qui sœ-
piùs audierunt libelloram in regid
inagistrum me designatum h principe
éditions françaises de sa République :
vous y trouverez ce qui suit. lies ipsa
planum fecit , me in legatione ad
Galliœ comentus pro populi commo-
dis advenus polenliorum opes , non
sine capilis mei periculo , dimicavisse :
ac primùm omnium ne bella civilta ,
popului'is fundi calamilas , renovaren-
tur , acerrimè reslitisse .' deindè auc-
torem fuisse ne quis è numéro legalo-
rum cooptaretur , qui populi rogatio-
nibus judicandis mteresset : contra
quant ab omnibus ordinibus und om-
nium t'oce decrelum erat, cùm rcs ipsa
popularis ac speciosa viderctur , esset
(24) Ménage , Remarques sur la Vie de P.
Ayrault , pag. 147 , i4".
•(25) LU mtu.e.
Ce que M. de Thou narre touchant,
ces mêmes choses est très-glorieux à
Bodin. 11 dit que les cahiers des
états ayant été présentés au roi , on
proposa au tiers état de nommer
douze commissaires qui assisteraient
à l'examen qui serait fait de ces
cahiers au conseil du roi (26 ). On
avait agréé cela au commencement ;
mais la chose ayant été de nouveau
examinée , Bodin opina qu'il ne fal-
lait point en user ainsi , et conseilla
à ses collègues de ne nommer aucun
député , et de s'opposer aux députa-
tions que le clergé et la noblesse vou-
draient faire. Il fut envoyé aux deux
(2G) Tluiar.. , lib. LXUI , yag. 187.
BODIN. 5i5
autres chambres , et leur fit voir par conseil du roi , quand quelques villes
plusieurs raisons le péril qu'il y avait se plaignirent île ce qu'il avait com-
à commettre à un petit nombre deper- battu la proposition de ne point souf-
sonnes la décision de ce qui avait été frir deux religions dans le royaume-
demandé par tous les trois ordres du Homines à Jactiosis sitbornali vene-
royaume ; que quand même les corn- runl , qui Bodinum contra mandata
raissaires qu'on nommerait seraient à sua intercessisse dicerent , quibus in
l'épreuve de la corruption , la pré-
sence du roi pourrait les intimider ,
les brigues et les instances des courti-
sans pourraient les séduire. On lui ré-
pondit , il répliqua , et enfin il gagna
sa cause par la fermeté avec laquelle
il fit entendre que le tiers état s'oppo-
serait aux de'pïitations. Henri III fut
consislorio regin uuditis nihilominiis
pronuncialum est , Bodinum nihil nisi
rectè fecissti (3i). Cela fut antérieur
aux deux affaires dont M. de Thon
vient de nous parler , et qui firent
perdre à Bodin les bonnes grâces de
Henri III. Remarquons aussi une con-
tradiction de M. de Tbou. Il dit dans
fort fâché de cela , et en voulut du la page 1 83, que Bodin ayant aperçu
mal à Bodin. Itaque rex Bodinum ,
<juem unicè diligebat , et ob tarant
eruditionem ac multamvariarum rerum
experientiam , dum cibuni caperet , li-
benter audiebat , ab eo tempore non
tant benigno vullu dignatus al , quôd
ordinibus prions sententiœ mutandœ
auctor extitisset , et eâ in re quantum
<id circumagenda ordinum ingénia mo-
menti haberet , minus grato régi ei pe
(pie ses remontrances contre les com-
plot s de ceux qui voulaient enfreindre
les édits de pacification seraient inu-
tiles , s'abstint de parler sur cette ma-
tière. Ciini l'ideret homo futuri provi*
dus , conjuratione factd eô animos in-
clinare , et fatali régis ac consiliario-
runt ejus cœciiale ejjici , ut ab Mis ,
qui prohibera polerant , prœposterd
prudenlid in eâ re dissimutarelur , hu-
rimenlo docuisset (27). Ce prince lit jusmodi publicis sibi pemiciosis et in
publicum nihil proj'uluris admonition^
bus deinceps abstinuit (3a). Mais dans
la page 188 , il nous apprend que ce
même jurisconsulte s'opposa vigou-
reusement à la faction de .MM. de
représenter aux états la nécessité ou
il était d'aliéner une partie de son do-
maine : Necessitate , quœ potentissi-
mum telum est , urgente , id licere
contenderet , quippè < um constet sa-
lutem populi supremam legem esse de- Guise , lors même que les cahiers des
iiere (a8) ; mais ils rejetèrent cette états avant été présentés au roi, il
imposition : et ce fut Bodin qui les semblait que la commission des dépi
v détermina principalement ; car les
plus considérables députés , corrom-
pus par îles promesses , chancelaient
déjà. Pessimum de domanio affectake
necessilatis obtentu alienando com-
mentuni , Bodino prœcipuè auctore
( nam prœcipui jaiu promissis corrupli
nutabant , ) évanuit , qund , si locum
tés était expirée. L opposition roulait
sur le dessein de renouveler la guerre
contre ceux de la religion. Les parti-
sans du duc de Guise avaient gagné le
clergé et la noblesse : ces deux corps
formaient souvent des conventicules
pour éloigner les proposi fions de paix.
Bodin , qui , à cause que les deput. s
tune habuisset , sub principe profuso , de Paris étaient absens, se voyait alor
_ ■ . > / / - 1 . r • _. t \ ï _ -\ 1.. ».A.»rt .1., *;^...- .a..f o'«..« — «
misère dilapidatum fuisset (29). Le
même Bodin résista courageusement
aux cabales des partisans de MM. de
Guise , qui voulaient faire conclure
la guerre contre les huguenots (3o).
Inférons de ceci que M. de Mézerai
se trompe , quand il assure que le roi
loua les oppositions de Bodin à l'alié-
nation du domaine. Il confond deux
choses qu'il aurait du. distinguer. La
conduite de Bodin fut approuvée au
an) Idem , ibid.
(s8) Idem , Ibidem.
Tdem, ibidem, pag. 188, col. 1.
io)Idemt ibidem , col. 2.
à la tète du tiers état , s'opposa avei
beaucoup de courage à ces pratique
(33) ; et quand on lui dit que la chose
avait été ainsi résolue dans les états
et que l'assemblée n'avait plus d'au-
torité , •' Vous êtes donc des rebelles ,
leur répondit-il hardiment, « puisque
» vous reconnaissez que vitre dé-
m putation est liuie , et que tous
m ne laissez pas de von-, assembler;
» mais je suis d'un autre avis : nous
■ pouvons encore présenter au roi
(30 Idem , ihidun , ptig. iS3.
• X >i>'in , ibidem.
(33) Summàjidunid intercesn , ibid. , p. 18?.
5i6 BOD
» une requête : les assemblées où
j> l'on traitait de la paix à Rome pou-
» yaient. être moins solennelles que
» celles où il s'agissait de commencer
» une guerre . » El cùm illi ita in co-
miliis conventunt dicerent , et postula-
tis semel régi oblatis nullas nrdinum
partes esse , quippè extinclis manda-
lis , audacter respondit , in perduel-
lionis crirnen ipsos incurrere , qui cùm
potestatem agendi vel propriâ conjes-
sione non habeanl, lamen quotidiè con-
venticula célèbrent : verùm se aliter
censere , et licere adhuc régi supplicare.
JVam ut,etc.('i^). Jl était nécessaire que
je fisse voir la contradiction de M. de
Thou : il avait diminue' notablement,
et sans sujet , l'honneur de Bodin.
(K) Il fut procureur du roi d'une
commission pour les foiéls de Nor-
mandie. ] « Maître Jean Bodin , avo-
» cat au parlement de Paris , persua-
» da au roi Charles IX , que le droit
j> de Tiers et Danger était un droit
« général sur tous les bois de Kor-
» mandie , et se chargea des soins de
« cette recherche, en qualité de pro-
)> cureur de la réformation. Il n'y
3> eut presque point de famille dans la
» province qu'il n'attaquât. 11 in-
j) struisit , comme il le dit lui-même
3) dans ses écrits , jusqu'à quatre cents
3> procès; et il poussa l'artàire jus-
3) qu'au point qu'il ne manquait plus
33 à l'exécution de son dessein , que la
)> dépossession actuelle de tous ceux
33 qui avaient des bois. Toute la Nor-
3> mandie fut émue de son entre-
3> prise. Le parlement s'assembla plu-
33 sieurs fois sur ce sujet. 11 nomma
3) des députés , et la noblesse suivit
3> son exemple. Enfin , le roi fut tou-
3> ché de leurs plaintes , et convaincu
» par les raisons qui lui furent re •
3> présentées. Et , pour finir cette re-
» cherche , qui avait duré plusieurs
3) années , il fit un édit en l'année
33 1571 , par lequel il ordonna l'alié-
3> nation des droits de Tiers et Dan-
33 ger qui lui appartenaient sur les
33 bois de Normandie. Et, par ce mê-
3) me édit, il reconnut que ces bois
s» étaient en petit nombre , et que le
)3 revenu qu'il en tirait n'était pas
3) considérable. Bodin , qui ne se pou-
3) vait rendre , s'opposa à l'enregis-
3 trement. Mais le roi donna une dé-
:34J Thuan., lib.LXJJI, pag. 188.
IN.
33 claration , par laquelle , sans avoir
33 égard à son opposition et à ses pro-
33 testations qu'il déclara nulles , il
33 ordonna qu'il serait passé outre à
33 l'exécution (35). 3> Ce passage m'a
paru digne d'être rapporté tout en-
tier, i°. parce qu'il contient un fait
curieux et peu connu ; 2°. parce qu'il
est propre à faire connaître le naturel
de Bodin , je veux dire son ardeur ,
son activité, sa vigilance et sa fer-
meté. Il va nous dire lui-même quel-
ques circonstances de sa procédure,
qui confirmeront la chose. Et me
souvient que le roi Charles IX ,
ayant décerné ses lettres patentes l'art
M. D. LXX pour la réfnrmat'mn gé-
nérale des eaux et forêts de Norman-
die , qui tirait après soi la connais-
sance du plus beau de son domaine ,
les présidents et conseillers du parle-
ment de Rouen Jurent interdits d^en
connaître : et combien qu'ils eussent
remué ciel et terre pour empêcher l'in-
terdiction, si est-ce qu'enfin ils l'accor-
dèrent après que je leur eus présente
les jussions réitérées , et que je te-
nais en procès vingt-deux conseillers,
et le premier président a partie , pour
les cas resultans de la commission : et
tout le corps de la ville de Rouen ,
pour les droits qu'ils prétendaient
contre le roi , et que c'était la cause
pour laquelle j'avais obtenu l'inter-
diction (36).
(L) // avait été de la religion : ce-
pendant , en 1589, il persuada aux
habilans de Laon de se déclarer pour
le duc de Maine. ] M. Ménage dit
qu'il a su le protestantisme de Bodin
par une de ses lettres a Jean Baulru
des Matras , avocat célèbre du parle-
ment de Paris (3^). M. Colomiés a
publié une partie de cette lettre dans
sa Gallia Orientalis (38). Il est clair
comme le jour que c'est la lettre d'un
bon huguenot. Elle n'est point datée :
on y peut connaître seulement qu'elle
fut écrite après la première guerre
(35) Gréard, Défenses pour les particuliers
qui possèdent des bois en Normandie, contre la
prétention des Droits de Tiers et Danger , cite
par Ménage, Remarques sur la Vie de Pierre
Ayrault,pag. 146, 147.
(3G) Bodin , de la République, Uv. III ,chap.
II, pus- 38i. FoyesAe aussi au chap. FI du
iiire FI, pag. io3i.
(37 Ménage, sur la Vie de Pierre Ayrault,
pag- '4r-
(38; Pag. 76 et seqq.
civile ; j'entends celle qui fut termi-
née au mois de mars i563. RI.de Tliou
raconte que la ligue ayant envoyé à
Laon l'ordre de ne plus reconnaître le
roi Henri 111 , Bodin , qui avait été au-
trefois de la religion , et qui depuis
n'eu avait jamais été guère éloigné ,
loua la conduite de la ligue , et par le
conseil de l'évêque harangua le peuple,
et dissipa les scrupules et les craintes
des habitans (3g). Il n'épargna point
au roi les noms de perfide et d'hypo-
crite , ni les mauvais augures. C^est,
disait-il, le roi LXIIIe. de France : il
sera le dernier , comme l'an climaté-
rique LX11I est ordinairement le der-
nier de la fie humaine. C'est ainsi
qu'il poussa la ville de Laon à s'asso-
cier avec les ligueurs: il écrivit sur ce
sujet (4o) une lettre qui fut impri-
mée (4i). Voilà comment les Nicodé-
mites font quelquefois plus de mal
qu'un ennemi déclaré. Ils savent qu'ils
sont suspects : cela fait que , dans la
crainte d'être perdus sans ressource ,
s'ils n 'effacent les soupçons , ils té-
moignent plus de zèle pour le parti
3ui prévaut , que ceux qui ont déjà
onné assez de preuves de ce même
zèle. Notez bien ces paroles de M. de
Thou. videri regeni liuic regno Fran-
cico fttalem , et ullimwn ex eâ fa-
milid fore. Que voulait dire Bodin
parce présage ? Prétendait-il qu'Henri
Il serait le dernier roi de la brandie
de Valois? H ne fallait pas être grand
prophète pour deviner cela à l'égard
d'un prince qui était le seul de reste
de cette branche , et qui était marié à
une jeune femme stérile. Prétendait-
il qu'aucun prince de la troisième
race ne monterait sur le trône après
Henri III ? En ce cas , l'événement l'a
démenti. Cependant ML de Thou fait
un grand cas des prédictions de Bo-
din. ic II répara cette faute (\i) par
» l'admirable prédiction qu'il fit de
» l'issue inespérée de ces troubles :
» car quoiqu'il n'y eût point d'appa-
» rence de paix , il publia par avan-
» ce l'année et le mois qu'elle devait
3> être conclue, et l'événement fut con-
(3g) Thuan., lib. XC1V , pag. 262 , ad ann.
15*9.
(4o) Au président Brisson.
(40 Thuan. , lib. XCIF, pag. 262.
(42) C'est celle d'avoir dit beaucoup de cho-
ses injurieuses au roi Henri III H au roi de
Jffat nire.
BODIN. 5.7
» forme à ce qu'il avait prédit (43). a
(M) Il mourut en i5gG dans
la soixante- septième, année. ] 11 té-
moigne dans son testament , daté du
7 de juin 1596, qu'il passe l'âge de
soixante-six ans (44). Cela réfute ceux
qui disent qu'il mourut l'an i585 (45),
et ceux qui assurent qu'il vécut plus
de soixante-dix ans (46), ou qu'il n'en
vécut que cinquante-cinq (4?). Notez
que l'épître dédicatoirede son Univer-
sœ jyaturœ Theatrum est datée de
Laon, le a5 de février i5g6. Cela est
un peu mortifiant pour ceux qui met-
tent sa mort à l'année i585.
(N) Il y a autant d'hyperbole dans
les louanges que Gabriel IVaude lui a
données, que d'injustice dans le
mépris que Cujas , Scaliger , et quel
ques autres lui ont témoigné. ] Voici
le jugement que Naudé faisait de Bo-
din dans un ouvrage qu'il publia en
i6i5. Ce premier homme de la Fran-
ce y Jean Bodin , après avoir par
une merveilleuse vivacité d'esprit, ac--
compagnée d'un jugement solide, trai-
té toutes les clioses divines , naturelles
et civiles , se fût peut-être méconnu
pour homme, et eiil été pris infaillible-
ment de nous pour quelque intelligence,
s'il neùt laissé des marques et vesti-
ges de son humanité dans cette Demo-
nomanie, qui a été fort bien jugée par
le défunt sérénissime roi de la Gran-
de-Bretagne , majori collecta studio
quàra scripta judicio (*') : ce qui peut
être arrivé parce que ce grand esprit,
qui entendait fort bien la langue sain-
te, s'est amusé plus qu'il n'était à pro-
pos à la doctrine des rabbins et thal-
mudistes, quibus , comme remarque
le jésuite Possevin (**) , hoc libro
tam videtur addictus , ut ad eos
saepiùs recurrat quàm ad Evange-
lium (48). Naudé publia en 1627
(43) Thuan. , lib. CXVII , pag. -r, cité
par Teissier , Ad lit. , tom. II , pag- 2^7-
(44) Ménage , Remarques sur la Vie rie Pierre
Ayrault, pag. 147.
(45) Moreri, Hofman, Burbolcer , in Indice
cbronol., pag. 682 ; Poul Frelier , in 1 bealro ,
pag. 8f|5; Saldenus, in Ot. theol . pag, -'>- .
(oit il ignore qi.e notre Bodin suit rauleur des
Dialosues de Abditis rerum >ubliinium Arcanis,)
sont de ceux-là.
(46) Thuan., lib CXVII , pag. 771.
(47) Ménard, cite' par Ménage, Remarques
sur la Vie de Pierre Ayrault, pag. 147-
(*') In libro de Slrigilib.
(*') In Judicio libr. Bodini.
(48) Naudé , Apolog. des grands Homme',
chap. VII , pag. 127.
5i8 BODIN.
son j4vi& pour dresser une bibliolhé- altéra, edilione nec volam reliquit nec
que; et observa que, s'il est question l'estigium (53). Cujas répondit dans
de la République de Bodin, il faut in- le chapitre XXXVIII du livre VIII
férer qu'on la doit prendre , parce que de ses Observations, et se servit de
l'auteur a été des plus fameux et re- l'anagramme Andius sine bono, pour
nommes de son siècle , et quia lèpre- désigner son antagoniste. Voyez M.
niier entre les modernes traité de ce su
jet, que la matière en est grandement
nécessaire et recherchée au temps où
nous sommes, que le livre est commun,
traduit en plusieurs langues, et im-
primé presque tous les cinq ou six ans
(4o)- Joignez à cela ce qu'il disait à M.
Ménage (5o) , et ce qu'il a publié dans
sa Bibliographie politique (5r), où il
ne paraît pas être de sang - froid en
louant Bodin , mais plutôt saisi du
plus violent enthousiasme qui ait fait
voler jusqu'aux nues les hyperboles
des poètes. Comme c'est un livre aise'
à trouver , et que le passage qui con-
cerne notre Bodin contient plusieurs
lignes, j'y renvoie mon lecteur, et n'eu
copierai rien.
Parlons du mépris de Cujas *. On
Ménage , qui observe outre cela que
Bodin avait maltraité Cujas sans le
nommer, dans ces paroles de la pré-
face de sa Méthode de l'Histoire :
Ilostium aspectum ferre non magis
possunt, quant is qui in scholis Bilurt-
gum tantâ cum glorid florebat : id est,
slrabo inter cœcos acutissimè cerne-
bal. Citm in forum uenisset , de, levis-
simâ qurestione consultus obmutuit :
non sine acerbd Riandi reprehensio-
ne (54). Notez en passant que Moréri,
et plusieurs antres, qui disent que Bo-
din fut nommé Andius sine bono , à
cause de sa pauvreté, se trompent. Cu-
jas, dans celte anagramme , ne faisait
aucune allusion à la fortune de Bodin,
il considérait seulement les disposi-
tions de l'Ame. Quelqu'un débite que
apprend par une lettre de Bongars la reine Elisabeth employa cette ex-
que Cujas ayant ouï dire qu'il avait pression en parlant à notre Bodin ; et
été censuré dans la République de Bo- il cite Burgoldensis (55). Il se trompe
din, et n'ayant pu trouver cet ouvra- dans sa citation ; car ce Burgoldensis
v;e chez les libraires , l'emprunta de dit seulement que cette reine l'appela
Bongars (5a), et déclama quelques Badin. Homo iste sine bono, sive Ba-
jours après contre Bodin pendant plus din (uti illum Elizàbetha Angl. rc-
de deux heures. Cette leçon de Cujas gina appellavit ) , licitum esse putat
fut envoyée à Bodin , et l'obligea de suorum popularium dignitatem hones-
mettre au-devant de la seconde édi- to mendacio tueri in sud Methodo
tion de sa République une épître la-
tine où il maltraita Cujas. Il profita
des remarques de celui-ci ; car il ef-
faça dans cette seconde édition tontes
les ciioses que Cujas avait censurées ,
eorum quœ Cujacius notai'erat in isld
(4çi) Nantie, Avis pour dresser une bibliothè-
que, pag. 96.
(5o) Ci-dessus , citation (Ç)).
(5i) Pag. 5i3 et seq. in edil. Botlerodam. ,
ann. i6ga , irt-lf.
* Joly reproche a Bayle de n'avoir pas bien
détaillé la dispute de Bodin avec Cujas, en com-
paraison de qui Bodin n'est qu'un aventurier.
-fol;/ donne à ce sujet quelques explications et
linit ses remarques par traiter de la religion de
fiodin. C'était un hérétique, dit-il, qui n'avait
«'■ch.-ippé au massacre de la Saint-lïarthélemi
qu'en se jetant du haut d'une fenêtre. « Per-
» sonne n'ignore, ajoute-t-il , que Bodin a été
» accusé de judaïsme; ce fait est éclairci dans
» les Mélanges de Chapelain , depuis la page
» 167 jusqu'à la page 180. •> Les pièces qu'on
ironve dans ces Mélanges consistent en trois
lettres de Chapelain et deux de H. Conringius.
(5î) Ce fut en i5";6. Bongars était venu d'Al-
lemagne depuis peu , puur étudier en droit sous
Cujas.
Hislor. c. 4 (56 ). Un autre prétend
que la manière peu avantageuse dont
Bodin a parlé des femmes au chapitre
V du VIe. livre de la République, lui
attira <t une raillerie fort piquante....
» La reine Elisabeth, qui en faisait
» d ailleurs pourtant assez de cas, prit
» plaisir à le faire passer exprès en
» Angleterre , pour le renvoyer froi-
» dément avec ces mots : Bodin , ap-
» prenez en me voyant que vous n'ê-
» tes qu'un badin (57). » Un docteur
de Louvain remarque que lorsque Bo-
din était à Londres, pour négocier le
mariage de son maître Hercule , duc
(53) Tiré de la Lettre de Bongars à Conrad
Ritlershusius, que Colomiés a publiée dans sa
Gallia Orientalis.
(54) Ménage , Remarques sur la Vie de Pierre
Ayrault, pag. i44-
(55) Diecman. , de Naluralismo, pag. 2.
(56) Burgold. , Notitia Berum jlmperii Roma-
no-Gcrmanici, part. I, pag. 33.
(57) Ancillon, Mélange critique, loin. II ,
pa£. 5.
liODIN.
«VAlpncon (5S), la reine avait accou-
tume de l'appeler maître Jean Badin :
Pro Bodino solebat eurn résina mu-
gistruvt Jaannem Badinum appella-
re ( 5g ). Rien n'empêche de croire
qu'elle n'ait parle ainsi ; car la cour
alors n'était guère moins dans le goût
des pointes que le peuple ; mais il est
Taux que cette princesse ait fait venir
tout exprès cet écrivain, afin de le
mortifier par cette turlupinade. 11 fut
à Londres à la suite du duc d'Aleu-
ron , Bon maître. 11 y fut aussi en
qualité d'envoyé de ce même duc.
Ce que Scaliger disait de Bodin
était bien désobligeant. Bndinus pa-
trem Jul. Scaligcrum falsb ignoran-
tice matheseos argua, ipse indoclissi-
mus valdèque jejunus , cùm quicquid
a multis annis doctrines conseauutus
est, transcripserit ex aliorum labori-
hus , imà et ex meo libello in Vairo-
nciu de lineuâ latinâ , cujus paginas
intégras suas fecit fur impudentissi-
mus , et in unum velut chaos congés-
sit . plurima scribens quœ ipse non in-
te/ligit. Denique librum de ]\lethodo
legendœ Historiée inscripsit , in qim
nihil minus qnàm eà de re tractât, ut If
tulo suonullo modo respnndcato ratio,
quod quidem P'errius Flaccus notavit
in (Jhginibas Catonis quœ nihil minus
inquirunt quant Italiie Origines. Por-
ro , si quis velit in illum scribere, je
lui dresserai tout son fait : neque
enim mihi honoris loco ducam aliquid
pro ferre quod meo nomine circunje-
rnliir (6o). Vous voyez qu'il le nom-
me très-ignorant , et qu'il tiendrait à
déshonneur de le réfuter. Quelle ar-
rogance ! et qu'elle sied mal aux gens
de lettres , quoiqu'elle soit fort com-
mune parmi eux! Appelons de ce ju-
gement de Scaliger à celui de M. de
Tbou ; et si nous voulons disputer à
Jean Bodin la qualité d'écrivain exact
et judicieux, laissons-lui sans contro-
verse un grand génie , un vaste sa-
voir, une mémoire et une lecture pro-
digieuses. Les ouvrages d'où il a tiré
sa gloire n'ont pas eu besoin des em-
prunts d'un commentaire sur Var-
ron. Ils n'étaient pas d'une espèce à ti-
(58) 1/. C.rcnitis, Animadv. , part. I , pag.
i)3 , n'a pas raison de critiquer ce nom et ce
titre.
(5t)) Libcrt. Fromond. Meteurolog. , tib. V ,
cap. /, art. IV , pag. i^a.
(6oj Scalijcrana prima, pag. 3o , 3i.
rer de là quelque éclat ; et il y a lieu
de croire que Scaliger et Cujas n'eus-
sent pas été capables de produire ce
qu'il (it avec tant de force aux étals
de Blois.
(O) Possevin riest pas le seul qui
l'accuse d'avoir écrit bien des choses
contraires h la religion.'] Allé-
guons d'abord son panégyriste Naude,
qui observe que ceux qui ont écrit
contre la République de Bodin n'ont
ét« que despygmées attaquant Hercu-
le ; de sorte que cet auteur, hors de
crainte de ce côté-là , ne doit redou-
ter que les censures de l'Église. Scio-
equidem , Fabium Albergalum honti-
nern Italuni, et Serrium, ac Augeriuiu
Ferrerittm, Gallos [6i), magnis cona-
tibus, et libris ad idconsequendiim edi
lis , periculum illi ac ruinant intentas-
se : sed eventus docuil cundem fuisse
istius pugnœ eventum, quetn Pygmœo-
rum cuni Hercule : ut nonjam admi-
niatas alicujus Atlici aut Hyperattici
ceras trepidare debeat , sed ad Eccle-
siee soltus judicium ; cujus censuris
quoniam vehemenliiis urgelur , quant
inimicorum argumentis, hinc est, quùd
ipsius libii evolvi minime debeant, ni-
si obtentd prias et hune et quoslibet
anctores po/iticos legendi facultate
(Ça). Un peu plus bas, il le bhlme
d'avoir trop commis les intérêts de la
vraie foi, et il approuve à cet égard-
là les plaintes de Possevin. Ouihus
( qusstionibus ) certè compescendis <li-
rigentlisque ad finem religionis chris-
tianœ prœceptis ac instttuto consen-
taneum . sunè haud necesse erit , Jt-
versas inter se religiones commiltere •
quemadmodum non sine dispendio ve*
rœ pielalis supertoribus annis fecére ,
Petrus de Alliaco cardtnalts et epis-
copus Cameracensis , in opusculo quo-
dam astrologicn de tribus sectis; Hiero-
nymus Cardanus m libris suis de Sub-
tilitate , et Joanncs Bodinus . compo-
sito , sed nondum edito ( atque ultnam
nunquam edatur ! ) de rerum subli-
mium arcanis ingenti volumine; tpiod
equidem , jesuitam Possei'inunt non
perperam de ipso judicium tulisse, ar-
fGi) Aïotez que Bodin , au commencement île
l'Apologie de René Herpin , J'ail mention, non-
■i.enl d'un Oslalus Vasco , c'est celui que
H Ménage, ci-dessus, citation (i) , nomme
Pierre L'Hostajl , ) mais aussi d'un Andréas
Franlebergcrus Saxo , qui avaient e'eril contre
sa République.
bliogr. Pcl,:. . ;
5a o
BODIN.
gumenlo esse potest validissimo cerl'e
manifestissimoque (63). L'auteur du
\i\redeJustd rcip. Christïanœ in reges
impios et hœrelicos aucloritate accuse
Bodin d'indifférence sur le chapitre
de la religion , et de n'être pas con-
traire aux protestans. Unius fin in-
differenlis , et proiestantibus non ini-
qui , testimnnio comparatlonem hanc
transigam (64)- Le jésuite Martin del
Rio soutient que la Démonomanie de
Bodin est pleine d'erreurs , et que
dans l'édition même d'Anvers, que l'on
donna comme corrigée, il reste beau-
coup de choses dangereuses , et qui
Diecman a trouvé dans un manuscrit,
et qu'il a inséré dans son ouvrage de
Naluralismo , est encore plus terri-
ble. IVaudœus in d.7rocr7ra.rfjittria> Gal-
lico ex MScto laudati Patini mecum
bénévole à f^iro Nnb. communicalo ,
de hoc opère, « C'est un livre bien
» fait , inquit , mais fort dangereux ;
» parce qu'il se moque de toutes les
» religions , et enfin conclut qu'il
» n'y en a point. Aussi n'en avait-
» il point lui-même : il mourut com-
» me un chien, sine ullo sensu pie-
» talis , n'étant ni juif , ni chrétien ,
» ni turc. Alius oiJso-w&Toç itidem in
marquent la religion amphibie de l'au- » MSC. Patini .Bodin était un étran-
teur. Manent multa noxia, et quœ am
liguant auctoris fident salis contes-
tantur , nocereque legentibus pnssunl
(65). C'est pourquoi , ajoute-t-il , cet
ouvrage-là a été justement mis par
l'inquisition de Rome dans le catalo-
gue des livres défendus. Il promet de
» ge compagnon en fait de religion.
» Il mourut de la peste , à Laon , en
» i5g6 , assez vieil, et ne dit pas un
» mot de Jésus-Christ (68). » Je ne
sais si ceux qui prêchaient contre Bo-
din dans les chaires de Paris , l'an
1607, avaient ouï dire quelque chose
faire voir que le Thealrwn universœ des dispositions qu'il témoigna en
Naturœ du même auteur contient des
dogmes si contraires à la théologie ,
que , pour le moins , on peut les qua-
lifier erronés et entièrement témérai-
res. Notons que l'ouvrage de la Répu-
blique eut le même sort à Rome que
celui de la Démonomanie , quoique
l'on eût inséré dans la traduction ita-
lienne certaines choses que des amis
officieux jugèrent capables de conser-
ver à Bodin la réputation de bon ca-
tholique (66). Sa Méthode de l'Histoi-
re, et son Théâtre de la Nature n'eu-
rent pas un meilleur sort auprès des
inquisiteurs. Voici quelque chose de
terrible : Ceux qui montent en chaire
mourant, ou des doctrines pernicieu-
ses de 1 ' Hi-piapLomères. Scaliger ne
pouvait comprendre d'où venait leur
déchaînement, lllud velim ex te sci-
re , écrivait-il à Charles Labbé , vers
la fin du mois de février 1607, quare
ponlifteii tant acerbe quotidiè in Bo-
dinum déclament. Certè quod manci-
piumambitionis fuerit, proptere'a odio
illii esse euni non crediderim. Aliam
subesse causant necesse est , quam ex
te scire veliru. Hujus igitur tam inopi-
nali odii causant , et quare hominem
pridem mortuum canes ex tumulo
entant, neque ejus mânes quiescere si-
nant , a i>nbis expecto (69). 11 ne faut
ici font des contes , déclament contre pas oublier qu'aussitôt que la Répu-
Bodin tout un sermon, et le déchirent, blique de Bodin eut paru , il y eut
sans se souvenir que le vilain a été de des prédicateurs qui déclamèrent con-
la ligue , et est mort juif ', sans parler tre lui. Lisez sa leltre latine du i3 de
de Jésus-Christ parles dernières paro- mars i58i , au commencement de l'A-
les que j'ai en vers de lui (67). Voilà pologie de René Herpin. Vous verrez
ce qu'on trouve dans une lettre de qu'il y remarque deux choses : l'une,
Jacques Gillot à Scaliger, datée de Pa- que de Serres , qui avait publié con-
ris le 9 de février 1607. Ce que M.
(63) N"audîeus, BiMiogr. Polit. , pag. 33.
(64) G. Guillelmus Rossœus , de juslâ Reip.
Auctoril., cap. IV, nom. 3 , pag. 194 , edil.
Aulverp. , ami. iS()2.
(65) Del Rio, Disq. magie, Itb. T, cap. HT,
pag. 23.
(66) Losclier, de Latrocinio in Script, pub!.,
png. 41 i apud Diecraannum, de IVaturalismo ,
V"S- 4- .
'67) Épîtrcs françaises écrites à Scaliger,
pag. 439.
tre lui un million d'injures, en avait
été châtié sévèrement; l'autre, qu'en-
core que ceux qui médisent de quel-
qu'un en chaire soient aussi coupables
que ceux qui l'offensent par écrit ,
il y a néanmoins des prédicateurs qui
ternissent impunément sa réputation
et celle de plusieurs autres gens de
(68) Diecmannus, de JVaturali.smo , pag. 13.
{fy.)) Voyez la Gallia Orientalis de Colomiés,
pag^ 86.
BODIN.
5a i
bien, Serranus Me *, qui inaudito gé-
nère scribendi, ac probris inusitatis li-
bellum complevit , ipsius pruicipis jus-
su pœnas graviores dédit , quam opla-
re potuissem. Ac tametsi eodem scele-
re obligantur , qui pubUcis in concio-
nibus nomen cujusquam lœserunt , vi-
demus tamcn legibus solutos, non mo-
do meam , sed etiam oplimi cujusque
existimalionem impunè violare , qui
pi udenter ferendum putat , quod au-
ferri non polesl (70).
Mais il n'y eut personne parmi les
catholiques romains qui témoignât
plus de chaleur contre ce jurisconsul-
te que le jésuite Possevin. Voyez avec
quelle envie de censurer il épluche la
Méthode de l'Histoire , et avec quels
tours de sophiste il empoisonne des
propositions qui peuvent avoir un bon
sens. Son grand grief est que Bodin
parle de Luther, de Calvin, et de Mé-
lanchthon en termes honnêtes; et qu'il
voudrait que l'on mit des bornes à la
fmissance papale (71). Voyez surtout
e petit livre où Possevin a donné son
jugement de quatuor Scriptoribus ,
Philippo la IVua, Jo. Bodino, Phi-
lippo Mornœo , et Nie. IVLachiavello
(72). Il a prétendu que les ouvrages
de Bodin étaient remplis d'un très-
grand nombre d'erreurs, d'hérésies et
d'impiétés (73).
Les protestans n'ont point gardé le
silence sur les erreurs de cet écri-
vain ; car , pour ne rien dire de Gro-
tius , qui déclare que bodin avait fait
de grandes brèches à sa foi par ses ha-
bitudes avec les juifs (74) , nous pou-
vons citer Méric Casaubon, qui avoue
qu'il ne sait que croire de la religion
de ce personnage, s'il se doit comp-
ter, ou parmi les catholiques, ou
parmi les protestans (75). Le ministre
luthérien qui m'apprend cela étend
beaucoup plus ses doutes, et paraît
fort disposé à croire qu'enfin cet au-
teur se dépouilla de tout sentiment
* Voyez ma note sur le teste, pag. 507.
(70) Apologie de René Ilerpin, folio i verso.
(-1) Possevin., in BiLlioth. Selectâ , Ub.
Xrl , cap. IX, pag. îb'<) , Î70, lom. II.
(72) Il fui imprimé à Rome, l'an l5gî , et à
I.ron, l'an i5q3.
(73) Teissier, Additions aux Kloges de M. de
Tbou , loin. Il , pag. 24S.
(rA) Grotius, Rpist. ad Cordesium, apud Co-
lonies. , in Galli'i Oi-ienuli , pag. 85.
(75) Meric. Casaub. apud L>iecmann. de Na-
turalismo , pag. 5.
de christianisme (76). Il s'attache
particulièrement à le convaincre d'a-
voir tout réduit à la religion naturel-
le. Un autre docteur luthérien a re-
marqué qu'il y a dans les discours
physiques de Jean Bodin plusieurs
choses qui doivent être en abomina-
tion aux chrétiens (77). Il observe
aussi qu'on les débite sous le person-
nage de Théodore , et qu'un autre
personnage , sous le nom de Mysta-
gogue, répond assez froidement : //
ne faut rien prononcer h la légère sui-
des sujets si difficiles , De rebus tant
arduis niltemerè esse affirmandum. Je
trouve en effet que le Myslagogue de
Bodin, à la page 22a du Théâtre de
la Nature, édition de Hanaw, en i6o5,
emploie cette réponse : De rebus tant
arduis , et à communi sensu remotis ,
nec temerè quicquam ajjlrmare , nec
leuiter cuiquum assentiri velim ; mihi
satis est certissimis argumentis et ad
assenliendum necessariis demonstra-
visse cometas non esse incendia ab
exhalationibus concepla. Cette ré-
ponse se rapporte à un sentiment fort
étrange que Bodin venait d'exposer
sous le nom de Théodore : c'est que
les comètes sont des esprits qui, ayant
vécu sur la terre pendant des siècles
innombrables, et étant enfin parve-
nus au voisinage de la mort , célè-
brent leur dernier triomphe , ou sont
rappelés au firmament comme des
étoiles brillantes. Cela est suivi de fa-
mine et de peste , etc. , parce que les
villes et les peuples perdent les gou-
verneurs et les chefs qui apaisaient
le courroux de Dieu. Il est nécessaire
que je mette ici ses parole. Democriti
sententia in mentem nuhi recuira , ut
exisiimem cometas esse illusinum vi-
rorum mentes , quœ posleaquàm uinu-
merabilibus seculis vigutrunt in ter-
ris , tandem obilurœ , ut oninia quœ
oriuntur occantiii muumtur , exlremos
peragunt triumphos , aut in catum
stclLilum quasi splendida sydera revo-
cantur : ac propterea seijuuntur fa-
més , morbi populares , civilia bella ,
quasi cu'ilates ac pnpuli ducibus illi^
optimis et gubernatoribus, qui divinos
(76) Dieemann., de Naturalisai», pag. G.
(77 ,' Joli. Ilenricus Drainai, in sancli Jere-
iui;e Virgà vigilante et Ollâ surrensâ, pag. 4°,
apud Th, Crenium, Aoimadv. Philolog. et Hist.,
part II, pag. 17K.
522
BODIN.
furores placabant , desererentur (78).
11 est visible qu'il y a une faute à tl-
lustrium virorum , ou que Bodin don-
ne à ces mots-là un sens tout parti-
culier ; car le sens ordinaire d'hom-
mes illustres ne convient point à ce
qui suit , c'est-à-dire , à ces siècles
innombrables de vie passés sur la
terre , que Bodin accorde aux esprits
«lont il fait mention. Disons donc qu'il
veut parler des génies ou des anges ,
et qu'il suppose qu'ils sont sujets à la
mort. Vossius , en rapportant ce pas-
sage , a sauté deux ou trois mots
ires-essentiels , viguerunt in terris. Il
n'a pas laissé d'y trouver une impié-
té : Ubi quod animas mori ait , dit-
il (79! , id si non aliiui voluit dicere
quant, verba videntur sonare , sanè im-
pietate summd non vacat. Tolerabi-
Lius quod ait heroum animas in sidé-
ra revocari. Cette omission est dans
l'édition dont je me sers , qui est
*^elle d'Allemagne, in-^°. Elle est aussi
dans celie d'Amsterdam, in-folio, en
166S; car M. Crenius, qui rapporte ce
passage de Vossius (80) , avec l'omis-
sion du viguerunt in terris , cite cette
édition d'Amsterdam.
Finissons par des paroles de M. de
Thou , qui nous apprennent que l'on
crut que Jean Bodin était magicien :
JPostea , et Dœmonomaniam gallicè
itidem scripsit, in quâ dum materiam
ab aliis tantoperè agitatam advenus
Joannis Wieri plerumque senlenliam,
enucleatiùs rétractât , maçicœ rei ac
vetilarum isliusmodi artiurn crime n
minime effugil (81).
(P) // se déclara assez librement
contre ceux qui soutenaient que l'auto-
rité des monarques est illimitée.] Il
soutint que les monarques ne peuvent
imposer des tributs sans le consente-
ment du peuple; et qu'ils sont plus
obligés à observer les lois de Dieu ,
et celles de la nature , que leurs su-
jets ; et que les conventions qu'ils
passent leur imposent la même obli-
gation qu'aux sujets. Il dit que la plu-
part des jurisconsultes avaient ensei-
gué le contraire , et qu'il fut le pre-
(78) Bodin., in Tlieatro N'attira:, lib. II , pag.
221 , 222.
(79) Vossius , de Orli;. et Prog. Idol. , lib.
JII, cap. IX, pag. 77/}.
(80) Crenii Animadv. Philolog. et Histor. ,
part. Il , pag. 175.
l8j) Thuan. , lib. CXVll,pag. ::i,
mier qui osa combattre l'opinion de
ceux qui écrivirent sur les moyens
d'étendre les droits du roi. Voici ses
paroles : Miror tamen esse qui pute ni
unius polestati tribuere me plus ali-
quantum , quant deceat forlem in re-
publicâ civem : ciim alibi sœpè , tiim
verb libro primo, capile octavo , nos-
trœ Reipublicœ , eos ego qui de jure
Jisci ac fi-galihus amplificandis scrip-
sêre , senlentias primus omnium , et
quidem periculosissimis temporibus
refellere non dubitârim , quod regi-
btts infini tant supraque divinas et na-
turœ leges Iribuerent poleslatem : quid
autem magis populare quant quod
scribere ausus sum , ne regibus qui-
dem licere , sine summd civium con-
sensione, imperare tribut a? Aul illud
quanti est quod item tradidi, principes
arctiori vmculo divinis ac naturœ le-
gibus teneri , quant qui sub unperium
subjecli sunt ? lllos eliam paclis con-
venus p&rindh ut alios cives obligari?
Contra quant tamen omnes penè juris
scientiœ magistri docuére (82). S'il
n'avait fait que cela, il n'aurait pas
offensé les esprits républicains; mais
comme il soutint d'autre côté que
les sujets ne pouvaient entreprendre
de déposer un monarque légitime ,
qui gouvernait tyranniquement , il
y eut beaucoup de personnes qui
furent choquées de sa doctrine. Il
nous apprend la raison qui le porta à
soutenir ce sentiment : c'est qu'il
voyait presque partout les peuples
en guerre contre leurs princes : c'est
qu'on répandait de toutes parts une
infinité d'écrits qui , en soutenant
qu'on peut déposer les rois , et régler
la succession des couronnes comme il
plaît aux peuples , n'étaient propres
qu'à ébranler tous les fondemens des
sociétés. Il crut donc que son devoir
l'appelait à s'opposer à des maximes
qu'il jugeait si pernicieuses. Sedciun
vidèrent ubique subdttosin principes ar-
mari, libros eliam, veluti faces ad
rerum publicarum incendia , palam
proj'erri , quibus docemur principes
divinitùs hominum generi tributos ,
tyrannidis objecta specie de imperio
deturbare , reges item non h slirpe , sed
a popult arbitrio peu oportere : eas-
que disciplinas , non solàm huju.%
imperii , verùm eliam rerum omnium.
(83) Bodin. , Epist. ad Vidura Fabrum, in U-
mine operis gallici de Bepublkâ,
BODJN.
523
piibllcaritmfundamenta labefactare :
ego boni uiriaut boni ciuis esse negaui
niumprincipem quanlumvis tyrunnum
ulld ratio ne violare : hanc denique
ultionem immoriali Deo aliisque prin-
eipibus relmqui oportere : idque lùm
dwinis et fiumanis legibus ac testimo-
niis , tùm etiam rationibus ad assen-
tiendum necessariis cqnfirmavi (83).
Notez qu'ayant voulu dire que les
protestans avaient bonne part à cette
espèce d'écrits-là . il le fait crime raa-
nière fort mode're'e , et en discul-
pant Luther et Calvin. Voici ses pa-
roles : « De re'pondre aux objections
» et argumens frivoles de ceux qui
i tiennent le contraire , ce serait
» temps perdu : mais tout ainsi que
» celui qui doute s'il y a un Dieu raé-
» rite qu'on lui fasse sentir la peine
« des lois, sans user cTarguiueus ;
» aussi font ceux-là , qui ont révo-
J> que en doute une chose si claire,
3> voire publiée par livres imprimés ,
3> que les sujets peuvent justement
}) prendre les armes contre leur prince
3' tyran, et le faire mourir en quel-
3> que sorte que ce soit : combien
m que leurs plus apparens et savans
3> théologiens (*') tiennent qu'il n'est
3) jamais licite , non pas seulement
3> de tuer, ains de se rebeller contre
3> son prince souverain , si ce n'est
j) qu'il y eût mandement spécial de
» Dieu , et indubitable ; comme
si nous avons de Jéhu (**) , Lequel fut
3> élu de Dieu , et sacré roi par le
3> prophète, avec mandement exprès
j) de faire mourir la race d'Achab
)> (84)" H témoigne ailleurs assez
de modération envers MM. de Genève,
quoiqu'il crût avoir sujet de se plain-
dre de l'édition qui s'était faite de son
ouvrage dans leur ville. Il ne descend
pas dans le détail : il ne dit point ,
comme Possevin. que les Genevois chan-
gèrent beaucoup de choses dans cet
ouvrage (85) i il se tient dans une
assez grande généralité. Vous allez
vous en convaincre , si vous entendez
(8?.) Idem , ibtd.
(*') Mart. Luth. Calvinns in Jnamirm, rt
in Instit. , cap. ullim. , Ub. IV, icct. XXXI.
l")iy«. Rcg., cap. VI H X.
(84) Bodin, de la République , liv. // , chap.
V, pag. 3o5.
,'85) Genrvates Podinum reprehend entes in
libru ejusdem de Bepublicdpleraque'inunuU&m
rtml. Possevinus , Bibliolh. , loin. II, paz-
le latin. Alterum reprehensionis gê-
nas est eorum qui apud Genevalcs
secundam editionem Reipublicœ nos-
trœ promulgârunt : quant vel lypis
mandate , suisque civibus ad intuen-
dum proponere minime débiteront, ve!
auclorem a calumniâ vindicare : si
meminissent legis illius quœ a S . P. Q.
Genevate tata est nonis jun. mi>. ux.
qud sanctissimè veiitum est secundo
capite , in eos scriptores iiwehi quos
interpretére. Ç)uid autem a me scrip-
tttm est quod vcl a privait cujusquam
dignitate , vel ab illius reipubticœ
majestate sit alienum ? sll etiam Lnr
davi quœ ab Mis sunt laudabiliter
instiluta. Quœ verb reprehensione dtg-
na putdrunt , abundè, ut nobts qui-
dem videmur , et suo quisque loco et
ordine rej'utauimus , cum ed qud de-
cuit aninti temperantid , quant in illius
civitalis scriptoribtts pleric/ue populi
des iderare soient (86). Prenons garde
qu'il fait une grande distinction entre
les sujets d'un tyran d'administration,
et les princes étrangers : car il dés-
approuve que les sujets preunent les
armes pour se délivrer de la tyrannie;
mais il approuve que leurs voisins
viennent les en délivrer. « 11 y a bien
» différence de dire que le tyran
3) peut être licitement tué par un
» prince étranger , ou parle sujet.
3> Et tout ainsi qu'il est très-beau et
3) convenable à qui que ce soit , de
» défendre par voie de fait les biens,
» l'honneur et la vie de ceux qui
» sont injustement allli^és , quand la
» porte de justice est close ; ainsi que
» lit Moïse, voyant battre et forcer
» son fière , et qu'il n'y avait moyen
3> d'en avoir la raison : aussi est-ce
» chose très-belle et magnifique à un
» prince , de prendre les armes pour
>< venger tout un peuple injustement
)> opprimé par la cruauté d'un tyran,
3> comme (it le grand Hercule , qui
3> allait exterminant par tout le monde
3> ces monstres tic tyrans . et pour ses
» hauts exploits a étédéi!'u: : ainsi lit
3> Dion , Timoléon , Aratus , et autres
3> princes généreux , qui ont emporté
» le titre de châtieurs et correcteurs
3> des tyrans (87). 3> Richeomefait bien
des réflexions sur ce passade de Bodiu.
(86) Bodin , Episl. ad Vidnm Fabrura.
(87) Idem, de Repnblii S . Ub, !
5s4
BODIN.
dans le chapitre XIII de son examen
catégorique de l'Anti-Coton (88).
(Q) On peut connaître dans l'une
et dans l'autre de ses doctrines sur la
puissance des monarques, qu'il avait
a cœur le bien public] Il soutint la
première, lorsqu'il vit que les flatteurs,
ou les créatures d'Henri III, propo-
saient des chosesd'où pouvaient naître
de grands abus, à la charge et à l'op-
pression du peuple \ et il soutint la se-
conde , lorsqu'il vit la France pleine
de factions , et déchirée par des guer-
res civiles, qui firent éclore une infi-
nité de manifestes et d'autres livres où
l'on sapait les lois les plus essentiel-
les et les plus fondamentales du gou-
vernement. On parlait , et l'on écri-
vait touchant le pouvoir des peuples
aussi librement que si l'on eût vécu
dans un état démocratique , et l'on
travaillait à réduire en acte ce pou-
voir-là : on machinait la translation
de la couronne. On approuvait même
les assassins qui, sous prétexte de
tyrannie, attentent à la vie des mo-
narques. Cela ne pouvait être suivi
que des plusaftreusesdésolations. C'est
pourquoi Bodin , en s'opposant à une
telle licence, se montra très-affection-
né au bien public. Qui regias opes et
honores popularibus commodis post-
habui , idem sciiptis ac sei nionibus
execratus sum eos qui tyrannidis spe-
cie suo principi manus offerte , deque
regibus populi suffi agio creandis ro-
galiones promu/gare , et è manibus
legilimoruin principum sceplra violen-
ter extorquere conantur (89) ■ Il eut le
malheur de démentir ses principes
après la mort d'Henri III ; car il entra
dans le parti de la ligue : mais la
chute d'un pécheur n'empêche pas
que les bonnes actions qu'il avait fai-
tes ne soient bonnes.
(R) On lui Jît en Angleterre une
réponse très-ingénieuse.'] <e Bodin ,
» étant en Angleterre au voyage de
)> M. deMompensier, se rendit odieux
» aux Anglais, et indiscret auxFran-
» çais , pour sa curiosité. Dînant en
» la maison d'un seigneur du pays ,
J) il se jeta sur les prétentions des
» princes à la couronne d'Angleterre,
» et dit qu'une princesse en était l'hé-
» ritière présomptive, sinon qu'elle en
(88) Bodinus , de Republicâ , lib. Il, cap. V,
pag. 11 3 et suivantes.
(89) Bodini Epist. ad Vidum Fabrum.
»> fût excluse , comme née hors le
» pays(*), par une une loi dont il
» n'avait jamais su l'auteur ni Tori-
» gine , et n'avait pu apprendre où
» elle se trouverait, fous la trouve-
nt rez , répond le seigneur anglais ,
» au dos de la Salique ■ repartie
m qui mit à rouet ce discoureur, et
» lui fit connaître qu'il n'était pas
» beau aux étrangers d'épluclier les
» secrets d'un état.» Voilà ce qu'on
lit dans la page 82 du Gallia Orienta-
lis de M. Coloiniés. Il cite ces paroles
comme tirées de la page "î^ du 11e.
tome de l'histoire de Henri IV , com-
posée par Pierre Matthieu. J'ai con-
sulté mon édition (90) , et j'y ai trou-
vé , non pas Bodtn étant en Angle-
terre au voyage de M. de Mompensier;
mais , un homme docte qui avait suivi
Jeu Monsieur au voyage d'Angle-
terre (91). Je suis sur que cet homme
docte est notre Bodin ; mais l'on au-
rait tort de dire qu'il alla en Angle-
terre avec M. de Mompensier : il y alla
avec le duc d'Alençon qui, au temps
de Pierre Matthieu , pouvait être qua-
lifié Jeu Monsieur. M. Ménage ne
s'accorde pas quant aux circonstan-
ces avec, cet historien. Le sujet , dit-
il (92) , du voyage du duc d'Alençon
en Angleterre était son mariage avec
la reine Elisabeth. Bodin , s'entrete-
nant un jour de ce mariage avec un
Anglais , cet Anglais lui dit que ce
mariage ne se ferait point, les étran-
gers par une loi d'Angleterre étant,
exclus de la royauté d'Angleterre.
Bodin , qui était très-informé de tou-
tes les lois d'Angleterre, comme de
celles de tous les autres royaumes ,
noyant point de connaissance de cette
loi1 demanda brusquement a l' Anglais,
où elle se trouvait : a quoi l'Anglais
lui répondit brusquement aussi, qu'elle
se trouvait au dos de la loi Salique :
ce qui depuis a passé parmi nous en
proverbe. Je tiens celte particularité
de M. du Puy. Notez qu'il y a dans
Pierre Matthieu deux citations, et que
M. Colomiés n'en rapporte qu'une (g3).
(*) Quiconque est ne' hors de l'Angleterre ne
peut rien prétendre à la couronne, forez /'Hist.
deM.deThou.
(00) C'est celle de Genève , en 1620 , in-&°.
('i)l) Matthieu , Hist. de Henri IV , à ta II'.
Narration du livre VI , pag. 5-2n.
Iqi) Ménage , Remarques sur la Vie de Pierre
Ayrault, pag. i45.
(p3j Vautre e-s^Voy. l'ArabassadenrdeM. Hot-
BOI.
525
Bodin nous apprend, qu'il fut en-
voyé en Angleterre l'an i58i , par le
duc d'Anjou, son maître (94) , pen-
dant la séance du parlement où l'on
défendit de parler du successeur de
la reine , sous peine de lèse-majesté ;
qu'il harangua la reine ; et qu'il lui
proposa l'adoption du roi d'Ecosse,
et puis un mariage. Deindc Lenoxiœ
principis connubio et arclissimdjosde-
ris conjuncliane. Hœc mat Juil ad
résinant nralio (q5).
/c\ 11 À . » j toute rançon que les leçons nu il
(3) II ne Jut jamais incommode , , 3 , t
d'église. Ayant eu le malheur
d'être pris par des corsaires , et
de se voir réduit à l'esclavage ,
il trouva le moyen d'apprivoiser
par son intelligence du jeu des
échecs ces esprits turcs et fa-
rouches. Ils l'admirèrent là-
dessus , le traitèrent humaine-
ment, et n'exigèrent de lui pour
dans les voyages qu'il fît par mer] leur donna durant quelques mois
11 narre cela lui-même dans son Théâ- sur ce jeu (b). Nous parlerons
d'un autre excellent joueur d'é-
checs dans l'article Gioachino
Greco. Il eût été à souhaiter que
ces deux grands maîtres nous
céan, et même qu'il y a essuyé une »em- eussent donné quelque traité ré-
pète furieuse, sans éprouver rien de _,i* „,„„„„ • • »
1 , 1 1 1 1, 1 ■ , gulier sur ce ieu : mais nous n a-
semblahlc. la qutdem insuelis navi- © > ' ", > ^
vons que quelques fragrnens de
tre de la Nature. « Pourquoi est-ce ,
» demande-t-il , que la mer excite le
» vomissement, et le flux de ventre?»
11 répond que cela n'est pas général ,
et qu'il s'est trouvé sept fois sur l'O-
gare , nec lamen omnibus contingit :
seplies mari Oceano reclus , nihil la-
men ejusniodi passus sum , eliamsi
sœvissimd procelld jactatus , ac ruplis
vêtis extrema pericula subierim : vidi
tamen qui sanguinem cornèrent (96)
l'un , et des manières de jouer de
l'autre , qui ne suffisent pas pour
faire une étude dans les for-
mes On en a pourtant re-
II n'est pas nécessaire de rapporter la Cueilli ce qui s'est trouvé le plus
raison physique qu'il donne; mais le propre à être mis à profit , et
l'on s'en est prévalu pour faire
un livre sur celte matière (c)
fait personnel qu'il nous apprend
m'a paru digne d'être allégué. C'e;>t
une partie de son histoire.
(9^) Le même que le duc (V Alençon.
(95) Bodin. , de Kepub., lib. VI , pag. u3s.
(<i(j, lîojin., in Tliealro Nature, hb. II,
pag. 196 , ig;.
(A)
ib) D'une lettre insérée dans le Mercure
Galant , au mois d'août 1688 , et au mois ,lr
décembre i6g3.
■ Mercure Galant , du mois de décembre
169.Î, pag. 109.
Julv croit que Vouvrasje (le F>oi n ele
BOI , communément appelé
il SlRACUSANO , le Sjracusain , a
été un fameux joueur d'échecs traduit ouata que Bayle composât son D
qui fut fort considéré à la cour **°nn*ire; mais il a'en peut dire l'a.née
d'Espagne, sous le roi Philippe
II. Il reçut de ce monarque
plusieurs beaux présens. Il en
reçut aussi beaucoup du pape
Urbain VIII , et il ne tint qu'à
lui d'en recevoir un bon évêché;
car on le lui fit offrir* [a) : mais
il ne voulut pas être homme
* Lecleic et Joly , contestent le f.iit de
l'offre de l'c'vêche' et de la cause qui l'aurait
fail offrir.
la) Quel abus ! et que voilà une belle
porte pour entrer dans l'épiscopat.
et
n'en donne pas même le titre. I5oi n'a pas
place dans la Biblwtheca SiCuta de Mongi
tore.
(A) On a recueilli de ses leçons et
de celles de Gioachino (îreco sur les
échecs de quoi /mur faire un lifre sur
cette matière.'] L'auteur que je cite eu
parle comme d'un ouvrage prêt à pa-
raître F.u joignant . dit-il(i), avec
ce qu'on a recueilli de ces deux célè-
bres joueurs, les lumières qn on a
eues d'autre part, et les observations
qu'on a faites, soit en y jouant, soit en y
(1) I.cllre insére'e dae.t /*■ Mercure G
il'iiviil 1CSS el de décembre •'
Ï2Ô
BOISSARD.
t'oulantjouer, il s'est composé de toute
cette mature un corps régulier, qui
contient la science pratique du jeu des
échecs. Je vous apprends qu'on va
le donner au public comme un ouvrage
singulier , et unique dans son espèce ,
et dont le manuscrit, avant que de
paraître au jour , a été long- temps
entre les mains d'un des premiers
joueurs d'échecs de France , qu
ner au public un gros recueil sur
cette belle partie de la littératu-
re , on lui envoya de toutes parts
plusieurs dessins et plusieurs
crayons des vieux monumens. Il
s'était établi à Metz , et il y mou-
rut le 3o d'octobre 1602 (a). Les
ouvrages qu'on a de lui sont es-
toril/. Rerum Roruanarum , tom. I, cap.
LXXVI. Il dit qu'il a tiré cela en partit
de deux Lettres de Boissard , qui sont à le.
tête de ses Antiquite's.
* Leduchat , à qui Bayle avait écrit le 5
janvier 1697 pour lui demander quelle e'tait
la religion de Boissard, conjecture que le
l'honneur d'y jduer avec son altesse timés des antiquaires (B), et sont
myale monsieur le duc de Chartres. <Jevenus fort rares. Il se mêlait
de la poésie latine (C). Par un
BOISSARD ( Jean-Jacques ) , passage * que je citerai ailleurs
né à Besançon l'an 1 528 , a coin- (£) ? on apprendra qu'il fut au
posé plusieurs gros recueils qui service du cardinal Caraffe.
servent à l'intelligence des anti- (a) Tircde Martious Hankius, de Scrip-
quités romaines. Il leva lui-
même le plan de toutee qu'il put
trouver d'anciens monumens en
Italie, et il eut pour cette étude
une passion incroyable. Ce qui
lui arriva dans le iardill du Car- passage que Bayle avait en vue , est celui qui
, _ . , , ' -se trouve à la uag. 621 de la seconde edi-
dinal Carpi le témoigne mani-
festement (A). Il eut dessein
d'aller en Syrie ; mais une fiè-
vre violente , qui le saisit à Mé-
thone , l'en empêcha. Il avait
déjà satisfait sa curiosité d'anti-
quaire dans les îles de Corfou ,
de Cépbalonie et de Zante , et
dans la Morée ; et , après sa gué-
rison , il continua de visiter les
lieux voisins de Méthone. Étant
retourné en son pays , il fut gou-
verneur des fils d'Antoine de
Vienne , baron de Clervant , et
il voyagea avec eux en France ,
en Allemagne et en Italie. Il
avait laissé chez sa sœur à Mom-
béliard les antiquités qu'il avait
rassemblées avec tant de peine ,
et il eut le chagrin de les perdre
presque toutes , lorsque les Lor-
rains ravagèrent la Franche -
Comté. Il n'eut de reste que cel-
les qu'il avait fait transporter à
Metz avant l'invasion ; mais com-
me on savait qu'il voulait don-
Pag-
tion du Mascural deNaude'. D'après ce passa-
geon voit qu'à trenteans Boissardétait encore
catholique puisqu'à cet âge (en l55o.), il
e'iait encore au service de Carafï'a.
(b) Dans l'une des remarques de l'article
Paul IV. [Cet article n'existe pas.]
(A) Il aimait avec passion l'étude
des antiquités. Ce qui lui arriva dans
le jardin du cardinal Carpi le prouve
manifestement.] Ce jardin était rem-
pli d'anciens marbres , et situé au
mont Quirinal. Boissard y entra un
jour avec ses amis, et s'y égara tout,
exprès : il les laissa retourner chez
eux, et se tint caché dans quelques
allées. 11 employa le reste du jour à
copier des inscriptions , et à crayonner
des monumens ; et comme les portes
du jardin furent fermées il passa là
toute la nuit. Le lendemain matin ,
le cardinal le rencontrant occupé à ce
travail ne pouvait comprendre de
quelle manière un étranger était en-
tré dans son jardin à une heure indue;
mais quand il eut su pourquoi Bois-
sard avait passé là toute la nuit, il
donna ordre qu'on le fît bien déjeu-
ner, et il lui permit de copier et de
crayonner tout ce qui se trouverait
de rare dans son palais (1).
(i) Martinus HarAius, de Rernin Romanaium
Scriptorihus , tom. I, cap. LXX.VI , pag
25-, 2D».
BOLEYN.
(E) Les ouvrages qu'on a de lui XII.
sont fort estimes des antiquaires.] Ses
Antiquités Romaines , divisées en sis
parues , font IV volumes in-folin.
Elles contiennent plusieurs estampes,
qui furent gravées, celles des deux
premiers tomes par The'odore de Bry
(2) , et celles des autres volumes pâl-
ies deux fils de ce Théodore (3). De
plus, Boissard publia la fie de cent
ijuatre-vingt-dix-liuU personnes illus-
tres , avec leur taille-douce. Cet ou-
vrage est divisé en quatre parties in-
j '. , qui furent imprimées à Franc-
fort, la Ire. Tan 1597, la IIe. et la III1.
Tan i5t,8, et la IVe. l'an i5<w (4).
Son traité de Du'inatione et Magicis
Prœstigiis fut imprimé après sa mort.
Je laisse là ses Emblèmes , etc.
(C) // se mêlait de la poésie latine. ]
Je n'ai point l'édition de Metz , en
i53g, («8°. , qui est dans le Catalo-
gue d'Oxford : je n'ai que celle de
Bâle, en iS^i.i m 12. Elle contient
tro\,S livres drEpigramm.es, trois livres
& Elégies, et trois livres de Lettres.
Si ces vers-là ne méritent point tou-
tes les louanges que Borrichius leur
donne, ils ne méritent pas non plus
le mépris que quelques-uns ont pour
les vers que Jacques Boissard a mis
au-dessous de la taille-douce des hom-
mes illustres (5). Gruterus a donné
place aux poésies de cet auteur
«.lans les Délices des poètes français.
(2) Il elail de Liège , et demeurait à Franc-
fort. Hanliius, de Script. Rer. Rom., pag. a5y.
(3) Idem , ibidem.
(4) Idem, ibid., loin. II, pag. 3t)î.
(51 Votei Baillet, Jugemcru sur les Poètes ,
..uni. i35g.
BOLEYN ( Anne ) , femme de
Henni VIII , roi d'Angleterre ,
était de meilleure maison du côté
de sa mère, que du côté de son
père , puisqu'elle était fille de
Thomas Boleyn, qui n'était que
chevalier, et d'une fille du duc
de Norfolc (a). Elle naquit l'an
527
Elle ne repassa point en
Angleterre , lorsque cette reine
s'y retira après la mort de son
mari : elle s'arrêta au service de
la reine Claude, femme de Fran-
çois Ier. ; et après la mort de cel-
te princesse, elle entra chez la
duchesse d'Alençon (b). On ne
sait pas bien l'année de son re-
tour en Angleterre : quelques-
uns veulent que ce soit l'an i5?-7
(c); d'autres l'an i5:a5 (d). Ce
qu'il y .i de certain , c'est qu'elle
entra fille d'honneur chez la rei-
ne Catherine, et qu'elle donna
de l'amour au roi. Elle se con-
duisit avec tant d'adresse, qu'en
refusant de contenter la passion
de ce monarque , elle s'en fit ai-
mer pour le sacrement. Ce prin-
ce , trompé par les artifices de
cette fille, crut qu'il ne jouirait.
d'elle que sous le bénéfice du ma-
riage; et c'est ce qui l'engagea à
pousser l'affaire du divorce, et à
l'exécuter enfin avec tout l'éclat
que chacun sait. Ce qui , dans
une autre rencontre, serait fort
louable, est le principal crime
d'Anne Boleyn : avoir refusé de
complaire à un monarque amou-
reux , à moins qu'il ne répudiât
sa femme, est une faute bien
plus énorme que n'aurait H •
de devenir sa concubine. Une
concubine n'aurait pas détrôn
une reine, et ne lui aurait ôté ,
ni sa couronne, ni son mari; au
lieu que l'artificieuse Anne Bo-
leyn , en faisant la chaste et la
scrupuleuse , ne songeait qu'à
iSo'j , et fut amenée en France l'usurpation du trône sur Cathe
à l'âge de sept ans , par la sœur
de Henri YIII , femme de Louis
(a M. I.eli, Hist. d'Elisabetli , tom. 1.
\j , se trompe donc, qui la fait fdle.
du baron de Clinslon.
rine d'Aragon, et à l'exclure elle
{b Burnet , Hist. de la Réformation dWr.-r
gletcrre , hit. ff, pag: 108 etsuif.
I à même . pag. 1 io-
I Grand Hi du Divorce de Henri
YIII, tom. II . pus. 3l.
328 BOLEYN.
et sa fille de tous les honneurs que par l'envie de faire tomber
qui leur étaient dus. Quoi qu'il son déshonneur sur la reine Éli-
en soit , Henri VJII l'épousa se- sabeth. Ils ont été de ces satiri-
crètement le 14 de novembre ques étourdis, dont j'ai déjà eu
i53a (e), sans attendre qu'il y occasion de parler, qui , au lieu
eût sentence contre son mariage de ne faire ferme que sur les
avec Catherine d'Aragon ; et dès faits véritables , se sont engagés
qu'il s'aperçut de la grossesse à des médisances très-faciles à
de sa nouvelle femme , il rendit réfuter (D). Leur aveuglement
public son mariage, et fit décla- est d'autant plus inexcusable,
rer reine d'Angleterre Anne Bo- qu'ils pouvaient assez médire sans
leyn , la veille de Pâques 1 533 passer les bornes d'un fidèle his-
(f) , et couronner le itr. de juin torien (E). C'est dommage que
suivant {g). Elle accoucha Je 7 la bonne fortune qu'ils ont eue ,
de septembre (h) , et continua de trouver une infinité de copis-
d'être fort aimée du roi , jusques tes et de lecteurs complaisans ,
à ce que les charmes de Jeanne inspireà tantd'autres la hardiesse
Seymour eurent embrasé le cœur de les imiter. Sanderus est l'uni-
de ce prince l'an i536 (e). Alors que source de tous les auteurs
il passa de l'amour jusqu'à une qui ont déchiré Anne Boleyn ,
haine violente pour sa femme, et nommément de M. Moréri.
Il la crut impudique : il la fit Ceux qui disent que les protes—
emprisonner; et lui fit faire son tansdevraient rougir d'avoir tant
procès (A). On la condamna à d'obligation à cette reine qui
être ou brûlée, ou décapitée (k): était de leur religion, feraient
son mariage fut déclaré nul (B) , bien de déclarer , avant toutes
à cause qu'elle avoua qu'elle choses , qu'ils sont bien fâchés
avait épousé le roi dans un temps des services que l'impératrice
ou elle était engagée par contrat Irène rendit à la cause des ima-
au comte de Perci (/). Elle fut dé- ges (n).
capitée le 19e. jour de mai i53t> Consultez sur tout ceci M. de
(m) , et ne perdit point sa belle Larrey , au premier volume de
humeur dans cette rencontre (C). son Histoire d'Angleterre : vous
Quelques historiens catholiques y trouverez les raisons du pour
se sont donné une licence prodi- et du contre rapportées nette-
gieusede mentir contre elle; tant ment, et notre Anne justifiée
par le chagrin qu'ils avaient du autant que les lois de l'histoire
schisme dont elle avait été cause,
(e) Burnet, Hist. de la Réformalion d'An-
glul. , Iw. II. pag 295.
{f ) Là même , pag. 3o5.
(g) Là même, pag. .^07.
(h) D'une fille, qui a été la reine Elisa-
beth.
(i) Burnet, Hist. de U Réformat. d'An-
glet., /»'. III, pag- 455.
(k) Là même , pag. 4^9-
l Là même , pag. 4"2-
m) Là même, pag. !\"]5.
l'ont pvi souffrir.
(n) Là même , pag. 479-
(A) Henri VIII lui fit faire son.
procès*.] Sanderus a débite que le
propre père d'Anne fu* 'le ceux qui
la condamnèrent. Le docteur Burnet,
sur la foi d'Heilin , avait débité la
* CViaufepié transcrit copie d'une partie dc>
informations contre Anne r>oleyn,et une lettre <!«
celte teainie à Henri Vllt.
BOLEYN.
b?x
même chose; mais il s'en rétracta dans pitre V du XVIe. livre de sa Cosmo-
les additions (i). 11 avait trouve le graphie universelle , que plusieurs
registre du procès , et n'avait point gentilshommes anglais l'aboient as
vu entre les juges le comte de \Vilt
shire. C'est ainsi que s'appelait en ce
temps-là le père d'Anne Boleyn. 11
est remarquable que cette reine fut
accusée du crime de lèse-majesté, pour
avoir couché plusieurs j'ois avec son
frère , et avec quatre hommes ; pour
leur avoir déclaré a tons que jamais
le roi n'avait eu son cœur; pour avoir
dit à chacun d'eux qu'elle l'aimait
plus qu'aucune autre personne ; et pour
avoir traité i/ijurieusement le sang
royal. Or , c'était là , suivant la loi
faite peu auparavant, un crime de lè-
se-majesté ; et on se servit ainsi contre
cette malheureuse princesse de la mé-
rite loi qui avait d'abord ete faite en
sa faveur, et en faveur de ses enfans
(a). L'évèque d'Amèlia est allé plus
seuré que le musicien Smeton s'était
dédit , et repenti d'avoir perdu la
reine far une fausse accusation. J'ai
voulu vérifier la chose , quoique je
susse que l'autorité de ce moine est
immédiatement au-dessus de rien; car
c'est un homme dont les livres sont
remplis de fables et d'ignorance : c'est
un menteur sans jugement et sans es-
prit. Mais néanmoins j'ai voulu être
témoin oculaire de ce qu'il a écrit
là-dessus , et voici ce que j'ai trouvé
dans son ouvrage : Plusieurs gentils-
hommes anglois m'ont asseuré qu'Hen
ri VIII eut belle repentance des offen-
ses par luy commises , estant à {arti-
cle de la mort ; et entre les autres
choses , de l'injure et crime commise
contre ladite Toyne Anne de Boulan
loin que Sanderus; car il a dit que Jaulsement vaincue et accusée de ce
qu'on lui imposait ( 7 ). 11 n'y a dit
quoi que ce fût de la repentance , ou
de la rétractation du musicien ; et
Ion ne saurait la recueillir de son dis-
cours par la voie des conséquences ,
vu qu'il serait très-possible que cet
homme eût persévéré jusqu'à la fin
dans sa première déposition ou dan-
son aveu , et que néanmoins Henri
Thomas Boleyn présida au jugement
de sa fille. Poenœ ministrumjittœ far-
tima pntiem dédit , qui joriè capila-
Uum rerum judex adversùs eam capi-
iis senlentiam tulit ( 3 ). Ce qu'il dit ,
que tous ceux que l'on accusa d'avoir
eu commerce avec elle l'avouèrent à
la question, est démenti par M. iJur-
net , qui observe qu'il n'y en eut qu'un
qui avoua. Ce fut un musicien nom- VIII tût opprimé par de faux témoin
me Smeton : il convint qu'il avait l'innocence de la reine. Au fond le
couche trois fois avec la reine (4). 11 témoignage de Thevet n'a point de
est remarquable que sous le long rè- force, puisqu'il ne nomme pou;:
gne d'Elisabeth on n'a point tâché de les gentilshommes qui lui avaient dit
justifier sa mère. Les catholiques s'en cela ; et qu'en cas qu'ils fussent amis
1 de la reine Elisabeth , il faudrait les
soupçonner de prévention , et d'avoir
avancé des choses sur des bruits va-
gues , auxquels ils n'auraient ajoute
foi qu'à cause qu'ils les auraient trou-
vés conformes à leurs désirs. Il y a
une autre circonstance qui énerve ici
l'autorité de ce moine : c'est qu'il par-
le de l,i reine Elisabeth comme un
homme qui espérait d'en recevoir un
I résent. Princesse, dit-il (8), autan',
généreuse , libérale h l'endroit des
hommes de scavoir , et en toutes se
ai tmns chaste , avant eu de tout
temps les bons esprits en singulière
recommandation , autant que nui
autre de ses devanciers. Il l'excuse nu'
J
sont prévalus 5 mais on leur répond
qu'ils feraient mieux de louer et d'ad-
mirer la prudence d'Elisabeth et cel-
lf «le ses ministres (5) Elle eût cru
affaiblir ses droits en tâchant de les
défendre; et il eût fallu avouer cer-
taines choses d'Anne Boleyn , qui au-
raient tait quelque préjudice.
Je pourrais nommer un histo-
rien qui rapporte que Thevet . capu-
cin français (6), débite , dans le cha-
(1) Voyei les Additions et Corrections de la
F", partie de i'Ili>t. de la Reformalion d'An-
gleterre, num. i.
(2) Burnet, tlist. de la \\ < ''formation d'Angle-
terre, /re. parue , liv. III , pag. 46S-
(3) Gratian. , de Casibns Viror, illustrium ,
pag. îfig
,4) Bnrnet, Hist. de la Reformalion d'Angle-
terre , I". partie, liv. III , pag. 467.
(5) l'a même, pag. 480.
('1) Il avait e'te' coril elier et non capucin. Il se
ua fort jeune.
TOME m.
'- Thevet, Cosmographie universelle, /..
Xf'I, cliap. V, folio 6S-] verso.
(8) Là même, folio o5g
o t
53o
BOLEYN.
me de ce qu'elle avait introduit dans
son royaume le calvinisme.
(B) Son mariage fut déclaré nul. ]
L'auteur de l'Histoire de la Reforma tion
d'Angleterre nous apprend, i°. Que
milord Perci avait dit au cardinal
Volsey , qu'il avait donné sa parole
à Anne devant des témoins , et que sa
conscience ne permettait point qu'il se
dégageât (g). 2°. Que lorsqu'on pressa
ce seigneur , pendant le procès de la
reine , de déclarer qu'il y avait eu en
ce temps- la un contrat entre lui et
Anne Boulen , il fit serment , en pré-
sence de deux archevêques , qu'il n'y
avait jamais eu de contrat ni de pro-
messe de mariage entre lui et celte fil-
le ; et pour rendre ce serment plus so-
lennel, ii reçut la communion en pré-
sence de plusieurs conseillers d'état ,
et souhaita que la réception de ce sa-
crement fût suivie de sa damnation
s'il avait été dans un engagement de
cette nature. 3°. Que la reine , pen-
dant sou procès , n'avoua rien tou-
chant son engagement prétendu avec
ce milord; mais, quand on l'eut con-
damnée , elle confessa qu'il y avait
eu un contrat entre elle et Perci , et
ayant été amenée devant la cour ec-
clésiastique , le 17 de mai , elle dé-
clara qu'il y avait eu de justes empé-
chemens h son mariage avec le roi, et
qu'ainsi ce mariage-là ne pouvait pas
être valable (10). 4°- Que sur sa con-
fession la sentence de divorce fut pro-
noncée (il)- 5°. Que l'original de cet-
te sentence a été brûlé ; mais ce qu'on
vient d'en dire est répété dans une
loi que le parlement fit peu après pour
régler la succession. 6°. Que les deux
sentences que l'on prononça contre la
reine sont tellement opposées l'une a
l'autre , qu'il faut au moins que l'une
des deux ait été injuste. Car si le ma-
riage de cette princesse avec le roi était
nul dès le commencement , elle n'a été
aucunement coupable d'adultère; puis-
que cette invalidité empêchait qu'elle
ne fut femme légitime de Henri. Si
ce mariage était bon , il y a eu de
l'injustice à le casser : et s'il n'était
pas valable , la condamnation de la
reine a blessé manifestement l'équité ;
et on ne saurait soutenir que celte pnn-
(9) Eiirnct , Histoire de la Réformation d'An-
gleterre, lin. III , pag. 47°-
(10) Là même , pag. 471.
(u) La même, pag. 1-2.
cesse ait manqué de fidélité pour le
roi , puisqu alors elle n'était point
obligée de lui garder la foi. 11 y au-
rait bien des remarques à faire sur
tout ceci : je me contenterai de ces
trois : i°. Le milord qui , avec ser-
ment et la communion à la main, nia
qu'il y eût eu quelque engagement
entre lui et Anne , était un grand
fourbe , ou alors , ou quand il dé-
clara qu'il avait donné sa foi à cette
fdle (12). Si l'on préfère son serment
à l'autre déclaration, il faudra dire
que la reine, prête à mourir, a dé-
posé faussement qu'elle avait été en-
gagée avec ce milord. Si elle a été
capable de mentir eu cette rencontre,
il ne faut plus alléguer pour sa justi-
fication qu'elle protesta toujours de
son innocence , et même sur Técha-
iaud ; car une femme qui , sur le
point de comparaître devant Dieu ,
est capable d'avouer une fausseté qui
rend ses enfans illégitimes , est bien
capable de nier une vérité qui la cou-
vre de déshonneur. Et nous avons ici
un fait choisi entre plusieurs autres
de même espèce , qui montre que le
pyrrhonisme historique peut se bat-
tre sans désavantage contre les ser-
mens et contre les protestations des
mourans. 2°. L'adresse des historiens
est remarquable : ils se servent d'un
fait lorsqu ils en peuvent tirer quel-
que utilité, et ils le nient lorsqu'ils
s'en trouvent incommodés. 11 est uti-
le , quand on veut prouver qu'Anne
Boleyn ne poussait point Henri VIII
à répudier la reine, de montrer qu'el-
le songeait tout de bon à se marier à
milord Perci : il est bon alors d'a-
vouer son engagement. Mais si , d'un
autre côté, quelqu'un nous vient dire
que par cet engagement son mariage
avec Henri VIII devient nul, et qu'ain-
si la reine Elisabeth eût été bâtarde ,
quand même le divorce de Catherine
eût été juste; alors il faut dire que
cet engagement est un conte , et se
servir dessermens et des communions
de Perci. 3°. Il n'y eut jamais pou-
voir arbitraire qui surpasse celui que
les parlemcns d'Angleterre exercèrent
au XVIe. siècle. Tout ce que la nation
pouvait faire de plus authentique pour
déclarer nul le mariage de Henri VIII
(12) Voyez le docteur Bnrnet, Histoire <le
la Kéïurniation d'Angleterre , llv. II , pag. m,
112.
BOLEYN. 53i
avec Catherine d'Aragon fut employé: ne'e au lieu du supplice (17) elle
Marie, leur fille, était donc bâtarde j s'emporta extrêmement contre le peu-
et cependant on la reconnut pour rei- pie, qui ne lui faisait aucun honneur,
ne, en qualité d'enfant légitime de et leur déclara que , quand ils en de-
Henri. Tout ce qui e'tait nécessaire vraient crever de dépit , elle était
pour déclarer nul le mariage du mê- et mourrait leur reine. ( Uni è carce-
me prince avec Anne fut employé : ribus in aream , quœ peiampla est
Elisabeth, leur tille, était doue bâ- ante Arcem , producerelur , qub om-
tarde ; et néanmoins on la reconnut nis mulliludo concurrerat ad spectan-
pour reine, en qualité déniant légi- dum necem ejus , quant nuper demis-
tiiue de Henri. On brilla l'original de se adorare consueverant , nec trans-
la sentence de divorce : c'es{ qu'on ne euntem ulln honnie dignarentur; Ma,
voulait pas laisser subsister un titre ne tum quidem oblita superbiœ , con-
si désavantageux à la reine Elisabeth, tumeliosissimè e->s compe liant ennvi-
Remarquez bien que dans les royau- cio increpuit , esse morituramque se
mes héréditaires c'est une loi fonda- reginam eorumferens, disrumperentur
mentale que les biltards soient postpo- omnes licet (18).
ses à tous les païens légitimes de la (D) Les catholiques en ont dit des
famille royale. médisances* très-faciles a réfuter. ]
(C) Elle fut décapitée y .. .. et ne Qu'y a-t-il, par exemple, de plus aisé
perdit point sa belle humeur dans cet- à détruire que le conte que tant de
le rencontre.] Pendant sa prison, elle gens ont copié de Sanderus ; savoir :
jouait des personnages bien différons. qu'Anne était fille de Henri VIII ; que
Quelquefois elle paraissait dévote et sa mère la mit au monde deux ans
Misait des pleurs en abondance , et après le départ de Thomas Boleyn
tout d'un coup elle passait à de grands pour l'ambassade de France, à la-
éclats de rire ( i3) Aussitôt que quelle le roi ne l'avait nommé qu'afin
les juges qui étaient venus l'examiner de jouir plus librement de la femme
furent partis elle se mit à genoux , en l'absence du mari ; que Thomas
et , fondant en larmes, cria plusieurs Boleyn apprenant , à son retour en
fois, Seigneur Jésus, ayez pitié de Angleterre, la mauvaise conduite de
moi ; et au même temps on la vit sa femme , la fit appeler par-devant
éclater de rire (1 \ ■ Quelques heures l'njjïcial de Cantorbéri, pour cause
avant sa mort, elle dit que l'exécuteur d'adultère , et demanda la séparation
était fort habile, et que d'ailleurs (19); qu'il reçut ordre du roi de ces-
elle avait le cou assez petit ( i5 ). Au ser toutes ses poursuites, et de reniet-
mème temps elle, y porta la main, et tre son épouse en ses bonnes gi3ces ;
se mit à rire de tout son cœur. Le qu'il obéit , mais (pie ce ne fut qu'a-
Gratiani, quelque peu favorable qu'il près qu'elle lui eut avoué que le roi
lui soit , avoue qu'elle mourut avec était père de la dernière fille dont elle
beaucoup de résolution , et qu'elle eut était accouchée (20) ; qu'Anne Boleyn,
soin de bien étendre sa robe sur ses à quinze ans, fut débauchée par le
pieds, atin de tomber honnêtement, maître d'hôtel et par l'aumônier de
Postremb genibus positts ultimos quo- son père; qu'ensuite on l'envoya en
que pedes qub honestihs pmeumberet France cbez un seigneur qui la nour-
veste contexil (16). Les poètes remar- ( , Ta p[ace ) $elon lm< qui M au.dtvanl
quent cela de Pol yxène : les historiens je i,'t Tour.
le remarquent de Jules-César Voyez la '18 Gratianus , de Casibus v;ror. uiustr.,
remarque (H) de l'article Oiympus. Je W- «%• .,
, 3 . . 1 •. ('.»:> Chaufcuie en indique et relève quelques-
doute fort de Ce que le même Oiatia- un£5 de Var.llas, dont Bavle „',v,i« FaS parlé.
ni rapporte, que lorsqu'elle fut me- fig Sander. , Scbiime d'Angleterre , liv. I ,
pag 17 de ta traduction de Mau croix, édition
d'Amsterdam, en i6Si.
(i3) Burnet, Histoire de la Réfomiaiion d'An- (in) Ce r-cil de Sanderus a été altéré par
gleterre, liv. 1 1 ,pag. ^5q quel jues-uns. I.e Gratiani t'ait durer trois anr
. ., T 1 -, . „ /c, l'absence de Thomas Boleyn. D'autre
(ij) Idem, ibtd., pas. àoo. . -'.
•■..,, 'roT qu a ion retour il trouva sa femme enceinte, et
(ij) Là même, pag. ^-5 d'une lettre du lieu- aue le roilui avoua que céta'it de son fait. Voje%
tenant de la Tour. }a Kéforuiation d'Angleterre par M Bornet,
(16) Gratianus , de Casibii» Yiror. illustr. , pag. 102; Vaijllas , Hisl. de l'Hérésie , liv. IX,
pag. 270. pag. 16t.
532
BOLEYN.
rit. en fille de grande qualité' ; qu'elle
se gouverna à la cour de France avec
si peu de pudeur, qu'on l'appelait
ordinairement la haquenée d'Angle-
terre ; et qu'à cause que François 1er.
eut part à ses bonnes grâces, on la
nomma la mule du roi ; que pendant
les amours de Henri VIII pour cette
iille , Thomas v'ial , un des princi-
paux seigneurs de la cour, se présen-
ta au conseil , pour déposer qu'il
avait eu affaire avec elle en un temps
où il ne croyait pas que le roi son-
geât à lui faire l'honneur de l'épouser;
et qu'Henri n'ayant point ajouté foi
à cette déposition , Viat offrit de ren
» semblable aux poursuites dont a
» parlé Sanderus. Enfin tous les écri-
» vains de ce temps-là , soit du côté
» du pape , ou du coté de l'empereur,
» gardent un profond silence sur ces
» choses, qu'ils n'auraient jamais man-
» que de publier , si elles eussent été
» vraies , ou si elles fussent venues à
» leur connaissance. Mais au bout de
» quatre-vingts ans (21), on s'avise
» de forger une histoire pleine d'im-
» postures , ou du moins on la publie,
» à cause qu'alors il y a plus de sûreté
» à mentir; tous ceux qui auraient
» été capables défaire connaître la vé-
rité étant morts (22). » Quant à la
dre le roi même spectateur des faveurs troisième raison, je ne la rapporte
qu il recevrait de cette impudique; que qu'en raccourci. Thomas Boleyn na
Viat fut appelé impudent, et qu'on le pu être envoyé ambassadeur parle roi
chassa de la cour. Henri VIII , avant l'année i5og : il fau-
Le docteur Burnet emploie contre lirait donc qu'Anne fut née l'an i5i 1 ,
cela trois moyens. i°. Sanderus n'a- et qu'en l'année i5aG, on l'eût de-
vance ces choses, que sur la foi d'un bauchée dans sa maison. Où prendra-
ouvrage que personne ne vit jamais : t-on donc le temps qu'elle fut en
c'est la vie de Thomas Morus , par France chez un grand seigneur , et
Rastal. 2°. On a commencé trop tard
à les objecter. 3°. Il y a des im-
possibilités dans ce récit. Voici la se-
conde de ces trois raisons dans toute
son étendue. « Si ces choses ont été
); telles que le rapporte Sanderus,
3> comment, à la mort d'Anne de Bou-
« len , n'a-t-on point vu des personnes
» assez complaisantes envers le roi ,
3) ou assez ennemies de cette malheu-
» reuse princesse , pour rendre pu-
3) blique son infamie , qui d'ailleurs
» ne pouvait être secrète? Car, qu'une
5> femme , comme la mère d'Anne de
» Boulen , soit grosse deux ans aprè
puis à la cour? Où trouvera-t-ou cette
vie licencieuse , qui la tit nommer la
haquenée d' Angleterre ? Où trouvera-
t-on, dis -je, ce temps , puisqu'elle
était de retour en Angleterre l'an
i5a6? On ne tirera jamais Sanderus de
ce mauvais pas. M. le Grand, son
meilleur apologiste , l'abandonne ici.
Comme je ne prétends point déguiser
ses fautes , dit - il (l'i) , j'avoue de
bonne foi quil est trop emporté contre
Anne de Boulen ; qu'aucun auteur de
ma connaissance , hors lui , n'a dit
qu'elle fût fille de Henri FUI, ou
qu'elle eût mené une vie si d. réglée.
3> le départ de son mari , envoyé en Sanderus affirme qu'elle fut aimée du
3) une ambassade considérable; que roi dès l'an 1 526. Or, avant que d'être
3> ce mari sollicite le divorce à la cour
3> de l'archevêque de Cantorbéri ; et
3> qu'il y fasse appeler sa femme : ce
3> sont là des circonstances , que le
3) monde n'oublie pas sitôt. D'autre
3) côté , qu'Anne de Boulen ait été en
3> si mauvaise réputation ; qu'elle se
» soit laissée débaucher d'abord chez
si son père : qu'ensuite elle ait mal
)> vécu en France ; qu'elle ait été en-
» tretenue par deux rois : voilà d'au-
33 très circonstances, qui ne peuvent
31 être fort secrètes. Outre cela , lors-
» que les registres de la cour de l'ar-
» chevêque subsistaient encore , on a
3) offert au public de faire voir qu'il
:> n'y avait dans ces registres rien de
aimée de ce monarque , elle avait été
débauchée chez son père putatif à
quinze ans , elle avait fait du séjour en
Fiance, elle était revenue en Angle-
(21) Les fins de non-recevoir doivent avoir
liea , dans ces sortes de procès , toutes les fois
que l'accusation est de nature à être aisément
connue , et que les occasions de la produire se
sont présentées , sans que personne en ait parlé.
Voyez ci-dessous la remarque (Kj de l'article
Bolsec.
(22) Burnet, Hist. de la Réform. d'Anglet.,
pag. io5. Voyez à la fin du Ier. volume dt
M. Burnet , la Réfutation de Sanderus , nutn.
31. Vous y trouverez toute celle seconde raison
plus amplement , avec l'inclusion particulière
des offres de Viat , etc.
(î3) Le Grand, Histoire du Divorce de Hriwi
VIII , tom. II , pag. /,'.
BOLEYN.
terre , elle était entrée fille d'honneur
chez la reine Catherine. Elle avait donc
pour le moins près de vingt ans en
i5a6: elle était donc née Tan i5o6,
trois ans avant que le roi Henri Vi 11
montât sur le trône, et cinq ans avant
qu'aucun ambassadeur de ce prince
pût avoir mis deux ans à son ambas-
sade. On a trouve qu'Anne était née
l'an i5o7 : il faudrait donc, selon
Sanderus, qu'Henri VIII eût envoyé en
ambassade Thomas Boleyn l'an i5o5,
et qu'il eût été dès lors en plein com-
merce d'adultère. Or le premier de
ces faits est faux , puisqu'Henri n'était
point encore roi ; et l'autre n'est point
croyable d'un garçon qui n'avait que
quatorze ans. Ajoutez à cela (pie Tho-
mas Boleyn ne fut nommé à l'ambas-
sade qu'en l'année i5i5: et remarquez
bien que M. Burnet ayant remis toutes
ces raisons sur le tapis , en réfutant
M. Varillas (24) , on n'a vu dans la ré-
plique de ce dernier aucune preuve,
ni aucune solide remarque, en faveur
de Sanderus. Je ne dois point passer
sous silence ce qui regarde la déposi-
tion de Viat. M. Burnet en a parlé plus
amplement dans un ouvrage posté-
rieur à son Histoire de la Réformation.
Il a d'abord représenté combien une
telle déposition est contraire à la vrai-
semblance ; et puis il a soutenu que
Viat n'a jamais été disgracié ; mais
qu'il a été employé en d>:s ambassades
étrangères jusqu'à lajinde sa fie (25).
vain. « Sanderus raconte des cho-
» ses de la naissance et de la conduite
» d Anne avant qu'Henri l'eût aimée,
» qui ne sont pas faciles à croire , et
» dont les preuves ne persuadent pas.
» Qu'elle fût tille d'Henri; qu'elle eût
» une sœur dont ce monarque eût
» abusé ; qu'elle se fût prostituée ,
» presque dès l'enfance , au maître
» d'hôtel et à l'aumônier de Thomas
J> de Boulen , qui passait pour son
» père; qu'étant allée à la cour de
» France, François 1er. et ses courli-
>' sans l'eussent tellement déshonorée,
» qu'on lui donnât assez publiquement
» des noms infâmes: ce sont des choses
» contre lesquelles les écrivains pro-
» testans se récrient , et ont quelque
» droit de s'inscrire en faux. Mais de
» quoi on ne la peut justifier, est d'a-
» voirdonné à Henri, en contrefaisant
» la femme de bien , des espérances
» de l'épouser, s'il venait à bout du
» divorce monstrueux que VVolsey
)> lui proposait , et d'avoir contribue
» par-là à l'injustice que ce prince fil.
» à sa femme légitime , et à tous les
» maux qui s'en sont suivis. La fin
» tragique, que lui causa une incon-
» tinenee prouvée par un jugement
» juridique, fit voir que les écrivains
» catholiques ont pu dire d'elle , sans
» en juger témérairement , qu'elle
» n'avait été chaste que quand elle
» avait été ambitieuse (37).
(E) On pouvait assez médire d'elle,
Il cite une pièce originale , où le fils de sans passer les bonus d'un fidèle his
Viat atteste, que. soupire était gea- Corien.1 M. de Idéaux ne s est servi,
ti /homme de la chambre du r^i IL un ,
pendant tout le temps que son mariage
a: ec Anne Boleyn subsista ; que ja-
mais il ne se retira de ta cour par
discrétion; que le roi ne parut point
pour diffamer cette reine, que des
propres faits que les protestans a-
vouent. Il la convainc par-là d'un en-
jouement immodeste , de libertés in-
discrètes , d'une conduite irrégulière
jaloux, et que la reine ne fut point et licencieuse. On ne vit jamais , dit-il
offensée de sa conduite ; ... que son
père fut ensuite ambassadeur pendant
plusieurs années a la cour de Charles-
Quint (26).
Le jésuite qui a publié trois tomes
des Révolutions d'Angleterre , me pa-
(28), une honnête femme , pour ne pas
dire une reine, se laisser manquer de.
respect jusqu'à souffrirdes déclarations
telles que les gens de toute qualiti 1 1
même de la plus basse , en firent U
cette princesse. Que dis-je. les SOUJ-
raît fort raisonnable sur le chapitre frir? s'y plaire, et non-seulement jr
d'Anne Bolevn. Je rapporte ce qu'il en entrer , mais encore se les attirer elle
dit : on y verra que ceux qui ont re-
futé Sanderus n'ont pas travaillé en
(?4) forez M. Burnet dans la Réfutation de
Sanderus, mim. 21.
.Vlîurnrt. Critique du \\<- livre de l'His-
toire de l'Hérésie par 31. Varillas , pag. 8^.
(î6) Défense de la Crit'.nue de V»rilla».
même , et ne rougir pas </•• dire a un de
ses gnlans . qu'elle voyait hienqiiil
di Itérait de se marier dans l'espérance
(ï-) Le père d'Orléans . Hist. des dévolutions
d'Angleterre, foin. If, piç.
(a8) Histoire des Variation», h". VII , «• "
53-2
BOLEYN.
rit en fille de grande qualité; qu'elle » semblable aux poursuites dont a
se gouverna à la cour de France avec » parlé Sanderus. Enfin tous les e'cri-
si peu de pudeur, qu'on l'appelait » vains de ce temps-là , soit du coté
ordinairement la hnquenée d'Angle- » du pape , ou du côté de l'empereur,
terre ; et qu'à cause que François 1er. » gardent un profond silence sur ces
eut part à ses bonnes grâces, on la » choses, qu'ils n'auraient jamais man-
nomma la mule du roi ; que pendant » que de publier , si elles eussent été
les amours de Henri VJli pour cette » vraies , ou si elles fussent venues à
fille , Thomas Kial , un des princi- » leur connaissance. Mais au bout de
paux seigneurs de la cour, se présen- » quatre-vingts ans (21), on s'avise
ta au conseil , pour déposer qu'il » de forger une histoire pleine d'im-
avait eu affaire avec elle en un temps » postures , ou du moins on la publie,
où il ne croyait pas que le roi son- » à cause qu'alors il y a plus de sûreté
gedt a lui faire l'honneur de l'épouser ; » à mentir; tous ceux qui auraient
et qu'Henri n'ayant point ajouté foi » été capables défaire connaître la vé-
à cette déposition, Viat offrit de ren- » rite étant morts (22). » Quant à la
dre le roi mè'me spectateur des faveurs troisième raison, je ne la rapporte
qu il recevrait de cette impudique; que qu'en raccourci. Thomas Boleyn na
Viat fut appelé impudent, et qu'on le pu être envoyé ambassadeur parle roi
chassa de la cour. Henri VIII , avant l'année 1 5og : il fau-
Le docteur Burnet emploie contre drait donc qu'Anne fut née l'an i5i 1 ,
cela trois moyens. i°. Sanderus n'a- et qu'en l'année i5aG, on l'eût de-
vance ces choses, que sur la foi d'un bauchée dans sa maison. Où prendra-
ouvrage que personne ne vit jamais : t-on donc le temps qu'elle fut eu
c'est la vie de Thomas Morus , par France chez un grand seigneur , et
Kastal. 20. On a commencé trop tard puisa la cour ? Où trouvera-t-ou cette
à les objecter. 3°. Il y a des im- vie licencieuse, qui la fît nommer la
possibilités dans ce récit. Voici la se- haquenée d' Angleterre ? Où trouvera-
conde de ces trois raisons dans toute t-on, dis -je, ce temps , puisqu'elle
son étendue. « Si ces choses ont été était de retour en Angleterre l'an
» telles que le rapporte Sanderus, 1 526? On ne tirera jamais Sanderus de
3> comment, à la mort d'Anne de Bon- ce mau\ais pas. M. le Grand, son
« len, n'a-t-on point vu des personnes meilleur apologiste , l'abandonne ici.
» assez complaisantes envers le roi , Comme je ne prétends point déguiser
» ou assez ennemies de cette malheu- sus fautes , dit - il (i'5) , j'avoue de
3> reuse princesse, pour rendre pu- bonne foi qu il est trop emporté contre
3> blique son infamie , qui d'ailleurs Anne de Boulen ; qu'aucun auteur de
3> ne pouvait être secrète? Car, qu'une ma connaissance, hors lui, n'a dit
j> femme, comme la mère d'Anne de qu'elle fût fille de Henri PIIl, ou
;> Boulen , soit grosse deux ans après qu'elle eût mené une vie si d> réglée.
3) le départ de son mari , envoyé en Sanderus affirme qu'elle fut aimée du
» une ambassade considérable; que roi dès l'an i526. Or, avant que d'être
3> ce mari sollicite le divorce à la cour aimée de ce monarque , elle avait été
j> de l'archevêque de Cantorbéri ; et débauchée chez son père putatif à
3) qu'il y fasse appeler sa femme : ce quinze ans , elle avait fait du séjour en
3> sont là des circonstances, que le France, elle était revenue en Angle-
3) monde n'oublie pas sitôt. D'autre
3> côté , qu'Anne de Boulen ait été en
3> si mauvaise réputation ; qu'elle se
» soit laissée débaucher d'abord chez
3> son père : qu'ensuite elle ait mal
j> vécu en France ; qu'elle ait été en-
)) tretenue par deux rois : voilà d'au-
3> très circonstances, qui ne peuvent
3> être fort secrètes. Outre cela , lors-
;> que les registres de la cour de l'ar-
3> chevêque subsistaient encore , on a
3' offert au public de faire voir qu'il
■» n'y avait dans ces registres rien de
(21) Les fins de non-recevoir doivent avoir
lien , dans ces sortes de procès , toutes les fois
que l'accusation est de nature à être aisément
connue , et que les occasions de la produire se
sont présentées , sans que personne en ait parlé.
Voyez ct-dessous la remarque (K) de l'article
Bolsec.
(22) Burnet , Hist. de la Réform. d'Anglet. ,
pag. io5. t'oyez à la fin du /". volume dt
M. Burnet , la Réfutation de Sanderus , num.
21. Vous y trouverez toute cette seconde raison
plus amplement, avec l'inclusion particulière
des offres de Viat , etc.
(î3) Le Grand, Histoire du Divorce de Henri
VIII , lo m. Il , pa^. /,-.
BOLEYN.
terre , elle était entrée fille d'honneur
chez la reine Catherine . Elle avait donc
pour le moins près de vingt ans en
i5a6: elle était donc née Fan i5o6,
trois ans avant que le roi Henri VIII
montât sur le troue , et cinq ans avant.
qu'aucun ambassadeur de ce prince
put avoir mis deux ans à son ambas-
sade. On a trouvé qu'Anne était née
l'an i5o7 : il faudrait donc, selon
vain. « Sandcrus raconte des cho-
» ses de la naissance et de la conduite
» d'Aune avant qu'Henri l'eût aimée,
» qui ne sont pas faciles à croire , et
» dont les preuves ne persuadent pas.
» Qu'elle fut fille d'Henri; qu'elle eut
» une sœur dont ce monarque eût
» abusé- qu'elle se fi\l prostituée,
» presque dès l'enfance , au maître
» d'hôtel et à l'aumônier de Thomas
Sanderus, qu'Henri VIII eut envoyé en » de Boulen , qui passait pour son
ambassade Thomas Boleyn l'an i5o5,
et qu'il eut été dès lors en plein com-
merce d'adultère. Or le premier de
ces faits est faux , puisqu'Henri n'était
point encore roi ; et l'autre n'est point
croyable d'un «arçon qui n'avait que
quatorze ans. Ajoutez à cela que Tho-
mas Boleyn ne fut nommé à l'ambas-
sade qu'en l'année i5i5: et remarquez
bien que M. Burnet ayant remis toutes
ces raisons sur le tapis , en réfutant
M. Varillas (24) , on n'a vu dans la ré-
plique de ce dernier aucune preuve,
ni aucune solide remarque, en faveur
de Sanderus. Je ne dois point passer
s >iis silence ce qui regarde la déposi-
tion de Viat. M. Burnet en a parlé plus
amplement dans un ouvrage posté-
rieur à son Histoire de la Réformation.
Il a d'abord représenté combien une
telle déposition est contraire à la vrai-
semblance ; et puis il a soutenu que
Viat n'a jamais été disgracie ; mais
qu'il a été employé en des ambassades
étrangères jusqu'à ta fin de sa vie (25).
Il cite une pièce originale , où le fils de
Viat atteste , (jue son pire était gen-
tilhomme de la chambre du r^i IL nri ,
pendant tout le temps que son mariage
avec .Anne Boleyn subsista ; que ja-
» père; qu'étant allée à la cour de
» France, François Ier. et sescourli-
>' sans l'eussent tellement déshonorée,
» qu'on lui donnât assez publiquement
» des noms infâmes : ce sont des choses
» contre lesquelles les écrivains pro-
» testans se récrient , et ont quelque
» droit de s'inscrire en faux. Mais de
» quoi on ne la peut justifier, est d'a-
» voirdonné à Henri, en contrefaisant
» la femme de bien , des espérances
» de l'épouser, s'il venait à bout du
» divorce monstrueux que Wolsey
» lui proposait, et d'avoir contribue
» par-là à l'injustice que ce prince fil.
» à sa femme légitime , et à tous les
» maux qui s'en sont suivis. La fin
» tragique, que lui causa une incon-
» tinence prouvée par un jugement
» juridique, fit voir que les écrivains
» catholiques ont pu dire d'elle , sans
» en juger témérairement , qu'elle
» n'avait été chaste que quand elle
» avait été ambitieuse (27).
(E) On pouvait assez médire d'aile,
sans passer les bornes d un fidèle his-
torien.^ M. de Heaux ne s'est servi',
pour diffamer cette reine, que îles
propres faits que les protestans a-
vouent. Il la convainc par-là d'un en-
viais il ne se retira de la cour par jouement immodeste , de libertés in
discrétion ; que le roi ne parut point discrètes, d'une conduite irrégulière
jaloux, et que la reine ne fut point et licencieuse. On ne vit jamais , dit-il
(28), une honnête femme , pour ne pas
dire une reine, se laisser manque» d
respect jusqu'à souffrir des déclaration*
telles que les gens de toute qualiti < (
même de la plus basse , en firent a
cette princesse. Que dis-je . les souj-
ojjénsce de sa conduite ; ... que son
père fut ensuite ambassadeur pendant
plusieurs années a la cour de Charles-
Quint (26).
Le jésuite qui a publié trois tomes
des Révolutions d'Angleterre , me pa-
raît fort raisonnable sur le chapitre frir? s'y plaire, et non-seulement )
,, , 1 . _„É1 -_ J . J • l_ _... 11'
d'Anne Boleyn. Je rapporte ce qu'il en
dit : on y verra que ceux qui ont ré-
futé Sanderus n'ont pas travaillé en
(a4) Voyez M. Rurnet dans la Réfutation de
Sanderus, num. 21.
(î3) Burnet. Critique du IXe. livre de l'His-
toire de rilérésie par M. Varillas , pag. 8-.
(26) Défense de la Critique de V»rilia».
entrer, mais encore se les attirer elle-
même . et ne rougir pas d-- due a un de
ses gnlans . qu'elle voyait lii -Il qil il
différait île se marier dans l'espérance
(27) Le père d'Orléans, Hist. des liés ululions
d'Angleterre, (oui. If, pag.
(28) HUloire des Yanaùoo«. h». VII , num
2". pa0
536
BOLSEC.
il eut la hardiesse de faire un
discours public coutre le senti-
ment reçu *. Dès qu'on eut
appris les conversations qu'il
avait eues avec certaines gens
pour les infecter de son pélagia-
nistne, Calvin l'alla voir, et le
censura doucement; ensuite il le
fit venir chez lui, et tâcha de le
tirer d'erreur; mais cela n'em-
pêcha point Bolsec de se pro-
duire en public avec un discours
rempli d'insultes contre le dé-
cret de la prédestination éter-
nelle. On croit que sa hardiesse
fut d'autant plus grande, qu'il
s'imagina que Calvin n'était point
du nombre de ses auditeurs. Il
eut cette pensée , parce qu'il ne
le voyait pas à sa place. C'est
que Calvin n'étant venu qu'après
le commencement du sermon ,
se tint caché dans la foule der-
rière les autres. Mais il se mon-
tra tout d'un coup, dès que Bol-
sec eut fini , et le réfuta si forte-
ment par l'Écriture , par saint
Augustin, et par la raison, que
lui Bolsec fut le seul qui n'eut
point de honte d'être terrassé
de la sorte (B). Ce ne fut pas
tout. L'un des magistrats qui ont
droit de mettre les gens en pri-
son était présent à cette assem-
blée; il ne manqua pas sur-le-
champ d'user de son droit ; il
traita Bolsec de séditieux , et le
fit emprisonner. La cause fut
discutée fort amplement ; et en-
fin, de l'avis des églises suisses
(C) , le sénat de Genève déclara
Bolsec. convaincu de sédition et
de pélagianisme (D) , et comme
distingue pas, dit Joly, ce que dans les opi-
nions des Pélagiens il y avait de catholique ,
d'avec ce qu'il y avait d'Iierélriu-.
* Il fallait, dit Leolerc , dire, reçu à Ge-
nève.
tel le bannit des terres de la ré-
publique , à peine du fouet s'il y
revenait. Voilà ce qu'on fit le 23
de décembre i55t. Il se retira
dans un lieu du voisinage qui
dépendait du canton de Berne,
et y causa tant de troubles ,
qu'on le bannit de toutes les
terres de ce canton (E) Il s'en
retourna en France , s'adressa à
ceux de la religion , première-
ment à Paris , ensuite à Orléans
(F) , et témoigna un grand désir
d'être promu à la charge de mi-
nistre, et de rentrer en grâce
avec l'église de Genève; mais la
persécution qui s'éleva contre le
parti , lui fit naître un autre-
dessein : ce fut celui de repren-
dre sa première religion, et la
pratique de la médecine. Il fut
s'établir à Autuu : il fit le mari
commode en faveur des chanoines
du lieu , et témoigna une pas-
sion très-violente contre l'église
réformée (c) (G). Cette compa-
gne , dont il était si peu jaloux ,
était sa seconde femme (d). Il
changea de demeure plus d'une
fois (e) : il demeurait à Lyon l'an
1 582 , comme il paraît par le
titre d'un ouvrage qu'il fit im-
primer alors à Paris contre Théo-
dore deBèze. Il mourut quelque
temps après; car il n'était plus
en vie l'an i5H5 (H). L'ouvrage,
dont je viens de parler , a pour
titre, Histoire, de. la Vie,
Mœurs , Doctrine , et Déporle-
mens de Théodore de Bèze , dit
,'ct Beza , in Yitâ Calvini, Oper. , lom.
TII,pag. 3;4.
Kd) Idem, ad Claud. de Xainles, Apolog.
allerâ , pag. 3^5.
(e) Mcdicinain Calipoli ad Ararim tant
féliciter facer e quant ohm llieolugiam e.tcr-
cuit. Bt-za , Apolog. altéra ad Claud. de
Xainles , pag. '3^'t. Je. pense que ce Cdipolis,
est BellcvilLe en Beaujolais.
BOLSEC.
53 7
le Spectable , grand ministre de et ils n'en avaient aucune autre preuve
Genève (f). Il avait été précédé qu,e le témoignage de Bolsec. Je ne
de Y Histoire de la Fie, Mœurs, "tfT/T.f sl ^T? V^?-*
. ' » avaient tait 1 honneur a cet écrivain
.•fCes , Doctrine , Constance, et de le comparer à Homère : c'est-à-dire,
Mort de Jean Calvin , jadis mi- de faire un tableau, où Bolsec aurait
nislre de Genève, qui fut im- Paru vomissant , et entouré d'un nom-
primée à Lyon , l'an i5y7 (g).
Ces deux Histoires sont entière-
ment indignes de foi * , tant à
cause que l'auteur les a écrites
rempli de ressentiment pour les
affronts qu'il avait reçus (I) , que après Homère' firci
parce qu'il se trouve manifeste- (i).
ment convaincu de calomnie sur
les points les plus atroces (K). On
ne voit presque plus d'écrivain
de réputation qui n'avoue que
cet auteur est suspect (L). La
Croix du Maine le fait auteur de
quelques livres, qui sont sortis
d'une autre plume (M) , et il se rende a,,x sottises les plus brutales le
rare iniini de prêtres et de moines,
et de laïques controversistes , affamés
des crudités qu'il vomissait , et les
avalant avec une avidité extrême ,
jusqu'à lécher le plancher; car il est
certain qu'on a fait le même usage de
ces ordures , que les poètes qui vinrent
Cujusque ex ore profusos
Omnis posteritas latices in cartnina duxit ,
Amnemquc in tenues ausa est diducere rivos,
Unius Jecunda bonis (i)
Voilà comment la fortune se joue des
choses : il ne faut qu'un certain amas
de circonstances, pour faire que le
sort d'un faquin soit conforme à celui
des plus grands hommes, et que l'on
même honneur qu'aux plus belles pro-
ductions de l'esprit humain. Quelie
indignité ! On a pu appliquer à Bolsec
ce qu'Ovide avait dit d'Homère :
Atljice Mreoniden , a quo ceu fonte pe remit
ValumPienis ora nganlur aquis (3).
(B) 11. fil un discours sur la prédes-
tination, que Calvin réfuta si jor-
temenl ... qu'il fut le seul qui n'eut
point de honte de. se voir terrassé de la
sorte.] De la manière que Béze raconte
ment fait par Salomon en son '* cl»°se . il semble que Bolsec fit un
bas dge au commencement de son serm™ '.ma,s la Jettre 9™ fut ëcn,e
, ° . j ,si ■ j par Calvin aux églises suisses, au nom
règne, du lustre et réflexion du- de l'église de Genève, éclaircit Le fait,
quel Miroir apparaît le vrai et montre que ce personnage ne lit
moyen d 'apaiser les troubles et autre chose qne censurer, et que réfu-
séditions du royaume de France. ter un sermon ï™ v7ai!- ?é*r pl
munit à faux du témoignage de
Théodore de Bèze. Du Merdier
Vau-Privas savait de meilleures
nouvelles que lui des écrits de
noire Bolsec. Outre les deux His-
toires dont j'ai parlé , il lui attri-
bue le Miroir de Vérité , au roi
Charles IX , aux princes et sei-
gneurs de son conseil , du juge-
Il Sut imprimé l'an i5Ô2.
[f) Du VerJier, Bibliothèque française,
pag. 566.
g) Là même.
* Leclcrc et Joly devaient être «l'un autre
avis. Ils n'y manquent pas.
(A) // s'est rendu fumeur par des
ouvrages satiriques , que les moines et
les missionnaires citent encore.] Une
iniinité de gens ont débité, et d.ins
leurs sermons, et dans leurs livres,
que Calvin avait eu la fleur des lis , etc.
noucé sur la grâce du Saint Esprit.
Tandem virus suum nuper (4), aperto
guitare, écornait. SYnm, cùmpro more
nostro unus c fi alribus illum Joanais
locum exponeret, ubi pronunlial Chi is-
lus ex Deo non esse , qui verba Det
non audiunt , dixissetque quotqw't
Spiritu Dci renatiaen sunt, pe/vica-
(i) Voret m\im. Var. Historiar. lib- XIII.
cap. XXII.
(2) Maoilius, lib. II, v. 8 , en parlant d'Ho-
mère.
(3) Ovid., Amor. , lit. III, elrg. IX, vs. a5.
f4) Le if) d'octobre ij5i, selon TbéoJ.-
Beze , in \iiâ Cal fini.
538
BOLSEC.
citer usque in Jînem Deo resistere: quia nisjne.~\ M. Drelincourt a publie (7)
peculiare sit obedientiœ tlonuni , quo l'exl rai t d'une lettre que M. Lulliu ,
Deus suos electos dignalur ; surrexit conseiller, et ancien syndic de la ré-
nebulo Me, ac dix it faisant et impiam publique de Genève, lui avait écrite.
opinionem , cujus auclor fuit Lauren- il paraît par cette lettre, que les mau-
tins Valla, nostro seculo txortamesse: vaises mœurs de Bolsec contribuèrent
quôd Dei voluntas rerurn omnium sit
caussa. Hoc autant modo peccata , et
malorum omnium culpam in Deum
transcribi, et Mi ajjingi tyrannicam
libidinem , qualem poëtœ veteres in
suo Joi'e commenli sunt. Posie'a ad al-
lerum caput descendit , non ideb satu-
tem consequi homines, quia electi sint,
sed ideb eligi , quia credant : nec re-
probari quemquam nudo Dei placito ,
sed eos tantùm , qui se commuai elec-
tione privant. In hdc quœstione agi-
tandd multis et atrocibus convitiis in
nos invectus càt. PruJ'eclus urbis re
auditâ cum duxil in carcerem , prœser-
lint quia tumultuosè plebem hortalus
fuerat, ne se decipi à nobis sineret.
JVunc ad senalum delata est causai
à son exil .Voici ce que porte cet extrait :
« Par sentence rendue sur ses réponses
» et ses confessions dans les prisons
i> de cette ville le 22 décembre 1 55 1 ,
» et publiée à son de trompe , et que
» j'ai lue sur nos registres , il fut con-
» damné à un bannissement perpé-
» tuel , à peine du fouet, pour ses
» scandales , ses impiétés, et sa mau-
» vaise vie. » Voici "les termes dont
Théodore de Bèze s'est servi. Causa
multis dispulatiorubus agitata, sena-
tus helveticarum eliam ecclesiarum
sententiam percontatus illum tum ut se-
diliosum, tum ut merè pelagianum ,
a3 decembris publiée damnatum urbe
expulit , fustuariam pœnam minatus ,
si vel in urbe vel in urbis terrilorio
cognitio ; ubi errorem suum non minori esset deprehensus (8).
obstinatione quant audacid tueri per
rexit (5). Quant à la manière dont
Calvin le réfuta , lisez ces paroles de
Théodore de Bèze : Illum toi uerbi
divini testimoniis , lot Auguslini prœ-
sertim locis , lot denique tunique gra-
vibus argumenlis confutauit , perculit,
obruit , ut omnesprœler ipsummet per-
f ridas front is monachum ipsius vehz-
menter puderet (6).
(C) De l'avis des églises suisses,... ]
J'ai déjà rapporté un long passage de
la lettre qu'on leur écrivit pour les
consulter. Voicile début de cette lettre:
Est hic Uieronymus quidam , qui ab-
jecte monachi cuculld, unus ex circum-
(E) Il causa tant de troubles dans
le canton de Berne , qu'on le bannit
de toutes les terres de ce canton. ] Il
était un de ceux qui accusaient hau-
tement Calvin de faire Dieu l'auteur
du péché. + Calvin, pour prévenir
les impressions que de telles plaintes
eussent pu faire sur MM. de Berne , se
fit députer vers eux , et plaida sa
cause en leur présence. Il fut si heu-
reux , qu'encore que l'on ne voulût
point prononcer sur sa doctrine, ni
définir si elle était vraie ou fausse , on
ordonna à Bolsec de se retirer hors
du pays (9).
(F) Il retourna en France , et s'a-
foraneis medicis faclus est , qui f al- dressa — a ceux de la religion
lendo et frustrando, tantùm sibi im- Orléans.] Ce fut au synode national,
pudentiœ acquirunt , ut ad quiduis qui se tint dans cette ville l'an i562.
audendum prompti sint , ac parati. Is On voit dans les actes du synode na-
jam anle octo menses in publico eccle- tional , qui fut assemblé à Lyon l'an-
siœ nostrœ cœtu doclrinam de gratuitd née suivante : on y voit , dis-je , Bolsec
Dei electione , quam ex verbo Dei ac- parmi les ministres déposés. 11 y est
ceptam uobiscum docemus , labefac- appelé infâme, faussaire et apnstat
tare conatus est. Ac lune quidem , qi*â (10). Cela montre que le synode d'Or-
fieri poluit moderalione, sedala fuit léans , trompé par l'extérieur de sa
kominis protervia. Poslea non deslilit fausse repentance , l'admit au saint
locis omnibus obstrepere , ut simplivi
bus hocfîdei caput excuteret.
(D) .... le sénat de Genève le déclara
convaincu de sédition et de pélagia-
(5) Vide, ppiflolam CXXXII1 Calvini.
(6; Bcia . :i Vitî Calviai , Oper. , lom. III,
pas- 3^4.
(•;) Dam sa Défense de Calvin, imprimée a
Genève, Van 1667, pag. i5o , i5i.
(8) Beza, in Vilâ Calvini , pag. 373.
* L'accusalion n'était pas injuste , dit Leclcrc.
(g) lieza , in Vit'i Calvini, ad ann. i555.
(10) Voyez 1\I. Quiet, Synodicon in Gallià
F.efonnatâ, lom. I, pagl\-,.
EOLSEC.
ministère *. Cependant il ne paraît
point par les récits de Tlie'odore de
Bèze , répétés en divers endroits de
ses ouvrages, que Bnlsec eût jamais
été ministre. Voyez son Histoire ecclé-
siastique , au livre VI , pages 3 f et 35 :
mais corrigez-y Le mot Boliselqae les
imprimeurs y mirent au Hou de Bnl-
sec. Voyez-le aussi dans la Vie de Cal-
vin eu français (i i).
(G) Il fut s'établir a Aulun , Y fit
le mari commode en faveur des cha-
noines , et témoigna une passion très-
violente contre l église reformée. ] Je
rac sers d'une expression beaucoup
moins dure que celle de Théodore de
Bèze : aussi écrivait-il en latin. Ubi
contra quant sperârat ecclesias affligi
animadiertit , rrpetuâ medicinâ a<l
hostes Evangelii manifesta defeclione
(uxnre quo pie canonicis Augustndu-
nensibtis proslitutd) transivit. Undc
mine eliam quibus potest maledictis
verilatem proscindit (12). Quelle bas-
sesse ! quelle lâcheté ! Moralement
parlant , il vaudrait mieux être sujet
aux inquiétudes de la jalousie : le
jugement même du public , quelque
corrompu qu'il soit, tombe beaucoup
plus rudement sur le cocuage volon-
taire , que sur les infirmités d'un mari
jaloux. L'indigence de liolsec , ni l'u-
tilité qu'il pouvait tirer de son indul-
gence pour les chanoines d'Autun ,
n'auraient pas été capables de l'excu-
ser auprès des personnes mêmes qui
font profession de plaisanter sur toutes
choses. On rira, ou boullbiinera éga-
lement , soit qu'il s'agisse d'un mari
qui ne donne nulle liberté à sa femme,
soit qu'd s'agisse d'un mari qui prête
la main aux plaisirs qu'elle veut pren-
dre ; mais , au fond , on sentira pour
ce dernier autant de mépris et d'in-
dignation , que Juvénal :
Citm leno accipial mœchi buna , si capiendi
Jus nullum uxori , doclus speclare lacunar ,
* On lit dans la Bibliothèque française,
XXIX , ipt , que tes actes du synode national
d'Orléans ne parlent ,1e Rolsec en aucune ma-
nière. Quant aux actes Hu synode national <lc
Lyon, le nom de Rolsec n'y est tout an plu
que rirai lo.s ; car dans le second endroit on lit
Bulsac , qui pourrait être un autre personnage,
et cVat à Bu' tac que se donnent les qualifications
répétées par Bayle. Il n'est pas certain que ions
ceux d mt les noms sont accolés à ceux de liolsec
eussent été admis au saint ministère.
(i i) Paç. 20.
(la) Beza, in Vilâ Calvini , pag. 3;5 , 37G.
»39
Doclus h ad. calïcem vigilanli sterlere 11a ■
SO(lS).
(H) // n'était plus en vie l'an 1585.]
« De Bèze, en sa réponse à Génebranl,
)> imprimée à Genève l'an 1 585 , dit
» de ce Bolsec, en la page ^5 : Ajoute
» toutes les fables que tu voudras ,
» tirées de ce carme défroqué, qui est
» un homme infâme , ayant été banni
3> trois fois, et s'étant révolté quatre
» fois ; et qui , après avoir jeté l'é-
» cume de son venin sur les morts et
» sur les vivons , est mort désespéré.»
C'est ce que vous pouvez lire dans la
Défense de Calvin, faite par M. Dre-
lincourt (i4). Mais j'ai lu tout le
contraire dans le livre d'un autre
ministre. Ces témoins, dit-il ('5),
sont plus croyables et dignes de foi
que ceux que produit l'évéque , qui
sont Bolsec et Arenius , desquels le
premier a gémi et pleuré grandement ,
en plein synode , d'avoir chargé si
méchamment de calomnies et d'op-
probres la mémoire d'un si grand
personnage, et fidèle serviteur de
Dieu. Mais il ne faut pas que ceci
empêche personne d'ajouter foi au
passage que M Drelincourt rapporte;
car , apparemment , le ministre de
Fontenai n'a voulu parler que des
démarches que fit Bolsec au synode
d Orléans , avec beaucoup d'humilia-
tions , en l'année i56"2. S'il n'a voulu
dire que cela , il réfute très-mal l'ob-
jection : vu que la Vie de Calvin,
publiée par Bolsec , est postérieure de
quinze années à ce synode d'Orléans.
(1) Ses deux Histoires de Calvin et
de Bèze. sont indignes de foi , tant a
cause du ressentiment de l'auteur pour
les affronts qu'il avait reçus ]
M. Drelincourt a fait bien valoir cet
argument. 11 étale les raisons que
Bolsec avait de haïr Calvin. Il dit que
Calvin, avant convaincu Bolsec de
ses erreurs en pli ine assemblée, l'ex-
communia ensuite par l'avis de tout
le consistoire : il ajoute , que Cilvin
fut député avec quelques autres de
(,■ //■ ce, pour aller informer la puis
sanle république de Berne , de la
(i3) Juven. , satirâ I , vs. 55.
(>',) Pag. 107.
(i5J Pierre de la Vallale, ministre à h'ontr-
nai-le-Comle , dans /'jXpolojie de l'Epitre des
ministres de Cbarenton , <>; ; • qu'a
produit contre eni Armand- Jean du PlesaU, eve-
que de Lue.on , chap XXI J ■ pag. Mj8.
54o
BOLSEC.
et des mœurs de ce misérable Bolsec » donné gloire a Dieu, reconnaissant
(16). Ainsi Ton peut regarder Calvin » ses fautes , et surtout sa mauvaise
comme le principal promoteur des » conscience, à Orléans , en plein
deux arrêts de bannissement qui tom- » synode général des églises fran-
hèrent sur la tête de Bolsec , l'un à » çaises , l'an i5Gï : tellement que l'on
Genève , l'autre à Berne. Pour cp qui » en espérait quelque chose. Mais
est de The'odore de Bèze , il s'était » depuis , étant derechef saisi d'un
attire' l'indignation de Bolsec par les » même mauvais esprit. , est retourné
choses infamantes qu'il avait publie'es » à ses premières erres, et déchassé
contre lui en termes fort durs. M. Dre- » de tous , comme il en est digne , sert.
lincourt en donne des preuves. Voici » encore en tous les lieux où il se
in passage qu il rapporte : « En l'an »> pourmène , de témoignage de l'ire
i55i , vint en cette ville un certain » de Dieu contre ceux qui résistent a
nomme Jérôme Bolsec, un peu » la vérité (17). » M. Drelincourt rap-
auparavant carme de Paris, et puis porte deux antres passages de Théo-
soudain devenu de théologien mé- dore de Bèze (18). J'ajouterai à tout
decin , ou plutôt triacleur, lequel , cela , que ce fut Bèze qui fit impri-
pour se faire valoir , pensant être mer les lettres de Calvin , l'an 1575 ,
arrivé en son cloître ,et non en une parmi lesquels il y en a une qui est
église de Dieu , de laquelle il n'a- foudroyante contre Bolsec (19). Voilà
vait jamais rien su que par ouïr comment toutes choses ont leur usage
dire , commença à tenir par-ri par- en ce monde. Le style mordant de ces
là , et aussi en pleine congrégation, deux réformateurs leur rend ici un
de mauvais propos touchant la doc- grand service. 11 montre que Bolsec a
trine de la providence et de la pré- du être fort en colère de voir qu'on
destination éternelle de Dieu. De faisait des relations si piquantes des
Bèze traite ce Bolsec de vilain , maux qu'on lui avait faits ; et qu'ainsi
d'effronté, de loup déguisé; et après ce qu'il publia l'an 1577 , et l'an i582,
avoir représenté de quelle façon doit être rempli d'un esprit de ressen-
Calvin le convainquit de ses erreurs, timent , qui nous doit rendre suspec-
il dit que monsieur le moine ne sut tes de fausseté toutes ses historiettes.
que répliquer, et qu'il ne lui resta Jamais homme n'eut plus de besoin
qu'une impudence monacale. A quoi que lui de procès verbaux confirma-
il ajoute : Laquelle il montra même tifs juridiquement de ce qu'il avance.
devant le siège judicial, le a3 de (K) que parce qu'il se trouve
décembre , quand sentence de ban- manifestement convaincu de calomnie
nissement lui fut prononcée, a son sur [es points les plus atroces.'] Il a
détrompe, a la manière accoutu- débité que Calvin fut convaincu à
Noyon du péché contre nature, et
condamné seulement à la fleur de lis ,
son évêque ayant, intercédé pour lui ,
afin que l'on modérât la peine. Or il
n'y eut jamais de roman plus fabu-
leux que celui-là : et il fallait être
d'une impudence inouïe , pour oser
produire de tels contes , l'an 1677 ,
Car ce malheureux, qui avait mérité c'est-à-dire quarante-trois ans depuis
punition pour un acte séditieux, qUe Calvin était sorti de Noyon (20).
étant traité par le magistrat avec
douceur, a cause qu'on estimait qu'il (,7) ta même , pag. i35. Il tire cela de la
y aurait ci-après quelque remède h. préface que Théodore de Rèze mil au-devant
SOI! ignorance sophistique , après d" Commentaires de Calvin sur Josué , impri-
mée. Mais ce ti est pas de merveilles:
car toujours depuis elle Va rendu et
le rend encore aujourd'hui puant a
tout homme qui a quelque bon sen-
timent : vu qu'il est condamné par
son propre jugement , comme il sera
montré par témoignage de sa main ,
toutefois et quantes que besoin sera.
avoir fait tant de scandales et de
maux aux églises circonvoisines ,
se voyant par trois fois déchassé des
terres des seigneurs de Berne ; à la
fin étant intolérable a chacun , a
(iG) Drelincourt, Défense de Calvin
01.
P"S-
Commentaires
niés l'an i5(Ï4.
(18) La même, pag. 137 , i38 : il les tire de
la Vie de Calvin.
(if|) C'est la CXXXIIIe. J'en ai rapporte'
deux morceaux , l'un dans la remarque ( B) ,
Vautre dans la remarque (C).
(ao) Il en sortit Van i534, pour la dernière
fois, selon M. Drelincourt, Défense de Calvin,
BOLSEC.
54,
Jamais les fins Je non-recevoir n'ont Bertelier,ou qu'il savait que celui
été aussi valables qu'en cette rencon- qui montrait cet acte n'osait pas cou-
tre : la prescription, qui ailleurs ne vir le risque d'un démenti public
fait qu'arrêter les procédures , sans Voyez l'article de Berteuer : lui et
décider absolument sur le fond , est Bolsec avaient été de même faction à
ici une preuve très-invincible. L'accu
sateur institue son action après que
quarante-trois ans se sont écoules : il
n'est plus recevable. La prescription
lui ferme la porte, et de plus, elle le
convainc de calomnie ; car si le
trime dont il accuse était véritable ,
on n'aurait pas tant attendu à le prô-
ner. Calvin , en guerre ouverte avec
Genève contre Calvin.
Lorsque j'ai parlé ci-dessus (?.a) de
la prétendue commission de ce Berte-
lier , j'ai omis une réflexion qui me
vient présentement dans l'esprit. S'il
avait été envoyé à Noyon par la sei-
gneurie , c'eut été avant Tannée i55a;
car il fut excommunié cette année-là.
Il tâcha au bout de dix-huit mois de
mis les moines et tous les ecclésias- se faire réhabiliter, et n'y put point
tiques, les armes toujours à la main, réussir, à cause des oppositions de
oit pour leur porter de rudes coups , Calvin : il s'embarrassa peu après dans
soit pour repousser leurs rudes at-
taques ( car c'étaient des combats à
1er émoulu et à toute outrance ) ; Cal-
vin, dis-je, causant à l'église romaine
des pertes irréparables, n'était pas un
homme en faveur de qui l'on eût sup-
primé quarante- trois ans de suite la
sentence de la fleur de lis. Dès le
commencement de son ministère de
Genève , on l'eût publiée avec les
formes les plus authentiques et les
plus juridiques : on l'eût traduite en
toutes langues : on l'eût affichée par
toutes les rues. Cela est évident à
quiconque sait appliquer les lu-
mières du sens commun ; et, quoi
qu'il en soit , la fausseté de ce conte
a été prouvée si démonstrativement
par .M. Drelincourt , que jamais peut-
être sur des questions de fait on n'était
venu à une plus grande évidence.
Bolsec est donc très-évidemment ca-
lomniateur quant à la plus atroce de
ses injures. Il ne peut donc plus pas
d'autres mauvaises affaires , dont l'is-
sue fut qu'il prit la fuite , et que
n'ayant point comparu aux ajourne-
mens, il fut condamné par contumace
à la mort, le 6 d'août i555. Avec tou-
tes les chicaneries imaginables , on ne
saurait trouver un temps propre à sa
prétendue dépu'ation entre le jour
qu'il fut excommunié, et celui où on
le condamna à la mort ; et , par con-
séquent , il n'a jamais été à Noyon
avec ordre de s'informer de la vie de
Jean Calvin . s'il n'y a pas été avant
l'année i552. Or, voici une preuve
qui me semble convaincante contre
une dépntation antérieure à l'an i55a.
S'il eût été à Noyon avant cette an-
née, il aurait eu les documens de la
fleur de lis de Calvin , lorsque ce mi-
nistre l'excommunia , et travailla si
fortement à le laisser sous cette note
d'infamie. Eût-il été assez simple ,
pour ne pas apprendre à toute la
ville , que ce £iand zélateur , qui
ver pour croyable sur le reste. Semel excommuniait les autres, portait sm
malus semper prœsumitur mciltts in
eotlem génère mali. Je n'ignore pas
qu'il se fonde sur un acte qu'il dit
avoir vu entre les mains de Bertelier ;
niais cela ne le disculpe point. C'était
uue pièce supposée; et celui qui dé-
bite de telles pièces, ou qui les pu-
blie, n'est pas moins calomniateur
son dos l'infamie d'un fer chaud ? Ne
l'aurait-il pas défié en face d'oser
montrer ses épaules ? N'eût-il point
par-là , ou triomphé de son ennemi ,
ou ralenti sa persécution ? Que cha-
cun se mette à la place de Bertelier .
il a vouera qu'en cette rencontre la
découverte de l'infamie de Calvin
que celui qui les fabrique. On prétend aura été inévitable. Si l'on me dit que
qu'il attendit à en parler, que Berte- Bertelier ne manqua pas de découvrir
lier ne fût plus en vie (31) : marque le mystère, mais qu on n'eut aucun
évidente *, ou qu'il se vantait à faux
d'avoir vu l'acte entre les mains de ce
(ail Rivet, Oper. , loin. III , pag (j et '\r\- .
* Leclerc blâme le raisonnement <\e l'ayle qui,
après avoir employé les mots , on prétend, en
r«al tirer uni' prenne évidente.
ird à sa récrimination, à cause du
grand crédit de Calvin; on me dira
une chose très-incroyable. Quoi Idans
une démocratie, les juges oseraient ne
(■22) Dans la remarque (C) de l'article Bta-
T F l 1 e r .
5-|2
BOLSEC.
faiie aucune démarche , lorsqu'un
accusé, qui a une charge publique,
quelques parens, quelques amis, som-
me son accusateur et sa partie de
montrer ses épaules nues, et lui sou-
tient que Ton y verra la marque des
Heurs de lis , et qu'il en a porté les
preuves à la république en consé-
quence d'une commission qui lui en
avait été expédiée ? Les juges , bien
loin d'éclaircir cela , étoufferont la
chose, et feront défendre d'en par-
ler ? Ils ne sont pas assez fous dans
une démocratie , pour opprimer si
grossièrement un de leurs sujets- Mais
sans faire semblant de savoir qu'il y
eût jamais eu un Bolsec au monde
{"i\). Il n'affirme rien sur la fleur de
lis : il dit seulement qu'on voit quel-
que chose dans les registres deNoyon,
qui vraisemblablement a donne lieu a
Conrad de Slusembourg , ministre lu-
thérien , d'écrire qu'il avait eu dans
sa patrie le Jouet et la fleur de lis , et
au célèbre jésuite Léonard Lessius de
composer une apologie , à dessein de
justifier Slusembourg en ce poinl(p.5).
Voilà un tour d'adresse : on se donne
bien de garde de citer Bolsec, auteur
décrié; on aime mieux citer un mi-
je veux que les magistrats aient c'par- nistre luthérien. Cela est moins éton-
gné à Calvin toute la honte qu'il avait nant, que de voir un Florimond de
. •__.!_._ -i »:i_ _: i 'i.„ v> î • m. ... __■..._ - î ■ i
à craindre, et qu'ils aient menacé les
particuliers qui oseraient murmurer.
On m'avouera , je m'assure , qu'ils
n'auront pas empêché que la mémoire
de cet incident ne se conservât dans
les familles , et ne parvînt aux oreilles
des ennemis de Calvin. D'où vient
donc que Blandrata, Jean-Paul Alciat,
Gentilis , Gribaldus , et tant d'autres
hérétiques, que Calvin chassa de Ge-
nève, et qu'il persécuta sans rémis-
sion partout où ils se réfugièrent, ne
dirent jamais un mot de ces récrimi-
nations de Bertelier ? On ne saurait
parer ce coup. Je ne sais si jamais on
l'a porté aux promoteurs de la calom-
nie que Bolsec a le premier publiée.
(L) 11 n'y a presque plus d'auteur
de réputation , qui n'avoue que cet
auteur est suspect. ] Il me suffirait
d'alléguer M. Maimbourg, qui n'était
pas d'un tempérament à lâcher prise
qu'à bonnes enseignes ; cependant ,
après avoir rapporté quelque-unes des
raisons que les protestans allèguent
pour réfuter l'accusation de Bolsec,
concernant la prétendue fleur de lis
de Calvin , il se sert de ces paroles :
Je veux donc bien , puisqu'il plaît
ainsi a messieurs nos protestans , ne
pas croire cette infamie de l'auteur de
leur secte (23). Il avait déjà avoué
que Bolsec fait plutôt une satire et
une invective continuelle , qu'une his-
toire. Voilà un témoin qui en vaut
mille , ututs instar omnium , et je pour-
rais m'en contenter; mais, pour sur-
abondance de droit , je lui associe
M. Varillas , qui fait un ample récit
des mœurs et des actions de Calvin ,
(23) Maimbourg Histoire Ju Calvinisme, fie.
JV, paS 6
Remond rejeter cette calomnie de
Bolsec , et avouer que c'est un auteur
trop passionné. J'en laisse à dessein
beaucoup de choses , dit-il ('iG) , pour
la crainte que j'ai que quelque/ois la
haine ait eu plus de pouvoir sur eux
que la vérité ; car ils l'ont horrible-
ment flétri (27). Le feuillant Pierre de
Saint-Romuald, reconnaît la même
vérité : il avoue que tout ce quer Jé-
rôme Bolsec, et Jacques Lingei , Ecos-
sais , ont écrit de Calvin , est suspect
de trop grande aigreur contre lui (28).
Dès l'an (583, Papyre Masson écri-
vant la vie de Jean Calvin , et en di-
sant beaucoup de mal, ne daigna faire
mention du conte de la fleur de lis ,
et traita de petits auteurs populaires
ceux qui reprochaient à ce ministre la
débauche d'impudicité. N'est-il pas
étrangf, que le grand cardinal Cu:
Richelieu , dans l'un des meilleurs
livres de controverse que le parti ro-
main ait produits, soit moins scru-
puleux et moins délicat que ce bon
feuillant , que Florimond de Remond,
et que Papyre Masson ; et qu'il adopte
comme un fait certain le conte de
Jérôme Bolsec , qui commençait à de-
venir le rebut des missionnaires ?
Voyez l'article de Bertelier , [ re-
marque (D) ].
Je ne saurais finir cette remarque ,
(?4) Varillas , Histoire de l'.Hérésie , Uv. X.
(25) Là même , pag. 332 , e'ililion de Hol-
lande.
(26) Histoire rie la Naissance et Progrès de
l'Hérésie , Uv. VU, ehap. VIII .
(27) II cite en marge, entre autres , Bolsec et
Surius. Venez Ht. Drelincourt, Délense de Cal-
vin , pag. 126.
(28) Trésor cbronolosi.jue, à l'ann. i5og, cité
par Drelincourt , Défense r!e Calvin , pug. 12S.
BOMBASIUS. 5/,3
sans relever quelques méprises de Homme , premièrement écrit en latin
Varillas. i°. Le ministre luthérien sous le nom de Théophile, lequel il a
s'appelle Conrad Schlusselburg. i°. 11 intitulé Theologia Germanica ; un
ne fait que rapporter ce qu'il avait lu Traite sous le nom de Martin Bellie ,
dans des livres imprimes. Hœc publi- lequel il a fait imprimer en latin et en
<is scriptis Calvino objiciuntur (29). français, auquel Théodore de Bèze a
3". Léonard Lessius n'a point compose fait réponse ; et une traduction de la
d'apologie pour justifier ce ministre : Bible de latin en français. Théodore
il s'est justifie lui-même comme il a de Bèze (c'est la Croix du Maine qui
pu (3o) , voyant que l'on l'accusait parle , ) raconte ceci en la Pie qu il a
d'avoir avancé (3i) deux calomnies écrite de Calvin (33). La Croix du
contre Calvin , dont l'une regardait Maiue se trompe doublement. Ces
la fleur de lis. J'ajoute encore ceci : livres n'ont point Bolsec pour auteur,
31. Varillas n'ignorait point ce que et ce n'est point à lui, mais à Sébas-
liolsec avait publié ; mais il s'est fait tien Castalion , que Bèze les attribue.
un scrupule de le citer : voyons com- 11 faudrait faire plusieurs remarques,
ment il en parle. « Celle de Jérôme pour ramener tout ceci à l'exactitude.
» Bolsec , médecin de Lyon , est d'un
» style tellement emporté que, pour (33) La Croii du Maine, Bibliothèque fran-
» peu que le lecteur ait de modéra- faise ' p"e' 9-
» tion , il y trouvera à redire dés les
» premières pages. Elle est remplie de BOMBASIUS (Paul) , natif
» plusieurs mauvaises actions, qui de Bologne en Italie, se fit es-
» ne sont appuyées que sur l'autorité limer k profession des bel-
» de ce médecin , et ie ne 1 ai pas crue , , ,f 1 ,
» suffisante. Les calvinistes, en lui les-lettres , vers le conmience-
» répondant, l'accusent d'une extrême ment du XVIe. siècle. 11 ensei-
1 n -ratitude, fondée sur ce que Cal- gna la langue latine et la lan-
» vin l'avait reçu dans sa maison , et greCque à Naples (A), et il v
» tenu durant plusieurs années en w 1 V. 11 i
« qualité de secrétaire ; et que nonob- donna de lelles preuves de capa-
» stant il devint son plus grand enne- cité , que le cardinal Pucci le
» mi, par principe de pure incon- voulut avoir chez lui, et le fit
» stauce , ou par dépit de ce que Bèze SQn secrtftaire avec <}e bons ap-
» s était insinue plus avant (tue lui . J. T. l.
» dans l'amitié de Calvin (32j. » Je pomtemens (B). Il se trouvait
ne doute point que nous n'ayons ici fort à son aise à la cour de Ro-
une nouvelle méprise de cet auteur. me ? sous Ja protection et par les
Personne que je sache , n'a reproché ]lbëraHtës de ce cardinal ; et il se
sur ce tondement le crime d ingrati- , ., .
tudeà Bolsec. C'est au jurisconsulte voyait en état d achever sa vie
Baudouin qu'on a fait un tel repro- dans l'abondance, lorsque la vil-
che : c'est lui qui avait servi de secré- \e <Je Rome fut saccagée sous le
taire à Jean Calvin: mais jamais Bol- „/<!'„ . vu ti **i,„ 4« ,-«
, r . • » 1 pape Clément \ 11. 11 tacha de se
sec n eut cette lonction , ni un tel r r .
hôte. Je serais fort surpris si l'on me sauver au château baint-Ange , a
montrait le contraire.
(M) La Croix du Maine le fait
auteur de quelques livres qui sont
sortis d'une autre plurne. ] Ces livres
sont, un Traité de la Providence de
la suite de son maître; mais il
ne put courir assez vite , pour
n'être pas enveloppé d'une trou-
pe de soldats , qui le tuèrent m-
Dieu ; un Traité du vieil et nouvel humainement [a). Il avait ete
grand ami d'Érasme.
(a Tiré de Pierius Valerianus, de Litte-
ratorum Infelicilate, lib. I , p"g- 22.
(A) // enseigna à Naples. ] J'ai
suivi l'auteur que j'ai cité ; mais je
(39) Sehlasselburg. , Theolog. calviuist. , lib.
II, folio *i.
(3o) Dans i'Appeniix du Traité de Ami-
Ckrislo.
(il) Dans la Consultatio qiia: Fides et Religio
silcape*senda-
(S?) Varillas, préface du I". fine de Mlis-
toirc de l'Hérésie.
544
BOMBER G.
ne suis pas sans crainte qu'il ne s'a- craindre de se voir jamais réduit à la
buse ; car je vois qu'Érasme ne dit nécessite de reprendre son premier
mot de la profession de Kaples , et métier. Quamquaiu non ita niecum
qu'il ne parle que de celle de Bolo- maligne agitur ut ad professoriam
gne. Je rapporterai tout ce qu'il dit , linguam redeundianforctimeam. ]\[am
parce que l'on y verra quelques traits reditus annuos ad CCCC ducatos nul-
du portrait de Bombasius. Equidem lis sacris addiclos , nec forlunœ sed
exosculor Paidum Bombasium prorsus industriœ meœ acceptns ferendos auxi,
aurei pectoris hominem , quo vix alius quos nunquàm ex litterario Mo olio
unquam vixit amico amicior , sed va- sperare ac ne sontniare quidam mihi
Ittudini parcens non admodum indul- licuisset.
sit stylo. Mox ut erat animi minime
abjecli , sordidorum competitorum im-
prnbis contentionibus ojfensus ( nam
Bononiœ publico salario grcecè proji-
tebalur) adreip. negolia sese conîulit :
BOMBERG ( Daniel ) , fameux
imprimeur , natif d'Anvers.
Son article est fort curieux dans
tandem accitus Romani augere rem le Supplément de Moréri. Je n'y
maluit, quant litleris insenescere (i). ajoute que deux choses : l'une
Ces paroles d'trasme nous apprennent, ,{] f j prernier qui impr
1°. que Bombasius était bon ami ; 2°
que , pour ménager sa santé . il ne
composa que peu de choses ; 3°.
qu'ayant le cœur noble et bien placé ,
il se dégoûta de la vie professorale ,
à cause des querelles que la jalousie
sordide de ses rivaux lui attirait ;
4°. qu'il se mêlait des affaires de sa
qu il lut le premier qui imprima
des livres hébreux dans Venise ,
et qu'il commença de le faire l'an
1 5 1 i * (A) ; l'autre , qu'il porta
son art à la perfection , quant
aux impressions hébraïques :
de sorte que les juifs avouenl
patrie, quand il fut attiré à Rome, que, depuis sa mort, l'imprimerie
11 dit lui que le hasard plutôt que sa hëbra st toujours allée en
volonté , ou loltre d une meilleure . a J
fortune, le tira de sa profession. Me empirant(a). Vous trouverez dans
a litlerarid professione non tam mea M. Simon l'Histoire critique de
voluntas , uel ( ut tu suspicans )for- ses éditions de la Bible [b).
tuna melior avocavi.t , quam incertus
ille cui pleraque tam mala quam bona
debentur, casus eripuit (2). M. Moréri
le fait professeur dans Naples et dans
Bologne.
(B) Le cardinal Pucci le fit son
secrétaire avec de bons appointemens.] Testament, pag. 5i2, 5kJ.
Bombasius le nomme le cardinal des
quatre saints. Il écrivit à Erasme , l'an
1D17 , que contre son inclination il
avait fallu qu'il se privât des plaisirs
de Rome, pour accompagner le neveu
de ce cardinal dans la nonciature de
Suisse (3). Dans une autre lettre (4) ,
il dit à Érasme qu'il ne se trouve pas
fort riche ; mais qu'il a quatre cents
* Ce ne fut qu'en i5i5, dit Leclerc.
(a) Tiré de la Bibliothèque ranbinique
de Bartolocci, tom. I, pag: 3q. : on cite
Ganz.
(b) Simon, Histoire critique du Vieux
(A) // commença a imprimer en hé-
breu , a Denise , l'an 1 5 1 1 . ] Il com-
mença par une édition de la Bible
in 4°- Il en fit dans la suite beaucoup
d'autres impressions , in-folio , in-4°-
et in-8°. // avait appris l'hébreu de Fé-
lix Pratensis , Italien, qui lui fit entre-
prendre une édition de la Bible rabbi-
écus de rente , qui l'empêchent de ™<!ue ,/^-dire avec les commen-
' ' taires des rabbins , que Bombergue
(1) Erasm., in Ciceroniano , pag. 72. Voyez imprima in folio en i5i 7 , et qui fut
aussi /'adage Ier. de la VIe. centurie de la I'e. dédiée au pape LéonX. Mais les juifs
chitiade , pag. 193. n'estimèrent point cette édition ; et le
(») Bombasius, epist. IV, lib. XI, pag. 548 i& j b ^^ g|J fa imprimei
inter 1 la-mun. . A-, .
(3) Cette lettre est la XXIII'. du II* livre une autre par le même Bombergue ,
des Lettres d'Érasme, pag. 129. Voyez aussi en 1 volumes in-folio , l'an l5l5(l)...
la IV'. du IIe. livre.
(1) Cbevillier, Origine Je l'imprimerie de
(4) Cesl U XIIIe. du XVIIe livre, pag.
756.
Paris, pu g. 2O-.
BONCIARIUS. 545
Cestlui qui commençai 'impressiondu (A) // était d'une très-basse condi-
Talniud, l'année i5io , qu'il n'acheva tion.'} 11 apprend lui-même au pu
que quelques années après — en onze hlic , qu'il était Gis d'un cordonnier ,
volumes in-folio (a). Il imprima trois et petit fils d'un corroyeur. liic Pe-
fois le Talmad , et chacune de ces rusii , à vulgmibus , ut i/uc de sefa-
impressions lui coûtait cent mille tetur , opijicibus orlus , « uju.< quippè
écas (3). Il a imprimé des livres pour avus coriariam , palet sutoriam in
plus de 4 millions d'or fâ). adolescentiâ fecerat , generis oùscu-
,,,,,,. <.„ ritatem sut littcrarum sulendore Ulus-
(?j La même, pag. 20». . • / \ '
(3) S.ali3érana, <i» moi Bombrrgus , pnç. 34. ™'" l'J1
(4) Là même , au mol Imprimerie, pag. lai. (B) On a divers livres de sa façon ,
T>/~kATr>T IPiriC ^AT * t""t ''" VerS ,,Ue'1 PrnSe- ^ J1 " ,;1''1 ""
BOrvCIAJULJS (Marc -ANTOI- Traité de ArteGrammalicd; un poème
ne)*, disciple de Muret , a écrit intitulé, Triumphus Augustus , sive
fort poliment en latin. Jl était ^ ^anctis Psrusii translatis , qui con-
,, r, . , j-.- ,.N . tient IV livres: derapiudos hbii 1res
d une très-basse condition(A), et (2) Je ne lrou;.e poi£ qu,y aU puMW
il régenta tonte sa vie àPerouse. aucune grammaire grecque , et je ne
Il était né à six milles de cette vil- sais d'où M. Môréri a tiré cette prè-
le . le 0 de février i555 (a). Il tendue grammaire. Il eût eu plus de
. j- • 1 ' raison de lui donner un traite de Rhc-
eut pour disciple son propre père, tnorique} encore que NiciusÉrythréus,
qui, voulant devenir jésuite à l'âge le seul auteur qu'il ait cité, n'en parle
de quarante-sept ans , fut obligé point. Voyez la remarque suivante.
d'acquérir quelque érudition , ue ffi)"« U *'a Pnin\ !}ul'!';: tous «'"•-'
/ . *x L ■ 1 c . , • qu il avait dessein devublirr | Jl dit
voulant pas être simple frère lai. ^ans ses ,ettrps > ((uif sV|ait J™J
Bonciarius devint aveugle (b) , de la commission d'écrire la vie de
et fut fort tourmenté de la gou- tous ceux qui depuis quatre cents ans
te Ce). H mourut le ode janvier a™ient fleuri à Pérouse, ou dans les
c r , js ti •* 1 j- 1 armes, ou dans les sciences (3). Dans
l6lb(rf). Il avait eu le cardinal le Catalogue de sesOEuvrJ, à la
Ubaldin pour patron (e). Ses let- fin de sa Rhétorique , il témoigne qu'il
très furent imprimées à Mar- a fait un livre intitule, Epicurus ,
pourg, l'an 1604. On y trouve sweDialogus de anliqud Philosophid,
1 'ii j J * 1 •* ou u montrait qu aucun ancien pliilo.
la méthode dont il se servit pour sophe ne s-tait« plua approch/de fa
instruire son père en peu de vérité qu'Épicure, ni moins que les
temps {/)• On a d'autres livres stoïciens. Gassendi et Naudé n'avaient
de sa façon, tant en vers qu'en iamais,v" ce livre là , ce qui faisait
. ',,., croire a Oassendi que peut-être il nV-
Oint publie f.if „Q0 :m„^m«i W j .-... » '
prose (B). Il na point put
tous ceux qu'il avait dessein de
publier (C).
* Joly renvoie pour cet article au tome
XXXII des Mémoires de Niceron .■ mais il
pense que cet auteur a tort de fixer à i6o5
tait pas imprimé. M. Antonius Bon-
ciarius Parisiensis Proj essor (4),
in Calalogo Operum suorunt (5) se
compostasse librum testatur , cui ti-
tulum fecerit Epicurus , sive Dial
de antiqua" Philosophie , in <iuo e/R-
pense que cet auteur a tort de fixer A iOo3 » . . , lu/
I . a a n„ j ■ cacibiis areumentis et doctoium * u ■,-
ta mort du père de Bonciarius, dans ?a soix.iu- . ° *vuium firo
mm tcstimonus prooatur , nemiaem
ex priscis philosophis accessisse pro-
piùs ad veritatem , quàra Epicurum ;
contra, nullos ah ph longiùs reoessis-
se , quàm stoïcos. Tametsi iste quoque
liber nunquàm for ta sus editus , nec
(i) Nicius Erylbrxu*, Pinacoth. I , pag. cfi.
(a) Idem , ibidem, pag. yo, , 100.
( S) Là même, pag. i|f).
Cl) rOje% la fin de celte remarque .
(5) Gassendi met en marge in fine Rh
35
le-cinquieme année ; il n aurait eu que qua-
torze ans lors de la naissance de sim liis.
(«) Oldoïu. , in Atben. Augusto, pag.
225.
(b) Voyez Lancelol de Pe'rouse Hogg. ,
pari. II , pag. q5t, et Oldoini in Allicu.
Augusto, pag. 22j.
(r' N. Eritli. Pinacotli. /, pag. 98. 99.
U Oldoini, Atlien. Aug. . pag. 22^.
(é) Du Sauss. cont. Bellarm., de Script,
eccl. , pag. 78
f ! Murliof., Poljlnstor. , pag. 287.
TOME III.
(G) Gasscndns, de Vitâ et Moribus Epicu
lib. Fil, cap. Fil ,p,,g. 224.
546 BONFADIUS.
nobis est insus nec amico nostro , quem premiers livres*1. Il y parla trop
vue tamenulli rarissimifugiunt (6). ]ibrement ettrop satiriquement
Gassendi lait la une lourde laute. , . „ ».. /*■ .,
Bonciarius a toute sa vie enseigné à «e quelques familles; et par - la
Pérouse. 11 était donc Perusinus Pro- il se fit des ennemis qui réso-
fessor : de Perusinus on a fait facile- lurent sa perte. Us le firent ac-
ment Parisinus ; et de Parisinus en- cuser dépêcher contre nature ; et
core plus iacilevaeni r'ansie/isa.Uu on *
aille dire, après cela, que les fautes comme il se trouva des témoins
d'impression ne sont pas de cotisé- pour l'en convaincre , il fut coni-
quence par rapport aux habiles gens, damné à être brûlé (a) (B). Quel-
ques auteurs disent que la sen-
tence fut exécutée selon sa forme
et teneur ; mais d'autres assurent
BONFADIUS (Jacques); l'un que les sollicitations de ses amis
des plus polis écrivains du XVIe. firent commuer la peine, et
siècle , était né en Italie , pro- qu'il fut décapité (C). Ceci ar-
che le lac de Garde (A). Il fut rival'an 1660 **(b). Ceux quiblâ-
secrétaire du cardinal de Bari , ment son imprudence n'ont pas
à Rome , pendant trois ans , tort , et se sont mal trouvés de
après quoi , ayant perdu tout le l'avoir copiée (D). On a de lui
fruit de ses services par la mort quelques harangues , quelques
de son maître , il entra chez le lettres , et des poésies latines et
cardinal Ghinucci , et lui servit italiennes *3. Il écrivit un billet
de secrétaire, jusques à ce qu'une à Jean - Baptista Grimaldi le
longue maladie le tira de cet jour de l'exécution , afin de té-
emploi. Lorsqu'il fut guéri , il moigner sa reconnaissance aux
se trouva si dégoûté de la cour, personnes qui avaient tâché de
qu'il résolut de chercher for-
T- ii *' Les Annales Genuenses sont , comme le
tUlie par Une autre VOie. Jl ne dit Joly, réimprimées dans le tome I". du
trouva rien datlS le royaume de Thésaurus antiquitatum et historiarum Ita-
Naples, où il erra assez long- ^f^-^ Ghili«âf Teatrc d'Huomini U-
temps : il alla ensuite à Padoue, lusiri, tom. t, pag. 70.
. • > /*"*_,, ' ,"1 fit Joe 10_ *3 Leclerc blâmeBayle d'avoir adopté cette
et nuis a L»enes, ou il ut oes te— j* -~ , ,_/ , .. r rK
CM . 1 n i* • date de i5oo de préférence a celle de VMl
ÇOnS publiques Sur la Politique donnée parle Ghilini qu'il cite à la noie [b)t
d'Aristote. On le chargea d'en il dit à l'appui, que la lettre e'erite par Bon-
. j tj. 1° fadius, peu avant son supplice, est imprimée
faire aussi sur la Rhétorique ; dans un recueii jc lettres qui parut à Ve-
et comme il V réussissait bien nise chez Giolito de'Ferranen i55o,.
, i i J J- (*)Tliuan.,/i/y. XXVI, pa?. 52». Mais le
il eut an grand nombre de dis- Glnlim tom r pag. ?Q rmel la morl de
ciplesqui allaient apprendre chez sonfadwà l'an i55i.
i • 1 Y. il 1„** „„ C„ „' „t„ '^Jolv, dans ses additions, note que le Jour-
lui les belles-lettre*, ba reputa- ^ dJ'Sai>attS annonce 'récJ,ment ua
tion s'augmenta de jour en jour , nouveau recueil d'ouvrages de Bunfadius : il
de sorte que la république de Gê- l« donne la date de 1.744 , et leUtre de
Ti 1 . * , T.ellere fami<*hari di Jacnpo Bonjadio, etc.
lies le fit SOll historiographe , et Ginguené, qui date l'ouvrage, de 1746,
lui assigna pour cette charge une ajoute.-. 43 lettres familières, ttet»
O 1 . 11 > 1" - dm: lion italienne du discours rie (.iceron
fort bonne pension. II S appll- m pn) Milone, et un petil nombre de vers
qua de toutes Ses forces à la COm- - italiens et latins composent ce petit volu-
* . . 1 ; 1 . ', 4 - me ; mais il a un mérite qui manque à la
position des annales ae Cet état- > plupart des gros recueils; il ne renferme
là et en mit au jour les cinq » rien que d'exquis .
BONFA
le servir. Il s'engagea à leur
apprendre comment il se trouve-
rait dans l'autre monde , si cela
se pouvait faire sans les épou-
vanter. 11 n'est pas le seul qui ait
fait de telles promesses (E) Il
leur recommanda Houfadino , son
neveu , cpii est peut-être le Pierre
BoNFADIUS dont on voit des vers
dans le Garcggiamento poetico
del confuso accademico ordito.
C'est un recueil de vers , divisé
en VIII parties, et imprimé à
Venise l'an 161 i.
(A) // était né en Italie proche le
lac île Garde. ] Les auteurs ne sont
pas d'accord sur la patrie de Bonfa-
di us. Les uns disent cpi il naquit à Sa-
lone * sur ce lac ; Salonce ail liena-
cum nalus (i) • Ses autres nomment sa
patrie Gazani , luogo picciolo délia
Riuiera di B rescia (a) : je crois qu'ils
ont raison; cardans une lettre, où
il décrit ce beau lac , et. qui est datée
di Gazano , vous rencontrez ces paro-
les , hbero mi stnro nel min Gazano.
Cette lettre fut écrite à l'linio Toma-
cello : elle est au 11e. livre (3; des Let-
tere volgari , imprimé à Venise , l'an
i5f»8. Konig a tort de le faire de Vé-
rone.
(U) On l'accusa du péché contre na-
ture , et ... il fut condamné à être
brillé. ] On l'accusa d'assouvir cette
brutale passion avec un de ses disci-
ples. Fu calunnialo , che indotto d,i
sinisuralo e pazzo amore , chu ad un
bellissimo giovanetto suo scolare por-
tava , con esso le sozze e impudiche
sue voglie sfogasse ; sopra di questa
imputazione fu subito carcei alo ; e da
testimonii di si grave e énorme eccesso
convint^ , fu condamnOlo al fuoeo ,
nel quale fini i suoi giorni l'anno
1 55 1 .j Voilà le Gliilini qui recon-
naît la justice de l'accusation. Le Ca-
valier Marin ne l'a pas moins recon-
nue : voyez Les deux madrigaux de
* Min., dans son Ânti-BaiUel. n«. LWXIX,
aïonl aussi tlit S alo ne , la MonDOie dit qu'il
J'allait dire Salo.
(,) Tlman , lib. XXVI. paS. «S.
(i) <, hilini , Tratr. , loin. I , pag. 70.
(3) Folio 3 verso.
,-j; G hilini, Teatro d'Huomini illuslri , pag. 4-
DIUS.
547
ses Riiratti, que M. Ménage rapporte
(5). Paul Manuce la reconnaît pareil-
lement dans le poè'me qu'il adresse
ad eos qui labordrunl pr--> sa Iule Bon-
f'adii (6j. Voici comment il parle :
Lapsus erat miser in culpam Bonfadius, in-
dex
Peluterat pairihu< , nec inani leste probdral.
Çitid facerenl legum custodes ? le^ibus uti
Coguntur. .
Mais d'autres prétendent que fton-
fadius fut opprimé par la calomnie.
C'est le sentiment de Giovanni Matleo
Toscano dans son Peplus Italiœ (j) ,
où nous trouvons ce qui suit :
I/aud minus inUunuit nuper Benarut alumni
Bonfadu . ac Vii'ii , docte Catulle, luis.
Bis lameii h. f élu. • ; rapuit nain Ruina Calul-
luin ,
Bonfadium lelho das scélérate Ligur.
Hisloria œlerimm cujusfera Genua vivis,
Iiianrrititin sœva lege necare potes ?
Milius est ijtiod le spu • auli verlice mannor
Tundu; et es scopulis dunor ipsa luis ■
Scipione Ammirato ne prononce ni
pour ni contre , et paraît néanmoins
plus disposé à douter de l'innocence
de Bonfadius. Vous verrez dans les
paroles qu'on va citer , que la vraie
cause des persécutions qui furent fai-
tes à ce misérable , fut qu'il portait
la jeunesse à désapprouver le gouver-
nement qui était alors établi. Trovulo
cheeg'i ûrava la gio* r/itii a governo
contrario di quullo che allnra si era
mdiritto, sotto colore d'inipudici amo-
ri gli poser le muni adilosso : e perav-
wentura non trouatitlo àtrnza 1 o pu , il
condennaro'n al Juoro. Del catlivello,
per che fosse mtno scusabile , si leg-
gono ancor ime , letfual par che ren-
dan leslimonianza di ootesta sua incli-
nazione (8). Il y a beaucoup d'appa-
rence qu'il était coupable du crime
énorme dont on l'accusait ; et qu'il
n'en eût pas été puni , s'il n'eût fait
quelque autre chose qui L'exposa à la
baine de certaines gens.
(C) d'autres disent qu'il fut dé-
capite. ] Boccalin , le Gliilini , le Ca-
v.iiier Marin, et quelques autres, as-
surent qu'il fut brûle : Scipione Am-
(5) Ménage, Anti-Raillrt , chap. I.XXMX.
(G; Vous le trouvères, dans le< fieliciac Poela-
rum ilalorum.
- 1 Vojet C.hilini , pa^. 71 , et V. Tfi«jier,
Elu* . io»i / , pa^ iSi , riitiivn de 1696.
(8) Scipionr Ammiratu, dani ton Ritralio del
Bonladio. ciV par Ménage, Anii-Badlet, chap.
LXXXIX
548
BONFADIUS.
mirato le dit aussi. Quesiomisero col
fuoco in Genova... vedemmo terminale
t'infelice vita (9). Mais M. deThou est
plus croyable quand il dit qu'on tran-
cha la tète à Ëonfadius. Ob rem ta-
cendam Genuœ securi percussus
( io). Lisez ces paroles de M. Ménage
(11) : « Il est vrai qu'il fut condamné à
j) être brûlé ; mais , à la sollicitation
» de ses amis , et particulièrement du
v jeune Grimaldi , son supplice fut
» changé , et il ne fut que décapité,
j; C'est ce que nous avons appris du
» poème latin de Paul Manuce , inti-
■» tulé ;4d eos qui labordrunl pro sa-
3) lute Bonfadii , imprimé dans le
» Delir.iœ Poèlarum ilalorum. Voici
» l'endroit de ce poème qui regarde
3) ce changement de supplice :
» Exprimilur tandem hoc invito a judice ,
vivus
• Ne comburatur crepitanli drditus igni :
» Tum se carnifici sce^o Bonfadius ullrô ,
» Mente Deuin epectant , a'nuno imperlerri-
tus offert.
• Ille ministerio properi functurus iniquo ,
• Terribilis rigidam suspendit ad alla secu-
rim *.
(D) Ceux qui blâment son impru-
dence n'ont pas tort , et se sont mal
trouvés de l'avoir copiée. ] J'ai en vue
Boccalin , qui suppose que les plain-
tes de Loufadio sortant des flammes
(12) , furent rejetées par Apollon ;
et que cette divinité du Parnasse lui
déclara que , quand même il aurait
été innocent du crime qu'on lui im-
putait , il aurait été puni justement ,
pour avoir eu la folie de flétrir l'hon-
neur de quelques familles puissantes.
On lui représenta qu'un historien ju-
dicieux imite les vendangeurs et les
jardiniers : il attend à parler des faits,
que le temps les ait mûris, c'est-à-di-
re , que les personnes qui ont commis
une action mauvaise soient mortes ,
(q) Le même , cite là même.
('io)Tbuan., lib. XXVI, pag. 538. Notez
nue Konig , au lieu de GenuK, a mis Genevœ ;
ce qui fait un gros mensonge.
(11) Ménage, Anti-Baillet, chap. LXXX1X.
* La Monnoie, dans ses Remarquas sur l' Anti-
Baillet, conclut de ces -vers que Bonfadius fut
d'abord décapité , puis ensuite brûlé. Leclerc
croit qu'il n'a été brûlé ni mort ni vif. Il ne de-
vait pas, ou du moins ne savait pas devoir l'être
puisque , dans sa lettre rapportée par Ménage
dans VJnli-Baillel, il prie qu'on l'enterre dans
l'église de Saint-Laurent.
(12) Dal fuoco lullo brustolilo comparue
Ciacomo Bonfadio. Boccalini , Ragguagli di
farnasso, centur. I, cap. XXXV , pag. 108.
et que leurs enfans ne puissent pas se
venger de celui qui la publie. C/ie i
saggi virluosi nello scriver le Historié
molto prudenternente si consigliavano,
ail' hora che imilavano i vendemialo-
ri , e gl allri accorti de'Jrulli, i quali
percioche conoscevano , che cosa poco
grala havrebbono j'utto a gli huomini,
se dalle viti tagliundo Vuva immatura,
e da glialbtri slaccando ipomi acerbi
gli huvessero portait al mercalo , quel-
la necessaria paùenza havevano , che
si conveniva anco gli Hislorici di las-
ciar che il tempo conducesse i Jalti ,
e le cose passate alla perjèttione loro
(i3). On lui allégua Tacite, qui eut
citte précaution , et qui aima mieux
oHènser les lois de l'histoire , que de
s'exposer au péril. Che lo slesso gran
3Iaestro de gl' Historici saggi Tacito,
ail' hora <rhe ne gli scrttti suoi faceua
mentione di quei Senatori grandi , che
Tiberio régnante pœnamvel infamiam
subiêre , ait hora , che posteri mane-
bant, Tac. lib. 4 Ann., saggiamente
alzava la penna délia carta , più toslo
eleggendosi di offender le legt^i histo-
riche , che pregiudicare alla riputalio-
ne di quelle jamiglie , che non di al-
ira cosa erano conosciule J'ar capital
maggiore , che del l'honore , stimando
quell' huonto singolare ad un Hislo
rico esser cosa di troppo évidente peri-
colo , nimis ex propinquo diversa ar-
guere. Tac. lib. 4 Ann. (i4)- Voilà
comment l'homme sait mieux connaî-
tre les maximes de la prudence , que
les pratiquer ; car nous avons vu que
lïoccalin perdit la vie , pour avoir
parlé trop librement contre l'Espagne
(i5). Les conseils qu'il fait donner par
Apollon sont sans doute judicieux.
Rien n'est plus beau dans la théorie
que les idées du législateur des histo-
riens : il leur commande de n'oser di-
re rien qui soit faux , et d'oser dire
tout ce qui est vrai (16) ; mais ce sont
des lois impraticables , tout comme
celles du Décalogue dans l'état où le
genre humain se trouve. S'il était per-
mis de comparer les choses humaines
(i3) Là même , pag. 108 , 109.
(i4) Là même, pag. 109.
(i5) Voyez Boccalin , immédiatement après
la citation (b) et la citation (c).
(iC) Quis nescit primam. esse historiœ legem,
ne quid falsi dicere audeal , deindè ne quid
veri non audeal? t'icero, de Oratore, lib. II,
cap. XV. Voyez la préface de In première édi-
tion Ue ce Dictionnaire', «« IVe. paragraphe.
BONFADIUS.
'.9
avec les choses divines , Ton dirait que
le législateur des historiens a imite le
législateur des Juifs : il s'est régie sur
l'état de l'homme innocent , et non
pas sur l'état de l'homme pécheur : il
a supposé ce franc-arbitre perdu, et
ces grandes forces que l'homme aurait
eues, s'il eût persévère dans son in-
nocence originelle. Remarquons d'ail-
leurs une grande différence entre des
lois si semblables. Il n'y a qu'une par-
faite sagesse qui puisse accomplir le
Décalogue; etd faudrait être d'une fo-
lie achevée , pour accomplir les lois de
l'histoire. La vie éternelle est le fruit
de l'obéissance au Décalogue ; mais la
mort temporelle est la suite presque
inévitable de l'obéissance au législa-
teur des historiens.
(E) II s'engagea a leur apprendre
comment il se trouverait d.ms l'autre
monde Il n'est pas le seul qui ait
fait de telles promesses. ] Voici ses
paroles : Se da quel mondo di la si
poli h dar qualche segno senza spaven-
to , lofaro. Elles sont tirées du billet,
qu'il écrivit à Giovan-Battista Grinial-
di : vous le trouverez tout entier dans
lAnti-Baillet (17) : M. Ménage l'a pris
d'un Recueil de Lettres Italiennes ,
intitulé, Lettere di diversi Uomini
illustri raccolte da diversi libri , im-
primé in-S , in Treviso , appresso ra-
bricio Zanetti , en i6o3. Le Barnabite
Baranzanus avait fait la même pro-
messe , et ne l'exécuta point. J'en
parle dans son article. On prétend
que Marsile Ficin , s'étaut engagé à la
même chose , tint sa parole : lisez ce
passage de Pierre de Saint-Komuald.
« Mareille Ficin , prêtre Je Florence,
» grand philosophe platonicien , et
» grand théologien , mourut , et aus-
si sitôt son esprit , sous la forme d'un
j> cavalier vêtu de blanc, monté sur
» un cheval Je même couleur , cou-
» rut à toute bride vers la porte du
» logis de Michel Mercat son intime ,
» aussi grand philosophe platonicien ,
» qui étudiait lorssurl'aube du jour en
a son cabinet en une ville assez éloignée
J> de Florence, etlui cria que les discours
)> qu'ils avaient tenus ensemble tou-
» chant l'autre vie étaient véritables ;
.) et, cela dit, il retourna courant «l'on
i> il était venu , et se déroba promp-
■ leinent aux jeu*, de sou ami , qui
(17) Ménage , Anti-Raillel, chap. LXXXIX.
» lui criait qu'il l'attendit. C'est ce
» qui lui advint, à cause du pacte
» qu'ils avaient fait ensemble sous le
» bon plaisir de Dieu , que le premier
» mourant viendrait dire au survi-
» vant si les choses se passaient en
» l'autre vie comme Platon l'avait
» écrit en son livre de I immortalité
» de l'âme. Le cardinal Baronius as-
» sure avoir ouï raconter celte his-
» toire au petit-tils de Mercat (18). »
Notez que Baronius, rapportant cela
dans le Ve. volume des Annales de
l'Église (19) , observe que Michel Mer .
cat , qui avait toujours vécu exemplai-
rement , et comme un bon philoso-
phe , poussa plus loin sa vertu depuis
cette apparition ; car il renonça à l'é-
tude de la philosophie , et s'ap| liqua
tout entier à l'affaire du salut. L'an-
naliste ajoute que ce qui concerne la
promesse réciproque que Marcile Fi-
cin et Michel Mercat se ûrent, de s'a-
vertir de l'état des choses après cette
vie , etc. , était atteste par plusieurs
savans , et avait été souvent raconté
an peuple par les prédicateurs. Haud
inexplorata referam , sed quœ cttm-
plurium eruditorum virorum scimus
assertione jirmata, immo et h religiosis
l'iris ad popu/um pin contione swpè
narrata (20). C'est dommage que Mi-
chel Mercat n'en ait point laissé une
attestation juridique sous serment ,
et enregistrée dans les archives de Flo-
rence. 11 eut grand tort de ne le pas
faire. Son petit-fils Michel Mercat ,
qui fit ce conte à Baronius , était pro-
lonotaire de l'église , et recommanda-
ble par sa probité et par son savoir
L'endroit où Sénèque îaconte la
tranquillité d'esprit avec laquelle Ca-
nins Julius alla au dernier supplice ,
est admirable. Cet honnête homme fut
condamné à la mort par Caligula , et
ne fut exécuté que dix jours après sa
condamnation. Il les passa sans nulle
inquiétude; et, lorsqu'il fut averti
qu il fallait aller au lieu de l'exécu •
tion, il ne perdit rien de sa gaieté
Pourquoi vous affligez-cous ? disait-il
à ses amis, fous cherche.: si l'âme
(18) Pierre Se Saint-lininuald, Abrégé chrono-
logique el historique, loin. III , pag. 2Îi , 25a,
ad ann. 1490.
(iç) Rnronius , ad ann. 411! '"'"'• &)•
( 20) Idem , ibidem.
(31) Idem , ibidem.
55o
BONFADIUS.
subsiste après notre mort , je le saurai une preuve démonstrative , que lors-
bientôl. Le philosophe qui l'accom- que les hypothèses différentes de celle
pygnait lui deuianda : A quoi pensez- que Ton emploie sont, ou impos-
vous maintenant? Je me propose, sibles , ou manifestement fausses. Puis
répondit Canius , Je bien observer si donc, qu'en supposant l'immortalité
mon dme s'apercevra, de sa sortie. 11 de l'âme, on peut donner de bonnes
promit que , s'il apprenait quelque raisons pourquoi Julius ne revint
chose , il viendrait voir ses amis pour point dire à ses amis en quel état
leur déclarer son état. Tristes erant il était , on peut fort bien rejeter
amici , lalem amissuri virum. Quid l'hypothèse de la mortalité de l'âme ,
mœsti , inquit , estis ? Vos quaeritis , encore qu'elle soit très-propre à expîi-
an immortales animœ sint : ego jam quer cet événement. On peut supposer
sciam. IVec desiit , m ipso veritatem avec beaucoup de raison , ou qu'une
fine scrutari , et ex more suo quœtio- âme séparée de son corps ne se sou-
nem habere. Prosequebutur illum phi- vient point de la promesse qu'elle a
losophus suus : nec jam procul erat faite pendant cette vie ; ou que, si elle
tuntulus , in quo desari Deo nostro s'en souvient, elle ignore les expé-
jiebat quotidianum sacrum. Quid , diens de l'accomplir , ou n'a pas la
inquit , Cani, nunc , cogitas? Autquœ liberté de les mettre en œuvre, soit
tibi mens est ? '.'bservare , inquit Ca- qu'elle n'ose, soit qu'elle ne veuille
nius , proposui illo velocissimo mo- désobéir aux volontés de quelque
mento , an sensurus sit animus , cause supérieure qui lui défend tout
exire se. Promisitque , si quid eiplo- commerce avec les humains. Disons
rdsset , cir< umiturum amicos , et indi- donc que les amis de Uonfadius eussent
caturum, quis esset animarum status été de très-mauvais raisonneurs , s'ils
(22). Séuèque ne nous dit point si eussent voulu inférer la mortalité de
l'on apprit quelques nouvelles de ce l'âme, de ce qu'il n'eût point tenu la
Julius en conséquence de cette pro- parole qu'il leur donna,
messe. II. Le second point est plus délicat ,
On sera peut-être bien aise que et .Ie ^a's d'abord une distinction. Si
j'examine ici deux questions qui se quelque fantôme, soi-disant l'âme de
présentent naturellement. La pre- Julius, se fût montré aux amis de ce
mière est , si les amis de ce Julius
eurent quelque bon prétexte de dou-
ter de l'immortalité de l'âme , en
Romain , et leur eût appris des nou-
velles de l'autre monde, ils eussent pu
regarder, en conséquence de cela.
n apprenant pas les nouvelles qu'il comme une hypothèse très-probable ,
leur avait fait espérer ? la seconde , c,el'e de l'immortalité de l'âme : mais
s'ils eussent eu un bon fondement de si,s avaient pris cette apparition pour
croire l'immortalité de l'âme , en cas une preuve démonstrative que l'âme
qu'ils eussent appris de ses nouvelles de Julius subsistait encore, ils n'eus-
par quelque fantôme ? sent Pas bien jugé j car , comme je
I. Je réponds, quant au premier lai déjà dit , une hypothèse ne four-
point , qu'un tel prétexte de mettre nlt Pomt de preuves démonstratives
en doute l'immortalité de l'âme serait lorSflue le fait qu'elle explique peut
très-mauvais; car encore qu'on eût être expliqué par des hypothèses dif-
pu donner une fort bonne raison de ferentps- il faut qu'une preuve, pour
la nullité des promesses de Julius , en êire démonstrative > fasse voir que le
supposant que son âme ne subsistait contraire est impossible, on manifes-
plus , il ne s'ensuit pas qu'on ait *ement faux- Puis donc que l'on peut
droit de se servir de cette hypothèse , donner des causes possibles de l'appa-
pour marquer les causes de l'inexé- "tlon d un fan,ôme s°»- disant l'âme
cution de sa parole. Quand on peut d'un tel homme » accomplissant cer-
expliquer un phénomène par trois ou taines promesses que cet homme aurait
quatre suppositions probables, il n'y faltes a ses amis' Pms ' d,s.le' qu on
en a aucune qui puisse former une peut expliquer cela par des hypothèses
juste conviction. On ne peut donner Posslbles> 'ans supposer que l'âme de
1 homme soit immortelle , il est clair
(2a)Seaeca,<3eTranquillit. Animi, cap. XIV, que les amis de Julius n'eussent pas
pag. 671. philosophé avec la dernière exacti-
BONFINIUS.
55i
tudc , s'ils eussent pris une semblable nécromancc leur attribue , quand
apparition pour une preuve démon- même ils seraient mortels. 11 suiiirail
strative que l'âme de leur ami vivait, que leur espèce se conservât maigre
« Il est possible, leur pouvait -on la mort successive de tous les indi-
» dire, qu'encore que l'âme de votre vulus, comme notre espèce se con-
w ami soit morte , vous ayez vu un serve quoique tous les hommes meu-
» fantôme qui vous a dit ce qu'il rent. Dire que la génération des indi-
« s'était engagé à vous venir annon- vidas est impossible parmi les génies,
» cer. Il y a dans l'univers plusieurs c'est décider témérairement de ce que
)> génies, qui connaissent ce que nous l'on ne sait pas, et que l'on ne peut
» faisons, et qui peuvent agir sur nos savoir. L'infinité de la nature peut
» organes. Quelqu'un d'eux s'est di- contenir mille inauières de propaga-
» verti à vous tromper: il vous a fait tion qui ne nous sont pas connues.
5) croire qu'il était Filme de Julius. Notez qu'il y a eu des païens, qui ont
» Par des raisons naturelles et con- cru la mortalité des génies.
» vaincantes , nous ne saurions vous Concluons de tout ceci, que ce que
m prouver que cela soit vrai , ni vous l'on nomme retour on apparition
» nous prouver que cela soit faux, d'esprits, n'est point rigoureusement
» N'allez donc pas si vite, ne con- parlant une preuve nécessaire (a3) ,
» cluez rien certainement , contentez- ou de l'immortalité de notre âme, ou
» vous de prendre cela pour une by- de l'immortalité des démous. Je ne nie
» pothèse bien probable. » Les amis point que ce n'en soit une preuve , à
de Julius répliqueraient que l'exis- laquelle on peut acquiescer prudem-
tence même de ces génies est une ment, raisonnablement; mais je parle
preuve de l'immortalité de notre âme; ici de preuves démonstratives : je
car si ces génies sont immortels, pour- parle de preuves qui ne puissent être
quoi notre âme ne le serait-elle pas ? éludées que par des chicanes dont on
On pourrait leur repartir que ces gé- peut réduire bientôt les défenseurs à
nies auraient la force de faire cent l'absurdité,
choses , à la place et sous le nom de
Pâme morte de Julius, quand même
ils seraient mortels. Les borames ne
(ï3) II faut qu'on prenne bien garde h cet
deux c tau set , la première, rigoureusement par-
lant; lu .seconde , preuve nécessaire.
]; ON FI VICS {a) (Antoine),
sont-ils pas tous mortels? Ne meurent-
ils pas tous effectivement, les uns
plus tôt , les autres plus tard?Cela les natif d'Ascoli , en Italie , dans'la
empccbfiait-d de tromper les betes , , i> A a •
dans la supposition que je m'en vais mnrruo d Ancone , a fleuri an
faire. Supposons que l'âme des cbiens X\ ' . siècle. Il s attacha a l'etll-
se persuadât quelle subsiste après de des belles-lettres, et y réus-
s'ètre séparée du corps ; supposons sjt Matthias Corvin , roi de
qu un chien en particulier eut pro- TT ■ 1 î
mis aux autres de leur venirdirecom- Hongrie, ayant oui parler de
ment il se trouverait après la mort, sa science, le fit venir auprès de
Supposons enBn qu'un homme connût lui. Bonfinius eut l'honneur de
cette promesse, et la manière dont le luj fajre la révérence k Reez ,
chirn serait convenu de I exécuter. i •
R'est-il pasvrai que cet homme ferait Peu de JourS aVant (IUC Ce Pn,UC
aisément ce qui serai! nécessaire pour fît son entrée publique dans la
tromperies autres chiens Pilleur mon- vJUe de Vienne qu'il avait con-
trera.t des fantômes : il ferait aboyer ;se ,« Dfes colle pivm,j,re au.
des marionnettes etc. Si les chiens en ï. -, , I . .-
concluaient, donc notre dme est immor- «ence,iJ présenta plusieurs ,:-
telle , pour h moins les hommes sont vres qu'il venait de faire impri-
immortels, ne se tromperaient-ils pas? raer (A), et qu'il avait d
Il est aise de comprendre , pour peu QU à ce roi QU j, ]a reine son ^ _
qu on y tasse réflexion , que les esprits A
invisibles de l'univers, ce que les (rt n se ^ u nnm dc Dorjfir,;s dans
platoniciens appelaient génies, pour- so„ n js .0i r,. de Hongrie.
raient faire tout ce que l'art de la (b) En ilfi5, selon Cdrisïus.
Ô5a BONFINIUS.
se Béatrix d'Aragon. Le roi lut ne saurais dire, ni où; ni quand
ces livres , avec beaucoup d'avi- Bonfinius sortit de ce inonde ;
dite , dans son camp , et assista , mais je crois qu'il ne retourna
accompagné de toute sa cour,. ;i point chez lui, comme firent
une harangue que Bonfinius ré- plusieurs savans d'Italie que
cita dans Vienne le Ier. jour de Matthias Corvin avait fait venir
janvier ; et s'étant fait porter les dans son royaume (C). On accuse
livres de cet auteur , il les dis- cet historien d'avoir été médisant
tiïbua aux prélats et aux cour-
tisans , et leur recommanda de
les lire : et bien loin d'accorder
à Bonfinius la permission de
s'en retourner en Italie , il le re-
tint avec une bonne pension , et que considérables (F).
lui donna plusieurs choses àcom-
poser , et voulut même qu'il le
suivît dans ses armées (c). Il le
chargea de composer l'histoire
des Huns : Bonfinius commença
d'y travailler avant la mort de
ce prince (d) ; mais ce fut par
ordre du roi Uladislas , qu'il
écrivit toute l'Histoire de Hon-
grie. S'il n'y a pas réussi d'une
(D) , et d'avoir mis trop de pa-
ganisme dans son style (E). Ses
Notes sur Horace ne sont point
bonnes {/)■ Les fautes de M.
Moréri sont ici plus nombreuses
[f ) Bonfinio nul lus ineptil magis , et dum
ab a/iis dissentire studiosè geslit, siculis
gerris vaniora comminiscilur. Hadrian. Ju-
nius , Epist. I, où il donne son jugement
des commentaires s«r Horace.
(A) Il présenta au roi de Hongrie
plusieurs livres qu'il venait de faire
imprimer.] C'est lui-même qui nous
l'apprend : il nous dit que trois de
ces livres avaient été dédiés au roi
Matthias, savoir : la Traduction
dd ' Hermoiiène , et celle cYHérodien , et
oive taire regarder 1 , r „ ■?/„„, 1 t r> .. • . >;i J
i. © la Lrenealogie des Corvins ; qu il y en
son travail comme un ouvrage avait deux qui avaient été dédiés à la
achevé , il est sûr qu'il s'est ren-
du digne d'avoir place parmi les
bons historiens (B). Il a conduit
< etîe Histoire jusques à l'année
reine, l'un desquels traitait de la
Virginité et de la Chasteté conjugale.
et l'antre était une Histoire d Ascoli;
qu'outre cela, il avait dédié un petit
Recueil d' Epigrammes au jeune prince
i5f)4: elle contient IV décades et Jean Corvin, où il avait joint une
demie c'est-à-d ire XLV livres. L'o- préface qui traitait de l'Education
, /> . • j i i -il- d un prince (i). 11 aioute, qu ayant
j-iginal en fut mis dans la bibho- suivi^ontre \Jn %ré Matlhïas Corvin
theque de Rude, et le publ ic n en à l'armée , il avait traduit Philostrale,
vit rien qu'après la mort de l'an- pourse désennuyer. Castra sequiprœ-
teur. Un Transylvain, nommé ceperatscriptoribus et philosophanti
Martin Brenner, recouvra une
copie imparfaite de cet ouvrage,
et en publia XXX livres l'an
1 543. Sambucus trouva les XV
autres ; et publia tout l'ouvrage
l'an i568, revu et collationné
sur de meilleures copies (e). Je
(c)E.vBon(iD'iidecad.ir. lib. Vil, p. ^63.
(d) Bonfinius, in Epist. «leilic.at.
(e ) II en donna une édition encore meil-
leure l'an i57Q, à Francfort, chez André
Wiehel. Vautre était de Baie, clic: Oporin.
bus inimica. Quod chin Me invitus
Jacere cogeretur , ne ingrato in cas-
trensi tumullu molestidque otio utere-
tur, oblatum sibi Philostratum tribus
mensibus in latinum transtulit (i) .
Disons un mot en particulier du livre
de la Virginité et de la Pudicité con-
jugale. Ce sont des dialogues, dont
Sambucus procura une édition l'an
1572. On leur donne le titre de Sjm-
posion Beatricis. Matthias Corvin et
(1) Bonfin. , Rerum Ungaric. decad. IV ,
lib. VII , pag. l\(\ï , eilit. fl/i/i. 1C90.
(2) là même.
BONFINIUS,
Beatrix d'Aragon, sa femme, y sont
fort Loués : ou y trouve la considéra-
tion qu'ils avaient pour Bonûnius (3).
La congrégation de l'index a con-
damne cet ouvrage.
(B) // s'est rendu cligne if avoir place
■parmi les bons historiens. ] Voici ce
«pie Sambucus a dit à la louange de
Bonfinius : Quantum ingenio non ad
hoc argumentum modo, sed ad omnem
omnino philosophiam excelluerit, Dia-
logi cjus de Pudicitid conjugali vulgb
testanlur , Herodianus , Hermogenes
lalini : nec t'ino huic opus est hedera.
Prœlerire taineii nequeo paucarum
esse gentium historias copia et stylo
fuites (4j- H ajoute que Seldius disait
souvent, IVullo se in scriptnre post
Livium et œquales ejus qu'am ipso hoc
lionfinio i<acuas horas libentiùs ponere
solilum. La préface des Dialogues ne
contient pas nu jugement moins favo-
rable. Sambuci in Oialogorurn prœfa-
tione taie de Bonfinio judicium est ,
ingenio ad omnes res arduas et lauda-
biles excelluisse , styloque ut inidoneo
non ad hisloriam minus quant philoso-
vhiam vel oraliones (5).
(C) Je crois qu'il ne retourna pas
chez lui , comme firent plusieurs sa-
vans d'Italie , que M. Corvin avait
fait venir dans son royaume. ] Douli-
nius nous apprend qu'ils s'en retour-
nèrent plus misérables qu'ils n'étaient
venus. Invitati etiam muneribus pnë-
tee, rhetores , et grammatici, quifalsi
opinione sud miseriores longe musas
qu'am adduxcri.nl in Italiam reduxe-
runt (6).
(D) On l'accuse d'avoir été trop
médisant. ] Sambucus s'est déclaré en
cela l'accusateur de Bonfinius, dont il
s'imagiue que la plume fut peut-être
souvent dirige'e par la complaisance
pour Matthias qui l'avait pris à ses
gages; mais il remarque que ce prince
ne fut pas Lui-même trop épargne.
Civterùm , ut Bon/imi Liudes non surit
obscurœ , ila dissimulare nequeo non-
nihil ipsum qfficii tui inlerdum obli-
tum in mores privatos et vitam calum-
niosè impotcuttùiqui? effusum . secits
quant Livium, Salustium , Tacitum ,
Suetonium , in romanos orbis dominos
Ci) Vossius , de Histor. latinis , pag. 65g.
(4) Sambuc., in Epist. dedicator.
(î) Vossus, de Hist. latin. , pag. 65g.
(6J Boulin. , decad. IV, hb. VU , pag. 45g.
gentemque togalamfecisse constat (7):
id./ue fartasse redempto à Mallh'ui
judicio et calamo ejus, quœ rerum
seriei nihil detrahunt. Nec Matthiœ
tamen pepercit i/uem impudentem, vo-
luptuosum, theatris deditwn , ambi-
liosum , fervent , in adjungendis amicis
prœcipitem, in relinquendis facilem,
adulatoribus benignum, immemorem
beneficiorum , ausus sit dicere (S). On
pouvait ajouter qu'il a dit que Mat-
thias attira auprès de lui toutes sortes
de gens doctes, sans en excepter les
magiciens, f^iros quâque arte prœstan-
tissimos undique disquisivit, conduxit-
que. sîstronomos , medicos , mathe-
rnaticos , jurisque consu'l>s dilexit.
Ne magos quidem et ngrontanles
abominatus est : nullam arlem con-
tenait wiqu'am [C) iJn Allemand,
nommé Zeillerus, a observé qu'on se
plaint entre autres choses de ce que
Bonfinius a dit delà malheureuse reine
Gertrude. Taxatur etiam à quibus-
dam ejus Hisloria Ungarica , imprimis
nar ratio de morte innocentis reginœ
Gertrudis. l^id. lirunncrus , part. 3
Annal. Boic, pag. 603 (10).
(t) ... Et d'avoir mis trop de paga-
nisme dans son style.] Le jésuite Ra-
derus est ici 1 accusateur , comme le
même Zeillerus le rapporte. J/ntbœus
Jiaderus , volum. 2 Bavariœ sanctœ ,
pag. 191 , hœc de eo scribit : Bonfi-
nius profanas minium et paganus
scriplor , cùrn sanclos appel lai Deos
et Numina ; Dei matrem Numen et
Dcant. Calholicœ religionis disciplina
non novit nec colit msi unum Deum et
unum Numen. Bonfinius dum vult
latine quod ipsum sincère non polest
scribere , superstiliosè et profane , ne
quid dicam gravais , loquitur. 11 faut
avouer que quelques auteurs italiens
se sont rendus ridicules , pour n'avoir
osé employer , en parlant du christia-
nisme , les termes qu'ils ne trouvaient
pas dans les écrivains de la bonne
latinité (il) ; mais je ne saurais goûter
la délicatesse de Raderus , ou plutôt
son acception de personne. Il trouve
(-) // est pourtant vrai que la plupart de ce:
quatre historiens frondent d'une terrible force
les vices et les désordres de Rome.
(S) Sambuc, m Epist. dedical. Hist. t'ncaric
(qj BonCn. , Hist. Uogaric, . decad. IV, lih.
VII , pag. 45g.
(10) Zcillcr, de Hislor. fpag' M-
(11) Voyez ci-dessus la remarque (B) de l'ar-
ticle Bembcs.
554
change que Bonfinius ait donne à la
Sainte Vierge le nom de JVumen ; et
n'est-ce pas le style d'une infinité de
dévots, comme M. Drelincourt l'a
prouve de'monstrativement (12) ?
(F; Les fautes de M. Moréri sont
ici plus nombreuses que considérables.]
Il dit que Sambuc ajouta V livres qui
n'e'faient point dans la première édi-
tion : il fallait dire XV. J| dit que
Bonfinius traduisit URhétoiïqued'Her-
magène : il fallait dire d'Hermogène.
11 cite Vossius lib. /, de Uistor lai. :
il fallait citer lib. II/. ]] cite le Mire,
in Aust. : il fallait citer in Auctario.
Jl cite Raderus tom. Ill Havar Sanc-
tœ,pug. 191, et tout aussitôt Zeiller:
ou peut assurer qu'il ne cite que sur
la bonne foi de Zeiller. Or, celui-ci
marque le 2e. volume de Raderus,
pag. 191 , et ne dit point que Raderus
blAme autre chose que le paganisme
du style de Bonfinius. Cependant , si
Ion en croit M. Moréri, ce jésuite
trouve bien des choses à reprendre dans
son Histoire de Hongrie. La faute qui
suit est plus mauvaise. M. Moréri
prend Bonfinius pour un bon homme ,
qui disait les choses simplement et
sans dessein. Jamais critique ne fut
plus fausse que celle-là. Bonfinius
n'était pas un niais: il était fin, dé-
lié, et digne de son pays; et quand il
a médit des gens , ou employé cer-
tains termes , ce n'a pas été sans le
vouloir bien. Si je marque des fautes
qui sont visiblement d'impression ,
c est en faveur de tantde gens qui ont
acheté le grand nombre d'éditions
qu'on a du Moréri. Peut-être y a-t-il
cinq cents personnes qui croient fort
bonnement que M. Moréri a cité une
Histoire d'Autriche , d'Aubert le Mire.
BONGARS.
(12) Voyez ses Demandes à M. l'évêque de
tieilai. *
BONGARS (Jacques), en la-
tin Bongarsius , natif d'Orléans,
a été un des savans hommes du
XVIe. siècle. Il suivit le goût
dominant de ces temps-là , je
veux dire qu'il s'attacha à l'é-
tude de la critique , et s'il n'alla
pas aussi loin que les Lipse et
les Casaubon, il ne laissa pas
d'y acquérir beaucoup de gloire,
et peut-être qu'il les eût atteints
dans ce genre d'érudition, s'il
avait pu y appliquer tout son
temps comme eux ; mais les affai-
res d'état ne le lui permirent
point. II fut employé près de
trente années dans les plus im-
portantes négociations du roi
Henri IV {a) (A) , pour lequel il
lut résident diverses fois vers les
princes d'Allemagne, et ensuite
ambassadeur. Les lettres qu'il
écrivit pendant ses emplois sont
fort estimées (B). Mais pour re-
venir à ses études de critique,
je dois observer qu'il procura
une édition de Juslin , qui est
fort bonne (C) : il rétablit plu-
sieurs passages corrompus, et il
éclaircit par ses notes beaucoup
de difficultés , et en tout cela il
fit paraître sa pénétration , son
érudition , et la peine qu'il avait
prise de consulter les bons ma-
nuscrits. 11 se connaissait mer-
veilleusement en livres , soit ma-
nuscrits, soit imprimés , et il en
ramassa un très-grand nombre.
Il acheta en il5o3 , conjointe-
ment avec Paul Petau , les ma-
nuscrits de Pierre Daniel. La
portion qui lui échut est tombée
enfin dans la bibliothèque du
Vatican (D). La bibliothèque de
Berne profita beaucoup de celle
de Jacques Bongars (b) , qu'il
avait bien augmentée, en 1604 ,
des débris de la bibliothèque de
Cujas (E). Il mourut l'an 1612 ,
âgé de cinquante-huit ans (c).
Ce fut à Paris , et cela donna un
nouveau chagrin à Casaubon (F).
J-ies partisans de l'empereur tâ-
(tf> Voyez la préface de ses lettres au-
devant de la traitai lion française.
(b) Voyez le père Jaeoh, traite' des Bil.î..
^«,^.226.
(c) Wilte , Di;ir. Liograph.
BONfxARS
chèrent de nuire à la France ,
en faisant courir certains bruits
contre cet agent (G). Il était
bien de la religion ; maison trou-
ve dans ses lettres de quoi soup-
çonner qu'il se faisait des scru-
pules par rapport aux guerres ci-
viles des protestans (H). Le pu-
blic lui est redevable de l'édition
de plusieurs auteurs qui ont fait
l'Histoire des Expéditions de la
Palestine (d). Je ne pense pas
qu'il ait jamais été marié : une
demoiselle française, qu'il devait
épouser , mourut le jour même
qu'on avait destiné aux noces ,
l'an 1597 (I).
Il étudiait à Strasbourg l'an
i5^i , et avait pour précepteur
un anabaptiste (e). Il étudiait
sous Cujas en i5y6 {/)• La ré-
ponse qu'il publia en Allemagne
à un écrit, dans lequel on im-
putait aux Français qui accompa-
gnaient les Allemands le mauvais
succès de l'expédition de l'an
1 587 , a été louée par M. de
Thou (K). Mais cette réponse ,
quelque glorieuse qu'elle puisse
être à l'auteur , n'est rien , si on
la compare à celle qu'il avait
faite à une bulle du pape Sixte ,
et qu'il avait eu le courage d'af-
ficher dans Rome. Je n'ai lu ce-
la que dans M. Varillas dont je
rapporterai les paroles (L) , non
sans les accompagner de quelques
notes critiques (M). Au reste, ce
fut Bongars qui fit imprimer
les questions que le jésuite Coton
avait dressées pour être faites au
diable (N).
(d) Cet ouvrage est intitule Gesta Dei per
Fr.incos. Il fut imprimé à Hanaw, l'an 1O1 .,
en 2 volumes in-folio
(e) Colonnes, Biblioth. choisie, pag. 189.
if) fojres ci-dessus la citation (52 de
l'article Boni*.
(A) // fut employé' pendant trente
ans dans les plus importantes négocia
lions du roi Henri lf-~\ 11 est bien
vrai que Bongars négocia en Alle-
magne , sous le règne de Henri III ;
mais c'était pour le roi de Navarre,
et non pas pour Henri III. M. More'ri
n a point distingué cela.
(B) Les lettres qu'il écrivit pendant
ses emplois sont fort estimées 1 II ne
s'amusa point, comme les Bembes et
les Manuces , à rejeter tous les termes
qui ne sont point de la belle latinité;
mais son style ne laisse pas d'être
beau, pur, clair, poli, et plein
d'agrémens naturels. On fit une tra-
duction de ses lettres, lorsque Mon-
sieur le dauphin commença d'appren-
dre la langue latine , et il paraît par
l'épître dédicatoire à ce jeune prince,
et par la préface du traducteur, qu'on
jugea que rien ne serait plus propre
pour un écolier de qualité, que la lec-
ture de cet ouvrage de Bongars. C'est
parce qu'en le lisant on peut appren
dre tout à la fois, et à s'exprimer en
beaux termes sur les affaires d'état,
et à bien juger de la conduite d'un
ambassadeur. On peut apprendre ,
non -seulement des mots et des phra-
ses , mais aussi le cours des affaires
de ce temps-là , et plusieurs faits par-
ticuliers qui ont encore quelque rela-
tion au temps présent , et qui peu-
vent être d'un plus grand usage que
ce qu'on trouve dans les lettres île Ci-
céron. On s'intéresse plus aux affaires
limitrophes de notre pays et de notre
siècle , qu'à celles des anciens Ro-
main-. : celles-ci d'ailleurs se maniaient
d'une raanièrequiesl infiniment moins
conforme au temps présent que la
manière dont on négociait au siècle
passé , et au commencement de ce-
lui-ci. Toutes ces pensées , et plu-
sieurs autres à la louange des lettrée
de Jacques Bongars , .sont toiit-à-fait
bien expliquées dans la préface du
traducteur. M. Morhouus observe
qu'on avait publie depuis peu à Paris
les lettres françaises de Bongars. Post
mortern ejus editœ fuerunl turn lue la
tinœ epistolœ , tum aliœ gal'ied Itn-
çuii , quœ nuper admndum Ptinsiis
lucem viderunt (1). 11 a raison , s'il ne
veut parier d'autre chose que d un
petit livre intitulé : le Secrétaire sans
(0 Morhof. , in Polylv
ouvrage du Morhotîu. fui é
st., pni. 3o6. Cet
■nprimé Pan i«33S.
556 BON G
Jard , ou Recueil de diverses lettres
du sieur Jacques Bongars , etc. , avec
une instruction à lui donnée par Jeu
M. le maréchal de Bouillon. Ce Re-
cueil comprend XXXJV lettres , qui
ont élé insére'es dans l'édition de la
Haye , en 1695. Je ne dois pas oublier
qu'il règne dans les lettres de Bongars
un certain caractère d honnête homme
qui prévient beaucoup les lecteurs.
Notez que la traduction française
dont j'ai parle fut imprimée à Paris
l'an 1G68, et réimprimée en Hollande
bientôt après. On en îit une nouvelle
édition Pan «694 , et l'on marqua au
titre qu'elle était corrigée et augmen-
tée. C'était tromper les lecteurs : il
n'y a que l'édition de la Haye en
1690 , qui mérite que l'on y marque
cela. On y a corrigé plusieurs bévues
du traducteur , et rétabli plusieurs
choses qu'il avait osé retrancher par
un esprit de bigoterie (2). Notez aussi
que M. Spanheim , professeur en théo-
logie à Leyde, y fit imprimer en 1647
un Recueil des lettres latines de noire
Bongars : il y joignit une lettre qui
sert de préface , et qui a été insérée
dans l'édition de la Haye en 1695.
(C) // procura une édition de Justin
qui est fort bonne. 1 Je ne m'arrête
point au Scaligérana , où l'on trouve
qu'il disait qu'un autre Jacques Bon-
gars , et non pas lui , avait publié cet
auteur. Je ne vois personne qui n'at-
tribue cet ouvrage au même Bongars
qui négocia en Allemagne pour Henri
IV (3) , et de plus , Scaliger en cet en-
droit parle si peu exactement , qu'on
doit croire qu'il n'avait que des idées
confuses de ce qu'il disait. « Il y a
» vingt ans , dit-il , que cet autre Ja-
» cobus Bongarsius donna son Justin
■» à 31. de l'Escale a Bordeaux. »
11 aurait donc fallu qu'il l'eût donné
pour le plus tard en l'année i558 (4),
et que les frères Vassan eussent ouï
dire ceci à Scaliger l'an 1 5^8. Ces deux
faits sont impossibles : la première
édition du Justin de Jacques Bongars
est de Paris , en i58i , i7i-8°. Les frè-
res Vassan ne furent auprès de Scali-
(2) Voyez l'avertissement au lecteur , à Ve'di-
tion de la Haye en i6g5.
(3) Voyez f'épître dédiealoire du Justin de
M. Gitevius, et une lettre de Fridéric Span-
heim au-devant de celles de Bongars.
(i)) C'est celle de la mort de Jules-César Sca-
AUS.
ger que depuis qu'il se fut établi à
Leyde, l'an i593.
(D) Ses manuscrits sont tombé.*
dans la bibliothèque du V atican.~\ Les
curieux seront bien aises de trouver
ici un morceau de l'Histoire des Bi-
bliothèques , tiré d'un ouvrage du sa-
vant père Mabillon. Lorsqu'en i56a
les protestans saccagèrent l'abbaye de
Fleuri , ils y trouvèrent quantité de
bons manuscrits. Pierre Daniel (5), se
servant adroitement de la faveur où
il était auprès du cardinal de Châtil-
lon , abbé comraendataire de cette
abbaye , retira d'entre les mains des
soldats plusieurs de ces manuscrits ,
et entre autres un Servius sur Vir-
gile qu'il publia l'an 1600. Après sa
mort (6) , ses héritiers vendirent les
manuscrits , pour la somme de i5oo
livres , à Paul Petau et à Bongars. La
portion de Paul Petau fut laissée à
Alexandre Petau son fils, qui la ven-
dit à la reine de Suède. Celle de Bon-
gars fut portée à Strasbourg , où il
faisait sa résidence : il la laissa pat-
son testament à un nommé Granicet
(7) , qui était fils de son hôtesse (8).
Gruterus , bibliothécaire de l'électeur
palatin , persuada à ce prince d'ache-
ter les manuscrits que Bongars avait
laissés à Granicet : et ainsi ils furent
transportés à Heidelberg , et de là à
Rome (9).
(E) // avait bien augmenté sa bi-
bliothèque des débris de celle de Cu-
jas.~] Ce qu'il raconte là-dessus , dans
une lettre du 19 de janvier 1604 > *e~
moigne si clairement la passion extrême
qu'il avait pour les études et pour les
livres , que je ne saurais m'empêcher
de le mettre ici selon la version fran-
çaise. <c Tant que j'ai été dans ce voya-
» ge , je n'ai pas pu vous écrire , par-
3) ce que j'étais tout appliqué à mes
» affaires domestiques , auxquelles je
» devais tâcher de mettre quelque
» ordre avant mon départ. Dans celte
» occupation même, le plus grand de
» mes soins a été de chercher quel-
(5) Avocat a Orléans , et badli de Vabbaje de
Fleuri.
(6) Il mourut l'an i6o3.
' (•;) Je crois qu'il eût fallu dire Gravicet , ou
plutôt Gravisset.
(8) Elle e'iait de Lyon et femme d'un joail-
lier. Mabillon : voyez la citation suivante.
(9) Mabillon , prœfat. Ubri de Liturgiâ Galli-
cans , publie' h Paris l'an i685.
LONGARS.
5:~7
» ques restes tle la bibliothèque de gé d'opinion en son cceur , mais que
» M. Cujas. Vous niez sans doute de pour jouir paisiblement de son royau-
» bon coeur , lorsque vous vous repré- me il a façonne son extérieur, s'ac-
u senterez cette foule de monde qui commodant au temps et a ce que son
va à la cour comme à une foire , profit réouvrait. Je ne peux croire que
v pour y faire ses affaires , et pour tâ-
» cher de tirer du roi quelque ar-
» gent ; et qu'en même temps , un
» homme de cour comme moi , et qui
» n'est pas extrêmement accommode
ledit Bongars tienne ce langage si
contraire h la vérité et a la bonne foi
dont le roi doit être recommandé, non-
seulement envers les catholiques, mais
aussi envers les protestons mêmes ,
s'enfuie en des lieux écartés , pour qui autrement ne s'y pourraient fier ,
employer une partie de son bien à et ne voudraient s'employer pour lui :
acheter des livres et des papiers en mais je tiens que c'est une invention
savoyarde et espagnole ( i3). Ce, car-
dinal était trop habile pour ne pas
comprendre le toit que cela pouvait
faire au roi à la cour de Rome ■ c'est
pourquoi il prit le parti de nier que
Bongars eût. tenu de tels discours. On
s'offrit à le lui prouver : voyons les
» désordre, et à demi rongés des vers.
» Vous voyez par-là si je suis un hom-
» me fort avare. Lorsqu'il s'agit d'a-
» voir des livres , ni la peine , ni la
» dépense , ne m'est rien, l'iût-à-
» Dieu que je fusse libre et en repos
» pour pouvoir les lire. Je n'envierais
» point alors , ni les richesses de M.
» de Rosny , ni les montagnes d'or
>> des Perses (10).»
(F) Sa mort donna un nouveau cha-
<i>ln a Casaubon. ] Les lettres de ce
suites qu'eurent ces offres. Me furent
mises en main , dit-il, plusieurs let-
tres en latin , écrites h un homme de
lettres allemand , appelé Ga spart
Scboppius quiest ici, les unes par ledit
grand critique témoignent qu'il a\ ait Bongars , et d'autres par un appelé
mille obligations à Jacques Bongars ,
et qu'il l'estimait beaucoup. Voyez en
particulier la DCXCVIII et laDCXCIX
où il parle de sa mort. C'estlà qu'il re-
grette que cet honnête homme n'eût
point reçu à Paris les honneur-* funè-
bre» qui lui étaient dus, et qu'infail-
liblement on lui aurait faits en Alle-
magne. Qui si in Germanid dtemutti-
mum obiisset , habuissent docti viri
rationem funeris ejus , et ornandœ il-
felser , qui demeure à Âusbourg. Par
toutes ces lettres j'appris que ce Schop-
pius avait été huguenot , et qu'après
s'être converti en celle ville , U écri-
vit a de ses amis huguenots , et en-
tre autres audit Bongars, des lettres
âpres et injurieuses , et plus propres a
les irriter et endurcir en leur opinion ,
qu'à 1rs gagner et convertir , dont le-
dit bongars se piqua aucunement , et
lui répondit brusquement , mais non
lias memoriœ pro meritis ingentibus sans beaucoup de respect et de modes
tou /uxKxpnou (11). M. Coloraiés se
trompe , quand il dit que Bongars
mourut à Berne (12).
(G) On fit courir certains bruits con-
tre cet agent.] Les lettres du cardinal
d'Ossat nous apprennent ce que c é-
tait. On fait dire ici ( voilà ce qu'il
écrivait de Rome à M. de Villeroi le 2
de décembre 1600, ) que le roi tient
un gentilhomme en Allemagne près
les princes proteslans, appelé Bongars ,
lequel dit auxdits princes protes-
tie : et entre toutes ces lettres il ne se
trouve un seul mot tout haut le susdit
langage , ni qui en approche : de façon
que la production de ces lettres a été
sa justification envers moi pour ce re-
gard. Mais parmi les lettres dudil Inci-
ser , je trouve que celles que ledit Bon-
gars écrivait auht Schoppius , pas-
saient par les mains dudit f^efser qui
les ouvrait et lisait , et puis les en-
voyait audit Schoppius ; et y en a une
dudit fclser autlit Schoppius . p<ir la-
tans , et h ceux de leur secte , que le quelle il suggère audit Schoppius que ,
en répliquant audit Bongars . il lui
reproche la conversion de sr>n roi , et
que sur ice.lle il a tenu tel et tel 1,/a-
gnçe aux princes protestons d'Allema-
gne. 3Iais il se voit que ce / elser e*t
ennemi dudit Bongars , et partial de
(i'S) D'Ossat, lettre CCXL! , &V. ''/
5ij".
roi pour sa conversion n'a point chan-
(10) Bongars , lettre XXXV , pag. QÇ) , e',li-
lionde la Haye en i6g5. forez aussi lu \ i . \ II".
lettre de Lingelslieim.
(11) Casaiibou. , epist. DCXCVIII, pag. 882,
cdtl. ann. i656.
(13) Coloiuié.-, Bibliothèque choisie , pas;.
189.
558
BONGARS.
la maison d'Autriche , comme ledit
Schoppius éloit entretenu par feu M.
le cardinal Madruccio , qui était si
fort de ladite maison , que le roi d'Es-
pagne lui au ait fié le secret du con-
clave plutôt qu'à ses ambassadeurs
propres , ni aux cardinaux espagnols
contre les devoirs d'un homme d'hon-
neur , en rendant de bons services à
son maître par les insinuations dont
il s'agit. L'importance était de pren-
dre bien garde que les Espagnols n'en
sussent rien.
(H) Il se faisait quelques scrupules
naturels. De façon que je tiens que par rapport aux guerres civiles des pro-
celle imputation et charge mise sur le- testons ] C'est M. Colomiës qui a fait
dit Bongars est une pure calomnie , cette remarque , et qui l'a insérée à la
conlrouvée pour nuire au roi principa- page 1 15 de ses Observaliones sacrœ ,
lement (i4)- Pour moi , je trouve as- imprimées à la Rochelle l'an 1679 , et
iez vraisemblable ce que Velser vou- à la page 226 d'un Recueil qu'il pu-
lait que Ton reprochât à Jacques Bon- blia en Angleterre l'an 1687. Chris-
"ars. 11 n'y avait presque personne tianissimè in hanc rem Jacobus Bon-
parmi ceux de la religion , qui , pen
dant les premières années du catholi
cisme de Henri IV , fût persuadé que
ce prince eût changé de sentiment.
Son envoyé en Allemagne n'était pas
hop homme à s'imaginer qu'à l'Age
qu'avait Henri IV , on puisse commen-
cer à croire la transsubstantiation , et
ce qui s'ensuit. Il est donc probable
qu'il n'aurait pas cru mentir, en di-
sant que la conversion de son maître
avait été un ouvrage de pure néces-
sité , et semblable au risus sardonius
garsius , Aurelianensis , Henrici IV
ad Germaniœ principes olim legatus ,
vir pietale ac erudilione illustris , in
quddam ad Joachimum Camerarium
Joachimi F. epistold : Hic , clarissime
et prudentissime Domine , eflundam
in sinum tuum amicum et candidum
quœ me sœpè agitant , nec turbant
tamen. Répète et nostros duces qui
armis suis religionem prœtulerunt.
Videbis victos vestros à Carolo V ,
captosqueet affectoscontumeliis, pri-
vatos etiam bonis. In Galliâ capturn
qui ne passe pas les lèvres. Mais sup- primo bello Condœum , tertio occi-
posons qu'il en jugeât autrement , sum : amiralium semper victum , tan-
doit-on croire qu'il eût fait difficulté dem trucidatumeum magnâ procerum
de recourir à un mensonge officieux , turbâ. In Belgio, Aurangium itidem
pour empêcher que les protestans globo prostratum.Certèjudicare aliud
d'Allemagne ne se refroidissent, entiè- non possum , quàm ingrata illorum
rement envers Henri IV? Doit - on arma Deo fuisse (16) Ce passage de
croire que pour les tenir attachés aux Bongars se trouve dans sa XIXe. lettre
intérêts de la France , il eût fait diffi- à Joachim Camerarius. On l'a un peu
mutilé dans l'édition de Paris. Voyez
l'avertissement de l'édition de la Haye
en 160,5.
(I) Une demoiselle française qu'il
devait épouser mourut le jour même
quon avait destiné aux noces , l'an
1597 ] Elle s'appelait Odette Spifame
de Chalonge. Ils s'étaient aimés près
de six ans , et avaient souhaité de se
marier ensemble ; mais les voyages
qu'il fut obligé de faire pour le ser-
vice du roi s'opposèrent pendant ce
cultédeleur dire confidemment, quoi
qu'il n'en crût rien , que le roi était
toujours dans le fond de l'âme bon
huguenot ? C'est comme quand du
Bellai faisait accroire aux mêmes prin-
ces que François Ie'. ne s'éloignait pas
de la réforme (i5). Fort bien, me di-
ra-t-on ; mais du Bellai était papiste,
et Bongars était de la religion. Tant
qu'il vous plaira, répoadvni-je;mais un
ambassadeur protestant est fuit comme
an autre ■' il se sert comme les autres
des adresses de la politique ; et s'il se temps-là à leurs désirs mutuels. Nup-
laisse duper , ce n'est pas par zèle ou
par scrupule de conscience. Prenez bien
garde , que de la manière qu'on juge
des choses , Bongars n'eût rien fait
(i4) L'a même, lettre CCXLIV , liv. VII ,
pag. G02 , dale'e de Rome, te 2 de janvier
i6oi.
(i!>) Voyez ci-dessus la remarque (B) de l'ar-
ticle .te f Ciiillaume du) Bfllai.
tias ulrinque optatas peregrmationes
meœ et regia negotia hactenùs impedi-
verunt (17). Le roi ne permettant pas>
à Bongars de la venir épouser , elle
eut la complaisance d'aller trouver son
( 16) Colonies. , Observât, sacra:, ]>ag. u5,
116.
(17) Bongarsins, Epistol., f">i'« 7, 'dit. Ar-
gentin. , an, îfi'io.
EONGARS. 559
menant, accompagnée de son père. On sciïpti cxemplo ab amicis accepta 7ex-
était convenu de se marier à Bàle. Elle lemporaneo , sed aculeato sciiptn coti-
se rendit à Momlséliard au cœur de tr/irio , quoi! et eâdem festinatione ty-
l'hiver , et à travers mille périls, et pis piandari curavit r antequàm nundi-
avanl su que Bongars ne pourrait lui nœ exirent , respondit , et omnem rei
venir au-devant qu'au bout de huit malègestœ culpamprimiim...rejicit...
jours, elle l'alla trouver jusqu'à Stras- deindè in, etc. (19). Notez (pie es pa-
hourg. Ce fut là qu'on résolut de faire rôles ne se trouvent point dans It s édi-
les noces : mais la pauvre demoiselle tions de M. de Thou 5 mais elles étaient
tomba malade au bout de huit jours , dans son manuscrit. Voyez le 1 hua
et mourut, le quatrième jour de sa nus restitulus.
maladie. Bongars en fut extrêmement (L) // eut le courage d'afficher dans
allligé , comme il paraît par ses let- Rome une réponse qu'il. Jit il une. huile
très. J'ai tiré ces particularités de la de Sixte y. Je n'ai lu cela que dans
lettre qu'il écrivit à Jean -Guillaume M. Parillas, dont je rapporterai les
Stuckius , le 8 de février i5y7 : elle paroles.'] Ayant raconté la procédure
est à la page 7 de l'édition de Stras- violente de Sixte V contre le roi de
bourg en 1660 , et à la page 66 de Té- Navarre , et contre le prince de Con-
dition de la Haye en 1695. Cette édi- dé , il ajoute que la bulle de ce pape
tion de Strasbourg ne contient qu'une demeura long-temps affichée au Champ
petite partie des lettres «le Jacques de Flore , et jusqu'à ce que Jacques
Bongars : mais on y a joint celles que Bongars , calviniste . bourgeois d'Or-
Lingelsheim lui avait écrites , que j'au- léans , qui se trouvait alors à Home ,
rais trouvées meilleures que je n ai fait, quoiqu'il n'eût que dix-sept ans , se
si elles n'avaient pas été tronquées proposa de venger l'honneur de la
d'un grand nombre de noms propres. Fiance, noirci dans les deux premiers
Ces mutilations empêchent qu'on ne princes du sang , et s'en acquitta d'une
connaisse de quelles sortes d'affaires manière si intrépide , qu'elle mérite
Lingelsheim entretenait son ami en d'avoir place dans l'histoire (ao
ces endroits-là , et font croire (pie ces Comme il était déjà fort savant; il corn-
endroits étaient curieux. Je ne crois posa une réponse tout-à-fait forte et
point que M. Morhof ait rien compris satirique à la balle du pape II la
dans l'avertissement au lecteur, qui transcrivit lui-même en forme de pla-
est à la tête des Lettres de Bongars et card ; il choisit une nuit tout-afait
de Lingelsheim (18). obscure, et il afficha ce placard au-
(K) Sa réponse... touchant l'expédi- près de la balle dans le Champ de
tion de 1687 , a cté louée par M. de Flore. Il fut si heureux , que non-seu-
Thou.~] Voici les paroles de ce grand lement on ne l'aperçut point, mais en-
historien •• Donavius anno insequenti... core on ne se douta point que c'eut été
librum germanicà linguâ edit , <7(jo lui ; et on l'ignorerait encore , s'il ne
facti invidiam omnemà se amolieba- s'en était depuis expliqué , et s'il n'en
tur . eam \ue in Navarri tardilatem , eutdonnedespreuuesconvaincantes.il
Rullionii imperiliam , et Gaf/orum du- appelait au nom des tleiu princes de
cum imprudenliam , sive in distribuen- la bulle de Sixte-Quint , quise disait
dis mansionibus malignitatem , quœ pape de Rome, à la cour des pairs de
Germanis tumultuandi occasionem île- France : il donnait un démenti a sa
disset , relorquebal ; idque caplato sainteté , sur le crime d'hérésie dont
tempore fecerat Donavius , cùmJrran- elle les accusait , et il offrait île leur
cofurtensis propediem nundinœ exilu- part de prouver dans un concile
rœ essent, ne ad scriptum respondi eri tintement assemblé, que le pape était
posset , intereà volitare illud per ma- lui-même hérétique. Il le traitait
nus Gcrmanarum , et mmme contra- d Antéchrist , s'il ne s'y soumettait ,
dicente impom ret ca menti bus , quœ et H lui déclarait en leur nom une
haud facile posteà eximi possent. re- guerre perpétuelle et irréconciliable.
rkm aslu cognito Jacob. Bongarsius // protestait que l'on vengerait sur la
juvems ingénia et eruditione pru'itans, cour de Rome le tort qu'on venait de
et eallici decotis perauam studiosus , . .
*? nr . " " . , (10) Tlm.ioin restl lotus , paç. -o, -i.
qui l\avam res istic pracurabal, j ■/„ \ ;lrii|.,<. Histoire de Henri III. /,►.
(i3) VoyaVarl. Lincllsoeim, remarque^). IX , u l'an i58."., fJah-. 10 , édiL dé "
56o BONGARS.
faire au roi très-chrétien , a la maison cette action. Il ne pouvait pas ignorer
royale, et aux trois étals du royaume : que nos plus célèbres historiens (24)
il implorait dans celte vue l'assistance ne marquent pas cette circonstance :
de tous les princes véritablement chré- il fallait donc qu'elle fût des plus ca-
tiens , et il conjurait tous les alliés de che'es ; il était donc à propos de dé-
la monarchie française de s'opposer a couvrir comment on avait été plus
la tyrannie du pipe et aux Junestes heureux que tant d'autres écrivains.
desseins de la ligue (21). M. Vaiillas 20. J'ose bien défier toute la terre , de
affirme , qu'encore que toutes les re- nommer aucun bon auteur qui ait dit
lations qu'il a vues de cette action que Bongars n'avait que dix-sept ans ,
supposent que Bongars n'avait alors lorsque Sixte-Quint fulmina sa bulle
que dix-sept ans , il ne peut se per- contre le roi de Navarre en 1 585. Je
suader qu'un écrit de cette force ait doute même qu'il y ait de mauvais au-
été le cou|> d'essai d'un si jeune hom- leurs qui l'aient dit avant M. Va-
me (22). J'ai longtemps cherché la rillas. Il est certain que Bongars cou-
cause de cette erreur , ajoute-t-il (23), rait alors sa'trente-unième année. 3°.
« et ce que j'ai trouvé de plus vrai- Il fallait dire Etienne de laBoêtie, et
j» semblable est qu'Etienne de la Bois- non pas Etienne de la Boissie. \°. Le
» sie avait écrit, au même âge de dix- Contre-un est mal défini une fameuse
„ sept ans , la fameuse satire contre satire contre tous les monarques du
» tous les monarques du monde, qu'il monde. 5°. La Boè'tie avait plus de dix-
j, avait nommée le Contre-un , et que sept ans , lorsqu'il fit cet écrit-là M.
» cet-e satire avait été pour le moins de Thou observe qu'il le fit l'an 1 548 ,
)> autant admirée pour la force , que ayant à peine dix-neuf ans (25) , et
)> blâmée pour la témérité; que la qu'il mourut l'an 1 563 , n'ayant guère
« Boissie était catholique , et que les plus de trente-trois ans (26). 6°. Il
» calvinistes , pour lui opposer un n'y eut jamais de vision plus creu-
» homme qui approchât de son style , se , que de s'imaginer que ceux de
» avaient feint que Bongars , qui était la religion diminuèrent l'âge de Bon-
.> de leur communion , n'avait pas gars , afin d'avoir lieu de se vanter
» plus d'âge que lui, lorsqu'il avait dé- qu'ils avaient produit un homme
» fendu dans Rome, avec un extrême aussi admirable que celui que les ca-
)> danger de sa vie , la dignité des tholiques avaient eu en la personne
» deux premiers princes du sang de de la Boè'tie. 70. Il y a beaucoup d'hy-
» France. Quoi qu'il en soit, Bongars perbole dans les onze solennelles am-
» n'en demeura pas là , et après qu'il bassades que M. Varilias assure que la
» eut repassé les Alpes , sans que le cour de France donna à Bongars. Ce
» pape Sixte-Quint eût pu découvrir ne furent presque toujours que de
» que c'était lui qui l'avait si mal- simples députations , sous le caractère
» traité , la cour de France lui donna d'envoyé ou de résident ; et il faut
» successivement onze solennelles am- même se souvenir que les premières
» bassades , dont il s'acquitta avec n'émanaient pas de la cour de France ,
3) beaucoup d'honneur. Je n'ai vu que mais du seul roi de Navarre. Ab eo
» la dernière , qui se trouve dans la ( Henrico IV , ) etiam ad Germaniœ
» Bibliothèque du roi , entre les ma- principes creperis rébus sœpiiismissus ,
» nuscrits de Lomenie , et qui regarde suamregifidem, candoremet integrita-
» les traites de Henri -le-Grand pour temomnibusprobavit,prolegatimunere
» la succession de Clèves et de Ju- aliquoties , legali sernel et quidem pro
» liers , et j'estime qu'elle suffit en dignitate functus (27).
» quelque manière pour consoler le (N) Ce fut lui qui fit imprimer les
» public de la perte des autres.» questions que le jésuite Coton avait
(M) non sans les accompagner dressées pour être faites au diable.]
de quelques notes critiques. ] i°. Il est Bénédict Turretin , pasteur et profes-
blâmable de n'avoir pas indiqué la seur en théologie à Genève, exami-
source d'où il a pris que Bongars fit {a4) De Tbo- , Mé«rai , Pfaéfa», «le.
(21) Varilias Histoire Je Henri III, liv. IX, (î5 TbuaQ-> Histor. , lib. V, pag. io5.
à Van i585 , prt« 3o, édit. rie Hollande. (2°) Idem, lib. XXXF , cucajin.
(22 La même , àniu la préface. (271 Frid. Spanhem. epiist. Litteris Cougaisi
(23) La même, foho **•) verso. prtujixa.
BONONIA. 5bi
nant les raisons que ce jésuite em- mission *. Bononia était des p'us
ployait pom- justifie? sa conduite à échauffés contre les versions de
I égard île ces interrogations , eut a »■* -, , , .
répondre* ceci. Quelques-uns 1rs lai- l*«nture en langue vulgaire,
saient monter jusqu'à trente, d'autres et il soupçonnait d'hérésie ceux.
jusqu'à quarante, cinquante, soixante, qui les autorisaient (c. llhtim-
etc. On y procédait donc de mauvaise prjIH(.,. lul |ivre à Louvain , l'an
foi ; etcetaitïow rage de laoalomnie,
concluait le père Coton. Jl se peut
faire , répondit M. Turretin (18) ,
que tous ne décrivaient pas toutes les
questions ; car tous ne sont pas si cu-
rieux ; mais le papier original,
dont est pro\>enue cette troupe et ctt
1 555 , sur les matières de la
prédestination. .1»- rapporterai ci-
dessous le jugement qu'en a fait
un janséniste (A).
* Ge'ry (qui n'est autre que le père Ques-
essaim d'interrogations, a bien le nom- "''' i n'avait pas, dit Leclerc , assez de sin-
bre qui est imprimé en latin cl en ce'"é l,our,doun" une idée exacte d'un où-
j:..„' , i . ti- i- vrage qui n elail pas de suu iioùt.
fiançais , et n est pas oublie au livre , / ,• v , - 3
j m' ■ at • • > ^> . \C; Lu merne, lias?, liai.
de Physiognomomâ Jesutticâ. Or le iy
susdit original a été vu par un grand (-'^) H flL an livre Voici le ju-
nombre de personnes illustres , qui gement qu'en a fait un ju/iseniste.]
vivent, et en peuvent témoigner; et, Cet ouvrage , dédie' à Charles V, a
qui plus est , celui qui le fit imprimer pour titre , De eeternâ Dei Prœdesti-
avec la préface, était officier du roi nalione et Heprobalione , etc. «. L'au-
en charge fort honorable , à savoir feu " leur y fait voir quelque subtilité
M. Bongars, auquel père Colon s'é- " d'esprit, mais une solidité médio-
tant plaint de l'édition de l Anti Co- " cr,'> et il se forme sur la grâce et sur
ton , il lui répondit qu'il n'eu était " 'a prédestination un système tout
point l'auteur , mais qu'il avait bien
fait imprimer ses questions au dia-
ble.
(18) Bénédict Turrelin, Hcchute du Jé-uite
Plagiaire, p"g. 61.
BONONIA (Jean de ) , Sicilien
de nation , archidiacre de Paler-
particulier , dont il se vante d'a-
» voirpour garant saint Chrysostome,
» sans paraître faire grand fond sur
» la doctrine île saint Augustin , ni
» comprendre les sentimens de ces
» deui saints. Je ne sais même s'il
» entendait bien les su-us propres :
» car on y trouve des contradictions
» assez, grossières. Il a des expressions
me (a), bachelier de la l'acuité " 1ui semblent donner à !.. grâce un
de Paris , et chapelain de l'em-
pereur Charles Y , fut profes-
seur à Louvain, au XVIe. siècle.
Il se trouva l'an i55i à l'assem-
blée des théologiens , qui , à
l'instance de cet empereur , exa-
minèrent si un certain pays qu'il
ne nomme pas , et eu faveur du-
quel on avait fait une version de
l'Ecriture , devait jouir de la
permission de la lire (à). Us dé-
cidèrent unanimement qu'il ne
fallait point continuer cette per-
(a) Voyez le sieur Ge'ry, Apologie des
Cens ure j de Louvain et île Douai , pa^.
5o , 5 1 .
/',! ' oyez M. Simon, Nouvelles Observa-
lous,^flS. ^95,496.
TOME III.
>' pouvoir souverain sur le cœur de
>• l'homme, et lui attribue, une opé-
» ration efficace et déterminante: et
» une page ou deux après, vous trou -
» vez qu il donne tant à la volonté,
» qu il la croit capable de rendre
» inutiles toutes les opérations de la
» grâce sur elle Enfin c'est un homme
» qui brouille toul , qui croit quel-
» quefois combattre le sentiment des
» catholiques , lorsqu il n'attaque que
» celui des hérétiques ( 1 j Il
» a cru que 1 opinion qui tonde la
» prévision <lu bon ou >lu mauvais
v usage du libre arbitre el de la
» grâce ( car il distmgui ces deux
n opinions sont 1 intraires -i I .i| ô
» Ire, a saint Augustin . et à la toi
)> même, n'étant autre chose qu
>> pur pélagianisme ( j .'-Ha ir-
(1) Céry, Apologie de. Censures, tic, p
(i) LU même, i>a$. 02.
36
562 EORE.
connu que les idées, sur quoi il fonde Ce qu'au bout de deux ans Mai-
son système particulier, sont nou- +- \ tl ,, , iuai-
velles, et si éloignées de la doctrine , ljUther ' épousa ; mais les lu-
commune des écoles , qu'il a presque thériens soutiennent qu'elle se
désespéré de pouvoir faire tomber d'à- Comporta honnêtement , et qu'el-
bord un seul théologien dans son sen- le PhitUn f,™<:0n r
liment (3). Je etaît bien lamee (<?)• Ceux qui
disent que Luther , revêtu enco-
(3) Géry , Apologie des Censures , Pag. 53. re de l'habit de l'ordre, ayant VU
BORE (Catherine de ) , femme les "euf religieusesquiavaient dé-
de Martin Luther , était fille d'un Serle Ie couvent de Nimptschen,
simple gentilhomme (a). Elle trouva celle-ci fort à son gré , à
sortit du monastère de Nirnpt- cause(ïu'el,e était très-belle (A),
schen, où elle était religieuse e' se la destina pour femme,
l'an i523. Ce fut un certain nont Suere consulté ses lettres. .
Léonard Coppe, sénateur de y? 7 eussent vu que la pensée de
Torga,qui l'en fit sortir elle et ,ePouser lui vint tout à coup,
huit autres religieuses. Cette ac- an l5:?'5 (**) ' et «P1'*' l'exécuta
tion , commise pendant la se- avec une extrênie promptitude ,
maine sainte, ayant fait crier, Pour faire Plaisir a son père , et
et causant beaucoup de scan- J.our fermer la bouche à la mé-
dale, l'électeur de Saxe ne jugea disance (C)- H est même vrai
point à propos de l'approuver ^Uli se aata ' Parce que croyant
hautement: il se contenta de mounr bientôt , et ne voulant
pourvoir par des gratifications Pas mourir garçon , de peur de
secrètes à la subsistance de ces vloler un précepte , et de rete-
religieuses dévoilées ; mais Lu- mr queï<lue chose du papisme ,
ther publia une apologie pour et de flustrer les désirs de son
ces nonnes , et pour Léonard j°.n nomme de père , qui aurait
Coppe , qui les avait si bien deïa vou,u étre aïeul > il "e
assistées dans le dessein qu'elles Çrovait Pas T*'*! J eût du temps
avaient pris de sortir de leur a Perdre (D)- Qui plus est, il
couvent (b). On a dit que Cathe- eAn,tra un Peu d'envie de faire
rine de Bore , ayant été menée à .P1* aux PaPistes dans le des-
Wittemberg, y vécut avec toute f™ de son mariage (/). Cette
sorte de libertés parmi les jeunes refusa l'homme qu'il lui
étudians de l'académie (c) , et conseillait d'épouser , et alla di-
qu'elle leur accorda des baisers re a Amsdorf , qu'un tel mariage
avec profusion (d) , jusques à ne Iui Plaisait Pas , mais que si
Luther , ou lui Amsdorf , la
paf. ^ÏÎ^ "^ Lu,l'eran- "■ r' voulaient pour femme , elle était
{b) hl. ibid. , pas. 272. prête à accepter l'un ou l'autre
(c) Maimbourg, Hist. du Luthe'r. , fo. //, (E) Le bruit COUrilt rm'pllp fur
paS. 120. Postbienniumin'seculo, vagâin- \.> , COUrUt qu elle tut
ter scholares acaclemicos conversatione Wit- bientôt en COUClie ajîres Ses IIO-
lembergœ exaction fada est Lulhero Ces (F); mais Érasme , qui avait
{si Dus placetMixor. Cochteus , de Act. ' \ ' .. , . 4 , ,
et Script. Latheti,pag. 102. ecrit cette nouvelle a quelqu un
(d. Bellam illam Catharinam jam annos de Ses amis , en reconnut la
aliquot WUiembergœ varia per sLudiosorum
oscula volulatam, sibi Hxorem duxit. Lia- (c) Seckendorf, lib.IT pa« i5
danus , Dubilantii dial. I, pag. 104. (/) Voyez la remarque \e).
BORE. 563
fausseté dans peu de temps. Lu- de Mansfeld. Enfin elle se retira
ther , quelque intrépide qu'il de Wittemberg à Torga, et y
fût, se laissa d'abord déconte- mourut le 20 de décembre i55iî
nancer par les murmures que {l). Si Erasme ne se trompe
son mariage excita au dedans et point, lorsqu'il dit qu'elle se ma-
au dehors (G). Il reprit courage ria à l'âge de vingt-six ans (m),
dans la suite , et même assez elle en devait avoir cinquante-
promptement , et parut fort sa- trois quand elle mourut. M. Va-
tistait de son marché; de sorte rillas a commis un prodigieux
que peu après que sa femme lui nombre de fautes en parlant de
eut donné un fils, il témoigna cette femme (I).
qu'il ne changerait point sa con- M. Mayer (n) , à qui je dois
dition avec celle de Crésus , tant témoigner ici ma reconnaissance
il éprouvait que Dieu lui avait de la faveur qu'il m'a faite de
donné une bonne femme (H), marquer publiquement qu'il
11 pensa mourir d'une rétention m'honore de son amitié , a fait
d'urine l'an 1 53^ ; et en cet état , \w\e dissertation qui me fournira
il se loua beaucoup de son épouse des supplémeus très-curieux (K).
(g). Dans le testament qu'il fit Je ne pense pas que personne
en i54"î, il lui témoigna beau- puisse me blâmer, si je publie
coup d'amitié, et fit des dispo- dans cet endroit de mon Dic-
sitions avantageuses pour elle tionnaire une lettre qui n'a ja-
(h). Il ne prétendait pas qu'elle mais vu le jour, et qui avait été
n'eût point de défauts; mais il écrite par Érasme, avant qu'il
croyait qu'elle en avait moins fût désabusé du faux bruit qui
que les autres (/). On a remarqué avait couru que Catherine de
qu'elle s'en faisait un peu trop Bore était accouchée peu de
accroire, et qu'elle était trop temps après ses noces (L).
impérieuse (k); ruais cela était ,,N _ . . . ... ._ c.
1 il- • (0 Seckeudorf , hb. III , pag. DJI ,
excusable, vu la gloire qui en- m 0.
"vironnait son mari. Elle était »< Voyez la remarque (F), citation 22.
d'un côté trop ménagère , et de M D°"' {'"', Parl.e «'-<'«■«'" ''<"« '" *
., r O » , talion 3j) de l article de Blllak.mi.v
l autre trop prodigue : elle épar-
gnait quant à l'intérieur de son (A) On a dit qu'elle était très-belle.]
domestique , et faisait trop de Écoutons le père Maimbourg. Entre
1 ' l 1 ».- r> t- 1„ ces neuf religieuses libertines et de-
depense en biitimens. Lest le .,, * P .,„,•„, ,„„,„,. /;//„„ j„
1 . voilées, qui étaient toutes plies de
propre d une habile femme qui quaiaè,ilY en avait une nommée Ca-
aime le faste. Après la mort de therinedeBore, que Luther, qui >
Luther, elle s'entretint bonne- encore en habit religieux , trouuamvs
c -n • • „ » belle, et dont ensuite il devint jorl
tement avec sa famille joignant amou].eux , Érasme ,,lU(. ,a beauté
aux biens médiocres du detunt de cette fille. Lulherus , dit- il (a),
les assistances qu'elle recevait de duxituxorcm ,puellamvmi. veotostam,
l'électeur de Saxe , et des comtes ex dura familid Bornœ(3] , sed ut
narrant indolatam , quai unie annos
(s Seckendorf . lib. III, pag. ltij, num. (\.
•h Td. ibid. , pag. 65l. (■) Maimlourg, Hirt. du Lulbérao. , U*. Il,
(0 Voyez la remarque H . P"S- 12°-
[k) Seckendorf, lib. III , pag. 65i , lit. n. (2) Ewm. , epist. XI . lib. \' 111
Voyez la remarque IK) , citation (4g). (3J II fallait dire , ou Bon* eu a Bore
564
BORE.
complûtes (4) vestalis esse desietat.
M. Seckendorf trouve là beaucoup
d'exagération à l'égard de la beauté
(5). Personne n'est plus croyable que
lui la-dessus *. Disons donc que la
femme de Luther n'était pas fort
belle. Mais faisons une réflexion sur
les vues artificieuses et malignes de
ceux qui affectent de représenter cette
religieuse comme une très-belle fille.
Ils ont pour but , la plupart du temps,
de critiquer le choix de Luther , et
d'en conclure qu'il était trop adonné
à ses plaisirs; et qu'il ne s'engagea
point dans le mariage , par le seul
motif de refréner son incontinence ,
mais afin de satisfaire la nature dans
le souverain degré de la convoitise.
Ils empoisonnent une chose qui peut
être fort innocente : il n'est défendu
à personne, en cherchant à se marier,
de choisir plutôt une belle femme
qu'une femme qui n'est pas belle; et
l'on peut même avoir un très-bon
motif dans cette sorte de préférence.
On peut craindre un fâcheux refroi-
dissement de l'amitié conjugale , très-
opposé aux devoirs d'un mari chré-
tien ; on peut , dis-je , craindre cela ,
en ras qu'on choisisse une femme peu
agréable : si donc , afin de se flatter
raisonnablement qu'on sera toujours
un bon et tendre mari, comme la
raison et la religion le veulent , on
choisit une belle femme préférable-
ment à toute autre, n'est-il pas vrai
qu'on se propose une fin honnête ? Et
qui nous a dit, que si Catherine de
Bore eût eu beaucoup de beauté ,
Luther ne l'eut pas choisie entre les
neuf religieuses par ce louable motif?
Je pourrais di re , que plus l'objet e'tait
beau , plus Luther était excusable de
n'avoir pu résister à la tentation ;
et il est fort apparent que , s'il avait
épousé une laide fille , ses ennemis
auraient crié que la corruption de
l'incontinence était en lui si outrée ,
qu'elle n'avait nul besoin d'amorce
pour s'embraser. En un mot , je pour-
rais dire qu'on pardonnerait plutôt à
ceux qui rompraient un jeûne d'obli-
(4) II ny avait que deux ans.
(5) Histor. Lutheran. , ïib. I , pag. 18 , num.
ii.
* Leclerc observe que Sect-endori , né en
1626, c'est-à-dire, soixante-quatorze ans après
L mort Je Catherine de Bore , ne peut pas
être plus croyable. qu'Érasme , contemporain Je
Luther. Cette observation est juste.
gation à la vue d'une perdrix bien
apprêtée , qu'à ceux qui feraient la
même chose à la vue d'un morceau
de lard bien rance. Mais franchement,
ce moyen d'apologie ne me paraît pas
trop sur : il a deux faces ; il vaut
donc mieux le laisser : car on pour-
rait soutenir , toutes choses étant
égales d'ailleurs , que de deux hom-
mes, qui auraient la liberté de choi-
sir ou des ragoûts fort délicats, ou
un simple morceau de bœuf, celui
qui se contenterait du morceau de
bœuf, ferait un acte de sobriété, et
montrerait qu'il ne mange qu'afin de
vivre , et par des raisons de nécessité
naturelle ; au lieu que celui qui choi-
sirait les ragoûts ferait un acte de
gourmandise et de friandise , et mon-
trerait qu'il ne cherche qu'à conten-
ter son appétit voluptueux. L'appli-
cation est aisée : si Luther n'avait
pour but que de trouver simplement
un remède d'incontinence , qui lui
donnât lieu de procurer des enfans à
l'église et à la patrie , il aurait imité
celui qui préfère le morceau de bœuf
aux mets les plus délicats. On ne
gagnerait donc rien à mesurer ces
sortes de choses sur le parallèle du
manger. Mais outre la raison de fait ,
je veux dire outre que Catherine de
Bore n'était point fort belle, on aurait
des raisons de droit à alléguer en fa-
veur de Martin Luther *.
(B) La pensée de l'épouser fini a
Lulher tout a coup l'an i5î5.] Huit
jours avant ses fiançailles (6) , il écri-
vait à Ruhélius , que si son exemple
était nécessaire au cardinal de Bran-
debourg , archevêque de Mayence ,
il se marierait bientôt, quoiqu'il eût
douté jusque-là s'il était propre au
mariage : que d'ailleurs, c'est sa pen-
sée de se marier avant que de quitter
la terre ; ce qui ne serait peut-être
<|ifun engagement semblable à celui
de saint Joseph. Sieleclor Jorlè dtcet,
cuv ego ipse non dncam uxorem , qui
omnes ad nubendum incito , respon-
delns , me setnper adhuc duùitdsse an
idoneus ad id sùn. slttamen , si meo
matrimonio elector conjirrnari posset ,
piopediem pai'atus essein ad exemplum
* Jolv blâme Bavle d'avoir défendu le mariage
de Luther.
(fjj Le i de juin i5a5 : le jour de' fiançailles
futle onzième de juin, yoyet Seckend. , liv. Il,
pag. i(i, num. i.
BORE. 565
ci prœbendum. Nam et alias cogito , il l'exécuta aussitôt qu'il le forma;
antequàm ex hdc uitd discedam , ut tuais nous connaissons par d'autres
matrimonium contraham, quia id a endroits de ses lettres, qu'il y avait
Deo exigi puto , licet forte fut ura une autre sorte de bruits à faire cesser.
essct desponsatio Joseph'ica (7). C'est Os obstruxi , dit-il à son ami Spa-
le langage d'un homme qui regarde latinus , injamantibus me cum Ca-
encore le mariage en éloignement. Il tharinâ Borand (11). Vira est itaque
faut donc que Luther ait changé d'à- fama, dit-il à un autre (12), me esse
■vis à l'improviste. Il crut que son cum Catharind subito copulation ,
changement fut un coup du ciel , et antequàm ora cogérer audire lumul-
il dit que les sages de son parti, qui tuosa in me, sicut sol t jieri. Il y a
blâmaient tant son mariage, étaient toutes les apparence^ du monde que
contraints d'y reconnaître le doigt l'on parlait mal de lui et d'elle, à
deDieu. Fehemenler irrilantursapien- cause sans doute qu'il la voyait fami-
tes inler nostros : rem coguntur Dei lièrement. 11 l'aimait , et il l'appelait
faleri , sed personœ larva tara, meœ sa Catherine. Fortasse etiam rumnri-
qu'am puellœ 'illos demenlat , impia bus mot 1 de quibus Lutherus epistold
cogitare et dicere facit(S). Ailleurs il supra allegatd querilur , quibus ta-
parle de cette manière : Dominus me nien ipse caiquam occasionem dédisse
subito aliaque engitantem conjecit videtur ,optimè enitu cupiibal i-irgun,
miré in conjugium cum Catharind et suam rocare solebat Catharinam
Borcnsi moniali illd(g). Remarquez (i3). M. Seckendorf conjecture que
néanmoins que, dans une lettre du ces causeries furent une des raisons
5 mai de la même année, il témoigne qui la portèrent à déclarer qu'elle ne
avoir dessein d'épouser sa Catherine, voulait pas épouser le docteur Gla-
(C) pour fermer la bouche à la cius , mais que volontiers elle se ma-
mt:iHsance.~\ Voici ce qu'il écrivit à lierait , ou avec Luther, on avec Ams-
Ruhélius, le i5 de juin i5a5. Posta- dort. Joignons à tout cela ce que .M<:
tante pâtre meo , conjugium uni , et ut lanchthon écrivit sur ce mariage : Si
linguas maledicorum et impedimenta quid vulgb fertur aliud indeeentius ,
i'itarem , congressum nuptialem pro- id mendacium et calumniant esse per-
peranter institui (10). Si l'on n'avait spicuumest(i^.).
que ce passage, l'on ne connaîtrait (D) Il se hâta , parce que , croyant
pas bien certainement, la nature des mourir bientôt , il ne croyait pas
médisances qu'il se proposait d'éviter: qu'il y eût du temps h perdre.} La
on pourrait croire qu'il n'avait pour preuve des deux ou trois faits, conte-
but que de couper cours à mille sots nus dans la période qui commence
contes , qui se débitent dans les villes par le texte de celle- remarque \.i
pendant les recherches de mariage, être donnée. Ecce , quia sic huaniunt.
Chacun se mêle alors de dire tout ce c'est Luther qui parle (1 5) , et il a en
qu'il sait, et tout ce qu'il ne sait pas; vue ceux qui niaient contre lui à
et il n'arrive que trop souvent que les cause de la guerre des paysans, ita
brodeurs de nouvelles empêchent la me paravi , ut ante mortem menai . in
conclusion : mais quand l'affaire est statu, quo creatus sum . a Deo ime-
conclue, elle ne sert guère d'entre- niar , et quantum patent, ni/ul ex
tien aux compagnies. On pourrait priori vite meâ paptsded rétine. im.
donc dire que Luther ne voulut pas Furanl itaque tanin aeritu , et hœc
que ces brodeurs eussent le temps de ultima et valedicloria erunt. Mens
faire courir par la ville les nouvelles
de son dessein, et que, pour cet effet ,
(7) Lulherus, Operum loin. III, .folio \^o ,
apud Seclrndorf, /i7>. // , num. 2.
(») Lmlieri Epist ad MicWI. St'uelinm (
pag 2f)4 : datée du in de juin 1Ï25, citée par
Seckendorf, tiv. II, num. 3.
(9) Lutlierus , in Epist. ad Wcncesljum Lin-
e1u.11. datée le 20 juin, citée par Seckendorf,
lin H , num. 6.
(10) Lntherus , lom. III , folio 130, cile'e par
Seckendorf , liv. II , num. 4-
(11) T oiheri Epitt. . Iib. II , pag. :<h, citer
par Seckendorf , til>. II , num. 5.
r 13) Epist. ad Amsitorfium , lib. II, pas-
?OÏ : datée du 22 juin, citée par Seckendorf. liv.
II, num. ~.
(i3) Seckend. , Hist. Lullicr.111. , lib. II.
,-,„,.,„. 8.
(i.'i) Itfrlanrlu. , apud Seckend., Ub. Il,
num. 10.
(l5) Epist. ad Riilielmm, ton. /// , folio
i.lo : datée du i5 juin , citée par Seckendorf, liv.
II . num. 4.
566
BORE.
enïm mihi prœsagil, me h Deo ad
gratiam sucim ev oc aluni iri. Ilaque ,
postulante pâtre meo , conjugium inii.
Il parle ainsi dans une autre lettre :
Spero enim me brève lempus adhuc
inclurum , et hoc novissimum obse-
quium parenli meo postulant i nolui
denegare spe prolis, simul ut confir-
ment facta quœdocui (\6). Et ailleurs,
voici ce qu'il dit, Alias cogito ante-
qu'am ex hdc vitd discedam ut matri-
moniuni conlraham qui id a Deo exigi
puto(i'j).
(Ej Elle refusa d'épouser Gla-
cius ; mais pour Luther, ou /1ms-
dorf, elle était prête a accepter l'un
ou l'autre] Nous pavons cela par un
mémoire manuscrit , qu'Abraham
Scultet a inséré dans ses Annales (18).
L'homme, qu'on voulait marier avec
Catherine, était un ministre d'Orla-
mund, nommé le docteur Glacius. Peut-
être pourrait-on dire en français le
docteur la Glace!*). La fille ne vou-
lut point de ce docteur. f^e'Ut Lu-
therus , uellet Amsdmjffius se paratam
cumalterutro honeslum inire matrimo-
inuni : cumD. Gfacio nullo modo. Lu-
ther, ayant su cela d'un côté, et ayant
ouï dire de Vautre que , s'il s'engageait
au mariage, il ferait rire tout le
monde et le diable même, résolut
d'épouser la religieuse Catherine ,
pour faire dépit au monde et au dia-
ble. Hoc ubi Lulherus intellexil au-
disselque ex D. Hieronymi Schurfii
ore •• Si mnnachus isle uxorem duce-
ret , risuros mundum unwersunt et
dinbolum ipsum , facturumque ipsum
irritas actiones suas uniuersas : ut
œgrè facerct mundo et diabolo , ut
parenli etiam hoc suadenti gralifica-
relur Catharinam sibi uxorem ducen-
dam censuit (19). A cela s'accorde ce
qu'il écrivit le i5 mai i525 à Ruhé-
lius. Si dnmum venero , ad nmrtem
me Deo jurante prœparabo , et novos
istos dominos et latrones expectabo...
(îfi) Lutheri Kpibt. ad Amsdorf, citée par
Seckendorf, li*. II ,num, 7.
(17) Lutheri F.pist. ad Rubeliuru , apud
Seckend., lib. II , num. 2.
(18) Ad ann. i5î5, pag. 2-/j, apud Seckend.,
pag- 17 , num. 8.
(*; Glacius, de l'allemand glats, qui signi-
fie, ou un verre à boire . ousimplementfiu verre,
n'a pas dû être rendu en français par la glace.
Ejrss est le mot allemand qui répond à ce mot
français. Rem. crit.
(19) Ad ann. i5a5 , pag. 274 > apud Sec-
lend. pag. 17, num. 8.
Illis autan ni œgrè faciam , si fîeii
potest , Catharinam meam uxorem
ducam , anlequam moriar, si pergere
eos intellexero : neque enim os mihi
obstruent , nec gaudium adiment (10).
Quand je cherche les raisons qui ont
pu lui persuader qu'il chagrinerait
les papistes en se mariant, je n'en
trouve point de plus vraisemblable ,
que de dire qu'il s'imaginait qu'il
leur restait une espèce de consolation,
dans la pensée qu'il avait encore quel-
ques égards pour le dogme des vœux
monastiques.
(F) Le bruit courut qu'elle fut bien-
tôt en couche après ses noces.} Voici
ce qu'Erasme en écrivit : Lulherus,
quod felix fauslumque sit , deposilo
philosophi pallio duxit uxorem ex
dard f ami lia Borna; (21) , puellam
efeganli forma nalam annos wiginti-
se.x , sed indotatam et quœ pridem de-
sierat esse uestalis. Atque ut scias
auspicatas fuisse nuptias , pauculis
diebus post decantntum Irymenœum
nova nupta peperit(ii). C'était une
insigne fausseté : Érasme le connut
par l'événement , et il avoua que c'a-
vait été un faux bruit. La lettreoù
il fait cette confession , est datée du
i3 de mars 1 526. Il se contente de
dire que la femme de Luther était
grosse , et qu'elle n'avait point dompté
les esprits féroces de son mari, puis-
que le livre , que Luther avait com-
posé contre lui Erasme , depuis ses
noces , était le plus furieux livre qui
fût jamais sorti de sa plume De con-
jugio Lutheri certum est , de partit
maluro sponsœ uanus crat rumor ,
mine tamen gravida esse dieitur. Si
vera est vulgi fabu'a Anlichristum
nasciturum ex monacho et monuchâ ,
quemadmodùm isti jactitant , quot
Antichristorum mil lia jam oltm habet
mundus ? At ego sperabam fore , ut
Lutherum uxor redderet magis cicu-
rem. ferùm il le prœter omnem ex-
pectntionem emisit librum in me sum-
mâ quidem cura elaboratum , sed adeo
firulentuni , ut hactenùs in neminem
scrinseril hostiliùs (23).
(G) Luther fut décontenancé par
(20) Ibid. , num. g.
(21) y<iyei ci-dessus la citation (3).
(22) Erasraus, apud Scnltctum , Annal., ad
ann. i525 , pag. 278 , citalum a SeckendorGo,
pag. 18, num. 11.
(23) Era<m. , Epistolâ XXII , lib. XFIII
les murmures que son mariage excita
au dedans et au dehors.~\ Il avoue
lui-même que son mariage le rendait
si méprisable , qu'il espérait que cette
humiliation donnerait de la joie aux
anges, et du chagrin aux diables. Sic
me vilem et contemptum his nuptiis
feci , ut ange/os ridere et omnes dœ-
mones flere sperem (i\). Me'lanchthon
le trouvait si affligé de ce changement
de vie , qu'il lui écrivait des lettres
de consolation. Quoniam verb ipsum
Lulherum quodammodo tristiorem esse
cerno , et perturlatum ob viiae mula-
lionem, omni studio et benevolenlid
consolarieum conor {■!§). Il ajoute que
le tort que faisait ce mariage à la
grande réputation de Luther produi-
rait apparemment un bon effet: il
voulait dire que cela préviendrait la
vanité dont les têtes les plus sages ne
se remplissent que trop dans l'éclat
d'une grande gloire. Erit etiam, meo
qmdem judicio , nec inulilis quidem
casus iste ad demissionem quandam
pertinens , c'um allé sustolliet ejferri
semper sit periculosum , non solùm
sacerdotio j'ungenlibiis , sed cunctis
mortalibus. IVam aclionum félicitas
occasioncm dat praritatis elati animi,
non modo , quemadmadùm orator in-
quit , demeniibus , sed interditm etiam
sapienlibus. Ce n'était pas tant le
mariage , que les circonstances du
temps, et la précipitation qu'on y
avait apportée, qui faisaient bl;l mer
Luther. 11 se maria tout d'un coup,
et dans le temps que l'Allemagne
était la plus désolée parla guerre des
paysans; guerre que l'on mettait sur
le compte du luthéranisme. On ne
pouvait rien comprendre à cette pré-
cipitation. Luther avait alors qua-
rante-deux ans : il avait gardé jus-
que-là un célibat chaste, pendant
les plus chauds bouillons de la jeunes-
se ; on ne peut donc point dire que
l'incapacité de se contenir l'ait obligé
à conclure du soir au matin son ma-
riage. Je veux , comme l'insinue Me-
lanchthon , que la vie un peu relâchée
que Luther menait , se plaisant trop
aux compagnies , ait réveillé la nature
que la retraite claustrale avait en
(:>4) Louieri F.pist. ad Spalalinuin. apud Sec-
kenlorf. , pag. 18, num. i.
(a5) Extal hœc Fpislol.i fqnte in editione
Londmensi est XXIV, lib. IV,) è Grœco
versa, apud Seckendorf. , pag. 1- , num. 10.
ïiORE. 567
quelque façon fait dormir : en un
mot , je veux qu'il ait été nécessité
au mariage par les brûlures de la
chair; fallait-il pour cela que l'on
passât par-dessus les formes ? N'aurait-
on pas pu différer pendant quelques
mois, afin de communiquer la chose
à ses amis, et de préparer le public
aux nouvelles de l'hymen par cer-
taines recherches préliminaires ? Je
ne m'étonne point (pie , faute de bon-
nes raisons pour expliquer ces difficul-
tés , Luther et d'autres aient reconnu
dans ce mariage quelque chose de
divin , flsîov t), comme dans certaines
maladies (26). Quod autem in re in-
tempestivum et inconsultum inest ,
( in quo maxime delicias oblrectandi
et accusandi studiurn adversariorum
J'aciet) l'idendum , ne nos conturbet.
Isto enim sub negotio forlasse ali-
quid occulli , et quiddam divinius su-
best, de quo nos curiosè quœrere non
decet ne que curare nugas deridenlium,
et concilia Jacicntium quorumdam , à
quibus neque pielas ad Deum , neque
ad homines t'irlus exerceretur{'î'f).
(H) — mais ensuite, il n'aurait
point changé sa condition avec celle
de Crésus , tant il trouva qu'il avait...
une bonne femme . ] Voici un morceau
de la lettre qu'il écrivit l'onzième
d'août i5'26 à Michel Stifelius. Salu-
tat le Kelha costa mea , et gratias agit
quôd eam litleris luis lam suavibus
dignatus es. Ipsa belle habet Dei dono,
mUlique morigera et in omnibus obse-
quens est, et commoda plusquàni ausus
j'uissem sperare ( Deo gralia , ) ita ut
paupertatem menm nouent cum Crcesi
divitiis commutare (28). On lui a ouï
dire qu'il ne troquerait point sa femme
contre le royaume de France , ni con-
tre les richesses des Vénitiens (29) ; et
cela pour trois raisons : i°. parce
qu'elle lui avait été" donnée de Dieu ,
dans le temps qu'il Implorait l'assis-
tance du Saint-Ksprit touchant la ren-
contre d'une bonne femme ; 2°- parce
qu'encore qu'elle ne fut point sans
(36) Ci-dessus dans la remarque (B) , cita-
tion (S).
(57) Melancht. , Epist. ad Camenr. apud
Seckead. , pag. 17, num. 10. Voj*% aus*t lu
remarque (B! , citation (9).
(»8) Lmhcr. Epiai., pag. 3i8, apud Secltaà. ,
pag. 18, num. 10.
(jg) Cela est rapport par P.iv.iruS ,tom. I ,
pag. 239, apud Seckcnd. , '1*. /// , pag. 6.Ï1 ,
lit. 11.
568
BORE.
défauts , elle en avait moins que les
autres femmes ; 3°. parce qu'elle lui
gaulait la fidélité conjugale qu'elle
lui devait. Il lui rendit dans son tes-
tament un bon témoignage de pro-
bité , de fidélité' , d'honnêteté ; il re-
connut qu'elle l'avait constamment
aimé et servi , qu'elle avait été fécon-
de, etc. (3o). Jl n'entend point qu'on
la soupçonne d'avoir fait sa bourse,
et il lui laisse une pleine liberté de
convoler en secondes noces (3i).
(I) M. Fonllas a commis un très-
grand nombre de fautes en parlant de.
cette femme, j 11 dit que Catherine de
Bore, et huit de ses compagnes, furent
tirées d'un monastère qui était dans
une petite ville appelé Vimigue , à
deux lieues deAVittemberg(32). Mais,
i°. Il n'y a jamais eu de monastère
qui ait porté ce nom-là , ni au voi-
sinage deWitlemberg, ni ailleurs. 2°.
Le couvent qui était proche de Wit-
fernberg , et qui se nommait Niémec,
était de chanoines réguliers de saint
Augustin , et ne doit pas être con-
fondu , comme il l'a été par quelques
auteurs, avec le couvent de Nimpt-
schen. 3°. Ce fut de Nimptschen sur la
Mulde, proche de Grimma, à deux
journées de Wit temberg, que les neuf
nonnes furent tirées. 4°- Léonard Cop-
pe, qui les en tira, n'était point,
comme Varillas l'assure, prévôt des
écoliers à Wittemberg : on ne connaît
point dans les universités d'Allemagne
celtesorte de caractère ou de fonction.
Il était conseiller de la ville de Torga,
*a patrie. 5°. Il n'est pas vrai que
Catherine de Bore , la mieux faite de
toutes, ait été dès lors destinée pour
femme du docteur Luther. Il ne son-
geait à rien moins qu'à se marier en
ce temps-là. Une lettre , qu'il écrivit
•ers la tin de l'an i5s4, certifie que
Dieu pouvait le changer ; mais que
pendant qu'il aurait le cœur disposé
comme il l'avait tou jours eu, et comme
il l'avait encore, il ne se marierait
jamais. Ce n'est pas , ajoute-t-il , que
je ne sente ma choir et mon sexe : je
ne suis ni du bois , ni une pierre ;
mais j'ai de l'éloignemcnt du mariage,
(3o) Son trttamenl erl date </u 16 septembre
. i/j-> : il nvail alors cinq enfant divans.
(3i) forez Settcnilorf, lit: III , pag. 65i»
II. H.
Varillas , Histoire de l'Hérésie , Uv. VI ,
pag. 6.
à cause que je me prépare au supplice
dont on punit les hérétiques (33).
Voyez ce qui a été touché ci-dessus
(34) de la précipitation a\ec laquelle
il conclut son mariage avec Catherine
de Bore, au mois de juin i525. 6°. Il
ne fallait point parler du mariage
de Luther sous l'année i5a6, mais
sous l'année précédente. 70. Il n'y a
jamais eu aucune abbesse de Misnie.
8°. Et en tout cas , cette dignité n'a
jamais appartenu à Catherine de Bore.
M. Varillas, qui la lui donne dans la
page 86 , avait dit dans la page 7 t
qu elle était simple religieuse , et
qu'elle se. sauva avec huit autres, le
Vendredi Saint , pendant que les Su-
périeures étaient extrêmement occu-
pées. Ou par Misnie il entend une
ville, ou une province. S'il entend
une province , il tombe dans une
grande absurdité $ il suppose qu'il n'y
avait qu'un monastère dans un pays
où il y en avait jusqu'à trente. S'il
entend une ville, il la nomme mal :
il la devait nommer Misne. 90. Il est
faux que Catherine de Bore fût d'une
illustre maison, et qu'elle eût des
parens qui eussent un grand pouvoir
à la cour de Saxe. Elle avait un frère,
qui eut bon besoin que Luther le
recommanda"! au nouvel électeur de
Saxe, l'an i5$2 (35;. Luther supplia
qu'on lui donnât quelque office à la
place de celui qui lui avait été ôte 5
ainsi les parens de sa femme avaient
plus de besoin de son crédit, que lui
du leur. Quelle protection peut-on
attendre d'une famille qui ne peut
doter une fille ? Voilà le cas où se
trouvait le père de notre religieuse ,
selon le récit de l'auteur que nous
critiquons (36). io°. Les fréquentes
visites que l'on assure que Luther
rendit à Catherine dans le monastère
de Misnie (37) , sont des chimères. Par
Misnie, il entend sans doute la ville
de Misne. Accordons - lui pour un
temps la fausseté qu'il suppose, savoir
que Catherine était abbesse de Misne,
il ne laissera pas d'avoir supposé très-
(33) Lutherns, Epist. , lier. II , pag. 3i4,
nitin. i.
(34) CiMtion (6).
(35) Voyez Seckendoif , liv. III, pag. 38i ,
nttm. 1? ■
(36) Varillas, Histoire <3e l'Hérésie, Uv, VII,
pag. 86.
(37) Là même, pag. 87.
BORE.
56q
faussement que Luther faisait beau-
coup de visites à celte abbessc ; car
comme la ville de Misne appartenait
en partie à l'évêque , et en partie à
George, duc de Saxe, grand ennemi
de la reforme, Luther eût couru de
très-grands périls dans Misne. Ajoutez
que si l'abbesse avait reçu ses visi-
tes si facilement , il n'eût pas été be-
soin d'enlever Catherine de Bore par
adresse , pendant que les supérieures
n'y pouvaient pas prendre garde.
Ainsi l'on trouve quantité de contra-
dictions entre la page 7 et la page 86
deVarillas. Enfin ces visites fréquentes
sont fortement réfutées par les deux
journées de chemin qui se trouvent
entre le couvent de Catherine de Bore,
et la ville de Wittemberg. 11". Il
parait par les premières lettres de
Luther , qui ont été données au pu-
blic . qu'il avait pensé h se marier dès
le temps qu'il s'était si paré de la cnm-
munion de l'Église. C'est M. Varillas
qui l'assure ; mais c'est une marque
qu'il n'a jamais mis le nez dans ces
lettres-là. On y trouve manifestement,
que Luther ne songeait à rien moins
qu'au mariage durant les premières
années de sa réforme , et qu'il s'y
détermina tout d'un coup l'an i5?.5.
N'ai-je pas montré qu'il voulait marier
à un autre sa Catherine? 120. Les pre-
mières mesures qu'il prit avec Jean
Fridrric , frère et successeur de l'élec
teur décédé (38) . furent qu'il lui per-
mettrait d'épouser l'abbesse. Nouvelle
bévue de M. Varillas. Je, m Frédéric
n'était point frère de l'électeur décé-
dé, et ne lui succéda point. Celui qui
lui succéda se nommait Jean, et était
son frère : il fut père de Jean Frédé-
ric, qui ne parvint à l'électoral qu'en
t5j2. Il ne paraît point que Luther
ait communiqué son mariage à l'élec-
teur Jean, occupé à la guerre des
paysans ; qu'il le lui ait, dis-je, com-
muniqué avant que de le conclure.
i3°. Enfin ces noces ne furent point
si magnifiques , qu'elles ne différaient
en rien de celles des personnes les plus
qualifiées de l'empire (3r)). Qui peut
comprendre qu'un historien si célèbre
entasse un si grand nombre de telles
fautes en si peu de mots ? A peine y
(33) II s'appelait Frédéric.
(?g) Presque toute cette critique de M. Varil-
las e<t empruntée de M. de Seckendorf, Hislor-
I.uilicran-, lib. I , pag. 2-3, 2-4.
pourrait-on réussir, si on le faisait
exprès et à gages.
(K Sf. Mayer .. a fait une disser-
tation , qui me fournira des .?»/>/i lé
mens très-curieux. ] (".'est \m écrit de
■•i pages (/j-4° , intitulé De Cathari-
nd, Lutheri conjuge , Dissertatio, et
imprimé à Hambourg . l'an 1698.
L'auteur n'a rien oublié de ce qui
pouvait servir à une pleine instruc-
tion touchant l'histoire de Catherine
de Bore , et il rapporte un détail exact,
et curieux des enfans qu'elle donna à
Luther. 11 marche toujours muni de
très-bonnes preuves , et qui réfutent
solidement les faussetés de Cochions ,
de Maimbonrg , de Varillas, et do
plusieurs autres écrivains. 11 fait voir
que l'exemple des huit religieuses,
qui sortirent avec elle du couvent de
Nimptschrn (4o), fut suivi bientôt
après par seize nonnes du monastère
de Widersteten , dans le comté de
Mansfeld , et que ce fut le fruit de la
bonne et saine doctrine que Luther
avait enseignée sur l'honnêteté du
mariage, et sur l'iniquité des vœux
monastiques (4T) ; qu'il n'y eut dans
tout cela aucune sorte d'enlèvement,
vu que ces filles étaient bien persua-
dé.•> qu'elles pouvaient retourner au
monde, et le voulaient bien (4^) ; que
Maimbourg a tort de prétendre que
Luther n'osa épouser Catherine, pen-
dant que l'électeur Fridéric vécut, rar
pourquoi ce prince eut-il condam-
ne' le mariage de Luther , après avoir
bien permis que Veltkirrhius , Carlo-
Stad, et quelques autres ministres,
se mariassent (4 V ? ''' M'"' ,on a Par-
le avec hyperbole de la beauté de Ca-
therine. Luther était devenu amoureux
d'une religieuse de qualité , et d'une
beauté rare, qu'il avait tirée de son cou-
(/ent. Ce sont des paroles de M -de Meaux,
que M. Mayer rapporte ( j ■ .et, afin d<
faire voir qu'elles s, ml outrées , il pro-
duit la taille-douce de cette femme.
11 l'a fait tirer sur trois portraits com-
parés ensemble , qui furent faits du
vivant de Catherine , par Luc Crana-
(4n) lïimiuchense Cisterciênsium (de l'ordre
je (îiraux) Monaslerium , Mayer, Diss.de Lu-
theri Cnnjuqe. par;, n.
f 'il) Idef. , ibid. , par;. Ij.
(4j) Ibidem . pag. \!\.
(43) Ibidem, pag. 19.
(44 Mayer. Dis*. r)e Lutheri Coojoge , pag.
ai. Il eue PHistoire des Variation», tcm. I,
P"g. 49.
5-jO
BORE.
chius , excellent peintre (45) , et l'un
de ceux qui assistèrent au festin nup-
tial de Martin Luther (46) , c'est-à-
dire au repas qui fut donné à petit
bruit le jour des noces ; car au bout
de quelques semaines, on fit un festin
plus solennel et plus pompeux , aux
frais duquel le sénat de Wittemberg
contribua quelque chose. Senatus
iVitebergensis nonnulla ex publico
œrario suppeditavit , ut uidere est in
consiliis Witebergensibus , parte IV,
VaS- 9- M- Mayer nous renvoie à la
page ii de la IVe. partie du Consilia
Wile'uergensia et au VIe. chapitre du
Defensio Luther i defensi de Jean
Molérus contre Charles de Creusen ,
jésuite de Prusse; il nous y renvoie,
dis-je , pour y voir la réfutation de
la calomnie qui avait couru , et les
excuses de ce que Luther s'était marié
seigneur. M. Mayer avoue qu'il a va
de telles lettres; mais il soutient que
ce n'était qu'un jeu d'esprit (5o) , et
que Luther, qui avait laissé à son
épouse une pleine autorité de con-
duire le ménage , se réserva toujours
les droits de mari. Tu mihi persuades
quief/uid fis, totum habes Dominium,
In œconomid quidem tibi concéda Do-
minium , salvo jure meo. Mulierum
enim Dominium nïhil boni unquam
effecit (5r). Il a l'original d'une lettre
où Luther se déclara fortement contre
l'infirmité de ces maris qui se laissent
maîtriser par leurs épouses , et anima
l'un d'eux à réprimer l'insolence de
sa femme (52). Voici un fait qui té-
moigne l'amitié conjugale de Cathe-
rine de Bore. Luther, voulant faire
l'exposition du psaume XXII , prit du
pain et du sel, et s'enferma dans son
sans avoir fait publier dans une église cabinet, et y demeura pendant trois
les annonces de son mariage. Ses en
nemis divulguèrent qu'il n'avait agi
avec cette précipitation , qu'à cause
que Catherine se trouvait grosse (47)-
Cela était faux (48). On voit ensuite
dans la Dissertation de M. Mayer plu-
sieurs preuves de l'amitié et de l'es-
time que Luther avait pour son épou-
Be. Elles sont tirées de ses lettres , et
l'on nous avertit d'y ajouter plus de
foi qu'à une lettre de Pontanus, écrite
à l'électeur de Saxe après la mort de
Luther. Ce Pontanus accusait d'orgueil
Catherine de Bore , et d'avoir trop
dépensé en bâtimens, et surtout dans
une métairie où son douaire lui avait
été assigné. Huic itaque ( Luthero ) ,
potiùs testi credamus quant. Pontano ,
apud Sechendorfium , lib.3, pag, 65 1 ,
qui in litteris post niortem Lutheri ad
electorem Sax. scriptis arguit eam
animo fuisse elatiore et imperioso ,
tenaceraque in victu domestico , etsi
sumptuosam in œdificia, imprimis in
prœdium Zeulsdorf , quod ei in testa-
mento dotalitii nomine Lutherus as-
signavit (49)- Quelques-uns ont pré-
tendu que Luther s'était soumis à
l'empire de son épouse, et ils ont
cité les lettres où il la nommait son
(45) Mayer, Dissert. de Lutheri Coojuge ,
pag. 22-
(46) 1bid.,pag. 24-
(47) Voyez Lindauus, de Veto Virginitatis,
pag. i3.
(48) Voyez la remarque (F).
(4g) Mayer , pag. 55.
jours. Sa femme le cherchait partout,
et se désolait ; elle frappait à la porte,
elle l'appelait; et enfin , ne pouvant
résister à sa douleur, elle fit enfoncer
la porte , et le trouva méditant. 11 se
fâcha de ce qu'on interrompait ses
méditations sur un sujet si sacré, et
d'une telle importance ; mais enfin il
ne put désapprouver les soins et les
inquiétudes de sa femme (53). *Elle
témoigna sa tendresse et sa constance
en même temps, avec un très-grand
éclat, dans une maladie qu'il eut l'an
1527, qui fut si grande et si dange-
reuse, qu'il fit son testament, et qu'il
dit adieu à sa femme et à son fils (54).
Notre Catherine passa la première
année de son veuvage à Wittemberg,
quoique son mari lui eût conseillé
d'aller ailleurs. M. Mayer la justifie
de cette désobéissance (55). Elle sortit
de Wittemberg l'an 1 547 » lorsque la
ville se fut rendue à Charles-Quint.
Elle avait reçu avant cela un présent
de cinquante écus de Christien III ,
roi de Danemarck ; et comme l'élec-
(5o) Quis non videt, genii prtesertim beau
v'iri non ignarus , hoc innoxio joco ab illofao-
tum? Mayer, Dissert, de Lutheri Conjuge,
pag. 56.
(5i) Luther., apud Mayer, ibid. , pag. 5'y.
(52) M. Mayer la rapporte celte Lettre , la
même, pag. 5y , 58.
(53) Là même , pag. 59. // cite Reinhard
Bakius ad Psal. XXLI.
(54) Mayer, de Lutheri Corjjiigc, pag. 5g
et seq.
(55) Ibid. , pag. 66.
BORE. 071
leur Je Saxe et les comtes deMansfeld ne sciait pas fâche Je la trouver im-
lui firent sentir de bonnes marques de primée dans cet endroit de mon Die
leur libéralité, elle eut le moyen de
s'entretenir commodément avec sa
famille, ces assistances étant jointes
aux biens que Luther lui avait iaissés.
Elle retourna à Wittemberg, après
tionnaire , puisque personne ne l'avait
encore donnée au public.
S. P. Ornatissime prœscs , Soient
comici tumultus ferè in mairimonium
exire, atque Jùnc sul>ita rerum om-
la ville eut été rendue à l'élec- nium tranquillUas. Ferum hanc ta
que
teur, et y vécut pieusement, jusques
à ce cpic la pesle rayant fait résoudre
d'en sortir Tan 1 55a , elle vendit ce
qu'elle y avait , et se retira à Torga ,
bien résolue d'y finir ses jours. Un
accident du voyage lui fut funeste :
les chevaux s'étant cabrés, elle sauta
du chariot , et tomba , et se fit beau-
coup de mal; de sorte qu'elle mourut
peu après 56) à Torga , le 20 de dé-
cembre i55a. Elle y fut enterrée dans
la principale église, où l'on voit en-
core aujourd'hui son tombeau et son
épitaphe. L'académie de Wittemberg,
qui était alors à Torga (57) , fit un
programme public concernant la pom-
tastrophen pleriwique mine habent
principum tragoediœ , non admoditm
lœtam populo , sed lamen bellis polio-
rem. Malebat Me compilait quant
venire. Similem exituni habitura vi-
detur Tjudieiana tragœdia. Duxit uxo-
rem monachus monacham ; et ut scias
ntiptiasprosperis avibus initas , diebus
à decantato hymeneo fermé quatuor-
decim enixa est nova nupta. Lulherus
nunc mitior esse incipit , nec perinde
sœvit catamo. Nilnl est loin ferum
qund non cicuret uxor. Ego sedulo
hortor utramque partent, ut tequis con-
ditionibus jungant feedus , et insana
prœlia dirimant. Vis scire quantum
pe funèbre (581. On le trouve tout proficiamus Quantum soient ii, qui in
entier dans l'écrit de M. Mayer , et il
avait été imprimé l'an 1 553 , inlnti-
mtlionibus fVitebergmsibus (5c)V Je
l'avais lu au feuillet !\'\\ et !\\i d'un
livre imprimé à Wittemberg, l'an
i56> , in-8". , et intitulé : Scriptorum
publi'è propositorum à pmfessoribus menhoc portenlum habetlhcdogos np
in academid fP'ilebrr^ensi , ab anno plaudentes. Si vendunlur isihic desul
ter duos armatos ira vinoque j urentes
intercédant direnipturi , et utrimque
vulnerantur. Opinor te legisse Apolo
giam meam advenus Sutorem. Quis
credidisset tant stupiduui animal latere
inter theologos et rartusianos ? Et ,ta-
i54o, usque ad annum 1 553. Tjmus
primas.
(Ll Je rapporterai une lettre, écrite
par Erasme, avant qu'il fut désabusé
du faux bruit des couchas de Cathe-
rine de Bire peu après ses noces. ]
Elle fut écrite à un homme illustre,
savoir à Nicolas Everard , président
du haut conseil de Hollande â la Haye.
J'en ai vu l'original , qui est en très-
bon état : le cachet d'Erasme, avec le
Drus Tt-rminus , et le Nulli cedo , y
paraissent dans leur entier. M. de
Wilhem, conseiller à la cour de Bra-
bant (60) , a eu la bonté de me mon-
trer cette lettre originale, et de m'en
donner une copie, que j'ai moi même
collationnéeà l'original. J'ai cru qu'on
(56) Au bout d'un peu p'us de trois mois.
Voyet le Programme fuoèbre.
(S^) l.a pesle de WiUemberg en e'tail cause.
(58 1 Mayer , Dissert, de Lutheri Coojuge ,
pag- 66 et seij.
(5q1 Idem, pag. 69.
(60) Je parle amplement de lui dans la re-
nia que (G) de l'article Vv iLaix.
pli
torii (61) libri Jodoci Clilhovci, quœ-
so ut legas in Anti-Lnlhero 3 libri cap
primum , num. 3 ; nain Bcda lilleris
indicai'it , eum locum ad me perlinere;
quod si verum , quis non intelligit in
Mo pediculoso cajnte nullam ei.se mi-
cam sanœ mentis ? Et tamen litijus-
modi nebulones Lutherus armavil in
nos. Nullum video fînem nisi si quis
Deus a machina, quod aiunl , appa-
rens, fabulant explicet. Lutheranajac-
tio nunqu'am sustulil majores spirilus.
Et altéra pars adeô mhil remitltt . ut
in dies astiingat priora vincula. liaient
noi'itm digma , sed simplicitcr insa-
num : tOtOS hos tumultus crortos ex
linguis et bonis litleiis. lln< ja'm prin-
cipibus atii/unt persuaseiiint.Quoniani
te videra aliter non licet , per lilteras
saluto. Dorpiiim amistinus ante aient.
Hic loiigt- supra centum millia rusli-
(6.) Il > a begultarii dans la copie. M !
W,lli«-m m'a dit qu'aucun de ceux qui ont aide
à déchiffrer l'original, n'a pu venir •' bout de
ee mot. Je conjecture , i: COU
lire dcsultorii
cere
cm
572 BORÉE.
corum interfecta sunt , et quotidiè sa- point de la froideur d'un tel
cerdotes capiuntur, torquentur , sus- marj rjy\ . ma;s cette remarque
penduntur, decollantur , exuruntur. ^ ^ Bq_
JYon nego necessanum remedium , , r J r -j » i c
quamfis immite, sed Germani magis ree, quelque troid qu on le tassel
novimus malefacta punire quant exclu- était fort ardent en fait d'amour
tJere- , , . (E). Il eut un assez bon nombre
Tib^uxorituœ^tuisquekbenspre. d> f et entre autres Zétfes
cor omnia Iceta. ' , . ,,, -
Qui has reddet est Francisais Dilft, et Calais , dont je donnerai 1 his-
qunndam convictor meus , jugeais ho- toire (F). Les Mégalopolitains
nesto Inco natus , moribus miré ciuili- l'honoraient comme leur prin-
hus. Quemcupio ut digneris cognas- ^^ ^^ (Jj j,^ ^
rDatum. Ras. pruhe Natal. Domini, dans les remarques , comme aussi
i. i525. du culte que les Athéniens lui
Erasmus Rot. verè tuus. rendaient (e). Il y a quelques
Ex tempore manu proprid. variations sur les circonstances
IVon vacabat relegere , ignosce. de penlevement d'Orithye (G).
BORÉE , en latin Boreas , L'anonyme , qui publia une tra-
l'un des quatre vents cardinaux duction française de l'Aristée de
(a) , et l'une des divinités dupa- Virgile ( / ) avec des notes , l'an
ganisme, était fils d'Astraeus et 1668, débita beaucoup de re-
de l'Aurore (A) , et avait son sié- cueils touchant l'histoire et les
ge dans la Thrace (B). Pindare le qualités de ce vent , et en par-
nomme le roi des vents (6). « Je ticulier sur la violence qui lui
» pense avoir lu qu'on lui don- est propre , et qu'Ovide décrit si
» na droit de bourgeoisie en une bien (g). Celui qui le nomme
» ville de Grèce. J'ai encore lu artisan des naufrages (h), gar-
» qu'on lui bâtit des temples , et derait cette épithète pour d'au-
« qu'on lui ordonna des sacri- 1res vents , s'il voulait s'accom-
» fices en une autre ville : une moder à ce qui se passe dans la
» fois , pour avoir coulé à fond Manche , et sur les côtes du
» une Hotte des ennemis ; et Pays-Bas. Ce n'est point le vent
» une autre fois , pour avoir jeté Borée que l'on y craint , mais le
» de la poussière aux yeux à Nord-ouest, ouïe Sud-ouest : ce
» une armée de terre de ces SOnt là les deux artisans des
» mêmes ennemis. Si je ne me naufrages. Je fais celte observa-
» trompe , il fut appelé solen- tion , afin de montrer que les
» nellement , et par décret pu- poètes , imitateurs trop serviles
» blic, le gendre des Athéniens, de l'antiquité , nous donnent
» à cause de sa femme Orithye , souvent des descriptions peu
» qui était Athénienne (c). » convenables à leur pays.
L'auteur, dont j'emprunte ces Je dois ajouter à ce que j'ai
paroles , et dont j'indiquerai les déjà dit une observation sur un
sources (C) , fait une remarque fa remarqw: (c)i„aOT. „.
sur ce qu'Orithye ne se plaignit ^ Voyez la même remarque , mon. ni.
(f) C'est un épisode des Ge'orgifjues.
(a | Celui qui souffle du septentrion. {g ) Ovid. , MeUm. , fi* VI, fnjgjfc.
!/, Pin<l J., o.I.IV Pylhior. W> oyez Balzac, entretien XKXVt ,
(c)' Balzac , enlrct. V , rhnp. Il , png . 80. pâg. 35 1 .
BORÉE. 5„3
passage de Natalis Cornes (H) , thèse est que les poètes qui ont parlé
de ce vent demeuraient dans un pays
qui avait la Thrace au septentrion. Je
parle des poètes grecs. Les Latins ,
grands imitateurs des phrases et des
épithètes de ceux-là , ont donne au
vent Borée la même patrie , quoiqu'ils
n'en eussent pas la même raison. Lisez
ces paroles
que j'ai rapporté à la fin de la
remarque (F) de cet article.
(A) // était fils d'Astrœus et de
VÂurore.~\ Natalis Cornes avoue qu'il
n'a jamais lu que les inventeurs des
labiés aient dit quels furent le père et
la mère de Borée, Boreas è quibus
parentibus ortus sit fabularum inven-
tons non tradiderunt , quod ego lege-
nm (i), et cependant il avait cité
Hésiode, qui raconte que le dieu
Astraeus, ayant couché avec la déesse
Aurore, engendra les quatre vents (2).
Voici les trois vers qu'il rapporte :
Aç-pttice eT H'cèç ivi/uouç rîxi nctpripo-
6ÛJU.0UÇ,
'A/jyiç-dv, Zs>t/pov, Bopiïiv <r eti^,npox.i-
Kxi NÔtov, Êv ^iâotmti ôià Six iùvn-
Bas-x.
Aslrœu vi-rù Aurora venlos peperit magnani-
Argeuen , Zepkyntm , Boreamque rapitlum ,
£.1 ISutum . m amure cum deo dea conara-
•<« (3;.
'X
e M. Dacier : elles sont
tirées de son Commentaire sur le
Thracia bacchante magU sub inlerlunia.
venlo (n).
« Horace parle à la manière des Grecs,
» qui appellent le L'orée ou l'Aqui-
» Ion , T/hracien, parce qu'il leur \i ■-
» naît de Thrace. » Je crois que l'on
élit bien fait de commenter de la sorte
cet endroit du même poète ,
Aune mare, nunc sykœ
Tftreîcio Ai/utlone sonant.... (8),
sans prétendre que « le Borée , ou l'A-
» quilon, c'est-à-dire , le Nord-ÏWd-
" tu' etait ▼entablement vent de
» Ihrace pour les Romains comme
» [.ourles Grecs, caria Thrace s'é-
» tendait fort loin (g), » Je ne saurais
croire qu Horace ait eu en vue, ni la
grandeur de ce pays-là , ni la subdivi-
»™ de- -
mer j il fallait dire qu'il y a des gens
(pu ont soutenu que le ravisseur d'O- r "17" '"'""" >.l"œ mare tempérant,
rithye n'était pis le vint Borée '*****? - '»>' " TkracZ (l0,
mais le 61s de Strymon. 'H*wyhf*t À ,J™ "'?*» P,as devoir "">««*« ce
r«wr« B^«, ù,01 2VfUfAm ^ '(.'^ « Cet Aquilon originaire d
«» A «1 injny. Uesagoras in Mesà- .tde? C0Urs,'s "• <les *W
icisBoream à quo rapta On diva fi- " f* l>ai" •l°Ute la terre» •»■» ! '
CM aoream a quo rapta (Jntliyaji-
ttum Juisse ait Strymanis, non vero
venlum (4).
(B) // avait son siège dans la Thra-
ce ] Une infinité d'auteurs ont dit
cela : vous trouverez là-dessus quan-
tité d autorités dans le Dictionnaire
de Lloyd (5) , et dans le docte Com-
mentaire de M. Spanheim sur Calli-
maque (6). L'origine de cette bypo-
(1) \alal. Coracs, Mylliol. , l,b. FUI , cap
XI, pag. 8bi. r
M Idem , ibidem , W. VI , Cap. II , pag.
('&) Hesiodus ,
ag. 126.
Deor. GeDerat.
3;8,
(-0 Scliol. Apollonii inlib. I , vs. au.
(5j Au mot lîoreas.
(6) E»ech. Spanl.emius in Callimachum, pfl<
:ia, ai.} , 0^4, 30(j K «
» faut croire notre homme d'Afrique,
qui parle des pierres etdufer, tant
» son style est raboteux et dur, il fait
» particulièrement sa demeure au
» Pont-Euxin. A combien de lieu
» la Thrace? Je vais présentement le
m demander à lu carte tant y a que
» l'Aquilon habitera pour cette heure
» le Pont-Euxin : VU dus nusquam
» pulais, sol ntinquàm liber, unus
» aer nebula , lotus annus hibernum.
» omne quod /?averit Aquilo est. Ou
» en passant prenez gardi
" prie, s'il n'y a poini une 1
(:) Borat., od. XXV. / /,. /.
(S; Idem, od. Mil Epod.
(9) Dacier, >ilr Horace, tom. V , P„^. ,60
2(j! . édition i \
M |»> l "•- fépîlrc XXO du II'. /,,.,. de
M. Je leur.
574 BORÉE
» contradiction en ces mois de IVe-
« bula et à Aquilo ; car, à mon avis,
» ils ne peuvent pas bien compatir
» ensemble (i ')• "
(C) J'emprunte ces paroles de Bal-
zac : j'en indiquerai les sources. ] Il y
a des livres où il est permis , et mê
me
doute la brèche eût été fort grande le
lendemain ; mais il s'éleva un vent
septentrional, qui renversa cette ma-
chine. C'est ce que Pausanias ra-
conte (i5).
III. Hérodote nous apprend qu'un
oracle ayant ordonné aux Athéniens
.„ — „„ — — „ rv.u,u, »,,, ii,^- «.«v.»*, Ujaui muuuuc aux .mneniens
„.„ louable , de ne nommer point les d'appeler leur gendre à leur secours ,
auteurs de qui l'on a pris ce que l'on ils invoquèrent" Borée ; car comme il
allègue. Cela est fort commode pour elait marié avec Orithye , fille d'É-
fin *ïr>i*l VQin /-mi i i\a lo «nnîl^ .
un écrivain qui a de la vanité ; car
ces termes vagues , j'ai lu quelque
part , un certain auteur rapporte etc.
donnent une idée avantageuse : on s'i
rechthée, leur roi, ils le prirent pour
leur gendre. C'est pourquoi , la flotte
de Xerxès étant abordée à la côte de
Magnésie, ils implorèrent par des vic-
magine que celui qui parle de la sorte times et Par des prières l'assistance de
ue le ferait point s'il s'agissait d'un ce vent, et celle de son épouse; et
ouvrage connu des autres savans. On comme ils se persuadèrent que la tem
croit donc qu'il a trouvé ce trésor Pe'e clui maltraita cette flotte fut m
dans un manuscrit très-rare. En un '
mot , si Balzac eut dit , j'ai lu dans
Pausanias , ou dans Hérodote , il ne
se fût point rendu si recommandable
à ses lecteurs. Pour moi , qui cherche
principalement à satisfaire la curiosité
de ceux qui me lisent, je nomme tou-
jours les auteurs de qui je prends ce
que je rapporte, et je tâche même de
découvrir d'où les modernes ont tiré
ce qu'ils allèguent. J'ai pu en venir à
bout à l'égard de ce passage des En-
tretiens de Balzac (12).
I. Elien observe que les habitans
de Thurium , ayant été délivrés d'un
grand péril par une tempête qui rui-
na la flotte de leur ennemi (i3) , of-
frirent des sacrifices au vent Borée ,
qui avait fait ce ravage , et lui confé-
rèrent la bourgeoisie de leur ville. Ils
lui assignèrent une maison , avec un
revenu fixe, et célébrèrent tous les
ans un jour de culte en son hon-
neur (14).
H. Les Mégalopolitains lui consacrè-
rent un temple, où ils lui offraient des
sacrifices un certain jour de l'année ;
et il n'y avait point de divinité qu'ils
honorassent pl„s que celle-là. C'était
en reconnaissance d'un grand secours
qu'ils en reçurent, lorsqu'Agis , roi
de Lacédémone , assiégeait leur ville.
La machine des ass^geans battait la
muraille avec tant de force, que sans
(n) Balzac, Entretiens , chap. II, pag. 80,
(12) Celui que j'ai rapporte' dans le corps de
< et article. Voyez ci-dessus , citation (c).
(i3) Celait Denjs le tyran.
04) SMan. , Diveisst. H)slor. , Ub. XII. cap.
effet de ce culte, ils -firent bâtir un
temple à Borée sur les bords de II-
lisse (16J. Ils crurent que les mêmes
divinités avaient déjà fait périr la
flotte des Perses proche le mont Athos
(17). Je n'ai pu encore trouver l'au-
teur qui parle du grand service que
ce vent rendit aux Grecs, en jetant
de la poussière aux yeux d'une armée
des Perses. J'ai bien lu dans Xéno-
phon, que les Grecs, qui repassèrent
l'Euphrate après la défaite du jeune
Cyrus, souffrirent beaucoup de froid
à cause que le vent Borée leur donnait
sur le visage ■ mais qu'il s'apaisa
dès qu'on lui eut fait un sacrifice se-
lon le conseil d'un devin (18). Notez
qu'Apollonius représenta aux Athé-
niens , que Borée était leur proche
parent (19)5 Balzac eût pu ajouter que
l'on jurait à Atliènes par la divinité
de Borée , et que l'on y célébrait sa
fête avec beaucoup de solennité, et en
faisant bonne chère (20). Casaubon va
nous l'apprendre dans son Commen-
taire sur ces paroles de Matron ,
Taœv x.a.1 Bofénç Mpi.T3-a.ro TS^-TO/^svaaiv,
Çuarum durn cot/uerenlur, sive recens coc-
tarum , vel Boreas poteral affici desiderio (21).
<c Sensus aulem est : adeo bonos pa-
ît nés illos aul placentas fuisse , ut
» etiam Borealia celebranlibus appo-
(i5) Pansan. . Ub. VIII , pag. 266 et 259.
(16) Rivière d'Athènes
(17) Herodot., Ub. VII , cap. CLXXXIX.
(18) Xenopbon , Je Cyri Expedit. , Ub. IV,
pag, 143.
(19) Pliilostrat. , in Vitâ Apollonii , Ub. IV,
pag. 167.
(?o) Libanius, Declam. XX.
(ai) Matron , apud AlUenrcum, Ub. IV , cap.
1 , pag. 254.
BORÉE. 5:5
d'amour. ] Qu'il soit permis à Balzac
de faire (Tes railleries sur l'impatience
des femmes modernes , on ne s'y op-
pose pas j mais on demande qu il ne
prenne point la liberté' de fortifier ses
hoc dicebant et BopuLc-fAov supersti- observations par les éloges de la pa-
tionis liujus rilum. Hesychius , Bo- tience d'Orithye; car cette dame n'a-
pl&TJUrjl , 'AÔ«V>13-|V 01 à.'1} OVTêC TW /iopîd.
topra.ç x.a.i 9'j/vstc «va. *vo<roi (niaïim
avoo-oi) *véa><nv. ikukoZto tfs fiopocur/uoi.
fidetur dicere thiasotas liorum sa-
crorum fuisse appellatos Bttpia.o-fju>vç.
» ni potuerint. Morts fuit Alhenis
» Boreœ sacra facere , demerendi il-
» lius gratiâ. Magna solemnitate is
J> dies celebrabatur , atque in prbuis
» lautis opiparisque epulis. Bopix^fii
vait nul sujet de faire valoir cette qua-
lité. Personne , non pas même Jupi-
ter , ne surpassait le vent Borée en
cbaleur de tempérament. La pauvre
Europe enlevée ne l'eut pas plus tôt in-
Ego arbttror Bopixa/nov id esse quod voqué pour en être secourue qu'elle
» jam diximus : at qui super slilionis rétracta ses prières; elle fit réflexion
» hujus sacra concelebrarent, eos esse que l'un valait l'autre, et qu'elle ne
» diclos Bopizç-x; , ut ax.xS'içxç , Ttrpx- gagnerait rien au change. « Voici sa
» Siç-àç, et simileis (22). Castellan n'a plainte : Au milieu des flots , sur te
point parlé de cette fête (a3)j mais dos de son amant, ainsi que Nonne le
Fazoldus ne Ta pas oubliée (24). Je fi- rapporte dans le premier livre de ses
nis par dire qu'il est fait mention de Dionysiaques s 0 undce , ô littora ,
l'autel du dieu Borée dans un dialogue
de Platon (a5) : on y trouve même
qu'il fut bâti où l'on croyait qu'Ori-
thye avait été enlevée. Nous ferons ci-
dessous(2G) une réflexion sur cette sot-
tise des Athéniens.
(D) Orithye ne se plaignit point de
la froideur d'un tel rnari. ] Balzac,
après les paroles que j'ai rapportées
dans le corps de cet article, continue
de cette façon : « Sur quoi un Seignor
mutaj undie, surdaque littora, meas
audite preces , meque huic subtrahite
Tauro. Tuque , Borea , pennis me
subleva tuis. At verô misera , quem
appellas, cujus imploras auxilium , ad
quem confugis? nempè ad eum qui
nympbain Orithyiam rapuit, qui sic
eil'usus est in Venerem, ut magis nemo.
Et certes , ce qu'Homère dit dans Le
vingtième livre de son Iliade (28) con-
firme bien ces dernières paroles d'Eu-
Dottour, que j'ai céans depuis quel- roPe • Erant Erichlhonio régi Darda
nias equœ 1er mille, qui circa paludes
pascebanlur. Eus ut vidit Boreus , ut
periit, ut malus eum abslulit amor.
Equi speciem induit, satiitque fem:
nas , et ex eis suscepit pullos duode-
cirn, currere sic pernices, ut summas
aristas nonlœderenl (29). m Notez que
la traduction qu'on voit ici n'est point
littérale. 11 est pourtant vrai qu'flo
mère 'lit que Borée aima les cavali ■
d'Erichthouius ; et que, prenant la li-
gure de cheval, il les couvrit ( c'est-
à-dire quelques-unes), et en eut douze
poulains, etc. Casaubon ne de\;nt pas
dire que ces cavales appartenaient à
Dardanus (3o). AI. Hofman a commis
la même faute. On a dit expn
et nommément, qu'Orithye fui fort
contente de son ravisseur, el
ne le trouva point cruel : Crudelem et
Boreani rapta Orilhya ntgarit (3i).
Mariée tant qu'il vous plaira à un
(28) C'est au vers 321.
tes sur TAriâlée de A irgile , pag. 10C,
édition de Lron , en itiGS.
(3o) ("a*aijb. , ir. Alhcn. , j?a^. 254-
(3i) Propert. . eleg. XW1 , Kl-. II.
» ques mois , a qui j ai communique
» de vos observations , vous prie de
}> considérer que les femmes de ce
» temps-là étaient bien plus retenues
)' et plus endurantes que celles de ce
» temps-ci ; et que si une Orithye
a d'aujourd'hui avait épousé un mari
» aussi froid que le vent de bise, elle
» l'accuserait d'impuissance dès le
» lendemain de ses noces , et présen-
» ferait requête pour la dissolution
» de son mariage. La dame d'Athë-
» nés néanmoins ne s'est point plainte
» à l'aréopage, n'a point eu d'avocat
» qui ait allégué le titre defrigidis,
» n'a point fait mauvais ménage avec
» borée , ou autrement avec Aqui-
» Ion (27). "
(E) Borce était fort ardent en fait
(22) Casaubon. , in Alben. , lib. IV. cap. V,
pag. 254.
1,23) ïn Tractatu dr Festis C-ratcorum.
(24) Fizoldus, in Ierolo«iâ, pag. 124.
(2s) Plato , in Pbœdro , circa iait. , pag. 1211.
(26) Dans la remarque (G).
Vi'.zic , futret. \ , ckap. II , p.zg. So,
576
EORÉE.
mari froid , elle accoucha prompte-
ment de deux jumeaux :
Dum votât, arserunl agitait fortiuf ignés,
Nec priiis aëni cursus suppressit habenas,
Quàm Ciconum tenait populos et mienia
raptor.
Illic et geltdi conjux Activa tjranni ,
Et genitrix fada est , partuque enixa ge-
mellos (3a).
Il sentait croître son feu par la vitesse
de son vol : il faut donc croire qu'il
ne mit pas beaucoup de temps à son
trajet; et ainsi Ovide ne lui donne
pas trop de patience, lorsqu'il sup-
pose que le mariage ne fut consommé
que dans la ville où le ravisseur faisait
sa demeure. Mais d'autres assurent
qu'il ne tarda pas tant à contenter son
amour. Jls prétendent qu'en volant
sur la mer il découvrit une plaine
couverte de fleurs, qui lui parut pro-
pre à lui servir de couche nuptiale , et
qu'il s'en servit à cette fin. Lisez ce
qui suit :
Hic misère rorem infestât crudelis , et asper.
At prœtlo , etfactlu . cl raptd conjuge milis.
Vainque per aêrias Punti dum piœterit oras
Vota ferens , vidil procul in convalle rernolà
Planitiem viridi latèjlorescere cainpo.
Admonutl Ivcus oplatœ cum conjuge noclis.
Desilit , ac mollt lacninantem amplexus in
hrrbd ,
Explicuitque smtts , munusque implevit aman-
Us.
llla gravis oculos ah humo vix anxia tollens
Flebal , eatn insolito conjux solatur honore.
His ego pro laarmisjlorum , gratusque mfl-
tnorque,
Nocturnos spargam rores , ea prœmia sttnlo.
Debeat hoc raptœ pontus mentor Ortthytœ.
Subrisit, tenerumque genis suJ/Udit honorem
Lœta vtri dictis , et tanto munere conjux.
Ille novam senstt labiper pecturajiamniain}
Optatos repelens somnos, molltquf qtttete
Lenitt accensum complexu conjugis igttem.
Scilicet et Boreat cattdo contrarius Aus-
tro, eu. (33;.
Apollonius prétend que le ravisseur
jouit d'Ofithye sur le bord d'une ri-
vière de Tlirace (34) , et qu'il la cou-
vrit d'une nue (35,1. JNe vous imaginez
pas que les poètes aient choque le
vraisemblable, quand ils ont repré-
senté le même Dieu fort amoureux et
tout couvert de glaçons :
Nunc gelidus siccdBoreas bacchatur ab Arc-
to (36).
(3î) Ovid., Meta».., lib. VI , vs. 708.
(33) JovianusPontanus . m Mcteoris , cap. de
Pruind et Rare, folio Ii3 verso.
(34) Nommée hrgine.
(o5j Apoilon. , Argon , lib. I , vs. 21 fi.
(36) Ovidius,, cleg. II, vs. ^9, lib. I Tris-
t'.Uœ.
Thracius hoc Boreas scopulos immilia régna
Solus habel, semperque 1 igens nunc littora...
Atque ubi se terris glaciali fundit ab Arc-
10 (37).
Cum gravis arntalur Boreas , glacieque mi-
naci
Hispidus , et Gelicd concretus grandine pen-
nas (38).
L'histoire ne nous apprend-elle point
que l'amour règne dans les climats les
plus glacés ? A cet égard- là, toutes les
zones de la terre sont torrides, com-
me je l'ai dit ailleurs (3g). Pourquoi
Borée n'aimerait il pas, puisque IVep-
tune a bien aimé au milieu de toutes
ses ondes ? Pourquoi n'aurait-il point
d'amour, puiique Pluton en a bien eu
jusque dans le séjour des mdnes ?
Pourquoi ne ressentirait-il pas les ef-
fets de cette passion, puisque Poly-
phême les a pu ressentir dans sa ca-
verne ?
Omnia vin.cit amor
Ecloga X. Virc.
L'amour surmonte tout : il n'est rien
qui lui résiste. Il se joue des lions
comme des moineaux , et triomphe
auss- bien au Ponl-Euxin, que dans
la France. Properee le dit en un mot :
Hic Deus et terras, et mari» alta domat.
El Guarini , dans la première scène
du premier acte de son Berger Fidèle
(4«)- L'auteur que je cite rapporte
tout le passage du Pastor Fido : j'y
renvoie mon lecteur. Ce galant ,
ajoute-t-il (4») , en parlant de notre
Borée , est de bonne trempe. Quoiqu'il
brûle d'amour, il est d'intelligence
avec le froid et la neige.
Scil nivibus servare fidem.
El comme dit Virgile , Georg., liv. I,
vs q3,
. . . Borea; penelrabile frigus adurit.
On peut donner pour une preuve de
la sensibilité de Borée sur le chapitre
de l'amour, l'emportement qui le
poussa à briser contre un rocher une
maîtresse qui lui avait préféré Pan.
Citons encore le même auteur, puis-
qu'aussi bien le faudra-t-il critiquer
en quelque cliose. Onthye fut sage ,
dit-il (4-0» de ne U moi ^ner point de
(3:) Silius liai. , lib. T, vs. 586.
(38) Claudian. , de Kaplu l'roserp. , lib. I,
vs. 70.
(3q> Dans la remarque (I) de Varticle Ermi-
te /m ri.
(4o) Notes sur l'Aristée de Virgile, pag. 97.
(4i) Ht même, pag. 110, ni.
(42; La mente , pai; . 102.
BORÉE.
>77
regret d'avoir été enlevée ; car elle a-
vail nJJ'mrt h un étrange ravisseur . qui
l'eut bien pu froisser a que/</ue roclu r,
comme il fit l<i belle Pily» , nu rap-
port de Pausanias (43/. Ecoutez ce
qu'en du Achille Bocr.hius, dans ses
Emblèmes. Il rapporte t ont du long les
vers de ce Bocchius : vous en trouverez
le sens dans ce passage d'un commen-
tateur de Properce : l^ere arnica pi-
nus Arcadio Deo , ut pôle quem Boreœ
amatori item sun , lune quùm puelln
adlinc esset , longé prœferret , undè
Tkrax ille injuriœ impatiens depre-
hensain forte solam spatioso campa ,
saxo allisit , quant infeliciter moribun-
dam exceptant intra gremium suum
tellus in arborent engnominent com-
mutafit -, cujus frondibùs poste'a tem-
pora prœcincttts semper specialus est
Jlrcaditts Deus. Quai fabula exstal
apud Constanlinum Geoponi cum, xi ,
et tangitur à Nonno in Dionysiac,
(44)' Si jc voulais dire avec M. Hof-
niaii , que Borée fut amoureux du
beau garçon Hyacinthe , qu'Apol-
lon aimait aussi, j'aurais un second
exemple de la jalousie furieuse de ce
ravisseur d'Orithye : car chacun sait
que le rival d'Apollon fut si enragé de
n'avoir pas la préférence, qu'il fit
mourir Hyacinthe, en lui repoussant
sur la tête le palet qu'Apollon avait
j té. Mais .M. Hofnian s'abuse ; ce fut
le vent Zéphyre, et non pas le vent
Borée , qui lit ce coup- là (45). Notons
que cet écrivain fait une autre faute,
en nommant Erichtoniut , au lieu
diErechleùs , le père d'Orithye.
(F) Il eut... entre autres en fans,
Zethèi et Calais, dont je (humerai
l'histoire"] Ils étaient jumeaux , et les
premiers né^ d'Orithye, selon Ovide;
mais, selon d'autres (46), ils naquirent
après Chione, Chtonie et Cléopâtre,
leurs sœurs. Ilsfurentdunombredes Ar-
gonautes, et ils rendirent un très-grand
service à leur beau-frère Phiuce (.$7):
ils donnèrent la chasse aux Harpies ,
qui le tourmentaient cruellement ; car
elles enlevaient tout ce qu'on portait
(4<) Il 11 est pas vrai que Pausanias parle de
cela
(44) Oouiajilius in hœc verba Properlii eleg.
X\ IL , Lit. I,vs 20, et ArcadioPmu>amata Deo.
(45) Voyn Palapbatas, cap. Xl.Vlt , Lu-
çian . 1/1 Diaibg. NLercurii et Apollinia; Plnlo^-
tut , m Hyacimho ; liflics, chil. I , cap. XI.
(4ti) Scboliast Apollon., in lib. I, vs. III.
Voyez aussi Apollodone , liv. III, pag. 246.
(17; // avait été marié avec Cléopàlce.
tome ni.
sur sa table, et si elles y laissaient
quelques chose , elles l'infectaient
d'une puanteur horrible. Ils les pour-
suivirent jusques aux îles Slrophades,
et ils les eussent tuées, si une voix in-
connue ne le leur eût défendu de la
part des dieux (48) a Dans les jeux
» qu'Acaste , fils de Pelée, célébra , où
» tous les Argonautes se trouvèrent ,
» Zéthés et Calais furent victorieux :
» In ludis quos fecit Acastus , Pelei
» fi/ius , vicerunt Zethus Aquilonis
» Jilius do'iehodromo , Calais ejusdem
» Jilius diaulo. >■ Jc tire cela des notes
sur l'Aristée de Virgile. Le passage
latin est d'Hyginus , au chapitre
CCLXXill. IL Jurent lues, continue
l'auteur de ces notes, par Hercule,
en l'île de Ténos , aux obsèques du roi
Peltii*, , pour avoir pris la querelle de
Ttpliis , le patron du navire Argo,
contre Telamon, qui voulait que l'on
attendit hercules , qui s'était éloigné
d'eux , pour chercher son cher Hyias.
Les dieux touches de leur mort les
convertirent en vents , qui pour l'ordi-
naire précèdent de huit jours le lever
de la Canicule , d'où ils sont appelé..
TrpïSpofAti, comme qui dirait précurseurs.
Toutefois Hyginus, au chapitre XI P
dit qu'ils Jurent inhumés, et que ion
voit leur sépulcre s'émouvoir au souf-
fle de leur père ( 49 )• On donne d'au-
tres raisons de la colère qui porta
Hercule à les tuer (5o); mais on ne dit
rien d'un sujet de jalousie qui l'irrita
peut-être plus que toute autre chose.
Properoe raconte que ces deux frères ,
B'étaut aperçus qu'Hylas , le mignon
d'Hercule, allait chercher à Pécari
une fontaine, le poursuivirent et le
caressèrent passionnément (5t .,
Callimaque a fait mén i m de trois
filles île Borée, qui portèrent des of-
frandes à l'île de Délos (,5a). H les
nomme Oupis , Loxo, t Hecaerge. On
dit aussi que l'enlèvement d'Orithye
n'est pas le seul acte de cette espèce
que Borée ait commis : on prétend qu'il
(4S) Ex Valer. FUcco , lib. IV.
)g Noies sur l'An-lér dr. Virgile , vag . «4 1.
L'auteur a copié ceci tir Vige cre sur le Glanent
lr Politique dp Philostraie. pa/f. '^1 , 743 du
Irr. tome , m-4°. La source est aatis Apollo-
nius, Argon. , Uv. I , vs. ijoo el suivant.
(So) Vuyez Nat.im Cornes, Blythol. , l.b
VIII , cap. XI ,pag.S6i, 864. Ilapuisidant
le Scboliastc d'Apolloo. , liv. I ■
(5 11 Prnpert. , eleg. XX, lib. I.
(5a) Calllmaci.i rlymn. in IMnn, vs. 79a.
°7
578
BORÉE.
enleva Chloris , fille d'Arcturus, et source de la rivière de Céphisse proche
qu'il en eut une fille . Memoriœ pro- de Lile'a dans la Phocide (63) ; mais il
ditum est a Cleanthe , in primo libro vaut mieux les entendre d'une fontaine
de Moribus, Boreamrapuisse Chlorim particulière, nommée Ce'phisse , pro-
quoque Arclurijiliam, alque illatn in che d'Athènes (64)- Nous n'avons pas
cillent Niphatem asporldsse , qui pas- dit encore tout ce qui regarde' les va-
te'a Thorus Boreœ vocatus fuit , ante- riations des auteurs sur le lieu de l'en-
quàm diceretur Caucasus , de quâfi- lèveraient. Platon observe qu'il y avait
liant suscepit Hjrpacem (53). Voyez une tradition , qu'Orithye fut enlevée
la remarque (H). de l'aréopage. "H è| 'Aftiou Tckyw >*-
(G) Il y' a quelques variations sur les yiim yà.p ctù x.di oÙToçôkoyoç , à>ç îiaïbiv
circonstances de l'enlèvement d'Ori- à.h\ où» îvBivJi »p7raj-6«. f^el ex areo-
thre.\ Les uns disent qu'elle était au pago. Est enint et aliafama non ex
bord de la rivière d'Ilisse quand elle hoc loco sed ex illo raptamjuisse (65).
fut enlevée. C'est le sentiment d'A- Il venait de toucher l'opinion la plu*
pollonius (54) , de Pausanias (55) , et commune , savoir que l'Ilissus était le
de Denys Periegete. « Tzetze suit ce lieu d'où elle fut enlevée. Ne prenons
» sentiment dans ses Chiliades. Tou- point pour un nouveau sentiment ce
» tefois , liérile dit que ce fut au bord que dit M. Guillet , que ce fut au
» de la fontaine Céphise , et Simonide quartier Agra ou Agrœ , que Boréas
ii auprès du fleuve Brilisse (56). » enleva la jeune Orithye, et que la dées-
L'auteur, dont j'emprunte ce passage, se Diane prit la première fois le plat-
avait puisé dans Natalis Cornes. 11 au- sir de lu chasse (66). Ce quartier était
rait dû prendre garde que l'original le lieu où l'on voyait l'autel de Bo-
ue dit point que Brilisse fût un fleuve, rée , et le temple de Diane Agra?a ; et
On n'y voit que ces paroles : Simonide s il était au bord de l'Hisse. C'est ce
tamen poêla non ab llisso , sed a Bri- qu'on peut recueillir de deux passage*
lisso raptam fuisse Orilhjiam pula- conférés ensemble , l'un de Platon
vit ( 57 )• Cela est tiré du scoliaste (G7) , l'autre de Pausanias (68).
d'Apollonius. Voici ce qu'il dit : Tav éi Voici les diversités qui se rappor-
'Am'Svmlv 2i/*»v/J>i5 ocro BfiMa-u-oû <$/i<n» tent aux occupations d'Orithye. Quel-
â.p7ra.yiis-!ty , fjriT»v 2«p3r»Jbvfat.v néT^stv ques- uns disent en général qu'elle
Tiiç ©poÎkik *vê^6«v*t. Orilhyiam vero se divertissait (69) , d'autres qu'elle
Simonidts ait raptam à Britisso in cueillait desfleurs (70), d'autres qu'elle
Sarpedoniam Petram Thraciœ alla- traversait l'Hisse (71) , d'autres qu'elle
tant esse (58). Il y a beaucoup d'appa- dansait, d'autres qu'elle se baignait,
rence que son Brilissus est la monta- Platon insinue fort clairement cette
gne Brilessus , dont Thucydide (5g) , dernière opinion (72) ; et nous trou-
Strabon (60), et Pline (61), ont fait vons la quatrième en propres termes
mention. Elle était au pays d'Attique. dans ces vers d'Apollonius :
Le même scoliaste est celui qui nous
fait savoir le sentiment de Cherile.
Xoif/xw «Tî, dit-il (62), ipTretaûhtu <^
a-ii àut'hv «vÔ» ày.îxyouTctv Cnh to.ç toc/
Kd^is-ff-oS 7rnyâ.ç. Cnosrilus veto duit
raptam fuisse illam colligenlem flores
ad fontes Cephissi. On pourrait en-
tendre par ces dernières paroles la
(53) Natalis Cornes, Myihol. , Ub. VIII ,
cap. XI, pag. 864-
(54) Apollon, Argon. , Ub. /, vs. 2i5.
(55; Pausanias, Ub. I, pag. 17.
(56) Notes sur l'Aristée de Virgile , pag. 101 ,
(57) Natalis Cornes, Mythol. , pag. 864.
(58) Scboliast. Apollon. , in Ub. I , vs. 21 1.
(5g) Tbucyd., Ub. II.
(tîô) Strabo, Ub. IX, pag. 2-5.
(6i) Plinius , Ub. IV, cap- V H, Pag. frî.
(fia) Schol. Apoll. , in Ub. I , vs. 211.
'Es-^slTiî) ©pitxHç éucrfei/Ltîpou'ïvB' àipef.
tm'v yi.
©pïjtl&Ç BopêMÇ OtVSp'vJ.a.TO Kffcf 07TI)l6êV ,
'ïhiTC-tju 7rp<,7ra.p<i&t X.Qpfo iVi éiviu<jvea.\ .
In ullimà intempes là Thiacuî, quo islam
(63) 'o Tr&Ttf/tûç èvrct.d6ct. 'i%u tac tth-
yiç. Hic sunt amnis ipsiusfonles. Pausanias ,
Ub. X, pag. 35i.
(Ci; l'Imius . Ub. IV , cap. VII. Voje-.aussi
Aulu-Gelle , ton XVIII, chap. X.
(65) Plato, in Phaidro , pat;. 1211.
(66) Guillet, Athènes ancienne et nouvelle,
pag. 264.
(67) Plato, in Pbaïdro, pag. 1211.
(68) Pausanias , Ub. I , pag. 17.
(69) Idem , ibidem.
(70) Voyei ci-dessus la citation (62).
(71) Apollod., Ub- III, pag. il?)-
(72) Plato, inPliadro, pag. !»»■
BORÉE.
5:i)
Thraciur À,)Uilo rejecerat h Cecropia,
Ciun se propler Ilissum in choro circumage-
bal (73);
.Te ne cile ce passage qu'afin qu'on
voie la témérité de l'historien d'un
antre Apollonius. 11 suppose que son
héros , censurant les Athéniens, leur
dit que si Orilhye avait dansé , elle
n'aurait point donne d'amour. Cet en-
droit de Philostrate est assez curieux
pour mériter que j'en rapporte la
version latine. Oporlet ventos vcne-
rari , prœsertim ciun socii veslri sint ,
et pro vobis maxime spirent, ne que
llueam affinem vestrum , qui maxi-
me ventorum omnium masculus est,
fœminam facere decet , neque enim
ipse Bnreas Orythium amdsset, sieam
vïdisset tripudianlem (74)- Artus Tho-
mas sieur d'r'mhri , qui a commenté
cet ouvrage de Philostrate, aurait dû
nous avertir de l'opposition qui se ren-
contre entre le discours d'Apollonius
le pacte, et le discours d'Apollonius
le philosophe. H se serait fait plus
d'honneur, en observant les imperti-
nences de ce dernier , qu'en nous con
tant , i°. , que les uns font Borée fils
d'Aslrée, et les autres disent qu'il
était Thracien; n°. que Simonides ap-
pelle Brillisse la rivière près de la-
quelle Ontliye fut enlevée (75). Ce
sont deux fautes: car être fils dAs-
trée , et être de Thrace , ne sont pas
deux choses contraires ; et Si numide
ne dit point que lirilisse lût une ri-
vière Qu'on ne me dise pas qu Apol-
lonius eût été blâmable, si, ayant
envie de corriger les Athéniens, il
eut réfuté les rêveries qu'ils racon-
taient de Borée : il ne faut point,
dis-je, que l'on m'allègue cela, puis-
qu'il y avait un bon milieu à tenir
entre choquer des traditions ridicules,
et les supposer comme véritables. Il
n'en fallait point parler : c'était le
parti que devait prendre un philosophe
persuade qu'une réfutation de ces
sornettes piquerait Les auditeurs. Mais
quel désordre! les Athéniens si lins,
si polis, si éclairés, se laissent per-
suader que la fille de l'un de leurs vus
donna de L'amour à un vent . qu elle
coucha avec lui, qu'elle en fut eugros-
(7S) Apollonius, Argonaut. , lib. 1 , vs. "3,
paç a4-
(-4, rt.il., in Vità Apoflonii, lib 7K. p. 1O7.
^-.".i Artus Thomas , sieur tï F.iubri , dans ses
Annotation, sur la \ ie d'Apollonius , traduite en
français p«r Vigenère, tom. / , p«s- 8or.
sée, que ce mariage établit une al"
liance entre eux et ce vent, et qu'il8
tirèrent de grands secours de cet allié,
en lui demandant son assistance dans
la guerre contre les Perses. Ils furent
si persuadés de toutes ces choses , qu'ils
les confirmèrent par des décrets pu-
blics, par la construction d'un autel,
par la célébration d'un anniversaire.
Ce que je remarque , afin que personne
ne m'objecte que l'enlèvement d'O-
rithye était regardé dans Athènes
comme une fiction poétique, et un
jeu d'esprit. Cette objection est très-
fausse. Tout ce que je viens dr dire
du vent Borée était un article de foi
parmi les Athéniens. Je crois bien
qu'au commencement ce ne fut qu'une
fantaisie de poète , chantée dans les
carrefours ; mais enfin elle se fourra
dans le système de la religion publique.
Disons la même chose des autres par-
ties de la religion païenne , et remar-
quons par-là une différence notable
entre le mahométisme et le paganis-
me. Un imposteur a fondé le mahome ■
tisme : il a eu cela pour but ; mais le
paganisme s'est formé sur les jeux d'es-
prit de quelques poètes, qui ne son-
geaient point à canoniser leurs fic-
tions , et qui ne les inventaient.
que pour s'amuser. C'est d'eux que
Ton pouvait dire hce nugœ séria du
cent in mala. Depuis qu'une lois ces
badineries furent regardées comme
un point de foi, elle ne déchurent
jamais de leur crédit. C'est à cet
égard que les Égyptiens pouvaient dire
aux Grecs , vous êtes toujours en/ans
(76); mais les Grecs pouvaient encore
mieux leur faire le même reproche à
cet égard-là (77). Aussi l'on ne trouve
point d'auteur parmi eux, qui soit
digne de l'honnêteté qu'un Romain a
eue pour Diodore de Sicile , dont il a
dit , c'est le premier entre les Grecs
qui ait cessé de niaiser (78).
Je ne prétends pas que tous les Athé-
(76) "n 2<ixa»f , SwÀ.ïv, "EKKMitt
erxjfiç i<?i.... viot iere («MniV) t*î \v~/M
TivTK. OSolo, Solo, Gra-ci pueri semper es-
u [uvenis tempervobii est anunus. Plato,
,a Timxo, pag- i<»43, C.
'Yl) Quis ne<cU, J'o'.us. BUhjTÛce, qualia
,1 mens
E"rplusporlenlacolr.t, tic.
Juvenal., Sat XV, inU.
(-8) Apud Grcecos de,i,i nugari D.odoms.
Plin. , in Pr*fal . pag. i»
58o BORGARUTIUS.
uiens fussent assez simples , pour a-
jouter foi à ces beaux contes. Je me
souviens de la réponse que Platon a
mise dans la bouche de Socrate inter-
rogé s'il croyait que la tradition de
l'enlèvement d'Orithye fut véritable,
etKK e»V« Trpoç Aïoç, ci 2a>xp*T£ç' Kett crû
sed die ver Jovem , Sociales , tu ne
liane fubulam putas veramfuisse (79)?
u Si je croyais avec les sages, répon-
» dit-il, qu'elle est fausse, je ne se-
« rais pas absurde. » 'Axa' ù *yiç-oi'iiv,
ùis-TTif ci <rc><$ il , tùx- *v Àtotoç eï»y. Jani
si non pularem ut sapeintes , absurdus
non essem (80). Ou voit , d'un coté,
par ces paroles, que les personnes les
plus éclairées jugeaient de cela comme
il fallait; et de l'autre, qu'on gardait
quelques mesures en s'expliquant là-
dessus dans un ouvrage public. Quoi
qu'il en soit, une infinité d'Athéniens
pleins d'esprit et de bon sens en toute
autre chose, cent fois plus capables de
tromper que de se laisser tromper,
croyaient bonnement ce qu'on leur di-
sait de Borée et d'Orithye. C'est là un
sujet d'étonnement : on y trouve une
belle moralité sur la faiblesse de l'en-
tendement humain. Jugeons de l'an-
cien par le moderne. Aujourd'hui ,
dans Rome, où il y a tant d'esprit et
tant de prudence, on croit communé-
ment la plupart des traditions qui
Harpax, et qui succéda au roi Henio-
chus. Cette montagne fut ensuite ap-
pelée Caucase, parce que Saturne s'y
étant réfugié, après la guerre des
géans, et par la peur que lui firent les
menaces de son fils, y tua un berger
nommé Caucase. Il fut chassé de cet
asile, et précipité dans le Tartare. Ju-
piter l'y précipita, et voulut que la
montagne fût appelée Caucase , en
l'honneur de ce berger, et y attacha
Prométhée. C'est ce que Cléanthe ra-
contait au IIIe. livre de la Théoma-
chie. Il n'est pas certain que Plutarque
l'ait cité à l'égard des choses qui con-
cernent le vent Borée ; et ainsi Nata-
lis Cornes est censurable par bien des
endroits.
BORGARUTIUS ( Prosper ) ,
médecin italien, a vécu au XV IIe.
siècle. Il publia quelques ouvra-
ges , dont le premier fut un Trai-
té d'Analomie. Il le composa en
sa langue maternelle ; et ayant
vu qu'on l'approuvait à un tel
point, que les professeurs d'ana-
tomie dans les universités d'Ita-
lie ne faisaient point difficulté
d'adopter' ses propres paroles , il
résolut de le traduire en latin ,
fondent le culte de quelques chapelles et d'y ajouter plusieurs nouvelles
particulières. Un petit nombre d'es- observations qu'il avait faites
nrits plus forts n en croient rien. i . ri • •* 1 i-
\, Z ■ ' 1 e t „ •,„„ - * va pendant cru il enseignait pubh-
(J est ainsi qu il taut raisonner a 1 e- 1 1 . 5 1
quement 1 anatonne a radoue. 11
ne se contenta pas de communi-
quer au public les lumières que
la dissection des corps peut don-
ner , il travailla aussi sur les
remèdes des maladies , et fit im-
primer quelque chose là-dessus ,
quoiqu'il eût juré de n'avoir ja-
mais affaire avec les libraires (A).
11 fit un voyage à la cour de
France, l'an 1667 : et comme il
se qualifie Medicus regius , mé-
decin du roi , je conjecture qu'il
obtint alors ce titre. Il trouva à
Paris le manuscrit de la Grande
Chirurgie de Vesalius , et l'ache-
ta , et le fit imprimer à Venise
en croient
raisonner à l'é-
gard de l'ancienne Grèce.
(H) P'oici une observation sur un
passage de JYatalts Cornes. ] Nous a-
vons vu (81) que cet écrivain assure
que Borée enleva Chloris, fille d'Arc-
turus, et la transporta sur le mont
Niphale , qui fut ensuite nommé le lit
de Borée ; et qu'il eut d'elle une fille ,
qui eut nom Hyrpace. Natalis Cornes
prétend que Cléanthe racontait cela
dans le Ier. livre de Moribus ; mais
voici ce que Plutarque nous apprend
(82). Le mont Niphate fut appelé le
lit de Borée, depuis que ce Dieu y eut
transporté Chloris, tille d'Arcturin
(83). Il en eut un fils qui fut appelé
(-C)) Plato, in Pbœdro, pag. 121%, A.
(80) Idem , ibidem.
(80 Ci-dessus, citation (53).
(82) Plutarcb. , de Fluviis, pag. iS.
(Si) C'était ta rivière que l'on nomma ensuite
Phasis.
BORGARUTIUS
(a), l'an 15G9, /n_8°- (B)- Son
épître dédicatoire , datée de Pa-
doue , le i3 de septembre i568 ,
m'a fourni ce que je viens de rap-
porter.
(a) Ex qfficinâ V algrisianâ.
(A) Il fit imprimer quelque chose...,
quoiqu'il eût juré de n'avoir jamais af-
faire avec les libraires.] La peine qui
l'accablait, pendant le cours de l'im-
pression de son livre d1 Anatomie , et
les chagrins qu'il rencontrait dans le
travail des imprimeurs , lui firent
Jarre par dépit un tel serment ; mais
lorsqu'il se vit enfin tire de dessous la
presse, il se dégagea de sa parole. Il
se compare là-dessus aux femmes,
qui, pendant letra\ail d'enfant, pro-
testent qu'elles se donneront bien
garde de s'y exposer de nouveau : et
néanmoins, la douleur étant passée ,
elles oublient leurs protestations :
\)uod accidere universis parturienti-
bus solet , mi/ii plané contigisse vide-
tur , ut dum inlabore quidem versan-
tur se jurent amplius non paraîtras ;
postea veto, extra discrimen positœ,
rursits et concipiunt et pariunt. IVam
quod haud ita pridem Cnntcmplalionem
Analomicam , laboriosissimum par-
fum , exarandam in publicam Studio-
sorum commnditatem curarem ; ac par-
tim quidem immensis laboribus frac-
tas ,parlim prœli difjicultates ac mo-
leslias summas perlœsus , constituas-
sent , ac propemodum apudme dejerds-
sem , non futuram mini ampliits rem
cum typngraphis : posteaqu'am fœtus
jam editus est in lucem , violarejusju-
randum compulsus fui , fabricam
Pharmacopolilereon (ut intérim de
meo Pestilenlis morbi Tract atu, ac
Methodo de Morbo Gallico verba fa-
cere non eurent) duodecim cla&ibus
digestam publiée educavi, ac meo qui-
dem lacté tant diu sustuli , donec hinc
indè se ipsa audacter evnlavit (1). H
ajoute que son zèle pour l'utilité du
public l'obligea à violer son serment :
car il voyait que les fautes que l'on
commettait dans la composition des
remèdes avaient besoin de correction
et qu'il pouvait s'y employer eflicace-
ment. Je ne sais s'il a mis au jour les
(1) Prosper Borgarutiu» , épis! dedl.at. Cbi-
rurgi* magna: André»; Vessalii.
5S(
quatre livres qu'il promettait de 3/ ■,--
borum Puemrum curandi rationc (? )
On ne les marcpie point dans Linde-
musrenovatus, ni dans l'Épitomé de
la bibliothèque de Gesner (3) ni au
Supplément de la même Bibliothèque
ce serait une mauvaise raison de con-
clure cm il n'a point donné cet ou-
vrage ; car ,1 en a fait quelque al,t„.s
dont ces bibliothécaires ne parlent
pas. l
Chacun sait le conte de cette fem-
me , qui faisait les protestations indi-
quées ci-dessus, et qui néanmoins r,e
tut pas plus tôt délivrée, qu'elle de-
manda qu'on éteignît la chandelle bé-
nite tpu brûlait encore sur sa table :
elle pourra me servir une autre fois ,
ajouta-t-elle. On ne peut point ici ap-
pliquer juste ce que disent les Italiens
Passato ilpericolo, gnbbato il santo
qu'on envoie paître le saint quand lé
péril est passé. On sait fort bien les
raisons particulières et indispensables
qui dégagent très-justement de ce que
les femmes auraient juré dans celte
occasion. Il n'en va pas de même des
vœux que l'on fait sur mer pendant
la tempête, et que l'on oublie trop
souvent après qu'on est arrivé au
port.
Il n'y a point d'auteurs aussi sujets
que les poètes à oublier qu'ils ont pro-
mis solennellement de ne faire plus
rien imprimer.
Oh< combien l'homme en inconstant , dipert
i-aible , léger , tenant mal sa parole!
J'avais jure', même en assez beaux vers
De renoncer a tout conte frivole.
Et quand jure? c'en ce qui meTconfo,:.! ■
Depuu deux jour.- f ai/ait celte promesse.
ruts fiez-vous a runeur qui répond
P un seul moment. Dieu ne fit la sagesse
four les cerveaux qui hantent les neuf sœurs.
C'est ainsi que parle l'ingénieux la
l'ontaine au commencement de l'un
de ses contes (j). M. Ménage a fait
deux chapitres (5) pour prouver que
les poètes , après avoir jure de ne faire
plus de vers , ne laissent pas d'en faire
encore (6).
fa) Idem , ,bid. , sub fin.
('•} Ou on le nomme Borgiralios. au lieu de
Borgarulm..
(4) La Fontaine, au conte de la CIocueKe
loin. /, pag. igj.
(5) Dans /'Anti-Baiilct, ckap. CXXIIJ ,i
suiv.
(S) f'ojet l'Index de f Anti-Bïillet . an mot
Poètes.
532 BORRHAUS.
h Pans le manuscrit mjs en pnS0I1 par i'OJ^n
de la Grande Chirurgie de f^esalius...
et le fit imprimer à fenise, l année
i56g, in-80.] Il le corrigea, et digé-
ra , et en fit en quelque manière son
propre ouvrage, comme il le marqué
dans le titre,
Andréa- restalii . Bmxellensis , Philippi IJis-
paniarum régis Medici , Chirurgia magna ,
in septem libros digeslti , In qud riihiï ié-
sidctaripctesl , rjuod ad perfeclam alque
intégrant , de cur.indis humani corpoiis ma-
lit, Methodum pertinent. Ah excellentissimo
Philosopho , ac Ifledico regio Pros^ero
Bûrgarctio recogniutj emendata , ac in /«-
cem édita. Formas etiam instrumenlorum ,
ibus Chirurgi utunlur , hit in librtt ap-
descriplœ tunt. Veneliis, ex ojffîcinâ
isiand, i5<X).
BORRHAUS (Martin), profes-
seur en théologie àBâle, fut pre-
mièrement connu sous le nom de
du
qui
primé
prince , et il ne laissa pas de fai-
re beaucoup de livres pour sou-
tenir ses erreurs (/). Mais quand
il eut vu que sa secte recevait de
jour en jour de grands échecs ,
et que l'espérance qu'elle avait
donnée du renouvellement de
toutes choses se trouvait trom-
peuse , il se convertit , et se re-
tira à Bâle l'an 1 536 (g). Il quit-
ta non-seulement l'anabaptisme,
mais aussi le nom de Cellarius ,
et se fit nommer Borrhaùs. 11 se
maria , et s'appliqua quelque
temps à un métier pour gagner
. sa vie ( h ). Enfin il fut agrégé
Cellarius. Il était né à Stuttgard, au nombre des professeurs de l'a-
aupaysdeWittemberg, l'an 1499 cadémie, et il enseigna premiè-
(à) , et il fut disciple de Capnion
{b). Il reçut à Heidelberg le de-
gré de maître en philosophie (c);
et puis s'en étant allé à Wittém-
berg , il y acquit l'amitié de Mé-
lanclithon , avec qui il avait déjà
eu quelque habitude à Tubinge
(d). Comme il ne manquait ni
d'esprit, ni de savoir, il trouva
beaucoup de disciples à instrui- ail7"a"rdo addixit. Hoorn., s
re, et il gagnait à cela bien de T^ c, r .
,, ' D„° n 10 Uooro. , i>umma Controv., pag. 356.
1 argent. Le tut par la recom-
mandation de Mélanchthon, qu'il
fut admis à cet emploi. Il se lais-
sa misérablement séduire par
Stubner, l'un des premiers fon-
dateurs de l'anabaptisme , 'et il
travailla avec beaucoup de cha-
leur à établir cette secte (e). Il
eut une conférence avec Luther,
l'an i522 (A), et y fit paraître
un grand fanatisme. Étant allé
en Prusse , l'an i525, il y fut
rement la rhétorique , et puis la
théologie. 11 fit des livres (B) ,
et mourut de peste à Bàle , l'an
1 564 (*)•
4?
(/) Camerar., in Vitâ Melancht. , pag.
_ '#•) Hoorobeek , Summa controv., pag.
355. Voyez aussi Camerarius , in Vitâ Me-
lanctlion. , pag. 48.
(h) Victus causa fenestrario opi/îcio se
"umma Conlrov.
(it)Konig., BiM. pag. 126.
[b) Fridéric Spaaliémius, de Origiue et
Progressif Anuliapt. , num. 2.
(c) Hoorn., Summa Controvers. , p. 356.
(cl) Camerar. , in Vitâ Melanrlit., pag. 48.
(e) Eoc eodem , ibid. , pag. 47, 4^-
(A) // eut une conférence avec Lu-
ther l'an i522.] Les premières fureurs
de l'anabaptisme éclatèrent à Zwic-
caw , où Nicolas Storch , Marc Stub-
ner, et Thomas Munzer, s'érigèrent
en prophètes , et se vantèrent d'avoir
avec Dieu beaucoup d'entretiens. Ils
s'attirèrent par-là un grand nombre
d'auditeurs: carils promettaient qu'on
verrait bientôt le nouveau règne du
Messie. Pendant ce temps-là , Luther
se tenait caché : il ne laissa pas d'ap-
prendre la levée de bouclier de ces
fanatiques, et les "progrès qu'ils fai-
saient à Wittemberg , où ils avaient
même un peu ébranlé Mélanclitlion
(1). Pour ce qui est de notre Cellarius,
(0 ^oyexSëckendorf, Histor. Lmiieran. , lib.
BORRI.
583
3s Te gagnèrent entièrement : il devint
aussi zélé qu'aucun d'eux. Non paucoà
in suam sententinm perduccbat ( Mar-
dis Stubnerius) quorum caput fuit
Martirtus Cellarius, qui istis pèrtina-
cissimè 'lui snnè adhœsit , et causant
hanc egit atque défendit (2). Lather,
sortant de sa retraite, arriva à Wit-
temberg au mois de mai's 1D22, et
arrêta par ses sermons les progrès de
complexus : Increpet te Deus , Satana.
Post hœc plus verborum faciendum
Lulherus non putatif, et minantes glo-
rinntesque ens dimisit, ac nescio quid
pollicentes de mirnbilibus effectioni-
bus , quibus prnùalnri sua essent, cum
hoc modo dixisset: Is Deus qupni ego
veneroret colo, facile vestra numiua,
ne <piid taie elliciatur , coè'rcebit; ro
die oppido illi excesserunl , et Client-
ces gens-là. Leurs disciples mêmes l'é- bcrgo distante passibus amphhs milli
coûtèrent avec beaucoup de vénéra-
tion ; mais dès que Stubner , qui était
sorti de Wïttettiberg pour quelque af-
faire , y fut revenu , ils s'attachèrent
à lui comme auparavant, et l'encou-
ragèrent à soutenir ses opinions. Cel-
larius l'y exh nta principalement (3).
Stubner demanda à conférer avec Lu-
ther , et obtint cntin jour et heure
pour cela : il se rendit à l'assignation,
accompagné de Cellarius et d'un autre.
Luther n'avait avec lui que Mélanch-
thon. Vous allez voir dans le passage
latin que je rapporte, que Cellarius
fit paraître plus d'emportement que
Stubner, et comment ces fanatiques
sortirent de Wittemberg ce jour-là
même, pour se retirer à Chemberg,
d'où ils écrivirent à Luther une lettre
pleine de malédictions. Audii'it Lu-
iherus placide narranlem Marcum sua.
Cum dicendi finem fecisset , nihil con-
tra illa adeo absurda etfutilia disse-
rendumratus Lutherus , hoc modo mo-
nuit ■ vidèrent quid agerent. JSih.il
eorum quœ commémorassent , sacris
litteris niti, comme ntaque esse cogita-
tionum curiosarum aut eliâm fallut is
et fraudulenli spirttiis déliras et perni-
bus quinque literas plenas malediclis
et execrationibus ad Lutherum mise-
runt (4).
(B) IL fit <les Hures. ] 11 publia des
J\otes sur la Politique il' Aristote ,
l'an i545$ un Commentaire sur la
Rhétorique du même Aristote , l'an
i55i , un Commentaire sur le Penla-
leuque , l'an 1 55^ ; un sur Esaïe et
sur V Apocalypse , l'an i5Gi ; un sur
Job et sur CEcclésiasle , l'an 1 564-
Je n ai point vu ce qu'il a fait sur la
Logique et sur les Mathématiques (5) ,
ni Boa Commentaire sur le litre des
Juges et sur le livre des Rois '6).Konig
lui donue un ouvrage de philosophie,
divisé en trois livres, de Censura veri
etfalsi (7).
(4) Camerarius, in Vità Mclancblboo. , pag.
Si, 52.
(5) Prteler scripta togica ri malhematica ,
libris ahqiwt commentants in Velus Teslamen-
lum se ecclenœ Dei commendavit. Spanlitmiu- ,
tir Orif. fel l'rogr. Analiapt. , num. i.
(C>) Iloornbeelt , Sumrua Controver*. , pag.
356, en fuit mention
(-) Konl.;, m liiblioth. vtt. el no\ à , pag. 126.
RORRI (Joseph-Fkavçois), en
"eufsas subjeciiones. Ibi Cellarius et latin BtarhuS , fameUK chimiste,
t>oce et gestibus vesams , cum et solum charlatan, ethéréliqucduXV IIe.
pedibus et proposilam mensulam ma- si;,cie^tajt Milanais (a). Il adw-
nibus feriret , exclamare cl indignait ,
MHSiith esse Lutherum suspicari taie ali-
quid de dunno homine. Al Matou
paulb sedatior , ut scias, inquit , Lu-
there , me spiritu Dei prœditum esse ,
ego , quid in animo luo conceperis ,
sum indicatui us , idque est : Te inci-
pere inclinari ad hœc ut mram doc-
trinam veram esse credas. ('uni Lu-
therus . ut ipse posteà dixit, islam, de-
ditd Opéra sententiam cogitando esset
(2) Camerarius, in Vità Mflancblhoo. , pag.
<-■ . . ,
(3) T nazie omnibus maxime et ardenlisstmt
"i/. Cellarius. Camerarius , in Vità Melaocb-
tbonii, pag. 5o.
va ses études dans le séminaire
de Rome (A) , oii les jésuites l'ad-
mirèrent comme un prodige , à
cause de sa mémoire et de sa ra-
pacité. Il s'attacha ensuite à la
cour de Rome, et ne laissa pas
d'approfondir plusieurs seCrctS
de chimie. Il donna dans les dé-
bauches les plus elFrénées , et se
trouva obligé l'an i654 à se ré-
(a) Voyez ti-dessons la Un de la
nu:\)
584 BORRI.
fugier dans une église. Peu après d'une façon très-particulière par
il fit le dévot, et sema clandes- Michel l'archange; il avait déjà
tinement des discours de vision- reçu du ciel une épée sur la poi-
naire (B). Il communiquait à ses gnée de laquelle se voyait l'ima-
confidens les révélations qu'il se ge des sept intelligences ; et on
vantait d'avoir eues; mais voyant, tuerait le pape même, s'il n'a-
après la mort d'Innocent X, que vait pas sur son front la marque
le nouveau pape Alexandre VII requise. Je laisse là le détail des
renouvela les tribunaux, et fit autres visions (c) , pour dire
prendregardedeplusprèsàtoules quelque chose des nouveaux dog-
choses , il n'espéra point d'avoir mes du cavalier Borri. Il en-
le temps nécessaire pour aug- sognait , entre autres choses ,
menter le nombre de ses disciples, que la Sainte-Vierge était une
autant que son dessein Je deman- véritable déesse , et proprement
dait : ainsi il sortit de Rome , et le Saint-Esprit incarné ; car il
s'en retourna à Milan. 1! y fit disait qu'elle était née de sainte
le dévot , et s'accrédita parce Anne , tout comme Jésus-Christ
moyen auprès de plusieurs per- était né d'elle. II l'appelait la
sonnes , auxquelles il faisait faire fille unique de Dieu conçue par
certains exercices de piété , qui inspiration, et faisait ajouter cela
avaient une grande apparence de à la messe, lorsque les prêtres
vie spirituelle. Il engageait les ses sectateurs la célébraient (d).
membres de sa nouvelle congre- Il disait qu'elle était présente ,
gation à lui jurer le secret; et quant à son humanité , au sacre-
quand il les vit affermis dans la ment de l'eucharistie, et allé-
croyance de sa mission extraor- guait certains passages de l'Écri-
dinaire , il leur dicta certains ture , pour le soutien de ses dog-
vceux , par la suggestion de son mes II s'avisa même de dicter à
ange , leur disait-il. L'un de ces ses disciples un traité sursonsys-
vœux était celui de la pauvreté , tème (C). J'ai déjà dit qu'il se
en exécution duquel il se faisait vantait d'avoir bonne part aux
consigner l'argent que chacun révélations célestes : c'est par
avait. Le cinquième de ces vœux cette voie qu'il avait appris que
lesengageait à un zèle très-ardent saint Paul lui communiquait la
pour la sainte propagation du même puissance que Dieu confé-
règne de Dieu. Ce devait être le ra à cet apôtre pour censurer la
règne du Très-Haut , le règne conduite de saint Pierre. Il se
d'un seul troupeau, selon le jar- vantait de communiquer aux au-
gon de cette nouvelle secte {b). très le don d'illumination pour
Borri devait être le capitaine gé- l'intelligence des mystères , et il
néral des troupe» qui réduiraient se servait de l'imposition des
tout le genre humain à une me- mains, en priant la Trinité de re-
me bergerie; il serait assisté cevoir le novice dans la religion
des évangéliques nationaux (e).
{b) Quanto si doveva fare nello spazio di
poc/i' anni col suo imaginario regno dell' (c) Voyez les remarques,
allissimo ed <l suo solo CWs. Vitâ delcavagl- {d; Voyez la remarque (C) , à lajin.
Horri , pag. 34/. (e) Coll' importe loro lutte due le mani
BORRI. 585
Son dessein était, en cas qu'il La chance tourna : on vit Laisser
se trouvât assisté d'un assez sa réputation , soit que ses mi-
grand nombre de sectateurs , de racles ne trouvassent plus de
se produire sur la grande place foi , soit que sa foi ne pût faire
de Milan, d'y représenter élo- plus de miracles (/"); et une
quenimeiit les abus du gouver- belle nuit , il fit banqueroute , et
Dément ecclésiastique , et du se sauva d'Amsterdam avec plu-
gouvernement séculier, d'ani- sieurs pierreries, et plusieurs
mer le peuple à la liberté et de sommes d'argent qu'il avait es-
s'assurer ainsi de la ville et du camotées (g). Il se retirai Ham-
pays de Milan, et puis de pousser bourg, où était alors la reine
ses conquêtes le mieux qu'il Christine, se mit sous sa pro-
pourrait. Mais tous ses desseins tecl.ion , et lui persuada de ha-
avortèrent par l'emprisonnement sarder bien de l'argent pour le
de quelques-uns de ses disciples, travail du grand œuvre; ce qui
Il se sauva bien vite , dès qu'il n'aboutit à rien. Il passa ensuite
eut su celte première démar- à Coppenhagen , et inspira une
che de l'inquisition , et n'eut forte envie à sa majesté danoise-
garde de comparaître aux ajour- de faire chercher la pierre phi—
nemens de ce redoutable tribu- losophale. Il acquit par ce moyen
nal. Son procès lui fut fait par les bonnes grâces de ce prince,
contumace en i65c) et 1660 : il jusques à devenir très-odieux à
fut condamné comme hérétique tous les grands du royaume. Im-
et son effigie fut brûlée à Rome, médiatement après la mort de
avec ses écrits , au Champ de ce roi , auquel il avait fait faire
Flore, par la main du bourreau, inutilement des dépenses in fi—
le 3 de janvier 1661 (D). Il s'était nies, il sortit de Danemarck ,
arrêté quelque temps dans la crainte d'y être mis en prison ,
ville de Strasbourg, et y avait et résolut de s'en aller en Tur-
trouvé du support et de l'appui , quie (h)- Etant arrivé sur les
tant en qualité de persécuté de frontières, au temps que l'on
l'inquisition, qu'en qualité de découvrit la conspiration de Na-
graud chimiste : mais il lui fal- dasti , de Serin , et de Frangi-
lut un plus grand théâtre. Il le pani , on le prit à Goldingen
chercha en Hollande l'an 1661 , pour un des complices : c'est
et le trouva à Amsterdam. Il y pourquoi le seigneur du lieu
fit un grand bruit : on allait à le fit prier de venir loger chez
lui comme au médecin univer- lui, et s'assura de sa personne ;
sel de toutes sortes de mala- et ayant su que son prisonnier
dies. Il y parut en magnifique
pmiin-im» • il sp fiUiit tnitpr (./) Comindando a mancare i miracoli
équipage . 11 se taisait traiter aWt ma fedc^ olafedea suoi ,„ ,
d'excellence ; on parlait de le ma- Vita dtl Boni , pag. 372.
rier aux plus grands partis, etc. f Sl ne/ûggldi twttecancadi gemma
10 l e danari alla somma di put ai docleci mita
du p pie. Ibid.
sovra il capo invocando la santissima triade {h, On a oublie dans le livre dont cri ur-
njjinclie gradisse d'accetlarli nclla religione ticleest extrait, rie parler du voyage de Bor-
de nazionalisti Vangelici. Yiu del Burn , n a la • our de Saxe Voyez U Journal de
pag 35t. Leipsick de 1688, pag. 5ï>7.
5S6 BORRI.
s'appelait Joseph François Borri, Monconis en a pensé (K). M
il envoya ce nom a sa majesté
impériale, afin qu'on vît si cet
homme était du nombre des
conjurés. Le nonce du pape
Frischman , résident de France à
Strasbourg , a fait un écrit qui
mérite d'être lu touchant le sieur
Borri (L). Le supplément du
is peu
il
avait audience de l'empereur , Voyage de M. Burnet n'est pas
justement lorsque la lettre du exact sur ce chapitre (M). La
comte de Goldingen fut apportée, gazette flamande d'Utrecht , du
Il n'eut pas plus tôt ouï le nom y de septembre i6<)5 , annonça
de Borri , qu'il demanda au nom que Borri , âgé de soixante etdix-
du pape que ce prisonnier lui neuf ans , était mort depuis
fût livré. L'empereur, y ayant au château Saint-Ange*,
consenti , fit venir à Vienne le
chevalier Borri , lui obtint pro-
messe du pape qu'on ne le ferait
point, mourir, et l'envoya à Ro-
me , où il fut condamné à passer
toute sa vie dans les prisons de
l'inquisition, et à faire amende
honorable (E). Quelques années
après , il obtint la liberté de sor-
tir, pour traiter le duc d'Étrée,
que tous les médecins comptaient
déjà pour perdu , et il le guérit :
ce qui fit dire qu'un hérésiarque
avait fait un grand miracle dans
Rome (F). Le duc obtint qu'on
le changerait de prison, et qu'on
l'enverrait au château Saint-
Ange. Le bruit a couru depuis
ce temps-là qu'on lui permet-
tait de sortir deux fois la semai-
ne , et de se promener par la
ville avec des gardes (i) (G). On
imprima à Genève, en 1681 ,
quelques écrits qu'on lui attribue
(H). On verra dans les remar-
ques ce que Sorbière pensait
de ce personnage (I). Ce sera un ptarait le dérèglement des mœurs qui
assez curieux supplément de cet régnait à Rome, et il assura que la
article. J'indiquerai aussi ce que
existe un Précis de la vie de Joseph-
François Bcri par HP. I. D. B. , 1786, in-12
de 32 pages. On y fait mourir Borri en sep-
tembre 169b.
(A) // acheva ses études dans le
séminaire de Rome, ] L'auteur de sa
Vie omet ici une circonstance qui mé-
ritait bien d'être rapportée. Je la
donnerai selon les termes d'un mé-
moire qui m'est venu de la part de
M. Baudrand le géographe. « Borri
» étant dans le séminaire des jésuites
» y excita contre eux une sédition, et
» s'enferma avec les autres durant.
» trois jours , en sorte qu'il fallut
» faire venir le barigel ou grand pre-
» vôt avec ses archers , pour réduire
» à la raison ces écoliers avec Borri ,
» qui , en iG53 , fut secrétaire du
» marquis Mirogli , résident de l'ar-
» chiduc d'Inspruck à Rome , où je le
» \is alors , ainsi qu'en iG5^ ; mais
» on ne parlait pas de ses hérésies ,
» et en l'an iG55 il s'en alla à 1ns-
» pruck , et puis à Milan. » Voilà des
faits qui s'accordent peu avec la Vie
imprimée de ce cavalier.
(B) Après avoir donné dans les dé-
bauches les plus effrénées , il fit le
dévot, et sema clandestinement des
discours de visionnaire.} Affectant les.
apparences d'un grand zèle , il dé-
(1) Tiré d'un livre intitulé Brève Relazione
délia Vita del cavagliere Gioseppe Francesco
Boni Milauese, imprime à Genève ( le titre
porte in Colonia , appo Pietro del Martello ).
en 16S1. avec un autre traite çui a pour
titre la Cliiave del Gubinetlo del cavagliere
Gioseppe Francesco Boni.
maladie était venue à son comble , et
que le temps de la guérison appro-
chait : temps heureux, auquel il n'y
aurait sur la terre qu'un seul bercail ,
dont le pape serait l'unique berger.
« Quiconque refusera, disait-il, d'en-
» trer dans cette unique bergerie se-
» ra détruit par les armées papales.
» Dieu m'a prédestiné pour être le
BORRI.
5Sç
généra] de ces armées. Je suis as- Saint-Esprit , à cause de la dispro-
sUTe que rien ne leur manquera : portion des natures (2). J'ai dit dan-
j'achèverai bientôt mes travaux le corps de cet article , qu'il la nom
chimiques , par l'heureuse produc- niait la fille unique de Dieu : je m'en
tion de la pierre philosopnale; et vais citer mon auteur. Chiamava la
par ce moyen j'aurai autant d'or Vergine , sagratissima Dca, ed unis-
qu'il en faudra. Je suis assuré du pirata fïglia dell' altissimo , e da
secours des anges , et particulière- que' Sacerdoti suoi sciocchi sieguaci
ment de celuide Michel l'archân- faceva aggiugnere al canone delta
ge. Lorsque je commençai de mar- Messa la parole Uninspikata filia (3).
(D) Son effigie fut brûlée à Ro-
» cher dans la vie spirituelle , j'eus
» une vision de nuit , accompagnée
1 d'une voix angéliqnc:, qui m assura
» que je deviendrais prophète : le si-
/> gne qui m'en fut donné fut une
» palme qui m'apparut toute entou-
1 u;e des lumières du paradis (1). »
Il se vanta que l'archange saint Mi-
chel avait pris poste dans son cœur ,
et que les anges venaient par trou-
pes lui révéler les secrets célestes ,
et ce qui se passait dans le conclave
d'Alexandre VII. Je ne rapporte
qu'une petite partie de ses chimères :
cela peut suffire pour faire juger du
total.
(C) II s'avisa de dicter a ses disci-
ples un traité sur son système. ] 11 le
retira d'entre leurs mains, quand il
commença de connaître que l'inqui-
sition avait ouï dire quelque chose de
leurs assemblées nocturnes , et cacha
lous ses cahiers dans un monastère
de tilles. C'est de là qu'ils tombèrent
entre les mains de l'inquisition : on y
trouva des doctrines tout-à-fait extra-
vagantes , comme, que le fils de
Dieu , par un principe d'ambition ,
et pour devenir égal à son père , le
poussait h créer des êtres : que la chute
de Lucifer était venue du refus qu'il
a>'ail fait d'adorer en idée Jr.sus-
Christ et la Sainte- Vierge ; que les
anges qui adhèrent à Lucifer , non
par délibération , mais par désir seu-
l ment . sont ilemeurés dans les airs ;
Dieu se servit du ministère des
anges rebelles , pour la création des
1 ! "liens et des animaux ; que l timi-
des bêles est une production , ou plu-
tôt une émanation de la substance des
mauvais anges , et que cest pour cela
fie fie est mortelle : que la Sainte-
f'terge était sortie condéiftée du sein
île la nature divine, et qu'autrement
elle n'aurait pu devenir l'épouse du
1 OU apparuce una palma circondala >To-
gniintàrho, da litmiparr.di.tali. Yiu (lel caïa-
gl er« Borri , pa§. i\i.
me le 3 de janvier 1661. ] On lui
attribue la même pensée que plu-
sieurs attribuent à Henri Etienne ; c'est
d'avoir dit qu'il n'avait jamais eu
plus de froid que le jour que l'on le
brûla à Rome. De Dominis se servit ,
dit-on, de la même raillerie. Gli per-
venne la nuova che la sua pfjigie era
abbrucciata, e si lasciô intendere , che
non aveva mai avulo tantn freddo
quanto quel giorno , ail' imitazione di
Marco Antonio de Dominis , che dis-
se lo stesso , montre rilrovandosi egii
in Inghillerra si faceva délia sua effi-
gie sitnil' esecuzione (4).
(E) Il fut condamne h passer toute
sa vie dans les prisons de l'inquisi-
tion , et à faire amende honorable. ]
On sera bien aise de trouver ici plus au
longce que j'ai tourhéen grostouchant
la peine qui fut infligée au cheva-
lier Borri. Il « fut condamné le der-
» nier dimanche du mois d'octobre
» 1672 de faire une abjuration de ses
» erreurs en l'église de Minerve, pour
» lequel effet on le mena sur un
» ccli.itaud qu'on avait, F&H exprès ,
» où l'une de ses parties , qui était un
» prêtre , lut le procès tout h 1 il ,
» avec sa confession et abjuration.
» La sentence fut prononcée par le
» saint office, lui étant à genoux avec
» un cierge à la main, pendant qn "ii
» Lisait son abjuration ; ce rtu'i
» fait, il se leva , et remercia le sacré
" collège de la douceur dont il avait
» usé envers lui, en ne lui imposant
» point une plus dure punition , qu'il
»> confessait avoir bien méritée. Cela
» se fît en présence d'une infinité <!•
» personnes, qui lurent cuneusi
» voir un homme si fameux , et une
» action si solennelle et si extraordi-
» naire. Jl
était environné
1 1.1 del (
araglierc Eurri . p J.
•
(3) T.'a méine
[ \t la même
pag. 35i.
pag. 3lK).
588
BORRI.
•■» grande quantité d'archers et offi- » Casanatta et Pozzobonelli : sur quoi
» ciers du saint office. Jl y avait aussi » le pape entendant la confirmation
v quantité de prélats, qui y étaient » de cette abjuration, fut si aise,
v présens, avec le sacré collège, et » qu'il donna indulgence plénière de
j> une innombrable multitude d'au- » tous péchés à tous ceux qui étaient
J> très personnes. Ledit sieur Borri ,
n voyant tant d'archers et autres
-» gens de même étoffe autour de lui,
» tomba jusqu'à deux fois en pamoi-
» son. La cérémonie étant achevée ,
» on le ramena en prison , d'où on le
» là présens , car cette cérémonie
•>• dura plus de cinq heures durant
» (8). »
M. Baudrand m'a fait savoir : i°.
qu'il n'est pas vrai que notre Boni ait
'où on le été envoyé à Lorette après son abju-
» mena à Lorette , comme étant un ration ; 2°. que l'inquisition ne pou-
» instrument trop pernicieux en la vait pas le faire mourir, puisqu'il n'é-
» chrétienté, avec ordre exprès de tait point relaps, et qu'il faisait ab-
» lui faire dire tous les jours le credo, juration de ses erreurs à la Minerve
» et toutes les semaines les psaumes devant les cardinaux de la congréga-
» pénilenciels une fois (5)... . On lui tion du saint office. Je souhaite que
» avait aussi ordonné dans sa sen- tous ceux qui voudront copier le Mer-
» tence de communier tous les jours cure hollandais sachent les deux fau-
» une fois, lorsqu'il serait arrivé à tes qu'on m'a indiquées.
» Lorette (6) Devant que de (F) II guérit le duc d'Etrée ; ce qui
» sortir des prisons de l'inquisition , fit dire qu'un hérésiarque avait fait
» il fut visité par plusieurs hommes un grand miracle dans Rome. ] Les
» et femmes , et même des princes , médecins avaient abandonné le ma-
» des princesses, chevaliers, et au- lade : on le comptait donc pour mort ;
» très personnes de qualité. Lorsqu'il on regarda donc sa guérison comme
» sortit de la prison , on le fit passer une résurrection. Sendo ensa slrana
» par une troupe de lanciers du pape, che un eresiarca ablia fa'o un mira-
» qui étaient rangés en haie. Il mon- colo di resuscitar un morto , corne \>e-
» ta sur l'échafaud avec les mains niva creduto da' medici (9).
» liées, eutre lesquelles il avait un (G) On a dit qu'on lui pei mettait de
» cierge ardent , et demeura à ge- sortir deux fois la semaine. . . avec des
?> noux tout le temps qu'on lui pro- gardes.} Je sais de bonne part, que la
» nonça.sa sentence, par laquelle il reine de Suède lenvoyait quelquefois
}> fut condamné à une prison perpé- quérir en carrosse ; mais que depuis
M tuelle , pour avoir été ( ce sont les la mort de cette princesse , il ne sor-
» propres mots de sa sentence ) in- tait plus , et qu'il a fallu même une
3' venteur d'une nouvelle hérésie , et permission expresse du pape, pour lui
31 à porter pour pénitence toute sa parler *. On m'a assuré qu'il n'a point
5> vie l'habit de l'inquisition , avec prétendu être en prison au château
» une croix rouge sur la poitrine , et Saint-Ange ; mais être logé là comme
» une au dos. Il fut fort étonné d'en- dans un grand palais, afin de vaquer
» tendre parler d'une prison perpé- à l'étude , et à des opérations chirni-
» tuelle : mais les inquisiteurs le con- ques , et qu'il a négligé les occasions
» solèrent par cette raison, que si on de s'évader qui se sont quelquefois
» n eût trouvé cet expédient favora- offertes.
« ble pour lui, on lui aurait assuré- Notez que M. Masclari , ayant lu ce
» ment ôté la vie , et qu'on lui fai- que je viens dédire, me fit savoir qu au
» sait cette grâce, parce qu'il avait temps qu'il était à Rome(io), il vit plu-
» fait abjuration de ses erreurs il y
3> avait treize ans (3) ; ce qu'il rati-
» fia entre les mains des inquisiteurs
(5) Mercure hollandais de l'année i6'2 , pag.
46a , 464.
(6) Là même , pag. 4<35 , 4'>G.
(7) L'auteur de sa Vie ne fait nulle mention
de cela : il dit nue Borri fut condamne' par con-
(8) Mercure hollandais de 1G71 , pag. 465,
466.
(9) Vita del Borri, pag. 379.
* Sur le témoignage de Wisson , aulenr du
Voyage d'Italie , II , 3l , l'auteur des Observa-
tions insérées dans la Bibliothèque française ,
XXIX, 192 , dit que ce n'était pas uniquement
à la reine Christine que le rnue accordait des
visites de Borri, et qu'on permeltait quelquefois
à Boni de venir dans la ville quand il y a des
lumace , et qu'il s'enfuit de Milan , dis qu'il se malades de qualité- qui désirent en être vil
vit découvert, (10) C'est-à-dire , en 1679 el 1680.
sieurs fois le cavalier Borri , et qu'il
3ait très-bien que ce prisonnier ne pou-
vait descendre que jus</u aune certaine
porte qui est au milieu du degré du
donjon du château Saint- Ange, jus-
qu'où il venait accompagner ceux qui
L- tenaient voir ; qu'il avait un assez
joli appartement , qui consistait en
trois chambres et un laboratoire ; qu'il
fallait avoir un billet du cardinal Ci
bo , ii l'on voulait être admis ; et qu'il
regardait ce château comme une véri-
table pruon pour lai , dont il ne dés-
espérait point que M. le duc d titrée
ne le délivrât. On peut accorder la
différence de ces relations par le Dis-
tingue tempera; et ceux qui savent
le caractère de notre Borri voient
sans peine , qu'après avoir obtenu la
permission de sortir de temps en
temps, il a été capable peut-être de
dire , en grand hâbleur, qu'il n'était
plus prisonnier.
(Il; On imprima a Genève, en i68r,
quelques écrits qu'on lui attribue. J Us
peuvent être réduits à deux, à >Jes
Lettres sur des matières de chimie, et
à des Réflexions politiques. Le pre-
mier de ces deux ouvrages est inti-
tulé : La Chiave del gabinetlo del
cavagliere Gioseppe Francesco Borri
Milanese. 11 contient dix lettres, dont
les deux premières , datées de Cop-
penliagen l'an 1666, ne sont autre
chose en substauce que le Comte île
Gabalis, que AI. 1 abbé de Villars pu-
blia 1 an 1670. Je donne à examiner
aux curieux lequel de ces deux ou-
vrages doit passer pour l'original. Les
autres lettres roulent sur des ques-
tions de chimie , excepté la dernière ;
car on soutieut dans celle-ci l'opinion
de M. Descartes sur l'ihne des bétes.
L'autre traite a pour titre Istruzioni
politiche del cavagliere Gioseppe
Francesco Borri Milanese, date al re
di Danimarca.Ce sont quelques apho-
risme* de politique , accompagnés
d'un assez long commentaire. La Vie
du cavalier Borri apprend qu'il pu-
blia , lorsqu'il demeurait a Stras-
bourg , une lettre qui courut par tout
le monde (1 1). La Bibliothèque des
médecins fait mention de deux de ses
lettres , imprimées à Coppenhagen
(1 1) Stampb la lellera di resliluire l'occhio ad
un cavailo , che corre per lul'.o il mondo. Ni la
«tel cav. Borri, pa£. 070. // .avait fort bien
guérir les maux d'jeujc. Vojei la remarque {H).
lîORRI. 58g
l'an 1669, et adressées à Bartholin ,
l'une de Ortu Cerebri et Usu Medico,
l'autre de Arlificio oculorum humores
reslituendt (11). honig lui attribue un
autre écrit intitulé JVotitia gentis
Burrhorum.
(1) Voici ce que Sorbière pensait de
ce personnage.] ce U me reste seule-
ment à vous dire deux ou trois mots
de ce fameux chevalier Borri , que
j'ai vu à Amsterdam , en cette der-
nière course que j'y ai faite. Vous
voulez savoir comment il est arrivé
qu'il a fait de si loin tant de bruit
à Paris , que des gens de qualité se
sont fait porter en brancard en Hol-
lande, pour être guéris par ce char-
latan ■ et que d'autres g^ns d'esprit
y sont allés tout exprés pour visiter
un si grand homme. Que dirai-je à
cela , monsieur, si ce n'est qu'il est
vrai aujourd'hui , de même qu'il a
été vrai autrefois , que notre pau-
vre humanité pourrait être détinie
par l'inclination au mensonge , et
par la crédulité : Homo est animal
eredulum et mendax ; l'homme est
un animal crédule et menteur, <?i-
AÔMpov £a>ov. Ceux qui ajoutent foi
si aisément aux histoires que Ton
raconte de ces faiseurs de miracles,
tel que Borri a été tenu avant (pa-
le monde en fût détrompé , n'ont pas
manqué sans doute d'écouter atten-
tivement en leur enfance les contes
de Peau d'Ane; et cela marque un
bon naturel , avec un esprit fort
disciplinaire. J'aurais bien à philo-
sopher là-dessus (i3) 11 an ive,
après que l'on.... -^^t moqué des
médecins ordinaires, que l'on donne
tout à coup une entière croyance
aux promesses d'un charlatan , el
qu'on se laisse piper à sa nouvelle
méthode, quoiqu'il ne débite que
les mêmes denrées. Celui dont je
vous veux faire la peinture esl
un grand garçon noireau , d'assi /.
bonne façon, qui va bien vêtu,
et qui fait quelque dépense. I le
> n'est pourtaut pas telle qu'on se
L'imagine, et quon l'exagère j car
> huit ou dix mille livres peuvent
(ia) MercLlinus , in Linilenio renovato , pag.
289, an mot r'ranciscus Jo-iubiis liurrbus. Le
Journal des Sa\ ans du 1 septembre 1660 parle
amplement de ces Jiur lettres.
(i3) Sorbière, Relation d'un Voya;r c.-. An-
gleterre, pag. 1 >ï
59o BORRI.
> aller bien loin à Amsterdam. Mais u et comme si sa de'votion se fût pi-
une maison de quinze mille e'cus » que'e d'honorer la Sainte- Vierge au
achetée en un bel endroit, cinq ou » delà de ce que l'église l'ordonne , il
six estafiers, un habit à la française, » s'avança de dire qu'elle était une
quelque collation aux dames, 1ère- » quatrième personne delà divinité,
fus de quelque argent , cinq ou six » H en fut recherché par l'inquisition,
richedaîes distribuées en temps et » et condamné au feu par contumace!
lieu à des pauvres gens, quelque » Il passa à Inspruck (16), où le feu
insolence de discours, et tels autres » archiduc devint la première de ses
artifices, ont fait dire à des per- » dupes. Et, par son moyen, conti-
sonnes crédules, ou qui eussent bien » nuant sa route en Hollande, il se
voulu que cela fût, qu'il donnait » fixa à Amsterdam, comme en un
des poignées de diamans, qu'il fai- » pays propre à faire sonner haut la
sait le grand œuvre, et qu'il avait » persécution qu'on lui faisait à Rome;
la médecine universelle (i4)- Le fin » et où il trouverait des bourses on-
de tout cela est que le sieur boni » vertes pour de grandes avances à
est un fin matois, fils d'un habile >, recouvrer sur le lucre qu'il ferait es-
médecin de Milan (i5) , qui lui a » pérer. Il s'est mis là à faire l'homme
laissé quelque bien 5 mais il y a ajou- » d'importance. Il a acquis du crê-
te celui qui lui vient par l'industrie » dit au commencement parmi cette
que je vais vous représenter. Comme » bourgeoisie; et il s'y est maintenu
il ne manque pas d'esprit , avec un „ quelque temps, par l'appui d'un
peu d'étude il a su gagner celui de » vieux bourgmestre, qu'il a refo-
quclques princes, qui ont fourni à » cillé avec ses eaux cordiales, jus-
l'appointement sur l'espérance qu'il „ ques à ce que chacun a reconnu sa
leur a donnée de leur communiquer » friponnerie , et s'est moqué de ses
la pierre philosophale , qu'il était „ artifices. Us ne vont tout au plus
sur le point de trouver. Il a sans „ qu'à trouver le moyen de mettre eu
doute quelque habileté , ou quelque » pratique impunément quelque bil-
routine aux préparations chimiques, „ îonnage, ou àquelque altération de
quelque adresse pour la métallique, « métaux, qui n'est pas encore bien
quelque imitation des perles et des » découverte; car pour ses cures des
pierreries , et peut-être quelques re- >, malades, on ne s'en prévaut non
medes purgatifs ou stomachiques , » plus là où il est, qu'en cette ville on
qui d'ordinaire sont fort généraux ; » se prévaut des remèdes d'un célèbre
comme c'est de cette région que ); faiseur d'affiches , qui a presqu'au-
viennent la plupart des maladies. „ tant de réputation au pays de Liège
Par ce leurre, il s'est insinué auprès » et en Hollande, que Borri en a à
de ceux dont il a eu besoin , et il y >, Paris (17) ... Quelques-uns ont vou-
a eu des marchands, aussi-bien que » lu dire , que Borri s'était trouvé à
des princes, qui ont donné dans le » la peste de Naples, et qu'ayant un
panneau. Témoin une promesse de „ excellent préservatif, il était entré
deux cent mille livres qu'il avait „ dans les maisons pestiférées , aban-
faite à un certain Demers, qui avait » données parl'infection etla mortali-
fourni à ses dépenses, et pour la- » té ; et que là, il n'avait pas mal fait
quelle des héritiers de ce marchand „ ses affaires. Je ne sais cequi en est. »
sont en procès avec le spagirique ; H y a deux choses à remarquer sur ce
carie galant homme l'aconçue d'une récit de Sorbière. i°. L'un est, que
manière si bizarre , qu'on n'y cora- l'auteur de la Vie de Borri ne marque
prend rien. Ce fourbe, pour se met- point qu'il fût fils d'un médecin, et
tre en crédit , et faire parler de soi , insinue le contraire. JYacque in Mila-
prétendit d'abord à se rendre héré- no, dit-il, Jiglio del signor Branda
siarque. Il avait ouï dire que les mé- Boni , difamiglia antica délia citta
decins étaient soupçonnés de ne pas dLMilano. Il ajoute que le cavalier
croire assez; c'est pourquoi il fit Borri se vante d'être descendu de Bur-
semblantde croire plus qu'il ne faut: rhus, gouverneur de Néron. 20. L'autre
(,4) Sorbière , Relation d'un Voyage en An- est que le même auteur raconte que
glelerrc, pag. i58. (16) X.'a même , num. II.
(i5) Voyei lafir. de celle remarque, num. I. (17) Jà même, pag. it>3.
BORRI. 5(JI
Boni, en se retirant d'Italie , passa en (L) M. Frischman a fait un écrit
Suisse , et de là à Strasbourg, à Am- gui mérite d'être lu louûiant Barri. "I
sterdam, à Hambourg, etc., évitant les En voici le titre, Monumentum in.
pays des catholiques. Il Bnrri , di!-il tandem genlis Burrhorurn, Calend.
(18) , uscito d'italia , e passati li m.on- Jan. MDCLX. Francisco Joseph,»
ti con quella frelta che ricercava il suo Burrho medico halo structum. Les
seampo se ne passa neli Elvezia, , .1 quatre lettres F. R. C. R. , qui dési-
indi ad Argentina, fuggendo a plu Client le nom de l'auteur, signifient
potere ilpassare per paesi catolici. Il ne Frischmuiinus Itegis Christianissinti
laisse pas d'être vrai que Bon i a distil- Besidens. Celui qui m'apprend cela ,
lé avec l'archiduc. Voyez Monconis, indique de cette sorte la matière de
lie *:_ ./„ /_/ __i _• :» . /_ i-» -i / ^.
11''. partie, pages i4q, 4°4
(K) El ce que Monconis en a
ipporlé. ] 11 le vit à la Haye , Tau
cet écrit : In quo , dit-il (i3), potens
arlifex plantas in cincres , éarumdem
ancres ad candern pristinam speciem,
■nis benejicio rite suppositi balneo
i(i63, et lui entendit dire diverses ignis benejicio rite suppositi balneo
choses sur des secrets de chimie. On Mariœ deducens , Bomœ ut fama
en voit le précis dans la Relation de sed incerta est., s imitent suant ira./.fi-
ses Voyages (19). Borri était déjà mal ytvtTÎa.y , quœ est combustorant è ci-
iaos ses affaires : il craignait ses en- nenbus resurrectio , expeclans , lau-
■•< mis , et se défiait de ses plus qjffi- dalu* est. On nous renvoie à Tulde-
dés et parlait de se retirer en Tur- nus, qui rapporte les procédures de
quie(io). Il lui était indifférent , di- l'inquisition contre Borri , c'est-à-dire,
sait-il , qu'on le crût docte ou igno- les procédures de l'an 1659 et '66o.
rant ; et par la même indifférence , il (AI) Le Supplément du foyage de
ne se mettait point eu peine de justi- M. Burnet nest pas exact sur son
îer la vérité de sa croyance (31) : il chapitre."] On a nommé Supplément
ajoutait qu'on ne pouvait être bon de ce Voyage , trois lettres louchant
philosophe , sans être bon chrétien, l'état présent d'Italie , qui furent tra-
Commeje lui dis , c'est Monconis qui duites de l'anglais , et publiées à Am-
parle , qu'on l'accusait d'avoir dit que sterdam , en l'année 1688. On y conte
le Saint-Esprit s'était incarné dans la SUO Burrhi (car c'est ainsi (pie le tra-
Piergc , et que son écuyer eût répon- ducteur le nomme ) , est un gentil-
,lu , Pourquoi est-ce que l'on l'accu- homme du Milanais, qui avait de pa-
saitd'une chose dont on navaitjamais trimoine environ 8000 écus de rente
eu de preuve , ne pouvant pas montrer (a4). Il voyagea en sa jeunesse, et étant
aucun de ses écrits où il y eût de ces de retour'à Milan , il y tint des con-
choses ? il répondit Si bene dans un férences sur la nouvelle philosophie
que le pape avait eu , qui était le seul et sur la chimie. 11 fut mis à l'inqui-
qni par hasard était resté lorsqu'il sition; mais, comme on ne put rien
avait bnilé tons les autres ; que lou- prouver contre lui , on le relâcha fa5).
chant aux choses surnaturelles , il ne II s'en alla en Allemagne et en Hollan-
lui devait jamais arriver de malheur de. L'inquisition fit des plaintes de
dont il ne fut averti par une étoile , lui a l'empereur, il fut arrêté à Vit n-
qui paraissait devant lui quand même ne, et puis après renvoyé en Italie. On
i1 fermait les yeux. Voyez dans la pa- l'accusa d'opinions étranges , qui Ju-
ge iq5 delà même Relation les contes rent toutes prouvées contre lui , qttoi-
nil i^r\ fîf •'» \Ir\n*..-.ni c c.ir. 1.™ C U '. . ,...'.'/ ....... » .. ~..'.'/ ..'.. _ 1 ■ .
au on tit à Monconis sur les fourberie.,
u sieur Borri, et dans la 1^8 une cure
admirable d'ceil. Le peintre Otho ap-
prit à Alonconis, que Borri l'avait par-
faitement guéri d'un cancer qu'il avait
dans l'œil , qui lui ôtait la vue et l'em-
pêchait de travailler , que tous les mé-
decins tenaient incurable (22).
(18) Vita del Borri , pag. 368.
(iftj Moaconis , Voyages, IIe. partie, pag.
i35, 1Ï3, 145, i4'j, 145 , ne. . édition de Zjon.
'20) La même, pa^. 144 , 145.
(21) L.'a même, pag. 147.
' ■-■->) l.a même, pag. i-%.
au il proteste qu'il n'y a jamais pensé
(iG), et il fut oblige d'en faire abjura
(lî) Decklicrrus , de Script. AJe<pot. , pag.
l3i.
04) ^"g- >4° tt suivantes.
(îâ) S'il eût été pn< et juge' présent par F in-
quisition , l'auteur italien ,1e ta Via ne dirait
pa. qu'il se sauva, et qu'on le cita; et que,
cuti, me il ne comparut point, un le condamna
par contumace.
(?'•) Cependant , il ne nia point à Moncom* ,
qu'il n'eut enseigné l'Incarnation du SalnteEs-
P-u dans la Sainte- f'ierge. Vojrt* lu remarque
(K) , vers lajin.
592 BORRICHIUS.
tion en l'an 1668 (37). Il fui condamné Coppenhagen
à une prison perpétuelle. De ces 8000
tlcus par an , ou ne lui en laisse que
3ooo (28); car les bons pères ont eu
la charité d'en retenir 5ooo pour eux :
et ces 3ooo sont tellement rognés par
ceux par les mains de qui cet aigmt
passe, qu'il n'en touche pas i5oo tous
les ans. L'auteur des trois lettres s'i-
magine , que tout le fondement des
hérésies de Boni est d'avoir parlé des
choses de la religion dans le jargon
mystérieux et inintelligible de certains
chimistes. Je connais des gens qui
croient que Borri a prétendu expli-
quer la Trinité, l'Incarnation , etc. ,
par les principes de la chimie. M. Bau-
drand assure que Borri n'avait que
très-peu de bien de son patrimoine , en
sorte qu'il n'en pouvait pas subsister.
(27) Ce fut en 1672. Voyez ci-dessus la re-
marque (Ë).
(2S) II n'y a nulle apparence que Borri eut
alors tant de patrimoine , ni que V inquisition
lui ail laissé neuf nulle livres de renie.
BORRICHIUS (Olaus), l'un
des plus doctes personnages de
son siècle, était tils d'un minis-
tre luthérien au diocèse de Ripe
dans le Danemarck , et naquit
le 7 d'avril 1626. 11 fut envoyé
à l'académie de Coppenhagen l'an
1644 ? et s'y appliqua à plusieurs
sortes d'étude pendant six ans ;
mais de telle sorte , qu'il donna
ses principaux soins à la médeci-
ne. Il régenta une classe dans le
collège de Coppenhagen , et s'ac-
quitta très-bien de cette fonction ;
car il était infatigable dans
le travail , et ses mœurs étaient
bien réglées. Cela lui acquit
l'estime de Caspar Brochman ,
évêque de Selande , et celle du
chancelier du royaume , et il ob-
tint par leur recommandation un
canonicat à Lunden. 11 refusa le
rectorat de l'école illustre d'Her-
low , qui lui fut offert par M. de
Rosecrantz, après qu'il eut régen-
té quatre années cette classe de
il le refusa, dis-
je , parce qu'il le crut contraire
au dessein qu'il avait formé de
voyager , et de se perfectionner
dans la médecine. 11 commença
de la pratiquer pendant une hor-
rible peste qui fit mourir beau-
coup de gens dans la capitale du
royaume. La contagion étant
cessée , il donna encore un an
aux soins de sa classe ; après
quoi , il prépara toutes choses
pour les voyages qu'il avait des-
sein de faire. Mais il fallut qu'il
les renvoyât à un autre temps;
car M. (ierstorff, premier mi-
nistre d'état , le voulut avoir
dans sa maison comme précep-
teur de ses enfans. Il exerça cet
emploi pendant cinq années , et
ensuite il satisfit son inclination
à voyager : mais , avant que de
partir , il eut l'avantage d'être
désigné professeur en philologie ,
en poésie , en chimie , et en bo-
tanique , dans l'académie de Cop-
penhagen. Il partit au mois de
novembre 1660; et après avoir
vu à Hambourg quelques méde-
cins célèbres, il vint en Hollande,
et s'y arrêta assez long-temps.
Il y fut joint par les fils de
M. Gerslorff(a) , et les prit sous
sa conduite. 11 leur fit voir le
Pays-Bas espagnol, et l'Angle-
terre, et il les mena à Paris, où
il s'arrêta deux ans : leurs tuteurs
les rappelèrent , et cela fut cause
qu'il continua ses voyages avec
plus de liberté. 11 fut promu au
doctorat en médecine à Angers :
il vit les principales villes du
royaume ; et ensuite il passa les
monts , et arriva à Rome au
mois d'octobre it)65. Il y de-
(a) // étail mort depuis le départ de Bor-
BORRICHIUS. fîf)3
meura jusques à la fin de mars suites avec beaucoup de constan
1666; après quoi il fallut songer
au retour : la charge qui lui
avait été conférée dans l'acadé-
ce et de religion , jusques à sa
mort, c'est-à-dire, jusques au
3 d'octobre de la même année.
mie de Coppenhagen demandait Sontestamentfutunepreuvequ'il
la résidence. Il traversa l'Aile- fit un usage très-chrétien des ri-
magne , et arriva en Daneinarck chesses qu'il avait acquises ( d) (C).
au mois d'octobre 1666. Lepro-
c. -. , •. (d) Tire de son Programme iuwlire ,Jeiit
fat de ce long voyage ne pouvait par '3em MuleniuS) professeur « Coppen-
pas être médiocre , puisque Bor- hagen.
richius s'était fait connaître dans t. „ . â
„i •u„ 1 1 „ (A) II s'était fait connaître dans
chaque vil le aux plus savans nom- ,*- ! ... J ,
*■ . c * . „ . chaque ville aux pius savans hom-
mes qui y tussent (A). 11 ht voir mes -j Le rticit je sa vie > fa;t par \ay.
dans l'exercice de sa charge , qu'il même , et inséré au IIe. tome îles Deli-
était très-digne de la remplir : ces des Poètes danois , contient le
laborieux au souverain point, et
rempli d'une grande variété de
connaissances , les livres qu'il
publia le témoignèrent authen-
tiquement (B). Il ne voulut ja-
mais s'engager au mariage : car
il craignit que cela ne diminuât
la liberté de philosopher {b). Il
fut élevé à la charge de conseil-
ler au conseil suprême de justi-
nom de plusieurs de ces savans , el
celui de quelques personnes de qualité
qui témoignèrent leur estime à ce
voyageur. Le marquis de Pianezze le
régala magnifiquement à Turin. Il eut
à Rome quelques audiences du cardi-
nal Pallaviciu , et il fut souvent mande'
par la reine de Suède , qui aimait
beaucoup la chimie. Adhibitus et
quandoque colloquds Cakdinaus Palla-
V1CIN1 , et sœpè accersitus ad disseren-
iliuu cum RtGiNA Christina de arcanio-
ris Chemiœ studio , veritale , expert-
Ce l'an l686,età celle de COn- mentis , quibus lum sacris se Palladia
seiller de la chancellerie royale virago devoverat if).
l'an 1689. Il commença de sen-
tir les attaques de la pierre cette
même année (c) : le mal crût de
jour en jour; et enfin, n'y
voyant plus d'autre remède que
de se faire tailler , il se résolut à
(B) II clait digne de sa charge de
professeur. ... les livres qu'il publia le
témoignèrent authentiquetnent. ] Son
Cnnspectus prœslanliorum Scriptorum
iinguœ latinœ n'est qu'une petite por-
tion d'un gros ouvrage qu'il composa
sur cette matière, et qui se trouve
parmi ses papiers. On a vu ses Cogi-
subir les risques de cette rigou- tattones devants Iinguœ latinœ œtati-
reuse opération le i3 de septem— bus et scripto G.~J. fnssii dr finis
bre 1690. Elle ne réussit point :
la pierre se trouva si grosse et si
dure , qu'il ne fut possible , ni
de l'arracher , ni de la couper. Il
soutint cet accident et toutes ses
(Jb) A conjugio totâ vilà abstinuil . ut eo
phdosopharetur expcditiits. liorricliius in
Vitâ sua. l'oyez la citation suivante.
(c) Tiré de sa Vie, écrite par lui-même ,
et mise au-devant de ses poésies latines, au
II", tom. des Ueliciarum quorundam Poeta-
rum daoorum, recueillies par Fridéric
Rostgaard , et imprimées à Leyde , l'an
1693.
TOME III.
sermonis , et ses Analecta p/iilologica
et Judicium de Leiicis latinis gfoe-
cisque. On a vu aussi son Antiques
Rnntœ Imago , et son traite de Sylla-
barum Quantitale , qu'il intitula Pai-
nassus in nuce. Ayant remarqué qu'il
y a des apothicaires, et même des
médecins , qui prononcent mal les
noms latins des remèdes , il publia un
écrit qui a pour titre , Lin g un Phar-
macopœorum. Ses Dissertations de
Poëlis qrœcis et latinis ne sont pas
le moindre de ses ouvrages. Ayant vu
(1) Vit» BorricVii
Povlaruiu danorum .
tom. // Drliciarum
3:3.
38
594 BORSTEL.
que son Prodrome de Ortu et Pro- studiosis , modestid , virtuie , ac doc-
eressu Chemiœ avait été critiqué par trind conspicuis ; amplum auditorium
Conringius , il en lit une apologie qui varie exnrnatum , ut in hdc palœstrâ
s'intitule, de Hrrmetis , JËgypliorum, commodiiis lacertos movèant juniores
et Chemicorutn , Sapienûd. Il expli- sacris Apollineis dei'oti ; supellex ti-
qua deux fois en public un Cours brariaexquisilœ elegantiœ diwerso stu-
entier de Chimie. Cet ouvrage n'est diorum generi inserviens , cui adhœ-
pas encore imprimé. Son Traité latin rent manuscripta rariora ; cernitur ibi
Dnciiuastice Metallica a été traduit quoque laboralorium chemicum medi-
en allemand , et en danois. Il y a cinam excolentibus profuiunim ; cer-
plusieurs Mémoires Chimiques et Bo- nitur horlus floribus arbonbusque con-
tamines de sa façon daDS les Acta situs , oculis recreandis , animo pas-
J\'ledica Haj'rwnsia. 11 a publié aussi eendo dicatus. Hnc tant sumptuosœ
un livre de Usu indigenarum Planta- structurée domicilium vocari maluit
rum in medicinâ , un Traité de Sont- Collegidm Medicedm , quant ut a suo
no et Sonmifens , un autre de Ca- nomine appellationem haberet , nihii
ba/d characterali , un antre de Cau- enim arroganlice , nihiljasluosi osten-
sis divenitatis Linguarum. Ajoutons tabal tolo vitœ cursu , sed jbrtunâ ae
à cela O'atio jubilea Efangeiica , et felicilale sud summâuius est modestid.
Memoria On Uligeii Va.dii (2) , et Ulrisque tum hujus coUegii incolis ,
Deusingius heaulontimorumenos. Ce tum aliis egestale , œruntnis et imbe-
dernier ouvrage contient quelqueslet- cilli valeludine oppressis , nec non
très satiriques contre Deusingius , où alumnis stholœ Ripensis ingénient pe-
ïl se donna le faux nom de Benediclus cunice summàm atlribuit , quœ résigna-
Blotesandœus , qui est la même ebose lis pnsl obilutn testarnenti lubulis , in
que Benediclus Nudiverius (3) ; car cnilegïo consistoriaLi annuo spatin re-
ilôt signifie en danois nu , et sande servatis , explevit numeritm tngintt
signifie la vérité , comme M. Placcius sex mille et trecentorum Joachimico-
l'observe à la page io5de ses Poeudo- rum (5). Afin qu'on sacbe à quoi se
nyrues. .le laisse les titres de quelques montait son bien , je dirai que dans
autres écrits deBorrichius, que je pour- le partage qu'il en fit entre ses parens
rais copier dans l'ouvrage de M. Mol- et les étudians , etc., il employa pour
lerus que j'ai cité (4) , et où il promet ceux-ci 26,300 écus , et qu'il laissa à
de traitei fort amplement de cet auteur ceux-là 5o, 000 écus (6). Dieu veuille
dans sa Cimbria Lilterala. Je donnerai que cela serve d'exemple à ceux qui
seulement le titre d'un livre postbu- en pourraient faire autant !
me , qui fut imprimé à Coppenhagen ,„_... „ , ., . ,
11 c /}/ ; Hn.-.;,h;, Mii.<nprfiii (5) Tire de son Progamme fuocbrr , a ta
l'an 1697 : ÇHai BomcnuConspectus y383>384 du //c. \ûme des DéUcea des
scriptorum Chemicorum illustrmrum. p0;,n, danois.
(C) // fil un usa^e très-chrétien des (6) Jo.-m. Mollerus , in Hypomnemat. de
richesses qu'il avait acquises. ] lien s"'Pl- IW-.W- 354-
consacra beaucoup au bien des pau- BQRSTEL f ADOLPHE DE), ffeil-
■vres , et a 1 avantage des étudians. ^ , • t » 1
Lisez cela en détail dans le passage tilhomme allemand , a qui bal-
latin que je vais copier. Institua ut et zac a écrit des lettres , et donne
sufficerei juventuti academiece neces- je „ran(Js éloges , était fils de
sariisdéstitutœadminiculis praesidium c d de Borstel , qui fut sei-
alinuod in ubenora studtorum incre- tu * 1 «-
mJita , et fameluts offlictisque sola- gneur de Gusten, Plotzka et
men obtingeret. Illis qiuppe domain autres lieux, et premier minis-
planè lateriiiain magnificent issimœ tre d'état des princes d'Anhalt ,
structura; reliquit,ubi omniaeernun- „ouverneur général de cette
tur snlendiae appamta , cubtcula octo .0 . , o
cum suis eonclauiis , sedecim destinata principauté. Il fut envoyé en
France par le roi de Bohème , et
<a) Tiré de sa vie pag. 37£ et sui*. j princes de l'em pire , sous
(3) Joan. Mollen.s.Sp.cilcg. Il jpomnematum fi i«pim V1 , i 1
deScriptis Danorum, pag. 36. le règne de Louis AI 11 ; et lors-
mW)Joaji. MoUertt«riMe»»l eti/iHyponne- ^ ges négociations furent fi-
BORSTEL.
nies, il s'établit dans le royau-
me , et il obtint des lettres de
naturalité, et la charge de gen-
tilhomme ordinaire de la cham-
bre du roi. Il épousa Charlotte
de FaroudeSaint-Marcolle, dont
il eut uu fils qui a une famille
nombreuse (A). Cette dame épou-
sa en secondes noces Josepli le
Brun , chevalier seigneur de la
Brosse, gouverneur de la ville et
du château de Chinon. Elle
est morte en son château de la
Zaille en Loudunois , le i4 de
mars 170*), âgée de quatre-
vingt-trois ans. Elle était d'une
des meilleures maisons de Poi-
tou (a). Je dirai quelque chose
de la généalogie de notre Adol-
phe de liorslel (B) , qui eut deux
neveux illustres (C).
(.' ZVre'r/u Mercure Galant de mars IJoU,
pag. 25y et suif;
(A) Il eut un fils qui a une nom-
breuse famille. ] Il épousa mie cou-
sine du marquis de lîasilli, lieutenant
gênerai pour le roi en Touraine, et
sous-gouverneur des enfans de Fran-
ce. Laine* de ses lils sert dans la ma-
rine depuis douze ans , et est ensei-
gne des vaisseaux du roi : le cadet a
< l< page du duc du .Maine , et est
commissaire provincial de l'artille-
rie (i).
(B) Je dirai quelque chose de la gé-
néalogiede notre Adolphe de Borstel.]
L'auteur du Mercure Galant assure
que la mai-ion de Borstcl est des
plus anciennes et des plus illus-
tres de l'Allemagne. Elle est ori-
ginaire de Zélande, ajoute-t il , et
un ieigneurde Borstel , a qui les vil-
les de Flessingue et de IVert appar-
tenaient , épousa la dernière comtesse
d H-dlande , et par s' 1 mariage de-
vint souverain de cette province , que
le duc de Brahanl, par la suite, usur-
pa sur lui. Après cette usurpation ,
planeurs de cette maison s'établirent
dans la haute S ne , où ils bâtirent te
château de Borstel , assez remarqua-
it) Tire du Mercure Galant de mars 1-03 ,
595
ble dans la carte • et l'on voit que des
le temps de /'empereur (Jdion Icv. ils
y étaient d. , a en très-xi ande distinc-
tion , et qu'ils avaient les premiers
emplois de l'état , dans le ministère
dans la guerre et dans les ambassa-
des (a). Il y a là beauc tup de fautes ;
car i°. celui qui se maria avec la der-
nière comtesse de Hollande se nom-
mait François de Bors< 1 , ou de Bor-
selle , et non pas de Borstel. 1°. Il ne
fallait point dire de Wert , mais de
la Fere , ou plutôt de Ter-Pere (3).
3°. Il ne devint point souverain de la
Hollande par son mariai;-,' : le duc de
Bourgogne, Philippe-le-Bon , l'aurait
fait mourir si la comtesse de Hollan-
de ne lui eût cède tous ses elats pour
sauver la vie à son mari }). 4°- H ne
fallait point parler du duc de Bra-
bant , mais du duc de Bourgogne.
5°. J'observe que cette comtesse de
Hollande mourut l'an i p(i , et que
l'empereur Otlion 1er. mourut l'an
9;3. Qu'on jugesi depuis la prétendue
usurpation de la Hollande sur le mari
de cette comtesse , plusieurs de la
m, tison de Borstel ont pu s'établir
en Saxe, et y bâtir un château , et
briller dans les emplois dès le temps
de rei empereur.
(C) Il eut deux neveux illustres. ]
« L'un , Frédéric de Borstel , a été
» capitaine des gardes du corps du
» feu roi Je Suède , colonel du régi-
» ment de Westergothie, gouverneur
» de Gottembourg et Bahous, et gé-
» neral major des armées de sa ma-
» jeslè suédoise, qui le lit , en COnsi-
» dération de ses services, baron du
» royaume ; et l'autre, Erhest-Ami
» dei: DE boKsiLL , grand éebanson de
» feu sou altesse électorale de Brande-
» bourg, colonel du régiment de ses
» gardes , général m aï or île ses ar-
» <née< , et gouverneur du duché de
» Magdebourg , lequel gouvernement
» est encore p issédé par Jean-Henbi
» de Borstel (S). » <>n ajoute dans le
M rcure Galant qu'il y a en France
une demoiselle nE Borstel , qui a
épousé M. de Doumcny , lieutenant
de grenadiers au régiment des gardes
(1) La même, pag. iSg.
(3) Voje% l'article H if.hu, remarque (R).
!a IIe. partir île la Réponse au*
Quittions d un pruvincial , pag, <>■
(5 Mercure Galant, mars 1705 , pa£. 2G1 ,
2C2.
59G BORSTEL.
françaises, et qui a été fille d'honneur gouvernante de l'électeur de Bran-
de Madame lVlectrice palatine , mère debourg ; et qu'elle a présentement
de madame (6) ; que sa mère a été un neveu qui est premier gentil-
f6) c -d,re, la veuve du duc d'Orléans, llomme de !a chambre du prince élec-
frire uni., -. du roi Louis XI y. toral.
FIN DU TROISIÈME VOLUME.
0
BINDINGSECT.FE8 2l.19e
CT
95
B28
1820
V.3
cl
POBA