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Full text of "Dictionnaire historique et critique"

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DICTIONNAIRE 

HISTORIQUE  ET  CRITIQUE 

DE  PIERRE  BAYLE. 

TOME   TROISIÈME. 

BA-BOR. 


sr.ti'§a9- 


r 


DICTIONNAIRE 


HISTORIQUE  ET  CRITIQUE 


DE  PIERRE  RAYLE. 


RA. 


JjABELOT  *,  aumônier  du  duc 
de  Montpensier  pendant  les 
guerres  civiles  de  France  sous 
Charles  IX  ,  se  distingua  telle- 
ment par  sa  cruauté  ,  qu'il  s'est 
acquis  une  place  bien  notable 
dans  l'histoire.  On  n'aura  donc 
pas  sujet  de  trouver  étrange 
qu'il  ait  ici  un  article.  C'était  un 
cordelier,  qui  avait  quitté  le  cloî- 
tre, afin  de  suivre  «  les  armées, 
»  par  la  haine  implacable  contre 
»  les  calvinistes  dont  il  était  pos- 
»  sédé  (a).  Elle  était  si  peu  con- 
»  forme  à  son  caractère  et  à  sa 
»  profession  ,  que  ,  bien  loin  de 
»  sauver  la  vie  à  ceux  que  le  sort 
«  des  armes  réduisait  à  la  discré- 
»  tion  de  Montpensier,  il  solli- 
»  citait  obstinément  qu'ils  fus— 
»  sent  punis  du  dernier  suppli- 
»  ce ,  et  ne  pouvait  souffrir  que 
»  l'on  pardonnât  à  aucun  d'eux 
»  (A).  Cette  soif  du  sang  calvi- 
»  niste ,  que  les  deux  premières 
»  guerres  n'avaient  pu  étancher, 

*  •  Article  sans  preuve  qui  vaille  »  ,  dit 
Leclerc. 

(al  On  ne  fait  aue  copier  Varillas  ,  His- 
toire de  Cliarle»  IX.  tom.  II .  pag.  1^7. 

TOME    III. 


s'augmentait  dans  la  troisiè- 
me ,  lorsque  les  soldats  du  prin- 
ce {b) ,  avertis  que  Babelot  s'é- 
tait renfermé  imprudemment 
dans  Champigni  (c),  livrèrent 
un  assaut,  si  furieux  ,  qu'ils 
emportèrent  la  place  (d).  Le 
plaisir  de  se  voir  maîtres  de  la 
personne  de  celui  qu'ils  regar- 
daient comme  leur  bourreau , 
les  rendit  plus  humains  à  l'é- 
gard de  la  bourgeoisie  de  Cham- 
pigni. Ils  lui  pardonnèrent  , 
et  déchargèrent  toute  leur  co- 
lère sur  Babelot.  On  le  pendit 
à  un  gibet  extraordinairement 
haut  (e)  (B)  ;  et  si  on  lui  donna 
le  temps  de  se  préparer  à  la 
mort,  ce  ne  fut  que  pour  avoir 
le  loisir  de  lui  faire  des  repro- 
ches de  sa  cruauté.  La  ven- 
geance, que  le  duc  de  Mont- 
pensier qui  l'aimait  prit  de 
son  supplice  sur  les  calvinistes, 

(b)  Il  entend  le  prince  de  Coude  ,  chef  des 
protestons. 

(c)  Ville  de  Poitou  :  elle  appartenait  au 
duc  dt-  Montpensier. 

{d)    En  IÔ68. 

(e)   C'est  giand  hasard  si  ses  confrères  ne 
l'ont  mis  au  nombre  de  leurs  marlj  rs. 


EABELOT. 


»  quand  le  hasard  ou  la  faiblesse 
»  les  jetaient  entre  ses  mains,  mit 
»  pour  quelques  semaines  la  mau~ 
»  vaise  guerre  (f)  entre  les  deux 
»  partis.  Les  soldats  de  Brissac 
»  égorgèrent  la  garnison  de  Mi- 
»  rebeau ,  quoiqu'elle  eût  capi- 
»>  tulé  dans  les  formes  ;  et  d'An- 
»  delot  traita  de  même  celle  de 
»  Saint-Florent.»  Voilà  un  hom- 
me bien  destiné  à  faire  mourir 
les  huguenots  ,   puisque   même 


romanum  se  testificanti  ,  quasi  sola- 
tio  et  honore  aliquo  pœnam  leuaturus, 
mutari ,  mulioque  prœter  cœleras  al- 
tiorem  et  dealbatam  statui  crucem 
jussit  (2).  Je  ne  sais  pas  quel  fut  le 
motif  de  ceux  qui  choisirent  un  gibet 
plus  exhaussé  pour  le  moine  Babelot  : 
peut-être  voulurent  -  ils  simplement 
exciter  plus  d'attention  sur  la  bizarre- 
rie des  caractères  du  personnage,  sans 
allusion  ni  rapport  à  la  pratique  de 
l'antiquité.  Voyez  Justin  (3)  touchant 
Maléus ,  général  disgracié  des  Cartha- 
ginois ,  qui  filiutn  cum  ornalu  suo  in 
allissimatn  crucem  in  conspectu  urbis 


après  sa  mort   il  fut  cause  qu'on    suffigi  jussit  ;  et  Silius  Italicus  (4)  tou- 
en  égorgea  beaucoup.  Brantôme    chant  RëSulus  : 


le  croyait  capable  d'une  autre 
sorte  de  crimes,  c'est-à-dire 
d'inspirer  à  son  maître  !a  bruta- 
lité de  faire  violer  les  femmes  (C). 

.(,/)  C'est-à-dire,  qu'il  n'y  eut  plus  de 
quartier. 

(A)  II  sollicita  obstinément  le  der- 
nier supplice  des  calvinistes ,  et  ne 
pouvait  souffrir  que  ion  pardonnât  a 
aucun  d'eux.]  Brantôme  mérite  d'être 
oui  :  Quand  on  lui  amenait ,  dit-il , 
(1),  en  parlant  du  duc  deMontpensier, 
quelques  prisonniers ,  si  c'était  un 
homme  ,  il  lui  disait  de  plein  abord 
seulement  :  Vous  êtes  un  huguenot  , 
mon  ami  ,  je  vous  recommande  à 
monsieur  Babelot.  Ce  monsieur  Ba- 
belot étoit  un  cordelier,  savant  hom- 
me ,  qui  le  gouvernait  fort  paisible- 
ment ,  et  ne  bougeoit  jamais  d'auprès 
de  lui  ,  auquel  an  amenoit  aussitôt  le 
prisonnier  ,  et  lui  un  peu  interrogé , 
aussitôt  condamne  à  mort  et  exécuté. 

(B)  Il  fut  pendu  a  un  gibet  extraor- 
dinairementhaut.]Ce\a  me  fait  souve- 
nir de  la  conduite  de  Galba  envers 
un  homme  qui  tâchait  de  se  délivrer 
du  dernier  supplice  par  son  droit  de 
bourgeoisie  romaine  :  il  le  ht  atta- 
cher à  une  croix  bien  blanchie,  et 
beaucoup  plus  haute  que  les  autres. 
C'était  pour  faire  honneur  à  la  qua- 
lité du  criminel,  et  pour  lui  fournir 
une  petite  consolation  ;  mais  tout  cela 
pouvait  bien  tenir  de  la  moquerie  : 
Tutarem  quod  pupillum  cui  substitu- 
tus  hœres  eral  veneno  necâssel  cruce 
ajfecit ,   implorantique  leges  et  civem 

(1)  Brant.,  Mémoires,  fom,  III ,  pag.  281. 


Vidi 

Italiam  cruce  sublin 


cum  robore  pendens 
is  speclaret  ab  alla. 


1  lama  11  ,  dans  le  livre  d'Esther,  avait 
préparé  pour  Mardochée  un  gibet  de 
cinquante  coudées.  On  a  voulu  quel- 
quefois par  la  taille  démesurée  du  gi- 
bet, que  le  patient  fût  exposé  à  la  vue 
de  plus  de  monde.  Voyez  la  remar- 
que (C)  de  l'article  (I'Othon  111.  Je  di- 
rai, en  passant,  que  ceux  qui  compa- 
rent cette  croix  de  Galba  avec  celle 
dont  Verres  se  servit  contre  Gavius 
(5)  n'ont  aucune  exactitude;  car  tout 
ce  qu'il  y  eut  de  remarquable  dans 
celle-ci  fut  qu'on  la  posa  ,  non  pas  au 
lieu  où  les  habitans  de  Messine  avaient 
accoutumé  de  crucifier  les  gens  ,  mais 
du  côté  qui  regardait  l'Italie.  C'est 
ainsi  que  Verres  voulut  insulter  au 
patient  qui  se  disait  bourgeois  ro- 
main :  (c  11  regardera ,  dit-il ,  du 
haut  de  sa  croix  1'Jtalie  et  sa  mai- 
son. »  Quid  attinuit  cum  Mamertini 
more  atque  inslituto  suo  crucem  Jixis- 
>ent  post  urbem  in  via  Pompeiâ  ,  te 
jubere  in  ed  parle  figere  quœ  ad  fre- 
lum  spectaret,  et  hoc  addere  quod  ne- 
gare  nullo  modo  potes ,  quod  omnibus 
audientibus  dixisti  patàm,  te  ideirco 
illum  locum  deligere  ,  ut  Me  qui  se 
civem  romanum  esse  diceret ,  ex  cruce 
Italiam  cernere  ac  damum  suam  pra- 
spicere  posset.  C'est  cette  dernière  cir- 
constance que  Cicéron  a  principale- 
ment î-elevée  (G) ,  quoique  Lactance  , 

(2)  Sneton.,  îii  Galba  ,  cap.  IX. 

(3)  Justin,  Uv.  XVIII,  chap.   VII. 

(4)  Lib.  II ,  vs.  343. 

(5)  Torrentius  le  fait.    Voyez   son  Comm.  in 
Suet.  Galb.,   cap.  IX. 

(6)  Cicero,  in  Verr.  VII. 


BAM'LAS. 


qui  n'avait  que  faire  de  cela  pour  le 
but  de  son  discours ,  ne  lui  fasse  con- 
sidérer que  l'indignité  de  ce  supplice 
en  général  (7). 

(C)  Brantôme  le  croyait  capable.... 
île  faire  t'iote.r  les  ft unifies  J  Le  duc  de 
Montpensier  avait  la  coutume  de  re- 
commander ses  prisonnières  à  son 
guidon  ,  i'im  benè  vasalo  et  benè  mu- 
toniato.  Brantôme  décrit  cela  fort  li- 
brement ,  et  ajoute  ce  qui  suit.  «  Voi- 
là la  punition  de  ces  pauvres  dames 
huguenotes,  inventée  par  monsieur 
de  montpensier,  qui  me  fait  penser 
avoir  été  prise  et  tirée  possible  de 
Nicepliore(8jpar  monsieur  Babelot, 
où  il  dit  que  l'empereur  Théodose 
ôta  et  abolit  une  coutume  qui  é.oit 
de  long-temps  dans  Rome  ,  à  savoir, 
que  si  quelque  femme  avoit  ete  sur- 
prise en  adultère  ,  les  Romains  la 
punissoient,  non  par  la  cOCTcidndu 
crime  qu'elle  avoit  commis,  mais 
par  plus  grand  embrasement  de 
paillardise";  car  ils  enfermoient  en 
une  étroite  logette  celle  qui  avoit 
commis  l'adultère  .  et  puis  après 
permettoient  impudemment  qu'elle 
assouvist  sa  lubricité  et  paillardise 
son  saoul ,  et  d'un  chacun  qui  vou- 
droit  venir,  et  qui  étoit  plus  vilain 
et  sale.  C'est  que  les  compagnons 
galans  et  paillards  qui  aboient,  se 
garnissaient  et  accommodoient  de 
certaines  sonnettes  au  temps  qu'ils 
avoient  compagnie  avec  la  dame  , 
à  ce  qu'au  mouvement  elles,  faisant 
un  son  et  tintinnement  ,  donnas- 
sent non-seulement  avertissement 
aux  passans  et  écoutans  de  leur  fait 
et  besogne  qu'ils  y  et  oient  ,  mais 
aussi  alin  que  par  ce  moyen  et  à  ce 
son  de  sonnette  fus!  enseignée  cette 
peine  conjointe  avec  injure  et  op- 
probre. Quel  opprobre!  dont  elles 
s'en  soucioient  beaucoup.  Vrai- 
ment voilà  une  terrible  coutume 
que  ce  sage  empereur  abolit,  ainsi 
que  ledit  l'historien  Nicéphore  , 
dans  lequel  possible  M.  Babelot 
r,i\oit  feuillettee  et  tirée,  pour  la 
faire  pratiquer  à  ce   brave  guidon 

(9)-» 

(7)  Lact.  ,  Instit.  divin.,  lib.  IV,  cap. 
XVIII. 

(S)  Il  n'a  mieux  valu  citer  Sacrale ,  liv.  '", 
eh  a  p.    XVIII. 

(y)  Bramûme,  Mémoires,  loin.  III,  pag. 
2%2,  a83. 


BAHYLAS  *  l'un  des  plus  cé- 
lèbres martyrs  de  l'ancienne 
église,  fut  fait  évêque  d'Autio- 
clie,  dans  le  IIIe.  siècle,  sous 
l'empire  de  Gordien  (a).  11  gou- 
verna sou  église  comme  un  bon 
et  saint  prélat  doit  faire,  et,  après 
s'être  acquitté  dignement  de  sa 
fonction  environ  treize  ans.il 
mérita  la  couronne  du  martyre, 
vers  l'année  q.5  i  ,  pendant  la 
persécution  de  Décius.  Quelques- 
uns  disent  qu'il  fat  effectivement 
mis  à  mort  pour  la  foi  chrétienne 
(b)  :  d'autres  disent  qu'il  mou- 
rut dans  la  prisou  (c).  On  con- 
vient qu'il  souhaita  d'être  enter- 
ré avec  ses  chaînes  (d).  On  pré- 
tend que  ses  reliques  imposèrent 
silence  à  un  oracle  d'Apollon. 
Saint  Chrysostome  a  déployé  pins 
d'une  fois  toutes  les  forces  de  son 
éloquence  ,  pour  célébrer  la  mé- 
moire de  saintBabylas:c'estdoiii- 
mage  qu'il  n'ait  pas  été  assez  in- 
struit des  faits  qu'il  avance.  11 
suppose  que  ce  martyr  fut  mis 
à  mort  pour  avoir  exclus  de 
l'entrée  de  l'église  un  empereur 
criminel  (A),  et  il  parle  du  cri- 
me de  cet  empereur  en  homme 
qui  n'avait  guère  consulté  l'his- 
toire (B).  Il  n'a  point  même  su 
ce  que  l'on  disait  de  la  déférence 
de  ce  prince  pour  la  discipline 
sévère  de  saint  Babylas  (C;.  On 

*  Joly  se  contente  de  renvoyer  aux  Mé- 
moires de  Trévoux,  juin  17.57  .  qui  c  ntien- 
neut  une  Dissertation  sur  ce  i/ne  rapporta 
saint  Chrysostome  du  martyre  de  saint  Baby- 
las .  contre  tu  censure  injurieuse  1/ m- fait 
M.  Dajrle  de  la  narration  Un  saint  docteur. 

a  Ruseb.  ,  Hist.  ecclesia  t.  ,  lit/.  VI  , 
cap.  XXIX. 

(b    Chrysostom.  .  tant.  I ,  //«?•.  641 .  669. 

c  Mhrtyrolog.  Romanum.,  ad  diem  2  j 
januar.  K.useh. ,  Hist.  ecclesiast.  ,  lib.  VI  , 
cap   XXXIX. 

d  Ciirvsostom.,  tom.  I .  pug.  6:!o,  et 
Martyiol.  Romanum  ,  ad  dieni  7.\  \anuari 


4  BABYLAS. 

peut  trouver  le  fondement  gêné-  Cela  ne  s'accorde,  ni  avec  la  chrono- 

ral  de  quelques-unes  de  ses  mé-  lo&eA  >  m  ,a™,c,  ^istoire ,  ni  avec  la 

^      i                  ,  prudence  de  1  eveque  d  Antioche.  Les 

prises  (D).  JNous  parlons  de  tout  meii]eiirs    chronologues    mettent    la 

cela  dans  les  remarques ,  comme  mort  de  De'cius  à  Fan  2.5 1  (2).  Aucun 

aussi  de  la  demande   qu'on  pré-  bon  historien  ne  dit  que  De'cius   ait 

tend   que   fit  Apollon  à  l'e.npe-  été  dans  l'Orient  pour  faire  la  guerre 

J-  ,.              l                           l  aux  Perses.  Il  est  vrai  que  les  Actes  de 

reur   Julien,    par    rapport    aux  saint  Laurent  (3)  assurent  que  cet  ern- 

reliques    de    saint    Babylas    (E).  pereur  alla  faire  la  guerre  aux  Perses, 

On    attribue    à    ce   martyr   trois  et  qu'il  leur  enleva  le  pays  de  Baby- 

^.^c   t™m«l,<«  c,lr  1„«  m™-  lone>  l'Assyrie     toute  la  Perse,  l'Hir- 

came  ,  et  même  la  Bactriane ,  et  qn  il 


grands  triomphes  sur  les  empe 
reurs  païens,  deux  pendant  sa 
vie ,  un  après  sa  mort  (e).  Le 
premier  est  l'avantage  qu'il  rem- 
porta sur  Philippe,  en  l'obligeant 
de  se  tenir  hors  de   l'église  dans 


mourut  à  Rome  possédé  du  démon  . 
peu  après  le  martyre  de  saint  Laurent 
(4)  ;  mais  ces  Actes  sont  sans  autorité 
et  pleins  de  fautes  (5).  Le  père  Noris 
n'a  point  hésité  à  dire  que  toute  cette 
guerre  de  Perse  est  une  pure  fable  (6). 


qu'il   remporta  sur  le  per-    !*s  >  nous  pouvons  dire  qu'elle  n'au- 

eur  Décius,  lorsqu'il   aima    ralt  Pomt  souffert  qu'il  eût  résisté  à 

,         '    ,       "  «,  .       un  empereur  païen.  Il  n  était  pas  dans 


l'état  de  pénitent  :  le  second  est    A  l'égard  de  la  prudence  de  saint  Baby 

celui 

secuteill  7  --  UQ  empereur  païen.  Il  n'était  pas 

mieux  se  préparer  a  tout  souttrir    r0rdre  je  ia  conduite  de  l'église  que 

pour  la 

qui  fût 

le    troisième    est  celui 


foi,    que    de    rien    faire  saint  Baby  las  entreprît  de  l 'empêcher 

indigne  d'un  bou  prélat:  dJ  entrer,  sHlyfût  venu  étant  païen 

sième    est   celui    que    ses  Voury  comme  are  quelque  violence  ; 

*  .,  cari  église  n  avait  de  puissance  et  ne 

cendres    remportèrent  sur  1  ora-  l'exerçait  que  sur  ceux  qui  étaient  du 

cle  d'Apollon  auprès   d'Antioche  nombre  de  ses  en/ans  ,  et  elle  souffrait 

(  f).  M.    Chevreau   a    parlé  peu  paisiblement    l'insulte   des    persécu- 

*       „    +  J„  „,o^+,r.^  A*  coini  leurs.    C'est  ainsi  que  parle  l'auteur 

exactement  du  martyie  de  s       t  d    ]a  y[e  de  Tertlàiien  et  d'Origène 


Babylas  (F).  C'est  ce  que  nous 
examinerons  plus  au  long  ci- 
dessous. 

(e)  la  Vie  de  Terlullien    et   d'Origène, 
pag.  757. 

(f)  Voyez  la  remarque  (E). 

(A)  Saint  Chrysostome.  .  .  .  suppose 
que  ce  martyr  fui  mis  à  mort,  pour 
avoir  exclus  de  l'entrée  de  l'église  un 
empereur  criminel.]  On  ne  peut  douter 
que  Babylas  ne  soit  mort  sous  l'em- 
pire de  Décius.  Ce  serait  donc  Décius 
qui  aurait  été  exclus  de  l'entrée  de 
l'église  ,  si  la  narration  de  saint  Chry- 
sostome était  véritable  ;  mais  il  ne 
paraît  pas  que  Décius  ait  jamais  été  à 
Antioche  pendant  son  empire.  Baro- 
nius  avance  sans  preuve  que  Décius 
alla  en  Svi'ie  l'an  253 ,  pour  faire  la 
guerre  aux  Perses  ,  et  que  ce  fut  en 
cette  rencontre  que  Babylas  ne  souf- 
frit point  que  son  église  fut  profanée  PaS"  642 
par  la  présence  d'un  tel  empereur  ti).        W  n  "T  ',  ""% n  '  ï"8'  m,n 

11  (  )  Gbrysost. ,  iom.  /,  Oratione  XLYII1,  pag 

(1)  Baron.,  Annal.,  ad  ann.  253,  num-  128.     547,  «;  549,  e!  55o,  e. 


(7).  M.  de  Tillemont  confirme  cette 
remarque.  L'église  ,  dans  ces  occa- 
sions, ne  se  défendait ,  dit-il  (8j  ,  que 
par  ses  prières  ,  et  par  la  patience 
humble  et  paisible  avec  laquelle  elle 
souffrait  les  insultes  des  persécuteurs . 
Que  si  Con  trouve  dans  une  oraison 
attribuée  à  saint  Chrysostome  (?) ,  que 
saint  Romain  d' Antioche  a  empêché 
un  gouverneur  païen  d'entrer  dans  l'é- 
glise ,  c'est  une  conduite  fort  extraor- 
dinaire, et  ce  fait  n'est  nullement  as- 
sure. Il  remarque  aussi  que  tous  les 
ternies  de  sain!  Chrysostome  indiquent 
que  le  prince  auquel  saint  Babylas  ré- 

(2)  Calvisius,  Petau  ,   Pagi,  etc. 

(3)  Voyez  Tillemont,  loin.   III  ,  pag.  600. 

(4)  Ce  sainl  ne  tnourul  qu'en  258.  Tillemont, 


(5)  Là  même. 

(6)  Noris,  Epocua)  syro-maced.  ,  pag.  2g3; 
Ué  par  Tillemont  ,  là  même. 

(7)  Imprimée  à  Paris,  en   \(\'t5.  Vvyez-en  lu 


BABYLAS.  5 

SÏsta  était  chrétien.  Il  n'est  donc  pas  d'entrer  dans  l'assemblée  des  fidèles 

vrai  que  ce  saint  homme  ait  résiste  à  (i0).  Il  n'est  pas  nécessaire  d'observer 

Décius  ,  et  cependant  il  est  mort  sous  que  saint  Chrysostome  ajoute  à  la  nar- 

Décius  :  il  faut  donc  dire  que   saint  ration  de  ces  faits  les  figures  les  plus 

Chrysostome  s'est  trompé  ,  quand  il  a  vives  et  les    plus   pathétiques  de   sa 

dit  que  saint  Babylas  souffrit  la  mort  rhétorique   (u)  :  on  se  l'imagine   de 

pour  avoir   défendu    l'entrée  de  son  reste ,   quand  on   sait  (  et,  qui  ne  le 

église  à  un  empereur.  sait?  )  qu'il  était  grand  prédicateur  , 

(B)....  et  il  jmrle  du  crime  de  cet  et  qu'il  parlait  à  un  peuple  rempli  do 

empereur  en  homme  qui  n'avait  guère  respect  et  de  zèle  pour  le  nom  de  saint 

consulté  l'histoire.']    Il    conte    qu'un  Babylas  (12).  Mais  ne  pourrait-on  pas 

certain  peuple  ,   qui  faisait  la  guerre  le  plaindre  d'avoir  employé  tant  d  or- 

à  cet  empereur,  souhaita  de  la  termi-  nemens  ,  et  tant   d'efforts  d'imagina- 

ner,  et  d'affermir  la  paix  par  tous  les  tion  et  de  poitrine  ,  sur  des  faussetés  ? 

liens  les  plus  forts  et  les  plus  inviola-  car  qu'y   a-t-il  de  plus   chimérique, 

blés  qui  fussent  parmi  les  hommes;  (pie  ce  peuple,  ennemi  des  Romains  , 

que  l'accord  fut^aù  et  confirmé  par  qui  persuada  à  son  roi  de  mettre  son 

serment  de  part  et  d'autre  ;  que  ce  (ils  en  otage  entre  les   mains  de  leur 

peuple,  voulant  faire  connaître  à  ses  empereur?  Si  quelque  peuple   avait 

ennemis  qu'il   agissait   sincèrement,  fait  cela ,   ce  seraient  sans   doute  les 

persuada  à  son  roi  de  donner  son  pro-  Perses.  Or  il  est  bien  sûr  qu'ils  ne  fi- 

pre  fils  en  otage  au  prince  avec  lequel  rentrien  de  semblable  pendant  la  pré 

il  avait  conclu  la   paix  ;  que  la   suite  lature  de  saint  Babylas.  Je  doute  fort 

témoigna  que  l'on  avait  mis  dans  la  qu'aucun  empereur  de  Home  ait  ja- 

gucule  du  lion  celui  que  l'on  croyait  mais  tué  de  sa  propre  main  un  jeune 

avoir  mis  comme  en  dépôt  en  la  garde  prince   qui  lui  eut  été   donné  comm- 

d'un  ami,  puisque  ce  prince  n'ayant  en  dépôt  et  en  otage   après  une  paix 

égard  ni  à  la  jeunesse  du   fils  de  son  conclue;  mais  il  est  très-faux  qu'une 

allié  ,   ni  à  la  sainteté  inviolable  du  perfidie   si   barbare   ait  été  commise 

serment  qu'il  avait  fait ,  nia  cet  œil  par  les  empereurs  sous  lesquels  saint 

toujours  ouvert  de  la  justice   divine  Babylas  a  joui  de  l'évêchéd'Antioche. 

pour  la  punition  des  crimes....  égorgea  Je    ne    doute    nullement    que    sain1 

de  sa  propre  main  celui  qu'il  devait  Chrvsostome  n'ait  erré  de  bonne  foi  ; 

chérir   comme   le    dépôt  sacré   et  le  car  non-seulement  il  débita  en  chaire 

nœud  biviolable  de  l'alliance  (9).  Voi-  ces  faussetés,  mais  aussi  dans  un  écrit 

là,  selon  saint  Chrysostome,  quel  fut  qu'il  composa  contre   les  geutils(i3). 

le  crime  du  prince   que  saint  Babylas  S'il  avait  pu  se  promettre  que  ses  an- 

traita  de  la  manière  que  l'on  va   voir,  ditenrs  lui  feraient  quartier  sur  une 

Ce  grand  prélat  imita  parfaitement  en  tradition  fausse  et  pieuse,  il  n'aurait 

cette  rencontre  le  zèlecVElie  et  de  saint  pas  espéré  la  même  gr;lce  des  ennemis 

Jean;  car  il  ne  considéra  point  qu'il  a-  du  nom  chrétieu.  Il  croyait  donc  ne 

vait  alors  à  résister  non-seulement  a  un  rien  dire  qui  fut  faux. 

prince,  a  un  roi  ordinaire,  mais  h  ce-  (Ci  Saint  Chrysostome  na  point  su 

lui  qui  était  maître  d'une  grande  par-  ce  que  l'on  disait  de  la   déférence  de. 

tie  de  la  terre,    qui  avait  une  armée  ce  prince  pour  la  discipline  sévère  de. 

très-puissante ,   et   que  toutes   choses  saint  Babylas.  ]    Saint  Chrysostome 

semblaient  devoir  contribuer  à  lui  ren-  a    suppose   que   saint   Babylas    ont    à 
dre  redoutable.   Il  ne  jut  point  ébloui 

par  tout  cet  éclat  extérieur et  ce  .    .  z,        .       -_,„  v-      __„  «o/: 

■                M                                             ,,.    .              ,  (l0J  '  oyez  la  même  Vie»  pag.  viv. 

même  éclat  ne  servant  qu  a  lin  repre-  ^  Éràsme  conseillait  de  lue  cette  Hom.'lie 

senter  en  ce  moment  la  majesté  du  roi  dans  les  collèges  de  Louvain, comme  un  modèle 

suprême  dont  il  était  le  ministre,   .  .  .  9ue  '''r  «k>'«'«™ devaient préférer  à  Vjâ*s,  a 

,r  ,                     ii-  LibaniDS,  etc.  V«\e:    la  Lettre  qu  il  écrivit  au 

il  s  avança  hardiment  vers  ce  prince  pnm.ipal  ,,•„„    collège  de  Louvain;    c'est   la 

.'•riminel  au  milieu  de  tous  ses  gardes,  XXI?'*.  du  XXf'Ifl*.  livre  ,  pag .  1705.'' 
l'arrêta  avec  ta  main  qu'il  lui  mil  con-        (n)  Au  peuple  £Anûoche.   Saint  Bafylas 
ire  l'estomac  ,  lui  représenta  son  cri-    a"aU  Aé  eW'lue  de  ceUeJUlf:   , 

.    /     •     i»i      J-.   j     1             .  j     r»-  (iî)  Saint  C.lirïsost. ,  Ilomil    ,1c  sancto  Babyl., 
me,  et  lui  dépendit  de  la  part  de  Dieu     pn\,.  {;,,    ,„,.  t]  Uemconlr*  Gentil,  et  de  sancto 

(<j)  Voyei  la  Vie  de  TertnJlien  et  d'Orisène ,     Babyl. .  pag.  f,'i7  •  *'55.  etc-  ■  eUé  àaiu  la  Vie 

Pag.  Ksi-  Je  Tertullien  et  d'Origine,  pcg.  dit. 


6  BABYLAS. 

faire  à  un  monarque  qui  punit  du  rence  ,  quant  au  succès ,  entre  la  fer- 
dernier  supplice  la  sainte  hardiesse  meté  de  saint  Babylas,  ef  celle  de  saint 
qu'on  avait  eue  de  lui  refuser  l'entrée    Ambroise.  Babjlœ  ,  dit  -  il  (iG)  ,  pa- 

rùm  féliciter  cessit  quod  imperatorem 
impiâ  cœde  funeslalum  tunpln  prohi- 
bait ;  imôjeliciler  cessit  ipsi  qui  prce- 
sidis  autoritatem  sud  morte  conjirma- 
vit.  Al  Ambrosio  cessit  feliciùs  ,  qui 
suntmd  constantid  suant  luens  autori- 
tatem ,  ipsum  eliani  Cœsarem  Christo 
lucrij'ecit-  Autre  passage  :  Ambrosius 
episcopus  mediolanensis  ausus  est 
Theodosium  Cœsarem  ,  ol>  trudelem 
ac  prœcipitalom  in  Thessalouicenses 
sentenliam  ,  à  terupli  limine  secludere, 
postque  sœvas  objurgationes  ,  post  in- 
dictam    satisjaclionem  ,    in  pœniten- 

tium   classent  relegare Tentavit 

idem  Babylas  Antiochenus  episcopus 
adver.sùs  regem    innocentis  homicidio 


du  temple.  La  fausseté  de  ce  fait  a 
été  déjà  montrée  par  la  raison  que 
-rtin!  Fiabylas  mourut  sous  l'empire 
de  Décius,  et  que  Dccius  n'avait  point 
trouve  de  résistance  à  la  porte  de  l'é- 
glise d'Antioche.  Voici  un  nouveau 
moyen  de  montrer  cette  même  faus- 
seté. Le  prédécesseur  de  Décius  s'ap- 
pelait Philippe  :  c'est  à  lui  qu'on 
croit  que  saint  Babylas  refusa  l'entrée 
de  son  église  ,  ne  le  considérant  pas 
comme  empereur,  mais  comme  chré- 
tien, qui  devait  subir  les  lois  de  la 
pénitence  et  les  canons  de  la  discipli- 
ne. Or  on  prétend  que  cet  empereur 
g  y  soumit,  et  qu'il  eu  usa  à  peu  près 
envers  le  prélat  d'Antioche  ,   comme 

Théodose  en  usa  depuis  envers  saint    pollutunt  ,  et  interfectus  est  (17). 
Ambroise  à  Milan.  Eusèbe  raconte  que         (D). . .  .    On  peut  trouver  le  fonde- 
l'empereur    Philippe    voulut    assister     ment  général  de  qutiques-imcs  de  ses 
aux  prières  publiques  la  veille  de  Pâ- 
ques ,    mais  que  l'évêque  ne  lui  per- 


méprises.-]  Nous  venons  de  voir  qu'on 
a  dit  que  saint  Babylas   se  fonda  sur 


mit  d'entrer  dans  l'église  qu'après  la  déloyauté  sanguinaire  de  Philippe 
l'avoir  obligé  à  confesser  ses  péchés  ,  L'empereur  Gordien  ,  sous  qui  il  était 
et  à  se  mettre  au  nombre  des  péni-  préfet  du  prétoire  ,  lui  avait  confié 
tens;  ce  que  l'empereur  exécuta  avec  son  fils  :  après  que  Gordien  fut  mort, 
des  témoignages  sincères  de  piété  et  Philippe,  voulant  régner  en  sa  place, 
de  crainte  de  Dieu  04)-  Eusèbe  ne  tua  le  jeune  prince  qu'on  lui  avait 
raconte  cela  que  sur  un  simple  ouï-  confié. Saint  Babylas,  le  sachantsouillé 
dire  ,  et  ne  nomme,  ni  le  lieu  de  ce  d'un  meurtre  si  exécrable,  ne  voulut 
grand  événement ,  ni  le  prélat  qui  fit  point  l'admettre  à  l'église.  Décius 
un  si  bel  exploit.  11  est  bien  étrange  vengea  l'affront  fait  à  Philippe,  car 
que  de  telles  choses  aient  été  confuse-  il  fit  mourir  saint  Babylas  à  cause  de 
ment  connues.  Aussi  voit-on  de  très-    cet    affront.    Voilà   ce   qu'on   trouve 

dans   la  Chronique  d'Alexandrie;  et 

c'était  Léonce,  évêqne  d'Antioche  l'an 

348,  qui   avait  débité  cela.   11  ne  sa- 

ne  faut  point  séparer  la  fermeté  de    vait  pas  bien  la  conduite  de  Philippe, 

Babylas,  et  la  soumission  de  Philippe,    mais  il  s'éloignait  un  peu  moins  de  la 


savans  hommes  qui  soutiennent  que 
l'empereur  Philippe  n'était  point 
chrétien.  Mais,    quoi  qu'il  en  soit ,  il 


vérité  que  saint  Chrysostome.  L'em- 
pereur Gordien,  sous  qui  Philippe 
était  préfet  du  prétoire  ,  n'avait  point 
d'enfans  à  confier  à  personne  ;  car  il 
n'en  avait  pas  du  tout.  Ce  ne  fut  donc 
point  pour  succéder  à  cet  empereur 
déjà  mort  ,  que  Philippe  tua  le  fils 
du  défunt  ;  et  ainsi  Léonce  rapporte 
très-mal  la  chose.  Philippe,  se  préva- 
à  cause  que  Philippe  avait  tué  le  fils  lant  de  la  jeunesse  de  l'empereur  Gor- 
de  l'empereur  Gordien  (i5j.  Notez  dien  ,  cabala  de  telle  sorte,  qu'il  se 
qu'Erasme,  trompé  par  saint  Chry-  fit  déclarer  son  collègue  et  son  tuteur, 
sostome  ,  a  trouvé  une  grande  difié-    Les  factions   recommencèrent   :    celle 

fi4)  Euseb.  ,    Hist.   eccles. ,    lib.    VI,    cap.  (16)  Erasmi  Epist.  III ,    lib.    XXVIII ,  pag. 

XXXII.  i5SC. 

(i5)  Chron.    Alexandr.  ,  pag.  63o,    cite  par  (17)  Idem  , Epist.  LXIX,  lib.  XXIX,  pag. 

TillemoM  ,  tom.  III,  pag.  822.  iSo3. 


comme  saint  Chrysostome  les  sépare: 
il  faut,  ou  les  recevoir,  ou  les  rejeter 
toutes  deux.  Il  y  a  des  historiens  qui 
en  parlent  d'une  manière  moins  vague 
qu'Eusébe.  La  Chronique  d'Alexan- 
drie marque  que  l'impératrice  ne  fut 
pas  moins  condamnée  à  la  pénitence 
que  l'empereur  son  mari  :  elle  ajoute 
que  'aint  Babylas  usa  de  cette  rigueur 


BABYLAS. 


de  Gordien  succomba  ;  Philippe  !e 
fit  déposer  et  puis  tuer  (18).  Voilà 
la  vérité  du  fait.  Les  altérations  de 
ce  t'ait  sont  allées  en  augmentant. 
Léonce  a  dit  que  Philippe  avait  tué  le 
(ils  de  son  empereur  ,  le  même  (ils 
que  cet  empereur  lui  avait  donne  en 
garde.  C'est  déjà  un  égarement  :  c'est 
se  poster  fort  à  côté  de  la  vérité.  Saint. 
Chrysostome  assure  que  Philippe  a- 
vait  tué  le  tils  d'un  prince  avec  lequel 
il  avait  conclu  un  traité  de  paix  ,  le 
même  (ils  que  ce  prince  lui  avait  lais- 
sé en  dépôt  comme  un  gage  de  son 
amitié  ,  et  de  son  désir  sincère  de 
vivre  en  bonne  intelligence  avec  lui  : 
c'est  un  second  égarement  ;  c'est  se 
loger  fort  à  côté  du  faux  poste  de 
Léonce.  Ce  dernier  auteur  avance  que 
Décius  fit  mourir  saint  Babylas  pour  le 
punir  de  son  insolence  envers  Philippe. 
Ceux  qui  ont  su  l'aversion  de  Décius 
pour  Philippe,  aversion  qu'on  croit  a- 
voir  été  cause  que  Décius  persécuta  les 
chrétiens,  ont  trouvé  absurde  ce  que 
Léonce  disait.  Ils  l'ont  donc  corrigé  , 
en  supposant  que  Philippe  lit  mourir 
lui-même  saint  Babylas  (19)  :  ils  ont 
corrigé  une  faute  par  une  autre ,  et 
out  malheureusement  trompé  saint 
Chrysostomc.  Ils  lui  ont  fait  perdre 
des  réflexions  qu'il  aurait  parées  des 
ornemens  de  sou  éloquence  ,  pour  re- 
pousser les  insultes  des  païens  ,  et 
pour  donner  du  relief  au  ministère 
évangélique.  L'humiliation  d  un  em- 
pereur à  la  parole  d'un  evèque  eût 
fourni  de  belles  pensées  à  saint  Chry- 
so^lome  :  c'est  dommage  qu'il  ne  l'ait 
point  sue.  Voyez  un  peu  de  quelle  ma- 
nière il  se  prévaut  de  la  résistance  de 
saint  Babylas  :  <c  Au  lieu,  dit-il  (20), 
»  que  les  prêtres  des  fausses  divinités 
)>  sont  plus  esclaves  des  empereurs 
i'  que  de  leurs  dieux  ,  et  ne  se  ren- 
»  dent  assidus  à  leur  culte  ,  que  par 
>>  la  crainte  qu'ils  ont  de  ces  princes, 
:  qui  les  démons  sont  ainsi  redeva- 
»  blés  de  leur  culte  et  de  l'honneur 
~»  qui  leur  est  rendu  par  les  hommes  , 
»  ce  grand  évèque  d'Antioche  mon- 
»  Ira  en  punissant  l'empereur  même 
»  d'un  châtiment  très-seusihle  à  un 
»  esprit  raisonnable  ,   et  autant  qu'il 

(  18)  Votez  Capitolin, (ianWrt  Vie  de  Gordien. 

(19)  /'oift  Tillemont ,  lom.  III  ,  pag.  823. 

(10)  Contra  Gentil,  de  sanrtct  Babyl.,  Oper.  , 
lom.  I ,  pag.  6G4,  665,  cité  dans  la  Vie  d<"  Tel  - 
lullicn  et  [TOrigène  ,  pag.  63o 


'>  lui  était  permis  de  le  faire  selon  la 
»  mesure  de  la  puissance  de  l'Eglise  , 
»  que  les  prêtres  de  la  religion  de  Jé- 
»  sus-Christ  ne  sont  esclaves  de  qui 
»  que  ce  soit  sur  la  terre  ,  et  qu'ils 
»  doivent  être  si  jaloux  de  cette  sain- 
»  te  élévation  que  Dieu  leur  a  donnée 
»  en  partage ,  comme  le  vrai  carac- 
»  (ère  de  leur  dignité  .  qu'ils  soient 
»  plutôt  disposés  à  prodiguer  sainte- 
»  ment  leur  vie,  qu'à  perdre  ce  pri- 
»  vilége.  Ce  même  exemple,  ajoute- 
»  t-il ,  en  confondant  l'orgueil  des 
»  païens,  augmenta  la  piété  des  fidè- 
»  les,  qui  apprirent  de  la  conduite  de 
»  leur  pasteur  à  craindre  plus  Dieu 
»  que  tous  les  hommes  j  et  il  ferma 
»  entièrement  la  bouche  à  ceux  qui 
»  osaient  soutenir  avec  une  extrême 
»  impudence,  qu'il  n'y  avait  point 
»  de  vrai  courage  parmi  les  chré- 
»  tiens  ,  mais  que  tout  y  était  faux  et 
»  emprunté  ,  n'étant  couvert  que 
»  d'une   belle  apparence. 

(E)  On  prétend  qu'Apollon  fit  une 
demande  à  l'empereur  Julien,  par  rap- 
port aux  reliques  de  saint  Babylas.  j" 
Il  y  avait  auprès  d'Antioche  un  tem- 
ple et  un  oracle  d'Apollon  dans  un  lieu 
qui  s'appelait  Daphné.  La  supersti- 
tion et  la  débauche  concouraient  com- 
me à  l'envi ,  à  distinguer  ce  lieu-là  : 
c'était  le  rendez-vous  des  amans  et 
de  leurs  maîtresses:  d'autres  y  allaient 
pour  faire  leurs  dévotions;  et  appa- 
remment plusieurs  y  allaient  pour  ces 
deux  fins  tout  à  la  fois.  Gallus ,  frère 
de  Julien  l'Apostat,  n'eut  pas  été  plus 
tôt  déclaré  César,  que,  pour  faire 
cesser  ce  double  désordre,  il  fit  bâtir 
dans  ce  lieu-là  une  église  ,  où  il  donna 
ordre  que  l'on  transportât  le  sepulcr 
de  Babylas.  On  dit  que,  dès  (pie  cela 
fut  fait,  Apollon  ne  rendit  plus  de 
réponses.  Le  tombeau  de  ce  martyr  en 
fut  cause,  et  non  pas  l'interruption 
des  sacrifices  ;  car,  les  sacrifices  ayant 
recommencé  sous  l'empire  de  Julien  , 
l'oracle  continua  de  se  taire  ;  et  lors- 
que Julien  le  consulta  en  personne  , 
il  apprit  que  les  cadavres  dont  ce  lieu- 
là  était  |  lein,  fermaient  la  bou  :he  a 
l'oracle.  L'empereur  .*  appliqua  cela 
qu'au  sépulcre  de  Babylas  :  e  est  pour- 
quoi il  en  ordonna  la  translation  I 
chrétiens  d'Antioche  transportèrent 
ce  tombeau  dans  la  ville.  Ce  fut  une 
procession  de  personnes  de  tout  sexe 
et  Je  tonl    ïge ,  qui  chantèrent   par 


8 


BABYLAS. 


tout  le  chemin  (21)  un  cantique  de 
triomphe  5  car  leur  refrain  concernait 
la  confusion  de  ceux  qui  adorent  les 
idoles  ,  et  était  pris  du  psaume  XCVII. 

thÔtouç  oLx.pi£'Juvrtç,  x.a.1  çi/VBWf^si  to 
ttaîIÔoî  ïv  a-u/jt^ce^ia.  km  tsh/thv  tmv  pmriv 
iirnS'iV  *?'/Jjvbv\o-a.v  TsLvrtç  0!  7rpos-x.vvoùv 


renl  ea  lempora  ,  ut  vi  expellere  eos 
indè  passent  antistites  ;  Mi  sub  prœ- 
textu  à  morluis  purgandi  locum  dis 
sacratum  ,  cum  Babylâ  aliisque  , 
christianos  indè  remouere  nilebanlur. 
IViltil  enim  magis  aut  citiùs  detegere 
valebat  antistitum  ejusmodi  impostu- 
ras,  quant  conlimius  concursus  publicœ 


nç  to7ç  yMTTToîç  0»   'iyx.j.uxâ>fAivoi    to(ç  que panegyres ,  ob  ludos  autfesla  publi- 

tiaïûhott  (22).  Prœcinebant  autem  cœ-  ca  ibi  celebranda  :  si  quurumcumque 

leris  ii  qui  psalmos  appiiniè  callebant  ;  sectarum  philosophis  eorumi'c  sequa- 

mullitudo    deindè    resp'indebat    cum  cibus  ad  Ma  pateret  accessus  (23) 


concentu  et  hune  versiculum  succine 
bal  :  Confus i  sunt  omîtes  qui  adorant 
sculptilia ,  qui  gloriantur  in  simula- 
chris.  Par  l'argument  du  plus  au 
moins  ,  on  pourrait  conclure  de  cette 
histoire,  que  la  naissance  de  Jésus- 
Christ  imposa  silence  aux  oracles  du 
paganisme  ,  si  d'ailleurs  on  ne  voyait, 
que,  de  l'aveu  de  Sozomène,  cet  oracle 
d'Apollon  avait  rendu  des  réponses 
jusqu'à  l'empire  de  Constantius  ,  sous 
lequel  Gallus  eut  la  dignité  de  César. 
L'objection  paraît  plus  forte  contre 
ceux  qui  ne  reconnaissent  aucune 
opération  diabolique  dans  les  oracles 
des  pa'i  us.  Mais  voici  ce  que  répond 
M.  van  Dale.  Il  suppose  que  les  prê- 
tres d'Apollon  ,  ne  voulant  point  être 
éclairés  de  si  près  par  les  chrétiens, 
qui  venaient  en  foule  au  tombeau  de 


(F)  M.  Chevreau  a  parlé  peu  exac- 
ment  du  martyre  de  saint  Babylas.  ] 
Voici  ce  qu'il  en  dit  :  «  Babylas  ,  évê- 
»  que  d'Antioche,  souffrit  le  martyre 
»  avec  ses  trois  enfans ,  pour  n'avoir 
»  pas  voulu  permettre  à  JVumérien  de 
»  voir  les  cérémonies  des  chrétiens , 
»  ajoutant ,  qu'un  homme  souillé  de 
»  sang  et  du  sacrifice  des  idoles  ,  ne 
»  pouvait  pas  entrer  dans  l'église , 
»  ou,  comme  le  dit  Suidas,  qu'il  ne 
»  souffrirait  point  que  le  loup  en- 
»  trdt  dans  la  bergerie  du  Sei- 
»  gneur  (24J).  »  '°-  Babylas  n'avait 
point  d'enfans  :  il  fallait  dire  qu'il  y 
eut  trois  frères  encore  enfans  ,  ou  fort 
jeunes ,  qui  souffrirent  le  martyre 
avec  lui  (25).  2°.  Il  y  a  plus  de  trente 
ans  entre  la  mort  de  Babylas  et 
l'empire  de  Numérien.  3°.  Les  anciens 


Babylas,  inventèrent  une  réponse  qui  auteUrs  ne  prêtent  pas  au  martyr  les 
put  obliger  l'empereur  à  faire  ôter  de  phrases  de  M.  Chevreau.  Avouons  que 
ce  lieu  le  tombeau  de  ce  martyr.  Ces  c'eit  ,me  entreprise  bien  difficile  que 
prêtres  ne  craignaient  rien  lant  que  ceue  <]e  l'Histoire  universelle.  M.  Che- 
les  yeux  des  incrédules,  et  ils  n'espé-  vreau  était  habile  homme  ,  il  connais - 
raient  pas  de  pouvoir  cacher  leurs  fi-  sait  ies  défauts  de  ceux  qui  l'ont  pré- 
nesses  à  des  gens  aussi  curieux  de  les  re(ié  dsns  ce  dessein  ,  il  a  mis  un 
découvrir  ,    qu'étaient   les   chrétiens,    temps  fort  long  à  son  ouvrage  ;  et  ce  - 

pendant comme  il  est  plein  dévie 

(26),  et  que  nonobstant  son  âge,  il 
jouit  de  la  santé  du  corps  et  de  celle  de 
l'esprit,  je  ne  doute  pas  qu'il  ne  publie 
une  nouvelle  édition,  qui  sera  encore 
plus  belle  que  les  précédentes  (27). 

J'avais  espéré  que  M.  Chevreau  ne 
prendrait  pas  en   mauvaise  part   les 


Peut-être  aussi  que  l'aveugle  supersti- 
tion de  ces  prêtres  leur  persuadait 
qu'ils  feraient  un  bon  acte  de  religion  , 
s'ils  faisaient  oter  du  voisinage  de  leur 
temple  le  tombeau  d'un  martyr  chré- 
tien ,  vénéré  par  les  ennemis  de  leurs 
dieux.  Chrisliani  quibus  repleta  erat 
Anliochia ,  aliique  ejusdem  religionis 
altitude  advenientes  ,  visilabant  quoti- 
diè  sepulchra  martyrum ,  atque  in  pri- 
inis  qu'idem  Babylas.  Sub  quo  prœlex- 
tu  duiu  loca  Ma  ita  Jrcquentarenl , 
1  tint  subreperent  etiam  huic  oraculo  , 
oculisque  emissitiis  omnia  perluslra- 
rent  ,  ut  sic  delegerent  imposturas  ac 
prœsligias  ibi  ext.rcitas ,  neque  id  j'er- 

(21)  Il  e'tail  d'environ  [\o  stades  ,  c'est-à-dire, 
5ooo  pas. 

{1.7)  Sozomeni  Hist.  eccles-,  lib.  V,  cap.  XX. 


(23)  Van  Date,  de  Oracul.,  pag.  442-  Voyez 
les  Nouvelles  de.  la  République  des  Lettres , 
mois  de  mars  1684  ,  pag-    i5  ,  16. 

(?4)  Chevreau  ,  Histoire  du  Monde  ,  tiv.  IV, 
chap.  IV ' ,  pag.  400  du  IIe.  tome  ,  e'ditwn  de 
Hollande  en   1687. 

(25)  Vie  de  Tertullien  et  d'Origène,  pag.  758. 

(26)  On   écrit  ceci  l'an  ifr^- 

(27  1  //  a  publie'  en  effet  une  édition  à  la  Haye, 
l'an  1698,  avec  plusieurs  additions  et  correc- 
tions ;  mais  il  n'a  rien  change'  au  passage  qui 
concerne  Babylas. 


BABYLAS.  9 

petites  notes  critiques  que  Ton  vient  sont-ce  des  auteurs  qu'on  puisse  appe- 
de  voir  ,  et  comme  j'avais  pour  lui  1er  anciens,  par  rapport  au  temps  du 
toute  l'estime  qui  était  due  à  son  martyr  dont  il  s'agit  ?  n'ont  ils  pas 
grand  mérite,  je  les  aurais  supprimées,  vécu  vers  la  lin  du  VIIIe.  siècle? 
si  j'avais  prévu  qu'elles  le  chagrine-  Enfin  il  cite  plusieurs  écrivains,  la 
raient  ;  mais  je  le  croyais  au  -  dessus  plupart  modernes,  qui  ont  dit  que 
de  toute  atteinte  de  fâcherie  pour  si  Babylas  fut  tué  par  Numérien  ;  et  il 
peu  de  chose.  Je  m'étais  imaginé  qu'il  rapporte  (32,1  ces  paroles  de  M.  de 
s'appliquerait  à  ce  que  j'avais  dit  Tillemont  :  Il  faut  avouer  que  l'his- 
dans  ma  première  préface  ,  et  il  était  toire  de  saint  Babylas  est  embarrassée 
assurément  du  nombre  de  ces  auteurs,  de  plusieurs  difficultés  insurmontables 
qui  ne  doivent  point  redouter  les  pe-  à  notre  faiblesse.  Je  conviens  que  tout 
tites  pertes  (28).  Ainsi  j'ai  été  surpris  cela  peut  servir  d'excuse  à  ceux  qui 
de  sa  sensibilité  imprévue ,  et  fort  fâ-  parlent  peu  exactement  du  martyre  d^ 
ché  de  ce  qu'il  s'était  fâché.  Il  y  a  des  saint  Babylas  ;  mais  il  sera  toujours 
personnes  illustres  qui  pourront  rendre  permis  de  remarquer  qu'ils  n'ont 
témoignage  qu'en  lui  souhaitant  une  point  choisi  ce  qu'il  y  avait  à  dire  de 
vie  encore  plus  longue  qu'elle  n'a  été  moins  inexact  sur  cette  matière. 
(39)  ,  je  me  fondais  ,  non-seulement  Je  suis  fort  persuadé  que  M.  Che- 
sur  ce  qu'il  était  un  ornement  de  son  vreau  a  trouvé  des  fautes  dans  mon 
siècle  ,  mais  aussi  sur  le  désir  qu'il  pût  ouvrage.  On  y  en  peut  trouver  beau- 
lire  dans  cette  seconde  édition  les  sen-  coup,  sans  avoir  le  quart  des  lumie- 
timens  de  mes  respects,  et  l'éclaircis-  res  d'un  si  habile  homme.  S'il  eut 
sèment  d'une  chose  qui  avait  été  ex-  donné  des  exemples  de  ce  qu'il  a  dit 
primée  d'une  façon  ambiguë.  Je  m'i-  en  général  touchant  ces  fautes  essen- 
magine  que  cette  équivoque  a  été  la  tielles  contre  notre  langue,  et  touchant 
grandesource  de  son  mécontentement,  ces  expressions  basses  et  burlesques  , 
Il  a  cru  que  la  ligne  ponctuée,  et  ce-  obscures  et  entortillées  (33),  je  me  croi- 

pendant ,  cachait  beaucoup  de  ve-  rais  obligé,  ou  de  disputer  là-dessus, 

nin  :  c'est  un  vide  que  son  imagina-  ou  de  passer  condamnation  ,  et  je 
tion  a  rempli  d'idées  désobligeantes  ,  prendrais  sans  nulle  peine  ce  dernier 
et  je  souhaitais  qu'il  sût ,  que  selon  parti ,  pour  peu  que  je  visse  que  la 
ma  véritable  pensée,  il  ne  faut  trou-  raison  le  demandât  ;  mais,  puisquil 
ver  dans  cette  lacune  ,  que  la  repré-  n'a  rien  marqué,  on  trouvera  bon  que 
sentation  générale  de  l'impossibilité  je  prenne  pour  des  reproches  vagues 
d'éviter  les  fautes  ,  quelque  habile  que  cet  endroit-là  de  son  livre  (34).  H  m'a 
soit  un  auteur  qui  entreprend  un  ou-  reproché  en  particulier  une  espèce  de 
vrage  à  grands  détails.  contradiction  concernant  un  homme, 
Mais  venons  au  fond.  M.  Chevreau  qui  a  été  long-temps ,  dit-il  (35)  ,  mon 
reconnaît  lui  -  même  la  solidité  de  idole.  Je  suis  sûr  qu'il  aurait  omis  ce- 
rna première  remarque  ,  puisqu'il  la  ,  s'il  avait  vu  comment  je  me  suis 
avoue  (3o),  qu'il  eût  été  mieux  de  justifié  sur  ce  chapitre  dans  mes  Ré- 
mettre  trois  frères  encore  enfans,  pour  'flexions  sur  un  imprimé  qui  a  pour 
''der  toute  équivoque,  et  qu'il  défait  titre  Jugement  du  Public,  etc.  Et 
s'expliquer  plus  clairement  qve  beau-  pour  ce  qui  est  des  mots  ,  qu'il  assure 
coup  d'auteurs  ,  qui  l'ont  écrit  de  mé-  que  les  oreilles  délicates  ne  peuvent 
me  avant  lui.  Pour  ce  qui  regarde  les  souffrir  (36)  ,  on  verra  dans  un  éclair- 
phrases  que  j'ai  dit  que  les  anciens  cissement ,  à  la  lin  de  cet  ouvrage  ,  ce 
auteurs  n'ont  point  prêtées  à  saint  que  j'ai  à  lui  répondre.  Je  voudrais 
Babylas,  M.  Chevreau  cite  Georges-lc-  bien  mériter  tout  ce  qu'il  observe 
Sjncetle  ,  et  Paul  Diacre  (3 1)  ;  mais  dans  la  rétorsion  de  la  période  qui  fi- 
nit par  cependant (37)  ;  et  je  m'es- 


(28)  Voyez  le  Projet  de  ce  Dictionnaire,  vers 
lajin  du  VIe.  paragraphe. 

(29)  Il  est  mort  le  i5  de  février  1701,  âge' de 
quatre-vingt-sept  ans  et  quelques  moi*.  Voyez 
le  Journal  de  Trévoux,  mars  et  avril  1701 ,  pag. 
3$i  ,  édition  de  Hollande. 

(30)  Clievrxana  ,  IIe.  part. ,  édition  de  Hol- 
lande. 

Là  même  ,  pag.  "iix. 


(3a)  La  même ,  pag.  32g,  33o. 
(33)  L'a  même  ,  pag.  320. 

f  34  '■  Conférez  ceci  avec  lajin  de  la  remarque 
(C)  de  l'article  Rot. 

(35)  Clievrirana  ,  II'.  part. ,  pag.  320. 

(36)  La  même. 

Ci-)  Là  même,  pag.  33o,  33i. 


io  BABY 

timerais  trop  heureux,  si  l'on  voulait 
uTexcuser  sur  la  raison  qu'il  est  im- 
possible ,  ou  presque  impossible  ,  de 
ne  pas  faire  beaucoup  de  fautes  dans 
un  ouvrage  tel  que  celui-ci.  Je  ne  pense 
pas  que  je  me  fusse  jamais  engage'  au 
travail  de  ce  Dictionnaire  ,  si  j'eusse 
prévu  que  toute  mon  attention  à  évi- 
ter les  me'prises  ne  m'empêcherait 
pas  de  me  tromper  fort  souvent  et 
bien  lourdement.  Au  reste  je  dois  con- 
seiller à  mes  lecteurs  de  consulter  le 
savant  ouvrage  que  M.  de  Larro- 
que  (38)  fit  imprimer  à  Leyde ,  Tan 
1G88,  sons  le  titre  de  Matlhœi  Lar- 
roquani  a&versariorum  sacrorum  libri 
très.  Voyez-y  la  page  ^9  et  les  sui- 
vantes. 

(38)  Daniel  Larroqnanus,  Matlhœi films. 

BABYLONE.  M.  Moréri  et  ses 
continuateurs  ont  ramassé  tant 
de  choses  touchant  cette  ville  , 
que  si  je  voulais  donner  à  cet 
article  une  forme  raisonnable  , 
je  serais  contraint  de  répéter  la 
plupart  de  leurs  recueils.  Ainsi  , 
pour  épargner  au  public  le  dé- 
goût de  trouver  les  mêmes  cho- 
ses dans  différens  dictionnaires  , 
je  m'arrêterai  ici  à  un  fait  qu'ils 
n'ont  point  touché.  Je  n'exami- 
ne point  si  ce  qu'ils  rapportent 
est  dans  toute  l'exactitude  qu'il 
eût  fallu.  Les  habitans  de  Baby- 
lone  prétendaient  que  cette  ville 
était  très-ancienne  ;  il  comptaient 
quatre  cent  soixante-treize  mille 
ans  ,  depuis  les  premières  obser- 
vations de  leurs  astrologues,  jus- 
qu'à l'arrivée  d'Alexandre.  C'est 
ce  que  nous  apprend  Diodore  de 
Sicile  (a).  D'autres  ,  s'attachantà 
un  nombre  rond  ,  disent  que 
les  Babyloniens  se  vantaient  d'a- 
voir conservé  dans  leurs  archi- 
ves les  observations  que  leurs  as- 
trologues avaient   faites  sur  les 

(a)  Libro  XI ,  pagina  118,  edit.  Ithodo- 
mnnni. 


LONE. 

nativités  pendant  quatre  cent 
soixante-dix  mille  ans  (  A  ).  11 
faut  corriger  par-là  un  endroit 
de  Pline  (B) ,  dont  quelques  au- 
teurs se  servent  mal  à  propos  , 
ou  pour  réfuter  l'antiquité  de 
Babylone,  ou  à  d'autres  usages. 
Un  savant  professeur  de  Leyde  l'a 
remarqué  depuis  peu  (b),  et  il 
est  étrange  qu'on  ait  tant  tardé 
à  le  remarquer.  Aristote  savait 
sans  doute  que  les  Babyloniens 
se  vantaient  de  posséder  une  sui- 
te d'observations  astronomiques 
qui  comprenait  un  prodigieux 
nombre  de  siècles.  Ayant  voulu 
s'éclaircir  par  le  moyen  de  Gal- 
listhène  ,  qui  était  à  la  suite 
d'Alexandre,  il  trouva  bien  du 
mécompte;  car  on  prétend  que 
Callisthène  lui  fit  savoir  qu'il 
n'avait  vu  dans  Babylone  que 
pour  mille  neuf  cent  trois  ans 
d'observations  astronomiques. 
Simplicius  rapporte  cela  ,  et 
l'emprunte  de  Porphyre  (c).  Si 
Callisthène  a  bien  supputé,  il 
faut  convenir  que  les  hommes 
après  le  déluge  se  hâtèrent  fu- 
rieusement de  devenir  astrolo- 
gues :  car  ,  selon  la  Bible  hébraï- 
que, on  ne  saurait  trouver  que 
deux  mille  ans  depuis  le  déluge 
jusqu'à  la  mort  d'Alexandre.  Il 
y  a  lieu  de  douter  de  ce  que  rap- 
porte Simplicius  ,  et  il  est  remar- 
quable que  tous  les  anciens  au- 
teurs ,  qui  ont  attribué  à  Sémi— 
ramis  la  fondation  de  Babylone  . 
n'ont  eu  pour  garant  que  Ctésias, 
dont  les  histoires  étaient  rem- 
plies de  fables  (d).  Aussi  voyons- 

(b)  M  Perizooius.  Voyez  la  remarque  (B) , 
citation  (8)  et  (9). 

(c)  In  lib.  //de  Cœlo,  Com.  XLVI  ,pag. 
123. 

(d)  Marshamus  ,  in  Chronic. ,  pag:   507, 
edit.  anni  1676,  in-l\". 


nous    que   Bérose  blâme  fort  les    jours    existe,    ou   que   les   Assyriens 
écrivains    grecs    d'avoir    publié    J^, .  LiUeras sempcr  arbilror  assyrias 


BABYLONE. 

irs    < 

aient  toujours  eu  l'usage  <le  l'écri- 
Ullre  :  LiUeras  sempcr  arbilror  assyrias 
que  Sémiramis  avait  bâti  naby—  juisse  (4).  H  faut  donc  prendre  pour 
lone  et  qu'elle  l'avait  ornée  de  la  preuve  de  son  opinion  les  témoigna- 
bâtimeusadmirablcs(e).  Le  Sup-  fie*  qu'il  emprunte  dtpigènes  et  de 
ua  w  ,      i        Berose ,  touchant  les  observations  as- 

plement  de  Moreri  citeyumte-  tronomiques  q„e  les  Babyloniens 
Curce  touchant  l'impudicité  des  avaient  fait  graver  ^  car  la  conclu- 
femmes   de    Babylone.    On  peut    sion  qu'il  tire  de  ces  témoignages  est 

ajouter  que  ce  désordre  était  l«  même  chose  que  l'opinion  <&& 
ujuuiei     ijtic  ,       avalt    representee  peu  auparavant   : 

fort    ancien.    La  lettre  de  Jere-    ex         apparei ,  voilà  sa  conclusion  , 

'     l       1 1_  i:__~  J..  Po_  ^  Vr.  rk_    M    _■>_.  - 


mie  insérée  dans  le  livre  de  Ba 
rue  ,  en  touche  quelque  chose  , 
mais  d'une  manière  obscure ,  et 
qui  a  besoin  d'un  commentaire 
tiré  d'Hérodote  (C). 


œlernus  litterarum  usus.  Or  il  n  y  ;>. 
rien  de  plus  absurde  que  son  raison- 
nement ,  si  Ton  suppose  qu'il  a  parlé 
comme  il  parle  dans  les  manuscrits 
et  dans  les  éditions  de  son  livre.  Epigè- 
nes  ,  auteur  grave  ,  assure  que  les  ob- 
servations des  astrologues  babyloniens 
(c)  Berosus,  Clialitaicorum  lib.  II  ;  apud  comprennent  sept  cent  vingt  ans.  Ceux 
Joseph.,   lib.  I  contra  Apion.,  pag.  lotfi.      qUj  jeur  donnent  la  plus  petite  étendue, 

comme  Bérose  et  Critodème,  leur  assi- 
(A)  Les  Babyloniens  se  vantaient  gDent  quatre  cent  quatre-vingts  ans. 
d'avoir  conservé  les  observations  que  j)onc  pusage  des  lettres  est  éternel , 
leurs  aslm/ogues  avaient  jattes...  pen-  et  j'estime  avec  raison  qu'il  a  existé 
dant  quatre  cent  soixante  -  dix  mille  toujours  dans  l'Assyrie.  C'est  ainsi 
ans.  ]  Citons  seulement  deux  passages  cme  pjme  raisonne  dans  l'état  où  est 
de  Cicéron.  Conlemnamus  el:am  Ba-  a„j0,ird'hui  son  Histoire  naturelle  : 
bylonios  ,  et  eos  qui  è  Caucaso  cœli  c->est  amsi  ?  dis-je  ,  qu'il  raisonne  , 
signa  servantes  ,  numeris  et  moribus  aprcs  avoir  observé  que  Cadmus  ap- 
stellarum  cursus  persequunlur.  Con-  porta  l'usage  des  lettres  en  Europe,  et 
demnemus,  inquam ,  hos  aut  sttdtaiœ,  qu'on  disait  que  leur  invention  en 
aut  vanilatis  ,  aut  imprudenttœ,  qui  Egypte  précéda  de  quinze  ans  le  rè- 
ccc.clxx  milita  annorum  ,  ut  ipsi  di~  gne  dc  Phoronée.  Un  fou,  un  homme 
cunt  ,  monumentis  comprehensa  conti-  •  vre  ^  un  radoteur  ,  pourraient  -  ils 
nent  (i).  Voyons  comment  il  se  moque    faire  urie  pjus  extravagante  rapsodie  ? 


de  cela  dans  un  autre  endroit.  Quod 
aiunt  470  millia  annorum  in  périclitait- 
dis  experiundisque  pueris  quicunque 
essent  nali ,  Babylonios  postasse  f al 
liait.  Si  enim  esset  factitatum  ,  non 
esset  desitum.  Neminem  aulem  habe- 
ntus  aiilurem  qui  id  aut  Jieri  dicat  , 
aut  Jactuni  sciai  (1) 


Il  faut  donc  supposer  nécessairement 
que  ce  passage  n'est  pas  dans  son  état 
naturel  :  et  c'est  un  grand  sujet  d'é- 
tonuemenl  que  mille  doctes  critiques 
aient  examiné  ces  paroles,  sans  y 
apercevoir  une  impertinente  logique, 
qui  les  leur  rendît  suspectes.  Les  Sca- 
ligers  ,  les   Vossius ,   les   Marshams  , 


(B)  Il  faut  corriger,  a  Toccasion  des    ]es  D0<jwels  sont  si  peu  entrés  en  dé- 
nbservations  astronomiques  des  Baby-    fiance  là-dessus  ,  qu'ils  les   ont  prises 
Ioniens,  un  endroit  de  Pline.'}  Voici  ses 
paroles  :    Epigenes   apud   Babylonios 
720  annorum   observationes   syderum 


coctilibus  lateriliis  inscriptas  docet, 
gravis  auctor  imprimis  :  qui  minimum 
Berosus  et  Crttodemus  480  annorum. 
Ex  qun  apparet  œternus  litterarum 
usus  (3).  11  venait  de  dire  qu'il  croyait 
que  les  lettres  assyriennes  avaient  ton- 

(1)  Cicero ,  de  Divinst. ,  lib.  I,  cap.  XIX. 
fa)  Id.  ,  ibid.  ,  Ub.  II ,  cap.  XLVI. 
(3)  Plinius,  Ub.  V II,  cap.  LJI. 


pour  le    fondement    des    conclusions 

au'ils  voulaient  bâtir  touchant   l'âge 
e  Bérose  (5),  ou  contre  l'antiquité  de 
d'autres 


Babylone    (  6  )  ,    ou     pouv 

(4)  M.  Periionius  croit  qu'il  faut  lire  A«-v  i  lit 
Vo\e-  sa  Dissertatio  philologica  de  Originibos 
baby  Ion  ici  s  :  ce  sont  des  thèses  soutenues  au 
mois  d'avril  1694. 

(5)  Scaliger,  ad  Graca  Kasebii ,  paç.  4°7- 
Vossius,  de    Hisloricis  grjecis,    apud  Periion.  , 

in  Origin.  Babylon. 

(6)  Marshamus  .    Secul.    XVII,    pag.    4"-» 
edit.  anglic.  apud  eumdem- 


i?.  BABYLONE. 

vues  (7).  Le  père  Hardouin  a  corrige'  de  Cice'ron,  quant  à  la  première  (10).  Il 
«ne  partie  de  ce  passage  :  mais  ce  n'a  est  vrai  qu'il  dit  en  passant,  que  le 
pas  été  principalement  afin  <te  faire  lieu  même  «le  Pline  semble  demander 
bien  raisonner  Pline;  car  si  ce  motif  la  première  correction.  Crrtè  anno- 
principal  l'avait  fai'agir,  il  aurait  cor-  rum  millia  locns  aie  postulare  uidetur 
rigé  tout  :  c'est  M.  Perezonius  (8)  qui  nonannos(n)  C'est  une  marquequ'ila 
a  développé  amplement  les  causes  du  senti  le  mauvais  raisonnement  que  la 
mal,  et  la  preuve  de  la  corruption  du  leçon  ordinaire  attribue  à  Pline.  Mais 
texte  (p)-  11  a  montré  qu'il  iaut  ajou-  si  l'on  ajoute  mille  aux  quatre  cent 
ter  le  nombre  de  mille,  tant  du  côté  quatre-vingts  de  la  leçon  ordinaire  , 
d'Épigènes ,  que  du  côté  de  Bérose  ;  l'on  tombe  dans  une  autre  difficulté  : 
et  ainsi  Pline  aurait  dit  que  ,  selon  le  l'on  soutient  que  Bérose  donne  quatre 
témoignage  d'Epigènes  ,  les  observa-  cent  quatre-vingt  mille  ans  aux  ob- 
tions  des  astrologues  de  Babylone  servations  de?  astrologues  babylo- 
comprennent  sept  cent  vingt  mille  niens  •  et  cependant  nous  savons  qu'il 
ans  ;  et  selon  le  témoignage  de  ceux  n'a  parlé  que  de  cent  cinquante  mille 
qui,  comme  Bérose  et  Critodème,  leur  ans  ,  lorsqu'il  a  fait  mention  de  la  di- 
donnent  le  moins  d'étendue,  quatre  ligence  avec  laquelle  ceux  de  Babylone 
cent  quatre-vingt  mille  ans.  Piine  a  conservaient  la  mémoire  de  diverses 
raison,  en  supposant  comme  il  fait    eboses  naturelles  et   historiques.  Bh- 

3ue  ces  témoins  sont  dignes  de  foi,  p&s-s-oç  h  TÏ^fâTii  tiïiv  Ba.Çuhoûvia.x.a>v 
e  conclure  qu'on  ne  saurait  marquer  qnn  ytvîo-Ba.i  dur  m  ko.t'  'AxiÇa.vi'ptiv  tov 
le  commencement  des  lettres  assy-  <t>iÂi5r7rotn-;>y  hkwxv  ,  dvtypotqdç  <fs  itaK- 
riennes.  Or,  quand  une  ebose  est  si  *av  h  BatCuKwvi  <sfnKda-tria-ba.ty.tTn-  toaadc 
ancienne,  qu'on  n'en  saurait  mar-  ï'Triy.txtictç  j.7to  iTtov  /rot/  ùntp  /Aupistécuv  n 
quer  la  naissance,  on  ne  fait  point  de  TrtpuXoua-dtc  /^povov  7rtpiix,tni  As  Tstç  clvsl- 
scrupule  ,  en  écrivant  comme  faisait  ypet^dç  Içropixi  irtp'i  t'Z  uùpmw ,  na.i  Bct- 
Pline  ,  de  la  nommer  éternelle.  Mais  hdaa-ïtc.,  x.o.t  7rfùùT(iyovia.ç ,  ko.i  (la.a-ïKiûùV  , 
oserait-on  la  qualifier  de  la  sorte,  y-ci  t&>v  2*t'  o.ùt',uç  Trpdçioûv  (i2j.Bero- 
lorsque  les  preuves  de  l'antiquitéqu'on  nu  in  primo  libro  Babylonicorum  ait 
lui  donnerait  la  laisseraient  plus  nou-  natum  se  œlate  Alexandri  Philippifi- 
velle  qu'une  chose  dont  on  marque-  lit  ■■  scripla  l'eio  mulla  servari  Baby- 
rait  le  commencement  ?  C'est  le  cas  lone  magna  cum  cura  quee  tempus  con- 
où  Pline  se  trouverait,  s'il  avait  tineant  annorum  supra  myriadas quin- 
dit  ce  que  l'on  trouve  aujourd'hui  decim  :  heee  autem  scripla  continere 
dans  son  ouvrage.  Pesez  bien  ce  historias  circa  ccelum  ,  mare ,  et  rerum 
qu'il  a  dit  touchant  Cadmus  et  Pho-  primai  dia, et  regeseorumqueresgeslas. 
ronée.  Il  faut  avouer  que  ce  passage  prouve 

11  faut  expliquer  à  part  la  correction  également  ces  deux  choses  :  Pune  , 
du  père  Hardouin.  11  rétablit  ainsi  le  qu'il  faut  chasser  du  texte  de  Pline  le 
texte  de  Pline.  E  diverso  Epigenes  nombre  de  quatre  cent  quatre  vingts 
apud  Babylonios  CCCCLXX  anno-  ou  quatre  cent  quatre-vingt-dix,  1  au- 
rum  M.  observationes  siderum  cocti-  tre  qu'il  ne  faut  pas  y  substituer  qua- 
libus  taterculis  inscriptas  docel qui  tre  cent  quatre  vingt  mille ,  mais  plu- 
minimum  ,  Berosus  et  Crilndemus  tôt  cent  cinquante  mille.  Ce  n  est  pas 
CCCCXC  annorum.  D'un  côté  il  met  qu'on  ne  puisse  taire  des  chicanes  :  on 
quatre  cent  soixante -dix  mille  au  lieu  peut  objecter  que  lierose  ,  s  étant 
de  sept  cent  vingt,  et  de  l'autre,  il  mieux  instruit  du  fait,  trouva  quatre 
met  quatre  cent  quatre-vingt-dix  ,  au  cent  quatre  vingt  mille  ans ,  et  débita 
lieu  de  quatre  cent  quatre-vingts.  Il  se  «  calcul  dans  un  ouvrage  sur  lequel 
fonde  sur  les  manuscrits,  quant  à  la  Pline  se  régla.  On  pourrait  aussi  ob- 
dernière  correction  ;  et  sur  l'autorité    jecter  que  les  nombres  ont  ete  lalsiues 


(7)    Vide    Dodwel ,    Observât.    Cyprian.  ,    in 
Append.  ,  pag.  36  ,  37- 

(8/  Ci-devant  professeur  à   Franeher.  Il  est 
professeur  à  Leyde  ,  en  grec  ,  en  histoire  ,  et  en 
élo'auence,  depuis  l'année  passée  iGg3. 
(9)   foyet  sa    Dissertatio  I    de  Originibus  ba- 
lomtis. 


(10)  C'est-à-dire,  sur  les  deux  passages  du 
Traite  de  Divinatione,  cités  ci-dessus  ,  num.  (1) 

et  M"  TF 

(11)  Harituin.  ,  in   Plinium  ,    loin.   Il,  pag. 

i34,  num.  157. 

(iaj  Berosus  apud  AlexanHrum  Poly-bistor.  ci- 
tatwn  ab  Eusebio  ,  in  Chrooico  ,  pag-  5  et  o, 
edit.  Scalig.  an.  i658. 


BABYLONE. 


i3 


clans  le  passage  qu'Eusèbe  cite.  Quoi 
qu'il  en  soit ,  j'aimerais  mieux  retenir 
la  correction  du  père  Hardouin  ,  et  y 
ajouter, quant  à  Béroseet  à  Critodème, 
le  changement  de  quatre  cent  quatre- 
vingt-dix  en  cent  cinquante  mille. 

Je  dirai,  en  passant,  que  Vossius  n'a 
point  rapporte'  comme  il  devait  ce 
qui  concerne  Berose  dans  le  passage 
de  Pline  qui  sert  de  sujet  à  cette  re- 
marque. Il  prétend  que  Pline  dit  que 
Bérose  a  fait  l'histoire  de  ce  qui  s'é- 
tait  passe'  pendant  le  cours  de  4&o  ans. 
Je  cite  les  paroles  de  Vossius.  Plinius, 
lib.  vi,  Htst.  nat.,  cap.  lv.,  (il  fallait 
dire  lib.  vu.  cap.  lvi.)  referl  Berosum 
trailere  memoriam  quadringetilorum 
annorum  et  octoginta  (i3).  Comparez- 
les  avec  le  passage  de  Pline ,  et  vous 
verrez  un  fort  grand  mensonge.  A 
qui  se  fier? 

(C)  La  lettre  de  Jérémie ,  tou- 
chant l'impudicité  des  femmes  de 
Babylone ,  a  besoin  d'un  commen- 
taire tire  d'Hérodote.]  Voici  le  texte 
de  Jére'mie  :  Les  femmes,  environnées 
de  cordes  ,  sont  assises  par  les  che- 
mins  et  quand  quelqiiune  d'elles 

attirée  par  quelque  passant  a  couché 
avec  lui ,  elle  reproche  a  sa  voisine 
quelle  n'a  pas  été  trouvée  digne 
comme  elle  ,  et  que  sa  corde  n'a  pas 
été  rompue  (1^).  Pour  bien  entendre 
cela,  il  faut  recourir  à  Hérodote,  qui 
nous  apprend  qu'il  y  avait  une  loi  à 
Babylone,  qui  obligeait  toutes  les 
femmes  du  pays  à  s'aller  asseoir  au- 
près du  temple  de  Vénus ,  pour  y 
attendre  l'occasion  d'avoir  à  faire  à 
un  étranger  (i5).  Jl  fallait  qu'unefois 
en  leur  vie  toutes  passassent  par-là. 
Les  plus  riches  se  tenaient  dans  des 
carrosses,  et  menaient  un  grand  nom- 
bre de  domestiques  :  les  autres  n'a- 
vaient qu'une  cloison  de  corde,  c'est- 
à-dire  qu'elles  formaient,  certains 
rangs  qui  étaient  séparés  les  uns  des 
autres  par  des  cordes  (i6j,  mais  de 
telle  manière,  qu'il  y  avait  des  entrées 
et  des  issues,  afin  que  les  étrangers 
se  promenassent  librement  dans  lis  in- 
tervalles ,  et  choisissent  celles  qu'ils 

(i3)  Vossius  ,  de  Hist.  çrjec. ,  pag.  86. 
(  14)  livre  de  Baruc  ,  parmi  les  Apocryphes, 
I  enajt.  VI  ,vs.  42  et  43. 

(i5)  Herodot.  ,  Ub.  1  ,cap.  CXCIX. 
(16     On  aide  à  la  lettre  .  afin  défaire  mieux 
entendre  par   une    paraphrase    ce  qu'Hérodote 
if  explique  pas  assez  en  détail. 


trouveraient  le  plus  à  leur  gré.  Quand 
ils  l'avaient  choisie,  ils  lui  jetaient 
de  l'argent  sur  le  giron ,  et  ils  la  me- 
naient en  quelque  lieu  à  l'écart ,  pour 
jouir  d'elle.  Ils  faisaient  une  prière 
pour  elle  à  la  déesse  du  temple  (17). 
il  n  était  point,  permis  à  ces  femmes 
de  refuser  aucun  étranger,  ni  l'ar- 
gent qu'on  leur  donnait  ,  quelque 
petite  que  fût  la  somme.  Il  fallait 
qu'elles  suivissent  le  premier  étran- 
ger qui  leur  jetait  de  l'argent.  Notez 
que  celte  somme  était  destinée  à  des 
usages  de  religion.  r/v«Tai  yàp  Upoi 
T01/T0  to  Àpyùpiov  (18).  lit  qutdem  in 
sacrum  convsrtitur  usum.  Après  la 
'■oiisornmation  rie  Pacte ,  elles  pou- 
vaient retourner  à  leur  logis  :  la  dé- 
votion ,  ou  l'expiation,  qiîe  la  déesse 
exigeait,  était  accomplie.  Celles  qui 
étaient  belles  ou  jolies  étaient  bientôt 
expédiées  ,  et  relevées  de  sentinelle  ; 
mais  les  laides  attendaient  long-temps 
l'heure  propice  pour  satisfaire  à  la  loi. 
Il  y  en  avait  de  si  malheureuses, 
que  trois  ou  quatre  ans  d'attente  ne 
finissaient  point  leur  noviciat.  Ka.»  yà.a 

TpiÎTM  KcÙ  TtTpsLÎTHX.  y.itlÇ'i'Tipa.l  ^f  OVOV 

fAÎvoutn.(uj).  JYam  quœdam  triennium 
quadrienntumque  expectant.  Il  n'y  a 
plus  d'obscurité  présentement  dans 
les  paroles  de  Jérémie.  Chacune  de 
ces  femmes  se  tenait  dans  une  cel- 
lule entourée  de  corde,  et  n'en  sor- 
tait qu'en  rompant  la  corde,  après 
quoi  elle  insultait  à  celles  qui  étaient 
encore  en  cloison.  On  pouvait  appli- 
quer à  celles  qui  en  sortaient  tard  ,  le 

Tain  gratum  mihi  quatn  ferunl  puellx 
Permit  aureulurn  fuisse  maluin  , 
Quad  zunam  solvit  diii  ligatam  (20). 

Qui  pourrait  assez  déplorer  la  mon- 
strueuse alliance  qui  se  faisait  dans  le 
paganisme  entre  le  culte  des  dieux  ,  et 
h:s  passions  les  plus  sales?  C'est  ce 
que  l'on  aurait  pu  appeler  à  juste  titre 
lu  dévotion  aisée  ,  si  la  comédie  avait 
contenu  plus  d'actes  et  plus  de  scènes, 
et  si  l'on  n'avait  pas  fait  un  mélange 
désavantageux  à  h,  laideur  ;  car  celte 
patience  de  trois  ou  quatre  ans  pour 
un  seul  coup  était  une  rude  pénitence. 
Martin  del  Bio  rétracta  ce  qu'il  avait 

17)  C'était    Vénus  :  les  Babyloniens  l'appe- 
laient Mvlitta.  Herodot.  ,  lib.  j,  cap.  CXCfX. 
(18    Ibidem. 

(iç,)  Herodot.  ,  lib.  I  ,  cap.  CXCIX. 
(10)  Catulli  Epigr.  H 


*4 

dit  sur  les  paroles  que  j'ai  rapportées 
du  livre  de  Baruc.  11  avait  cru  qu'elles 
traitaient  de  certaines  ligatures  pra- 
tiquées pour  se  faire  aimer.  Voyez 
sçs  Disquisitions  magiques  (21). 

(21)  Lib.  III,  parti,  Qucest.  III,  pag.  i3. 

BACHOVIUS  (  Reinier)  ,  na- 
quit à  Cologne,   l'an    1 544-  Sa 
yie  se  trouve  parmi  celles  des  ju- 
risconsultes d'Allemagne,    dans 
Melchior  Adam.  Je  ne  répéterai 
point  ce  que  Moréri   en  a  tiré  : 
je    développerai    seulement   les 
persécutions   qui  furent  faites  à 
Bachovius  dans  Leipsick ,  à  cause 
de  son  calvinisme.   D'abord  on 
n'eut   que    des   soupçons  contre 
lui ,  et  l'on  se  contenta  de  l'éloi- 
gner des  emplois   publics  ;    mais 
les   temps  ayant  changé ,   il  ob- 
tint la  charge  de  sénateur  ,    et 
puis   en  l'année    1 585  celle  d'é- 
chevin ,   et  au  bout  de  trois  ans 
celle  de  consul.  L'électeur  Chris- 
tien    Ier.  étant  mort  l'an  i5()i  , 
on   pressa    Bachovius  de  profes- 
ser le  luthéranisme  ;    et  comme 
il   n'en  voulut  rien  faire ,  on  le 
contraignit   de    renoncer    à   ses 
charges.  Il  n'écouta  point  le  con- 
seil qu'on   lui  donna  de  se  reti- 
rer ,    quoiqu'on   lui   représentât 
le  péril  de  la  prison  :  il  crut  que 
la  fuite  donnerait  lieu  à  ses  en- 
nemis de  publier  qu'il  ne  se  sen- 
tait pas  innocent  ;  mais  il  fallut 
en  1 5g3  céder  aux  émotions  po- 
pulaires ,  et  sortir  de  Leipsick.  11 
se  retira  d'abord  à  Serveste  (*)  , 
et  l'année  suivante  au  Palatinat , 
non    sans   avoir   perdu   presque 
tous  ses  biens.  Il  trouva  un  bon 
protecteur   en    la    personne    de 

(")  Zerbst,  nom  allemand  do  celte  ville, 
eu  est  aussi  le  nom  français ,  et  dans  l'Index 
Thuani ,  au  mot  Servesta  ,  et  dans  Baudraad  , 
au  mot  Zeivesta.  Rkm.  crit. 


BACHOVIUS. 

l'Électeur  Palatin,  et  il   exerça 
plusieurs    charges  lucratives    et 
honorables  à  Heidelberg,  jusqu'à 
sa  mort  arrivée  le  27  de   février 
1614  (a).    Il  publia  un  livre  qui 
sentait  plus  le  théologien  que  le 
juriste  (A).   Il  laissa  entre  autres 
enfans  Reineer,  ou  Reinhard  Ba- 
chovius ,  qu'il  vit  monter  de  la 
profession  de  politique  à  celle  de 
jurisprudence  ,    dans  l'académie 
d'Heidelberg.    Ce  fils  a  été  un 
assez  grand  nom  parmi  les  juris- 
consultes du  XVIIe.  siècle  (B).  Il 
possédait  surtout  l'art  de  réfuter 
subtilement  ce  qu'il   s'engageait 
de  combattre  (b).    Il  fut  flottant 
sur  la  religion   *';  car  il  dit  en 
confidence  à  un  professeur  *2  lu- 
thérien (c)  que,   si    l'on   voulait 
souffrir   qu'il  fît  des  leçons  par- 
ticulières   en     jurisprudence     à 
Strasbourg  ,  il  quitterait  sa  pro- 
fession *3  d'Heidelberg  ,   et  s'en 
irait    à    Strasbourg.     11   déclara 
qu'il    détestait  le  dogme   de  la 
prédestination   absolue  ,  et  qu'il 
croyait  la  présence  corporelle  de 
Jésus-Christ  au  sacrement  de  la 
Cène  ,    quoiqu'il    n'en  sût  pas  la 
manière.  Celui  à  qui  il  s'ouvrit 
de  cette  disposition ,  la  commu- 
niqua aux  magistrats  de  Stras- 
bourg, qui  le  chargèrent  de  lui 

(a)  Tiré  de  Melchior  Adam,  dans  le  vo- 
lume des  Jurisconsultes. 

(b)  Voyez  la  remarque  (B). 
*'  La  Bibliothèque  française  dit  que  ce  ne 

fut  pas  entre  le  calvinisme  et  le  protestan- 
tisme que  Bachovius  Hottait,  comme  Bayle 
le  donne  à  entendre  ,  mais  entre  le  protes- 
tantisme et  le  papisme. 

"  Dans  la  Bibliothèque  française  XXIX, 
188,  on  remarque  qu'il  fallait  dire  étu- 
diant, Otho   Tabor  n'étant,  aiors  que  cela. 

(c)  Il  s'appelait  Tabor  ,  et  passe  pour  un 
grand  jurisconsulte. 

*3  La  Bibliothèque  française  note  que 
Ma&imilien  de  Bavière  ayant  cassé  en  1622 
l'université'  d'Heidelberg  ,  Bachovius  ne  pou- 
vait y  avoir  de  place  en  1627. 


BACON 

témoigner  qu'il  serait  le  bien-ve- 
nu. Bacliovius  se  rendit  dans 
cette  viiie  avec  sa  bibliothèque  : 
mais,  n'y  trouvant  point  de  quoi 
vivre  (d) ,  il  s'en  retourna  à  Hei- 
de-berg  *,  ou  son  confident  le 
trouva  chagrin  et  malade  l'an 
1629  (e). 


(d)  Vilce  pratsidiis  destitutus  rcligioneni 
omisit.  Praschius  ,  in  Mausoleo  Taboris. 

*  Ce  ne  fut  pas  à  Heidelberg ,  mais  à 
Spire,  dit  la  Bibliothèque frnnçaisB. 

(e)  Tiré  de  Praschius,  ui  Mausoleo  Tabo- 
ris. 

(A)  11  publia  un  livre  qui  sentait 
plus  le  théologien  que  le  juriscon- 
sulte.']   C'était   une    espèce   de   coui- 


»0 

trine  ,  mais  qui  renversent  de  fond 
en  comble  celle  d'autrui.  L'homme 
est  ordinairement  plus  fort  dans  la 
dispute  offensive  ,  que  dans  la  défen- 
sive. Voyez  ce  que  disait  un  électeur 
de  Cologne  touchant  les  démêlés  des 
cordeliers  et  des  jacobins.  C'est  Fra- 
Paolo  qui  le  rapporte.  Voyez  le  IVe. 
livre  de  son  histoire  du  Concile  de 
Trente,  à  la  page  3og  de  la  version 
de  M.  Amelot  de  la  Houssaie. 


BACON  (Roger),  cordelier  an- 
glais, vivait  au  XIIIe.  siècle  *. 
Il  était  grand  astrologue,  grand 
chimiste,  et  grand  mathémati- 
cien. C'est  sans  doute  ce  qui 
donna  lieu  de  le  soupçonner  de 

mentaire  sur  le  fameux  Catéchisme    magie.  Il  court  une  tradition  par- 

du  Palatiuat.   Melchior  Adam  en  dit 

ceci   :  Propagandœ  verilalis  evange- 

licœ  studio   edidit  Catechesin  Palati- 

natùs,  testimoniis  sacrée  Scripturœ  ac 

sententiis  palrumqui  primis  quingen- 

tis  à  Ckristo    nato    annis    in   ecclesiâ 

Dei  claruerunt  exomalam  et  illustra- 

tarn,  curn  Epitome  vitre  eorumdem  pa- 

trum ,    et  msthodicâ"    narratioue    de 

Conciliis  ,    quorum    Canones    in  illo 

catechelico  libello  citantur  (i). 

(B)  Keikier  ,    ou   Reinhakd    Bacho- 

vius a  été  un  assez  grand   nom 

parmi  les  jurisconsultes.']  Conringius 

l'appelle  disciplines  juriJicœ  œternum 

decus  (a).   Selon  Vinnius,    il  est  sub- 

tilissimus  jurisconsulte  ,  non  tara  suœ 

senlentiœ  adstructor ,    quant  destruc- 

tor  alienœ  (3).    Un  autre  dit,   Ko  in 

his  quœ  ad  solidam  nostri  juris  inter- 

pretationem   faciunt  ,    aculiorem   uix 

traditprior  œtas  (4).  Enfin  les  épithè- 

tes  d'accuratissimus,  de  subttlissimus, 

aacutissimus  ,    âi'inexorabilis    censor 

(5) ,  ne  lui  manquent  pas.  L'éloge  que 

Vinnius  lui   donne  ne  convient  qu'à 

trop  de  gens;    on  ne  voit    que   trop 

d'écrivains  subtils ,  et  grands  raison- 
neurs,   qui  prouvent  mal  leur   doc- 


(i)  Melchior  Adam,  in  Vilis  Jurisc.  vas. 
47»,  473- 

(a)  Conringius,  de  Auloritnte  Juris  publ.  Jus- 
tin, in  Germaniâ,  apud  Magirum,  Kponym.  , 
P"S-  99- 

(3)  Vinnius,  cap.  XI,  de  Pacl.  num.  g,  apud 
JMagiruin  ,  Kponyin. ,  pag.  ijg. 

(4)  Habn. ,  in  dedic.  Observât,  ad  Wessnbec. 
mpud  eumdem. 

(5)  SchuU,  apud  eumdem. 


îui  le  peuple  d'Angleterre ,  que 
ce  cordelier  fit  une  tète  d'airain 
qui  répondait  à  ses  questions  (A). 
Seldénus  rejette  cela  comme  une 
fable  puérile  (B) ,  et  remarque 
qu'aucun  historien  n'en  a  parlé, 
et  que  Baleiis  ,  qui  avait  diffamé 
Roger  Bacon  ,  se  rétracta  ,  et  ré- 
para honorablement  cette  inju- 
re. François  Picus  dit  qu'il  a  lu 
dans  un  livre  de  Bacon  «  qu'un 
»  homme  pourrait  devenir  pro- 
»  phète  ,  et  prédire  les  choses 
»  futures,  par  le  moyen  du  mi- 
»  roir  Almuchefi  ,  composé  sui- 
»  vaut  les  règles  de  perspective, 
»  pourvu  qu'il  s'en  servit  sous 
»  une  bonne  constellation  ,  et 
»  qu'il  eût  auparavant  rendu 
»  son  corps  bien  égal  et  tempéré 
»  par  la  chimie  (a).  »  Cela  n'est 
point  contraire  à  Jean  Pic  de  la 
Mirande  ,  qui  a  soutenu  que  Ba- 
con ne  s'est  amusé  qu'à  la  magie 

"  Le  Dictionnaire  de  Chaufepié  contient 
un  article  assez  étendu  sur  il.  li.icon  ,  com- 
me supplément  à  celui  de  Bayle  :  pour 
mieux  dire,  c  est  un  nouvel  article. 

11  Francise.  Picus,  lib.  If,  de  Prœno- 
tione,  cap.  I,  et  lib.  Vit,  cap.  (■'!!,  cité  par 
INaudé,  Apolog.  des  grands  Hommes,  pag. 
49° 


i6  BACON. 

naturelle    (b).    Ce   cordelier  en-  et  son  frère  de  religion  Thomas  Bun- 

voya  plusieurs  instrumens  de  son  ?  V;  tr^ai^ent  sept  ans  à  forger  cette 

.    J     l  .                              n,  ,           .    t-«t  teste  ,  pour  savoir  d  elle  s  il  n  y  auroit 

invention   au  pape  Clément  IV  pas  queique  moyen  d'enfermer  toute 

(c).  On  a  publié  plusieurs  de  ses  l'Angleterre  d'un  gros   mur  et  rem- 

livres  :    Spécula  mathematica  et  part;  sur  quoi  elle  leur  donna  une 

perspectif,    Spéculum  Alche-  ™Pome  laquelle  toutesf  ois  ils  ne  pu- 

"    .    "     ,          •      i-7-  r>              .       J  rent  blen   entendre  parce  que,   ne  la 

miœ  ,  de  mirabili  Volestate  Ar-  croyans  recevoir  si  tôt,  ils  s'estoient 

tis   et    N.aturœ  ,    Epistolœ   cum  occupez  à  autre  chose  qu'à  prester  les 

notis,  etc.  H  V  a  beaucoup  d'ap-  aureilles  à  cet  oracle (i).   Ce  sont  des 

narence  qu'il  ne  faisait  rien  par  contes  populaires     qui  ne  méritent 

1    JC    w  ^               ii'                     -  pas  d  être  réfutes.  On  en  fait  courir 

engagement  avec  le  démon ,  mais  de  semblables  d'Albert-le-Grand  (2). 

qu'il  ne  laissait   pas  d'attribuer  (B).....   Seldénus  rejette  cela  comme 

une   efficace    surprenante   à  des  une  fable  puérile."]    Rapportons   ses 

choses  qui  ne  pouvaient  l'avoir  coptes  croies   Istiusmodi  caputex 

iuujq  ijui  uc   £                          .  œre  conflatum  ab  eruditissimo  Rosero 

naturellement.  On  a  donc  raison  Bachone  est  in  ore  nostratis  vulgi , 

de    dire    que   ses  écrits  contien-  sed  non  sine  injuria  in  illius  mathe- 

nent    beaucoup    de    superstition  5J">   quant  summam  et    a  dœmonum 

(C).  Il  était  fort   infatué  de  l'as-  P^S^  puram  monstrant  salis  illius 

v    '        .7    ,.    .    .         ^  opéra   quotquot  nos  legisse  contigil  , 

trologie  judiciaire  (D).  et  quidquid  advcrsùs  eum   uli  magum 

La  lettre  ,  qu'il  écrivit  au  pa-  seu  vêKi/ô^a.vitv  J.  Balœus  inscitiddi- 

pe  Clément  IV ,  et  qui  se  trouve  cam  >  an  in  opùmas  artes  maluid , 

dans  la  Bibliothèque  de  Lambeth,  •*££  Tft^'T  Cri  T*  "T 

,*       ,,             j       1  §ltanter  effulierat ,    id  iene  momlus 

contient   avec    les    éloges   de    Ja  omne  non  mod^  retracta„it  f  ^rUm  in 

Sainte  Ecriture  un  dessein  assez  ed  quœ  tali  et  tanio  viro  digna  sunt 

étrange  ;  car  il  exhorte  ce  pape  à  postremd  recognitione  etiamprudenter 

a                       v      4       +  '        „t+  commutavit.     Nec    quod  hanc    vulsi 

confirmer  par  1  autorité  aposto-  famam    adstruat  \bent   AnnJes 

hque,  et  a  recommander  a  toute  nostri  (3).   Jean  Dée,  philosophe  et 

l'Église  ,   la  méthode  qu'il  avait  mathématicien   anglais  ,    a   fait  une 

trouvée  d'apprendre  en  très-peu  aPolosie  de  Roger  Bacon.  11  ti  parle 

i    •           •  4       ,  1              Anvw\  dans  *  epitre  dédicatoire  de  ses  Pro- 

de  îours  a  tout  le  monde  1  hébreu,  „~,jt,„J;„t„  „„i,n  .•  ,•         7 

J                                                              _>  pœaeumata   apnoristica    de  prœslan- 

le  latin,    le   grec,    et   1  arabe.    11  tioribus  quibmdam  nalurœ  virtutibw. 

prétendait ,    que    non-seulement  Voyez  Naudé  ,  à  la  page  488  de  l'A- 

tous   les   laïques   devraient   lire  P0Hie  des  Grands  Hommes. 

!?i^      •.                    ■_„.„„:_  (G)  àes  écrits  contiennent  beaucoup 

1  Écriture,  mais  aussi  en  en ten-  dt>  Lperstition.]    Martin    del   Rio, 

dre  les  originaux  (L)  ;  et  il  assu-  l'homme  du  monde  qui  sur  ces  ma- 

rait  que  sa  Grammaire   univer-  tières-là  prodigue  le  moins  son  abso- 

selle  était  souhaitée  passionné-  *ution  au*  personnes   soupçonnées  , 

.                1      •                      ,    ,  ote  cependant  Roger  Bacon  du  nom 

ment,  et  que  plusieurs  prophe-  bre  d£s    magicie*s?  et  se  content( 


tente 
d'en  faire  un  auteur  superstitieux. 
Alchindus  ,  dit-il  (4) ,  Rogerius  Ba- 
chonus  et   Geber  Aiabs   mullis  sca- 


ties  la  confirmaient. 

(b)  Jo-  Picus  in  prœfal.   Apolog.  cité  par 
jNaudé,  là  même. 

(c)  Naudé,  là  même,  pag.  4g3. 

(1)  Maierus,  Symbol,  aurrre  mensa;,    lib-  X, 

(A)    On  dit...  qu'il  fit  une  tête  d'ai-  P"S-  453,  cite  par  Naudé  ,  Apologie  des  grands 

1    -,  *'                        ...           ,  Hommes,  pa^.  4oi. 

ram,   qui  répondait  a  ses  questions.]  (a;  v'0fJ dessus  la  remarqu 

Maïer    remarque  qu  on  a  de  COUtume  2°.   tle  Particte  ^'Albert  le  Grand. 

d'introduire    Roger  Bacon   dans    les  (3)  Selden.  de  Uiis  syris ,  Syntagma  I . 

comédies  comme' un  grand  magicien,  "fofSL^kii.    Magicar.  lib. 

et  que  le  bruit  commun  est  que  lui  ,  pag.  22. 


(F) ,  num. 
cap. 
/,   cap.   nr, 


BACON.  i7 

tent  superstitiosis ,  ideo  t'ctitœ  lectionis  très  l'ont  condamné,  à  cause  que  l'on 
etiam  hos.putârim.  Jean  Wïer  n'a  pas  y  soutient,  sauf  un  meilleur  avis, 
la  même  indulgence,  car  il  met  dans  que  les  livresde  magiedoivent  être  rou- 
la même  classe  Roger  Bacon ,  Pierre  serve's  soigneusement  ,  parce  que  le 
d'Apone  ,  Anselme  de  Parme,  Cic-  temps  approche  (pie ,  pour  certaines 
chus  d'Asculum,  et  quelques  autres  ;  causes  que  l'on  ne  spécifie  pas,  il  fau- 
au  lieu  que  Martin  del  Rio  traite  de  dra  nécessairement  les  feuilleter ,  et 
vrais  magiciens  les  trois  derniers  que  s'en  servir  en  quelques  occasions. 
j'ai  nommés,  et  ne  met  Bacon  qu'au  Naudé  ajoute  que  Roger  Bacon  estait 
nombre  des  superstitieux.  Ab  hoc  tellement  adonné  a  l'astrologie  judi- 
numero  removeo  ut  dœmoniacos,  ma-  ciaire  ,  que  Henri  de  Hassia ,  Guil- 
gos ,  Picalricem  hispanum ,  Ansel-  laume  de  Paris,  et  Nicolas  Oresme.... 
muni  parmensem ,  Cicchum  escula-  Jurent  contraints  de  déclamer  aspre- 
num,  Petrum   de  Abono  ,  et  Cornel.  ment  contre  ses  escrits,  et  toutes  les  va- 

Agripoam,  et  Paracelsunt homi-  nités  des  astrologues  (11). 

nés  partim  alheos  ,  partim  hœreticos         (E)  Il  prétendait ,    que   non-seule- 

(5).     Wier     s'accorde     parfaitement  ment  les  laïques  doivent  lire  l'Ecriture, 

avec  lui  quant  au  reste  ,  c'est-à-dire,  mais  aussi  en  entendre  les  originaux.'] 

qu'il  a  pris  Pierre  d'Apone,  Anselme  Comme  je  n'ai  point  lu   la   lettre  ,  je 

de  Parme  ,  etc. ,  pour  des  sectateurs  ne  saurais    dire  s'il  se   fonde   sur  ce 

de    la    mauvaise    magie.  Superiorum  qu'un  particulier  qui  n'entend   ni   la 

magorum   nugamenla   itidem  insulsè  langue  grecque  ni  la  langue  hébraï- 

sequuti  sunt   Appion  gramrnaticus  ,  que  ,  est  obligé  de  s'en  rapporter  à  la 

Jidianus  Apostata,  Robertus  Angli-  bonne  foi  et.  à  la  capacité  des  traduc- 

cus  apud  hebetios  miserè  morluus ,  leurs  :  fondement  fragile  ,  dira-t-on  , 

Rogeiuos   Bachon  ,   Pelrus  aponensis ,  et  qui  ne   mérite  pas  que  nous  y  po- 

conciliator  dictus  ,    Albertus  teuto-  sions  les  intérêts  de  notre  salut.  Quoi 

nicus ,  Arnold  us  de  Villanova  ,  An-  qu'il  en  soit ,  sa  prétention  n'est  pas 

selmus    parmensis  ,    Picalrix  hispa-  éloignée  de    1'es.travagance  ,   et  ren- 

nus  ,  vel  author  libri  ad  Affonsum  ferme  des  impossibilités.  C'est  le  juge- 

sub  Picatricis   nomine ,    Cicclius  as-  ment  de  l'auteur  qui  a  parlé  de  celte 

culus  florentinus  ,    et   plcrique    alii  lettre.  Inter  scriptores  i3  seculi  ,  qui 

obscurioris    nominis    scriptores  ,    de-  à  Tfhartnnn  pro  Scripturis  et  sacris 

plorati   certè  ingenii  homiues.     Qui  vernaculis  adducunlur ,  comparet  Ro- 

quiim  se  magiam  tradere  pollicentur,  gerus   Bacon  ,     cujus    epislolam    de 

non    nisi   aut  ldeliramenta    quasdam  laudibus  Sacras  Scriptural  ad  Clemen- 

nullâ  ratione  subnixa,   aut   supersti-  lem  IV  Bibliolheca  lambelhana    te- 

tiones  piis  omnibus  indignas  congés-  net.  Observai  autem,    aulorem   illum 

serunt  (6) .  portentosa  quœdam  et  impossibilia  m 

(D)  Il  était  fort  infatué  de  V astro-  prolixd  illdepistold  comminisci.  Non 

logie   judiciaire."]    Jean   Pic   soutient  enim  tantum  necessarium  esse  docet , 

que  le  livre  quia  pour  titre  Specu-  ulomnes  chrislianiSacramScripturam 

lum  Astrologiœ ,   où  il  est  traité  des  tanquam  fidei  suas  fonlem  et  régulant 

auteurs  licites  et  illicites  qui  ont  écrit  perjectè  sciant ,   sed  etiam  fontes  lie  - 

de  l'astrologie  ,    est   un   ouvrage    de  braïcos  et  grœcos  ab  omnibus  cousu- 

Roger  Bacon  (7).  Ce  livre  a  été  con-  lendos  asserit.  Et  quamvis  incredibile 

damné  par  Gerson(8)  et  par  Agrippa,  videatur ,  ut  singuli  christiani  lingua- 

comme  superstitieux  au  possible  (g)  :  rum  istarum  notitiam  sibi  comparare 

Francus  Picus  (10)  et  beaucoup  d'au-  possint  ,    id    tamen    Bacnnus  faclu 

,.,  ., . ,  perquam  facile  esse  persuadere   suis 

(5)  Ibidem.  >      .       •»  •.  •  < 

(G)  Wier.,  de  Prœstig.,  K».  //,  chap.  IV.  Il  uctonbus    cupit  ,    tmprimis  cum    se 

remarque  que  Jean  Franc.  Pic,  hv.  VII,  chap.  grammaticam    quandittn  unwersalem 

VII ,  refuie  Racon.  invenisse   glorietur,    cujus  ope   inlru 

pafâé*^.  M  '  lS  Aslr°l0g-'  C'U'  P"ucissùnos  dies  quiUbet  linguam  he- 

(8)  Lib.'  de  Libris  Astrolog.  non  tolerandis,  hraïcam ,  grœcam  ,    lalinam    et    ara- 

Proposii.  III,  cité  par  Naudé  ,  pag,  5j5.  bicam  addiscere  queat  ;  et  ut  omnes  . 

*«<meW.rippa'  '"  Ep'5,olis'  ciu'par  le  '"'""•  quodlegunt,  etiam  intelligent ,  seopus 

(10)  I.ib.   VII  de  Praenoùone,  cap.  II,  cite'        ('»)  Naudé,  Apologie  pour  les  grands  Horo 

par  le  même  ,  là  même.  mei  ,  Va&-  5aG. 

TOME   III.  o 


i8 


BACON. 


quoddam  manuductorïiim  seu  prœli-  république    des    lettres  ,    Bacon 

minàreadpromovendamSàcrœScrip-  négligea    tellement    ses     affaires 

turœintelliçentiamedilarum  spondet ,  -,   °    °   .                               , 

enixè  pontificem  orans  ,  ut  arlificium  domestiques,    ou  se   plongea   en 

suum  summis  omnium  vous  expeti-  tant  de  dépenses,  qu'il  mourut 

tum  etfrequenlibus  vaticiniis  confir-  fort  pauvre.  Nous  rapporterons 

malum  ,  aposlolicâ  autoritate  confir-  deux   ailtorités  sur  ce  sujet  (C). 
met ,  et  universœ  ecclesiœ  commendet, 
undè  innumera  in  ecclesiam  bénéficia 
redurnlatura  minime  dubitat  (12). 

(12)  Acta  Erudilor.  Lips.  mensis  junii  1691, 
pag.  297  ,  dans  Vexira.it  du  livre  rf'Usserius  <le 
Historiâ  dogmaticâ  Conlroversiie  de  Scripturis  et 
sacris  Vernaculis. 

BACON  (  François  )  ,  grand 
chancelier  d'Angleterre  *  sous  le 
roi  Jacques  Ier.  a  été  un  des  plus 
grands  esprits  de  son  siècle ,  et 
l'un  de  ceux  qui  connurent  le 
plus  doctement  l'imperfection 
où  était  la  philosophie.  Il  tra- 
vailla fortement  aux  moyens 
d'y  remédier ,  et  il  forma  de 
très-beaux  plans  de  réformation 
(A).  Le  public  reçut  favorable- 
ment ses  ouvrages.  On  en  fit  une 
édition  complète  à  Francfort  , 
in-folio,  l'an  i665.  Le  Journal 
des  Savans  n'en  parla  pas  sans 
donner  beaucoup  d'éloges  à  cet 
illustre  chancelier  (a).  Le  traité 
de  Augmentis  Scienliarum  ,  qui 
fut  réimprimé  àParis  l'an  1624, 
est  une  des  meilleures  produc- 
tions de  l'auteur  (B).  Ses  OEu- 
vres  morales  et  politiques  ,  tra- 
duites en  français  par  Baudoin  , 
eurent  un  si  grand  débit ,  qu'il 
fallut  en  faire  plusieurs  éditions. 
Sa  Vie  de  Henri  VII  ,  roi 
cï 'Angleterre  ,  est  fort  estimée 
{b).  A  force  de  travailler  pour  la 

*  Fr.  Bacon  a  aussi  dans  Cliaufepié  un  ar- 
ticle supplémentaire  et  bien  plus  étendu 
que  celui  de  Bayle  :  il  a  plus  de  vingt  pages 
in-folio- 

(a)  Dans  le  Journal  du  8  mars  1666.  No- 
tez qu'on  en  promit  une  édition  en  6  volumes 
i'n-12,  l'an  1684.  Voyez  les  Nouvelles  de 
la  Re'publiq.  des  Lettres  ,  juin  1684  ,  "u  Ca- 
talogue des  livres  nouveaux  ,  num.  V. 

{b)  Voyez  dans  Pope-B!ount,  pag.  635  , 
le  jugement  qu'en  ont  fait  Couringius  ,  Boe- 


On  met  la  fin  de  sa  vie  au  neu- 
vième jour  d'avril  1626.  Il  vé- 
cut soixante-six  ans. 

clei  us  ,  etc.  On  voit  là  même  d'autres  juge- 
mcns  à  la  gloire  de  Bacon. 

(A)  //  forma  de  très-beaux  plans 
de  reformations  Voyez  ce  que  M.  Bail- 
let  en  a  dit  dans  le  premier  tome  de 
la  Vie  de  M.  Descartes  (1) ,  et  ce  que 
Gassendi  a  dit  en  particulier  delà  Lo- 
gique de  Bacon  (2j. 

(B)  Son  traité  de  Augmentis  Scien- 
tiaruni est  une  des  meilleures  pro- 
ductions de  l'auteur.  ]  Voici  ce  que 
Costar  en  écrivit  à  Voiture  :  J'ai  lu 
depuis  quelques  mois  le  livre  que  le 
chancelier  Bacon  a  fait  du  Progrès 
des  Sciences  ,  où  j'ai  trouvé  beaucoup 
de  choses  admirables  (3).  Il  rapporte 
ensuite  quelques-unes  de  ces  choses, 
et  fait  voir  par  ce  choix-là  son  bon 
goût;  car,  en  effet,  ce  sont  tontes 
belles  et  grandes  pense'es.  J'ai  ouï  di- 
re que  les  OEuvres  de  Bacon  e'taientuti 
des  livres  que  Costar  maniait  le  plus, 
et  qu'il  en  tirait  le  fond  ou  la  base  de 
ses  recueils  :  c'est-à-dire  ,  qu'ayant 
trouvé  dans  les  écrits  de  Bacon  quel- 
que pensée  qui  lui  plaisait ,  il  l'écri- 
vait sur  une  feuille;  et  puis,  quand  il 
rencontrait  dans  d'autres  livres  quel- 
que chose  qui  se  rapportait  à  cela,  il 
l'ajoutait  à  cette  feuille,  après  quoi  , 
il  ne  manquait  pas  de  répertoire  ni  de 
îieux  communs. 

(C)  Il  mourut  pauvre.  IVous  rap- 
porterons deux  autorités  là-dessus  ] 
La  première  m'est  fournie  parla  Bi- 
bliothèque universelle  ,  et  la  seconde 
par  le  Sorbeiiana.  La  Bibliothèque 
universelle  m'apprend  que  Jacques 
Howel  dit  dans  une  lettre  (4)  datée  du 
6  de  janvier  1625  (5) que  le  chan- 

(1)  Pag.  147  et  148. 

(2)  Gassendi  ,  Oper.  ,  loin.  I ,  pag.  62. 

(3)  Entretiens  de-  Voitnre  et  de  Costar,  pag. 
173  ,  e'dil.  de  Paris  en  i654- 

(4)  La  VIIIe.  de  la  secl.  IV du  I".  volume. 

(5)  Il  faut  qu'il  r  ail  ici  une  faute  d'impres- 
sion dans  les  chiffres;  carie  chancelier  Bi 

ne  mourut  que  leçj  d'avril  1626. 


BACOUE. 

celier  Bacon  mourut  si  pauvre,  qu'a 
peine  avait-il  laissé  de  quoi  l'enseve- 
lir ;  ce  qui  fait  juger  à  Howel,  qu'en- 
core que  ce  fût  un  grand  génie  pour 
les  sciences  ,  il  n'était  pas  fort  judi- 
cieux. Il  attribue  néanmoins  la  pau- 
vreté de  ce  fameux  chancelier  ou  au 
mépris  des  richesses  ,  ou  h  une  exces- 
sive libéralité.  Un  peu  avant  que  de 
mourir,  il  écrivit,  au /apport  d Howel, 
une  lettre  pitoyable  au  roi ,  dans  la- 
quelle il  le  priait  de  le  secourir,  «  de 
»  peur  qu'il  ne  fut  réduit ,  en  ses  der- 
»  niers jours,  à  porter  la  besace,  et 
»  que  lui  ,  qui  ne  souhaitait  de  vivre 
»  que  pour  étudier ,  fut  contraint  d'é- 
»  tudier  pour  vivre.  »  Paroles  qui 
semblent  aussi  basses  à  notre  auteur  , 
que  celles  d'une  autre  lettre  que  le  mê- 
me avait  écrite  auparavant  au  prince 
de  Galles ,  étaient  profanes.  Il  disait 
a  ce  prince  ,  «  qu'il  espérait  que  com- 
»  me  le  père  avait  été  son  créateur,  le 
-■>  fils  serait  son  rédempteur  (  G  ) .  » 
Voyons  maintenant  ce  que  dit  Sor- 
l)ière.  «  Histoire  naturelle  de  Bacon  , 
»  à  Paris ,  i63i,  traduite,  ou  plutôt 
»  abrégée  par  Pierre  Amboise,  c'euyer, 
»  sieur  de  la  Madelaine.  Il  y  a  un  dis- 
»  cours  du  traducteur  sur  la  Vie  de 
»  ce  chancelier  ,  et  au  bout  est  ajou- 
»  tée  la  version  du  Nova  Allanlis. 
)>  Ce  peu  d'excellentes  remarques  que 
»  j'ai  vues  nie  fait  grandement  sou- 
»  haiter  une  Version  entière  et  fidèle. 
»  M.  Boswei  me  dit  qu'il  avait  eu  par- 
»  ticulière  connaissance  avec  ce  rare 
■>  homme,  qui  lui  laissa  par  testament 
»  tous  ses  papiers  ,  qui  l'ut  la  seule 
»  chose  exécutée  de  plus  d'un  million 
i>  de  légats  qtfil  avait  fait  par  galan- 
»  terie.  11  léguait  quatre  cent  mille 
;>  livres  à  un  collège  imaginaire,  dont 
»  il  dresse  le  plan  en  son  IVova 
;>  Allantis  (7).  »  Ce  discours  ne  sem- 
ble pas  dire  que  Bacon  soit  mort  dans 
la  pauvreté  :  c'est  plutôt  insinuer  qu'il 
mourut  un  peu  bien  visionnaire '(8)  ; 
mais  prenez-y  garde  de  plus  près  , 
\ous  trouverez  qu'il  y  a  là  un  témoi- 
gnage d'indigence. 

(6)  Bihlioil,.    Univers.,   tom.XV,  pag.  45. 

(7)  Sorberiana  ,  pag.  41  ,  e'dtl.  /Le  Hollande. 

(8)  Voyez  ce  que  dil  le  sieur  du  Manrier 
touchant  le  tettament  de  Ce'risar.tes ,  Mémoires 
de  Hollande,  pag.  /t'So. 

BACOUE  (Léon),  natif  de  Cas- 
te!-Jaloux,  dans  la  Basse-Guien- 


BADIUS.  ,9 

ne  ,  quitta  la  religion  de  sa  nais- 
sance ,  qui  était  la  réformée ,  et 
entra  chez  les  cordeliers.  Il  par- 
vint ensuite  à  la  prélature  ,  et 
fut  fait  évêquede  Glandève.  Ce- 
lui qui  m'apprend  cela  remarque 
que  le  père  Léon  Bacoue  est  le 
seul  huguenot  converti  ,  qui  soit 
parvenu  à  l'épiscopat  sous  le  rè- 
gne de  Louis  XIV  (a).  Cecorde- 
lier  publia  un  poeme  latin  sut* 
V éducation  d'un  prince  ,  envi- 
ron le  temps  qu'on  devaitdonner 
des  précepteurs  à  monseigneur 
le  dauphin.  Il  le  fit  réimprimer  à 
Paris  l'an  i685.  Le  Journal  des 
Savans  en  parla  l'année  sui- 
vante (b)  *. 

(a)  Rocoles,  Histoire  véritable  du  Calvi- 
nisme ,  pag-.  i66". 

(b)  Le  21  de  janvier ,  pag-.  23. 

Leclerc  dit  que  Bacoue  ,  évêtjue  de 
Glandève  en  1672,  et  de  Pamiers  en  1686, 
(mort  en  1 694  )  ,  a  donne'  une  traduction, 
française  de  la  Somme  de  Théologie  moral, 
et  canonique  de  Villalobo  1 635,  deux  par- 
ties in-folio.  Outre  son  Delphinus,  seu  de 
prima Principis  Inslilulione,  imprimé  à  Tou- 
louse dès  1670,  in-4  ,  cl  a  Alliy,  io'Sj  ,  in- 
8",  il  avait  composé  un  poeme  latin  intitulé 
Sanctiss.  ac  Bealiss.  Pain  démenti  ix  Car- 
men panegyricum,  Toulouse,  ib'6'7  ,  in-S°. 

BADIUS  (  Jodocus  ou  Josse)  , 
surnommé  Ascensius ,  à  cause 
qu'il  était  né  dans  le  bourg  (a) 
d'Assche  auprès  de  Bruxelles  , 
s'est  fait  estimer  par  le  grand 
nombre  de  livres  qu'il  a  impri- 
més et  commentés.  Il  naquit 
en  1462.  Il  fit  ses  premières 
études  à  Gand  :  il  les  continua  en 
Italie,  et  fit  beaucoup  de  pro- 
grès dans  la  langue  grecque  ,  ,'t 
l'en  are  ,  sous  Baptiste  Guarani. 
11  s'établit  à  Lyon,  et  \  enseigna, 

(«)  Moréri  a  tort  de  l'appeler  une  maison: 
Les  auteurs  qu'il  cite  se  servent  (tu  mot  Mu- 
nicipiura.  Gesner  donne  à  Badina  le  SUI 

de  Gaudensis. 


20  BADIUS. 

tant  en  public  qu'en  particulier ,  Cordeliers.  Il  en  a  traduit  le 
la  langue  latine  et  la  langue  premier  livre ,  et  compilé  le  se- 
grecque.  Puis  il  transporta  ses  cond  ,  et  il  a  orné  l'un  et  l'autre 
tabernacles  à  Paris,  et  y  dressa  de  notes  marginales  qui  empor- 
une  imprimerie  qui  lui  fit  hon-  tent  la  pièce.  Il  était  imprimeur 
neur  (A).  Tl  en  fit  sortir  un  bon  et  auteur ,  et  se  mêlait  de  faire 
nombre  d'auteurs  classiques  ,  des  vers  français .  Il  en  fit  con- 
avec  ses  explications  et  ses  notes  tre  Nostradamus  (c).  Trois  de  ses 
(B).  Il  prit  la  même  peine  sur  sœurs  furent  mariées  à  de  fa- 
quelques  auteurs  modernes  ,  meux  imprimeurs  (I).  J'ai  igno- 
comme  sur  Pétrarque  ,  sur  Poli-  ré  pendant  quelque  temps  ce  que 
tien,  sur  Laurent  Val  le  ,  sur  voulait  dire  un  moderne,  qui 
Baptiste  Mantouan,  etc.  Il  pu-  semblait  accuser  Henri  Etienne 
blia  aussi  quelques  livres  de  sa  d'avoir  censuré  Josse  Badius 
façon  ,  tant  en  vers  qu'en  prose  (K).  Je  ne  sais  que  dire  d'un 
(b)  (C) ,  et  fit  demeurer  d'accord  Conradus  Badius  *  ,  qui  mourut 
ïes  connaisseurs  ,  que  si  les  soins  de  peste  avec  toute  sa  famille  à 
domestiques  ne  l'avaient  pas obli-  Orléans,  ou  il  était  ministre 
gé  de  diriger  ses  travaux  du  côté  l'an  i5Ô2  (d) ,  et  qui  avait  été 
du  gain  ,  autant  ou  plus  que  du  ami  de  Théodore  de  Bèze  depuis 
côté  de  la  gloire  ,  il  eût  réussi  sa  jeunesse  (e). 
beaucoup  mieux  qu'il  ne  faisait  M.  Chevillier  ,  qui  a  recueilli 
(D).  Il  échappa  à  Érasme  de  le  plusieurs  éloges  de  Josse  Badius  , 
comparer  en  certaines  choses  à  assure  qu'il  avait  été  professeur 
Budé  ;  et  l'on  ne  saurait  croire  des  belle  s -lettre  s  dans  l'univer- 
les  vacarmes  qui  furent  faits  à  site  de  Paris  ,  et  ensuite  dans  la 
Paris  contre  cette  comparaison  ville  de  Lyon ,  où  il  lisait  pu- 
(E).  Ceux  qui  mettent  la  mort  de  bliquement  les  poètes  (f). 
Jodocus  Badius  à  l'an  1626  se  II  y  a  apparemment  une  faute 
trompent  (F).  Il  était  chargé  dans  le  titre  d'un  des  livres  que 
d'une  assez  grosse  famille  ,  et  Valère  André  lui  attribue  (L). 
l'on   a    dit  dans    son  épitaphe ,  ,.„,,,.      v      D           „..,.  ,, 

,                                 i     -i                '*  (c)    Du  Verd.er-Vau  -Privas  ,    cibhoth. 

qu  apparemment  il   aurait  pro-  fraacaisei  pag_  237. 

duit    autant  d'enfailS   que    de  li-  *  Joly  reproche  à  Bayle  de  ne ipas  en  dire 

,•1             /»a  .                         •     .«4.    »  davantage  de  Conrad  Badius  (qui  a  un  article 

VreS,Sll    se    tut  mis  aUoSl    tût    a  dansleJ,c<.dep.  Marchand.)  Joly  attribue  à 

l'une  de  Ces    fonctions  qu'à  1  au—  C. Badius  les  Satires  Chrétiennes  de  la  Cuisine 

tre  (G)  ;  mais  qu'il  y  avait  long-  rjfy^&f'*'-  de  l3z  pages  :  ce  livre 

temps    qu'il    était     auteur    lorS-  (</)  Bèze,  Histoire  des  Églises,    fie.    ri, 

qu'il  s'engagea  au  mariage.  Je  ne  Vas- •  >49- 

1               .    &   °        ,           -.         °  (e)  Ant.   Fayus   in   Yita  Theodori  Bezae, 

voudrais  pas  répondre  que   cela  pag._  45 

fût    exactement   Vrai    (H).     CON-  (f)  Cl.ev.Uier  ,   Orig.   de  imprimerie 

kad  Badius,  son  fils,   naquit   à  p"s'  '  7' 

Paris  ,  et  fut  s'établir  à  Genève.  (A)  Il  dressa  a  Paris  une  imprime- 
Il  devint  fort  bon  protestant ,  et  rie  qui  lui  fit  honneur^  ]  Le  père  du 
...  ,  .  ,  '„  ,,  ,  Moulinet  nous  apprend  que  Jodocus 
il  le  témoigne  dans  1  Alcoran  des  Badi|JS  est  le  premier  qui  ait  app0l  te 

(/,)'£>  Valerii  André*  B.hliotUeci  bdgic,  en   France   les   caractères  ronds,    et 

paç.  5b$,  5«y.  qu  avant  lui  tous  les  imprimeurs  du 


royaume  s'étaient,  servis  de  caractè- 
res gothiques.  //  vint  d'Italie  en  l'ran- 
ce  environ  L  an  îooo  ,  tant  pour  y  en- 
seigner le  grec  a  Paris,  que  pour  y 
établir  unejort  belle  imprimerie,  qu'il 
appela  Pkelum  Ascensianum  (i).  Le 
père  du  Moulinet  oublie  que  Badins 
s'arrêta  assez  long-temps  à  Lyon  avant 
que  de  venir  à  Paris.  Voyez  la  remar- 
que (H).  Au  reste,  M.  Chevillicr  a 
prouve,  contre  ce  père,  que  l'impri- 
merie de  France  n'a  point  commencé 
par  le  gothique  (*)  ,  et  qu'on  y  a  fait 
des  impressions  en  lettres  romaines , 
avant  le  temps  de  Josse  Bade  (2)  ,  et 
qu'encore  que  celui-ci  ait  fait  un 
grand   nombre  d'éditions  en    bonnes 

lettres, il  en  a  fait  plusieurs  en 

gothiques  (3) 

(B)  Il  imprima  un  bon  nombre  d'au- 
teurs classiques  ,  avec  ses  explica- 
tions et  ses  notes.  ]  Valère  André  en 
donne  une  liste,  daus  laquelle  parais- 
sent Horace  ,  Perse  ,  Te'rence,  Juven- 
cus  ,  Thèocrite  ,  Salluste  ,  Valère 
Maxime  ,  Quintilien  ,  Aulu-Gelle  ,  et 
plusieurs  traite's  de  Cicèron.  Commen- 
tant verb  ,  sive  fimiliares  enarratio- 
nes  circumferuntur  in  Horatium  Flac- 
cum  ,  etc.  (4  )•  La  liste  de  Swert  est 
plus  ample  5  Ovide  et  les  tragédies  de 
Sénèque  y  paraissent  (5). 

(C)  Il  publia  quelques  livres  de  sa 
façon  ,  tant  en  vers  qu'en  prose.  ]  Va- 
lère-André  marque  les  suivans  :  Psal- 
terium  B.  Maria,  Epigrammatum  li- 
ber ,  JYovicula  stullarum  Mulierum  , 
de  Grammatii  d.deconscribcndis  Epis- 
tolis,  P^ita  Thomœ  a  Kempis  *. 

(D)  Si  les  soins  domestiques  ne  l'a- 
vaient pas  détourné  , il  eût  réussi 

(1)  Voyez  le  Journal  des  Sarans  du  3i  janvier 
1684,  pag.  38. 

(*)  Gabriel  Xandé  ,  cliap.  Vil  t!e  «on  Addi- 
tion  à  l'Histoire  de  Louis  XI ,  pag.  3 17  et  3i8 
de  l'édition  de  iS3o  ,  prétend  que  ce  furent  les 
ouvriers  qui  ,  moins  (upides  de  l'honneur  que  du 
profit  ,  introduisirent  le  caractère  solliiquc; 
mais  je  ne  sais  comme  il  l'entend  ,  puisque  quan- 
tité d'anciennes  éditions  que  nous  avons  en  let- 
tre carrée,  ne  sont  pas  moins  chargées  d'abré- 
viatures  que  le*  gothiques  qui  leur  ont  succé- 
dé.  Rem.    crit. 

(2)  O.hevill.,  Origine  de  l'Imprimerie  de  Paris, 
pag.  54. 

(3)  Là  même,  pag.  108. 

(4     Valer.  ,  Andréas,   Eibl.  belg.  ,  pag.  389. 
(5)  Swert.  .  in  Atben.  belgicis. 
*  Leclcrc  remarque    qu'on   lui  doit  un   Com- 

menlum  in  Boettum  de  disciplina  scholarum 
imprimé  dans  le  volume  intitulé  :  Commentant 
duplex  in  Boèliun,   Lyon,  1498,  petit  in-folio. 


BADIUS.  21 

beaucoup  mieux  qu'il  ne  faisait.  ] 
Erasme  en  a  parlé  assez  franchement. 
I\fec  infeliciler  omnino  cessit  conatus 
Badio ,  adest  illi  facilitas  non  indoc- 
ta,  feliciùs  tamen  cessants  ,  nisi  cura 
domesticœ  reique  parandœ  studium  in- 
terrupissent  otitim  illud  Musis  ami- 
cum  hujus  taudis  candi dato  necessa- 
rium  (G).  Il  confirme  ce  jugement  dans 
une  de  ses  lettres  (7).  Aliis  liberum 
erit  de  Badio  judicare  quod  volunt  , 
ego  semper  illum  habui  in  connu  nu- 
méro, quorum  nec  eruditionem,  nec.  inr 
genium  ,  nec  eloquentiam  possis  con- 
temnere  :  tametsi  non  dissimula  illum 
longé  majorent  fuisse  futur  um ,  sifor- 
luna  benignior  atium  ac  tranquillita- 
tem  stttdiorum  suppeditdsset.  Brixius  , 
après  avoir  donné  une  idée  tout-à-fait 
médiocre  de  Badins ,  l'accuse  de  tra- 
vailler beaucoup  plus  à  gagner  du 
bien,  qn'à  devenir  éloquent.  Scio  Ba- 
dium  non  esse  prorsùs  a.<Aourov.Perùni 
qualis  qualis  est  talent  se  certè  homi- 
nibus  nostris  hactenus  probavit ,  ut 
quoties  de  dortis  sermo  inter  doctos  in- 
cidit ,  de  Badio  plané  oôSiit  xâyoç.  Il- 
li ,  quod  non  inficiaris  ,  quœstus  tan- 
litm  non  eloquentia  scopus  est  (S). 

(E)  Erasme  le  compara....  h  ButL: , 
et  l'on  ne  saurait  dire  les  vacarmes  qui 
furent  faits  à  Paris  contre  celte  com- 
paraison.] Brixius,  qui  était  ami  d'E- 
rasme, lui  écrivit,  sur  ce  sujet,  la  let- 
tre dont  je  -\  iens  de  rapporter  quel- 
ques paroles.  Il  ne  lui  cache  point  que 
les  savans  de  Paris  étaient  indignés 
de  voir  qu'on  eût  en  quelque  façon 
préféré  Badins  à  Budé  :  Quo  major  in- 
dignatio  nostrorum  omnium  animas 
subit,  qubdhdcin  opinione  ,  jusld  de 
causd  quùiu  sint,  es istiment  illum  abs 
te  non  lanlitm  Badio  collatum  ,  sed  et 

postpositum Ea  nna   commissura 

adeb  nostris  omnibus  invidiosa  est,  ut 
multorum  libi  benevolorum  animas  à 
lut  studio  abalicndrit  ,  ab  id  quod 
existimanl  Buda:um  cum  Badio  com- 
missum  perindé  esse  ac  si  quis  Achil- 
lem  cum  Thersite  commitleret(o).  Eras- 
me se  justifia  ,  et  fit  voir  qu  il  avait 
très-clairement  établi  la  supériorité 
{\r  IWidé.  Il  s'étonnait  que  1  on  n'eût 

(6)  Erasmus,  in  Ciceroniano,  pag.  ^3. 
C;)  La  XXVIII:    du   XXII".   livre,  pag. 
117a,    1 17^. 

(8)  Brixius,  in  Epistolî  ad  Era^ra.  inter  Epis- 
tolas  Erasmi  XXVII,  lit,.  XXI I  ,  pag.  11O6. 

(9)  Ibidem,  pag.   1168. 


BADIUS. 


pas  aperçu  cela  en  France,  ou  que  si 
on  l'avait  aperçu  ,  on  eût,  tant  crie'  , 
et  tant  compose  de  vers  satiriques. 
Demiror  iitlùc  esse  dodos  ,  qui  hœc 
non  videant,  et  si  vident,  magis  etiam 
demiror  esse  qui  vociferentur,  qui  ma- 
ledicis  versiculis  rem  dignam  existi- 
ment.  (10)  Cette  afl'aire  fut  tant  prô- 
née, qu'elle  vint  jusqu'aux  oreilles  de 
François  1er.  Si  férus  est  rumor  ,  sic 
fremunt  amici  Budaei,  quasi  in  cineres 
patris  ac  malris  illius  imminxerim. 
Clamant,  6  cœlum  !  6  terra  !  Budasum 
cum  Badio  !  Clamant  me  invidere  glo- 
riœ  Budœi ,  meque  multis  epigram- 
matiis  dilacsrant....  Causa  delata  est 
et  ad  régis  cognitionem.  folenti  cog- 
noscere  dissidii  causant  ,  dictum  est 
Budaeum  me  taxasse  in  loco  quodarn  , 
eo  me  njjfensum  quœsîsse  vindictam  , 
eumque  cum  Badio  contulisse  (n).  Si 
Erasme  avait  eu  dessein  de  faire  hon- 
neur à  Badius  par  cette  comparaison  , 
il  fut  bien  trompé;  car  quels  coups 
de  poignard  n'enfonçait-on  pas  dans 
le  cœur  de  ce  pauvre  homme,  toutes 
les  fois  qu'on  se  plaignait  de  l'injusti- 
ce que  Budé  avait  soufferte  !_  il  aurait 
mieux  valu  pour  Badius  qu'Erasme  ne 
se  fût  point  souvenu  de  lui.  On  rac- 
commoda l'endroit  dans  la  seconde 
édition. 

(F)  Ceux  qui  mettent  sa  mort  a  l'an 
i526  se  trompent.]  Swert  s'était  con- 
tenté de  dire  qu'il  trouvait  que  Badins 
était  parvenu  jusqu'à  l'année  i5a6 
(12).  Cela  signifiait  bien  qu'on  ne  sa- 
vait pas  s'il  avait  vécu  au-delà  de 
cette  année  ,  mais  on  ne  prétendait 
point  assurer  qu'il  n'eût  point  vécu 
au  delà.  Konig,  au  lieu  de  se  servir 
de  celte  réserve  ,  affirme  que  Badius 
est  mort  l'an  i52Ô.  D'autres  l'ont  dit 
après  lui.  Mais  qu'on  voie  un  peu  la 
lettre  de  Brixius  que  j'ai  citée  ,  elle 
fut  écrite  l'an  i528  ,  et  Badius  y  pa- 
raît comme  un  homme  plein  de  vie. 
Valère  André  ne  dit  rien  touchant  la 
mort  de  cet  homme  :  M.  Moréri  l'a 
placée  environ  l'an  i5?.o,ou  i53o,  11 
s'abuse  ,"car  on  sait  qu'Erasme  ,  dans 
une  lettre  du  mois  de  septembre  i53o 
(i3) ,  se  réjouit  de  ce  que  la  nouvelle 

(10)  Erasrnus,  Episl.  XXVIII  ,  lib.  XXII, 
pag.  11-2. 

(11)  Erasinus,  Epist.  LXXII,  lib.  XX,  pag. 
io3o. 

(12)  Swert.  ,  ïn    Alhenis  belsjicis  ,  paq.  4qo. 
(i3)  C'est  la  XXIIIe.  du  XXVe.  liv.,  pag. 

l3n3. 


qui  avait  couru  de  la  mort  de  Badius 
n'était  pas  vraie  •  et  nous  avons  une 
édition  des  Epîtres  de  Longolius,  fai- 
te par  Badius,  l'an  i533.  Gesner,  dans 
sa  Bibliothèque,  imprimée  l'an  1 545  , 
observe  qu'il  y  avait  environ  dix  ans 
que  Badins  était  mort.  Il  ne  l'était  pas 
lorsqu'on  imprima  à  Paris  le  livre 
d'Alphonse  de  Castro  contre  les  hé- 
résies; car  il  fut  l'un  de  ceux  qui  l'im- 
primèrent l'an  1 534  (i4)-  La  première 
page  du  Pierre  Lombard  in  Epistolas 
Pauli,  contient  ceci  :  pro  hœredibus 
Jodoci  Badii  ,  1 535  ,  mense  decem- 
bri  (i5).  Il  n'était  donc  plus  en  vie  au 
mois  de  décembre  1 535  *. 

(G)  //  aurait  produit  autant  d'en- 
fans  que  de  livres  ,  s'il  se  fût  mis 
aussitôt  a  l'une  de  ces  fonctions  qu  a 
l'autre.  ]  Cette  pensée  fut  le  sujet 
d'une  épitaphe  qu'on  lui  composa.  La 
voici  : 

Nie,   librroium  f/luiimorum  qui  parens  , 
Parens  librorum  plurimoruinque  qui  fuit  , 
SilUS  Jodocus  Badius.  est  A.icemius, 
Plures  fuerunl  liberis  lamen  libri, 
Qitod  jam  senescens  coepit  illos  gignere, 
JEtaleJlorcns  coepit  hos  qubd  edere  (16). 

Cette  épitaphe  n'est  point  ct'lle  que 
l'on  voit  sur  le  tombeau  de  Jodocus 
Badius,  au  charnier  de  l'église  collé- 
giale de  Saint-Benoît  ,  à  Paris  (17). 
C'est  là  qu'il  fut  enterré  (18).  Si  les 
vers  qu'on  vient  de  lire  sont  un  ex- 
posé fidèle  ,  il  ava't  suivi  la  maxime 
de  la  pluplart  des  savans  ,  il  s'était 
marié  tard.  Voyez  le  livre  intitulé 
Valesiana  (19). 

(H)  Il  y  avait  long-temps  qu'il  était 
auteur  lorsqu'il  se  maria...  Je  ne  vou- 
drais pas  répondre  que  cela  fût  exac- 
tement vrai.  ]  Le  sieur  de  la  Caille 
m'inspire  ce  doute  :  il  m'apprend 
que  Badius  ,  à  son  retour  d'Italie,  en- 
enseigna  plusieurs  gentilshommes  à 
I.yon  ,  et  composa  et  imprima  quanti- 

(i4)  Voyez  la  Caille,  Histoire  de  l'Imprimerie, 

P"S    -A- 

(i5)  Chevill.,  de  l'Origine  de  l'Imprimerie  de 
Paris,  pag.  i38. 

*  Leclerc  et  Leducliat  disent  que  Badius 
mourut  certainement  dans  le  cours  de  i535. 

(16)  Swert.  ,  Athen.  belgic.  ,  pag.  490,  rap- 
porte celte  épitaphe  comme  faite  fiar  un  ami  de 
Badius.  Il  devait  dire  par  le  petit-fils.  Voyez  la 
remarque  suivante. 

(1-)  Vous  lapouvez  lire  dans  la  Caille,  His- 
toire de  l'Imprimerie,  pag.  "}5. 

(i8)Rocoles,  Histoire  véritable  du  Calvinisme, 
pag.  ■?.  1  .•■ 

(19)  Pag.  5  ,  e'di'.ion  d'Ainsterd. 


BADIUS. 


lé  de  bons  livres  chez  Jean  Trechsel  , 
imprimeur  de  Lyon,  duquel  il  épou- 
sa la  fille,  nommée  Theuf  T^echsei 
....  (20).  Ce  fut  à  tui  ,  poursuit  cet 
auteur,  que  le  savant  Robert  Gaguin, 
vingtième  général  de  l'ordre  des  trini- 
taires ,  qui  connaissait  son  mérite  et 
sa  capacité  pour  la  correction  des  im- 
pressions ,  écrivit  pour  imprimer  ses 
ouvrages ,  ainsi  qu'on  le  voit  par  la 
lettre  que  ce  général  lui  adresse  ,  qui 
est  ii  la  tête  de  ses  Jîpîtres  in-4°-,  l'an 


de  son  beau-père,  et  arbora  à  ses  édi- 
tions /ePrelum  Ascensianum  pendant 
plus  de  vingt-cinq  ans  (25).  Perrettç 
savait  la  langue  latine  ,  soit  que  son 
père  la  lui  eût  enseignée  ,  comme  le 
croit:  M.  Almeloveen  (26) ,  soit  qu'el- 
le l'eût  apprise  à  force  d'en  tendre  par- 
ler latin  chez  son  mari.  Ces  deux  opi- 
nions ont  chacune  leur  probabilité  : 
ceux  qui  se  rangeront  à  la  seconde 
se  pourront  fonder  sur  ce  qu'une  sœur 
de    Henri    Etienne  ,   fille  de   Perrette 


1498.  Ce  qui  obligea  Badins  h  venir    Badius  ,    apprit   le   latin   sans   le   se 


a  Paris  ,  vers  l'an  i499  otl  '5oo  *'  , 
après  la  mort  de  son  beau-père ,  tant 
pour  y  enseigner  la  langue  grecque  , 
ijue  pour  y  rétablir  l'art  de  l'imprime- 
rie ,  qui  commençait  h  décliner.  11  ré- 
sulte de  ce  passage,  que  Badius  était 
marie  en  i5oo.  Or  il  n'avait  encore 
que  trente-huit  ans  :  on  ne  peut  donc 
pas  dire  qu'il  ait  différé  sou  mariage 
jusqu'à  la  vieillesse  ;  jam  senescens 
cœpit  illos  giçnere  ;  et  cependant  c'est 
Henri  Etienne,  son  petit-fils,  qui  l'as- 
sure *%  car  c'est  Henri  Etienne  qui  est, 
fauteur  de  cette  épitaphe  latine  ,  et 
d'une  épitaphe  grecque,  qui  roule  sur 
la    même  pensée.  Jodoco  Badio  ele- 


cours  de  la  grammaire,  et  par  la  seu- 
le voie  de  l'usage.  C'est  que  la  maison 
de  Robert  Etienne  était  remplie  de 
gens  qui  parlaient  toujours  latin  ,  ce 
qui  fit  que  les  servantes  mêmes  acqui- 
rent l'intelligence  de  cette  langue. 
Voyez  l'Épître  dédicatoire  de  l'Aulu- 
Gelle  de  Henri  Etienne,  vous  y  trou- 
verez  ceci;  l'auteur  s'adresse  à  son 
fils  :  Av'uc  tuœ  eorum  qiuv  latine  di  ■ 
cebanlur  (  n'ai  rariiis  aliquod  vocabu- 
lutn  intermiscerctur  ),  haud  drffieilior 
erat  intellectus ,  quant  si  dicta  ser- 
monc  gallico  fuissent.  Quid  de  su- 
perstite  sorore  me  a  ,  amitd  aulem  tud, 
nomine  Katharind  dicam  ?  llla  quo- 


gantissimis  fusce  epilapliiis  parentavit  que  eorum  quœ  latine  dicuntur  inter- 
ex  filid  nepos  Henricus  Slephanus  ,  prêtent  non  desiderat  :  multa  vero  et 
quœ  propter  elegantiam  non  potui  non  ipsa  eodem  loqui  sermone  potest  ;  et 
adscribere  (21).  Ces  épitaphes  se  trou-  quidem  ita  (  licet  nonnunquam  impin- 
vent  dans  le  livre  de  Henri  Etienne  gat  )  ut  ab  omnibus  inlelligatur.  Un- 
ie Ar\is  typographicœ  Querimoniâ.  de  illi  hœc  latinœ   linguœ  cognilio  ? 


M.  Almeloveen  les  rapporte  toutes 
deux,  avec  une  autre  latine  du  même 
auteur,  dans  sa  curieuse  dissertation 
de  Vitis  Stephanorum 


Artcm  certè  grammalicam  haud.  ma- 
gistram  habuil  ,  nec  alius  illi  hâc  in 
re  quant  usas  prœivit.  Il  explique  ce 
f|u  il  entend  par  cet  usage:  c'est  que 


(I)    Trois  filles  de  J.  Badius  furent     les  imprimeurs  et  les  correcteurs  de 


mariées  a  de  fameux  imprimeurs.^  Ca 
Iherine  Badius  ,  fille  de  Jocodus  ,  lut 
mariée  à  Michel  Vascosan  (22).  Per- 
rette Badius  ,  autre  fille  de  Jocodus  , 
fut  femme  de  Robert  Etienne  (  23  ). 
Jeanne  Badius  ,  sa  sœur,  épousa  Jean 
de  Roigny   (24)  ,   qui  prit  la  marque 

(20)  Histoire  rie  l'Imprimerie  ,  pag.   72,  73. 

*'  Leclerccite  une  Epître  dédicaloircdatée  Je 
Lyon  en  juin  l5oi.  Ce  ne  fut  qu'après  qu'il  vint 
à  Paris.  Le  premier  livre  sorti  de  son  imprimerie 
est  de  la  fin  de  i5oi. 

*a  Sur  ce  témoignage,  Leclerc  croit  le  maria- 
ge de  Badins  postérieur  à    i5oi. 

(il)  Almeloveen,  de  Vitis  Steplianorum,  pag. 
18. 

(22)  La  Cnille,  Histoire  de  l'Imprimerie,  pag. 

(?.3)  Là  même,  pag.  96. 
•  2^)  L't  même  ,  pag.  io5. 


Robert   Etienne   ne  parlaient  que  lu- 
tin. 

(  K  )  J'ai  ignoré  pendant  quelque 
temps  ce  que  voulait  dire  un  moderne 
qui  semblait  accuser  Henri  Etienne 
d'avoir  censuré  Josse  Badius.]  J'étais 
dans  cette  ignorance  ,  pour  n'avoir 
pas  entendu  une  période  française  du 
sieur  la  Caille;  mais,  enfin,  je  l'ai 
comprise,  ce  me  semble.  Cette  pério- 
de contient  ces  termes  :  «  Voyons 
»  son  épitaphe,  rapportée  par  Henri 
»  Etienne,  dans  le  livre  qu'il  a  i  m 
»  posé  de  Arlis  typographicœ  Que- 
»  rimonid  ,    imprimé    par   le    même 

(î5)  Cbevillier,    de  l'Origine  de  llraprinicriu 
de  Paris,  pag.   1  38. 

(26)    Almeloveen   ,    de     Vitis    Steplianorum   , 


24 


B  A  DU  EL. 


j>  Etienne,  en  i56g,  où  il  y  a  plusieurs    flata.  Il  est  apparent  que  le  livre  dont 


•>•>  plaintes  adressées  audit  Badius,  tant 
3>  en  grec  qu'en  latin  (27  ).  »  J'avais 
d'abord  cru  qu'on  voulait  dire  que 
Henri  Etienne  faisait  cent  reproches 
à  Badius  ,  tant  en  langue  grecque  , 
qu'en  langue  latine  ,  d'avoir  gâté  le 
métier  ;  mais  faisant  réflexion  qu'il 
était  son  petit-fils  ,  et  ne  trouvant 
rien  contre  Badius  dans  la  Querimo- 
nia  Arlis  typographicœ  ,  que  M.  Al- 
meloveen  a  publiée,  je  demeurais  fort 
en  suspens.  M.  Alnieloveen  m'ayant 
assuré  qu'il  n'avait  rien  retranché  de 
la  Querimonia  ,  a  été  cause  que  j'ai 
relu  tout  de  nouveau  la  période  ,  et 
que  j'ai  compris  que,  tant  en  grec 
qu'en  latin,  se  doit  rapporter  peut-être 
non  pas  à  plaintes  ,  mais  à  epitaphes . 
Enfin  ,  j'ai  pu  consulter  cet  ouvrage 
même  de  Henri  Etienne  (  28  ).  J'y  ai 
trouvé,  i°.  une  préface  en  prose  con- 
tre l'ignorance  des  imprimeurs;  2°.  un 
poé'tne  où  l'on  introduit  l'imprime- 
rie qui  se  plaint  de  sa  décadence  ; 
3°.  l'e'pitaphe  ,  tant  en  grec  qu'en  la- 
lin  ,  ou  en  latin  seulement ,  de  quel- 
ques doctes  imprimeurs.  Je  n'y  ai 
point  trouvé  de  plaintes  ,  ni  contre 
Badius  ,  ni   adressées   à    Badius  :  cet 


Valère  André  fait  mention  ne  diffère 
point  de  celui-ci  ;  ou  que  tout  au 
plus  ,  il  n'en  diffère  que  comme  une 
partie  est  différente  du  tout.  Je  crois 
aussi  que  l'ouvrage  publié  par  Badius 
en  i5i3  est  tiré  de  celui  qui  est  intitu- 
lé IVavis  Narragoniœ  ,  et  dont  l'au- 
teur est  Sébastien  Brandt  (3i)  ,  natif 
de  Strasbourg  ,  professeur  en  droit , 
et  bon  poète  pour  ce  temps-là  ,  qui 
était  la  fin  du  XVe.  siècle.  Voyez  dans 
la  Bibliothèque  de  Gesner  (32)  ,  ce 
que  c'est  que  Navis  JVarragoniœ  ou 
JYtivis  stultorum. 

(3i)  OuTilio. 

(Sa)  Gesneri  BihliotVicca;  folio  5q3. 

B ADUEL  (  Claude  ) ,  en  latin 
Baduellus ,  a  vécu  au  XVIe.  siè- 
cle. Tl  était  de  la  religion  ,  com- 
me il  paraît  par  la  traduction 
latine  qu'il  fit  de  quelques  ser- 
mons de  Jean  Calvin ,  et  qu'il 
publia  à  Genève;  comme  aussi 
par  les  Actes  des  Martyrs  ,  qu'il 
fil  imprimer  en  latin  dans  la 
même  ville,  l'an  i556  (a)  Je  ne 


endroit  du  sieur  la  Caille  est  une  énig- 
me pour  moi  ,  s'il  n'est  pas  une  mé-    doute  point  qu'il  n'ait  enseigné 
prise.  Se  faut-il  étonner  que  les  lan-    les  belles-lettres  dans  le  collège 


gués  mortes ,  avec  ce  grand  attirail 
de  transpositions  qui  leur  est  permis, 
aient  tant  d'obscurités  à  notre  égard: 
la  nôtre  ne  nous  jetfe-t-elle  pas  dans 
les  ténèbres ,  dés  qu'on  se  relâche  sur 
l'arrangement  naturel  des  mots? 

(L)  Il  y  a  apparemment  une  faute 
dans  un  des  Hures  que  f^alère  André 
lui  attribue.^  Il  lui  donne  un  ouvrage 
intitulé  ,  Ffavicula  stultarum  mulie- 
rum  (29)  ,  et  n'en  marque  ,  ni  le  lieu  , 
ni  le  temps  de  l'impression  :  il  s'est 
contenté  de  copier  à  cet  égard  le  Ca- 


llége 

de  Nîmes ,  car  on  trouve  parmi 
ses  ouvrages  imprimés  Oratio 
ad  instituendum  Gymnasium 
neniausense  de  Studiis  Liltera- 
rum,  et  une  autre  pièce  intitu- 
lée de  Collegio  et  Universitate 
nemausensi.  Il  écrivait  bien  en 
latin,  et  il  était  bon  orateur*, 
bon  père  et  bon  chrétien.  Ces 
deux   dernières   qualités  parais- 


talogue  de  Swèrtius.  J'ai  été  averti  (3o)  sent  beaucoup  dans  son  Epistola 
que  Badius  publia  en  i5i3  un  livre  parœnetica  ad  Paulum  filium 
qui  est  intitule  LVavis  slultiferœ  col-   "S  n    _    •  •       ,  tt  1 


lectanea  ab  Jodoco  Badio  Ascensio 
vario  carminum  génère,  non  sine  eo- 
rumdem  familiari  explanalipne  con- 

(27)  La  Caille,  Histoire  de  l'Imprimerie, 
pag.  :4- 

(28)  M.  Almeloveen  ,  qui  prèle  si  obligeam- 
ment ses  litres,  a  eu  la  bonle' de  m'envojer  l'Ar- 
tis  typograpliicae  Querimcuia. 

(29J  Voyez  la  remarque  (C). 

(3o)  Par  M.  Je  !a  Coste,  ministre  hollandais. 


de  vero  Patrimonio  et  Hœredita- 
te  quant  christiani  Parentes 
suis  Liberis  debent  relinquere. 
Je  vous  renvoie,  touchant  les  ti- 

(«)  Frisii  Epilome  Bibliothecae  Gesneri, 
pag.  i5o. 

*  La  latinité  de  Baducl  m'a  paru  très-mé- 
dionre,  dit  Joly,  et  l'écrivain  assez  froid 
orateur. 


BADUEL.  25 

très  de  ses   autres  livres,  à  l'É-    seils  touchant  le  choix  d'une  femme  à 


pi  tome 
Gesner 


de  la  Bibliothèque  de 
mais  je  dirai  quelque 
chose  du  traité  qu'il  publia  sur 
le  mariage  des  gens  de  lettres  (A): 
et  j'observerai  que  les  abrévia- 
teurs  de  Gesner  n'ont  pas  mar- 
qué tout  ce  qu'ils  devaient,  car 
ils  ne  disent  point  que  Baduel 
ait  composé  en  latin  Y  Oraison 
funèbre  de  la  dame  de  Saint-J^é 
ran 

bliothéque 

des  Notes  sur  les  livres  apo- 
cryphes ,  imprimées  à  Londres 
l'an  1660. 


ceux  qui  voudront  conjoindre,  comme 
il  les  y  exhorte  puissamment  ,  les 
plaisirs  d'un  doux  hymen  avec  la  pro- 
fession des  lettres.  Il  dit  que  Guillaume 
Bigot,  homme  bien  versé  dans  les  ma- 
tières de  médecine  et  de  physique  , 
avait  promis  un  traité ,  qui  devait 
montrer  que  le  mariage  est  nécessaire  ; 
c'est-à-dire,  selon  la  pensée  de  Baduel, 
que  l'homme,  sans  le  mariage,  ne 
saurait  vivre  en  santé.  Guillelmus 
Bigolius  ,  dit-il  (4) ,  qui  in  medicis  ac 


physicis  diligenler  uersalur  ,  summum 
(b).  Le  catalogue  de  la  bi—  hariun  rerum  habet  scienliam  ,  ali- 
théque  d'Oxford  lui  attribue    quandà  promis*  se  de  conjunctione 

matrimonii  usuque  ejus  necessano 
scripturum.  Necessarium  (npinor)  in- 
telligit ,  sine  quo  homo  non  potest  va- 
lere.  Itaque  eam  parlent  naturœ  ,  con- 
jugium  ad  bonam  corporis  constitu- 
tionem  appetenlis  ,  nos  ei  explicandam 
relinquamus  :  in  quo  ualdè  prudenter 


,    traduite   en  français  par  Charles     ,    ^       .  cflJjj  COTnmoduMem  ex  legi 

,  fut   imprimée  a  Lyon,    l  an    iDao.    J        „  . 


(b)  Elle  était  fille  du  premier  président  du 
parlement  de   Toulouse.  Cette   Oraison    fu- 
nèbre 
Rozel 
Voyez  la  BiLliotb.  de  Du  Verdier. 

(A)  Je  dirai  quelque  chose  du  traité 
qu'il  publia  sur  le  mariage  des  gens 
de  lettres.  ]  en  voici  le  titre  :  De  Ra- 
tione  vitœ  studiosœ  ac  litteratœ  in  ma- 
malrimonio  collocandœ  ac  degendœ. 
l\  fut  imprimé  à  Lyon  ,  chez  Sébastien 
Gryphius  ,  Tan  1 554  >  "*~4°-  >  e'-  réim- 
primé à  Leipsick  ,  l'an  1S77  ,  et  l'an 
i58i  (1).  Cette  dernière  édition  est 
de  i43  pages  in  -8°.  Un  professeur 
de  Leipsick  ,  nommé  Grégoire  Bres- 
tnan  ,y  a  mis  une  préface  où  l'auteur 
et  le  livre  sont  fort  loués.  Il  est  cer- 
tain que  c'est  un  écrit  tout-à-  fait 
sensé  et  plein  de  bonne  morale.  Ba- 
duel le  dédia  à  M.  de  Masencal(2),  pre- 
mier président  au  parlement  de  Tou- 
louse. Il  y  relève  l'excellence  du  ma- 
riage, et  y  montre  les  désordres  qui 
accompagnent  pour  l'ordinaire  le  cé- 
libat ;  et  il  réfute  ceux  qui  disent  que 
le  mariage  ne  convient  pas  aux  gens 
de  lettres  ,  vu  que  c'est  un  état  qui 
les  détourne  de  l'étude  ,  et  qui  ne  leur 
permet  pas  de  s'y  appliquer  tout  en- 
tiers. Il  nous  apprend  (3)  qu'il  avait 
choisi  cet  état,  et  il  y  donne  des  con- 

(1)  C'est  ce  qui  a  fait  faussement  croire  à 
M.  Konig,  que  Baduel  l'avait  composé  en  i5Si. 
)roiez  sa  Bibliotheca  vêtus  et  nova. 

(2)  Ad  Juannem  Massccalum. 

(3)  De  K.itione  Vita:  studiosa:  iu  maliimonJo 
collocandœ  ,  p ag.  3. 


timâ  uteris  conjunctione  ,  cjusque  mo- 
derald  consueludine  ,  petendam  esse 
dnceat  :  et  ea  incommoda  oslendat  quœ 
ex  liberis  Mis  ac  dissolulis  scortatio- 
nibus  humants  corporibus  milita  et 
magna  afferuntur. 

Pour  bien  caractériser  cet  ouvrage  , 
j'emprunterai  quelque  chose  du  pro- 
fesseur de  Leipsick  ,  qui  en  a  procuré 
une  seconde  édition.  Il  remarque  , 
qu'il  n'y  a  rien  de  plus  important 
dans  la  conduite  de  la  vie  ,  que  de 
consulter  les  règles  de  la  prudence  , 
mais  qu'il  y  a  peu  de  gens  qui  les  con- 
sultent, lorsqu'il  est  question  de  ma- 
riage ,  la  chose  du  monde  où  il  est  le 
plus  difficile  de  délibérer  prudem- 
ment (5).  On  s'y  engage  par  l'impé- 
tuosité de  la  jeunesse  5  on  n'écoute 
que  les  conseils  de  la  passion  ,  et  ce- 
pendant c'est  une  affaire  où  les  fautes 
sont  irréparables.  Plerique  vigentis 
adolescentiœ  annis ,  ajoute-t-il  (6), 
cuni  inest  maxima  consilii  imbecilti- 
tas  alque  imperilia  ,  cœco  quodarn 
amoris  impelu  commoli  ac  fervore  ju- 
venili  inflammati  ,  antè  implicantur 
conjugio  ,  quant  quod  illud  viliv  genus 
sit  judicare  potucrunt.  fllulti  formas 

(4)  Ibidem  ,pag.  47,  48. 

(5)  In  deliberatione  de  contrahendo  malrimo- 
nio,  quœ  est  una  omnium  dijficilluna.  Ciegor. 
Iïromanus ,  frœjaiionc  adlectorem. 

(0;  Gregor.  Bresmanus,  Prafatione  ad  lec- 
loretn, 


s6  BAGNI. 

venustate  allecti ,  plures  dotis  magni-  à  Paris,  l'an  i548,  in  ■  8°.  ,  Traité 
ludine  inescali ,  neque  pauci  splendo-  très-Jruclueux  de  la  Dignité  du  Ma- 
re generis  fascinait ,  his  autoribus  et  riage  et  de  Vhnnneste  Conversation  de* 

consuasoribus  agunt  omnia Çuos,  Gens  doctes  et  lettrés. 

meo  quidem  judicio  ,  salins  erat ,  cuni 


animis  suis  considérantes  illud  Pubhi 
Syri  ,  deliberaudum  est  diù  quod  sta 
tuendum  est  semel  ;  et  hoc  item  aile 
rum ,  deliberare  utilia  ,  mora  est  lu 


BAGNI  (Jean  François)  a  vécu 
au  XVIIe.  siècle.  Il  fut  élevé  au 
cardinalat   par  le  pape    Urbain 


tissima  ,  diù  secum  mullùmque  delibe-  VIII  Fan   1629  ,  à  la  recomman- 

rare ,  atque  ad  naturœ  suce  rationem-  dation  de  la  France  (a).  M.  Mo- 

que  uitœ  institutum  consilium  conferre  rér[  par]e    <Je    luj    assez    ampIe_ 

omne  prœserlim  cum  in  deligendo  nia-  /  £  ■ 


•p 

îrimonio 


ment,   mais  non 


faire 


,    si    quid    erroris'  accideril  "">"••»    wma   nun   pas    sans 

(accidit  autem  sœpissimè)  non  quod  des  fautes ,  qu'il  sera  bon  de  re- 

aliis  in  rébus  facere  in  pro??iptu  est ,  marquer   (A).    Ce  cardinal  avait 

cum  quis  forte  se  errasse  intelligit,  ra-  pass^                  jus     ^'emplois     que 

iionem  et  consiuorum  mutationem  in-  m    m      '  •     >       -     v 

stiluere  cuiquam  sit  integrum  :  sed  aut  M*  Moren  n  en  indique  ,  comme 

stultitiœ  posnam  luere ,  aut  negligen-  on  le  verra  dans  nos  remarques. 

tiœ  culpant  prœstare  oporleat  sempiter-  On  a  dit  de  lui  ¥  une  cbose  dans 

nam.  Etant  donc  si  nécessaire  ,  et  en  je  Sorberiana ,   qui  est  fausse  en 

même  temps  si  rare  de  s  engager  pru-  1      •                     .,  *      ,T,.      T, 

déminent  dans  cet  état,  on  croit  ren-  Prieurs  manières  (B).    Il   avait 

dre  un  service  signalé  au  public  ,  en  un  frère,  qu'on  nommait  le  mar- 

faisant  réimprimer  le  livre  de  Baduel,  quis  de  Bagni  (C)  ,  et  qui  fut  gé- 

puisque  Ton  y  trouve  les  meilleures  ne'ral  Jes  troupes  du   pape  dans 


puisque   1  on  y 

instructions  du  monde  ,  et  nommé- 
ment le  conseil  de  recourir  par  des 
prières  ardentesaux  lumières  du  Saint- 
Esprit.  L'auteur  de  la  Préface  soutient 
qu'il  faut  commencer  par-là  ,  quand 
on  délibère  sur  un  point  si  délicat  et 
si  périlleux.  Qui  hanc  uitœ  conjuga- 
lis  viam  ingressuri  sunt ,  opérant  ante 
omnia  dabunt ,  ut  Deum  sibi  consilia- 
rium  ,  atque  in  rei  tam  arduœ  consulta- 
tione  ,  atque  effectione  moderatorem  , 
pid  ac  religiosd  nominis  divini  implo- 

ratione  asciscant de  qud  unius  et 

trini  Dei ,  in  coëundo  conjugio  ardenti 
invocatione  diligenter  faciendd ,  prœ- 
ter  complura  alia  prudentiœ  et  circum- 
spectionis  et  caulionis  in  hoc  vitœ  gé- 
nère constituendo  prœcepta  sedulô  le- 
nenda  ,  pie  ,  sapienter ,  et  eraditè  ad- 
modiim  ,  in  hoc  quem  tibi  ,  leclor 
bénévole  ,  de  alieno  largientes  offeri- 
mus  ,  libello  disserilur. 

Cet  ouvrage  de  Baduel  a  été  traduit 
en  français  par  Guy  de  la  Garde  (7)  ; 
mais  s'il  n'a  pas  mieux  réussi  dans  la 
version  de  l'ouvrage  que  dans  la  ver- 
sion du  titre ,  ce  doit,  être  peu  de 
chose.  Il  intitule  sa  version  ,  imprimée 

(7)  Lieutenant  particulier  en  la  sénéchaussée 
de  Provence ,  au  siège  d'Arles,  f^ojez  la  Bi- 
bliothèque de  la  Croîx-du-Mnîne  ,  pag.  i34  ,  et 
celle  de  du  Verdier,  pag.  532. 


la  Valteline,  l'an  1624. 

(a)  Ministère  du  cardinal  de  Richelieu,  à 
l'année  l63o,  au  commencement. 

*  Ce  n'est  pas  de  lui,  mais  de  son  neveu, 
dit  Leclerc. 

(A)    Moréri  parle    de   lui et 

fait  des  fautes  qu'il  sera  bon  de  re- 
marquer.^ Il  dit,  i°.  que  le  cardinal 
Bagni  était  des  comtes  de  Guidi.  C'est 
prétendre  que  le  nom  de  sa  famille 
était  de  Guidi  ;  mais  il  ne  fallait  point 
séparer  le  nom  de  Guidi  de  celui  de 
Bagni,  ou  à  Balneo.  Naudé  ne  les  sé- 
pare jamais  •  1".  qu'il  naquit  le  4  d'oc- 
tobre 1573.  Cela  ne  s'accorde  point 
avec  un  auteur  dont  l'exactitude  est 
un  garant  mille  fois  plus  assuré  que 
M.  Moréri  (1).  Cet  auteur  met  la  mort, 
du  cardinal  Bagni  au  i\  de  juillet 
164 1,  et  lui  donne  soixante- seize  ans 
de  vie.  Il  met  donc  sa  naissance  à  l'an 
i565;  3°.  que  Clément  VIII  envoya 
Bagni  en  France  ,  pour  y  féliciter 
Henri-le-Grand  sur  son  mariage  avec 
Marie  de  Médicis.  Ce  n'est  point  cela. 
M.  Moréri  n'a  point  entendu  Thoma- 
sin,  qu'il  a  cité.  Il  pouvait  lire  dans 
cet  auteur  que  le  cardinal  Aldobran- 


(i)   Baillet,  Vie  de  Descartes 
119. 


tom.  1 ,  pag 


BAGNI. 


27 


<lin  ,  légat  de  Clément  VIII  en  France, 
taût  au  sujet  du  mariage  de  Henri  IV , 
que  pour  la  paix  de  Savoie,  avait  à  sa 
suite  Jean  François  Bagni.  Voilà  en 
quoi  consistait  la  prétendue  dépura- 
tion de  cet  homme  ;  4°-  M-  Moréri 
multiplie  plus  qu'il  ne  faut  les  non- 
ciatures de  Bagni  :  il  veut  qu'on  Tait 
envoyé  deux  fois  nonce  en  France  , 
une  fois  sous  Grégoire  XV,  et  une 
fois  sous  Urbain    VIII  ;    et   qu'outre 


»  vos  mérites  ,  et  vivant  dans  le  repos 
»  que  les  fondions  publiques  heureu- 
»  sèment  exercées  en  Sept  gouverne- 
»  mens  ,  une  vice-légation  ,  et  deux 
»  nonciatures ,  vous  y  ont  acquis,  je 
»  n'ai  pas  cru ,  etc.  »  Il  fut  envoyé 
nonce  à  Bruxelles  par  Grégoire  XV, 
et  en  France  par  Urbain  VIll.  Thoma- 
sin  et  Moréri  sont  tous  deux  en  faute  : 
ils  n'ont  su  débrouiller  un  fait  le  plus 
facile  du  monde  à  bien  raconter.  Ce 


cela     Grégoire     XV     l'avait    envoyé    fut  pendant  la  nonciature  de  France, 
nonce    en  Flandre-  Thomasin  en  dit    que    Bagni   fut   élevé  au    cardinalat. 

Gassendi  conte,  qu'au  printemps  de 
l'année  i63i ,  il  passa  par  la  Provence 
pour  s'en  retourner  à  Rome  ,  et  qu'il 
alla  voir  son  ancien  ami  M.  de  Pei- 
rese.  ferè  novo  cardinalis  a  Balneo  , 


UD  peu  moins  ,  et  se  contente  de  dire 
que  Bagni  fut  envoyé  à  Paris  par 
Grégoire  XV,  en  qualité  de  nonce  ex- 
traordinaire; et  qu'il  alla  de  Paris  en 
Flandre,  pour  y  faire  la  fonction  de 


nonce  ordinaire.  Gassendi  en  dit  moins  utrdque  sud  legatione  functus  ,  et  ac- 
que  Thomasin  :  il  dit  que  Bagni,  al-  cepto  Parisiis  purpurato  pileo  ,  /fi- 
lant à  la  nonciature  de  Bruxelles ,  pas-  ,,mm  rediit  (4)  H  amenait  avec  lui  le 
sa  par  Paris  ,  et  y  vit  incognito  tout  docte  Gabriel  Naudé.  11  continua  à  Pa- 
ce  qu'il  y  eut  à  voir.  Transit  sub  id  fis  les  fonctions  de  nonce ,  pendant. 
tempus  (c'est-à-dire  ,  au  mois  de  juillet  plus  d'un  an  depuis  son  élévation  au 
1621).  Parisiis  memoratus  supra  vice'-  cardinalat,  et  se  mêla  en  particulier  de 


legatas  à  Balneo  ,  pontifiais  nuncius 
destinai  L's  in  Fltuuh  ïam  ,  qui  c'unt  vel- 
let  singularia  quoique  in  urbe  spectare, 
sed  tamen  quasi  iNCOGNiTus  ,  conano- 
dum  prqfecto  convaluit  Peireskius  , 
qui  ipsum  varié  deduceret  ad  ertulitos, 


la  pacification  des  diflérens  qiu  ré- 
gnaient entre  la  reine-mère  et  le  car- 
dinal de  Richelieu  (5), 

Un  mémoire  manuscrit  de  M.  Bau- 
drand  porte  i°.  qu'il  ne  fut  point  fait 
cardinal  à  la  recommandation  de  la 


ad  i/tusœa,  ad  opéra  omnia  rariora  (a).    France,  quoiqu'on  l'assure  dans  l'His- 
Je    sais    bien    qu'il   a    été    nonce   en    toire  du  ministère  du  cardinal  de  Riche- 


France  ,  mais  ce  fut.  dans  un  autre 
temps.  Le  même  Gassendi  racontant 
les  connaissances  que  lii  M.  de  IVircsc 
avec  des  hommes  illustres  l'an  1G14  , 
dit  ceci  de  notre  Jean  François  Bagni. 
Unusj'uit  Jnannes  francisais  Vidius 


lieu,  mais  purement  par  le  pape,  connue, 
nonce  du  saint  -  siege  ,  qui  est  ce  que 
l'on  accorde  fort  souvent  aux  nonces  eu 
France  ,  en  Espagne  ,  et  a  la  cour  de 
l'Empereur;  a°.  qu'il  v  a  erreur  dans 
ces  paroles  de  Gassendi ,  que  j'ai  rap- 


a  Balneo  ,  palracensis  archiepiscopus  ,     portées  (6):  Accepto  Parisiis  purpu 

ralo  pileo  ,  Romani  rediit.  «  Le  pape 
»  n'envoie  point  le  chapeau  rouge  aux 
»  cardinaux  qu'il  fait  ,  mais  il  faut 
»  qu'ils  l'aillent  quérir  à  Home  ;  car  le 
a  pape  n'envoie  que  la  ealote,  d'abord 
»  par  le  courrier  ,  et  ensuite  le  bon- 
»  net  ronge  par  un  de  ses  eamériers 
»  Ainsi  les  cardinaux  de  Richelieu  et 
»  Mazarin  n'ont  jamais  eu  le  chapeau 
)>  rouge  ,  parce  qu'ils  ne  furent  pas  à 
»  Rome  depuis  leur  promotion.  Il  n'y 
11  a  eu  ,  depuis  plus  de  cent  vingt 
»  ans,  que  le  cardinal   Infant,  à  qui 


et  per  en  tempora  ai'enionensis  vice- 
legalus.  Singidaris  enim  deinceps  ne- 
cessitudo  intercessil  seu  donec  ille 
Avenione  degit  ,  seu  ciim  est  versa- 
nts peri/lustris  nuncius  tant  apud prin- 
cipes Belgarum ,  quant  apud  regem 
christianissimum,  seu  postqu'amj'aclus 
est  cardinalis  rarœ  ac  speclalœ  virtu- 
tis  (3).  11  est  très-certain  que  Bagni 
avait  été  deux  fois  nonce  j  car  Naudé, 
qui  fut  longtemps  son  domestique  et 
son  bibliothécaire,  lui  parle  ainsi,  en 
lui  dédiant  ses  Coups  d'état  :  «  Moh- 
»  sEir.NEUR ,  puisque  vous  êtes  main- 
»  nant  à  Rome,  jouissant  des  hon- 
»  ncurs  qui  servent  de  récompense  à 

(2)  Gassend.  ,  in  Vità  PeiretUi,  db-  III   ad 
nnn.  1621  ,  pag.  2S9. 
(3;  Ibidem,  rag.  rii. 


(.',)  Gauenai,  in  Vitâ  PefresVii ,  lit.  IV  ,  a  I 

nnn,  16  1 ,  pag.  io-. 

l'Histoire  «tu  cardinal  île  Ricbèliea, 

par  A::bcry,  ton:.  I ,  pag.  :ti4 ,  ''  2'9i    ' 
de  Hollande ,  11-12. 

'i-âeisus  ,  citation  (4). 


>s 


BAGNI. 


3>  le  pape  envoya  le  chapeau  rouge  en  de  Dieu  ,  et  la  force  de  l'éducation  , 
3)  Espagne  ,  par  une  faveur  particu-  la  lecture  des  Conciles  ferait  cent  fois 
»  hère,  à  cause  du  roi  d'Espagne,  plus  d'incrédules  que  de  chrétiens.  Il 
3>  son  frère.  »  Tout  cela  est  bien  eu-  n'y  a  point  d'histoire  qui  fournisse 
rieux  ,  mais  néanmoins  M.  Baudrand  plus  de  sujets  de  scandale,  ni  un  théâ- 
n'a  point  dû  trouver  de  fautes  dans  tre  plus  choquant  de  passions  ,  d'in- 
les  paroles  de  Gassendi,  puisqu'elles  trigues  ,  de  factions,  de  cabales  et  de 
ne  signifient  pas  que  ce  cardinal  avait  ruses  ,  que  celle  des  conciles  (9). 
reçu  le  chapeau  rouge  :  elles  signifient  Ceux  qui  ont  publié  le  Menagiana  , 
seulement  qu'il  avait  reçu  le  bonnet  ont  oublié  un  bon  mot  que  j'ai  ouï 
rouge.  Gassendi  se  sert  du  mot  pileo.  p]us  d'une  fois  aux  mercuriales  de 
et  non  pas  du  mot  gulero.  On  dit  M.  Ménage.  On  y  citait  un  homme 
que  Paul  V  dérogea  à  l'usage  intro-  d'esprit  qui,  lorsqu'il  entendait  dire, 
duit  par  Sixte  V  ,  et  cela  en  faveur  du  fjn  tel  fut  condamné  dans  un  tel  con- 
cile, s'écriait  :  C'est  une  preuve  qu'il 
n  avait  pas  su  cahaler  aussi  bien  que 
ses  adversaires  ,  oit  qu'il  n'avait  pas 
comme  eux,  l'appui  du  bras  séculier. 
Ceux  qui  connaissent  la  religion  de 
Sorbière  ne  doivent  -  ils  pas  être  bien 
édifiés  de  son  oplimè  ? 

(C)  Il  avait  un  frère  qu'on  nommait 
sieurs  manières.']  On  prétend,  qu'à  la  le  marquis  de  Bagni.~\  M.  Baillet  as- 
vue  des  Conciles  imprimés  au  Louvre  sure  que  ce  marquis  était  frère  du  car- 
en  XXXVII  tomes  ,  il  s'écria  :  Jem'é-  dinal  Jean  François  Bagni  ;  et  qu'ayant 
tonne  qu'il  y  ait  encore  des  héréti-  quitté  l'épée ,  il  s'avança  dans  les  di- 
ques  en  France.    Où  est  le  chrétien    gmtés  ecclésiastiques  jusqu'au  cardi- 


duc  de  Lerme  ,  à  qui  il  fit  donner  à 
Madrid  le  chapeau  de  cardinal  et 
l'anneau  ,  en  1618  ,  ce  duc  étant  âgé 
de  soixante  et  dix  ans  (7).  Voyez  le 
chapitre  XI  du  XVe.  livre  de  l'Histoire 
du  concile  de  Trente  de  Pallavicin. 

(B)   On  a  dit  de  lui  une  chose  dans 
le  Sorbériana  ,  qui  est  fausse  en  plu- 


qui  désormais  puisse  n'être  pas  catho- 
lique ?  Sorbière  admire  cette  pen- 
sée •'  Optimè  cardinalis  Banius  in 
Gallici  nuncius ,  dit-il,  dum  3^  vol. 
Concil.  cemeret  typis  regiis  impressa, 
aiebat  :  «  Miror  undè  jam  in  Galliâ 
}>  hœretici  fiant  ;  quis  enim  hypothe- 
»  sium  christianarum  servans  potest 
»  non  esse  calholicus  (8)  ?  »  Il  est 
faux  que  ce  cardinal  ait  vu  ces 
XXXVII  tomes.  Il  mourut  l'an  1641 , 
et  cette  édition  des  Conciles  est  de  l'an 
i644-  Mais  s'il  avait  dit  ce  qu'on  lui 
impute  ,  il  eût  débité  une  très -fausse 
pensée  ;  car  il  n'y  a  rien  de  moins  pro- 
pre à  la  conversion  des  hérétiques  , 
qu'un  ouvrage  de  plusieurs  volumes  , 
que  XXXVII  tomes  de  Conciles.  De 
dix  mille  protestans  ,  à  peine  s'en 
trouve-t-il  deux,  qui  puissent  lire  une 
page  dans  cette  édition  du  Louvre  , 
et  parmi  ceux  qui  entendent  le  latin  , 
la  plupart  n'ont  ni  le  goût  ni  la  pa- 
tience 


nalat,  dont  il  fut  pourvu  l'an  1657  (10). 
Il  avait  été  nonce  en  France,  durant 
tout  le  pontificat  d'Innocent  X,  et  les 
deux  premières  années  d'Alexan- 
dre  Vil H   mourut  a  Rome  le 

a3  d'août  i663  ,  âgé  de  quatre-vingts 
ans  (11).  M.  Baillet  trouve  vraisem- 
blable que  M.  Descartes  l'alla  voir  à 
la  Valteline  :  il  fonde  sa  conjecture 
sur  l'attachement  de  ce  marquis  pour 
les  études  de  physique  (13).  Ce  qu'il  y 
a  de  bien  certain,  c'est  que  M.  Des- 
cartes était  fort  connu  et  fort  estimé 
du  cardinal  Jean  François  Bagni  (i3). 
Le  Mercure  Français  rapporte  que  le 
marquis  de  Bagni ,  auquel  sa  sainteté 
avait  donné  le  pouvoir  de  commander 
les  gens  de  guerre  qui  étaient  a  la  Val- 
teline ,  était  reconnu  pour  partisan 
d'Espagne,  issu  de  la  maison  des  Co- 
lonnes tout -à -fait  espagnole,  chef 
ibelins   en  la  Romagne  ,   et 


des  gibelins   en  la  tiomagne  ,   ei  qui 

avait  toujours  été  pensionnaire  d'Espa- 

nécessaires  pour  entreprendre    gne  f  ayant  en  cette  qualité  accompa- 

iaste  lecture.  On  n'ôterait  pas       ,  ,  „.        ,  ,„-.   j„  ;•„.„>/»  nes- 

j  r  (n)  Voyez  la  remarque  (ri;   de  l  article  11  «.s 


une  si  v 

l'inconvénient  par  des  versions  en 
langue  vulgaire  ;  car,  où  sont  lesigno- 
rans  qui  ne  se  perdissent  sur  une 
mer  comme   celle-là  ?  Sans  la  grâce 

(7)  Mercure  Galant  d'avril  1706,  pag.   109. 

(8)  Sorbériana,  pag.  5i ,  e'dil.  de  Hollande- 


Vie  de  Descartes,  tom.  I ,  pag. 


(«)) 

TORICS. 

(10)  Baillet, 
161. 

(11)  La  même,  pag.  119,  120. 

C12)  La  même  ,  pag.  119.  Voyez  aussi  pag. 
161. 

(i3)  La  même,  pag.  253,  254,  3oo,  3ot 
el  3o2 


BAI  US.  2g 


site  le  connétable    Colonne  au  vova~    «ac    mninc     «„„~ j  î  1 

>■»  ^.        •-.  •>  ^       Pas  moins    recommandahlp  ™r 

ge  qu'il  fiten  Espasne  d  y  a  quatre    l      i  cvviuuiduuduie    pal 

n/w(i4).  ses  bonnes  mœurs,  par  sa  piéfcf, 

(l4)  Mercure  Français,  tom.  X,  pag.  j70  à      P31"   .Sa     m°deStie  ,     CfUe    par     SOU 
l'ann.  i6a4,  «fiant  '«  Gazettes  de  Venise.  esprit    et    par    sa    SCieilCe    (è).      Il 

BAIUS  (a)  (Michel),  professeur  avait  lu  neuf  fois  les  œuvres  de 
en  théologie  à  Louvain  ,  était  saint  Augustin  (f).  Il  composa 
né  à  Melin,  dans  le  territoire  dlvers  ouvrages  de  théologie (B), 
d'Aeth  ,  l'an  i5i3.  Il  se  distin-  fIul  sentaient  cette  lecture  (g)  , 
gua  de  telle  manière  par  ses  pro-  et,  ou  ^  on  prétendit  avoir  trou- 
grès  ,  et  par  la  sagesse  de  sa  cou-  v.e'  un  grand  nombre  de  proposi- 
duite  pendant  le  cours  de  ses  tlons  <Iue  '.e  PaPe  Pie  V  censura 
études  à  Louvain  ,  qu'il  ne  sortit  (^)-  ^  écrivit  aussi  quelques  li- 
de  la  condition  d'écolier  que  vres  ^e  controverse  contre  ceux 
pour  passer  à  celle  de  principal  tle.  la  reiIgion  (D).  Il  eut  tant  de 
de  la  maison  de  Standonck  {b).  déférence  pour  la  censure  du  pa- 
Ayant eu  cette  charge  pendant  Pe(E),  quoiqu'il  ne  crut  pas  avoir 
trois  ans ,  il  se  mit  à  enseigner  enseigné  aucune  hétérodoxie  , 
la  philosophie,  et  après  qu'il  eut  (lu'^  ne  voulut  point  que  les  li- 
donné  six  années  à  cette  profes-  vres  fIue  'on.  prétendait  conte- 
sion  ,  il  obtint  la  charge  de  prin-  mr  *es  propositions  censurées  fus- 
cîpal  dans  le  collège  du  pape  sent  réimprimés  (h).  Valère 
l'an  1 549(0).  Il  prit  cette  même  André  a  fait  plusieurs  fautes  en 
année  ses  licences  en  théologie.  PaHatit  de  cette  censure  (F).  On 
Deux  ans  après,  il  reçut  le  doc-  fait  espérer  une  nouvelle  édi- 
torat ,  et  devint  professeur  royal  tion  ^es  œuvres  de  Michel  Baïus. 
de  l'Écriture.  Il  fut  en  i563  l'un  Elle  contiendra  plusieurs  pièces 
des  théologiens  que  le  roi  d'Es-  clm  "'ont  jamais  été  imprimées, 
pagne  envoya  de  Louvain  à  Tren-  9e'lu  (lm  ^es  a  rassemblées  l'en- 
te (A).  Il  se  fit  admirer  dans  le  richira  de  beaucoup  de  notes 
concile.  Il  obtint  le  doyenné  de  théologiques  et  historiques.  11  a 
Saint-Pierre-de- Louvain  ,  l'an  confronté  les  éditions  des  ouvra- 
1575.  Au  bout  de  trois  ans,  on  ges  de  cet  auteur  avec  les  manu- 
lui  conféra  la  dignité  de  conser-  sent*  qui  s'en  trouvent  dans  de 
vateur  des  privilèges  de  l'acadé-  Donnes  bibliothèques.  On  a  vou- 
mie  (d).  Son  épitaphe  porte  qu'il  m  ^'re  fIue  Michel  Baïus  ,  pour 
fut  chancelier  de  la  même  aca-  se  venger  des  jésuites  ,  qu'il 
demie  ,  et  inquisiteur  général  croyait  avoir  été  les  promoteurs 
dans  le  Pays-Bas.  C'était  un  fort  de  Ia  censure  de  sa  doctrine,  em- 
habile  homme  ,    et   qui  n'était  P'ova  tout  son  crédit  à  Louvain, 

pour  y  faire  censurer  les  dogmes 

(a)  il  est  plus  connu  sous  ce  nom  latinisé,  de  Léonard  Lessius  (/').  Je  ne  dois 

qw  sous  celui  de  de  Bay,  qui  était  son  nom 

véritable.  (e)  Voyez  la  remarque  (H). 

(4)  C'est  le  nom  du  fondateur.  (f)  Swert.  ,  in  Athen.   belg.,  Valer.  An- 

(c)  Je  corrige  ainsi  Val.  André';  car  son  àré. 

nombre  cid.  io  xcv,  est  une  faute  très-ab-  (?)  ftfjra  la  remarque  (E). 

surde  des  imprimeurs.  h    Valer.  Andréas ,  in  Biblioll.ecâ  belgicâ 

(d)Ex  Valer.   André*  Bibliotb.  belgicâ  ,  P<>g-  67  '  • 

P"Z-67<>-  (i)    Voyez  f'Apolugie   des   Censures   de; 


3o  BAIUS. 

point  passer  sous  silence  que  l'on  tient  plusieurs  détails  instructifs, 
ménagea  son  honneur  dans  la  et  plusieurs  choses  qui  mène- 
bulle  de  Pie  V  (G).  Son  testa-  raient  loin  les  faiseurs  de  ré- 
ment fut  une  preuve  de  sa  gran-  flexions.  La  remarque  que  je 
de  charité  (H)  ;  car  il  laissa  tous  donnerai  touchant  cetle  édition- 
ses  biens  aux  pauvres  (k).  Il  fon-  là  contient  un  bon  supplément 
da  un  collège  à  Louvain  ,  et  le  de  cet  article*.  Celui  qui  l'a  pro- 
mit sous  la  protection  de  saint  curée  a  été  fort  maltraité  par  le 
Augustin  (/)•  H  mourut  le  16  de  pèreDez,  jésuite,  dans  un  ouvra- 
septembre  1589  ,  âgé  de  soixan-  ge  composé  exprès  pour  défendre 
te-dix-sept  ans,  et  fut  enterré  l'église  romaine  contre  les  in- 
dans le  collège  du  pape  ,  où  il  jures  de  cet  homme-là  (r). 
avait  été  long-temps  principal. 
Jacques  Baïls  ,  son  neveu  -,  doc- 
teur en  théologie  ,  lui  fit  dres- 
ser un  monument  ,  avec  une 
belle  inscription  {m).  Ce  neveu 
marcha  sur  les  traces  de  son  on- 
cle. Sa  promotion  au  doctorat 
en  théologie  est  de  l'an  1 536  (n). 
Il  fut  souvent  député  pour  les 
affaires  de  l'académie  de  Louvain, 
et  s'acquitta  sagement  et  habile- 
ment de  ces  commissions  (0).  Il 
fut  doyen  de  Saint-Pierre  dans 
la  même  ville  ,  et  professeur 
royal  d'un  catéchisme  {p).  Il 
publia  quelques  traités  (I).  Il 
destina  tous  ses  biens  aux  usages 
d'un  collège  (K) ,  et  décéda  le 
cinquième  d'octobre  161 4(50- 

La  nouvelle  édition  des  œuvres 
de  Bains  ,  de  laquelle  j'ai  parlé 
comme  d'une  chose  à  venir ,  a 
paru  depuis  la  première  impres- 
sion de  ce  Dictionnaire  (L) ,  et  a 
été  condamnée  à  Rome  par  la  con- 
grégation de  V index.    Elle  con- 


deux  universités,  publiée  par  M.  Gery  , 
l'an  l638. 

[k)  Swert. ,  in  Athenis  belgicis ,  pag .  565. 

(/)  Idem,  ibid. 

(m)  Vous  la  trouverez  dans  Swert,  pag . 
565. 

(n)  Valer.  Andréas  ,  Eibl.  belg.,  pag.  /joi- 

(p)  Swert.,  in  Athenis  belgicis,  pag-.  355. 

(p)  Valer.  Andréas  ,  Bibl.  belg. ,  pag.  /joi. 
,    Idem  ,  ibid. ,  Swert  dit  le  9  d'octobre. 


*  Sur  cet  article  Baïus,  Leelerc  dit  que 
borné  comme  il  est  à  un  petit  nombre  de 
feuilles,  il  ne  lui  est  pas  possible  de  corriger 
au  long  cet  article.  Il  observe  seulement  que 
le  sieur  Gei y  «  que  Bavle  a  trop  copié  »  ,  est 
un  auteur  qui  ne  mérite  aucune  créance. 
Joly  ne  fait  aucune  observation  sur  cet  ar- 
ticle. 

r)  Quibus  eam  affecerat  Baii  nuperus 
edilor. 

(A)  Le  roi  d' Espagne  l'envoya  de 
Louvain  à  Trente.  ]  Voyez  dans  le 
Cardinal  Pallavicin  tous  les  ressorts 
qui  relardèrent ,  ou  qui  avancèrent 
la  de'putation  de  Michel  Baïus  (1). 
L'historien  de  Comrnendo  na  passé  lé- 
gèrement sur  cela  ,  et  avec  trop  de 
flatteries  (2)  ;  mais  celui  du  concile 
débrouille  fort  nettement  toute  l'in- 
trigue de  Commendon  ,  et  ne  lui 
donne  que  ce  qui  lui  appartient.  Ce 
nonce  étant  à  Bruxelles,  l'an  i56i  , 
prit  connaissance  des  différens  qui 
avaient  paru  à  Louvain ,  sur  ce  que 
Baïus  et  Hessels  ne  suivaient  point  la 
route  ordinaire  dans  le  dogme  du 
franc  arbitre  ,  dans  celui  des  œuvres  , 
et  dans  quelques  autres.  Ces  deux  doc- 
teurs avaient  gardé  le  silence  pendant 
quelque  temps  ,  par  déférence  pour 
ceux  qui  leur  donnèrent  des  a%is; 
mais  quand  ils  surent  que  la  Sorbon- 
ne  ,  à  la  sollicitation  des  cordeliers  , 
avait  censuré  XVJII  propositions  ,  el 
qu'ils  se  virent  exhortés  par  leurs  dis- 
ciples à  soutenir  cette  cause,  ils  se 
préparèrent  à  la  défensive.  Commen- 
don arrêta  cette  grêle  d'écritures,  non 
pas  ses  beaux  discours,  comme  Gra- 

(1)  Pallav.  ,  Historia  Concilii  tridentini,  lib . 
XV ,  cap.  VU. 

(2)  Antoine  Marie  Gratiani  ,  Vie  du  cardinal 
Commendon,  traduite  par  M.  Flécbier,  pag. 
i58. 


BAIL  S. 


3i 


tiani  l'affirme  ,  mais  parce  que  les  let- 
tres qu'il  écrivit  furent  cause  que  le 
pape  donna  ordre  au  cardinal  de  Gran- 
velle  d'imposer  silence  (3). 

(R)  //  composa  divers  ouvrages  de 
théologie.']  11  en  publia  quelques-uns  , 
dont  voici  les  titres ,  tels  que  je  les 
1  rouve  dans  Valère  André  :  De  Merilis 
Operum  libri  II  ;  de  Prima  Ilominis 
Justitidet  T^irtutibus  Impiorum  lib.II; 
deSacramenlis  in  génère,  contra  Cal- 
uinum  ;  de  Forma  Baptismi.  Tous  ces 
traités  furent  imprimés  ensemble  à 
Louvain  ,  Tan  i565.  On  y  imprima  , 
i  année  suivante  ,  ceux-ci  :  De  libero 
Hominis  Arbitrio  liber  I;  de  Charitate, 
Justitiâ  et  Justifïcatione,  libri  III  ;  de 
Sa.crifi.cio,  liber  I;  de Peccaln  Originis, 
liber  I;  de  Indulgentiis  ,  liber  I;  de 
(Jralione  pro  Defùnctis,  liber  I. 

(C) Où  l'on  prétendit  avoir 

trouvé  un  grand  nombre  de  proposi* 
ttons  que  Pie  f  condamna.  ]  Je  n'ai 
pas  voulu  dire  où  l'on  trouva ,  car  la 
question  de  fait  n'est  pas  encore  vi- 
dée ,  et  je  vois  que  Michel  Caïus  est 
bien  éloigné  d'accorder  qu'il  eût  en- 
seigné ce  qu'on  lui  attribuait.  Cepen- 
dant ,  dit-il  (4)  ,  entre  ces  proposi- 
tions (5)  ,  il  y  en  avait  quelques-unes 
•ri  éloignées  de  nos  sent i mens  ;  d'au- 
tres que  nous  n'avions  jamais  soute- 
nues ni  traitées  en  aucun  sens  ;  mais 
toutes,  on  au  moins  la  plupart,  étaient 
tournées  nu  imprimées  d  une  manière 
si  maligne  ,  que  les  seules  expressions 
les  pouvaient  rendre  suspectes,  prin- 
cipalement dans  l'esprit  de  ceux  qui 
n'avaient  pas  étudié  exprès  ces  sortes 
de  questions.  Voilà  le  manège  perpé- 
tuel de  1'odium  theologicum.  Cette 
passion  ,  qui  a  formé  depuis  long- 
temps un  proverbe  ,  trouve  des  hé- 
résies partout  où  elle  souhaite  d'en 
trouver;  elle  fabrique  des  extraits  si 
artificieux,  et  si  propres  à  gendarmer 
le  peuple  ,  qu'elle  transforme  en  hé- 
résies pernicieuses  ce  qui  n'est  pas 
seulement  hétérodoxe  ,  quand  il  est 
considéré  avec  ses  principes  ,  avec  ses 
restrictions  ,  et  avec  ses  applications. 

(3)  Pallavic. ,   llist.   Conc.  trident. ,  M.  XV, 
ap.   VII,  mini.  1  l. 
1  (4)  Dans  sa  Lettre  an  cardinal  Simonelte,  citée 

r.ar  Gery,  Apologie  des  Censures,  pag.  4^. 

(5)  IL  parle  de  celles  que  les  cordeliers  mon- 
trèrent au  cardinal  de  Granvelle  ,  et  qui  turent 
'■•'■#  ensuite   il   Rome.  Voye\  /'Apologie  des 
Centures  ,  pa±.  -\i  ,  et  43. 


Cette  passion  est  contagieuse  :  un  mé- 
decin ,  qui  affectera  de  ne  se  porter 
pour  délateur  que  par  un  motif  de 
zèle ,  se  trouve  tout  à  coup  saisi  de 
l'esprit  sacerdotal  ;  i!  apporte  des  ex- 
traits sophistiqués,  il  sépare  ce  qu'il 
fallait  joindre  ,  il  joint  ce  qu'il  fallait 
séparer;  il  donne  aux  propositions  un 
tour  propre  à  surprendre  la  religion 
des  juges.  Le  médecin  François  Blon- 
del  nous  en  donnera  bientôt  un  exem- 
ple. Ce  n'est  pas  la  seule  injustice 
qu'on  remarque  dans  les  personnes 
possédées  de  cette  passion  :  la  dupli- 
cité de  poids  et  de  mesure  est  une 
autre  iniquité  qui  les  accompagne.  De- 
mandez-leur la  censure  de  leurs  pro- 
moteurs ,  et  de  leurs  chiens  au  grand 
collier,  faites-leur  voir  manifestement 
la  justice  de  votre  cause,  ils  font  la 
sourde  oreille,  ou  bien  ils  vous  paient 
de  galimatias.  C'est  alors  que  leur 
charité  souffre  tout ,  qu'elle  excuse 
tout. 

(D)  Il  écrivit  quelques  livres  de 
controverse  contre  ceux  de  la  reli- 
gion.] Le  même  Valère  André  en  four- 
nit, les  titres,  que  voici  :  Responsio 
ad  Quœsliones  Phil.  Marnixii  de  Ec- 
clesid  Chrisli ,  et  Sacramento  Altaris, 
à  Louvain,  en  i5^g;  Apologia  pro 
Rasponsione  contra  Objecliones  ejus- 
dem  de  y~eritale  Corporis  Christi  in 
Eucliarislid ,  à  Louvain,  en  i58i  ; 
Epistola  de  Slaluum  InJ'erioris  Qer- 
maniœ  unione  cum  Us  qui  se  deser- 
tores  romanœ  ecclesiœ  vocant ,  et  de 
juramento  quod  eorum  jussu  h  clcro 
et  monachis  exigitur ,  à  Louvain  et 
à  Cologne,  en  i5jg.  II  fit  aussi  une 
lettre  de  Juramento  jussu  Ducis  Alen- 
zonii  Antverpiœ  in  prœtorio  concepto 
et  comprobato. 

(E)  Il  eut  beaucoup  de  déférence 
pour  la  censure  du  pape.  ]  Pour  bien 
commenter  ce  texte  ,  je  me  servirai 
des  paroles  du  sieur  C-cry,  bachelier 
en  théologie-  Ce  pieux  et  savant  doc- 
teur, dit-il  en  parlant  de  Baïus  (fi)  , 
pendant  l'éclat  de  sa  plus  grandi 

put at ton  ,  vtt  paraître  tout  d'un  coup 
une  bulle  contre  LXXKl  proposition  \ , 
que  les  solliciteurs  de  cette  censure  lui 
attribuaient  toutes ,  quoiqu'tl  y  en  eût 
qui   n'étaient  point  de   lui ,  d'autu 

(6)  Gery,  Apologie  historique  des  deux  Cen- 
sures ,  de  Louvain  et  de  Douai ,  pag.  26,  e'dit. 
de  Cologne,  en  1688. 


32 


BAIUS. 


qu'on  avait  tournées  d'une  manière 
maligne  pour  les  rendre  censurables  , 
et  d'autres  que  la  bulle  même  recon- 
naît pouvoir  être  soutenues  dans  un 
sens  catholique.  On  ne  se  contenta 
pas  de  l'envoyer  a  Louvain  dans  les 
formes  ordinaires  en  i5jo,  on  en  jit 
une  seconde  publication  huit  ou  dix 
ans  après ,  et  l'on  affecta  de  la  faire 
taire  par  un  jésuite  en  i58o;  ce  que 
la  société  avait  sans  doute  sollicité , 
pour  faire  parade  de  son  crédit.  Que 
fît  Baïus  ?  que  fit  la  faculté  ?  Rien 
autre  chose  que  de  se  soumettre  hum- 
blement, et  de  supprimer,  pour  le  bien 
de  la  paix ,  et  pour  l'édification  des 
fidèles  ,  toutes  les  justifications  et 
toutes  les  explications  qu'ils  auraient 
pu  faire,  et  tout  ce  qu'ils  auraient  pu 
représenter.  11  ue  faut  pas  croire 
néanmoins  que  Baïus  n'ait  rien  écrit 
pour  sa  justification.  Sa  Lettre  au  car- 
dinal Simonelle  (7)  prouve  le  con- 
traire ,  car  il  y  expose  que  le  docteur 
Jean  Hessels  et  lui  mirent  entre  les 
mains  du  cardinal  de  Granvelle  leur 
réponse  à  certaines  propositions  que 
ce  cardinal  leur  avait  communiquées. 
Les  scotistes ,  pour  décrier  ces  deux 
docteurs  ,  fabriquèrent  ces  proposi- 
tions ,  et  les  proposèrent  a  des  per- 
sonnes établies  en  dignité ,  sans  nom- 
mer ni  Hessels  ni  Baïus.  Si  l'on  me 
demande  pourquoi  Ton  voulut  décrier 
ces  deux  professeurs  ,  je  répondrai 
que  ce  fut  à  cause  qu'ils  se  servaient 
d'une  méthode  qui  avait  l'air  d'une 
fâcheuse  nouveauté.  Après  l'explica- 
tion du  Maître  des  Sentences  ,  ils  ta- 
chaient de,  réduire  l'étude  de  la  théo- 
logie h  l'Écriture  Sainte,  et  aux  écrits 
des  anciens  pères  (8)  ,  et  principale- 
ment à  ceux  de  saint  Augustin.  Cela 
ne  plut  point  a  des  personnes  accou- 
tumées à  d'autres  sentimens ,  et  parti- 
culièrement à  ceux  qui,  ne  voulant 
pas  se  donner  la  peine  de  beaucoup 
étudier,  croyaient  qu'il  vaut  mieux 
suivre  les  opinions  reçues  par  le  plus 
grand  nombre,  que  celles  que  l'on 
établissait  avec  beaucoup  de  soin  sut 
le  solide  fondement  des  Ecritures  ;  et 
ces  personnes  s'imaginaient  qu'on  avait 
dessein  de  les  reprendre  et  de  les  mar- 

(n)  Le  sieur  Gerj,  pag.  4»  ,  en  produit  une 
partie,  qu'il  a  traduite  du  latin  qui  est  imprime 
dans  les  Fastes  de  l'université  de  Louvain  ,  pag. 

366-  „  ,       , 

(8)  Geiv,  Apologie  des  Çensnr.,  pag.  40,  41. 


quer  toutes  les  fois  que,  dans  les  leçons 
ou  dans  les  disputes  ,  on  parlait  au- 
trement qu'eux  ,  ou  que  l'on  enseignait 
quelque  chose  de  différent  de  ce  qu'ils 

avaient accoutumé  de  lire  dans 

certains  auteurs.  Baïus  ne  se  contenta 
pas  de  cette  Lettre  (9) ,  il  envoya  une 
Apologie  de  ses  sentimens  au  pape  , 
l'an  i56py. 

(F)  Valère  André  a  fait  plusieurs 
fautes  en  parlant  de  la  censure  de 
Pie  V  contre  Baïus  (10).]  i°.  Il  donne 
pour  un  fait  constant  que  la  bulle 
de  Pie  V  contre  les  LXXVI  proposi- 
tions fut  confirmée  par  Grégoire  XIII. 
On  montrera  ,  dans  la  nouvelle  édi- 
tion de  Baïus  ,  que  cela  est  faux  fit). 
2°.  Il  assura  que  la  plupart  des  LXXVI 
propositions  furent  extraites  des  li- 
vres de  Baïus.  On  fera  voir  le  con- 
traire dans  la  nouvelle  édition.  3°.  Il 
se  contente  de  dire  que  la  bulle  de 
Pie  V  fut  publiée  à  Louvain  ,  le  17  et 
le  19  d'avril  1570.  Mais ,  outre  qu'il 
devait  dire  ,  le  16  de  novembre  ,  il  est 
tombé  dans  quelques  péchés  d'omis- 
sion. Il  n'a  point  dit  que  la  bulle  fut 
publiée,  non  pas  par  l'ordre  du  pape, 
ou  par  celui  du  cardinal  de  Gran- 
velle ,  mais  par  l'ordre  du  duc  d'Albe , 
et  par  celui  du  synode  de  Malines. 
Ce  fut  une  irrégularité,  puisque  le 
pape  avait  commis  le  cardinal  de 
Granvelle  ,  pour  notifier  la  bulle  aux 
ihéologiens  de  Louvain,  en  la  ma- 
nière qu'il  jugerait  la  plus  convena- 
ble. En  tout  cas  ,  Valère  André  devait 
exprimer  qui  furent  ceux  qui  donnè= 
rent  ordre  que  l'on  publiât  la  bulle. 
Il  devait  aussi  observer  qu'aux  jours 
qu'il  marque,  je  veux  dire  le  17  et 
le  19  d'avril ,  Michel  Baïus  exposa 
publiquement  quelle  était  son  opi- 
nion sur  les  propositions  condamnées. 
La  rétractation  qu'on  tira  de  lui  fut 
extorquée  par  de  nouveaux  moyens. 
La  nouvelle  édition  traitera  de  toutes 
ces  choses.  4°-  H  raconte  que  des  per- 
sonnes dignes  de  foi  dirent  au  pape 
qu'il  y  avait  des  théologiens  à  Lou- 

(9)  Elle  est  citée  dans  la  Bibliothèque  univer- 
selle, loin.  XIV,  pag.  198,  comme  étant  impri- 
mée à  la  fin  de  ^Apologie  de  Bains  ,  a  Bouen  , 
en  1C66. 

(10)  Valer.  Andr.  ,  in  Fastis  academicis  Stu- 
dii  lovaniensis. 

(11)  Ce  que  je  dis  ,  tant  ici  que  dans  le  corps 
de  Varlicle,  touchant  la  nouvelle  édition  de 
Baïus  ,  est  tiré  d'un  mémoire  qui  rn'e.t^  tombe 
entre  les  main/,  et  qui  vient  de  bon  lieu. 


juc  les  LX 
ions  avaient 
Ba'ùis  (ij)  j 

mais  enfin    la   hnllo    ne    le    nommai!. 
pais  ,  et,  d'ailleurs,  elle  adoucissait  la 


BAIUS.  33 

vain  ,    qui    faisaient    l'apologie    des  qui  porta  la  bulle,  pai1  commission  du 

propositions   condamnées.    On  mon-  cardinal  de  Granvelle,  dit  devant  tout 

trera  ,   par  le  témoignage  de  Tolet ,  le  monde,  dans  l'assemblée  de  la  fàcul- 

que  ce  furent  des  imposteurs  qui  rap-  te  de  théologie  de  Louvain,  e 

portèrent    ces    bruits  au  pape.   5°.  Il  premières  de  ces  propositioi 

assure  que  Grégoire  XIU  condamna  été   tirées  des  écrits  il 
tout  de  nouveau  les  mêmes  proposi- 
tions. On  fera  voir  que  cela  est  faux. 

6°.  11  met  la  mort  de  Baïus  au  \(i  de  noie  de  la  condamnation  ,  puisqu'elle 

décembre  :  il  fallait  la  mettre  au  16  portai'  qu'une   partie  de  res  proposi- 

de  septembre  (12).  Je  ne  répète  point  tions  pouvait  recevoir  un  sens  favo- 

ce  que  j'ai  déjà  observé  (i3)  touchant  rable.    Le    cardinal   Pallavicin    nous 

la  mauvaise  chronologie  de  ses  im-  apprend  qu'afin  de  traiter  Baïus  avec 

primeurs.  Je  ne  dois  point  y  ajouter  une   plus   grande   douceur  ,    le   pape 

l'an  i55i,  qu'il  donne  pour  le  premier  Pie  V   se   contenta  de  faire  signifier 

delà  profession  royale  en  théologie  5  en  particulier  sa  bulle  à   l'université 

il  ne  se  trompe  pas  •  mais   L'épitaphe  de  Louvain  par  l'archevêque  de  Ma- 

de  Baïus  ne  fut  point  dressée  sur  cette  lines  ■  mais  (pie  ,   comme   le  mal    ne 

date,  puisqu'elle  fait  durer  quarante  cessa  pas,  Grégoire  Xlll  jugea  qu'il  la 

ans   cette    profession  ,  deux  ans    plus  fallait  publier  solennellement,  et  qu'il 

que  n'en  demande  le  calcul  de  Valère  députa  à  cette  fin  le  jésuite  François 

André.  Ce  qui  a    pu  porter  bien   des  Tolet  ,  sou  prédicateur,  qui  n'obligea 

ç;ens    à    multiplier   les    bulles  contre  point  Baïus  à  une  rétractation  publi- 

Michel  Baïus,  est  qu'on  s'imagine  qu'il  <pie  ,  et  qui  le  laissa  sans  flétrissure  : 

n'y  a   point  de  différence   entre  con-  Hic  studmt  Baium  removere  a  pravis 

damner  un  dogme  et  faire  publier  la  Mis  opinionibus ,  cokortatus,  ut  sedis 

condamnation  qu'un  autre  a  faite  de  apostolicœ  judicio   acquiescer  et   :   et 

ce  dogme.  En  ce  sens-là  ,  il  est  vrai  perpaucis  colloquiis  id  obtinuit ,  pri- 

de  dire  que  Grégoire  Xlll  a  condamné  vatd   itlius    retractatione    contentus  ; 

les  LXXVI  propositions  5  car  non-seu-  atque  hoc  paclo  Baius  nonsolùm  illce- 

lement  il  fit  une  bulle  dans  laquelle  sus  perstitil,  sed  ipsius  etiam   nomini 

il  inséra  la  constitution  de  Pie  V,   en  verba  diplomatie  pepercére  ;  quin  per 

déclarant  qu'il   l'avait   trouvée   dans  illud  ejus  errores  manum  tant  mitent 

les  registres  de  ce  pape  ,  et  qu'on  y  experli  sunl,  ut  vix  vider entur  errores, 

devait   ajouter  une  entière  foi,  mais  citm aliquœex proscriptis positionibus, 

aussi  il  commanda  que   sa   bulle   fût  nullis  certis  in  hdc  exceptiorie  adnota- 


publiée  solennellement  à  Louvain  , 
par  le  jésuite  Tolet,  l'an  i58o.  Mo- 
rillon ,  grand  vicaire  de  .Malines  ,  no- 


tis,  dicereiiturposse  suslineri  in  aliqud 
minus  proprid  significatione  (18).  Nous 
avons  remarqué  ailleurs  (19)  l'incon- 


tifia  celle  de   Pie  V  aux   théologiens  vénient  des  censures  qui  tombent  sur 

de  Louvain,  en  1567.  Il  la  leur  notifia  un  las  de  propositions  d'une  manière 

encore  ,  avee  un  peu  plus  de  forma-  si  vague,  que  le  respective  qu'on  met 

lité  ,  l'an  15^0.  au  bon!   n'apprend  à  rien  distinguer. 

(G)  On  ménagea  son  honneur  dans  La  bulle  de  Pie  V  avait  ce   même  in- 

la   bulle    de   Pie    V~.~\    La  lettre  de  convénient ,  et ,  outre  cela  ,  elle  jetait 

Baïus  .   qu'on    a    citée    (i4)>   ajoute  les   esprits  dans  l'incertitude  par  un 

qu'après  beaucoup  de  longues  sollici-  autre   endroit,   car,   sans    rien    mar- 

tations ,  qui  commencèrent  dès  le  pr>n-  quer  nommément  ,  elle  assurait  que 

tificat  de  Pie  1  /^,  ils  obtinrent  enfin  parmi  les  propositions   condamnées  . 

,\e  Pie  V  une  bulle  datée  du  ier.  oc-  il  y  en    avait   quelques-unes   qu'elle 

tobre  1067,  (/ui  condamne  LXXVI(i5)  permettait  de  soutenir  en  quelque  fa- 

propositions  (16).  11  est  vrai  que  celui  con.  Celait  la  moindre  chose  qu'elle 

permettait  ,  et  l'on  ne  pouvait  pas  ré 
voqueren  doute  qu'elle  ne  permît  cela. 


(12)  //  l'a  fait  liant  la  Bibliothèque   belgique. 

(i3)  Dans  la  citaliun  (c). 

(i4)  Ci-detsus ,  citation  (■;). 

(i5)  Pallavic,  Hist.  Concil'ii  trident.,  h!,.  XV, 
cap.  VII,  num  12,  met  septuaginta  noveiu 
Baii   l'ositione-. 

(16)  Gery  ,  Apologie  des  Censure.*,  pag.  43. 

TOME    III. 


(1-)  La  même,  pag.  44. 

(18)  Pallavic.  Hisl.Concilii trident.,  lib.  XV, 
cap.  VII ,  nnm.  12. 

u    la   remarque  (E     de    l'ariic'.e  dt 
(Thomas)  Akclïs. 


34 


BAIUS. 


mais  on  pouvait  prétendre  qu'elle  rôle  qui  s'est  conservée  dans  Louvain 
permettait  beaucoup  plus.  L'arrange-  par  tradition:  Michaè'le  Baïo  nihil 
ment  des  termes  produisait  cette  ob-  doctius  ,  niliil  humilius.  C'est  un 
scurite'  embarrassante  ;  une  virgule  grand  miracle,  qu'une  soumission  et 
fut  omise  ;  cette  omission  éfait  cause  une  patience  telle  qu'on  la  vit  en  lui 
que  les  termes  étaient  susceptibles  de  dans  la  conduite  que  ton  tint  à  son 
deux  sens  très-difi'érens  ;  et  ce  fut  la  égard  au  sujet  de  la  bulle.  C'est  un 
source  de  beaucoup  de  contestations,  grand  miracle  ,  qu'un  saint  prêtre  dont 
Voyez  le  latin  que  je  vais  citer  ,  et  les  études  et  les  occupations  infinies 
admirez  les  aventures  et  les  hasards  des  ne  dessèchent  point  la  piété,  et  que 
controverses.  Quas  quidem  sententias  l'on  voit  fondre  en  larmes  a  l'autel  , 
stricto  coram  nobis  examine  pondéra-  vivement  pénétré  de  la  sainteté  de  nos 
tas,quanquam  nonnullœ  aliquo  pacto  mystères.  Enfin,  c'est  un  grand  mt- 
suslineripossintinrigoreetpropriover-  racle,  qu'une  grande  charité  pour  les 
borum  sensu  ab  auctonbus  intenlohœ-  pauvres,  qui  va  jusqu'à  ne  vouloir 
reticas,  trroneas,  suspectas,  temerarias  point  avoir  d'autres  héritiers  qu'eux  , 
scandalosas.  et  inpias  mires  offensio-  et  étouffer,  pour  cela  ,  tous  les  senti- 
nem  imminentes,  respective  et  prœsen-  mens  du  népotisme,  quelque  légitimes 
tium  autorilale  damnamus  (20). Ce  que  qu'ils  eussent  pu  être  en  lui.  C'est  ce 
les  païens  appelaient  jeux  et  caprices  de  qui  rendra  toujours  Baïus  aimable  a 
la  fortune  n'est  point  exclu  de  ce  sanc-  la  postérité;  au  lieu  qu'une  réputation 
tuaire  :  l'oracle  prétendu  infaillible  qui  n'est  soutenue  que  par  un  bruit 
de  Rome  ne  remédie  pas  au  désordre,  artificiel  de  miracles  et  de  merveilles 
Après  s'être  bien  tourmenté  pour  fondés  sur  rien  ,  se  flétrit  <iu  bout  de 
concerter  toutes  les  syllabes  de  sa  ré-  quelque  temps,  et  s'évanouit  enfumée. 
ponse  ,  il  peut  voir  que  son  copiste ,  Le  cardinal  Pallavicin  rapporte  que 
ou  son  secrétaire  ,  oubliant  une  vir-  Commendon,  rendant  compte  au  car- 
"ule  ,  sera  cause  de  la  damnation  dinal  de  Mantoue  de  l'état  où  il  trou- 
d'une  infinité  de  gens.  11  y  a  plus  ,  la  vait  l'université  de  Louvain  l'an  i56i, 
virgule  n'y  fait  rien  ;  mettez-la  après  lui  marque  que  Michel  Baïus  et  Jean 
possint,  ou  ne  l'y  mettez  pas,  l'équi-  Hesselius  avaient  enseigné  quelques 
voque  subsiste  toujours  :  l'usage  des  nouveautés  sur  le  franc  arbitre  ,  et 
écrivains,  ni  celui  des  imprimeurs  ,  que  c'étaient  deux  personnages  recom- 
11  'établit  pas  qu'une  virgule  après  pos-  mandables  par  leur  science  et  par 
sint  attacbe  nécessairement  ce  qui  suit  leur  bonne  vie  (22);  que  Ruard  Tap- 
au  mot  damnamus.  On  vous  fera  voir,  per  avait  pris  ombrage  de  leur  union, 
dans  les  livres  les  plus  corrects ,  cent  et  jugé  qu'ils  estimaient  trop  leur 
mille  virgules  situées  comme  celle  science ,  quoiqu'ils  fussent  d'ailleurs 
que  l'on  mettrait  après  possint,  qui  modestes  et  vertueux.  «  Mais  ,  ajou- 
n'empêchent  pas  que,  depuis  une  telle  »  tait-il,  chacun  met  sa  vanité  dans 
yirgule  jusqu'au  comma  suivant,  les  »  le  métier  qu'il  exerce,  et  supporte 
paroles  ne  se  rapportent  au  mot  pos-  »  facilement  les  autres  choses.  »  Com- 
sint  ,  ou  à  tel  autre.  pertum  sibi   esse  Ruardum  in  theolo- 

(H)  Son  testament  fut  une  preuve  gicis  discipltnis  prœclarum  ,  dum  is  in 
de  sa  grande  charité.]  L'apologiste  Uld  Academid  docens ,  in  his  duobus 
des  censures  de  Louvain  et  de  Douai  adhuc  cetate  juvenili  observaret  in- 
oppose cette  vertu  de  Michel  Baïus  faustam  conjunctionem  ingenii  et  au- 
aux  prétendus  miracles  de  Lessius.  daciœ  ,  solitum  esse  dicere  se  nonnisi 
C'est  un  grand  miracle,  dit-il  (21)  ,  schisma  ab  illis  expcctare ,  et  Theolo- 
qu'une  grande  humilité  avec  un  grand  gicam  lauream  dut  ipsis  distulisse  : 
esprit  et  une  profonde  science,  qui  eos  prnfeclo  videri  scienliœ  suœ  nimis 
ont  fait  dire  a  Tolet  même  cette  pa-    amantes  ,   quamvis  alioqui  probos  et 

modestos  :  et  heee  ille  verba  sapienter 
usurpavit ,  dtgna  quœ  à  nobis  repe- 
lanlur ,  sed    cujusque  superbia  in  câ" 

(•xi)  Erant  ambo  et  scientiâ  et  exemplo  rite 
conspicui.  Pallavic.  ,  ilist.  Coucil.  trid.  ,  Ub. 
XV  ,  cap.  VII ,  num.  7. 


(20)  Journal  de  Sainl-Amour,  part.  II ,  pag. 
f)-'l  ,  cité  dans  la  Bibliothèque  universelle  ,  lum. 
XIV,  pan.  201.  Voye:  aussi  les  Difficultés  pro- 
posées a  M.  Steyaeri ,  IXe.  part. ,  pag.  180,  et 
la  nouvelle  édition  des  OEuvres  de  Baïus  ,  part. 
Il ,  pag.  235  et  suiv. 

(21)  G«ry  ,  Apologie  il«»  Censure*,  pag. 
37.  38. 


BA1US. 


35 


arte  quam  profitetur  sita  est  ,  cœtera 
facile  suffert  (a3). 

(I)  Jacques    Baïus publia 

quelques  traités.  ]  Un  Panégyrique 
sur  l'arrivée  Je  l'archiduc  Albert  et 
Je  l  infante  d' Espagne  ;  un  Catéchis- 
me, swe  Inslilutinnuiu  christianœ  Re- 
ligionis  libri  1  fy ;  et  Je  venerabili  Eu- 
charisliœ  Saçramento  et  Sacrijîcio 
Missœ  libri  111  (a4). 

(K)  //  Jestina  tous  ses  biens  aux 
usages  d'un  collège.  ]  Swert  assure  , 
1°.  que  Jacques  Baïus  laissa  l'admi- 
nistration  de  ses  biens  à  Gilles  Baïus, 
son  neveu  ,  docteur  et  professeur  eu 
théologie  ,  et  qu'il  le  chargea  de  les 
employer  totalement  à  la  construc- 
tion d'un  collège  pour  des  jeunes  gens 
de  son  pays  ;  i°.  (pie  Gilles  Bains  , 
exécutant  la  volonté  de  son  oncle,  lit 
bâtir  un  très-beau  collège  ,  qui  s'ap- 
pelle ,  à  juste  titre ,  Baianum  ;  3°,  qu'il 
n'y  avait  que  peu  d'années  que  ce 
collège  était  btlti  :  il  marque  en  quel 
endroit.  (Jbsecutus  patrini  desiderio , 
auguslissimum  (  Collegium  )  ab  hine 
paucis  annis  extruxil  è  regione  Pœ- 
Jagogii  Falconis  ,  et  Baianum  meritb 
inJigetatur  (^5).  Mais  Aubert  le  Mire  , 
qui  ne  pouvait  pas  ignorer  ce  que 
Swertius  avait  écrit  là-dessus,  se  con- 
tente d'assurer  qu'il  a  lu  que  Jacques 
Baïus  avait  songé  à  la  fondation  d'un 
collège  où  l'on  entretiendrait  des  étu- 
dions en  théologie.  De  altero  collegio 
sacrarum  litlerarum  stuJiosis  adoles- 
centibus  pariler  alendis  piè  prudenter- 
que  cogildsse  scriptum  inuenimus  (26). 
C'est  ainsi  qu'on  parle  .  quand  on  ne 
peut  louer  un  homme  ,  que  des  bon- 
nes intentions  qu'un  auteur  que  l'on 
a  lu  lui  attribue  ;  car  lorsqu'on  sait 
qu'elles  ont  été  effectuées  ,  on  le  mar- 
que expressément.  Il  faut  donc  qu' Au- 
bert le  Mire  n'ait  point  su  la  con- 
struction du  Collegium  Baianum.  Or, 
cette  ignorance  d  un  fait  si  notoire  est 
quelque  chose  de  prodigieux  dans  un 
homme  comme  celui-là  ,  qui  savait  si 
bien  son  Pays-Bas  espagnol. 

(L)  La  nouvelle  cJition  des  œuvres 
de  Baïus  ....  a  paru  depuis  la  première 
édition  de  ce    Dictionnaire.]  En  voici 

(23)  Idem,  ibid. ,  num.  9. 

(*4)  Ex  Valer.  Andr. ,  Bibl.  belR.,  pag.    401. 

(i5)  Swert.,  Ath.  belg.,  pag.  355.  Ce  livre  fut 
imprime  l'an  1628. 

(36)  Mir.  de  Soriptoribu»  Sseculi  XVI  ,  pag- 
134. 


le  titre  :  Irlichaelis  Baii ,  celeberrimi 
in  LovaniensiacademidTheologi,  Opé- 
ra ,  cum  bullis  pont i/icunt  ,  et  aliis 
ipsius  causant  speclantibus  ,  juin  pri- 
miim  ad  romnnam  ecclesiam  ab  con- 
viliis  protestant ium  ,  simul  ac  Ar ■ 
minianorum  ,  cœlerorumqne  hujusce 
temporis  pelagiauorum  imposturis  vin- 
dicandarn  collecta,  expurgala  ,  et  plu- 
rimis  quœ  hactenùs  delituerant  opus- 
culis  aucta  •■  studio  A.  P.  theologi, 
Coloniœ  A grippinœ  ,  suniptibus  Bal- 
thasaris  ab  Egmond  et  sociorum  , 
M.  DC.  XCt^l.  C'est  un  assez  gros 
in-quarto  ,  divisé  en  deux  parties  , 
dont  la  première  contient  ,  avec  les 
écrits  de  Baïus  qui  avaient  déjà  été 
imprimés  ,  six  ou  sept  pièces  de  cet 
auteur  qui  n'avaient  jamais  élé  impri- 
mées. La  seconde  est,  presque  toute 
composée  d'écrits  qui  paraissent  pour 
la  première  fois  ,  et  qui  concernent  la 
censure  de  quelques  propositions  de 
Baïus.  L'un  de  ces  écrits  est  un  narré 
chronologique  des  procédures  qui  fu- 
rent faites  dans  cette  cause  ,  et  a  été 
composé  par  celui  qui  a  eu  soin  de 
cette  édition.  On  apprend  par  ce  nar- 
ré,  entre  autres  choses,  que  deux  rai- 
sons engagèrent  Michel  Baïus  à  former 
sur  l'Ecriture  et  sur  les  pères  ,  et  prin- 
cipalement sur  saint  Augustin,  sa  mé- 
thode d'enseigner  la  théologie  (27). 
La  première  fut  que  les  protestans  du 
Pays-Bas  se  vantaient  d'avoir  pour  eux 
l'Ecriture  et  les  anciens  pères.  La  secon- 
de (|iie  plusieurs  écrivains  catholiques 
(28/  ,  abandonnant  les  hypothèses  de 
saint  Augustin,  s'approch  lient  extrê- 
mement de  celles  des  pélagiens.  Kuard 
Tapper,  et  Tiletan  ,  professeurs  en 
théologie  à  Lou vain, désapprouvèrent 
cette  nouvelle  méthode  de  Baïus,  dès 
qu'ils  en  eurent  connaissance,  après 
être  revenus  du  concile,  l'an  i55'i,  et 
Fou  assure  que  Ruard  Tapper  s'écria  un 
jour:  (htet.diableaj'ail entrer cetledoc- 
trinc  dans  notre  école  ,  pendant  notre 
absence?  I  !e  fut  lecommenceinent  d'une 
furieuse  tempête  contre  Michel  Bains  : 
les  cordeliers  principalement  se  dé- 
chaînèrenl  contre  lui.  Le  gardien  de 
Nivelle  ,  et  celui  d'Heth  envoyèrent 
dix-huit  articles  à  la  faculté  de  théo- 
logie de  Paris  l'an  1060,  et  la  prièreut 

faj    Oper.  Micb.  Baii ,  part    II,  pag.  îçyi 

Comme  Rnrlheleiui  Camerarina  ,  Albert 
Pigliiiis,  François  IloraïUin-,  eordelier  espagnol, 
Riianl  Tapper. 


36 


BAIUS. 


d'en   porter   son    jugement.  Elle  les  l'on  disait  que  la  plupart  des  LXXVI 

condamna  tous  :  les  uns,  au  nombre  propositions     étaient    extraites.      Le 

de  trois ,  comme  faux  et  contraires  à  doyen   de  la  faculté  représenta  que  , 

l'Ecriture  ,  et  les  autres,  comme  héré-  pour  de  grandes  raisons  ,  il  e'tait  fort 

tiques.  Baïus    fit    des   remarques  sur  nécessaire    que   les   livres   de   Michel 


cette  censure ,  et  voulut  les  commu- 
niquer à  quelque  docteur  de  Paris  ; 
mais  il  abandonna  ce  dessein  lors- 
qu'il vit  qu'il  lui  était  impossible  de 


Baïus  ne  fussent  pas  défendus  :  aussi 
ne  le  furent-ils  point.  Ce  docteur  écri- 
vit au  pape  le  8  de  janvier  i56<),  et 
lui  envoya  une  apologie ,  où  il  fit  voir 


recouvrer  un  exemplaire  de  ce  décret    qu'il  n'avait  point  enseigné  les  LXXVI 


de  la  Sorbonne  {29).  Il  les  communi- 
qua au  provincial  des  cordeliers.  Il 
montre  manifestement  que  l'on  cen- 
sura comme  hérétique  ce  qui  est  visi- 
blement contenu  daDS  saint  Augustin 
L'année  suivante  ,  on  présenta  au  car 
dinal  de  Granvclle  une  liste  de  pro 


propositions  ,  et  que  la  plupart  ,  en 
un  certain  sens  ,  étaient  véritables  , 
et  augustiniennes.  La  réponse  que 
lui  fit  le  pape  ,  le  3  de  mai  de  la  même 
année,  contenait  une  exhortation  à 
se  soumettre  à  la  censure.  Baïus  fut 
extrêmement  surpris  ,  quand   on  lui 


positions  extraites  des  écrits  de  Baïus ,  rendit  cette  lettre  de  Pic  V,  de  se  voir 
à  ce  que  l'on  prétendait;  et  néan-  traité  comme  un  rebelle,  qui  avait 
moins  ,  quelques-unes  de  ces  proposi- 
tions étaient  opposées  à  ses  sentimens; 
et  il  n'avait  jamais  disputé  ,  ni  pour  , 
ni  contre  ,  touchant  quelques  autres  ; 
et  elles  avaient  été  dressées  presque 
toutes  avec  tant  d'artifice  ,  que  le  tour 
seul  des  expressions  pouvait  les  rendre 
suspectes  ,  ou  de  fausseté,  ou  d'hé- 
résie (3o).  Le  cardinal  les  communi- 
qua à  Michel  Baïus  ,  qui  y  fit  une  ré- 
ponse qu'on  n'a  point  trouvée.  Le  mê- 
me cardinal  reçut  ordre  d'imposer  si- 
lence aux  parties  ;  et  par  ce  moyen  , 
la  querelle  s'apaisa  :  mais  elle  fut 
renouvelée  l'an  i564  ;  car  Tiletan  tâ- 
cha d'obtenir  que  les  universités  d'Es- 
pagne censurassent  les  écrits  de  Baïus 
(3i)  ,  et  il  ea  envoya  des  extraits  à 
Pie  IV,  afin  de  les  faire  condamner. 
On  ajouta  d'autres  extraits  à  ceux-là  , 
et  ils  furent  envoyés  à  Pie  IV  ,  qui  fit 
uue  bulle  le  tPr.  d'octobre  1567  ,  où  il 
condamna  LXXVI  propositions.  Cette 
bulle  ne  fut  ni  publiée  ,  ni  aflichée  ; 
elle  fut  seulement  lue  à  Baïus  ,  et  à  la 
faculté  étroite  de  théologie  de  Lou- 
vain,  le  29  de  décembre  1567  ,  par 
Maximilien  Morillon,  vicaire  général 
de  l'archevêque  de  Malines  (3a).  Ce 


encouru  la  peine  de  l'excommunica- 
tion et  de  l'irrégularité.  11  demanda  à 
Morillon  d'être  absous  de  cette  peine  , 
et  il  ne  put  l'obtenir  qu'en  abjurant 
les  articles  que  la  bulle  avait  condam- 
nés. Summoperè  autem  miratus  est 
Bains  secum  agi  ac  si  suas  P^indicias 
et  slpologiam  scribendo  pontifici ,  in 
eumjuisset  rebeUis ,  ac  excommunica- 
tionis  et  irregularitntis  censuras  incur- 
risset  :  à  quibus  càm  peteret  absolvi  , 
Morillonus  ahsalutionis  beneficïum  ei 
impertiri  noluit ,  qu'ai  priùs  arliculos 
per  bidlam  conjixos  ejuraverit  (33). 
Depuis  ce  temps-là  ,  il  fut  permis  à 
toutes  personnes  d'invectiver  ce  doc- 
teur ,  comme  s'il  eût  effectivement 
enseigné  ces  LXXVI  articles.  On  dé- 
clama contre  lui ,  et  dans  des  sermons  , 
et  dans  des  leçons  :  il  supportait  cette 
adversité  sans  rien  dire  ;  mais  il  y 
eut  trois  évêques  (34) ,  qui  lui  conseil- 
lèrent, en  1570,  de  se  défendre.  Il  s'ex- 
pliqua donc  là-dessus  dans  son  audi- 
toire de  théologie  ,  et  déclara  que  , 
parmi  ces  LXXVI  propositions  ,  il  y 
en  avait  qui  étaient  dignes  de  con- 
damnation ,  mais  qu'il  n'avait  jamais 
soutenues  ;  qu'il  y  en   avait  d'autres 


vicaire  général,  étant  requis  de  donner    forgées  malicieusement,  qu'il  ne  les 


une  copie  de  cette  bulle  ,  refusa  de  la 
donner.  Il  déclara  qu'il  avait  ordre  de 
défendre  tous  les  livres  imprimés,  d'où 

(2g)  Baii  Oper. ,  pari.  II,  pag.  ig3. 

(3o)  Ibid.,  pag.  ig4- 

(3iJ  Les  censures  des  académies  de  Sala- 
nianque  et  de  Compliile  ne  fuient  faites  qu'a- 
près la  mon  de  Tiletaa.  Voyez  Baii  Ouer.,  part. 
II,  pag.  ,95. 

(32)  Baii  Operum  pari'  II,  pag.  197. 


admettait  pas  dans  le  mauvais  sens 
qu'elles  pouvaient  recevoir  ,  quoique 
d'ailleurs  elles  fussent  susceptibles 
d'une  saine  interprétation.  Cœpil  in 
scholis  tkeologorum  quid  circa  hujus- 
modi  arliculos  sentirel  ,  cummultdhu- 

(33)  Ibid.,  pag.  if|(|. 

(34)  Martin  Bichtovius,  rvéque  a'Iprei,  Fran- 
çois Sonnius  ,  évêque  de  Bolduc ,  et  Corneille 
Jansénius,  évcqûe  de  Gand. 


mililate  ac  modestid aperire ,  déclarons 
nonnullos  ipsarum  esse  falsos  ac  jure 
<"/iji.i  os  ,  sed  à  se  nunquam  trnditos  : 
alios  esse  arte  ac  dolo  canfctas  ,  qui 
pravum  sensunt  pati  passant ,  queni 
nunquam  tenuit  ,  lir.et  et  in  suno  tn- 
telligi quoque  facile  passent  (35).  Au 
mois  île  juin  de  la  même  année  iSyo, 
les  évêques  ilu  Pays-Bas  tinrent  un 
concile  ;'i  Mali nrs,  où  ,  à  l'instance  du 
duc  d'Albe  ,  ils  s'engagèrent  à  faire 
publier  solennellement  la  bulle  de 
Pie  V  à  Louvain  ,  et  à  la  faire  signer 
à  tous  les  professeurs  en  théologie. 
La  commission  en  fut  donnée  à  Mo- 
rillon ,  qui  s'en  acquitta  le  16  de  no- 
vembre de  la  même  année.  11  ne  put 
néanmoins  obtenir  la  signature  du 
formulaire  par  lequel  il  exigeait  l'ap- 
probation de  la  censure  des  LXXVI 
propositions.  La  faculté  de  théologie 
de  Louvain  s'imagina  qu'il  y  avait 
quelque  piège  là-dessous  \  et ,  quoi- 
qif  assurée  par  les  lettres  de  l'évêque 
de  Bois -le -Duc  et  de  l'évèque  de 
Gand  ,  qu'on  ne  cherchait  pas  à  la 
surprendre  ,  il  ne  parait  pas  qu'elle 
ait  jamais  accorde  cette  signature  ; 
mais  l'anne'e  suivante  ,  elle  fit  un  dé- 
cret ,  portant  que  les  LXXVI  propo- 
sitions seraient  tenues  pour  condam- 
nées ,  et  que  tous  les  membres  de  la 
laculté  s'abstiendraient  de  les  ensei- 
gner ,  et  que  tous  les  livres  où  elles 
seraient  soutenues  seraient  étés  aux 
étudians  en  théologie  (36).  Notez  que 
Morillon  n'expédia  aucune  copie  de 
la  bulle  qu'il  notifia  solennellement. 
Cela  donna  lieu  à  quelques-uns  île 
soutenir  qu'elle  était  fausse  ,  ou 
qu'ayant  été  obtenue  obreptivement , 
elle  serait  révoquée.  D'autres  soute- 
naient le  contraire  avec  ardeur.  Le 
pape  Grégoire  XIII ,  sollicité  par  l'am- 
bassadeur d'Espagne  au  nom  de  son 
maître  ,  et  par  le  père  Tolet  au  nom 
de  quelques  théologiens  de  Louvain  , 
d'apporter  un  prompt  remède  à  ces 
disputes  ,  fit  une  constitution  le  28 
de  janvier  1579,  où  il  inséra  la  bulle 
de  Pie  V  ,  sans  l'approuver  ni  la  con- 
firmer, et  sans  condamner  tout  de  nou- 
veau les  LXXVI  propositions  :  il  se 
contenta  de  dire  qu'il  l'avait  trou- 
Née  dans  les  registres  de  son  prédéces- 
seur ,  et  d'ordonner  que  l'on  y  ajoutât 

(35)  Baii  Operum  pan.  Il ,  pag.  200. 

(36)  Ibidem  ,  pag.  202  ,  ao3. 


BAIUS.  37 

foi.  Il  envoya  le  même  père  Tolet  à 
Louvain  ,  1  an  1080.  Ce  jésuite  y  no- 
tifia solennellement  la  constitution  de 
Grégoire  XIII  ,  et  demanda  à  Baïus 
s'il  condamnait  les  LXXVI  articles. 
Baïus  répondit  :  Je  les  condamne  selan 
l'intention  de  la  bulle  (3}).  Tous  les 
docteurs  ,  licenciés  ,  bacheliers  ,  etc.. 
déclarèrent  qu'ils  se  soumettaient  à 
cette  bulle.  Tolet  ,  dans  quelques  con- 
versations qu'il  eut  avec  Baïus  ,  lui 
apprit  qu'on  l'accusait  d'enseigner 
secrètement  à  ses  disciples  les  dogmes 
que  Pie  V  avait  condamnés.  Baïus  le 
nia  ,  et  se  soumit  à  toutes  sortes  de 
peines,  s'il  pouvait  être  convaincu 
juridiquement  de  ce  dont  on  l'accu- 
sait. Personne  ne  s'étant  mis  en  de- 
voir de  l'en  convaincre  ,  Tolet  lui  pro- 
mit de  rendre  un  bon  témoignage  de 
lui  à  la  cour  de  Rome  ,  et  déclara  qu'il 
était  faux  que  la  lecture  des  écrits  do 
Baïus  fût  interdite.  Il  lui  proposa  la 
signature  d'un  formulaire  qui  était 
bien  dure  ;  mais  néanmoins  Bains 
passa  par-là  ,  pour  se  procurer  quel- 
que repos.  Il  fallut  qu'il  avouât  par 
écrit,  qu'il  avait  enseigné  plusieurs 
des  LXXVI  articles  condamnés  ,  et 
qu'ils  étaient  condamnés  au  sens  qu'i 
les  avait  pris.  El  prœscripsit (Toletus  ) 
quandam  canfessionis  formulant  ,  in 
cm.dfa.teri  debuit  mullos  ex  damnatis 
LXXf^larticulis  h  se  esse  traditos  ,  ai 
eo  sensu  proscriptos  qua  eas  docuisst  t  ; 
cui  formulai  optimus  hic  dqcior  undi- 
què  lacessilus  de  calumniis  obrutus 
ut  tandem  pace  aliqud  frueretur ,  sub- 
cripsii  die  vigesimdquartdmarliihujus 
anni  i5S<>  (38).  Il  écrivit  au  pape  uni 
lettre  ,  où  il  exposa  les  calomnies  que 
l'on  répandait  contre  lui  depuis  douze 
ans  ,  au  sujet  de  ces  articles  ,  et  de- 
manda une  copie  de  la  bulle  de  Pie  V  , 
Cela  lui  fut  accordé  au  mois  de  juin 
i58o.  Le  père  Horantius  publia  contre 
lui  un  écrit  la  même  année.  Il  se  plai- 
gnait de  deux  choses  :  l'une  était  que 
baïus  avait  répondu  trop  civilement  à 
Philippe  de  Marnix  (3p).  Canquc- 
rens  1".  qubd  ejus  epistoïœ  Marnixio 
scriptœ   nimis  benignœ  fuissent  (<$o)  • 

(37)  Damno  secundum  intentionem  l'itllar  ,  et 
sicutbulla  eos  damnât.  Baii  Oper.  ,  part.  I[t 
pag.  206. 

(38)  Baii  Operum  pan.  II ,  pag    207. 
(3ç))  Mqno  animo  J'erre  non  poUiit  ,/uuJ  Baiuj 

humaniori  <uU>  tuas  ail  Harnixium  tcripsissel 
epitlolar.  Baii  Opcr.  part.  Il ,  pag.  208. 
(4°)   Ibidem.  Comparez  cet  hommeXà  avec 


38 


BAIUS. 


l'autre  ,  que  Baïus  avaitdit,  suivant  la    temporis  ,   quod    jure  ab  initio  non 

J i.-*^__.~    J  «   -   .,..1     A  nnii.  I  i  i<       /-(no      tiAiit1        cnKcictif      (,^Sl         I    a     iiinû         tr,nmr\«     nnr 


doctrine  de  saint  Augustin  ,  que,  pour 
juger  de  l'Eglise,  on  ne  doit  consulter 
que  l'Écriture;  2°.  quod  Baius  Augus- 
tinum  secutus  dixisset  judtcium.  de 
Ecclesid  esse  ex  sold Scriplurd peten- 
dum{!\\).  Baïus  se  justifia  dans  une 
lettre  qu'il  mit  au-devant  de  son  Apo- 
logie contre  Philippe  de  Marnix  l'an 
1 5*8 1 -  H  fut  inquiète  encore  l'an  i585; 
car  ses  ennemis  le  déférèrent  au  nonce 


subsistit  (45).  Ce  pape  ,  trompe'  par 
François  Albizzi  ,  assesseur  du  saint 
office  ,  et  pensionnaire  des  jésuites  , 
s  imagina  que  la  bulle  de  Pie  V  avait 
e'te'  revêtue  de  toutes  les  formalités  ,  et 
qu'elle  avait  été  confirmée  par  celle 
de  Grégoire  XIII.  C'étaient  deux  faus- 
ses suppositions;  car  Pie  V  ne  fit  point 
afficher  sa  bulle,  et  ne  la  publia  point 
à  Rome   solennellement  :  et    pour  ce 


du  pape  et  demandèrent  qu'il  subît  qui  est  du  pape  Grégoire  ,  il  se  con  - 
l'interrogatoire  sur  certains  articles  tenta  de  dire  qu'il  l'avait  trouvée 
qu'ils  avaient  dressés  (42).  On  ne  sait    dans  les  registres  de  son  prédécesseur 


point  s'd  le  subit. 

L'auteur  de  ce  narré  chronologique 
se  tourmente  extrêmement ,  pour  nous 
apprendre  que  M.  Leidecker  ,  et  quel 


On  fit  donc  dire  à  Urbain  VIII  une 
fausseté  ,  lors  qu'on  inséra  dans  sa 
bulle  que  les  articles  condamnés  par 
Pie  V  avaient  été  proscrits  de  nouveau 


ques  autres  ministres  concluent  à  tort    par  Grégoire  XIII  ;  et ,  pour  dérober 

au  public  la  connaissance  de  cette 
imposture  ,  on  rut  soin  de  n'insérer 
pas  la  constitution  de  Grégoire  XIII 
dans  la  bulle  d'Urbain  VIII  ,  quoique 
l'on  y  insérât  la  bulle  de  Pie  V.  Ani- 
madvertendum  est  quod  Urbanus  VIII 
in  bulld  superiiis  memoratd  enuncia- 
veril  quideni  a  Gregorio  XIII  ennfir- 
matam  fuisse  Pu  y  conslitittionem, 
artiadosque    in    ed    conjixos    denuo 


de  cette  bulle  de  Pie  V  ,  que  la  com- 
munion de  Rome  a  condamné  la  doc- 
trine de  saint  Augustin,  et  favorisé  les 
nouveaux  pélagiens  (43).  Il  montre 
assez  clairement ,  ce  me  semble  ,  les 
nullités  de  cette  bulle  ,  la  mauvaise 
foi  des  faiseurs  d'extraits,  la  négligence 
de  ce  pape  ,  et  sa  précipitation  à  con- 
damner des  articles  avant  que  d'avoir 
examiné  les  ouvrages  d'où  l'on  préteu 


dait  qu'ils  avaient  été  tirés  ,  etc.  Cette  fuisse  damnalos.   Periim  hœc  Urbani 

négligence   paraît  aussi  eu  ce  que  les  yill  bu/la  apertè  Jalsi  ed  saltem  in 

règles  de  la  grammaire  ne  furent  point  parte  convincilur  ,  sicut  et  ab  Joanne 

observées  dans  cette  bulle   (44)-    On  Sinnichio   Louaniensis   academiœ  de- 

peut  alléguer  qu'Urbain  VIII  dans  sa  legalo,  Romœ  com'icta  est,  ex  ipsomet 

bulle  contre  le  livre  de  Jansénius,  pu-  Gregnrii   XIII     diplomate   ,    in    quo 


bliée  l'an  1642  ,  s'autorise  de  la  bulle 
de  Pie  V ,  et  de  celle  de  Grégoire  XIII; 
mais  l'auteur  répond  qu'Urbain  VIII 
ne  confirma  ces  deux  bulles  qu'en  sup- 
posant des  faits  faux,  et  qu'ainsi  sa 
confirmation  est  nulle.  Quandoqui- 
dern  ergo  Urbanus  eas  non  confirma- 
ient, nui  supponendo  quœ  Jalsa  sunt; 


nih.il  de  istd  confirmalione  ,  aut  de 
iteratd  hujusmodi  articulorum  dis- 
punctione  habetur.  Ne  auleni  id  inno- 
tescerct  ,  Albizzius  ,  jesuitarum  sli- 
peridiarius  ,  qui  bullam  Urbani  flll 
conscripsit  ,  in  ed  quideni  PU  V  bul- 
lam intégrant  inseruit  ,  sed  non  Gre- 
gorii     XIII  conslitutionern  ,   ex  qud 


ex   istd    confirmalione   nullunt   robur  singulis  patuiiset  ejus  mendacium  ,  et 

accedit    istis   suorum   prœdecessorum  quant  falsô  in  bulld  Urbani  dicalur 

constitutionibus  ;    quod   enint   in  sud  Pii  V  bulla  a  Gregorio  XIII  confir- 

origine  inliosum  ac  nullius  roboris  est ,  mata,    proscriptique    in    ed  arliculi  , 

rati  habitione  non  fit  validant  ;  vel  ,  itérant    à    Gregorio   XIII    prohibai  : 

ut  jura  loquuntur  (*)  ,  quod  initio  vi-  càm   Gregorius  XIII  duntaxat  tesli- 

tiosum  est  ,  non  potest  tractu  tempo-  ficelur  tenorent   bullœ  quant   inserit , 

ris  convalescere  :  nec  firmatur  tractu  esse  plané  conforment    tenori   bullœ 


le  ministre  françois  qui  s'est  plaint  publique- 
ment Lan  1G98  des  Lettres  Je  M.  Jatjuelot  aux 
prélats  de  Vrance. 

(4i)   Bail  Operum  part.  II,  pag.  208. 

(42)  Idem  ,  ibtd.  ,  pag.  209. 

(43)  Idem,   ibid.  ,  pag.   210  et  seq. 
;44)  Ibidem  ,  pag.  235. 

(*)  ff.  de  reg.  jur.  et  VI  Décret,  eod.  Tit. 


quant  in  Pii  f^  registro  ini'enit  ;  et 
isli  tenori  eam (idem  adliibendam ,  quœ 
ipsius  bullœ  protograp/10  debetur.  (46). 
Tout  cela  est  beaucoup  plus  propre  à 
montrer  les   supercheries  qui  se  glis- 

(45)  Baii  Oper.  part.  II ,  pag.   23g,  24». 
(46,)  Ibidem,  pag.  ï42> 


ôcnt  dans  la  condamnation  des  ou- 
vrages ,  qu'à  desarmer  M.  Leidecker  ; 
car  enlin,  pour  un  catholique  romain 
qui  croit  Baïus  innocent,  il  s'en  trouve 
plus  de  mille  qui  le  croient  bien  con- 
damne :  et  ainsi  l'on  peut  accuser  l'é- 
glise romaine  ,  avec  beaucoup  de  vrai- 
semblance, de  tenir  pour  hérétiques  les 
opinions  de  ce  docteur  les  plus  confor- 
mes à  saint  Augustin.  Cela  doit  faire 
■implorer  la  destinée  de  certains  hom- 
mes. Que  la  passion  ,  que  l'irrégula- 
rité ,  (pie  l'injustice  paraissent  mani- 
festement dans  les  procédures  qu'on 
a  tenues  contre  eux  ,  ils  ne  laissent 
pas  d'avoir  tort  ,  selon  l'opinion  du 
plus  grand  nombre.  11  suffit  qu'il  y  ait 
un  jugement  contre  leur  doctrine , 
pour  obliger  le  public  à  demeurer 
préoccupé.  L'adversaire  jouira  du  fruit 
de  ses  fraudes  et  de  ses  intrigues  ;  il 
se  prévaudra  sans  fin  et  sans  cesse  de 
la  sottise  des  peuples,  qui  présument 
presque  toujours  en  faveur  des  tribu- 
naux. 

On  promet  (47)  un  gros  ouvrage  de 
Baïus  ,  si  cette  nouvelle  édition  se  dé- 
bite. Ce  sera  son  Commentaire  sur  le 
Maître  des  Sentences  ,  et  son  Expli- 
cation des  Psaumes  de  David. 

(4;)  In  Prœfal. 


BALBUS.  Ce  mot  fait  tant  de 
figure  dans  l'ancienne  histoire 
romaine,  qu'il  est  bien  étrange 
que  les  dictionnaires  historiques 
lui  aient   fait  si  peu  d'honneur 


BALBUS.  39 

furent  consuls  peu  après  ,  firent 
une  loi  portant  que  tous  ceux 
que    Pompée  aurait  faits  bour- 
geois de  Rome ,  avec  le  consen- 
tement du  conseil  de  guerre  ,    le 
seraient    effectivement.    Par    ce 
moyen,  Balbus entra  pleinement 
dans  la  possession  de  la  bour- 
geoisie romaine   (a).    Il   prit    à 
cause  de  l'un  de  ces  deux  consuls 
le  prénom  de  Lucius ,  et  à  cause 
de  l'autre  ,  le  nom  de  Cornélius 
(B).  Il  se  fit  tellement  estimer  à 
Rome ,   qn'il   eut  pour  amis    les 
plus  grandes  têtes  de  l'état,  Pom- 
pée, Crassus  ,  César,  Cicéron;  et 
qu'il  fut  «adopté  par  Théophanes 
(b) ,  qui  était  aimé  et  considéré 
très-particulièrement  de  Pompée. 
C'est   à  cause  de  cette  adoption 
que  Capitolin  le  nomme  Balbus 
Cornélius  Théophanes  (C),  lors- 
qu'il dit  que  l'empereur  Balbin 
se  disait  issu  de  lui  (c).   La  pro- 
spérité de  Balbus   lui   attira  de* 
ennemis  ,  qui  lui  suscitèrent  un 
procès  sur  sa  bourgeoisie.  Cras- 
sus ,  Pompée   et  Cicéron  plaidè- 
rent sa  cause  (d),  et  la  gagnèrent. 
Il  se  trouva  fort  embarrassé  du- 
rant la  guerre  de   César   et  de 


(A).   Si  je  tâche  de  réparer  leur    Pompée:  il  avait  de  grandes  obi  i- 
faute  ,  c'est  principalement  à  l'é-    gâtions  à  l'un  et  à  l'autre.  Il  pa- 


gard  de  Lucas  Cornélius  Balbus, 
qui  fut  consul  l'an  de  Rome  714? 
et  qui  eut  un  neveu  dont  je  par- 
lerai par  occasion  ,  soit  dans  le 
texte,  soit  dans  les  remarques. 
Ce  consul  était  né  à  Cadix.  Il  se 
signala  avec  beaucoup  de  coura- 
ge dans  les  guerres  que  les  P»o- 
mains  eurent  en  Espagne  contre 
Sertorius,  eteontre  les  Lusitains; 
de  sorte  que  Pompée  fort  satis- 
fait de  ses  grands  services  le  dé- 
clara bourgeois  de  Rome.  Lucius 
Gellius,  et  Cn.    Cornélius,   qui 


raît  qu'il  donna  la  préférence  à 
César,  mais  de  telle  sorte  qu'il 
tâchait  de  porter  les  choses  à  la 
réconciliation  (e).  VelléiusPater- 
culus  remarque  comme  une  in- 
signe témérité ,  que  Balbus  osa 
passer  au  camp  de  Pompée,  pour 

(a)  T'oyez  Cicéron  .  in  Oralione  pro  Cor- 
nelio  Balbo,  et  ibi  Manutinni  et  Hicolaum 
Aliramum. 

(b)  Cicero,  Uni.,  et  Epistol.  VII  ad  Allie, 

m.  fii. 

.     Capitol.,  in  Balbino. 
</    Voyez  /'Oraison  de  Cicéron  pour  Cor- 
nélius Balbus. 
(c    Voyez  ta  remarque  [G). 


BALBUS. 

avec  le  consul  Lentulus    réri  a  fait  plusieurs  fautes  (M)  , 


4o 

conférer 

qui  balançait  à  quel  prix  il  se 
vendrait  (f).  C'est  par  ce  moyen, 
ajoute-t-il ,  que  Balbus  ,  quoi- 
qu'Espagnol ,  s'ouvrit  la  porte 
du  triomphe,  celle  du  pontificat, 
et  celle  du  consulat.  En  effet 
Pline  remarque  que  Balbus  fut 
consul ,  et  le  premier  des  étran- 
gers qui  obtinrent  cette  dignité 
(g)  :  mais ,  quant  à  l'honneur  du 
triomphe  ,  il  dit  que  ce  fut  un 
autre  Cornélius  Balbus ,  neveu 
de  celui-ci ,  qui  l'obtint  avec  la 
bourgeoisie  romaine,  le  premier 
de  tous  les  étrangers  [h).  Nous 
verrons  en  quoi  consiste  la  faute 
de  Paterculus  (D).  Ces  deux  Cor- 
nélius Balbus  ont  été  si  riches  , 
que  l'oncle,  en  mourant,  laissa 
à  chaque  citoyen  romain  vingt- 
cinq  drachmes  (7)  ,  et  que  le 
neveu  fil  bâtir  à  Cadix  (k)  une 
nouvelle  ville  (/).  L'oncle  fit  une 
Histoire  de  Jules  César,  en  for- 
me de  journal  (m).  C'est  lui,  sans 
doute ,  qui  fut  lié  d'une  amitié 
fort  étroite  avec  Pomponius  Àt- 
ticus  (E).  H  y  a  des  gens  qui  ont 
confondu  Cornélius  Balbus  avec 
Cornélius  Gallus  (F).  Nous  allons 
montrer  que  Vossius  a  eu  tort 
de  censurer  Savaron  (G);  que 
MM.  Lloyd  et  Hofman  méritent 
un  peu  de  censure  (H);  que  Paul 
Manuce  n'en  doit  pas  être  tout- 
à-fait  exempt  (I);  que  Glandorp 
a  multiplié  les  êtres  sans  néces- 
sité (K)  ;  que  la  distinction  de 
grand  et  de  petit  consulat  est 
chimérique  (L)  ,  et  que  M.  Mo- 

(fi  Vellcius  Paterculus,  lib.  Il ,  cap.  LI. 
(g)  Plinius  ,  lib.    VU,  cap.   XLIIl. 
{h)  Idem.  lib.  V,  cap.  V. 
(i)  Dio,  lib.  Xtrilî. 
\h)  Il  en  était  natif,  comme  son  oncle. 
il)  Strabo  ,  lib.  TI1,  pag.  1 16. 
(m)  Sidoniiis  Apollinaris,  lib.   IX,  epist. 
XIV 


quoique   son    article    de  Balbus 
soit  très-petit  et  très-maigre. 

Je  ne  dirai  que  peu  de  chose 
de  quelques-uns  des  autres  Bal- 
bus ,  dont  les  anciens  auteurs 
ont  parlé.  Lucius  Lucilius  Bal- 
bus ,  disciple  de  Mucius  Scévola  , 
et  précepteur  du  célèbre  Servius 
Sulpitius  ,  a  été  un  excellent  ju- 
risconsulte. Il  florissait  vers  l'an 
de  Rome  670.  Cicéron  a  dit  que 
Sulpitius  surpassa  son  maître 
(N),  qui  avait  joint  à  la  science 
un  caractère  de  maturité  qui  le 
rendait  un  peu  lent ,  au  lieu  que 
le  disciple  était  prompt  et  expé— 
ditif.  On  a  perdu  les  écrits  de 
Balbus  ,  à  quoi  peut-être  son  dis- 
ciple Sulpitius  n'a  pas  peu  con- 
tribué ,  en  les  insérant  pour  la 
plupart  dans  les  siens  (n).  Il  ne 
faut  pas  confondre ,  comme  a 
fait  Glandorp  ,  ce  Balbus  avec 
Quintus  Lucilius  Balbus  ,  philo- 
sophe stoïcien  ,  l'un  des  interlo- 
cuteurs de  Cicéron  dans  les  li- 
vres de  la  Nature  des  dieux  (0). 
Publips  Octavius  Balbus  a  été 
contemporain  de  Cicéron  ,  qui 
le  loue  pour  sa  science  du  droit 
civil ,  pour  son  esprit ,  pour  sa 
probité  ,  et,  pour  plusieurs  autres 
belles  qualités  {p).  Cicéron  ne 
donne  guère  moins  de  louanges 
à  Lucius  Octavius  Balbus  ,  qui 
vivait  dans  le  même  temps  (q). 
L'un  de  ces  deux  Octavius  Bal- 


{/>)  Pomponius,  lib.  Il  de  Origine  Juris. 

(p)  Glandorp.  Onomaslic.,/.>flg\  55a.  Dans 
la  page  6J7,  Glandorp  prend  pour  un  seul 
homme  l'interlocuteur  de  la  Nature  des 
dieux,  celui  qui  est  loue  dans  /'Or.iison 
pour  Cluentius,  et  celui  gai  est  loué  dans  la 
VII".  Verrine. 

(p)  Cicero  ,  Orat.  pro  Cluentio  ,  folio 
114.  G. 

(171  Idem,  in  Verrem.'Orat.  VII ,  folio 
lio.  B. 


BALBUS 

bus  est  apparemment  celui  dont 
Valère  Maxime  raconte  que  ,  s'é- 
tant  sauvé  par  une  porte  de  der- 
rière ,  durant  les  fureurs  des 
triumvirs ,  et  entendant  qu'on 
tuait  son  fils  dan»sa  maison  ,  il 
retourna  sur  ses  pas,  et  se  fit 
tuer  (r).  Appien  rapporte  la  cho- 
se un  peu  autrement  (s). 

(;•)  Yaler.  Maximus,  hb.  V,  cap.  Vil. 
{s)  Appianus,tle  Bell,  civil.,  lib.  IV ,  pag-. 
(Soi. 

(A)  Les  dictionnaires  historiques 
ont  fait  peu  d'honneur  a  re  mot,.  ]  Ils 
sont  d'une  maigreur  prodigieuse  sur 
le  mot  Balbus.  Charles  Etienne  remar- 
que que  c'a  été  le  surnom  des  Atiliens, 
et  que  le  premier  de  cette  famille 
qui  fut  surnomme  Balbus  ,  le  fut  à 
cause  qu'il  était  bègue  ;  après  quoi 
ses  descendans  conservèrent  ce  sur- 
nom. Il  est  fort  vraisemblable  (pie  ce 
titre  a  commencé  ainsi  dans  plusieurs 
familles  ,  comme  il  est  certain  que 
c'est  pour  une  pareille  raison  ,  qu'il 
y  a  en  tout  pays  tant  de  gens  nommés 
le  Blanc  ,  le  ÎVoir ,  etc.;  et  puisqu'il 
y  a  bien  eu  un  empereur  d'Orient  (i), 
et  un  empereur  d'Occident  (.».) ,  qui 
ont  porté  le  surnom  de  Balbus  ou  de 
liî'gue  ,  à  cause  qu'ils  avaient  ce  dé- 
faut de  langue  ,  pourquoi  ne  croirait- 
on  pas  qu'au  temps  de  la  république 
romaine  ,  un  pareil  défaut  introduisit 
dans  plusieurs  familles  illustres  ce 
surnom  ?  Ce  n'est  donc  pas  en  cela 
que  Charles  Etienne  mérite  dètn: 
critiqué  ,  mais  en  ce  qu'il  a  pris  les 
Atiliens  pour  les  Acciens  ,  ou  Àtiens  , 
el  qu'il  s'est  exprimé  de  telle  sorte  , 
qu'il  semble  dire  que  les  Atiliens  n'ont 
eu  que  ce  surnom-là  :  et  néanmoins  il 
j  a  eu  des  Régulus  ,  des  Séranus  ,  des 
Calatinus,  parmi  eux.  Il  y  a  eu  même 
un  C  Atilius  Balbus  ,  consul  l'an  de 
Rome  5o8  et  5iS  ,  qui  est  peut-être  la 
cause  de  l'erreur  de  Charles  Etienne. 
Il  aurait  du  suffire  à  M.  Lloyd  de  cor- 
riger cet  article  ,  mais  il  a  trouvé  plus 
à  propos  de  le  supprimer  entièrement , 

(1)  C'est  Michel  ,  IIe.  du  nom  ,  qui  fut  em- 
pereur de  Constantinople  ,  depuis  l'an  820  ,  ju  <- 
qu'à  8afi. 

(2)  Ce  fut  louis,  IIIe.  du  nom,  qui  e'tail 
aussi  roi  de  France,  et  qui  mourut  en  S;ij. 


4* 

à  l'imitation  de  ces  chirurgiens  qui , 
au  lieu  de  guérir  une  blessure  ,  cou- 
pent la  partie  blessée  ,  ou  comme  ces 
controyersistes  qui  coupent  le  nœud 
d'une  objection  ,  lorsqu'ils  se  trou- 
vent, à  peu  près  aux  mêmes  termes 
qu'Alexandre  à  l'égard  du  nœud  gor- 
dien. M.  Hofman  n'a,  ni  guéri  ,  ni 
coupé;  il  a  retenu  l'article  tel  qu'il 
l'a  vu  dans  Charles  Etienne. 

(B)  Il  prit  ,  a  cause  de....  deux  con- 
suls ,  le  prénom  de  Lucius,  et  le  nom 
de  Cornélius.  ]  Selon  l'usage  de  Borne, 
ceux  qui  obtenaient  la  bourgeoisie 
prenaient  le  nom  de  celui  qui  leur 
procurait  cet  honneur.  C'est  pour  cela 
que  l'historien  Théophanes  et  ses 
descendans  ont  porté  le  nom  de  Pom- 
pée. Pourquoi  donc,  me  demandera- 
t-on  ,  Cornélius  Balbus  ne  prit-il  pas 
aussi  le  nom  de  Pompée  ?  Je  ré- 
ponds que  ce  fut  à  cause  qu'il  aima 
mieux  fonder  son  droit  sur  une  loi  , 
que  sur  l'honnêteté  de  ce  général.  La 
loi  dont  je  parle  est  celle  que  tirent 
de  l'avis  du  sénat  les  consuls  L.  Gel- 
lius  et  Cn.  Cornélius,  l'an  de  Rome 
68a.  Elle  portait  que  tous  ceux  à  qui 
Pompée  ,  avec  le  consentement  du 
conseil  de  guerre  ,  aurait  conféré  la 
bourgeoisie  de  Rome  ,  seraient  cen- 
sés citoyens  romains.  Nascilur ,  juili- 
ces  ,  'causa  Cornelii  ex  ed  lege  quant 
L.  Gellius ,  Cn.  Cornélius  ex  senatus 
sententid  tulcrunt ,  qud  lege  videmus 
salis  esse  sandum  ,  uti  cives  romani 
suit  ii ,  quos  Cn.  Pompeius  de  consilii 
sententid  sigillatïm  civilate  donave- 
rit  (3).  Balbus  ,  regardant  ces  deux 
consuls  comme  les  véritables  colla- 
teurs  de  l'honneur  dont,  il  jouissait , 
prit  de  l'un  le  prénom  Lucius,  et  de 
l'autre  le  nom  Cornélius.  Cela  est 
beaucoup  plus  vraisrmblable  que  ce 
que  dit  Manuce  ,  qu'encore  que  liai- 
bus  eût  été  fait  bourgeois  romain  par 
Pompée  ,  il  avait  néanmoins  l'obliga- 
tion de  ce  grade  h  Cornélius  Lenlulus , 
dont  il  emprunta  le  prénom  et  le  nom 
selon  la  coutume  {!>).  Il  conjecture 
aussi,  (pie  ce  L.  Cornélius  Lentulus 
est  le  même  qui  fut  consul  la  premier  ! 
année  de  la  guerre  civile,  c'est-à-dire, 

(3)  C.iccro,  Oral,  pro  Balbo. 

Itannt.  in  Argumenta    Oral,    pro   Corne!. 

Vojres  aussi  la  note  sur  le  IX*.  livre  des 

Epîlres  <'c  Cicéron  à  Alticns,  pag.  S  de  l'édition 

de  r.r.rvius,  ou  il  semble  qu'il  j  ait  faute  d'im- 

pressiun. 


42 


BALBUS. 


l'an  704  de  Home.  Au  reste,  ceci  nous 
apprend  que  le  cardinal  Baronius  a 
fait  une  trop  longue  énumération  des 
bienfaits  de  Titus  envers  Josephe , 
lorsqu'il  a  marque  en  particulier  , 
qu'outre  le  droit  de  bourgeoisie  Titus 
lui  conféra  le  nom  de  la  "famille  Fla- 
via  (5).  Car ,  en  premier  lieu ,  ce  fut 
Vespasien  ,  et  non  pas  Titus  ,  qui  le 
fit  bourgeois  (6)  ;  et  d'ailleurs,  après 
cela  ,  le  nom  Flavius  s'en  allait  sans 
dire. 

(C)  Capitolin  le  nomme  Balbus  Cor- 
nélius Theophanes.  ]  Voici  les  paro- 
les de  cet  auteur  :  Familiœ  vetustis- 
simœ  ,  ut  ipse(  Balbinus  )  dicebat ,  a 
Balbo  Cornelio  Theophane  originem 
ducens  ,  qui  per  Cn.  Pompeium  civi- 
tatem  meruerat  ,  quùm  esset  iuœ  pa- 
irie; nobilissimus  ,  idemque  historiée 
scriptor  (7).  Casaubon  s'imagine  que 
cela  regarde  l'bistorien  Théopbanes  , 
natif  de  Mitylène  ,  dans  l'île  de  Les 
bos  (8;.  Vossius  (9)  ,  M.  de  Tillemont 
(10),  et  bien  d'autres,  sont  dans  le 
même  sentiment.  Je  crois  qu'ils  se 
trompent ,  et  qu'il  vaut  mieux  trou- 
ver ici  le  (ils  adoptif  que  le  père.  Cor- 
nélius Balbus  était  fils  de  Tbéopbanes 
par  adoption  :  c'est  à  lui  que  convien- 
nent les  trois  titres  dont  Capitolin 
s'est  servi  ,  et  il  n'y  a  que  le  dernier 
qui  convienne  à  Theophanes.  Si  l'on 
me  dit  que  Balbus  n'était  pas  le  plus 
noble  gentilhomme  de  sa  patrie  ,  je 
répondrai  que  Theophanes  n'avait  pas 
non  plus  le  même  rang  dans  Mitylène. 
Il  est  vrai  que  Strabon  assure  que 
Theophanes  eut  part  aux  charges  pu- 
bliques ,  et  qu'il  se  rendit  le  plus 
illustre  de  tous  les  Grecs  (11);  mais 
ce  n'est  pas  nous  fournir  de  quoi  con- 
firmer les  paroles  de  Capitolin  ,  ce 
n'est  pas  lui  attribuer  une  antiquité 
de  famille  ,  une  noblesse  de  sang 
qui  le  mette  au-dessus  de  tous  les 
autres  Mityléniens  ;  et  c'est  de  quoi 
il  est  question  dans  Capitolin.  L'ob- 
jection ne  vaudrait  donc  rien  ,  puis- 
qu'elle prouverait  trop  ,  et  il  me  suffit 
que  les  ennemis  de  Balbus  ne  nias- 

(5)  Baronii  Annal.  ,  ad  ann.  3G  ,  num.  12. 

(6)  Joseph.  ,  in  Vitâ  suâ. 

(I)  Capitol.  ,  in  Balblno  ,  pag.  ij*. 

(8)  Casaub.  ,  in  hune  locum  Capitolin!. 

(9)  Vossius,  de  Hislor.  grweis,  pag.  \[\'(. 

(10)  Tillem.,    Histoire  des  Empereurs,   loin. 
III ,  pag.   489. 

(II)  Strabo,  lib.  XIII ,  pag.  4^5. 


sent  pas  qu'il  ne  fût  d'une  famille 
très-honorable.  Hune  in  ed  civitatè 
in  qud  sit  nalus  ,  honeslissimo  loco 
natum  esse  concedis  (12).  Apparem- 
ment, ils  n'avouaient  pas  tout  ce  qu'il 
s'attribuait  là-dessus.  Il  y  a  une  autre 
objection  à  crairidre.  Balbus  fut  con- 
sul ,  et  Theophanes  ne  le  fut  pas  : 
d'où  vient  donc  que  Capitolin  ,  qui  a 
remarqué  la  qualité  d'historien  ,  a 
oublié  celle  de  consul ,  tout,  autre- 
ment propre  que  l'autre  à  relever  la 
noblesse  de  Balbin  ?  Je  réponds  que 
Capitolin  n'est  pas  un  homme  de  qui 
l'on  doive  attendre  beaucoup  de  jus- 
tesse d'esprit  et  de  jugement.  Le  pis 
qui  en  pourrait  arriver  serait  de  dire 
qu'il  appliqua  mal  la  prétention  de 
Balbin  ,  et  qu'il  crut  que  le  Cornélius 
Balbus  Theophanes  dont  cet  empe- 
sé disait  issu  ,  était  le  même  Theopha- 
nes de  l'île  de  Lesbos  ,  dont  la  prin- 
cipale gloire  est  celle  d'avoir  été  his- 
torien. Je  ne  voudrais  pas  absolument 
rejeter  cette  conjecture  :  de  plus  ha- 
biles gens  que  Capitolin  auraient  pu 
prendre  le  change  en  cet  endroit-là  ^ 
mais  j'aime  mieux  dire  qu'il  a  su  que 
Balbus  le  Gaditain  était  auteur  d'une 
histoire. 

(D)  Je  dirai  en  quoi  consiste  la 
faute  de  Paterculus.  ]  Bapportons  ses 
paroles.  Thm  Balbus  Cornélius,  dit- 
il  (1 3),  excedenle  humanam  fidem , 
temerilate  ingressus  castra  hostium 
sœpiusque  cum  Lentulo  collocutus  , 
consule  dubitante  quanti  se  venderet  , 
Mis  incrementis  fecit  viam  quibus 
non  Hispaniensis  nalus  ,  sed  Hispanus 
in  triumphum  et  pontificatum  assur- 
gerel ,  fieretque  ex  privato  consula- 
ris  ••  c'est-à-dire,  selon  la  version  de 
M.  Doujat ,  alors  Balbus  Cornélius  , 
par  une  témérité  qui  excède  la  croyan- 
ce des  hommes  ,  étant  entré  dans  le 
camp  des  ennemis  pour  gagner  le  con- 
sul Lentulus  ,  dont  il  était  ami  parti- 
culier ,  traita  plusieurs  fois  avec  lui , 
qui  délibéra  quelque  temps  à  quel 
prix  il  mettrait  safii.  Par  ce  moyen, 
Balbus  s'ouvrit  le  chemin  à  ces  agran- 
dissemens  par  lesquels  ,  quoiqu'il  fut 
non-seulement  né  en  Espagne  comme 
plusieursRomains  et  Italiens,  mais  né 
d'Espagnols  naturels  h^)  ,  il  trouva 

(12)  Cicero  pro  Cornel.  Balbo,  non  procul  mit, 
fi3)  Patorc. ,  lib.  Il  ,  cap.  II. 
(i/j)  Celle  explication   de   la    différence  que 
fait  Paterculus  entre  Hispaniensis  et  Hispanus, 


BALBUS. 


43 


moyen  de  s'élever  dans  Rome  à  thon-    dère    qu'Atticus  ,    ayant    résolu    de 


neur  du  triomphe  et  du  pontificat  ;  et, 
d'un  petit  particulier  qu'il  était ,  il  de- 
vint enfin  consulaire.  Je  laisse  là  celte 
action  de  Balbus  ,  sur  laquelle  on 
pourra  trouver  un  bon  éclaircisse- 
ment ,  si  l'on  consulte  Cicéron  aux 
lieux  que  je  cite  (i5).  Je  m'arrêterai 
seulement  un  peu  sur  Paterculus. 

Ou  il  ne  dit  rien  de  raisonnable  , 
ou  il  assure  que  Balbus  fut  élevé  au 
consulat  aussi-bien  qu'au  triomphe 
et  qu'à  la  dignité  de  pontife  ;  et  ce 
serait  en  vain  qu'on  le  nierait  ,  sous 


mettre  fin  à  sa  vie  en  i*»  mangeant 
rien  ,  fit  venir  son  gendre,  t»  L.  Cor- 
nélius Balbus  et  Sextus  Péduceiis  , 
pour  leur  déclarer  cette  dernière  ré- 
solution (19).  Je  crois  avoir  lu  dat\s 
une  lettre  de  Cicéron  ,  que  Balbus 
était  un  de  ceux  qui  mangeaient  assez 
souvent  à  la  table  d'Atticus  (20).  Ce 
qui  prouverait  qu'il  se  plaisait  à  en- 
tendre lire  de  bonnes  choses  (21). 

(F)  On  a  confondu  Cornélius  Bal- 
bus ,  avec  Cornélius  Gallus.  ]  C'est 
pour   une  chose   qui   ne    fait    point 


prétexte  qu'il  n'a  pas  dit  et  consula-  d'honneur   à  sa  mémoire.  Ils  le  font 

tum  ,  comme  il  semble  qu'il  eût  été  mourir     dans    l'acte    vénérien    (22). 

plus  naturel  de  dire  .  afin  de  signifier  Sans    doute    la    première  origine   de 

que  Balbus  fut  consul.  Ce  n'est  pas  à  cette  fausseté  est  une  faute  d  impres- 

nous   à    régler  les    expressions    d'un  sion.  Sur  l'autorité  de  Pline  (23)  ,  on 


homme  qui  parlait  aussi  poliment  que 
cet  auteur  :  il  a  eu  ses  raisons  pour 
changer  le  tour  de  sa  phrase  ,  quand 
il  a  voulu  désigner  le  consulat  ;  mais 
il  s'est  trompé  dans  la  chose,  et  il  a 
confondu  les  honneurs  de  l'oncle  avec 
les  honneurs  du  neveu.  Le  Balbus 
qui  négocia  avec  Lentulus  au  com- 
mencement des  guerres  civiles  ,  est  le 
neveu  ,  comme  il  paraît  par  les  let- 
tres de  Cicéron  qu'on  vient  de  citer 


avait  rais  Cornélius  Gallus  dans  la 
liste  de  ceux  qui  sont  morts  en  cet 
état.;  et  l'imprimeur,  mettant  un  B 
pour  un  G  ,  a  été  cause  que  plusieurs 
ont  pris  une  personne  pour  une  au- 
tre. Je  trouve  cette  erreur  dans  diver- 
ses éditions  du  Commentaire  de  Tira- 
queau  sur  les  lois  matrimoniales. 

(G)  f^ossius  a  eu  tort  de  censurer 
Savaron.]  Voulant  relever  une  faute 
qu'il  croyait  avoir    trouvée    dans  le 


C'est   Balbus  le  neveu   qui   triompha    Commentaire  de  Savaron  sur  Sidonius 


des  Garamantes,  le  premier  des  étran- 
gers qui  fut  honoré  du  triomphe  , 
comme  nous  l'apprenons  de  Pline 
(16);  mais  ce  fut  Balhus  l'oncle  qui 
lut  honoré  du  consulat  le  premier 
de  tous,  les  étrangers,  ainsi  que  le 
même  Pline  nous  l'apprend  (17).  On 
distinguait  à  Rome  ces  deux  Balbus 
par  le  titre  de  major  qu'on  donnait  à 
l'oncle  ,  et  par  celui  de  minnr  que 
Von   donnait   au  neveu.  Je  m'étonne 


Apollinaris  ,  il  s'est  trompé  lui-même 
(2j).  Savaron  avait  assuré  que  Bal- 
bus ,  auquel  Sidonius  Apollinaris  at- 
tribue le  Journal  de  la  Vie  de  Jules 
César  (25),  est  le  même  que  Balbus 
Cornélius  Théophanes  ,  dont  Jules 
Capitolin  dit,  dans  la  Vie  deBalbinus, 
quil  avait  obtenu  la  bourgeoisie  ro- 
maine par  la  faveur  de  Pompée  ,  et 
qu'il  était  d'ailleurs  le  plus  noble  de 


ses  concitoyens  ,  et  historien.  Vossius 
que  M.  de  Sanmaise  ,  qui  a  fort  bien  réfute  cette  prétention  de  Savaron  , 
démêlé    les   honneurs   de   l'un   et  de     1°.  ,    |)arCe   que    Balbus  ,    auteur   du 

Journal,    était    intime  ami  de   Jules 
César,    comme    il    paraît    par    Sué- 


1  autre  (iS)  ,    ait    laissé   en   repos   la 
faute  de  Paterculus. 

(E)  Il  fut  lié  d'une  amitié  fort 
droite  avec  Pomponius  Atticus.}  On 
ne  saurait  nier  cela,  quand  on  cousi- 


(  si  toutefois  son  texte  portail  cela),  paraît 
aussi  bonne  que  celle  de  Lip<e,  qui  par  llispa- 
niensia,  a  entendu  un  habitant  de  l'Espagne , 
et  par  Hispanus  ,  un  Espagnol  naturel. 

(i5)  Z'Épître  XXXII  du  X'.  Inre  ad  Fami- 
liares  et  le  Commentaire  sur  i'Epître  IX  .lu 
VIII'.  livre  a  Atlicus. 

16J  Plinius,   Ub.  V,cap.  V. 

(1;)  Idem,  Ub.  VII,   cap.  XLIII. 

{18)  Salmas.  ,  in  Solin.  ,  cap.  IX. 


(19)  Cornélius  Xepos ,  in  Vità  Attici ,  cap. 
XXI. 

(20)  Je  n'ai  pu  trouver  l'endroit,  mais  il  me 
semble  avoir  lu  cela  dans  les  Lettres  de  Cicéron 
a  &UÏCUS. 

(ai)  Voyei  ci-dessus  la  remarque  (f)  de 
l'article  Atticus. 

(22)  ISaitliasar.  Bonifacius,  lîistoria  luilicra  , 
/,/;.  XVI,  cap.  XVI,  ex  T.raquellu  ,  leg. 
Connub.  XV,  num.    2-. 

123)  LA.  VII  ,  cap!  LUI. 

(?4)  Vossius  de  Historicis  grarcis  ,  Ub.  1  ,cap. 
XXIII  ,  pag.  143. 

(25)  Sidou.  Apollin.  ,  Fj.^t.  XIV,  Ub.  IX. 


44 


BALBUS. 


tone(26),etparAuIu-Gelle(27),aulieu 
que  Théophanes  était  intime  ami  de 
Pompée  ,  et  qu'on  en  fit  un  crime  à 
ses  desr=ndans,  comme  Tacite  le  re- 
marque au  VIe.  livre  des  Annales  ; 
2°.  ,  parce  que  Thëophanes,  étant  de 
Lesbos  ,  a  écrit  en  grec  ,  et  que 
Balbus  a  vécu  à  Rome  ,  et  a  écrit  en 
latin. 

Qui  voudrait  faire  trop  le  critique, 
je  dirais  contre  ces  raisons  ,  i°.  que 
Je  même  Balbus  qui  a  été  des  amis 
intimes  de  César  ,  a  été  des  bons  amis 
de  Pompée,  et  tellement  honoré  de  sa 
confidence ,  que  les  autres  amis  de 
Pompée  en  avaient  de  la  jalousie 
(28).  11  est  vrai  que  la  liaison  qui  était 
alors  entre  Pompée  et  César ,  ayant 
permis  à  Balbus  de  cultiver  l'amitié 
de  celui-ci ,  sans  manquer  à  ce  qu'il 
devait  à  l'autre,  il  se  trouva  enfin 
que  les  bienfaits  de  César  furent  su- 
périeurs à  ceux  de  Pompée  :  et  néan- 
moins Balbus  obtint  de  César  la  per- 
mission de  ne  le  point  suivre  contre 
Pompée  ,  et  se  retira  à  Rome  durant 
la  guerre  civile  (29).  Il  est  vrai  en- 
core qu'il  y  fut  l'homme  d'affaires 
de  César,  et  qu'en  tachant  de  porter 
les  choses  à  la  réconciliation  ,  il  ne 
parut  pas  tout-à-fait  exempt  de  quel- 
que partialité.  Mais  enfin  ,  ce  n'est 
pas  de  quoi  faire  une  juste  opposition 
entre  Balbus  et  Théophanes,  que  de 
dire  d'un  côté  avec  Suétone  ,  que 
Balbus  a  été  intime  ami  de  Jules 
César  ,  et  avec  Aulu  Gelle ,  que  Balbus 
était  à  Rome  l'un  des  agens  de  César 
pendant  son  absence  ;  et  que  de  dire 
de  l'autre  avec  Tacite  ,  que  Théopha- 
nes avait  été  intime  ami  de  Pompée  , 
et  que  Tibère  en  fit  un  crime  aux 
descendans  de  Théophanes  :  car,  vu 
1  humeur  bourrue  de  cet  empereur, 
il  était  capable  de  persécuter  une  fa- 
mille ,  sous  prétexte  qu'elle  aurait 
obtenu  la  bourgeoisie  romaine  par  la 
faveur  de  Pompée.  Or,  cela  serait  vrai 
au  pied  de  la  lettre  à  l'égard  de 
Théophanes,  quand  même  on  le  con- 
fondrait avec.  Cornélius  Balbus ,  puis- 

(26)  Sneton. ,  înCsesar.,  cap.  LXXXI ,  mal 
ailé  cap.  I.XXI ,  par  Vossius,  cl  cap.  LXXIV, 
par  Moréri. 

(27)  A.  Gellius,  lib.  XVII ,  cap.  IX,  ou  il 
dit  que  Jules  César  et  Balbus  s'écrivaient  en 
chiffres. 

(28)  Cicero  ad  Allie,  lib.  IX,  Epist.  XIII. 

(29)  Fpist.  Balbi  an  Cicéron.,  lib.  IX,  ad 
Altic  ,  pug.  36 ,  eilil.  Grsevii. 


qu'il  est  certain  ,  non-seulement  que 
Pompée  lui  conféra  cette  bourgeoisie, 
mais  même  qu'il  plaida  pour  lui 
quand  on  voulut  la  lui  contester,  et 
qu'il  le  combla  de  bienfaits.  La  pre- 
mière raison  de  Vossius  n'est  donc  pas 
bonne.  20.  Je  pourrais  dire  en  second 
lieu,  que  le  Théophanes  dont  Vossius 
entend  parler  n'a  pas  moins  vécu  à 
Rome  que  Balbus  ,  et  qu'y  ayant  eu 
des  Romain*  qui  ont  écrit  des  histoi- 
res en  grec,  il  ne  s'ensuit  pas  que 
Balbus  ne  soit  pas  Théophanes  ,  de  ce 
que  1  héophanes  a  écrit  en  grec.  Que 
savons -nous  même,  si  le  Balbus  en 
question  n'est  pas  le  Cornélius  Balbus 
dont  Marrobc  cite  le  XVIIIe.  livre  des 
'E^uyurutav  (3oJ  ?  Similer  n'en  doute 
point  (3i). 

Mais  ,  sans  m'amuser  à  des  disputes 
qui  pourraient  être  accusées  d'une 
trop  rigoureuse  précision ,  voici  le 
jugulum  causœ  ,  et  le  point  décisif 
en  trois  mots.  Vossius  s'est  imaginé 
que  Savaron  a  confondu  Cornélius 
Balbus  avec  Théophanes,  natif  de  l'île 
de  Lesbos,  et  auteur  d'une  Histoire 
de  la  guerre  de  Mitbridate.  Mais  c'est 
ce  qu'il  n'a  point  fait.  Il  ne  l'a  con- 
fondu qu'avec  le  Théophanes  dont 
parle  Capitolin  ,  et  qui  est  bien  dif- 
férent de  celui  de  Lesbos,  quoiqu'il 
ait  de  commun  avec  lui  d'avoir  reçu 
de  Pompée  la  qualité  de  bourgeois  de 
Rome.  Or  rien  n'est  plus  raisonnable 
que  de  prendre  le  Théophanes  de 
Capitolin  pour  le  Cornélius  Ealbus  de 
Suétone  ,  et  pour  le  Balbus  de  Sido- 
nius  Apollinaris  ;  car  il  est  certain 
que  ce  même  Cornélius  Balbus  ,  natif 
de  Cadix  ,  et  honoré  de  la  bourgeoisie 
romaine  par  Pompée,  fut  adopté,  à  la 
recommandation  du  même  Pompée, 
par  Théophanes  de  Lesbos  (32)  :  après 
quoi ,  selon  la  coutume  ,  il  se  nomma 
Lucius  Cornélius  Balbus  Théophanes, 
comme  Paul  Manuce  et  Corradus  l'ont 
remarqué;  celui-là  ,  dans  le  sommaire 
de  l'Oraison  de  Cicéron  pour  ce  même 
Balbus  ,  celui-ci  ,  dans  ses  notes  sur 
les  Epîtres  de  Cicéron  à  Atticus  :  et 
l'un  et  l'autre  ont  pris  ce  Balbus  pour 
l'historien  Cornélius  Balbus  Théopha- 

(3o)  Macrob.  Satomal.,  lib.  III,  cap.  VI. 

(3ï)  Simier. ,  in  Kpitome  Bibliotb.  Gesneri. 

(3a)  Et  atlaplio  l'keopkanis  agitata  est.  Ci- 
cero pro  Balbo.  Placetigilur  eliam  me  expulsum. 
el  agrum  Campanum  periisse ,  et  adoplaluni 
palrtcium  a  plebrio ,  Gaditanunr  à  illitrlenani. 
Cicero,  Fpist.  VII  ad  Atlirnro,  lib.  VII. 


BALBUS. 


45 


nés,  dont  Capitolin  a  parle.  De  sorte 
que  s'il  y  eût  eu  là  de  quoi  critiquer, 
il  aurait  fallu  tirer  eu  cause  ces  deux 
savans  Italiens,  plutôt  que  Savaron  , 
qui  n'est  venu  qu'assez  long  -  temps 
après  eux. 

(11)  MM.  Llnyd  et  Hofman  méri- 
tent un  peu  de  censure.  ]  Je  ne  dis 
rien  de  Charles  Etienne  :  il  a  été  un 
peu  trop  sec  sur  notre  Cornélius  Bal- 
nus  :  mais  ,  ce  qu'il  en  a  touché  n'est 
pas  mal  choisi.  M.  Lloyd  en  a  ôté 
quelques  paroles  qui  n'étaient  pas 
superflues  ,  savoir  que  nous  avons 
encore  l'Oraison  de  Cicéron  pour  ce 
Balbus  :  car  ce  sont,  deux  faits  fort 
différens  .  l'un  que  Cicéron  a  plaidé 
une  telle  cause  ,  l'autre  que  nous 
avons  encore  son  plaidoyer  ;  et  c'est 
au  dernier  des  deux  que  les  lecteurs 


chap.  XLIII  (36)  ;  car  Pline  ne  parle 
en  cet  endroit-là  ,  que  du  consulat  de 
l'oncle.  On  se  méprend  aisément  en 
semblables  choses  :  le  père  Hardouin  , 
sur  ce  même  endroit  de  Pline  ,  nous 
renvoie  à  un  passage  de  Paterculus 
(3;)  ,  où  il  n'est  question  que  de  Cal- 
bus  le  neveu. 

(K)  Glandorp  a  multiplié  les  êtres 
sans  nécessité.]  Il  n'a  pas  dû  produire 
trois  consuls  nommés  L.  Cornélius 
Balbus.  C'est  multiplier  les  êtres  sans 
nécessité.  Le  premier  est ,  selon  lui  , 
Balbus  l'aîné  ,  dont  il  met  le  consulat, 
à  l'an  de  home  713.  Le  second  est 
Balbus  le  jeune,  pour  le  consulat  du- 
quel il  ne  dit  rien  de  précis ,  se  con- 
tentant de  rapporter  les  paroles  de 
Paterculus.  Le  troisième  est  un  L. 
Cornélius  Balbus  ,   qu'il  dit  avoir  été 


s'intéressent    davantage.  M.    Hofman    fait  consul  pour  quelques  jours ,  vers 

..H...WT..      1     »  ff  i  .->l  a     f  ii\     nnnr       nnne       or\_        1^       (ïr.       An       l1.^  «  « «—       A..— i  _      _  * 


allonge  l'article  (33)  pour  nous  ap- 
prendre qu'il  y  a  eu  un  autre  Corné- 
lius Balbus  de  Lesbos  ,  surnommé 
Théophanes ,  c'est-à-dire  ,  pour  nous 
apprendre  une  fausseté.  Lucius  Cor- 
nélius Balbus  Théoplianes  ne  diffère 
nullement  de  celui  qui  était  de  Cadix, 
et  dont  il  s'agit  dans  cet  article. 
'  I  ) Paul  Manuce  n'en  doit 


la  fin  de  l'an,  par  Auguste  et  par 
Marc  Antoine,  et  avoir  eu  tant  de 
richesses ,  qu'elles  lui  permirent  de 
léguer  a5  drachmes  à  chaque  citoyen 
romain  (38).  Ces  trois  consuls  ,  dans 
la  vérité  ,  se  réduisent  à  un  seul  ;  car 
Balbus  l'oncle  n'est  point  différent  de 
celui  dont  le  consulat  fut  de  si  petite 
durée.  On  n'a  qu'à  voir  Dion  Cassius. 


pas  être  tout-à-fait  exempt.}  J'ai  déjà    Le  père  Hardouin  ,  pour  marquer  le 
touché  quelques-unes  de   ses   mépri-    caractère  de  ce    consulat  ,  dit  ingé- 


ses  ;  en  voici  deux  autres.  L'une  est 
dans  le  sommaire  de  l'Oraison  de 
Cicéron  pour  Cornélius  Balbus ,  et 
dans  les  notes  sur  l'endroit  île  cette 
Oraison  où  il  est  parlé  de  l'adoption 
de  ce  Balbus.  Il  dit  là  Irés-faussement, 


nieusement  que  Balbus  fut  consul  sous 
le  consulat  de  Cn.  Domitius  Calvi- 
nus  ,  et  de  C.  AsiniusPollion  ,  l'an  de 
Rome  714.  Consul  hic  fuit ,  quoniàm 
ita  necesse  est  dicere  ,  Cn.  Domilio 
Calwino  secundhm,C.  Asinio  Pollione 


pie  Théoplianes  était  un  affranchi  de     Coss.  Anno   Urbis   DCCXIV  (3yj. 
;e   (34)  \  car  ce   ne   fut  pas   la     Au  reste  ,  si  Glandorp  avait  eu  quel- 


Pompé 

liberté  ,  mais  la  bourgeoisie  romaine  , 
que  Pompée  donna  à  Théophanes, 
Quid  JUagnus  hic  noster  ,  dit  Cicéron 
(35) ,  qui  cum  virlule  fortunam  adœ- 
quavit?  nnnne  Theoplianem  Jfityle- 
nœuni  scriptorem  rerum  suarum  in 
concionc  militum  cu-ilate  danavit  ? 
L'autre  tante  de  Manuce  est  de  nous 
renvoyer  touchant  le  triomphe  du 
jeune  Cornélius  Balbus,  neveu  de  ce- 
lui dont  nous  parlons ,  entre  autres 
autorités   ,    au  livre   VII    de    Pline, 

(33)  Dans  le  /«r.  volume  de  sa  continuation 
il  donne  de  bonnes  Addition*  louchant  Cornélius 
Balbus. 

|i  Tl  le  re'pète  dans  ses  \oles    sur   l'Eiutre 
XI  ..  AlticUS,  fc„.  V. 

(35)  Oral,  pro  Arcbià  :  autant  en  dit  Yolcre 
M.-.*ime,  Uv.  V III,  chap.  XI K. 


que  connaissance  de  l'endroit  de 
Pline  (.}oj  ,  où  Balbus  l'aîné  est  appelé 
oncle  paternel,  palruus ,  de  Balbus 
le  jeune  ,  il  ne  se  fût  pas  réduit  à  la 
citation  d'un  aussi  mauvais  garant 
que  Volaterran,  pour  nous  apprendre 
que  l'un  de  ces  Balbus  était  fil*  du 
frère  de  l'autre. 

(36)  P.  Manutius,  in  Argument.  Oral.  Cirer, 
pro  Halbo,  oit  au  lieu  de  citer  le  char.  XI '  I II 
du  Fil',  livre  de  Pline,  on  cite  le  XXXVII'. 
et  au  lieu  du  chap.  XXIX  de  Solin  ,  on  eih  le 
AV.//*.  Celle  e'.lttion  de  Manuce  est  de  Colo- 
gne ,  en  1.Î82,  in-8°. 

(3;)  Lib.  II ,  cap.  II. 

(38)    Clandorpii    Onomaslic.     roman.,    pas. 

vu  .cap.  xr.m, 


l.l- . 


(3g)  Har.l.  ,  in  Plin. 
pag.  G4  .  tom.  II. 

(40)  Lib.  V ,  cap.  V ,  pag.  54? 


46  BAL 

(L)  La  distinction  de  grand  et  de 
petit  consulat  est  chimérique.']  Voyez 
un  peu  à  quels  travers  d'esprit  les 
gens  sont  sujets.  11  s'en  est  trouvé 
qui,  sur  ces  paroles  de  Pline,  fuit  et 
Balbus  Cornélius  Major  consul ,  se 
sont  jetés  dans  la  chimère  de  deux 
degrés  de  consulat ,  et  ont  préfendu 
que  Balbus  avait  été  fait  grand  consul, 
ou  premier  consul  (40-  H  était  aisé 
de  voir  que  major  ,  dans  ce  passage  , 
ne  se  rapporte  pas  à  consul. 

(M)  M.  Morérl  a  fait  plusieurs 
fautes.  ]  Ce  n'est  que  sur  un  on  dit , 
qu'il  débite  que  Cornélius  Balbus  com- 
posait un  journal,  ou  des  éphéméri- 
des  de  ce  qui  arrivait  tous  les  jours  h 
César.  Si  l'on  avait  su  que  Sidonius 
Apollinaris  a  parlé  de  ce  journal 
comme  d'un  livre  subsistant  alors  , 
et  qu'il  en  a  même  parlé  avec  éloge 
(4a) ,  on  aurait  rejeté  bien  loin  cet  on 
dit.  Quelques-uns  veulent  que  Sym- 
maque  ait  parlé  du  même  livre,  lors- 
qu'il écrivit  à  son  ami,  si  impar  est 
desiderio  tuo  Livius  ,  sume  Ephemeri- 
dem  C.  Cœsaris  decerptam  bibliothc- 
culœ  meœ  ut  ttbi  muneri  mitleretur. 
Hœc  te  origines,  situs ,  pugnas,  et 
quidquid  fuit  in  moribus  aut  legibus 
Galliarum  docebit  (43)  :  c'est-à-dire  , 
si  Tile-Lii'e  ne  satisfait  pas  pleine- 
ment l'envie  que  vous  avez  de  con- 
naître l'histoire  de  l'ancienne  Gaule  , 
vous  n  avez  qu'a  prendre  les  Ephémé- 
rides  de  César,  dont  fe  vous  ai  fait 
présent ,  etc.  Mais  d'autres  prétendent 
qu'il  ne  s'agit  là  que  des  mémoires 
que  César  avait  faits  lui-même,  et 
que  nous  avons  encore  sous  le  titre  de 
Commentaires  de  la  Guerre  des  Gau- 
les (44)-  H  es^  pourtant  vrai  qu'il 
avait  fait,  d'autres  mémoires  sous  le 
titre  ai1  Ephémérides  ,  comme  nous 
l'apprenons  de  Servius.  Pourquoi 
Symmaque  ne  pourrait-il  pas  parler 
de  ceux-ci  ?  2°.  L'avis  de  prendre 
garde  de  ne  pas  confondre ,  comme 
Savaron  et  d'autres  l'ont  fait  ,  cet 
auteur  avec  un  de  ce  nom  surnommé 
l'héophanes  ,    qui  était    de   Lesbos  , 

(  \\)  Voyez  Saumaise ,  Exercitat.  Plin.,  pag. 
3S3. 

(4^)  Quis  Opéra  Suetonii,  quis  Juvenci,  Mar- 
ûalis   Mistoriam  ,    quisve    ad    extremum  Bal  m 

El^nEMEÏUDEM      FANDO     ADiQUA  V  ERIT  ?  Sliionius 

Apollinar.  ,  Epist.  XIV,  l,b.  IX. 

{43)Symmacb.,  Epist.  XVIII,  Ub.  IV. 

(44)  Vossius,  de  Hist.  lat. ,  pag.  64,  où  il 
attribue  à  Suétone  ce  qui  est  de  Symmaque, 


BUS. 

contient  deux  fautes.  Nous  avons 
montré  la  première  en  justifiant  Sa- 
varon  de  la  censure  de  Vossius.  La 
deuxième  consiste  à  supposer  qu'il  y 
a  eu  un  historien  natif  de  l'île  de 
Lesbos,  qui  s'appelait  Cornélius  Bal- 
bus Théophanes.  Rien  n'est  plus  faux. 
L'historien  Théophanes  ,  natif  de 
Mitylène  en  Pile  de  Lesbos,  a  bien  été 
appelé  Cn.  Pompéius  Théophanes,  à 
cause  que  Pompée  lui  avait  conféré  la 
bourgeoisie  romaine,  mais  il  n'a  ja- 
mais ajouté  à  son  nom  de  famille  ce- 
lui de  Balbus  ,  ou  de  Balbus  Corné- 
lius ;  et  il  y  a  lieu  d'être  surpris  qu'il 
soit  échappé  à  Vossius  de  dire  que 
l'historien  Cornélius  Balbus  Théopha- 
nes ,  dont  Jules  Capitolin  a  fait  men- 
tion ,  est  le  Théophanes  de  l'île  de 
Lesbos,  qui  écrivit  la  guerre  de  Mi- 
thridate  (45).  3°.  Mais  encore,  pour- 
quoi faut-il  prendre  garde  de  ne  pas 
faire  comme  Savaron  ?  C'est  parce 
que  Cornélius  Balbus  vivait  à  Rome  , 
et  que  Théophanes  était  de  Lesbos. 
Ne  sont-ce  pas  là  deux  attributs  bien 
incompatibles  dans  un  même  sujet, 
et  peut-on  demander  de  meilleures 
preuves  de  distinction  personnelle  ? 
Voilà  comment  les  erreurs  croissent. 
Moréri ,  pour  avoir  voulu  abréger  la 
preuve  de  Vossius  ,  l'a  rendue  incom- 
parablement plus  mauvaise  qu'elle 
n'était.  \°.  Je  pense  que  c'est  le  pre- 
mier ,  poursuit-il ,  que  Cicéron  dé- 
fendit contre  ceux  qui  l'accusaient  de 
prendre  injustement  le  titre  de  citoyen 
romain.  Outre  que  l'expression  est 
tournée  si  peu  nettement  (46) ,  qu'elle 
fait  d'abord  penser  que  Cicéron  com- 
mença cette  sorte  de  plaidoyer  par  la 
personne  dont  il  s'agit,  ce  qui  n'est 
point  ce  que  l'on  veut  dire  ,  ni  ce 
qu'il  faut  dire  ;  il  y  a  ceci  de  mauvais 
dans  ces  paroles  ,  c'est  qu'il  ne  fallait 
pas  parler  de  cela  comme  d'un  fait 
incertain,  et  qu'il  n'}'  avait  rien  de 
plus  aisé  que  de  s'en  convaincre  évi- 
demment par  la  lecture  des  sommaires 
de  Paul  Manuce,  du  père  Abram,  etc., 
sur  l'Oraison  de  Cicéron  pro  L.  Cor- 
nelio  Balbo. 

(N)  Cicéron  a  dit  que  Sufpitius  sur- 
passa Balbus  son  maître.  ]  On  com- 

(45)  Voyez  dans  la  remarque  (C)  ,  Casaubon 
et  autres  qui  ont  fait  la  même  faute. 

(46)  Si  Von  voulait  remarquer  les  fautes  de 
cette  nature  qui  sont  lions  le  style  de  Mttréri  , 
»n  les  ferait  compter  far  milliers. 


BALBUS.  47 

prendra  mieux  la  pensée  de  Cicéron    pour  tout  cela  ,    et  pour  ce  qui 
par  ses  paroles  que  par   les  miennes.     en  p0urra  naître. 

(A)  Il  s'est  trouvé  des  gens  qui  Font 
traité  de  béat.-]  C'est  ce  qui  paraîtra 
par  ce  passage  :  JVou  vi  lia  mancato 
chi  lo  ripnnga  del  numéro  de'  beati  , 
e  corne  taie  si  vede  dipinto  net  tempio 
Balbi  docti  et  TrudUi  lommis  in  utrd-  dl  A'  Tomaso  di  Payia ,  m  luogo  emi- 
que  re  comideraUim  tardilalem  ui-  nenteuicmo  al  sqffitato  (i). 
cit,expediendis  conficiendisque  rébus.         (B)  Soyons  pourquoi  il  portait  ce 

nom  ,  et.  ...  s  il  était  le  même  que  Jac- 
ques de  t/'oragine.~\  Jean  Balbus  ,  no- 
ble génois  ,  fut  appelé'  Januensis  ,  ou 
de  Janud  ,  parce  qu'il  était  de  Gênes. 
II  dit  lui-même  dans  son  Catholicon , 
au  mot  Janua  ,  qu'il  était  d'une  ville 
nommée  Janua.  Cette  ville  n'est  autre 


par  ses  paroles  que  | 
Qu'on  lise  donc  ce  qui  suit.  Cùm  di- 
cendi  caussd  duobus  perilissimis  opé- 
rant dedisset  (  Servi  us  )  L.  Lucilio 
Balbo  ,  C.  Aquillo  Gallo  ,  Galli  ho- 
minis  aculi  et  exsrcilati  proniplam  in 
agendn  et  in  respondendo  celeritatem 
sublilitate    diligenùdque    superavit 


Sic  et  habel  quod  uterque  eorum  ha 
ouït,  et  explevit  quod  ulrique  dejuit 

(4?)- 

(47)  Cicero,  in  Bruto ,  cap.  7CJ.II, 

BALBUS  ,  BALBI ,  ou  BALBO 

(  Jeaiv  ),  moine  jacobin,  ilorissait  que  celle  de  Gênes  :  dès  le  temps  de 

au    XIIIe.     siècle.     11    savait    le  Luitprand  elle  était  plutôt  nommée 

grec  *',  chose  rare  en  ce  temps-  Janua1cfue  Gen»a  ».  soit  qu'on  voulût 

.  r  ,        ii-1         plus  clairement  insinuer  <ini' Janus  en 

la  ,  et  beaucoupplus  de  latin  que    e<tait  lefondateur,  soit  qu'ira  eût  égard 


tous  ses   confrères  ensemble.    Il    à  la  raison  rapportée  par  Jo.  de  Janud, 


l'ont  traité  de   béat  (Aj.    Ce  fut  nuensis  île  Iialbis  ,  et  qu'il  avait  fait 

sur  ce  pied  qu'on  mit  son  image  quelques  autres  livres.  A  la  tin  du  Ca- 

dans  l'église  de  Saint-Tbomas  à  thollco">  ll  ff  savoir   qu'après  plu- 

•n            T°   .         ,                                ~_  sieurs  années  de  grand  travail  ,  il  1  a- 

Favie.  Le  titre  de  ses  ouvrages  «r  çheva  le  jour  des  nones  de  mars ,  c'est 

Se    peut    voir    dans  M.    Moréri  ,  à-dire  ,  ie  7e.  jour  de  mars  1286. 

qui,  au  lieu  de  nous    renvoyer  M    Oudin  ,  ci-devant  religieux  de 

au    volume   de   Vossius   sur    les  l'orfrf  de  Prémontré  ,  et  maintenant 

1  -  .      •            1    ,-                      -.I-  agrège  a  1  église  protestante  au  erand 

historiens    latins,    aurait    bien  contentement  du  parti,  qui  se  félicite 

fait  de  remarquer  que  Jean  Bal-  avec  raison  d'une  si  bonne  conquête , 
bus  est  incomparablement    plus 


connu  sous  le  nom  de  Joannes 
de  Janud,  ou  de  Joannes  Januen- 
sis ,  que  sous  aucun  autre.  JNous 


et  qui  attend  plusieurs  beaux  ouvra- 
ges de  cette  plume  ,  M.  Oudin  ,  disje  , 
prétend  que  Jacobus  de  f'oragiiie  , 
auteur  de  la  Légende  dorée,  et  Joannes 
de  Janud  ,  auteur  du  Catholicon  ,  ne 


■quoi    il   porta  ce    sont  qu  "n  seul  et  même  homme  (2). 
:t  discuter  s'il  est  le  mê-    lls'' f."m]c  sui;ce  T*'°n  conyent  flu'ils 


allons  dire  pourquoi 

nom ,  et  discuter  s'ii  c 

T                 1    \r           •        ,r.v  vivaient  en  même  temps,  qu  ils  étaient 

me  que  Jacques  deWagme  (B).  tous  deux  jacobins  ,  tons  deux  de  Gê- 

Nous  ne  ferons  qu'une  remarque  nés  ,  et  à  cause  de  cela  tous  deux  nom- 
més Januensis.  11  aura  donc  été  facile 

*'  Le  père  Echard.  cite'  par  Leclcrc ,  dit  à  ceux  qui  auront  VU  à  la  trie  de  plu- 

que  c'est  un  éloge  qui  lui  a  été  donné  gra-  sieurs  manuscrits  le   nom   Januensis 

tu.temeut  par  ceux  qui  ignoraienl   que  Bal-  pre'ce'dt:  de  la  lettre  J  ,  initiale  du  nom 
nus  avait  lm-meme  avoue  ne  pas  savoir  assez 
grec  pour  expliquer   les  étymologies  des 


mots  qui  viennent  de  cette  langue. 

"2  Le  seul  qui  soit  imprimé,  dit  Leclcrc,     3ia 
c:t  son  Catholicon  ,  l'un  des  premiers   pro- 
duits de  l'imprimerie. 


(i)  Alfonso  Fernanctez  ,  apiul  IWicliaelcm  Jus- 
linianum,  m  libro  de  gli  Scritlori   ii-uri,    pag. 


(?)  Oudin,  SnppUin.  de  Scrlptor.  eccle»i»st 
paç.   5(ii. 


48 


BALBUS. 


de  bapléme  Joannes  et  Jacobus  ,  de 
les  attribuer  tantôt  à  Jacobus  Januen- 
sis ,  tantôt  à  Joannes  Januensis  ,  ce 
qui  aura  converti  un  auteur  en  deux. 

Mais  iJ  me  permettra  de  lui  dire 
que  sa  conjecture  est  assez  rudement 
choquée  par  le  dénombrement  que 
l'auteur  du  Catholicon  a  donné  de  ses 
ouvrages  au  mot  Janua  ,  car  encore 
que  le  temps  où  il  acheva  son  Catho- 
îicon  puisse  avoir  été  fort  éloigné  de 
celui  où  il  acheva  l'article  Janua  ,  il 
n'est  nullement  vraisemblable  que  , 
s'il  avait  composé  quelques  livres  dans 
le  temps  qui  se  serait  écoulé  entre  la 
composition  de  cet  article  et  la  clô- 
ture du  dictionnaire  ,  il  ne  les  eûl  pas 
ajoutés  aux  autres  dans  le  même  arti- 
cle. Ainsi  Ton  peut  supposer  que  le 
catalogue  qu'il  donne  sous  le  mot  Ja- 
nua est  de  l'an  1286  ,  auquel  il  mit  la 
dernière  main  au  Catholicon.  Or  ,  il 
est  certain  que  Jacques  de  Voragine 
publia  en  1270  une  traduction  ita- 
lienne de  la  Bible  *'.  Quelle  appa- 
rence que  si ,  au  bout  de  seize  ans  ,  il 
avait  parlé  des  livres  qu'il  avait  don- 
nés au  public  ,  il  en  eût  oublié  un 
d'une  entreprise  aussi  nouvelle  ,  et  à 
tous  égards  aussi  remarquable  que  la 
version  de  l'Ecriture  en  langue  vul- 
gaire ?  Il  n'est  donc  point  vraisem- 
blable que  l'auteur  du  Catholicon  soit 
Jacques  de  Voragine.  N'en  décidons 
point,  pourtant.  Attendons  les  lumiè- 
res des  savans ,  et  en  particulier  celles 
de  M.  Oudin  *2.  M.  Cave  veut  bien 
être  encore  là-dessus  dans  l'incerti- 
tude (3). 

Voilà  comment  je  parlai  dans  mon 
projet  ;  mais  présentement  je  parle 
d'un  ton  plus  ferme  contre  la  conjec- 


»  tulé  Catholicon  ,  n'a  jamais  été  cite' 
11  sous  le  nom  de  Jacobus.  Le  second  , 
»  qui  est  auteur  de  la  Légende  dorée  , 
»  n'a  jamais  été  cité  sous  le  nom  de 
»  Joannes-  Le  premier  est  toujours  ap- 
»  pelé  Joannes  de  Janud ,  ou  Januen- 
»  sis  ,  parce  qu'il  était  véritablement 
»  de  Gênes  ,  de  la  famille  des  Balbi.  Le 
»  second  ,  dont  la  famille  est  incon- 
»  nue  ,  est  presque  toujours  appelé 
»  Jacobasde  Voragine ,  très-rarement 
»  Jacobus  Januensis  ;  et  alors  ,  il  faut 
»  ou  sous -entendre  archiepiscopus  , 
»  ou  croire  que  c'est  à  cause  du  peu* 
»  de  distance  qu'il  y  a  de  ce  bourg  de 
»  Ligurie  ,  nommé  Voragine  ,  lieu 
»  de  sa  naissance  ,  jusqu'à  Gênes.  Le 
»  premier  n'était  qu'un  simple  reli- 
»  gieux  jacobin  ,  le  second  a  été  élevé 
m  à  l'archevêché  de  Gênes.  Tous  les 
»  auteurs  ,  et  les  jacobins  entre  au- 
»  très  ,  ont  toujours  distingué  les 
»  noms  ,  le  pays  et  les  ouvrages  de 
»  ces  deux  écrivains.  C'est,  ce  qu'ob- 
»  serve  soigneusement  Leandro  Al- 
»  berti  dans  sa  Description  délia  ri- 
»  viera  di  Genova  di  Ponente.  Jac- 
»  ques  Bracelli  ,  Génois  ,  qui  écrivait 
»  dès  l'an  T43i  ,  et  dont  nous  avons 
»  un  petit  livre  de  claris  Gtnuensi- 
»  bus  ,  n'y  fait  nulle  mention  de  Ja- 
■»  cobus  de  Voragine  ,  parce  qu'il  n'é- 
»  tait  pas  de  Gênes  ,  mais  y  parle  avec 
»  éloge  de  l'auteur  du  Catholicon  , 
»  Joannes  Bal  bus  ,  auquel  il  n'aurait 
))  pas  manqué  de  donner  la  qualité 
»  d'archevêque  de  Gênes  ,  s'il  l'avait 
»  eue  ,  comme  il  la  devait  avoir  ,  sui- 
)>  vant  l'opinion  de  ceux  qui  le  con- 
»  fondent  avec  Jacobusde  Voragine.  » 
Simler  n'a  garde  de  confondre  ici 
deux  auteurs  en  un  ,  puisqu'au  con- 
ture  du  père  Oudiu  :  je  suis  fondé  sur  traire  d'un  il  en  fait  trois;  car  il  parle 
plusieurs  bonnes  raisons,  qui  viennent    de  Joannes  de  Janud,  de  Joannes  Ja 

j.   «._«-     1 i:_ ._    tr\     ir_-    •    l»__t__4»  ..  1  _   7 r>    11  _. 


de  très -bon  lieu  (4).  Voici  l'extrait 
d'un  mémoire  venu  de  Dijon  :  «  Je 
3)  crois  qu'on  pourrait  décider  nette- 
»  ment  que  Joannes  de  Janud  ne 
-»  doit  nullement  être  confondu  avec 
»  Jacobus  de  Voragine.  Le  premier  , 
»  qui  est  auteur  du  dictionnaire  inti- 

**  Leclerc,  d'après  le  père  Lelorjg,  traite  celle 
édition  de  chimérique. 

*2  Joly  dit  que  le  père  Oudin  s'est  rétracté 
dans  le  tome  III  de  son  Commentanus  de  Scrip- 
toribus  ccclesïaslicis ,  imprimé  à  Leipsick  eu 
i"22;  conséquemment  long-temps  après  la  mort 
ie  lîayle,  circonstance  qui  était  a  remarquer. 

(3)  Cave,  de  Scriptor.  ecclesiast. ,  pas-  t5o. 

(4)  Du  savant  M.  de  la  Monnoie. 


nuensis  ,  et  de  Joannes  Balbus  ,  comme 
de  trois  auteurs  différens  (5).  Il  se 
trompe  de  plus  en  plus  ,  en  mettant 
Baldus  pour  Balbus  ,  faute  que  Quens- 
tedt  a  suivie  dans  son  Traité  de  la  Pa- 
trie des  Hommes  illustres  (6).  Marti- 
nius  donne  aussi  dans  les  fautes  de  mul- 
tiplication. C'est  dans  le  catalogue  des 
dictionnaires  dont  il  s'est  servi  pour 
faire  le  sien  ;  il  est  au  commencement 
de  son  Le.ricon  Philologicuni  ,  im- 
primé à  Brème  ,  en  162J .,  rt  puis  aug- 
menté à  Francfort  ,  en  iG55  ,  et  réim- 

(5)  Epilome  BiLliolli-  Gesneii. 
v6)  i'«#.  io'À. 


primé  à  Utrecht ,  l'an  1697.  Il  al- 
lègue le  Catholicon  ,  achève  le  jour 
des  nones  de  mars  ia86  ,  et  cite  les 
propres  paroles  qui  sont  à  la  lin  du 
dictionnaire  de  Joannes  de  Januâ. 
Immédiatement  après  il  allègue  une 
Summa  qu<v  vocatur  Catholico/i  ,  pu- 
bliée par  frère  Jean  de  Janua  ,  et  im- 
primée à  Venise  en  1487-  H  est  clair 
que  ce  ne  sont  que  deux  différentes 
éditions  d'un  même  livre  ,  et  que  la 
première  ne  devait  pas  être  moins  at- 
tribuée à  Jean  de  Janua  ,  que  la  se- 
conde. Martinius  n'y  eût  pas  manqué, 
s'il  avait  su  ce  qui  est  dans  l'article  Ja- 
nua au  Catholicon  achevé  en  1286. 

Je  vois  qu'on  n'est  pas  encore  bien 
d'accord  sur  l'auteur  du  dictionnaire 
qui  a  été  le  premier  intitulé  Catholi- 
con. M.  du  Gange  le  donne  à  notre 
Jean  de  Janua  ,  et  veut  que  ni  Papias 
ni  Ugutio  ,  (pu  avaient  fait  des  com- 
pilations antérieures  ,  n'aient  pas  em- 
ployé ce  titre  (7)  ;  mais  M.  Borrichius, 
qui  a  écrit  après  avoir  lu  la  pré- 
face de  M.  du  Cange  ,  ne  laisse  pas  de 
soutenir  que  Papias  est  l'auteur  du  Ca- 
tholicon ,  et  qu'il  acheva  cet  ouvrage 
l'an  1286  (8).  il  avait  vu  qu'on  soute- 
nait dans  cette  préface  que  Papias 
avait  fleuri  ,  non  en  1200  ,  comme 
l'assure  Tri  thème  ,  mais  en  io53  , 
comme  la  Chronique  d'Alberic  le  jus- 
tifie \  et  néanmoins  il  pose  en  fait  que 
Papias  a  achevé  son  dictionnaire  en 
1-286.  Il  fallait  ,  ou  réfuter  M.  du 
Cange  ,  ou  du  moins  observer  qu'il 
se  trompait-  Ces  ménagemens  et  ce 
silence  ne  font  qu'embarrasser  les  lec- 
teurs. En  tous  cas ,  c'est  une  forte 
présomption  contre  M.  Borrichius  , 
que  de  voir  qu'il  met  la  conclusion  du 
dictionnaire  de  Papias  précisément  en 
la  même  année  1286  ,  que  Joannes  de 
Janud  acheva  son  Catholicon.  Le  mé- 
moire cité  ci-dessus  m'assure  que  Pa- 
pias n'a  point  fait  le  Catholicon  achevé 
l'an  128G,  et  que  Jean  Balbi  est  le 
premier  qui  se  soit  servi  du  titre  de 
Catholicon  à  la  tête  d'un  dictionnaire. 

Il  y  avait  long- temps  que  Barlliius  , 
sans  avoir  consulté  la  Chronique  ma- 
nuscrite d'Alberic  ,  avait  juge  que 
Papias  était  plus  ancien    qu'on  ne  le 


BALDE.  49 

a  vécu  sous  le  pape  Innocent  III,  c'est- 
à-dire  ,  au  commencement  du  XIIIe. 
siècle  ;  mais  Barthius,  au  chapitre  III 
du  IIP',  livre  de  ses  Advcrsaria  ,  le  mit 
sous  l'empire  de  Henri  II  (9)  ,  en  con- 
sidérant que  cetauteurneconduit  que 
jusqu'à  Henri  qu'il  nomme  minorent  , 
ia  liste  ,  qu'il  donne  sous  le  mot  aetas  , 
de  tous  les  princes  des  siècles  passés. 
Il  n'aurait  point  fait  cela  ,  s'il  y  eût  eu 
déjà  plus  de  deux  empereurs  du  nom 
de  Henri.  Il  est  vrai  que  Barthius  se 
fait  un  doute  que  la  prodigieuse  négli- 
gence de  ceux  qui  continuent  ou  qui 
amplifient  les  compilations ,  rend  légi- 
time, généralement  parlant.  C'est  que 
peut-être  Papias  a  laissé  l'article  tetas 
tout  tel  qu'il  Fa  trouvé  dans  quelque 
vieux  dictionnaire  ,  sans  pousser  le 
catalogue  jusques  à  son  temps.  C'est 
ainsi  qu'on  trouve  dans  la  Chronique 
de  l'abbé  d'Ursperg,  en  un  endroit, 
que  l'auteur  était  à  Rome  ,  l'an  1102 
(10)  ;  en  un  autre  ,  qu'il  était  très- 
jeune  ,  in  minoriœtate  ,  l'an  1 198 ,  et 
en  un  autre,  qu'il  fut  fait  abbé  en 
12 15.  Si  le  continuateur  éclaircissait 
les  choses  par  rapport  à  ces  additions  , 
onnerencoutreraitpascesbrouilleries. 

(c))  II  mourut  l'an  1024  :  ainsi  il  semble  que 
la  raison  de  Bartbîns  prouverait  trop. 

(10)  Voje*  Vossius  de  Hist.  lai.  ,  lib.  II, 
cap.  LVII,  et  Btllarm.  Je  Scriptor.  ecclesiast.  , 
pag.  335,  faussement  accuse  par  Zeiler,  de 
Hist.,  pag.  i55  ,  d'avoir  cru  falsifie'  le  nom- 
bre 1101. 

BALDE ,  célèbre  jurisconsulte 
dans  le  XIVe.  siècle,  était  fils  de 
François  Ubaldus  (A) ,  médecin 
de  Pérouse.  Il  étudia  sous  Bar— 
tôle;  et  n'ayant  encore  que  quin- 
ze ans ,  il  lui  proposa  une  objec- 
tion si  embarrassante,  qu'il  fal- 
lut demander  du  temps  pour  y 
penser  ,  et  qu'on  n'en  donna  la 
solution  que  le  lendemain.  Ainsi 
ceux  qui  disent  que  Balde  com- 
mença fort  tard  ses  études  se 
trompent  grossièrement  (B).  Peu 
après  sa  promotion  au  doctorat , 


fait.  Platine  donne  pour  constant  qu'il    il  soutint  des  thèses  que  Bartole 

attaqua  pendant  cinq  heures  de 
suite ,   sans   pouvoir    gagner    la 


Uli 


(7)  Du  Cange,  Prafal.  Gloss 

(8)  Borrich.  Append.  de  Lexiiis  grxcii  rt  la  t. 
a  la  fin  de  ses  Analecta  ad  Coeit.  de  Ling.  lat. 
1683. 


victoire.    Il  plaida  souvent   des 


to.ue  11t. 


5o  BALDE 

causes  contre  Bartole ,  et  il  s'é-    tité  de  livres ,  et  il  n'y  a  nulle 
leva   entre   eux  une   émulation    apparence  qu'il  ait  étudié  seule- 
qui  dégénéra  bientôt  en  haine,    nient  deux  heures  par  jour  (G). 
On   n'en  saurait  douter  ,  quand    Ce  ne  sera  point  lui  qu'on  potir- 
on voit  que  Balde  prend  à  tâche    ra  donner  pour  un  exemple  d'un 
d'offusquer  la  réputation  de  son    auteur   sans   défaut   :  quand    il 
maître.  Ce  qu'on  a  dit ,   que  les    n'aurait  que  celui  de  se  contre- 
Pandectes  de  Pise  ayant  été  con-    dire  ,   il   ne  serait  pas  peu  éloi- 
sullées   au  sujet    de  la   dispute    gné  de  la  perfection  ,  mais  il  en 
qu'ils  eurent  sur  la  leçon  d'une    a  bien  d'autres  (H).  Les    excuses 
loi ,  Balde  se  trouva  convaincu    dont    il    colorait  ses  contradic- 
de    plusieurs    falsifications  ,    et    tions  méritent    d'être    considé- 
qu'il  en  fut  châtié  d'une  manie-    rées  (I).    Il  mourut  le  28  d'avril 
re  ignominieuse  ,  ne  doit  passer    i4oo  (K).   Le  genre  de  sa  mort 
que  pour  une  fable  (C).  Il  ensei-    fut  triste  :  il  aimait  tendrement 
gna  à  Pérouse  ,    et  il  y  eut  pour    un  petit  chien  ,  il  le  caressait  et 
disciple  le  cardinal  de  Beaufort  ,    le  baisait  fort  souvent.  Il  en  fut 
qui  fut  ensuite  le  pape  Grégoi-    mordu  à  la  lèvre  pendant  de  tel- 
le XI.    Il  fut  appelé  à  Padoue  ,    les  caresses:  et  comme  ce  chien  * 
environ  l'an  1  378;  mais  il  quitta    avait  la  rage  en  ce  temps-là  ,   il 
cette  académie  lorsque  Galéas  Vis-   répandit  dans  le  corps  de  Balde 
conti ,  voulant  rétablir  celle  de    un    xenin  subtil ,  qui  ne  fit  au- 
Pavie,  y  attira  à  force  d'argent ,    cun  effet   pendant  long-temps  , 
les  plus  habiles  professeurs  qu'il    mais  qui  enfin  produisit  la  peur 
put    rencontrer.    Une    prompte    de  l'eau ,  et  causa  un  mal  incu- 
repartie  que  fit  Balde,  la  premiè-    rable  (a).   Balde  vécut  soixante- 
re  fois  qu'il  parut  dans  le  collège    seize  ans  (b) ,  et  laissa  deux  fils  , 
dePavie,le  fit  admirer  (D).  Il    qui  furent  bons  jurisconsultes  (c). 
eut  là  un  collègue   redoutable  ,    Zénobius,  l'aîné,  fut   évêque    de 
nommé  Philippe  Cassolus.  C'était    Tipherne  (d). 
un    homme     qui   avait  joint   à       .  SuHa  foi  aw  épitaphe  qu.n  a  extraite 

beaucoup  d'esprit  une  excellente  du  Lantiniana  manuscrit,  Joly  avait  d'abord 

mémoire;    mais    la    bonne 'opi-  dit  que  citait  une  chatte,  et  non  un  chien; 

.  '  .  ta  mais  daas  ses  Corrections  et  additions ,  i\  d\t 

nioil  qu  il   avait   de    Sa   Slimsance  ,jUe  Pcpilaplie  a  ete'  faite  pour  un  seigneur 

l'avant  porté  à  faire  un  défi  ,  il    romain  et  non  pour  Baldus. 

J  i  4.  1    •        A,*  „„„*.:  («>  Tiré  de  Panzirole.de   Clar.  les.  In - 

succoinba  ,  et  sa  gloire  tut  saci  1-    ter^elib.  (  ftv.  /7j  chap_  LXX,  pag.  201  et 

fiée  à  celle  de  Balde  (E).  La  mort    Suw. 

de  ce  Philippe  ne  délivra  point       W  J«*:  J°™.  *J°*.  «*■  V"^^' 

.  ,       \  y  x  (c)  Panzirolus,  de  Clar.   legum  Jnterpre- 

d  inquiétude    son     concurrent;    ti)nis  _  pag  203. 
car  il   y   eut  une  émulation  si      (<t)idem,ibid. 
échauffée     entre    le    professeur       ,A)  R  étaitjih  de  François  Uiat 
qui  lui  succéda,   et  Balde  ,  qu'ils    ^us .]  Remarquez  donc  que  Baldus  est 
introduisirent  la   honteuse  et  la    le  nom  de  baptême  de  ce  junscon- 
pernicieuse  coutume  de  briguer    suite  ,  et  Ubaldus  son  nom  de  fa 
K  ,.  .    P  1  r      mille.     Moreri    rappelle     outre    cela 

des  auditeurs  a  force  de  supph-  pien.e  .  c,est  confondre  le  frère  aîné 
cations.  Balde  gagna  beaucoup  avec  ie  cadet.  Petrus  Ubaldus  était 
de  bien  (F).    Il  a  composé  quan-    le  troisième  fils  du  médecin  Francis* 


BALDE 


eus  Ubalilus,  et  fut  bon  jurisconsulte. 
Angélus  Ubalilus ,  son  frère,  fut  aussi 
un  grand  juriste.  Voyez  Panzirole  au 
chapitre  LXX  et  suivans  du  11e.  livre 
de  Claris  legum  Interpretibus 


lit 

us  constat  quee  supra  âiximus.  M. 
lîaillet  observe  que  la  Mothe-le-Vayer 
et  le  père  Bartoli  semblent  avoir  a- 
dopte  celte  opinion .,  comme  si  le  fait 
était  fuit  avéré  ,....  et  non  pas  un  conte 


(B)  Ceux  qui  disent  que  Baldus  corn-  fait  h  plaisir.  11  les  renvoie  au  presi- 
menca  fort  tard  ses  études  se  iront-  dent  7'iraqueau  ,  et  au  chapitre  VIII 
petit  grossièrement.]  On  a  débite  qu'il     des  Éloges  de  Paul  Jove  (7).  Il  cite  la 


dam  (1).  La  Mothe-le-Vayer  donne  à 
lîartole  un  discours  un  peu  plus  long. 
fous  venez  lard  ,  Balde  ,  vous  serez 
avocat  dans  l'autre  monde.  Sera  venis, 
Balde  ,  eris  advocatus  in  alio  seculo. 
Je  ne  crois  pas  que  si  Bartole  avait 
dit  cela  ,  il  eût  fait  aucune  allusion  à 
la  raillerie  de  Caton.  Ce  censeur  ,  pour 


Balde  fut  un  esprit  avancé*  ,  et  qui 
dura  fort  long-temps  :  Prœcoci  ingénia 
penè  puer ,  non  ad  optimum  modo  frii- 
gem  ,  sed  rarissimo  etiam  naturœ  dono 
ad  longarti  senectutem  pervenit  (8). 

(C)  Ce  qu'on  dit qu'il  se  trouva 

convaincu  de  plusieurs  falsifications.. . 
ne   doit   passer   que   pour   une  fable 


se  moquer  de  l'école  d'Isocrate  ,  disait    (*).  ]  Les  uns  disent  que  la  flétrissure 


que  les  disciples  y  vieillissaient  ,  afin 
d'aller  exercer  leur  éloquence  dans  les 
enfers  ,  en  plaidant  au  barreau  de  Mi- 
nos  (2).  Le  conte  dont  il  est  ici  ques- 
tion n'a  nul  fondement.  Panzirole 
prouve  que  Balde  ,  âge' de  quinze  ans  , 
lit  une  objection  très-embarrassante  au 
fameux  Bartole  ;  qu'à  l'ûge  de  dix-sept 
ans  ,  il  lit  des  leçons  publiques  ;  et 
que  quatre  ans  après  il  fît  un  livre  de 
Pactis  ,  et  un  autre  de  Conslituto  (3). 
Voici  les  paroles  de  cet  écrivain  :  Opi- 
nioni  Bartoli  adeo  argutè  contradixit , 
ut  ille  arguments  acumine  pcterrilus 
responJere  non  poluerit  ,  commenda- 
to  que  juvene  tempus  ad  solvendum 
petiit  ,  et  sequenti  mane  respondil. 
Deindè  17  annum  ingressus  solemni 
inlerpretalione  difficillimam  legem  pu- 
bliée Baldus  explicuit  ;  undè  fabulo- 
sum  est  quod  vu/go  fèrtur  ,  oaldum 
quadragenarium  ad  legum  studia  ac- 
cessisse  (4)-  Le  jurisconsulte  Zazius 


qu'il  reçut  l'obligea  à  s'exiler ,  et  à 
dire  comme  Scipion  l'Africain  ,  qu'il 
ne  voulait  pas  que  son  ingrate  patrie 
lui  fournît  la  sépulture  :  Publiée  tra- 
ductum  patrid  excessisse  ferunt  ,  et 
abeuntem  Scipionis  Africani  verba 
protulisse,  ingrata  patria,  ne  ossa  qui- 
dem  mea  habebis  ,  ac  in  voluntario 
exilio  senem  defunctum  fuisse  (g). 
D'autres  disent  qu'il  fut  condamne'  à 
la  marque  d'un  fer  chaud  sur  le  front , 
et  que  Bartole  le  protégea.  Jason  l'a- 
vait ouï  dire  ,  mais  il  a  eu  grand  tort 
d'immortaliser  cet  ouï-dire  dans  ses 
ouvrages.  Il  ne  faut  jamais  faire  cet 
honneur  à  de  tels  bruits  qu'en  ces 
deux  cas  :  l'un  ,  lorsqu'ils  sont  très- 
vraisemblables  ;  l'autre  ,  lorsqu'on  les 
veut  charger  d'une  note  de  réproba- 
tion ,  c'est-à-dire ,  les  réfuter  et  les 
siffler.  En  ce  dernier  cas ,  il  est  très- 
utile  de  rapporter  ces  sortes  de  tradi- 
tions ,  parce  que  rif  n   n'est  plus  pro- 


rapporte le  même  conte ,  sur  la  foi  de  pre  à  inspirer  de  la  défiance  contre  les 
Paul  Citadin  ,  mais  Tiraqueau  le  re- 
jette comme  une  fable  (5).  Adduce- 
rem  ,  dit-il  (6) ,  quod  de  Baldo  vul- 
gô  'iicitur....  nisi  scirem  hœc  essecom- 
mentitia  ,  et  prorsùs  fabulosa  ,    ut  ex 


(1)  Pamirol.  ,  de  Claris  legum   Interpretib., 
lib.  Il ,  cap.  LXX  ,  pag    201. 

(2)  Plutarclius,  in  Catone,  pag.  35o. 

(3)  Pamir.,  de  Clar.    leg.    Interpretib.  ,  pag. 
2o3. 

^4)  Ibidem,  pag.  200,  soi. 

(5)  Zazius,  apnd   Tiraq.  de  Jure  Primigcnior. 
Prœf.  num.  206. 

(6)  Tiraq.  de  Jure  Primigcnior. ,  Prctf,  num. 

3&t>. 


(-)  Baillet ,  Enf.  célèbr.  ,  pag.  4io. 

(8)  Jusqu'à  soixante-seize  ans. 

(*)  La  falsification  dont  Balde  fut  accusé  re- 
gardait la  loi  credilor  ,  première  au  Digeste  de 
Dtstraclionc Pignorum,  dans  laquelle  il  fut,  mt- 
on  ,  convaincu  d'avoir  supprime  un  n.  Bartole 
prit  la  défense  de  Balde  ,  non  pas  en  niant  le 
f.iit,  mais  en  alléguant  en  faveur  de  l'accusé  la 
loi  Adbeslias  3i,  au  Digeste  de  Punis,  laquelle 
veut  que  lorsque  le  coupable  est  d'ailleurs  un 
sujet  de  grand  mérite,  ou  qui  a  des  talens  extraor- 
dinaires dans  son  art,  on  se  relâche  a  son  égard 
de  la  rigueur  des  lois.  Voyeî  Jean  N"ijn  ,  1.  , 
n.  25  de  sa  Fuiél  nuptiale.  B.K*    crit. 

(9)  Paniir.  d«  Claris  le*.  Interpretib.  ,    p  :., 


5a 


BALDE, 


rapports   de  la  renommée  ,   que  de 
faire  voir  à  son  siècle  la  sotte  et  ridi- 
cule crédulité   des    précédens.    Pour 
prouver  démonstrativement  que  l'ouï- 
dire  de  Jason  est  une  fable ,  il  ne  faut 
point  d'autre  raison  que  celle-ci.  Ja- 
son ne  savait  cela  que  par  oui-dire  : 
si  la  chose  eût  été  vraie  ,  il  1  aurait 
lue  en  cent  endroits.  Balde  vécut  long- 
temps tout  couvert  de  gloire  ;  il  fit  des 
livres  ,  il  réfuta  qui  bon  lui  sembla  , 
il  eut  des  antagonistes  et  des  ennemis 
redoutables.  Tenez  pour  assure  que  si 
l'on  eût  pu  lui  faire  un  reproche  d  in- 
famie ,  on  l'aurait  fait  dans  plus  d'un 
livre.   C'est  là  que  Jason   et  tout  le 
monde  aurait  appris    cette  disgrâce. 
C'est  le  malheur  des  savans  qui  se  dis- 
tinguent beaucoup  ,  et  qui  écrivent 
beaucoup  ;  les  plus  petites  fautes  de 
leur  jeunesse  leur  sont  publiquement 
reprochées  tôt  ou  tard.  Us  se  font  des 
ennemis  parmi  les  auteurs  :  c'est  assez, 
ils   doivent  s'attendre  à  des  romans 
satiriques  ,   plutôt  qu'à  la  discrétion 
de  l'adversaire.  Voilà    comment  Pan- 
zirole  devait  tourner  l'apologie  de  ^ai- 
de :  il  devait  expressément ,  et  d'une 
façon  développée  ,  se  servir  de  cette 
note ,  et  ne  se  contenter  pas  de  dire , 
Çuœ  omnia  falsa  esse  et  alii  potiùs 
evenisse  non   dubito  ,  cùm   nulla  de 
hoc  certa  extel  aucloritas  ,  et  eum  Ti- 
cini  decessisse  constet  (10). 

(D)  Une  prompte  repartie  que  fit 
Balde....  le  fit  admirer.']  Il  était  de  pe- 
tite taille  ,  de  sorte  que  dès  qu'on  le 
vit  dans  l'auditoire  on  s'écria  :  minuit 
prœsentia  fumant.  Il  répondit  sans  se 
décontenancer  :  Augebit  caetera  virlus. 
Panzirole  ajoute  :  Quo  dicto  omnibus 
suî  admirationem  injecit  (i  i). 

(E)  La  gloire  de  Cassolus  fut  sa- 
crifiée a  celle  de  Balde.]  Cassolus  s'é- 
tait engagé  à  répondre  sur-le-champ 
à  tout  ce  qu'on  lui  pourrait  demander 
concernant  les  dernières  volontés.  On 
prit  jour  et  heure  pour  vérifier  s'il  se 
vantait  de  cela  avec  raison.  L'assem- 
blée fut  nombreuse.  Balde  se  lève , 
fait  une  question  à  quoi  on  ne  sait  ré- 
pondre :  il  faut  que  lui-même  montre 
la  loi  qu'il  demande.  Jugez  si  le  dé- 
fiant fut  mortifié.  Philippus,  qui,  ut 
memoriâ  cœleris  antecellebat ,  se  ex 
omnibus  ultimatum  voluntatunt  quœs- 

(10)  Panzirol.   de   Claris  leg.  Interpretibus , 
pag.  202. 

(11)  Ibidem,  pag.  2<>3. 


tionibus  ex  lempore  responsurum  pro- 
cessus est.  Statutd  ad  dicendum  die  , 
cùm  in  magnd  expectatione  esset,  sur- 
gens Baldus  interrogavit ,  ubi  in  jure 
cutltum  reperiretur  ,  parent  non  esse 
ejus  ,  qui  non  vult  ,  ei  ,  qui  non  po- 
test ,  condilionem.  Ad  primant  inler- 
rogalionem  hœsitanle  Philippo  ,  cùm 
Baldus  de  propositd  quœslione  legem 
ostendisset  ,  magnant  gloriant  relu- 
lit  (12). 

(F)  Balde  gagna  beaucoup  de  bien.] 

Les  conseils  qu'il  donna  sur  la  seule 

matière  des  substitutions,  lui  valurent 

plus  de  quinze  mille  écus.  Il  possédait 

plusieurs  terres.  De  jure  respondendo 

immensam  pecuniam   coëgit  ,    qui    ex 

solis    substilulionum    speciebus   plus 

quindecim    millia   aureorum  lucralus 

fuisse  traditur.  Aliunde  prœterea  ex 

innumeris  aliarum  successionum  cri- 

minumque   causis  et  contraclibus  per- 

amplas   opes  accumulaint  (i3).  Il  se 

tenait  dans  une  agréable  maison  de 

campagne  auprès   de  Pavie  ,   d'où  il 

venait  sur  sa  mule  à  l'auditoire.  Do- 

mus  ,   ajoute  Panzirole  (i4)  ,  t'etustate 

vitiala  adhuc  hodiè  pro  re  mentorandd 

ostentatur. 

(G)  //  n'y  a  pas  d'apparence  qu'il 
ait  étudié  seulement  deux  heures  par 
jour.]  Panzirole,  réfutant  cela,  dit 
entre  autres  choses,  que  Balde  ,  fai- 
sant uu  voyage  qui  l'empêchait  de 
donner  à  la  lecture  le  temps  qu'il 
avait  accoutumé  d'y  consacrer ,  di 


sait,  «  chaque  pas  que  fait  mon  che- 
»  val  sont  autant  de  lois  qui  sortent 
»  de  ma  mémoire  :  »  Quoi  gradits 
equus  ambulabat ,  tôt  leges  sibi  exci- 
dere  querebatur  (i5).  C'est  un  signe 
qu'il  avait  acquis  ,  et  qu'il  conservait 
son  savoir  à  force  de  lire. 

(H)  //  a  bien  des  défauts.  ]  H 
avance  mille  choses  singulières,  et 
opposées  au  sentiment  des  autres  ju- 
risconsultes ,  et  il  les  avance  sans 
citer  aucune  loi  :  ce  sont  ses  propres 
fantaisies.  Il  cite  des  lois  qui  ne  font 
rien  à  ce  de  quoi  il  s'agit  :  il  traite  de 
plusieurs  choses  hors  de  leur  place  j 
il  est  trop  sec  sur  le  nécessaire,  et 
trop  prolixe  sur  l'inutile  ;  il  répond  à 
des  questions  que  personne  n'a  jamais 

(12)  Idem,  ibidem. 

(il)  Panzirol.    de  .Claris  leg-   Interpretibus 
pag.  204. 

(i4)  Ibidem  ,  pag.  ao3. 
(i5)  Idem ,  ibidem. 


BALDE. 


53 


faites,  et  il  ne  répond  rien  sur  ce 
que  tout  le  monde  demande  ;  il  se 
confond  lui-même  par  ses  propres 
subtilités  ,  et  il  se  donne  trop  de  li- 
cence :  la  vivacité  de  son  esprit  est 
cause  du  peu  d'uniformité'  de  ses  sen- 
timens.  CUm  paràm  sibi  constans 
sivpenumero  contrarius  reperiatur ,  id 
tamen  non  levitale,  sed  ingenii  subti- 
litate  evenisse  Paulus  Castrensis  au- 
tumat  (16).  Ceux  qui  ont  l'imagina- 


tion vive  ont  ordinairement  peu  de 
mémoire,  et  c'est  ce  qui  fait  qu'ils  ne 
se  souviennent  point  quand  ils  envi- 
sagent d'un  certain  côté  une  ques- 
tion ,  qu'ils  l'ont  autrefois  soutenue 
d'un  autre  sens.  Ils  se  contredisent 
sans  le  savoir,  Ajoutez  à  cela  qu'un 
esprit  subtil  invente  aisément  les 
moyens  de  prouver  et  de  réfuter  les 
mêmes  choses.  Mais  c'est  un  grand 
défaut  que  de  n'être  pas  capable  de 
suspendre  les  effets  de  cette  subtilité  , 
jusqu'à  ce  qu'on  se  puisse  donner  une 
ferme  assiette. 

(  I  )  Les  excuses  dont  il  colorait  ses 
contradictions  méritent  d'être  exami- 
nées. ]  11  disait  que    notre  entende- 
ment change  ,  et  qu'ainsi  il  raisonne 
un  jour  d'une  façon  ,  un  jour  d'une 
autre.  Je  crois  qu'irc  petto  il  se  réser- 
vait le   privilège    qu'il  attribuait  aux 
législateurs.   L  évêque    de   Pavie    de- 
mandait  un   jour  pourquoi   les    lois 
étaient  si  changeantes.   Balde  lui  ré- 
pondit que  les  mêmes  choses  devien- 
nent   licites    ou  illicites  ,    selon   les 
temps.  Un  permet  pendant  la  guerre 
ce  qui  est  défendu  pendant  la  paix  : 
c  est    pourquoi    la    justice    roule   sur 
toutes  les  choses  qui  deviennent  pro- 
pres au  temps  ;  une  telle  conduite  est 
proportionnée  aux  conjonctures  pré- 
sentes, elle  est  donc  juste.  Ceux  qui 
font  les   lois   imitent  les    médecins: 
ceux-ci  permettent,  ordonnent,   dé- 
fendent les  mêmes  choses  ,  selon  les 
temps  et  les  saisons  ,  et  c'est  aux  temps 
qu'ils  prennent  garde.  Ipse  i/uoquc  se 
excusât,  qubd  intellectus  ,  qui  ratio- 
cinatur ,   non   semper  sit  idem  ,    sed 
varius  ;    et    episcopo    ticinensi   sœpè 


medicorum  tempora  h  legum  latoribus 
dicebat  observari  (17).   Ce  fut  la   ré- 
ponse de  Balde  ;  et  voilà  ou  implici  ■ 
tement  ,  ou  explicitement,  le  prin 
cipe   sur    lequel    raisonnent    les   au- 
teurs   qui   se   réfutent    eux-mêmes  , 
quand  ils  ont  à  disputer  contre  deux 
sortes    d'ennemis.    Cette  proposition 
est  vraie    et  bonne  ,  aujourd'hui  que 
je  dispute  contre  Pelage  :  dans  un  an  , 
elle  ne  le  sera  pas  ,  si  je  dispute  con- 
tre Calvin.  Voyez  ce  qui  a  été  dit  ri- 
dessus  (18)    touchant   les   contradic- 
tions des  avocats  ,  et  touchant  l'Apo- 
logie que   Cicéron    en  a  faite.  Je   me 
souviens  d'avoir  lu  que  certains  con- 
troversistes  ,    ne    pouvant    nier    que 
l'Eglise  ne  commandât  certaines  cho- 
ses qui  ne  paraissent  conformes  ni  à 
l'Ecriture,  ni  à  la  primitive  Eglise, 
ont   soutenu   qu'elles  ne   laissent   pas 
d'être  justes  et  véritables,  parce  que 
le  Saint-Esprit,  qui  conduit  l'église, lui 
inspire  dans  chaque  siècle  l'interpré- 
tation  la    plus   propre  au    salut  des 
âmes.     Scripluras     esse     ad    lempus 
adaplatas  et  varie  intellectas  ,    ita   ut 
uno  tempore  secundùm  currenlem  uni- 
versalem  rilum  exponerentur  ,  mulalo 
ritu   iterùm  senlentia  mutaretur(ic)). 
Non  est  miriau  si  praxis  ecclesiœ  uno 
tempore  interpretatur  Scripturam  uno 
modo,  alio   tempore  alio  ;  nam  intel- 
lectus currit    cum   praxi  (20).  J'aime 
cette  bonne  foi. 

(K)  Il  mourut  le  28  d'avril  1400.] 
Son  épitaphe  l'assure  :  Bellamin  s'esi 
donc  trompé  ,  en  mettant  la  mort  de 
Balde  à  l'an  1420  (sr).  Trithème  , 
qui  Ta  mise  à  l'an  i4'î3  ,  a  dit  un 
mensonge;  mais  M.  Moi'cri,  qui  avait 
dit  que  selon  Tritlième  la  mort  de 
Bulile  doit  être  mise  à  l'an  i£a3,  n'a- 
vait point  tort.  L'édition  de  Hollande 
n'a  point  dû  corriger  1423  par  i4o3. 

(17)  Apud  Pamirol. ,  ibidem. 

(18)  Dans  tes  remarques  (B)  el  (C)  de  l'ar- 
ticle de  (Marc)  Antoine  L'orateur. 

(ig)  N'icolaus  Cusanus,  Epist.  II  ad  Bobemos. 

(ao)  Idem  ,  Epist.  VII. 

(21)  Bellarmin.  de  Script,  eccles. ,  pag.  38i. 


BALDE    (  Jacques  )    un    des 


interroganti    cur   loties  lèses    muta- 

rentur  ,    respondit  ;  flagrante     bello  meilleurs  poètes  latins  que  1  Al- 

permittitur   quod  pacis    tempore  non  lemagne     ait    produits    dans    le 

licet  ,  id  ita  justum  esse  ,  quod  cuique  XVIIe.    siècle,  naquit   à    Ensis- 

suo  tempore  expedit  ,  exemplo  emm  heJm    en    i6q3      j,    se  fit  j^sujte 

16)  idem,  ibidem,  l'an  1624.  Il  enseigna  la  rhéto- 


54  BALDUS. 

rique   et   îes   belles-lettres   pen-    tyrœ  ,  ut  ad   Horalii  verba  alludam 
dant  six  ans.  Il  fut  prédicateur    (*)■  Ce/Ît.e. le,t,r?  fut  écrite  le  Ie'.  de 
Ko»  Jo*  annm    otnr^l,,  ™£mo    mars  1644.  Le  jésuite  était  alors  rec- 
teur du  collège  de  Munich  (2). 


bien  des  années,  et  prêcha  même 
à  la  cour  de  l'électeur  de  Baviè- 
re ,   et  il   s'acquit  une  extrême 
réputation  par  sespoésies.  Il  n'y 
eut   pas  jusqu'aux    protestans  , 
qui  ne  les  louassent  d'une  façon 
singulière  (A).  Un  de  ses  derniers 
ouvrages  fut  son  Urania  victrix  , 
seu  Animœ  christianœ  Certami- 
na  adversus  illecebras  quinque 
sensuum  corporis  sui.    Le  pape 
Alexandre  VII  en  fut  si  content, 
qu'il   envoya  sa  médaille   d'or  à 
l'auteur.  Le  père  Balde  la  con- 
sacra à   la    Sainte    Vierge    (B). 
Quelques  sénateurs  de  Nurem- 
berg disputèrent  à  qui  aurait  sa 
plume  (C),  Pt  l'on  dit  que  celui 
à  qui  elle  échut  la  garda  dans  un 
étui  d'argent.    Ce  poète  mourut 
à  Neubourg  le  g  d'août   1668. 
Ses   poésies    sont    de   différente 
nature  :    elles   contiennent    des 
Panégyriques  et  des  Traités  de 
Morale  ,    des  Pièces  de  Théâ- 
tre (D)  et  des  Pièces  de  Dévo- 
tion f   des   Silves  ,    des    Odes  , 
etc.  (c). 

(à)  Tiré  de  Sotuel,   Bibliolli.  script.  Soc. 
Jesu ,  pag-.  356. 


(A)    Les    protestans ,     louèrent 

ses  poésies  d'une  façon  singulière.'] 
Le  père  Sotuel  s'exprime  là-dessus  en 
ces  termes  :  Ipsis  acatholicis  eliani 
adeb  placuerunl ,  ut  publico  typo  eum 
Horatium  Germanum  nominare  non 
dubilârint.  Si  je  ne  me  trompe  ,  cela 
est  fondé  sur  une  lettre  de  6arla?us. 
Le  père  Balde  ,  ayant  vu  les  vers  que 
Barlœus  avait  faits  à  la  louange  du  duc 
de  Bavière  ,  lui  écrivit  une  lettre  fort 
obligeante  ,  et  lui  envoya  un  volume 
de  ses  poésies.  Barlœus  l'en  remercia 
l'encensoir  à  la  main,  et  lui  écrivit 
entre  autres  choses  :  Restituisti  nobis 
lyram  neglectam  diù  et  intermissam  , 
ut  jam  merito  vocari  possis  lyricorum 
scriptor  ,  aut  potiùs  Bojorum  fidicen 


(B)  //  consacra  une  médaille  d'A- 
lexandre Vil  a  la  Sainte  Vierge.] 
Voici  ce  qu'en  dit  Sotuel.  Hanc  verb 
Jacobus  Deiparœ  Virgini  anathema 
appendil ,  ut  yal'ain  faceret  ciu  Pal- 
ladiipse  suos  labores  consecraret(3). 

(C)  Quelques  sénateurs  de  Nurem- 
berg disputèrent  a  qui  aurait  sa  plu- 
me.] Je  ne  sais,  dit  M.  Baillet  (4)  ,  si 
celui  qui  la  conserva  dans  un  bel  étui 
d'argent  fait  exprès  pour  elle  «  ne 
»  commit  pas  un  sacrilège ,  parce 
»  qu'il  me  semble  que  le  père  Balde 
»  l'avait  consacrée  à  la  Sainte  Vierge, 
»  et  que  son  intention  était  qu'elle 
»  fut  pendue  à  quelqu'une  de  ses 
»  images  ,  ou  au  lambris  d'un  de  ses 
»  autels  ,  comme  Lipse  avait  fait  au- 
»  trefois  dans  le  mouvement  d'une 
m  pareille  dévotion.» 

(D)  Ses  poésies  contiennent  des 
pièces  de  théâtre.']  Il  y  en  a  une  dont 
voici  le  titre  :  Poësis  Osca  ,  sive 
Drama  Georgicum  de  Belli  malis  et 
Pacis  bonis  ,  carminé  antiquo  ,  Al- 
lé llano  ,  Osco ,  Casco{5).  Quelque 
rustiques  que  fussent  cette  pièce  ,  et 
le  jargon  Osque  et  Casque,  dans 
lequel  il  la  fallut  composer,  je  ne 
doute  pas  qu'elle  n'ait  coûté  et  plus 
de  temps  et  plus  d'esprit  à  l'auteur  , 
qu'unepièce  grave  et  de  bonne  latinité. 
Il  faut  donc  bien  se  garder  de  croire 
qu'on  l'ait  imprimée  à  Munich  ,  l'an 
1617,  comme  l'assure  le  père  Sotuel. 
A  l'âge  de  quatorze  ans,  Jacques  Balde 
n'était  pas  capable  d'exécuter  un  tel 
projet. 

(1)  Voyez  la  CCCCLXVII*.  Lettre  rffBar- 
lauis  ,  p.  911.  Voyezautsila  CCCCLXXXVII*. 
qui  est  écrite  au  même  Balde. 

(2)  Voyez  la  table  des  Lettres  de  Barlœus. 

(3)  Sotuel,  Biblioth.  Societ.  Jesu,  pag.   356. 

(4)  Jugera,  sur  les  Poêles,  loin.  V,  num.  1507. 
pag.  42. 

(5)  Conférez  avec  ceci  le  Dialogue  de  (Marian- 
gclus)  Accerse,  dont  j'ai  parlé  dans  la  remar- 
que (F)  de  son  article. 

BALDUS  (a) (Bernardin),  abbé 
de  Guastalla  ,  né  à  Urbin  l'an 
i553,  a  été  un  des  plus  savans 

(a)  Son  trisaïeul  quitta  le  nom  de  Canta- 
gallioa  ,  famille  illustre  de  Pérouse ,  dont  il 
descendait,  et  prit  celui-ci.  Fabr.  Scharlon- 
cin.  l'oyez  ci-dessous  la  ciliition  {e 


BALDUS.  55 

hommes  de  son  temps.    Il   fit  de    i58zsurles  Méchaniques cCAris- 
si   grands  progrès  sous  ses  prc-    tôle,  firent  voir  sa  capacité  en 
miers  précepteurs,  qu'il  se  trou-    cette     sorte    de     connaissances, 
va  capable  de  traduire  les  Phé no-   Pour  se  délasser  de  ces  pénibles 
mènes  d'Aratus  en  vers  italiens,    méditations,  il  fit  un  poème  en 
pendant  qu'il  n'était  qu'un  jeune    sa   langue    maternelle    touchant 
écolier.    Son  père  ayant  connu    l'Art  de  naviguer.  Ferdinand  de 
par  ces  coups  d'essai  que  son  fils    Gonzague  ,  prince  de  Molfette  , 
pouvait    aller   loin,    l'envoya  à    et  seigneur  de  Guastalla  ,  aimant 
Padoue ,  l'an    ï5^3  (A).  Bernar-    beaucoup     les    mathématiques, 
din  y  étudia  Homère  ,  sousEina-    voulut  avoir  notre  Baldus  auprès 
nuel  Marguinus   (b) ,   et  en  son    de  lui.  C'est  dans  cette  cour  que 
particulier,  presque  tous  les  au-    Baldus  commença  à  travailler  sur 
très  poètes  grecs,    et  s'en  acquit    Vitruve  ,    et   qu'il  fit  le  livre  de 
une    singulière    intelligence.     Il     Verborum     vitruvianorum    Si— 
composa  à  Padoue  un  livre  des    gnijicatione.  Unemaladie  l'ayant 
Machines  de  Guerre  (c),  qui  fit    empêché  de  faire  le  voyage  d'Es- 
voler  son  nom  au  delà  des  Alpes,    pagne  avec  son  maître  ,  il  em- 
ce  qui   lui  donna   plus   d'envie    ploya  le  loisir  que  l'absence  de 
d'entendre  le  français  et  l'aile-    Ferdinand     de     Gonzague     lui 
mand  ;   car  il  crut  qu'il  était  de    donnait,  à  faire  un    traité  fort 
la  bienséance  de  savoir  la   lan-    méthodique  de   la    Cour(d),  et 
gue  de  ceux  dont  il  avait  acquis    plusieurs  autres  ouvrages  (B).  Il 
l'affection.    Il    apprit    ces    deux    fut    fait   abbé  de  Guastalla ,  l'an 
langues  avec  une  extrême  facili-    i586,  sans  avoir  fait  aucune  de- 
té.    La  peste   le  contraignit   de    mande  pour  cela,   et  dès  lors  il 
quitter  Padoue ,  et   alors   étant    s'appliqua  tout  entier  à   l'étude 
retourné   à  Urbin  ,   il    s'attacha    du  droit  canon  ,  à  celle  des  pè- 
pendant    cinq    ans    à    Frédéric    res  et  des  conciles,   et  à  celle  des 
Commandin*,  excellent  proies-   langues  orientales,  sans  en   ex- 
seur  en  mathématiques,  et  apprit    cepter  l'arabe  (C).    Ayant  com- 
de  lui   toutes  les  parties  de  cette    posé  l'an  tf<)5  cinq  livres  de  no- 
scienee.  Il  eut  un  regret  extrê-    vd  Gnomonice ,  il  traduisit  l'an- 
me    de    la    mort    de   cet    habile    née  suivante  la  Paraphrase  chal- 
h oimne  ,    et  s'étant  appliqué  à    dàique  du  Pentateuque  ,  et  l'ac- 
faire  sa  Vie ,  cela   lui  fit  naître    compagna    de     Commentaires: 
le    dessein  de  composer  celle  de    après  quoi ,  il  traduisit  sur  l'hé- 
lons les  mathématiciens.  Il  y  tra-   breu  le  Livre  de  Job  ,  et  les  La- 
vailla  pendant   douze   ans.    Les    mentations deJérémie,  etyajou- 
Commentaires  qu'il   publia  l'an    ta  des  notes.    Il  employa  quel- 
„     ,  ,      .„ ,     nues  heures  à  l'explication  d'une 

(/<)  C'était  un    Candiol  oui  professait  la       l  .        ....  ,  ■      /T-.V 

langue grecque  à  Padoue.  planche  qui  est  a   Lngubio  (U)  , 

<)  De  Tormenlis  bellicis  et  oorum  Inven-      slll-    hujuelle  OU  voit  des  illSCrip- 

tonW  tions    en  vieux    toscan.  Il  com- 

rr.  Commandin  etjit  mort   en   IJJJ,  la 
peste  de  Padoue  est  de  i5^6;  c'est  donc,  dit 

Joly,  avant  de  retourner  à  Ùrbiu   que  Bal-  (rf;  ftbros  sex  de  Aulà  erudtlSsimos  mc- 

dus  apprit  les  mathématiques  de  Comman-     Utodo  analyiii  ,i   conscripsit.  Scliarloncinus. 
diu  Voyez  In  citation  situante. 


56  B  ALDUS, 

mença  un  fort  grand  travail  en 
l'année  i6o3,  je  veux  dire  une 
Description  du  Monde.  Son 
plan  n'était  pas  moins  historique 
que  géographique ,  et  s'étendait 


animi  alacritale  atque  fiducid ,  ut  au- 
sus  sit  poëmata  grœca  in  nostrum  ser- 
monem  convertere  (2).  Il  avait  traduit 
un  poème  d'Aratus  ,  avant  que  d'aller 
à  Padoue. 

(B)   Il  fit  plusieurs  autres  ouvrages.] 


jusque  sur  les    moindres  bourgs  Cette  remarque  ne  contiendra  que  le 

dont  les  écrivains  modernes  ont  **?  pC,  rtuef  u°8  <]es  e'ci?te,  d« 

!    •      .  ,  •  ti       1  notre  naldus  :  1  entends  ceux  qui  n  ont 

laisse  quelque  mention.  Il  ache-  pas  été  marqués  dans  le  texte  de  cet 

va  cet   ouvrage   à   l'égard   de    la  article,  soit  que  Fauteur  les  ait  faits 


matière  (E) ,  mais  il  ne  le  mit  en 
ordre  qu'à  l'égard  d'une  par- 
lie.  Il  mourut  le  12  d'octobre 
161 7,  après  un  gros  rhume  qui 
avait  duré  quarantejours  (e)  (F). 
Il  avait  été  extrêmement  labo- 
rieux (G),  sans  ambition,  ni 
vaine  gloire  ,  toujours  prêt  à  ex- 


pendant le  voyage  de  son  maître  , 
soit  qu'il  les  ait  faits  en  un  autre 
temps.  Je  dis  donc  qu'il  a  traduit 
Heronem  de  Automatis  et  Balistis  , 
les  Paralipomènes  de  Quintus  Cala- 
ber  ,  et  le  poème  de  Musée  ;  et  qu'il 
a  fait  un  livre  de  Paradoxes  mathé- 
matiques ,  uu  autre  de  Scamillis  im- 
pari bus  Vitruvii,  un  autre  de  Firma- 
mento  et  Aquis,  un  autre  sur  la  Des- 


cuser  les  fautes  d'autrui ,  et  ap-  criP^on  du  temple  qu'L'zéchiel  nous 

puyant    cela    d'une   très-bonne   é£'"°  aatre  f  f  Hi*torif  ?crir 

1    -J        /TTs       c           ,,  oenuœ  Legibus ,  un  autre  des  Antiqui- 

raison  (H;  ;   iort    dévot  ,    non-  tés  de  Guastalla  ■  la  Vie  de  Frédéric 

seulement  pour  un  mathémati—  et  celle  de  Gui  Ubaldus,  ducs  d'Urbin; 

cien  ,  mais  même  pour  un  ho  m-  ^J-c°nomia  troPoloSlca    in  sanctum 


me  d'église  (I). 

(e)  Tiré  d'une  Lettre  de  Fabricius  Schar- 
loncinus  ad  illiistrissimum  Jominum  Lalitim 
Ruinum,  episcopum  balneoregiensem ,  es- 
nuntium  apostolicum  ad  Poloniœ  regem. 
Voyez  aussi  Nicius  Erythrœus,  Pinacotli.  I, 
pag.  4  ,  et  /'Oraison  funèbre  de  Baldus,  par 
Mare  Antoine  Virgilius,  imprimée ,  non  L'an 
1607,  comme  le  dit  M.  Tcissier.  in  Catalogo 
Libliothec. ,  pag.  229,  mais  l'an  1617. 

(A)  Son  père  ayant  connu  sa  ca- 
pacité par  ces  coups  d'essai l'en- 
voya h  Padoue.']  Corrigez  par-là  une 
faute  de  Nicius  Erythraeus.  Je  suis 
Lien  assuré  qu'il  n'a  point  eu  l'inten- 
tion de  diminuer  en  aucune  chose  la 
gloire  de  notre  Baldus 5  et  cependant 
ii  l'a  bien  diminuée  :  c'est  sans  y 
penser  ,  et  pour  n'avoir  pas  assez  pris 
garde  à  l'ordre  des  temps.  Il  a  dit  que 
ce  fut  après  les  leçons  de  Margunius(i), 
qne  Baldus  se  crut  asser  fort  pour 
traduire  des  poèmes  greesen  sa  langue 
maternelle  :  Apud  quem  tantiim  pro- 
fecit  ,  ut  eo  duce  et  cereum  quodam- 
modo  lucenleobscurissima  Grœcorum 
quorundam  poëlarum  loca  penelrave- 
rit......   Quamobrem  ed  est    incensus 

(1)  C'est   ainsi  qu'il  faut   dire ,    et   non    pas 
Margraoius,  comme  ily  a  dans  Erythrajus. 


Matthœum  ;  plusieurs  poèmes  ,  les 
uns  en  latin,  les  autres  en  italien  , 
parmi  lesquels  celui  qui  est  intitulé 
Deïphobe  est  une  imitation  de  la  Cas- 
sandre  de  Lycophron.  Les  remarques 
suivantes  donneront  le  titre  de  quel- 
ques-uns de  ses  autres  livres.  Je  dirai 
ici  que  Nicius  Erythraeus  a  raison  de 
dire  que  la  description  du  temple  est 
une  matière  très-épineuse  •  mais  il  a 
tort  de  prendre  Jérémie  pour  Ézéchiel. 
Jerosolymitani  ,     dit  -  il  (3)  ,    Tem- 

pli descriptioneni  per  Hieremiam 

litteris  consignatam  et  traditam  ,  rem 
involutam  et  multis  dijjicultalibus  ob- 
sessatn  evoh'il ,  illustrant ,  atque  ho- 
minum  intelligenliœ  aperuit. 

(C)  Il  s'appliqua  a  l'étude  des  lan- 
gues orientales  ,  sans  en  excepter  l'a- 
rabe.] Il  l'étudia  à  Borne,  avec  Jean- 
Baptiste  Baimondi,  et  s'y  appliqua  de 
telle  sorte ,  et  à  la  langue  sclavone 
aussi  ,  qu'il  ne  s'informait  presque 
d'aucune  nouvelle.  Romœ  dîim  vi- 
veret  foré  nescii'it  quid  gereretur  in 
aulis  :  arabicœ  enim  linguœ  cum 
J.-Baptisld  Raimondo  diligentissimè 
studuit ,  et  arcana  industrta  sclavo- 
nicœ  ,    quam   perfectè  c  al  le  bat  (fy.  Il 

(?)  Nie.   Erylbr.  Pinac.  \,pag.l\. 

(3)    Idem,  ibidem. 

'4;  Fabricios  Scharloncinus ,  in  ejtts  Vit*. 


traduisit  de  l'arabe  le  Jardin  géogra- 
phique d'un  anonyme,  et  il  composa 
un  dictionnaire  de  cette  langue.  Il 
croyait  que  cet  anonyme  a  vécu  vers 
la  tin  du  Xe.  siècle.  Si  Marc  Velsérus 
ne  fut  pas  mort  ,  il  aurait  fait  impri- 
mer la  version  de  cet  ouvrage  géogra- 
phique ,  et  les  autres  écrits  de  Bal- 
das(S). 

(D)    II    travailla    a    l'explication 
d'une  planche  qui    est   h    Eugubio.~\ 
Schoockius ,    se    souvenant   confusé- 
ment de  ce  travail  de  Bernardin  Bal- 
dus, lui  en  a  attribué  un  autre  qui  ne 
lui    appartenait  pas.  «  È  Sterquiiinio 
»  Anniano  Bernardinus  Baldus  nuper 
;>  collegitAntiquitates  ethruscasanno 
»  i63j,  Florentiœevulgandovolumen 
»  typis   perquàm   elegantibus,  cujus 
»  hœc  inscript  io  :  Elhruscarum  An- 
»  tiquilatum  Fragmenta,  qui bus  urbis 
jj  Romœ  alturumque  gentium  primor- 
»  dia ,  mores  et  tes  gestœ  indicantur  , 
•  a  Curtio  Inghiramio  reperta  Scor- 
nelli  prope  Fullerram  ,  anno  salu- 
»  tis  m.  d.  c.  xxxvn  ;  ethrusco    verô , 
>>  cio  cio  cid  cenr.  xc.v  (6).i>   Un  hom- 
me qui  aurait  su  que  Baldus  mourut 
l'an  1617  ,    aurait-il    pu   faire    cette 
faute  ?  Ce  qu'il  y  a  de  plus  surprenant 
est  que  le  même  Schoockius  ,    après 
avoir  parlé  de  la  sorte  dans  la  page 
67  ,  parle  comme  il  faut  dans  la  page 
217.  Simili  ratione  egit   Bernardinus 
lialdus  ,  vir  cœteroquin  longe  doctis- 
simus  ,   annis  abhinc  fermé  quinqua- 
ginta   emilgando  suant    quasi  divina- 
itonem  in  tabulant  reneam  Eugubinam 
lingud   etruscâ    veteri    perscriptam  , 
simul  abutendo  operâ  Marci   Velseri 
viri  cœteroquin  judiciosissimi^).  Pour- 
quoi donc  n'alla- t-il  point  corriger  son 
illusion  ?  Il  l'avait  peut-être  oubliée  , 
comme  cela  n'arrive  que  trop  souvent 
à  ceux  qui  se  piquent  d'écrire  beau- 
coup. Il  ne  saurait  guère  soutenir  ce 
personnage ,    sans  copier   à    la   hâte 
tout    ce     qu'il   trouve    dans     toutes 
sortes   de    livres.    Voici    ce    que    dit 
Scharloncinus   touchant  cet  ouvrage 
de  Baldus.    Tabulant    etruscam   Eu- 
gubinam  inlerprelatus     fuit  :    in    ed 
iiulem    divinalione ,   ut  aiebat ,    sub- 
'  isiuas  unius  mensis  horas  consuntpsit. 
On  a  fait  paraître  notre   Baldus   dans 

(5)   Idem,  ibidem. 

(d)  Schoockius,  de  Fabuli   Hameleiui ,  pag. 


BALDUS. 


S? 


(-)  /•/. .  ibid. ,  p.ig.  .  1-. 


la  nouvelle  édition  de  YEponymolo- 
gium  de  Magirus  :  ce  n'est  que  pour 
le  faire  publier  un  livre  Fan  1637, 
celui-là  même  que  Schoockius  lui 
attribue.  N'est-ce  pas  avoir  bien 
choisi? 

(E)  Il  acheva  la  Description  du 
monde  a  l'égard  de  la  matière."]  Voici 
ce  que  nous  apprend  son  historien. 
Tolum  opus  ad  umbilicum  perduxit  : 
non  digessit  tamen  universum ,  qua~ 
tuor  aut,  nîfallor,  quinque  tanlum 
tomi  fuerunt  ordine  alphabet ien  dis- 
posai :  superessent  septem  aut  octo 
disponendi,  quantum  ex  chartarum  et 
fasciculorum  mole  conjicere  licet.  Je 
ne  crois  pas  que  Fabricius  Scharlon- 
cinus ait  donné  une  liste  défectueuse 
des  ouvrages  de  notre  Baldus  ;  mais, 
selon  la  mauvaise  coutume  de  la  plu- 
part de  ceux  qui  donnent  ces  sortes 
de  listes ,  il  ne  distingue  point  les  li- 
vres qui  ont  été  imprimés  d'avec 
ceux  qui  ne  l'ont  pas  été  (8).  Je  n'ai 
point  copié  toute  sa  liste. 

(F)  //    mourut après  un  gros 

rhume  qui  avait  duré  quarante  jours.  ] 
C'est  ai n.siqne  j'ai  cru  pouvoir  traduire 
les  paroles  de  Scharloucinus  :  Postea- 
quam  dics  4»  vehemenli  distillatione 
vexatus  fuisset.  Vossiusa  entendu  par 
distillatio  un  caterre ,  et  il  n'a  point 
tort  de  prétendre  que  ces  deux  mois 
sont  synonymes.  Celui  de  rhume  m'a 
paru  plus  convenable,  car,  ordinai- 
rement ,  les  caterre;  ne  durent  pas 
quarante  jours.  M.  Moréri  ,  par  un 
grand  abus,  a  trouvé  ici  une  apo- 
plexie de  quarante  jours. 

(G)  //  avait  été  extrêmement  labo- 
rieux.] Il  se  levait  à  minuit  pour 
étudier,  et  il  lisait  même  en  man- 
geant. In  studiis  sic  assiduus  fuit  , 
nt  sœpè  et  légère t  et  comederel.Sanc- 
ti  Augustini  de  Civitate  Dei  ter  in- 
ter  prandium  evolvit  ■  statim  h  noc- 
tis  meridiè  dum  ei  vires  Jirmiores 
essent  ad  lucubrandum  surgebat  9). 
11  comptait  un  Euclide  traduit  en 
arabe  pour  un  de  ses  livres  de  ré- 
créa lion.  A  prandio  Euclidem  ara- 
bica editum  ,  vel  libellum  aliquem 
germanicum,  aut  gallicum  ,  in  manus 
sumebat   (io-i5).   Heureux  ceux    qui 

(9)  f  ot  rz  ci~aessut    le  commencement  de  ta 
remarque  (F.)  de  l'article  (fAtritÉoi  . 
(9)  Scharloncinus,  in  Vitâ  Baldi. 
(  1 0- 1 5)  Idem  ,  ibid. 


53 


BALESDENS. 


peuvent  tant  travailler  sans  préjudice    non-seul  émeut  avec  joie  ,  mais  aussi 
ne  leur  santé  :  avec  vénération  (20).  Avecde  la  joie, 

je  n'en  cloute  pa3  ,  car  c'est  le  propre 
des  enfans  de  tressaillir  à  la  vue  des 
dorures  ,  et  des  ornemens  et  des  ima- 
ges :  pour  la  vénération  ,  c'est  une 
autre  chose  ;  ils  n'ont  tout  au  plus 
que  les  mouvemens  machinaux  à  quoi 
on  les  dresse.  Notre  Baldus  mourut 
bien  muni  de  tous  les  sacremens  de 
l'Eglise,  et  entre  les  bras  des  moines. 
Spiritum  Deo  reddidit  sacramentis  Ec- 
clesiœ  omnibus  rite  munitus  (21). 
Quemadmodiim  sanctissimè  vixerat  , 
ila  eliam  sanctissimè  in  complexu  cu- 
cullatorum  patrum  extremum  \>ilœ  spi- 
ritum edidil  (22). 


Felices  quibus  isia  licent,  miramur  et  illos 
Et  noslri  miseremur. 

(H)  Il  était  toujours  prêt  a  excuser 
les  défauts  d'autrùi.  .  ■  .  et  cela  pour 
une  très-bonne  raison.  ]  «  Si  nous  re- 
»  connaissions  à  nu,  disait-il,  ceux  que 
)>  nous  prenons  pour  les  plus  honnêtes 
»  gens  ,  nous  n'en  trouverions  point 
»  qui  ne  nous  parussent  dignes  du 
»  fouet.  »  Facile  parcendum  esse  di- 
cebat  Us  maxime  qui  in  re  levi  impe- 
gissent ,  quoniam  si  quos  censemus  op- 
tirnos  nudos  conspiceremus  ,  nullum 
eorum  nonjudicaremus  multis  dignum 
verberibus  (16).  Cela  pourrait  être  ou- 
tré :  il  vaudrait  donc  mieux  peut-être 
•s'en  tenir  à  la  maxime  du  cardinal 
Mazarin.  Il  disait  que  les  plus  habiles 
gens  étaient  comme  les  victimes  ,  qui  , 
pour  si  exactement  qu'elles  eussent  été 
choisies  ,  avaient  toujours  quelque 
chose  de  mauvais  ,  quand  on  en  exa- 
minait les  entrailles  (17).  Je  me  sou- 
viens ,  à  ce  propos  ,  d'un  endroit  du 
père  Rapin,  qui  me  parut  fort  sensé  la 
première  fois  que  je  le  lus.  C'est  une 
pensée  dont  il  se  sert  pour  faire  l'a- 
pologie de  Cicéron.  //  se  passe  ,  dit-il 
(18)  ,  dans  le  fond  de  l'âme  des  plus 
grands  hommes  ,  de  certaines  choses 
que  si  l'on  pouvait  voir  ,  on  trouverait 
qu'ils  sont  faibles  comme  les  autres  ...; 


(ïo)  Scharloncinus,  in  ejus  Vitâ. 

(21)  Id.  ,  ibid. 

(11)  Nie.  Erythraeus,  Pinacoth.  I,  pag.  7. 

BALESDENS  *  (Jean  ),  avocat 
au  parlement  de  Paris  et  au  con- 
seil ,  était  de  Paris.  Il  fut  reçu 
à  l'académie  française,  environ 
l'an  i647  >  à  'a  place  de  Malle- 
ville  ;  et  s'il  n'avait  pas  cédé  ses 
prétentions  à  M.  Corneille  (A)  , 
il  eût  succédé  à  Mainard  ,  qui 
était  mort  avant  Malleville  II 
avait  le  chancelier  Séguier  pour 
son  Mécène  (a).  Il  a  publié  di- 


et  que  souvent  la  réputation  ne  vient  vers    ouvrages ,    dont    il    n'était 

point    tant    aux   héros  par  l'adresse  _    ■    .  i>      .  /t>\     ti  ' 

••»       .  j    f  ■  y,         ,  1/  point  1  auteur  (r>).  11  a  vécu,  ce 

qu  ils  ont  de  jaire  voir  leurs   belles  J  .  v    '  '    , 

qualités  que  par  celle  qu'ils  ont  de  ^    semble,  jusque  vers  1  année 

cacher  les  mauvaises  ,  et  de  ne  se  pas  1676  (b).    Je    n'ai   point   trouvé 

laisser  pénétrer.  son  nom  dans  la  Requête  des  Dic- 

(  I  )  //  était  fort  dévot ,  non-seule-  tionnaires  .  cependant  il  devrait 
ment  pour  un  mathématicien   ,    mais  .  ,         /     _  j-,  .  _ 

même  pour  un  homme  d'église.  ]  Il  y  etre>  selon  le  Menagiana  (C). 

jeûnait  deux  fois  la  semaine  5  il  com-  H  avait  demeuré   au  collège  de 

muni, lit  tous  les  jours  de  fête  (19),  et  il  Harcourt  (D). 
était  fort  charitable  envers  les  pau- 
vres. Sa  mère  disait  qu'à  l'âge  d'un  an         *  Leclerc  dit  qu'il  faut   écrire  Ballesdens 

il  regardait  les  autels  et  les  images  ,  et  prononcer  Baledan. 

(a)  Voyez  /'Histoire  de  l'académie  fran- 
çaise ,  pag  .  23o  et  258. 


(16)  Scharloocinns ,  in  Vitâ  Baldi. 

(17)  Voyez    la    préface  des    Mémoires     de 
SI.  ('.banni. 

*  18)  Dans  la  Comparaison  de  Démoslhène  et 
Je  Cicéron. 

(ig)  Cesl  ainsi  que   je    traduis    diebns  festis 
omnibus  sacrum  faciebal,  paroles    qui  peut-être 

ne  veulent  dire  sinon  qu'il  officiait  tous  les  jours  Corncille.^Vo'lcice  qu'en  dit  l'historien 
deféle.  Mais  on  ne  saurait  nier  que  ce  que  je  j  pacaf]emie.  «M.  Corneille  fut 
dis  ne  soit  contenu  dans   le   latin  de  Scbarlon-  ..  ,     ,,    „.   .  -, 

cinus.  »  reçu  ensuite  au  heu  de  M.  Jlainam 


(b)  .L'Etat  de  la  France  en  1680  ,  dans  la 
liste  des  académiciens  morts ,  met  Balesdens 
entre  Conrart  et  Des  Murets.  Conrart  mou- 
rut en  septembre  1675. 

(A)    Il   céda  ses  prétentions  h  M. 


»  M.  de  Balesdens  avait  été  proposé 
■»  aussi  ;  et,  comme  il  avait  l'honneur 
»  d'être  à  M.  le  chancelier  ,  l'acadé- 
3)  mie  eut  ce  respect  pour  son  protec- 
»  teur  ,  de  députer  vers  lui  cinq  des 
■»  académiciens  ,  pour  savoir  si  ces 
n  deux  propositions  lui  étaient  égale- 
»  ment   aeréables.    M.   le    chancelier 


BALESDENS.  5g 

Marolles  rapporte  qua  Dalesdens  lui 
avait  donné  diverses  lettres  écrites  d'un 
style  figure  ,  sans  parler  d'un  très- 
grand  nombre  d autres  ,  dont  il  se  pro- 
posait de  faire  plusieurs  volumes ,  tant 
le  nombre  en  était  prodigieux  (4). 

(C)  Son  nom  devrait  être  dans  la 
Requéledcs  Dictionnaires,  selon  leMé- 


«  témoigna  qu'il    voulait   laisser  une  nagiana.  ]   En  effet  ,  on  y  trouve  ces 

»  entière  liberté  à  la  compagnie  ;  mais  paroles  :  Les  premiers  vers  que  j'aie 

»  lorsqu'elle  commençait  à  délibérer  faits   (  c'est  M.  Ménage  qui  parle  )  , 

»  sur  ce  sujet  ,  M.  l'abbé  de  Cerisy  lui  sont  la  Requête  des   Dictionnaires.  Je 

i   présenta  une  lettre  de  M.  de  Baies-  cherchais    des    rimes  pour  Vachever. 

»  dens  ,  pleine  de  beaucoup  de  civi-  M.   du   Puy   m'envoya  Claqucdent , 

«  lités  pour  elle  ,  et   pour   M.    Cor-  pour  ri  mer  a  Balesdent  (5).  M.  Ménage 

»  neille ,  qu'il  priait  la  compagnie  de  avait  la  plus  heureuse  mémoire  du 

'■>  vouloir  préférer  à  lui  ,   protestant  monde ,  mais  cela  n'empêche  pas  qu'il 

»  qu'il   lui    déférait    cet    honneur   ,  n'ait  pu  prendre  l'un  pour  l'autre  dans 

»  comme  lui  étant  dû  par  toutes  sor-  les  choses  mêmes  qui  le  regardaient 

»  tes  de  raisons.  La  lettre  fut  lue  et  personnellement.  Je  ne  crois  pas  qu  il 

»  louée  par  l'assemblée  ,  et  depuis  il  ait  demandé  la  rime  enquestion  pour 


»  (i)  fut  reçu  en  la  première  place 
»  vacante  ,  qui  fut  celle  de  M.  de 
»  Malleville  ;  mais  je  ne  trouve  pas 
»  en  quel  jour  ;  car  depuis  ce  temps- 
«  là  ,  les  longues  et  fréquentes  indis- 
»  positions  du  secrétaire  de   l'acadé- 


la  fin  de  sa  Requête  des  Dictionnaires  , 
car  cette  incomparable  satire  fut  ache- 
vée avant  que  Balesdens  entrât  dans 
l'académie.  11  n'y  entra  qu'en  1647  , 
ou  1648  ,  et  cette  Requête  fut  ache- 
vée environ  l'an   1642.   Je    le  prouve 


»  mie    ont    laissé  beaucoup  de   vide  par  l'Histoire  de  l'académie.  M.  Pellis- 

»  dans  les  registres  (2).  »  son  rapporte  que  M.  Ménage  supprima 

(B)  //  a  publié  divers  ouvrages  dont  cette  Requête,  après  l'avoir f aile  :  elle 

il  n'était  point  l'auteur.  ]   M.  Pellisson  est  demeurée  ,  poursuit-il  ,  J>lus  de  dix 


donne  la  liste  de  tout  ce  que  Balesdens 
avait  publié  (3).  On  va  la  voir.  <c  II  a 
»  traduit  le  livre  intitulé  le  Miroir  du 
)<  Pécheur  pénitent  ,  et  a  donné  au 
»  public  les  manuscrits  suivans  ,  d'en- 
»  tre  plusieurs  autres  qu'il  avait  ra- 
»  massés.  Cartiludium  Logicœ  ,  seu 
»  Logica  memorativa  ,  vel  poëtica  , 
»  R.  patris  Thomœ  Murner  ,  curu  no- 
»  lis  et  conjecturis;  Rudimenta  cogni- 
»  tionis  Dei  et  sut ,  Pétri  Seguierii 
»  prœsidis  infulali  ;  Elogia  clarorum 
3>  F'irorumJoannis  Papirii  Massonis, 
3>  en  deux  volumes  ;  Gregorii  Turo- 
nensis  opéra  pia  ,  cum  Kitis  patrum 
3)  sui  temporis  ,  en  deux  volumes  •  les 
3)  actes  du  Transport  du  D auphiné fait 
»  à  la  couronne  de  France  ;  Traité  de 
33  l'eau-de-vie  ,  par  M.  Jean  Bronaut 
33  médecin  du  roi.  Il  a  fait  aussi  impri- 
3>  mer  les  Fables  d'Esope  en  fran- 
»  cais  ,  de  sa  correction  ,  pour  l'in- 
3)  struction  du  roi  ,  avec  des  Maxi- 
33  mes  politiques  et  morales.  »  M.  de 

(1)  M.  Balesdens. 

(9)  Pellisson  ,  Histoire  de   l'Académie  franc. , 
pag.  22çj  et  23o,  édition  de  1672  ,  j/1-12. 
Ci)  Là  même,  pag.  358. 


ans  cachée  parmi  ses  papiers  ,  jusqu  a 
ce  qu'une  personne  qui  les  avait  tous 
en  garde  se  laissa  dérober  celui-là  par 
quelqu'un  que  nous  connaissons  ,  qui 
en  donna  bientôt  plusieurs  copies  (6). 
M.  Pellisson  avait  dit  dans  la  même 
page  ,  qu'on  imprimeur  avait  publié 
naguères  en  petit  cette  Requête  ,  avec 
beaucoup  de  fautes  ,  et  que  depuis  elle 
avait  été  imprimée  plus  correctement , 
in-quarto.  Sans  doute  ,  par  cette  im- 
pression plus  correcte  ,  il  entend  l'é- 
dition des  Miscellanea  de  M.  Ménage  , 
quiparutl'an  i653.  En  tous  ras,  Pan 
née  i65a  est  l'époque  du  livre  de  M 
Pellisson  ;  et ,  par  conséquent  ,  la  Re- 
quête des  Dictionnaires  fut  achevée 
dès  l'an  1642  (7).  On  pourrait  dire 
que,  lorsque  M.  Ménage  se  lassa  de  te 
nir  celte  pièce  supprimée  ,  et  qu'il  se 

(4)  Pans  le  dénombrement  de  ceux  qui  loi 
avaient  donne  de  leurs  livres. 

(5)  Ménagiao-i,  pag.  igo  de  la  première  c'di 
lion  de  Hollande. 

(G)  Pellisson  ,    Histoire  de  l'Acad.  française 

P"S-  '.'' 

(7)  Touchant  celle  Requête  des  Dictionnaires, 
voyez  plusieurs  faits  curieux  dans  l  Ant:-îîaillet, 
tom.  I ,  cliap.  LXXXII. 


6o 


BALMIS. 


résolut  de  la  publier  lui-même  parmi    sit  en  latin   plusieurs    Commen- 


ses  autres  poésies  ,  il  la  voulut  allon- 
ger ,  et  y  faire  entrer  les  nouveaux 
membres  de  l'académie ,  et  que  si  Ton 
n'y  voit  pas  Balesdens ,  c'est  parce 
que  la  rime  envoyée  par  M.  du  Ptiy  ne 
plut  pas  ,  ou  fut  trop  malaisée  à  pla- 
cer. Sur  ce  pied-là  ,  Balesdens  aurait 
eu  l'obligation  à  son  nom  de  n'avoir 
pas  reçu  un  coup  de  massue  dans  la 
Requête  des  Dictionnaires,  et  ce  nom, 
si  intraitable  par  rapport  aux  rimes  , 
aurait  produit  un  eflèt  bien  plus  fa- 
vorable que  ne  firent  celui  de  Tutica 


taires  d' Averroës  sur  Aristote 
et  quelques  Ouvrages  d'Avem 
Pace ,  et  il  fit  de  son  chef  un  li- 
vre de  Démons tratione ,  et  un 
autre  de  Substanliâ  Orbis.  Con- 
sultez la  Bibliothèque  de  Gesner, 
et  la  Bibliothèque  rabbinique  de 
Bartolocci.  N'oublions  pas  qu'il 
enseigna  dans  l'académie  de  Pa- 
doue  (a) ,  et  qu'il  se  plaisait  beau- 


nus  (8) ,  et  celui  d'Earinus  (9)  :  mais    coup   plus  à  réfuter   ce   que   les 
je  ne  pense  pas  qu'on  doive  recourir  à    autres   avaient    dit,  qu'à   établir 


ela  ,  ajoute  que  1  note  ae  ça-    mcta  ori„inem  (2\  Je  m'étonne  que  k 

était  un  bonhomme  appelé  le    T        .     °{  Léonard  Nicodème  n'aient 

depuis  docteur  en  théologie  .t        ...  de  lui  jans  ja  Biblioteca 


cette  supposition  ,  car  la  requête  im- 
primée l'an  i652  ne  contient  le  nom 
d'aucun  académicien  qui  fût  entré 
dans  l'académie  depuis  l'an  i64o.  Ce- 
pendant ,  parmi  ceux  qui  y  entrèrent 
depuis  cette  année-là ,  il  y  en  avait  qui 
prêtaient  le  flanc  à  M.  Ménage  autant 
qu'il  le  pouvait  soubaiter.  Le  bon  M. 
du  Rier  était-il  un  traducteur  sans 
reproche  ? 

(D)  //  avait  demeure  au  collège  Je 
Barcourt.'l  M.  de  Marolles  ,  qui  m'ap- 
prend cela  ,  ajoute  que  l'hôte  de  Ba- 
lesdens 
Landez 

et  oncle  des  deux  Mazures  ,  curés  de 
Saint-Paul  ,  l'un  après  Vautre  (10).  Il 
dit  que  Balesdens  était,  dece  temps-là, 
d'une  humeur  gaie  ,  et  d'un  entretien 
divertissant. 

(8)  Qitbd   minus  in  nostris  panaris,    amice  , 

UbelUs  , 
Noinims   eJJîcUur   condilione  lui. 

hex  pedis  officio  ,  naluraque  nominis  obslat, 
Qnaque  meos  adeas  est  via  nulla  modot. 
Ovidius  de  Ponto,  lib.  IF,  Eleg.  XII. 

(9)  Nomen  nobile  ,  molle,  deltcalum 
Versu  dicere  non  rudi  volebam. 
Sed  lu  syllaba  conlumax  répugnas. 

Martial ,  Epigr.  XII,    lib.  IX. 

(10)  Mémoires  de  Marolles,  pag.  3a,  à  Vann. 
1616. 


quelque  chose  de  certain  (C). 

(a)  Simon,  Histoire  critique  du  Vieux 
Testament,  pag.  536. 

(A)  Il  était  né  à  Lecci.}  Vous  trouve- 
rez ces  paroles  dans  la  Bibliothèque  de 
Gesner  :  Ibidem  (1)  hic  auctor  natuni 
se  scribit  in  iÀtio,  civitate  agri  salen- 
tini  ,  quœ  h  Brundusio  ,  Hydrunto  et 
Graiâ  Gallipoli  i\  miliaribus  distat  , 
eodem  in  Loco  sitâ  ubi  olim  Rudia; 
patria  Ennii  ,  ex  reliquiis  Rudiarum 


point  par 
napolelana. 

(B)  //  composa  une  Grammaire  hé- 
braïque. ]  Il  l'intitula  Mikne  Abram  , 
c'est-à-dire  ,  la  possession  d'Abra- 
ham. Le  père  Bartolocci  se  trompe  , 
quand  il  dit  que  Daniel  Bomberg  la 
traduisit  en  latin  (3).  S'il  eût  consulte 
la  préface  ,  il  aurait  vu  que  Daniel 
Bomberg  fit  faire  par  d'autres  cette 
traduction.  Premièrement ,  il  se  ser- 
vit de  l'auteur  même  ,  et  le  pria  de 
traduire  mot  pour  mot.  Cette  rigueur 
fut  observée  pendant  quelque  temps  : 
l'auteur  se  donna  ensuite  plus  de  li- 
berté ,  pour  avoir  quelque  élégance  ; 
après  sa  mort ,  Calonyme,  qui  acheva 
la  version  ,  se  donna  infiniment  plus 
de  carrière ,  et  Bomberg  ne  s'y  opposa 
pas  (4).  Ceci  nous  montre  que  de  Bal- 


BALMIS  (Abraham  de),  méde- 
cin juif,  né  à  Lecci  (A) ,  dans  le 
royaume  de  Naples ,  florissait  à 
Venise ,  au  commencement  du 
XVIe.  siècle.  Il  composa  une 
Grammaire  hébraïque  (B) ,  qui 
fut  imprimée  en  hébreu  et  en 
latin  ,    à    Venise  ,    par    Daniel    „ 

'  '     -l  1     .         folio  1  ,  un  fragment,  de  la  préface,  qui  apprend 

Bomberg,  Lan  1 020.    Il  tradui-  Jceci. 


(1)  C'est-à-dire,  dans  la  préface  de  sa  traduc- 
tion des  Commentaires  d'Averroês  in  Analytica  , 
Topica ,  etc.  ,  Aristotelis ,  imprime'  à  Venise  , 
l'an  i5î3. 

(2)  Gesner.  ,  in  Biblioth.  ,  folio  1  verso. 

(3)  Julius  Bartoloccius  ,  Bibliotli.  magna  Eab 
bin.  ,  tom.  I ,  pag.  34 

(4)  Fojez  dans  la  Bibliothèque  de    Gesner  , 


BALTIIASAR. 


(3i 


mis  n'était  plus  en  vie  l'an  i523.  M. 
Simon  dit  que  la  version  de  cette 
grammaire  est  mot  à  mot  ,  et  fort  bar- 
bare (5j  ;  qu'i/y  a  ,  a  la  vérité  ,  peu 
de  méthode  dans  cet  auteur ,  jnais  qu'il 
fait  paraître  d'ailleurs  une  grande  éru- 
dition ,  et  qu'iZ  reprend  en  une.  infinité 
d'endroits  les  erreurs  des  grammairiens 
qui  ont  écrit  avant  lui  (G).  M.  lluet 
rapporte  très-fidèlement  ce  qui  con- 
cerne la  version  latine  (7).  Il  dit  que 
Balmis  la  commença  ,  et  que  Calos 
Calonymos  l'acheva  ,  et.  que  le  pre- 
mier la  fit  barbare  et  plus  obscure  que 
l'original  ;  mais  que  le  second  ,  vou- 
lant éviter  les  défauts  de  l'autre  ,  se 
jeta  dans  l'extrémité  opposée. 

(C)  //  se  plaisait  beaucoup  plus  à 
réfuter....  qu'à  établir  quelque  chose 
de  certain.  ]  Munster  lui  fait  ce  re- 
proche. Abraham  de  Balmis  ,  dit-il  , 
(8)  nihil  altud  augere  mihi  l'isus  est 
quant  ueterum  doctrinam  perpétua  con- 
uellere  atque  impugnare ,  magis  in  in- 
sectando  occupatus,  quant  in  docendo. 
Al  in  dubium  tantum  vocare  prisco- 
rum  prœcepliones  ,  cùnt  intérim  nihil 
certi  statuas  ,  non  dicere  est  ,  sed 
rider e. 

(5)  Simon,  Hist.  critique  du  Vieux  Testament, 
pag.  536. 

(b)  Là  même,  pag.  278. 

i~)  Huetius  de  Clar.  Interprelibus ,  pag.  1S6 
«187.  M.  Baillet,  Jugement  des  Savans,  ton». 
I ,  num.  724,  pag  20O,  lui  /ait  dire  que  celte 
^  ersion fui  faite  par  un  anonyme. 

(8)  Munster ,  in  Prœfal.  Grammat.  Eli* , 
npud  Spizelii  Felicem  Litleratum,  pag.  g58. 

BALTHASAR  (Christophle)  a 
été  un  homme  d'érudition  et  de 
mérite  dans  le  XVIIe.  siècle.  Il 
s'appliqua  principalement  à  l'é- 
tude de  l'histoire  ecclésiastique  , 
et  ce  fut  cette  application  qui 
lui  donna  un  fort  grand  dégoût 
pour  la  religion  romaine ,  et  un 
grand  désir  d'embrasser  la  reli- 
gion protestante.  Il  avait  une 
charge  considérable  dans  le  pré- 
sidial  d'Auxerre  (a),  et  comme 
il  fallait  se  résoudre  à  la  quitter, 
ou  à  ne  changer  pas  de  religion  , 
il  fut  quelque  temps  dans  l'em- 
barras de  cette  alternative  ;  mais 

-■    C'était  celle  d'avocat  du  roi. 


enfin  la  conscience  gagna  le  des- 
sus, et  l'obligea  de  quitter  Auxer- 
re  ,  ses  biens  ,  sa  charge  ,  ses  pa- 
rens  ,  ses  amis  ,  et  de  s'en  aller  à 
Charenton  ,  où  il  s'agrégea  pu- 
bliquement à  l'église  réformée  *. 
Il  y  a  persévéré  j  usques  à  sa  mort, 
et  a  édifié  ses  frères  ,  tant  par  sa 
bonne  vie  ,  que  par  ses  discours. 
La  dépense  qu'il  fallait  faire  à 
Paris  étant  trop  grande  pour  l'é- 
tat où  il  se  trouvait,  et  sa  con- 
version le  commettant  trop  dans 
une  ville  comme  celle-là  ,  il  crut 
qu'il  ferait  bien  de  se  retirer 
dans  quelque  province,  et  il  fut 
ravi  de  se  voir  attirer  à  Castres  , 
par  un  jeune  et  riche  conseiller 
delà  chambre  mi-partie  de  l'édit 
(b) ,  qui  le  logea  dans  sa  maison , 
et  qui  lui  donna  une  pension 
raisonnable.  Ce  conseiller  s'esti- 
mait heureux  d'avoir  chez  soi  un 
savant  homme  qui ,  par  ses  in- 
structions et  par  sa  conversation, 
lui  pouvait  apprendre  mille  bel- 
les choses.  Mais  comme  M.  Bal- 
thasar  voulait  travailler  pour  le 
public ,  il  souhaita  d'avoir  tout 
son  temps  en  sa  propre  disposi- 
tion ,  et  ainsi  il  se  sépara  de  son 
conseiller.  Son  dessein  fut  favo- 
risé par  le  synode  national  de 
Loudun  l'an  i65g  ,  car  cette  as- 
semblée lui  accorda  une  pension 
de  sept  cent  cinquante  livres 
payable  par  toutes  les  églises  de 
France  selon  la  répartition  qui 
en  fut  faite  (c).  Il  avait  préparé, 

*  Joly,  d'après  des  me'moires  qu'il  «aranlit 
très-surs  et  très-JidUes  ,  donl  toutefois  .1 
n'indique  ni  les  auteurs  ni  le  titre,  prétend 
que  Bal thasar n'embrassa  la  religion  réformée 
que  de  dépit  de  n'avoir  pu  Lire  cassera 
l'officialité  de  l'ans  un  mariage  en  secondes 
noces  qu'il  avait  coutracic  avec  la  tille  du 
conciorge  de  l'hôtel  de  Soissons. 

(b    H  s'appelait  M.  de  Faut: 

c    Ce  /ut  à  U  requête  cl  sur  le  bon  te 


6a 


BALTHASAR. 


avant  la  tenue  de  ce  synode ,  un  voir  de  je  ne  sais  qui  (e).  M.  Bal- 
bon  nombre  de  dissertations  sur  thasar  écrivait  bien  en  latin  :  son 
des  matières  importantes,  contre  Panégyrique  de  M.  Fouquet  est 
le  cardinal  Baronius  (d).  lien  d'un  beau  style*1.  Je  n'ai  vu  que 
mit  quatre  ou  cinq  entre  les  cela  de  lui,  et  je  ne  sais  s'il  a  pu- 
mains  d'un  pasteur  de  Castres  ,  blié autre  chose*2.  S'il  avait  été 
l'un  des  députés  de  la  province  moins  scrupuleux  sur  le  langage, 
du  Haut-Languedoc  et  delaHau-  il  aurait  pu  faire  plus  de  chemin 
te-Guienne.  Elles  furent  présen-  dans  sa  Critique  de  Baronius.  Je 
ttées  à  M.  Daillé ,  modérateur  de  crois  néanmoins  qu'il  y  a  de 
ce  synode  national ,  et  celui  de  l'hyperbole  dans  ce  qu'on  a  dit 
tous  les  ministres  qui  pouvait  le  touchant  ses  scrupules  de  latini- 
mieux  juger  de  la  bonté  de  ces  té  (A).  Je  trouve  plus  vraisem- 
pièces.  M.  Daillé  en  fut  fort  con-  blable  ce  que  l'on  a  dit  touchant 
tent ,  et  en  rendit  un  témoigna-  son  humeur  crédule  pour  les 
ge  fort  avantageux  à  toute  la  sortilèges  (B). 
compagnie.  11  les  emporta  à  Pa- 
ris ,  où  l'on  espérait  qu'elles  se- 
raient imprimées;  car  on  les  ju- 
gea dignes  de  voir  le  jour.  Mais 
l'événement  a  fait  voir ,  ou  qu'on 
ne  prit  point  de  mesures  pour 
cela,  ou  qu'on  n'en  put  prendre. 
L'auteur  ,   qui  était  fort  vieux  , 


(e)  Tiré  d'un  mémoire  communiqué  pat 
M.  de  la  Devèze  ,  ci-devant  ministre  de 
Castres,  et  à  présent  de  la  Haye. 

"  Cette  pièce  a  e'té  oubliée,  non-seulement 
par  le  père  Lelong,  mais  encore  par  les  nou- 
veaux, éditeurs  de  sa  Bibliothèque  historique 
de  la  France.  En  voici  le  titre  que  donuc 
Joly  :  Christ.  Balthasari  in  tribunali  alti- 
siodor.  advocali  regii  Panegyricus  D.  Nie. 
Fulceto  ,  regni  minislro  ,  sacri  cerarii  prie- 
•  11  »  ^j       i  •_.    '    fecto.  Paris  ,  Lanelois,  l655,  in-<4°. 

et  travaille  de  la  pierre ,  vint  a  J  „  „     ,  '.   .  ?.    .'     .  ',     ^     ,. 

v  "  .^    .,,  ,1  .  Il  a  laisse   d  autres  écrits  ,  mentionne;. 

dans  la  Bibl.  hist.  de  la  France  ;  mais  dan» 
la  dernière  édition  de  cet  ouvrage,  on  attri- 
bue, dans  les  tables,  à  deux,  auteurs  «ayant 
le  même  prénom  ,  mais  qui  seraient  le  père 
et  le  fils,  les  livres  que  Joly  croit  être  d'un 
seul  personnage,  qui  n'aurait  jamais  été  con- 
seiller d'état. 


mourir.  M.  Daillé  mourut  aussi, 
et  après  cela ,  l'église  de  Castres 
a  eu  beau  écrire  lettres  sur  let- 
tres pour  retirer  ces  disserta- 
tions, elle  n'a  pu  seulement  sa- 
voir ce  qu'elles  étaient  devenues. 
M.  Balthasar  en  laissa  d'autres , 
qui  n'étaient  pas  encore  ache- 
vées, et  quantité  de  recueils  qui 
consistaient  presque  tous  en  des 
billets  séparés,  où  il  avait  mis 
les  autorités  et  les  témoignages 
dont  il  devait  se  servir  contre  le 
cardinal  Baronius.  C'est  domma- 
ge que  tout  cela  soit  demeuré 
dans  un  coffre ,  qui  est  au  pou- 

moignage  du  synode  du  Haut  -  Langue- 
doc et  de  Haute-Guiennc.  Il  jouissait  déjà 
d'une  pension  de  trois  cents  livres.  Voyez 
les  Actes  du  Synode  national  de  Loudun, 
dans  le  Synodicon  de  M.  Quick  ,  tom.  II, 
pag.  572. 

(d)  Il   leur  donnait  le  titre  de.  Diatribes. 
Son  owrage  était  en  latin. 


(A)  Il  y  a  de  l'hyperbole  dans  ce 
qu'on  dit  touchant  ses  scrupules  de  la- 
tinité. ]  Parmi  plusieurs  pièces  que  M. 
l'abbé  de  Marolles  fit  imprimer  les 
dernières  armées  de  sa  vie  ,  il  y  en  a 
une  qui  contient  les  noms  de  ceux  qui 
lui  avaient  donné  de  leurs  livres  ,  ou 
qui  l'avaient  honoré  exlraordinaire- 
jnent  de  leur  civilité.  C'est  là  que  se 
trouve  ce  que  l'on  va  lirc.«  Christophle 
x>  Baltasar  ,  qui  avait  écrit  tant  de 
»  recueils  de  sa  main  ,  pour  divers 
»  traités  historiques  manuscrits.  11 
»  voulait  faire  des  auimadversions  sur 
»  les  Annales  de  Baronius  ,  mais  il  s'y 
»  prit  un  peu  tard  ,  et  ne  s'était  pas 
»  encore  formé  le  style  ,  voulant  d'ail 
»  leurs  tourner  le  sien  d'une  manién: 
»  trop  élégante  :  de  sorte  qu'il  ne  pou- 
»  vait  faire  une  page  entière  de  son 


BALZAC. 


63 


»  livre  en  un  jour  ,  bien  qu'il  fût  âgé 
)>  de  plus  de  soixante-trois  ans.  »  Si 
M.  l'abbé  de  Marolles  eût  daté  le  temps 
qu  il  avait  en  vue,  nous  saurions  à 
quel  âge  M.  Balthasar  obtint  pension 
du  synode  de  Loudun. 

(B)  On  a  parlé  de  son  humeur  cré- 
dule pour  les  sortilèges.  ]  Le  même 
abbé  de  Marolles  me  fournit  tout  le 
commentaire  de  ce  texte.  Le  passage 
est  un  peu  long  ,  cependant  ,  je  ne 
l'abrégerai  point  :  ce  qui  ne  servira 
pas  pour  une  chose  servira  pour  une 
autre.  «  Retournons  maintenant  dans 
i  notre  cabinet ,  où  ,  dans  une  com- 
pagnie de  gens  doctes ,  se  trouvèrent 
i  un  jour  M.  Baltasar  ,  qui  est  si  versé 
dans  les  connaissances  de  l'histoire , 
»  et  M.  de  Sorbières  ,  dont  la  douceur 
>)  et  le  savoir  sont  aussi  dignes  de 
»  beaucoup  de  recommandation:  l'un 
»  qui,  de  catholique,  s'était  fait  de  la 
»  religion  prétendue  réformée  (i)  , 
»  et  l'autre  qui,  de  protestant ,  était 
»  rentré  dans  l'église  catholique.  Sur 
;>  quoi  le  premier  ayant  été  entrepris  , 
»  parce  qu'on  ne  pouvait  comprendre 
»  les  motifs  de  son  changement ,  at- 
i  tendu  les  excellentes  lumières  de  son 
»  esprit ,  dit  qu'il  s'y  était  porté  par 


»  tre  qu'il  n'y  adhérait  que  trop  , 
»  aussi-bien  qu'aux  prédictions  de 
»  Nostradamus  dans  ses  Centuries  ,  où 
»  il  n'y  eut  jamais  de  barbarie  au 
»  monde  ,  qu'on  puisse  mettre  en 
»  comparaison  de  la  sienne.  Cela  fut 
»  ainsi  jugé  de  toute  la  compagnie  où 
»  était  M  l'abbé  Talman  (2)  ,  qui  a 
»  l'esprit  si  bien  fait,  M.  Baudelot  (3), 
»  abbé  de  Massai  ,  et  M.  l'abbé  du 
»  Verdus  ,  qui  sont  si  désabusés  des 
»  erreurs  populaires ,  avec  M.  de  la 
»  Herpinière  de  Blois  ,  si  raisonnable 
»  en  tous  ses  sentimens ,  M.  de  Matf- 
»  say-le-Bossu  ,  gouverneur  de  Gien  , 
»  qui  sait  tant  de  bonnes  choses  ,  et 
»  qui  les  débite  si  noblement,  et  quel- 
»  ques  autres  ,  dont  un  seul  essaya 
»  de  maintenir  l'opinion  qui  avait 
»  été  rejetée  (4).  » 

(2)  II  fallait  dire  T alternant. 

(3)  Il/allait  dire  Bourdelot. 

(4)  L'abbé  de  Marolles,  Mémoires  ,  pag.  276. 


BALZAC,  petite  terre  en  An- 
goumois  ,  sur  la  Charente ,  est 
célèbre  pour  avoir  donné  son 
nom  ,  et  pour  avoir  servi  long- 
temps de  demeure  à  l'un  des  plus 
la  persuasion  qu  il  avait  conçue  que     -■  #  i     vutTe      •< 

,  •     .,    ,  -,j,    "?••.    eloquens écrivains  du  A V  11  .  ste- 

dans  lautre  communion  il  y  avait  "1  . 

cle  (A),  savoir  a  1  illustre  M.  de 
Balzac.  Il  s'appelait  Jean-Louis 
Guez,  et  il  était  fils  de  Guillau- 
me Guez  *  ,  gentilhomme  de 
Languedoc  (B) ,    qui  avait  beau- 


plus  de  pureté  et  de  simplicité  que 
dans  la  nôtre  ;  qu'on  y  avait  réta- 
bli la  sainte  liberté  de  l'Evangile  , 
sous  le  doux  joug  de  la  foi  des  pro- 
messes de  Notre-Seigneur  ,  et  qu'on 
en  avait  ôté  les  abus  et  la  supersti- 


,  pour  y  mettre  le  culte  selon    coup  de  mérite,  et  q 
ige  de  la  primitive  église.  On  lui    a«+arliP  A'*l*ni-A   h    Rn, 


m  tion 

»  l'usage  de  la  prn 
»  disputa  bien  toutes  les  parties  de  sa 
»  réponse  ;  mais  cela  n'ayant  de  rien 
-)  servi  ,  on  passa  à  d'autres  choses  , 
1  et,  du  propos  des  miracles  ,  on  vint 
à  celui  d'une  infinité  de  contes  qui 
,<  se  font  des  sorciers  ,  et  de  diverses 
»  apparitions  ,  qui  à  peine  sont  crues 
»  des  enfans  :  par  où  l'on  connut  que 
»  celui  qui  avait  témoigné  d'être  si 
1,  ennemi  de  la  superstition  l'admet- 
»  tait  en  quelque  sorte  par  une  cré- 
»  dulité  assez  grande  qu'il  avait  en 
»  ces  choses-là  :  outre  que  s'étant  ex- 
1  pliqué  sur  les  vaines  divinations 
n  des  astrologues  ,  il  Ut  bien  connai- 

(1)  Les  Mémoires  de  l'abbé  de  Marolles  furent 
achevés  d'imprimer  le  5  janvier  i656.  Il  faut 
dune  que ,  des  l'an  irî55,  pour  le  moin),  M-  Bal- 
tkasar  eût  fait  jo.-i  abjuration. 


s  étant 
attaché  d'abord  à  Roger  de  Be!- 
legarde  ,  maréchal  de  France,  et 
gouverneur  du  marquisat  de  Sa- 
luées ,  conduisit  fort  sagement 
plusieurs  affaires.  Il  n'avait  pas 
encore  vingt- six  ans  lorsqu'on 
l'envoya  à  la  cour  de  Philibert- 
Emanuel  ,  duc  de  Savoie ,  pour 
des  négociations  importantes  , 
ou  il  réussit  pleinement,  et  se 
fit  fort  estimer   de    ce    prince. 

*  Joly,  d'après  les  mémoires  manuscrits  de 
Lamare,  dit  que  le  père  de  Guillaume  était 

cardeur  de  laine  à  Beaucaire Il  ajoute  , 

d'après  les  manuscrits  de  Legoui ,  que  G. 
Guez  sortit  de  Beaucaire  fort  gueut  et 
u:j)unt  qu'un  petit  écu  dans  m  poche. 


64  BALZAC. 

Quelque  temps  après  ,  il  fut  gou-  prédicateur  ,  il  crut  que  sonpè- 
verneur  du  fils  du  maréchal  de  re  s'était  déguisé  en  capucin  (e) , 
Bellegarde.  Ce  jeune  seigneur  2°.  que  don  Pierre  de  Saint- 
fut  tué  à  la  bataille  de  Coutras  ,  Romuald  loue  ,  entre  plusieurs 
l'an  1587  (a).  Le  père  était  mort  autres  vertus  de  Guillaume  Guez, 
en  1579  (b).  Ainsi  Guillaume  la  magnificence  qu'il  fit  paraître 
Guez ,  ayant  perdu  ces  deux  pa-  dans  la  structure  du  château  de 
trons  ,  s'attacha  au  duc  d'Eper-  Balzac  ,  et  dans  celle  de  sa  mai- 
non  ,  qui  souhaitait  de  l'avoir  son  d'Angoulême  {/)•  Cette  mai- 
auprès  de  soi.  Il  lui  rendit  de  son  était  embellie  et  enrichie  de 
grands  services  en  diverses  occa-  raretés  si  exquises ,  parliculiere- 
sions  fâcheuses.  Henri  IV  ayant  ment  pour  les  tableaux  et  autres 
connu  l'adresse ,  la  probité ,  et  enjolivemens ,  que  la  reine-rnè- 
la  fermeté  que  ce  gentilhomme  re  ,  Marie  de  Médicis  ,  ne  voulut 
faisait  paraître  dans  les  affaires  ,  loger  que  là,  pendant  son  séjour 
pour  lesquelles  le  duc  d'Epernon  d'Angoulême  ;  3°.  que  l'un  de 
l'envoyait  en  cour,  aurait  bien  ses  autres  fils  *  s'appelait  M.  de 
voulu  l'attachera  son  service  (c);  Roussines  (g);  4°.  qu'il  eut 
mais  il  lui  trouva  plus  d'inclina-  une  fille  ,  dont  M.  de  Balzac  pai- 
tion  pour  la  vie  de  province  que  le  assez  souvent  (D). 
pour  la  vie  de  cour,  à  laquelle  Balzac>  LeUre  xxv„  ,  CLapelain 

sa  vertu  ne  se  serait  pas  aisément    nv.  m, 

accommodée.       Ce      bon     gentil-         {/)    Saint  -Romuald,   Trésor  chrouol.  ,i 

homme  se  fixa  dans  l'Angouinois.     ""  TJ  ,27'        ,    ,  „   ,    ,     ,     .   , 

u                                                       O  *  Joly  reproche  a  Bayle  de  n  avoir  donne 

et  y  mourut  le  20  de    Septembre  qu'un  frère  à  Jean-Louis  Balzac.  Sa  critique 

l65o,    âgé   de    Cent    ans    (C).     Il  est  injuste  ,  comme  on  voit. 

■.      »              '        „       j -.„ll„  J„  (s)  M.  de  Balzac  lui  a  écrit  la  XLe.  Lettrc 

avait  épouse   une  demoiselle  de    d^f(ivre  vnL 

la   famille    de  Nesmond ,     avec 

laquelle  il  vécut  soixante-quatre    J  <A).  Elle    est  célèï%  P°"r  av™ 

^     ,  „  .  u        ,       donne  son  nom a  l  un   des    vins 

ans  dans  une  parfaite  concorde  Moquens  écrivains  du  XVII*.  siècle.-] 

{d).    H  en  eut  entre  autres  en-  Je  ne  sais  point  sur  quoi  M.  More'ri  se 

fans  le  célèbre  M.  de  Balzac,  dont  fonde  ,  quand  il  dit  que   ceux  de  la 

:„  „„Ja,     Vavû,  l'éln«o  la  famille   de  Guez  ont  porte  le  nom  de 

je  vais  pare!.   V  oyez  1  éloge  la-  b  te„e  de  Balzac.  ^  devait  savoir 

tin  de  Guillaume  Ixuez  ,  compo-  ^  faut  ^crire  Balzac,  lorsqu'il  s'a- 

sé  par  M.  de   Girac  ,  et  imprimé  gitde  ce  village  ,  et  Balsac  ,  lorsqu'il 

à  la  fin  du  Socrate  chrétien.  J'en  s'agit  de  l'ancienne  maison  de  Balsac 

ai  tiré  ce  qu'on  vient  de  lire,  à  d'Entragues(i)   Il  a  tait  tout  le  con- 

a  .      n  0  n    ^^^  traire.  2.    11  n  y  a  eu  que  Jean-Louis 

quoi  l  ajoute,    1   .    que    (jiullau-  Guez,  qui  ait  porte  le  nom  de  Balzac  : 

me    Guez    ressemblait  si  fort  au  son  père  a  toujours  garde  son  oom  de 

père  Narni ,  que  la  première  fois  famille  (2)  ;  et  si ,  depuis  la  mort  d.^ 

que  M.  de  Balzac  vit   ce  fameux  Jf  an-Lotus  ,  quelqu'un  de  la  parente 

4    e  s  est  fait  appeler  Balzac,  je  ne  crois 

.         TT.  ,             ,      pas  qu'il  soit  venu  à  la  connaissance 

ia\   Le  nère  Anselme,    Hist.  des   erands     J,     ,1     „,       .   •       .             ,                           >.  ■ 

n»;           »     Q/T  de  M-  M°ren.  Au  reste,  ce  qui  aete 

Orne.  >  Pflo-    9H-  j-j  par  queluues   personnes,  Que  si 

(b)  Là  mente.  r       i      i          *                        v 

(c)  Voyez   les  Lettres  choisies  de  Balzac,         f^  Sorel,  Connaissance  îles  bons  Livres,  pag. 
pcîg.  36a,  édition  de  Hollande.  28)   édition    de    Hollande,   et  Ménage,   Ant; 

(d)EUe  vécut  jusqu'en  l653.    Voyez   la     BaiUet,  tom.  I  .  pag.  4,  l'on!  remarqut* 
XIIIe.  Lettre  de  BaUac  à  Coorart ,  lif>.  Ul.         (2)  Anti-Baillei ,  to>n.  /,  pag.  4. 


BALZAC. 


65 


M.  de  Balzac  n'edl  point  pris  le  nom 
de  sa  terre  ,  son  /mm  de  famille  étant 
mis  à  la  tête  de  ses  œuvres  n'edt  pas 
eu  tant  de  succès  dans  le  monde  ;  et 
qu'en  disant  Lettres  de  M.  G  nez,  on 
n'en  eiit  pas  conçu  une  si  belle  ulee  ;  et 
qu'on  se  persuade  que  ce  nom  de  Bal- 
zac,  étant  pris  pour  celui  d'une  noble 
et  ancienne  maison  assez,  connue  ,  lui 
don/iaili>lus  d'autorité  (3)  :  cela  ,  dis- 
je  ,  est  en  partie  vraisemblable  ,  et  en 
partie  très-faux.  Il  est  vraisemblable 
qu'un  nom  aussisimpleet  aussi  peu  pré- 
venant que  celui  de  Guez,  aurait  nui  à 
un  auteur  à  la  tète  d'un  ouvrage  (41; 
mais  il  est  très  -  faux  que  Jean  -  Louis 
Guez  ait  mis  le  nom  de  Balzac  à  la  tête 
de  ses  livres,  afin  d'éviter  un  semblable 
inconvénient ,  et  afin  de  donner  lieu 
de  croire  qu'ils  venaient  d'un  grand 
seigneur:  c'est  là  précisément  oùSorel 
en  voulait  venir  ,  avec  ses  expres- 
sions confuses  et  entortillées.  Encore 
un  coup,  cela  est  faux  ;  car  Jean-Louis 
Guez  avait  pris  le  nom  de  Balzac 
avant  que  de  songer  à  l'impression  de 
ses  lettres.  Je  ne  saurais  comprendre 
d'où  est  venu  que  M.  .Ménage  ,  qui  a 
fait  imprimer  les  poésies  elles  lettres 
latines  de  cet  auteur  ,  où  Ton  voit,  et 
sur  le  titre,  et  sur  le  haut  de  chaque 
page ,  le  nom  de  Joannis  Ludovici 
Guezii  Balzacii  ,  a  dit  qu'on  y  voit  ce- 
lui de  Joannis  Ludovici  Guesœi  Bal- 
zacii(5)Jc  dirais  que  l'imprimeur  de 
PAnti-Baillet  a  mis  Gués, et  au  Heu  de 
Guesii,  si  je  ne  voyais  la  même  faute 
dans  une  édition  très-correcte  des 
poésies  de  M.  Ménage(6). 

(B)  Balzac était  /Us  de  Guil- 
laume Guez  ,  gentilhomme  de  Lan- 
guedoc.'] M.  de  Balzac  représente  quel- 
quefois son  extraction  d'une  manière 
à  nous  en  donner  une  haute  idée.  Il 
dit  que  ceux  a  qui  il  a  l'honneur  d'ap- 
partenir ont  fondé  des  monastères  en 
divers  endroit*  du  royaume,  et  qu'sin- 
goulême  et  Toulouse  sont  glorieuses 
des  marques  que  leur  pieley  a  lais- 
sées (7).  11  nous  apprend  en  un  autre 

(3)  Sorel  ,  Connaissance  des  bons  livres ,  pag. 
28,  cite'  dans  les  Jugem.  des  Savans,  lum.  I, 
pas.  4^4* 

(4)  Voyez  la  préface  de<  Nouvelles  Lettres 
contre  le  Calvinisme  île  Maiinbonrg  ,  et  dans  la 
lettre  XXII  ,  pag.  -64,  un  passage  du  Mercure 
Galant  <ur  les  Lettres  du  chevalier  d'Hcr... 

(5;  Ménage,  Anti-Raillet,  loin.    ',  pag     t 

(6)  A  /'Index  :  celle  édition  est  celle  île  Wel- 
stein  ,  a     (insterdam  ,  en  11)87. 

(7)  Balzac  ,  (JKuvres  diverses,  dise.  XIV . 

TOME    III. 


endroit ,  que  le  bisaïeul  de  son  tris- 
aïeul fut  gratifié  de  trois  paroisses  en 
Languedoc  ,  par  la  comtesse  Alix  (8). 
Théophile  donne  une  toute  autre  idée 
de  la  famille  de  M.  de  Balzac. 

(C) qui   mourut    âgé   de    cent 

ans.']  Je  me  suis  servi  du  nombre 
rond,  après  M.  de  Girac  ,  que  j'ai  cité; 
mais  je  dois  ici  rectifier  un  peu  la 
chose  par  le  moyen  d'une  lettre  de 
M.  Guez  à  son  tils,  signée  Guez  ,  et  da- 
tée du  '20  novembre  i6j.«  '9  .  Hélait 
alurs  entre  dans  la  quatre-  ingt-neu- 
vième  année  de  son  tige.  Il  n'avait  donc 
pas  cent  ans  le  20  septembre  i65o, 
qui  fut  le  jour  de  sa  mort.  Cettre  lettre 
est  une  exhortation  pressante  à  faire 
imprimer  quelques  manuscrits  ,  sur- 
tout les  Apologies  contre  Phyllarque. 

(L>) Et  qui   eut  une  fille    dont 

M.  de  Balzac  par  le  assez  souvent.]  Elle 
fut  mariée  avec  M.  de  Campaguolle  , 
qui  mourut  capitaine  aux  gardes  au 
siège  de  Montauban  ,  et  qui  était  frère 
d'un  brave  dont  M.  de  Thou  parle 
quelquefois  (10).  Ce  capitaine  aux 
gai  des  laissa  un  fils  ,  qui  fut  tué  au 
siège  de  Lens(n),  et  une  fille,  qui 
est  la  demoiselle  de  Campac, nolle  , 
dont  il  est  quelquefois  parlé  dans  les 
Lettres  de  M.  de  Balzac  (12).  Il  témoi- 
gne beaucoup  d'amitié  pour  cette 
nièce  ,  et  donne  de  forts  bons  conseils 
pour  l'élever.  Voyez  ses  Lettres  choi- 
sies page  157,  et  les  lettres  XLV1  , 
M. Vil,  et  XLVUldu  VIIe.  livre,  dans 
l'édition  in-folio.  J'ai  trou\é  dans 
une  lettre  de  Costar  un  passage  qui 
concerne  la  demoiselle  deCampagnol- 
le.  A  Bilzac,  dit-il  (l3)  ,  vous  venez 
une  nièce  qui  est  belle  et  spirituelle  , 
qui  disiemejoit  bien  la  vraie  galan- 
terie d'avec  la  fausse,  et  a  qui  il  ne 
manque  rien  pour  vous  que  de  l'aimer 
un  pen  davantage.  C'est  ce  qu'il  écri- 
vait à  Voiture.  J'ai  vu  un  autre  livre, 
où  il  y  a  quelque  chose  qui  pourrait 
bien  regarder  cette  demoiselle.  On  y 

(8)  Lettres  choisies,  pas-  ?6;. 

(q)  Elle  est  à  la  page     65  des  Lettres  choi- 
,l;     ,i,    i,  ,  -  dit.  de  Hollande. 

(,o)  Voyez  les  Poésies  latines  de  Balzac  ,  pas. 
113,  édition  in-12. 

it)  foi  "t  'e  vol.  des  Lettres  à  Courarl,  liv. 
V.  lettre  III. 

(,î)  Voyez    la  LXVI[e.  lettre  du  VI'.  livre, 
et  U  XI  r h.  d„  IX'. 

(i3)    Vor.'i    laXXW'.   leitre  des  Entretiens 
de  Voilure  et  de  Costar. ,  pag.  a4y- 


66 


conte  que  Langlade  (i4)j  l'un  de  ceux 
que  le  cardinal  Mazarin  employait  le 
plus  dans  les  négociations  secrètes, 
avait  aime  dans  son  pays  ,  avant  que 
de  venir  à  la  cour  ,  une  fille  de  qua- 
lité qu'on  appelait  mademoiselle  de 
Campagnol  (i5).  «  11  n'avait  pas  osé 
»  lui  proposer  de  l'épouser  ;  mais 
»  il  avait  exigé  d'elle  qu'elle  ne  se 
»  mariât  point,  promettant  de  l'a- 
»  vertir  quand  sa  fortune  serait  en 
»  état  de  la  pouvoir  rendre  heureuse. 
»  Il  fit  confidence  à  Gourville  delà  pa- 
»  rôle  qu'il  avait  donnée  à  cette  fille  , 
»   et  lui  témoigna  avec  quelque  cha 


BALZAC. 

dans  les  lettres  qu'il  écrivait  en 
ses  jeunes  ans ,  que  ceux  qui  les 
avaient  vues  en  étaient  charmés 
et  les  louaient  partout  :  de  sorte 
que  comme  il  était  au  service  du 
cardinal  de  la  Valette  (a) ,  il  fut 
bientôt  connu  à  la  cour  avec 
avantage,  et  jusque-là  que  le 
cardinal  de  Richelieu,  auquel  il 
écrivit  plusieurs  fois,  lui  fit  l'hon- 
neur de  lui  répondre  d'une  ma- 
nière tout-à-fait  obligeante.  Cet- 


«  grin , 
»  assez  de 


qu'il  ne  se  croyait  pas  avoir    te  réponse  fut  imprimée  avec  les 
le  bien  pour  prétendre  à  cette     r  _„£,„  Ja  n„T„„„     ju~  +  i„  „„„_ 


»  alliance,  n'ayant  en  tout  que quaran- 


Lettres  de  Balzac ,  dont  la  pre— 


»  te  mille  écus.  Gourville  lui  dit  que  ^lère  édition  est  de  l'an  1624  *. 

»  cela  ne  devait   pas   l'embarrasser ,  11   se    crut   en   passe  d'une    fort 

»  et  qu'il  pouvait  partir  avec  toute  grande   fortune  (B)  :  ses   Lettres 

«assurance    pour   achever  son  ma-  se  débitaient   si    peuplement , 

,  lui  promettant :  de  lui  en  non-  J           I          .        ' 


•1  nage . 

j>  ner  encore  autant.  Langlade  partit 
»  sur  cette  assurance  ,  et  donna  beau- 
»  coup  de  joie  à  mademoiselede  Cam- 
»  pagnol ,  quand  il  lui  fit  connaître 
»  qu'il  se  souvenait  encored'elle.Ils  se 
»  marièrent  ,  et  Langlade  revint  à 
»  Paris  avec  sa  nouvelle  épouse ,  où 
»  ils  trouvèrent  que  Gourville  leur 
»  avait  retenu  une  belle  maison,  et 
:»  qu'il  l'avait  superbement  meublée. 
»  Il  donna  à  Langlade  ces  beaux  meu- 
)>  blés,  avec  quantité  de  vaisselle  d'ar- 
»  gent  et  de  pierreries  pour  sa  femme, 
3>  outre  les  quarante  mille  écus  :  et 
3>  Madame  de  Parville  (16)  prit  grand 
»  soin  de  faire  voir  le  beau  monde  à 
)>  cette  provinciale.  Ces  nouveaux 
■»  mariés  vécurent  encore  long-temps 
»  fort  contens  l'un  de  l'autre.» 


qu'il  fallut  en  faire  plusieurs 
éditions.  On  le  louait  à  perte  de 
vue  ,  mais  non  pas  avec  le  con- 
sentement unanime  de  tous  les 
lecteurs.  Il  s'éleva  des  esprits 
contredisans,  soit  que  l'envie  les 
eût  excités ,  comme  il  y  a  bien 
de  l'apparence  ,  soit  que  l'on  eût 
découvert  les  lieux  faibles  des 
ouvrages  de  Balzac.  Ces  dissen- 
sions ,  après  avoir  régné  quelque 
temps  dans  les  compagnies  ,  de- 
vinrent une  guerre  publique  en 
1627  ,  mais  une  guerre  des  plus 
furieuses  qui  se  soient  vues  en 
ce  genre-là.  L'ouverture  s'en  fit 
par  un  jeune  moine,  qui  com- 
posa un  petit  livre  intitulé,  Con- 
formité de  l'éloquence  de  M.  de 
BALZAC  (Jean-Louis  Guez  de)  Balzac  avec  celle  des  plus  grands 
naquit  à  Angoulème,  l'aniSgS*  personnages  du  temps  passé  et 
(A).  Il  acquit  de  fort  bonne  heu-  du  présent.  Quoique  cette  pièce  ne 
re  une  réputation  extraordinaire. 
Il  y  avait  un  si  grand  feu  d'ima-       (»  Sorel,  Biblioth.  franc.,  pag.  121  de  la 

...  .  °n  f,  ,     seconde  édition. 

gmatiOU,    tant    cl  éloquence  ,    et        .Celte  édition, dit  Joly,  est  très-curieuse, 
tant   de    pensées    peu   Communes     et  peu  conforme  aux.  aulres  :  dans  la  seconde 


(i4)  Galanteries  rie»  rois  de  France,  loin.  II, 
pag.  23g  ,  édit.  de  Bruxelles,  en  lùij'i. 
(iS)  L'a  memp  ,  pag.  1^1. 
(iG)  C'e'tail  une  maîtresse  de  Gourville. 


Leduchat,  d'après  d'Olivet,  dit  l&9^f, 
mais  iS.iyle  ne  donne  cette  date  que  comme 
une  conjecture.  Voyez  sa  remarque  (A.). 


partie  du  tome  X  des  Mémoires  de  Littéra- 
ture du  père  Desmolets ,  il  y  a  trois  lettres 
de  Balzac  qui  n'avaient  point  encore  été'  pu- 
bliées. 


BALZAC.  G7 
fut  pas  publique  ,  elle  ne  laissait  les  écrits  qu'il  publiait  de  temps 
pas  de  passer  de  main  eu  main  ,  en  temps  ,  la  réputation  d'un 
presque  comme  si  elle  eût  été  homme  de  très-grand  mérite  , 
imprimée  ;  et  personne  n'igno-  etde  la  plus  belle  plume  de  Fran- 
rait  qu'un  feuillant,  nomméyrè-  ce.  Il  faut  pourtant  avouer  que 
re  André,  en  était  l'auteur  (C).  son  style  sent  trop  le  travail ,  et 
M.  de  Balzac  souhaita  qu'elle  fût  que  le  tour  de  ses  pensées  est 
réfutée  publiquement,  et  c'est  quelquefois  trop  guindé,  et  ra- 
ce qui  fut  exécuté  dans  YApolo-  rement  assez  naturel;  mais  en- 
gie  qu'Ogier  publia  en  1627  (D).  core  que  ses  lettres  n'aient  pas 
Le  général  des  feuillans,  qui  se  cet  air  aisé,  et  cet  enjouement 
nommait  alors  le  père  Goulu  ,  heureux  qui  brille  dans  celles  de 
prit  en  main  la  cause  de  frère  Voiture  ,  elles  ne  laissent  pas 
André  ,  et ,  sous  le  nom  dePhyl-  d'avoir  beaucoup  d'agrément ,  et 
larque  {b) ,  il  écrivit  deux,  volu-  une  certaine  gaieté  vive  et  sérieu- 
mes  de  lettres  contre  Balzac,  avec  se,  qui  est  presque  inimitable 
un  emporlemeut  extrême,  coin-  (II).  On  voit  aussi  dans  tous  ses 
me  je  le  rapporte  dans  son  arti-  écrits  plusieurs  1  rails  d'érudition 
cle.  Cette  querelle  donna  lieu  à  bien  choisis  et  bien  appliqués, 
quantité  de  livres  (c)  ,  et  fut  une  En  un  mot ,  on  ne  saurait  assez 
tempête  qui  pensa  abîmer  M.  de  admirer,  vu  l'état  ou  il  trouva 
Balzac,  tant  à  cause  des  artifices  la  langue  française ,  qu'il  ait  jm 
de  ses  ennemis  ,  qu'à  cause  qu'il  tracer  un  si  beau  chemin  à  la 
avait  donne  quelque  prise  à  ses  netteté  du  style.  11  ne  faut  pas 
censeurs  par  des  hyperboles  ex-  trouver  étrange  que  ses  écrits  sen- 
trêmement  froides ,  par  des  sail-  tent  le  travail.  L'élévation  et  la 
lies  de  vanité,  et  par  des  propo-  grandeur  étaient  sou  principal 
sitions  un  peu  scabreuses.  Il  lais-  caractère  :  on  ne  va  point  là  sans 
sa  passer  cet  orage ,  sans  répon—  méditation.  Il  y  a  beaucoup 
dreàsouadver>aire(E;, qui, étant  d'apparence  que  les  siècles  à  ve- 
mort  au  commencement  de  l'an-  nir  lui  feront  raison  du  décri  ou 
née  1G2U,  donna  lieu  au  retour  quelques  critiques  ont  tenu  ses 
du  calme.  Le  public  commença  productions  pendant  bien  long- 
à  revenir  de  la  prévention  qu'il  temps  ,  ce  qui  n'a  pas  empêché 
s'était  laissé  inspirer  contre  M.  de  qu'un  bon  nombre  de  très-excel- 
Balzac  ,  et  celui-ci  profitant  de  lens  connaisseurs  n'aient  coti- 
sa disgrâce,  et  plus  encore  du  stamment  persévéré  tlans  leur 
peu  de  succès  de  son  Prince  (F)  ,  première  admiration  (d).  Il  était 
se  fixa  à  sa  maison  de  campagne,  bon  poète  latin  ,  et  ses  Lettres 
où  il  épura  non  seulement  son  latines  montrent  qu'il  écrivait 
esprit  et  son  style  ,  mais  aussi  en  cette  langue  avec  beaucoup 
son  cœur,  et  y  conserva  par  son  de  délicatesse.  S'il  eut  beaucoup 
commerce  de  lettres  (G),  et  par  d'ennemis,  qui  écrivirent  coud" 

{b)  C'est- à-il ire   Prince   (les  Feuilles,  par 

allusion  à  sa  qualité  de  général  des  feuil-i  d   Voyez  eequeUL.  M    1                Idel'i 

lans.  loçuence  *!c  Balz                     ma,  pag.  lia, 

(c)   BiWiolli.    franc,  de   Sorel  .  pag.  121.  «M  el  "4-  ''"f^  aussi  M-  PerrauU  ,  dans 

f'oyc:  l'article  Jayersac.  l'Eloge  de  Balzac. 


68  BAL 

lui  (I)  ,  il  eut  d'autre  côté  un 
très -grand  nombre  d'amis  et 
d'admirateurs  (e),  et  il  y  avait 
peu  de  personnes  de  mérite  , 
français  ou  étrangers ,  qui  en 
voyageant  par  la  France  ne  se 
fissent  un  plaisir  de  l'aller  voir 
(K).  Il  fut  un  des  quarante  de 
l'académie  française  (L).  Le  car- 
dinal Mazarin  tâcha  de  le  rappe- 
ler à  la  cour  (f).  La  reine  Chris- 
tine lui  fit  faire  des  honnêtetés  , 
et  voulut  avoir  de  ses  lettres  (g). 
Les  plus  grands  seigneurs  du 
royaume  lui  donnaient  dans  son 
désert  (h)  plusieurs  témoignages 
de  leur  estime  (/).  Ce  qu'il  y  eut 
de  plus  excellent  en  lui,  c'est 
qu'il  vécut,  dans  sa  retraite,  et 
qu'il  y  mourut ,  non-seulement 
en  honnête  homme ,  mais  aussi 
en  bon  chrétien.  Il  se  priva  de 
son  vivant  de  huit  mille  écus  de 
son  bien  ,  pour  les  distribuer  en 
oeuvres  pies  (k).  Il  s'était  fait 
bâtir  deux  chambres  aux  Capu- 
cins d'Angoulême  (M),  et  y  de- 
meurait souvent  (/).  C'est  là  qu'il 
a  composé  son  Socrate  chrétien. 

II  dit  de  fort  belles  chosres  dans 
le  lit  de  mort,  et  il  ordonna  par 
son  testament  qu'on  l'enterrât  à 
Angoulême  dans  l'hôpital  de 
Notre  -  Dame  des  Anges  ,  aux 
pieds  des  pauvres  qui  y  étaient 

(e)  Le  grand  Descartes  l'aima  et  l'estima 
beaucoup.  Voyei  sa  Vie  ,  par  M.  Baillet  , 
ioni.  I,  pag.  i3g  elsuiv. 

if)  Voyez  la  Ire.  lettre  de  Balzac  à  ce 
eardinal  ,  clans  le  volume  des  Lettres  à 
Conrart. 

(g)  Voyez  la  lettre  XI  à    Conrart,   lit', 

III  et  plusieurs  autres  du  même  volume- 
(h)  C'est  ainsi  qu'il  se  plaisait  à  nommer 

le  lieu  de  sa  résidence. 

(i)  Cela  parait  par  cent  endroits  de  ses 
Lettres. 

(A)  Épitre  limin.  des  Entretiens  de  Bal- 
zac. 

'I)  Moriscet,  Relat.  de  sa  Mort. 


ZAG. 

déjà  inhumés  (m).  Il  légua  dou- 
ze mille  livres  à  cet  hôpital ,  et 
il  laissa  un  fonds  de  cent  francs 
par  an  ,  pour  être  employé  de 
deux  ans  en  deux  ans  à  donner 
un  prix  à  celui  qui ,  au  jugement 
de  l'académie  française ,  compo- 
serait le  mieux  un  discours  sur 
un  sujet  de  piété  (n).  Il  mourut 
le  18  de  février  1654  (N).  Le 
sieur  Moriscet ,  chanoine  d'An- 
goulême ,  fit  son  oraison  funè- 
bre ,  et  un  autre  Moriscet ,  frère 
de  celui-là,  et  avocat  au  prési— 
dial  de  la  même  ville  ,  fit  impri- 
mer un  discours  à  la  louange 
du  défunt  (o).  On  fit  à  Paris  une 
édition  de  toutes  les  œuvres  de 
Balzac,  l'an  i665,  en  deux  vo- 
lumes in-folio,  avec  une  préfa- 
ce de  l'abbé  Cassagnes ,  de  l'acadé- 
mie française.  Consultez  les  Hom- 
mes illustres  de  M.  Perrault  , 
vous  y  trouverez  l'éloge  de  Jean- 
Louis  Guez  *. 

[tri]  Saint  -  Romuald,  Abrégé  chronol.,  à 
l'ann.  i65ip 

(n)  On  n'a  commencé  à  exécuter  la  chose 
qu'en  167 1.  Voyez  /'Histoire  de  l' Académie 
française  ,  seconde  édition  ,  pag.  555. 

(p)  Saint- Romuald,  Abrège'  chronol.,-  à 
l'ann.  \t}j(\. 

*  Joly  transcrit  un  passage  du  Supplément 
manuscrit  du  Ménagiana  ,  qui  contient  le 
portrait  de  Balzac.  Il  cite  les  tilres  de  quel- 
ques ouvrages  dont  Balzac  est  K  jujet. 

(A)  Il  naquit  à  Angnuléme ,  l'an 
1595.]  Je  n'ai  trouve  cela  dans  aucun 
livre  ;  mais  voici  comment  je  l'ai  in- 
fère' de  deux:  lettres  de  Balzac.  Il  fait 
mention' dans  l'une  de  ces  deux  let- 
tres (1)  d'un  Remercîment  qu'il  avait 
fait  à  M.  Spanheim  en  16^9,  pour  la 
bidle  Harangue  qu'il  en  avait  reçue, 
et  qui  lui  avait  rendu  une  passion  que 
cinquante-trots  ans  lui  avaient  ôtée. 
Cette  harangue  e'tait  ?ans  doute  l'Orai- 
son funèbre  du  prince  d'Orange  Fré- 
déric-Henri :  l'on  peut  supposer  qu'il 
la  reçut  l'an  16485   car  il  n'était  pas 

(1)  C'est  la  XIV.  du  I".  livre,  a  Conrart: 
le  Hemcicimcntà  M.  Spanheim  e*t  la  XIXe.  du 
V.  livre. 


BAL 

prompt  à  répondre.  Il  avait  donc  cin- 
quante-trois ans  en  1648  ;  il  était 
donc  né  en  1  SgS.  Dans  l'autre  lettre, 
datée  du  1 5  d'octobre  1637  (2) ,  il  parle 
d'un  écrit  qu'il  avait  fait  à  l'âge  de 
dix-sept  ans  ,  et  il  dit  qn  il  y  avait 
vingt-cinq  ans  entiers  qu'il  l'avait 
t'ait.  Il  avait  donc  quarante-deux  ans 
lorsqu'il  écrivait  celte  lettre  ;  et  par 
conséquent  il  était  né  en  i5q5.  Saint- 
Romuald  met  sa  naissance  à  l'an  i5q8; 
car  il  en  avait  28,  dit-il,  l'an  162G 
(3) ,  mais  il  a  oublié  de  prouver  cette 
raison  +.  Je  ne  dissimule  point  que 
j'ai  trouvé  un  passage  qui  prouve  que 
Balzac  est  né  en  1596.  Je  le  cite  dans 
la  remarque  (B). 

Au  reste  le  petit  écrit  qu'il  com- 
posa à  l'âge  de  dix-sept  ans  vaut  bien 
une  digression.  Il  avoue  qu'en  le  fai- 
sant, il  fit  une  faute  et  une  folie  ,  et 
il  s'en  excuse  le  mieux  qu'il  peut  sur 
sa  jeunesse  ,  et  sur  ce  qu'il  le  com- 
posa en  Hollande  ,  sans  dessein  de  le 
rendre  public  par  l'impression  (<£).  Il 
trouve  fort  mauvais  qu'Heinsius  ait 
ressuscité  cette  faute.  Je  l'ai  déjà  dit 
(5)  ,  voilà  un  inconvénient  à  quoi  les 
auteurs  un  peu  célèbres  sont  fort  su- 
jets :  il  leur  arrive  quelque  querelle 
de  plume,  qui  est  cause  que  leur  an- 
tagoniste recherche  avec  soin  les  plus 
petites  fautes  de  leur  jeunesse  ,  pour 
leur  en  faire  reproche  publique- 
ment. Je  ne  m'étonne  point  que  quel- 
ques-uns aient  cru  que  Balzac,  en  ce 
temps-là,  n'eut  p.is  refusé  de  faire 
fortune  dans  la  Hollande ,  sous  la 
profession  d'un  huguenot.  J'avais  cru  , 
avant  que  de  lire  l'écrit  en  question  , 
que  c'était  un  jugement  téméraire  ; 
mais  j'ai  changé  de  sentiment ,  depuis 
que  M.  Minutoli  a  eu  la  bonté  de 
m'envoyer  une  copie  de  cette  pièce  (6). 
Il  en  a  un  exemplaire  imprimé  ,  de 
l'édition  qu'Heinsius  fit  faire  à  Leyde, 

(2)  C'est  la  X<\  du  III:  livre,  à  Chapelain. 

(3)  Saint-Koruuald,  Abrégé  chron.  ,  h  Van 
i5o8. 

Saint  -  Romuald  s'appuie  sur  un  passage 
«l'une  lettre  de  Balzac,  mais  I, i-.lmli.it  prétend 
que  dans  cette  lettre  Balzac  avait  la  prétention  r!e 
se  faire  passer  pour  plus  jeune  qu'il  n'était, 
croyant  que  par-là  son  savoir  lui  attirerait  plus 
de  respect. 

(4)  Lettre  X  à  Chapelain  ,  Uv.  III. 

(5)  Voyez  ci-dessus  la  fin  de  la  remarque  (C) 
de  l'article  de  Balde. 

(fi)  Il  est  fourni  d'une  infinité' de  semblables 
pièces  rares  ,  qu'il  a  eu  toujours  grand  soin  de 
•  amasser  et  de  garder. 


ZAC.  69 

l'an  i638.  Le, titre  est,  Discours  po- 
litique sur  l'Etat  dus  Provinces  U nies 
des  Pays-Bas  ,  par  I.  L.  D.  B.  , 
gentilhomme  français.  C'est  une  pièce 
volante  de  quatre  ou  cinq  pages  *'  : 
on  y  voit  à  la  fin  ,  par  forme  de  si- 
gnature, Jean-Louis  de  Balzac.  L'ou- 
vrage est  très-beau  ,  plein  d'esprit  et 
de  pensées  j  mais  je  suis  bien  assuré 
que  Baudius  ,  qui  était  en  charge  pu- 
blique à  Leyde,  et  aux  gages  de  la 
Hollande  ,  n'aurait  pas  décidé  si  for- 
tement pour  la  justice  avec  laquelle 
les  étals  dégradèrent  Philippe  II ,  et 
qu'il  n'aurait  pas  cherché  des  louan- 
ges si  raflinées  pour  la  Hollande,  ni 
des  invectives  si  perçantes  contre  la 
domination  espagnole  ,  ni  enfin  des 
maximes  si  étudiées  en  faveur  de  la 
liberté  de  conscience.  On  est  donc  ex- 
cusable de  soupçonner  que  le  gentil- 
homme français  sondait  peut-être  le 
gué  par  cette  feuille  volante;  et  que 
si  la  république  ,  frappée  d'admira- 
tion pour  une  si  belle  plume  ,  et  si 
bien  intentionnée,  avait  offert  une 
belle  charge  ,  l'auteur  de  dix-sept  ans 
l'eût  préférée  à  son  pays,  et  à  son 
catholicisme. 

M.  de  Balzac  fit  son  voyage  de 
Hollande  l'an  1612.  II  le  fit  avec  Théo- 
phile ,  auquel ,  si  l'on  en  croit  le  père 
Goulu ,  il  joua  alors  un  mauvais 
tour  (7) ,  qui  fut  cause  de  la  mauvaise 
intelligence  qui  était  entre  ce  poêle 
et  Dalzac.  La  terrible  lettre  que  Théo- 
phile fit  imprimer  contre  ce  compa- 
gnon de  voyage,  lui  reproche  deux  ou 
trois  aventures  malplaisantes.  Je  ne 
parle  fioint ,  lui  dit-il ,  du  pillage  des 
auteurs  ,  le  gendre  du  docteur  Bau- 
dius vous  accuse  d'une  autre  sorte  de 

larcin Je  ne  me  repens  pas  d'avoir 

pris  autrefois  l'épe'e,  pour  vous  ven- 
ger du  bâton. 

(B)  //  5e  crut  en  passe  d'une  fort 
grande  fortune.']  11  y  a  du  plaisir  à 
l'entendre  raconter  lui-même  les  rai- 
sons de  ses  grandes  espérauces.  Qu'on 
lise  donc  la  seconde  histoire  qu'il  dé- 
bite dans  ses  Entretiens  *a  ;  c'est    la 

**  Lcrlcrc  dit  que  cet  écrit  réimprimé  dans  le 
tome  II  des  OLuvret  de  Balzac,  in-folio,  n'y 
remplit  pas  trois  pages,  ce  qui  n'empêcherait 
pas  que  l'édition  originale  en  eût  quatre  ou  cinq , 
comme  dit  Bayle. 

(7)  Lettres  de  Plivllarque,  I".  part.,  pas 
0.17. 

*2  Bayle  ,  dit  Joly,  n'a  pris  connu  le*  ilsr- 
niers  Entretiens  de  M.  Dumas  avec  M.  de  Bal 


yo 


BALZAC. 


sienne  (8).  On  y  verra  entre  autres 
choses  la  preuve  de  ce  que  j'ai  dit 
touchant  les  éloges  que  l'on  donnait  à 
ses  lettres,  avant  même  qu'elles  fus- 
sent imprimées.  Il  nous  conte  que 
l'evêque  de  Luçon  .  rappelé  de  son 
exil  (q) .  lui  fit  une  infinité  de  caresses, 
le  traita  d'illustre  ,  d'homme  rare  ,  de 
personne  extraordinaire ,  et  que  l'ayant 
un  jour  prié  a  dîner ,  il  dit  à  force 
gens  de  qualité  qui  étaient  a  table  avec 
lui ,  Voilà  un  homme  (  cet  homme 
n'avait  alors  que  vingt-deux  ans)  à 
(jui  il  faudra  faire  du  bien  quand 
nous  le  pourrons,  et  il  faudra,  com- 
mencer par  une  abbaye  de  dix  mille 
livres  de  rente.  N'est-il  pas  vrai 
qu'on  ne  saurait  guère  voir  de  plus 
beaux  comme ncemens  ?  A  Rome  ,  on 
lui  eût  là-dessus  prête  de  l'argent ,  on 
eût  fait  des  gageures  sur  ces  avances 
do  la  fortune.  Toutefois  ,  les  choses 
en  sont  demeurées  là.  M.  le  cardinal 
de  Richelieu  ne  s'est  pas  souvenu  de 
ce  qu'avait  du  M.  l'evêque  de  Lucon. 
Cela  me  fait  souvenir  de  cet  endroit 
du  Ménagiana  :  «  M.  de  Balzac  avait 
■»  premièrement  aspiré  à  être  évêque. 
»  11  se  retrancha  ensuite  à  devenir 
»  abbé  ;  mais  il  ne  réussit  ni  dans 
»  l'un  ni  dans  l'autre  dessein.  Il  a 
»  même  écrit  dans  quelqu'un  de  ses 
■»  ouvrages ,  qu'il  ne  serait  jamais 
»  abbé  ,  à  moins  qu'il  ne  fondât  l'ab- 
»  baye(io).» 
(C)   On  publia  contre  lui  un  petit 

livre. dont  un  feuillant  ,  nomme 

frère  André,  était  l'auteur."]  C'était 
un  Manceau  ,  qui  se  réconcilia  depuis 
avec  M.  de  Balzac,  et  l'alla  voir  à 
Angoulême  (n).  M.  de  Balzac  le  ré- 
gala magnifiquement,  lia  avec  lui 
une  cordiale  amitié  quia  duré  autant 
que  sa  vie  (ia).  11  lui  a  écrit  plusieurs 
lettres,  où  il  le  qualiiie  le  révérend 
père  dom  André  de  Saint  -  Denys. 
Voyez  nommément  l'une  des  Disser- 

zac ,  iG5tï,  in-4°  Ces  Entretiens  sont  au  nom- 
bre de  neuf,  et  ne  se  trouvent  point  clans  i  édi- 
tion des  OEuvres  de  Balzac ,  in-folio,  ce  qui 
a  engagé  Joly  a  leur  consacrer  plus  de  trois  pages 
in-folio. 

(8)  Entret.  VIII  ,  pag.  »3î  ,  r'tlil.  i'ri-12. 

(9)  Cela  tombe  à  l'an  itH8. 

(10)  Méaagiaua  ,  pag.  îçjo. 

(n)  Saint  -  Komualil,  Continuât.  Chronici 
Adcrcari ,  ad  annum,  1627. 

(12  Voyez  ses  soins  pour  les  intérêts  du  père 
André' ,  dans  les  lettres  XVII  kl  XVI II  du 
IVe.  livre  il    Conrart,  écrites   en  i653. 


tations  imprimées  avec  le  Socrate 
chrétien,  le  premier  Entretien  ,  et  par- 
mi les  Lettres  latines,  le  poè'me  intilulé 
lier  speralum  ,  précédé  d'une  lettre 
où  Balzac  raconte  avec  une  extrême 
joie  le  changement  de  ce  feuillant  ,  et 
où  il  se  sert  de  cette  belle  exclama- 
tion parodiée  de  Virgile  (i3j  , 

O  stiperi  i  tanto-np  placuil  concurrere  motu 
jEternitale  posthac  mentes  in  pave  futuras  ? 

Une  autre  lettre  latine,  qui  précède 
celle-là  (i4)  ,  nous  apprend  que  frère 
André,  qui,  selon  l'expression  de 
Voiture  ,  avait  été  l'Hélène  de  cette 
guerre,  ayant  oui  dire  que  M.  de 
Balzac  était  mort ,  l'avait  pleuré  et 
luué.  Or  ,  puis  qu'après  avoir  su  que 
la  nouvelle  était  fausse,  il  devint  le 
bon  ami  de  ce  prétendu  défunt ,  il 
fit  voir  quil  n'était  pas  dans  le  cas 
de  cette  sentence  : 

Virtutem  incolwnem  odimus,   .  .   . 

.   .  Sublalam  ex  oculis  tjuœrimus  invidi  (i5). 

Il  ne  faut  pas  oublier  cette  circon- 
stance, que  ce  religieux,  qui  était 
alors  prieur  du  couvent  de  Saint-Mé- 
min  proche  d'Orléans  ,  n'eut  pas  plus 
tôt  su  la  maladie  dangereuse  de  M.  de 
Balzac,  qu'il  assembla  tous  ses  moines, 
afin  qu'ils  priassent  Dieu  avec  lui 
pour  le  malade  (i6j.  Celui-ci  ,  après 
sa  guérison ,  donna  à  l'autel  de  leur 
église  une  cassolette  de  quatre  cents 
livres,  accompagnée  d'un  revenu  an- 
nuel ,  pour  y  entretenir  continuel- 
lement les  parfums.  Si  M.  Moréri 
avait  parlé  des  témoignages  éclatans 
que  Balzac  donna  de  son  bon  cœur, 
en  se  réconciliant  avec  frère  André 
et  avec  le  père  Garasse  ,  on  ne  trou- 
verait pas  destitué  de  jugement  cet 
endroit  de  son  dic'ionnaire.  Ilpassa 
d'abord  pour  l'homme  de  France  le 
plus  éloquent.  Cette  réputation  lui  fit 
des  envieux ,  et  on  sait  assez  la  que- 
relle qu'il  eut  vers  l'an  7627  avec  le 
père  Golu  général  des  feutllans  ,  et 
avec  d'autres.  Tout  le  monde  était 
pourtant  persuadé  de  la  franchise  et 
île  la  générosité  ûe  M.  de  Balzac  , 
qui  mourut  très-chrétiennementeomme 
il  avait  vécu.    Quel  étrange    saut  de 

(i3)  Virgil.  ,  iEnei'd.,  lib.  XII,  vs.  5o3. 
(i4)  Pag.  26S. 

(15)  Horat.  ,  Od.   XXIV,  lib.  III ,  vs.  3i. 

(16)  Pré face  des  OEuvres  de  Balzac,  et  Rela- 
tion de  sa  mort. 


BALZAC.  7, 

l'an  1G27  à  Tan  i654,  en  si  pou  de  permettent  qu'on  leur  fasse  des  enfans; 
lignes  !  Il  puis  ,  à  quoi  bon  ,-,  tte  qu'il  ne  pourrait  souffrir  c|u"on  lui 
franchise  et  celle  générosité,  dont  Ri  ses  livres  ;  et  que  ,  pour  ce  qui  re- 
tout le  monde  était  pourtant  persuadé?  garde  la  façon  de  son  ouvrage,  ses 
S'agissait-il  de  cela  ?  il  s'agissait  de  amis  lui  ont  été  aussi  étrangers  que 
savoir  si  Balzac  était  bon  auteur,  ceux  qui  vivaient  aux  extrémités  du 
éloqueut ,  et  orthodoxe,  monde.    Il    nous    apprend   là   même, 

(D) cette  pièce  fut  ré  fut/.- que  sa  préface  sur  les  Lettres  de  Balzac, 

dans  l'Apologie  qu' Ogier  publia  en    avait  été  attribuée  à  d'autres  qu'à  lui 
1627.]   Ou    a   parle  fort  diversement    très-faussement.   On   verra    ceci   plus 
sur  le  véritable  auteur  de  cet  ouvrage.    ;">  long  dans  sou  article  (19). 
Les  uns   ont  cru   que  celui    qui   s'en         (E)  II  laissa   passer    l'orage  excité 
disait  le  père    l'était    effectivement  ,     contre   lui  par   le  père   Goulu  ,    sans 
les  autres  ont  cru  qu'il  n'avait  fait  que    répondre  à  son   adversaire]  J'avoue 
prêter  son   nom   à    un    ouvrage   que    qu'il  mit  la   main  à  la  plume  dès  ce 
Balzac,  avait  fait  lui-même.  Voici   ce    temps-là  ,   pour  composer  sa  Relation 
que  .M.    Me'nage  en   a  dit  :  Le  prieur     à  i)Ienandre  ,  mais  cet  ouvrage  ne  fut 
Oger  (+)  répondit  a  ces  livres  du  père    imprimé   que   long-temps  après.    On 
Goulu  contre  M.  de  Balzac,   par  un    voit  la  raison  de  cette  conduite  dans 
livre  qu'il  intitula  l'Apologie  de  M.  de    ces  paroles  du    XXIIIe.    Entretien  de 
Balzac  (17),  qui  est  un  livre  écrit  avec    Balzac  :    Vous    vous  souvenez    de  la 
quelque  sorte  de  doctrine  et  d'élégan-     cruelle  persécution  qui  s'alluma  con- 
ce;  mais  M.  Oçer  n'y  a  contribué  que    tre  moi  il  y  a  plus  de  vingt  ans.  En 
la  doctrine.   Tout  ce  qu'il  y  a  d'elé-     ce  temps -la  ,    un   auge   du   ciel  n'edt 
gance  est  de   M.    de  Balzac.   Je  l'ai    pas  été  écouté ,  s'il  en  fût   descendu 
ouï  dire  plusieurs  fois  11  31.  de  Iiacan,    pour  plaider  ma  cause.  La  brigue  était 
et  à  M.  de.  Gomberville  ,   qui  avaient    trop   forte    et    trop  passionnée   pour 
vu  M.  de  Balzac  travailler  a  cet  ou-    pouvoir  attendre    un   juste   jugent  n! 
vrage  ;et  j'ai  lu,  d'ailleurs,  que  M.  de    du  public.  Grâces  à  Dieu,  l'orage  ii 
Balzac, parlant  de  cet  ouvr.ge ,  disait    cessé,   et  le  calme  est  venu  après  la 
qu'il  en  était  le  père ,  et  qu'Oger  n'en     tempête.  Les  choses  ayant  changé  de 
était  que  le  parrain  ;  qu'il  avait  fourni   jace  ,  il  est  à  croire  que  le   bon  droit 
la  soie,  et  qu'Oger  n'avait  fourni  que     changera  aussi  le  destin.  L'auteur,  se 
le  canevas  (1$).  Apparemment  ce  fut    voyant  alors  sollicite   de    nouveau   à 
à  cause  qu'on  en  parlait  ainsi  dans  le     publier  sa  de'fense  ,  y  consentit.    Mé- 
mmde  ,    que  le  sieur  de  la  Motfe-Ai-    nandre,  auquel  il  adressa  sa  Relation  , 
gron  craignit  une  semblable  destinée,    est  Mainard  (ao).  Quoique  cette  rela- 
et  tâcha  de  la  prévenir  en  déclarant    tion  soit  accompagnée  de  la  défense 
dans  la  préface  de  sa  Réponse  à  Pbyl-     de  quelques-uns  des  passages    que   le 
laïque,  ([ue    l'avis  qui  lui  était  venu    père   Goulu    avait  critiques,  elle   est 
de  divers  endroits  qu'on  voulait  don-    plutôt  une  réponse    générale   qu'une 
ner  un  maître  à  son  livre,  l'obligeait    réfutation  suivie  et  complète  des  deux 
d'avertir  tousses  lecteurs,  qu'il  n'y    volumes  de  Pbyllarque.  Balzac  justiti.i 
avait  point  là  de  Roger  qui  combattit    aussi  quelques  passages  qu'un  docteur 
sous  (es  armes  de  Léon;  cpi'il  n'avait    de  Louvain   et  un  docteur  de  Besan- 
point    la  complaisance  de    ceux  qui    çon  avaient  critiqué.  (21).  Je  trouve 

quelque  chose  à  reprendre  dans  son 
(*)  tl  faut  Ogier.  Il  était  frère  de  Charter    calcul.  11  paraît,   par  son  Entretien 

Ogier      dont  on   parlera  ci-après,    et  il  a  fait  XXVII      (,u^[    ne   se    u^telmina   à     DU- 

des  Actions  publiques,  en  deux  tomes,   1  Apolo-  ,  ■•                   »        i       •                     ,           i         • 

gic    de    Bahac,    et    une    Oraison    funèbre   pour  Dncr   sef  apologies  que  plus    lie    Vingt 

Philippe  IV,  roi  d'E<pagne.  Cette  pièce,  suivant  ans  après  la   persécution    que  Phyllai- 

Sorel  dans  sa  Bibbotl.éque  française,   est   excel-  ,,,„,  l„i  suscita.   Néanmoins  il  es!  txès- 

lente.  Lostar  ,  tom.  11 ,  pas.   i8  de    ses   Lettres,'  *     .,     ■                 i            i               ,               s\T. 

adresse  la  XV1I«.  a  M.   l'abbé    Oger.    Il    devait  <*I  tdlll  que  le  volume  de  Ses   Otuvres 
aussi  dire  Ogier.  Rem.  crit. 

(17)  Je  montre  liant  la  remarque  (F)  Je  l'ar-  ('9)  Voyez  ta  remarque  (D)  de  l'article  M 
ticle  Goulu  (  Jean  )  ,  que  M.  Ménage    ..-  trompe  ts-Aicron. 

en  disant   que   /'Apologie  publiée  par  le  prieur  (20)   Ménage,   Remarques  sur  Avraull  ,  p<'- 

Oger  ,  répondait  aux  livres  du  père  Goulu.  a52. 

(18)  Ménage,    Remarques?ur    la    Vie    de   P.  (")  Voyez  les  pièces  qui  sont  après  le  Socrate 
Ajrault,  pag.  252.  cliréUen. 


72  BALZAC. 

diverses,  dont  les  Discours  à  Me-  trouvé  digne  de  censure.  La  lettre  la- 
nandre  sont  une  très -considérable  fine ,  qu'il  écrivit  à  un  père  de  la  doc- 
partie  ,  fut  imprimé  Tan  1 645  ^  et  trine-chrétienne  ,  toucliant  ce  procès 
jue  son  libraire  y  fait  savoir  que  Tau-    sorbonique  ,  est  admirable.  Elle- est  à 

la  page  187  de  ses  Epistolœ  selectœ  ,  à 


teur  n'en  a\ait  pu  refuser  la  publ 
cation  ans  instances  réitérées  de  son 
père  ,  âgé  de  quatre-vingt-onze  ans. 
Si  vous  comparez  à  cet  avis  au  lec- 
teur la  lettre  de  M.Guez,  dont  j'ai 
parlé  dans  la  remarque  (C)  de  l'arti- 
cle précédent, vous  verrez  que  la  réso- 
lution d'imprimer  le*  Apologies  contre 
Phyllarque  est  de  l'an  i644-  Com- 
ment accorder  cela  avec  le  XXVIIe. 
Entretien  ? 

(F)  Il  profita  du  peu  de  succès  de 


l'édition  de  Paris,  en  i65i  ,  in-12. 
Notez  qu'il  y  a  des  gens  qui  ont  as- 
suré que  cet  ouvrage  est  l'un  des  meil- 
leurs écrits  de  l'auteur.  C'est  ainsi  , 
monsieur  ,  que  vous  t'avez  pratiqué 
vous-même  dans  votre  Prince  ,  et  dans 
vos  Relations  à  Ménandre,  qui  sont  les 
deux  grands  miracles  de  votre  ait ,  et 
les  derniers  efforts  de  i éloquence  hé- 
roïque. Voilà  ce  que  disait  Costar  dans 
sa   Défense  de  Voiture.   M.    Richelet  , 


son    Prince.   ]    1-es  amis   de   l'auteur    dans  ses  Remarques   sur  des  lettres  , 


avaient  rronns  cet  ouvrage  comme 
un  chef-d'œuvre  qui  ferait  taire  tous 
les  critiques  ,  et  surtout  ceux  qui  ac- 
cusaient B.dzac  de  n'être  capable  que 
d'écrire  des  lettres.  L'événement  ne 
répondit  pas  à  ses  espérances  :  ce 
litre  ne  fit  rien,  ni  pour  la'réputa- 
tion  ni  pour  la  fortune  de  Balzac  ,  et 
lui  suscita  des  affaires  du  coté  de  la 
Sorbonne.  Quoique  le  marquis  d'Ay- 
tona  l'eût  fait  briller  à  Bruxelles  (22), 
on  ne  laisse  pas  d'en  parler  avec  le 
dernier  mépris  dans  une  réponse  de 
l'abbé  de  Saint-Germain  ,  et  comme 
d'un  livre  qui  avait  été  supprimé  par 
la  censure  des  docteurs  ,  et  sentence 
des  juges,  un  mois  après  sa  naissance. 
M.  Pellisson  rapporte  ,  qu'en  i636  , 
Balzac  lut  à  l'académie  française  quel- 
que partie  de  son  Prince  ,  qu'il  nom- 
mait alors  le  ministre  d'état  (23). 
Cela  montrerait  qu'il  avait  d'abord 
envie  de  ne  faire  que  l'éloge  du  car- 


dit  que  le  Prince  et  V  Arislippe  sont  les 
deux  plus  éloquentes  pièces  de  Bal- 
zac. (ï4)-  Si  l'on  jugeait  du  mérite 
de  ce  Prince  de  Balzac  ,  par  le 
nombre  des  éditions  ,  on  n'en 
pourrait  faire  qu'un  jugement  très- 
avantageux  :  «  D'abord  il  y  eut  deux 
»  éditions  r/z-^0, qui  parurent  en  même 
»  temps  ;  une  autre  de  même  forme, 
»  mais  en  plus  petit  caractère  ,  et 
»  toute  pleine  de  fautes,  imprimée,  je 
j>  crois,  à  Niort  ou  à  Poitiers.  Ensuite, 
»  il  y  en  eut  une  in-S".  ,  assez  bonne  , 
»  quoique  contrefaite.  Après  quoi  , 
»  vint  celle  de  Bouillerot,  in  8°.  aussi, 
»  mais  corrigée  ;  et  enfin  l'édition 
»  in  12  de  Courbé.  »  Ces  paroles  sont 
tirées  d'une  lettre  que  M.  du  Rondel 
me  fit  l'honneur  de  m'écrire  le  iode 
mai  1698.  J'en  vais  citer  un  autre 
morceau.  J'ai  acheté  depuis  peu,  dit- 
il,  le  Prince  de  la  première  édition  ,  ou 
j'ai    vu   avec  un    plaisir   indicible    ce 


dinal.  Mais  il  faut  savoir  que  M.  Pel-    que  M.  de  Balzac  avait  écrit  ,  et  qu'il 


lisson  se  trompe.  Le  Prince  fut  impri- 
mé en  i63i.  Il  devait  être  suivi  de 
deux  autres  livres  ,  dont  le  dernier 
s'appelait  Ministre  d'état.  Quelques- 
uns  trouvent  que  dans  son  Prince  il 
donne  plus  de  louanges  au  cardinal 
qu'au  roi  (  Voyez  la  page  3^  du  XVe. 
tome  de  la  Bibliothèque  universelle  )  ; 
mais  cela  est  faux.  On  voit  dans  le 
VIIIe.  livre  des  Lettres  de  cet  auteur 
celle  que  la  faculté  de  théologie  lui 
répondit  pour  lui  marquer  qu'elle 
était  contente  des  offres  qu'il    faisait 


a  changé  et  retranché  ensuite,  et  ce  n'est 
que  celte  fois-ci  que  j'ai  bien  compris 
ce  que  voulait  dire  Scaliger  avec 
son  detrahendo  fecit  auctiorem.  Bal- 
zac, en  égorgeant  cinq  ou  six  endroits, 
a  supprimé  la  langueur  ,  a  ranimé  la 
faiblesse  ,  a  donné  du  poids  à  sa  force, 
et  s'est  saisi  de  l'attention  qui  allait 
échapper  au  lecteur.  Je  me  sers  d'une 
édition  £/î-4°-,  qui  est  de  l'année  i632  : 
le  lieu  de  l'impression  n'y  est  point 
marqué  ,  mai.sr  sans  doute  elle  est  de 
Rouen.  J'en  ai  vu  une  en  petit  octavo  , 


de  changer  lui-même  ce  qu'on  avait    faite  à  Paris  ,  chez  Toussaint  du  Bray, 
,    .„.        ,         VTMT   ,.     „„.    _  .         en  1 632.  On  y  voit  au  titre  ,  seconde 

(22)  Balzac,  lettre  XLIII,  Itv.  VIII,  Entret.       ....  •  •'.        M      D ,n        ,„;  „ 

XIII    pag  18a.  édition  corrigée.   M.   Perrault  ,  qui  a 

(?4)  Ricbelet,  Lettres,  etc.  ,  pag.  97. 


(a'i)   Histoire  de  l'Académie    française,  pag. 
sas,  et  1G7, 


BALZAC. 


73 


tant  loue  Y  Aristippe  de  Balzac  (25)  , 
n'a  dit  rien  d'avantageux  du  Prince. 
Il  s'est  contente'  de  dire  que  cet  ou- 
vrage parut  aprèsles  Œuvres  diverses. 
Il  trouvera  bon  ,  je  m'assure  ,  que  je 
remarque  qu'il  s'est  trompé.  Les  Œu- 
vres diverses  ne  parurent  que  long- 
temps après  le  Prince  (26).  Finissons 
par  un  passage  de  Gabriel  Naudé  : 
Quibus  omnibus  velut  coronidern  ac- 
cessisse  ferunl  Balsnci  ,  viri  clarissi- 
mi  ,  Principem  ,  gillicd  modo  pumice 
diligenter expolitwn.  ferùmenimverà, 
quomam  ipse  liber  post  nieum  è  Galtid 
discessum  typis  fuit  demandatus  ,  ut 
proptereâ  nondum  in  manus  meas 
pervenerit  ;  variaque  ,  ut  audio  ,  ac 
prorsùs  ancipiti  judiciorum  aled  fuit 
exceplus  :  hoc  solùm  de  illo  pronun- 
ciare  possum  ,  quodjuit  ab  anliquis  in 
simili  occasione  ex  formuld  usurpa- 
tum,  non  liquet  (27). 

(G)  Hélait  en  commerce  de  lettres.  "| 
Il  était  si  grand  ce  commerce-là,  qu'il 
accablait  M.  de  Balzac,  parce  qu'ou- 
tre qu'il  composait  avec  une  extrême 
peine ,  il  savait  qu'on  montrait  ses 
lettres ,  et  qu'ainsi  il  fallait  que  rien 
n'y  manquât.  Voici  comment  il  décrit 
son  état  à  cet  égard.  Il  est  la  butte  de 
tous  les  mauvais  complimens  de  la 
chrétienté,  pour  ne  rien  dits  des  bons, 
qui  lui  donnent  encore  plus  de  peine. 
Il  est  persécuté,  il  est  assassiné  des 
civilités  qui  lui  viennent  des  quatre 
parties  du  moiuie  ,  et  il  y  avait  hier  au 
soir  sur  la  tabfe  de  sa  chambre  cinquante 
lettres  qui  lui  demandaient  des  répon- 
ses ,  mais  des  réponses  éloquentes  ,  des 
réponses  à  être  montrées  ,  à  être  co- 
piées ,  à  être  imprimées....  (28).  A 
l'heure  que  je  vous  parle  ,  dit-il  en 
un  autre  endroit  (29)  ,  il  y  a  sur  ma 
table  une  centurie  de  lettres  ,  qui  at- 
tendent des  réponses  :  j'en  dois  à  des 
têtes  couronnées.  Comme  il  fut  le  pre- 
mier en  France ,  qui  se  fit  un  grand 
nom  par  cette  sorte  d'écrits  ,  il  en 
remporta  le  titre  de  grand  épistolier  , 

(î5)  Perrault,     [tommes  illustres  ,  pag.  1-6. 

(26)  Le  privilège  du  Prince  est  date'  du  18 
septembre  i63i  ,  el  l'approhation  est  datte  du  3 
oclohre suivant.  T.es  OEuvre*  diverses  furent  im- 
primées Van  i645. 

(27)  Nandsns,  Ribliojr   polit. ,  pag.  t\-. 
(a8)  Raliac ,  Eotret.  VII. 

(29)  Lettre  VU  ,/„  V*.  livre  dans  le  vol.  à 
Conrart.  Koje%  aussi  les  Lettres  choisies  ,  pag. 
i5,  et  les  Luttresà  Chapelain  ,  pug.  81 ,  édition 
le  Hellande . 


et  il  se  le  donnait  quelquefois  lui- 
même  :  Sciât  se  dignum fuisse  invidid 
magni  Franciœ  epistolarii  (3o).  Les 
premières  lettres  qu'il  publia  ne  va- 
laient pas  à  beaucoup  près  celles  qu'il 
fit  depuis  sa  retraite  ,  et  néanmoins 
celles-ci  n'ont  pas  eu  le  quart  du  dé- 
bit des  autres.  Sorel  a  eu  raison  de 
faire  cette  remarque  (3i)  ;  et  le  criti- 
que de  Maimbourg  n'a  pas  eu  tort  de 
la  répéter  (32).  On  peut  juger  par-là 
des  caprices  et  de  la  bizarrerie  du  pu- 
blic. 

(H)  Ses  lettres....  ont...  une  certaine 
gaieté  vive  et  sérieuse  ,  qui  est  presque 
inimitable.  ]  Ecoutons  ce  qu'en  dit 
Richelet.  Rahac  ,  dit-il  (33)  ,  ne  fait 
point  de  plainte  qui  n'ait  quelque  chose 
d'ingénieux  ,  de  nouveau  ,  et  d'élo- 
quent ...  Il  avait  une  mélancolie  douce 
et  ingénieuse  :  elle  paraît  dans  ses 
Lettres  ,  et  il  n'en  parle  jamais  sans 
chatouiller  le  cœur,  et  inspirer  de  la 
joie —  Il  y  a  une  certaine  mélancolie 
pleine  de  charmes  ,  qui  vaut  mieux 
que  toute  la  gaieté  du  monde. 

(I)  //  eut  beaucoup  d'ennemis  ,  qui 
écrivirent  contre  lui.~]  M.  le  chancelier 
Séguier  n'ayant  pas  voulu  permettre 
la  publication  d'un  livre  composé 
contre  Balzac  en  i636  ,  reçut  peu 
après  une  lettre  de  cet  auteur  (34)  , 
où  l'on  trouve  ces  paroles  :  Tant  qu'il 
ne  s-'-  présentera  au  sceau  que  de  ces 
gladiateurs  de  plume  ,  ne  soyez  point 
avare  des  grâces  du  prince  ,  et  relâchez 
un  peu  de  votre  sévérité.  Si  la  chose 
était  nouvelle  ,  il  se  peut  que  je  ne  se- 
rais pas  fâché  de  la  suppression  du 
premier  libelle  qui  me  dirait  des  in- 
jures ;  mais  à  cette  heure ,  qu'il  y  en  a 
pour  le  moins  une  médiocre  bibliothè- 
que ,  je  suis  presque  bien  aise  qu'elle 
se  grossisse  ,  et  prends  plaisir  h  faire 
une  monjoye  des  pierres  que  l'envie 
m'ajeitées  sans  me  faire  mal.  On  peut 
compter  entre  ceux  qui  écrivirent 
contre  lui  ,  outre  ceux  dont  j'ai  déjà 
fait  mention  ,  Daniel  Heinsius  ,  qui 
repoussa  avec  un  peu  de  chagrin  la 
critique  que  Balzac  avait  faite  de 
YHerodes  infanlicida.  Voyez  sur  cela 

(3o)  Epist.  sélect.  ,  pag.  a88. 
(3i)  Sorel,  Biblioth.  (ranç. ,  pag.  i35. 
(il)  Pre'f'iire  des  Nouvelles  Lettres  sur  le  Cal- 
vinisme île  Maimbourg. 

(33)  Richelet,  Lettres,  pag.  81  ,  83. 

(34)  C'est  la  XLIII*.  du  III'.  livre  delà 
II",  partie  des  Lettre*  choisies. 


74  BALZAC. 

l'Entretien  XXXV  de  Balzac  ,  et  la  dont  il  eut  quelque  chagrin  (3r).  Je 
XXVe.  lettre  «lu  Ier.  livre  à  Chapelain,  laisse  les  coups  de  dent  qu'on  donne  à 
et  la  XXe.  du  livre  II.  M.  de  Sau-  Balzac  dans  l'Hexamérot]  rustique, 
maise,  ennemi  de  Heinsius  ,  et  anii  de  Voyez  la  plainte  que  fait  M  Ménage, 
Balzac,  écrivit  sur  cette  dispute  ,  et  d'y  avoir  été  introduit  pour  paner 
adjugea  la  victoire  à  son  ami  ;  mais  un  contre  M.  de  Balzac  v38'  Je  laisse  de 
ministre  de  Languedoc  ,  nommé  Croï  plus  ce  qui  se  passa  entre  M.  du  Mou- 
(35)  ,  prit  feu  contre  Balzac,  en  fa-  lin  et  lui  ,  car  ce  ne  fut  qu'une  légère 
veur  de  Heinsius  ,  et  néanmoins  il  escarmouche  de  controverse  ,  où  cha- 
écrivit  peu  après  fort  durement  contre  que  partie  reçut  de  l'ericeus.  Il  en  sor- 
ileinsius  :  il  est  vrai  que  ce  fut  sur  tit  d'autres  disputes  qui  furent  plus 
d'autres  matières.  Comptez  aussi  Ni-  envenimées  (39)  ;  mais,  autant  qu'il 
colas  Bourbon,  de  l'académie  fran-  m'en  peut  souvenir  ,  Balzac  n'y  reçut 
çaise.  Voyez  ce  que  l'historien  de  l'a-  que  ce  petit  coup  ,  uir  ingénia  compta 
cadémie  a  dit  là-dessus  (36).  N'oubliez  et  gallicœ  eloquentiœ  lande  clarus 
point  Costar  qui ,  ayant  cru  que  Bal-  Balzacus  ,  sed  in  religionis  negotio 
zac  avait  engagé  par  jalousie  M.  de  plusquam  infans.  Ce  fut  M.  du  Mou- 
Girac  à  critiquer  Voiture  ,  lui  adressa  lin  qui  le  lui  donna,  dans  répitre 
la  défense  de  Voiture  ,  et  y  fourra  liminaire  de  sa  Réponse  à  Petra-éanc- 
cent  railleries  piquantes.  Le  coup  fut  ta.  On  fit  semblant  d'ignorer  l'insulte  : 
senti  ,  et  la  chose  dégénéra  enfin  en  voyez  la  onzième  lettre  du  11e.  livre  à 
guerre  ouverte.  Costar  leva  tout-à-fait  Chapelain.  Je  serais  trop  long,  si  j'en- 
le  masque.  Voyez  les  reproches  que  treprenais  de  parler  d'un  certain  de 
lui  en  fait  M.  Girard  dans  la  préface  Vaux  (/fo) ,  et  de  tous  les  autres  ad- 
des  Entretiens    de  Balzac.  On  trouve    versaires  de  Balzac. 

dans  le  Ménagiana  quelques  faits  qui        (K)  Il  y  avait  peu  de  personnes  , 

pourront  avoir   ici  de  l'emploi  fort  a     qui...  ne  se.  fissent  un  plaisir  de  l'aller 
propos. M.  de  Balzac,  après  avoir  obligé    voir.  ]  Cela  lui  était  à  charge  ,  comme 
M.  de  Girac  h  écrire  en  latin  contre    \\  paraît  par  ces  paroles  de  son  VI1°. 
les  Lettres  de  Voiture  ,  engagea  aussi     Entretien.   Il  vient   ici  des  importuns 
M.    Costar  a   prendre   la  défense  de     en  personne  ,  quelquefois   de  plus  de 
f^nilure  ,   et   à  écrire   contre   M.    de     cent  lieues  ,  et  tout  exprès  ,  si  on  les 
Girac  :  c'était  pour  s'attirer  des  Inuan-     veut  croire  ,  qui  lui  donnent  le  dernier 
ges  de  l'un  et  de  l'autre  côté.  Je  pas-     coup  de  la  mort  ,  lui  disant  pour  leur 
sais  par  le  Mans  pour  revenir  à  Pa-    premier  compliment ,  que  su  haute  ré- 
ris  ,    dans    le  temps  que   la    Défense     putatton,  et  la  célébrité  qu'il  a  donnée 
fut  achevée.   M.  Costar  m'en  donna    au  lieu  où  il  est  ,  les  ont   obligés  de 
deux  exemplaires  ,  l'un  pour  être  en-    venir  voir  cette  personne  si  connue ,  et 
voyé  a  M.  de   Pinchesne  ,  neveu  de    ce  village   si  renommé ,   qu'il  ne  doit 
M.  de  Poiture  ,  et  l'autre  a  M.   Con-    point  trouver  mauvaise  une  si  juste  et 
rart.  Il  me  dit  qu'il  se  soumettrait  vo-    $i  honnête  curiosité  que  la  leur.  Un  de 
lontiers  h  tous  les  changemens   qu'on    ces  curieux  lui  commença  il  Y  a  quel- 
y  voudrait  faire ,  soit  qu'on  voulût  y     ques  jours  sa  harangue  par  :  le  respect 
ajouter  ou  retrancher.  Une  des  copies    et  la  vénération  qu'il  avait  toujours 
fut  communiquée  a  M.  de  Balzac  ,  qui    eue   pour   lui  ,  et    pour  messieurs  ses 
envoya    des    corrections  ;    cependant    livres.  //  n'est  rien  dt  plus  historique 
l'ouvrage  s'imprima  ;  et  ,    parce  que     que  ceci  ,  et  vous  pouvez  voir  par-là 
ses  corrections  arrivèrent  dans  le  temps    jusqu'où  peut  aller  le  style  des  compli- 
que l'impression  fut  achevée,  on  lui     mens.  Ce  n'étaient  pas  seulement  les 
manda    qu'elles    étaient   venues  trop    gens  de  lettres  qui  Tallaient  voir ,  les 
tard  ,  et  le  livre  parut  tel  qu'il  était  ,     grands  seigneurs  le  faisaient  aussi  ;  et 


(35)  C'est  lui  qui  est  V auteur  de  la  Réponse 
nnonyme  a  la  Lettre  et  au  Discours  de  Balzac  sur 
une  tragédie  de  lieins,  intitulée  ,  Herodes  infan- 
licida  ;  laquelle  réponse  j'ut  imprimée  a  Genève, 
(quoique  le  titre  ne  le  porte  pas  )  ,  en  1642. 

(36)  Pag.  260,  édit.  de  1672.  forez  aussi  la 
XXVIIIe.  et  la  XXXe.  lettre  du  IIe.  livre  à 
Chapelain. 


(3>j)  Ménagiana ,  pag.  166,  167. 

(38)  Là  même,  pag.  3î3. 

(3q)  Le  jésuite  Silvcstre  à  Petra-Sancta,  ayant 
écrit  durement  contre  la  Réponse  de  du  Moulin  i 
Balzac  fut  paré  en  même  monnaie  par  du  Mou- 
lin  n  par  Rivet. 

40)  Il  publia  le  Tombeau  de  l'Orateur  fran- 


je  suis  fort  trompe  ,  si  le  comte  de 
Pigneranda  ne  lui  lit  point  cet  hon- 
neur, lorsqu'il  passa  parce  pays  l.i  , 
en  retournant  en  Espagne.  M.  de  Bal- 
zac est  bien  aise  de  nous  apprendre  , 
que  ce  comte  lui  avait  reproche  le 
zèle  aillent  de  sa  plume  pour  défen- 
dre; l'honneur  de  la   France.   11   nous 


BALZAC. 

1 


i  écrivit  qu'il  avait  va  l'original  de 
son  compliment ,  d'où  il  faudrait  con- 
clure que  même  les  plus  grands  es- 
prits ne  se  souviennent  pas  quelque- 
fois de  leurs  lettres  du  temps  passe*. 
Ce  qu'il  y  a  d'incontestable ,  c'est  que 
M.  de  Balzac  s'est  tenu  pour  bon  et 
véritable  académicien  ;  car  le  registre 


apprend  cela  dans  la  lettre  où  il  réfute    du  14  d'avril  i63G  fait  foi  qu'il  lut  à 
le  bruit  quj  courait  ,  qu'il  avait  com-    l'académie     quelque    parue    de 


posé  un  manifeste  pour  le  prince  de 
Condé  en  i65i  (40- 

(Lj  H  fut  un  </('*  quarante  de  l'aca- 
démie française.  ]  M.  Pellisson  ,  ayant 
dit  conformément  aux  registres  de 
l'académie  ,  (pie  le  treizième  jour  de 
mars  i634  ,  M.  de  Boisrobert  fit  voir 
une  lettre  qu'il  écrivait  de  son  chef  à 
ïtf.  de  Balzac  ,  pour  l'avertir  que  ,  s'il 
témoignait  à  la  compagnie  par  ses  let- 
tres qu'il  désirait  d'y  être  admis  .  elle 


Prince  (44)  »  et  on  a  prouvé  par  ses 
lettres  imprimées  ,  qu'il  envoya  a 
DI.  du  Chatelet  quelques  ouvrages  de 
sa  façon  ,  le  priant  de  les  lire  h  l'aca- 
démie, et  de  les  accompagner  de  quel- 
ques-unes de  ses  paroles  ,  qui  suffi- 
raient (  disait-il  )  pour  le  tenir  quitte 
envers  elle  non-seulement  du  remercî- 
ment  ,  mais  encore  de  la  harangue 
qui/  lui  devait  (45).  11  venait  de  dire 
que  l'honneur  que  l'académie  lui  avait 


le  lui  accorderait  volontiers  :  M.  Pel-   fait  de  le  mettre  de  son  corps  ,  sans 


lisson  ,  dis-je  ,  ayant  dit  cela,  ajoute, 
qu'il  ne  voit  pas  dans  le  registre  ce  qui 
suivit  ,  mais  qu! infailliblement  M.  de 
Balzac  sur  sa  réponse  fut  reçu  peu  de 
temps  après  dans  l'académie  (fo)- 
M.  de  Balzac  ne  trouve  pas  qu'en  cela 
M.  Pellisson  ait  été  fidèle  historien 


l'obliger  d'aller  à  Paris  ,  étaient  deux 
grâces  singulières  qu'il  avait  reçues 
d'elle  en  même  temps.  Je  me  souviens 
de  deux  endroits  de  ses  lettres,  où  il 
reconnaît  pour  ses  confrères  messieurs 
de  l'académie.  Le  premier  est  à  la 
page   16  de  ses  Lettres  choisies  ,  et  le 


il  reconnaît  que  M.  de  Boisrobert  l'a-    dernier  à  la  page  q5  de  ses  Lettres  à 
vait  exhorté  plusieurs  fois  à  faire  un     Chapela 


compliment  par  écrit  à  l'académie 
et  l'avait  même  menacé  de  la  part  de 
M.  le  cardinal,  si  ce  compliment  ne 
venait  pas  ;  mais  il  soutient  qu  il  n  .1- 
vait  rien  répondu  ,  et  qu'au  bout  de 
cinq  ou  six  mois  on  lui  apprit  qu'il 
était  de  l'académie  ,  et  qu'on  avait  vu 
son  nom  dans  le  soleil  du  petit  bon 
homme  M.  de  la  Peyre  (43).  D'où  il 
conclut  ,  que  si  l'on  avait  présenté  à 
l'académie  une  lettre  de  sa  part ,  on 
avait  fait  une  fausse  lettre.  Voilà  ce 
qu'il  écrivit  à  M.  Conrart,  le  22  de 


(M)  Il  s'était  fait  bâtir  deux  cham- 
bres aux  Capucins  d'sl/igouléme.  ]  Je 
n'ai  lu  que  dans  le  Ménagiana  ,  qu'il 
ait  eu  dessein  de  prendre  l'habit  de 
cet  ordre.  «  M.  de  Balzac  se  mit  si 
»  fort  dans  la  dévotion  ,  qu'il  entra 
»  dans  un  couvent  de  capucins  ,  où  il 
»  voulait  prendre  l'habit  :  il  n'y  est 
»  pourtant  pas  mort  (46).  »  Peut-être 
que,  comme  bien  d'autres,  il  demanda 
de  mourir  dans  l'habit  de  saint  Fran- 
çois. 

(N)    Il   mourut   le    18    de  février 


septembre  i653.  On  ne  sait  pas  quel     i654  j  La  liste  des  académiciens ,  im 


éclaircissement  il  en  reçut  ,  mais  on 
voit  par  une  lettre  du  3  de  novembre 
i!e  la  même  année  ,  que  cet  éclaircis- 
sement l'avaitdétrompé.  Peu  s'en  faut 
qu'on   ne  soupçonne  que  M.  Conrart 

(^i)  Elle  est  imprimée  à  la  fin  du  Socrate 
chrétien. 

(4'i)  Ilist.  île  l'Acad.  ,  pag.  111. 

(43)  La  Peyre  dédia  en  i635  son  livre  de  l'E- 
Çlaircissement  .les  Temps  à  l'académie  ,  avre 
ce  tilir  :  a  l'Enunente.  Il  y  fit  mettre  le  portrait 
du  cardinal,  en  tadte  douce  ,  avec  une  couronne 
de  rayons  tout  autour,  cliacun  desquels  était 
marqué  par  te  nom  d'un  académicien.  Ilist.  de 
t'Açad. ,  l'ag.  IÇ)5. 


primée  à  la  fin  de  la  seconde  édition 
de  l'Histoire  de  l'Académie,  fait  vi\  1  e 
M.  de  Balzac  jusqu'en  1657,    vu  que 

*  Joly  conclut  de  la  letlrc  de  Babac  l'ie  même 
les  plus  grandi  esprits  sont  sujets  à  manquer  d  at- 
tention dans  leurs  lectures  ,  et  pense,  i°.  que 
l'académie  française  avait  reçu,  dès  son  établis- 
sement, une  lettre  au  nom  de  Balzac;  i°.  que 
cette  lettre  n'était  pas  de  lui  j  3°.  que  Conrart 
ne  cherchait  pas  à  persuader  i  B 
l'auteur  de  la  lettre  écrite  en  son  nom  ,  mais  que 
cette  lettre  était  d'une  personne  autre  que  cclk 
qui  était  soupçonnée  par  Bab-ac. 

(44)  Ilist.  de  I'Acad. , pag.  221. 
,       /  -i  mime  ,  pag.  106. 
tfénapaoa  ,  pag.  i'iH. 


n6  BANCK. 

à 

cette  annëe-'à  elle  lui  donne  pour  suc-  fesseur  en  jurisprudence  ,    dans 

cesseur  fiàrdouin  de  Péréfixe  ,««*«-  l'académie   de    Franeker  ,    pen- 

vrmip  Je  Pans*.  Au  contraire  la  liste  ,                                    ,   \      t         '• 

académiciens  morts,  imprimée  à  dant  quinze  ans    (a).    Le  séjour 

13  iin  de  l'État  de  la  Fiance  Tan  1680,  qu'il  y  avait  fait  en  qualité  d'é- 


Jann 

/ait  mourir  JM.  d 

temps  avant  l'ann 


le  Balzac  assez  long-  colier  ,  lui  avait  acquis  de  la 
née  1 654,  puisqu'elle  considération,  de  sorte  qu'y 
us  de  Baro  et  de  eau-      ,  ,  ^     J 


le  place  au-desst 

"i,  qui   étaieiii    uiura  aiaui  xtkw- 

e  i65i.  Si  M.  Pellisson  avait  eu  part    de  France,  d  Italie,  d  Espagne  , 


douin  ,  qui  ts  avant  Fan-    étant  revenu  après  ses_  voyages 


à  la  seconde  édition  de  l'Histoire  de  etc.  ,  on  lui  donna  une  chaire  de 
l'Académie,  on  ne  verrait  pas  dans  la  jurisprudence  ,  avec  de  bons  ap- 
liste  les  deux  fautes  que  1  ai  cotées,  >  .  \  .  T.  ,  12 
dont  l'une  regarde  le  temps  auquel  ppintemens  (b).  Il  mourut  le  l3 
M.  de  Balzac  est  mort,  l'autre  regarde  d  octobre  lOD2  (c).  Je  parlerai 
la  personne  qui  lui  succéda  ,  qui  n'est  ci-dessous  de  ses  ouvrages  (A) ,  et 
pointM.de  Péréfixe.  D'ailleurs  M.  de  particulièrement  d'une  édition 
Péréfixe  n  était  point  archevêque  de  1  ,..  ,  c  ..  - 
Paris  l'an  i657.  Mais  M.  Pellisson  n'est  4"  ^  procura  du  fameux  livre  de 
entréenriendetoutcela.M.Baillet,  qui  la  Taxe  delà  Chancellerie  ro- 
acru  sans  doute  le  contraire,  est  bien  niable  (B).  C'est  un  ouvrage  as- 
excusable  d'avoir  estimé  que  sur  une  gez  sjn„uJier  pour  nous  arr|ter 
telle  caution  il  pourrait  placer  la  mort  o  J.  ,  .  ,.  ■ 
de  Balzac  à  l'année  i657  (47).  Quant  un  peu ,  et  qui  mente  bien  que 
au  jour  de  cette  mort,  c'est  le  28  fé-  je  fasse  quelques  réflexions,  tant 
vrier,  selon  Moréri ,  Saint-Romuald  pour  rectifier  ce  que  j'en  ai  déjà 
(48),  Henningus  de  Witte  (4g),  dit  ailleurs  (i/) ,  que  pour  éclair- 
M.  Perrault  et  plusieurs  autres.  Mais  .  ?..  jcc 
des  gens  que  i'?i  consultés  m'ont  ré-  cir  ce  qu  en  rapportent  differens 
pondu  que  c'est  le  19  de  février ,  selon  auteurs  ,  qui  ne  s  en  expliquent 
le  contrat  passé  avec  l'académie  fran-  pas  avec  assez  d'exactitude, 
caise  touchant  le  fonds  que  Balzac  lui 
a  laissé,  et  selon  une  lettre  manuscrite 
du  sieur  Moriscet.  Enfin,  c'est  le  18  de 
février,  si  l'on  s'en  rapporte  à  ces  deux 
choses  :  l'une  est  que  ,  dans  la  préface 
sur  les  ceuvresde  Balzac,  on  assure  que 
la  relation  de  sa  mort  fut  écrite  dès  le 
lendemain  ,  l'autre  est  que  cette  re- 
lation est  datée  du  19  de  février  i654- 


(a)  Witte  ,  Diarium  hiogr.  ad  ann.  1662. 

{b)  Banckius,  Epist.  dedicat.,  Taxœ  Can- 
cellari;e  romanse. 

(c)  "Witte,  Diarium  hiogr.  ad  ann.  1662. 

(</  Dans  la  remarque  (S)  de  l'article 
PlNET. 

(A)  Je  parlerai  ci-dessous  de  ses  ou- 
vrages. ]  Il  publia  à  Franeker ,  en 
16^9,  un  livre  intitule  ,  de  Tyrannide 

*  Joly  infère  de  cette  phrase  que  Bayle  nie  que     })a,)œ  in  reges  et  principes  christiaiios. 
pi-pTi-ïp  fut  1p  successeur  <1  e  fialzac  a  l'académie.      /-,    '  .  \     -i  i  i*       z>  *    • 

Sept  ans  après  il  publia  Homa  trtum- 
phans,  seu  Inauguratio  Innocenta  X*. 
Quant  à  ses  écrits  de  Bancœ  Ruptori- 
bus;  de  Duellis,  de  Consiliis  et  Consi- 
liariis  principuni,  etc.  (1) ,  je  n'en  con- 
nais point  la  date. 

(B) et  une  édition  qui?  procura 

de  la  Taxe  de  la  Chancellerie  ro- 
maine. ]  J'ai  rapporté  ,  en  un  autre 
endroit  (2) ,  diverses  choses  qui  con- 
cernent cette  taxe  ,  et  j'ai  parlé  nom- 
mément de  l'édition  que  du  Pinet  en 


Comme  l'observe  Bayle,  Pellisson  n'eut  point  «le 
pari  à  la  seconde  édition  de  l'Histoire  de  l'aca- 
démie française,  où  sont  les  deux  fautes  cotées 
par  Bayle.  Pellisson  n'a  conduit  celte  histoire  que 
jusqu'en  iG52.  La  troisième  édition  ,  continuée 
par  d'Olivet  depuis  1632  ju>qu'en  1700.  conlient 
la  liste  de  tous  les  académiciens.  Péiéfixe  y  est 
désigné  comme  successeur  de  Balzac  en  it>54  ; 
mais  l'archevêque  de  Pans  ,  cm  ne  prononça  pas 
de  discours  de  réception,  ou  ne  le  (it  pas  impri- 
mer- car  il  ne  se  trouve  pas  dans  le  recueil  de 
l'académie,  ce  qui  est  à  regretter  ici. 

(4-)  Baillet,  Jtigemens  snr  les  Poët.,  lom.  IV, 
num.   1487- 

(48)  Dans  la  table  de  son  Journal,  chronol. , 
imprime'  en  1664  ;  car  il  ne  dit  rien  de  Balzac 
sous  le  28  février. 

(4g)  Diar.  Biograph. ,  ad  ann.  i654- 

BANCK  (  Laurent  ) ,  natif  de 
Norcopin  ,  en  Suède  ,  a  été  pro- 


*  Sur  le  témoignage  de  Nicéron  ,  Joly  dit  que 
la  Borna  iriumphans  était  imprimée  dèsi645, 
c'est-à-dire,  quatre  ans  avant,  et  non  sept  ans 
après  le  de  Tyrannide  papœ. 

(1)  Witte,  Diarium,  ad  ann.  1O62. 

(2)  Dans  la  remarque  (B)  de  l'article  Pinït. 


BANCK. 


77 


procura  l'an  1 5G4-  J'ai  dit  aussi  que 
d'Aubigné  cite  l'édition  de  Paris  i5ao. 
Ce  n'est  pas  la  première,  comme  quel- 
ques-uns l'ont  cru  ;  car  l'édition  de 
Bois-le-Duc  i66{  (3)  m'apprend  que 
ce  livre  fut  imprimé  à  Home  l'an  i5i4, 
et  à  Cologne  (A),  l'an  i5i5,  et  qu'il 
est  intitulé  Régule,  Constiluliones  , 
Rcsen'aliones  cancellarie  S.  Domini 
noslri  Leonis  papedecimi,  noviier  édi- 
te et  publicate,  et  qu'on  y  trouve,  au 
feuillet  67,  Taxe  cancellarie  per  Mar- 
cellum  S ilber ,  alias  Franck,  Rome, 
in  campo  Flore,  anno  mdxiv,  die  xvin 
novembris,  impresse,  finiunt  Jeliciter. 
C'est  ce  que  témoignent  deux  échc- 
vins  de  Bois-le-Duc  ,  qui  avec  le  se- 
crétaire de  la  ville  avaient  collation- 
né  mot  à  mot  cette  édition  de  Home 
avec  celle  qu'Estienne  du  Mont,  li- 
braire de  Bois  le-Duc  ,  donna  l'an 
\G6\,  et  dont  le  titre  est  Taxœ  can- 
cellariœ  aposlolicœ ,  et  Taxœ  sacfœ 
Pœnitenùariœ  apostolicce .On  y  trouve 
(5)  le  passage  que  d'Aubigné  cite  de 
l'édition  de  Paris  en  1 5io  (0)  :  Absolu- 
tio    pro   eo  qui    matrem   ,   sororem  , 


dans  l'édition  de  Franekcr  (10),  et 
dans  celle  de  Bois-le-Duc  (1  1)  ,  il  y  a 
Absolulio   pro  eo  qui  interjecil  )*a- 

trern,  matrem ,  sororem ,  uxorcm 

g.  v.  vel  \>ij  (la).  Je  m'étonne,  encore 
un  coup,  que  cet  article  de  l'inceste 
manque  à  l'édition  de  du  Pinet  (i3)  , 
dans  laquelle  il  se  trouve  des  articles 
plus  énormes;  ceux-ci,  par  exemple  : 
Absolulio  a  lapsu  tarais  super  quo- 
cunque  actu  libidinoso  commisso  per 
clericum  ,  etiam  cura  monialibus  ,  in- 
tra  et  extra  septa  monasterii ,  aut  cum 
consanguineis  uel  afftnibus  ,  autjilid 
spirituali ,  aut  quibusdam  aliis ,  siue 
ab  unoquoque  de  perse,  siue  simul  ab 
omnibus  absolulio  petalur  cum  dispen- 
sât ione  ad  ordines  et  bénéficia,  cum 
inhibilione,  tur.  36  ,  duc'  3.  Si  uerô 
cum  Mis  petatur  absolulio  etiam  à  cri- 
mine  commisso  contra  naturam  ,  uel 
cum  brûlis ,  cum  dispensatione  ut  su- 
pra et  cum  inhibilione  ,  luron.  90.  duc. 
13.  cari.  16.  Si  verb  petalur  tanlitm 
absolulio  a  crimine  contra  naturam, 
uel  cum  brûlis,  cum  dispensatione , 
et  inlubilione ,   luron.   36.    ducat.   9. 


aut  aliam  consanguineam  uel  aj/inem     Absolulio  pro  moniali,  quœ  se  permi- 

sit  pluries  cognosci  inlra  et  extra  sep- 
ta monasterii  ,  cum  rehabililate  ad 
dignitates  illius  ordinis  ,  etiam  abba- 
tialem  ,  luron.  36.  duc.  9.  Absolulio 
pro  concubinario  ,  cum  dispensatione 
ad  ordines  et  bénéficia,  turon.  21. 
duc.^  5.  carlin  6.  (i/f)  C'est-à-dire, 
«  L'absolution  et  pardon  de  tous  ac- 
»  tes  de  paillardise  commis  par  un 
»  clerc,  en  quelque  sorte  que  ce  soit , 
»  et  fût -ce  avec  une  nonnain,  dedans 
))  ou  dehors  le  pourpris  de  son  mona- 
»  stère ,  ou  avec  ses  parentes  ou  al- 
»  liées  ,  ou  avec  sa  filleule  ,  ou  avec 
»  autre  femme  qu'elle  soit;  soit  aussi 
»  que  ladite  absolution  se  fasse  au 
»  nom  du  clerc  simple,  ou  de  lui  et 
»  de  ses  putains,  avec  dispense  de 
»  pouvoir  prendre  ses  ordres ,  et  tenir 
»  bénéfices  ecclésiastiques ,  avec  aussi 
»  la   clausule  inhibiloire  ,   coûte  36 


suant  ,  aut  commatrem  ,  carnaliter 
cognouit  ,gr,  u.  (7)  ;  Absolulio  pro  eo 
qui  virginem  déflorant ,  gr.  uj.  On  le 
trouve  aussi  dans  l'édition  de  Frane- 
ker  en  i65i  (8)  Je  suis  étonné  de  ne 
le  voir  point  dans  l'édition  de  du  Pi- 
net,  intitulée  Taxe  des  parties  casuel- 
les  de  la  boutique  du  pape.  Elle  est  en 
latin  et  en  français,  avec  plusieurs 
notes  de  cet  auteur.  11  a  eu  grand  tort 
de  ne  point  dire  sur  quel  exemplaire 
il  la  donnait;  car  elle  diffère  des  au- 
tres ,  et  quant  à  l'ordre  des  matières, 
et  quant  à  la  qualité  des  monnaies. 
Elle  ne  marque  que  tournois,  ducats, 
et  carlins  ,  les  autres  ne  marquent 
qut:  gros  ;  et  c'est  pour  le  moins  fort 
rarement  qu'elles  font  mention  de  du- 
cat, ou  de  carlin.  D'Aubigné  assure 
(9'  cpie  l'édition  de  Paris  porte  que, 
pour  avoir  tué  son  père ,  ou  sa  mère  , 
il  J aut  un  ducat  et  cinq  carlins  ;  mais 

(3)  Elle   est  en    lalin  et  en  flamand  ,  iu-8°. 
Voyez-en  la  préface ,  et  la  page  i3o. 

(4)  Apud  Gosuinum  CoUnium. 

(5)  Taxa:   Cancellarie    Ajiost.  ,  pag.    g5,  96, 
e'ilition  de  Bois-le-Duc. 

G)  Voyez  la  remarque  (H)  de  l'article   Pinet. 
(7)  C'est-à-dire  ,  qu'il  doit  payer  cinq  gro<  ■ 
(8j  C'est  celle  que  L.  Bani  k  a  procurée.  Voyez 
1  tapage  127. 
(9)  Voyez  la  remarque  (B)  de  l'article  Pinst. 


(10)  Pag.  102. 

(  1 1 J  Pag.  io3. 

(12)  C'est-à-dire,  qu'il  doilpayer  cinq  ou  sey 
gros- 

(i3)  Elle  est  de  Lyon,  en  1 5G.J ,  et  a  e'te 
conlrcfatte  à  Leyde  en  1607  ,  et  avec  une  nou- 
velle version  française ,  a  inwlci  dam  ,  en  1701. 
Ces  trois  e'dttions  sont  in-8°. 

(i4)  Taxe  des  Parties  casa  elles  de  la  Boutique 
du  Pape ,  pag.  55 ,  e(  suif.  Edition  de  Lyon  ,  en 
1 j04 , in-8°. 


78 


BANCK. 


»  tourn.  et  g  ducats,  ou  3  ducats.  Et    parut  à  Franeker  ,  Tau   i65i  ,  in-8*. 
»   si,  outre  ce  que  dessus,  il  y  a  ab-    11  dit  qu'il  consulta  les  plus  anciennes 
■»  solution    de   bougrerie  ,    et   pe'ché    copies ,    imprimées  ou  manuscrites  , 
»  contre  nature,   et  fût-il   fait  avec    et  que  les   conférant  mot  à   mot,   il 
»  des  bêtes  brutes ,  et  que  la  dispense    suppléa   par   les  unes  ce  qui  n'était 
»  que  dessus,   et  la  clausule  inhibi-    point  dans  les  autres.  Il  se  servit  de 
■»  toire  y  soit,   il  faut  90  tourn.   12    l'édition  de  Cologne  eu  i5a3.de  celle 
3>  duc.  6  carlins.  Mais  s'il  y  a  simple    de  Witteinberg  en  i538;  de  celle  de 
j)  absolution  du  péché  de  bougrerie  ,    Venise  en  i584  (20),   et  d'un  manu- 
»  ou  de  péché  commis  contre  nature    scrit  qui  lui   avait  été  communiqué 
-»  avec  les   bêtes   brutes  ,    avec   dis-    par  Jean-Baptiste  Sibon  ,  religieux  de 
»  pense  et  la  clausule  inbibitoire,  faut    Saint-Bernard  ,  et  lecteur  dans  le  col- 
»  36  tournois  et  9  ducats.   Une  non-    lége  de  Rome.  Il  rendit  par  là  son  édi- 
))  nain,  ayant  paillarde  plusieurs  fois    tion   un  peu    plus  ample   que  toutes 
»  dedans  et  dehors  le  pourpris  de  sou    celles  qui  avaient  paru.  Il  y  joignit  des 
»  monastère  ,  sera    absoute  et  réha-    notes  ,   où  il    expliqua   beaucoup   de 
»  bililée   à   pouvoir   tenir  toutes  les     termes  difficiles  à  entendre:  c'est  une 
»  dignités  de  son  ordre,  voire  la  digni-    espèce  de  glossaire.  Il  y  joignit  aussi 
»  té  abbatiale  ,  moyennant  36  tourn.    un  petit  écrit  italien  ,  qui  contient  la 
■>'  et  9  duc.  L'absolution  pour  un  qui    taxe  dont  on  se  servait   sous  le  pape 
)>  tiendrait  à  pot  et  à  feu  une  conçu-    Innocent  X  ,  et  il  expliqua  le  prix  des 
»  bine,    avec    dispense    de    pouvoir    monnaies  selon  l'usage  de  ce  temps-là. 
»  prendre  ses  ordres  et  tenir  bénéli-    Ses  notes  ont  bien   servi   à   celui  qui 
»  ces  ecclésiastiques,  coûte  21  tourn.    ajouta  des  remarques    à   l'édition   de 
»  5  duc.  6  carlins  (i5).    »  Je  conjec-    Bois-le-Duc.  Notez  que  ,  dans  l'a  pré- 
toire que  du  Pinet  suivit  l'édition  que    face  de  celle-ci ,  ou  observe  que  les 
les  princes   protestans  firent  insérer    inquisiteurs  ont  mis  la   Taxe    de    la 
dans  leurs  causes  de  réjection  du  con-    Chancellerie  parmi  les  livres  condam; 
cile  de  Trente,  et  qui  a  pour  titre,    nés.  Nascentem  suJJ'ocare  conuti  sunt 
Taxa    sacrœ    pœnitenliariœ     (16).    ipsi  auihores ,  et  in  Indice  librorum 
M.   Heidegger  en  rapporte  des  moi-    prohibilorum  ,  ex  patrurn  concilii  tri- 
ceaux  qui   ressemblent  parfaitement    dentini  authorilate  ,    Hispaniarumque 
à  l'édition  de  du  Pinet  (17).  Quelqu'un     régis  et  ducis  Alban.  décréta  ,  Leodti 
observe  que  l'épitomé  de  la  taxe  de  la    anno   1570  edilo ,  inter  primas  classis 
chancellerie  de  Rome  se  voit  à  la  page    anthores  airo  calculo  notdrunt  (2  r).  Je 
6o3  et  aux  suivantes  d'un  ouvrage  inti-    n'ai  point  cette  édition  de  V Index  Li- 
tulé  Luculenta  deductio  causarum  re-    broruni  prohibitorum.  Celle  dont  je  me 
cusati  concilii  tridentini  a  protestan-    sers  ,   et  qui  fut  faite  sur  l'éditiou  de 
liumGermaniœPrincipibus  publicala-    Madrid  en  1667  ,  in-folio  ,   n'a  rangé 
rum,  et  au-devant  du  livre  de  Hun-    que  sous  la  troisième  classe  Praxis  et 
nius  de  Indulgentiis  ,  et  à  la  page  216     Taxa  ojjiciniœ  pœnitentiariœ  papœ  , 
et  suivantes  des   Lieux  communs  de    ab  hœreticis  depravala  (22)   ;  et  re- 
Musculus   (18).  Celui   qui   publia   en     marquez  bien  qu'on  ne  la  condamne , 
1612  le  l>vre  intitulé  Simonia  Curiœ    qu'en   supposant    que   les  hérétiques 
romanœ ,  y  inséra  cet  endroit  de  ces    l'ont  falsifiée  ;  Y  Index,  publié  à  Rome, 
mêmes  Lieux  communs  (19).  Conférez    par  ordre  d'Alexandre  VII ,  se  sert  des 
ceci  avec  la  remarque  (A)  de  l'article    mêmes  paroles  que  celui    d'Espagne 
Toppius  *.  (23).  Mais  on  a  beau  supposer  que  les 

Disons  quelque  ebose  de  l'édition  hérétiques  l'ont  dépravée,  les  éditions 
que  Laurent  Banck  a  procurée.   Elle     qu'on    ne    peut   désavouer  ,    comme 

(20)  II  entend  celle  qui  est  insérée  au  XVe. 

(i5)  Je  me  sers  de  la  traduction  de  du  Pinet.  tom.,  part.  /re.,  folio  368,  du  Tractatus  Tracla- 

(16)  Voyez  Heideggeri  Myster.  Babyl.  magnte,  tuum,  seu  Oceanus  Juris  univérsi. 

tom.  11  ,  pag-   35°  el  547-  (21)  Préface  des  Taxa:    cancell.   et  pœnitent. 

(in)   liidcm,  pag.  35o   et  seqq.  Aposlol.  de  l'édition  de  Bois-le-Duc,  i664- 

(18)  Daniel  Francus  ,  Disquisit.  Academ.  de  (22)  Indices  lib.  probibitor.  et  expurgandor. 
Indicibus  lib.  prohib.  et  expurgand.,  pag.  n5,  hispanicus  et  romanus,  edit.  Genev.,  ann.  îob;, 
edit.  Lins.,  ann.  1684,  in-40.  in-folio, pag.  85g,  colon,  a. 

(19)  Lydii  Analecta  in  Clemang. ,  pag.  1-.  (23)  Ibidem,  in  Indice  Romano  ejusd-  edit., 
*  Bayle  c'a  pas  donné  cet  artidr.                            Vag-  10<-'- 


BANCK. 


79 


celle  de  Rome  ,  en  i5i4  ;  celle  de  Co-     Taxant,  mendaciitlcalumn'ue suspecti 
lo^ne  ,    en   i5i5  ;    celles  de  Paris,  en   fiant  ,  imo  cl  arguantur.  Accidit  anno 
i5ao  ,  en  i545,  et  eu  i(Î25  (a4j  i  et     i633  ,  ut  quis  J.   Consnlius  idemque 
celles  de   Venise   (i5) ,  l'une,  dans  le    senatotiSyiuœducensis,  desertionem  el 
VIe.    volume  de  l'édition  de  VOcea-    rejectionem  papatdi  tuinarelur  [more 
nus  juin,  faite  en    i533,    et  1  autre    ipsis  non  insolilo  ) ,    si   guident   tant 
dans  le  XVe.  volume  du  même  recueil,    abominanda,  qualia  ex    Taxa  nostri 
réimprimé   en    1 58  J   :  ces   éditions,    referunt,  demonslràri  passent.  Ut  am- 
dis-je,  sont  plus  que  suffisantes  à  jus-    pliss.  et  consult.  huic  viro  ex  asse  sa- 
tifier  les  reproches  des  protestans  ,  et    tisfieret  ,  quœsitum   apud  exemplari 
à    couvrir    de  confusion    l'église    ro-     (3o),  me  de  etiattt  à  me  pnslulalum 
maine.  Notre  Laurent  Banck  a  ignoré    est.  Quod  cum  mifti  ab  ipsis  pontifi- 
presque   toutes    les    éditions    que    je    ciis  edilum  nullum  esset ,  petii  commo- 
viens  d'articuler ,  et  celle  de  Franc-    dato  a  celeberrima  theologo  Andréa 
fort,    en    1612,   in-^°.    ('^6j.    Rivet,     Rii'eto.  Ante  biennium  alibi  concerta- 
Voetius  ,  Hottinger  et  plusieurs  autres    tione  inler  nnslrns  et  pontifii  ios  qnas- 
helluones  librorum,    ont  cru   fausse-    dam  abortd  super  eadem  hdc   Taxa, 
ment  que  l'édition  de  i5ao  était  la    denuo    consultas,    cammonstravi   bi- 
première  (27)  ;  car  ils  ont  opposé  cel-    bliothecam   D.    Riveli  ,   in  qud  certà 
le-là  principalement  aux  catholiques    scirem  exemplar  edit.  Paris.  1020  ha- 
romains,    uni  ne   voulaient  pas  con-    beri  ;quippù  quod  ipse  ante  ann>s  ali- 
venir  que  la  Taxe  de  la  chancellerie    quotmanibusetocutismeisusurpâssem, 
eût  jamais  paru  avec  privilège*  Voe-    et  fralribus  Sylvceducensibus  ex  sum- 
tius   raconte  qu'en    i633,  un  conseil-     mi  itlius  tltealagi  concessione  aliquan- 
1er  de  Bois-le-Duc  déclara  qu  il  abju-    diit  usurpandum  misissem.  l^eltiu  hdc 
reraît  le  catholicisme ,  si  ou  lai  mon-     occasione   obtestatos  omnes   publias 
trait  les  horreurs  que  les  protestans    rejbrmatarumseholarum,  ecclesiarùm, 
citaient  comme  tirées  de  la   Taxe  de  la    poliliarum  ,  biblinthecarios  ,  exempla- 
chancellerie  de  Rome.  On  eut  recours     ria  ,  si  qua  in  ipsorum  potestate  sint , 
à  Rivet,  qui  prêta  son  exemplaire  de    capsis  inclusa  diligenter  custodiant  , 
l'édition  de  Paris ,  en  i52o  (28).  Voe-     ne  a  plagiariis  auj'erantur  ;  aut  si  non 
tins    ne  raconte  point  cela  sans    ex-    sint ,  hoc  agaut ,  ut  a  privatis  siue  bi- 
horter  pathétiquement  les  bihliolhé-    bliopolis ,   atVe  viris  litleralis ,    prece 
caires  des   académies    protestantes   a     aut  pretio  quo<>is  redimant. 
conserver  et  à  ramasser  les  exemptai-         J,-  crois  que  les  controversistes  ro- 
res  authentiques  de  cet  ouvrage.  Quia    mains ,  qui  ne  peuvent  s'inscrire  en 
autem ,    dit-il  (29I  ,    hïc  Taxa-  pœ  ni-    faux  contre    l'édition   de    Rome,    ni 
t:  iitiariic  menti"  j'aeta ,  moneo  exem-    contre  celle    de    Paris,    se   trouvent 
plaria  pauca  hodiè  haberi  passe  (  quâ    dans  un  fort  grand  embarras.  On  le 
et    quorum   aile  Jaeilè    prudenlmres    peut  connaître  sur  la  Réponse  de  l'ab- 
eonjiciànt) ;  aliqua  lanten  in  manibus    bé Richard  aux  Préjuges  de  M.  Jurieu. 
nostrorum  superesse editionis  parisien-     Ce  ministre  avait  étale'  l'abomination 
sis  i5ao,   in  -  4°-  >  apud  Tussain  De-    de  la  Taxe   de  la   chancellerie  (3i). 
nis.    Edita  etiatn  est    f'enctiis,    cum     L'abbé  repondit ,  que  ce  n'étaient  que 
quant    plurimis    aliis    traclalibus    in    des  faits  particuliers,  qui  n'avaient 
Oceano  juris.  Addo  ,  rem  et  librum  u    jamais  été  autorises  par  des  lois  et  paf 
ponlifici'S  passim  negari,  ubi  ita  usu    des  canons  de  i  Eglise  romaine    (32). 
i  enit  ,    ut    nostri  ,    ailegando    illam     «  Ou  trouve  bien,  continue-t-il  (J J;  , 


(»4)  -V.  Drclincourl  cile  cet  trois  Aillions  de 
Pans,  l'oyez  set  paroles  dans  ta  remarque  (B) 
de  l'article  Pinlt. 

(î5)  Heideggeri  Myster.  Babyl  magna:,  ton. 
I,  pag.  547. 

yiù)  Catalogua  BibiiolbecS  oxonien»is,  pag- 
tîa. 

(!•;)  Franci  Disquis.  de  Indicibus  lib.  prolnbit., 
pag.   ni  ,    11G. 

(uS;  Voetii  Disputât,  llieolo;.  ,  loin.  II ,  pag. 
296. 

(29)  Idem ,  ibtd. 


(3o1  II  J  a  une  faute  dans  cet  eidroil.  L'er- 
rala  de  l auteur  avertit  qu'il  faut  lire  :  me  île 
r  \.  mjilari.  Cela  n'ôte  pat  l'erreur  Daniel  Prau- 
cus  ,  Dissert,  de  Indicibus  lib  probib  tpag.  1  >  ", 
citant  ce  passage ,  du  qotesitum  apud  alîoi  >!e 
Exemplari  ,  etiam  à  me  po-u.i.uum  Bxem- 
plar. 

(3i)  Jurieu,  Préjugés  légit.  contre  le  Papisme, 
loin.  I ,  pag    atjï  ei  sut.\ 

(3a)  Hiclur.l,  Examen  Jes  Préjugés  d  :  M.  J- 
rîcu,  pag      18 

rii<  La  même.  pa^:.  219- 


So 


BANDEL. 


3<  que  M.  Jurieu  rapporte  (*')  des  taxes 
y>  d'un  vieux  livre  de  la  chancellerie 
»  de  Fiome.  Mais  n'est-il  pas  du  der- 
»  nier  ridicule,  de  vouloir  faire  pas- 
»  ser  pour  des  lois  et  des  canons  ,  un 
v  livre  de  taxe  ?  ne  serait-ce  pas 
)>  se  rendre  la  fable  de  toute  la  ju- 
»  risprudence ,  de  vouloir  insérer 
3)  dans  le  code ,  et  mettre  au  nombre 
v  des  lois ,  les  Taxes  des  bureaux  ?  Ne 
i>  serait-ce  pas  faire  grand  honneur  à 
»  messieurs  les  intéressés?  Que  M.  Ju- 
»  rieu  apprenne  donc  ce  que  c'est 
»  que  lois  et  que  canons  dans  l'église 
»  romaine  ,  et  qu'il  sache  cependant 
"  >i  que  ces  vieilles  taxes  de  la  chancel- 
»  lerie  de  liome  ,  non  -  seulement  ne 
3>  sont  de  nulle  autorité  dans  l'Eglise  , 
)>  mais  qu'elle  les  a  eues  toujours  en 
»  horreur.  Ces  'l'axes  de  la  chancel- 
»  lerie  ne  commencèrent  que  sous  le 
»  pontificat  de  Jean  XX11  ,  environ 
»  l'année  i320;  et  les  Taxes  delà  péni» 
»  tencerie  ne  parurent  que  vers  l'an- 
»  i336,  sous  Benoît  XII (*a);  et  les 
)>  unes  et  les  autres  furent  inconti- 
y>  nent  supprimées ,  et  ensuite  même 
»  mises  au  nombre  des.  livres  défen- 
»  dus,  selon  la  remarque  du  sieur 
3)  Dumont ,  qui  les  lit  imprimer  l'an- 
3.  née  i664;  ce  1u^  ^aA*  asstz  v°ir 
3)  l'horreur  que  l'église  romaine  a  eue 
3)  de  ces  taxes  ,  bien  loin  qu'elle  les 
3>  propose  ou  tienne  pour  ses  règles , 
»  comme  M.  Jurieu  voudrait  nous  le 
3)  faire  accroire.  Qu'il  sache  donc  que 
3>  les  faits  des  officiers  de  la  cour  de 
3)  Rome  sont  des  faits  particuliers,  et 
3)  ne  sont  point  des  faits  de  l'église.  » 
Cette  réponse  n'est  point  bonne  ,  car 
en  premier  lieu  l'église  romaine  n'a 
pas  fait  voir,  par  !a  suppression  de  ces 
taxes  ,  qu'elle  les  eût  en  horreur.  El- 
les ont  été  imprimées  trois  fois  à  Pa- 
ris, deux  fois  à  Cologne,  deux  fois  à 
Venise  ;  et  il  y  a  quelques-unes  de  ces 
éditions  qui  ont  été  faites  depuis  que 
Claude  d  Espence  eut  crié  publique- 
ment contre  les  énormités  de  ce  livre. 
Nous  avons  vu  que  l'inquisition  d'Es- 
pagne ,  et  celle  de  liome,  ne  l'ont 
condamnée  qu'en  supposant  que  les 
hérétiques  l'avaient  corrompue.  J'a- 
joute ,  en  second  lieu  ,  que  la  suppres- 
sion d'un  tel  ouvrage  n  est  pas  un  si- 
gne que  les  règles  qu'il  contrent  soient, 

(*')  Jre-  part.  ,  pag.  2g5  de  ses  Préjugés. 
(»2)  Polyd.    Virgil. ,    d«    Invsntorib.  rtrum , 

lib.  VIII,  <*P-  II 


désapprouvées.  Cela  peut  signifier 
seulement  qu'on  s'est  repenti  d'avoir 
souffert  qu'elles  parussent  aux  yeux 
du  public,  et  qu'elles  donnassent  lieu 
aux  hérétiques  d'insulter  la  cour  de 
home ,  et  de  percer  l'église  romaine 
par  les  flancs  du  pape.  On  a  dû  juger 
que  c'étaient  de  ces  mystères  d'état , 
arcana  imperii ,  qui  ne  doivent  pas 
être  divulgués  (34).  Ne  s'est  -  il  pas 
trouvé  des  personnes  qui  jugeaient 
ainsi  à  l'égard  des  cérémonies  (35)  ? 
J'omets  plusieurs  autres  considéra- 
tions, qu'un  controversiste  pourrait 
alléguer  contre  l'adversaire  de  M.  Ju- 
rieu ,  mais  je  ne  me  contenterai  pas 
d'observer  que  Claude  d'Espence  dé- 
clama très-fortement  contre  l'abomi- 
nation de  ces  taxes  (36)  :  je  dirai 
aussi  que  les  controversistes  protes- 
tans  citent  cela  en  toutes  rencontres, 
et  que  l'inquisition  d'Espagne  a  voulu 
que  l'on  effaçât  ce  passage  du  livre  de 
ce  docteur  (37).  Notez  que  celle  de 
Rome  a  condamné  l'édition  des  Taxes 
de  Laurent  Banck  (38). 

(34)  Conférez  ce  que  dit  Horace  ,  de  Arte  poé- 
ticâ  ,  vs.   182. 

Non  tamen  intiis 

Digna  geri  promes  in  scenam  :  innllaque  toiles 
Ex  oculis,  quœ  mox  narret  facundia  prœscns. 

(35)  Voyez  la  remarque  (D)  de  l'article 
Grassis. 

(36)  Voyez  ses  paroles  dans  un  passage  de 
M.  Drelincourt  cité  dans  la  remarque  (B)  de 
l'article  Pinet. 

(3-)  Index  Hispan.  lib.  prohib.  ,  pag.  232  , 
col.  1. 

38)  Index  Rom.  lib.  prohib.,  pag.  124,  col. 
2  et  pag.   261. 

BANDEL  (Mathieu)  ,  né  à  Cas- 
tro-]Novo  ,  dans  la  Lombardie ,  a 
fleuri  au  XVIe.  siècle  (a).  11  était 
jacobin  *.  Moréri  (b)  a  dit  de  lui 
la  plupart  des  choses  que  Vos- 
sins  en  avait  dites;  mais^il  au- 
rait dû  y  joindre  d'autres  faits 
curieux,  et  ne  pas  omettre  deux 
circonstances  que  Yossius  a  tou- 
chées ;  l'une  ,   que  la  traduction 

(à)  Ces  paroles  de  Vossius,  circa  annuni 
l5oo  viyebat  Mattliœus  B.uulellus  ,  à  la  page 
677  de  Histor.  lalims,  ne  valent  rien. 

'  Il  entra  dans  l'ordre  en  l'an  i5oo,  dit 
Joly. 

(6)  Moréri ,  soits  k  mot  Bandem-a. 


BANDEL. 

cCEgésippe  est  en  Italien  ¥l  ; 
l'autre  ,  que  les  liabitans  de  Fer- 
me firent  mettre  dans  leurs  ar- 
chives la  Harangue  que  Matthieu 
Bandel  avait  faite  à  la  louange 
de  leur  ville ,  l'an  1 5 1 3  (c).  Voici 
quelques  supplémens.  Ce  reli- 
gieux, étant  à  Mantoue,  con- 
tracta avec  Jules-César  Scaliger 
une  amitié  très— étroite  ,  qui  du- 
ra autant  que  sa  vie ,  et  qu'il 
cultiva  soigneusement  dans  la 
Guienne  (A).  Il  fut  évèque  d'A- 
gen  pendant  quelques  mois,  et 
ce  fut  dans  cette  ville,  qu'il  com- 
posa en  langue  italienne  les  His- 
toires ou  les  Nouvelles  Galan- 
tes ,  qui  l'ont  rendu  si  fa- 
meux *a.  Je  les  ai  citées  dans  la 
remarque  (M)  de  l'article  Léon  X, 
et  dans  la  remarque  (I)  de  l'ar- 
ticle Mahomet  II.  Elles  sont  dé- 
diées chacune  à  quelque  per- 
sonne de  sa  connaissance  (d).  La 
XXIe.  de  la  seconde  partie  est  dé- 
diée à  Lucrèce  de  Gonzague  , 
dont  il  avait  été  précepteur  (e). 
Il  en  dédia  une  autre  à  son  ami 
Scaliger.  Elles  ont  été  traduites 
en  français  ,  et  il  faudra  dire  un 
mot  du  jugement  qu'en  a  fait  le 
traducteur  (B).  Le  catalogue  de 
la  bibliothèque  de  M.  de  Thou 
{f)  m'apprend  que  les  trois  pre- 

**  Uq  savant  Italien  ayant,  dit  Leclerc, 
compose  dans  sa  langue  un  roman  intitule  , 
Histoire  de  7'ite  Romain  et  d'Egésippe  Athé- 
nien ,  c'est  de  cet  ouvrage  qu'a  la  prière  de 
ses  amis  le  Bandel  donna  une  traduction  la- 
tine sous  ce  titre  :  Tili  Bomani ,  Egesippiçue 
Atheniensis  anticorum  Hisloria  m  latinum 
versa. 

(c)  Vossiin  ,   de  Histor.  lalinis,  pag.  677. 

*J  II  y  en  composa  seulement  quelques- 
uns,  dit  Leclerc.  il  était  arrivé  en  cette  ville 
environ  l'an  i535  avec  César  Frégose  ,  son 
protecteur;  mais  il  avait  lait  une  partie  de 
cet  ouvrage  plusieurs  années  auparavant  tant 
à  Milan  qu'à  Mantoue,  Vérone  et  ailleurs. 
/    Voyez  la  remarque  (k). 

(e)  Voyez  l'article  de  cette  dame. 

1/  A  la  page  408  de  la  11",  partie. 

TOME    III, 


8l 

mières  parties  furent  imprimées 
à  Lucques,  l'an  1 554  >  *«-4°«  ,  et 
la  quatrième  à  Lyon  ,  l'an  i5y3, 
z>*-8°.  Je  m'étonne  que  M.  Mé- 
nage n'ait  point  mis  ce  religieux 
dans  le  catalogue  des  ecclésiasti- 
ques qui  ont  fait  des  vers  ga- 
lans  {g)  (C). 

(s)  Il  est  à  la  fin  de  fAnti-BailIet. 

(A)  Il  contracta  avec  Jules  Scaliger 

une  amitié qu'il  cultiva...  dans  la 

Guienne.  ]  On  ne  connaît  guère  cela 
que  par  ces  paroles  :  Eodem  tempore 
Mantuce  degebat  Matthœus  Bandel- 
lus  Insuber  dominicanus,  uir  eloquen- 
tissimus,  et  optimus ,  quipostea  per  ali- 
quol  menses  episcopusAgiunensisjuit, 
tt  Manluœ  Mariumcequicolumsummâ 
observuntici  coluit,  atque  ibi  cum  Julio 
Censure  arctissimd  amicitiœ  necessitu- 
dine  conjunctusj'uit  ,  quant  ab  eo  tem- 
pore ,  ad  supremum  usque  viiœ  diem 
in  Aquilanid  perpétuai.' il.  /s,  quant 
unam  liistoriarum  suarum,  qnas  A^in- 
ni  elruscd  lingud  Boccatium  imita  tus 
conscripsit ,  Julto  dedicaret ,  eum  non 
solum  Scaligeruttt  agnoscit  ,  sedetiam 
illustrissimum  vocal  in  epistold  dedica- 
tio/iis.  El  qu'uni  in  t/ualuor  tomis  in- 
genlibus ,  singulas  singulis  summis, 
et  nobilissimis  ac  ge/terosissimis  uiris 
dediewerit ,  nenunem  eorum  majori 
honore  ,  quant  Julium  af/ccit ,  quiun. 
tamen  altquot  ex  tllis  illustres  uoearc 
nulla  J'uisset  invidia  (i).  Lucrèce  de 
Gonzague  écrivit  deux  lettres  au  père 
Bandel,  qui  nous  insinuent  qu'il  fut 
élevé"  à  quelque  charge.  La  première 
(2)  marque  qu'il  était  en  France  ,  et 
la  seconde  (3)  qu'il  elait  en  Guienne  : 
dans  la  première  on  le  nomme  reve- 
rendo  padre,  mais  dans  l'autre,  on  le 
qualifie  monsignor  P.  Bandello ,  et 
on  1  y  félicite  de  sa  nouvelle  dignité. 
La  date  d'année  ne  s  y  trouve  point. 
Il  n'était  pas  encore  évèque  *,  lors- 

(1)  Joseph.  Scaliger  ,  in  Confulalione  Fabula: 
burilnnianx,  paç.  26*),  270. 

(a)  Elle  ett  à  ta  pa^e  61  des  Lettres  de 
Lucrèce  de  Gonzague,  imprimées  à  Venise , 
l'an   i55î. 

(s)  Elle  est  à  la  page  63. 

*  Il  |>ar3Ïl  an  contraire  que  Bandil  était  évo- 
que il'Auen  dès  iSâo;  niai>  ,  dit  leclerc,  Ban- 
del ne  commença  sans  iloute  a  résider  qu'api  c..  le 
départ  de  Scaliger  Lu  luflraganl  remplissait 
les  [onctions  d'évéqae 


ti2 


BANDEL. 


que  Jules-César  Scaliger  lui  écrivit  une  servions  décompte  h  la  postérité  par 

lettre  (4)  sur  ia  mort  de  Fracastor.  La  la  mémoire   de  nostre  sotise.  Ce  roi 

réponse  (5)  qu'il  lui  fit  est  datée  de  (8)  donc  fermera  le  pas  a  nostre  cour- 

Bassenni  ,  22  novemb.    i553.  se,  et  donnera  fin  a  ce  que   d'icy  en 

(B)  Ses  Nouvelles  ont  été  traduites  avant  je  prélens  défaire  qui  soit  pro- 

en  français f^oici  le  jugement  fane,  si  quelquefois  une  histoire  plus 

quen  a  fait  le  traducteur.']  Notez  a-  solide  ne  me,  fait  esveiller  l'esprit ,  et 
vant  toutes  choses,  que  les  six  pre-  un  discours  plus  long  ne  fait  que  je 
mières  turent  mises  en  français  par  songe  plus  longuement  que  je  n'ayjait 
Pierre  Boaisteau  ,  et  les  autres  par  a  suivre  assez  simplement  les  pas  de 
Belleforest.  L'avertissement  au  lecteur  l'autheur,  que j 'ay  plus  orné  et  amplifie 
à  la  tête  du  Ier.  volume  (6)  contient  que  suivy ,  ni  imité.  Pour  excuser  le 
ces  paroles  :  Te  priant ,  au  reste,  ne  passé,  il  ajoute  cette  remarque  :  «  Je 
trouver  mauvais,  si  je  ne  me  suis  assu-  )>  décris  les  amours,  non  comme  lascif, 
jecty  au  style  de  Eandel  ;  car  sa  phra-  »  ains  comme  celui  qui  me  moque  des 
se  m'a  semblé  tant  rude,  ses  termes  »  folset  me  ris  deceux  quisetranspor . 
impropres,  ses  propos  tant  mal  liez  ,  »  tent  à  crédit  ,  et  se  laissent  vaincre 
et  ses  sentences  tant,  maigres ,  que  j'ay  »  par  leurs  concupiscences  :  et  accuse 
eu  plus  cher  la  refondre  tout  de  neuf,  »  les  adultères  ,  déleste  les  infâmes  ; 
et  la  remettre  en  nouvelle  forme  ,  que  »  abhorre  les  meurtriers,  et  suis  rnar- 
me  rendre  si  superstitieux  imitateur,  »  ri  que  le  monde  voye  des  homme? 
n'ayant  seulement  prins  de  luy  que  le  »  si  insensez  ,  qui  se  laissent,  mourir 
subject  de  l'histoire  ,  comme  lu  pour-  »  pour  un  plaisir  si  peu  durable  que 
ras  aisément  découvrir  ,  si  tu  es  eu-  »  l'aise  du  corps.  En  somme,  je  loue  la 
ricux  île  conférer  mon  style  avec  le  »  vertu ,  et  accuse  le  péché  ,  souhait- 
sien.  Voici  un  fait  assez  curieux.  Bel-  »  tant  que  moi  changé  en  mieux  par 
leforest,  travaillant  à  la  traduction  »  ceste  lecture,  je  voye  aussi  les  au- 
delà  Nouvelle  xxxvn,  fut  saisi  d'un  tel  »  très  sentir  la  fin  de  leur  folie  ,  avec 
remords  de  conscience,  qu'il  résolut  »  l'amélioremenl  de  leur  vie.  Que  si 
de    laisser  là    cette    occupation.   Je  »  quelqu'un  prend  plus  de  plaisir  aux 


quitte  donc  ici  les  armes ,  dit-il  (7),  et 
laisse  désormais  ces  sujets  qui  peuvent 
estre  tournez  à  toutes  mains ,  et  des- 
quels les  uns  prennent  enseignement , 
et  les  autres  exemple  pour  s'en  servir 
en  leurs  folies  et  jeunesses  ;  car  ce  que 
j'en  ay  fait  à  ceste  fois  a  esté  plus 
pour  gratifier  a  quelque  mien  amy , 
que  de  désir  que  j'eusse  que  tel  oeuvre 


»  contes  joyeux  qui  sont  dans  le 
■>■>  Bandel,  qu'il  s'y  déduise  à  son  aise  : 
»  quant  à  moi  (  comme  j'ai  dit  ) ,  je 
»  lui  en  quitte  ma  part ,  et  de  rnesme 
»  lui  laisse  l'heur  et  gloire  qu'il  en 
»  rapportera  ,  ayant  enrichi ,  el  cest 
»  autheur  stérile,  et  noslre  langue, 
»  avec  la  douceur  naifve  de  son  élo- 
»  quence  (9).  »  Voilà  un  laïque  fran- 


sortist  de  ma  boutique.  Non  que  l'âge  çais  qui  fait    scrupule  de  traduire  ce 

me  dispense  de  parler  de   ce   qui  est  qu'un  religieux   italien  avait  écrit  de 

joyeux  el  gaillard  ;  mais  le  temps  est  l'amour  ;    mais  ce   scrupule   ne   dura 

divers   a  ces     gaillardises  ,     quelque  guère  ,   car   Belleforest   acheva    cette 

chose  qu'y  soit  cachée  dessous ,  et  qui  traduction  ,    et   y  joignit  même   de» 

puisse  coulourer   les  délicatesses  trop  supplémens. 

molles  que  les  amours  requièrent  lors-  (C)  M.  Ménage  ne  l'a  point  mis  an 
que  l'on  en  discourt  :  et  aussi  que  j'ai  nombre  des  ecclésiastiques  qui  ont  fuit 
des  desseins  d'autre  conséquence  que  des  versga/ans.~\Yjiinde\  en  a  fait,  et  en 
les  histoires  du  Bandel .  ni  les  amours  a  été  félicité  par  ses  amis.  Voyez  l'o- 
de ceux  qui  par  leur  exemple  nous  pigramme  de  Jules-César  Scaliger  de 
deussent  degouster  de  suivre  tant  nos  Bandelli  ylmoribus  thuscd  linguâ  de 
sensuels  appétits,   qu'a  la  fin  nous  cantatis  (10),   et  les  quatre  vers  que 


^  C4)   C'est  la  LVI<   de  ,e<  Lettres,  pag.  18G  , 
édition  de  Lerde  ,  en  1G00. 

(5)  C'est   la    LVile.   iettre  parmi  celles   de 
Jules-1  ésar  Scaliger. 

(6)  Il  fut  imprimé  à  Pari*,  l'an  1567,  et  "'im- 
prime'la  même  année,  a  Anvers. 

(7;  Belleforest,  Histoires  tragiques,  tom.  III, 
pag.  53  ,  54  ,  édition  de  Rouen  ,  en  1604. 


je  vais  copier. 

(8)  C  est-a-dire,  Henri  VIII,  roi  d'Angle- 
terre. 

(())  Be'leforest,  H  Ut.  tragiq. ,  tom.  III ,  pag. 
55.' 

(10)  Jr  la  rapporte  dans  la  remarque  (B)  de 
l'article  de  (Lucrèce  de)  Gonzagde. 


BANDOLE. 

Dum  teneros  loquilnr  dulcis  Bandellus  amu- 
res , 

Ipse  sut  ohlilut  lela  remisil  amor. 
Seu  canit  Aonium  foniem  f'unit.tque  sorores, 

Fonti  ipsi  ex  Mo  Iticlea  venajluil  (il). 

Le  catalogue  do  la  bibliothèque  de 
Nicolas  Heihsius  (12)  m'apprend  que 
les  Canti  Al,  etc.  <lal  Bandello  forent 
imprimes  à  Àgen  ,  fan   i545  ,  in-S°. 

(11)  Julius  Oe-ar  Scaliger,  in  tleroïbus,  pag. 
327  partis  I  Poematum. 

(la)  A  la  page  200  de  la  IIe.  partie. 

BANDOLE  *  (Antoine  de)  , 
avocat  au  parlement  de  Pro- 
vence ,  a  paru  à  la  tête  d'une 
traduction  française  de  Xiphi- 
lin  ,  imprimée  à  Paris  l'an  1610, 
in-/y  .  11  fit  aussi  imprimer  dans 
la  même  ville,  en  itioc),  m-40., 
les  Parallèles  de  César  el  de 
Henri  IV ',  a  la  tête  des  Com- 
mentaires de  César  ,  traduits  en 
français ,  et  commentés  par  Vi- 
genère. 

*  Ce  nom  est  un  pseudonyme,  et  le  per- 
sonnage n'est  très-probablement  autre  <[ue 
Jean  Beaudouin  ;  mais  il  faut  remarquer 
que  c'est  une  addition  de  1720.  où  l'on  n  au- 
rait pas  dû  admettre  un  article  si  court  et  si 
informe.  11  est  singulier  que  Leclerc  m  Joly 
n'aient  rien  dit  d'un  article  aussi  extraordi- 
naire. 

BANGIUS  (Thomas)  ,  docteur 
et  professeur  en  théologie  dans 
l'université  de  Coppenhagen,  na- 
quit l'an  iboo  (a).  Il  acheva  ses 
humanités  au  collège  d'Otten- 
sée  ,  dans  l'île  de  Funen,  et  puis 
il  passa  à  Coppenhagen  vers  la 
fin  de  l'an  1621  ,  où  il  continua 
d'étudier  avec  beaucoup  de  pro- 
grès. Gaspard  Brochmand,  pro- 
fesseur en  théologie,  et  évêcpie 
de  Sélande  ,  lui  donna  son  fila  à 
instruire.  Bangins  fut  précep- 
teur en  même  temps  de  Chris- 
tien  Friis,  fils  aîné  du  chance- 
lier de  Danemarck.  Après  avoir 

(a)  Flemlosiae  Finorum.  Taime  mieux 
rapporter  le  nom  de  sa  patrie  en  latin  .  que 
de  ne  pas  bien  rapporter  le  nom  vulgaire 


BANGIUS.  83 

eu  cet  emploi  plus  de  cinq  ans , 
il  obtint  pension  du  roi ,  et  s'en 
alla  à  Rostoch  ,  d'où  il  repassa  à 
Coppenhagen,  lorsque  les  trou- 
pes de  l'empereur  s'approchèrent 
de  la  mer  Baltique.  Il  acheja  son 
cours  de  théologie  sous  le  profes- 
seur Brochmand  ,  et  puis  il  lit  un 
voyage  à  Franeker,  ou  il  apprit 
le  rabbinisme  et  le  chaldaïsme 
sousSixtinus  Amama,  dont  il  se 
fit  fort  estimer.  I!  étudia  en- 
suite à  Wittemberg  :  il  y  reçut, 
en  l'année  iti3o  ,  une  lettre  du 
recteur  et  du  conseil  académi- 
que de  Coppenhagen ,  par  la- 
quelle on  lui  offrait  la  profession 
de  l'hébreu.  Il  s'en  excusa  ,  al- 
léguant qu'il  n'e'tait  pas  assez 
docte  pour  s'acquitt<jr  digne- 
ment de  cette  charge;  mais 
comme  il  se  vit  exhorté  par  le 
sieur  Brochmand  ,  qui  était  alors 
recteur,  à  ne  refuser  point  ce 
qu'on  lui  offrait,  il  l'accepta 
pourvu  qu'il  lui  fût  permis  d'em- 
ployer les  revenus  de  cette  char- 
ge à  étudier  quelques  années  l'a- 
rabe et  le  syriaque  sous  Gabriel 
Sioniie(6').  Cette  condition  ayant 
été  agréée,  il  se  rendit  à  Coppen- 
hagen ,  et  prit  possession  au  mois 
de  septembre  i63o  de  la  profes- 
sion en  hébreu  ,  et  peu  après  du 
doctorat  en  philosophie.  Il  exer- 
ça cette  profession  avec  beau- 
coup d'utilité  pour  les  étudians  , 
jusqu'en  l'année  1  ( >  j 2  ,  qu'il 
moula  à  la  profession  de  théolo- 
gie vacante  par  la  mort  du  sieur 
Brochmand.  Il  fut  promu  au 
doctorat  de  la  même  faculté  l'an 
i653,  en  présence  du  roi  et  de 
la  reine.  Trois  ans  après  ,  on  lui 
conféra  la  charge  de  bibliothé- 
caire de  l'académie,  et  il  fit  la 

[b    II  enseignait  alors  à  Paris. 


84  BAR  A 

dédicace  du  temple  de  la  Trinité 
par  une  prédication  latine  (c). 
Etant  tombé  malade  le  onzième 
d'octobre  1661  ,  il  donna  ses 
principaux  soins  aux  intérêts  de 
son  âme  :  il  se  confessa  et  com- 
munia le  sixième  jour  de  sa  ma- 
ladie ,  et  mourut  le  27  du  même 
mois  (d).  Il  avait  épousé  en  i638 
la  fille  d'un  sénateur  :  il  en  eut 
quatorze  enfans  ,  huit  fils  et  six 
filles.  Ses  écrits  font  foi  de  sa 
science  (A). 

1)  Ce  temple  fut  destiné  aux  exercices  de 
religion  pour  les  éludians. 

(d)  Tiré  de  son  Programme  funèbre,  com- 
posé par  Pierre  Scavenius,  recteur  de  l'aca- 
démie de  Coppenhagen  ,  cité  par  Witte, 
Memor.  Theolog.  renov.  ,  pag.  l38y. 

(h)  S  es  écrits  font  foi  de  sa  science.] 
11  fut  auteur  avant  que  d'être  docteur  ; 
car  il  publia  dès  Tannée  1627  l'expo- 
sition d?un  passage  de  Jérémie  (1).  Ses 
fmdiciœ  locorum  Gènes.  XL  y  II 1 , 
16;  Gènes.  IV ',  1;  Psalm.  XIX,  1  , 
parurent  l'an  i63o.  Il  publia  l'année 
suivante,  Fontium  Israëlis  Trias,  Jo- 
ua ,  Michea,  Ruth  ,•  et  l'an  1634,  son 
Exercitatio  gloltologica  de  01  lu  lin- 
guarum.  Ses  Exercitationes  octo  litte- 
rariœ  antiquitatis  parurent  l'an  f 638. 
Les  deux  livres  Observationum  philo- 
logicarum  parurent  deux  ans  après. 
L' Hermès  et  Pan  hebraïcus ,  quo  vi- 
vant absoluti  hebraïci  lexicographi 
exemplum  proponitur ,  fut  imprimé 
en  164 1  (2).  Le  Phosphorus  inscriptio- 
nis  hierosymbolicœ  ,  quo  Stel/œbur- 
gum  regium  hafniense  illustratur,  pa- 
rut l'an  1648,  et  fut  suivi  l'année  d'a- 
près du  Tropœum  pndevangelicum  , 
quo  ex  scriptisponlificiorum  ostendilur 
vcram  esse  lectionem  ,  Ipsum  conte ret 
tibi  caput ,  et  soli  Christo  convenire. 
IJ Exercitatio  elenchlica  de  Nephili- 
jiiis  ,  giganlibus  vulgo  diclis  ,  oppo- 
sita  Jacobo  Boulducco  ,  fut  un  fruit 
de  l'an  i65î  •  et  1' (Jl'wa  sacrœ  pacis 
repurgata,  un  fruit  de  l'an  i654  ;  et 
le   Cœlum   Orientes  et  prisci    Mundi , 

(1)  C'est  le  verset  i!\  du  chap.  XXI II. 

(2)  Le  pète  Labbe,  Biblioth.  Bibliotbecar.  , 
pag.  ir)8,  parle  de  ce  livre  quoi  qu'il  n'ait  aucun 
nippon  à  son  dessein  :  et  l'allribiie  à  Tboinus 
Tirngus. 


NZAN. 

un  fruit  de  l'an  1657.  Je  laisse  les  titres 
de  quelques  autres  ouvrages  ,  qui 
n'ont  pas  été  omis,  ni  dans  le  pro- 
gramme funèbre,  ni  par  Albert  Bar- 
tholin  (3).  Quelques-uns  des  livres 
dont  j'ai  rapporté  les  titres  sont  de 
simples  harangues  :  Y  Oliva  sacrœ  Pa- 
cis repurgata  est  de  ce  nombre.  Elle 
n'a  pas  laissé  de  faire  mettre  l'auteur 
dans  le  catalogue  des  pacificateurs  de 
religion  (4j ,  et  d'être  insérée  toute 
entière  par  Jean  Durseus  dans  l'Ireni- 
corurri  tractaluum  Prodromus. 

(3)  In  libro  de  Scriptis  Danorum. 

(4)  Voyez  Heidegger,  de  Concordiâ  ecclesiat.. 
Prot.  ,  pag.  208. 

BARANZAN  (Redemptus)  ,  re- 
ligieux barnabite ,  a  été  dans  le 
XVIIe.  siècle  l'un  des  premiers 
qui  ont  osé  s'écarter  de  la  route 
d'Arislote  ,  en  philosophant.  La 
Mothe-le-Vayer  dit  qu'il  le  peut 
mettre  entre  les  premiers  esprits 
de  notre  siècle  (a),  et  que  les 
ouvrages  de  sa  jeunesse  suffisent 
pour  cela  (A).  Il  ajoute  que  ce 
bon  barnabite  l'avait  beaucoup 
de  fois  assuré ,  et  toujours  sous 
le  bon  plaisir  de  Dieu  ,  qu'il  se 
ferait  revoir  à  lui ,  s'il  partait 
le  premier  de  ce  monde.  Il  ne 
tint  pas  sa  parole  ,  la  providence 
en  ayant  autrement  ordonné,  et 
il  vérifia  la  sentence  d'un  poëte 
latin  : 

Qui  nunc  il  per  iler  tenebricositm , 
Illiic  itndè  negant redire  quemquam  (b). 

Je  parlerai  ailleurs  (c)  de  quel- 
ques personnes  qui  ont  fait  de 
telles  promesses.  Baranzan  était 
de    Verceil   *j    il   enseigna    les 

(a)  La  Molhe-Ie-Vayer ,  Discours  chré- 
tien île  l'Immortalité  de  l'âme,  auIV*.  tojne. 
de  ses  OEuores,  in-iz.  pag.  172. 

(£)  Catull.,  Kpigr.  IN. 

(c)   Dans  l'article  BONFADIUS. 

*  Il  était  seulement  du  diocèse  de  Verceil. 
Né  à  Serravalle  en  1590  ,  il  mourut  le  23  dé- 
cembre 1622.  Leclerc  renvoie  au  reste  à  l'ar- 
ticle curieux  que  le  père  Nicérou  barnabite  a 
consacré  à  son  confrère  ,  dans  te  tome  III  de 
ses  Mémoires. 


BARB 

mathématiques  et  la  philosophie 
dans  la  ville  d'Annecy  en  Savoie. 
Naudé,  à  la  page  79  de  l'Instruc- 
tion qu'il  publia  l'an  162^  sur 
les  frères  de  la  Rose-Croix,  parle 
de  lui  comme  d'un  homme  déjà 
mort. 

(A)  On  le  peut  mettre  entre  les  pre- 
miers esprits  de  notre  siècle  :  les  ou- 
vrages de  sa  jeunesse  suffisent  pour 
cela.]  Il  entend  sans  doute  le  livre  de 
novis  Opinionibus  Physicœ  ,  imprime' 
à  Lyon  ,  l'an  1619.  Konig  fait  men- 
tion de  deux  ouvrages  de  ce  moine  : 
Edidit,  dit-il,  CJranoscopiam  et  cnm- 
pum  philosophicum  ,  an.  1620  (  1).  J'ai 
eu  entre  mes  mains  un  exemplaire  du 
Campus  philnsophicus  ,  imprimé  à 
Lyon  en  1619.  11  ne  contenait  qu'un 
volume  ,  et  ne  traitait  que  de  la  logi- 
que, et  cela  d'une  manière  assez  con- 
forme à  celle  des  péripatéticiens  ;  mais 
l'approbation  me  fait  croire  que  ce 
volume  n'est  que  la  première  partie 
du  Cours  de  philosophie  de  Baranzan, 
et  que  ce  Cours  a  pour  titre  général 
Suninia  philosophica  Anneciacensis  ; 
ce  qui  confirme  ce  que  j'ai  dit ,  que 
cet  auteur  avait  enseigne  dans  An- 
necy. 

(1)  Le  Catal.  d'Oxford  dit  Uranoscorjia  ,  seu 
universa  Doctrina  de  cœlo,  1617. 

BARBARUS  (François),  noble 
vénitien,  a  été  un  homme  il- 
lustre dans  le  XVe.  siècle.  Il  avait 
non-seulement  beaucoup  de  sa- 
voir ,  mais  aussi  beaucoup  d'a- 
dresse à  manier  les  grandes  af- 
faires; il  n'était  pas  moins  homme 
d'état  qu'homme  de  lettres ,  et 
il  le  témoigna  dans  tous  les  em- 
plois publics  qui  lui  furent  con- 
fiés ,  et  principalement  lorsqu'il 
fut  gouverneur  de  Bresce.  On  ne 
peut  assez  admirer  la  vigilance, 
la  fermeté ,  la  souplesse  et  les 
autres  grandes  vertus  ,  avec  quoi 
il  défendit  cette  ville  contre  les 
forces  du  duc  de  Milan,  comman- 
dées par  le  fameux  Picinin.  Il 
eut  à  combattre   et  les  ennemis 


ARUS.  85 

de  dehors  et  ceux  de  dedans  ,  et 
il  vint  à  bout  des  uns  et  des 
autres.  Les  divisions  étaient  ex- 
trêmes dans  la  ville  :  les  Avoga- 
dri  et  les  Martineiigh.es  étaient 
les  chefs  de  deux  factions  oppo- 
sées ;  il  les  engagea  par  son  élo- 
quence à  se  réunir  ,  et  à  travail- 
ler de  concert  au  bien  de  la 
cause  commune.  La  longueur  du 
siège  ou  du  blocus  causa  la  fa- 
mine dans  la  ville  ,  la  famine  y 
causa  la  peste  ;  et  néanmoins  , 
parmi  tous  ces  embarras  ,  il  eut 
l'avantage  de  rendre  inutiles  les 
efforts  de  l'ennemi  pendant  trois 
ans  ,  et  de  le  contraindre  de  se 
retirer.  Ceci  arriva  environ  l'an 
1439  (a).  Il  y  a  des  auteurs  cpii 
croient  que  notre  François  Bar- 
barus  est  celui  qui  a  fait  un  livre 
de  Re  uxorid  ,  quelques  lettres 
el  quelques  harangues.  C'est  le 
sentiment  de  Volaterran  (b)  qui 
ajoute  qu'il  avait  été  disciple  de 
Chrysoloras,  et  qu'il  oublia  tout 
son  grec  dans  sa  vieillesse.  Yola- 
terran  pourrait  bien  s'être  (rom- 
pe en  quelque  chose(A).  François 
Barbarus  *  mourut  l'an  1454  (c). 

(a)  Tire  du  Vianoli  au  XVIIIe.  livre  de 
/'Histoire  de  Venise,  tom.  I.  Voyez  aussi  ce 
qu'Hait  au  XXe.  livre,  pat,'.  768. 

(A)  Volater.,  lib.  XXI,  pag.  7-3. 

*  On  peut ,  dit  Joly  ,  consulter  sur  ce  sa- 
vant Vénitien  la  dissertation  du  cardinal 
Quirini  ,  mise  en  tête  de  l'e'dilion  des  Let- 
tres de  Barbarus  ou  Baiharo ,  Brescia,  i-'|3, 
in-4'1.  ;  mais  M.  Ginguene'  Btogr.  univer- 
selle )  dit  qu'il  serait  à  désirer  rjue  dans  cette 
dissertation  il  y  eut  plus  d'ordre  et  moins 
d'erreurs. 

(c)  Vossius,  de  Hister.  Lat.,  pag-.  620. 

(A)  Volalen an  pourrait  bien  s'être 
trompe  en  quelque  chose  tour  liant  E. 
Barbarus]  Voici  d'où  me  vient  un 
tel  soupçon.  Je  trouve  dans  le  Viano- 
li, que  François  Barbarus,  qui  défen- 
dit si  heureusement  la  vnllede  Bresce, 
lut  pèra  de  Zacharie  ,  et  «pie  Zachai  u 


86 


BARB 


fut  père  d'Hermolaiïs  Barbarus  (i).  Je 
trouve  dans  la  Bibliothèque  de  Ges- 
ner,  que  François  Barbarus  ,  auteur 
du  livre  de  Re  uxorid,  a  traduit  du 
grec  de  Plutarque  la  Vie  d'Aristide  , 
et  relie  de  Caton  ,  et  qu'il  les  a  dé- 
diées à  Zacharie  son  frère.  Je  trouve 
dans  Volaterran  (  2  )  ,  qu'Hermolaiis 
Barbarus  e'tait  neveu  (3)  de  ce  Fran- 
çois Barbarus  qui  défendit  la  ville  de 
Bresce.  Volatenan  avait  parlé  de  ce 
FrauçoisBarbarus  dans  la  page  7^3  ,  et 
en  avait  dit  entre  autres  choses  ce  que 
Ton  va  voir.  «  11  entendait  bien  lalan- 
«  gue  grecque,  mais  il  l'oublia  tout-à- 
»  fait  dans  ses  vieux  jours,  comme  je 
»  l'ai  oui  dire  à  llermolaiïs  Barbarus 
w  son  parent.  »  Hic  postremo  senescens, 
uli  ab  Hermolaoejus  necessario  accepi, 
litterarum  grœcarum  c/uas  probe  tene- 
bat,  erat  omnino  oblitus.  Les  autres 
choses  que  Volaterran  avait  dites  de 
ce  François  Barbarus  sont  qu'il  avait 
e'té  disciple  de  Chrysoloras ,  qu'il  a 
écrit  un  livre  de  Re  uxorid  ,  quelques 
harangues  et  quelques  lettres,  et  qu'il 
s'acquit  une  grande  réputation  en  dé- 
fendant la  ville  de  Bresce.  /Juin 
JSrixiœ  prœtor  esset,  ear/t  urbem  à  Phi- 
lippi  ducis  obsidione  magna  cum  lan- 
de liberavit.  Cela  pourrait  faire  soup- 
çonner que  Volaterran  a  joint  pêle- 
mêle  ce  qui  convient  au  père,  et  ce 
qui  convient  au  fils.  Le  passage  de 
Gesner  témoigne  que  François  Barba- 
rus,  auteur  du  livre  Je  Re  uxorid, 
et  traducteur  de  la  Vie  d'Aristide  , 
était  frère  de  Zacharie  Barbarus.  Or, 
selon  le  Vianoli ,  Zacharie  Barbarus 
était  fils  de  celui  qui  défendit  Bresce, 
et  père  d'Hermolaiïs  :  il  faudrait  donc 
dire  que  celui  qui  défendit  Bresce  , 
eut  un  fils  nommé  François  Barbarus 
qui  a  fait  le  livre  de  Re  uxorid,  et 
traduit  du  grec  de  Plutarque  ia  Vie 
d'Aristide  et  celle  de  Caton,  et  qui 
fut  oncle  d'Hermolaiïs  Barbarus.  Selon 
cela,  Volaterran  aurait  attribué  au 
père  certaines  choses  qui  ne  convien- 
nent qu'au  fils.  D'ailleurs  celui  qui 
défendit  Bresre  aurait  pu  avoir  un 
frère  nommé  Zacharie,  auquel  il  au- 
rait dédié  ses  deux  traductions  ;  et 
ainsi  toute  la  faute  de  Volaterran  con- 
sisterait à  n'avoir  point  su  que  Fran- 

(j)  Histoire    de  Venise    de    Vianoli ,  loin,  I, 
liv.  XX,  pag.  768. 

(2)  Lib.  XXI,  pag.  777. 
'Ci)  Ex  fratre  nepos. 


A  RU  S. 

cois  Barbarus  était  l'aïeul  d'Hermo- 
laiïs. Si  j'avais  les  œuvres  de  Fran- 
çois Barbarus  ,  j'y  trouverais  appa- 
remment de  quoi  décider  la  question. 
Ne  les  ayan!  pas, j'ai  priéM.  deLarro- 
que  d'éclaircir  mon  doute,  et  voici  ce 
qu'il  m'a  répondu  :  «  M.  Joli (4)  prou- 
»  ve  que  l'auteur  du  livre  de  Re 
»  uxorid  était  l'aïeul  d'Hermolaiïs  ,  et 
»  qu'il  le  publia  vers  le  temps  du  con- 
»  cile  de  Constance  ;  car  Poggio  et 
»  Paul  Verger  parlent  de  ce  livre 
»  dans  des  lettres  datées  de  la  ville  de 
»  Constance.  La  lettre  de  Poggio  ert 
»  édite  à  Guérin  de  Vérone  ,  et  celle 
»  de  Verger  à  Nicolas  Léontin.  Elles 
:>  louent  Fr.  Barbaro  d'avoir  su  si  bien 
»  é.  lire  du  mariage,  quoiqu'il  fut 
»  très-jeune  et  non  marié.  Il  dédia  à 
»  son  frère  Zacharie  la  version  des 
»  Vies  d'Aristide  et  de  Caton,  et  mou- 
»  rut  l'an  1^.  M.  Joli  distingue  deux 
»  Daniel  Barbaro.  »  Notez  qu'on  m'a 
dit  que  cette  préface  de  M.  Joli  ,  que 
j'ai  citée,  contient  plusieurs  éloges 
de  l'auteur  du  livre  de  Re  uxorid,  et 
l'éclaircissement  de  beaucoup  de  cho- 
ses qui  concernent  les  hommes  de 
lettres. 

Gesner  et  Vossius  citent  une  lettre 
d'André  Brentius  ,  par  laquelle  l'on 
peut,  apprendre  que  François  Barba- 
rus, aïeul  d'Hermolaiïs ,  et  père  de 
Zacharie ,  avait,  composé  et  traduit 
beaucoup  de  livres.  Nimirùm  in  te 
omnia  Francisci  Barbari  patns  virtu- 
tum  lumina  elucescunt  :  cui  certc  mal- 
th'ii  latina  lingua  débet ,  tôt  tanlisque 
ab  eo  libris  composilis,  partira  conver- 
sis,  à  quo  minime  dégénérât  Hermolaus 
filius  ,  le  tanto  pâtre  non  indignus  (5). 
Jl  est  très-certain,  par  le  témoignage 
même  d'Hermolaus  (6) ,  que  son  père 
s'appelait  Zacharie  ;  de  sorte  que  Phi- 
lippe de  Bergame  s'est  fort  abusé  , 
quand  il  l'a  fait  fils  de  François  Bar- 
barus, et  petit-fils  de  Zacharie  :  Fran- 
cisco Barbari  filius  ,  Zacharice  Barba- 
ri nepos  (7)   M.  Moréri ,  tant  ici  qu'en 

(4)  Dans  ta  préface  de  la  traduction  fran- 
çaise du  livre  de  Re  uxoriâ,  imprime' à  Paris, 
l'an  1667. 

(5)  Andréas  Brentius,  patavinus,  Fpistolà  ad 
Zacbariam  Barb.irum  ,  apttd  Vossium,  de  Ilist. 
lat. ,  pag.  621.  Dans  /'Appendix  de  M.  Cave, 
pag-  167,  on  assure  qu'Hermolaiis  était  Jils  de 
François. 

(G)' Forez  la  XXXII'.  lettre  du  XIIe.  livre 
de  celles' de  Politien. 

(7J  Philip.  Berg.  apud  Vossium  ,  de  Uistor. 
lat.  ,  pag.  C,2j 


BARBARUS.  S7 

mille  autres  lieux,  traduit  nepo*  par  dire  par  Thermstins.  Il  attacma 
neveu. L  est  une  très-lourde  tante. Leux  „    „    -V    r»  •  -,        .  .,1 
qui  se  piquent  de  la  belle  latinité  ne  ensuite  Dwseonde ,  dont  il  cor- 
se servent  de  nepos  que  pour  designer  rigea  le  texte  le  mieux  qu'il  put , 
un  petit-iils.  Ceux  qui  ne  sont  pas  si  et  dont  il  fit  une  traduction  à  la- 
scrupuleux  en  fait    de  style  latin   se  que||e    J]    a'       fa    u,,    fort    d      ' 
servent  a  la  vente  du  mot  nepos,  .pour  î~>                   •       r\      i-         ,•■ 
direnewi*.  mais  ils  ajoutent  ordinal-  Commentaire.  On  dit  qu  il   tra- 
rement  <ar  fratre,  ou  ex  somre  ,  afin  vailla  aussi   sur  deux  traités    de 
d'ôter  l'équivoque  ;  s'ils  disent  nepos  Phitaraiie ,  qui  sont  les  p'us  dif- 
tout  court ,  ils  entendent  petu-Jits.  ficiles  ^  Jp  ne  sais  ${  ^  yef_ 

BARBARUS  (Hermolaus),  «on  a  jamais  paru  en  public.  Il 

petit-fils  du  précédent,  a  été  un  avait  dessein  de  traduire  toutes 
des  plus  savans  hommes  du  XVe.  Ies  OEuvres  d'Jristote  (D) ,  et  il 
siècle  II  naquit  à  Venise  le  21  °Jit  dans  l'une  de  ses  épîtres  dé- 
de  mai  1454  (a).  Il  fit  de  grands  aratoires  ,  que  l'exécution  de  ce 
progrès  dans  les  études  ,  si  dessein  était  déjà  fort  avancée. 
promptement,  qu'il  commença  U  avait  une  facilité  extraordi- 
à  faire  des  livres  la  dix-huitiè-  nai,re  à  faire  des  vers,  et  l'on 
me  année  de  son  âge  (A}.  Les  prétend  qu'il  en  composa  plus 
emplois  publics,  dont  il  fut  de  douze  mille  (E).  Mais  de  tous 
chargé  de  bonne  heure,  ne  l'em-  ses  ouvrages  ,  il  n'y  eu  a  point 
péchèrent  pas  de  cultiver  avec  W1*  'm  ait  donné  autant  de  ré- 
ardeur les  belles-lettres  (B).  Il  putation  que  ce  qu'il  a  fait  sur 
fut  envoyé  par  les  Vénitiens  à  Pline.  Il  y  corrigea  près  de  cinq 
l'empereur  Fridéric,  et  à  Maxi-  mille  passages,  et  par  occasion 
milien  son  fils,  roi  des  Romains;  ^  en  rétablit  trois  cents  dans 
et  cette  députation  ,  bien  loin  Pompom'us  Mêla  (d).  Il  n'a  pas 
d'arrêter  sa  plume  ,  lui  fournit  manqué  de  censeurs  à  l'égard  de 
de  quoi  soutenir  le  personnage  ce  beau  travail  (F)  ,  non  plus 
d'auteur  :  car  non-seulement  il  fp'a  l'égard  de  ses  autres  livres 
publia  la  harangue.  (C)  qu'il  ré-  (*f)«  H  était  ambassadeur  de  la 
cita  devant  ces  deux  princes  à  république  de  Venise  auprès  du 
Bruges  ,  l'an  i486,  mais  il  fit  PaPe  Innocent  VIII,  lorsque  le 
aussi  un  Traité  de  V  Accord  de  patriarche  d'Aquilée  vint  à  mou- 
V Astronomie  avec  la  Médecine  :  nr-  Aussitôt  le  pape  lui  confé- 
il  le  fit  ,  dis-je ,  la  même  année,  ra  ce  patriarcat.  Hermolaus  eut 
eu  passant  par  la  ville  de  Colo-  l'imprudence  de  l'accepter  sans 
gne  pour  s'en  aller  à  Mayence.  attendre  le  consentement  de  ses 
Ce  fut  à  la  prière  de  Théodoric  supérieurs  (H),  quoiqu'il  ne  pût 
Fias ,  médecin  de  Nuis,  qu'il  le  Pas  ignorer  que  la  république  de 
composa  {b).  Comme  il  savait  Venise  avaiL  fait  des  lois  pour 
fort  bien  le  grec  ,  il  entreprit  les  défendre  à  tous  les  ministres 
traductions  les  plus  malaisées ,  qu'elle  envoyait  à  la  cour  de 
et  il  commença  parmi  célèbre  Rome  d'accepter  aucun  bénéfice. 

paraphraste  d'Aristote  ,  je  veux 

<)  De  tpide  et   Osiride,   ci  car  Oracula 

(a)  Gesner.,   in  Bibliot!i. ,  fol.   2^6',  fi-  desierunt.  Gesner. ,  in  Bibliolh.  ,  fol.  317. 
Tniliemio.  l.i)  Herm.  Barbar.,  in  pritfal.  ad  Altxan- 

l>    Gesner.  ,  tn  BiMiotl),  ,  fol.Zi'].  VI. 


83  BARBA  RUS 

Les  excuses  rl'Hermolaiis  ,  fon- 
dées sur  ce  que  le  pape  l'avait 
contraint  d'embrasser  la  préla- 
ture,  ne  furent  point  écoutées. 
Le  conseil  des   Dix  lui  signifia 
fort  sèchement  qu'il  eût  à  re- 
noncer au  patriarchat  ,  et  que  , 
s'il  ne  le  faisait  point ,  son  père 
serait  dégradé  de  toutes  ses  di- 
gnités ,   et  verrait   bientôt   ses 
biens  confisqués.  On  fut  inflexi- 
ble.  Zacharie  Barbarus  employa 
tous    les    moyens     imaginables 
pour   obtenir    le   consentement 
de  la  république  au  patriarcat 
de  son  fils  ;  et  n'ayant  pu  rien 
gagner  ,  il  en  mourut  de  chagrin 
(I).  Sou  fils  le  suivit  de  près  :  on 
a  voulu  dire  que   lui   aussi   fut 
emporté  par  le  chagrin  (K);  mais 
il    y    a   plus    d'apparence   qu'il 
mourut  de  peste.  Piérius  Valé- 
rianus  l'a  mis  en  tête  de  ses  sa- 
vans  malheureux.    Il   a,  ce  me 
semble ,    outré   les  choses  lors- 
qu'il a  dit  qu'on  ne  sait  pas  mê- 
me si   Hermolaùs   Barbarus  fut 
enterré  (L).  Ce  grand  personna- 
ge mourut  à  Rome  l'an  i493.  Il 
témoigne   dans  ses  Lettres   une 
grande  résignation  et  beaucoup 
de  tranquillité   d'esprit  par  rap- 
port au   traitement   qu'il    avait 
reçu  de  sa  patrie  (e).  Je  ne  crois 
point  qu'on  puisse  dire  qu'il  a 
été  fait  cardinal  (M).  On  a  débi- 
té qu'il  eut  recours  au  démon  , 
pour    savoir    le  sens    d'un   mot 
grec  (N)  dont  Aristote  s'est  ser- 
vi. N'oublions  pas  que  Laurent 
de  Médicis    lui  donna  des  mar- 
ques d'une  estime  singulière  (0). 
M.  Varillas  a  fait  un  récit  fort 
agréable  et  fort  étudié  touchant 
Hermolaùs    Barbarus  ,    mais    il 
■.'est  trompé  en  beaucoup  de  cho- 

.    '  nyez  la  remarque  K] 


ses ,  et  bien  plus  souvent  que  Mo- 
réri  (P). 

Je  citerai  un  passage  d'Alcyo- 
nius ,  où  l'on  verra  que  notre 
Hermolaùs  se  félicitait  de  sa  dis- 
grâce ,  et  qu'il  n'étudia  jamais 
avec  tant  d'application  que  de- 
puis que  sa  patrie  l'eut  mal- 
traité (Qj. 

(A)  Il  commença  à  faire  des  livres 
la  dix-huitième  année  de  son  âge.  ~\ 
C'est  Gesner  qui  nous  l'apprend.  Ab 
octavo  decimo  œtatis  suœ  anno  scrï- 
bere  exorsus  multa  elegantissima  opus- 
cula  composuit  (i).  Vossius  a  voulu 
dire  la  même  chose  ;  mais,  parce  qi:e 
son  imprimeur  oublia  deux  lettres,  il 
a  été  cause  que  M.  Teissier  a  dit 
qu'Herrnolaiis  Barbarus  commença  d'é- 
crire h  Idge  de  vingt-deux  ans  (i).  Voi- 
là la  traduction  de  ces  paroles  de 
Vossius  :  Ab  anno  œtatis  duo  t'ige- 
simo  scribere  orsus  fuit  (  3  )  ;  et 
voilà  de  quelle  conséquence  sont  quel- 
quefois les  fautes  des  imprimeurs.  Il 
est  clair  que  Vossius  avait  mis  duo- 
devigesimo  :  deux  lettres  supprimées 
de  ce  mot  ont  ôté  quatre  ans  de  gloi- 
re à  un  auteur.  On  voit  dans  la  page 
157  de  l'Appendix  de  M.  Cave  la  faute 
de  .M.  Teissier. 

(B)  Ses  emplois  publics....  ne  l'em- 
pêchèrent pas  de  cultiver....  les  belles- 
lettres.^  Entendons  ceci  avec  quelque 
restriction  ;  car  il  est  certain  que  ces 
emplois  le  détournèrent  considérable- 
ment de  l'étude.  Honores,  dit-il  (4)  , 
in  republicâ  gessi  multos  et  magnos  : 
quâfide ,  qud  opinione  ,  quâ  gratiâ  , 
non  dixerim.  Placet  quidem  impen- 
disse annos  penitùs  duodecim,  sed  octo 
reipub-  continuos  :  totum  id  tamen 
tempus  lilterisferè  periit. 

(C)  //  publia  une  harangue.  ]  Elle 
fut  dédiée  à  Carondelet,  qui  était 
alors  premier  secrétaire  du  roi  des 
Romains.  L'auteur  avoue  qu'il  ne  la 
publie  point  toute  telle  qu  il  la  réci- 
ta ,  mais  il  déclare  en  même  temps 
qu'd  la  donne  toute  telle  qu'il  l'avait 
préparée.  S'il  ne  récita  point  tout  ce 

(i)  Gesner.  Bibliotliec  .folio  317. 

(2)  Teissier,  Addit.  aux  Kloges  de  M.  de 
Ttiou  ,  png.  354- 

(3)  Vossius,  de  Hist.  lat. ,  pas,.  622. 

(4)  Herm.  Barbar. ,  e^islolà  XXXI  ,  lib.  XII 
inter  Politiani  Epistol. 


BARBARUS. 

qu'il  avait  préparé,  ce  fut  à  cause  que    eu    prose   qui    ports  le    même    titre, 
les    courtisans    lui    recommandèrent    François  tiaihaitis  prescrit  des  règles, 


d'être  court  ,  et  de  venir  d'abord  au 
l'ait.  Ils  n'ignoraient  point  que  l'étu- 
de des  belles- lettres  florissait  alors  en 
Italie  ,  et  que  les  ambassadeurs  de  ce 
pays-là  se  plaisaient  à  réciter  de  lon- 
gues harangues  ,  parées  de  tous  les 
ornemens  de  la  rhétorique.  Il  fallut 
même  réduire  à  une  les  deux  haran- 
gues qu'Hermolaùs  et  son  collègue 
avaient  préparées  ;  et  comme  il  fallut 
faire  l'abrégé  et  la  réduction  dans 
l'espace  d'une  heure  et  demie  ,  jugez 
de  la  présence  d'esprit  d'Hermolaûs  , 
qui  surmonta  heureusement  toutes 
ces  difficultés.  Obsecro  ne  mirere  si 
aua  leges  in  hoc  libello  (juœ  lune  dic- 
ta nonfucrunt.  Nec  enim  addidi  nu  ne 
ca  ,  sed  delraxi  tune  ,  admonitus  ah 
aulicis  extemplo  quant  limen  attigi,  ne 


tant  à  ceux  qui  se  marient,  qu'à  ceux 
qui  sont  déjà  mariés  (7)  :  il  entre  dans 
un  si  grand  détail,  qu'il  fait  un  cha- 
pitre de  coïlds  ratione.  Hermolaiis  s< 
borne  à  cette  question  :  fi  un  homme 
sage  se  doit  marier  (8)  ,  et  il  conclut 
pour  la  négative. 

(F)  II  n'a  pas  manqué  de  censeurs 
h  l'égard  de  son  travail  sur  Pline.]  On 
a  prétendu  qu'il  avait  trop  lâché  la 
bride  à  ses  conjectures  et  à  sa  mé- 
moire. Pintianus  le  poussa  très-rude- 
ment là-dessus.  Ceux  qui  lui  pardon- 
nent les  défauts  de  sa  mémoire,  ne  lui 
pardonnent  pas  ses  coups  de  témérité, 
et  disent  fort  librement  qu'il  se  mêla 
de  corriger  plusieurs  choses  qui  n'é- 
taient point  faute,  mais  qui  passaient 
son  intelligence.  11  est    vrai  que  dans 


longus  essem  ,  ambiliosa  reciderem  ,    plusieurs  éditions  de  Pline  on  a  eu  de 
oplinta  quœque  dicerem  ,  patientissi-    grands    égards    pour    les    corrections 


mis  omninô  ,    sed    occupatisstrnis    ta- 
men  principibus  parcercm.  Amputavi 

subito  consilio  mu/ta Considerans 

hoc  et  œstimans  quod  scsquihoram  an 


d'Hermolaiïs,  puisqu'on  les  a  fourrées 
au  texte;  mais  il  y  a  long -temps 
qu'on  a  dit  que  ce  prétendu  médecin 
de  Pline   lui  avait  fait  plus  de  plai 


Lequam  principes  adiremus  significa-    qu'il  ne  lui  en  avait  guéri.  F\apportons 
(uni  nobis  fuerit  non  duas   orniiones    cela  dans  les  termes  du  père  Uardouin. 

Ipse  (  Hermolaiis  )  in  iis  quœ  attigit , 
sœpè  nimiiim  conjectura-  ,  memoriœ 
etiam  plus  quam  hpminem  décent,  tri- 
huit  :  uù  paulo  acerlnus  eam  oh  rem 
inveclus  in  eum  Pintianus  olim  expro- 
bravit.  Sed  concessd  facile  venid  fs.v»- 
//ovifcâïv  a.y.ctf.'ïHf/.a.rcev  ,  quod  minus  mi- 
rumsit  memoriam  excidere  aliquarum 
rerum,  quam  constare  omnium  :  at  non 
venid  dignus  œquè  ,  ciim  negleclis  ve- 
lerurn  exemplarium  vesligiis,  ctpris- 
carum  ante  se  editionum  securus,  plu- 
rimapro  arbilrio,  eruditè  magis  quam 
coûté  ac  verc  ,  mulavit  ,  vel  plané 
pessumdedit  :  cùm  plurima  ex  iis  quœ 
castigavil  ,  non  errata  illa  sint ,  sed 
p a rùm  intelle cta.  Tanliim  nihilominhs 
auctoritali  Barbari  subsecuta  ictas  , 
eruditwnique  tribuit  ,  ut  conjecturas 
illius,  ceu  totidem  KUpiaç  ê'jÇctç.  in  con- 
textum  inseruerit  ,  undc  climinandœ 
a  nobis  variis  argumenlis  fuêre.  Sai- 
sit jam  dudùm  hanc  labem  operi  PU- 
niano  illatam  auctor  Epigrammatis 
alias  hmid  perelcgantis  ,  in  Commcn- 
tarios  à  Slephano  Aquœo   editos  ,   de 

-     I     tes  le  titre  des  chapitre  de   son  ou- 
dans  la  Bibliothèque  <!c    Gesncr  ,  J'vhu 

■  r.o. 

s,  Gesnei    Bibliotl  '  ■  Î17. 


seorsiun,  ut  cogitabamus  et  parave.ra- 
mus,  sed  unam  duobus  junctïm  haben- 
dam  et  recitandam  esse  (5). 

(D)  Il  avait  dessein  de  traduire  tou- 
tes les  œuvres  d'Aristote.]  Voici  com- 
me il  parle  dans  la  préface  de  son 
Pomponius  Mêla  (6).  Vacant  nos  ma- 
jora quœdam  studia,  urgemusque  nos- 
trum  illud  velus  omnes  Aristotelis  li- 
bros  in  latinum  vertendi  exponendique 
propositum.  Quod  si  ad  extluni  per- 
duxero  (  nam  bona  ejus  pars  jam 
pridem  peracta  est  )  non  dubito  fulu- 
rum  ,  quin  de  reliquo  in  litleris  tabo- 
re  gratia  mihiûat.  Sa  traduction  de 
la  Rhétorique  d'Aristote  fut  publiée 
après  sa  mort.  Vo}'ez  l'article  suivant. 

(E)  //  avait  une  facilité  extraordi- 
naire h  faire  des  vers  :  il  en  composa 
plus  de  douze  nulle.']  Entre  autres  piè- 
ces de  poésie  ,  il  fit  un  ouvrage  de  six 
cents  vers  ,  dont  le  titre  est  le  même 
que  celui  de  l'ouvrage  de  son  aïeul 
l'rancois  Barbarus  \  je  veux  dire  que 
ce  poëme  est  iutitulé  de  lie  uxorid  , 
mais  il  est  fort  différent  de  l'ouvrage 

(5)  Rerm.  Barbarus,  Epist.  arl  C.irnniMetum, 
inter  Epistolas  Politiani  Xlf  Ubri   \ff 

(6)  Apud  Gesncrum,  Bibliolh-,  folio  3i7  , 
verso. 


9" 


BARBARUS. 


quitus  agendum  inox  erit.  Sic  errim    ne  faisait  pas  négliger  au  patriarche 
illf  :  les   fonctions  épiscopalés,  te'moin  les 

Dum    farere   Hermoleos   medicioam  Barbants     Sermons  que  Ton   garde  en  manuscrit 


optai 

Non  paucis  lacero  vulneribiu  Plmio, 
Perla;.iutn  ^raviiis  conjeclâ  vulnerat  arte  : 

Nec  minus  inraitâ  plurima  lurba  uianu. 
In  lartuni  ul  Lalio  jam  Heploralus  abiret, 

Ob  miiltainStygiasvulncrafessusaquas,  etc. 

Felicior  aliquanlb  Sigismcndus  Gele- 


à  Padoue.  J'aimerais  mieux  dire  que 
puisque  les  Vénitiens  ne  \oulurent 
point  souffrir  qui!  acceptât  cette  di- 
gnité ,  il  ne  dérobait  rien  à  ses  fonc- 
tions patriarcales  en  faveur  de  Pline. 
Notez   qu'ayant,    publié    cet    omrage 


mvs  ,  qui  un»  duntaxat  anhetyporum  Van    ^      Jji  y   :o5gnit    un   appendix 

prœsidin,   collait*  inter  se  exemp/an-  v,  nomme  secUndœ  Casdgaliones  , 

eus  ,  nonpauca  restitua  ,   quœ  Ue,-  ef       ■   estdaté  je  Kome  le  i3  de  jan- 

molao  latuerant    9J.   J  ai  rapporté  ce  •JL  ,4^3. 


.    i4q3. 
long  passage  afin  de   mieux  couvain-         ,^    u       „on  plus  qu"a  l'égard  de 
cre  M.    Varillas   de   s'être  trompé  sur    ses  a'utres  /;„„„.]  Sa  version  de  Tie- 
nne chose  qui  n'était  guère  inconnue.    mistius  nVst  point  fidèle,   si  nous  en 
Mais  je  ne   laisse  pas   d  être  tres-pt  r- 
suadé  que  le  travail  d'Hermolaiis  sur 
l'histoire  naturelle  de  Pline  est  digne 
d'admiration  ,   vu  le  grand    nombre 
d'auteurs  qu'il  lui  fallutconsulter.  et  le 


croyons  Vossius.  lpse  ilie  Themislius 
ab  Hermolao  Barbara  dum  nimiùm 
studet  eleg'intiœ  ,  tnntâ  conversus  est 
libertate  ,  utsœpissimè  longe  aliuddi- 
catquhm  senserit  Themistius  (i3)  :  et 


peu  de  temps  dont  il  eut  besoin  pour  jj  a'  tt:moi„ne:  dans  la  version  de  la 
cela.  Vingt  mois  lui  suffirent,  dit  il  :  Hnet0liqu?  d'Anstote  ,  qu'il  n'en- 
il  rompait  la  glace  aux  autres  ;il  trou-  tendait  pas  assez  le  grec  ,  si  l'on  s'en 
vait  Pline  dans  un  très-mauvais  état,  rapporte  a  François  de  Escobar  (i4). 
et  semblable  a  une  terre  qui  a  été  On  prétend  qu'il  était  si  rempli  de 
long-temps  inculte,  et  à  un  logis  pes-  p,;^  ^  accommodait  trop  souvent 
hteré,  o«.  infecte  des  lutins.  Hœe  erant  a  ses  paroles  celles  de  Dioscoride  ,  en 
in  Pliniano  codice  fiagilia  ,  propter  traduisant  ce  dernier.  Cette  traduc- 
quœ  non  parum  multi  dwinum  opus  tion  a  <:,<:  souvent  critiquée  par  Mar- 
tanquam  senticetum ,  imo  fera  quasi  ct>l\us  Virgilius.  7>oc/è  quidem  et  vle- 
pestilens  aut  lemuribus  infâme  domi-  ^fl72(er  trans/ati,  sed  (  ut  nonnuUis  vi- 
cihum  vitabant.  F.a  nos  grœcis  et  la-  ^elur  )  nimis  ad  imitationem  Plinii , 
Unis  auctoribus  perleclis  omnibus  lu-  queTn  (]um  ubiq,,è  sequitur  à  Diosco- 
cubratione  viginti  mensium  revellere  rLjis  ,,c,bis  aliquandb  recedere  vide- 
ac  publicare  curai'imus  (10).  Quant  à  tur  Marcellus  Virgilius  ,  qui  post 
la  pensée  de  Volaterran  ,  que  c'était  Uermolaum  eosdem  ïibros  transtulit  , 
nne  occupation  peu  convenable  au  plemmque  inteiprelationem  ejus  car- 
caractère  d'Hermolaiis  Barbarus,  opus    „jt  (,5). 

impar  ejus  dignilati  et  vilœ  instituto  /  jj  \  Uermolaûs  eut  l'imprudence 
(il),  elle  a  été  condamnée  très-jus-  d'accepter  le  palnarchat  d ' Aquilée  , 
tement,  tant  parce  qu'Hermolaiis  s'é-  5fl/|S  alten,\re  le  consentement  de  ses 
tait  engagé  dans  ce  travail  avant  que  supérieur$.  ]  Personne,  que  je  sache  , 
d'être  homme  d'église,  que  parce  qu'il  ^a  mieux  réussi  que  Pierre  Bembus  à 
serait  à  souhaiter  que  plusieurs  pré-  conter  ce  fait  :  c'est  pourquoi  il  sera 
lats  fissent  de  semblables  fautes.  Uli-  commode  et  agréable  à  tous  ceux  qui 
nam  sic  a  multis  ejus  dignilatis  atque  n'auront  pas  cet  historien  de  voir  ici 
institua  peccaretur  (12).  Vossius  ajou-  ce  qn'jl  erj  dit.  £0  mortuo  Innocen- 
te une  autre  raison   :  c'est  que  Pline    tius  patriarchatum  (  sic  enim  appel- 

(9)  Harduini  Prcefal.   in  Plinium  ,  ad  usum     lani   )      Aquileiensium Hermolao 

De'P\™-        _    .    '       .       .,       n      .  Barbaro  ,   legato    apud  se  ueneto  at- 

(10)  Hrrm.  Barbarus,  in  epdoeo  Operif,  pag.  .  ^i       y     ..      •    •-„„  .•    ,^//„~;«    *_ 
frS,ediubasitien.,is,àr,n.  i5tf.                            tribuit.  Quod  ubi  cwitas  intellexit,  ta- 

(nj  Voiaierranus.  lib.  XXI,  pas,.  -',",■  metsi  Hermolaiis  ad  senatum  scripse- 

(12)    CoziUire   dehuerat    Voiaierranus  ,  jam     ffl,      cnactum  se  h  pontifice  vestem  se- 

^Z^le"Pp7Zan:Z^Ze:fl^    natonam  mulauisse  :  quomam   tamen 

opus  perlinerent.  Vossius,  rit-  llistor.  lai. ,  pag.  .    ....         ...  „ 

623.  Hermolaiis  du  simplement  :  Plinianas  I  as-         fi3)  Voss.ns     de  Pb.losopn»  ,pag.  8. 
tigationes,  quas  l«galu,  Rom*,  nec  dum    sacris  (.4'     APUA     Andr«.m     Scbottum ,    B.M.olb. 

rf''«^ri.inCh0aVer!,^,■   VrœjM'  "d   AUXan'     k8f55)GesB«.,^BibUoll..,/oto  inverse. 


sacerdoliis  cooptari  cives  veneti ,  qui 
legati  Rotnœ  estent  ,  lege  prohibe- 
bnnlur  ;  graviter  tulit  ,  ausum  illum 
contra  leges  patrias  facere .  Auxit  ejas 
rei  magnoperè  invidiam  ,  quod  anled, 
ex  Hermolai  litteris  ,  quas  ad  senalum 
de  Barbi  morte  dederat  ,  more  insti- 
tutoque  majorant  coniittis  senatoriis 
prcejudieium  patres  fêteront  ,  cujus 
ipsi  ciuis  nomen  ad  id  adipiscendumsa- 
cerdotiuin  Innocentio  commendarent. 
Itaque  deceptus  in  eo  sese  ,  ac  prnpè 
delusos  querebanlur.  Erat  omnino 
Hermolai ,  propter  ejus  summam  in 
lilterarum  ,  atque  optimarum  artium 
studiis  prœstantiam  ,  magnum  apud 
exleras  nationes  nomen  ,  apud  suos 
quidem  certè  maximum  ;  nam  ad  doc- 
trinal singularcm  opinionem  ,  eliam 
vitœ  perpetuatn  innocentiam  adjunxe- 
rat.  Simul  is  multùm  patris  opibus,  et 
gratiâ  ,  qui  summo  proximum  in  civi- 
late  magistralum  gerebat  ;  multùm 
clientelis  ,  necessiludinibus  ,  propin- 
quitatibusque  pollebat.  Quibus  tamen 
in  rébus  omnibus  satis  sibi  prœsidii 
non  habtiit  :  ciim  pliais  à  patribus  una 
leguni  charitas  ,  majestasque  ,  quant 
ultorum  c'wium  omnibus  aucta  nomi- 
nibus  dignilas  ,  atque  clarilas,  fieret. 
Decemviri  enim  lilteras  ad  eum  severè 
scriplas  dederunt ,  mord  omni  ,  excu- 
salioneque  sublatd ,  sacerdotium  ré- 
pudiant :  id  si  non  faceret  ,  palrent 
magistratu  remoturos  et  bona  ejus  pu~ 
blicaturos  prœ  se  tulerunl.  At  patrr , 
perspecld  civitatis  voluntate,  omnibus 
tenlatis  rébus  ,  ciint  jam  eam  Jlecli  et 
leniri  posse  dijjiderel,  œgritudinc  ani 
mi  est  mortuus.  Eilius  non  multà  post 
Romœ  ,  editis  Plinianis  casligationi- 
bus  ,  immensi  propè  laboris  opère,  pri- 
l'atus  plebeio  morbo  periit.  Eum  vitœ 
finem  Hermolaùs  habuit  ,  omnium  ex 
sud  cantate,  qui  unie  illum  nati  essent, 
F.atinorum  et  Grœcorum  litteris  plané 
doclissimus  (16). 

(I)  Son  père mourut  de  cha- 
grin. ]  Nous  venons  d'entendre  Bem- 
bus  qui  l'assure.  La  chose  est  assez 
vraisemblable  ,  car  c'était  un  honi- 
rae  âgé  ,  et  qui  occupait  un  des  pre- 
miers postes  de  la  république.  Une  si 
rude  épreuve  de  la  décadence  de  son 
crédit  dans  sa  vieillesse  ,  et  au  préju- 
dice d'un  fils  illustre  que  l'on  aime 
tendrement,  est  pour  l'ordinaire  un 

(16)  Bembus,  Hislor.  VcneUt,    Ub.    I ,  folio 


BARÏURUS.  91 

cinq,  qui  désole.  Zacharie  Barbarus 
mounnl'an  1492,  fort  résigné  aux 
ordres  de  U  providence  :  il  était  en- 
tré dans  sa  S'V-vante-dixième  année  : 
il  fut  fort  regret  1:  .  sa  p0mpe  funè- 
bre fut  magnifique.  Voyez  la  lettre 
qu'Hermolaùs  écrivit  ;  son  ami  An- 
tonius  Calvus  (  17  ).  ^ce,lit  quod 
septuaiiesimum  ingressus  annum,  quan- 
ddi  inj'amilid  nostrd  via  il  ne tnç  •  quod 
functus  omnibus  honoribus  ;  qur>d  re- 
publicd  incolumi  ;qahd  liberis  hoi^sto 
locn  positis  ;  incredibili  desiderio  et 
amore  civitatis  excessit  ,  frequentiô. 
funeris  tantd  (ut  audio)  quanta  in 
cive  nunquam. 

(K)   on   a    voulu   dire  que   lui 

aussi  fut  emporté  par  le  chagrin,  ] 
Volaterran  l'affirme.  Romœ  decessit 
ex  enimi  dotore  exacerbante  quod 
oratnr  à  f^enetis  missus  ,  prœter  ejus 
auloritalem  senalus,  palriarcha  Aqui- 
leiensis  ab  Innocentio  J'uerat  creatus, 
ac  proptere'a  enntumax  et  exul  (18). 
Je  crois  fort  qu'il  mourut  sous  la  note 
de  rebelle  et  de  banni ,  car  il  se  don- 
na toujours  le  titre  de  patriarche,  non- 
obstant les  ordres  précis  qu'il  avait 
reçus  de  son  souverain  de  renoncer 
au  patriarcat  ;  mais  je  crois  qu'il 
mourut  de  peste  ,  et  non  de  chagrin. 
Ma  raison  est,  i°.  que  depuis  qu'il 
fut  en  disgrâce  ,  jusqu'à  sa  mort ,  il 
s'occupa  à  un  travail  qui  demandait 
une  grande  liberté  d'esprit,  et  une 
ferme  santé  (19)  ;  20.  que  Pierre  Cri- 
nitus  ,  qui  vivait  en  ce  temps-là  ,  as- 
sure ou  Hermolaiis  mourut  de  peste 
.11  ne 


(ao). 


l'assure  point  d'une  façon 


constance  bien  précise  ,  c'est  que  Pic 
de  la  Mirandole  ,  ayant  appris  à  Flo- 
rence qu'Hermolaiis  avait  la  peste  , 
lui  envoya  le  plus  promptement  qu'il 
put  un  antidote  qu'il  croyait  très- 
souverain  ;  mais  le  messager  arriva 
trop  tard.  Paul  .love  débite  le  même 
fait.  Alors  anle  diem  irrepsil,  et  pesti- 
lenù  quidem  morbo  properala  .  adr,\ 
ut  quod  à  Pico  Polilianoque  Elorcn- 
tid  laboranli  per  disposilos  equos  mit- 
tebatur  mirœ  polestalis  aniidotum,  ve~ 
neni  ceferitate  prœverle-'it  (ai).  Ainsi 

(.:)  ELU  est  ta  XXXII'.  du  XII'.  litre  de 
celles  de  Politien. 

(18)  Voiaterranus,  Ub.  XXI,  pag.   -,". 

(19)  A  la  correction  de  Pline. 

(201   Crinit.    de    lione.-l.'i    Disciplina,   Ub.    1 
cap.  VII. 

(ai)  Jovius,  Elo?..   cav     XXXVI 


92 


BARBARUS. 


je  n'ai  point  de  peine  à  ajouter  fo>  au  peste  fit  déserter  ceux   qui  auraient 

témoignage  qu'Hcrmolaiïs  Barbus  se  dû  assister  le  patriarche  (27),  il  n'eût 

donne  à   soi  même,  d'avc^1'  supporté  pas  donné  dans  l'hyperbole, 

sa  disgrâce  sans  chagr^  >  et  de  s'être  (M)  Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  di- 

mêtne  félicité  d'un»;  injure  qui  le  re  re   qu'il  a  été  fait  cardinal.  ]  Pierius 

mettait  dans  la  r'eine  liberté  d'étu-  Valerianus  n'a  garde  de  l'assurer  :  il 

dier  (22).  Ses  *ra>s  craignaient  qu'il  dit  des  choses  trop  incompatibles  avec 

ne   succomba  ,   et  ses   ennemis   pu-  celle-là  ;   mais  Paul   Jove  ,  qui   l'a  si 

bliaient  q*  il  succomberait.  Ces   der-  clairement  démenti   à  l'égard    de    la 


niers  fu^nt  sans  doute  ceux  qui,  pour 
lui  de'ober  la  gloire  de  sa  constance 
et  d<  sa  tranquillité  ,  imputèrent  au 
ch-gr>n  ce  qu'il  fallait  imputer  à  la 
r»aladie  contagieuse.  Voyez   dans   la 


sépulture  d'rLrmolaiis  Barbarus,  dit- 
il  que  ce  patriarche  ait  obtenu  le 
chapeau?  Nullement  :  il  se  contente 
de  dire  qu'on  lui  destinait  cette  digni- 
té. Tulisli  quippè  œqun  animo  sujfra- 


remaïque  (P)  ce  que  je  cite  d'Alcyo-  giorum  seuerilatem  ,   quùm  ex  eo  ta- 

nius.  rnen  pari  nierito  tibi  purpura  parare- 

(L)  Pierius  Valerianus....  dit  qu'on  tur.  Sed  mors    ante  diem  irrepsit  (28). 

ne  sait  pas  si  Hermolaûs  Barbarus  jnt  L'auteur   du    JXoniemiator    Cardina- 

enterré.  ]  Je  le  dis  encore  un  coup ,  je  lium   rapporte  que   Trithème  ,   suivi 


crois  que  Pierius  Valerianus  a  outré 
les  choses,  quand  il  a  dit  que  ce  pa- 
triarche, étant  mort  dans  la  pauvreté 
et  dans  l'abandon,  fut  privé  de  la  sé- 
pulture: (Jb  susceplum  inconsulto  se- 
nalu  suo  jiquileiense  sacerdoliwu  ex- 
sulfactus,  et  de  possessione  ejectus  ci- 
tant inopemaliquandiùtraxit,  Alexan- 
dri    pontificis   summi   sportulâ    quo- 


en  cela  de  Pierius  Valerianus  et  de 
plusieurs  autres  ,  assure  qu'Hermo- 
laiïs  Barbarus  parvint  au  cardinalat. 
Pour  lui ,  il  n'affirme  rien  ,  il  se  con- 
tente de  ces  paroles  :  Cardinalis  de- 
signatus,  sed,  utfertur,  nondùin  ei'ul- 
gatus.  Vossius  a  cité  le  cordelier  Jean 
Bioche  ,  qui  assure  (  29  )  qu'llermo- 
laùs  fut    fait   cardinal   (  3o  ).    Le  pè- 


dammodo  sustenlalus  :  paucis  vero  post    re   Hardouin   affirme   la    même   cho- 
mensibus  pestilentid  contactus ,  deser-    se  (3i). 


tus  ab  omnibus  ,  infelicissimo  morlis 
génère  oppressus  est  ;  quique  lauda- 
tione ,  et  eloquenlid  sud  innumeros 
cetatis  suœ  homines  illustrai'erat  ,  et 
funeie ,  et  honore  sepulchri  ila  de- 
fraudalus  est  ,  ut  ubi  sepultus,  quove 
hominis    cadaver    conjeclum  fuerit  , 


(N)  On  débile  qu'il  eut  recours  au 
démon  pour  savoir  le  sens  d'un  mot 
grec.  ]  Ce  mot  est  si  essentiel  à  la 
physique  péripatéticienne  ,  que  pen- 
dant qu'on  ignore  ce  qu'il  signifie,  on 
ne  peut  connaître  ce  qu'Aristote  a 
voulu    dire    touchant    la   nature    du 


ignoreiur  (l'i).  Paul  Jove,  qui  a  écrit  corps.  Je  parle  du  mot  ivrêXs^si* ,  que 
après  Pierius  Valerianus  ,  ne  se  con-  quelques  Latins,  après  en  avoir  cher- 
tente  pas  de  dire  qu'Herniolaus  Bar-  ché  d'autres  qui  ne  leur  revenaient 
bavus  fut  enterré  ,  il  marque  le  lieu  pas  ,  ont  enfin  rendu  par  celui  deper- 
ou  est  son  sépulcre.  Scilicet  ut  nimis  fectihnbia.  Pierre  Crinitus  parle  com- 
sevtra  patria  optimi  civis  ossa  non  ha-  me  si  Hermolaiis  s'était  lui-même  van- 
beret^quœ  sub  colle  Uortorum  ad  Flu-  té  de  cette  consultation  magique  ,  et 
mentauam  portant  sepulchro  condita  comme  s'il  avait  dit  que  la  réponse 
è  Campo  Marlio  ab  erudild  Romand  fut  donnée  d'un  ton  si  délié  qu'on  ne 
jwenlute  salulantur  (24).  M.  de  la  put  y  rien  comprendre.  El  rêvera  pe- 
Bochepozai  (25)  et  le  père  Oldoïni  (26)  rexilis  vocula  dœmonum  etexigua  est, 
désignent  plus  clairement  le  lieu  de  quod  olim  nosler  quoque  venetus  Her- 
sa, sépulture  :  ils  le  mettent  à  Sainte-  molaus  dicebat  ,  vocem  se  desmonis 
Marie  deV  Popolo.  Si  Valerianus  se  fût  prœlenuem  et  pêne  subsibilantem  au- 
contenlé  de  dire  que  la  crainte  de  la  disse  ,  quel  Me  de  Arislotelis forte  en- 

telechid    interrogatus  ,     sibi    ipsi     et 


(22)  Tore»  In  XXXIe.  lettre  au  XIIe.  livre 
de  celtes  de  Politien 

(23)  Pier.  Valerian.  de  Lilteratorum  Infelici- 
tate ,  pag.  g. 

(a4;  Jovins,  Elog.  cap.  XXXVI. 
(î5)  Rochepozai,  in  Nomencl.  Cardinal. 
(26J  Oldoïni ,  in  AtUen,  Romano. 


(27)  Voyez  ci-dessous  le  passage  rf'AIcyonius. 

(28)  Valerian.  ,  de    Litlerator.     Infelicitate, 
pag.  9. 

(29)  In  Compend.  liistorico. 

(30)  Vossius  ,  de  Hist.  Int.,  pag.  6ll. 
(3i)  Pnvfal.  in  Plinium. 


BARBARUS.  93 

Georgio  Placentino  responsilavit(3-ï).  rat,  ut  in  eo  quasi  musarum   secessu 

Je  crois  être  allé  à  la  source  de  ce  fait  simul  cum  Ptco  Miranduld  honestio- 

en  citant  Pierre   Crinitus- La  plupart  ribusdisciplinis,acphilosophiœsacris 

des  gens  (33)  ne  citent  que  la  Démo-  pro  arbitrio  incumbcrel.  In  quo  ller- 

nomanie  de  Bodin  ,  où  je  n'ai  pas  en-  molaiis   Barbarus  (ut  homo  maxime 

core   trouvé    cette    action    d'Hermo-  humanus)  libenter  se  di.xit ,  et  studio- 

laùs  (34)  *.  Quelques-uns  citent  Mon-  rum  causa,  et  Laurentii   mer ito  talent 

lorius  ,   qui  en  parle  dans  son  Traité  animum  agnoscere  ,  villamque  ipsam 

de   Entelechid.    Au   reste,   quelques-  si  per  publicas  curas  liceret,    excipe- 

uns  prétendent  que  Budé  est  l'inven-  re  (3'j). 

teur  du  perfectihabia.  Vous  trouve-  (P)  31.  Cardias  a  fait  un  récit  fort 

rez  ces  paroles  dans  du  Verdier-Vau-  agréable...    touchant    H.    Barbarus 

Privas  :  Kl  mesmes  ceux  qui  l'ont  bien  mais  il    s'est  trompé  en  beaucoup  de 

voulu  louer  ont  dit  de   lui ,  Est   feli-  choses  ,   et     bien    plus    souvent    que 

cissirnus  quidem  ,  sed  audacissimus  in  M.   Moréri.~\  Il  dit  (38),  i°.  tuf 11er- 

novandis   vocabulis,   comme  quand  il  molaiis    Barbarus    passait    à    Venise 

a  tourné  l'cnteléchtc  d'Arislote ,  per-  pour  celui  de  tous  les  nobles  qui  fai- 

fectihabiam  (35).  Notez  que  plusieurs  sait  profession  de  la  plus  haute  et  de 

soutiennent   que   Cicéron   a   très-mal  la  plus  fine    galanterie.  2°.   Que  ner- 

traduit  ce  mot  d'Aristote  (36).  sonne  ne   le  vit    jamais    étudier     et 

(0)  Laurent  de  Mcdicis  lui  donna  qu'on  qu'on  ne  voyait  aucun  livre 
des  marques  d'une  estime  singulière.']  dans  sa  chambre,  ni  dans  son  ca- 
11  fut  au-devant  de  lui,  sansa\oir égard  binet.  Je  doute  de  la  première  de  ces 
au  mauvais  état  de  sa  santé,  et  le  re-  deux  choses,  et  je  tiens  pour  fausse 
eut  magnifiquement  dans  sa  maison  la  seconde.  3°.  Que  s'étant  chargé 
de  plaisance.  Lisez  ce  latin  :  Cum  du  plus  grand  travail  qu'il  y  eût  alors 
Hermolaiis  Barbarus  reipub.  P~enetœ  dans  la  république  des  lettres  (  c'é- 
nomine  legaliones  forte  per  Italiam  tait  la  correction  de  Pline  (3q)  ,  il  se 
obiret  et  ad  urbem  Florentiam  obiter  servit  de  l'autorité  des  manuscrits,  et 
accederet ,  Laurenlius  Medices  (  qui  de  celle  des  écrivains  grecs  et  romains 
Florentinam  rempublicam  non  mtnoie  qui  avaient  travaillé  sur  les  mêmes 
tùm  consilio  ,  quant  fortuné  guberna-  matières}  et  que  dans  les  endroits  où. 
bal)  statimtantoviro  cum  amicis  plu-  ces  deux  secours  lui  manquaient,  il 
ribus  (ut  fit)  obviant  procedit  :  nihil  mettait  en  mage  ses  propres  conjec- 
veritus  ,  quôd  œgros  pedes  haberet  ,  tares  ,  avec  tant  de  vraisemblance  et 
ac  summis  dnloribus  vexarelur.  Titm  de  bonheur ,  qu'il  riy  en  a  eu  pas  une 
in  Caiand  villa  (quant  in  finit  is  propè  de  ri  butte.  Voyez  la  réfutation  de 
sumpùbus  œdificabat)  h<nori/icenlis-  cela  dans  la  remarque  (F).  4°.  Que 
si  me  tlltim  accepil  ,  simulqne  tanti  ce  fut  par  cette  ingénieuse  vote  ,  qu  il 
hominis  ingento,  et  doctrine  singu-  découvrit  que  Pline  était  né  à  Corne 
lari  provocatus ,  eam  quoque  libéra-  et  qu'il  en  composa  une  dissertation 
lissimè  sludiorum  nomine  illi  obtulit,  qui  convainquit  tous  ceux  qui  la  In- 
citai insigni  atque  instmelissimd  bi-  renl.  De  tous  les  auteurs  que  j'ai  con- 
bliothecd,  quant  ad  exemptant  Phi-  suites  sur  la  liste  des  ouvrages  de  Bar- 
ladelphi  mini  tùm  industrie  parave-  barus,    je   n'en  ai    trouvé  aucun  qui 

lui  attribue  une  telle  dissertation.  11 

(3î)  Crinit.  ,  Je  Honesiî  Disciplina,  lit.  VI,  est  vrai  que,  dans  la  préface  de  Pline. 

cap .   A  / .  -i              k  î              '  r  -           i       i                 sy 

(33)  Le  père  Rapin,  Kéfle*.  .or  la  Philnso,,!,,  l!  SL>mble  P"«erer  la   leçon   Catu/lum 

pag.  35o.  Teissier,  Ltoge-,  etc  ,  tom.  I ,  pag.  congerronem  meuni,  à  celle  de  Catul- 

355.  lum  coaterraneunt    meum ,   par  où  il 

J^VnlTS' T.1  l"'"',,r ve  chfrcl'e:cela-  ëlude  l'argument   très-fort    que  l'on 

page  par  page ,   mai.'   je   ne    t'ai   point   trouve  .■         i            °                                              ' 

*ux   endroits  où  il  r  avait  le  plus  .l'apparence  UlC  de  cc.  Passage  ,  pour  pi  Oliver  que 

que  je  le  trouverais.  Pline  était  de  Vérone.  11  est  vrai  en- 

Joly  reconnaît  que  c'est  une  erreur  de  Rapin 

et  «le  Teissier.  ,,  .   n           „  .                               «•»•.!■« 

2;\    r>     -v     j-          »..,.    ,      ,          .  K6')  retrm  l.nmtus ,   de  hooesta  Disciplina. 

(35)    DuVerdier,    Bibl.otli.    fratica.se ,  pag.  Ub    XV ,  cap.  IX ,  pas.  Loo. 

,-,_.   rapportant  ce  que    Genebrard    a    dit  de  (38)    Varill.  ,    AnecdSles   de   Florence,   pag. 

",,er\  T                _  187  et  suiv. 

(310  Joannes   Ferrenus  pedemontanus  les  re-  (3f))  ».  Varillas   dit  que  {'Histoire    naturelle 

fuie  au  traite  de  tolelecuiâ.  dq  Pl,ne  contient  36  livres   :  il  fallait  dire  87. 


94 


BARBARUS. 


core  qu'indépendamment  de  la  leçon  te  IV  ,  qui  était  mort  depuis  huit  ans, 
conserronem  qu'il  ne  veut  ni  admet-  lorsqu'il  publia  ses  notes  sur  Pline, 
tre  ,  ni  rejeter  absolument,  il  déclare  70.  Hermolaùs  fit  justice  à  larépu- 
que  Pline  était  de  Côme,  et  non  de  Vé-  blique  contre  ses  propres  intérêts  ,  et 
ronc  mais  il  ne  s'étend  point  là-des-  avoua  qu'elle  avait  raison  de  lui  être 
sus  ■  trois  lignes  lui  suflisent.  Ce  n  est  contraire.  Il  conjura  le  p  >pe  de  con 
donc  point  ce  qu'on  nomme  une  dis-  férer  le  bénéfice  à  celui  qui  lui  serai 
sertation  en  forme.  Or,  quand  même 
M.  Varillas  aurait  raison  en  ce  point, 
il  ne  laisserait  pas  d'avoir  débite  un 
grand  mensonge  ;  car  il  n'y  a  presque 
point  d'habile  critique  désintéressé  , 
qui  n'ait  toujours  adjugé  Pline  à  ceux 
de  Vérone.  Causant  dudùm  adjudicd- 


runt  Veronensibus  eruditi  ,  inler  quos 
prœcipui  Polfcarpus  Palermtis  sin- 
gulari  opère  de  Plinii  patnâ  ,  et  A  câ- 
liner in  Euseb.  chron.  pag.  190  (4o). 


Jérer  le  bénéfice  à  celui  qui  lui  serait 
présenté  par  ï ambassadeur  de  Penise, 
et  déclara  formellement  qu'il  n'en 
voulait  point  ,  s'il  fallait  encourir  a 
ce  prix  l'envie  de  ses  citoyens.  Ceci 
paraît  un  pur  roman  :  nous  avons  vu 
ci-dessus  (44)'  dans  le  passage  de 
Pierre  Bembus  ,  que  le  père  d'Hermo- 
laùs ne  voulut  jamais  démordre  ,  et 
qu'il  tâcha  seulement  de  fléchir  la 
république.  Il  est  certain  d'ailleurs  , 
le 


que  le  nouveau  patriarche  conserva 
Les  paroles  de  Paul  Jove  mal  enten-  toujours  son  titre,  et  ne  se  soumit 
dues  ont  apparemment  trompé^M    Va-    point    à    ses    supérieurs    temporels. 


rillas.  Nov'ocomensibus  C.  Ptiiuum 
secundum  civem  suum  ab  imperitis 
invidiosè  surreptum,  eruditd prœclard- 
que  sententid  reddidisti  \.^i).  5°.  Le 
désir  admirable  ,  nous  dit-on  dans  les 
anecdotes,  qu'eut  Barbarus  de  remé- 
dier aux  désordres  de  la  médecine  , 
lui  fit  entreprendre  défaire  sur  Dios- 
conde  la  même  chose  qu'il  avait  exe 


culée    sur 


Pline.     C'est    renverser 


poir 

8°.  Je  ne  sais  où  M.  Varillas  a  lu 
que  l'unique  remède  pour  la  guérison 
(/'Hermolaùs,  était  de  lui  envoyer  du 
bézoard  pur,  et  qu'il  y  en  avait  a 
Florence  dans  un  vase  d'agalhe  , 
dont  le  Soudan  Caithey  avait  fait  pré- 
sent a  Laurent  de  Médicis.  Pierre 
Crinitus,  qui  le  devait  savoir  autant 
que  personne  ,  dit  que  l'antidote  ap- 
partenait à  Pic  de  la  Mirandole  ,  qui 


Tordre  du  temps.  Barbarus,  depuis  la  en  savait  la  composition.  Pharmacon 

publication  de  son  travail  sur  l'His-  contra  pestem  quodille  sibi  si  quandu 

toire  naturelle  de  Pline  ,  vécut  si  peu,  incidissel   asservabat  diligentissimè  , 

au'il  ne  forma  point  de  nouveaux  des-  curai   ut  Romani  quant  celerrimè  ad 

seins  :  il  avait  assez  de  livres  à  ache-  Hermolaum  devehatur.  Dicebatautem 

ver    et  je  ne  doute  point   qu'il  n'eût  Picus  illud  ipsum  ex  oleo  scorpionum 


travaillé  sur  Dioscoride  ,  avant  que 
de  s'appliquer  tout  entier  à  Pline  (42). 
G°.  Les  amis  d'Hermolaùs  lui  conseil- 
laient de  jouir,  en  se  reposant,  de  la 
gloire  qu\l  avait  acquise  par  son 
Pline  et  par  son  Dioscoride;  niais  il  leur 
proposa  lui-même  qu'il  devait  tra- 
duire ce  que  Thémistius  nous  avait 
laissé  sur  A.istote ,  et  il  l'exécuta 
comme  il  l'avait  proposé.  Voilà  un 
nouvel  anachronisme  :  la  traduction 
de  Thémistius  est  une  des  premières 
que  Barbarus  ait  publiées.  Theiiustu 
peripatetici  Paraphrases  in  aliquot 
Arislotelis  libros  admodùm  adolescens 
latinas  effecit  (43).  Il  la  dédia  à  Six- 

(4o)  Harduin.  ,  in  Plin. ,  lom.  I ,  pag.  2. 

(4i)  Jovius  ,  in  Elogiis  ,  cap.  XXXVI. 

(42)  Voyez,  la  remarque  suivante ,  vers  la  fin. 

(Itï)  Ge'sner.  Blbliotb.,/oi1o  3i8.  Ces  paroles 
du  Journal  de  Leipsick  ,  pag.  461  de  l'ann.  >b85, 
ne  sont  pas  exactes:  Hos  l.bros  Tbemistii  pa- 
raphrasées Hermolau?  Barbarus...  Vendus  A. 


linguisque  aspidum,  et  aliis  ejusmodi 
venenis  confeclum  (45). 

Les  fautes  de  M.  Moréri  consistent 
à  dire  ,  i°.  que  le  sénat  n'approuva 
point  le  choix  qu'Innocent  VIII  fit 
d'Hermolaùs  Barbarus  pour  le  pa- 
triarcat d'Aquilée  :  2°.  qu'Hermo- 
laiis  Barbarus  donna  au  public  l'His- 
toire naturelle  de  Pline.  Le  sénat  n'au- 
rait pas  moins  désapprouvé  l'élection 
d'une  autre  personne  ;  et  ce  ne  fut 
point  à  cause  d'Hermolaùs  Barbarus  , 
que  la  république  fut  fâchée  de  ce 
qu'Innocent  VIII  avait  fait.  Elle  se 
fâcha  de  ce  que  le  pape  prétendit 
disposer  du  patriarcat  sans  la  con- 
sulter, et  de  ce  qu'Hermolaùs  avait 
reconnu  le  prétendu  droit  du  pape, 

1570  ,  in-folio  edidit.;  car  celle  e'ditiona  suivi  de 
loin  la  mort  de  l'auleur. 

(44)  Citation  (16). 

(45)  Pelrus  Crinitus  ,  de  Honcstâ  Disciplina. 
lib.  I  ,  cap.  VIU 


en  acceptant  cette  dignité  contre  les 
lois  de  sa  patrie.  Il  publia  ses  correc- 
tions sur  Pline  sans  le  texte  même  de 
Pline  (46). 

(Qj  Un  passage  d'Alcynnius  fera 
voir  qu  Hermolaùs n'étudia  ja- 
mais avec  tant  d'application  que 
depuis  que  sa  patrie  l'eut  maltraite] 
Voici  ce  passage  :  c'est  le  cardinal  Jeau 
de  Medicis  (47)  qui  parle.  Exsilium 
igitur  Barbara  non  solum  calamitatem 
detraxit ,  sed  etiani  dignilatem  auxil  , 
qund  quidem  ila  conslanter  moderalè- 
que  ferebal,  ut  facetissimè  jocarelur 
musas  illud  sibi  à  patrid  impelrâsse  , 
quoniam  œgrè  ferrent  hominem  suis 
sacris  initiation  ambilione  vu.'garium 
honurum  dislineri  ,  et  plebeis  occupa- 
tin/iibus  impediri.  Itaque  plura  scrip- 
sit  biennio  exsul  quant  XXanle  annos 
cùm  patrid  frueretur  et  honoribus 
illius  florentissimus  esset ,  recognilio- 
nem  errât  orum  Pliniani  codicis ,  ex- 
planationem  librorum  de  anima  Aris- 
totelis  ,  cùm  tarnen  anle  ejusdem 
philnsnphi  libnjs  talis  argumenli  in 
latinum  convertisset,  et  Xf^l  libres 
de  R  itione  disserendi  ,  veltres  peripa- 
tetici  nrganoneos  appellanl  ;  et  f^Wie- 
toricos  et  unum  Poëlicum  ,  ocloque 
Dioscoridœ  /Uedicos ,  quos  alio  etiani 
opère  instruxerat  quod  Corollarium 
inscribebat.  A Ijeceral  quoquepulcher- 
rimam  expoUlionem  ad  libros  Analy- 
ticos  pnsteriures  Aristotelis  antè  in 
latinum  translatas  (fô).  11  semble  que 
ceci  réfutecequej'ai  dit  ci-dessus(49)  : 
mais,  prenez-y  bien  garde,  je  n'eu  ai 
rien  à  craindre  ;  car  outre  qu'il  pour- 
rait y  avoir  quelque  défaut  d'exacti- 
tude dans  ce  dénombrement  d'Alcyo- 
nius  ,  il  est  certain  qu'une  partie  des 
écrits  qu'il  articule  sont  plutôt  une 
révision  ,  ou  une  plus  ample  exposi- 
tion de  ce  qu'Herm  ilaiis  avait  déjà 
fait  ,  qu'une  entreprise  tout-à-fait 
nouvelle  :  et  il  paraît  manifestement, 
que  Dioscoride  lui  avait  passé  par  les 
mains  avant  son  exil,  et  avant  ses 
corrections  du  texte  de  Pline.  C'est 
une  confirmation  de  ce  que  j'ai  dit 
contre  M.  Varillas.  De  plus,    il  faut 

(46)  Tout  cet  alinéa  était  h  In  fin  delà  remar- 
que de  l'article  de  (François;  IUrbarus  dans  la 
première  édition. 

(W  II  fut  ensuite  Irpaoe  Léon  X. 

('|S)  Pelrus  Alcyonius,  m  Mcdice  legato  priore 
crExilio. 


BARBA  RUS.  ^ 

observer  que  les  e'erits  de  cette  liste 


(Aq)  Dans  la.  remarque  (P  '. . 


y  et  VI. 


?  .  *         .  "    — «■*     »-•*-*  i**     liai  1; 

n  avaient,  point  été  publiés  avant  la 
mort  de  I  auteur  :  on  ne  pouvait  donc 
pasl  exborter  à  l'oisiveté  par  la  raison 
queson  Pline,  et  ensuite  son  Dioscoride 
lui  avaient  acquis  assez  de  gloire.  Nous 
allons  voir  qu'Alcyonius  observe  que 
ces  ouvrages  de  barbarus  étaient  con- 
serves en  manuscrit  dans  une  biblio- 
thèque. Et  hœc  quidem  nmnia  (5o) 
adhùc  diligentissimè  asservari  uidi  a 
Jratribus  illius  ,  cùm  sedecim  abhinc 
annos  (5i)  f^enetiis  bibliothccam  illius 
excuterem  ,  alque  increddnli  sum  Lv- 
Uttd  elatus,  cùm  cagnavi  doctissimi 
amicissimique  hominis  e'uc-tbratrmes 
non  intercidisse  ,  quod  ne  evenisset 
nuignoperèverebar,  cumin  suburbano 
Olu'eru  Caraphœ  collent;  mei  ex 
pesltlentid  obitsset ,  et  dàmestici  inli- 
mique  familtares  Jùgd  salut i  suce  con- 
suluissent,  omniaque  tanquam  bona 
caduca  m  médium  reliquissent.  Sed 
ejus  generis  scripta  ab  intérim  et  furlo 
vmdicata  fuisse  narrabant  ZenotelU 
cujusdun  operd,  quùm  ille  hdbebat 
ad  manum{5ï).  Je  ne  puis  nier  que 
barbarus,  dans  l'épilogue  de  ses  Cor- 
rections sur  Pline,  ne  promette  une 
édition  de  Dioscoride  :  Scrie  oportet, 
dit-il  (53),  annolamenlahœc...  Dios- 
coride quoque  propediem  emiltendo 
profutura  ;  mais  je  persiste  à  dire  que 
M.  Varillas  na  point  distingué  les 
temps.  On  avait  vu  un  ouvrage  de  cet 
auteur  sur  Dioscoride  ,  avant  qu'il 
donnât  ce  qu'il  avait  fait  sur  Pline, 
et  après  qu'il  eut  donné  une  para' 
phrase  de  Thémïsîius.  Voyez  ce  qui 
suit  :  Primum  quidem  dùm  Themistii 
nobis  paraphrasai  alque  id  juucnis 
adhuc  eam  eleganter  latine  loquentem 
producit  :  mox  edito  m  Dioscoridem 
corollario  tant  variant  ac  recondilam 
doctrinœ  rerum  omnium  supellec- 
titem  depmrnit  :  poslremùm  Pliuio.... 
succurril  (5  j,  . 

(5o)  Il  fallait  ercen'er  le  travail  sur  Plinr, 
public  par  iaulear  même. 

(1i)  Alcyon, us  suppose  que  le  cardinal  Jean 
</.■   Bedicu  disait  cebi  environ  l'an  i5i*. 

(5î)  Alcyonius,  in  M,dice  legato  pr.orc. 

(53)  Hcrm.  Barbarus  ,  in  momto  ad  leclor.  ad 
calcem  Castïgat. ,  pag.  5ai. 

(54)  Jo  Oporiniu,  Epiit.  dedicaL  Culigat 
Ilerm.  Bjrl.an  in  Plinium. 

BARBARUS  (Daniel),  peiit- 
neveu  du  précédent ,  se  fit  esti- 


96  BARBE, 

mer  par  sa  science.  Il  publia  un  daient  la  communion   sous   les 

Commentaire  sur  les  cinq  voix  deux  espèces  (c).   Il  mourut  en 

de  Porphyre,  l'an   i542.  Deux  1669,   à   l'âge  de  quarante-un 

ans  après,  il  publia  un  Commen-  ans  (d).  Il  avait  publié  divers  ou- 

taire  sur   les  trois  livres  de  la  vrages  (A)  ;  et  s'il  eût  vécu  plus 

Rhétorique  d'Aristote  à    Théo-  long-temps,  il  en  eût  sans  doute 

decte,  qui    avaient  été   traduits  publié  bien  d'autres  (e). 
en  latin  par  Hermolaûs  Barba- 

,.        1  ■      ,      ..  ,    r<                   „    'M  (c)  Idem,  hb.  XVIII ,  cap.  IV ,  num.  a, 

rus.  11  avait  ecrita  Gesaer ,  qu  il  J £nn  l562 

espérait     de     publier     incessam-  (d)  Vossius,   de  Scient,   mathem.  ,  pag. 

ment  plusieurs  ouvrages  d'Her-  355.  De  Thou ,  iw.XLVI,  pag.  942. 

.    ..x     ,    ,        ivT             1     •      J  (c)  iJe  thou,  la  même. 

molaus   (a).    Nous    lui     devons 


l'édition  des  Dialogues  de  Speron 
Sperone. 

(a)    Tire  de  la  bibliothèque  de  Gesner  , 
folio  192  ,  verso. 

BARBARUS  *  (Daniel)  ,  de  la 
même  famille  que  le  précédent , 
a  été  patriarche  d'Aquilée  ,  et 
illustre  par  sa  science.  Il  s'était 
fort  attaché  aux  mathématiques 


(A)  lia publié  divers  ouvrages.] 

Un  Commentaire  sur  Vitruve  ,  qui  fut 
imprimé  à  Venise,  Tan  i56^.  La 
Prattica  délia  Perspectiva ,  imprimée 
au  même  heu,  Tan  i55g,  et  Tan 
i568  (1).  Catena  grœcorum  Patrum 
in  quinquaginta  psalmos  ,  latine  versa. 
Aubert-le-Mire  (2)  ,  M.  Moreri  , 
M.  Teissier  (3) ,  Konig,  Paul  Freher 
(4),  etc.,  lui  donnent  le  Commentaire 
sur  les  cinq  Voix  de  Porphyre  ,  et  le 
Commentaire  sur  la  rhétorique  d' A ris- 


et  à  la  philosophie  ,  avant  qu'il  tôle  ,  dont  j'ai  parlé  dans  l'article 
eût  une  dignité  dans  l'église;  précédent  :  mais  comme  le  premier 
cul    uiic        g  o       r  'des   commentaires  fut  imprime   1  an 

mais  depuis  sa  promotion  a  le-    j5/,2j  et  le  second  Vm  l5^  f  a  est 

piscopat,  il  s'appliqua  tout  entier  visible  qu'ils  ne  sont  point  la  pro- 
aux  études  de  théologie.  Il  était  duction  de  notre  Daniel  Barbarus,  né 
si  prévenu  pour  Aristote  ,  qu'il  l'an  i5a8_ (5).  Freher,  par  une  bévue 
si  pievenu  p^"»  »  1  tout-à-fait  étrange  ,  a  dit  que  notre 
lui  aurait  volontiers  prête  ser-  Daniel  Barbarus,  mort  l'an  i569âSé 
ment  de  fidélité,  s'il  n'avait  pas  de  quarante  ans,  avait  obtenu  du 
été  chrétien  (a\  Il  était  ambas-  Pape  Innocent  VIII  auprès  duquel  il 
sadenr  de  Venise  en  Angleterre,  *%£%*£.% *"•-  "  "" 
lorsque  le  pape  Paul  IV  le  nom- 
ma COadîuteur  du  patriarche  Gri-  «Vossius  ,  de  Scient,  mathem. ,  pag.  355  et 

mani  {b).  Il  fut  un  des  pères  du  \^  De  Scriptorib.  sœcuii  xvi. 

concile  de  Trente,  et  il  s'y  corn-  ^^f™*  K^'  '  M'  ^  Th0U'  """'  *' 

porta  avec  beaucoup  d'attache-  fa  Freheri  Thcairum  viror.  uiustr. ,  pag. 

ment  pour  le  pape.  Il  opina  for-  4»  ^  ^  ^  ^  Thou  ^  Vûssius 

tement  contre  ceux  qui  deman-  (6)  Freher.  Theatr.  viror.  iiiustr.,  pag.  i/(65. 

*  Leclerc  pense  que  ce  personnage  est  ce- 
lui qui  a  déjà  eu  l'article  précédent ,  et  qu'il 
n'y  a  eu  qu'un  Daniel  Barbarus,  Il  ajoute 
qu'il  ne  fut  pas  patriarche ,  mais  seulement 
coadjuteur  :  nommé  en  i559  ,  il  l'était  en- 
core en  l56n  ,  et  mourut  avant  Grimani. 

(a)  Tiré  de  M.  de  Thou,  livre  XLVI , 
pag-.  9'|2. 

(b)  Pallavic.  ,  Hist.  Concil.  trid.  ,  lib. 
XVI,  eap.  IV,  num.  22. 


BARBE ,  femme  de  l'empereur 
Sigismond,  était  fille  de  Herman 
comte  de  Cilia  dans  la  Hongrie. 
Sigismond  avait  été  pris  par  les 
Hongrois,  et  mis  sous  la  garde 
de  deux  jeunes  gentilshommes 
dont  il  avait  fait  mourir  le  père. 


BAR 

Pendant  qu'ils  le  gardaient ,  il 
persuada  à  leur  mère  de  le  laisser 
échapper.  Ce  ne  fut  point  sans 
lui  avoir  fait  bien  des  excuses  de 
la  mort  de  son  mari ,  et  bien  des 
promesses.  Il  lui  promit  entre  au- 
tres choses  d'épouser  la  fille  du 
comte  de  Ciha ,  proche  parent  de 
cette  veuve ,  et  il  exécuta  cette 
promesse  [a).  Il  eut  là  une  femme 
des  plus  extraordinaires  que  l'on 
vit  jamais.  Elle  n'avait  nulle 
honte  de  sa  vie  débordée.  Ce  n'est 
pas  en  cela  que  consiste  sa  grande 
singularité ,  il  n'y  a  eu  que  trop 
de  princesses  qui  se  sont  mises 
au-dessus  du  qu'en  dira-t-on,  à 
l'égard  de  leurs  impudicités.  Ce 
qu'il  y  eut  d'extraordinaire  dans 
celle-là  ce  fut  l'athéisme  (A),  chose 
qui  n'a  presque  point  d'exemple 
parmi  les  femmes.  Elle  ne  croyait 
ni  paradis  ni  enfer  (13) ,  et  se  mo- 
quait des  religieuses,  qui  renon- 
cent aux  plaisirs  de  la  vie ,  et  qui 
mortifient  leur  corps.  Sigismond 
se  trouva  mal  marié  encore  par 
d'autres  endroits,  car  sa  femme 
Barbe  s'engagea  dans  des  com- 
plots avec  quelques  grands  sei- 
gneurs de  Bohème ,  pour  le  chas- 
ser du  royaume ,  et  pour  se  pro- 
curer un  autre  mari.  Il  découvrit 
cette  trame,  et  condamna  l'im- 
pératrice à  une  prison  perpé- 
tuelle. Quand  il  fut  mort,  on  la 
mit  eu  liberté  (b);  et  comme  elle 
songeaitencoreàse  marier,  quel- 
qu'un lui  représenta  l'exemple  de 
la  tourterelle,  qui  demeure  seule 
toute  sa  vie  ,  lorsqu'elle  perd  son 
premier  mari.  Si  vous  avez , 
répondit-elle  ,    à   me  proposer 

,a)  iEneas  Sylvius  ,  in  Addition,  ad  An- 
ton. Panorniitam  de  Dictis  et  Factis  Al- 
plionsi ,  lib    III  ,  num.  !i\,  pag.  6q. 

I)  Ex  Mattbiœ  Theatro  lnslor.  in  Sigis- 
luuudo,  /'<'£■  998. 

TOME   IH. 


BE.  97 

l'exemple  des  bétes  ,  proposez- 
moi  celui  des  pigeons  et  des  moi- 
neaux (c)-(C).  Elle  vieillit  à  Gratz, 
dans  la  Bohème,  sans  renoncer  à 
ses  débauches (W) ,  ety  mouruten- 
viron  l'an  1 45 1 .  Les  Bohémiens 
ne  laissèrent  pas  de  lui  faire  de 
magnifiques  funérailles  à  Prague, 
et  de  la  mettre  dans  le  tombeau  de 
leurs  rois,  comme  l'assure  Bonfi- 
nius,  auVIIe.  livredela  IIP',  dé- 
cade. Pratéolus  ne  l'oublie  point 
dans  son  Catalogue  alphabétique 
des  Hérétiques  ,  et  en  cela  il  se 
rend  très-ridicule,  car  elle  n'avait 
point  forgé  de  nouveaux  dogmes, 
et  ne  s'était  point  érigée  en  chef 
de  secte  ;  elle  donna  dans  des  im- 
piétés communes  à  tous  les  temps. 
En  tout  pays ,  les  profanes  et  les 
impies  se  sont  toujours  moqués 
des  personnes  qui  s'exposent  par 
principe  de  religion  aux  brûlures 
de  la  chair,  au  lieu  de  suivre  le 
penchant  de  la  nature  (e). 

(c)  JEoeas  Sylvius,  in  Addit.  ad  Ant.  Pa- 
norui. ,  num.  5,  pag.  56'. 

</)  Grctii  in  Èohemiâ  in  vitâ  Utrpiclfa- 
dïs  libidinibus  uifami  consenuit.  Matlnas  . 
Theatr-  liistor.  ,  pag.  998. 

(e)  Barbara.  .  .  slullas  appel/abat  virgi- 
nes  ,  r/uœ  pro  Christi  nomine  passa fuissent , 
proplcrcà  quod  voluptalis  gaudia  non  gus- 
tâssenl.  Pratéolus,  pag.  85. 

(A)   Ce  qu'il  y  eut  d'extraordinaire 

en  elle  fut    l'athéisme ,   qui  n'a 

presque  point  d'exemple  parmi  les 
jemmesu]  Je  n'ignore  pas  ce  qu'on 
vient  de  publier  dans  une  satire  du 
sexe,  le  clief  d'œuvre  .  ce  me  semble  , 
de  M.  Despréaux.  On  veut  dans  celli 
nouvelle  pièce  que  l'impiété  méi  ;  • 
soit  un  des  déréglemens  des  femmes. 

Dans  le  sexe  j'ai  peint  la  pi/te"  caustique. 
El  que  serait-ce  donc  si,  censeur  plus  tra- 
gique. 

J'allais  l'y  faire  voir  l'athéisme  établi. 

Et  non  moins  que  l'honneur   le  ciel   mis    en 

oubli  ? 
Si  j'allais  t'y  montrer  plus  d'une  Capanc-, 
Pour  souveraine  loi  mettant  la  destinée. 
Vu  tonnerre  dans  l'air  bravant  les  vains  cai- 

reaux , 
Kl  nous  pat  tant  de  Dieu  du  Ion  de  dre 
[Satire  X,  iv.  653.  J 


98 


BARBE. 


Mais  tont  cela  ne  peut  être  vrai ,  communs  de  la  morale  ,  que  de  fan  e 
encore  qu'il  n'y  ait  pas  plus  de  voir  à  l'homme  ses  desordres,  en 
quatre  ou  cinq  femmes  en  France  qui  comparant  sa  conduite  déréglée  avec 
aient  donne'  dans  ces  maximes  impies,  la  régularité  des  bêtes.  Les  hommes 
Je  ne  voudrais  pas  nier  que  ce  pro- 
dige ne  soit  devenu  un  peu  moins 
extraordinaire  ,  depuis  que  le  sexe  ne 
se  pique  pas  d'ignorance  autant  qu'il 
faisait.  11  faut  un  certain  degré  de 
fausse  métaphysique ,  pour  tomber 
dans  le  malheureux  abîme  de  l'irré- 
ligion. Quoi  qu'il  en  soit,  jesuistrès- 
persuadé  avec  l'auteur  des  Pensées  sur 
les  Comètes  ,  que  ce  n'est  point  par 
cet  endroit-là  que  les  femmes  méri- 
tent censure.  Ce  n'est  point  leur  vice 
que  V athéisme  ;  elles  se  font  une  vertu 
de  n'entrer  point  dans  les  grands  rai- 
sonnemens  .'  ainsi  elles  en  demeurent  à 
leur  catéchisme ,  bien  plus  portées  à 
la  superstition  qu'a  l'impiété  ;  grandes 
coureuses  d'indulgences  et  de  sermons, 
et  si  fort  occupées  de  mille  passions 
qui  leur  sont  tombées  comme  en  par- 
tage ,  quelles  n'ont  ni  le  temps  ni  la 
capacité  nécessaires  pour  révoquer  en 
doute  les  articles  de  leur  foi(i').  A 
coup  sûr,  elles  trouveront  plutôt  le 
secret  d'accorder  ensemble  les  pas- 
sions et  la  religion  ,  fallût-il  donner 
jusque  dans  le  molinosisme  ,  que 
l'expédient  de  ne  rien  croire. 

(B)  Elle  ne  croyait  ni  paradis  nien- 
fer.]  Voici  le  portrait  que  Bonfinius 
nous  alaissé  de  cette  femme.  Barbaram 
imperalricem  edtempeslate  Grasci  diem 

obiisse  ferunl ,  indomitœ  libidinis  mu- 

licrem  ,   quœ  inter  adultéras   publiée 

t'itam    duxit  ,    prostitutoque   pudore 

viros    sœpiùs    petiit  quant  peterelur. 

QuUm  ab   oinni    religione    destitula 

foret ,  superos  ac  inferos  esse  negabat  : 

religiosas  ancillas ,  jejuniis  aut   ora- 

tioni  rebusque  divinis  intentas  graviùs 

increpabat ,    nullis  asseverans   moles- 

tiis   ac  inedid  corpus   esse  maceran- 

àum  :  immo  lautè  pascendum ,   in  de- 

litiiset  voluptatibus  alendum,  et  post 

mortem ,  citm  nihil  supersit  ,  nullam 

deorwit  animorumque  curam  esse  sub- 

eundam  (2). 

(C)  Si  vous  avez ,  disait-elle  ,  h  me 

proposer  l'exemple  des  bêtes  ,  propo- 
sez-moi celui  des  pigeons  et  des  moi- 
neaux A  C'est  un  des  plus  beaux  lieux 

(1)  Pensées  diverses  sur  les  Cornet.,  num.  il\ï, 
pag.  4«  i- 

(2)  Bonfinius,  Rerura  ungaricar.  décade  III, 
lib.  Fil ,  pag.  344,345. 


se  déchirent  les  uns  les  au  très  ;  l'homme 
est  un  loup  à  l'homme  (3)  ;  mais  les 
bêtes  de  même  espèce  ne  se  battent 
point  entre  elles.  C'est -par  là  qu'Ho- 
race a  tâché  de  couvrir  de  honte  les 
Romains  qui  s'engageaient  aux  guerres 
civiles.  L,es  loups  et  les  lions,  dit-il, 
ne  font  point  cela.  11  suppose  que  son 
objection  est  si  puissante ,  que  ceux  à 
qui  elle  est  proposée  se  trouvent  réduits 
à  un  silence  honteux. 

Neque  hic  lapis  mos  ,  ne c  fuit  leOnibus 

Vnqu'am,  nisi  in  dispar  ,  feris. 
Furorne  cacus  ,  an  rapit  vis  acrior? 

An  culpa  ?  responsum  date. 
Tacent ,  et  ora  pallor  albus  injicil , 

Mentesque  perculsœ  stupent  (4)  ■ 

Juvénal  a  employé  la  même  morale 
dans  sa  XVe.  Satire  ,  vs.  i5g. 

Sed  jarn  serpentum  major  concordia  .•  pareil 
Cognatis  maculis  similis  fera  :  quandb  leoni 
Forltor  eripuit  vilam  leo  c'quo  nemore  unquàin 
Exspiravit  aper  majoris  dentibus  apri? 
Indien  tigris  agit  rabida  cum  tigride  pacem 
Perpeluam  ,  sœvis  inter  se  convenit  ursis  : 
Ast  komini ,  etc 

M.  Despréaux  a  parfaitement  bien  tra- 
duit le  latin  de  ces  deux  poètes  ,  et  y 
a  joint  de  nouveaux  exemples  (5). 

Foil-on  les  loups  brigands  ,  comme  nous  in- 
humains , 

Pour  détrousser  les  loups,  courir  les  grands 
chemins  ? 

Un  aigle  sur  un  champ  prétendant  droit  d'au- 
baine 
Ne  fait  point  appeler  un  aigle  a  la  huitaine: 
Jamais  contre  un  renard  chicanant  un  poulet 
Un  renard  de  son  sac  n'alla  charger  Bolet. 
Jamais  la  biche  eu  rut  n'a  ,  pour  fait   d'im- 
puissance. 
Traîné  du  fond  des  bois  un  cerf  a  l'audience  , 
Et  jamais  juge  entre  eux  ordonnant  le  con- 
gre*, 
De  ce  burlesque  mot  n  a  sali  ses  arrêts. 

Quelque  beau  que  puisse  être  ce  lien 
commun  ,  et  quelque  capable  de  frap 
per,  il  a  néanmoins  son  faible  ;  cai 
premièrement,  on  peut  l'éluder  par 
un  trait  de  plaisanterie,  et ,  en  second 
lieu,  on  peut  le  combattre  sérieuse- 
ment par  la  maxime 

Nil  agit  exemplum ,  lilem  quod  lile  resol- 
vit  (6); 

(3)  Homo  homini    lupus.   Erasm.     Adagior., 
chil.   I ,  cenlur.  I  ,  num.  •jo  ,  pag.  Ifi. 

(4)  Horat.  Epod.  Vit. 

(5)  Voyez  sa  VIIIe.   Satire  /,  vs.  j25. 

(6)  Horat.,  Satira  III,  vs.  io3,  lit.  II 


BARBE. 


c'est-à-dire ,  qu'on  peut  le  rétorquer, 
et  qu'en  tournant  la  médaille  on  ga- 
gnera le  vent  sur  le  moraliste.  Je  ne 
prétends  point  approuver  ceux  qui 
opposent  des   railleries  aux  raisons  , 


99 


mais  je  dis  que  c'est  un  très-grand  dés-  _    j 


reté ,  n'en  viennent-ils  pas  fort  souvent 
aux  coups  ?  Quoi  de  plus  furieux  que 
le  combat  des  taureaux?  N'est-ce  pa, 
la  force  qui  décide  de  leurs  droits  en 
matière  d'amour  ? 


avantage  aux   raisonnemens ,  que   de 
pouvoir  être  tournés  en  ridicule  par 
des  gens  qui  aiment  à  plaisanter.  Prou- 
Tons  cela  par  un  exemple.   Si   quel- 
qu'un avait  entrepris  d'obliger  M.  de 
Bautru  à  croire  qu'il  vaut  mieux  choi- 
sir une  vieille  maîtresse  qu'une   jeu- 
ne,'et  qu'il   lui  eut  cité  l'endroit  de 
Pline  où  il  est  dit  que  Us  béliers  cher- 
chent plutôt  les  vieilles  brebis  que  les 
jeunes,  ce  quelqu'un  n'aurait-il  pas  été 
démonté   et  confondu  par   cette   ré- 
ponse donnée  d'un  air   moqueur  (7)  : 
C'est  que  les  béliers  sont   des    béliers 
(8)  ?  Une   dame   romaine    se   servit 
d'une  pensée    semblable  auprès  d'un 
homme  qui  ne  pouvait  comprendre 
par  quelle  raison  les  femelles  parmi 
les  bêtes  ne  désirent  le  mâle  que  lors- 
qu'elles veulent  devenir  mères.  C'est, 
lui   répondit  la   dame,  parce  que  ce 
sont  des  bétes.Simile  dictum  Populiœ 
Marci  fdiœ  ,    quœ   miranti    cuidam 
•puid  esset  quapropler  aliœ  besliœ  nun- 
qu'am    marem  desiderarent   nisi   cùm 
i>rœgnanles  v elle nt  fier i ,    respondit  : 
bestiae  enim  sunt  (9).  N'était-ce  pas 
rompre  bras  et  jambes  à  l'admirateur? 
Voilà  pour  le   premier  inconvénient. 
L'autre  n'est  pas  moindre;   car  enûn   fourmi  ? 
un  homme  qui-  vous  voudrez  envoyer        ■ 
à  l'école  des  animaux  pour  y  appren- 
dre son  devoir,  vous  dira  qu'il  ne  de- 
mande pas   mieux.    J'y  apprendrai  . 
vous  dira-t-il,  a  soumettre  le  droit  h 
la  force  :  un   dogue  plus  fort  qu'un 
autre   ne  fera   point   scrupule   de  lui 
''der  sa  portion.  Qu'y  a-l-il  de  plus  or- 
dinaire que  de  voir  des  chiens  qui  s'en- 
trebattenl  ?  Les  poulets  ne  s'entrebat- 
tentils  point  à  la  vue  de  leur  commu- 
ne mère  ?  Les  coqs  ne  s-1  acharnent-ils 
pas  si  furieusement  l  un  contre  l'autre, 
qu'il  n'y  a  (juelquefois  que  la  mort  de 
l'un  qui  fasse  cesser  le  combat  ?  Les 
pigeons  ,  le  symbole  de   la  debonnai- 


„not,s  perierunt  mortibus  il]| 
t>uos  veneiem  1 


t  incertain  rapientes  moue  FERi- 
Viribus    editior    caxlebat    ut    in    grege    Tm- 

HDS  (io). 

Illi  alternantes  multâ  vi  pra;lia  miscent 
Vulneribuserebris  :  lavit  „t,r  corpor.  sanguis, 
Versaque  in  obnixns  nrgentur  cornua  vaslo 
Cura    gemitu    :    reboant   silvxque    et   magnu  s 

Olympus  : 
Nec  mos  bellantes  uni  stabulare  ,  sed  aller 
Victns  abit,  iom;èque  ignotis  exulat  oris 
Multa  gemens  ,  ignominiam  plagasqiic  superbi 
Victons  ,  tum  quos  amisit  inultus  auioics 
Et  stabula  aspectans  regnis  excessit  avilis  (11). 

iV 'apprenti 'rai-je  pas  à  l'école  où  vous 
m'envoyez  la  barbarie  la  plus  dénatu- 
rée ?  S'y  a-t-il  pas  des  bêtes  qui  dé- 
vorent leurs  petits  ?  N'y  apprendrai- 
je  pas  l'inceste? 

...  Sed  enim  damnare  negatur 
liane   Veneiem    pielas,    eoëuutque    animalia 

nullo 
Caîtera  dilectu  ,  nec  liabctur  turpe  juvenca; 
Ferre  patrem  tergo  :  fit  equo  sua  fîlia  conjux, 
Quasque  creavit  init   pecudes   caper,    ipsaqué 

cujus 
Semine  concepta  est  ex  illo  concipit  aies. 
Felices  quibus  ista  licent  :  liuroana  malignas 
Cura  dédit  leges  ,  et  quod  natura  remittit 
Invida  jura  negant  (12J 

N'y  apprendrai-je  pas  à  m' accommo- 
der de  tout  ce  qui  sera  a  ma  portée  , 
pour  faire  mes  provisions    comme  la 


Sicut 

nam  rxemplo   est  magni  formica  la- 
noris  ; 
Ore    trahit    quodeunque    potest   atque    addit 

acervo 
Quem  struit,  haud  ignara  ac  non  incauta  fulu- 
ri  (i3). 

Ne  m'y  délivrerai-je  de  la  dure  servi- 
tude qui  fait  gémir  tant  de  gens,  et 
qui  leur  arrache  ces  complaintes  si 
douloureuses  ? 


Que  votre  bonbeur  est  extrême, 
Cruels  lions  ,  sauvages  ours 
Vous  qui  n'avez  dans  vos  amours 
D'autre  rè^le  que  l'amour  même  ! 
Que  j'envie  un  semblable  sort  ! 
Et  que  nous  sommes  malheureuses  , 
Nous  ,  de  qui  les  lois  rigoureuses 
Punissent  l'amour  par  la  mort  (l4)  1 


(7)  Voye:  Ménagiana  ,  pag.    3*3  de  la  pre- 
mière édition  de  Hollande. 

(8)  Vervecum  in  patrid  ,  crassoquf  sub  aire 

nasci. 

Juvenal.  Salir.  X,  vs.  5o. 

(ç,)  Macrob.  Saturnal.  ,  lib.  Il,  chap.  V    in 
fine . 


(10)  Horat. ,  Salir.  III,  lib.  I.  vs.  108 
(11;  Virgil.,  Géorgie.  ,  lib.  III,  vs    210. 
(1-2)  Mirrha  apud  Ovidium,  Metam   .  l,b.  X, 
vs.  i-i'i. 

(il)  Horat.,  Satirâ  I,   t,l>    I ,  vs.  32. 
04.)  Cet  vers  sont  du   Paslor  Fido,  selon    ,r 
versiçn  de  la  comtesse  de  !a  S  me. 


,oo  BARBERIN. 

On  ne  saurait  donc  disconvenir  que  dit-il  (i5) ,  n'est  qu'une  grosse  bêle  -, 

l'exemple   qu'on  peut  trouver  de  tou-  mais  la  plus  digne  qui  vive  sur  la  ler- 

ies  sortes  de  dére'glemens  dans  l'école  re ,  et  qui  a  le  plus  de  sens.  Je  vous 

des  bêtes  brutes ,  n'affaiblisse  un  peu  veux  dire  un  mot  de  son  honnêteté  : 

les  moralités  dont  j'ai  parlé  au  com-  il  ne   change  jamais  de  femelle  ,  il 

mencement   de  cette  remarque  ;   car  aime  tendrement  celle  qu'il  a  choisie  , 

■puisque  selon  la  théologie  toutes  les  avec  laquelle    néanmoins   il  n'habite 

bêtes  sont  exemptes  de  péché  ,  on  ne  que  de  trois  en  trois  ans  ,  et  cela  pour 

peut  pas  dire  qu'en  punition  de  quel-  cinq  jours  seulement ,  et  si  secrètement 


que  faute  les  unes  sont  tombées  dans 
le  désordre  ,  et  qu'en  récompense  de 

auelque  bonne  œuvre  les  autres  sont 
emeurées  dans  l'ordre.  Ainsi  tout  ce 
qu'elles  font  est  également  réglé  ,  et 
quand  on  vous  demandera  ,  comme 
lit  la  veuve  de  Sigismond  ,  pourquoi 
voulez-vous  que  j'imite  la  tourterelle  , 
plutôt  que  la  colombe  ou  que  le  moi- 
neau ?  vous  n'aurez  rien  de  bon  à  ré- 
pondre ,  à  moins  que  de  consulter  les 
i'ondemens  de  morale  que  vous  seriez 
obligé  de  consulter  ,  si  vous  ne  vous 
serviez  point  de  l'exemple  de  la  tour- 
terelle. Que  répondrait  M.  Despréaux 
à  un   sophiste  ,  qui   lui    soutiendrait 


que  jamais  il  nest  vu  en  cet  acte  ;  mais 
il  est  bien  vu  pourtant  le  sixième  jour, 
auquel  avant  toutes  choses  il  va  droit 
à  quelque  rivière  ,  en  laquelle  il  se 
lave  entièrement  tout  le  corps  ,  sans 
vouloir  aucunement  retourner  au  trou- 
peau ,  qu'il  ne  se  soit  auparavant  pu- 
rifié. Ne  sont-ce  pas  de  belles  et  hon- 
nêtes humeurs  d'un  tel  animal ,  par 
lesquelles  il  invite  les  mariés  à  ne 
point  demeurer  engagés  d'affection 
aux  sensualités  et  voluptés  ,  que  selon 
leur  vocation  ils  auront  exercées  ,  mais 
icelles  passées  de  s'en  laver  le  cœur  et 
V affection  ,  et  de  s'en  purifier  au  plus 
tôt  ,  pour  par  après  avec  toute  liberté 


que  sa  biche  en  rut  est  une  très-fausse  d'esprit   pratiquer  les  autres  actions 

comparaison  ?    car   alîn    qu'elle    fût  plus  pures   et  plus  relevées ,  etc.  Cl 

bonne  ,  il  faudrait  que  cette  espèce  de  qu'il  dit  de  l'éléphant  est  pris  d'Aris- 

bête  se  pût  trouver  dans  le  cas  où  sont  tote(i6),    de  Pline   (17),  et  d'Eiien 


les  femmes  qui  ont  mis  en  justice  un 
homme  pour  cause  d'impuissance. 
Or  une  biche  se  peut-elle  trouver  dans 
le  cas?  Engage- t-elle  sa  foi  à  un  seul 
cerf?  Si  l'un  lui  manque  ,  n'en  trouve 


(18). Claude  Despense,  dans  son  traité 
de  l'Etat  de  Viduité  ,  où  il  parle  de  la 
Monogamie,  avait  déjà  remarqué  cela 
de  l'éléphant ,  et  l'avait  donné-,  avec 
la  tourterelle  ,  pour  des  exemples  in- 


t  elle  pas  d'autres?  L'invective  et  la  signes  de  pudeur  et  de  chasteté  ,  aux 
piquante  censure  de  M.  Despréaux  se-  personnes  chrétiennes, 
rait  bien  fondée  dans  un  pays  où  les 
lois  du  mariage  seraient  inconnues  ; 
mais  on  est  bien  assuré  qu'eu  un  tel 
pays  les  hommes  ne  seraient  pas  plus 
exposés  que  les  cerfs  à  un  procès  d'im- 
puissance, et  que  personne  ne  se  ver- 
rait condamné  au  congrès  par  arrêt 
du  parlement. 


(i5)  Introduction  à  la  Vie  dévote,  pari.  III, 
chap.   XXXIX,  de  l'Honnêteté  dn  lit  nuptial. 

(16)  Arist. ,  Hist.  Animal.,  lib.   V,  cap.  XV. 

(17)  Plin.,   lib.   VIII,  cap.   V. 

(18)  jElian.  ,  Historia  Animal. ,   lib.   VIII, 
cap.  XVII. 

BARBERIN  (François),  l'un 


Ce  que  je  viens  de  dire  ne  n'empê-    des  bons  poètes  de  son  temps 

che  pas  de  croire  que  les  moralités    naquit  l'an  1264,  à  Barberino  , 

dont  il  s'agit  sont  très- propres  a_tou-    An^a  |a  TrtC#.orio  fw.™  c,  rr,i>r« 


cher  la  plupart  des  gens.  Je  ne  blâme 
donc  pas  François  de  Sales  ,  qui  a  pro- 
posé l'éléphant  pour  un  exemple 
d'honnêteté ,  et  je  condamne  la  ré- 


dans la  Toscane.  Comme  sa  mère 
était  de  Florence,  il  fut  s'établir 
dans  cette  ville ,  oii  la  profession 
de  jurisconsulte,  mais  surtout  la 


ponse  de  l'impératrice  Barbe Ily au-  }  ,  d  poésies     ]e  firent 

1  ait  mille  choses  a  débiter  sur  ce  su]et.  A  r  ,' 

Les  actions  des  bêtes  sont  peut-être  extrêmement   considérer.    Un  a 

un  des  plus  profonds  abîmes  sur  quoi  perdu  la  plupart  de  ses  ouvrages, 

notre  raison  se  puisse  exercer ,  et  je  Celui    qui  avait   pour   titre   Les 


suis  surpris  que  si  peu  de  gens  s  en 
aperçoivent.  Mais  rapportons  les  pa- 
roles de  François  de  Sales.  L'éléphant, 


Enseignemens  d'Amour  (A) ,  a 
eu  une  meilleure  destinée.  Il  sor- 


BARCLAI.  ioj 

lit  de  dessous  la  presse  à  Rome  ,    pas   d'aller   étudier   en  droit   à 


orné  de  belles  figures,  l'an  1640. 
Ce  fut  par  les  soins  de  Frédéric 
Ubaldini ,  qui  prit  cela  pour  un 
bon  moyen  de  faire  sa  cour  aux 
puissances  ;  car  la  maison  Barbe- 


lîourges.  Quelque  temps  après  ,. 
il  s'y  fit  recevoir  docteur  (B)  ;  et 
comme  il  avaitbeaucoupd'esprit, 
et  qu'il  s'appliquait  extrêmement 
à   l'étude ,    il   se  rendit  bientôt 


rin,  descendue  de  ce  poète,  jouis-  capable  de  régenter  dansledroit. 
sait  alors  de  la  papauté.  II  mit  à  Le  jésuite  Edmond  Hay ,  son  on- 
la  tète  de  cet  ouvrage  la  vie  de  cle ,  lui  procura  une  profession 
l'auteur  ,  quelques  éloges  ;  et  ,  en  cette  science  dans  l'université 
comme  il  y  a  dans  ces  vers  plu-  de  Pont-à-Mousson,par  le  crédit 
sieurs  mots  qui  ne  sont  plus  en  qu'il  avait  auprès  du  duc  de  Lor- 
usage ,  il  y  Joignit  un  glossaire  ,    raine,  qui  avait  fondé  depuis  peu 

cette  académie.  Ce  duc  ne  se  con- 
tenta pas  de  conférer  à  Bardai 
la  première  chaire,  il  le  fit  outre 
cela  conseiller  dans  ses  conseils, 
et  maître  des  requêtes  dans  son 
hôtel.  Bardai  épousa,  en  i58?. 
(b),  une  demoiselle  lorraine  (c)t 
avait  pour  litre  les  Enseignemens  dont  il  eut  un  fils  qui  devint  un 
d'Amour.  ]  Cela  est  e'quivoque  :  * 
on  se  pourrait  figurer  que  ce  poè- 
me est  une  école  de  coquetterie  , 
comme  ceux  d'Ovide  de  Arte  aman- 
di  ;  mais  on  se  tromperait  fort  :  il 
n'y  a  rien  de  plus  moral  que  ce  poème 
de  Barberin.  Il  ne  contient  que  des 
règles  qui  apprennent  leur  devoir  à 
ceux  qui  aiment  la  gloire ,  la  vertu  , 
et  l'éternité  (1). 

(1    Journal  de  Leipsick.,  pag.    3^9    au  ltT. 
tome  des  Supplément. 


qui  les  explique,  et  qui  en  éclair 
cit ,  ou  prouve  le  sens  par  l'auto- 
rité des  poètes  contemporains  (a). 

(a)  Tiré  du  Journal  de  Lcipsick ,  à  la  sec- 
lion     Vil  du  l".   tome   des    Supple'niens  , 

(A)  On  a  conservé  son  poème  qui 


BARCLAI  (Guillaume)  ,  sa- 
vant jurisconsulte  au  XVIe.  siè- 
cle, était  d'Aberdeen  en  Ecosse, 
et  d'une  très-bonne  maison  (A). 
Quoiqu'il  eût  été  en  faveur  au- 
près de  la  reine  Marie  Stuart,  il 
ne  put  pas  faire  aucune  fortune 
à  la  cour  du  roi  d'Ecosse  ,  fils  de 
cette  princesse.  Cela  le  fit  ré- 
soudre à  se  retirer  en  France  , 
l'an  i5y3  (a)  ;  et  quoiqu'il  eût 
près  de  trente  ans  * ,  il  ne  laissa 

(a)  La  Vie  de  Jean  Bardai,  au-devant  de 
t'Argenis,  met  l'an  îjjl- 

*  Dardai  n'avait,  dit  Lederc  ,  que  vingt- 
sept  ans  eu  i5;3  ;  et  ce  fut  eu  i57i  qu'il  se 


homme  illustre,  et  qui  fut  la 
cause  innocente  que  son  père  se 
brouilla  avec  les  jésuites.  Ce  jeune 
homme  avait  tant  d'esprit ,  qu'ils 
firent  tout  ce  qu'ils  purent  pour 
le  faire  entrer  dans  leur  ordre. 
Son  père  s'en  fâcha  ,  ils  se  fâchè- 
rent à  leur  tour,  et  lui  rendirent 
tant  de  mauvais  offices  auprès  du 
duc,  qu'ils  l'obligèrent  à  sortir  de 
Lorraine.  Il  s'en  alla  à  Londres 
trouver  le  roi  Jacques ,  qui  lui 
offrit  une  place  dans  son  conseil , 
avec  de  fort  bons  appointemens  ; 
mais  il  refusa  ces  offres  ,  à  cause 
de  la  condition  qu'on  y  avait  ap- 
posée ,  c'est  qu'il  embrasserait  la 
religion  anglicane.  Il  repassa  en 
France  au  commencement  de 
l'année  1604,  et  accepta  la  pro— 

rendit  à  Bourges;  car,  ainsi  que  Bayle  le 
rapporte  à  la  remarque  (G)  ,  il  rut  Donne.)  j 
pour  professeur.  Or,  D.mueau  quitta  Bour- 
ges en  1572. 

b     Voyez  la   remarque  (A)  de  l'article- 
suivant. 

(c)  Elle  s'appelait  .\nn»  de  Mallevillî, 


io2  BARCLAI. 

fession  en  droit,  qui  lui  fut  of-  lettre  écrite  au  duc  de  Lorraine.  Le 

/•     .  i>  „«'^  J'À„M«  traducteur  italien  de    1  Argents  (5) 

ferte  par  1  université  d  Angers  ^  cQnte  que  leg  parens8de  la  de. 

Il  y  régenta  avec  grand  éclat  (L.)  moisene  de   Malleville  ne  voulurent 

jusqu'à  sa  mort,  qui  arriva  vers  point  consentir   à  son  mariage  avec 

la  fin  de  l'année  i6o5  (D).  Il  fut  Guillaume  Bardai ,  avant  que  de  voir 

r      j  r     „  /  jv    Ti  ^„  des  preuves  de  la  noblesse  don!  on  se 

enterre  aux  Cordeliers {d).  Il  pu-  ^^    R  ajoute  que  ceb  ne  fut  fa_ 

bha  quelques  livres  (h) ,  et  un  ,  cheux  à  Bardai ,  qu'à  cause  de  l'im- 
entre  autres  ,  oii  il  réfuta  des  au-  patience  amoureuse  qui  le  transpor- 
teurs qui ,  quoique  de  différente  tait,  car  il  lui  fallait  attendre  l'arrivée 
1  7-11.  „!„„>„„  d  un  certificat ,  avant  que  de  goûter 
religion  ,  ne  laissaient  pas  de  s  ac-  ^  plaigirs  de  i^ouissa^ce.  Les  parens 
corder  en  faveur  de  la  religion  je  /a  ieue  j  poursuit-il ,  n'eurent  pas 
sur  les  maximes  républicaines(F).  plus  tôt  aperçu  cette  attestation  royale, 
Il  avait  de  l'aversion  pour  les  cal-  9«'&  fu>  entres  premiers  à  hâter  la 
.  .  ,n,  r  .  conclusion.  On  ne  peut  qu  être  eton- 
vinistes   (G) ,    et   apparemment  né  ^  quand  on  U|  ces  choses  dans  ,a 

l'état  où  il  voyait  sa  patrie  ,  qu'il  même  page  où  est  le  certificat  du  roi 

avait   quittée   pour    la    catlioli-  d'Ecosse  ,  car  ce  prince  déclare  ex- 


cité (e) ,  entretint  cet  esprit  d'ai 
greur. 

(rf)  Tire  de  M.  Ménage  ,  Remarques  sur 
U  vie  de  Pierre  Ayrault ,  pag.  228  et  sui- 
vantes. 

(e)  Quas  (Jitteras)  cum  idem  Guillelmus 
inderet  unà  cum  avitd  religione  sordesceie  , 
principem  verb  suam  marcescere  in  infamis 
carccris  situ  ,  dolore  confeclus  migravit  an- 
no  1671  Luteliam.  "Vita  Jo.  Barclaii. 

(A)  Il  était  d'une  très-bonne  mai- 
son. ]  Savoir  de  celle  de  Bardai  ,  qui 
est  alliée  à  toutes  les  grandes  mai- 
sons d'Ecosse  ,  comme  il  paraît  par 
une  patente  du  roi  Jacques,  imprimée 
au-devant  de  l'Argenis.  Je  me  sers  du 
mot  de  patente  ,  parce  que  ce  n'est 
nas  mie  simple  lettre  écrite  au  duc  de 
*  .  ni    m.'    ~„~  !'„,.„„».„ 


pressément  que  Bardai  avait  déjà  une 
femme  (4)  :  et  cela  est  d'ailleurs  cer- 
tain par  la  date  de  l'attestation  (5). 
Cette  date  est  postérieure  de  plus  d'uu 
mois  à  la  naissance  de  Jean  Bardai 
fils  de  Guillaume  et  de  la  demoiselle 
de  Malleville.  Voilà  comment  l'amou- 
reux Guillaume  Bardai  se  voyait  ré- 
duit au  retardement  de  sa  joie  ,  par 
l'attente  d'un  certificat.  L'auteur  de 
la  vie  latine  de  Jean  Bardai  était  dans 
la  même  erreur  :  l'attestation  ,  selon 
lui ,  fut  demandée  ,  afin  qu'on  se  pût 
produire  sous  le  titre  d'un  homme  de 
qualité  aux  yeux  de  l'épouse  future. 
Cum  Anna  de  Mallavilld  contractu- 
rusnuptias  ex  Scotid  regias  litterasac- 
cersivit  ,  quibus  ingenuœ  nobililatis 
litulos  Juturœ  sponsœ  approbaret. 
(B)  //  étudia  en  droit  h  Bourges. 


lias  mi»-   »*»—£•—■ ^ 

Lorraine  ,  comme  M.  Ménage  1  assure  et  &,  ^  rece%>oir  docteur.  ]  Cujas  pré- 
(1),  mais  une  lettre  scellée  du  grand  gi(ja  à  cfit  acte  ^  0n  a  débité  un 
sceau  du  royaume  ,  et  adressée  à  tout 


le  monde  par  ces  paroles  de  torniu 
laire  ,  A  tous  ceux  qui  ces  présentes 
verront  ,  salut.  M.  Ménage  est  fort  ex- 
cusable dans  sa  méprise  5  mais  celui 
qui  a  fait  mettre  à  l'attestation  du  roi 
Jacques  cette  souscription  ,  Epistola 
Jacobi  ,  Scotiœ  régis  ,  Carolo  Lotha- 
ringice  duci  ,  est  un  trompeur  ou  un 
ignorant  ,  qu'on  ne  saurait  excuser, 
ifa  au  lire  cet  écrit ,  puisqu'il  l'a  fait 
imprimer  à  la  tête  d'un  ouvrage  (2)  : 
or  il  n'a  pu  y  trouver  de  ligne  qui  ne 
lui  montrât  que  ce  n'était  point  une 

(1)  Ménage,  remarques  sur  la  Vie  d' Ayrault  , 
pag.  îî8. 

(2)  //  <?.if  imprimé  au-devant  de  (Argems. 


grand  mensonge  quand  on  a  dit  que 
le  mariage  de  Bardai  n'interrompit 
point  ses  études  ,  et  que  les  ayant 
continuées  depuis  ses  noces  ,  il  devint 
d'écolier  docteur,  et  de  docteur  pro- 
fesseur en  droit.  Le  quali  (  nozze  )  non 
rompendo  il  bel  fila  de  gli  studii  di 
lui  ,  successe  che  di  scolare  eh'  egli 
era ,  passato  al  grado  del  dotloralo  , 

(S)  Il  s'appelle  Francesco  Pona  :  il  a  faa  la 
Vie  de  Jean  Bardai ,  el  l'a  mise  à  la  tête  de  sa 
version  de  /'Argenis. 

(4)  In  Lolharingid  consedisse  ibique  affini- 
tatem  génère  moribusque  suis  non  indignam 
conlraxisse. 

(5)  Le  19  de  mars  i5S2.  Moréri  la  met  au  28. 

(6)  Ménage,  remarques  sur  la  Vie  rl'Ayrault , 
pag.  2^.9. 


BARCLAI. 

Jtu 


io3 


riceve  una  ieltura  principale  di  Leg-    Jurejurando.  Il  le  publia  à  Paris ,  Tan 

S*  ("])•  i6o5.  Mais  les  deux  ouvrages  qui  ont 

(C)  //  régenta  a  Angers  avec  grand    le  plus  fait  parler  de  lui  sont  le  Traite 


éclat.']  «  Lorsqu'il  allait  faire  sa  leçon, 
»  il  était  suivi  de  son  iils  et  de  deux 
h  valets  ,  et  vêtu  d'une  robe  magni- 
i>  tique  ,  avec  une  grosse  chaîne  d'or 
*>  au  cou  (8).  » 

(D)  //  mourut  vers  la  fin  de  l'année 
i6o5.  ]  M.  Moréri  ,  trompé  par  Ni- 
cius  Erythneus  et  par  d'autres  ,  a  mis 
l'année  1609  au  lieu  de  l'année  i6o5. 
11  croyait  avec  raison  que  notre  Bar- 
dai alla  régenter  le  droit  à  Angers  en 


de  la  Puissance  du  Pape  ,  et  le  Traité 
de  la  Puissance  des  Rois.  Le  premier 
a  pour  titre,  de  Potestate  Papœ  ,  an 
et  quatenùs  in  Reges  et  Principes  se- 
cularesjus  et  imperium  habeal  ;  le  se- 
cond est  intitulé  ,  de  Regno  et  regali 
Potestate  ,  advenus  Buchananum  , 
Brulum  j  Boucherium  ,  et  reliquos 
Monarchomachos.  11  publia  ce<b>rnier 
ouvrage  à  Paris  ,  en  l'année  1600  ,  et 
le  dédia  à  Henri  IV.  L'autre  n'est  sorti 


1604  ,  et  if  trouva  dans  Nicius  Ery-  de  dessous  la  presse  qu'après  la  mort 
thrœus  que  ce  professeur  vécut  cinq  "f  l'auteur ,  qui  n'avait  pas  même  osé 
ans  depuis  la  prise  de  possession.  Ab    témoigner  qu'il  y  travaillât.  Et  qui 


Andibus  oplimis  conditionibus  evoca 
lur  ,  ut  in  ipsnrunt  gymnasio  prima 
riant  juris  civdis  cathedram  obtineret, 
ubi  cùm  jarn  quinquennium  docuisset 
est  mortuus  (9).  11  était  aisé  de  con- 
clure qu'il  ne  mourut  qu'environ  l'an 
1609.  Mais  l'auteur  italien  se  trompe  , 
puis  qu'outre  l'autorité  de  M.  Ménage 
je  puis  alléguer  cette  raison  :  Guillau- 
me Bardai  était  mort  avant  que  les 
difi'érens  de  Paul  V  et  des  Vénitiens 
fussent  assoupis.  Accendebanl  homi- 
nem  et  pietate  et  jam  senectd  liberio- 
rem  illœ  turbœ  quas  multi  ominaban- 
tur,  cùm  ponlifex  in  Anglum  f^enetos- 
que  districtus  ,  illum  quidem  jam  a 
sacris  nostris  alienum  acerbare,  nos  au- 
lem  alienare  videbatur.  Sed  tant  pium 
conatum  intercepit  J'elix  et  in  Chrislo 
obitus.  C'est  ainsi  qu'on  parle  dans  la 


dent  de  Regno  libros  quibus  popula- 
rem  ambitum  exagitabat  nullâ  dissi- 
mulatione  conscripsit.  Sed  hoc  opus 
(de  Potestate  Papae)  secrelo  aggressus 
est ,  cùm  tune  aliquid  ponlifici  negars 
hœresis  censeretur  (12).  11  entreprit 
ces  deux  ouvrages  lors  qu'il  vit.  les 
désordres  de  la  ligue  ,  les  sujets  en 
armes  contre  leur  roi ,  et  les  posses- 
seurs légitimes  de  la  couronne  décla- 
rés déchus  de  leur  trône  par  des  bulles 
papales.  La  Lorraine,  où  il  était  avan- 
tageusement établi  ,  fut  entraînée  par 
ce  torrent  :  elle  approuva  la  révolte 
des  sujets  ,  et  les  attentats  de  la  cour 
de  Rome  sur  le  temporel  des  princes. 
Il  ne  laissa  pas  de  demeurer  ferme 
dans  ses  principes  :  aussi  les  avait-il 
appris  en  bonne  école  ;  car  il  ne  faut 
point douterque  les  séditions  desLcos- 


préface  du  livre  de  Potestate  Papœ  s?is  n  eussent _  été  à  cet  égard  son  prin- 
(10  .  Les  différens  du  pape  et  de  la  cipal  catéchisme.  Rien  n'est  plus  pro  - 
république de  Venise  fuient  terminés  Pre  à  faire  haïr  les  maximes  républi- 
caines que  de  voir  qu'elles  ont  pro- 
duit des  troubles  qui  ont  aboli  la  re- 
ligion que  l'on  croit  la  véritable  ,  et 
renversé  du  trône  une  reine  de  la- 
quelle on  était  aimé.  Quoi  qu'il  en  soit, 
le  professeur  de  Pont-àMousson  témoi- 
gna une  fermeté  peu  ordinaire.  La  plu- 
part des  gens  changent  de  principes 
à  mesure  qu'ils  changent  de  pays  et 
d'intérêts  :  pour  lui  ,  au  milieu  de  la 
Lorraine  ,  il  persévéra  dans  les  maxi- 
qu'il  avait  eues  en  Ecosse,  quoique  la 


l'an  1607.  ^e  sieur  Witte  ,  trompé 
peut-être  par  le  seul  Moréri ,  a  mis  la 
mort  de  Bardai  à  l'an  1609  (11). 

(E)  Il  publia  quelques  livres.  ]  En- 
tre autres  Prœmelia  sur  la  vie  d'Agri- 
cola  ,  et  un  Commentaire  sur  le  titre 
des  Pandectes  de  Rébus  creditis  et  de 

(7)  Francesco  Pona ,  dans  la  Vie  de  Barclai  , 
au-devant  de  la  traduction  italienne  de  l'Ar- 
5enis. 

(8)  Ménage,  remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Ayrault ,  pag.  23i. 

(9)  Xic.  Eryibr.  Pinacoth.  Iti .  pag.  76.  Paul    situationdas  affaires  fût  bien  changée 
Freher,   Theatri  pag-  i5i5  ,  fait  durer  cinq    L'autorité  du  peuple  élevée  sur  la  puis 

ans  la  profession  :  il  cite  Imperialis  et  Tlioma- 


(10)  .1/.  Ménage  aUribue  ceUe  préface  h  Jean 
Barclai  Jils  de  Guillaume.  Voyez  la  page  22S 
de  ses  remarques  sur  la  Vie  d'Avrault. 


peuple  eieyeesuria  puis- 
sance royale  servait  en  Ecosse  à  la  rui- 
ne du  papisme  ,  et  en  France  à  la 
ruine  des  protestans.  M'importe  ,  Bar- 


(ïl)  Wnte,  in  append.ee  Diani  biograpnici.  (ta)  /„  pra-fat.  operw  de  Potest.  Pap« 


io4  BARCLAI. 

claine  changea  point  d'avis  :  il  l'avait  BARCLAI  (Jean),  fils  du  pré- 
trouvée injuste  en  Ecosse,  où  elle  cèdent,  naquit  à  Pont-à-Mousson 
était  contraire  a  la    religion  catholi-     .        o  j      •         •  m,   ,  AN     T 

que  ,  il  ne  la  trouva  pas  moins  injuste  |e  2"  "e  JanVier  iooj  (Aj.  Les 
en  France,  où  elle  faisait  un  grand  jésuites  de  cette  ville,  SOUS  les- 
bien  à  cette  même  religion.  11  est  rare 
de  voir  cette  fermeté'  dans  un  docteur; 
mais,  à  chaque  pas  ,  on  trouve  des 
gens  dont  les  principes  vont  comme 
les  girouettes.  J'ai  dit  que  Barclai n'osa 
pas  même  témoigner  qu'il  écrivait 
•'ontre  les  maximes  des  ultramon- 
tains  :  cela  ne  doit  s'entendre  que  du 
temps  que  dura  la  ligue  ;  car  lors- 
qu'elle eut  e'té  dissipe'e  ,  il  ne  lit  plus 
mystère  de  son  ouvrage  ;  il  le  donna 
à  l'imprimeur  ,  et  le  dédia  à  Clément 
VIII  (i3).  Mais  il  le  retira  de  l'impri- 
merie ,  et  le  garda  près  de  dix  ans  , 
pendant  lesquels  il  y  ajouta  plusieurs 
choses  ,  et  en  retrancha  encore  plus, 
il  se  hâtait  d'achever  à  la  vue  des 
brouilleries 
ape  et  le 


quels  il  étudia,  furent  tellement 
charmés  de  la  beauté  de  son  esprit, 
qu'ils  firent  tous  leurs  efforts 
pour  l'attirer  dans  leur  compa- 
gnie. J'ai  déjà  dit  que  cela  fut 
cause  que  son  père  s'en  alla  trou- 
ver le  roi  Jacques,  qui  était  par- 
venu depuis  j>eu  à  la  couronne 
d'Angleterre.  Il  mena  son  fils 
avec  lui  ,  son  fils ,  dis-je  ,  déjà 
auteur  (B),  et  tout  prêt  à  faire 
éclore  de  nouveaux  ouvrages  ; 
car   il   avait  publié   un     Corn— 

.    men taire   sur    la    Thébaide   de 
s  que  Ion  craignait  entre  le  _ 

s  Vénitiens  ;  mais  la  mort    àtaceen  iboi  (a),  et  il  publia  un 


l'empêcha  de  mettre  la  dernière  main   poëme  latin  sur  le  couronnement 


à  son  ouvrage  (i4 

(F)  //  réfuta  des  auteurs  qui,  quoi- 
que de  différente  religion ,  ne  lais- 
saient pas  de  s'accorder  enjaveur  de 
ta  religion  sur  les  maximes  républi- 
caines. ]  Il  réfuta  deux  protestans  , 
l'uchanan  et  Hubert  Languet  ;  il  ré- 
futa aussi  Boucher  ,  l'un  des  curés  de 
Taris  ,  et  très-violent  ligueur.  Celui-ci 
soumettait  au  peuple  l'autorité  sou 


du  roi  Jacques  ,  et  la  première 
partie  de  V Euphormion ,  en  l'an- 
née i6o3.  Ces  deux  pièces  plurent 
beaucoup  à  sa  majesté  britan- 
nique ,  qui  aimait  et  qui  enten- 
dait les  sciences.  Jean  Barclai  lui 
dédia  ce  commencement  de  l'Eu- 
phormion.  Il  repassa  en  France 


veraine,  pour  le  bien  de  la  catholi-    avec  son  père,  qui  ne  voulut  point 
cité  ;  ceux-là  faisaient  la  même  chose,    je  laisser  auprès  du  roi  Jacques , 


pour  le  bien  du  protestantisme.  Ils 
étaient  donc  tous  trois  réunis  dans 
la  thèse  générale,  et  tous  trois  adver- 
saires de  Barclai. 

(G)  Il  eut  de  l'aversion  pour  les 
calvinistes.]  Cela  paraît  par  ses  écrits. 
Lisez  ces  paroles  de  M.  Ménage  :  «  Il 
»  élait  grand  ennemi  des  calvinistes 
}>  et  des  luthériens.  Dans  son  com- 
j>  men  taire  sur  le  titre  au  Digeste  de 
■»  Rébus  creditis ,  il  dit  en  parlant  de 
»  Doneau,  docteur  régent  en  droit 
»  en  l'université  de  Bourges  :  Hugo 
■>  Donellus  ,  unus  ex  prœceptoribus 
a  meis,vir  civilis,  disciplina;  peritus  ; 
»  sed  malus  ,   quia   hœreticus   calvi- 

»  ',:'./  (i5j.  » 

(i3)    Vide  Prcefal.  opeiis  de  Potest.   Papa.'. 
(i4)  Ibidem. 

(15)  Ménase,  remarques  sur  la  Vie  ;'.c  Pierre 
Ayvaolt,  p,(g.  ;?.;). 


de  peur  que  ce  prince ,  qui  avait 
tant  souhaité  de  le  retenir ,  ne 
l'engageât  à  l'abjuration  de  la  foi 
romaine.  Il  demeura  à  Angers 
jusqu'à  la  mort  de  son  père, 
puis  il  s'en  alla  à  Paris  ,  et  y  prit 
femme  (C),  et  passa  bientôt  à 
Londres.  Il  y  était  dès  l'an- 
née 1606,  et  ce  fut  alors  qu'il 
fit  connaissance  avec  M.  de  Pei— 
resc.  Il  avait  publié  depuis  peu 
l'Histoire  de  la  Fougade  d'An- 
gleterre. C'est  un  écrit  de  six 
feuillets  (b)  ,  qui  fut  imprimé  à 

(a1  II  fui  imprimé  à  Pont-à-Mousson,  et  dé- 
dié à  Chartes  III  du  nom  ,  duc  de  Lor- 
rtiine. 

Ij    Intitulé  ■.  Séries  palefacli diviuitùs  Par- 


BARCLAI. 

Amsterdam.  Il  publia  à  Londrps,    coup  de  succès 

en  1610  (c)  V Apologie  de  VEu- 

phormion,  et  le  traité  de  son 

père  de  Potestate  Papœ  (D).  Il 

fit   imprimer  à  Paris  en    161 2  , 

un  livre  qu'il  intitula  Pietas(lL). 

C'est   une   réponse  au   cardinal 


io5 

les  autres  ont 
eu  quantité  d'admirateurs  (K) , 
et  n'ont  pas  manqué  de  cen- 
seurs (L).  Pour  ce  qui  est  de  la 
fortune  qu'il  fit  à  Rome  ,  on  en 
parle  diversement.  Les  uns  di- 
sent que  Maphée  Barberin  ,  qui 


Bel  larmin,  qui  avait  écrit  contre  l'aimait    beaucoup,     ayant    été 

le   livre   de   Guillaume    Bardai  créé    pape  ,    lui    fit   de   grands 

touchant   le   pouvoir    du   pape,  biens,  et  conféra  à  son  fils  aîné 

Deux  ans  après,   il    fit  paraître  un  bon  bénéfice ,  et  la  charge  de 

VIcon  Animorum.  Ce  fut  à  Lon-  camérier  de  sa  sainteté  (g);  les 

dres  qu'il  le  publia.  Il  sortit  de  autres  disent  qu'il  eut  besoin  de 

cette  ville  l'an  16 16  ,  et  s'en  alla  se  plaire  à  la  culture  des  fleurs , 

à   Paris  ,   ou   il    fut  présenté  à  et  que  sans  cela ,  il  n'aurait  pas 

M.   du  Vair  garde  des  sceaux  ,  pu  chasser  le  chagrin  de  se  voir 

par  son  bon  ami  M.  dePeiresc.  Il  si  peu  avancé  (h)  (M).  Ce  qu'il  y 

alla  ensuite  à  Rome,    attiré  par  a  de  certain,  est  qu'il  mourut 

le  pape  Paul  V,  et  y  publia  un  avant  que  Maphée  Barberin  fùl 

livre    de    controverse,    intitulé  élu  pape.  Il  se  mêlait  de  poésie, 

Parœnesis  ad  Sectarios.  Il  reçut  et  plusieurs  connaisseurs  préten- 

beaucoup  d'honnêtetés   du  car-  dent  que  les  vers  latins  qu'on  a 


dinal  Bellarmiu ,  quoiqu'il  eut 
écrit  contre  lui.  Il  mourut  à 
Rome,  le  12  d'août  1621  (d), 
pendant  que  son  Argents  s'im- 
primait en  France  (e)  (F).  Son 
corps  fut  porté  en  l'église  Saint- 
Onuphre  sur  le  Janicule.  Son 
fils  lui  fit  élever  un  tombeau  de 
inarbre  à  l'église  de  Saint-Lau- 
rent sur  le  chemin  de  Tivoli  (f). 
Nous  dirons  dans  les  remarques 
pourquoi  la  veuve  fit  ôter  de  là 
le  buste  de  son  mari  (G).  Plu- 
sieurs croient  que  Jean  Bardai 
fit  profession  en   Angleterre  de 


de  lui  sont  excellens  (/).  On  a 
parlé  confusément  de  ses  ouvra- 
ges dans  le  Dictionnaire  de  Mo- 
réri  (N).  Il  retouchait  son  Eu- 
phormion  afin  de  le  publier. 
Il  laissa  V Histoire  de  la  conquête 
de  Jérusalem  (k) ,  et  quelques 
feuilles  de  YHistoire  de  l'Eu- 
rope (l).  On  n'a  point  pu  dire 
qu'il  fut  envoyé  en  ambassade 
par  le  roi  Jacques  à  la  cour  de 
l'empereur,  à  celle  du  roi  de 
Hongrie ,  et  à  celle  du  duc  de 
Savoie  (0).  Il  ne  dit  rien  de  cela, 
lorsqu'il   fait   la   description    de 


la  religion  protestante  (H)  :  il  Fa    la  vie  qu'il  a  menée  auprès  du  roi 
nié  publiquement  (I).  Ses  livres 
de  controverse  n'ont  pas  eubeau- 


ricidii      in    maximum     regom    rcçnurocTue 
Britanniie  cogitati  et  insttucti. 

(c)  y  oyez  la  remarque    D    à  lajln. 

(d)  Sur  ta  taille-douce  au-devant  de  l'Ar- 
tienis  ,  0/1  met  le  12  d'avril. 

1      1  irê  des  Remarques  de  M.  Ménage  sur 
la  Vie  de  P.  Ayrault  ,  pag.  2?S  cl  suivantes, 
if)    Nicius   Erythrsus,    Piuaco'h.    ///, 
pag.  80. 


(g)  Nicius  Erylhraeus,  Pinac.  ///,  p.  79. 

(h)  Imperialis  et  Tomasinus,  apud  Pau- 
lum  Freheruin  ,  Theatri   pag.  l5i5. 

vez  Baille! .  Jugement  sur  le>  poe- 
t.,.  loin.  IV,  pag.  i52  ,  et  Pope-blount, 
Censura  Autorum  ,  pag.  655- 

(/)  Ha  lascialo  dopo  se  l'/fistoria  de  Bel- 
lo  s.icro,  cA*è  la  medcsïma  c'/ia  il  Tasso  can 
tutu  nelsuo  Guffredo.  Francesco  Pona  ,  dans 
ta  Vie  de  Jean  IWclai 
(/)  Là  même 


To6 


BARCLAI. 


Jacques  (m) ,  et  tout  ce  que  l'on    Aberdeen  (4).  S'il  s'est  trompe  sur  le 

lieu  de  la  naissance,  il  ne  s'est  point 
trompe'  sur  le  temps,  qui  est  ,  selon 
lui,  le  28  de  janvier  i582.0n  a  mis  sur 


pourrait  présumer ,  ce  me  sem- 
ble, serait  que  ce  prince  se  servit 
de  lui  pour  envoyer  aux  souve- 
rains quelques  exemplaires  du 
livre  qu'il  composa  sur  leurs 
communs  intérêts,  contre  la  pré- 
tention de  la  cour  de  Rome. 

On  a  traduit  en  français  son 
Euphormioti  et  son  Argents  (P). 

(m)  Barclaius,  in  prœfal.Parxnes.  ad  Sec- 
tarios. 

(A)  Il  naquit  a  Ponta-Mousson  le 
28  de  janvier  1 583  ]  J'ai  suivi  aveuglé- 
ment  M.  Menace  ,  mais  je  me  réser- 
vais la  liberté  de  le  redresser  ici  par 

lui-même.  Il  rapporte  dans  la  page  228  ans  lorsqu'il  fit  Un  Poème  sur  le  cou- 
ce  qui  sert  de  texte  à  cette  remarque,  ronnement  du  roi  Jacques,  c'est-à- 
et  puis  dans  la  page  232  il  assure  que  fore,  en  i6o3.  Annum  lum  agebat 
Jean  Bardai  décéda  le  12  du  mois  Joannes  (fecimum  seplimum  cùm  de 
d'août  de  l'année 11621  ,  âgé  de  trente  regjs  inauguraiione  eleganlissimum 
neuf  ans  et  de  six  mois.  11  était  donc  carmen  edidil ,  ma.rimo  verborum  sen- 
ne les  premiers  mois  de  Tan  i582.  Ce-  tentiarumque  splendore  illuminatum  ; 
la  se  confirme  par  un  autre  tait  que  gUOj  lectum  rex  adeb  probavit,  ut 
M.  Ménage  rapporte.  Jean  Bardai  dé-  etc_  (5^  Sur  ce  pied-là  ,  il  n'aurait  eu 
dia  au  roi  d'Angleterre  ,  en  i6o3,  la  qUe  quinze  ans  ,  lorsqu'en  1601  il  pu- 
première  partie  de  1  Euphormionp) ,  Dfia  un  Commentaire  sur  la  Thébaide 
et  il  déclare  dans  l'apologie  de  l'Eu-  ,jc 


la  taille-douce  de  Jean  Bardai  ,  au-de- 
vant de  l'Argenis ,  qu'il  est  né  le  28 
de  janvier  1682  +  ,  et  voilà  comment 
les  graveurs  nous  trompent,  aussi- 
bien  que  les  imprimeurs. 

(B)  //  fut  bientôt  auteur.  ]  îvous 
venons  de  voir  qu'à  l'âge  de  dix- 
neuf  ans  il  publia  un  Commentaire 
sur  Stace  :  il  est  donc  digne  d'être 
inséré  dans  la  seconde  édition  des 
enfans  célèbres ,  et  il  en  serait  en- 
core plus  digne  ,  si  son  âge  avait  été 
bien  connu  à  Nicius  Erythréus  ;  car  , 
en  ce  cas-là  ,  il  aurait,  été  auteur  à 
quinze  ans.  En  effet ,  Erythréus  as- 
sure que  Bardai  n'avait  que  dix-sept 


phormion  ,  qu'il  n'avait  que  vingt  et 
un  ans  lorsqu'il  fit  imprimer  cette 
première  partie  (2).  Un  auteur  qui 
n"a  que  vingt  ans  et  quelques  mois  ne 
dit  pas  qu'il  n'a  que  vingt  et  un  ans  ; 


Stace.  Comptons  ici  une  nouvelle 
méprise  de  cet  auteur  italien  ,  conta- 
gieuse pour  M.  Moréri  ,  et  tellement 
contagieuse  ,  qu'elle  en  a  produit  une 
autre.  M.  Moréri  ne  s'est  pas  contenté 
de  dire  que  Bardai  n'avait  que  dix- 


il  ne  parle  ainsi  que  lorsque  sa  vingt-    sept   ans  lorsque   le    roi   Jacques  fut 

deuxième   année   n'est  pas  avancée  : 

il  fallait  donc  que  Bardai  eût  pour  le 

moins  vingt  et  un  ans  accomplis  en 

i6o3   ;   il  n'était   donc    pas   né   l'an 

i583  ,  mais  l'an  i582;  de  sorte  que 

si  son  jour  natal  est  le  28  de  janvier  , 

il  faudra  mettre  le  mariage  de   son 


couronne,  il  a  converti  le  poème  im- 
primé de  cet  auteur  en  une  harangue 
prononcée.  Paul  Freher  met  la  nais- 
sance de  Jean  Bardai  à  l'au  i585  ,  et 
le  panégyrique  sur  le  couronnement 
à  l'an  dix-sept  de  son  âge  (6). 

(C)  //  alla  a  Paris,  et  y  prit  fem- 


père  sous  1  an  i58i  ,  et  non  pas  corn-  me  i  „  j.  e'pousa  Louise  Débonnaire , 
me  a  fait  M.  Ménage,  sous  1  an  i582.  „  fllle  de  Micnel  Débonnaire  ,  tréso- 
Tirez  les  mêmes  conséquences  de  ce  „  rier  des  ailles  bandes  ,  et  d'Ur- 
quil  dit  (3)  que  Bardai ,  en  1001  n  sine  Denisot.  .  .  H  passa  ensuite  en 
n'ayant  que  dix-neuf  ans,  fat  impri-  „  Angieterre  avec  sa  femme,  où  il 
mer  un  Commentaire  sur  Stace.  11  re- 
marque que  celui  qui  a  écrit  la  vie  de 
Jean  Bardai ,  imprimée  au-devant  de 
l'Argenis  ,  s'est  étrangement  trompé 
en  disant  que  Jean  Bardai  était  né  à 


:  1)  Ménage  ,  remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Ayrault,  pag.  22g. 

(2)  Là  même,  pag.  23i. 

j       7«  même  ,  pag.  228  ,  229. 


(4)  £à  même,  pag-  228. 

*  Leclerc  ayant  dit  :  «  j'en  ai  une  ou  il  y  « 
»  i582  ,  »  Joly  se  contente  de  dire  :  «  j'en  ai  vu 
une  oit  il  y  a  i582.  -  La  faute  peut  avoir  été 
corrigée  sur  des  exemplaires  et  le  5  substitué 
au  6. 

(5)  Nicius  Erythrjeus  ,  Pinacotbeca  lit  , 
pag.  76. 

t'6)  Frelieri  TueaUum,  pag.  i5i5. 


SARCLAT.  io: 

j)  eut  d'elle  deux  garçons  et  une  fille  (D)  Il  fit,  imprimer  le  traité  de  son 
»  (7).  »  Il  ne  se  maria  point  à  Rome,  père  dePotestatePapœ.]  L'impression 
M.    Moréri ,  qui  le  débite,  n'a  point    de  ce  livre  lui  fit  perdre ,  si  nous  en 


entendu  son  Nicius  Erythréus  ,  qui 
pouvait  lui  apprendre  si  aisément  que 
Barclai  s'évada  d'Angleterre  avec  sa 
femme  et  son  fils  ,  et  se  retira  à  Rome  , 
où  sa  femme  lui  donna  encore  un 
fils,  lbi  Barcolaius  ex  uxore  quant 
lutbcbat   masculam  prolem    suscepit. 

Sed  aliquanto  post clam  ex  An- 

glia'  un'a  cum  uxore  et  filio  se  fugd 
surripuit  ,  ac  Romam  venit.  ■  ■  .  (8). 
Rorwe  novam  ex  uxore  sud  masculam 
prolem  accepit ,  ac  cive  uno  urbem 
nos  tram  auxit  (9).  Maphée  Barberin  , 
qui  depuis  a  été  le  pape  Urbain  VIII , 
fut  le  parrain  de  ce  nouveau  fils  de 
notre  Barclai  (10).  On  ne  croirait,  ja- 
mais ,  en  lisant  ces  paroles  d'Éry- 
thréus  ,  que  la  femme  de  Barclai  n'al- 
la à  Rome  que  quatre  ans  après  son 
mari  :  cependant  M.  Gassendi  assure 
que  cela  est  vrai.  Lisez  l'endroit  où  il 
raconte  les  bons  offices  que  M.  de 
Peiresc   rendit   au    mari    en   l'année 

1616,  et  à  la  femme  et  au  fils  en  l'an 
1620.  Prœterea  fuisse  Peireshio  non 
minorent  circa  Barclaii  uxorem,  fi- 
lium  ,  et  Jo.  Ludovicum  Debonœrum 
uxoris  germanum  ,  cùm  quarto  post 
anno  pmjecti  Romam  ad  illum  sunt 
(n).  Si  M.  Ménage  avait  bien  pesé 
ces  paroles  de  Gassendi,  il  n'aurait 
point  dit  que  Barclai  alla  à  Rome  l'an 

1617,  et  que  sa  femme,  son  fils  et 
son  beau -frère  l'y  furent  joindre  l'an 
1619  (ia).  Il  ajoute  que  le  fils  de 
Barclai  vint  à  Paris  avec  sa  mère  l'an 
i652  ,  que  ce  n'était  pas  un  grand 
personnage ,  qu'il  faisait  des  vers  la- 
tins ,  et  qu'il  fit  imprimer  en  ce 
temps-là  ,  à  Paris  ,  une  élégie  latine. 
Erythréus  parle  de  la  veuve  de  Bar- 
clai comme  d'une  femme  présomp- 
tueuse et  fière.  Voyez  ci-dessous  la 
remarque  (G).  Dans  la  Vie  latine  de 
Jean  Barclai  on  dit  faussement  qu'il 
se  maria  avec  Louise  Débonnaire 
après  avoir  été  employé  en  diverses 
ambassades  par  le  roi  Jacques. 

(-)  Ménage  ,  remarques  sur  la  Vie  d'Ajrault , 
pag.  a3o. 

(8>  \icius  Ervthrajus,  Pinacoth.  III,  pag.  77. 
fçi)  Ibidem  ,  pag.  -n. 

(10)  Ibidem. 

(11)  Gassendi,  in  Yltâ  Peireslcii,  ad  ann.  1616, 
pag.   ?83.   y~orez  aussi  pag.  388. 

(ia)    .Ménage,    remarques    sur    U  Vie  de    P. 

*'  r  lllt  ,    pag.   ?3l  ,  1S2. 


croyons  M.  Ménage  (i3),  une  partie 
de  la  bonne  volonté  que  le  roi  d'An- 
gleterre avait  pour  lui.  Je  ne  sautais 
comprendre  d'où  cela  pourrait  être 
venu  ,  puisque  c'est  un  livre  qui  rem- 
barre fortement  les  prétentions  des 
ultramontains ,  et  les  raisons  de  Bel- 
larmin  nommément ,  et  où  l'indépen- 
dance des  rois  est  vigoureusement 
soutenue.  Pouvait-on  rien  écrire  qui 
dût  être  plus  agréable  au  roi  Jacques  ? 
Je  conjecture  que  le  latin  de  Gassendi 
(i4'  a  fait  illusion  à  M.  Ménage;  et  cela 
nous  montre  de  plus  en  plus  combien 
il  est  malaisé  d'écrire  en  latin  bien 
clairement.  Quaud  on  y  regarde  de 
près,  on  comprend  que  cet  auteur 
n'affirme  pas  que  le  livre  de  la  Puis- 
sance du  Pape  ait  refroidi  le  roi 
Jacques  ;  mais  on  peut  se  l'imaginer, 
si  l'on  n'emploie  pas  quelque  sorte 
d'attention.  Les  jésuites  ne  crurent 
pas  que  l'impression  de  ce  livre  eût 
déplu  au  roi  de  la  Grande-Bretagne  , 
au  contraire  ils  reprochèrent  à  Jean 
Barclai  de  l'avoir  mis  sous  la  presse 
avec  l'agrément  de  ce  prince,  et  avec 
les  corrections  des  théologiens  d'An- 
gleterre. Neque  verb  nisi  ejus  (régis) 
nulu  patris  tui  librum  a  britannici 
evangelii  ministris  ad  libidinem  dejor- 
malum  ,  Londini  typis  excusum  (i5). 
Au  reste ,  M.  Ménage  n'a  pas  bien  mar- 
qué l'année  de  l'impression.  Cet  ou- 
vrage fut  imprimé  l'an  1609.  La  con- 
grégation de  Y  index  le  condamna 
cette  même  année  par  son  décret  du 
9  de  novembre. 

(E)  Il  fit  imprimer  à  Paris  un  livre 
qu'il  intitula  Pietas.  ]  Pour  donner 
tout  le  titre  ,  il  faut  ajouter  :  sive 
publicœ  pro  regibus  ac  principibus  , 
et  privât  ce  pro  Gui.  Barclaio  pa- 
rente ,  Pmdiciœ  contra  Bellarminum. 
La  lettre  d'Eudaemon  Joannes ,  que 
j'ai  citée  ,  témoigne  que  Barclai  fit  un 
voyage  à  Paris  pour  l'impression  de 
cet  ouvrage  ,  et  cela,  afin  de  rendre 
plus  de  service  aux  protestans  d'An 

(i3)  Idtm,  ihid. 

(>4  Joannes  Barclaius ,  qui  post  edilum  de 
summo  ponlifice  opus  ,  nec  jam  solild  apud  re- 

gem,  suosque  pollens  gralid subdiucil  sesr 

ex  AngUd.  Gassendi  V,u  Peireslui,  pag.  18a. 

(i5)  F.udxmon  Joannes,  Epist.  monitoria  ad 
Je.  Barclaium  ,  num.  i. 


io8 


gleterre  ,  «  car  il  crut ,  »  disait  -  on, 
»  qu'il  serait  moins  soupçonné  d'iu- 
■»  telligence  avec  les  ennemis  de 
»  rÉglic« ,  s'il  publiait  cet  ouvrage 
x,  hoiS  de  l'Angleterre.  »  Ac  nunc 
qjjoque  non  dissimili  consilio  te  Lu- 
tetiam  è  Britannid  demi  gras  se  ,  ut 
cum  et  coram  apud  t'iros  principes  ,  et 
scriptis  apud  cœterns ,  Ecclesiœ  cau- 
sant calumniis  tuis  traduceres ,  tamen 
quanto  majore  locorum  inlervallo  ab 
rege  disjungereris  ,  hoc  longiùs  abes- 
ses  à  suspicione  fraudis  (16).  Voilà 
une  des  plus  fines  et  des  plus  ordi- 
naires touches  de  I'Odium  Theologi- 
cum.  Ceux  qui  ne  savent  comment  ré- 
pondre aux  objections  qu'on  propose 
contre  la  commune  traditive ,  s'a- 
charnent sur  les  personnes  qui  pro- 
posent ces  objections  :  ils  disent  que 
ce  sont  autant  d'ennemis  cachés  qui 
s'entendent  avec  les  adversaires ,  et 
qui  ne  retiennent  la  profession  exté- 
rieure de  l'orthodoxie  ,  qu'afin  de 
pouvoir  porter  des  coups  bien  plus 
dangereux. 

(F)  //  mourut pendant   que 

son  Argenis  s'imprimait  en  France.  ] 
M.  de  Peiresc  ,son  bon  ami ,  auquel  il 


BARCLAI. 

l'auteur  au-devant  du  livre ,  avec  un 
distique  qu'il  pria  Grotius  d'y  joindre 
(19).  Voici  ce  distique. 


Génie  Caledonius ,  Gallus  nalalibus',  hic  est 
Romain  romano  qui  docel  ore  lu, /m. 

(G)  Voici  pourquoi  sa  veuve  fit  oter 
de  l'église  de  Saint-Laurent  le  buste 
de  son  mari.  ]  Le  tombeau  de  Jean 
Bardai  était  à  la  porte  du  cimetière, 
vis-à-vis  d'un  autre  tombeau  que  le 
cardinal  François  Barberin  avait  fait 
faire  à  Bernard-Guillaume  son  pré- 
cepteur. Les  deux  tombeaux  étaient 
semblables  en  toutes  choses.  La  veuve 
de  Jean  Barclai  ,  choquée  d'une  si 
grande  ressemblance ,  eût  voulu  dé- 
truire le  tombeau  de  son  mari ,  et  ne 
le  pouvant  point  faire  ,  elle  en  fit  du 
moins  ôter  le  buste  qui  étaitde  marbre, 
et  le  fit  porter  en  sou  lo  gis.  Sa  fierté  ne 
put  souffrir  que  son  mari ,  illustre  par 
sa  naissance,  et  plus  encore  par  son 
esprit  et  par  son  érudition  ,  fût  mis  là 
en  parallèle  avec  un  chétif  pédagogue. 
Quod  uxor  Barclaii  mulier  tumido  , 
ut  ajebant ,  animo  atque  elato ,  cum 


vidisset ,  stalim  vin  sut  imaginent  ex 
sepulchro  Mo  ,  quod    totum  démolir/ 
nonposset,  delrahi  jussit  ac  domum 
avait  envoyé  le  manuscrit,  eut  soin    suam  ajrerri  .  qu?>d  acciperet  indigné , 
de  lui  trouver  un  imprimeur  à  Pans    mm    £.   ■         nupta  fuisset ,  gemris 
(17).  Sachons  donc  que  la  première    sp[endore  clarum  ,  Sed  ingenii  et  eru- 

dilionis  famâ  clariorem,  cum  homine 
obscuro,  ac  nulliusferè  ingenii ,  et  ut 
ipsa  dicebat  ,  pœdagogo  ,  compo- 
ni  (20). 

(H)  Plusieurs  croient  que  Jean 
Barclai  fit  profession  en  Angleterre 
de  la  religion  protestante.  )  Le  jésuite 
Ludœraon  Joannes  lui  reproche  que  , 
pendant  qu'il  avait  vécu  à  la  cour  du 
roi  d'Angleterre,  il  avait  été,  ou  héré- 
tique ,  ou  tenu  pour  hérétique.  Il 
ajoute  qu'on  disait  que  ce  prince  se 
servit  de  lui  pour  mettre  en  latin  sa 
préface  touchant  le  serment  de  fidé- 
lité ,  et  pour  la  porter  aux  princes. 
JYam  te  quidem  aliquot  annis  in  aulâ 
régis  ita  versatumferunt,  uthœreticus 
aut  plané  esses ,  aut  haberere  quidem 
certè.  Cui  nonnullam  etiam  latine  red- 
dendd  ,  deferenddque  ad  principes 
prœfatione  ejus  m'onitoriâ  operam  abs 
te  navatam  memorant  (21),  Erythréus 


édition  de  ce  fameux  livre  est  celle  de 
Paris  ,  en  1621.  Il  a  été  traduit  en  di- 
verses langues  ,  en  français  ,  en  an- 
glais ,  en  italien ,  en  flamand  ,  etc. 
Nicius  Erythréus  remarque  que  ce  fut 
pour  satisfaire  la  curiosité  des  fem- 
mes qu'on  le  mit  en  italien.  Les 
louanges  qu'elles  entendaient  donner 
à  ce  livre  leur  inspirèrent  un  désir 
ardent  de  savoir  ce  qu'il  contenait. 
Eddem  ingenii  fecunditate  peperit 
egregium  illud  opus  ,  Argenida  no- 
mine  ,  quod  et  argumenti  novitate  et 
verborum  splendore ,  ac  rerum  varie- 
taie  ,  tantiim  commendalionis  habuit , 
ut  mulierunt  etiam  quœ  illud  miris 
in  cœlum  laudibus  efferri  audiebant, 
ad  cognoscendum  quid  illud  afferret , 
sludia  commoverit  ;  adeb  ut  quidam 
quo  animum  Mis  expleret ,  in  iialicum 
sermonemillud  converteril  (18).  M.  de 
Peiresc  fit  mettre  la   taille-douce  de 

(16}  Eudaemon  Joannes  ,  Epist.  moniloria  ad 
Jo.  Barclaium,  num.  i. 

(17)  Gassendi  Vita  Peireskii ,  pag.  288,  290. 

(18)  Nicius   EryUujeus ,    Pinac.    III,    pag- 


(19)  Gassendi,  Vita  Peireskii ,  pag.  290. 

(20)  Nicius  Erytbrœus  ,  Pinac.  III ,  pag.  81. 

(21)  F.udœm.    Joannes ,    Epistola   monit.    ad 
Barclaium  ,  nwn-   I. 


BÀfcCLÀI. 


«"■osant  pas  dire  positivement  que 
Bardai  fut  hérétique  en  Angleterre, 
ou  du  moins  qu'il  fit  profession  de 
l'hérésie  ,  ne  laisse  pas  d'assurer  , 
comme  l'opinion  de  tous  les  papistes 
de  ce  pays-là ,  que  le  roi  Jacques  se 
servit  de  la  plume  de  Jean  Bardai 
pour  la  composition  du  livre  qui  a 
pour  titre  ,  Funiculustriplex  ,  et  Cu- 
mculus  triplex.  Voici  comme  il  parle , 
Utrum  auteni ,  apud  regem ,  incorrup- 
tam  catholicam  religionem  semper 
conservaient ,  vel  sallem ,  si  non  ani- 
ma ,  specie  tenus  hœreticorum  se  er- 
roribus  oblinierit  ,  incertum  est  nuhi  : 
illud autein  certum  ,  calholicorum  om- 
nium in  Angliâ  fuisse  opinionem ,  re- 
gem illum  in  eo  libro  ,  cui  titulus  est , 
Funiculus  triplex,  et  Cuniculus  tri- 
plex, componendo  ,  usum  fuisse  Bar- 
claio  adjutore  atque  magistro  (aa). 
Personne ,  que  je  sache  ,  n'a  été  plus 
décisif  sur  cette  question  ,  que  l'Im- 
perialis.  Il  dit  nettement  que  Bardai 
embrassa    la    religion   anglicaue,    et 


109 


fession  du  catholicisme.  Il  déclare  pu- 
bliquement qu'il  est  né  et  qu'il  a  tou- 
jours été  catholique  (25),  et  qu'encore 
qu'il  eût,  une  charge  chez  le  roi  Jac- 
ques (26)  ,  il  n'assistait  point  aux 
exercices  de  l'église  anglicane,  et  ne 
s'absentait  point  des  assemblées  des 
catholiques.  J'étais  assidu  ,  dit-il ,  a 
ces  dernières.  Il  prend  à  témoin  les 
ambassadeurs  de  France  et  d'Espa- 
gne, et  leurs  pères  confesseurs,  qui 
étaient  aussi  les  miens,  dit-il.  Voici 
quelque  chose  de  plus  fort.  Il  prend  à 
témoin  le  roi  Jacques  ,  dont  il  se  vante 
d'avoir  obtenu  le  privilège  de  ne  pou- 
voir être  inquiété  sur  sa  religion  ca- 
tholique. Le  roi  Jacqui  s  était  plein  de 
vie  quand  Bardai  publia  ces  choses  , 
les  ambassadeurs  qu'il  prend  à  té- 
moin n'étaient  pas  tous  morts  ,  com- 
ment croire  qu'il  débite  une  fausseté  ? 
11  se  justifie  d'une  autre  chose  dont  on 
l'accusait ,  c'est  d'avoir  été  l'auteur  ou 
le  fauteur  d'un  sanglant  libelle  qui 
parut  contre  le  roi  Jacques,  dès  que 


qu'ensuite  il  l'abjura  ;  mais  qu'on  fut    lui ,  Bardai,  fut  sorti  de  l'Angleterre 


si  mal  persuadé  à  Rome  de  la  sincé 
rite  de  sa  conversion  ,  que  l'on  fit 
ôter  après  sa  mort  l'inscription  et  la 
statue  que  son  fils  avait  fait  mettre 
sur  son  tombeau  (23).  Paul  Freher 
attribue  cela  aux  jésuites  :  Statuant  et 
mscriptionem  quant  ejus  demortuiglo- 
riœfilius  in  templo  Sancti  -  Laurentii 
extra  muros  erexerat  ,  patres  soc. 
Jesu  sublatam  et  delelam  voluerunt 
(a4).  H  est  diflicile  de  savoir  au  vrai 
ce  qui  en  est.  11  se  peut  faire  qu'on 
trouva  parmi  ses  papiers  on  ailleurs, 
de  quoi  connaître  qu'il  était  protes- 
tant dans  le  fond  de  l'âme,  et  que 
là-dessus  on  ordonna  quelque  peine 
contre  son  tombeau.  Il  se  peut  faire 
aussi  que  la  seule  vanité  de  sa  femme 
ait  fait  du  désordre  sur  ce  tombeau  , 
et  que  cela  ait  donné  lieu  à  des  esprits 
soupçonueux  ,  et  à  ces  fainéans  com- 
mentateurs des  bruits  de  ville,  de  trou- 
ver là  du  mystère,  et  une  procédure 
occulte  du  tribunal  de  l'inquisition. 

(I)  .  .  .  Il  ta  nié  publiquement.  ]  Il 
faut  renoncer  aux  maximes  les  plus 
sûres  selon  lesquelles  on  juge  des  faits, 
ou  convenir  que  Jean  Barclai  ne  re- 
nonça point  en  Angleterre  à  la  pro- 

(22)  Nie.  Erythrseus  ,  Pinac.   III,  pag.  77. 

(23)  Imperialis,  in  Musse,  historiée 

(34  Fieherus  ,  in  Theatro ,  pa$.  i5i5.  Il  cite 
Imperialis  et  Tomasin. 


Enfin  il  déclare  qu'il  révoque  certai- 
nes doctrines  qui  sont  dans  le  livre 
qu'il  avait  écrit  coufre  le  cardinal 
Bellarmin.  11  n'oublie  point  de  dire 
qu'il  était  sorti  avec  bon  congé.  JVe- 
que  furtum  mei  feci  :  impetrald  régis 
pace  publiée  cum  familid  a  Britan- 
niœ  ordsolt'i. 

(K)  Quelques-uns  de  ses  livres  ont 
eu  quantité  d'admirateurs.  ]  Voyez 
dans  les  livres  de  MM.  Pope  Blount 
(27)  et  Baillet  (28)  ,  plusieurs  beaux 
éloges  qui  ont  été  donnés  à  Barclai. 
Le  plus  grand,  sans  contredit,  serait 
celui-ci,  eu  égard  à  la  qualité  d'au- 
teur. On  a  débité  que  le  cardinal  de 
Richelieu  ne  cessait  de  lire  l'Argenis, 
et  que  c'était  de  ce  livre  qu'il  tirait 
les  conseils  et  tous  les  expédiens  poli- 
tiques avec  quoi  il  mil  la  Fiance  dans 
une  si  avantageuse  situation.  Ad  im- 
mortalilatem    Bardait    una    sujfficict 

(i5)  In  Prafat.  Paisenesis  ad  sectarios.  Ce 
livre  fut  imprime'  l'an  1617. 

(26)  In  régit  familid  etse inter  domesti- 

cos.  Erytliréus  dilque  le  roi  le  fil  son  secrétaire; 
ab  Epistolia  ,  el  consilioriira  omnium  part"  iptra 
babait.  Freber  qui  cite  Imperialis  et  Tornuin, 
<lu  que  ta  charge  était  celle  de  gentilhomme  de 
la  Chambre ,  titulo  nobilis  cobicnJi  regii  ho- 
nestalus. 

{27)  Censura  Authorum,  pag.  655. 

(28)  Jugerccas  sur  les  Poules,  lom  IK, 
p"o-  ifc. 


110  BARCLAI. 

•Hius  Argents,  quam  Richelœus  cevi    »  il  a   ë 


nostri  miraculum  assiduis,  ut  aiunt 
(29)  ,  versabat  manibus  ,  habebatque 
quasi  prœcepliicem  ac  directricem  il- 
lius  regiminis  quo  deinceps  Galliam 
venerabilem  juxtà  terribiletnque  gen- 
libus  cœteris  j'ecit  (3o). 

(L) et  n'ont  pas  manqué  de  cen- 
seurs. ]  Nous  avons  vu  le  distique  que 


.„  remarque  ,  Jeau  Bardai 
3>  n'avait  que  vingt-un  ans,  quand  il 
»  fit  imprimer  la  première  partie  de 
»  cette  satire.  Son  Argenis  ,  qui  a  été 
»  écrite  dans  un  âge  plus  avancé  ,  est 
»  mieux  écrite  ;  et  si  on  en  croit  celui 
»  qui  a  écrit  la  vie  de  Jean  Bardai  , 
>.  imprimée  au-devant  de  PArgems , 
le   cardinal   de  Richelieu  estimait 


Grotius  composa  pour  être  mis  sous  le    »  extraordinairement  cet  ouvrage.  Il 
portrait  de   Bardai  (3i).  C'est   nu    »  me  reste  à  remarquer  qu'un  reli- 

»  gieux  bénédictin  ,  nommé  Bugnot , 


grand  éloge  du  style  latin  de  cet  au- 
teur. Tout  le  monde  n'a  point  ap- 
prouvé ce  style.  «  L'auteur  anonyme 
»  du  livre  intitulé  Censura  Euphor- 
»  mionis  ,  imprimé  à  Paris  en  1620  , 
»  parle  du  style  de  FEuphormion  en 
»  ces  termes  :  Et  quod  miretur  aliquis, 
j>  latinllas  quoque  ipsa  romanas  aures 
»  peregrinilale  radit,  et  veteris  sapo- 
»  ris  imbutum  palatum  offéndit.  On 
»  croit ,  pour  le  marquer  ici  en  pas- 
»  sant,  que  Seton,  Ecossais,  est  lau- 
»  teur  de  ce  petit  livre-  Joseph  Scah- 


»  qui  régentait  la  rhétorique  dans 
»  Fabbaye  de  Tiron  ,  a  fait  des  notes 
»  latines  sur  cet  ouvrage.  Ces  notes 
»  ont  été  imprimées  à  Leyden,  en 
»  16^4  ,  avec  l'Argenis  (34).  » 

C'est  la  moisson  du  savant  M.  Mé- 
nage :  voyons  si  l'on  pourra  trouver 
des  glanures  après  lui,  et  commen- 
çons par  ces  paroles  de  Balzac  :  Un 
académicien  de  Rome  ,  confident ,  et  , 
comme  il  parlait ,  intrinsèque  du  re- 
doutable  Sciopius  ,   sachant   l'amitié 


»  teur  de  ce  peui  "vie- jua«.i»"  ""«"  aouiaute   uci«p»  ,   ■>««-'««<"•  «■  "»""~ 

»  ger,  dans  une  de  ses  lettres  à  Charles  qUi  etaj(  entre  M.  Bardai  et  moi,  et 

»  Labbé  ,  qui  est.  la  3 11e.  de  ses  let-  l'amour  que  j'avais  pour  son  Argenis, 

»  très,  ne  parle  pas  plus  avantageu-  afin  tje  modérer,  disait -il,  la   vio- 

«    sèment  de  cette   satire  de  Bardai,  ience  de  ma  passion  ,   s'offrit   a  me 

«   Quanti  Euphormionem  Barclœi  fa-  montrer  dans   cette  nouvelle   histoire 

»  ciam  ex  eo  cognoscere  potes  ,  quod  quenous  avions  écrite  a  la  main,  quinze 

•»  vix  sex  folia  ejus  légère  potuerim.  cenls   impropriétés  de  compte  fait,  et 

»   C'est  ainsi  que  porte  l'original  de  jene  sais  combien  de  péchés  originels  , 

»  cette  lettre,   que  j'ai  vu  entre  les  et  Je  locutions  étrangères  (35).  Sorel. 

»  mains  de  Charles  Labbé;  car  dans  Fé-  ennemi  de  Balzac  jugeait  comme  lui 

»  ditiondeslettresdeScaliger,aulieu  du  style  de  l' Argenis.  En  ce  qui  est  de 

3)  à Euphormionem  Barclœi,  il  y  a  un  l' Argenis  ,  dit-il  (36),  si  l'on  estime 

»  astérique.  Il  en  parle  à  peu  près  de  son  langage,  je  yais  bien  au  contraire , 

»  la  même  façon  dans  ses  Scaligerana  car  Hy  a  une  infinité  de  nouveaux 

a  secunda  :  Il  y  a  un  pédant  h  An-  mots  >   qU{    n'eurent  jamais    cours  h 

»  ger  s  ,  qui  a  fait  un  Satyricon ,  qui  j{ome  .  de  sorte  que  si  Sallusle  reve- 

»  au  commencement  semble  être  quel-  nait  au  monde ,  à  peine  les  pourrait-il 

»  que  chose ,  mais  puis  ce  n'est  rien  entendre.  11  prétend  ne  suivre  en  cela 

»  du  tout  (3a).  Pierre  Musnier,  cha-  que  l'opinion  des  plus  doctes ,  jusque- 

»  noine  de  Vezelai  ,  a  répondu  au  h-  /;,  même  qu'il  y  a  eu  quelqu'un  qui  a 

j)  vre  intitulé  Censura  Euphormionis,  jit  que  Bardai  parlait  plutôt  j  tançais 

»  par  un  autre  livre  intitulé  Censura  qUe  latin  (37).  11  ne  se   contente  pas 

»  Censurœ  Euphormionis  ;  mais  il  y  a  <je  blâmer  le  style ,  il  condamne  aussi 
j.  mal  répondu  ,  et  c'est  vraisembla- 

»  blement   ce  qui   a  obligé  Jean  Bar-  i0n  Eupbormion,  qu'il  dédia  h  Charles  Ema- 

»    dai  d'écrire  lui-même  l'Apologie  de  nuel   duc   de   Savoie.    Comment  peut-il  dire  u, 

,)    Ciai  a  écrire  lui  uc                m        &     _„  que  la  méchante  réponse    qui  fut  faite   a   une 

»  son  Euphormion  (33) .  Mais,  comme  £ensure >  impnme-e  'fan  ,620 ,  obligea  Barda: 

à  faire  lui-même  son  Apologie? 


(29)  Voila  un  on  dit  qui  a  l'air  d'une  grande 

fable.  „       .  .  ,  j 

(30)  Dans  la  Vie  de  Bardai,   au-devant  de 
Z'Argenis. 

(3i)  Voyez  la  fin  de  la  remarque  (F). 

(32)  Voyez  les  secondes  Additions  de  Si.  Mé- 
nage, à  la  Vie  de  P.  Ajraiiit ,  pag.  53g. 

(33)  M.  Ménage  a  du  dans  la  page  lit ,  que 
Bardai  publia  a  Londres  en  1610  ,  /'Apologie  de 


(34)  Ménage,  remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Ayranlt,  pag.  232,  233. 

(35)  Discours  seizième  parmi  les  OEuvres  di- 
verses ,  pag.  4°5- 

(36)  Berger  extravagant,   liv.  XIII ,  pag.  8j 
(3t)  Sorel,  remarques  sur  le  Berger  extrava- 
gant, pag.  G98.   Voyez  aussi   sa  BMiotlieque 
française  ,  pag.  182. 


BARC 

1  économie  de  l'ouvrage  ,  et  il  fait  le 
procès  à  l'Euphormion  fort  durement 
(38).  C'est  une  histoire d' un  homme  Je 
basse  qualité,  dit-il  (09) ,  mais  elle  est 
extrêmement   niaise..  ...    «    Ce    qui    a 
j>  donné  cours  à  ce  livre  a  été  qu'il  est 
"»  en  latin  ,  et  que  Ton  n'avait  pas  ac- 
»  coutume  de  voir   des  romans  mo- 
»  dernes  en   cette  langue  ;  mais  Ton 
m  n'a  pas  considéré  aussi  qu'il  vient 
y  bien  pour  l'auteur  ,  de  n  avoir  pas 
v  écrit  en  langue  vulgaire,   pour  ce 
»  que  l'on  ne  remarque  pas  qu'il  n'en- 
)>  tend  rien  à  faire  parler  chaque  per- 
»  sonnage  selon  son  esprit  ,  ce  qui  est 
j)  la  grâce  d'une  satire.  Il  a  au  lieu 
v  force  discours  pédantesques,  et  fera 
»  parler  un  valet  avec  les  termes  d'un 
»  maître   d'école    qui    sait    l'histoire 
»  grecque  et   latine   :   tellement  que 
3)  tout  cela  étant  considéré  avec  la 
■»  bassesse  des  aventures  ,    l'on   voit 
«  que    la   Satire    d'Euphormion    est 
»  louvrage    d'un    écolier    qui    com- 
»  meuce  à  se  déniaiser  (4°)-  »  Quand 
il  fut   devenu   vieux  ,    il   adoucit  un 
peu  sa  critique  ,  mais  il  conserva  du 
dégoût  pour  l'Eupliormion  (40-  Cette 
Satire,  a  été,   dit-il  (4^),   composée 
en  latin  par  Jean  Bardai ,  et  traduite 
en  français  par  Jean   Berault ,   doc- 
teur  en    médecine  de   la  faculté  de 
de  Paris.    On  y  trouve  beaucoup  d'é- 
rudition, avec  des   censures  de  quel- 
ques vices  du  siècle  ,  mais  l'invention 
n'en  est  pas  des  plus  ingénieuses  et  des 
plus  agréables  qui  se  puissent  trouver. 
Nous  avons  déjà  vu  ce  que   Scaliger 
pensait  de  l'ouvrage  même  d'Euphor- 
mion. Voici  le  jugement  qu'il  faisait 
du  style  :  lly  a  bien  des  fautes  que  tout 
le  monde  ne  connaîtra  pas  ;  comme  aux 
vers  de  M.  de  Bèze  ,  il  y  a  beaucoup 
de  gallicismes  (43).    N'oublions   pas 
que  ce  livre  eut  le  même  sort  que  le 
Traité  de  la  Puissance  du  Pape  :  il  fut 
condamné  par  l'inquisition.  Le  décret 
ordonne  qu'on  en  retranchera  certaines 
choses  :  mais  Nicius  Erythréus  m'ap- 
prend qu'il  fut  fait  défense  aux  librai- 
res de  le  vendre  ,  et  à  tous  les  particu- 

(38)  Sorel,  liv.  XI II  du  Berger  extravagant, 
et  aux  remarques  sur  le  XI IIe.  livre  et  ailleurs. 

(3çj)  Remarques  snr  le  Berger  extravagant, 
pas.  763. 

(4oj  La  nietne,  pag.  ^65. 

(40  Bibliothéq.  franc.  ,  pag.   182. 

(4a)  Bibliothéq.  franc.,  pag,  ig'i.  Vv^ez  lajin 
du  texte  de  cet  article. 

(43)  Scaligerana,  pag.  2Ï. 


LAI.  m 

liers ,  de  le  garder  et  de  le  lire  ;  et 
qu'avant  cela  ,  il  en  avait  lu  quelque 
chose.  Partent  Euphorntioms  dégusta- 
vi  tum  ,  cùtn  nondum  lata  lex  erat ,  ne 
bibltopolœ  cuipiam  liceret  eum  vende- 
re,  aul  cuiquam  domi  habere  aut  lé- 
gère (44)-  Qu'on  remarque  bien  ces 
paroles ,  et  qu'on  les  compare  avec 
quelques  autres  qui  sont  à  la  page  77. 
on  sera  surpris  que  la  cour  de  Rome 
ait  tant  méprisé  la  congrégation  de 
l'Index  :  on  verra  que  Jean  Bardai  fut 
reçu  à  Borne  avec  cent  caresses,  et 
qu'il  reçut  du  pape  de  grands  bien- 
faits ,  à  cause  de  la  réputation  qu'il 
s'était  acquise  par  l'Kuphormion.  Ro- 
mam  ventt  ,  ubi  càm  pro  eo  quotl  ex 
Eufhormione  ,  quem  ediderat ,  celebra- 
tttm  ejus  nomen  esset  ,  est  ab  omnibus 
humaniler  exceptus  ,  et  a  Paulo  V , 
qui  tutn  romanam  ecclesiam  pontifex 
adminislrabal ,  bonis  omnibus,  quibus 
spontè  se  exuerat ,  amissis  ,  in  victu  , 
vestilu  ,  ac  céleris  omnibus  ad  vitam 
necessariis ,  magnificè  ac  liberaliler 
habitus  (45).  M.  Ménage  a  critiqué  une 
chose  dans  l'épître  dédicaloire  de  l'Ar- 
genis  (46).  Bardai,  s'adressant  au 
roi  Louis  XIII ,  lui  dit  que  le  prince 
dont  il  était  né,  méritait  que  pendant 
sa  vie  on  lui  donnât  le  surnom  de 
Grand  qui  ne  lui  fut  conféré  qu'après 
sa  mort.  Eo  es  parente  genittts ,  qui 
vel  confessione  hostium  ,  sœculi  sui 
summus  Magni  cognomen  ferre  vivus 
débiterai ,  quod  vos  modestiùs  extincto 
addidistis  (47)-  C'est  un  mensonge  : 
le  père  même  de  Jean  Bardai ,  en  dé- 
diant son  livre  de  Regno  à  Henri  IV, 
l'an  1609  '  Ie  traite  de  Henriccs  Mao- 
nos.  M.  Ménage  confesse  qu'il  doit 
cette  observation  à  M.  Nublé  *. 

(M)  On  veut  qu'il  ait  été  chagrin  de 
se  voir  si  peu  avancé.  }  L'auteur  de  la 
version  italienne  de  l'Argenis  avoue 
que  les  bienfaits  de  Paul  V  et  de 
Grégoire  XV  ne  furent  nullement 
proportionnés  au  mérite  de  Jean  Bar  - 

(44)  Niciu»  Erythraeus  ,  Pinac.  III,  pas.  "J\. 

(45)  Idem,  ibid.,  pag.   -*. 
(4'>;  Ménage  ,  remarques  sur  la  Vie  d*Ayrault, 

fag.  a3i. 

(47)  Barclai  ,  Epi, t.  ded.  Argeniil. 

"  A  l'appui  de  l'opinion  île  Mai  le  ,  Lcclerc  rap- 
porte que,  lurs  île  l'eutree  de  Menu  IV  .i  Lyon 
en  i5t)5 ,  lare  de  triomphe  ilreisé  par  le*  comtes, 
à  l'entrée  de  leur  cloître  .  portail  UerWieo 
magna  ,  GàUiarum  et  JSa  ,n-  a  régi.  Ilcn- 
r.  IV  eut  donc  le  litre  de  Grand  dès  le  seinèmï 
siècle. 


BARCOCHEBAS. 


sectarios,  fut  imprimée  l'an  1617.  Grc 
goire  XV  11c  fut  élu  qu'en  1621.  70.  I! 
ajoute  que  Barclai  publia  aussi  en  ce 
temps  -  là  Ylcon  Animorum.  Cela  est 
faux.  Cet  ouvrage  fut  imprimé  à  Lon- 
dres, en  1614  ,  deux  ans  avant  que 
l'auteur  allât  à  Rome. 

(0)  On  n'a  pas  dû  dire  qu'il  fut  en- 


112 

clai  ,  soit ,  dit-il  (48) ,  que  la  fortuite 
se  plaise  à  persécuter  partout  la  vertu, 
soit  que  le  pape  se  souvînt  que  la 
pauvreté  est  la  véritable  mère  de  la 
science  (49)-  Il  insinue  que  Barclai  n'é- 
tait pas  bon  économe  ,  et  que  sa  nom- 
breuse famille ,  et  son  humeur  libé- 
rale ,  le  réduisaient  un  peu  à  l'étroit. 

lvi  dunque  si  tratleneva  il  Barclaio  voyé en  ambassade.]  Un  élogiste  ,  un 
con  facolta  non  poco  anguste  rispetto  faiseur  de  vies,  se  jette  trop  volontiers 
lanumerosafamiglia,eglisuoispi-  sur  les  grands  mots.  Qu'un  prince 
rili  generosi.  Barclai ,  dans  des  vers  choisisse  quelqu'un  pour  porter  quel 
latins  où  il  introduit  sa  femme  qui  que  paquet  d'importance,  vous  verre/, 
se  fait  peindre,  ne  se  donne  que  deux  bientôt  qu'un  voyage  de  courrier  sera 
garçons.  Dans  sa  vie  latine,  on  cite  ces  convertiendéputation extraordinaire, 
vers,  pour  prouver  qu'il  avait  deux  ou  même  en  vraie  ambassade.  Je  veux 
garçons  et  une  fille.  Quel  jugement  !  croire,  que  si  les  présens  d'auteur 
(N)  On  a  parlé  confusément  de  ses  que  le  roi  Jacques  fit  aux  princes  fu- 
ouvrages  dans  le  Dictionnaire  de  Mo-    rent  confiés  à  Barclai  ,  ce  ne  fut  pas 

comme  à  un  simple  porteur  ;  on  lui 
rendait  assez  de  justice  pour  donner  à 
la  commission  quelque  sorte  d'agré- 
ment; mais  enfin  ce  message  fait  si 
peu  de  bruit ,  que  c'est  se  moquer  du 
inonde  que  d'oser  dire  :  lllius  (  régis 
Magnae  Britanniaj)  nomine  legationes 
obivil  ad  Rodolphum  imperatorem ,  ad 
Matthiam   Pannonïœ   regem ,   et    ad 


réri.'J  i°.  J'ai  déjà  dit  dans  les  remar- 
ques (B)  et  (C),  que  cet  auteur  a  con- 
verti une  pièce  de  poésie  en  une  ha- 
rangue; 20.  et  qu'il  a  mis  faussement 
à  Rome  la  scène  du  mariage  de  Jean 
Barclai  ;  3°.  et  sa  naissance  à  l'an- 
née i586.  4°-  Il  a  tort  de  cr°ire  que 
le  Satiricon  Euphormionis  de  Barclai 
contienne  cinqlivres.  Proprement  par- 
lant, il  n'en  contient  pas  plus  de  deux;    Emanuelem  Philibertum  (5o)  ,  ducem 
car  le  IIKn'estque  l'apologie  des  deux    Allobrosum  (5i). 
autres  :  le  Ve.  n'est  point  de  Barclai,        (P)    On   a  traduit  en  français  son 
mais  de  Morisot,  et  le  IVe.  n'est  point    Euphormion  et  son  Argenis.  ]  J'ai  dé- 


puisqu'il  a  parlé  de  cet  Icon  animo- 
rum  comme  d'un  ouvrage  qui  n'avait 
rien  de  commun  avec  les  cinq  préten- 
dus livres  du  Satiricon  Euphormionis. 
6°.  Si  je  ne  me  trompe,  tous  les  ou- 
vrages publiés  par  Jean  Barclai  contre 
ceux  de  la  religion  se  réduisent  à  la 
Parœnesis  ad  sectarios  ,  qu'il  apporta 
toute  faite  en  Italie ,  et  qu'il  publia  à 
Rome  dès  qu'il  y  fut  arrivé.  Néan- 
moins M.  Moréri  nous  conte  que  Bar- 
clai publia  des  livres  contre  les  protes- 
tans,  pendantla  vie  mélancolique  et  so- 
litaire qu'il  menait  à  Rome,  au  milieu 
des  bienfaits  de  Paul  V  et  de  Grégoire 
XV,  son  successeur.  La  Parœnesis  ad 


cette  version  fut  imprimée  à  Paris , 
l'an  1640,  in-80.,  et  qu'elle  avait  été 
précédée  de  deux  autres,  dont  les  au- 
teurs ,  de  peur  de  s'attacher  trop  su- 
perstitieusement au  mot  pour  mot  , 
avaient  laissé  l'ouvrage  pour  le  moins 
aussi  difficile  qu'il  était  (53).  Berault 
a  mis  une  clef  et  un  commentaire  à 
la  fin  de  sa  version.  La  traduction  de 
V Argenis  a  été  imprimée  à  Pans  , 
chez  N.  Buon  ,  en  1624  ?  in-8°.  ;  mais 
le  traducteur  ne  s'est  point  nommé. 

(5o)  Le  duc  de  Savoie  en  ce  temps-là  s'appe- 
lait Charles-Emmanuel. 

(5i)  Voyez  la  Vie  de  Barclai,  au-devant  de 
Z'Argéois. 

(!>2)  Ci-dessus ,  citation  (3î). 

(53)  Voyez  l'avertissement  du  libraire,  au- 
devant  de  la  traduction  de  Berault. 


BARCOCHEBAS,  ou  BARCO- 


(48)  Francesco  Pona  ,  dans  la  Vie  de  Jean 
Barclai. 

(4q)  Cette  proposition  est  bien  incertaine ,  et 
souvent  tres-fausse.  Voyez    le 

Haud  facile  emergunt quorum  virtutibus  obstat     CHAB  (fl),    exClta  mille  désordre 

Kes  angustadomi...  et  curta  suppellex  .  , 

j     t      •     1     •    ,„c„„.n[     „r    ,fi/.     F„™,         f«)   C'esl- à-dire,   Fils  de  l'Etoile.  II  s'ap 
de   Ju-veual,  a   ta  Satire  111,   vs.    104.    rojez         ,     '     ■      „  ,       1       i-  j  „    w„.,a..„. 

aussi  la  Satire  VII  a»x  vS.  56  c{««V.  />«?««»«  oracle  du  livre   des  Nombie» 


BARCOCTIEBAS.  n3 

dans  la  Judée  par  ses  impostu-    bouche,  afin  qu'il  parût  vomir 
res,  et  attira  sur  sa  nation  une    des  flammes  (C).  Il  se  fortifia  en 
horrible  calamité  sous  l'empire    divers  endroits  ;  mais  il   choisit 
d'Hadrien.  C'était  un  Juif ,  qui  se    la  ville  de  lîitter   pour   sa  place 
débita   pour   le   Messie,    et  qui    d'armes,  et  pour  le  siège  de  son 
trouva  un  fameux  rabbin  qui  ap-    empire.  On  dit  que  pour  éprouver 
plaudit    à   cette    impie   préten—    le   courage  de   ses  sectateurs    il 
tion  (b).    Ce   faux   Messie   s'ac-    demandait  qu'ils   se   coupassent 
commoda  merveilleusement  aux    un  doigt  ;  et  que  sur  les  remon- 
préjugés  de  ce  misérable  peuple:    trances  qui  lui  furent  faites ,  il 
il  ne  parla  que  de  guerres,  que    fit  cesser   cette  épreuve,    et  se 
de  batailles  ,  que  de  triomphes;    servit  d'une  autre  invention  (D). 
et    la    première    leçon    de    son    II  ravagea  une  infinité  de  lieux , 
Evangile  fut  qu'il  fallait  se  sou-    et  massacra  une  infinité  de  gens: 
lever  contre  les  Romains.  Il  eut    il  était    principalement  barbare 
d'autant  moins  de  peine  à  per—    envers  les  chrétiens  (E).  L'em- 
suader  cette  doctrine  ,  qu'il  prit    pereur  averti   de  ces  ravages  en- 
son  temps   lorsque   le  zèle  de  la    voya  des  troupes  à  Rufus,  gou- 
religion  mettait    les  Juifs    dans    verneur  de  la  Judée ,  avec  ordre 
une  colère  ardente  contre  l'empe-    d'étoulfer     promplement     cette 
reur.  Ce  prince  venait  de  fonder    sédition  (d).  Rufus  ,  pour   obéir 
une  colonie  proche  de  Jérusa-    à  cet  ordre ,  exerça  mille  cruau- 
lem  (c),    et  d'y   établir   l'idolâ-    tés,  et  néanmoins  il  ne  put  venir 
trie.    Les  Juifs  regardaient  cela    à    bout    de    son     entreprise.    Il 
comme  une  abomination  insup-    fallut  que  l'empereur  retirât  de 
portable,  et  comme  une  profa-    l'Angleterre  Julius  Sévérus  ,    le 
nation     prodigieuse    des     saints    plus     grand     capitaine     de     ce 
lieux;  c'est  pourquoi  ils  avaient    temps-là,  et  qu'il  lui  remît  tout 
beaucoup  de  disposition  à  se  sou-    le    soin  de   cette   guerre  (e).    Ce 
lever.  Quelques-uns  prétendent    général  vint  à  bout  des  Juifs  , 
qu'on     leur     avait    défendu     la    sans  les  attaquer  en  pleine  cam- 
circoncision  (A)  :  c'était   les  vio-    pagne.    11    prit    le    parti    de    les 
lenter    en    leur    conscience.    Le    attaquer  d'une   autre  manière  , 
Talmud  allègue  une  autre  raison    tant  à  cause  de  leur  grand  nom- 
de  leur  prise  d'armes  (B).  On  dit    bre,   que  parce   qu'il    les  voyait 
que  leur   imposteur   employa  la    faire  la  guerre  en   désespérés.  11 
même  ruse  qu'Eunus  avait  pra-    aima    donc    mieux    les    charger 
tiquée   dans  la  Sicile  ,  pour  in-    séparément,   leur  couper  les  vi- 
spirer  aux  esclaves  la  résolution    vies  ,   les  renfermer   et  les  res- 
de  se  révolter;  c'est-à-dire,  qu'il    serrer  (f)  :  et  enfin  ,    tout   fut 
allumait    de    la    paille    dans    sa    réduit  au  siège  de  Bitter,  l'an  18 

d'Hadrien  (g).  Le  grand  nombre 

chap.  XXI V,   vs.   17.  Une  étoile  sortira  de 

Jac"b-  '/    F.useb.,    H15t.   eccleswst.  ,   lit.  IV, 

(b)  Il  se  nommait  Akiba.  Voyez  son  ap-  cay.  VI ,  pat,'.  n8- 
*"'''•  e     \i|>lnl. ,  in  Adriano. 

(c     Qu'il  nomma  JElia  Capilolina  ,  Je  son  (f     Idem  .    ibidem. 

nom  et  de  celui  ,1e  Jupiter  Capitol  in  .  auquel  J,-:    Cat  le  1  J '|    Je  JésuS-CklïSl .    ou   en- 

il  y  fil  bâtir  un  temple.  ,'irun 

TOME    II (.  8 


i,4 


BARCOCHEBAS. 


de  Juifs  qui  se  jetèrent  dans  cette  cela  (m).  Quelques-uns  préten- 
villefutcausequ'ilssedéfendirent  dent  qu'il  y  a  eu  deux  Barco- 
long-temps ,  et  que  la  disette  les  chebas,  l'un  sous  Tite,  et  l'autre 
soumit  à  de  dures  extrémités  {h),  sous  Hadrien  ;  et  que  le  premier, 
Après  la  prise  de  cette  ville,  la  n'ayant  pu  soutenir  l'épreuve  à 
guerre  ne  finit  pas  entièrement;  quoi  on  le  mit ,  fut  tué  comme 
mais  elle  ne  dura  pas  beaucoup  :  un  imposteur  et  un  faux  Messie. 
Barcochebas  y  périt  (/),.  et  les  Dès  qu'il  se  fut  vanté  d'être  le 
Juifs  n'ont  pas  manqué  d'in-  Messie,  on  lui  allégua  un  passage 
venter  des  fables  là-dessus  (F),  de  l'Écriture  qui  porte,  selon  la 
La  manière  dont  Hadrien  dis-  glose  des  Juifs ,  que  le  Messie 
persa  les  restes  de  cette  malheu-  saura  discerner  par  l'odorat  si 
reuse  nation  fut  désolante  (G),  un  accusé  est  innocent  ou  cou- 
Mais  il  ne  faut  pas  ajouter  foi  à  pable  (»)  (L)  ;  et  comme  on 
tous  les  contes  des  rabbins  sur  trouva  que  ce  prétendu  Messie 
ce  sujet  (H).  Cette  guerre  coûta  n'avait  pas  le  nez  assez  bon  pour 
beaucoup  de  sang  aux  Ro-  faire  ce  discernement ,  on  le 
mains  (A).  Si  je  rapporte  dans 
les  remarques  plusieurs  faits  qui 
concernent  cette  guerre ,  c'est 
parce  que  l'article  d'Hadrien 
renvoie  ici  mon  lecteur ,  et  il  a 
fallu  se  servir  de  ce  renvoi ,  afin 
que  l'article  de  cet  empereur 
fût  moins  prolixe.  Les  auteurs 
juifs  supposent  qu'Hadrien  fut 
en  personne  à  cette  guerre  (I) , 
qu'il   assiégea    et    qu'il    prit   la 

ville  de  Bitter ,  et  qu'il  disputa 

avec  un  rabbin  sur  le  dogme  de 

la   résurrection   des   morts  (K). 

Le  fait  est  curieux  :  on  le  verra 

dans  les  remarques.  Eusèbe  sup- 
pose qu'Hadrien  fit  cette  guerre 

par  ses  lieutenans  (/).  On  peut 

au  moins  tenir  pour   très-faux 

qu'Hadrien     ait    commandé    en 

Judée,  les  troupes  de  Trajan  son 

oncle,   lors  de    la   rébellion    de 

Barcocbebas.      L'bistorien     juif 

David  Gans  s'est  fort  trompé  en 


{h)  Euseb. ,  Ilist.  ecclésiast. ,  lib.  IV , 
cap.  VI,  pag.  118. 

(ï)  Idem,  ibid. 

(k)  Voyez  la  remarque  (E). 

il)  Eusebius,  Hist.  ecclésiast,  lib.  IV, 
cap.  VI. 


mit  à  mort.  Ce  sentiment  n'est 
pas  fort  suivi  {0). 

(m)  Tandem  Trajanns  imperalor  misit 
Adrianum- sororis  suœJHium  (celle  parenté 
e^  fausse  )  ducem  exercitus  contra  ipsos. 
David  Gans,  in  Germine  Davidis,  ad  ann. 
388o,  apud  Lent,  de  Pseudo-Messiis ,  pag.  6. 

(n)  Esaie,  chap.  XI,  vs.  3. 

(o)  Nodius,  deVitâ  et  Geslis  Herodum  , 
pag.  3qi,  soutient  ce  sentiment.  Lent  le  re- 
jette ,  pag.  \l\  de  Pseudo-Messiis. 

(A)  Quelques-uns  prétendent  qu'on 
avait  défendu  aux  JuiJ's  la  circonci- 
sion. ]  Spartien  attribue  à  cette  de'- 
fense  leur  soulèvement  :  Moverunt  eu 
lempestate  et  Judœi  bellum  qubd  ve- 
tabanturmuidare  genitalia  ( ï  ) .  Il  n'est 
pas  hors  d'apparence  qu'on  leur  dé- 
fendit de  circoncire  leurs  enfans  , 
vu  que  nous  lisons  dans  Modestin  , 
qu'ils  obtinrent  d'Antonin  Pins  la  li- 
berté de  le  faire  :  on  les  avait  donc 
inquiétés  sur  ce  chapitre,  et  ils  avaient 
été  oblige's  de  recourir  à  la  justice  de 
l'empereur.  Circumcideie  Judœis  fo- 
lios suos  tantùnt ,  rescriplo  divi  Pu 
permillitur  :  in  non  ejusdem  religionis 
qui  hoc  Je  ce  rit ,  castrantis  peena  irro- 
gatur  (2).  L'arrêt  qu'ils  obtinrent 
semble  dire  qu'ils  circoncisaient  dans 
l'occasion  les  enfans  qui  n'étaient 
point  nés  de  leur  secte.  Cela  leur  fut 
défendu  sous  les  peines  établies  contre 
la  castration. 

(1)  Spart.  ,  in  Vilâ  Adriani,  cap.  XIV. 

(2)  Wotlc=linus  ,  Ubro  Res;ularum  ,   apud  Ca- 
saubomim  in  Sparliani  AJrian. ,  cap.  XIV. 


BARCOCHEBAS.  ,,5 

(B) Le  Talmud  allègue  une  au-  immô  fulmineus  ,  qui  in  loquendoful 

tre  raison  Je  leur  prise  d'armes.  ]  On  minas,  clique  ut  ille  liarchochebas 
conte  que  les  Juifs  avaient  de  coutume  auctor  sedilionis  Judaïcœ  stipulant  tu 
de  planter  un  cëdre,  quand  il  leur  ore  succensam  anhelitu  ventitabat ,  ut 
naissait  un  fils  ,  et  de  planter  un  pin  Jlammas  evomere  videretur  (5).  Voilà 
quand  il  leur  naissait  une  fille  ;  et  de  un  homme  dont  les  paroles  étaient  feu 
se  servir  du  bois  de  ces  arbres  pour  et  flamme,  tant  au  propre  qu'au  fi- 
faire  le  lit  nuptial  lorsque  leurs  enfans  garé.  Quant  à  Eunus  ,  voici  ce  que 
se  mariaient.  On  ajoute  que  dans  un  Florus  en  a  dit:  Sjrus  quidam,  no- 
voyage  que  la  fille  de  l'empereur  fit  mine  Eunus  (magnïludo  cladium  facit 
en  Judée  ,  une  pièce  de  son  chariot  ut  meminerimus)  fanalico  furore  si- 
se rompit ,  et  que  ses  gens  coupèrent  mulato  dura  Syriœ  deœ  comas  jactat , 
un  de  ces  cèdres  ,  et  le  lui  portèrent;  ad  libellaient  et  arma  servos  quasi. 
que  les  Juifs  ne  purent  souffrir  cela;  numinum  imperio  concitavit ;  idque 
qu'ils  se  soulevèrent,  et  qu'ils  tuèrent  uldivinilusfieri  probaret ,  in  ore  abdi- 
ceux  qui  avaient  abattu  cet  arbre,  tu  nuce ,  quant  sulphurc  et  igné  slipa- 
L'empereur  ayant  appris  que  les  Juifs  verni,  leniler  inspirons  flammam  inter 
s'étaient  révoltés  marcha  contre  eux  verbafundebat  (6).  C'est  un  exemple 
en  grande  colère,  et  les  extermina,  qui  apprend  aux  souverains  combien 
Ob  crus  carpenti  t'astata  est  Bethara.  sont  à  craindre  dans  un  état  ceux  qui 
In  more  fuit  ut  cùm  nasceretur  infans  se  vantent  d'inspiration.  Ce  fripon-là  , 
plantarct  cedrum  ,  citm infantula  ,  pi-  en  contrefaisant  le  fanatique,  fit 
nuni  ;  cùmque  nati  contralierent  matri-  prendre  les  armes  à  plus  de  soixante 
monium  ex  Us  conficerent  thalamum.  mille  hommes ,  et  donna  beaucoup  de 
Die  quddam  transiitjilia  Cœsaris  ,  et  peine  au  peuple  romain. 
confractum  est  ei  crus  carpenti.  Ce-  (D)  On  dit  qu'il  éprouvait  ses  sec- 
drum  istius  modi  exciderunt  atque  ad  tateurs ,  en  les  obligeant  à  se  couper 
eam  allulerunt.  Insurrexerunl  in  eos  un  doigt....  et  qu'il  se  servit  d'une  au- 
Judœi  atque  eos  ceciderunt.  Belatum  tre  invention.  ]  On  conte  qu'il  traînait 
est  Cœsari  rebellare  Judœos.  Projec-  après  lui  deux  cent  mille  hommes, 
tus  ille  in  eos  iracundus  ,  excidit  to-  qui  s'étaient  coupé  un  doigt  pour 
lunt  cornu  Israëlis  (3).  Les  Juifs  se-  faire  preuve  de  courage.  Les  sages, 
raient  tout-à-fait  inexcusables  ,  s'ils  n'approuvant  point  une  telle  mutila-; 
s'étaient  jetés  dans  la  révolte  pour  un  tiou  ,  lui  députèrent  des  gens  pour 
sujet  aussi  léger  que  celui-là.  Ces  pau-  lui  demander  jusques  à  quand  il  rou- 
vres gens  ne  savent  pas  même  mentir  filerait  la  nation  juive,  usque  qu'a  tu- 
à    leur  avantage.   Quelle    ignorance  ,  te  Judœos  mancos  ef/icies  ?  Il  répon- 

aue  de  donner  une  fille  à  l'empereur  dit   :    Comment  voulez-vous  donc  que 

adrien  !    Au  reste  les  pins  sont   des  je  fasse  essai  de  leurs  forces  ?  On   lui 

arbres    qui  croissent   trop  lentement  répliqua   qu'il   fallait  qu'il   n'enrôlât 

(&)  pour  être  prêts  à   fournir  un  lit  que  ceux  qui  pourraient  arracher  un 

dès  qu'une  fille  est  prête  à  le  partager  cèdre  du  Liban  à  belles  mains.  Il  crut 

avec  un  homme  :  et  plusieurs  auraient  ce  conseil ,  et  il  trouva  encore  deux 

été  bien   à  plaindre,  si  elles  avaient  cent    mille    hommes   qui    donnèrent 

été  obligées    d'attendre   à   se  marier  cette  preuve  de  leurs  forces  (7).  Voilà 

que  leurs  pins  eussent  acquis  la  taille  des  fables  judaïques  ,  me  dira-t-on.  11 

requise.  est  vrai  :  et  c'est  sur  ce  pied-là  que  je 

(C)    On  dit   que   Barcochebas   em-  les  débite  ;  et  c'est  par-là  qu'elles  ap- 

ploya  la  même  ruse  d' Eunus  ;   ....  partiennent  mieux  à  ce  Dictionnaire. 

c' est-a-dire,  qu'il  parut  vomir  des  flam-  (V.)  Il  était  principalement  barbare 

mes.  ]  C'est  ce  que  nous  apprenons  de  envers    les  chrétiens.]   A  la  vérité   il 

saint  Jérôme.  Tu  videlicetflamnteus,  faisait  un  grand  carnage  des  gentils; 

mais  sans  exiger  d'eux   qu'ils  renon- 

(3)  In  iracmiu  lalmudico  Babil.  Gittin ,  folio  cassent  à  leur  religion.  Il  ne  faisait  le 

5j  ,  apud  .loli    a  Lent,   de   Judacoruru  Pscudo- 

Messns,  pag.  7.  (5)  Hirronvm.,  Apologia  II  advenus  Ruffinum. 

(4)  On  en  peut  dire:  (6)  Florus,  /,*.  ///,  cap.  XIX. 

•  •    • Arbos  (-)  ]n  Madras.-!!  Kabbeta  Megillot ,  folio  6', 

Tarda  nnit  seris factura  nepotibnr  umbram.      apud    Job.    à  Lent,  de  Pacnto-Metcui  ,  pag. 
Virgil. ,  Georg. T lift.  // ,  m.  58.  i»,  n. 


BARCOCHEBAS. 


ÎIO 

convertisseur  qu'envers  les  chrétiens  : 
je  dis  le  convertisseur  à  la  dragonne  , 
et   pis   encore   peut-être   (8)  :   car  il 
condamnait  au  dernier  supplice  ceux 
qui  ne  voulaient  pas  abandonner  Jé- 
sus-Christ ,  et  le    charger   de   malé- 
dictions. C'est  sur  quoi  Justin  Martyr 
a  poussé  des  plaintes.  Proximo  nam- 
que  bellojudaïco  Barchochebas  defec- 
tionis  Judœorumdux  et  princeps,  soins 
christianos   ad  gracia   supplicia   nisi 
Chrislum  àbnegarent  et  nialedictis  in- 
cesserent ,  protrahi  jussit  (9).   David 
Gans  ne  nie  point  qu'en  ce  temps  -  là 
ceux  de  sa  nation  n'aient  fait  couler 
des  torrens  de    sang    (10).    Je    crois 
même  qu'il  représente  la  tuerie  beau- 
coup   plus  funeste  qu'elle  ne   le  fut. 
11  prétend  que  dans  la  seule  ville  d'A- 
lexandrie ils    tuèrent  plus    de    deux 
cent   mille  personnes ,    et   que    dans 
File  de  Cypre  ,  et  au  voisinage ,  ils  ne 
laissèrent  personne    de    reste.    Tune 
Judcei  Biterrenses  unxerunt  eum  (Bar- 
chocheban)  et  elegerunl  ipsum  in  regem 
super  se  ,jugum  Romanorum  abjicien- 
tes.  Occiderunt  ex  Romanis  et  G rœcis 
qui     in    Africd    inutiterabiles    instar 
arenœ  maris  ;   simititer  fecerunt    JE- 
gyptiis  :   incolœ    urbis   Alexandrinœ 
«liant  ex  Romanis  interfecerunt  ullrit 
bis  centena  milita.  Qui  in  Cyprid  oc- 
ciderunt omnes  plané  génies  vicinas  , 
ut    ne    supers  tes    quidem     remaneret. 
Voyez  ce  qui  sera  dit  ci-dessous  (11) 
touchant    l'omission    d'une    formule 
dans  la  lettre  d'Hadrien.  0  guerres  de 
religion ,  que  vos  cruautés  sont  hor- 
ribles! 

(F)  Les  Juifs  n'ont  pas  manque 
d'inventer  des  fables  sur  la  mort  de 
Barcochebas.]  ils  ont  dit  qu'après  la 
prise  de  Bitter  ,  la  tête  de  Barcoche- 
bas fut  portée  à  l'empereur  Hadrien  , 
et  qu'il  demanda  ,  Qui  est-ce  qui  l'a 
tué  ?  et  qu'il  ordonna  au  soldat  qui 
répondit  c'est  moi ,  de  lui  aller  cher- 
cher le  corps.  Le  soldat  y  étant  allé  , 
trouva  un  sepent  autour  du  cou  de 
Barcochebas.    L'empereur  ayant  vu 

(8)  Je  me  sers  de  ce  peut-être  ,  parce  que 
plusieurs  personnes  pre'tendenl  que  l'alternative 
ilr  l'abjuration  ou  de  la  mon  ,  eût  clé  un  moin- 
dre mal  que  ce  que  l'on  a  fait  faire  en  France 
par  les  dragons,  l'an  i(585. 

(g)  Justin,  Apologia  pio  christianis  ad  Anto- 
niuuin  Piiun. 

(1.1)  David  Gans,  in  Germine  Davidis  ,  ad 
iinn.  880  millenariiquarli,  apud  à  Leut,p<Jg.ç). 

(11)  Dans  la  remarque  (I). 


ce  corps,  dit,  iSÏ  cet  homme  n'avait 
été  tué  par  son  propre  Dieu  ,  qui  est- 
ce  qui  aurait  jamais  pu  lui  faire  du 
mal  (12)? 

(G)  La  manière  dont  Hadrien  dis- 
persa les  restes  des  Juifs  fut  désolante.'] 
C'est   à  bon   droit  que  j'emploie    le 
mot  de  restes  ;  carie  nombre  des  Juifs 
qui  périrent  dans  cette  guerre  est  in- 
nombrable. L'abréviateur  de  Dion  ra- 
conte qu'on  leur  rasa  une  cinquan- 
taine de    forteresses  ,   et  985  bourgs 
très-considérables  ;    qu'on    leur    tua 
dans  les  courses  ,  ou  dans  les  combats, 
cinq  cent  quatre-vingt  mille  hommes  ; 
et  que  le  nombre  de  ceux  qui  périrent. 
par  la  faim  ,  par  les  maladies  ,  et  par 
le  feu,  est  infini  :  de  sorte  quepresque 
toute  la  Judée  demeura  déserte  (i3). 
Voyons    maintenant  ce  que  l'on  fit  à 
ceux  qui   purent  survivre  à  une  telle 
désolation.  On  en  vendit  un  nombre 
incroyable  de  toute   sorte  d'âge  et   de 
sexe  (*'),  en  une  foire  très-célèbre  ap- 
pelée du    Terebinthe  (*2)  ,  au  même 
prix  que  les  chevaux.   C'est  pourquoi 
les  juifs  avaient  cette  foire  en  hor- 
reur     Ceux    qui   ne    purent    être 

vendus  à  la  foire  de  T'-rébinlhe  furent 
menés  à  Gaza  (*3)  ,  et  la  exposés  en 
vente  en  une  autre  foire  qu Adrien  y 
avait  établie ,  et  qui  s'appelle  encore 
h  présent  la  foire  d'Adrien,  dit  la 
chronique  d'Alexandrie.  Ceux  que 
l'on  ne  put  vendre  daps  la  Palestine 
furent  transportés  en  Egypte  (*4)  ,  où 
ils  périrent  par  les  naufrages  ,  et  par 
la  famine  ,    ou  furent   tués   par  les 

païens Quandla  guerre  fut  finie, 

Adrien  défendit  a  tous  les  Juifs  par 
un  édit  affiché  publiquement  (*5)  ,  de 
mettre  jamais  le  pied  dans  Jérusalem, 
sur  peine  de  la  vie(*6),  et  on  mit  des 
gardes  exprès  pour  les  empêcher  d'y 
entrer  (*7)-     Celte  loi  leur    défendait 

(12)  Jo.  à  Lent,  de  Pseudo-Messiis,  pag.  j4 
ex  Ectiâ  Rabbali. 

(i3)  Xiphilin. ,  in  Adriano. 

(*')  Hieronym.  in  Jeremiara ,  cap.  XXXI , 
pag.  342  ,  b. 

I*D)  Cbronic.  Alex.,  pag.  5çfi. 

(*3)  Cliron.  Alex.  ,  ibid. 

("■>)  Hieron.,  in  Zac,  cap.  XI ,  pag.  ^2  ,  d. 

(*5)  Idem,  inls.,  cap.  VI,  pag.  3i ,  d. 

(*6)  Euseb  ,  Hist.  eccles.,  lib.  IV,  cap.  VI, 
pag.  218.  et  Demonstral.  Evançel.,  lib.  II,  cap. 
XXXVIII ,  pag.  -1  ,  a.  Justin.  ,  Apolog.  II  , 
pag.  84,  b,  c.  Dial.  ,  pag.  234,  "■ 

{*1)  Justin.  ,  pag.  84  ,  b.  Sulpic.  Sevcr. ,  lib. 
II ,  pag.  149. 


BARCOCIIEBAS. 


même  d'en  approcher  ,  et  de  se  trouver 
dans  aucun  des  lieux  dont  elle  pouvait 
dire  vue  (*').  Terlullien  (**)  ,  et  saint 
Jérôme  (*3),  font  encore  plus  loin  ,  et 
étendent  celle  défense  a  la  Judée  toute 
entière  ,  et  les  Juifs  semblent  en  de- 
meurer d'accord  lorsqu'ils  parlent  du 
jedne  qu'ils  ont  institué  à  cause  du 
décret,  par  lequel  il  avait  défendu  à 
leurs  pères  d'entrer  dans  le  pays  de  la 
Judée  (**).  L'auteur  dont  j'emprunte 
ce  passage  avec  toutes  ses  citations  (i4), 
fait  une  remarque  sur  la  foire  de  Te'- 
rébinthe.  Il  observe  que  saint  Jérô- 
me(*5)  dit  en  un  endroit  que  les  Juifs 
furent,  vendus  au  pavillon  d'Abraham, 
où  il  se  tient,  dit-il,  tous  les  ans  une  foire 
très-fréquenléc.  Cela  n'est  pas  difficile 
a  accorder ,  car  au  lieu  où  Abraham 
avait  demeuré  dans  la  vallée  de  Rlam- 
bré  [près  d'Hcbron]  ,  et  où  il  avait 
reçu  trois  anges ,  il  y  avait  dans  le 
quatrième  siècle  un  arbre  de  Térébin- 
the  ,  que  ceux  du  pays  disaient  éire  l'a 
depuis  le  commencement  du  monde. 
Voyez  la  remarque  (G)  de  l'article 
d'ABRAHAM.  Retournons  au  malheur 
des  Juifs.  Hadrien  leur  fit  couper  les 
oreilles,  et  les  transporta  en  Espagne, 
à  ce  que  disent  quelques  auteurs  (i5). 
Il  y  a  beaucoup  d'apparence  qu'une 
partie  des  faux  cultes  que  cet  empe- 
reur établit  dans  la  nouvelle  ville  de 
Jérusalem  ,  ne  commença  qu'après  la 
ruine  de  Bittcr ,  et  la  mort  de  Barco- 
chebas.  Ce  fut  un  des  plus  sensibles 
coups  que  cette  malheureuse  nation 
eut  à  soutenir.  Hadrien  ,  sachant  l'hor- 
reur qu'elle  avait  pour  les  pourceaux, 
en  fit  placer  un  de  marbre  sur  la 
porte  qui  menait  à  Bethlehem  (*6).  Il 
fit  servir  à  la  construction  d'un  théâ- 
tre, et  à  celle  de  divers  temples  ,  les 
pierres  du  temple  de  Salomon  (*')• 
On  mit.  deux  de  ses  statues,  et  quel- 
ques idoles ,  à  la  place  où  avait  été  ce 

(*')  F.nscb.,  Hist.  eccles.,  pag.  n8,  d.  Hier, 
in  Is. ,  lib.  III ,  pag.  227. 

(*')  Apolog.  ,  cap.  XXI,  pag.  20,  d. 

(*')  In  Judic. ,  cap.  XIII  ,  pag.  iif^iis; 
cap.  VI,  pag.  il,  d.  In  Daniel.,  cap.  IX, 
pag.  5r)5,  </. 

(**)  Scaliger.   Isag.,  lib.  I,  cap.  VI ,  pag.  45. 

11.J)  Tillemont,  Ilist.  des  Empcr.  ,  lom.  II, 
pag.  Soi ,  502  ,  5o3. 

;*')  In  Zacliar. ,  cap.  VIII,  pag.  262. 

(i5)  ÀpudaLtm,  de  Pseudo-Messiis,  pag.  17. 

(*6)  Hieron.,  in  Chron. 

(*~)  Euseb.  Demonslrat..  Ub.  VIII,  cap. 
III ,  pag-  4°G 


temple  (*').  La  statue  de  Jupiter  fui 
mise  au  lieu  de  la  passion  de  Notre  - 
Seigneur.  C'est  ce  que  dit  saint  Pau- 
lin (**);  mais  selon  saint  Jérôme  (*3), 
la  statue  de  Jupiter  fut  mise  où  Jésus- 
Christ  ressuscita  ,  et  celle  dé  Vénus 
où  il  mourut.  La  caverne  où  il  naquit 
fut  profanée  par  le  temple  et  par 
le  culte  infilme  d'Adonis  (*4).  Voyez 
M.  de  Tillemont,  de  qui  j'emprunte 
ces  choses  (16). 

(H) mais  il  ne  faut  pas  ajouter 

foi  h  tous  les  contes  des  rabbins  sur  ce 
sujet.]  Ils  disent,  que  la  tuerie  fut  si 
g\ande  dans  Bitter,  lorsque  les  Ro- 
mains s'en  furent  rendus  les  maîtres 
après  un  siège  de  trois  ans  et  demi , 
que  les  chevaux  marchaient  dans  le 
sang  jusqu'à  la  bouche  (17).  Le  sang, 
continuent-ils  ,  roulait  avec  tant  de 
force,  qu'il  entraînait  des  pierres  de 
la  pesanteur  de  quatre  livres  ,  et  qu'il 
entrait  dans  la  mer  l'espace  de  quatre 
milles.  Or  il  y  avait  quatre  milles  de 
Bitter  jusqu'à  la  mer.  Hadrien  avait 
un  vignoble  long  de  dix-huit  milles  , 
et  large  d'autant  (c'est  la  distance, 
de  Tihériade  jusqu'à  Zipori)  :  il  y  fit 
une  haie  ou  une  cloison  des  corps  de 
ceux  qui  furent  tués  dans  Bitter  5  car 
il  ne  voulut  pas  (.ermettre  qu'on  les 
enterrât  :  ils  ne  furent  enterrés  que 
sous  le  règne  de  son  successeur.  Il  y 
avait  deux  rivières  dans  la  ville  de 
Jadaim  ,  desquelles  l'une  coulait  d'un 
côté  ,  l'autre  de  l'autre  (18)  :  les  rab- 
bins supputèrent  que  l'eau  ne  faisait 
que  les  deux  tiers  de  ces  rivières  ;  le 
sang  faisait  l'autre  tiers.  Les  gentils 
n'eurent  nul  besoin  pendant  sept  ans 
de  fumer  leurs  vignes  :  elles  étaient 
assez  fertiles,  ayant  été  abreuvées  th« 
sang  des  Juifs.  Le  sang  entraîna  de 
pierres  d'un  grosseur  démesurée  ,  et 
entra  quarante  milles  dans  la  mer 
(Jutnimn  sanifuis  rapiebat  secum 
petfas  magnitudinis  quadraginta  mr. 
diorum ,  duiicc  ad  quadraginta  millia 

(••)  Iter  Burd.  ,  pag  4s.  2.  Sulpic.  Sevcr.  , 
lib.  II,  pag.   i4<). 

(*')  Epist.  XI,  pag.   i34,   i35. 

(*»)Epist.  XIII,  pag.  102. 

(**)  Pantin.,  Epist.  XI ,  pag.   1 34  ,  i3.,. 

(iC)  Tillemont,  Ilist.  des  Emper,  ,  10m.  Il  . 
pag.  5nÇ). 

(17)  Voyez  le  Une  Eclia  Rabbnti  super  Ttlren. 
XI ,  vs.  2,  apud  Xoldiuru  de  Yjlà  et  gesln  11  ci 
dura  ,  pag.  453. 

(18)  In     Tractaiu  Talinud.co  Giffin    apud 
Lent,  pag.  iô. 


tS 


BÂRCOCHEBAS. 


ria  usque  in  Oceanum  flueret  (19). 
On  trouva  sur  une  seule  pierre  jus- 
qu'à trois  cents  crânes  de  petits  en- 
fant Il  y  a  dans  ces  expressions  rab- 
biniques  quelques  traits  du  style  que 
Rabelais  fait  servir  à  représenter  les 
qualités  ou  les  prouesses  de  son  Gar- 
gantua et  de  son  Pantagruel.  Riais 
racontons  encore  un  conte  touchant  le 


suluit  idola  se  pervertentia.  Et  sustu- 
lit  combussitque  quadringentas  et  oc- 
toginla  synagogas  (23). 

(Y)  Les  auteurs  juifs  supposent 
qu  Hadrien  Jut  en  personne  à  cette 
guerre.]  Eusébe  dit  expressément  que 
cet  empereur  envoya  des  troupes  au 
gouverneur  de  Judée,  afin  de  châtier 
la  révolte  de  Barcochebas ,  et  ne  dit 


carnage  de  Bitter.  Il  y  avait  dans  cette  point  que  ce  prince  partit  ensuite  lui- 
ville  quatre  cents  collèges,  et  dans  cha-  même.  L'abréviateur  de  Dion  ne  parle 
que  collège  quatre  cents  régens  ,  qui  que  des  généraux  qui  furent  envoyés 
avaient  chacun  dans  sa  classe  quatre  en  Judée  par  Hadrien  (a4).  H  remar- 
cents  disciples.  Aux  premières  atta-  que  que  pendant  que  cet  empereur 
<|ues,  les  écoliers  se  servirent  de  leurs  séjourna  dans  l'Egypte  et  dans  la 
poinçons  (20)  pour  tuer  les  ennemis  ;  Syrie,  les  Juifs  mécontens  de  la  con- 
mais  après  la  prise  de  la  ville,  ils  fu-  struction  d'^/ia  Capilolina  'n'osè- 
rent empaquetés  avec  leurs  livres  et  rent  branler  ,  mais  qu'ils  prirent  le 
jetés  au  feu.  Jsta  pubes  principio  hos- 
tes  impetum  facientes  graphiis  suis 
confodiebal  :  cùm  ver'o  hi  prœvale- 
rinl  ,  urbem  cepissent  ,  involverunt 
puerulos  illos  cuni  libris  suis ,  eosque 
igné  sic  cremdruntfoi).  Les  Juifs 
prétendent  qu'Hadrien  lit  périr  deux 
fois  plus  de  gens  de  leur  nation  que 
Moïse  n'en  retira  du  pays  d'Egypte, 
et  ils  le  tiennent  pour  un  plus  grand 
destructeur  à  leur  égard  ,  que  ne  le 
furent  Nabuchodonosor  et  Titus  (22V 
Un  de  leurs  meilleurs  chronologues 
assure  que  la  perte  que  fit  leur 
nation  au  temps  de  Nebusaraddan  , 
ou  au  temps  de  Titus,   n'égala  point 


qu'Us  pr 
armes  ouvertement  dès  qu'ils  le  su- 
rent éloigné.  Il  ajoute  qu'Hadrien  en- 
voya contre  eux  les  meilleurs  de  ses 
généraux  ,  et  nommément  Julius  Sé- 
vérus.  C'était  là  le  lieu  de  dire  s'il  fut 
en  personne  au  châtiment  des  rebel- 
les :  cependant  cet  écrivain  ne  le  dit 
pas  ;  d'où  il  semble  que  l'on  peut 
conclure  qu'Hadrien  n'alla  point  alors 
en  Judée.  Pour  ne  rien  dissimuler, 
il  faut  dire  que  Dion  fait  une  remar- 
que qui  insinue  qu'Hadrien  assista  à 
cette  guerre.  11  dit  que  les  Piomains  y 
perdirent  tant  de  gens  ,  que  cet  em- 
pereur n'employa  point  en  écrivant 
au  sénat  le  préambule  ordinaire  :  Si 


celle  qu'Hadrien  lui  fit  souffrir  j  car    vos  liberique  vestri  valetis  ,  benè  est  , 


le  Talmud  porte  qu'il  périt  à  Bitter 
quatre  millions  de  personnes,  qua- 
dringentas myriadas.  Néanmoins  dans 
le  Rituel  des  Juifs  il  y  a  une  hymne 
pour  le  0e-  i°,,r  du  mois  Ab,  auquel 
fut  donné  l'édit  d'Hadrien  qui  leur 
défendait  de  mettre  le  pied  dans  la 
Judée:  il  y  a,  dis-je  ,  une  hymne 
où  Nabuchodonosor  et  Hadrien  sont  re- 
gardés comme  deux  grands  fléaux  de 
la  nation  sans  aucune  inégalité.  Cette 
hymne  les  nomme  souvent  ;  mais 
elle  ne  parle  qu'une  fois  de  Vespa- 
sien  et  de  Tite  :  elle  fait  mention  de 
quatre  cent  quatre  -  vingts  synago- 
gues brûlées  par  Hadrien.  Recorda- 
re,  Domine,  qualis  juerit  Adrianus  , 


ego  quidem  et  exercitus  valemus.  Un 
prince  ,  qui  se  sert  de  ce  début  ,  doit 
être  à  l'armée ,  ce  semble  ;  et  s'il  n'y 
est  pas  ,  il  ne  doit  point  se  servir  de 
ce  compliment ,  ni  en  temps  de  pro- 
spérité ,  ni  en  temps  d'adversité.  Il  ne 
semble  donc  pas  que  Dion  eût  été 
homme  à  faire  cette  remarque,  s'il  eût 
cru  qu'Hadrien  était  près  de  Rome  ,  ou 
fort  éloigné  de  l'armée  ,  lorsqu'il  écri- 
vit au  sénat.  Je  réponds  que  ce  n'est 
point  une  grande  difficulté  :  car,  en 
premier  lieu  ,  on  peut  dire  que  l'absent 
ce  d'Hadrien  fut  cause  qu'il  n'employa 
point  cette  formule  :  d'où  il  s'ensui- 
vrait que  Dion  n'a  pas  connu  tou- 
tes les  causes  de  cette  omission  ,   en 


crudelitatis   consilia  amplexus  ,   con-    croyant  qu'elle  ne  venait  que  de  la  perte 

qu'on  avait  faite.  On  peut  dire ,  en  se- 

apud  à    COud  lieu  ,  qu'un  empereur  éloigné  de 

son  armée  pourrait  fort  bien  se  servir 


(19)  In  tractatu  Talmudico  Ciilin 
Lent  ,  pag.  16. 

(20)  Instrument  avec  quoi  on  écrivait  en  ce 
l  emps-là. 

(21)  Tract.  Giffin,  apud  à  Lent,  pa%.  i3. 
(2-2j   Voyei  Jo.  à  Lent,  pag.   i> 


(23)  Apud  euindem  à  Lent,  pag.  l8,  ig. 
(i't/  XipVllin.  ,  in  Adriano. 


BARDE. 


de  cette  formule  ,  dans  une  lettre  où 
il  ferait  savoir  au  sénat  les  bonnes 
nouvelles  que  ses  généraux  lui  auraient 
écrites.  Entiu  on  pourrait  soutenir  à 
Dion,  que  la  victoire  remportée  sur  les 
Juifs  fut  si  complète,  et  qu'elle  coupa 
tellement  les  sources  d'un  nouveau 
soulèvement,  qu'encore  que  l'armée 
romaine  eût  essuyé  de  grandes  pertes, 
il  y  avait  lieu  d'écrire  au  sénat  selon 
le  style  qu'on  employait  dans  les  nou- 
velles de  prospérité.  Il  se  pourrait 
donc  faire  que  cet  écrivain  aurait 
fait  une  fausse  observation. 

(K) et   qu'il  disputa   avec   un 

rabbin  sur  le  dogme  de  la  résurrection 
des  morts.]  La  principale  difficulté 
d'Hadrien,  à  ce  que  porte  cette  fable, 
était  de  dire  que  les  parties  d'un  ca- 
davre se  dissipaient  en  mille  lieux.  On 
lui  répondit  qu'il  y  avait  dans  notre 
corps  un  petit  os  ,  qui  était  incorrup- 
tible ;  et  que  ce  serait  dans  ce  petit 
os  ,  que  Dieu  referait  notre  corps.  Les 
Juifs  prétendent  qu'une  rosée  céleste 
amollira  cet  os,  et  qu'elle  le  fera  croî- 
tre, comme  un  peu  de  levain  fait  lever 
toute  la  p;1te.  Ossiculum  illud  dicunt 
rore  quodani  cœlesti  molliendum  et 
extendendum  ad  instar  ferme  nti  quod 
in  lotam  se  massant  diffundil ,  vel 
quemadmodkm  granum  aliquod  tritici 
in  aristam  se  exporrigit  (25).  Hadrien 
ne  voulait  rien  croire  touchant  l'in- 
corruptibilité de  cet  os  :  mais  le  rab- 
bin avec  qui  il  disputa  lui  en  fit  faire 
l'épreuve  :  cet  os  résista  à  tout  :  au 
feu  ,  à  l'eau  ,  au  marteau  ,  etc.  Voici 
tout  un  grand  passage  de  Manassé  Ben- 
Israël.  Ajunt  in  spind  dont  aliquod 
ossiculum  esse ,  quod  nunquam  pereat; 
ex  ipso  ossiculo  solo  post  interitum  et 
nnnihilationem  omnium  ûliarum  par- 
tium  ,  dicunt  hominem  instauration  , 
restitutumque  iri  ,  in  resurrecii'>ne 
morluorum  :  juxta  illud  ,  quod  in  Be- 
resitRaba  Paras,  îSlegitur;  Adrianus 
(cujus  ossa  contminuantur)  quœsivit 
ex  R.  Jeosuah  filio  llanind  ,  undè 
Deus  benediclus  germinare  facict  ho- 
minem in  futuro  sœculo  ?   Respondil 

ille ,  ex luz  ,  seu  ossiculo  spinœ. 

Rursùs  alter  ,  undè  nôsti  hoc  ?  Da 
mini  illud ,  inquit  ille  ,  ossiculum  ,  et 
le  docebo  :  contudit  illud  in  mold  , 
sed  non  tusum  est  ;  conjecit  in  ignem  , 
etnonconjîagravit;  conjecit  in  aquam 

faS)  Hoornbrek    contra   JudseOS  ,  lib.    VIII, 
cap.  V ,  pag.  556. 


>\) 


et  non  attrttum  est  :  imposait  incitai 
mallcoque  cecid.it,  sed  hnhilum  coru- 
minulum  est.  Jmperator  Romanus 
sive  quod  rideret  resurrecùonem  mor- 
tuorum,  sive  quod  audiveral  aliquod 
incorruptibile  ossiculum  esse  in  cor- 
pore  humano  ,  cupiditale  ejus  sciendi  ; 
vel  quia  ,  uti  verisimilius  est,  hœsi- 
tabat  ob  dijjicullales  eas  ,  quas  jam 
recensuimus ,  quœsivit  ex  R.  Jeosuah 
filio  Hanind,  undè,  velquomodo  resti- 
luerentur  mortui,  quorum  membra  tant 
longe  lalèque  dispersa  essent  ac  dissi- 
pata  ?  Respondit  illi  R.  Jeosuah  ,  ex 
ossiculo  spino?  dorsi  ,  appellalo  luz , 
quod  incorruptibile  est.  Oui  citin  non 
posset  facile  adhibere  ûdem ,  experi- 
menlo  ei  ostendit  itaesse.  Uœc  opinio, 
si  quidantiquis  credimus  ,  non  impro- 
babilis  est.  Isludenim  ossiculum  taie 
est  ,  ut  nequeat  inlerire  ,  quamvis 
hodiè  nullus  sil  qui  illud  noveril.  Sunt 
qui  arbitrenlur ,  Davidem  hujus  ossi- 
culi  mentionem  facere  ,  cùm  ait  ,  cus- 
todiens  ossa  ejus  ,  ununt  ex  iis  non 
.onsumptumest.  Psalm.xxxiv,  ai  (a6). 
Ces  rêveurs  auraient  du  dire  quece  pe- 
tit os  est  le  véritable  siège  de  l'âme. 
(L)  Le  Messie  saura  discerner  par 
l  odorat  si  un  accusé  est  innocent  ou 
coupable.']  Conférez  avec  ceci  ce  qui 
sera  rapporté  dans  la  remarque  (C) 
de  l'article  Démocrite. 

(afi)  Manassé-Reu-Isracl,   de    Resurrectionc  , 
lib.  U,  cap.  XV. 

BARDE  (Jean  de  la)  conseiller 
d'état ,  marquis  de  Marolles- 
sur-Seine  ,  a  été  ambassadeur  de 
France  en  Suisse ,  sous  le  règne 
de  Louis  XIV.  Il  avait  été  pre- 
mier commis  de  M.  de  Chavigui , 
secrétaire  d'état  (a).  Il  se  trou\.' 
aux  conférences  de  Munster, 
comme  ministre  du  second  or- 
dre,  et  l'on  tâcha  de  le  faire 
traiter  d'excellence  ;  mais  on 
n'y  réussit  pas  (A).  Il  avait  déjà 
été  nommé  pour  l'ambassade  de 
Suisse.  Il  servit  fidèlement  et 
habilement  la  France  pendant 
tout  le  cours  de  cette  ambassade. 

(a)  Voyez  Wicquefort,  île  l' Ambassadeur, 
lom.  I ,  ptig.  959. 


42o  BARDE. 

Il  a  fait  en  latin  l'Histoire  de 
France ,  depuis  la  mort  de 
Louis  XIII ,  jusques  en  Van- 
née i65a.  Cet  ouvrage  fut  long- 
temps attendu  coninie  un  chef- 
d'œuvre    (B)  :  il     fut 


donnât  ce  titre  au  sieur  de  la  Barde  , 
et  qu'il  lui  rendît  la  première  visite. 
Les  raisons  de  son  refus  furent  qu'i/ 
ne  voulait  pas  Jaire  un  exemple  qui 
ne  serait  suivi  de  personne ,  ni  rendre 
inutile  M.  de  la  Barde,  qui  rendait  de 
imnrimé  tres'bons  services  à  l'assemblée.  Il 
i-     *  l'aurait  rendu  inutile  parce  que  ,  s'il 

enfin  I  an  167 1  (b) ,  et  bien  reçu    luieût  fait  les  honneur*  qu'on  deian- 

du  public.  Le  style  en    est  bon  :     dait ,  il  l'aurait  mis  dans  une  espèce 


les  choses  y  sont  narrées  sans 
flatterie ,  et  avec  beaucoup  de 
connaissance  des  intrigues  du 
cabinet.  L'auteur  a  latinisé  son 
nom  par  celui  de  Labardœus. 
On  se  trouverait  dépaysé  aux 
noms  latins  qu'il  donne  aux 
gens ,  s'il  n'avait  eu  soin  de  met- 
tre en  marge  les  noms  français. 
Il  avait  fait  une  traduction 
française  de  celle  Histoire  qui , 
au  sentiment  des  connaisseurs  , 


de  nécessite  de  les  demander  à  tous 
les  autres  ambassadeurs ,  et  de  ne  plus 
paraître  en  cas  qu'ils  lui  fussent  refu- 
sés ,  comme  il  serait  arrivé  infaillible- 
ment. L'ambassadeur  de  Venise  imita 
le  nonce  ;  et  ainsi  la  Barde  fut  obligé 
de  se  contenter  des  honneurs  qu'on 
lui  voulait  bien  faire.  Il  fit  prier  les 
ministres  qui  étaient  de  la  part  de 
l'empereur  à  Osnabruch  ,  de  le  dis- 
tinguer d'avec  les  autres  ministres  du 
second  ordre  ,  et  puisqu'ils  ne  le  pou- 
vaient pas  traiter  d'ambassadeur,  qu'ils 
ne  le  traitassent  pas  aussi  de  rési- 
dent,  et   pourvu    qu'on  le  traitât  en 


était  beaucoup  inférieure  à  l'orir  tierce  personne  ,  à  la  mode  d'Italie,  il 

ffinal   latin  (c).   «   Comme  il  était  ne  Pendait  pas  la   place   d'honneur 

°       .  j  ,  .,  aux  visites  ou  aux  co/ijerences.  Dans 

»  tres-sayant  dans  les  matières  je  fond  f  ses  letires  de  créance  pour  Us 

«  de    théologie ,    il    s'est    encore     cantons   suisses   ne    le  pouvaient  pas 

»  vu  de  lui    un  livre   de  contro-  faire  considérer  h  Munster,  nia  Os- 

»  verse  en  latin ,  contre  l'opinion    "f*"?*:    [-  de  >  Barde  s>t  Viaint 

»  des  protestans  touchant  l'Eu- 

»  charistie  (d)  (C).  »  Les  gazettes 

de    Hollande    nous    ont    appris 

qu'il  mourut  en  169?. ,  à  l'âge  de 

quatre-vingt-dix  ans.  On  verra 

ci-dessousce  que  je  veuxajouterà 

la  remarque(C)de  cet  article  (D). 


lb)  (Test  un  f«-4" ■  de  780  pages. 

(c)  Mémoire  manuscrit,  communiqué  par 
M.  Lancelol,  l'un  des  sous-bibliothécaires  de 
la  Bibliothèque  Mazarine  à  Paris. 

(d)  L'abbé  de  Marottes ,  Dénombrement 
.les  auteurs. 

(A)  On  tâcha  de  le  faire  traiter 
d^excellence  aux  conférences  de 
Munster;  maison  n'y  réussit  pas.] 
M.  de  Wicquefort  le  raconte  ,  et  dit 
que  les  plénipotentiaires  de  France 
firent  leurs  premières  tentatives  au- 
près du  nonce,  qui  répondit  qu'il 
n'en  ferait  rien(i).    On  voulait  qu'il 

(1)  Wicqnpfort,  de  l'Ambassadeur,  lom.  1, 
oas.  36o. 


d'un  écrivain  italien,  qui  n'avait  pas 
parlé  de  ces  choses  comme  il  fallait  , 
et  il  prétend  l'en  convaincre  en  ra- 
contant que  les  plénipotentiaires  de 
France  le  traitèrent  toujours  comme 
ambassadeur  ,  et  qu'ils  n'eussent  pas 
pu  s'en  dispenser,  vu  que  les  paten- 
tes du  roi ,  et  toutes  les  lettres  de  la 
cour  lui  donnaient  ce  caractère. 
Avauxius  ac  Servianus  hune  haud 
secùs  ac  seipsos  invicem  habuére . 
nique  aliter  polerant ,  tùm  regio  di  - 
plomate  atque  omnibus  régis  atque 
Mazarini  ad  se  atque  ad  alios  litteris 
legalus  esset  appellatus.  Id  co  accu- 
ralihs  mihi  dicendumfuit,  quod  ho/no 
quidam  Italiens  ed  de  re  secùs  scrip- 
sit  ex  aliéna  lubidine,  atque  invidiâ 
in  Labardœum  :  narn  id  illi  ipsi  tii- 
buere  nnlim,  qui  in  hujuscemodi rébus 
etiani  supra  verum  aliis  favit,  hos 
chm  résidentes ,  aut  ad  minores  prin- 
cipes absque  ullo  tilulo  missi  essent . 
legatos  nihilo  seciiis  appellando  (2:. 
(B)  Son  Histoire  de  Fiance  fut  long- 

(2)  Lahardaus  ,  llist.   de    Rébus  gallicis,  (U -. 


IV ',  pag.  89  ,  nd  , 


1646. 


BARL 

temps  atteint  lie  comme  un  chef-d'œu- 
vre.'] «  M.  de  la  Barde  nous  prépare 
»  une  histoire  latine ,  dans  laquelle 
«  nous  devons  avoir  ou  notre  Salluste, 
»  ou  notre  Virgile.  »  C'est  ce  que  le 
père  le  Moine  voulut  bien  apprendre 
au  public,  dans  son  Traité  de  l'His- 
toire. 

(C)  Il  fit  un  livre  de  controverse  con- 
tre l'opinion  des  protestons  ,  touchant 
V Eucharistie.  ]  A  propos  de  cela  ,  je 
dirai  ici  qu'il  s'appliqua  plusieurs  an- 
nées avec  beaucoup  d'assiduité  à  exa- 
miner sur  cette  question  le  sentiment 
de  quelques  pères,  et  à  composer  un 
gros  volume  de  profondes  discussions  ; 
mais  ,  tout  d'un  coup  ,  il  lui  monta 
dans  la  fantaisie  d'abolir  ce  grand 
travail,  de  sorte  qu'un  beau  matin  il 
jeta  au  feu  tout  ce  qu'il  avait  écrit 
là-dessus.  C'est  ce  que  j'ai  ouï  dire  à 
M.  l'abbé  de  Erion,  son  petit-fils,  cha- 
noine de  Notre-Dame  de  Paris. 

(D)  l^oici  ce  que  je  feux  ajouter  à 
la  remarque  (C)  de  cet  article.  ]  Cela 
concerne  son  Traité  de  Controverse. 
«  Voici  ce  qu'il  en  écrit  à  un  de  ses 
»  amis  ,  dans  une  lettre  manuscrite  , 
»  datée  de  Soleure  ,  du  3  de  mars 
«  i663  :  Libeltum  ad  te  de  re  séria  , 
»  iinà  tlu'inâ  millo  ,  quo  libi  otii  mei, 
)>  sicuti  prias  negotii  ,  ratio  constet  : 
»  in  eo  latinitatem  nostram  ne  quœsi- 
y>  voris  ,  quant  de  dtvinis  scribendi  at- 
»  que  disputandi  genus  vix  patitur. 
»  Son  ami  lui  répondit  quelque  temps 
a  après  en  ces  termes  :  Restât  ut  de 
'»  (Jpusculo  tuo  Theologico  gratins 
»  agam  :  in  hoc  solilant  elegantiam 
»  tuant  desideravi ,  neque  verb  tu  ar- 
»  gumenti  severitatem  excusa  :  quid 
»  enint  est  tant  contumax  ,  quod  nites- 
j>  cere,  quid  tant  homdiim  ,  quod  po- 
J)  liri  amœnilale  istâ  tud  non  possit  ? 
«  sed  nimirum  ingeniis  Helvetiis  scri- 
»  bebas.  Cette  réponse  est  datée  du 
a  19  du  même  mois.  On  peut  fixerpar 
»  ces  passages  l'époque  du  livre  de 
»  controverse  à  cette  année  i6(53  (3).  » 

(3)  Mémoire  manuscrit  de  M.  Lancelot. 

EARLETTE  (  Gahriel  ) ,  moine 
jacobin  ,  se  distingua  vers  la 
tin  du  XVe.  siècle  (A),  par  une 
manière  de  prêcher  beaucoup 
plus  digne  d'un  farceur  que  d'un 
ministre  de  l'Évangile.   Il  était 


ETTE.  121 

né  à  Barlette  (a),  dans  le  royau- 
me de  Naples.  Henri  Etienne 
n'est  pas  le  seul  qui  s'est  récrié 
contre  cette  manière  de  prêcher 
{b) ,  remplie  d'une  infinité  d'ex- 
plications basses  ,  et  tout-à-fait 
propres  à  inspirer  du  mépris 
pour  nos  plus  augustes  mystè- 
res :  il  s'est  trouvé  des  catholi- 
ques romains  qui  n'ont  pas  épar- 
gné la-dessus  Gabriel  Barlette 
(B)  ;  et  cela  est  beaucoup  plus 
édifiant,  et  beaucoup  plus  glo- 
rieux aux  catholiques  ,  que  la 
peine  que  les  dominicains  se 
donnent  de  justifier  ce  prédica- 
teur (C).  Ses  sermons  furent  im- 
primés à  Venise  l'an  i5yi  ,  en 
deux  volumes  *>2-8°.  *.  On  a  mis 
dans  le  premier  tome  les  ser- 
mons du  carême  •  l'autre  volume 
contient  les  sermons  de  VAvcnt, 
de  la  Pentecôte,  de  V Ascension 
et  des  autres  fêtes  (c).  Il  était 
encore  en  vie  lorsque  les  Turcs 
prirent  Otrante ,  l'an  1480  (d). 
Quelques-uns  de  ses  amis  l'ont 
voulu  justifier  ,  en  disant  qu'il 
n'est  point  l'auteur  des  sermons 
qui  ont  couru  sous  son  nom  (D). 

(a)  En  latin  li.irulum. 

(//)  Voyez  /'Apologie  d'Hérodote,  ou   l'on 
trouve  quantité  de  morceaux  de.  Barlelle- 

"  Le  père  Echard,dans  ta  BibL  script,  ord . 
prœdicatoiwn,  ne  cite  point,  dit  Leclerc  . 
d'e'dition  antérieure  à  i5o5;  niais  cetlf  é.h 
tion  portant  ,  Sermones  recogniti  per,  1  ' 
il  est  à  croire  qu'il  y  a  eu  une  e'dition  anté- 
rieure.  Kn  effet,  comme  l'indique  Joly  dans 
ses  Additions  .  I).  T.iron,  au  tome  III  de  se 
Singularités  historiques,  pu,?-  3^q  elsuiv., 
cite  une  édition  dont  un  volume  ou  une 
partie  porte  la  date  de  )5o2.  L'épitrc  de'di- 
catoire  adressée  par  Benoît  de  Bresse  à  T.  Ca- 
jelan  ,  ne  donnant  aucune  qualité  à  ce  per- 
sonnage, qui  fut  en  l5oo  procureur  de  son 
ordre,  Liron  en  conclut  que  l'éiiition  de 
l5o2  n'est  elle-même  que  la  seconde,  et  que 
la  première  doit  avoir  été  exécutée  en  Ita- 
lie, de  i4g5  à  i5oo. 

(c)  Possenn  ,  Appar.  Sa  :ri ,  t.  I .  p.  610. 

(d)  Altamura,  Bibliotheca  ordinis  preedr- 
catorum .  pag    ig5, 


122  BARLETTE. 

(A)  II  se  distingua  vers  la  fin  du 
XVe.  siècle.  J  Altamura  ,  dans  sa  Bi- 
bliothèque des  Jacobins  ,  place  celui- 
ci  à  l'an  i47'J  i  d'où  paraît  que  Posse- 
vin  ne  s'est  abusé  que  de  deux  cents 
ans.  Gabriel  Barletla  ,  dit  -  il  (i), 
JYeapolitani  regni ,  Apulus  ,  ordinis 
auteni  dominicani ,  theologus  et  con- 
cionator  utilis  ,  cùm  floreret  anno 
1270.  Il  ajoute  que  ses  sermons  furent 
imprimés  plusieurs  fois  avant  l'édi- 
tion de  Venise,  de  l'année  1571. 

(B)  Il  s'est  trouvé  des  catholiques 
romains  qui  ne  l'ont  pas  épargné.  ] 
Pierre  de  Vaucluse  (2)  a  poussé  vigou- 
reusement Barlette  ,  et  lui  a  reproché 
nommément  l'impertinence  de  sa  ré- 
ponse à  la  question  ,  Comment  la  Sa- 
maritaine connut  que  Jésus  -  Christ 
était  Juif  ?  Elle  reconnut  cela ,  dit- 
il,  a  la  circoncision.  Il  faut  avouei' 
que  ce  critique  n'a  pas  eu  toute  l'exac- 
titude qui  lui  était  nécessaire  :  car 
non-seulement  il  ne  parle  pas  des  deux 
autres  marques  auxquelles,  selon  Bar- 
lette, cette  femme  reconnut  que  Jésus- 
Christ  était  Juif;  mais  il  attribue 
aussi  à  Barlette  d'avoir  avancé  qu'elle 
vit  que  Notre-Seigueur  était  circon- 
cis ;  or,  il  est  certain  que  Barlette  ne 
s'est  pas  exprimé  de  la  sorte.  Prima 

ad   habitum    quem    portabal ;   se- 

cunda  quia  JSazarœus  in  cujus  capile 
novaculum  non  ascendit ;  tertia  ra- 
tio ad  circumeisionem  :  nullus  alius 
populus  erat  circumeisus.  Il  ne  servi- 
rait de  rien  à  la  justification  de  ce 
censeur  de  dire  que  l'on  a  pu  inférer 
des  paroles  de  Barlette  ce  qu'il  lui  im- 
pute ;  car  ce  qu'un  homme  dit  ne 
doit  jamais  être  confondu  avec  les 
conséquences  qui  peuvent  naître  de 
ce  qu'il  dit.  Combien  de  choses  échap- 
pe-t-il ,  non-seulement  à  un  orateur  , 
mais  aussi  à  un  auteur  ,  dont  il  ne 
voit  pas  les  conséquences  les  plus  pro- 
chaines? 11  est  donc  très-possible  qu'en 
lui  attribuant  d'avoir  dit  ces  consé- 
quences ,  on  lui  impute  ce  à  quoi  il 
ne  pensa  jamais.  Il  faut  donc  ,  si  l'on 
veut  critiquer  exactement  et  de  bon- 
ne foi  ,  se  prescrire  cette  règle  :   Ac- 

(1)  Possevin,  Apparatus  Sacri  ,  tom.  I,  folio 
521  ,  apud  Altamur.  ,  pag.  5i8.  Celle  faute  ne 
se  trouve  point  dans  l'édition  de  Cologne  ,  en 
X607.  On  y  voit  pag.  610  ,  cùm  iloreret  anno 
1470. 

(2)  A  Valle  clans».  C'est  un  nom  de  guerre 
sous  lequel  Théophile  Raynaud  s'est  déguisé. 


cusez  les  gens  d'avoir  dit  précisément 
ce  qu'ils  ont  dit  ;  mais  faites-vous  une 
religion  de  n'en  rien  ôter ,  et  de  n'y 
rien  ajouter  ;  marquez-leur  les  consé- 
quences qui  en  naissent  ;  mais  n'assu- 
rez pas  qu'ils  aient  vu  ces  conséquen- 
ces ,  et  qu'ils  les  aient  admises  :  atten- 
dez ce  qu'ils  diront  lorsqu'ils  auront 
ouï  dire  qu'elles  sortent  naturellement 
et  nécessairement  de  ce  qu'ils  ont  dit. 
Je  ne  saurais  me  figurer  que  Barlette 
ait  été  assez  impudent  et  assez  extra- 
vagant pour  avoir  débité  Yimpudora- 
tam  blasphemiam  que  son  censeur  lui 
impute  en  si  beau  latin.  Il  suffit  de 
l'accuser  de  n'avoir  su  ce  qu'il  disait 
avec  sa  troisième  marque.  J'abandon- 
ne donc  son  critique  à  la  colère  d'Al- 
tamura.  (3)  Pessimè  igitur  a  Valle 
clausd  falsavit  calumniaturus  Barlel- 
tas  senlentiam  exscribendo  :  respondit 
Samaritanam  cognovisse  Chrislum  es- 
se Judœum  videndo  eum  esse  circum- 
cisum.  Ubi  fraudulento  silentio  prœ- 
terivit  duas  priores  illius  rationes  , 
etc.  +  On  a  été  plus  exact  dans  la  cen- 
sure d'un  autre  sermon.  11  s'agit,  dans 
cet  autre  sermon,  desavoir  pourquoi 
Je  Saint-Esprit  différa  dix  jours  sa  ve- 
nue dans  le  monde.  Barlette  attribue 
cela  à  la  peur  d'être  traité  de  la  ma- 
nière que  le  fils  de  Dieu  l'avait  été;  et 
il  ne  fait  finir  la  dispute  entre  le  Pè- 
re et  le  Saint-Esprit  que  par  cet  ex- 
pédient. Le  Saint-Esprit  s'avisa  de 
prendre  la  forme  de  vent  et  de  feu  , 
afin  de  ne  courir  aucun  risque  parmi 
les  hommes.  Que  peut-on  dire  de  plus 
bas  et  de  plus  indigne  de  la  majesté 
de  Dieu  ? 

(C)  Les  dominicains  se  donnent  bien 
de  la  peine  pour  justifier  ce  prédica- 
teur.] Pour  commencer  par  le  sermon 
de  la  Pentecôte,  je  remarque  qu'Alta- 
mura  est  si  éloigné  d'avouer  qu'il  y 

(3)  Altamura,  Bibliolh.  Orcl.  Pradic. ,  pag. 
Sic,. 

*  Bayle  a  ignoré  ,  dit  Joly ,  que  Jean  Casalas  , 
qui  avait  répondu  au  livre  de  Th.  Raynaud  , 
avait  essayé  avant  Altamura  de  justifier  Barlette 
à  ce  sujet.  L'ouvrage  de  Casalas  est  intitulé  , 
Candor  Ldii  seu  ordo  fralrum  prcrdicalorum  a 
calumniis  et  contumeliis  Pelri  à  faite  clausd 
vindicalfit  ,  et  est  imprimé  à  la  suite  de  la  réim- 
pression de  l'ouvrage  de  Raynaud  (  De  immunilale 
tiuctorurn  cyriacorum  à  censura  )  ,  faite  à  Lyon  , 
1664,  in-S°.  «  La  Monnoie  avait  ,  dit  Joly  ,  écrit 
»  ces  paroles  sur  un  exemplaire  que  j'ai  vu  ; 
>•  Raynaudus  et  Casalas  inepli;  Raynaudo  In- 
»  men  Casalas  ineptior.  Ils  sont  l'un  et  l'autre 
«  à  l'Index.  ■> 


BARLEUS. 


123 


ait  là  rien  à  reprendre  ,  qu'an  con 
traire  il  y  trouve  un  art  merveilleu: 

de  représenter  l'endurcissement  de  le  Père  et  le  Saint-Esprit  est  ai 
Thomme  ,  et  il  est  fort  surpris  qu'on  gaietés  de  Henri  Etienne  •  or  , 
ait  ose  l'aire  ce  procès  à  un  tel  prédi- 
cateur. Tanti  nominis  ,  dit-il  (  4  )  , 
concionalorem  ,  lanloque  cum  fructu 
verbuni  Dei  disséminante  m  ,  ut  ail  hue 
vigeat  ad  perpétuant  tanti  viri  decus 
commune  in  Italid  proloquium,  nescit 


ne  sont  pas  ceux  qu' Alberti  attribue 
un   imposteur  *.  La  dispute   entre 
une  des 
.  Al  la- 
mina la  reconnaît  pour  mi  enfant  lé- 
gitime de  BarleïHç, 


*  Bayle.d.lLcclerc,  pa«V  avec  trop  de  con- 
fiance. Alberti,  ajoute-t-il,  PHait  généralement 
de  tous  If  sermons  imprimés  <*i,>u/>/«-'.<  sous  le 
nom   île  Barlette,    et  il   soutient  q«;(s    ne  sont 


PR.EDICARE  QUI  NESCIT  BAIILETTAKE  (5)  (*).  nullement  de   ce  moine;  mais  lavis  d  Mtaraura 

Pour    ce    qui   est   du    fond    de    l'autre  «'.rHue!  f:.ppu.e  Bayle  v.ut  b.en  au  mous  «. 

,  .  "  .,  ,  t     ,    .  î  lui  d  Alberti. 

objection,  il  y  répondit  tresmal;  car 

if  prétend  que,  selon  Barlette,  la  Sa-  BARLEUS  (MELCHIon),    natif 

n.aritaineconnutàniabitetàlache-  a' Anvers  ,  poète  latin   au  XVIe. 

velare  que  Jésus- Christ  était  Juit  ,  .,    .  7  a 

d'où  ,  en  raisonnant ,  elle  tira  cette  Sl^le  ,  et  hls  de   Lambert  har- 

conséquence,  il  est  donc  circoncis.  En-  lelis  ,  qui  fut  garde  des  archives 

core  un  coup ,  le  plus  court  est  de  d'Anvers  plus  de  quarante  ans , 

dire  que  ce  pauvre  prédicateur  ne  sa-  f       ë,      ë   SQUS  de  bong  maîtres 
vait  ce  qu  il  disait  avec  sa  troisième  ,  ..  ,     . 

marque  :  il  n'aurait  su  où  il  en  était ,  et  témoigna  par  divers  écrits  tant 

s'il  lavait  prise  pour  un  objet  de  rai-  en  vers  qu'en  prose  (A)  les  pro— 

sonnement.  grès  qu'il  avait  faits.  L'un  de  ses 

(D)  On  la  voulu  justifier,  en  disant  ?•  •    t    „•».,„„     „  .:+• 

„  )  /  ,    t         ,  v     .    '    i"  ireres  ,  nomme  Jacques,  quitta 
qu  il  n  est  point  l  auteur  des  sermons  . .    .      »   * 

qui  ont  couru  sous  son  nom.  ]  Léan-  son  pays  pour  la  religion  ,  et  se 
dre  Alberti  se  vante  d'avoir  connu  en  sauva  en  Hollande  ,  où  ,  après 
sa  jeunesse  l'ignorant  qui  forgea  ces  avo;r  £té  régent  de  la  seconde 
indignes  productions  ,  qui  ont  couru  j  i  n  '  j  t  „  j  m  r  * 
sousble  nom  célèbre  de  Barlette  (6).  dans  \G  co}l%e  de  Leyde  ,  ll/ut 
Il  y  a  lieu  de  s'étonner  que  le  nouveau  appelé  a  la  Brille  ,  pour  y  elre 
bibliothécaire  de  l'ordre  n'ait  pas  allé-  recteur  du  collège.  GaSPAK  Bar- 
gué  cette  raison  pour  justifier  son  cou-  LTXS  frere  am^  Je  Melchior 
trere  :  et  1  on  dirait  qu  il  n'a  osé  s'en  /T)s  '  i  •  1  r.  j» 
servir,  parce  qu'on  a  reconnu  que  le  (Ç)  »  succéda  a  la  charge  d  pr- 
iait avancé  par  Léandre  Alberti  n'est  chiviste,  que  son  père  avait  exer- 
pas  véritable.  Mais,  qu'il  le  soit  ou  cée  ;  mais  lorsque  Anvers  eut  été 
non  il  est  du  moins  fort  certain  que  remis  sous  Je  jouft  <]e  la  domina- 
dans  les  écrits  qui  sont  incontestable-  .•  ,  °-,  .•.  i 
ment  de  Barlette  il  y  a  des  choses  im-  tlou.  espagnole,  il  sortit  de  sa 
pertinentes.  Nous  venons  de  voir  ce  patrie,  et  se  retira  en  Hollande, 
que  Pierre  de  Vaucluse  y  a  censuré.  Jl  y  transporta  son  fils  aîné,  qui 
C'est  à  tort  que  M.  Moréri  soutient  était  encore  au  berceau  (a) ,  et 
que  divers  auteurs  protestons  se  sont  i  .  .  ,  ,  ,»  .  •  1 
servis  de  ces  sermons  prétendus  de  dont  )e  Parle  dan*  [  article  SU1~ 
Barlette,  pour  tourner  en  ridicule  les  Vant. 
catholiques  ,  et  qu'entre  ceux-là  Hen-                                                                _ 

ri  Etienne  est  des  premiers;  car  i'ose  „  ^  Tirtj  dc  l0r™00,  ,unel,,re  de  GfPar 
i-         ,.               ,■  -,              ,                ■•  Barletis  ,  iironom <•<■</  Amsterdam,  nn/- Jean- 
bien   mettre  en  tait  que  les  sermons  .        A     '  ,    ,«  ,,„  •       ,-,„  ,f{io 
j,    .    il         •  r.-                 .•                    -.i  Aiu.  Coivinus,  /•-■  lo  de  janvier  lOJo. 
d  ou  neuri  Ltienne  a  tire  ses  railleries 

(A)  //  fit  divers  écrits  ,  tant  en  vers 
qu'en  prose.]  En  voici  les  titres  :  Bra- 
bantiados  libri  V,  et  Antverpiœ  En- 
comium  ;  De  diis  Genlium  libri  duo  , 
en    vers    élégiaques  ,    à    Anvers  ,    en 

chap.  VII  du  II*.  lirre  i56t  (i).  De   raplu  Ganymedis  libri 

(6J  Alberti  Descriutio  Italisr  ,  pag.  ^o  (i)  Valerii  Andr    Bibl.  belg.  ,  pag.  6S9. 


(4)  Idem,  ibtd. 

(5)  Il  avait  déjà  dit  cela  dans  la  page  irp, 
avec  une  tirade  de  pompeux  éloges. 

C)  I'»  France  eut  aussi  son  Barlette  au  commen- 
cement do  seizième  siècle,  en  la  personne  du  Ja- 
fameux    prédicateu 


cobin    Guillaume    Pepii 
Voyez  la  note  im  sur  le  i 


124 

1res  (2)  ,  et  Bucolica  ,  à  Anvers  ,  en 
1572.  Une  Harangue  de  Vïtœhuma- 
nœ  Felicitate  ,  cum  adjuncto  Carminé 
De  Iierum  humanarum  <  icissitudine 
ad  Gasparum  fratrem  .  à  Anvers,  en 
i566(3).  Historia  d^ -Oomils  Auslria- 
ctv  ctmnentiâ  (4">- 

(B)  Gaspar  ïarleus  était  frère  aîné 
de  Melchio-  ]  Je  ne  doute  point  que 
Valère  indré  n'ait  pris  ce  Gaspar 
pour^elui  qui  a  été  professeur  à  Am- 
sterdam ,  et  dont  les  vers  latins  ont 
/ait  tant  de  bruit.  S'il  l'a  fait ,  il  s'est 
trompé  lourdement  :  ce  professeur 
élait  le  neveu  de  Melchior  ,  et  non 
pas  son  frère.  Si  ,  pour  disculper  Va- 
lère André  de  ce  coté-là  ,  on  soute- 
nait qu'il  ne  prend  point  les  choses  de 
la  manière  que  je  suppose,  on  le  met- 
trait dans  le  tort  d'un  autre  côté  :  car 
quand  on  fait  connaître  un  auteur  par 
ses  parens  ,  on  ne  doit  pas  citer  des 
parens  qui  soient  inconnus  ,  ou  dans 
la  république  des  lettres ,  ou  dans  le 
monde  ;  et  par  conséquent  ,  ces  pa- 
roles de  Valère  André  ,  Melchior  Bar- 
lœus  Antverp'iensis  ,  Gasparis  fra- 
ter ,  seraient  frivoles  si  elles  étaient 
entendues  du  frère  de  Melchior  ;  car 
ce  frère  ,  quoiqu'il  ait  régenté  à  Bom- 
mel,  est  un  sujet  inconnu.  M.  Moréri 
a  commis  la  même  faute  que  Valère 
André. 

(2)  Corvin.  ,  in  Orat.  fnnebri  Gaspar.  Barlœi. 

(3)  Valerii  Andr.  Bibl.  belg.,  pag.  669. 

(4)  Corvin. ,  in  Orat.  funebri  Barliei. 


BARLEUS  (Gaspak),  neveu  du 
précédent,  a  été  professeur  en 
philosophie  à  Amsterdam,  et  l'un 
des  bons  poètes  latins  du  XVIIe. 
siècle.   Il    naquit  à  Anvers  l'an 


BARLEUS. 

Gaspar  au  ministère  du  saint 
Évangile.  Ce  Gaspar  étudia  huit 
ans  dans  le  collège  de  la  provin- 
ce de  Hollande  à  Leyde  ,  et  puis 
ayant  été  reçu  ministre,  il  ser- 
vit une  église  de  village  auprès 
de  la  Brille.  Bertius  étant  mon- 
té de  la  charge  de  sous-principal 
à  celle  de  principal  de  ce  collège, 
ne  crut  point  que  personne  tût 
plus  propre  que  notre  Barleiis  à 
lui  succéder.  Sa  recommanda- 
tion fut  efficace  :  Barleiis  fut  fait 
sous-principal  ;  et  quelque  temps 
après  on  lui  donna  la  profes- 
sion de  logique  dans  l'université 
de  Leyde.  11  se  mêla  si  avant 
dans  les  disputes  des  arminiens, 
qu'il  fut  déposé  de  toutes  ses 
charges  lorsque  le  parti  opposé 
à  celui-là  eut  pleinement  triom- 
phé l'an  1618,  au  synode  de 
Dordrecht.  Barleiis  se  mît  alors 
à  étudier  en  médecine ,  et  dans 
deux  ans  il  se  crut  capable  du 
doctorat.  11  en  prit  les  degrés  à 
Caen ,  mais  il  ne  pratiqua  pres- 
que poiut.  Il  y  eut  des  jeunes 
gens  qui  le  prièrent  de  leur 
faire  des  leçons  de  philosophie  et 
de  belles-lettres  ,  et  ,  comme,  il 
était  rompu  à  cela,  il  se  remit 
dans  cette  route ,  et  recouvra 
même  à  Leyde  un  caractère  pour 


cette    fonction.    Les   magistrats 


1 584  (a).  Son  père,  qui  était  de  d'Amsterdam    ayant    érige    une 

la  religion,   se  réfugia  en  Hol-  école  illustre,  l'an  i63i  ,  lui  of- 

lande,  dès  que  le  duc  de  Parme  frireut  la  profession  en  philoso- 

fut   rendu    maître   de    cette  plue.    Il    l'accepta  ,    et    l'exerça 


se 

ville.  11  s'arrêta  trois  ans  à 
Leyde  ,  après  quoi  il  fut  appelé 
à  Bommel ,  pour  y  être  recteur 
du  collège.  11  exerça  cette  char- 
ge pendant  sept  ans ,  et  puis  il 
mourut ,   ayant  destiné  son   fils 

(a)  Par  l'épîlrc  dédicatoire  de  ses  Lettres 
cm  <>oit  qu'il  naquit  le  12  defe\'rier. 


dignement  jusques  à  sa  mort  ar- 
rivée le  \f\  de  janvier  1640"  (b). 
C'était  un  homme  de  grand  mé- 
rite. On  a  un  volume  de  Haran- 
gues qu'il   prononça  sur  divers 

(b)  Tiré  de  son  Oraison  funèbre,  prnnon- 
cée  par  Jean  Arnold  Corviuus.  Le  Diarium, 
du  ««trWilte  met  sa  mort  à  l'an  16/(7. 


BARLEUS.  1-5 

sujets ,  et  qui  sont  non-seulement  attendait  de  lui ,  n'a  jamais  paru. 
reeonuuandablesparlestyle,mais  11  a  fait  voir  de  quoi  il  était  ca— 
aussi  par  le  tour  ,  et  par  divers    pable  en  fait  d'histoire  par  la  re- 


traits d'esprit.  La  poésie  était  son 
fort:  ses  muses  avaient  beauconp 
de  fécondité  et  d'élévation  (c).  11 
n'y  eut  au  monde  pendant  sa  vie 
presque  rien  de  grand  dont  il  ne 
fit  un  pompeux  éloge  ,  lorsque  la 
raison  d'état  n'y  apportait  point 
d'obstacle  (A).  Le  cardinal  de  Ri- 
chelieu ,  et  le  chancelier  d'Oxen- 
stiern  ne  furent  pas  oubliés  :  en- 
core moins  oublia-t-on  les  con- 
quêtes et  les  beaux  exploits  du 
prince  d'Orange  Frideric  Henri. 
La  reine  Marie  de  Médicis  ,  et  la 
magnifique  réception  qui  lui  fut  éléphant  sur  les  disgrâces  corpo- 
faite  à  Amsterdam  (d)  donne-  relies  ou  domestiques  qui  lui  sur- 
rent  de  l'exercice  à  l'éloquence  viennent  :  et  d'ailleurs  ceux  qui 
de  Barleiis.  Il  avait  publié  quel-  savent  tout  le  mystère  sont  or- 
ques ouvrages  de  controverse  dinairement  des  personnes  qui 
très-piquans  contre  les  adversai-  n'avouent  point  ce  qui  fait  quel- 
res  d'Arminius  (B).    Cette  plaie    que  déshonneur. 

ne  se  ferma  jamais:  il  fut  re^ai-       m\  h    '„>«  ■      j  jj       •* 

(A)  //  ny  eut  rien  de  grand  dont  il 


lalion  de  ce  qui  s 'e'taitpassé dans 
le  Brésil,  pendant  que  le  comte 
Maurice  de  Nassau  en  fut  gou- 
verneur. Il  publia  cette  histoire 
l'an  1647-  ^  a  couru  d'étranges 
bruits  sur  sa  dernière  maladie 
(E) ,  et  sur  sa  mort  (F)  ;  mais  on 
ne  peut  guère  savoir  au  vrai  ce 
qui  en  est.  Il  faut  faire  peu  de 
fond  sur  les  bruits  de  cette 
nature ,  car  on  sait  par  cent 
exemples ,  que  ,  pour  peu  qu'un 
auteur  se  soit  distingué,  la  re- 
nommée fait  d'une  mouche  un 


dé  toute  sa  vie  comme  un  fau- 
teur de  cette  secte  (C) ,  et  il  se 
trouva  bien  des  gens  qui  mur- 
murèrent contre  les  magistrats 
d'Amsterdam,  de  ce  qu'ils  en- 
tretenaient un  tel  professeur.  On 
observait  de  près  toutes  ses  dé- 
marches ,  et  on  ne  lui  pardon- 
nait rien.  On  cria  contre  lui 
d'une  terrible  manière  ,  à  cause 
de  certains  vers  qu'il  avait  faits 
sur  le  livre  d'un  rabbin  (D).  Ses 
lettres  ont  été  publiées  après  sa 
mort,  en  deux  volumes  (e);  mais 
le  Sextus  Empiricus ,  que  l'on 

(c)  Voyez  les  éloges  que.  lui  donne  Bor- 
riehius,  Dissertât,  de  Poetis ,  pag.  lAo. 

(-/   En  1637. 

e  Gérard  Brandi,  son  gendre,  les  Jil  im- 
primer à  Amsterdam,  l'an  1667.  On  en  voit 
quelques-unes  des  principales  dans  le  recueil 
des  Epùtolœ  pnrstantium  ac  eruditorum  Vi- 
vorum,  publié  par  les  arminiens,  in-%°. , 
l'an  i£(k>,  et  in'/ulio,  l'an  \G6\. 


ne  jîl  un  pompeux  éloge  ,  lorsque  la 
raison  d'état  n'y  apportait  point  d'ob- 
stacle. ]  J'emploie  cette  restriction  , 
parce  que  j'ai  lu  dans  les  lettres  de 
Barleiis  qu'il  ne  voulut  point  faire  un 
poème  sur  le  couronnement  de  l'em- 
pereur Ferdinand  III ,  comme  on  l'eu 
avait  prie.  Il  considéra  qu'il  avait  à 
faire  à  gens  soupçonneux,  qui  ne 
manqueraient  pas  de  le  décrier  com- 
me un  pensionnaire  de  la  maison 
d'Autriche;  et  d'ailleurs,  il  ne  vovait 
pas  qu'après  avoir  tant  chanté  les  vic- 
toires de  Gustave  sur  l'empereur  ,  il 
put  louer  Ferdinand  d'avoir  acquis 
une  grande  gloire  en  faisant  la  guerre 
aux  Suédois.  Voilà  un  poète  honnête 
homme.  Combien  y  a-t-il  de  gens  de 
sa  profession  qui  ne  sont  pas  si  scru- 
puleux ?  ils  ont  une  plume  à  deux 
mains  :  non-seulement  ils  prépaient 
des  acclamations  pour  le  parti  qui 
vaincra  ,  quel  qu'il  puisse  être  ;  mais 
même  après  l'événement  ,  ils  font  des 
vers  pour  les  deux  partis  (0.  Je  ne 

(1)  Confère*  avec  crci  ce  i/ur  Maoobe  .  Sa- 
turn. ,  lib.  II ,  cap.  Vt  pag.  si'  ,  rapporte  d'un 


:2Ô 


BARLEUS. 


doute  point  qu'il  n'y  ait  des  poètes  en 
Italie  qui  ont  loue  ,  ou  qui  loueront 
M.  le  Dauphin  et  M.  le  prince  Louis 
de  Bade  sur  la  campagne  de  iGg3.  Lit- 
teras  accepi  Piétina,  ce  sont  les  pa- 
roles de  Barleiis  (2)  ,  quibus  petuur 
uti  laudatio/ie  aliquâ  velim  prosequi 
coronationem  Ferdinandi  terlii  impe- 
raloris.  Ego  si  sapiam  abstinebo  ab 
illd  laudatione  religiosissimè.  Quam- 
quam  enim  ea  possem  scribere  quœ  ad 
laudes  imperatoris  faciant ,  nec  Heip. 
nostrce  adversentur,  tamen  prout  sunt 
nostratium  ingénia,  judicarent  me  bé- 
néficia obslriclum  Austriacis.  Scimus 
Cœsarem  non  quidem  aperto  Marte 
nos  petere  ,  se d  per  latns  Hispani  no- 
bis  gravent  esse.  Laudavi  eliam  non 
ila  pridem  Gustavunt  Sueciœ  regem  , 
ejusque  adversùs  Cœsarem  bella  pro- 
bavi.  Jam  ut  laudem  Ferdinandum 
tertium  ob  gesta  adversùs  Suecos  fé- 
liciter bella  ,  a  prudentid  med  impe- 
trare  non  possum.  JYon  sum  ambidex- 
ter  ,  sed  ab  omni  adulalione  alienis- 
simus.  Cuperem  obsequi  pelitioni  il- 
luslrissimi  legati ,  sed  hoc  cavendum 
ne  dum  Jbris  henè  ,  domi  malè  au- 
diam.  Forte  nimis  siitn  meticulosus  , 
sed  et  illud  certum  illam  Cœsaris  lau- 
dationem  a  me  profectam  calumniœ 
suspicionibusque  oportunam  fore.  La 
crainte  de  Barleiis  n'était  point  sans 
fondement  ;  et  si  la  raison  voulait 
qu'il  ne  fît  pas  le  panégyrique  de  Fer- 
dinand III ,  puisque  la  Hollande  était 
en  guerre  avec  la  maison  d'Autriche, 
et  qu'il  ne  faut  pas  qu'un  auteur  souf- 
fle le  chaud  et  le  froid ,  la  prudence 
n'exigeait  pas  moins  de  lui  qu'il  ne 
se  mêlât  point  de  cet  éloge.  Ceux  qui 
le  croyaient  ami  des  arminiens  l'eus- 
sent difi'amé  comme  un  ennemi  de 
Dieu  et  de  l'état,  et  ne  se  seraient  pas 
contentés  de  le  dire  dans  les  maisons 
et  dans  les  rues.  Au  reste  ,  si  tous  les 
héros  qu'il  loua  le  payèrent  aussi  bien 
que  le  cardinal  de  Richelieu  (3)  ,  il 
n'eut  pas  sujet  de  dire  que  la  cultu- 
re du  Parnasse  est  celle  d'un  terroir 
ingrat. 

(B)  //  publia  quelques  ouvrages  de 

homme  nui  avait  instruit  deux  corbeaux ,  Vun 
pour  féliciter  Auguste,  l  autre  pour  féliciter 
Marc  Antoine. 

(2)  Caspar.  Barlreiis ,  Epist.  CCCXXXIV , 
pag.  668.  La.  lettre  fut  écrite  l'an  i636. 

(3)  Ce  eariitnalluifitdonnercinq  mille  francs 
pour  son  éloge  ,  si  l'on  en  croit  Sorbière  ,  Sor- 
beriaua  ,  pag.   ;•<. 


controverses  très-piquans  contre  les  ad- 
versaires d'Arminius.~\  Il  publia  à  Ley- 
de,  en  1610,  un  écrit  intitulé  :  Bo- 
germannus  i\tyX^iV0^i  s'-v>e  Examen 
Epislolœ  dedicatoriœ  quant  suis  ad 
pietatem  illustrium  ordinum  Hollan- 
diœ  et  M^est-Frisiœ  Nolis  prœfïxit 
Joannes  Bogermannus  ,  ecclesiastes 
Leovardiensis  :  in  quo  etiam  Crimina 
a  Matlhœo  Slado  impacta  Erasmo 
Roterodamo  diluuntur.  L'année  sui- 
vante, il  publia  un  livret  dont  voici  le 
titre  :  Dissertatiuncula  in  qud  aliquot 
patriœ  theologorum  et  ccclesiastaritnt 
malè  sana  consilia  et  sludia  justd  ora- 
lionis  libertate  reprehenduntur.  Il  y 
avait  trop  d'aigreur  dans  cette  pièce, 
et  trop  d'injures  contre  les  prédica- 
teurs; car  il  prétend  (4)  que  Ton  trou- 
vait en  Hollande  Piros  prœdicalorii 
ordinis  vocales  plus  satis,  qui  ad  scri- 
bendos  salutiferos  libros  inepti ,  ad 
prœdicandam  Christ i  sapientiam  elin- 
gues  ,  tamen  ad  obtrectandum  cum 
magistratibus,  tuni  dissenlientibus  cir- 
ca  res  religionis  symmistis  diserli  sint 
et  copiosi.  Dans  la  page  suivante  il 
dit:  Sitempla  aliquot Hollandiœ per- 
agrare  libeat,  theologos  quampluri- 
ntos  in  spermolagos  ;  concionatores  in 
convitiatorcs  ■  pacis  prœcones  in  fac- 
tionum  principes  et  schismalis  faciun- 
di  buccinatores  transformatos  mirabe- 
re ,  nec  tant  reformata  anipliits,  quant 
pessimis  aliquorum  moribus  déformâ- 
tes religionis  antistites  esse  jurabis. 
C'était  outrager  avec  excès  ceux  que 
leur  caractère  lui  devait  rendre  véné- 
rables. Cette  invective  fut  traduite 
tout  aussitôt  en  flamand.  Je  ne  sau- 
rais bien  dire  si  ce  fut  dans  cette  dis- 
sertation qu'il  traita  de  nebulo  un 
certain  Vincent  Drielenburch,  qui  s'é- 
tait érigé  en  prophète  ;  mais,  ou  dans 
cet  écrit,  ou  dans  quelque  autre  ,  il 
s'était  servi  de  ce  terme  injurieux  :  ce 
qui  émut  tellement  la  bile  de  ce  per- 
sonnage ,  qu'il  publia  un  livre  ,  dans 
lequel  ,  après  avoir  traité  Barleiis  de 
fripon  et  de  scélérat ,  nebulnnem  et 
scelestum ,  il  s'engage  à  donner  cent 
francs  à  la  diaconie  de  Leyde,  et  à  se 
livrer  à  la  justice  ,  afin  que  sa  puni- 
tion serve  d'exemple  ,  en  cas  qu'on 
prouve  par  de  solides  raisons  qu'il  est 
fripon  ,  Nebulo  Vincenlius  eliam 
Drielenburch  suis  prophetandi  parli- 

C4)  P"?-  4- 


BARLEUS. 


127 


bus  non  dcfuit  ,   nam  annn  superiore    qu'un  des  collègues  de  Polyander  lui 


à  Casparo  Barlœo  in  scriptn  qundarn 
nebulonis  nomine  designatus  ,  id  adeo 
propheticœ  suce  dignitali  putavit  esse 
injuriosum,  ut  edito  mox  scripto  eum- 
dem  Barlœiun  scelestum  et  nebulo- 
nem  nominarel,  etc.  (5).  Peu  après  il 
parut  un   livre  ,    où    l'on    prétendit 


avait  reproche'  d'avoir  dit  cela  à  Bar- 
leùs,  ennemi  de  l'Eglise  :  Tu  hoc  dixis- 
ti  Barlœo,  queni  scis  esse  hoslcm  Ec- 
clesiœ  ,  qui  ULud  Ipsum  ad  Vjtenbo- 
gardum  et  Episcopium  perscripturus 
est.  Ces  lettres  furent  écrites  l'an  i63o. 
Il    paraît  par   les  lettres  de  Barleùs 


prouver  ,  par  dix  raisons  incontesta-  qu'il  a  toujours  été  dans  les  opinions 
blés  ,  ce  qu'on  avait  avancé  contre  des  remontrans. 
Drielenburch.  Il  répondit  à  ces  dix 
raisons ,  et  s'emporta  extrêmement 
contre  Barleùs.  Celui-ci  composa  une 
Remontrance  a  messieurs  les  Etats- 
Généraux  ,  pendant  son  exil.  Elle  est 
datée  de  Francfort  ,  au  mois  d'août 
1620,  et  intitulée  :  Fuies  imbellis,  si- 
ve  Epistola  parœnelica  ad  illustris- 
simos   et  potenlissimos    Fœderatarum 


(D)  On  cria  contre....  les  vers  qu'il 
avait  faits  sur  le  livre  d'un  rabbin,'] 
Manassé-Ben-Israè'l,  l'un  des  plus  habi- 
les hommes  qui  aientété  entre  les  Juifs 
dans  le  XVIIe.  siècle  ,  publia  un  livre 
sur  la  création,  l'an  1634.  Barleùs  fit 
une  épigramme  sur  ce  livre,  et  souf- 
frit, selon  la  coutume,  qu'elle  parût 
à  la  tète  de  l'ouvrage.  Il  déclarait 
provinciarum  Ordines.  C'est  une  piè-  trop  expressément  qu'il  préférait  la 
ce  très -bien  écrite,  et  où  l'on  re-  bonne  vie  à  la  vérité  des  dogmes 
présente  gravement  les  maux  des  de  spéculation.  Un  théologien  de  De- 
persécutions  ,  et  les  droits  de  la  cons-  venter  lui  fît  là-dessus  une  grosse  af- 
cience.  Vous  la  trouverez  dans  les  faire  :  il  publia  un  écrit  où  il  soute- 
Prœstanlium  et  eruditorum  firorum  nait.  que  l'épigramme  était  remplie 
Epistolœ  (6).  de  blasphèmes,  et  que  l'auteur  était 

(C)   Il  fut  regardé  toute  sa  vie  com-    un  socinien.  On  voulut  même  porter 
me  fauteur  de  ta  secte  d'Arminius.  ]     l'affaire  devant  les  états  de  Hollande, 
Il  est  certain  que  depuis  qu'il  fut  ré- 
habilité dans  l'académie  de  Leyde  ,  il 


n  interrompit  point  ses  correspondan- 
ces avec  les  arminiens.  Sa  CLVIe.  let- 
tre apprend  à  Uytenbogard  que  Po- 
lyander ,  professeur  eu  théologie  à 
Leyde  ,  avait   révélé   à   se?  amis  que 


pour  convaincre  de  socinianisme  Bar- 
leùs et  tous  les  arminiens.  Consilia 
agitari  uti  libellus  iste  censorisordini- 
bus  Hollandiœ  exhibeaturut  appareat 
Barlœum  et  remonstrantes  esse  soci- 
nianos  (9).  Barleùs  se  défendit  avec 
chaleur,  et  se  mit  bien  en  colère.  Il 


tout  ce   qu'il  y  avait  de  modération     soutint   qu'on    interprétait    maligne 
dans  l'écrit  que  la  faculté  de  théologie    ment  ses   paroles,  et  qu'on  les  falsi 


avait  publié  contre  les  arminiens  ve- 
nait de  lui  :  Quidquid  mollius  lenius- 
que  scripturn  reperitur  in  specimine,  a 
se  profectum  esse,  reliqua  asperiora 
collegarwn  esse  (7)  ;  mais  qu'il  sou- 
haitait ([lie  ,  si  les  arminiens  savaient 
cela,  ils  ne  le  témoignassent  pas  ,  vu 
que  ce  serait  l'exposer  à  l'indignation 
de  ses  collègues.  Rogavit  me  obnixè 
per  D.  P^ossium  internuncium ,  vobis 
uti  scriberem,  ne  si  forte  hœc  res  ad 
aures  vestras  pervenerit ,  ejus  in  res- 
ponso  vestro  meminisse  velitis,  ne  col- 
legarum  suoruni  invidiœ  ac  odiis  , 
quorum  jam  seminajacta,  miser  obji- 


liait  même  ,  afin  de  mieux  colorer 
les  chicaneries  dont  on  se  servait  pour 
trouver  des  sens  auxquels  il  n'avait 
jamais   pensé.  Epigramma   quoddam 

riieum quœsitis  et  perversis  detor- 

siombus  maligne  interpretatur.  Dicit 
Mo  Epigrammate  contineri  varia  quœ 
Ecclesiœ  perniciosa  ,  religioni  chris 
lianœ  probrosa  ,  et  m  Deum  ac  Do- 
minum  nostrum  Jesum  C/iristum  im- 
pia  sunt.  Sociniaiiismuru  adliuc  auc- 
tori  Epigrammatis  impingit....  Cen- 
sor  pessimd  fuie  voculam  è.  carminé 
sustultt,  et  suant  substitua,  manea- 
11111s  pro  vivamus.  Sensus  ajfingit  ver- 


ciatur(8).  La  lettre  suivante  témoigne     sibus   meis  île  quibus  ne  per  somnium 
...  c  .       _     ,  quidem  cogitavi  (10).  11  protesta  qu'il 

«.  n  neigiT™ ™'e  G1"5  '  '"  PaciCcalorio  Jis"    n'était  point  socinien  ,  qu'il  ne  l'avait 

J6)  A  tapage  63o'  \tsuiy.   de   Vediuon  de    J3'™'3  éU  '   Ct  ^ll  détestait  les  dog- 

(qï  Barlae.is,  Epist.  CCC.LXXXVIII,  p„  ■  ,;-•-, 
(,o)  Ibidem,  paS.  6:4 ,   (i:î.    Veyex  amti 
pag.  678. 


{■))  BarW,  Epist.  CLVI,  paï 
(8J  Ibidem. 


ia8  BARLEUS. 

mes  des  sociniens.  Il  ajouta  que  quel-  crois  qu'en  général  les  meilleurs  amis 
ques-uns  seraient  bien  aises  de  le  voir  de  Barleiis  lui  trouvaient  trop  de  sen 
socinien,  afin  que  la  haine  qu'ils  lui  sibilité  pour  la  censure  de  son  épi 
portaient  remportât  un  plus  grand 
triomphe.  Non  sum  socinianus  ,  nec 
fui  unqulim  ,  imo  hostis  sum  istorum 
dogmatum  aceirimus.  Sellent  quidam 
me  esse  qui  explendi  in  me  odii  ma- 
teriam  sollicité  quœrunt  (i  i).  Si  ce  ju- 
gement était  faux  ,  il  n'était  pour- 
tant point  éloigné  de  la  vraisemblan- 
ce ;  car  ceux  qui  se  trouvent  engagés 


gramme  ;  car  on  lui  conseillait  de  mé- 
priser ses  censeurs,  et  on  lui  en  écri- 
vait beaucoup  de  mal.  Tibi  sum  auc- 
torut  eos  pOilhac  prœteritione  mulcles. 
jicerrima  vtndicta  est  contemptus  in 
malam  rem  homines  ad  civilia  ingt' 
nia  vexanda  natos.  Ex  Epigrammate 
scilicet  quo  Manassen  Judœum  non 
proscindis  conviliis  ,  totus  in  te  theolo- 


dans  les  querelles  de  doctrines,  accu-  gorum  ordo  asperatus  omnem  Hœreti- 

sent  de  tant  de  choses  leurs  adversai-  corum  senlinatn  in  capul  tuum  infun- 

res  ,  qu'ordinairement  parlant  il  ne  det....  Si  verpivm  ,   apellam  ,    recuti- 

saurait  leur  faire  un  plus  grand  dé-  tum  eumdem  dixisses   et  virum  ,    ut 

pit  que  de  paraître  autre  qu'ils  ne  di-  videlur,  non  maluni  poeticis  scommati- 

sent.  Quoi  qu'il  en  soit ,  il  était  per-  bus  exagitdsses  ,  palmarium  meruisses 

misa  Barleiis  de  repousser  la  calom-  Si  quid  mihi  apud  te  eslfidei  , 

nie  ■    mais  il  ne  devait  pas  faire  des  crabrones  istos  ilerùrn  dico  posthac  ne 


vers  si  outrageans  contre  le  théolo- 
gien de  Deventer  ,  que  peut-être  Ar- 
chilochus  n'en  faisait  pas  qui  le  fus- 
sent  davantage.    Ce    théologien  ,   au 


gliges.  Acriùs  enim  post  repulsam 
instant ,  et  ubi  excusseris  venenum 
ornne  in  aculeos  adi'ocant  tanquam  ipsi 
lœsi  (  16).   L'épigramme  de  Barleiis  , 


reste,  s'appelait  Vedelius  ,  et  il  in-  qui  donna  lieu  à  tant  de  fracas  ,  trou- 
titula  son  livre  Deus  Synagogœ.  Un  verait  ici  sa  place ,  si  elle  n'avait  été 
professeur  d'Utrecht  (12)  le  seconda  insérée  depuis  peu  dans  un  petit  livre 
dans  cette  attaque  par  un  écrit  qu'il  qui  est  entre  les  mains  de  tout  le 
intitula  Forstius  redivivus ,  et  que  inonde  (17).  Je  m'étonne  que  l'on  n'y 
Vedelius  eut  soin  de  faire  imprimer,  ait  inséré  qu'une  très-petite  partie  des 
Vossius  se  persuada  que  Barleiis  de-  vers  de  Barlpiis  contre  Vedelius;  mais 
vint  malade  pour  avoir  trop  pris  à  je  m'étonne  bien  davantage  qu'on  ait 
cœur  l'insulte  de  ces  deux  antagonis-  pu  penser  que  l'endroit  qu'on  en  rap- 
tes.  Voici  ce  qu'il  écrivit  à  Grotius  ,  porte  montre  que  l'auteur  se  moquait 
le  i5  de  décembre  1637.  Collega  Bar- 
lœusjam  tertiummensem  laborat  quar- 
lanâ.  Metuiturei  à  jua.fx?/uôù.  Ut  con- 
valescat  non  uidetur  idem  fore  qui 
quondam  (  i3  ).  Afflixil  valeludinem 
opère  properando  quod  nunc  excudt- 
tur.  Est  hoc  de  ingressu  (i4)  reginœ 
matris  in  urbem  nostram  ,  et  honore 
pompœ  ei  exhibito.  Typis  prodibtt  au- 
sustts  plurimis  exomalum  picturis. 
Atque  hoc  quod  dixi  non  dissimulât 
apud  amicos.  Sed  multhm  metuo  ne 
rnorbum  hune  indè  contraxerit ,  quod 
nimis  ad  animum  rei'ocaret  quœ  ad- 
venus eum  scripta  sunt  h  Doct.  Ve- 
deho  ,   et  Mag.  Schoockio  (  i5).  Je 


(,,)  BarUsus  ,  Epist.  CCCLXXXVIII,  pag. 

(12)  Martin  ScboocVms.  Voyei  Voetius ,  Dis- 
ant, sélect.  ,  vol.  I ,  pag.  n56. 

(i3)  L'événement  ne  confirma,  point  celle  con- 
jecture. On  en  fait  tous  les  jours  de  semblable*, 
qui  se  trouvent  fausses. 

(i\)  Voilà  notre  gallicisme  tout  pur.  C'est 
celui  Je  l'entrée. 

(>5)  Epiât,  prasstant.  et  eiiulitomm  Virorum, 
pag.  796  ,  edit.  in-folio  ann.    itil».j. 


des  deux  religions.  Voici  ce  que  dit 
Sorbière  :  Cùm  Vedelius  nomen  suum 
in  priori  scripto  analytico  Epigram- 
matis  Barlœani  restituisset  (18)  ,  ait  : 

Quid  lenebroso 

Calumnicitor  prave  délites  antro  , 
Et  exolela  soeve  tergiversalor 
dreessis  orco  tnonstra  perdtla?  seclœ  ? 
Cur  versipellis  Sarmalœ  maias  voces 
P  orienta  Jidei  ,   exsibilala  Senensis 
Commenta  verbis  ajfricas  Serenatis  ? 

Quœ  sanè  nec  Calviniari.s  satisj'acere 
nec  altis  ,  sed  utriusque  religtonis  lu- 
dibrio  habitœpoè'tam  mérita  suspeclum 
reddidere  (19).  Il  faut  rêver  ou  être 
ivre  pour  juger  ainsi  •  car  les  vers  que 
l'on  vient  de  lire  sont  les  plus  piquam 

(16)  Rocbus  HonerJius ,  «n  Episl.  ad  Bar- 
lxum  ,  ibid. ,  pat;.  7g5. 

(17)  Dans  le  Sorberiana,  pag.  3^  et  38,  édiï. 
de  Hollande  ,  en  i6g4- 

(18)  C'est  sans  doute  une  faute  d'impressioi. 
L'auteur  avait  dit  peut-être  siluisset;  car  outrt 
qu'il  est  faux  que  Vedelius  se  soit  nommé  au 
premier  écrit  ,  les  vers  allégués  supposent  qui' 
avait  supprimé  son  nom. 

(ig)  Sorberiana ,  pag.  3g. 


BARLEUS. 


que  Ton  puisse  faire  contre  le  socinia- 
nisine  ,  et  l'on  ne  saurait  témoigner 
plus  vivement  que  fait  Barleùs  com- 
bien il  détestait  d'être  soupçonne  «le 
cette  hérésie.  La  prose  de  cet  auteur, 
que  Sorbière  avait  citée  auparavant  , 
ne  tonne  pas  moins  contre  cette  secte. 
(E)  //  a  couru  d'étranges  bruits  sur 
sa  dernière  maladie.  ~\  J"ai  ouï  dire 
qu'il  croyait  être  de  verre  ,  et  qu'il 
craignait    d'être    cassé    en    morceaux 

3uand  il  voyait  que  l'on  s'approchait 
elui.  D'autres  m'ont  dit  quil  croyait 
être  de  beurre  ou  de  paille;  et  que  , 
dans  cette  fausse  imagination  ,  d  n'o- 
sait s'approcher  du  feu.  Cela  est  in- 
compatible avec  le  narré  de  son  orai- 
son funèbre  .  prononcée  par  le  sieur 
Corvin  ,  professeur  en  droit  :  car  on 
y  assure  qu'il  fit  une  leçon  :'i  ses  éco- 
liers le  jour  qui  précéda  sa  mort.,  et 
et  qu'il  é'tait  prêt  à  leur  en  faire  une 
lorsqu'il  fut  saisi  d'une  défaillance  de 
laquelle  il  ne  revint  point.  ld  quod  do- 
lemus  eo  accidisse  mnmento  quo  se  pa- 
rafai ut  juuentuti  sibi  commisses  dn- 
cendo  débitant  prœstaret  oQicium  (20). 
Anlecssit  quidem  eum  mnrbus  cum 
quo  luctahatur  subindè  ,  non  lumen 
tantus  quin  aliquomodo  consuetis  ad- 
huc  sujji  \er-et  lahoribus.  Audiveranl 
eum  pridiè  diei  quo  eum  mors  invasit, 
discipuU  docentem  :  audivissenl  eadem 
qud  O'-cidit ,  nist  ip^is  eum  abstulisset, 
ita  ut  accepimus,  plurimis  hodiè  exem- 
plis  fer'e  epidemica  iipothymia.  Il  s'é- 
tait servi  peu  auparavant  [quadno- 
tandum  )  de  la  même  circonspection  : 
Inopinala  eum  extinxit  ,  ut  nobis  re- 
l-ATUM  ,  lipndiymia.  Inde  j'actum  ut 
eum  exslinctum  antè  audiverimus  , 
quant  ntorti  esse  propimptum  moi  bus 
prœnunliaret.  Notez  que  Gorvin  ve- 
nait d'apostropher  les  disciples  du  dé- 
funt. Aurait-il  osé  dire  faussement  en 
leur   présence  qu'ils  avaient  assisté  à 

une  de  ses  leçons  le  jour  de  devant  sa 

mort  ? 

(F)   et  sur  sa  mort.  ]  Morhofius 

conte  que    Barleùs   mourut   dans  un 

puits  ,  et  qu'on  ne   sait  s'il  y  tomba 

?>ar  mégarde  ,  ou  s'il  s'y  précipita  vo- 
ontairement.  Misera  j'ato  peritt ,  pu- 
teo  submersus,  an  sponte,  an  casu  ,  m- 
certum  ,  de  morte  ejusjam  supra  dixi- 
mus.  C'est  ainsi  qu'il  parle  dans  la  pa- 
ge 3oo  de  son  Polyhistor.  Il  nous  ren- 
Toie  sans  doute  à  la  page  i55,  lorsqu'il 

(20)  Corvimis,  in  Orat.  inuibri  liarlsi. 

TOME  ni. 


ï29 


dit  qu'il  a  déjà  fait  mention  de  cette 
mort,  mais  dans  cette  page  i55  il  ne 
se  sert  point  de  l'alternative  du  ha- 
sard ,  ou  du  dessein  prémédité  :  il  as- 
sure que  Barleùs  devint  fou,  et  qu'il 
se  jeta  dans  un  puits  ,  et  il  cite  la 
LXlVe.  lettre  de  Sorbière.  Eo  nnniiul- 
lorum  excrescit  è  fiducie  nimia  qjfibi- 
tio  ,  ut  sinistro  aliorum  judicio  in  ex- 
tremam  incluant  insaniam.  Quod  Bar- 
lœo  accidil  ,  qui  ob  prcelalitm  sibi 
Spanftemium  in  maniant  int  idtt,  seque 
ipsum  in  puleo  sujf<nuvit ,  quod  de  eo 
Sorbierius  refert  Epist.  G4  ,  extatque 
apwl  Duvortum  Musarum  stibcisiva- 
ruin  lib.  1  de  eo  Epigramma  (  21  ). 
Celte  citation  est  très- fausse j  car  voi- 
ci ce  que  dit  Soi  bière  :  «  La  morl  de 
»  Barleùs  ,  de  laquelle  vous  me  de- 
»  mande/,  quelques  circonstances  , 
»  n'est  pas  de  ce  rang  (221 .  quoiqu'il 
»  fût  très-galant  homme  5  car  il  se 
»  trouvera  toujours  plus  d'excellcns 
»  poètes  que  d'excellens  médecins. 
»  Lorsque  j'étais  à  Amsterdam  ,  on 
»  parlait  diversement  de  la  tin  de  sa 
»  vie,  comme  s'il  y  avait  eu  de  la 
»  mélancolie  qui  l'eût  avancée.  Il  est 
»  vrai  qu'ayant  fait  une  Oraison  fu- 
»  nèbre  en  vers  sur  la  mort  du  prince 
»  d'Orange  ,  et  que  le  docteur  Span- 
»  heim  en  ayant  prononcé  une  en 
»  prose,  il  supporta  très  impatiem- 
»  ment  1  inégalilé  de  leur  récoxnpen- 
»  se.  Car,  comme  disait  plaisamment 
»  M.  de  S  nimaisc  ,  on  fit  une  étran- 
u  ge  bévue,  donnant  la  paie  de  cava- 
»  lier  au  fantassin,  el  celle  de  fan- 
»  lassin  au  cavalier.  Barleùs  n'eut 
»  que  cinq  cents  livres,  et  l'antre  cinq 
»  cents  écus.  »  On  ne  trouve  rien 
touchant  la  mort  de  Barleiis  dans  le 
Sorberiana.  On  y  trouve  bien  que,  se- 
lon le  bruit  commun  ,  Barleiis  était 
sujet  à  quelques  accès  de  folie:  Fere- 
batur  intervâlla  quœdam  minas  lucida 
habere  ,  n>c  aberat  conjectura  oculo- 
rum  qui  non  benè  sanain  cerebri  par- 
ticulam  indicabant    . 

(ai)  Morhof.  Polyl.ist  ,  pag.  l55. 

(2a)  Cesl-b-dire  dr  l'importance  de  celle  de 
Wallaeua  el  de  Veslngus,  duil  il  venait  de 
parler. 

*  Joïjr  pense  que  Hayle  aurait  pu  renvoyer  ara 
recueil  cité  ailleurs  par  lui  (article  <  ii*s>ix)( 
et  intitulé  :  Clrtionun  virorwn  r.  islolm  entunt 
inedilte,  t-o  ..  iu-S0  .  qui  coalisai  des  lettre*  tint 
de  Bar!  u-  qu'adressée*  à  ce  ■  vaut,  et  ob  l'oo 
voit  que  dès  i6i3  il  était  en  proie  a  de  noirs  ac- 
cè>  île  mélancolie  ,  dont    il    fut  encore  altaquv  eu 

idii,  11  woucuiW  '4  janvier  »'-'■.*■ 


,3o  BARLEUS. 

BARLEUS  (Lambert)  ,  frère  du 
précédent ,  naquit  à  Bommel,  en 
Gueldre,  l'an  i5i)5  (a).  Il  a  été 
professeur  en  grec  dans  l'acadé- 
mie deLeyde.  Avant  cela,  il  avait 
été  régent  de  seconde  dans  un 
collège  d'Amsterdam(A),  et  avant 
que  de  régenter  cette  classe  il 
avait  été  le  ministre  du  baron  de 
Langerac ,  ambassadeur  de  Hol- 
lande en  France  (b).  Il  fut  ap- 
pelé à  Leyde ,  pour  remplir  la 
place  de  Jérémie  Hoelzlin ,  et 
l'on  ajouta  un  nouvel  agrément 
à  cette  charge  ;  car  on  la  lui 
donna  avec  le  titre  de  professeur 
ordinaire  (c) ,  ce  qui  emporte 
avec  soi  plusieurs  avantages.  Il  fit 
sa  harangue  inaugurale  de  Grœ- 
carum  litterarum  Prœstantiâ  ac 
Ulilitale,\e  22  d'octobre  ib/fi, 
ïl  publia  en  i65?.  le  Timon  de 
Lucien ,  avec  plusieurs  notes  , 
qui  n'ont  rien  de  fort  exquis ,  ni 
de  fort  profond ,  mais  qui  peu- 
vent être"  utiles  à  la  jeunesse.  Il 
mourut  le  16  de  juin  i655  (d). 
Son  Commentaire  sur  la  théo- 
logie d'Hésiode  fut  imprimé 
l'an  i658. 

(a)  Wilte,  in  Diario  Biographico. 

(b)  Gorvinus,  in  Orat.  funebri  Gasp.  Bar- 
lœi. 

(c)  Voyez  l'épitre  dédicatoire  de  son  Ti- 
mon de  Lucien. 

(d)  Witle,  Diarium  Biograph. 

(A)  Il  fut  régent  de  seconde  dans  un 
collège  d'Amsterdam.]  Les  Hollandais 
donnent  le  nom  de  Conrector  à  ceux 
qui  régentent  cette  classe.  C'est  com- 
me qui  dirait  assesseur  du  recteur.  On 
appelle  recteur  en  Hollande  celui  qui 
régente  la  première  classe.  Il  a  inspec- 
tion sur  les  autres  régens. 

BARLOW  *  (Thomas)  ,  évêque 

*  Le  Dictionnaire  de  Chaufepié  contient 
sur  T.  Barlow  un  article  de  sis  pages  et  de- 
mie. 


BARLOW. 

de  Lincoln ,  sous  le  règne  de 
Charles  II,  a  été  un  très-savani 
homme.  Il  enseigna  long-temps 
la  théologie  dans  l'université 
d'Oxford  ,  et  quelqu'un  a  soup- 
çonné qu'on  l'en  tira  ,  parce 
qu'il  était  trop  orthodoxe  (A).  Il 
avait  un  zèle  ardent  contre  le 
papisme ,  et  il  l'a  témoigné  par 
ses  écrits  (B).  Il  avait  beaucoup 
de  livres,  et  une  grande  lecture. 
Il  mourut  l'an  1690,  ou  environ. 
On  a  publié  depuis  sa  mort  quel- 
ques opuscules  trouvés  parmi 
ses  papiers.  Quelques-uns  le  con- 
fondent avec  Guillaume  Barlow 
(C) ,  évêque  de  Lincoln  ,  qui  flo- 
rissait  sous  le  roi  Jacques  Ier.  ,  et 
qui  mourut  même  sous  ce  prince 

(A)  Quelqu'un  a  soupçonné  qu'on 
le  tira  de  l'université  d' Oxford  parce 
qu'il  était  trop  orthodoxe.  ]  Ce  quel- 
qu'un est  un  célèbre  ministre  et  pro- 
fesseur en  théologie  à  Groningue  : 
c'est  en  un  mot  Jacques  Alting.  Il  dit 
dans  une  lettre,  datée  du  i3  de  mars 
1676,  qu'on  avait  élevé  depuis  peu  de 
temps  le  docteur  Barlow  à  l'évêché  de 
Lincoln  ,  afin  de  l'ôter  de  l'académie 
où  il  enseignait  la  foi  orthodoxe  (1)  : 
car,  ajoute-t-il,  les  Anglais  penchent 
beaucoup  vers  le  pélagianistne  et  le  so- 
cinianisme  :  et  là-dessus  il  parle  d'un 
livre  de  Unione  et  Communione  curu 
Christo,  dont  l'auteur  s'appelait  Shei 
lok. 

(B)  II  avait  un  zèle  ardent  contre  le 
papisme....  :  il  l'a  témoigné  par  ses 
écrits.  ]  Lorsqu'on  parlait  tant  de  Ti- 
tus Gates  ,  et  de  l'horrible  conspira- 
tion dont  il  fut  le  délateur  ,  cet  évê- 
que publia  un  livre,  où  il  maintenait 
contre  toutes  sortes  de  chicaneries  que 
c'est  un  article  de  la  foi  romaine  que 
le  pape  peut  déposer  les  souverains  , 
et  donner  leurs  états  à  d'autres.  C'é- 
tait un  très-bon  moyen  de  témoigner 
qu'on  voulait  nuire  aux  papistes  ;  car 
de  toutes  les  choses  qui  sont  capables 
d'exciter  contre  eux  le  zèle  de  la  na- 
tion ,  il  n'y  en  a  point  qui  le  puisse 

(i).lac.  Alùn^i  Operum ,  (oui.  V,p«g-  3o,s. 


BARNES 

faire  davantage  que  de  montrer  qu'il; 
toujours  prêts,   par  princ. 

Jever    con*r»  les 
princes  protestans.  Le  livre  que  M 
îow  publia  sur  cette  matière  fut  tra- 
duit tout  :  français  ,  et  pu- 
blie' sous  ce  titre  :    Traite  historique 
sur  le  sujet  de   l  excommunication  et 
de  la  d-p^sltion  des   rois.  JL  P 
le  Barbin  ,  16S1    - 
QmrJques-  uns   le    confondent 

l    UCILLACME  BaBLOW."  Les  de  _ 

teurs  qui  ont  joint  des  suppléai 

lé  de  Jean  Deckherrus  de  Scriptis 

if    tombés   dans  cette 

faute.  Deckherrus  avait  débite  que  le 

-.      ,        -  a       .     — 

acques ,  au  sujet  de  Tapologie  du 

fut   réfuté   par 

■Li.  Un  de 

ses  amis  (  3  )  lai  écrivit  que  ce  prélat 

se  nommait  point  Baclo.  ma.: 

L^î.ij-w.  Is  si  place t  est  Thomas 

md  Ançlns  nomi- 

't  de  noslratibus  optimè  m-: 

ni  uni  for-::  :\ando  à.-.iz- 

.  rnaj*nam  in  in- 

-  -    siam 

.  \iverrime  uno  et  altero  opus- 

culo  prœ<  .  Rom*- 

nam  magnum  litteratis  desiderium  ex- 

ri  .         :  ejus  de  crnspiralione 

_ 

uunpowder  Treason.  non  lia  pri- 

dem  .  La  lettre  dont  je 

tire  ces  paroles  ,    fut  ecn 

bourg  .  en  16S;.  Il  est  donc  visible 

que  l'ami  de  M     Deckner:  .  .  - 

naît  que  1  evèque  de  Linccln,  qui  avait 

écrit  pour  le  roi  Jacques  contre  un  jé- 

.    %uait   encore.   Or.  c'est   une 


de  rien  quant  au  fond,  pnû 

que  levéque  de  Lincoln  qui  écririt 

pour  le  roi    Jac 

laum*  xac 

celui  qui  -  .Je 

;  ufi  a 
Thomas  Barlow  pour  e  au 

temj  s  dont  je  parle,  et  pour  ave. 
évéque  l'an  1609;  CAI  d  est  très-rare 
qu  en  Angleterre  on  soit  er^que  . 
.     ie  trente-cinq  ou  quarante 
L'auteur  des  5ouvelles  de  la  republi- 
que des  lettres  ,  qui  fit  une  petite  re- 
vue des  fa 

de  celles  1  gius,  non-seu- 

lement ne  s'aperçut  peint  c 
.  l*adopta;  qui  pâ 

BARNE- 

en  théologie .   et  chapelain 
de  Henri  VIII  . 

terre,  fut  envoyé  en  Allen::. 
par  son   maître ,  Tan  :  5  -  .' 
Il  conféra  d'abord  avec  les  thëo- 

.     us   protestans    sur   l'ai: 
du  divorce  :  il  eut  ensuite  q 
audiences   de  Pdecteui 

gnit  aux  am[y . .  _ 
deurs  anglais  .  qui  proposèrent  à 
cet  électeur  une  alliance  contre 
le  pape ,  et  qui  demandèrent 
Henri  "NUI  fut  associé  à  la  :  :  _ 
de  Smalcalde.      -  :  - 

rer  la  reformation   de  F  Angle- 
terre .  mais  au  fond  ils  n'ara 


le  bévue.  Ce  fat  en  Tan  pour  but  crue  d'obtenir  un- 

probation   doctorale  du  di. 

Dert  Persons .  jésuite  ar  .  ;  il    ',      ,  „. 

de   leur  maître  .  et  une  alliance 


et  qu'il 
*  vit  de  la  plume  du  docteur  I 

S    ce  docteur 
d  vie  l'an  16S1  .  son  Age  eût 
-ne   chose  tout-à-fait  estr_ 
:  ^n  ne  saurait  excuser 
qui  auraient  fait  mention  de  sa  scien- 
ce et  de  ses  !ivr-  .ent  oublié 
de  parler  de    son   grand      _ 
ne    c 
point  qu'.. 

i\ent  cent  ans  :  cela  ne  servirait 

• 

- 
.  .  Miut.  làsà. 


politique    afin   de  susciter 
d'art  .  qui  me- 

naçait de  venger  l'injure  c 
tante  répudiée.  Ils  remportèrent 
un  avis  des  th- 
temberg.  qui  ne  le.. 
r;neut   fat 
•      a    ôtèrent    la  âon  . 

quand  ils  le  montrèrent  au 
ït   à    la    conclusion  qu 


i3%  BARNES. 

trouvait  ce  qui  ne  pouvait  pas   rir,  rejeta  la  justification  par  les 
plaire  à  ce  prince  (b).  La  condui-    œuvres ,  l'invocation  des  saints  , 
te   de  Barnes  plut  beaucoup  au    etc.,  et  fit  supplier  le  roi  de  s'eni- 
roi  d'Angleterre,  ce  qui  fit  qu'on    ployer  à  une  bonne  réformation 
l'employa   pour  entretenir  cor-   (d).  Il  y  avait  long-temps  que  la 
respondance  avec  les  princes  al-   liberté  de  sa  langue  lui  avait  fait 
lemands.    On  l 'envoya plusieurs    des  affaires.  Pendant  la  faveur  de 
fois  à  ces  cours-là;  el ,  entre  au-    Volsey  ,  il  prêcha  si  fortement  à 
très  négociations,  il  îuX  employé   Cambridge     contre   le   luxe   des 
le  premier  dans  le  projet  du  ma-   prélats  ,  que  tout  le  inonde  devi- 
riage  d'Anne  de  CVeves   (D).    Il    na  sans  peine  qu'il  en  voulait  à 
était  bon  luthérien,  et  il  ne  s'en   ce  cardinal.    Là-dessus  ,    il  fut 
cachait  guère  dans  ses  sermons  ;    amené  à  Londres  ,  oh  les  sollici- 
car  pendant  le  carême  de  l'an    talions  de  Gardiner  et  de  Fox... 
i54o,  il   réfuta  le  sermon  que    le  firent  sortir  d'affaire,  moyen- 
l'évêque  Gardiner   avait  prêché    nant  l'abjuration  de  quelques  ar- 
contre  la  doctrine  de  Luther.  Il    ticles  qu'on  lui  proposa.  «  Dans 
prit  le  même  texte  que  Gardiner    »  la  suite  ,  il   fut  remis  en  pri— 
avait  pris  ,  et  enseigna  une  doc-    »  son ,  sur  de  nouvelles  accusa— 
trine  toute  contraire  à  celle  que    »  tions  :  et  pour  ce  coup  on  crut 
ce  prélat  avait  établie  touchant    »  assez  qu'il  serait  brûlé ,   mais 
la  justification  :  il  attaqua  même    »  il   se  sauva  ,   et  passa  en  Alle- 
d'une  manière  indécente  la  per-    »  magne,  où  il  s'appliqua  entiè- 
sonne  de  cet  évêque ,  et  plaisan-    »  rement  »  à  l'étude  de  la  Bible 
ta  sur  le  nom  de  Gardiner  (c).    et  de  la  théologie.    Il  y  fit  de  si 
Les  amis  de  Gardiner  en  porté-   grands  progrès  ,   qu'il   fut  fort 
rent  plainte  au  roi ,  qui  ordonna  considéré  et  des  docteurs  et  des 
que  Barnes  en  ferait  satisfaction,   princes.  Lorsque  le  roi  de  Da- 
qu'il  signerait  certains  articles  ,   nemarck   envoya   des   ambassa- 
et  qu'il  se  rétracterait  en  chaire,    deurs  en   Angleterre,  il   voulut 
Tout  cela  fut  exécuté ,  mais  de  que  Barnes  les  accompagnât  (e)  , 
telle  sorte ,  qu'on  se  plaignit  que   ou    même   qu'il   fût    l'un   d'eux 
dans    une  partie  du  sermon  il    (f).   M.    l'évêque  de  Salisburi  , 
avait  eu  la  finesse  de  soutenir  ce   que  je  cite  en  marge,    pourrait 
qu'il  avait  rétracté  dans  l'autre,    être  facilement  justifié  d'une  cho- 
Sur  ces  plaintes,  il  fut  envoyé   se  qu'on  lui  a  critiquée  (g).   On 
à  la  Tour  par  ordre  du  roi ,  et  il  a  pour  le  moins  deux  livres  de 
n'en  sortit  que  pour  aller  souf-  Barnes  (F). 
frir  la  mort  au  milieu  des  flam-       ,  »  _.  ,  ,   ,,„.  ,  .      ,   ,    „  ,c 

"  ,         (d)   Tire  de  /Histoire  delà  Reformatioa 

mes     (E)  ;    Car   il    fut    Condamne    d'Angleterre  composée  par  le  docteur  Bur- 

comme  hérétique  par  le  parle-   »**  (â  f"f0ent  évê'iiœ  de  Salisburi) ,  &>. 

1  .      1      .  *        .  ///,  pag.  089  el  suivantes. 

ment,  sans  avoir  eu  la  permis-       (e)  Là  méme,paS.  688. 

Sion  de  SC  défendre.   Il  exposa   Sa        10  F,ox  debilc  ce  dernier  sentiment   qui 

,  ,1  parait  douteux-  au  docteur  Burnet  :  là  me- 

créance  peu  avant  que  de  mou-   me,p«g.68g. 


(g)   Voyez  la  remarque  (B). 

(A)   Il  fui  professeur  en 
(e)  C»  mot  signifie  jardinier.  et  chapelain  de   Henri  Vlll.\  11  est 


(i)  Seckendoif ,    Histor.   Lutheranismi , 
lib.  Ifl ,  pag.  110  et  sequent.  (A)   Il  fut  professeur  en  théologie  , 


E 


a 


BARNES.  i33 

revêtu  de  ses  titres  dans  la  lettre  de  clait   donc   retourné    en    Angleterre 
créance  que  le  roi  son  maître  Lui  don-  avant  que  l'évêque  d'Hereford  l'y  en- 
ne  pour  négocier  en  Saxe;  et  cette  let-  voyât  ;  et  ainsi  il  ne  fallait  pas  comp- 
ile est  datée  de  Windsor,  le  8  dejuil-  1er  pour  son  retour  dans  la  patrie  le 
let  1  535  (i).  Son  nom  de  baptême  ne  message  dont    ce   prélat  le  chargea. 
araft  pas  dans  cette  lettre  devant  ce-  Mais  peut-on  prouver  que  la  lettre  de 
ui  de  Barnes.  Il  se  donnait  en  Allema-  créance  ne  fut  point  envoyée  à  Bar- 
gne  le  nom  A-1  Antoine  A  matins,  quoi-  nés  en  Allemagne,  el  qu'il  fut  lui-mê- 
que  son  vrai  nom  fût  Robert  Haines,  me  envoyé  en  ce  pays-là  ?  Oui ,  on  le 
Quand  il  dédia  sa   Vie  des  Papes  au  peut  :   Seckendorf  !"  preuve  par  des 
voi  d'Angleterre,  l'an  i535  ,  il  signa  archives  qui  lui  ont  fourni  une  infini- 
Robert  Haines  ,  doctor  (  3  ).  On  voit  té  de  bonnes  pièces.  Venerat  iVillen- 
dans  une  préface  de  Luther   (3)  que  bergam  (  Fteg.  x,  fol.  99  ,  n.  l\i)  verno 
Barnes  cachait  son  nom  et  sa  qualité  hujus  anni    1 535  tempore  .  doctor  ex 
de  docteur  dans  Wi'teniberg,  à  eau-  Britakxia  ab  Henrico  rege  Misses  (8). 
se  des  persécuteurs.  Mélanchthonl'ap-  Mélanchthon  confirme  la  même  cho- 
pelle  D.  Antonius  doctor ,  ou  D.  An-  se  eu  grec  ;  car  il  se  servit  de   cette 
tonius  ,  dans   une  lettre  qu'il  écrivit  langue  pour  faire  savoirà  son  bon  ami 
au  roi   d'Angleterre  ,    le   i3  de  mars  Camerarius  qu'il    y  avait  un  enyoyé 
i535  f4)«  d'Angleterre  qui  ne  parlait  que  du  se- 
(B)  Il  fut  envoyé  en  Allemagne  par  cor.d  mariage  du  roi,  et  qui  disait  que 
son  maître,   l'an   i533.  ]  La    préface  Henri  VIII  se  souciait  peu  des  affaires 
ue  j'ai  citée   m'apprend   que  Barnes  de  religion.  "Hx8s  (ft  ttcoç  »//âç  çsvc;  tÏç 
emeurait  à  Wittemberg  environ  l'au  Tnp.^buç  in  <râç  Bf{T«tv;'a.ç,  feôvov  <fi*>.«- 
i53o,  et  qu'il  logeait  même  chez  Lu-  y(,jj.tvo(  mu  t'.Z  èiuTîpu  yctfiov  toS  B«t- 
ther.  Quis  ante   annos  decem  hoc  de-  «rixswç,  tZv  é'ï  thc  Ikx./.y\tÎo.ç  7rpo.T//.âT&v 
eus  in  Barnesio  quœsivisset  :  et  quod  où  y.îxu,  &>ç  <p>io-i ,  rû  ?>a.rt>.a  (9}.  Mais 
Christus  ipse  in  eo  nobiscum  versatus  encore  qu'on  ne  puisse  pas  mettre  ce- 
esset  ?  domeslicuru  enitn  et  commen-  ci  sur  le  pied  que  je  disais  ,  on  peut 
salem  habuimus  (5).  Barnes  aurait  pu  dire  néanmoins  que  le  récit  en  ques- 
demeurer  en  Allemagne  jusqu'en  l'an-  lion  n'est  pas  fautif.  L'histnrien  dit 
née  i535,   et  y  recevoir  une  lettre  de  simplement  que  1  eveque  d'Hereford 
créance   de  Henri  VIII  pour  négocier  envoya   Barnes  en  Angleterre  :  il  ne 
avec  l'électeur  de  Saxe.  Sur  ce  pied-là,  nie  point  que  Barnes  n'y  fût  retourni 
Ton  aurait  pu  dire  dans  l'histoire  de  auparavant. 

la   réformation  d'Angleterre,    qu'en-        (C)  Lui  et  ses  collègues rempor- 

fin  ,  dans  le  temps  que  l'évêque  de  Ue-  tarent  un  avis  des  théologiens  de  Jfit- 

reford  était  à  Smalealde,  c'esl-a-di-  temberg  ,  qui  ne  leur  était  pas  favora- 

re,  en  l'an  1 536,  Barnes  fut  envoyé  en  ble.  ]  M.  Burneten  donne  très-exacte- 

Angleterre  par  te  ministre,  et  y  fut  ment   le  précis.   La   première  pensée 

très-bien  reçu  de  Henri,  et  entretenu  par  qu'ils  eurent  dans  cette  affaire  ,  dit-il 

Cromwel  ((>).  Sur  ce  pied-là  ,    dis-je  ,  (10),  fut  que  les  Ordonnant  es  du  Ljé- 

ce  récit  serait  exact;  car  toute  la  rai-    vitique  n'étaient  point  morales En 

son  que  M.  de  Seckendorf  allègue  pour  suite  ,  ils  changèrent  de  sentiment, 

le  critiquer,  est  cpie  Barnes  vint  d'An-  lors  que  la  question  eut  été  agitée  un 

gleterre  en  Allemagne  l'an  1 535,  avec  peu  davantage  :  mais  ils  ne  convinrent 

une  commission  de  Henri   V11I  (7).  Il  jamais  qu'un   mariage  d<jà  fait  put 

être  cassé,    et  ils  se  confirmèrent  de 

(1)  J'orez  Seckeml.  .Hist.  du  Luthéranisme  ,  „l„s  en  p/us  dans  cette  dernière  opi- 

liv.  III ,  pas.  110.  «  /  addition.  •              ,    //  _  „    ,          >■/                ,            ■    ' 

(a)  Idem,   in   Supplemeniis  ad  indice*,   I,  nl°"'    vilement    qui /s  condamnèrent 

num.  10.  les  deux  mariages  du   roi.  Il  l'apporte 

(3   Celle  qu'il  a  mise  au-devant  de  la  Relation  cela   sous    l'année   l53o.  Ce  n'est  pas 

fl"  *Ia$/e  ,,e  B"™V\,'^e  "/"  Vi/i     "°L  qu'il  ignorât  que  cet  avis  fut  donne 

Oî.  en    io3o   :    c  est   sans  doute    atm  de 

(4)  C'en  la  XXVI'.  du  /".  livre. 

(5)  Luther.,  apud  Seckendorf,  lib.  III,  pas.  W  Zdtm>  </'"*<?n>- 

î6a.  9)  Mélanchlhon,  lettre  CLXX  du  IF*.   '    . 

(6)  Burnet,  Hist.  de  la  Reformât.,  tiv.  III ,     datée  de  l'onzième  mars  i53J. 

vag-  GSt).  (10)  Burnet,  Hist. de  la  Keforma'ion,  lui.  II, 

■     .  lorf  ,  Ui.   III,  pas.  2G3.  PUS-  a^°  1  "  i'ann.  i53«. 


î34 


BARNES. 


montrer  font  de  suite  à  son  lecteur 
lesdiffërenssentinieus  des  théologiens 
sur  le  divorce  de  Henri  VIII.  M.  Se- 
ckendorf  s'en  est  bien  doute  ;  car  lors 
qu'il  remarque  que  l'avis  des  théolo- 
giens de  Wittemberg  se  trouve  dans 
l'Histoire  de  la  réformation  d'Angle- 
terre ,  au  volume  des  Preuves  et  des 
Pièces  justificatives  ,  parmi  celles  qui 
regardent  l'an  i53o  ,  il  ajoute  cette 
parenthèse  (forte  per  occasionem  ) 


qu'on  ne  peut  établir  de  loi  contre 
celles-là  ;  et  que  toute  l'église  a  tou- 
jours jugé  que  le  mariage  avec  la  veuve 
de  son  frère  est  incestueux.  Hoc  ma- 
nifestant est ,  et  negare  nemo  potesl , 
quôd  lex  trachla  Levit.  xviu.  20  ,  pro- 
hibet  ducere  fratris  uxorern  ,  etc.  ;  sed 
divina  ,  naturalis ,  et  moralis  lex  est 
intelligenda  tant  de  vivi  quant  de  mor- 
tul fratris  uxore ,  et  quod  contra  liane 
legem   nulla   contraria   lex  fieri  aut 


Annus  et   dies  responso  huic  non  est    conslituipossit(i3)  :  et  ils  soutiennent 
adscriptus  ,  et   Burnetus  ,   illud  inter    de  l'autre  ,  que  cette  loi  du  Lévitique 


acta  anni  i53o  (forte  per  occasionem) 
retulillib.  11, fol.  94(")-  M.  deMeaux 
n'a  point  su  que  le  décret  de  Wittem- 
berg est  de  l'année  i536. 11  ne  parle  , 
quant  à  cette  année  -  là  ,  que  de  l'a- 
vis de  Mélanchthon  ,  et  il  ne  critique 
pas  M.  Burnet  d'avoir  mis  à  l'an  1 53o  la 
réponse  des  théologiens  de  Wittem- 
berg (12).  M.  Seckendorf  remarque 
que  l'exemplaire  de  cette  réponse , 
qu'il  a  lu  dans  les  archives  de  Wei-  toujours  jugé  qu'un  mariage  non  con- 
mar  ,  est  plus  long   que   celui  qu'on     forme  à  cette  loi  est  incestueux,  Henri 


est  susceptible  de  dispense  :  Legati 
slaluunt  dispensalioni  locum  non  esse, 
nos  vero  putamus  esse  illi  locum.  Si 
elle  est  susceptible  de  dispense ,  Henri 
VIII  a  dû  se  tenir  pour  bien  marié 
avec  Catherine  d'Aragon.  Si  elle  ne 
l'est  point ,  si  elle  est  divine  ,  natu- 
relle ,   morale ,   et  telle   en    un  mot 


qu'elle  ne  puisse  souffrir  aucune  con- 
stitution contraire  ,  si  l'Eglise  enfin  a 


trouve  parmi  les  preuves  de  M.  Bur- 
net. Voici  ce  que  les  ambassadeurs  de 
Henri  VIII  en  retranchèrent  :  Etsi 
consentiamus  cum  Dominis  legatis  ser- 
vandam  esse  legem  de  uxore  fratris 


VIII  n'a  dû  regarder  son  commerce 
avec  Catherine  d'Aragon  que  sur  le 
pied  d'un  inceste  :  il  a  donc  dû  y  re- 
noncer incessamment  ;  les  théologiens 
de  Wittemberg  n'ont  pas  dû  être  en 


non  ducendd  ,  mansit  tamen  inter  nos  balance  s'ils  approuveraient ,  ou  s'ils 

controversum  quod  legati  statuant  dis-  désapprouveraient    son     divorce.  La 

pensationi   locum  non  esse  ,  nos  vero  maxime  ,  Il  y  a  des  choses  qu'il  ne 

putamus  esse  illi  locum.  Neque  enim  fallait  pas  faire  ;  mais  quand  elles  sont 

strictiùs  obligare  nos  lex  potest  quant  une  fois  faites  ,  il  ne  j aut  pas  les  dé- 

Judœos  :  si  autem  lex  dispensationem  faire  ,  ne  pouvait  point  avoir  lieu  ici, 

■  puisqu'il  s'agissait  de  la  continuation 
d'un   inceste.  Des  gens  médisans ,  et 


admisit ,  vinculum  matrimonii  utique 
fortius  est  quam  lex  illa  altéra  de 
uxore  fratris.  M.  Seckendorf  conjec- 
ture que  les  ambassadeurs  supprimè- 
rent cet  endroit ,  afin  de  n'ôter  pas  à 
leur  maître  toute  espérance  qu'enfin 
les  théologiens  de  Wittembergapprou- 
veraient  ses  secondes  noces. 

Cette  pensée  est  très-raisonnable  : 
et  en  général ,  ces  docteurs  pouvaient     moins  la  franchise  ,  la  bonne  foi ,  et 
supposer  très-justement  qu'il  y  a  des     la  conscience  des  temps  apostoliques 
choses  qu'on  n'aurait  pas  dû  exécuter,    (i4)-    En    mon    particulier  ,  j'aime 


intéressés  à  l'emploi  de  la  récrimina- 
tion ,  ne  conviendraient  pas  sans  peine 
de  ce  que  remarque  M.  Burnet  ,  que 
5t  l'on  ne  voit  point  dans  la  conduite 
des  théologiens  Saxons  cette  finesse  , 
cette  politique  ,  et  cette  dissimulation 
de  la  cour  de  Rome  ,  on  y  voit  du 


et  que  néanmoins  on  doit  maintenir 
lorsqu'une  fois  elles  ont  été  exécu- 
tées j  mais  j'avoue  que  je  ne  comprends 
pas  trop  bien  comment  on  peut  met- 
tre d'accord  le   commencement  et  la 


mieux  croire  qu'ils  ne  raisonnaient 
pas  conséquemment ,  que  de  préten- 
dre qu'ils  voulaient  avoir  le  plaisir 
de  médire  de  la  dispense  du  pape,  et. 
en  même  temps  la  prudence  de  mena- 


fin  de  leur  avis.  Ils  avouent  ,  d'un  ger  Charles-Quint ,  et  les  intérêts  de 
coté,  que  les  ordonnances  du  Lévitique  la  princesse  Marie  ,  sa  cousine  ;  mais 
sont  divines  ,  naturelles  ,  et  morales  ;     des  ennemis  qui  se  plaisent  a  donner 


(n)  Seckendorf,  lib-  III ,  pag.  112. 
(n)  Voyez  THisleire    des    Variations 
VII ,  num.  58. 


(i3)  Âpud  Seckendorf,  pag.   us,  ri  Burnet  , 
in  Documentis,  part.  I,  lib.  II ,  num.  35. 
(i.j)  Burnet,  Hist.  de  la  Réformation. 


BARNES. 


l5!j 
une  préface  de  Luther  :  il  contient  la 
vie  des  papes  ,  depuis  saint  Pierre 
jusques  à  Alexandre  III.  Il  est  dédie 
au  roi  d'Angleterre  :  l'auteur  écrivit 
l'épître  dedicatoire  le  10  de  septem- 
bre i535.  Il  maltraite  fort  les  papes  . 
il  promettait  de  continuer  leur  histoire 
jusques  à  son  temps  (22).  M.  Secken- 
dorf  juge  que  ce  livre  mériterait  uiu 
seconde  édition  (23)  ,  et  il  en  a  insère 
la  préface  dans  ses  Indices,  parce, 
circonstance  :  il  a  dit  (pie  la  vraie  dit-il ,  qu'on  le  trouve  très-rarement, 
cause  de  la  haine  de  Henri  VIII  pour  et  qu'on  le  peut  compter  pour  perdu. 
Robert  Barnes  fut  la  liberté  avec  la-  Quia  liber  ipse  rarissime  invenitur  et 
quelle  ce  docteur  lui  de'conseilla  de  pro  deperdito  haberi  potest  (24)  H  est 
répudier  Anne  de  Clèves  (17).  M.  Sec-  pourtant  vrai  qu'on  en  fit  une  nou- 
kendorf  prétend  que  M.  Burnet  ob-  velle  édition  à  Leyde ,  l'an  i6i5  ,  qui 
serve  la  même  chose  (18)  :  j'en  doute    contient  aussi  la  vie  des  papes  de  Jean 


un  mauvais  tour  aux  choses  pourraient 
bien  par  représailles  faire  ici  de  sinis- 
tres jugemens  (>5). 

(D)  Il  fut  employé  dans  le  projet 
du  mariage  d'Anne  de  Clèves..  J  Ce 
fut  un  malheur  pour  Barnes  ,  parce 
que  le  roi  ,  très-peu  satisfait  de  ce 
mariage  ,  n'en  épargna  point  les  au- 
teurs ,  ni  les  instrument.  C'est  monsei- 
gneur l'évèque  de  Salisburi  qui  l'as- 
sure (16).  Luther  a  touché  aune  autre 


fort  ;   je  n'ai  point  rencontré  ce  fait 
dans  sa  Réformation  d'Angleterre. 

(E)  Il  fut  envoyé  à  la  Tour...,  et 
n'en  sortit  que  pour  aller  souffrir  la 
mort  au  milieu  des  flammes.~\  La  rela- 
tion de  son  martyre futenvoyée  d'An- 
gleterre en  Allemagne  :  M.  Secken- 
dorf  l'a  trouvée  dans  les  archives  de 
Weimar  ,  traduite  en  langue  alle- 
mande (19).  Luther  la  publia  (20) ,  et 
y  joignit  une  préface  ,  où  il  loue  entre 
autres  choses  la  modestie  de  Barnes. 
Il  n'ignorait  pas,  dit- il  ,  les  défauts 
de  Henri  f/II ,  et  il  ne  les  dissimu- 
lait pas  ,  quand  il  était  avec  ses  amis  ; 
mais  partout  ailleurs  ,  il  ne  parlait  de 
ce  prince  ,  qu'en  termes  de  respect  et 
<l  Jionneur  (21) 


Baleiïs ,  et  qui  n'est  pas  encore  extrê- 
mement rare. 

(23)  E.r  Sclioliis  sive   Suppleinentis  Seclen- 
dorlii  ad  Indicem  I. 

(23)  Kerudi  meretur,  ibidem. 

(24)  Idem,  m  Indice  III  ,  ad  ann.   i536. 

BARNES  (Jean),  en  latin  Bar- 
nesius  *,  moine  bénédictin  ,  An- 
glais de  nation  ,  a  été  un  de  ces 
catholiques  romains  ,  qui  ,  à 
l'exemple  d'Erasme  ,  de  Cassan- 
der,  de  Wicelius,  de  Modrevius, 
du  père  Paul ,  et  de  plusieurs  au- 
tres ,  ont  fait  profession  toute 
leur  vie  de  la  catholicité,  encore 


(F)  On  a  pour  le  moins  deux  livres  de 

Barnes.  ]  L'un  contient  les  articles  de  (lu  ™  y  remarquassent  une  infi- 

*afoi  ,  l'autre  est  Vliistoire  des  papes,  nité  d'abus,  dont  ils  souhaitaient 

Le  premier  fut  imprimé  en  latin ,  avec  passionnément  la  réformation.  Il 


une  préface  de  Poméranus  ,  chez  qui 
Marnes  était  logé  en  ce  temps-là.  On 
l'imprima  en  allemand  ,  à  Nurem- 
berg ,  l'an  i53i.  Il  contient  XIX  thè- 
ses selon  les  principes  de  Luther  ,  et 
plusieurs  preuves  tirées  de  l'Ecriture 
et  d.'S  Pères.  L'autre  livre  fut  impri- 


ïit  un  livre  contre  les  Réserva- 
tions mentales,  qui  ne  plut  guère 
aux  jésuites  (A),  quoiqu'il  l'eût 
dédié  au  pape  Urbain  VI II.  Son 
Catholico-Romanus pacifiais  est 


et  aes  reres.   l,  autre  livre  lut  impri-  .        i'""-j' — "  — 

mé  à  Wittemberg  ,  l'an   i536  ,  avec  tout  p'em  de  choses  qui  ne  sau- 

,.,„       .,    .    „         TI.     .    „   .  raient  être  au  goût  de  ceux  qu'on 

(15)  f  vy.-z  M.  de  Meanx,  Hist.  des  Variât.  .  il      i'                      •               -r.^      .1 

Uv.  vu,  num.  57.  appelle  bons  papistes  ;B).  Il  sou- 

(16)  Hist.  delà  aéformation,  Uv.  m ,  pag.  haitait  sans  doute  de  rapprocher 

t>BÇ),  a  lann.  1540.  ,..                               11        - 

fin)  In  P, -a-fat.  Relation.  Mârtyrii  Barnesii ,  autant     qu  il    pourrait     les    (l»u\ 


apud  SecLendorf,  lib.  III ,  pag.  26a  ,  num.  î5 

(tS     Seclendorf,  ibidem. 

(ici)  Idem,  ibidem,  num.  24. 

(20)  Elle  est  insérée  au    V IIe.  tome  de  ses 
Œuvres,  édil.  à'AUorf,  folio  422.  Seckcndorl, 
.'■M.  III ,  pag.  262,  num.  aï. 
'.n)  Ibidem  ,  num.  23, 


communions.   La  cour  de  Rome 
lui  en  sut  fort  mauvais  gré.  Ce 

Dans  le  privilège  du  roi  pour  sa  Disser- 
tation latine  contre  les  Équivoques,  il 
dit  Joly,  appelé'  Jean  JBcru-st. 


ï36  BARNES. 

pauvre   homme  ,    irréprochable   vit  contre  son  traité  des  Equivo- 

dans  ses  mœurs  (a) ,  était  à  Paris   ques  (D). 

lorsqu'on  se  saisit  de  lui  (C) ,  et        On    sera  peut-être   bien  aise 

qu'on  lui  ôta  les  habits  de  l'ordre,    de  voir  ici    la   raison   pourquoi 

pour  le   transporter  en  Flandre    Barnes  était  ennemi  des  jésuites 

garrotté  sur  un  cheval.  On  l'eu-   (E)  :    j'entends    la   raison   qu'ils 

voya  ensuite  à  Rome ,  où  il  de-   ont  débitée. 

meura  dans  les  prisons  de  l'in- 


(A)  If  fit  un  livre  contre  les  Réserva- 
tions menlales  ,  qui  ne  plut  guère  aux 
jésuites.  ]  Il  fut  imprimé  à  Paris,  Tan 
1625  ,  sous  le  titre  de  Dissertatin  con- 
tra jE /uivocationes  :  on  l'imprima  en 
fran  fais  ,  la  même  année  ,  et  au 
même  lieu  ,  sous  le  titre  de  Traité  et 
tinee.  Il  était  proies  du  couvent  Disputes  contre  les  Équivoques.  Vnp- 
des  bénédictins  de  Douai ,  et  il  y  probation  de  la  faculté  de  théologie  * 
avait  été  supérieur  (c)  ;  mais  ,  ne  P°» te  q,,e  Jean  Barnes  était  docteur  es 
u     »   „        J„     ,.. i„~ 1"       arts  de  la  sacrée  théologie ,  et  proles- 

ivant  s  accorder  avec  les  reli-  ,    ,       .    .  5.  .'      r t  ■' 

seur  de  la  mi*  si  m  anglaise  ,   et  /ré- 


quisition, jusqu'à  ce  qu'il  eût  été 
transféré  dans  celles  des  fous  (b). 
d'est  dans  cette  dernière  station 
qu'il  finit  ses  jours,  digne  très- 
assurément  d'une  meilleure  des- 


poin 

gieux  de  son  ordre,  il  s'était  retiré 
en  France  ,  et  n'avait  poi  11 1  déféré 
aux  sommations  que  les  bénédic- 
tins lui  avaient  faites  de  revenir 
à  Douai  ,  ou  de  se  retirer  dans 
quelque  autre  de  leurs  couvens. 
Il  logea  à  Paris ,  près  du  collège 
de  Navarre  ,  puis  au  collège  de 
Bourgogne,  et  enfin  chez  le  prin 


mier  assistant  pour  la  congrégation 
d'Espagne  .  et  est  datée  du  i3  de  juil- 
let 1624.  L'épître  dédicatoire  d^  l'au- 
teur est  datée  de  Paris  le  i3  de  janvier 
1625.  Le  père  Théophile  Raynaud  s'est 
donc  trompé  ,  lorsqu'il  a  dit  que  Bar- 
nes fut  amené  à  Rome  ,  et  mis  en  pri- 
son ,  sous  le  pontificat  de  Paul  V.  Rap- 
portons les  termes  dont  il  se  sert  ; 
car  ils  nous  apprennent  quelque  chose 
touchant  ce  pauvre  bénédictin.  Joan- 
nes  Barnesius  ,  jesuilis  admodùm  in- 


ce  de  Portugal ,  où  le  chevalier 

du  Guet  l'arrêta  ,  le  5  de  déjem-  fensus  »  ?*  nonnullas  suspiciones  de 

Le    r      ti  •*.  t>  t      compertd  if-lis  vila  sua .    eo  loco  fuit 

re  .626.  Il  composait  une  Re-  ^J Paàlufn^uteumtanquàmnouœ 
JJOnse  au  livre  intitule  ApostO-  fiJeifabrutuper Albertum  Austriacum 
lalus  Benedictinorum  in  An-  è.GaUiâabductum,etèBelgioRomam 
glid  *,  dans  laquelle  il  eût  insé- 
ré ses  sentimens  particuliers  sur 
la  discipline  de  l'Église  (d).  Le 
père  Théophile  Raynaud ,  dégui- 
sé sous  un  masque  de  nom ,  écri- 


(«)  Voyez  la  remarque  (B). 

(b)  T'oyez    le    Mercure     Fiançais,    loin. 
XIV,  png.  336. 

(c)  Mercure  Français ,  tom.  XII,  pag.  ^5z. 
*  Joly ,    d'après  un   manuscrit,  rapporte 

que  la  mauvaise  doctrine  contenue  dans  le 
Traité  des  Équivoques  fil  prendre  garde  de 
plus  près  au  personnage  ,  et  on  trouva  que 
dans  un  autre  ouvrage  contre  le  livre  D-'  ve- 
ro  apôstolatu  benediclinorum  in  Angliâ,  il 
maltraitait  ses  frères  et  ceux  de  son  ordre 
en  Angleterre.  Ce  livre  ,  ajoute  Joly  ,  peut 
donc  avoir  contribué  à  sa  prise. 
{il)  Là  même. 


avectuni  judicaveril  carcere  dignum  , 
donec  em-ito  cerebro  inter  faluos  pnne 
S'  Pauli  min'iris  œdeni  sacrant  fatuari 
desiii  cum  aliovum  periculo  (1).  Ce 
passage  a  été  cité  par  Edouard  Brown 
à  la  page  826  de  son  Appeudix  du 
Fasc.culus  rerunt  ejpettndartim  ,  im- 
primé à  Londres,  en  1690.  Voyez  la 
remarque  suivante.  On  lit  dans  le 
Mercure  Français  ,'2)  que  ce  bon  béné- 
dictin croyait  que  les  jésuites  lui  vou- 
laient mal  de  mort  depuis  l'impression 

*  Cette  approbation  ,  Ait  Joly,  n'empêcha  pas 
que  le  livre  ne  fut  condamné  à  êlre  lacéré  et 
brûlé  par  l'exécuteur  de  la  haute  justice. 

(1)  Tbeoplrl.  Raya.  ,  in  Theologiâ  antiquâ  de 
veri  Martvrii  arla,q*iatè  s'nmpti  notione.  Ce  livre 
fut  imprimé  à  Lyon,  en  i<>56 ,  sous  le  nom  de 
Leodegarius  Quintinns.  Le  passage  que  j'en 
cile  e<L  a  la  page  174  <le  ">"  Apopompseus. 

(2)  lu  tome  XII,  pag.  7S2. 


BARNES.  i3- 

de  son  livre  des  Equivoques  ,  que  le  JEquivocationis ,  pro  Leonardo  f.essio, 

ducteur  Gamaches  (  estimé  l'un  des  advenus  Joanncm  Barnestum,  anglunt 

premiers   théologiens  de  son  siècle  )  monaxsfcàm.   Il   fut    imprimé  à  Lyon  , 

ne  voulut  approuver  en  étant  requis  ;  en  1627,  in  8°.  :  l'auteur  se  donna  le 

et  qu'il   lil  ce  livre  pendant  qu'il  fut  nom  de  Stephanus  Emonerius.  J'en  ai 

confesseur  au  couvent  de  Chelles  (3).  une  preuve  plus  forte  ,  que  celle  que 

(B)  Son  Catholico-Romanus  pacifi-  M.  Placcius  a  formée  de  la  jonction  de 

eus  est   tout  plein   de  choses  qui    ne  deux  passages  du  père  Alegambe  (n), 

sauraient  être  au  goût  des.  .  bons  pa-  dans  l'un  desquels  il  est  dit  que  Théo 


pistJs.  ]  Il  a  é'c  imprimé  à  Londres  , 
en  1P90,  dans  lappendix  du  Fasci- 
culus  rerum  expetendarum.  L'auteur 
de  l'Appendix  nous  apprend  qu'il  a 
eu  trois  manuscrits  de  cet  ouvrage  de 
Haines;  et  il  rapporte  ces  paroles  de 
Jean  Basier  ,  professeur  en  théologie  : 


phile  Raynaud  a  composé  sub  nomine 
alieno  le  traité  dont  je  viens  de  don- 
ner le  titre  (8)  5  et  dans  l'autre  , 
qu'il  s'est  déguisé  sous  le  nom  de 
S.  Emonerius  (9).  Voici  cette  preuve. 
Le  père  Abram  rapporte  dans  son 
traité  du  Mensonge  (10)  ,  que  Théo- 


Bonus  ille  lremvus  (4)  ,  tametsi  vitœ  phile  Raynaud  reconnaît  pour  un  de 

inculpatœ  et  famœ  integrœ  fuit ,  nie-  ses   ouvrages   le   livre    d' Emonerius , 

dit!  I  utetid  con rptus ,  suo  habita  exu-  intitulé   Splendor  verilatis    moralis, 

tus,  et  quadiupedis  instar  barbarum  et   qu'on  l'y  reconnaissait    aisément. 

in  modum  alligatus  ad  equum  ,  et   ita  Miror  te  hune  pro    Theophili   partu 

vehementiss'unè  avectus  primo  in  Flan-  agnoseere  ,  c'est  ainsi  que   parle  l'un 

driam  ,  deindè  llomam  ,  ibi  in  inqui-  des    interlocuteurs   du  père  Abram  : 

sitionis  barathrum  ,  deindè  in  mania-  l'autre  répond  ,   quid  ni   verb  agnos- 

conim  ergastulum  état  detrusiis  (5).  cam ,   cùm  illum   in   suis  Moralibus 

(C)  Il  était  à  Paris  lorsqu'on  se  sai-  suum  esse  jateatur  (11)?  Quem  si  ab- 

sit  de  lui.  ]  On  l'eût  fait  partir  le  jour  dicaret ,  nu/lo  tamen  negolio  patrem 

nèrne  de  la  capture,  si  le  chevalier  vel  ex  ipsd  filii  Jacie  cœlerisque  cor- 

du  Guet  avait  eu  autant  d'impatience,  poris  liueamenlis  agnoseere  possemus. 

crue  le  père  procureur  des  bénédictins  c-     „  ;„       „  „                           -    , 

!     _         '.     ..r.      ..    .  ..  iic  oculos,  sic  tlle  inanus ,  sic  orafcrebal. 

Voici  un  passage  de  Théophile  Ray- 
naud, qui  nous  apprendra  qu'il  re- 
connaissait pour  son  ouvrage  la  réfu- 
tation de  Barnes ,  et  que  ce  bénédic- 
tin vivait  encore  l'an  i(>5o.  Dixi  ego 
sane  in  prrrjalionc  operis  de  œquivo- 
calione ,  adversùs  Caetani  germanum, 
bipedum  omnium  ejjronltssimum  , 
Joannem  Barnestum  Anglum  ,  qui 
vicenario  carcere  in  quem  curante 
summo  ponti/ice  rerlusus  est .  needum 
detersit  muliiplicis  advenus  Deum  ,  et 
religionem  eatholicam  ,  ac  S-  Bene- 
dicti  jamiliam,  malignitatis  rubigi- 
nem. .  .  societatem  Jesu  ,  etc.  (12). 

(E)  foici  pourquoi  il  était  ennemi 
des  jésuites.  ]  Etant  revenu  d'Espagne 
au  Pays-Bas  ,  il  assista  à  une  de  leurs 


deDouai.  Mais  il  fallut  que  cette  im 
patience  souffrît  jusqu'au  lendemain. 
Alors  on  mena  le  père  Barnes  en 
carrosse  jusqu'à  la  Villette  ,  où  deux 
bénédictins  l'attendaient  pour  faire  le 
voyage  avec  lui  ,  et  avec  les  archers 
qui  avaient  ordre  de  le  conduire  jus- 
.1  Cambrai.  On  le  lia  sur  un  che- 
vfii  ,  et  on  le  remit  au  gouverneur  de 
Cambrai,  qui  le  fit  conduire  au  châ- 
teau de  Waerden(6).  Le  père  Théophi- 
le Baynaud  n'avait  que  faire  de  parler 
des  ordres  d'Albert  d'Autriche  :  cet 
archiduc  était  mort  depuis  long-temps 
lorsque  Barnes  fut  saisi.  J'ai  cité  les 
paroles  de  ce  jésuite  dans  la  première 
remarque. 

(D;  Le  père  Théophile  Raynaud , 
déguisé  sous  un  masque  de  nom,  écrivit 
contre  son  traité  djs  Equivoques.  ]  Je 
parle  du  livre  qui  a  pour  titre  Splen- 
dor ver Uni is  moralis  ,  seu  de  licito  usa 

(î)  Mercure  Français,  /or».   XII,  pag.  '/ji  . 

",)  Cesl-'a  dire  ,  le  bénédictin  Barnes. 

Ci)  Brown,  in  Append.  Fasciculi  rcrnm  expr- 
tend.  Il  citr  Jean  Basier  in  Dialribà  rie  anti.inw 
Eç<  les  a-  Britannica:  libertate,  B  rugis  Impressa. 
etnn.   iti.Vl. 

(6    Mercure  Français,  loin.  XII ,  pag.  -53. 


(7)  Placcins,  de  Vstuiou.,pag-  189. 

(8)  Alegambe  ,    Biblioih.  soc.  Jesu,  pag.  t\i*. 

m,  pag.  453. 

(10)  Imprimé  avec  son  Pbarus  Veteris  Tes- 
tament! ,  ri  Paris  ,  en  1648  ,  in-folio. 

(il)  Il  fait  la  même  chote  dans  (o/i  Synlag- 
ma  de  Libris  propris.  Voi  rz  la  remarque  sui- 
vante. 

(11)  TheopViil.  Raynaud.  lioploth.  ,  sect.  II  , 
serai.   II,  cap.  XII ,  pag.  î5G  ,  edit.  Lugd. , 


s  38 


BARON. 


disputes  publiques,  ou  le   soutenant    site  de  Cambrige ,  au  XVIe.  siè- 


proposail  ainsi  la  thèse quodlibétale  : 
An  Joannas  in  Hispanid  infamis  , 
possit  hic  in  Belgio  absque  peccato 
infamari.  C'est-à-dire,  Jean  infâme 
en  Espagne,  peut-il  être  diffamé  in- 
nocemment dans  le  Pays-Ban?  Cette 
espèce  de  cas  de  conscience  a  été  exa- 
minée par  Soto ,  par  Molina ,  et  par 


cle ,  était  Français  de  nation 
(à).  Il  excita  quelques  troubles 
dans  cette  université,  par  cer- 
tains dogmes  qu'il  y  débita  l'an 
1590.  On  prétendit  que  cette 
doctrine  approchait  beaucoup  de 


plusieurs  autres  écrivains  ;  mais  d'une    celle  des  pélagiens.  Witaker ,  Tin- 

dall ,  Çhadderton  ,  Perkins  ,  etc., 
la  combattirent  par  des  sermons, 
par  des  leçons  et  par  des  livres; 
mais  d'abord  ils  épargnèrent  le 
nom  de  leur  adversaire  ,  à  cause 
de  son  grand  âge.  Ensuite  s'é- 


>açon  générale  ,  quoiqu  avec  l'apposi- 
tion de  certaines  circonstances.  On  ne 
s'en  tint  pas  à  ces  généralités  dans  la 
iispute  où  Jean  Barnes  assista  ;  car  on 
réduisit  la  question  à  des  termes  si 
précis,  en  désignant  d'une  façon  très- 
particulière  les  temps  et  les  lieux , 
qu'il  crut  que  c'était  de  lui  qu'il  s'a- 


uii  11   urui  uuc  1;  tuau  ue  lui  au  usa-,  w  ,v.  .  •      j 

gissait  personnellement ,  et  il  ne  vou-    tant  aperçus  qu  il   continuait  de 
lut  jamais  démordre  de  cette  pensée,    dogmatiser,  et  que  dans  saSum- 

ma  trium  de  Prcedestinationc: 
Sententiarum  ,  il  soutenait  une 
h  ypothèsehétérodoxe,  Wi  taker  sf 
déclara  son  antagoniste  formel- 
lement, et  réfuta  cette  somme. 
L'affaire  fut  portée  devant  la 
reine  Élizabeth  ,  et  devant  l'ar- 
chevêque de  Cantorbéri.  On  con- 
voqua à  Lambeth  une  assembler 
de  prélats  et  de  docteurs  en  théo- 
logie. Witaker  y  fut  mandé  ,  et 
y  soutint  avec  tant  de  force  l'o- 
pinion commune  ,  qu'il  la  fit 
triompher  glorieusement.  Celle 
de  Baron  fut  condamnée  ,  et  l'on 


quoiqu'on  lui  fît  des  protestations  fort 
humbles  qu'on  n'avait  eu  nul  des- 
sein de  le  noter.  11  médita  la  ven- 
geance ,  et  il  choisit  la  matière  d<  s 
équivoques.  C'est  Théophile  Raynaud 
oui  conte  cela  lorsqu'il  fait  mention 
de  la  réponse  qu'il  écrivit  contre  l'ou- 
vrage de  Barnes.  Ad  singularia  loco- 
rum  ac  tcmporum  adjuncta ,  Mis  in 
oris  perfamiliaria  ,  dijficultas  restric- 

ta  est Clara  locorum  designa- 

tione  ,  pelitum  se  ralus  Barnesius  , 
bellum  indixit  inconciliabile  societatis 
Jesu  doctoribus  ;  nec  se  ullis  unquam 
i'el  contestationibus  ,  vel  mnllibus  ac 
propè  supplicibns  verbis  ,  flecti  pas- 
sus  est,  ut  mhil  minus  quam  de  eo 
notando  cogitatum  esse ,  in  eo  Tlie- 
sium  programmate  ac  proloquin  ,  per- 


suaderetur  (i3).  Il  n'oublie  point  de    dressa,  le  20  de  novembre  i5g5, 

neuf  articles  (b) ,  qui  furent  ini- 
patronisés  dans  l'académie  par 
l'autorité  publique.  Baron  fut 
congédié  ,  et  s'en  retourna  en 
France  :  ce  qui  rendit  la  paix  à 
cette  université  (c).  Quelques- 
uns  jugèrent  qu'on  le  traita  trop 
sévèrement  (A).  On  verra  les  ti- 
tres de  quelques  ouvrages  de  ce 
professeur  (B). 

(a)  II  se  donnait  Ce  surnom  Stempanus.  Je 
crois  que  cela  veut  dire  d'Etanipes. 

(b)  A  loco  Lambelhani  dicti  surit.  Alting, 
Tlieolog.  Histor.  ,  pag.  3o5 ,  3o6. 

(c)  Tire'  du  Theologia  Historica  de  Henri 
AUing,  pag.  3o5,  3o6. 


dire  que  Barnes  fut  condamné  à  une 
prison  perpétuelle  ;  et  qu'ayant  perdu 
l'esprit  on  le  transféra  à  l'hôpital  des 
fous  :  Barnesium  ob  periculosas  novi- 

t.ates  , carceri  esse  mancipatum, 

post  ea  autem  emotâ  mente  ,  injatuo- 
ntrn  ergastulo  transtiberino  ,  (  uulgo 
gli  Passarelli  )  conclusus  est  ;  ubi 
anno  i6fô  eral  superstes  (i4)- 

(i3)  Theopliil.  Raynaudiis  ,    in  Syntagm.   de 
1  ibris  propiiis  ,  pag.  22 ,  col.  2 ,  Apopompsi. 
(l4)  Idem,  ibid.,  pag.  2Î,  col.  1. 

BARON  *  (Pierre),   profes- 
seur en  théologie  dans  l'univer- 

*  Dans  le  dictionnaire  de  Chaufepié  on 
trouve  sur  Pierre  Baron  un  article  ue  cinq 
pages  in-folio. 


BARON. 


■'  ■'. > 


(A)  Quelques-uns  jugèrent  (ju  nu  le 
traita  trop  sévèrement.  ]  Les  extraits 
que  M.  Des  Maizeaux  a  eu  la  bonté  de 
m'envoyer  d'un  livre  de  Thomas  l'al- 
ler ,  feront  ici  tout  mon  Commen- 
taire. Ce  livre-là  est  l'histoire  de  l'u- 
niversité de  Cambridge ,  et  se  trouve  à 
la  fin  du  the  Church  Hislory  oj  Bri- 
tain  ,  etc.  Histoire  ecclésiastique  d'An 
gleterre ,  depuis  la  naissance  de  Jé- 
sus-Christ jusqu'à  l'année  1648.  <c  11 
»  arriva  en  i58o  une  contestation 
»  entre  M.  Chadderton  et  le  docteur 
»  Baro,  professeur  de  la  Marguerite 
»(i),  touchant  quelques  opinions 
»  hétérodoxes  que  ce  docteur  avait 
»  avancées ,  tant  dans  ses  leçons  que 
»  dans  son  livre  de  Fide ,  et  dans  son 
»  Commentaire  sur  Jonas.  Ce  profes- 

>  seur  fit  venir  en  consistoire  (  in  con- 
'  sistory)  M.  Chadderton  devant  le 
»  vice- chancelier  ,    le   docteur  Hau- 

>  ford  ,  le  docteur  Barvey  et  le  doc- 
»  teur  Legge  ;  et  si  d'un  côté  M.  Chad- 
»  derton  nia  absolument  qu'il  eût  ja- 
-•>  mais   prêché  contre  Baro  ,  il   pré- 

'  tendit,  de  l'autre  que  ces  deux  pro- 

»  positions  étaient  erronées  : 

"  1.  Primus  Dei  amor  non  est  in  nalurdfidei 

justijtcantis. 
'  2.  Fides  justificans  non  prœcipilur  in    de- 

calogo. 

Ils  écrivirent  l'un  et  l'autre  sur 
»  cette  matière  ,  et  ils  trouvèrent  en- 
»  fin  qu'ils  s'accordaient  dans  leurs 
•  expression»;  mais,  quoiqu'ils  pan^- 
■  sent  d  accord  dans  les  termes  ,  leurs 

sentbnens  étaient  si  fort  éloigna, 
»  que  cela  les  mit  mal  ensemble  ,  et 
»  dépouilla  enfin  ce  docteur  de  son 
»  emploi  (2).  Ses  leçons  triennales 
»  allaient  bientôt  finir  j  et  quoique  la 
»  coutume  ait  presque  fait  un  devoir 
»  de  la  complaisance  que  l'on  a  de 
'»  continuer  le  même  professeur  après 
=>  ce  terme,  lorsqu'il  n'y  a  point  de 
»  raisons  pressantes  pour  faire  le  con- 
»  traire  ;    cependant  l'université  ne 

(.1)  Dame  Marguerite,  comtesse  de  Biche- 
mond,  mère  du  roi  Henri  VII,  bâtit  quelles 
collèges  a  Cambridge,  et  fonda,  deux  chaire,  de 
professeur  en  théologie  :  une  à  Oxford  et  l'au- 
tre a  Cambridge.  Ceux  qui  jouissent  de  ce  p,v- 
tcs<orat  et  de  la  pension  qui  v  e<t  annexée  «• 
"»">m*'>(  Margaret-Profcssor,.  Jean  Tistor,  évé- 

lucde  Bochestrr.fut  le  premier  qui  en  jouit 
a  Cambridge;  Erasme  fut  le  second,'  et 
varo  te  quatortième.    Cette  note   est  de  M.  Du 

Vlaizeaux. 

(2)  Fnller,  Ui,t.  de  l'Uaiv.  deCambridcc  ,  h 
ann.  i5qo. 


jugea  pas  a  propos  de  continuel  le 
docteur  Baro  dans  sa  charge  ,  et 
elle  jugea  qu'il  serait  plus  honnête 
de  l'en  dépouiller  alors,  et  qu'il  lui 
serait  moins  dur  et  moins  ignomi- 
nieux de  sortir  de  son  emploi  après 
que  son  terme  serait  expiré.  Il  le. 
remarqua  bien  lui-même  :  et ,  outre 
cela ,  il  prévit  qu'on  s'attendait 
qu'il  souscrirait,  aux  articles  de 
Lambeth,  que  l'on  venait  d'envoyer 
à  l'université  ,  et  que  même  on  lui 
en  imposerait  la  nécessité,  à  quoi 
il  ne  pouvait  pas  condescendre. 
C'est  pourquoiil  se  résolut  à  quitter 
la  place.  De  sorte  que  sa  démission 
'  ne  procédait  nullement  de  son  bon 
plaisir,  ni  d'un  choix  qui  vînt  de 
lui  :  il  y  fut  nécessairement  déter- 
miné, témoin  la  repartie  qu'il  fit  à. 
un  ami  ,  qui  lui  demandait  la  rai- 
son de  sa  démission  :  Fugio  ,  neju- 
garer.  Il  y  a  des  gens  qui  trouvent 
qu'on  traita  trop  rudement  une 
personne  du  mérite  du  docteur 
Baro.  Car,  i°.  il  était  étranger  ,  et 
»  Turpius  ejiciturquàm  non  admittilur  horpes. 

2°.  Tous   ceux  qui  nient   que  Baro 
fut    un    savant    homme   (  de  quoi 
ses   ouvrages    portent  témoignage) 
font   voir    eux-mêmes    qu'ils   n'ont 
nulle  science.  3°.  C'était  un  homme 
d'une    vie    et.    d'une    conversation 
irréprochable  ;    ce    qui    paraît    en 
ce   qu'on  ne  l'accusa  d'aucun  vice, 
ce  qu'on    n'aurait    pas    manqué    de 
faire,   s'il  y  avait  eu  lieu,   lorsque 
M.  Chadderton  était  si  fort  échauffe 
contre  lui.  4°-  Enfin,  c'était  un  hom- 
me ;ïgé,  qui  était  venu  en  ce  lieu-là 
depuis  plusieurs  années  ,  et  dans  on 
temps  où  la  phi  ce  de  professeur  0  ;' 
vait  pas   moins  besoin   de  lui,  qu'il 
pouvait  avoir  besoin  d'elle,  et  qui 
avait  épuise  ses  forces  à  la  bien  rem 
plir.  D'autres  soutiennent  que  dans 
de  semblables  cas,  où  il  s'agit  de  la 
conscience  ,  la  complaisance  ne  doit 
avoir    aucun   lieu  ;   et   que   Baro  . 
étant  étranger,  avait  introduit  une 
doctrine    étrangère    pour    ii 
l'université,  la- fontaine  de  la  scien 
ce  et  de  la  religion  ;   et  que  ce  fut 
à   cause  de  cela  que  l'archet 
Whitgift    lui     fit    ôter    son     em- 
ploi (3  .  » 

(3)  Thomas  Fuller,   Hist.   de    l'Université     * 
mbrigde,  pag.  i45  et  suif. ,  c'dil.  de  Londres  , 


/ 


î/jO 

Voila,  monsieur,  ce  sont  les  pa- 
roles de  M.  Des  Maizeaux  ,  ce  que  dit 
Fullev  :  foi  mieux  aimé  le  traduire  a 
la  lettre  ,  et  parler  moins  bien ,  que 
de  courre  risque  de  m' écarter  de  son 
sens.  Il  remarque  que  tous  les  Anglais 
écrivent  constamment  Baro  ou  Ba- 
roe  ;  et  que  dans  les  pièces  originales 
ce  docteur  signait  Baro  D'où  l'on 
pourrait  conclure  que  j'aurais  dû  le 
nommer  Baro  ,  et  non  pas  Baron  ;  à 
moins  qu'on  ne  dise  qu'il  latinisait  son 
nom  quand  il  signait  Bar*  ,  et  que 
les  Anglais  l'ont  nommé  selon  la  ter- 
minaison latine.  Ce  qu'il  y  î  de  cer- 
tain est  qu'en  France  le  nom  de  fa- 
mille Baron  est  incomparablement 
plus  en  usage  que  celui  de  Baro  ,  qui 
n'y  est  pas  pourtant  inconnu ,  té- 
moin le  continuateur  de  l'Astrée  (4). 
(B)  Voici  les  titres  de  quelques 
ouvrages  de  Baron.  ]  Prœlectiones 
XXXiX  in  Jonam  ,  imprimées  à 
Londres  en  15795  Summa  trium  Sen- 
ientiarum  de  Prœdestinatione  ;  De 
Prœstantiâet  Dignitate  divinœ  Legis. 

(4)    Voyez  THist.  de  l'Académie   française  , 
pag.  32i. 

BARON  (Vincent),  en  latin  Ba- 
ronius ,  religieux  de  l'ordre  de 
saint  Dominique,  s'est  fait  esti- 
mer dans  le  XVIIe.  siècle  par 
plusieurs  livres  qu'il  a  publiés. 
II  a  eu  pour  antagoniste  le  fa- 
meux Théophile  Raynaud;  et  je 
ne  sais  si  l'envie  de  se  battre  con- 
tre un  athlète  si  renommé  ne  lui 
a  point  fait  prendre  pour  des  ou- 
vrages de  ce  jésuite  ce  qui  ne  l'é- 
tait pas.  Il  a  reconnu  quelque- 
fois qu'il  s'était  trompé  dans  ses 
conjectures  sur  ce  chapitre.  Les 
ouvrages  du  père  Baron  ,  qui 
sont  venus  à  ma  connaissance , 
sont  un  livre  de  la  Justification 
contre  la  doctrine  des  Calvinis- 
tes * ,    une  Théologie  Morale  , 

Le  père  Baron  n'a  compose'  aucun  livre 
sur  la  justification  contre  les  calvinistes,  dit 
Leclerc  qui  renvoie  au  Scriptores  ordinis 
Prtedicalorum  du  pèreÉcliard  ,  où  l'on  men- 
tionne cependant  l'hérésie  convaincue  ou  ta 
théologie  des  luthériens  et  des  calvinistes, 


BARON. 

divisée  en  trois  parties  (A) ,  et 
une  Apologie  de  son  Ordre  (B). 
Il  a  choisi  dans  la  théologie  mo- 
rale les  principales  matières  qui 
sont  en  dispute  entre  les  domi- 
nicains et  les  jésuites.  Il  a  été  un 
prédicateur  assez  célèbre. 

Voici  un  mémoire  que  j'ai  re- 
couvré depuis  la  première  édi- 
tion de  cet  ouvrage  (a).  «  Le 
»  père  Vincent  Baron  naquit  à 
»  Martres  *  ,  au  diocèse  de 
»  Rieux  ,  en  Gascogne.  Il  fit 
»  profession  dans  l'ordre  des  frè- 
»  res  prêcheurs  à  Toulouse  , 
»  l'an  i(ii2.  Il  enseigna  la  théo- 
»  logie  plusieurs  années  avecap- 
»  plaudissement  dans  le  cou- 
»  vent  de  la  même  ville  ,  ei.  il 
9   y  fut  prieur.  Il  Je  fut  aussi  à 

>  Avignon  ,  et  au  Noviciat  gé- 

>  néral  du  faubourg  Saint-Ger- 

>  main  à  Paris.    Il  fut   défini- 

>  teur  pour  sa  province  au  cha- 

>  pitre    général    tenu     l'année 

>  i656,  oii  il  présida  aux  thè— 

>  ses  dédiées  au  pape  Alexandre 

>  VII ,    qui  lui  acquirent  l'es- 

>  time  de  toute  la  ville   et  de 

>  tout   l'ordre.    Il  se    trouva  à 

>  l'assemblée  où  Je  pape  fit  dire 

>  de   sa  part  aux  définiteurs  et 

>  aux  pères  du  chapitre  ,  qu'il 
1  avait  un  sensible  déplaisir  de 
1   voir  la  morale  chrétienne  dans 

l'effroyable  relâchement  ou 
quelques  nouveaux  casuistes 
l'avaient  réduite ,  et  qu'il  les 
exhortait  à  en  composer  une 
autre  qui  fût  conforme  à  la 
doctrine  de  saint  Thomas.  Ce 
fut  ce  qui  engagea  le  père  Ba- 
ron à  travailler  aux  ouvrages 


réduite  à  quatre  principes  et  réfutée,  c!c.\ 
16'tiS,  in-12. 

(a)  Par  le  moyen  de  M.  Pinsson  des 
Riolles. 

*  Ce  fut,  dit  Leclerc,  le  17   mai  160^. 


»  qu'il  a  composés  sur  cette  ma- 
»  tière  II  fut  encore  élu  pro- 
»  vincial  ;  et  ensuite  le  père  gé- 
»  néral  l'envoya  commissaire  en 
»  Portugal  ,  pour  des  affaires 
»  importantes,  oii  il  réussit  avec 
»  tant  de  succès  ,  que  la  reiue  , 
»  la  cour,  et  tous  les  religieux, 
»  rendirent  témoignage  à  son 
»  mérite  par  un  acte  public.  Il 
»  revint  à  Paris,  au  Noviciat  gé- 
»  néral ,  et  y  mourut  le  2 1  de 
»  janvier  1674,  âgé  de  soixante 
»  et  dix  ans.  Outre  plusieurs 
«  Poésies  latines  ,  qu'il  a  lais- 
»   sées   comme  des  échantillons 


JiAROfc.  ,4, 

frère  contre  la  censure  du  pape  ,  <| 
ce  fut  contre  ces  expédiera  que  Je 
père  Baron  prit  la  plume.  Il  attaqua 
en  même  temps  les  jansénistes  ,  vu 
qu'il  soutint  à  YVendrokius  qu'il  se 
rencontre  des  cas  ,  quoique  très -rares 
où  il  peut  y  avoir  une  ignorance  in- 
vincible ,  aussi  bien  contre  te  droit  na- 
turel que  contre  le  droit  positif  (2).  Il 
attaque  dans  la  seconde  partie  Ama- 
daeus  Guimenius,  et  ne  se  contente 
pas  de  soutenir  que  les  opinions  re- 
lâchées qu'on  impute  aux  domini- 
cains ne  sont  pas  leurs  véritables 
sentimens  ;  il  montre  aussi  ce  qu'il 
faut  juger  de  ces  opinions.  11  recon-> 
naît  dans  sa  préface  l'erreur  où  il  a 
été  en  composant  son  ouvrage  :  il 
avait  cru  qu  Amadaeus  Guimenius  n'é- 
tait qu'un  faux  nom  que  le  père  Tht 


ux-^u  v.^ua'uv.  ~^.j  ._•  . !.. .  1 1 1 1 .. mi  -1  nui  iju  m  idui  lioiu  ijue  je  père  1  neo* 
de  sa  capacité  dans  les  belles-  l)nile  s'était  donné  (3)  Dans  la  troi- 
lettres  ,  il  a  fait  imprimer  les    si/'me  ,l>arf!e  '  a   traite  clu  ,a  iiberté 


»  lettres  ,  il  a  fait  imprimer  les 
»  ouvrages  que  l'on  verra  ci-des- 
»>  sous  (C).  »  \  ous  trouverez  un 
passage  qui  lui  est  fort  honora- 
ble dans  l'Apologie  historique  des 
censures  de  Louvain  et  de  Douai 


et  de  la  science  moyenne ,  et.  il  sou- 
tient <[iie  la  prescience  de  Dieu  n'a 
point  d'autre  fondement  que  ses  dé- 
crets, et  que  cette  prescience  établil 
la  liberté  de  la  créature,  bien  loin  de 
la  détruire  (4).  Il  ne  faut  point  pren- 
dre cela  pour  un  paradoxe  ;   car  qui 


.  w.^^c,,,    (mu.    uu   parauuxe  ,    Car   qui 

{0).   La  congrégation   de  1  indice    parlerait  autrement  ne  suivrait  point 
ne  lui  a  pas  été  favorable  (D). 


(b)  Publiée  l'an  1688,  par  M.  Géry  ,  ba- 
chelier en  théologie  :  ce  passage  est  à  la 
page  243. 

(A)  //  Jit  une  Théologie  Morale  , 
divisée  en  trois  parties.  ]  La  première 
est  destinée  contre  le  dogme  de  la 
probabilité  ,  advenus  laxinres  proba- 
bilistas  (1).  U  y  réfute  Caramuel,  qui 


la  définitiou  de  la  liberté  que  l'on 
doit  donner  dans  le  système  de  la 
prédétermina  hou  physique.  C'est  en 
vertu  des  différentes  idées  de  la  li- 
berté que  l'on  peut  faire  durer  le  corn  » 
bat,  et  donner  tellement  le  change, 
qu'un  lecteur  ne  s'aperçoit  pas  quand 
sa  cause  ne  va  pas  bien. 

0') el  une  Apologie  de  son  or- 
dre. ]  Cet  ouvrage  est  en  latin,  tout 
comme  le  précédent 5  il  sert  de   tr- 


avail écrit  quatre  lettres  contre  là  dis-    C°mme     e  Precf/*ent5  »  « 
sertation  que  M.  Fagnano  ,  doyen  des    ïï™  1 1    u  invective  du  père 

prélats  de  Rome  ,  avait  insérée  dans    Théophile  Raynaud ,  intitulée  de  Im- 


ne  doit  jamais  préférer  l'opinion  qu'on 
croit  moins  probable  à  celle  qu'on 
croit  plus  probable.  Caramuel  le  rc- 


inomas  dAquin,  cest  beaucoup  si 
la  dixième  partie  est  véritablement 
de  lui.  Le  père  Laron   entre  aussi  en 


soutenu  qu'on  peut  se  conf» 

lettres   :   le  père   Théophile   imagina 

des  expédiens  pour  défendre  sou  con- 

'*)  fr°-rc'    lp  Journal  des  Savans  du  8  mars 

ItOtlt»,  p<!,-.    I.  ■  , 


(2)  I.k  même,  pag.  198. 

(3)  Journal  des    Savans    du    11  avrd    16CÙ  , 


1     Journal    des   Savans    du 
paji-  207. 


21     juin    16GO  , 


142 


BARON!. 


l'apologie  de  son  ordre  ;  il   eu   fait 
aussi  le  panégyrique  (5). 

(C)  Il  a  fait  imprimer  les  ouvrages 
que  l'on  verra  ci  dessous.}  Ce  que  je 
vais  copier  est  contenu  mot  à  mot 
dans  le  Mémoire  d'où  j'ai  tiré  l'addi- 
tion de  cet  article.  «  Theologia  Mo- 
»  ralis  ,  à  Paris,  en  i665,  en  deux 
?>  volumes  in-S°.  ;  Primus  tomus  ejus- 
3>  dem  correctus,  eduio  secunda,  1667, 
j,  in-S°.  ;  Libri  Apologetici ^  contra 
i  Theophilum  Rainaudum  ,  à  Paris  , 

en  1666,  en  deux  volumes  in-&°.  ; 
»  Mens  sancti  Auguslini  et  Thomœ 
>,  de  Gralid  et  Libertate,  en  1666, 
:■>  m-8°.  ;  EthicaChristiana  ,  à  Paris  , 
»  en  1666 ,  en  deux  volumes  in-8°.  ; 
n  Responsio  ad  Librum  Cardenœ ,  là 
»  même  ,  m-$°.  ;  L'Hérésie  convain- 
■>>  eue,  à  Paris,  en  1668,  m-12.  ;  Pa- 
■»  negyriques  des  Saints  ,  là  même , 
»  en  1660  ,  i/i-40-  Le  livre  intitulé 
»  Eihices  Christianœ  septemdecirn 
»  loci,  composé  contre  un  certain 
»  Matthieu  Moya  ;  qui  avait  pris  le 
j)  nom  d'Amadée  ,  fut  censuré  à  Rome 
j)  par  les  intrigues  du  cardinal  Ki- 
«  tard ,  qui  s'y  trouva  offensé  ;  et  le 
»  maître  du  sacré  palais  Capisucchi , 
»  qui  l'avait  approuvé  ,  fut  déposé  , 
a  et  le  père  Hyacinthe  Libelli ,  de- 
»  puis  archevêque  d'Avignon  ,  mis 
m  en  sa  place.  Capisucclii  a  été  de- 
»  puis  rétabli ,  et  ensuite  fait  car- 
»  dinal.  » 

Je  ne  trouve  point  dans  cette  liste 
des  ouvrages  du  père  Baron  ,  YExer- 
citatio  ,  que  M.  de  Launoi  réfute  avec 
une  aigreur  incroyable  ,  dans  l'une 
de  ses  lettres  (  la  XIVe.  de  la  Ve.  par- 
tie.) Voyez  la  remarque  (P)  de  l'arti- 
cle de  (Jean  de)  Launoi,  au  com- 
mencement. 

Deux  ou  trois  mois  après  que  j'eus    poet{c{  alle  glorie  délia  Signo- 
Mémoire,  on  m'envoya  ce  qui    ^  Lemom  Baroni  (A).  Ceux  qui 


«  tem  labes  tollet  secunda  editio. 
v  Cette  seconde  édition  fut  faite  à  Pa 
»  ris  par  Simon  Piget  ,  l'an  1666,  en 
»  deux  volumes,  divisée  en  cinq  li- 
j)  vres.  La  première ,  faite  à  Rome . 
»  à  l'instance  du  cardinal  Capisucchi. 
»  alors  maître  du  sacré  palais  qui  l'ap- 
»  prouva  ,  fut  cause  de  la  déposition 
»  du  même  Capisucchi  de  sa  charge 
»  par  Alexandre  VII,  grand  ami  des 
»  jésuites.  Elle  fut  aussi  mise  dans 
»  l'indice  le  28  de  février  1664.  » 

(D)  La  congrégation  de  l'indice  ne 
lui  a  pas  été  favorable.  ]  Voici  un  ex- 
trait de  son  décret  du  27  de  septem- 
bre 1672.  Duo  primi  tomi  operum 
Fr.  P^inceniii Baronii,  inscripti  Theo- 
logiae  Moralis  sunima  bipartita  ,  pro- 
hibentur  :  tertius  vero  prœfati  aucto- 
ris  suspendilur ,  donec  corrigalur  :  ul- 
tinii  autem  duo  tomi  ejusdern  auclo- 
ris  ,  scilicet  quarlus  et  quinlus  ,  quin- 
que  Ubros  apologeticos  continentes 
pariter  prohibentur  (G).  Voyez  la  fin 
de  la  remarque  précédente. 

(6)  Voyez  le  pire  Papebrocii,  Respoas.  »i 
exlnbît.  Errorum  ,  pag.  ^87. 

BARONI  (Léon  or  a),  dame- 
italienne  ,  l'une  des  plus  belles 
voix  du  inonde  ,  a  fleuri  dans  le 
XVIIe.  siècle.  Elle  était  fille  de 
la  belle  Adriana  ,  Mantouaue  ,  et 
se  fit  admirer  de  telle  sorte, 
qu'une  infinité  de  beaux  esprits 
firent  des  vers  à  sa  louange.  On 
a  un  volume  d'excellentes  pièces 
latines  ,  grecques  ,  françaises  , 
italiennes  et  espagnoles,  imprimé 
à  Rome  sous  le  titre  dJApplausi 


voudront  savoir  en  détail  les  per- 
fections de  son  chant ,  n'auront 


suit  «  Apologia   pro  sacra  congreg 

»  tione  indicis  ,    ejusque  secretario, 

3>  et   Dominicanis  ,    contra    Pétri    à 

»  Valle  clausâ  libellum  famosum  in-         ^  j;re  ce  c.u'en  dit  un  connais- 

ascriptum   de    Im™™itat*A"™„  seur  qui  l'avait  ouïe  chanter  (B). 

v  rum  Cyriacorum  a  Censura,  ttomœ  _,»,,".  .,  . 

3,  tyPis....,M.Dc.Lxu)m-40.Adver-  C'est  de  lui  que  j  emprunte  ce 

»  tat  lector  praeter   innumera  errata  qu'on  vient  de  lire. 
;>  ex  prselo  passini  sensum  et  stylum 

3>  auctorum  murantia  ,   addila   non-         (A)   On  a  un  volume  de  pièces  a  sa 

«  nulla  necessaria  sermone  simplici,  louange  ,  sous  le  titre  d  Applausi  Poé- 

«  et  multa  adjecta  convitia  :  bas  au-  tici  aile  glurie  délia  Signora  Leonora 

C(.  Baroni.  ]  Nicius  Erythréus  a  parlé  de 

f-'i'1    Journal   clés    Sov3ns    rlu    n    mars  îboi  ,  J        .  ,.J.        ■,.         T  *    . 

p,  journa.  t  ouvrage  lorsqu  il  a  dit  :  Legi  c:o 


BARONIUS. 


i43 


in  Thealrct  ICleonorœ  Baronœ  ,  cantri- 
cis  eximiœ  ,  in  quo  omnes  hic  Roniœ  , 
quotquot  ingénia  et  poelicœ  jaculintis 
laude  prceslant  ,  carmuubus  ,  tum 
etruscè  tum  latine  scriptis ,  singulari 
ac  propè  divino  mulieris  illius  ca- 
nendi  artificio  lanquam  faustos  quos- 
dam  clamores  et  plausus  edu.nl  :  legt , 
inquam  ,  union  Lœlii  (  Guidiccioni  ) 
Epigramma ,  ita  purum ,  ita  ele- 
gans,  etc.  (1). 

(B)  II  faut  lire  ce  qu'en  dit  un  con- 
naisseur qui  l'avait  ouïe  chanter.  ] 
«  Elle  est  douée  d'un  bel  esprit  :  elle 
»  a  le  jugement  fort  bon  pour  dis- 
»  cerner  la  mauvaise  d'avec  la  bonne 
v  musique;  elle  l'entend  parfaitement 
»  bien,  \oire  même  elle  y  compose  , 
»  ce  qui  fait  qu'elle  possède  absolu- 
»  ment  ce  qu'elle  chante  ,  et  qu'elle 
»  prononce  et  exprime  parfaitement 
»  bien  le  sens  des  paroles.   Elle  ne  se 

>  pique  pas  d'être  belle  ;  mais  elle 
n'est  pas  désagréable  ni  coquette. 
Elle  chante  avec  une  pudeur  assn- 

))  rée  ,  avec  une  généreuse  modestie  , 
»  et  avec  une  douce  gravité.  Sa  voix 
»  est  d'une  haute  étendue,  juste,  so- 
1  nore,  harmonieuse  5  l'adoucissant  et 
»  la  renforçant  sans  peine,  et  sans 
»  faire  aucune  grimace.  Ses   élans  et 

>  ses  soupirs  ne  sont  point  lascifs  ,  ses 
a  regards  n'ont  rien  d'impudique  ,  et 
3)  ses  gestes  sont  de  la  bienséance 
»  d'une  honnête  fille.  En  passant  d'un 
•>  ton  en  l'autre  ,  elle  fait  quelquefois 

i  sentir  les  divisions  des    genres  en- 

>  harmonique  et  chromatique,  avec 
tant  d'adresse  et  d'agrément  ,  qu'il 
n'y   a    personne    qui   ne    soit    ravi 

1  à  celte  belle  et  difficile  méthode 
;>  de  chanter.  Elle  n'a  pas  besoin  de 
.1)  mendier  l'aide  d'un  tuorbe  ,  ou 
d'une  viole  ,  sans  l'an  desquels  son 
»  chant  serait  imparfait  ;  car  elle- 
même  touche  les  deux  instrumens 
»  parfaitement.  Enfin  j'ai  eu  le  bien 
»  de  l'entendre  chanter  plusieurs  fois 
.)  plus  de  trente  airs  différens  ,  avec 
:>  des  seconds  et  troisièmes  couplets , 
»  qu'elle  composait  elle  même.  11  fa  ai 
(pie  je  vous  dise  qu'un  jour  elle 
»  me  fit  une  grAce  particulier  •  de 
m  chanter  avec  sa  mère  et  sa  sœur  ,  sa 
■■>  mère  touchant  la  lyre,  sa  sœur  la 
»  harpe  ,  et  elle  le  tuorbe.  Ce  con- 
»  cert,  composé  de  trois  belles  vois  . 

[1)  Niciu*  Erythrzus,  Pinacoth.  II,  pag.  129. 


«et  de  trois  instrumens  différens, 
>>  me  surprit  si  fort  les  sens ,  et  ine 
»  porta  dans  un  tel  ravissement ,  que 
»  j'oubliai  ma  condition  mortelle,  et 
»  crus  être  déjà  parmi  les  anges, 
»  jouissaut'd.-s  eontentemensdes  bien- 
»  heureux.  »  J'ai  tiré  ceci  d'un  dis- 
cours sur  la  musique  d'Italie,  impri- 
mé avec  la  Vie  de  Malherbe  et  quelques 
autres  traités,  à  Paris,  en  1672,  in-i'i, 
à  la  fin  duquel  on  lit  ces  paroles  :  Ce 
discours  fut  fait  par  j}f_  M  au  gars  , 
prieur  de  Saint-Pierre  de  Mac  ,  in- 
terprète du  roi  en  langue  anglaise  ,  et 
d'ailleurs  si  fameux  par  la  viole  , 
que  le  roi  d'Espagne  et  plusieurs  sou- 
verains de  l'Europe  ont  souhaité  de 
l'entendre. 

BARONIUS  (Dominique), 
prêtre  et  prédicateur  florentin 
au  XVIe.  siècle ,  écrivit  assez 
fortement  contre  l'église  ro- 
maine ,  et  concourut  dans  le  Pié- 
mont avec  les  Vaudois  à  mainte- 
nir l'orthodoxie;  mais  enfin  on 
le  regarda  comme  un  faux  frère, 
parce  qu'il  soutenait  qu'en  temps; 
de  persécution  il  n'était  pas  né- 
cessaire de  témoigner  extérieu- 
rement la  vérité  (A).  Celse  Mar- 
ti nengue  ,  ministre  de  l'église 
italienne  de  Genève  ,  écrivit  con- 
tre lui  sur  ce  sujet ,  et  il  y  eut 
des  répliques  de  part  et  d'autre. 
Ces  livres  sont  devenus  très-ra- 
res,  je  ne  sais  pourquoi.  Notre 
Baronius  fit  une  messe  à  sa  fan- 
taisie ,  et  il  la  crut  propre  «à  pa- 
cifier les  différens  des  deux  re- 
ligions :  il  se  vit  frustre  de  son 
attente  ;  car  les  réformés  reje- 
tèrent ses  menagemens  (a)  *. 

(o)  Tiré  de  /'Histoire  ecclésiast.  des  enli- 
ses vaudoises,  composée  par  Pierre  Gilles  , 
ifmp  X ,  pag-  6?.  et  sui\>.  Edtt.  de  Genève  . 
en  16^. 

*  A.  l'occasion  de  cet  article,  Leduchat 
consacre  rrueli|ues  lignes  à  Ga.sn.ird  Baronius, 
neveu  du  cardinal  .  et  auteur  île  Mémoires 
qui  furent  imprimés  vers   1  ]'.'. 

(A)  //  croyait  qu'en  temps  de  persécu- 
tion il  n'était  pas  nécessaire  de  témoi- 


-44 


BARTAS.  BAKTHIUS. 


sner extérieurement  la  vérité."]  Il  ne  me-  il  fil  en  plusieurs  autres  poincls  ,  pen- 

ritait  donc  pas  le  nom  d'Anti-Nicodé-  sant  par  ce  moyen  complaire  a  tous  , 

mite  ,   que  Pierre  Gilles  lui  a  donné  ,  en  nageant  entre  deux  eaux  :  mais  son 

mais    plutôt    celui    de    Nicode'mite.  train  fut   condamné  par  grand  nom- 

Voyons  de  quelle  manière  cet  histo-  bre  de  fiais  fidèles  ,  non-seulement  de 

rien  parle  de  lui.  Dominique  Haronius,  parole  et  par  e+crits  ,  mais  aussi  par 

dit-ii ,  (0  estait  Florentin,  missifica-  les  faicts  ,  aimans  mieux  perdre   les 

teur,  et  prescheur  papal,  de  réputation,  biens  terriens ,  et  ceste  vie  temporelle , 

et  qui  es  tems  moins  dangereux  avoit  que  de   monstrer  aucun  consentement 

monstre  quelque  zèle  envers  la  vraye  extérieur  aux   idolâtries   papales  ,  et 

religion,  l'approuvant  presque  entière-  erronées  superstitions  (2). 
ment,  et  condamnant  presque  toutes  les 

•        •                           j-i  „,.„„*     „„.,,/,,•  (2)  Pierre  Uilles,    Histoire    nés    églises    van- 

constitutions   superstitieuses   papales  ,  doW  _  ^  x_  ^  ^  ^^  aJipag  ^ 
n'en  retenant  que  quelques  parlicula- 


ritez  ,  desquelles  il  souloit  parler  avec 
telle  ambiguïté,  qu'à  grand  peine  pou- 
voit-on  cognoislre  ce  qu'il  en  croyoit, 
comme  onvoiden  plusieurs  traitez  ita- 
liens et  latins,  qu'il  a  composez  ,  et 
spécialement  en  celui  des  Constitutions 
humaines  ,  auquel  il  veut  monstrer  les 


BARTAS  (Guillaume  de  Sa- 
luste,  seigneur  du  ) ,  poëte  fran- 
çais. Cherchez  Saluste  *. 

*  [  Ba)le  n'a  pas  donné  cet  article.  ] 

BARTHIUS  (Gaspar),  l'un  des 


quelles  on  peut  admettre,  et  lesquelles    plussavans    hommes,    et    lune 
on  doit  rejeter.  Audit  livre  entre  plu-    des   plus  fertiles   plumes   de  son 


urs  grands  erreurs  qu'il  condamnoit 
en  l'église  papale  ,  il  dit  de  la  messe. . . . 
Je  ne  rapporte  point  le  passage  que 
Pierre  Gilles  allègue  ;  mais  voici  ce 
que  l'on  trouve  après  celte  citation. 


siècle  ,  naquit  à  Custrin  ,  au 
pays  cle  Brandebourg ,  le  >i  de 
juin  1587  («).  Sa  famille  était 
d'ancienne  noblesse  (A)  :  Charles 


Il  escrivoit  de  mesme  style  des  autres  <je  Barth  son  père  ,  professeur  en 

superstitions  papales;  mais  avec  tout  ^      -  Francfort-SUl-1'Oder  , 

cela  il  chenhoil  de  persuader  ,  qu  es  " 

lieux,  et  temps  fort  dangereux,  on  conseiller  de  1  électeur  de  *5ran- 

pouvoit  dissimuler  extérieurement  ce  debourg  ,    et    son    chancelier    à 

qu'on  eslimoit  de  tels  erreurs  ,  et  aller  Custrin  ,  mourut  le  6  de  février 
mesme  a  la    messe,  pourveu    quinte-        -  HalberStad  ,      d'oil     sa 

rieurement  on  retinst  constamment  la  :>J  '  ,  ' 

vérité ,  sans  approuver  de  cœur  aucun  veuve  se  retira  a  Hall  avec  ses 
de  ces  erreurs.  Disoit  qu'en  tels  temps  enfans.  Gaspar  fut  envoyé  à  Go- 
et  lieux  ,  le  ministre  de  vérité  devait    t}        pu[s  a  Eisenac  ,   et  puis  en 

i^PloferfZ%tiVJ^iSda^eUr  diverses  académies  d'Allemagne 
faire  cognoistre  lyvroye  ,  et  ladtscer-  o 

ner  du  bon  grain,  et  h  leur  faire  hayr  et  d'Italie  (b).  Il  devint  Si  docte 

l'yvroye ,  et  aimer  de  cœur  le  froment:  en   peu  de   temps,    que   son  en- 

mais,  quant  a  l'extérieur,  laisser  faire  fance  fut  admirée  par  de  grands 

auSeigneur,  sans  s'exposer    et  expo-  j  (R)        t         vj    composa 

ser  les  autres  en  de  grands  dangers ""    .  \  -  j' 

Le  sieur  Celsc  de  Martinengue ré-  plusieurs   livres    avant   que  da- 

futapar  un  notable  et  long  traité  tou-  Voir  de  la  barbe  (C).  Il  avait  une 

'tes  les  raisons  que  Baronius  utueuoit  f  j,;^  merveilleuse  à  faire  des 
Dortr  soustien   de  son  opinion  :  et   y  .  .,         ,-,., 

eut  des  répliques  de  part  et  d'autre  du-  vers  (D)  :    aussi   en    a-t-ll    publie 

rant  quelque  temps.  Et  Baronius  s'es-  beaucoup  (E).  Il   apprit  les  lan- 

timanl  suffisant  pour  pouvoir  accorder  gUes  vivantes,  et  il  a  fait  voir 
les  deux  religions  ,  reforma  la  messe  ,  ^    traductions   de    l'espa- 

afin  qu'a  son  dire  ,  ony  peust  aller  en  l  l 

bonne  conscience  ,  et  la   chantoit  lui-        („)  Hulsemannus  ,   in  Concione   funebri  , 

mesme  selon  sa  réformation,  et  le  mesme  apud  Freherum,    Tlieatri    Viror.   illustr., 

Pierre  Gilles,  Histoire  tlet  Églises  Van-  P"S-  l546- 


(0 
doises  ,  chap.  A  ,  j'PÇ;-  02, 


(b)  ld*m}  ibidem 


BARTHIUS.  i45 

gnol  et  /du  français  (F)  ,  qu'il    blanchissent  dans  la  poudre  d'un 

ne  se  contenta  pas  d'en  acquérir    greffe    écrivent  autant   que   cet 

une    connaissance    superficielle,    auteur   a  écrit.  On  a  publié  un 

C'est  une  chose  étonnante  que  le    conte  qu'il    aurait    mieux    valu 

grand  nombre  d'auteurs  que  ses    supprimer,  touchant  un  voyage 

Adversaria,  et  ses  Commentai-    qu  on  prétend  qu'il  fit  en  IIol- 

res  sur  Stace   et  sur  Claudîen    lande  avec  une  belle  dame  (N). 

témoignent  qu'il  avait   lus.    La    D'habiles  gens  se  sont  plaints  de 

plupart  des  critiques  se  sontcon-    l'impression  de  ce  conte,  et  l'ont 

tentés  de  connaître  les  auteurs    traité  de  fable  (0).  Barthius  avait 

profanes  ;  mais  pour  lui ,  il  ne  se    eu  deux  femmes  (e)  :  il  épousa  la 

borna  pointa  cela  :  il  acquit  de    première    l'an    iG3o,   et    la   se- 

plus    une    grande    connaissance    conde   l'an    i644-    La   première 

des  auteurs  ecclésiastiques  ,    et    mourut  l'an  1643  ,  sans  lui  avoir 

surtout  de    ceux  qui   ont    vécu    donné  aucun  enfant.  La  seconde 

dans  le  moyen  temps.  Son  atta-    lui  donna  un  fils  et  trois  filles  , 

chement  aux  livres   l'engagea  à    et    lui    survécut  ( /*).    Il    s'était 

renoncer  à  toute  sorte  d'emploi ,    trouvé  quatre  fois  dans  des  villes 

et  à  mener  une  vie  de   retraite    assiégées  ,   et  en  avait  été  quitte 

dans  Leipsick  (c).  Il  forma  d'as-    pour  la  perte  de  ses  habits  et  de 

sez  bonne  heure  le  dessein  de  se    ses   armes  une  seule  fois  (g).    Il 

détacher  tout-à-fait  du  monde,    s'est  plaint  d'avoir  été  maltraité 

et  des  études  profanes  ,  pour  ne    par  Vossius  (P)  :  il  prit  chaude- 

s'appliquer  qu'à  la  grande  affaire    ment  le  parti  de  Scaliger  contre 

du  salut  (G).   Il  exécuta  ce  des-   Scioppius  (Q)  :   et  il  n'était  pas 

sein  les  dernières  années  de  sa   bien    avec   le    docte   Reinesius. 

vie,  et  il  paraît  par  son  volume    Celui— ci  l'avait  trop  souvent  sur- 

de  Soliloques,  publié  l'an  1 654,    Vris   en  faute,    pour   ne  le   pas 

qu'il  méditait  profondément  sur    irriter   (R).    Il  était    impossible 

ce  qui  regarde  l'éternité  (II).    Il    qu'un  homme  qui  écrivait  tant 

mourut  le  i-j  de  septembre  i658,    de  choses,  et  avec  tant  de  préci- 

âgé  d'un  peu  plus  de  soixante  et    pitation,  pût  échappera  la  criti- 

onze  ans  \d).  Les  ouvrages  qu'il    que  victorieuse  de  Reinesius.  On 

laissa  en  manuscrit  (I)  ,  ceux  qui    a  prétendu    que  ce    n'était  pas 

ont  été  imprimés  (K),  ceux  qu'il    toujours  faute  de  mémoire  que 

perdit  dans  l'incendie  de  sa  mai-    Barthius  se  contredisait    (S).    Il 

son  (L) ,  et  ceux  auxquels  on  sait    ne    serait  pas    étonnant  que  sa 

qu'il  a  travaillé,  et  qui  se  sont    mémoire  ,  quelque  vaste  qu'elle 

égarés  je  ne  sais  comment  (M)  :    fût ,  lui  eût  souvent  joué  de  fort 

tous  ces  écrits  ,  dis-je ,  font  une    mauvais   tours  ,    vu   la   manière 

masse  si  prodigieuse,  qu'on  a  de    dont  il   composait  ses  livres  (T). 

la  peine  à  concevoir  qu'un  seul       re)  Hulseroannoa,  m  Orat.  fUn.  Barthii. 

homme  ait  pu  suffire  à  tant  de       (/)  idem,  ibidem. 

chose..    Je  ne   sais   si   ceux  qui    ,„.,,,,„  att,/!uinilu  /ueriL    u  quod  n>//is 

,  s   c   •     ,.        .    _        ,    „  f/uater  contigH  ,  nuspiam  Itesis  ,  nisi  spolia- 

(c    SpweblM ,  m  Templo  Hooor.s  resera to,     lt0ne  unâ  vestimenlorum  et  armorum  direv- 


"£«"•« ,  .„  x  cmp.o  nouons  resera lo,  aone  unâ  vestimenlorum  et  armorum  direp- 

,    *    .          _.  tione.   Barlb.   in   Statiura  ,   tom.   Il,    pu-, 

{d)  Witte  ,  Dianum  Biograph.  1041.                                                              r 

TOME    I f r .  IO 


ï/t6  BARTIIIUS 

Il  ne  faisait  point  de  recueils, 
et  ne  corrigeait  presque  jamais 
ce  qu'il  jetait  sur  le  papier. 


(A)  Sa  famille  était  d'ancienne  no- 
blesse. ]  11  y  a  peu  de  gentilshommes 
titre's  ,  peu  de  grands  seigneurs,  qui 
fassent  remonter  plus  haut  leur  ori- 
gine ,  que  Barthius  la  sienne.  Un  de 
ses  ancêtres  se  signala  dans  la  guerre 
des  Vandales  à  la  suite  de  l'empereur 
Louis-le-Débonnaire ,  l'an  856  *.  Il 
était  Bavarois,  il  commandait  la  cava- 
lerie, et  il  fut  tue  dans  cette  guerre  , 
comme  le  remarque  Cyriacus  Span- 
genbergins  (i).  L'aïeul  de  Barthius 
était  l'un  des  principaux  gentilshom- 
mes de  Bavière  :  il  fut  s'établir  dans  le 
cercle  de  la  haute  Saxe ,  et  y  acheta 
plusieurs  terres;  et  eu  l'année  i545 , 
il  fut  honoré  de  plusieurs  beaux  titres 
par  l'empereur  ?t  par  les  états  de  l'em- 
pire. -Avus  ideut  nosler  ne  in  his  terris 
7/iinor  esset  gentilibus  suis  alibi  viven- 
tibus,  à  Carolo quinto ,  consilio  eisena- 
tus-consulto  omnium  imperii  statuum 
tum  Spirœ  prœsentium  ,  ex  integro 
cœsareœ  majestatis  et  sacri  imperii 
auctoritale  utriusque  nobilis  et  miles 
tornearius  declaratus  est ,  omniaque 
liberœ  et  verœ  nobilitatis  privilégia 
accepit,  cum  singulari  integrilatis  , 
doctrinœ  ,  et  strenuitatis  testimonio  , 
anno  christiano  m.  d.  xlv  (2).  Il  exerça 
la  charge  de  chancelier  à  la  cour 
d'Albert  de  Brandebourg,  électeur  de 
Mayence,  archevêque  de  Magdebourg, 
et,  cardinal.  L'un  de  ses  ancêtres  , 
nommé  Herman ,  était  grand  -  maître 
de  l'ordre  teutonique  ,  vers  la  fin  du 
XIIe.  siècle  (3).  Les  vieilles  annales  en 
font  mention  :  Munster  en  parle  dans 
sa  Cosmographie  ;  et  les  catalogues 
des  grands  maîtres  de  cet  ordre  ,  ceux 
même  que  Jérôme  Megiserus  a  dressés 
ne  l'oublient  pas.  D'autres  personnes 
de  cette  même  famille  paraissent  dans 
les  récits  des  tournois  ,  et  dans  les  re- 
cueil? des  armoiries  des  principales 
maisons  nobles  d'Allemagne.  Le  père 
de   Gaspar   Barthius   avait    plusieurs 

*  Leclerc  remarque  que  Louis-le-Débonnaire 
est  mort  en  84o  ,  et  s'étonne  que  Bayle  ait  pu 
croire  ces  contes  qu'il  débite  comme  arrivés  au 
IXe.  siècle. 

(1)  In  Annalibus  Saxonicis,  cap.  C,  pag.  i38. 

(2)  lîartbius  in  Statium,  lent.  II ,  pag.  I02(j. 
(3}    Idem  T   ibidem. 


frères  (4) ,  qui  moururent  tous  sans 
enfans  (5).  L'un  d'eux  avait  été  écuyer 
de  quelque  grand  prince,  et  ne  man- 
quait pas  d'érudition  (6).  Barthius  té- 
moigne qu'il  serait  le  dernier  de  sa 
famille.  Supersles  nunc  ego  omnibus 
paterni  mei  nominis  J'amiliam  meam 
uiwtrsam  mecum  rébus  humants  brevi 
educam  (7).  Vous  le  voyez  à  la  tête  de 
plusieurs  de  ses  ouvrages  ,  avec  le  ti- 
tre S.  R.  imperii  eques.  La  pensée  que 
sa  famille  mourrait  avec  lui  l'affligeait 
beaucoup.  Cela  lui  tenait  fort  au 
cœur;  il  revient  souvent  à  ce  triste 
objet  :  ce  qui  me  fait  croire  qu'il  st 
consola  très-facilement  de  la  mort  de 
son  épouse.  Elle  était  stérile,  et  il 
avait  fait  son  compte  que  les  forces  de 
sa  virilité  ne  dureraient  pas  plus  que 
sa  femme  ;  car  autrement  il  n'eût 
point  parlé  comme  nous  venons  de 
voir  qu'il  a  fait.  Mais  lorsqu'il  s'y  at- 
tendait le  moins,  voilà  que  sa  femme 
mourut.  11  en  prit  bientôt  une  autre, 
afin  dt:  voir  s'il  éviterait  le  triste  sort 
qu'il  avait  appréhendé,  de  mourir  le 
dernier  de  sa  famille.  Il  ne  se  considéra 
plus  comme  un  poids  inutile  de  la 
terre  ;  cela  était  bon  à  dire  pendant 
qu'il  n'espérait  pas  d'engendrer  :  il 
eut  le  bonheur  d'avoir  des  fils  et  des 
filles  de  son  second  mariage  ;  mais  il 
oublia  de  corriger  les  endroits  de  son 
commentaire  où  il  paraît  sans  espé- 
rance de  laisser  un  successeur.  S'il  ne 
voulait  pas  corriger  son  manuscrit,  au 
moins  devait-il  y  ajouter  à  la  queue 
quelque  chose  touchant  son  second 
mariage  plus  fécond  que  le  premier. 
Si  l'on  me  demande  d'où  j'ai  su  que  sa 
première  femme  n'était  point  morte , 
quand  il  se  plaignait  d'être  le  seul  qui 
fût  resté  de  son  nom ,  je  répondrai  que 
j'ai  fait  un  petit  calcul.  L'oraison  fu- 
nèbre de  Barthius  m'apprend  qu'il  de- 
vint veuf  l'an  i643,  et  que  sa  mère 
mourut  à  Hall  le  22  de  janvier  1622.  Or 
il  n'y  avait  que  dix-huit  ans  qu'elle 
était  morte  ,  lorsqu'il  faisait  ses  com- 
plaintes :  Ego  inutile  foré  pondus  ter- 
rœ  omnibus  mei  nominis  mortalibus 
superstes  supervivo  integro  octodecen- 

(4)  Dans  l'espace  de  peu  de  lignes  Bartbius  , 
pag.  1026,  1027  de  son  Comment,  sur  Stace  , 
dit  qu'U  avait  six  oncles  paternels ,  et  que  son. 
aieul  laissa  six  fils.   Cela  n'est  pas  exact. 

(5)  Illiberes  omnes....  excesserunt.  Barthius 
in  Statium,  loin.   II ,  pag.    1027. 

(C)  Ibidem,   pag.  1025. 
(7)  Ibidem. 


B  ART  II  IUS.  ,47 

nio  (8)  5  il  avait  donc  encore  sa  pre-    apprenons  de  lui-même,  c'est  toujours 
mure  femme.  i\|.  BaiJfel  qui  parle(i3),  «  que  n'étant 

(B)  Son  enfance  fut  admirée  par  de  »  encore  que-dans  la  seizième  année  de 
grands  hommes.  }  Qu'il  me  soit  permis  »  sona"«e  il  lit  un  traité  ou  une  disserta- 
de  donner  au  mot  d'enfance  un  peu  »  tioncn  forme  de  lettre  sur  la  manière 
plus  d'étendue  qu'on  ne  fait  ordinai-  »  de  lire  utilement  lesauteurs  de  lalan- 
rement,  et  alors  mou  t.xte  sera  très-  »  gue  latine  ,  à  les  commencer  depuis 
vrai,  puisque  le  grand  Scaliger  fit  »  Ennius  jusqu'à  la  fin  de  l'empire  ro- 
beaucoup  de  cas  des  premières  pro-  »  main  ,  et  à  les  continuer  depuis  la 
ductionsde  Barthius.  <c  Cujus  virtutim  »  décadence  de  la  langue,  jusqu'aux 
»  juvenilem  ac  cordatos  ausus  José-  »  critiques  de  ces  derniers  temps  qui 
»  phus  Scaliger  sdsfexit  adeô  ,  ut  di-  »  ont  rétabli  les  anciens  auteurs  (*). 
'>  vinationis  instar  hanc  illi  de  Bar-  »  C'est  une  composition  que  l'auteur 
»  thiovocemexcidissecompertutu  sit,  »  assure  ne  lui  avoir  coûté  qu'un  jour 
»  natum  esse  adliuc  unum  œlernitati  »  de  vingt-quatre  heures  ;  mais  elle 
»  ingenium ,  quod  si  ad  maturitatem  »  est  si  serrée  et  si  bien  remplie 
»  perveniret ,  litteras  aliquandik  vive-  »  qu'elle  nous  fait  juger  que  Barthius 
m  re  posse  (9).  »  Daumius  assure  que  »  devait  avoir  dès  lors  une  lecture 
les  grands  docteurs  n'avaient  point  de  »  prodigieuse,  et  que  cette  lecture, 
honte  d'apprendre  de  cet  écolier  :  »  loin  d'être  indigeste  ou  confuse,' 
Eo  adolescente  uli  dnctore  non  eru-  »  était  accompagnée  du  discerne- 
buerunl  Taubmanus,  Siberus,  Schmi-  »  ment  nécessaire,  etc.  »  On  peut 
dius.  Quœ  Gruteri  aliorumq ue  apud  ajouter  qu'il  n'avait  que  dix-huit  ans, 
exteros  virorum  de  eo  lum  lala  fuerint  lorsqu'il  fit  un  Commentaire  sur  la 
judicia,  domi  eorumlilterœ  assenai, e  Ceiris  de  Virgile,  qui  fut  imprimé 
partim  ,  parlim  lectœ  docent  (10).  Un  à  Amberg  ,  l'an  1G08  ,  et  qui  contient 
autre  savant ,  qui  avait  été  condisci-  beaucoup  de  doctrine, 
pie  de  Barthius  ,  en  parle  de  cette  ma-         (D)   //  avait   une  facilité  merveil- 

nière  :  JVovi ante  annosferè  quin-    leuse   a  faire    des    ce/*.]    Barthius 

quagintapueri prœstabiles  minas,  ciim.  ayant  pris  garde  que  Stace  se  félicite 
sub  Wilkii  p.  m.  manu  essemus  a-ua-  en  quelque  manière  de  n'avoir  mis 
/:oXstç-a.«  :  noui  ante  hos  XLUI  annos  que  deux  jours  à  l'epitlialame  de  Stt  1- 
Witebergœ  adolescentem  florentcm  la  ,  qui  comprend  deux  cent  soixanie- 
gralid  apud  nonimllos,  Bctu/j.a.^ip.iyùy  dix-lmil  hexamètres  ,  ajoute  que  ce 
àvai  x.â.Tu  ab  œqualibus  (11).  n'était  point  s'exposer  à   la   critique 

(C)  Il  composa  plusieurs  livres  ,  d  Horac  •  (1.4)  ,  vu  que  ce  n'était  point 
avant  que  d'avoir  de  la  barbe.  ]  faire  i\ci\x  cents  vers  par  heure  , 
M.  Baillet  qui  Ta  mis  dans  le  catalogue  comme  faisait  celui  dont  Horace  s'est 
de  ses  Enfans  célèbres  ,  nous  en  dira  moqué  (l5).  Je  trouve  une  grande  liy- 
des  nouvelles  mieux  que  personne.  11  perbole ,  continuc-t-il  ,  dans  cette  cri- 
nous  apprendra  que  Barthius  ,  a  douze  tique  .  quoique  je  n'ignore  pus  ce  que 
ans  ,  mit  tout  le  psautier  de  David  en  c  est  de  J aire  beaucoup  de  vers  en  peu 
vers  latins  de  toute  espèce  ,  et  qu'il  fit  c?e  temps  ;  car  dans  trois  jours,  j'ai 
imprimer  dès  la  même  année  d'autres  fa'1  ltne  traduction  latine  des  trois 
poésies  en  la  même  langue  ;  et  que  le  premiers  livres  de  l'Iliade  ,  laquelle 
Recueil  de  silves  ,  de  salues,  de  ser-  traduction  contenait  un  j'eu  plus  de 
nions,   d'élégies,  d'odes,    d'epigram-     deux  mille  vers. 

mes,  et  d  ïambes  ,  qu'il  fit  imprimer  à         (E) aussi  en  a-t-il  publié  beau- 

JVitlemberg  ,  l'an  1607,  comprend  coup.  ]  Car ,  outre  ceux  dont  on  parle 
toutes  les  poésies  qu'il  a  faites  depuis  *'.;ms  ';'  remarque  (C)  ,  il  publia  à 
treize'  ans jusqu  h  dix-neuf  (i-i\  JN'ous    Francfort,  l'an  i6a3  ,  un  poème  mti- 

(8)  Barth.    :.a  Statium,   lom.    II,  pag.  826.  ilV  r',U  "'r'""  '   PaS-  *<$■ 

(91   Sp»el.,    in    Templo    Honoris    re,eralo  ,  _£)   "   "  tru""  au   L'    »**  de  ses  Adver 

pag.   38i.  r  /,--..., 

do'i  n»..m'.nc     T„-  ,    yiv     j  p    •  ('■•>  J*am  Jutl    hoc    vUtosus  :  in  hord  sœph 

(10)  uauraïus  ,  tpist.  XIV  ad  Rcinesium.  dubéntm 

(il)  BdlKWOS  ,     Epist.    XV     aJ     Daumium,  Ut  magnum  ,  venus  diclabal ,  ,lans  pede  in 

pag.  4b.  Celle  Lettre  est  datée  du  1 .',  d?  janvier  uno. 

,   \D  .„        „  Horallos,  Sot.  I\  ,  vs.ç,iib.    I. 

U?)  B"U«  ,  Enfaus  dlttres  ,  pag.    29;  ,  ,98.  (»5)  Bartl.ius  ,  in  Slati0m  .  lom.   I,   yag.  -. 


i4» 


BARTHIUS. 


tulé  ,  Zodiacus  l'itœ  christianœ  ;  sa- 
tyricon  pleraque  ontnia  verœ  sapientiœ 
mysieria  singulari  suavitale  enarrans. 
Il  est  divisé  en  XII  livres.  Il  pu- 
blia ,  en  la  même  année  et  au  même 
lieu  ,  Epidorpidum  ex  mero  scazonte 
libri  111 ,  in  quibus  bona  pars  huma- 
nœ  sapientiœ  melro  expiicatur.  Ses 
Épigrammes ,  divisées  en  XXX  livres , 
et  dédiées  au  roi  Jacques  ,  ont  paru 
sous  le  nom  de  Tarrœus  Hebius  (16) 


sous  le  titre  iVErolodidascalus,  sen 
A'emoralium.  libri  V .  Il  traduisit  aus- 
si en  latin,  à  ce  que  dit  M.  Baillet  (19), 
le  Pornodidascale  de  TArétin.  C'est 
sans  doute  le  même  livre  que  celui 
dont  Daumius  parle  en  ces  termes  : 
Reliqua  quœ —  Barlhius  publicavit 
ex  indiculo  colioquio  P.  Aretini  de 
las  Dama-;  ex  Hispanico  ab  ipso  trans- 
late ,  et  a  nobis  recuso  nuper,  adjec- 
to  cngnoscere  poleris  (20).  Concluez  de 


sous  le  nom  ue  j  uuœus  ucwi«)  \.lyjj.  •.««,»•£, i.w»*/w-^~..w »»  \,    ." .    ,    «««.».«.—  - 

Les  IV  livres  AmabUium  Anacreonte  là  que  cette  version  latine  de  1  Arétin 

dccanlali ,  furent  imprimés  l'an  1612.  ne  fut  point  faite  sur  l'original;  mais 

II  fit  une  Paraphrase  des  fables  d'E-  sur  une  version  espagnole. 
sope  ,  en  vers  ;  une  Fersion  de  Mu-        (G)  //  prit  de  bonne  heure  la  réso- 

se'e,  aussi  en  vers;  et   un  Poème  de  lution  de   se  détacher   tout-a-fait  du 

Léandre  (17).  Je  ne  crois  point  que  sa  monde pour  ne  s'appliquer....  qu'a 

Persion   de   Quintus    Smyrnœus    en  son  salut.  }    Ayant    raconté    que   sa 

vers  ait  vu  le  jour.  Il  en  parle  dans  mère  avait  eu    un  pressentiment  de 

la  page    584   du   IIIe.    tome    de  son  sa  mort ,  trois  ans  avant  que  de  mou- 

Stace.  rir ,  et  qu'il  y  a  dix-huit  ans  qu'il  sur- 

(F)  Il  fit  des  traductions  de  l'espa-  vit  à  cette  bonne  mère  ,  bien  sain  en 

gnolet  du  français.]  Je  ne  sache  point  toutes  les  parties  de  son  corps  ,  excep 

qu'il  ait  traduit  autre  chose  de  cette  té  qu'il  a  la  vue  faible  (21)  ,  il  ajoute  : 


tion  pour  la  langue  castillane  :  il  l'a 
fait  paraître  en  divers  lieux  ;  et  les 
louanges  qu'il  a  répandues  sur  les  li- 
vres espagnols  n'ont  pas  été  ignorées 
par  don  Nicolas  Antonio  (18;.  Je  ne 
connais  que  deux  livres  espagnols  tra- 
duits en  latin  par  Barthius  :  l'un  est 
la  Celesline,  dont  il  ne  connaissait 
point  l'auteur;  l'autre  est  la  Suite  de 
la  Diane  de  Monlemajor.  Voici  le  titre 
qu'il  donna  à  la  traduction  de  la  Cé- 
lestine  :  Pornoboscodidascalus  lali- 
nus.  De  lenonum  ,  lenarum,  concilin- 
tricum  ,  servitiorum  ,  dolis ,  venefi- 
ciis,  machinis  plusquam  diabolicis , 
de  miseriis  juvenum  incautorum  ,  qui 
florem  œtalis  amoribus  inconcessis  ad- 
dicunt ,  de  miserabili  singulorum  pe- 
riculo  et  omnium  inleritu  ,  à  Frauc- 
fort,  1624.  H  joignit  des  notes  à  sa 
version.  L'auteur  espagnol  de  cet  ou- 
vrage ,   ou    de    cette   tragi-comédie, 


*— ~  ■ — ,- - ',-7    .         . 

sœpius  jam  orsam  naclenus  injinita 
bellorum  et  bellicorum  tumultuum 
exactionumque  impedimenta  hactenus 
suspenderunt.  Pour  savoir  en  quel 
temps  il  parlait  ainsi ,  on  n'a  qu'à  se 
souvenir  que  sa  mère  décéda  l'an 
1622.  Voyez  la  remarque  (A) ,  vers  la 
fin. 

(H)  //  méditait  profondément  sur  ce 
qui  regarde  l'éternité.  ]  Voici  le  té- 
moignage que  le  sieur  Théophile  Spi- 
zelius  lui  a  rendu  :  Sacrum  nimirùm 
ad  Deum  siuceramque  pielatem  Bar- 
lhius medilabaliir  accessum  :  plurimis 
piè  lilleralorum  ac  Deo  sacralorum 
hominum  exemp/is  incilalus.  (Juo  de 
imprunis  testatur  insigne  soliloquiorum 
opus,  extremis  l'itœ  temponbus  à  Bar- 
thio  publicalum  ,  Jiagranlissimis  ad 
Deum  suspiriis  oppidb  plénum,  et  vel 
Augustino  scriptore  dignum ,  quod 
eliam  hemiplecticus  qunlidiè  revolve 
—  ves- 


Vrage  ,    OU    ue    truc     iuji-iuiuhhï.,  eiiam  ra;mip(c™i.Hj   ipuuun.  if." 

s'appelle   Rodericus    Cota     La  conti-  re  }  et  per  priai  uni  meditationum  »-.-.>- 

nuation  de  la  Diane  de   Montemajor  tigia  denuô  cogilaliones  suas  cœlo  im- 

A        _    J         "X^    ~..      Da>i»U<ii«     «c*    l'.ïlIUr'JOP     ilf  -,.:**„..„         „n>-.r, .*..,!*  ,  i  1 1  1  i  i  I  ri  I  <  ,         /  i  1  I  '  /  i 1  I  !  I l  I 


traduite  par  Barthius  est  l'ouvrage  de 
Gaspar  Gil-Polo.  La  version  de  Bar- 
thius fut  imprimée  à  Hanaw,  en  i625, 

(16)  Spizel. ,  in  Templo  Honoris,  pag.   382. 

(17)  Idem,  ibidem,  pag.  3SG  .   38:. 

(18)  fuyez    sa    Bibliolliéque    des    Ecrivains 
espagnols,"  vol.  I ,  pag.  4°3 ,  4'3,  et  vol.  II , 

pag.  211. 


mdtere    consuevit.    quinimo    divinum 
amorem  ,  quem  intimis  fibris  semelim- 

(19)  Jngemens  des  S.ivaus,  loin.  I ,  pag.  542- 

(20)  Daumiiîs.  dans  lu  préface  des  Commen- 
taires il.'  Barlhius  sur  Stace  ,  datée  du  i5  de 
mars  i664- 

(21)  Barih.,  Comuientarius  in  Slatiimi,  tom. 
II,  pag.  826. 


BARTHIUS. 


bibisset ,  conùnuis  precum  ejaculatio- 
nibus  alendum  jugiter  alque  roboran- 
dum  putavil,  quousque  è  sacrœ  pariler 
ac  lilterariœ  solitudinis  du>e<  sorio,  an- 
no  œt> i  nostri  octavo  et  quinquagesi- 


1  )9 


libraire  (26).  Cela  produisit  un  eilet 
fort  prompt  à  l'égard  de  quelques-uns 
de  ses  ouvrages,  plus  lent  à  l'égard  île 
quelques  autres  ;  mais  néanmoins  ,  la 
plupart  des  livres  dont  il  avait  étalé 


mo ,  œtatis  fera  septuagesimo  primo    les  titres  étaient  imprimés  lorsqu'on 
emigravit  (22).  parla  de  cette  préface  dans  la  Biblio- 

(l)  II  laissa  des  ouvrages  en  manu-    théque  universelle.  Voyons  en  quels 


scrit.}  Daumius  a  fait  savoir  au  public, 
que  l'on  trouve  parmi  les  papiers  de 
Fauteur  le  11e.  et  le  IIIe.  volume  de 
ses  Adversaria.des  Notes  et  des  Glos- 
saires sur  les  écrivains  de  la  Palestine, 
publiés  par  Jacques  Eongars  :  Bene- 
dictus  Paullinus  Petrocorius  de  vitâ 
S-  Martini ,  et  Paullinus  Pelleus  cum 
Tertulliani  Jonâ ,  Jureliqiie  et  Bar- 
tkii,  animadversionibus  ;  XXI  livres 
d' lipigrammes  ,  XII  livres  (YAna- 
créontiques ,  le  Zodiaque  de  la  vie 
chrétienne,  corrigé  et  augmenté  en 
plusieurs  lieux  ;  plusieurs  autres  poè- 
mes ,  dont  la  plupart  n'avaient  point 
été  imprimés ,  et  les  autres  avaient  été 
corrigés  ;  des  Glossaires  sur  Valère- 
Maiinte,  et  sur  les  èptlres  de  Pline 
le  Jeune.  (23)  Daumius  déclare  que 
si  la  cruauté  des  temps  tout  -  à  -  fait 
contraires  aux  belles-lettres  le  per- 
met ,  et  si  par  la  libéralité  de  quelque 
Mécène  il  en  peut  revenir  quelque  uti- 
lité aux  héritiers,  tous  ces  ouvrag2s 
pourront  un  jour  sortir  de  dessous  la 
presse.  Si  diritas  permittat  lemporuin 
politioribus  heu  musis  prorsiis  injenso 


termes  on  le  fît  :  le  passage  mérite 
d'être  copié}  il  contient  une  critique 
un  peu  mordante  ,  mais  qui  est  fon- 
dée en  raison.  «  Il  y  a  une  préface 
»  au-devant  ,  où  l'on  peut  voir  les  ti- 
»  très  de  plusieurs  livres  ,  que  l'au- 
»  teur  promettait  de  donner  au  pu- 
>»  blic  ,  mais  dont  il  n'a  jamais  paru 
»  qu'une  petite  partie  (  27  ) ,  parce 
»  qu'il  ne  trouvait  pas  des  libraires  , 
»  comme  il  le  marque  lui-même  (28), 
a  qui  eussent  le  même  zèle  que  lui 
»  pour l'avancementdes belles-lettres. 
»  Mais  si  tous  ces  ouvrages  ressem- 
»  blaient  à  celui-ci ,  on  peut  s'assurer 
»  de  n'avoir  perdu  ,  au  moins  en  par- 
«  tie  ,  qu'un  grand  nombre  de  cita- 
»  tions  dont  on  peut  se  passer  sans 
»  peine.  Ce  n'est  pas  qu'il  n'y  pût 
»  avoir  de  bons  endroits  ,  aussi-bien 
»  que  dans  celui-ci  ;  mais  ils  sont 
»  comme  cachés  sous  une  si  grande 
»  multitude  de  passages  des  anciens, 
»  qu'il  faut  avoir  assez  de  patience 
»  pour  les  déterrer  (29).  » 

(K) d'autres,    qui   ont  été   im- 
primés.'] Je  ne  marquerai  ici  que    les 


rum,  fruclusque  si  aliquis   Mœcena-  principaux  :  un  gros  volume  in-folio, 

tumbenignitate  ad  reliclos  toû /ua.K!tf.i-  intitulé    Adversaria  ,    divisé   en    LX 

-rot/  hœredes  sit  redundalurus  (24).  Je  livres,  quibus  exunii'crsit  antiquitatis 

n'ai  pas  ouï  dire  qu'aucun  de  ces  ma-  *ene  omnis  generis  loci  tain  gentiliurn 

nuscrits  ait  été  tiré  des  armoires  des  quant  christianorum  scriptorum  illus- 
héritiers  ,  excepté  le  Paullinus  l'être 


corius  de  vitàS.  Martini,  qui  fut  im 
primé  l'an  1681,  par  le  soin  de  Dau- 
mius. Les  libraires  ne  veulent  point 
mordre  à  cette  grappe,  comme  ils  tirent 


trantur  et  emendanlur ,  cum  rituuni  , 
morum  ,  legum  ,  formularumque  ob- 
servaùone  et  elucidatione,  cum  unde- 
cim  indicibus,  vu  Aurtonim,  iv  Rcrum. 
A  Francfort ,  en  1624.  La  mémoire  , 


autrefois,  lorsque  Barthius  les  piqua  la  lecture,  l'érudition   de  cet  auteur 

d'honneur  en  déclarant  dans  une  pré-  se    produisent   là   d'une   façon   éton- 

face  qu'il  avait  un  très-grand  nombre  nante  :  c'est  dommage  que  la  netteté, 

de  livres  ,  qui  n'attendaient  que  Thon-  et  le  choix  n'y  régnent  pas  également, 

nêteté  des  libraires  pour  se  montrer  H  avait  laisse  II  volumes  SiÂdveraana 


aux  yeux  du  public  (25),  et  qui  paraî- 
traient dès  qu'il  se  présenterait  un  bon 

(21)  Spizelii  Theatr.    Hooor.  ,  pag.  384,  381;. 

(î3)  Daumius,  in  Vrœfaiione  Comment.  Bar- 
tliii  in  Statium. 

(^4)  Idem,  ibidem. 

(i5)Sequentur  deinceps ,  uii  quidem  Irpogra- 
phorum  comilas  eril.  Rarlb.  .  Prie  fat.  in  Kutilii 
Itincrar.  Elle  est  datée  du  14  d'octobre  162a. 


de  même  taille,    sans    compter  qu'il 
avait   revu  et  corrigé  le  premier.  De 

(36)  Exprclant  edilionem  ,  si  sollcrietn  trpo- 
graphum  nactijuerimus.  Ideûi ,  ibid. 

(27)  II  rsl  certain  que  la  meilleure  partie  est 
imprimée. 

(38  11  ne  marque  nullement  cela  dans  ceUc 
préface. 

(ag)  Bibliotbéq.  universelle  ,  lom.  V ,  pag. 
3^0,  dans  V extrait  de  l'Itinéraire  dt  Ruiili»-. 


î5o 


BARTHIUS. 


quo  Ach'ersariorum  tomo  secundo  aut 
tertio  ,  uterque  enim  jamperaclus  est , 
primo  etiam  reccnsito  in  Us  et  amotis 
nebulis  quas  Mi  inducere  livor  volait 
(3o).  Tout  l'ouvrage  devait  contenir 
CLXXX  livres.  Il  y  a  quelque  chose 
d'immense  là-dedans  ,  qui  fatigue 
même  l'imagination;  mais  passons  à 
quelques  autres  titres.  Galli  confes- 
sons christianœdoctrinœ  compendium, 
seu  sermonem  Constantiœ  nabitum , 
C.  Barihius  recensuil ,  et  animadver^ 
sionum  librum  adjecit  ;  à  Francfort 
en  1Ô23  ,  i/z-8°.  Phœbadius  contra 
Ananas  ,  cum  animadversionibus. 
Guil.  Britonis  libri  Philippidos  ,  cum 
notis.  Claudiani  Ecdicii  Mamerli  de 
statu  animœ  libri  III ,  cum  animad- 
l'ersionibtts  ;  Cygnese ,  i655  ,  in-8°. 
JEneœ  Gazœi  dialogus  de  immortali- 
tale  animarum  ,  cum  Zachdriâ  Mity- 
lenœo  philosopho  christiano  ,  grœcè  et 
latine  ;  Lipsiae ,  i655,  in-\°.  Bar- 
thius donna  une  nouvelle  version 
d'Ënée  de  Gaza  ,  et  se  servit  de  celle 
de  Jean  Tarin  à  l'égard  de  Zacharie , 
et  orna  de  notes  l'un  et  l'autre  de 
ces  deux  ouvrages.  Soliloquia  reruni 
div inarum  ,  Cygneae,  i654,  in-f[".  Un 


dio  Sellerhusano  anno  M.  DC. 
XXXVI  absumta  ,  periére.  Barthius 
perdit  en  cette  rencontre  son  Index 
Appulejanus  (34) ,  tout  ce  qu'il  avait 
fait  sur  Tertullien  (35);  son  Index 
sur  Thucydide  ,  etc.  In  quo  scriptore 
(  Thucydide  )  per  bellicos  hos  trien- 
nales motus  etexcessiones  ingens  dam- 
num  accepimus ,  indicem  enim  tani 
in  auctorem  quant  Scoliasten  (quire- 
cenlior  tamen  est  cjuam  vulgb  attendi- 
tur)  confeceramus ,  is  cum  parte  biblio- 

thecœ periit  (36).  Flammœ ingens 

scrinium  manu  med  scriptis  charlis 
ejfertum ,  simul  abstulerunt  :  et  sic 
perierunt  mihi  multa  juvenilia  et  pue- 
rilia  scripta  (3^).  Il  dit  qu'on  lui  avait 
déjà  pillé  deux  fois  sa  bibliothèque, 
lorsque  le  feu  y  fit  ce  nouveau  rava- 
ge :  Adesse  bibliothecœ  non  possu- 
mus  miris  modis  duabus  vastalionibus 
depopulatœ ,  et  uno  incendio  vix  di- 
midialim  ereptœ  (38). 

(M) d'autres  se  sont  égarés  je 

ne  sais  comment.^  Daumius  rapporte 
qu'après  la  mort  de  l'auteur  on  cher- 
cha inutilement  son  commentaire  sur 
saint  Augustin  de  Civitate  Dei ,  son 
livre  de  Superstitionibus     Veterum , 


gros  volume  de  IVotes  sur  Claudien,    son  traité  de  dubiis  Scriptoribus ,  se 


imprimé  Tan  i65o,  in-/y°.  ;  et  trois 
gros  volumes  sur  Stace ,  imprimés 
l'an  1664,  in-^°.  Il  ne  fut  point  con- 
tent de  cette  édition  de  Claudien  ,  à 
cause  que  le  libraire  ne  s'était  point 
servi  d'un  bon  correcteur  (3i).  C'est 
dommage  qu'on  n'y  trouve  aucune 
table  des  matières ,  ni  en  général 
aucun  indice.  C'est  un  défaut  dont 
ses  Commentaires  sur  Stace  sont  bien 
exempts. 

(L) il  en  perdit  dans  l'incendie 

de  sa  maison.~]  C'était  une  maison 
de  campagne  :  le  feu  y  prit  par  la 
faute  du  fermier ,  ou  de  tel  autre 
homme  qui  y  logeait.  Cum  villa  nostra 
urbana  non  bello  ,  non  latronum  manu, 
sed  perfidi  incolœ  temeritate  eonfla- 
gravit  (3a J.  C'est  sans  doute  ce  que 
Daumius  appelle  incendium  Selle  rliu- 
sanum,  qui  arriva  l'an  i636.  Etiam 
nonnulla  Jlammis ,  dit-il  (33)  ,    incen- 

(3o)  Bari.li.  ,   in  Statiura  ,  tom.  I ,  pag.  110. 
Voyez  aussi  la  Préface  de  Daumius. 
(3i)  Barth. ,  in  Stalium  ,  loin.  I ,  pag.  434- 

(32)  Idem,  ibid.  ,  tom.  III,  pag.  i3g8.  Il 
avait  dit  dans  la  page  g  du  Ie*.  tom.  Flamma; 
non  ab  boste,  sed  domeslico  scelere  mère  tnm 
mansioni  injecta;. 

(33)  Daumius,   Preef.  in  Ststitira. 


Caractères  ,  et  plusieurs  autres  écrits 
de  cette  nature.  Barthius  cite  fort 
souvent  les  livres  dont  je  viens  de 
faire  mention  ,  et  en  donne  une  idée 
avantageuse.  11  y  a  beaucoup  d'appa- 
rence ,  vu  la  qualité  des  matières  ,  que 
ce  n'étaient  pas  les  moins  bons  de 
ses  ouvrages.  Il  en  avait  commencé 
un  grand  nombre  d'autres,  auxquels 
il  renvoie  son  lecteur  tout  de  même 
que  s'ils  eussent  été  imprimés.  Voyez 
Y  Index  Autorum  de  son  Stace ,  au 
mot  Barthius. 

(N)  On  a  publié  un  conte tou- 
chant un  voyage  qu'on  prétend  qu'il 
Jit  en  Hollande  avec  une  belle  dame.} 
M.  Colomiés  l'a  débité  sur  la  foi  d'I- 
saac  Vossius.  Il  a  été  fort  blâmable 
d'imprimer  de  semblables  choses, 
dont  il  n'avait  point  d'autre  garant 
qu'un  conte  de  conversation.  Qui  ne 

(34)  Bartb. ,  in  Statium  ,  tom.  I ,  pag.  g  ,  et 
passun  alibi. 

(35)  La  même,  pag.  i338  du  IIIe.  tome,  ou 
il  dit  ■■  Nota;  nostra:   in  intesrum  ferè  Tertuliia- 

num. 

(36)  Ibidem,  tom.  II ,  pag.  3o6. 
(31])  Ibidem  ,  tom.  I ,  pag.  g. 
(38)  Ibidem,  tom.  II ,  pag.  372. 


BARTHIUS.  i5r 

sait  que  ceux  qui  se  piquent  d'entre-  (P)  //  s'est  plaint  d'avoir  été  mal- 

tenir   agréablement  une  compagnie ,  traité  par  fossiiis.-]  Peu  de  gens  ont 

sont  fournis  d'un  nombre  infini  a  bis-  eu  à  faire  de  semblables  plaintes-   car 

toriettes  où  ils  ajoutent  telles  circon-  jamais  bomme  aussi  docte  que  Vnssius 

stances   qu'il  leur  plaît,    pour   faire  n'a  été   plus  honnête   ni  plus  modéré 

trouver  le  conte  plus  singulier  et  plus  que    lui  envers  ceux  qu'il  reprenait, 

agréable?  Ils   ne    se   donneraient  pas  Voyons   néanmoins   tout  du   long   la 

cette  liberté ,  s'ils  savaient  qu'on  dût  plainte  de    Barthius.    ()uo   loco    vir 

imprimer   ce  qu'on  leur  entend  dire,  doctiss.  (/J2)  pulchrè  etiam  de  Lutatio 

Quoi  qu'il  eu    soit ,    voici    le  conte  :  judicat  doctum  esse  lecluque  dignum 

«   M.  Vossius me  contait  un  jour  exegeten,  preeter  quittent  gtossemata. 

»  que  Barthius  étant  venu  d'Allema-  Stinè    longé   meliiis    et    comperlius , 

n  gneà  Harlem,  pour  voir  Scriverius,  quant  nuper  Joannes  Gerliardus  Yos- 

»  il  amena  avec  lui  une  dame  pariai-  sius  ,  qui  Lutatium  ex  Gervio  et  Higi- 

:>  tement  belle  ;  et  que  Scriverius  ne  nio  composition  dicere  ausus  est  maxi- 

»  l'eut  pas  plus  tôt  vue,  qu' il  trouva  mam  partent.  Qui   doctissimus   homo 

i)  moyen    de  faire  enivrer  Bai t'iius  ,  cùm  alio  nos  loco  perperam   (ut  clara 

»  afin    d'entretenir  cette  dame  avec  tes   est,  et  demonstratum  jam   nabis 

»  plus  de   liberté,  ce   qui  lui  réussit  alibi  )    ineptiarum    et    absurditatis  , 

«  fort  heureusement.   Il  ne  put  pour-  nunquum  a  nobis  lœsus,  et  ab  incidis 

»  tant    si  bien    faire,    (pie   Barthius  planèque  egregièineptis  Thrasunculis 

»  revenant  de  son  ivresse  n'eût  quel-  incilatus  ,  insimulare  ausus  sit ,  mérita 

»  que  soupçon  de  ce  qui  s'était  passé,  ulriusque   notœ  hic  hobebitur  ,    cùm 

»  qui  s'augmenta  tellement  qu'il  ra-  ea    commenlariis  Lutatianis    insint  , 

»  mena  sa  dame  fort    en  colère,    et  quorum  nec  centesimam  partent  Ser- 

»  la  laissa  noyer  sur    le  Rhin (3g).»  vianœ  et   Higinianœ  commentationes 

Il  ne  faut  point  disconvenir  que  Bar-  vindicare  possint.  Idem  prœstanlissi- 

thius   n'ait   eu    mauvaise  réputation  mus   uir  incogitatè  eodem  loco  scri- 

j>ar   rapport  aux  mœurs.   Un  de  ses  bit  Lutatium  à  Lindebrogio  primum 

meilleurs  amis   le  confesse  ;    mais  il  edilum  (43). 

soutient  que  cela  était  mal  fondé.  De  (Q)  Il  prit  chaudement  le  parti  dr 
moribus  quœ  invidï  nugati  sunt ,  quo-  Scahger  contre  Scioppius.]  On  lui 
rumque  causa  ego  ignotum,  meo  ntalo,  attribue  trois  écrits  contre  l'ennemi 
abhorrebam  ,  rem  aliter  qumdecennali  de  ce  grand  homme  ;  et  l'on  a  trouvé 
hdc  cum  eo  conversatione  comperi.  son  nom  par  anagramme  dans  le 
Ade'o  quicquid  de  eo  dixerunt  scrip-  masque  sous  lequel  il  se  cacha  de 
seruntqueego  hacteniis  prorsùs  credere  Tarrœus  Uebius  nobilis  a  Spergd.  Re- 
abnui ,  cujus  intima  nescio  an  œque  solulo  anagrammate  Gasparis  Bar- 
alii  patuerint  (4o) .  thii  Berolinoei  confirmât  excellentis- 
(0)  D'habiles  gens  se  sont  plaints  simus  Geitlerus  de  Mutatione  Ro- 
de l  impression  de  ce  conte,  et  l  ont  minum  ,  Exemplorum  Decad.  I  , 
traité  de  fable. .]  Voici  ce  que  Morho-  nunt.  5  (44)-  Ces  troislivres  sonlinti- 
tius  en  a  dit  :  Quibus  (  Colomesii  tulés  ,  le  Ier.  ,  Cave  canem,  de  failli , 
Opusculis  )  adjicitur  libellus  gallico  moribus  ,  rébus  gestis  ,  divimluie 
sermone  cui  titulus  Recueil  des  Parti-  Gasparis Scioppii  Apostalœ ,  Salyri- 
cularités  ,  in  quibus  multa  de  eruditis  con  ,  Hanov.  1612,  in-\7..  Le  11e, 
familiariler  a  fossio  aliisque  suppe-  Scioppius  excellais  :  in  laudemejus,  et 
dilata,  laudalo  semper  auctore,  vir  sociorum ,  pro  Josepho  Scaligero  et 
die  effutivit ,  quœ  insignis  sanc  te-  omnibus  prnbis  epigrammatum  tibri 
méritas  fuit.  Multa  tamen  m  his  sunt  III ,  ex  triginta  totis  hinc  collecti.  Il 
mendacia,  qunle  illud  de  Casparn  est  imprimé  avec  leprécédent.  Le  M'., 
liarthio  horrendum,  qui  concubinam  Amphitheatrum  Sapienliœ  ,  Hanov. 
suant  Rheno  sujfocaverit ,  quôd  ejus  i6i3  ,  i/1-80.  Voyez  Rhodius,  à  l'en- 
rum  Scriverio  amores  deprehende-  droit  que  j'ai  cité  ;  et  Place  dus  ,  à  la 
rit  (40-  page  3^2  de  ses  Pseudonymes. 

(3ç^  Colomesii  Opuscul.  ,  pag-  102,  edil-  VI- 

Waiëot.  ,  ann.  i66c).  ('42)  C'est-à-dire,  Nicolaus  Locnsis,  au  chap. 

(/jo)   Daumios,   Èpist.   XIV    ad    Reinesium,      XVII l  de  ses  Miscellanea. 

pa'.  S'.  (!\i)  Barih.,in  Slatium ,  loin.  Il,  pag.  871. 

[4t)0lorbofii  Pclytiist.,  pag.  71.  (44)  Rhodius,  de  Auctor.  Support. 


i52  BASINE. 

(K)  Reinesiui  l'avait  trop  souvent  »  limens  l'engagent  à  examiner  plus 
surpris  en  faute  ,  pour  ne  le  pas  irri-  »  profondément  les  matières,  et  lui 
ter.~\  Ce  n'était  pas  de  ces  fautes  sur  »  fournît  une  occasion  plus  commode 
lesquelles  un  homme  d'esprit  peut  »  de  corriger,  ou  de  confirmer  ce 
chicaner  le  terrain  :  il  fallait  passer  »  qu'il  avait  publié.»  Memini  in  pu- 
condamnationjet  c'est  là  ce  qui  fâche,  blicis  alicubi  dispulalionibus  diversœ 
et  ce  qui  choque  le  plus.  A  Cl.  Bar-  sentenliœ  ejus  loca  exagitata  fuisse, 
thio  ,  quem  tu  tantùm  non  in  cœlum  Sed  auctores  scopum  scriptoris  nescio 
effets,  et  quem  sua  defensurum  esse  an  vel  per  transennam  viderint.  Noue 
scribis,  nihilindigniiniquive  expecto  ;  enim ,  hoc  consilio  ,  eoque  fine  Bar- 
tam  licet  ipsi  in  meis ,  siquando  lucem  thium  ea  ,  quœ  in  mentem  sibi  vene- 
adspicienl  publicam  ,  (lenta  autem  rant,  in  chartam  conjecisse ,  eliarn  di- 
res est ,  etforlassè  incumbent  in  spon-  uersis  diverso  tempore  sententiis ,  ut 
giam,  ut  olim  illius  Ajax)  quam  in  quandoque  ad  ea  reverlenti  illa  diver- 
ipsius  mihi  licere  visum  est  experiri  ;  sitas  ampliorem  de  verilate  cogitandi 
non  exisiimn  autem  soli  oôlocuturum  suppeditaret  materiam  ,  occasionem- 
esse.  Su/it  enim.  p  1er aque  ,  quœ  mine  que  longe  commodiorem  retraclandi 
auidem  produxi ,  adeb  certa  liquida-  vel  slabiliendi  quod  scripserat.  Id 
que,  ut  nisi  temerè  Ittigare  velil  ,  ne  quod  fine  capitis  VI  lihri  undecimi  et 
calamum  auidem  contradicturus  nabi  alibi  sœpiùs  testaturf^']).  Voyez  cora- 
tin"ere  debeat.  Perpende  ,  quœso  ,  mi  ment  Reinesius  a  réfuté  cette  apolo- 
carissime  Nestere,  a.viu  7râQovç ,  ubi-  gie  (48). 
cunque  ab  eo  dissentio  :  maxime  vero  (T)  //  ne  serait  pas  étonnant  que  sa 

examina,  quœ  cap.  8,1.  a  ,   quo  ejus    mémoire. lui   eût  manqué,  vu    la 

in  Plinimri  J-'alerianum  ,  dictum  Em-  manière  dont  il  composait  ses  livres.] 

piricum,  illatœ   emendationcs  produ-  Il  faut  l'entendre  lui-même.  Pulo  jam 

cunlur ,  trado  ,    et  miraberis  hominis  taie  quid  supra    notasse.   Non   enim 

doctissimi    manifeslissimas    inscitias  ,  potest ,  ut ,  nullis  penitùs  rébus  adjuti, 

frustrationes,  et  puerilia  TrcipopûjUATx,  omnium    strictam   memoriam  habea- 

' audaces  etiam  conjecturas  in  auctorem  mus.  Omnino  enim  aliter  nus  commen- 

non  intelleclum  invectas   deprehendes  tamur ,    quam  soient    homincs    etiam 

ma'nm  numéro.  Istas  si  quisprœfraclè  litteratissimi ,   dhm  auctores    legunt  , 

tueri  pra'sumserit ,  eum   ne  sani  qui-  excerpentes  quœdam  alque   ed  deindè 

dem   capitis   esse  dixero;    Barthium  excerpla    in    silvam  observalionum  , 

autem  mecum  fore  et   visurum,    me  eam  porro  silvam  in  commentaria  re- 

quamvis  indigno  indice  ,  id  quod  ve-  digentes.    Nunquàm  taie  quid  factum 

rum   est   nullus  dubilo.    Ces  paroles  a  nobis  est  ;  sed  ut   cuique   auctori 

sont    de    Reinesius   dans    une  lettre  enarrando  bené  facere  volumus ,    ar- 

qu'il  écrivit  àNesterus,  le  3 1  de  mars  repto  Mi  anitnadversiones  hoc  genus 

i638  (45)-   Voyez  aussi  sa  XVe.  lettre  imputamus  ,  solius  memoriœ  bénéficia 

à  Daumius.  nixi,quammarginalibusnonnunqu'am 

(S)    On   a  prétendu  que  ce  n'était  prius  notis  instruimus ,  dum   cum  li- 

pas  toujours  faute    de  mémoire,  que  bris  veteribus  editiones  comparamus . 

Barthiu s  se  contredisait.^   «.  Quelques-  Cœtera  omniaè  calamo  fluunt,    ele- 

■>i  uns  ont    remarqué,  que    lorsqu'il  gante  et  minuto  litterarum  duclu.  Nec 

h  fait  ses  jugemens,    il   tombe  quel-  unquam    scriptio  repetitur  :  nec   ullis 

»  quefois    dans   des  contradictions ,  lituris  cruciatur.    Quarum  nec  decem 

ii  faute  de   mémoire (46). »   Daumius  aliquas  hactenùs  hi  commenlarii  agno- 

prétend  que  ceux   qui  ojt  relevé  ces  verint  (49)-  Je  ne  sa's  s' lon  ^al^  D'en 

sortes  de  contradictions  ne  connais-  de  se  vanter  de    cela  :  Il  me    semble 

saient   rien  dans  le  but  de  Barthius.  que  le  public  mérite  plus  de  respect. 

«  Il  écrivait,  dit-il  ,  tout  ce  qui  s'of- 

»  frait    à   son  imagination  ,    aujour- 

11  d'hui  une  chose,  et  demain  uneau- 

»  tre  ,  afin  que,  quand  il  y  reviendrait 

»  un  jour  ,    cette  contrariété  de  sen- 


(4;)   Daumius,    Epist.    XIV    ad   Reinesium, 
pag.  37. 

(48"  Reinesii  Epist-  XV  ad  Daumium,  pag.  ^5. 
(4;))  Barlb.   in  Statium,  loin.  III ,  pag.  466. 


(45)  C'est  la  VI'- 

(46)  Baillet,  Jugemens  des  Savans    tom.III, 

yrtg.  464- 


BASINE  ,   femme  de  Childé- 
ric ,  roi  de  France  ,  et  mère  du 


BASTNE.  iS3 

grand  Clovis  ,  avait  été  mariée  brassa  la  foi  chrétienne.  Si  la 
avec  un  roi  de  Thuringe.  Childé-  conduite  de  cette  femme  fut  pire 
rie,  contraint  d'abandonner  ses  que  celle  d'Hélène  (C)  ,  la  con- 
états  à  cause  que  ses  fonpudicités  duite  de  Childéric  ,  tout  bien 
avaient  tellement  irrité  le  peu-  compté  ,  n'e»t  pas  meilleure  que 
pie  qu'il  en  avait  tout  à  craindre,  celle  de  Paris.  Les  excuses  du 
se  réfugia  (a)  auprès  de  ce  roi  de  père  le  Cointe  n'ont  aucune  soli- 
Tburinge.  Il  en  fut  reçu  avec  dite  (D).  L'auteur  des  Galante- 
toute  sorte  de  bonté  :  Basine,  ries  des  rois  de  France  rapporte 
qui  était  une  très-belle  priu-  mieux  que  M.  de  Cordemoi  les 
cesse  ,  fit  sans  doute  les  honneurs  visions  du  nouveau  mari  de  Ba- 
de    chez    elle    admirablement,  sine  (E). 

L'expérience  a  toujours  fait  voir  Depuis  la  première  édition  de 
que  les  princes  impudiques ,  cet  ouvrage ,  j'ai  lu  ce  que  le 
qu'on  chasse  de  leur  pays  ,  ne  père  Daniel  a  publié  contre  ceux 
renoncent  point  aux  commerces  qui  disent  que  Childéric  fut 
de  galanterie  dans  les  lieux  de  chassé  par  ses  sujets ,  qu'il  fut 
leur  retraite.  Childéric  en  fut  rappelé  au  bout  de  huit  ans  , 
un  exemple  :  il  devint  amoureux  et  que  la  reine  de  Thuringe  le 
de  Basine;  et,  ne  la  trouvant  pas  vint  trouver,  etc.  La  pensée  de 
cruelle  ,  il  ne  fit  point  scrupule  cet  auteur  est  que  ce  que  Gré- 
de  pousser  la  chose  jusqu'à  jouir  goire  de  Tours  a  écrit  là-dessus 
de  la  femme  de  ce  même  ami  et  n'est  point  autre  chose  que  /'ex- 
bon  voisin  ,  qui  lui  fournissait  trait  ou  l'abrégé  de  quelque  ro- 
un  asile  (A).  Il  lia  avec  l'épouse  mari  qui  courait  de  son  temps 
de  cet  ami  un  tel  commerce  d'à-  (c);  et  que  les  visions,  qu'on 
niour  ,  qu'elle  ne  put  plus  s'en  prétend  que  Childéric  eut  la 
passer.  Les  Français  rappelèrent  première  nuit  de  ses  noces ,  et 
Childéric  huit  ans  après  qu'ils  qui  ont  été  ajoutées  au  petit 
l'eurent  chassé  (b).  Basine  ne  conte  de  Grégoire  de.  Tours  ,  ont 
s'accommoda  nullement  de  l'ab-  aussi-bien  que  le  reste  tout  l'air 
sence  de  ce  prince.  Elle  quitta  d'un  roman  (d).  Je  parlerai  de  la 
son  mari ,  et  fut  trouver  Childé-  querelle  qui  fut  faite  à  Pas- 
ric  :  et,  lorsqu'il  lui  demanda  quier  ,  et  de  ce  que  l'on  répondit 
la  cause  de  son  voyage,  elle  lui  à  son  critique  (F).  Ce  sera  une 
répondit  ingénument  que  c'était  remarque,  où  l'on  verra  que  les 
pour  l'amour  de  lui  (B)  qu'elle  disputes  font  commettre  bien 
venait;  et  que ,  si  elle  eût  connu  des  fautes,  tant  du  côté  du 
au  delà  des  mers  un  prince  qui  cœur,  que  du  côté  de  l'esprit, 
lui  eût  été   plus  propre,  elle  le  ,,   ,       •      r>      .     r>             „ 

...      L            l        '     /-!•,!>    ■  (c)    Le    perc    Daniel,    Dissertât.    II    sur 

Serait     allée      trouver.     ChlItleriC  nii,t.  .le  France,  pag.  42J  ,  édition  dcPa- 

fut  ravi  de  ce    discours,    épousa  r&, <wi  1696. 

T>                                                        n\        r •  f  ''    f-u  même,  pae.U2a. 

basine  ,  et  en  eut  un  fils  qui  fut  ^ 

un  très-brave  prince,  et  qui  em-  (A)  ÇhlldMc  ne  fit  point  scrupule... 

de  jouir    d'elle ,    <juoique  femme 

(a)  Environ  l'an  460.  d'un  ami ,    qui  lui    fournissait  un 

{b)  Grégoire  de  Tours,  Histoire  des  Fran-  asUe.  ]    On  serait   fonde   aie    croire  , 

çais ,  liv.  II,  chap.  xu.  quand  même  les  historiens  ne  le  di- 


i5j  BASINE. 

raient  pas.  Basine  aurait-elle  couru  y  a  d'être  auprès  de  vous?  Quoi  qu'il 
après  Childeric  ,  si  elle  ne  l'avait  pas  en  soit ,  voici  le  latin  de  Grégoire  de 
aime' ,  et  si  elle  n'avait  pas  goûte'  avec  Tours.  His  regnantibus  simul  Basina 
lui  les   fruits  de  l'amour  ?  Mais  nous    relicto  viro  suo  ad  Childericum  venit. 

Qui  cùm  sollicite  interrogaret  qud  de 
causa  ad  eum  de  iantd  régions  venis- 
set ,  respondisse  fertur ,  «  Novi ,  in- 
»  nuit ,  ulilitatem  tuam  quod  sis  vnldè 
»  strenuus ,  ideoque  veni  ut  habitent 
)>  tecum.  JVam  noveris ,  si  in  transma- 
»  riais  partibus  aliquem  cognovissem 
»  utilioreni  le  ,  expelissem  utique  co- 
w  hubitat'mnem  ejus.  »  At  ille  gau- 
dens  eam  sibi  in  conjugio  copulavit. 
L'auteur  anonyme  du  Gesta  Regum 
Francorum  (i),  Fredegaire  ,  (a) ,  et 
le  moine  Roricon  ,  rapportent  la  ré- 
ponse de  Basine  de  la  même  manière 
que  Grégoire  de  Tours  ,  si  ce  n'est 
que  Roricon  l'a  beaucoup  mieux 
éclaircie  ,  et  qu'il  a  dit  expressément 
que  le  discours  de  rette  femme  était 
plein  d'impudicité.  Ce  qui ,  bien  loin 
d'affaiblir  ma  conjecture  touchant 
t'irilitatem  et  viriliorem ,  la  confirme 
puissamment.  Voici  les  paroles  de 
Roricon  :  Basina  quoque  Sisini  régis 
uxor ,  apud  quem  latuisse  prœmon- 
stravimus  Childericum,  sœpiùs  relicto 
viri  thoro  consortium  nosiri  régis  est 
experta.  Quamobremel  eumnecmullb 
posl  in  Franciam  est  sequuta,  ciipiens 
loco  uxoris  habitare  cum  eo.  Quant 
Childericus  cùm  inspiralè  conspexis- 
set  ,  et  ad  quos  usus  de  terni  longinquâ 
provincid  ad  eum  properâssel  inquire- 
ret,illa  postpositopudore  muliebri,  ut 
eratnimis  luxuriosa  ,  ta!e  fertur  dé- 
disse responsum  :  «  Qunniam  novi 
»  ulilitatem  tuam  et  pulchriludinem  , 
»  et  quod  sis  habilis  et  strenuus,  è 
■»  domo  veni  ut  habitent  tecum  ,  nam 
»  si  in  extremis  terrœ  finibus  utilio- 
■»  rem  te  cognovissem  ,  et  hune  nihilo- 
»  minus  expelissem.  »  Complacuit 
régi  mulieris  sermo  facelus ,  et  eam 
gaudens  sibi  sociavit  in  uxorem(3). 
Tout  ce  narré  de  Roricon  montre  que 
cette  femme  ne  cajola  point  Childeric 
sur  le  pied  d'un  brave  guerrier,  mais 
sur  le  pied  d'un  vaillant  champion 
d  amour,  beau  et  alerte. 

(C)  Sa  conduite  fut  pire  que  celle 
d'Hélène.  ]  Pour  rendre  à  chacun  son 
bien,  je  dois  dire  ici  que  ce  n'est  pas 

(i)  Apud  Du  Chesne,  lom.  I  ,  pag.  696. 
(2)  Ibidem,  pag.  727. 

(i)  Roric,  de  Gestis  Francorum  ,  lib.  I ,pag. 
S02  ,  au  Zet.  vol.  de  l'édition  de  Du  Cliesne. 


avons  le  témoignage  des  historiens. 
Voici  ce  qu'on  trouve  dans  l'auteur 
des  Gestes  des  Rois  de  France ,  au 
chapitre  VII  :  D  uni  fuit  in  Toringiâ  , 
cum  Basina  regind  uxore  Bisini  régis 
ipse  Childericus  commixtus  est.  Aimoin 
rapporte  la  même  chose  dans  le  cha- 
pitre VIII  du  Ier.  livre  :  Dicebatur 
idem  princeps  consuetudinem  stupri 
cum  ed  habuisse ,  cùm  exularel.  Pio- 
ricon  est  plus  expressif:  je  le  citerai 
dans  la  remarque  suivante. 

(B)  Lorsque  Childeric  lui  demanda 
la  cause  de  son  voyage  ,  elle  lui  ré- 
pondit ingénument  que  c'était  pour 
l'amour  de  lui."]  La  réponse  consiste 
en.  ces  termes,  selon  Grégoire  de  Tours, 
au  chapitre  XII  du  IIe.  livre  de  l'His- 
toire des  Français.  «  Je  suis  persuadée 
»  de  l'utilité  qu'il  y  a  d'être  auprès 
»  de  vous ,  et  je  sais  que  vous  êtes 
m  un  vaillant  homme.  C'est  pourquoi 
»  je  suis  venue  pour  demeurer  auprès 
;>  de  vous  ;  car  sachez  que  si  dans  les 
»  provinces  d'outremer  je  me  fusse 
)>  aperçu  que  quelqu'un  m'eût  été 
»  plus  utile  que  vous ,  je  l'eusse  été 
»  chercher ,  pour  demeurer  avec  lui.  » 
M.  l'abbé  de  Marolles  ,  qui  a  traduit 
de  cette  manière  le  texte  de  Grégoire 
de  Tours  ,  a  fait  une  note ,  pour  nous 
avertir  que  ce  discours  est  équivoque 
dans  le  sens  de  Basine.  Cela  n'est  point 
sans  apparence  :  je  ne  crois  pas  que 
Childeric  eût  donné  des  preuves  de 
sa  valeur  militaire  en  Thuringe  : 
la  vaillance  dont  parlait  Basine  pour- 
rait donc  être  d'une  autre  nature  ,  et 
plus  à  l'usage  d'une  reine,  que  l'hu- 
meur martiale;  et  je  suis  tenté  de 
croire  qu'il  faut  lire  dans  Grégoire  de 
Tours,  et  dans  Pioricon,  virilitatem  et 
viriliorem ,  au  lieu  de  ulilitatem  et 
utilioreni.  L'équivoque  subsistera  tou- 
jours. Je  connais,  répondit  Basine, 
votre  virilité,  et  que  vous  êtes  un 
fort  brave  homme.  Ces  paroles  sont 
mieux  liées  que  celles-ci ,  Je  suis  per- 
suadée de  l'utilité  qu'il  y  a  d'être  au- 
près de  vous ,  et  je  sais  que  vous  êtes 
un  vaillant  homme.  Qu'on  ne  me  dise 
pas  qu'il  y  a  trop  d'effronterie  dans 
ces  paroles  ,  Je  connais  votre  virilité  '• 
est-il  plus  louable  qu'une  femme  dis». 
:'(  son  galant  ,  je  connais  l'utilité  qu'il 


moi  qui  invente  cette  jolie  compa- 
raison :  je  la  trouve  dans  un  écrivain 
moderne  (4)-  Basine ,  mire  de  Clovis, 
dit-il ,  ne  se  contenta  pas  iV abandon- 
ner son  honneur  à  Childéric  IeV. ,  ré- 
fugié auprès  du  roi  de  Thuringe  , 
Btsi/ms  ou  Basin ,  son  premier  mari  , 
elle  fit  pis  qu'Hélène,  qui,  pour  le 
moins  ,  voulut  être  ravie,  là  où  celle- 
ci  vint  en  France  de  son  seul  mouve- 
ment, et  avec  tant  de  hardiesse  qu'elle 
osa  dire  à  Childéric  que  si  elle  eût 
connu  un  plus  brave  homme  que  lui , 
et  plus  digne  d'être  aimé  ,  elle  serait 
allée  pour  le  trouver  jusqu'au  bout 
du  monde. 

(D)  Les  excuses  du  père  le  Cointe 
pour  Basine  n'ont  aucune  solidité  ]  Il 
trouve  mauvais  qifAimoin  dise  que 
Childéric  épousa  Basine  avant  la  mort 
du  premier  mari  (5).  Il  prétend  qu'Ai- 
moin  est  le  premier  qui  ait  dit.  cela  , 
et  qui  ait  couvert  de  cet  opprobre  la 
naissance  de  Clovis.  Il  ajoute  que  cet 
historien  n'est  pas  croyable,  vu  la  dis- 
tance des  temps  ,  et  sa  prévention 
contre  les  Mérovingiens.  Il  apporte 
deux  autres  raisons  :  l'une  ,  que  les 
Allemands  ,  qui  étaient  la  tige  des 
Français  ,  ne  souffraient  point  l'adul- 
tère ;  l'autre,  que  si  Childéric  avait 
épousé  la  femme  d'autrui,  il  se  serait 
exposé  au  même  péril  qui  l'avait  con- 
traint d'abandonner  son  royaume  huit 
ans  auparavant.  Pour  toutes  ces  con- 
sidérations, il  aime  mieux  croire  que 
Basine,  ne  pouvant  plus  souffrir  les 
indignes  traitemens  qu'elle  recevait 
de  sou  mari,  se  sauva  en  France  ,  et 
qu'elle  n'épousa  Childéric  qu'après 
avoir  su  certainement  que  son  époux 
était  mort.  Il  remarque  que ,  selon 
d'autres,  elle  avait  été  répudiée  jet 
qu'ainsi ,  sous  le  paganisme  ,  rien  ne 
l'empêchait  d'épouser  un  second  ma- 
ri- Il  nous  renvoie  à  Robert  Cenalis 
(6).  Examinons  un  peu  cette  dispute. 
Je  dis,  i°.  que  si  le  silence  des  auteurs 
qui  ont  précédé  Aimoin  est  une  bon- 
ne raison  ,  il  ne  faut  plus  dire,  ni  que 
le  roi  de  Thuringe  maltraitait  sa  fem- 
me, ni  qu'il  la  répudia  ,  ni  qu'il  était 
mort  quand  Childéric  épousa  Basine. 
Ce  sont  des  faits  qu'aucun  des  anciens 

(4)  Dans  La  Motlie-le-Vaver ,  loin.  X,  pair. 
342  ,  lettre  XLIII. 

[5J  T.e  Cointe,  Annal,  ecclesiast.  Francor.  , 
loin.  /,  pag.  94. 

(•)*)  Libro  I  de  fte  jallicà,  penoche  XII. 


BASINE.  i5j 

auteurs  ne  rapporte.  2°.  Grégoire  de 
'Fours  ne  dit-il  pas  que  Basine  quit- 
ta son  mari ,  et  que  la  première  choso 
qu'elle  répondit,  à  Childéric  plut  tel- 
lement à  ce  prince  ,  qu'il  l'épousa  ? 
N'est-ce  point  dire  en  termes  à  peu 
près  équivalens,  qu'elle  fut  femme  de 
Childéric  avant  même  que  son  pre- 
mier mari  fut  mort?  3°.  Le  passage  de 
Tacite  ,  que  le  père  le  Cointe  allègue 
pour  prouver  que  les  Germains  désap- 
prouvaient l'adultère  ,  montre  que 
Childéric  pouvait  être  exempt  de  la 
loi  commune  (7)  ;  car,  quel  que  fût  !e 
motif  de  la  femme  qui  le  vint  trou- 
ver ,  elle  déchira  que  sa  recherche 
était  fondée  sur  la  valeur  de  ce  prin- 
ce ,  outre  que  la  peine  de  l'adultère 
était  laissée  au  choix  du  mari  ;  et  que 
Basine  n'était  plus  dans  le  pays  de 
son  mari  ,  pour  ne  pas  dire  que  les 
lois  n'étaient  guère  faites  pour  les 
souverains.  Enfin  ,  Childéric  n'avait 
rien  à  craindre  de  la  mutinerie  de  ses 
sujets  :  il  épousait  une  étrangère  qui 
l'était  venue  trouver  :  quel  mal  faisait 
cela  aux  Français  ?  Ils  se  révoltèrent 
huit  ans  auparavant,  je  l'avoue  j  mais 
ils  craignaient,  l'un  pour  sa  fille,  l'au- 
tre pour  sa  sœur,  etc.;  car  Childéric 
se  débordait  d'une  manière  très- vio- 
lente (8).  L'affaire  de  Basine  ne  les 
touchait  pas  :  auraient-ils  rompu  la 
réconciliation  pour  la  querelle  d'un 
roi  de  Thuringe  ? 

(  E  )  L'auteur  des  Galanteries  des 
rois  de  France  rapporte  mieux  que 
M.  de  Cordemoi  les  visions  du  nou- 
veau mari  de  Basine.  ]  Voici  ses  pa- 
roles :  «  On  dit  qu'ayant  prié  Chil- 
»  déric  de  ne  pas  coucher  avec  elle 
»  la  première  nuit  de  leurs  noces  , 
»  elle  l'envoya  par  trois  fois  dans  la 
»  cour  de  son  palais  ,  le  priant  d'ob- 
»  server  ,  sans  s'effrayer  ,  les  visions 
»  qui  se  présenteraient  devant  lui;  et 
»  que  par  sa  science  occulte  elle  lui 
»  fit  voir,  la   première  fois  ,    des    li- 

(7)  Voici  ce  passage  Je  Tacite  :  Severa  illir 
malrunonia,  nec  uilam  morum  pattem  inagis 
laudaveris  ,  nam  propè  soit  harbarorum  singutis 
uxoribus  contenu  sunl ,  exceplis  admod'uni  pau- 
cis  qui  non  libidine ,  sed  ob  nobilitatem  ,  ptu- 
ribus  nupliis  ambiunlur.  Paucissùna  in  tnm  nu- 
tnerosii  çente  adulteria  quorum  pœna  prœsens 
et  MiRiTis  permisse.  De  Jloribus  Gcrmauor. 
Libelle. 

(8)  Lorsqu'on  lenr  reprocha  lenr  sédition  ,  il* 
en  donnèrent  pour  cause,  quia  jine  lege  abute- 
batur  Jilias  nostra<-    De   'iesti>    Francor.     11  i». 

ru. 


i56  BASINE. 

»  cornes  ,  des  lions  et  des  léopards  ;  tout  le  contraire.  Qu'il  ne  soit  vray  f 

»  la  seconde  ,  des  ours  et  des  loups  ;  ils  sont  tous  d'accord  que  Childéric  , 

»  et  la  troisième,   des  chiens  et   des  ayant  este  chassé  du  royaume  pour  ses 

»  chats  :  d'où  elle  conclut  que  ces  di-  extorsions  et  tyrannies,  se  retira  à  To- 

"»  vers  animaux  pre'sageaieat    la  di-  ringe ,  oh  ayant  este  konnorablement 

»  versité  des  mœurs  de   la  race  qui  arcueilty  du  roy ,  il  défini  amoureux 

»  devait  naître  de  leur  mariage.  On  de  la  roine  Bazine,  sa  femme:  tel'e- 

y>  sera  d'autant  plus  persuade' que  ce  meut  qu'estant  depuis  rappelle  par  les 

»  re'cit  n'est  qu'une  fable  inventée  à  -François,  il  Veillera  et  espousa ,  vio- 

»  plaisir,  qu'on  a  remarqué  l'empres-  lanl  par  ce  moyen  tout  droict  de  gens 

»  sèment  de  cette  reine  pour  Childé-  cl  d'hospitalité  :  toutes-fois  de  ce  ma- 

»  rie,  qui  ne  lui  permit  pas  apparent-  riage  nasquit  ce  grand  Clovis  (  1 1  ). 

»  ment  d'employer  si  mal  un  temps  Voyons  ensuite  la  censure  du    père 

»  qu'elle  pouvait  passer   plus  agréa-  Garasse  :  il  dit  que  Pasquier,  adjous- 

J>  blement ,  que  de  rester  seule  dans  tant  du  sien  au  récit  fabuleux  des  an- 

»  son  lit,  tandis  que  son  amant  était  ciens  chroniqueurs,  débite  que  Chil- 

»  occupé  à  voir  ces  prétendues  appa-  déric  s'estant  réfugié  fers    le  roy  de 

»  ritions  (g).  »  On  ne  peut  nier  que  Thuringe ,  vint  amoureux  de  safem- 

la  raison  qu'il  allègue  pour  réfuter  ce  mc,  et  la  ravit  :  et  l'amenant  en  Fran- 

vieux  conte  n'ait  quelque  force;  mais  ce  ,    l'espousa    sacrilégement    (ia)- 

elle    serait    beaucoup    meilleure,    si  Maistre   Pasquier,   ajoute-t-il    (i3), 

l'empressement  même   de   Basine  ne  pouvait ,    en  laissant    ces   vieux    res- 

portait  à  croirp  que  l'ardeur  de  son  veurs ,    apprendre  de  Paul  Emyle  et 

amour   avait    déjà    reçu  un    notable  de  Grégoire  de  Tours  la  fausseté  de 

soulagement.  Ni  elle,   ni    Childéric,  celle  narration,   et   le  sieur  du  Pleix 

après  ce  qui   s'était  passé  entre  eux,  l'a  déduicie  fort  judicieusement  en  la 

n'étaient  pas  des  gens  à  se  régler  sur    vie  de  Childéric ('4^  ^es  vieux 

Je  cérémonial  des  noces,  et  à  différer  chroniqueurs  de  France  n'ont  jamais 

leurs  erabrassemens  jusqu'à  ce  que  la  conclu  ny  songé  que  Clovis  fust  bas- 

solennité  nuptiale   les   autorisât  ;    et  tard  pour  avoir  espousé   Bazine    ou 

ainsi  Basine   le   pouvait  bien   laisser  quelque  autre  femme  thuringienne  ; 

chômer     jusqu'à     la   nuit     suivante,  car  si  ce  fut  Bazine  qu'il  espousa  ,   il 

Mais  venons  au  fait  :  M   de  Cordemoi  pouvoit  apprendre  des  historiens  fran- 

prétend  que  Basine  était  déjà  grosse,  cois  qu'elle  mesme  s'en  vint  en  Fran- 

et  assez  proche  de  son  terme  ,  lors-  ce  après  la  mort  de  son  mary  le  roy  de 

qu'elle  pria  son  mari  d'aller  chercher  Thuringe ,  et  espousa  Childéric  en  se- 

des  apparitions  trois  fois  de  suite  dans  condes  nopees,  a" où  Clovis  nasquit  de 

une  même  nuit  à  la  porte  de  son  pa-  vray  et  légitime  mariage.  Passons  aux 

lais,  et  il  cite  Fredegaire  (10)  ;  mais  réponses  qui  furent  faites  à  Garasse, 

il  est  sûr  que  son  témoin  le  dément  :  Premièrement,   on  le  censura  d'avoir 

Fredegaire  dit  que  ces  visions  précé-  opposé    Grégoire  de  Tours  à  maître 

dèrent  la  consommation  du  mariage.  Pasquier,  qui  toutes-fois....  forme  son 

Cùm  prima  nocte  jugiter  slratu  junxis-  doute  sur  les  paroles  de  cet  autheur(i5). 

sent  ,  dicit  ad  eum  mulier  :  Hâc  nocte  On  les  rapporte  et  on  les  confirme  par 

à  coïtuvirili  abstinebimus Cùmque    Aymoinus  , qui  semble  en  quelque 

Basinœ  hœc  universa  narrdsset,  absti-  chose  le  rentier  sur  lui  ;  car  il  remar- 

nebanl  se  caslè  usque  in  crastinum.  que  que  Basine  abandonna  son  époux, 

(F)  Je  parlerai   de  la  querelle   qui  Priori  abjecto  viro  (16}.  Puisonajou- 

fut  faite  a  Pasquier  ,   touchant  Basi-  ta  au  témoignage  de   ces  deux  histo- 

nc  ,  et  de  ce  que  Von   répondit  a  son  riens  celui  de  Dficolles  Gilles.  Voici 

critique.  1  Rapportons  d'abord  les  pa-  ,    ,  _              „  *             ,   .  _ 

1     'j      ri            •             »-  (il)  Pasquier  ,  Recherches  de  la  ïiance ,  Uv. 

rôles  de  Pasquier  :  Aos  anciens  cou-  v\   chapHXLir,  pag.  588. 

chenl  Clovis  entre  les  légitimes  ;    tou-  r,^   Garasse  ,    Recherche   des    Recherches, 

tes-fois  ,  ils   ne  s'advisent  pas  qu'en  pag.  6o. 

faisant  le  récit  de  sa  vie,  ils  chantent  (,3   La  mê""  >  faS-  6l- 

J  (i4)  La  même,  pag   63. 

(9)  Galanteries  des  Rois  de  France,  tom.  I  ,  (i5j   Défense  pour  Estienne  Pasquier,  contre 
pag.  5.  les    imposâmes  et    calomnies  de   Garasse,    liï. 

(10)  Histoire  de  France,  tom.   I,   pag.    .28,  JI  -  *ect-  IFj  Pa  -'•  ,6°- 

ex  Fredeg.  SckolaU.,  cap.  XII.  (16)  là  même,  pag.  162. 


BAS  I  NE.  i57 

ses  roots  à  la  page  i6  de  la  Vie  de  Chil-  die  sur  ce  chef-là.  Je  parle  de  l'enlè- 
de'ric  :  Durant  le  temps  que  Childéric  vement  de  Basine  :  nos  vieux  chroni- 
estoit  avec  Basin,  roy  de  Thoringe  ,  queurs  n'en  ont  pas  fait  de  mention  • 
il  s'ammoura  de  sa  femme  ,  nom/née  et  ainsi  Pasquier  aggrava  l'ingratitu- 
Basine  ;  et  après  qu'il  fut  rappelle  a  de  de  Childéric  :  il  fit  des  additions 
son  règne  ,  ladite  roy  ne  Basine  ,  qui  fabuleuses  et  flétrissantes  tout  à  la 
moult  estoil  assolée  de  lui  ,  abandon-  fois.  On  pouvait  là-dessus  le  combat- 
na  ledit  Basin,  roy  de  Thoringe  ,  son  tre  par  l'autorité  de  Gre'goirede  Tours- 
seigneur  et  mary  ,  et  s'en  vint  vers  et  néanmoins  son  apologiste ,  usant 
Childéric  ,  qui  mit  en  oubly  les  plai-  de  ruse,  supposa  que  Ton  n'avait  al- 
sirs  recens  ,  et  iesptusa  ,  et  en  elle  en-  légué  cet  historien  qu'à  l'égard  des 
gendra  Clovis  ,  premier  roy  ckrestien  autres  parties  de  l'aventure  de  Basi- 
le France  (17).  On  remarqua  que  Ri-  ne  ,  et  il  fonda  sur  cette  supposition 
chard  de  Vasebourg  autorise  cette  opi-  les  reproches  les  plus  insultans.  Voilà 
nion  en  ses  Antiquités  de  la  Gaule  déjà  trois  grands  défauts  ,  ne  conve- 
Belgique  ,  et  qu'il  n'y  a  pas  un  de  nos  nir  pas  de  ce  en  quoi  les  remarques 
historiens  modernes  qui  ne  l'a  suivie,  d'un  censeur  sont  bonnes  et  justes,  dis- 
On  se  contenta  de  citer  Belle-Forest  ;  simuler  ce  qui  lui  est  favorable  dans 
qui  a  dit  que  Childéric  délibéra  de  se  ses  citations  ,  et  s'attacher  unique- 
marier  ;  mais  en  ce  faisant,  il  se  mon-  ment,  avec  beaucoup  de  vacarmes,  à 
slra  très-ingrat  au  roy  Thoringien,  son  ce  qu'on  peut  détourner  en  un  sens 
hoste,  l'espouse  duquel  il  desbaucha  désavantageux.  Voici  un  autre  désor- 
et  l'espousa  ,  sans  se  soucier  du  tort  dre.  Garasse  censura  des  fautes,  et  en 
fait  à  Basin  ,  ny  du  reproche  qu'Uen  commit  clans  sa  censure.  Grégoire  do 
pouvait  recevoir  (18).  On  conclut  que  Tours  lui  était  contraire  et  favora- 
tous  les  auteurs  qu'on  a  rapportés  foie  à  divers  égards  :  il  ne  distingua 
sont  bien  aussi  croyables  et  autant  ju-  rien  ;  il  le  cita  d'une  façon  générale, 
dicieux  que  vostre  (19)  logicien  du  et  le  mit  entre  Emile  et  du  Pleix.  Ne 
Pleix,  qui  vous  a  preste  en  ce  pas-  devait-il  pas  lui  donner  le  premier 
sage  sa  marotte,  pour  authoriser  vos-  rang?  il  s'embrouilla  misérablement 
tre  peu  de  jugement.  On  n'oublie  point  dans  un  prétendu  mariage  de  Clovis 
la  bévue  que  Garasse  a  faite  lorsqu'il  et  de  Basine.  Ce  fut  par  inadvertan- 
a  dit  que  Clovis  épousa  Basine  (20).  ce  :  on  voit  bien  qu'une  précipita- 
On  appelle  cela  une  ignorance  impie  tion  d'esprit,  qu'une  distraction  as- 
et  malicieuse  tout  ensemble;  car  par  sez  ordinaire  aux  auteurs  ,  le  lit  écri- 
ce  moyen  il  rendroit  le  premier  roy  re  autrement  qu'il  ne  pensait  :  la 
chrestien  de  France  plus  abominable  suite  de  son  discours  montre  claire- 
que  ces  brutaux  d'Ethiopie,  lesquels ,  ment  qu'il  ne  croyait  pas  que  Clovis 
au  rapport  de  saint  Hierosme  contre  eût  été  l'époux  de  Basine.  Néanmoins 
Jovinian  ,  souillaient  i/idjfcremment  l'apologiste  de  Pasquier  s'acharne  sur 
la  couche  de  leur  mère  (ai).  On  cite  cet  endroit  ;  il  le  considère  comme 
de  pareilles  abominations,  on  exagère,  un  crime  capital  ;  son  zèle  pour  le 
on  déclame  à  perte  de  vue.  premier  roi  chrétien  des  Français  s'é- 

Cette  dispute  nous  fait  voir  une  par-  chauffe  •  il  appelle  à  son  secours  les  ti- 
tie  des  défauts  qui  régnent  dans  pies-  gures  de  la  rhétorique.  Est-ce  agir  de 
que  tous  les  écrits  de  cette  nature,  bonne  foi?  Son  adversaire  lui  avait 
L'apologiste  laisse  passer  unedesfau-  montré  l'exemple  d'une  pareille  sû- 
tes qui  avaient  été  censurées  :  il  n'en  percherie;  car,  mal  à  propos,  il  s'était 
justifie  point  Pasquier,  et  n'avoue  armé  des  apparences  d'un  grand  zèle 
point  qu'on  ait  eu  raison  de  le  repren-    pour  l'honneur  de  la  nation,  au  sujet 

,    .  ,.  „  de  son  premier  roi  chrétien.  Il  avait 

(i->  La  menu',  pag.  io3.  •     >       »  ' I    '  i- 

;  j    ,.      ,      ,HS     ",  ■  „  intente  mal  a  propos  uue  espèce  d  ac- 

(iX)  La  même  ,  pas.    i(>4-  Notei  que  l'auteur  «•  i  r J1  -m.   m  ■         •■     , 

cbserie  que  Ronsard  "online  «...opinion    au  «M»»"»  de  mine  d  état  .    pulSqU  a    1* 

IV«.  de  sa  Franciade,  et  que  de   Serres  appelle  réserve  de  l'enlcvemenl   Pasquier  n'a- 

ce  mariage  .lUcit.mes  hopcej.  vail  i'.lit  que  suivre  UOS  vieilles  llistoi- 

(.9)  Onadresse  lapa,oUàG3rifse.  res  f  ot  qu>j]  e„  avil,  représenté  mo- 

pag'iœ  e  Pas<Juier  comre  Garasse'    destement    les  conséquences.  Quelle 

(ai)  Là    même,    Uv.    III ,  sect.    II,   pag.     l>l,le    '1"''     faille     Soillliir     que      il.   . 

4a°i  4?-.  '  auteurs    aient   la  hardiesse  d'intére*- 


5$  BASNAGE. 

très-délicates  à  manier.  Les  dif- 
férens  sur  la  grâce  universelle 
avaient  fait  beaucoup  d'éclat  :  il 
était  à  craindre  qu'il  ue  s'élevât 
dans  l'église  réformée  de  France 
une  guerre  théologique ,  plus 
formidable  qu'une  rude  persé- 
BASN AGE  (Benjamin),  fils  de  cution  ;  les  esprits  étaient  déjà 
N.  Basnage,  ministre   de  Nor-    fort  échauffés  et  fort  prévenus 


ser  le  souverain  à  leurs  petites  que- 
relles ! 

Il  est  encore  plus  utile  de  faire  sen- 
tir aux  lecteurs  ces  fautes  des  écri- 
vains ,  que  de  critiquer  les  menson- 
ges historiques.  C'est  pourquoi  j'espè- 
re qu'on  approuvera  ce  que  je  viens 
d'observer. 


wich  en  Angleterre  ,  et  puis  de 
Carentan  en  Normandie,  naquit 
l'an  i58o.  Il  se  consacra  k  la 
profession  de  son  père ,  et  fut 
comme  lui  ministre  de  Caren- 
tan ;  mais  il  le  fut  toute  sa  vie  , 
quoique  d'autres  églises  plus 
considérables,  et  nommément 
celle  de  Rouen  ,  lui  eussent 
adressé  des  vocations.  Il  regarda 
sa  première  église  comme  une 
épouse  ,  dont  il  ne  se  devait  sé- 
parer que  par  la  mort  ;  et  c'est 
pour  cela  qu'il  ne  voulut  point 
se  prévaloir  de  la  liberté  où  le 
synode  national  de  Chareuton 
l'avait  mis  en  1623  (A).  Il  assista 


Ce  synode  mit  les  affaires  sur  un 
bon  pied  :  la  prudence  et  l'adresse 
du  modérateur  y  contribuèrent 
beaucoup.  Il  fut  adjoint  au  mo- 
dérateur dans  le  synode  national 
de  Charenton  ,  l'an  i644-  Cette 
assemblée  le  députa  à  la  reine- 
mère,  qui  lui  donna  des  marques 
de  son  estime.  Il  eut  une  infinité 
de  disputes  avec  les  controver- 
sistes  :  il  écrivit  contre  l'église 
romaine  ;  et  on  écrivit  contre 
lui  (a).  Son  Traité  de  l'Église 
fut  fort  estimé  (b)  :  il  travailla 
à  un  ouvrage  contre  les  dévots 
indiscrets  de  la  Sainte- Cierge, 
qui    est  demeuré   imparfait.    ] 


à  ce  synode  en  qualité  de  député    mourut  âgé  de  soixante  et  douze 


de  la  province  de  Normandie 
Il  fut  encore  nommé  par  cette 
province  ,   pour   assister  au  sy- 
node   national    de    Charenton, 
l'an  i63i  ;  mais  le  roi  lui  fit  dé- 
fense d'y  assister ,  et  lui  ôta  son 
église.  Il  y  fut  rétabli  tout  aus- 
sitôt ,  et  il  obtint  la  permission 
de  se  trouver  à  ce  synode  comme 
député   de  Normandie.   Les  re- 
montrances que    la    compagnie 
avait  fait  faire  à  sa  majesté  pro- 
duisirent ce  bon  effet.    Il  avait 
donné  de  si  belles  preuves  de  sa 
capacité  et  de  sa  prudence,  qu'il 
fut  élu  modérateur  du   synode 
national  d'Alençon,  en  iG37.  Il 
fallait  à  cette  assemblée  un  mo- 
dérateur qui   eût   beaucoup   de 
talens;  car  elle  avait  des  affaires 


ans,  en  i652  :  c'était  la  cin- 
quante et  unième  année  de  son 
ministère.  Il  laissa  deux  fils ,  qui 
ont  rendu  son  nom  très-illustre, 
tant  par  eux-mêmes  que  par 
leurs  enfans(B).  Il  ne  faut  pas 
oublier  qu'il  fut  député  au  roi 
Jacques ,  et  qu'il  passa  en  Ecosse 
avec  la  permission  de  ce  prince , 
et  qu'il  y  servit  utilement  les 
églises  pour  leurs  intérêts  tem- 
porels. La  lettre  de  congé  du  roi 
Jacques  le  qualifie  député  de 
toutes  les  églises  de  France.  Il 
est  souvent  parlé  de  lui  dans  le 
Sjnodicon  in  Gallia  Reformata; 

(ni  Lcscrivain  et  Draconis  sont  les  princi- 
paux qui  écrivirent  contre  lui. 

(h)  Il  fut  imprimé ,  si  je  ne  me  trompe  ,  à 
la  Rochelle  ,  l'an  itil2. 


BASNAGE. 


mais  comme  cet  ouvrage  est  en 
anglais  ,  on  n'y  a  pas  toujours 
observé  la  vraie  orthographe  des 
noms  propres  (C) ,  et  cela  pro- 
duit quelquefois  de  la  confusion. 

(A)  //  ne  voulut  point  se  prévaloir 
de  la  liberté  de  quitter  son  église  , 
qu'il  avait  ob'enue  au  synode  de  Cha- 
renlon, en  i6a3.  ]  Voici  ce  que  c'est. 
Le  synode  provincial  de  Normandie 
lui  avait  permis  de  se  déftcher  de 
son  église  :  cette  église  en  avait  appe- 
lé au  synode  national  ;  et  cet  appel 
fut  cassé  par  le  synode  national  de 
Charenton  ,  l'an  i6i3.  Néanmoins  , 
noire  Benjamin  ne  quitta  point  son 
église. 

(B)   //  laissa  deux  fils  ,  qui  ont  ren- 
du son  nom  très-illustre  ,  tant  par  eux- 
mêmes  que  par  leurs  enjans.]  L'aîné  , 
Antoine  Basnage,  naquit  l'an  1610,  et 
suivit  la    profession  de  son  père  :    il 
fut  ministre   à  Baveux.    Il  se  signala 
par   sa   fermeté   et  par  son  courage 
dans  la  dernière  persécution  :  la  pri- 
son du  Havre-de-Gr;1ce ,  où  il  fut  me- 
né à  l'âge  de  soixante-quinze  ans,  n'é- 
branla point  sa  constance.  Il  fut  mis 
en  liberté  lors  de  la  ;é\  ncation  de  l'é- 
dit  de   Nantes,  et  se  réfugia  en  Hol- 
lande :  il  mourut  à  Zatphen,  en  Tan- 
née 1691,  âgé  de  quatre-vingt-un  ans. 
Il  a  laissé  un  (ils  nommé  Samuel  Bas- 
nage  ,  sieur  de    Flottemanv  ille  (  1  ) , 
qui  avait  été  ministre  avec  lui  de  l'é- 
glise de  Bayeux  ,  et  qui  l'est  présen- 
tement à   Zutplien.  C'est   un  clés  plus 
habiles  ministres  qui  soient  sortis  de 
France.  Il   a  déjà   publié  un  livre  en 
latin  (2)  ,  qui  est  une  suite  de  la  cri- 
tique des   Annales  du  cardinal  Baro- 
nius,  que  Casaubon  avait  commencée. 
Il  travaille  présentement  à   une  His- 
toire   ecclésiastique    (   3  ).    ,1'ai    lait 
l'article    de   l'autre  fils   de    Benjamin 
Basnage. 

(C)  Il  est  souvent  parlé  de  lui  dans 

(1)  //  est  ne  l'an  i638. 

(a)  Intitule  :  de  Rébus  sacris  et  ecclrsinslic  is 
F.nerciuiiones   Historien -Criticœ  ,     Vitrai ecli 
J692  ,  m-4°. 

(i)  II  en  a  déjà  publié  trois  volumes  in-folio, 

intaule't  :  Annales    Polîtico-Ecclesiastici    0- 

iiim  DCXLV  ,  a  Caesare  Augusio  ad  PhocAra  ar- 
que. Ils  ont  été  imprimés  à  Rotterdam  ,  chtt 
I  rs,  en  1-0G  .  et  dédie'*  aux  e'tals  de  Guet- 
tires  en  1703.  //  promet  la  suite  de  cet  ou- 
vrage. 


.5c, 


le  Synodicon  in  Galli:1  Reformata",  où 
Von   n'a  pas  toujours  oùseivé  la  vraie 
orthographe  des  noms  propres.  ]  Par 
exemple  ,  à    la  page    ç/j  du  IIe.  tome 
du  Synodicon   in  Galliâ  Reformata , 
on  parle  des  députés  de  Cliarentun  \ 
Saint  -  Mère  et  le  Val-de-Serre.  I'  fal- 
lait dire  Carenlan,  Sainte-Mère-Égli- 
se et  le  Val-de-Serre.  A  la  page  ?5 , 
Benjamin  Basnage  est  qualifié  minis- 
tre de  Charenlon  •  et  aux  pages  25g  et 
274  ,   ministre  de  Quareutin;  et  à  la 
page  322,    ministre  de   Sainte-Mère. 
il  rallait  dire  Sainte-Mèie-Iiglise  ,   et 
observer  que  Carentan  et  Sainte-Mè- 
re-Église sont  deux  lieux  qui   ne  fai- 
saient   alors    qu'une    seule   et    même 
église  parmi  ceux  de  la  religion.  Elles 
avaient  bien  chacune  son  lieu  d'exer- 
cice j  mais  comme  l'une  était  censée 
annexe  de  l'autre,  il  n'y   avait  qu'un 
pasteur  et  un  consistoire  pour  toutes 
les  deux.  A  la  page  89  ,  on  dit  le  Col- 
loque de    Constat ili ne ,    au  lien  de  le 
Collocjue  du  Cotentin.  Voilà  des  .'ail- 
les  d'orthographe  qui  peuvent  jeter 
les  lecteurs  dans  l'égarement  ,  et  leur 
fane  croire  qu'il  y  a  eu  des  églises  en 
Normandie    qui    avaient  nom   Saint- 
Mère  ,    Charenlon  ,     Quarentin.    Un 
homme   paye!   par  des  libraires  poui 
faire  des  additions  à   un  dictionnaire 
géographique    se    pourrait    imaginer 
qu'il  aurait  fait  une  découverte  consi- 
dérable, en  trouvant  ces  trois  parois- 
ses dans  un   pays  où  les  géographe- 
ne  les  avaient   pas  encore  aperçues. 
Les  fautes  sont  comme  les  étincelles  : 
ce  qui   n'est   d'abord  que  le   change- 
ment  d'une  lettre,  devient  quelque- 
fois une  complication  ou  un  amas    de 
faussetés   monstrueuses.   Il  faut  y  re- 
médier de    bonne    heure,  urina 
obsta.  Voici  des  méprises   d'un  antre 
genre.    L'auteur    du   Synodicon   i.u: 
mention  (])  d'un  Pierre  Basnage  ,  fils 

d  Antoine,  et  petit-fils  de  Benjamin  ; 
et  il  dit  que  ce  Pierre  Basnage  n'avait 
pointd'église  l'an  1637.  C'est  un  abus. 
Antoine  Basnage  n'a  eu  que  deux  61s. 
L'aîné*  est  celui  ipi'on  nomme  AI.  d. 
Plottemanville,  qui  naquit  l'an  [638 
e  cadet  s'appelait  François,  cl  suivit 
la  profession    ilç*  armes ,  et    mourut 
I  an  i685.  Le  même  auteur  ci 
que  Aï.  Hasnage  ,   ministre  de  Rotter- 
dam .  est  fils  de  Benjamin  Ba 

i    Pag.  383. 
49, 


i6o  BASN 

mais  il  n'est  que  son  petit-fils.  Ces  pe- 
tites fautes ,  que  je  me  sens  oblige  de 
relever  pour  l'instruction  des  lec- 
teurs, n'empêchent  pas  que  je  ne  croie 
que  le  travail  de  M.  Quick  (  6  )  est 
très  beau  et  Irès-utile  ,  et  que  tous 
les  réformés  de  France  lui  ont  une 
extrême  obligation  de  la  peine  qu'il 
s'est  donnée  de  faire  un  recueil  si 
ample  et  si  exacr  de  leurs  Synodes  , 
et  d'y  joindre  les  Prolégomènes  qu  il 
y  a  rais. 

(6)  C'eU  le  nom  du  ministre  anglais  qui  a 
■publie'  à  Londres,  en  1692,  le  Synodicon  m 
Galliî  Kt  formata,  of  Acts  ,  Décisions  ,  Décret», 
and  Cauons.  of  ihe  seven  last  national  CounoU 
of  the  reformed  churches  in  France,  en  deux 
volumfs  in-folio. 

BASN  ÂGE   (Henri),  fils  du 
précédent,  naquit  à  Sainte-Mère- 
Église,  en  Passe-Normandie,  le 
16  d'octobre  i6»5.   Il  a  été  l'un 
des  plus  habiles  et  des  plus  élo- 
quens     avocats     du     parlement 
de  Normandie  ,    ou  il   fut  reçu 
l'an  i636.   H  n'y  a  point  eu  de 
grande  cause  où  il  n'ait  été  em- 
ployé.  Il  alla  à  Paris,   avec  les 
deux  députés  de  la  province  de 
Normandie,    pour    l'affaire    du 
Tiers  et  Danger  :  ce  fut  lui  qui 
dressa  les  Mémoires  ou  le  Fac- 
lum  de  la  province  ,    et  qui  fut 
choisi  pour  défendre  cette  cause. 
Il   fit   un   voyage  à   Paris,   à  la 
prière  du  marquis  de  Matignon  , 
pour  régler  avec   le  marquis  de 
Seignelai  (a)  les  partages   de  la 
succession  ;  et  l'on  sait  qu'il  eût 
eu  part  à  la  révision   générale 
des  droits  coutumiers  de  France, 
si  le  projet  que  l'on   forma  là- 
dessus  avait  été  exécuté  {b).  Il  fut 
nommé  commissaire,  en  1677, 
pour  les  affaires  de  religion  ,  et 


(a)  11  avait  épousé  la  belle-sœur  du  mar- 
quis de  Matignon. 

(//)  Des  personnes  dignes  de  foi  ont  ouï 
dire  que.  M.  le  Tcllier,  promoteur  de  ce  pro- 
jet ,  eût  nommé  M.  Basnage  pour  l'un  des 
exécuteurs. 


AGE.. 

s'en    acquitta   dignement.    Il   a 
réussi  également  dans  les  con- 
sultations ,  et  aux  plaidoyers  ;  et 
il  a  fait  voir  qu'il  pouvait  être 
aussi  bon  auteur ,  que  bon  avo- 
cat. La  Coutume  de  Normandie, 
qu'il  publia  avec  de  fort  amples 
Commentaires,  l'an  1678,  a  été  si 
estimée  et  si  bien  vendue,  qu'on 
en    fit  une   seconde  édition  en 
deux  volumes  in-folio, Y  an  1694. 
On  fit  en  même  temps  une  troi- 
sième édition  de  son  Traité  des 
Hypothèques.  L'auteur,  malgré 
son   grand   âge,  eut  le  soin  de 
ces  éditions  :  il  conservait  toute 
la  force  de  son  jugement ,  et  de 
ses  lumières.  Cela  est  rare;  mais 
c'est  assez  le  propre  de  ceux  qui 
ont  eu  un  grand  feu  ,  et  la  tête 
forte    en    même   temps.    C'était 
son  caractère.  Sa  religion  n'em- 
pêchait pas  que  ceux  qui  étaient 
à  la  tête   du  parlement,   et  les 
autres  membres  les  plus  consi- 
dérables  de    ce   corps   illustre  , 
n'eussent  pour  lui    une  grande 
estime,  et  une  amitié  singulière. 
Il  reçut  toute  sorte  d'honnêtetés 
de  M.   de  Montholon,  premier 
président  de   Rouen  ,   auquel   il 
dédia  sa  Coutume  de  Normandie, 
l'an    1 G94  -    H  mourut  à  Rouen 
le  20  d'octobre  1695  ,  à  l'âge  de 
quatre  -  vingts    ans    et    quatre 
jours.    S'il  n'eut  pas  la  joie   de 
voir    ses    enfans    les    dernières 
années  de  sa  vie  ,  ce  fut  d'autre 
côté     une    grande     consolation 
pour   lui  ,   que    d'apprendre    la 
gloire    qu'ils    acquéraient   dans 
les    pays    étrangers    par    leurs 
beaux  ouvrages  (A).  Il  eut  aussi 
la   consolation    de    savoir    que 
M.  Baudri ,  son  gendre  ,  profes- 
seur en  histoire  sacrée  àUtrecht, 
où  il  mourut  au  mois    de  fe- 


BASNAGE. 

s'était    fait    fort 
estimer  par  ses  leçons,   et   par 


1G1 


vrier    1 706 


un  l)oi»  Commentaire  sur  le 
Traité  de  Laetance  de  Mortibus 
Persecutorum  (c). 

(c)  Imprimé  à  Vtrecht,  l'an  1692,  in- 8'. 

(A)  S'il  n'eut  pas  lu  joie  de  voir  ses 
enfans  ,  ....  il  apprit  la  gloire  qu'ils 
acquéraient  dans  tes  pays  étrangers  , 
par  leurs  beaux  ouvrages.  ]  Jacques 
Basnacie  ,  son  (ils  aîné,  n'avait  guères 
plus  de  vingt -deux  ans  (1)  lorsque 
l'église  de  houen  le  souhaita  pour  son 
ministre  ,  à  la  place  de  M.  le  Moyne  , 
l'an  1676.  Il  servit  cette  église  avec 
beaucoup  d'applaudissement ,  depuis 
ce  temps-là,  jnsques  à  la  révocation 
de  l'édit  de  Nantes.  Alors  il  se  retira 
en  Hollande,  et  s'arrêta  à  Rotterdam, 
où  il  est  ministre  ordinaire  (a).  Les 
livres  qu'il  a  déjà  publiés,  tant  en 
latin  qu'en  français,  et  surtout  sa 
belle  /L ponse  a  M.  de  Meaux  ,  justi- 
fiaient hautement  de  Ûatterie  tous 
ceux  qui  promettaient  comme  un  par- 
faitement bel  ouvrage  son  Histoire  de 
V Eglise  ;  mais  ils  en  ont  été  beaucoup 
mieux  justifiés  par  la  publication  de 
l'ouvrage  même  (3).  Ses  autres  ou- 
vrages sont  ,  X Examen  des  méthodes 
proposées  pur  l'assemblée  du  clergé 
de  France ,  en  168-2,  pour  la  réunion 
des  protestons  à  Ûéglise  romaine  , 
imprimé  à  Cologne  en  1 68 ■}  ;  Epistola 
I)  Chry  sostomi  ad  Cœsarium  Mona- 
chum  ,  cum  tribus  epislolicis  Disser- 
tationibus  ,  imprimées  à  Rotterdam 
en  1687  ,  et  réimprimées  en  1694  i  la 
Communion  Sainte,  ou  Traita  sur  la 
nécessité  et  les  moyens  de  communier 
dignement  ,  imprimée  à  Roterdam 
en  1687,  et  diverses  fois  depuis; 
Traite  de  la  Conscience  ,  avec  des 
réflexions  sur  le  Commentaire  philo- 
sophique ,  imprimé  à  Amsterdam,  en 
1696;  l'Histoire  et  la  religion  des 
Juifs,    depuis   Jésus-  Christ  jusqu'à 

(1)  Il  est  né  a  Rouen  ,  l'an  i653. 

(a),On  appelle  ainsi  ceux  qui  ont  la  direction 
des  Eglises,  pour  1rs  distinguer  des  autres  pas- 
teurs réfugies  qui  résident  dans  les  villes  de 
Hollande. 

(i)  Il  a  été  achevé  d'1  imprimer  au  mois  de  no- 
vembre 1698  ,  en  deux  volumes  in  folio.  Voyez. 
l'Histoire  des  Ouvrages  des  Savons  de  1698,  pag. 
382  et  Soo  :  et  le  Journal  d'Ctrrcht  ,  tOm.  IV  , 
pa§.  24. 

TOME    III. 


présent  ,  pour  servir  de  supplément  a 
Josephe ,  s'imprime  actuellement  à 
Roterdam  ,  en  cinq  volumes  in-12  *. 

Son  frère  puîné  ,  Henki  Basnage  , 
sieur  de  Béiiuval  (4),  était  reçu  avo- 
cat au  parlement  de  Normandie  ,  et  y 
marchait  sur  les  triées  de  sou  père; 
mais  les  troubles  de  religion  ont  été 
cause  qu'il  a  mieux  aimé  se  réfugier 
en  Hollande  ,  que  de  suivre  cette 
route  si  glorieuse  selon  le  monde.  Il 
était  encore  fort  jeune  lorsqu'il  pu- 
blia un  petit  traité  sur  la  Tolérance 
des  religions,  dans  lequel  on  vit  ré- 
gner beaucoup  de  vivacité  et  de  déli- 
catesse. Il  s'est  acquis  et  il  s'acquiert 
tous  les  jours  p.ir  toute  l'Europe  une 
réputation  immortelle,  en  publiant 
Y  Histoire  des  ouvrages  des  Savons. 
Les  démêlés  qu'il  eut  avec  M.  Jurieu 
le  détournèrent  souvent  de  cet  ou- 
vrage ,  et  produisirent  de  part  et 
d'autre  divers  écrits  fort  vifs  et  fort 
piquans.  Sa  révision  du  Dictionnaire 
de  Furetière ,  auquel  il  lit  des  addi- 
tions et  des  corrections  considéra- 
bles, et  auquel  il  ajoute  une  infinité 
d'exemples  tirés  des  meilleurs  écri- 
vains français  .  est  un  ouvrage  d'une 
très-grande  utilité.  11  le  retouche  en- 
core actuellement. 

Quoique  ces  messieurs  soient,  pleins 
de  vie,  il  a  fallu  nécessairement  par- 
ler d'eux,  afin  d'empêcher  qu'on  ne 
continue  de  les  prendre  les  uns  pour 
les  autres,  comme  on  l'a  déjà  fait 
dans  quelques  livres.  Voyez  la  re- 
marque (C)  de  l'article  précédent ,  et 
Ce  passage  de  la  Bibliothèque  univer- 
selle :  on  y  montre  que  1  auteur  de 
l'Histoire  des  Journaux  ne  connaît  pas 
bien  messieurs  Basnage.  «On  .1  déjà 
»  dit  que  cet  ouvrage  (5)  est  néces- 
»  saire  ;  mais  il  faut  ajouter  qu  il  le 
»  serait  beaucoup  plus,  si  celui  qui 
»  l'a  fait  avait  été  mieux  informé, 
»  puisqu'il  a  commis  diverses  f.iu- 
»  tes  qui  empêchent  qu'on  ne  puisse 
»  faire    fond    sur   ce    qu'il    écrit,    à 

(  *  )  [  Ij'aulcur  en  donna  une  seconde  édition, 
augmentée  <-n  !"••>.  imprimée  a  la  Haye  en 
quinze  volumes  II  avait  dé,a  public  a  Rotterdam, 
en  T-11,  on  volume  intitulé  Histoire  der  Juifs , 
réclamée  •<  rétablie  par  son  véritable  auteur, 
M.  Hatnage  ,  contre  l'édition  tronquée  <lr 
V.  Pupm.faitea  Parts  en  1-10.  Add.  de  l'édit. 
d'Amsterd.] 
{.',)  H  est  né  d  Rouen,  l'an  i656  ,  le  -  d',ioùt 
,5)  C'est-à-dire  M.  Christian!  Joncteri  H,.- 
densis  Srlie.li.isma  liistoricum  de  Kpliemeridibn 
seu  Diariia  erudiloruui. 

I  F 


i6: 


BASTA. 


»  moins    qu'on   ne    les    corrige.    En  (A)  Le  duc  de  Parme  lui  rendit  un 

»  parlant,  par  exemple  ,  de  Y  Histoire  témoignage  fort  glorieux.  ]  Le  voici  : 

»  des    Ouvrages   des  Savons,  qu'on  Hune  (  Blasium  Capisuccuui  )  et  Ni- 

i>  sait  être  de  M.  de  Beauval,  avocat ,  colaum  Bastani  veterem   Epirotarum 

»  il  dit  que  c'est  un  ministre  français  equilum  ductorem   Coloniam   miltens 

»  réfugie  qui  en  est  l'auteur  ;  et  que  ,  Alexander ,  Coloniensihus   rescripse- 

»  si  on  lit  dans  le  titre  par  M.  B***,  rat ,  delectos  a  se  fuisse  strenuos  adeo 

11  docteur  en    droit,  ce  n'est  qu'afiu  gnarosque  militiœ  viros  uthorum  con- 

ii  de  se    mieux  cacher  :  que  ce   mi-  silia  ,   si  occasio  se   daret  ,  tutô  ipse 

ii  nistre  ,  qui  est  l'auteur  de  cet  ou-  sequi  paratus  esset  (i). 


(B)  //  était  sans  doute  parent  de 
George  Basta.  J  Quelques-uns  disent 
qu'il  était  son  frère  (a) ,  et  remar- 
quent que  quatre  célèbres  historiens 


»  vrage,  est  le  même  qui  a  écrit  con- 
»  tre  AI.  de  Aleaux  ,  et  contre  Baro- 
»  nius  ;  confondant  ainsi  trois  per- 
»  sonnes  fort  diiiërentes.  Il  est   vrai 

ii  qu'il  semble  qu'on  doive  lui  passer  (3)  ont  donné  d  Nicolas  une  action 
»  cet  article  ;  il  est  assez  rare  de  voir  glorieuse  de  George  :  c'est  le  secours 
»  une  seule  famille  si  féconde  en  au-  jeté  dans  la  Fère,  Fan  i5g6.  Boute- 
J>  teurs  célèbres  :  il  faut  en  être  bien  roue  n'a  point  fait  cette  faute  :  il 
h  instruit  pour  ne  s  y  pas  tromper  donne  fort  bien  le  nom  de  George  à 
ii  (6).  »  Cette  réflexion  est  ingénieuse    celui  qui  fit  cette  action   (4).  Il  y  a 

peu  de  guerriers  qui  soient  capables 
de  consentir  à  ces  sortes  de  transports 
de  gloire  :  l'amitié  fraternelle  va  ra- 
rement jusque-là.  L'anonyme,  quia 
publié  l'Histoire  de  l'archiduc  Albert, 
l'an   1693,  donne  le    nom  de   Nicolas 


et  judicieuse  tout  ensemble. 

(6)  Bibliotliéquc  universelle  ,     lom.    XXII, 
VaS-  427  .  4*8. 

BASTA  (Nicolas),  Épirote  de 
nation ,  a  été  un  bon  officier  de  Basti  à  celui  qui  fit  entrer  un  convoi 
cavalerie  au  service  des  Espa- 
gnols dans  les  Pays- Bas,  oîile  cluc 
d'Albe  l'avait  amené  l'an  1^67 
(a).  Il  se  signala  à  la  défaite  de 
la  Noue,  devant  Engehnunster, 
en  1 58o  (b).  Le  duc  de  Parme 
lui   rendit  un   témoignage   fort 


de  vivres  dans  la  Fère. 

(1)  Strad.,de  Bello  belg.  ,  decad.  II,  lib.  V, 
pag.  3o8. 

(2)  Ang.   Galluceius  ,    de   Bello   lielgico      lib. 

VIII. 

(3;  Campana,  Davila ,    de  Tliou  ,  Bussières. 
(4)  RucJolph.  Rotercius,  Commentât-,  de  Reb. 
in  Galliâ*  gestis  ,  lib.  III ,  pag.  272. 

BASTA  (George),  fameux  gé- 


glorieux  (A)  quatre  ans  après,  néral  d'armée,  au  commence- 
en  l'envoyant  au  secours  de  l'é-  ment  du  XVIIe.  siècle,  était 
lecteur  de  Cologne.  Son  père,  originaire  de  l'Épire  {a) ;  mais  il 
nommé  Déinétrius,  avait  porté  naquit  dans  un  village  nommé 
les  armes  quarante  ans  durant ,  la  Rocca ,  près  de  Tarente.  Il 
au  service  de  la  maison  d'Au-  commandait  un  régiment  de 
triche  (c).  Il  était  sans  doute  pa-  cavalerie  épirote  ,  ou  albanaise, 
rent  de  George  Basta  (B)  ;  ce  qui  quand  le  duc  de  Parme  prit  pos- 
doit  diminuer  l'envie  qu'on  aura  session  du  gouvernement  des 
peut-être  de  censurer  cet  article.  Pays-Bas,  l'an  1579,  et  il  se  per- 
Lorsqu'un  homme  est  digne  d'à-  fectionna  extrêmement  au  mé- 
yoir  place  dans  un  dictionnaire  ,  tier  des  armes  dans  l'école  d'un 
il  ouvre  en  quelque  façon  la  porte  aussi  grand  capitaine  que  l'était 
à  ceux  de  sa  parenté.  Ce  qui  soit  ce  duc    qui  ,  ayant  bientôt  re- 


dit une  fois  pour  toutes. 

(«;   Slrada  ,  de  Bello  l>elg. ,  dec.  I,  lib.  FI. 

{b)  Idem,  dec.  II,  lib.  II. 

{c)  Idem,   ib.,  lib.  VU,  adann.  i585. 


connu  le  mérite  de  George  Basta, 
le  fit  commissaire  général  de  la 

fa)  Strada,  deBtllo  Lelg,,  decad.  II,  lib. 
III. 


BASTA.  163 

cavalerie,  l'an  i58o  (A).  Il  n'y  hommes  sur  la  place  du  côté 
avait  point  d'entreprise  considé-  des  impériaux;  mais  Tuittori  per- 
rable  dont  on  ne  lui  donnât  les  dit  plus  de  dix  mille  hommes  , 
principaux  rôles.  Pendant  le  cent  dix  drapeaux ,  quarante 
siège  d'Anvers  en  i58f,  il  eut  pièces  de  canon,  et  tout  le  ba- 
ordre  de  tenir  la  campagne,  afin  gage  de  son  armée.  La  ville  de 
d'empêcher  qu'aucun  secours  Clausembourg  fut  assiégée  peu 
n'entrât  dans  la  place,  et  en  1  588,  après,  et  contrainte  de  subir  îa 
ayant  été  renforcer  les  troupes  loi  du  vainqueur.  Basta  se  défit 
qui  assiégeaient  Bonn,  il  cou-  d'un  rival  un  peu  incommode, 
tribua  beaucoup  à  la  prise  de  qui  avait  partagé  avec  lui  la 
cette  ville(^).  11  suivit  en  France  gloire  de  cette  journée  :  je  parle 
le  duc  de  Parme  ,  pour  le  secours  du  vaivode  de  Valachie  ,  qu'il 
de  la  ligue,  l'an  i5t)o  ;  et  fit  tuer  datis  sa  lente,  parce 
l'an  i^p?.  il  eut  le  commande-  qu'on  le  soupçonna  d'une  intel- 
ment  de  l'arrière-garde,  pendant  ligence  secrète  avec  les  Turcs. 
la  première  retraite  (c).  11  fut  L'année  suivante,  il  acheva  de 
aussi  de  l'expédition  du  comte  ruiner  les  affaires  de  Battori, 
Charles  de  Mansfeld  en  France ,  par  la  prise  de  lhstric  ,  et  par  la 
l'an  i5c)?>  (tl);  après  quoi  il  alla  défaite  de  Moïse,  prince  des  Si— 
faire  quelques  campagnes  en  cules  :  de  sorte  que  Battori  ,  de- 
Hongrie ,  et  revint  au  Pays-Bas,  mandant  humblement  la  paix, 
où  il  fut  chargé  l'an  i5()b  d'une  renonça  à  toutes  ses  prétentions, 
commission  très-difficile ,  dont  il  et  se  contenta  d'obtenir  comme 
s'acquitta  très-glorieusement  (d)  :  une  grâce  la  qualité  de  baron 
ce  fut  de  jeter  un  secours  de  dans  la  Bohème.  En  i6o3  ,  Basta 
vivres  dans  la  1ère  assiégée  par  défit  tout  de  nouveau  l'armée 
Henri  1\  .  Ou  n'a  jamais  vu  plus  que  Moïse  avait  levée,  et  il  en  au— 
de  conduite,  plus  de  secret ,  plus  rait  peut-être  forcé  les  débris 
de  diligence  ,  qu'il  en  fit  parai-  dans  Temeswar ,  si  les  appro- 
tre  dans  cette  occasion.  Mais  le  clies  de  l'hiver  n'eussent  empêché 
plus  beau  théâtre  de  ses  exploits  qu'il  n'assiégeât  cette  place.  Les 
a  été  sans  doute  la  Transilvanie  rigueurs  qu'il  exerça  l'année  suj- 
et la  Hongrie.  Il  remporta  en  vante  contre  les  protestant  de 
1601  une  victoire  signalée  sur  Transilvanie  tirent  beaucoup  de 
Sigisniond  Battori  ,  qui  s'était  tort  à  l'empereur.  Il  en  fit  exer- 
fait  élire  prince  de  Transilvanie.  cer  de  semblables  en  Hongrie, 
A  peine  demeura-t-il  trois  cents  par   le    comte   de    Bel-Joïeuse  , 

ce  qui  fut  cause  qu'Etienne  Bost- 

(b)  Tire  de  Slrada,  décade.  II ,  liv.  HT,  \..\   ,,,.,'f     l^s    n-,i,u-       «*    ,.„  * 

ttfo  ,  lel  y.                                       '  Kal  I)1U    "5  armes  ,  et  se  trouva 

(c)  D'Aubigué,  tom  Ul ,  Uv.Tll,chap.  bientôt  assez  fort  pour  gagner 
/Y  •  De  Thon ,  h»  Cil ,  vers lajîn.  Voyez  une  victoire  sur  les  troupes 
tous  tes  exploits  de  George  Basta  pendant  ;,,.,'.'.  ,1  , 

ces  deux  e/pédttionsdanfDondim'Rislor.  ^pénales   que    ce    COlllte    COm- 

de  Rébus  in  G.illiâ  gestis ,  ef   les  Elogii  di  mandait.    Basta    ne    put     reparer 

cJl.,u1u,ii,,s.,,(/,i...1.eI,xoCr.i:sl.  /„,..;.  lVll   partie  cette   perte  ;  car  si 

yd)  Angel.   Oalluccius,    du   Li-llo    bel'  i<               ,  •    ,                      '...'. 
ëib.I.  d  ll"  COte   le    siège   qu  il  mit  ac- 
te) Idem,  lib.  VIII.  vaut  Cassovie    dégagea    le  couite 


,64  EASTA- 

de  Bel-Joïeuse,  il  fallut  de  l'au-  TO  ^^^"p,^ 

tre  qu'il  se  retirai  de  devant  ta  ^  expi0us.  ]  Bonifacio    Vannozzi  , 

place  (  f).    En    l6o5  ,    il    eut    le  dans   une   lettre   datée  du   mois  de 

rWrin  de  ne  pouvoir  empêcher  janvier  1608  ,  témoigne  que  deux  let- 

cliagrm  ox  ne  pu                 J,„ît_„s  très  de  G.  M.  Praga,  écrites  le  17  et 

les  Turcs  de  se  Rendre  maîtres  le  ^  de  decembre8l6o7  ,  i„i  avaient 

de  Strigonie  (g)  ;  mais  il  eut  du  ^^  ,a  mort  de  0eorge  pjasta  (3). 

moins   la  consolation,   par  sou  je  pense  que  ce  G.  M.  Praga  avait  été 

*      1     r> —„«  ,.„ — ^t»;..»  .lo  i*o  opnpral    11  s'arllieeait 


moins»    '*»    luuwi«"«"  ,    r—  ">-  i'"""  M" ,    ,     .    p.   ,  „.. 

cmmement  auprès  de  Comorre  ,  secrétaire  de  ce  gênerai.  Us  affligeait 
campement  <m±  ,,„rriere  de  la  perte  de  ce  maître ,  et  se  louait 
de  leur  opposer  une  barrière  des  b*onte's  que  ie  comte  Charles ,  et 
invincible  ;  et  de  les  charger  Ja  comtesse  sa  mère  i„i  témoignaient 
avec  avautage  lorsqu'ils  allèrent  (4).  Je  ne  remarque  cela  qu'ahn  qu'on 
«rendre  leurs  quartiers  d'hiver,  voie  que  notre  général  ne.  mourut 
prendre  îeui»  m  1  point  sans  postérité  légitime.  Les 
La  paix  qui  se  ht ,  et  le  peu  ue  r^  ^  dotne  .  Q  M  Praga  (  me 
temps  qu'il  vécut  après  cela  ,  font  juger  ^«jj  vouiait  écrire  l'his- 
hreut  cesser  les  historiens  de  toire  de  son  maître.  Ces  avis-là  sont 
,  t  l^t^T^  Tl  avait  fort  sensés.  Le  Vannozzi  lui  repré- 
parler  de  ses  ^*W^"fi*  lente  que  ,  si  l'on  désire  de  ne  point 
été  honore  du  titre  de  comte (/i>  passer^pour  fiatteur,  il  faut  entre- 
Il  y  en  a  qui  disent  que  jamais  prendre  l'histoire  particulière  d'un 
les  Turcs  n'eurent  de  l'avantage  événement  fameux  ,  où  la  personne 

1    •  fC\     "N'rmldinns  nas  Ciu'il  dont  on  veut  faire  la  vie  ,  ait  eu  la 

sur  lui  (C).  JN  oublions,  ps  qu  11  ^           u  lui  en  indi       un 

est   auteur  (D),    et  auteur   toit  v^  ^^r    ,   George  Basta  ^  et  û 

estimé  (E).  ajoute  ,  qu'en  s'y  prenant  de  la  sorte  , 

on  a  une  occasion  favorable  de  faire 

(/^Thuano.  venir  sur  la  scène  les  actions  glorieu- 

%  ÏÏÏZSÏÏMÎ:  /"///.  ses  d'un  homme  ,  sans  quHl  paraisse 


UllldUU  ui.    «« »  i  *ï  ,  J1A1V. 

Milauez.  Celui  auquel  le  duc.  d  Albe 
la  conféra  était  Antoine  Olivera  ,  issu 
de  ce  Martin  Olivera ,  que  don  Pedro  , 
roi  de  Castille  ,  avait  fait  venir  de 
France,  pour  s'en  servir  contre  les 
Maures  de  Grenade  (1).  George  Basta 
remplit  fort  bien  cette  charge,  et 
l'on  s'aperçut  que  ,  pendant  qu  il 
était  malade  à  Caudebec  ,  la  cavalerie 
se  relâchant  de  la  bonne  discipline 
sous  laquelle  il  l'avait  tenue,  ne  ht 
pas  bien  son  devoir  à  l'attaque  que 
tes  Royaux  livrèrent  au  duc  de  Parme 
en  i5g2  (2). 

(,)  Ex  Stradâ,  decad.   /,   lib..    VI,  ad  an- 

riiim  15G7.  .  .„ 

(2)  Dondini,  Histona  de  Rébus  in  Galia  ges- 
lis,  lib.  III  ,  F"S-  5«3. 


qualités  ne  sont  pas  moindres  que  les 
bonnes.   Il  cite  là-dessus  Tite  Live  , 
eu   égard    à    Annihal.   Alcu.nl  ,    per 
fuggir  il  nome  d'adulatore  ,    tanto 
ambito  ,  quanta  dannalo  ,  si  danno  a 
scriver'  un'  allion  publica  ,  o  un  Lai 
membro  di   essa ,  nella  quale  habbia 
parle   principale    colui  ,    di   cui   noi 
inlendiamo  istoriar  l'altinni  ,  e  la  vi- 
ta  ••  verbi    grazia ,  volendosi  porre  in 
caria  la  fila  del  Sig.  Co.  Basta,  si 
potrebbe  pigliare    descriver    un     ac- 
cidente delta  guerra  cTUngheria,  siasi 
il  tumullo  e  la  seditinne  de'  Ribelli  , 
od  altra  impresa  ,  nella  quale  S.  E. 

Ç>)  Vannozzi,  Lettere  miscellanee,  vol.  III , 
pag.  18g. 

(4)  L'a  même  ,  pas.  190. 


BATHYLLUS. 


havesse  hai'uto  parte  principale  :  et 
cosi  dissimidatamente  metlersi  a  dir 
délie  sue  prndezze  con  molto  propo- 
sito,  e  Jttnr  di  sospetlo  ;  che  hnggi  di 
per  lo  piu  non  si  leggono  f^ile ,  e 
narrationi  di  grandi ,  che  non  hab- 
biano  del  favoloso  :  e  per  cotali  Scrit- 
tori  son  tenuli  a  dire  il  \>ero ,  efuggif 
la  menzogna  •'  stando  che.  cosi  non 
Juss'  egli,  non  t'i  sia  alcuno  tanto 
laudabile ,  che  non  habbia  i  suo'  nei  : 
Onde  taggiamente  Liuio  ,  dopo  una 
gran  diceria  a  fai'or  d' Annibale  , 
chiuse  il  periodo  cosi  :  ./Equabant 
vitia  virtutes  :  perche,  corne  peritis- 
simo  maestro,  sapeua,  che  non  si 
potei'a  ,  ne  doi'cva  tralasciar  indielro 
i  cenni  de'  vizi,  del  descritto  per  ver- 
tuoso  (5).  Il  remarque  qu'Annibrd , 
qui  était  borgne  ,  censura  le  peintre 
qui  lui  avait  donne'  deux  yeux  ,  et 
récompensa  celui  qui  l'avait  peint  en 

firofil  (6).  Cela  montre  qu'il  ne  vou- 
ait point  qu'on  mentît  ouvertement 
en  sa  faveur ,  et  qu'il  était  bien  aise 
qu'on  trouvât  l'art  de  dissimuler  ses 
défauts.  Le  Vannozzi  se  jette  ensuite 
sur  un  précepte  latin,  qui  est  très- 
beau  :  Convien  dunque  ,  dit-il  (-')  ,  ut 
Veritas  anle  oculos  habeatur  ,  gratiâ 
alque  odiis  pnsthabitis  :  7iie/iiis  est 
enim  historicum  ,  et  politicum  ,  si  non 
Jert  ratio  temporum,  ab  historiâ  scri- 


(C)  //  y  en  a  qui  disent  que  les  Turcs 
n'eurent  jamais  d'avantage  sur  lui.  ~] 
Écoutons  Strada.  Militari  scientid  cla- 
runi  quem  è  Farnesiand  schold  supre- 
mum  Cœsarei  exercitds  ducem  uidimus 
in  Pannonid  ex  olhomunicis  copiis 
perpétua  victorem  (9). 

(D)  Il  est  auteur.  ]  On  imprima  son 
Maestro  di  carnpo  générale ,  à  Venise  , 
en  l'année  1G06  ,  et  son  Govcrno  dél- 
ia cat'alleria  leggiera  ,  à  Francfort  , 
en  1612. 

(E) et  auteur  fort  estimé.  ]  Voici 

comme  M.  Naudéen  parle  dans  son  trai- 
té de  l'Étude  militaire  :  In  equestris  mi- 
litiiv  disciplina 'quatuor seuduecs  seutri- 
bunicommuniter proponuntur,  quorum 
de  ed  re  lucubrationes  tanquam  abso- 
/i(ftt«;»((-e  omnium  sibi  calculos  et  ap- 
probaiionernconcilidrunt;  scilicet  Geor- 
gius  Basta  ,  qui  summus  mandatorum 
curalor  in  belgico  régis  exercilu  ,  et 
cœsarianarum  deindè  copiarum  ductor 
summo  1 um  imperiofuit.  Les  trois  au- 
tres sont  :  Ludovicus  Melzus ,  Fia- 
minius  à  Cruce ,  et  Joannes  Jacobus 
IValhausius. 

(g)  Strada,  decad.  Il ,  lib.  III. 

BATHYLLUS,  jeune  homme 
de  Samos  ,  aimé  passionnément 
par  Anacréon,  qui  en  parlait  sou- 


bendd  abslinere  ,  quam  eam  turpiter  vent  <]ans    ses  vers  rj^y  Entre  les 

mentiendo ,    et    adufandn,    qnnd  pie-  1              -                              .    i 

,«,„  „   /•    ,,\       /?/„,;,*    z^„„  '     r  odes  qui  nous  restent  de  ce  poète 

rosque   jactilasse    rlavius    r  opiscus  1                                     ,          Jt  •     1 


scripsit  ,  maculare.  Ileipublicœ  enim 
inltrest  ,  ne  quid  omninb  ,  nisi  quod 
sil  compertum  ,  et  exploralum  ,  in  lu- 
cem  exeat ,  etc.  Cela  veut  dire  que,  si 
le  temps  ne  permet  pas  de  rapporter 
la  venté  ,  il  vaut,  mieux  s'abstenir 
d'écrire  l'histoire,  que  de  la  salir  de 
mensonges  ;  car  il  importe  au  public 
que  tout  ce  que  l'on  imprime  soit 
bien  certain.  Jl  conclut  par  une  autre 
règle,    louer  peu,  et   blâmer  encore 


il  y  en  a  une  (a)  oii  il  a  fait  le 
portrait  de  ce  beau  garçon.  Ce 
portrait  ne  se  borne  pas  comme 
ceux  de  nos  romans  aux  parties 
découvertes  :  il  s'étend  aussi  sur 
les  plus  cachées  ;  et  de  là  vient 
que  mademoiselle  le  Fèvre  n'a  pu 
remplir  tous  les  endroits  de  sa 
traduction  :  il   a   fallu  y    laiss er 


moins.  «  Serriamo  la  lettera,  dit -il  des  lignes  toutes  entières  parse- 
mées d'étoiles.  Ce  même  Bathvl- 
lus  avait  été  aimé  de  Polycrate, 
tyran  de  Samos,  qui  lui  lit 
dresser  une  statue  (B) ,  dont  l'al- 
titude était  celle  d'un  homme 
qui  chante,  et  qui  joue  de  la 
lyre.  Chabot  s'est  trompé  en  l'ap- 

(a)  Cesi  la  XXIX. 


«  (8)  ,  con  quel  moralissimo  detto  : 
»  Lauda  parce  ,  et  vitupéra  parcius.  » 
Ceci  valait  bien  la  peine  d'une  di- 
gression :  j'en  lais  juges  tous  ceux  qui 
ont  du  discernement. 

(5)  Vannozii,  Leltere  miscellan. ,  vol.    III  , 
pag.   191  ,  191. 

(6)  Là  même  ,  pag.  lai. 

(7)  T. à  même. 

(S)  Vaunozii ,  Leltere   misccllan.  ,  vol.  III  , 


i66  BATHYLLUS. 

pelant    pantomime    (C).     M.     le  (D)  M.  le  Fèvre,  en  tâchant  d'ex  eu- 

■*..             *        .»   i        .    j?                  i^„  ser  les  déréelemens   d  Anacreou  ,    a 

Fevre     en  tachant  d  excuser  les  bhe  dcs  Lses  qui  n'étaient  s^ère 

dereglcmens  d  Anacreon  ,  a  pu-  connues.  ]  C'est  ici  que  j'exécuterai  la 

blié  des  choses  qui    n'étaient  pas  parole  que  j'ai  donnée  dans  la  remar- 

fort   connues  (D).    On   verra   ce  que  (G>  de  l'article  (I'Anacréoh.  11  yaat 

7.1            „  j          i     j  mieux    au  on  Irouve   ces  enoses  ici  : 

que  c  est  ci-dessous  dans  la  der-      ,,         **■     .  A >  .     „  ,i    irtn„„Plll. 

a  .  elles  auraient  donne  trop  île  longueui 

niere  remarque.  à  l'article  de  ce  poète,  et  n'en  donne- 
ront pas  trop  à  l'article  de  Bathyllus. 

(A)  Anacreon parlait    souvent  Je  dis  donc,  que  comme  M-  le  Fèvre 

de /m  dans  ses  vers.  ]   Horace  l'a  re-  ne  pouvait  pas  ignorer  que  l'amour  de 


marque 

JV". 


voici  ses  paroles 


isse   Hathyllo 


aliter  Samio   dictait  ar 
Anacreonla    Tejum  ; 
Qui  persape  cavd  tesûtdiiteflevit  amorem 
JVon  elaboralum  ad  pedem  (1). 

On  ne  peut  guère  voir  de  distraction 
plus  e'trange  que  celle  d'André  Schoi- 
tus,  qui  a  cité  ces  vers  d'Horace,  pour 


notre  poète  pour  BathyMùs  n'ait  pas- 
sé pour  une  franche  pédérastie,  et 
que  la  jalousie  de  Polycrate  par  rap- 
port à  Sraerdias  n'ait  fait  du  bruit  , 
on  ne  comprend  pas  qu'il  ait  dû  dire  , 
qu'on  ne  lit  point  que  les  plaisirs  d'A- 
nacréoa  nient  ité  des  matières  de 
scandale  ,    ni    qu'on   se    soit   jamais 


prouver  que  Mécène  aimait  le  panto-  plaint  de  sa  belle  humeur  (•}).  Ce  qu'il 

mime  Bathyllus,  dont   je  parlerai  ci-  remarque   en    un    antre    endroit,   est 

dessous   (2).  Charles  Etienne  ne  s'est  beaucoup     plus    raisonnable.    11    dit 

pas  moins  égaré   lorsqu'il   a  dit   que  qu'on   a    vu   des    passions    bien   plus 

Bathyllus,  mignon  d'Anacréon,  est  le  scandaleuses  dans  les  troupes  auxiliai- 

méme  que    le   pantomime   auquel  se  res   de  France,    que   ne    l'étaient  les 

rapportent   ces    paroles  de   Juvénal ,  amours  d'Anacréon.  La  manière  dont 

mo  li  sa  'tante  Bathy  fin  (3).  N'est  -  ce  il  raconte  la  chose  est  trop  belle  dans 

pas  vouloir  que  Juvénal  et  Anacréon  son  latin  ,  pour  être  traduite  :  An  id 

aient  été  contemporains  ?  potiùs  omet   quod   pat  rwu  no  sir  01  uni 

(B)  Polycrate lui  fit  dresser  une  memorid  in    copiis  auxUiaribus  vidit 

statue.  ]  Quelques-uns  croient  que  Ju-  Galtia? 
vénal  en  a  parlé  ,  lorsque  s'adressaDt 
aux  dieux  ,  il  dit  : 


incla   ca- 


•  •   •  .   .    Ut  video ,  nullutn  discrimen  haben- 

dutn  etl 
Effigies    inter  vestras ,    slatuamque    Balhjl- 

U  (4). 


Serica   chm     dominant    ducebant 

p  pila  m  y 
Cui  nitidum  cornu  muJto  radiabat  ab  auto  , 
Et  tegmenletlis  splrmlebatit  letnpora  viltis. 
llla  rosâ  et  myrto  séTtisque  recenùhus  ilutt 
Altum   vincha     caput ,     dilectœ    conscia  for- 

ma,  (8). 


D'autres  lisent  Vagelli,  au  lieu  de  Voilà  un  morceau  d'anecdotes,  dont 
Baihylli.  Cette  statue  de  Bathyllus  apparemment  plusieurs  lecteurs  cher- 
était  au  temple  de  Junon  à  Samos  ,  cherotft  les  circonstances  ;  une  chèvre 
devant  l'autel.  Apulée  en  afait  une  des-  maîtresse  de  quelque  général  italien, 
crij.tion  fort  particularisée  (5).  et   menée  en   pompe  avec  des  orne- 

(C;  Chabot  s'est  trompe  en  l'appe-     mens  de  poupée.  On  ne  saurait  pous- 
lant    pantomime.  ]    Hic    Bathyllus  ,     ser  plus  loin  par  des  explications  for- 
dit  -  il  (G) ,    samius  fuit  pantomimus    cées  le 
Anacreonti   in  maximis  deliciis.  Son 
erreur  vient  apparemment  des  idées 
qu'il    avait  d'un    autre   Balhylle  ,    à 
qui  le  titre  de  pantomime  convenait 
1res  -  bien  ,    comme  on  le  verra    ci- 
dessous. 


(1)  Iloral. ,  Epod.  XIV. 

(?.)  Andr.   Scbot.    Nnt.    ad   Senec.    Controv. 
rœ/".,  Ub.  V,  pag.  484,  edil.  Tli.  de  Juges. 

(3)  Elles  sont  dans  la  VIe.  Satire  ,  vs.  63. 

(4)  Juvénal.  ,  Sat.  XIII ,  vs.  118. 
f5)  Apul.  Floridor. ,  pag.  35o  ,   35i. 
(6)  Cfcab. ,  in  Horat. ,  Epod.  XIV. 


Novimus  et  qui  le  transversa  tuentibus  kir- 
cis  (9). 

Ces  anecdotes  firent  des  affaires  à 
RI.  le  Fèvre.  Il  n'est  pas  fort  à  propos  , 
dit-il  (10),  qu'on  sache  que  j'ai  fait 
les  vers  du  Bouc  couronné.  M.  votre 
père ,  a  qui  j'ai  autrefois  récite  Vhis- 

(7)  Vie  des  Poètes   grecs,  pag.  48,   e'dit.  de 
Hollande  en  1680. 

(8)  Epitt.  dedical.   Anacreont. 

(9)  Virgil.  ,  Eclog.  III,  vs.  8. 
(10}  Poêles  Grecs  ,  pag.  54- 


BATHYLLUS.  i67 

toirc  de  la    Chèvre  dont  il  est  parlé  testables  en  leur  vie,  qu'ils  traînoienl 

dans  la  Dédicace  d' Anarréon  ,  et  qui  avec  eux  des  chèvres  ,  pour  s'en  servir 

n'ignore  pas  de  quelle  manière  je  fus  à  leurs  vilenies  plus  que  brutales  ;  qui 

traite  dans  le  sanhédrin,  vous  dira  mes  fut  cause  que  puis  après  en  tous  les 

misons.  Voici  de  quoi  faciliter  la  re-  lieux  par  où  ils  avaient  passé  les  chèvres 

cherche   de   ce  fait.   Le   duc  de   Ne-  furent  tuées  et  jetées  en  la  vorerie  par 

mours,  ayant  assiège  Lyon  ,  l'an  i562,  les  paysans.  C'est  alors  sans  doute  que 

fut  contraint  de  se  retirer ,  abandonné  Ton   vit  cette  chèvre  si  parée ,  dont 

par  trois  mille  Italiens,   qui  déserte-  parle  M.leFèvre.  C'était  celle  du  «é- 

rentjaule  d'être  payés  a  point  nommé,  néral.    Les    soldats    vérifièrent    alors 

Leur  vie  avait  été  si  licencieuse  ,  que  cette  sentence  de  Claudien  : 

les  paysans  ne  jugèrent  pas  la  pouvoir  Tr         , 

ea  pier  qu'en  brillant  toutes  les  chèvres  U"'"e  £?""  Utaoi  ™  mor"  ca,tra  Je1"un- 
des  lieux  par  où  ils  avaient  passé  (n). 

J'aime  mieux  citer  M.  Varillas  que  ,  auteur  c'e  Y  Histoire  des  choses 
D'An bignë  ,  qui  nous  apprend  que  le  "^morables  avenues  en  France  depuis 
duc  de  Guise  ayant  voulu  que  celuide  ,,an  ï  |47  >  jusqu'au  commencement  de 
Nemours  commandât  au  siège  de  £n  1 59l>  raconte  'es  mêmes  choses. 
Lyon  ,  Tavannes  fit  dissiper  l'armée ,  J ^  ^es  enirefait es ,  dit-il  (i5),  le  sieur 
mécontenta  les  italiens,  disant  ne  de  layaiies  vint  de  Bourgogne  jtliquës 
pouvoir  mener  ii  la  guerre  des  gens  qui  a  lrms.  heues  P'ès  de  fyoh ,  faisant 
forçaient  les  enfans  et  les  chèvres,  eslat  d  ^saillir  la  ville  ;  mais  il  en  es- 
chose  si  connue  au  pays  ,  que  les  t.°U  tl0P  loin?  "'  cn"^>^n  qu'il  eust 
paysans  n'en  laissèrent  aucune  en  vin  s  P^us  de  cin(l  millc  hommes  ,  outre 
après  Uur  départ  (12).  Le  même  histo-  trois  mi"e  Italiens  ,  conduits  par  le 
rien  raconte  que  le  baron  Des-Adrets,  c,°"lte  d'^nguesole  (16)  ,  et  soudoyez 
menant  ses  gens  au  combat  contre  le  "uPaPe-  C°s  Italiens,  qui  estoient  les 
comte  de  Suze,  leur  dit  pour  toute  ha-  Plus  Srânds  pitlars  du  monde,  tral- 
rangue  :  Les  voila  les  tueurs  de  fem-  nolc'u  aPrès  eux  force  chèvres,  et  se 
mes  et  enfans,  et  les  amoureux  de  mesloient  brutalement  avec  les  bes- 
chèvres  :  donnons  (i3).  D'Aubignc  tes  '  etc'  (x7)  *l  paraît  par  tous  ces 
sans  doute  savait  cela  par  une  tradi-  autenf?,'  <l»l,J«  fait  dont  il  s'agit  con- 
tion  toute  fraîche,  et  avait  lu  un  lus-  cern<;  lan  ï56a.^  Mais  voici  un  c'eri- 
torien  qui  nomme  les  chefs  de  ces  in-  vai.",f/.lil  t!onnc  d'autres  circonstances, 
fûmes  soldats  ,  et  qui  raconte  que  Ta-  "  L  lllsto""';  de  fiance  ,  dit  -1/(18), 
ou  peu  satisfait  de  l'arrivée  *  nous  rapporte  que  k  duc  de  Fevers, 


vanne 

du  duc  de  Nemours  qui  devait  com 
mander  au  siège,  ou  n  espérant  aucun 
bon  succès  du  siège,  se  retira  en 
Bourgogne;  qu'ensuite  le  duc  de  Ne- 
mours tira  droit  en   Dauphiné  ,  où  se 


»  passant  d'Italie  en  France  ,  pour 
»  venir  au  secours  du  roi  ,  dont  la 
»  maison  de  Guise  tâchait  d'envahir 
»  la  couronne ,  sous  prétexte  de  reli- 
■»  gion  ,  y  amena  avec  lui  deux  mille 


firent  plusieurs  exploits  (14)  ;  mais  le     "  cll,vl,'s  couvertes  de  caparaçons  de 

»  velours  vert,  avec  de  gros  galons 
»  d'or.  Elle  ne  nous  laisse  pas  en  mè- 
»  me  temps  lieu  de  douter  à  quel 
»  usage  servaient  ces  chèvres,  puis- 
»   qu'elle   nous  dit ,  qu'autant    qu'il  y 

»  avait  d'officiers ,  c'étaient  autanl  de 

pape  firent  beaucoup  de  maux  par  où  "  «maîtresses  pont  eux  et  pour  lui.  » 
ils  passèrent,  et  pillèrent  jusques  aux  ,c  "î10  de  Nevefs  es!  sans  doute  Louis 
souliers  des  pauvres  ladres  qu'ils  trou-  ^e  Gonzague,  qui  épousa  Henriette 
voient  ,   et   au   reste  si  vilains   et  dé-    de   élevés,    le    \  de    mars    i5GJ.    Or 


comte  JC Anguesol ,  conlinue-t-il ,  se 
plaignant  qu'il  n'estoit  payé  ,  se  retira 
dès  lors ,  horsmis  six  enseignes  qui 
accompagnèrent  Nemours  sous  la 
chargd  de  Brancaccio.  Ces  troupes 
d  Italiens  envoiez  et  soldoyez  par  le 


(11)  Varillns,  Cliarl.  IX,  loin.  I ,  pag.  323  , 
e'dil.  de  Hollande. 

(12)  D'Anbigné,  tom.   I ,  pag.   214,  h  l'ann. 
i562. 

(i3)  Lanterne,  pag.  208. 

(1  11  Théodore  de  Bèzc  ,  Histoire.   eedésinst.  , 
'"'■  X/,  pa^.  23o  ,  à  l'ann.  l56i. 


(ô_)  Pag.  255  ,  e'dit.  de  i5gq. 

fn>  Théodore  de  Rcze  /.•  nomme  ainsi ,  pag. 
229  de  son  Histoire  ecclésiuliqne. 

1*7/  ''■  nUK  i<-  supprime  ici  en  mot  à  mot  ce 
qu'on  vient  de  voir  aujr  dernières  lignes  du  pat- 
sage  de  Théodore  de  Bèze. 

1  >S)  Mcmoircid"Artngnan  ,    tom.   III,   pag: 


[68 


BATHYLLUS. 


nous  ne  lisons   pas  qu'il  soit  passe  tragique,  la  comique  ,  et  la  sati- 

d'italie  en  France,  avec  un  corps  de  _;„„-»    p„  „'„„».  „„„  „„>,.n^  „     r  * . 

.               D         cc                     ,v...  rique.  L*e  n  est  pas  qu  elle  en  lut 

troupes,   1  an    1002   :   son   expédition  A       ,,                  x  .    ^, 

regarde  l'an  1567.  Il  était  lieutenant  un  mélange;  mais  c  est   que  ces 

général  dans  le  marquisat  de  Salaces,  deux   pantomimes   conservèrent 

et  dans  ce  qui  restait  du  Piémont  à  la  le    caractère    de    chacune    dans 

France,  et  il  reçut  ordre  d'en  tirer  les  l'exécution    de    leur     ieu.     Il    y 

troupes    aguerries,    que  Ion   Y   tenait  .                                          i-rc 

en  reserve  (19)  ;  et  ayant  paye,  de  l'ai-  avait  entre  eux  cette  difïerence  , 

gent  que  le  pape  lui  envoya,  une  par-  que   Bathyllus  excellait   dans   le 

ne  des  montres  qui  étaient  dues  à  ses  comique  (D) ,  et  Pylade  dans  le 


soldats,  il  les  lira  de  son  gouverne 
ment  au  nombre  de  treize  mille  ,  entra 
dans  le  Dauphiné  ,  leva  le  blocus  de 
Lyon  ,  assiégea  et  prit  Mâcon  ,  et  alla 
joindre  le  duc  d'Anjou  en  Champa- 
gne (20).  Voyez  Davila,  au  IVe.  livre 
de  son  Histoire  (21).  De  deux  choses 
l'une,  ou  l'on  vit  deux  fois  en  France 
ces  chèvres-là  ,  ou  on  ne  les  vit  point 


tragique  (c).  L'émulation  qui 
régnait  entre  eux  forma  deux 
sectes  qui  ont  duré  assez  long- 
temps :  chacun  laissa  des  disci- 
ples ,  qui  se  piquèrent  de  faire 
fleurir  l'école,  et  de  perpétuel- 
le  nom   de  leur  maître  (d);  car 


dans  l'armée  de  Louis  de  Gonzague  :  les  sectateurs  de  Bathyllus  s'ap- 

et    quoi  qu'il   en    soit,    les  Mémoires  „~l.,;orit.     n„,l     //•         i    ~r          à~ 

,1'Aii^n.n ,  '„i,  ..     »I     •  pelaient   JJalfiylli  ,  et   ceux    de 

U  Aitagnan  peclieront  ton  purs  contre  f»    1     1       ,           r-         ' 

la  chronologie;  car  au   temps  de  ce  pylade  s  appelaient  Pjladce.  Les 

voyage  du  duc  de  Nevers  ,  la  maison  uns    et    les    autres    conservaient 

de^  Guise  ne  titcliait  pas  d'usurper  le  les  manières  et  les  caractères  de 

trône.  Les  historiens  protestans  ,  qui  îa„„  „i,„r     t„    J      „       J 

parlent  des  chèvres  de  l'an  ,56a     ne  .}   CÏwC'    La    daUSe    de  ceux"« 

disent  rien  de  semblable  touchant  les  était  grave,    et  propre  à   exciter 

troupes  du  duc  de  Neversen  1567  (22).  les    grandes   passions   de    la  tra- 

Or  personne  n'ignore  que  leur  silence  gédie  :  la    danse  de  ceux-là  était 

ne  soit  là-dessus  extrêmement  signi-     pr,^,,^       „«    „„    „„ t    -,  .    j 

ficatif*.  enjouée,    et  se  rapportait  a  des 

aventures  d'amour  ,  et  à  des  su- 
jets comiques.  Elle  remuait  tel- 
lement    la     concupiscence,     et 
donnait  des    tentations  si  victo- 
rieuses  aux   spectatrices  ,   qu'on 
n'oserait  dire  en  français  ce  que 
Joiïoio' entière  flis,0"'e ',cs  Troubles '*liv-  ni<    Juvénal  a  dit   en    latin   (E;.  Les 
*  De  tous  les  écrivains  que  Bayle  cite  dans    Romains  se  partagèrent  en  fac- 
ttv£T^&Z£5»?  •"l'ditL-    tiens    pour   ces    deux    célèbres 

pantomimes  ;  et  il  semble  même 
BATHYLLUS  d'Alexandrie  (a),  que  les  partisans  de  Bathyllus 
affranchi  de  Mécène  qui  l'aimait  eurent  une  fois  le  crédit  de  faire 
beaucoup  (A),  et  Pylade,  furent  bannir  Pylade  (e).  La  faveur  de 
inventeurs  d'une  nouvelle  ma-  Bathyllus  auprès  de  Mécène  peut 
nière  de  danser  toutes  sortes  de  autoriser  cette  conjectur 
pièces  de  théâtre  (B).  Cette  nou- 


(19)  Varilhs,  Hist.  de  Charles  IX  ,  tom.  II, 
pag.  102,  édition  de  Hollande. 

(20;  Là  même,  pag.   io3. 

(21)  Davila,  Histoire  des  Guerres  civiles  de 
France, /n-.  IV,  pag.   i83. 

(22;  Voyez  d"Aubignê,  tom.  I  ,  liv.  IV, 
chap.  XII,  pag.  3i4;  ^'Histoire  des  Choses 
mémorables,    pag.     i?.Q  ,    et    La    l'opelinière. 


n  en 


velle  manière  fut  appelée  Itali- 
que (b)   (C)  ,  et   comprenait   la 

(a)  Atlien. ,  lib.  I ,  cap.  XVII. 
{b)  Suidas,  t'n  nt/>.aefnç.   Atheo.,  lib.  I, 
cap.  XVII. 


(c)  Al  lien.  ,  il/id.  Plutarchus  ,  S^mp.  . 
lib.  VII,  cap.  VIII. 

(d)  Seneca,  Nalural.  Question.  ,  lib.  VII \ 
cap.  XXXII.  Vojtes  Sautuaise  in  Garinum 
Vopisci;  Vossius,  Inst.  Poelic. ,  lib.  II, 
cap.  XXXVIII. 

(c)  Dio,  lib.LIV. 


TUTIIYLLUS.  169 

déplaise   à  Macrobe  (F).    Voyez    tus  ,  quoique  Lipse  l'eût  corrigée  (3) 
ce  que  nous  dirons  dans  l'article    l°fqu  fl  rajusta  deux  passages  de  Jé- 

dr,  11       .    c  ..  .  neque  ,  1  un    desquels    portait  ,    lia- 

e  Pvlade  11  est  fait  mention  thyllo -MœcenateU) ,  au  lieu  de  Ba- 
de Batliyllus  dans  la  VHP.  fa- 
oie  du  Ve.  livre  de  Phèdre.  L'au- 
teur du  Supplément  de  Moréri 
a  parlé  pertinemment  de  ce 
pantomime;  mais  il  a  mal  cité  , 

caria   citation    de  Plutarque   ne    *ut  faite  sous  Auguste  de  la  danse  des 

se  rapporte  qu'à  une  petite  par-    Promîmes     inconnue  auparavant, 

\l     „     t-  1  4.         11         ]       de  la  quelle  Pylade  et  Batliyllus  lurent 

tie    de    1  article;     et    celle     de    les  auteurs.  Athénée,  quana  il  parle  de 


thyllo  Mœcenalis  ;  et  l'autre ,  si  vanto- 
mimus  essem,  pantillus  esseni.  (5) ,  au 
lieu  de  si  panlomimus  essem,  Balhyllus 
essem.  Zosimc  est  conforme  à  Suidas 
(6)  :  il  met  entre  les  causes  de  l'ébran- 
lement de  l'empire  l'introduction  qui 


...,  quanti  il  ] 
Lucien   a   deux   grands  défauts:    son  chef,  nomme  seulement  B 


thyl- 


l'un  ,  que  le  livre  de  Pantomini  1,,si  mais  quand  il  cite  Aristonicus, 
Scend,  auquel  on  renvoie  le  N  n°mrne  aussi  Pylade  (7).  Il  est  vrai 
1      ,  *  ,.     ,  „  que  pour  trouver  cela  dans  son  texte  , 

lecteur,  est  une  chimère  ;  1  au-  il  y  faut  corriger  un  mot  de  la  manière 
tre,  que  le  traite  de  Saltalione  ,  que  M.  de  Saumaise  le  corrige  tout- 
où  Lucien  a  dit  quantité  de  à-fait  bien  (8).  Le  grec  porte 
choses  des  pantomimes,  ne  parle 
point  en  particulier  de  Batliyllus 
et  de  Pylade.  Je  crois  avoir  dé- 
couvert la  source  de  cette  mau- 
vaise citation  (G). 


(A)  //  était  affranchi  de  Mécène  qui 
l'aimait  beaucnup,~\  Voyez  le  scholiaste 
de  Perse  sur  ces  paroles  de  la  Ve.  sa- 
tire :  [  vs.  123.  ] 


Très   lanlum    ad 
Bathylli, 


numéros     salrrt     moveare 


et  considérez  ce  passage  du  chapi- 
tre LIV  du  Ie».  livre  des  Annales  de 
Tacite  ,  Indulserat  si  ludicro  Augus- 


TOV   TOV     BotOi/AXOV  ,     <$M3-/V  'Apiç-OVfXOÇ    KXt 

rTi/?.«.cfi>ç  ,  bù  \ç)  xa.t  0-iyyfa.uy.u.  Ttpi 
op%inrîa>ç  ,  tmv  'It«.Mx»v  opXylT'''  o-uçi- 
a-xT^nt  sx.  t«ç  X.G//IKÎK,  etc.  Il  faut  lire 
nt/xsctfnv  et  traduire  ,  Aristonicus  ait , 
Bathyllum  hune  et  Pyladcm  qui  li- 
brum  de  saltalione  scripsit ,  ilalicam 
sallationem  compnsuisse  ex  cnmied , 
etc.  Jl  n'y  a  nulle  apparence  que  tant 
d'autres  écrivains  ayant  fait  partici- 
per Pylade  à  la  gloire  de  l'invention  , 
ou  la  lui  ayant  conférée  toute  entière, 
lui-même  dans  un  livre  public  Tait 
donnée  toute  à  son  rival.  Ce  nassace 
cl  Athenee  a  servi  au  même  critique 
pour  corriger  Suidas  (g).  De  la  ma- 
nière que  le  texte  de  Suidas  est  rangé, 


ts  dura  Mœcenati  obtempérai  ejf'uso  on  y  trouve  que  Pylade  a  écrit  de  la 

in  amorem  Bathylli.  Consultez  aussi  danse   italique  qu'il   avait  inventée, 

Dion  ,  au    livre  LIV;    et  Sénèque,   à  de  la  danse  nommée  comique,  de  la 

la  préface  du    Ve.  livre  des   Contro-  danse  tragique  ,    de  la   danse  satiri- 

verses.  que  (10).  Wolfius  et  Emilius   Poilus 

(B)  Lui    et    Pylade  furent  inven-  l'entendent  ainsi,  parce  qu'ils  n'ont 

leurs  d'une  nouvelle  manière  de  dan-  P°™t  VU  de  fautes  dans  ces  paroles  : 

ser  les  pièces  de   théâtre.  "]  Suidas  dit  'Eypi-^e  ^J?)  ô^n'«a>çT»f 'lT*wit«c,  â-rir 

expressément  qu'Auguste  inventa  la  t'7r   <*i/'tgû  tupi&ni.  Tlipi  rrîic  x&>//ix>k   x*- 


danse  des  pantomimes  ,  Pylade  et 
Balhyllus  étant  les  premiers  qui  l'in- 
troduisirent (1).  Chacun  sent  que  Sui- 
das veut  dire  qu'Auguste  fut  le  pre- 
mier qui  autorisa  ,  et  qui  établit  l'in- 
vention de  ces  deux  grands  bala- 
dins (2).  Il  y  a  dans  le  grec  de  cet 
auteur  Ba.K%i»,i<Siu  :  cette  faute  est  de- 
meurée dans  le  Suidas  d'Einilius  Por- 

(1)  Snidas,  in' Op/jiTiç . 
(a)  V oj-ez  Zosimc  .  fit».  /. 


Xof//êv»ç  opXn<na>ç kcli  t>k  o-cnuçiiinç. 

M.   de  Saumaise  prétend    qu'au  lieu 

(3)  Lipsius  in   Tacil.  Annal.  ,  lib.  I,  pag.  63 . 

(4)  C.ontroveis. ,   Prtef.  ,  Ub-  V. 

(5)  Pra-f.  ,  lib.  III  Epilom. 
{6)  Zosim.  ,  lift.  /. 

{-)  Aihen.,  Itb.  1 ,   cap.  XVII,  pag-  îo. 

(8)  Salmas.  ,  in  Carinum  Vopi»ci ,  pag.  83i, 
edit.  Lugd.  Bat.,  ann.  1671. 

(q)  Idem,  ibid.  Vores.  Vossius,  inslit.  Pocl. , 
lib.  II ,  pag.  180. 

(io)  Sui<t.  ,  m  nvhifnç. 


170 


BATHYLLUS. 


de  vip  tmç  xu/AiKÎiç ,  il  faut  lire  àwo 
•tmç  «a)//iK«5  ,  et  ainsi  du  reste  5  en 
sorte  que  le  sens  soit  que  Pylade  a  fait 
un  livre  touchant  la  danse  italique  , 
qu'il  avait  inventée  et  formée  de  la 
comique  ,  etc.  Il  est  sûr  que  .  par  ce 
moyen  ,  Suidas  dirait  une  chose  qu'A- 
thénée rapporte  positivement.  C'est 
aux  lecteurs  à  juger  s'il  ne  pourrait 
pas  être  vrai  que  le  livre  de  Pylade 
traitait  en  détail  de  trois  anciennes 
sortes  de  danse  et  de  cille  qu'il  avait 
substituée  à  ces  trôis-là  ,  qui  nécessai- 
rement devait  diflérer  de  chacune , 
encore  qu'ellelesretîntpeut-être  toutes 
en  leur  entier. 

(C)....  qui  fut  appelée  italique.]  J'ai 
mieux  aime  m'expliquer  ainsi,  que  de 
dire  simplement  que  Pylade  et  Ba- 
thylius  inventèrent  l'art  de  représen- 
ter une  pièce  de  théâtre  par  la  danse  , 
et  par  le  mouvement  des  mains.  Je 
n'ignore  pas  que  bien  des  auteurs  en 
parlent  comme  d'une  chose  qui  ne 
commença  que  sousAuguste;  car,  outre 
les  autorités  citées  dans  la  remarque 
précédente,  il  est  srtr  que  Suidas  dit 
quelque  part,  qu'en  ce  temps-là  (c'est- 
à-dire  sous  cet  empereur) ,  fut  intro- 
duite In  danse  des  pantomimes  ,  in- 
connue auparavant  ,  outto)  TrpoTêfov 
ot/s-a,  (11)  Zonare  en  met  aussi  l'éta- 
blissement sous  Auguste  (12).  Mais 
comme  M.  de  Saumaise  a  fait  voir  in- 
vinciblement que  la  coutuined  action- 
ner la  poésie  dramatique  par  le  mou- 
vement des  pieds  et  des  mains  était 
beaucoup  plus  ancienne  que  Bathyllus 
et  que  Pylade  (i3j,  il  vaut  mieux  dire 
qu'ils  n'ont  fait  que  perfectionner  cet 
art ,  et  que  s'en  servir  d'une  nouvelle 
façon.  Il  croit  qu'avant  eux  les  panto- 
mimes ne  faisaient  leurs  danses  et  leurs 
gesticulations,  que  pendant  qu'on  re- 
présentait la  tragédie  ou  la  comédie  j 
et  que  ces  deux-ci  furent  les  premiers 
qui  se  détachèrent  de  tous  les  acteurs, 
et  qui  introduisirent  la  danse  toute 
seule  sur  l'orchestre  (i4)-  ^e  dirai  ail- 
leurs (i5)  de  quels  nouveaux  agrémens 
Pylade  enrichit  l'art  qu'il  professait. 
Lipse  a  cru  être  le  premier  qui  eût 
découvert  qu'Auguste  a  été  l'inventeur 
de  cette  danse  (16).   La  découverte, 

(11)  Suid. ,  in  'AÔMVÔdco/lOf . 

(12)  Zonaras,  lib.  I. 

(i3)  Salm. ,  in  Carinura  Vopisci  ,  pag.  82g. 
(1/,)  Ibidem,  pag.  83o,    83i. 
(i5)  Dans  l'article  de  ce  Pïladb. 
(16J  fcips. ,  in  Tacit.  Annal.,  lib.  I. 


comme  on  voit ,  n'est  pas  trop  heu- 
reuse. 

(D)  Bathyllus  excellait  dans  le  co- 
mique. ]  Athénée  (  1 7)  et  Plutarque  (18) 
nous  apprennent  la  différence  qui  était 
à  cet  égard  entre  ces  deux  baladins. 
On  la  peut  fort  bien  recueillir  de  ces 
is  de  Sénèqùé  le  père  :  Quidam 
meliùs  equitem  pntiuntur ,  quidam ju- 
i;iun  ,  et  utadmorbum  temeuin  voceni, 
Pylades ,  in  comœdiâ ,  Bathyllus  in 
ti  .  edid  multùm  à  se  aberant  (ig).  La 
suite  du  discours  montre  qu'il  s'agit  là 
de  faire  voir  ,  que  l'on  n'est  pas  éga- 
lement propre  à  diverses  choses.  Mais 
encore  que  chacun  de  ces  pantomimes 
eût  le  fort  et  le  faible  que  j'ai  marqué , 
ils  ne  laissaient  pas  de  se  mêler  tous 
deux  du  tragique  et  du  comique.  Ba- 
thyllus n'était  pas  le  seul  qui  jouât  les 
pièces  où  il  fallait  représenter  des  per- 
sonnages qui  se  remuaient  beaucoup  , 
comme  les  Pans  et  les  Satyres  en  régal 
avec  l'Amour  :  on  voit  que  Pylade  se 
signala  à  représenter  une  fête  donnée 
par  Bacchus  à  des  bacchantes  et  à  des 
satyres  (20).  Vossius  ,  qui  a  mis  un  tel 
sujet  dausle  partage  de  Bathyllus  (21), 
n'avait  pas  assez  pris  garde  a  la  docle 
dissertation  de  Saumaise. 

(E)  On  n'oserait  due  en  français  ce 
que  Juvénal  a  dit  en  latin."]  Qu'ainsi 
ne  soit ,  voici  les  termes  de  Juvénal 
dans  la  VIe.  satire,  vs.  63. 

Chironomon  Ledain  molli  sahanle  Balhyllo 
Tiucia  vesiccB  non  imperat  :  Apula  gannil 
Sicul    in    amplexu    :   subUum    el    miserabde 

Ion  g  uni 
Attendu  Thymele  :  Thymele  tune  rustica  dis- 
cit. 

Le  père  Tarteron  jésuite  a  supprimé 
ce  latin  dans  sa  nouvelle  édition  de 
Juvénal  (22)  ,  qu'il  a  traduit  en  fran- 
çais. Il  a  supprimé  d'autres  passages 
pour  les  raisons  qu'il  allègue  dans  la 
préface.  Cela  soit  dit  en  passant. 

(F)  //  semble  que  les  partisans   de 

Bathyllus firent  bannir  Pylade:  la 

faveur  de  Bathyllus  peut  autoriser  cette 

conjecture,  n'en  déplaise  a  Mucrobe.] 
Il  dit  que  Pylade  encourut  l'indigna- 

(17)  Lib.  I  ,  cap.  XVII. 

(18)  Sympos.  ,  lib.  VII ,  cap.  VIII. 
(i9)Epitom.  ,  lib.  III,  Prtefal. 

(20)  Voyez  les  deux  r'pigrammes  grecques 
rapportées  par  Saumaise  sur  le  Carin  de  Vo- 
pisc. ,  pag.  835. 

(21)  Vossius,  tnslil.  poët. ,  lib.  II,  pag.  1S1. 

(22)  Elle  est  de  Paris,  en  x68'J. 


BATHYLLUS. 

lion  d'Auguste,  à  cause  que  la  dis- 
pute qui  régnait  entre  lui  Pylade  ,  et 
îlylas,  qui  avait  été  son  élève,  avait 
excite  une  sédition  parmi  le  peuple. 
La  réponse  qu'il  met  dans  la  bouche 
de  Pylade  :  Sire ,  vous  êtes  un  ingrat , 
laissez-  les  s'occuper  de  nus  dijferens 
(a3),  est.  la  même  que  Dion  lui  prête. 
Dion  rapporte  que  ce  pantomime ,  rap- 
pelé' de  son  exil ,  et  gronde  par  Au- 
guste de  ses  querelles  avec  Bathyllus, 
lui  répondit  :  il  vous  est  avantageux  , 
César,  que  nous  amusions  le  peuple, 
et  que  nous  l'empêchions  défaire  atten- 
tion a  d  autres  choses.  2uu<tîpa  o-oi , 
litx.iTz.p ,  Tnpi  iijuÂ;  tov  énjuov  diroJ'ia.rpi- 
Qit^-xi.  Expedit  libi ,  desar  ,  populum 
noOts  intention  tempus  consumere  {i\). 
Prendra  parti  qui  voudra  pour  Ma- 
crobe  cintre  Dion  :  pour  moi,  je 
donne  la  préférence  à  celui-ci;  et  je 
trouve  fort  vraisemblable  que  ce  ne 
lut  point  en  faveur  d'Hylas  ,  mais  en 
faveur  de  Bathyllus,  que  l'empereur 
se  f;lcha  contre  Pylade.  Nous  verrons 
dans  l'article  de  celui-ci  l'opposition 
qui  est  entre  Dion  et  Suétone. 

(G)  Le  Supplément  de  Morérï  cite 
mal  touchant  Bathyllus  ....  et  je  crois 
avoir  découvert  la  source  de  celle  niau- 
t'aise  citation.']  il.  de  Sau niaise  cite 
plusieurs  fois  Lucien  ,  qui  a  fait  un 
beau  traité  de  la  Danse.  Entre  autres 
endroits,  il  rate  celui  qui  contient  la 
description  de  l'équipage  du  pantomi- 
me ,  s'il  m'est  permis  de  parler  ainsi 
pour  exprimer  tous  les  inslrumensqui 
accompagnaient  la  danse.  Or,  avant 
que  de  citer  Lucien,  il  se  sert  de  ces 
paroles,  Lucianus  de  Panlomimi  scenâ 
et  apparatu  :  il  ne  prétend  point  dé- 
signer aucun  titre  de  livre  ;  mais  seu- 
lement la  matière  d'un  certain  pas- 
sage qu'il  va  citer.  Néanmoins  M.  Hof- 
man  s'y  est  trompé  ;  car  ,  après  avoir 
dit  une  partie  des  choses  qui  regar- 
dent le  pantomime  Pylade  dans  le 
livre  de  .M.  de  Saumaise  ,  il  nous  ren- 
voie à  Lucien  de  Pantomimi  scenâ  et 
appar.  :  et ,  comme  il  met  ces  paroles 
eu  Italique  ,  il  ne  faut  point  douter 
que  le  Continuateur  de  Moréri  n'ait 
trouvé  là  un  panneau,  où  il  a  donné 
tout  de  son  long. 

(2Î)  Ksi;  d^a.piçç7ç  ^a.m\iu  ;  s*s-ov  etv- 
ru/i  -i:i  «y.îç  à.TfrMÏ7*)u.i.  Macrob.,  Salur., 
lit.  II,  cap.  VII ,  m  finr. 
(î4)  Dio,  lib.  LIV,  ad  ann.   7Ï6,  pag.  610. 


BAUDERON.  171 

BATHYLLUS,  poêle  latin, 
contemporain  de  Virgile.  Voyez 
dans  le  Supplément  du  Diction- 
naire de  Moréri  ce  qu'on  peut 
savoir  de  lui.  Il  faut  seulement 
y  ajouter  cette  circonstance,  que 
la  seconde  affiche  de  Virgile 
commençait  par  le  distique  que 
Bathyllus  s'était  approprié ,  et 
qu'après  cela  on  lisait ,  Hos  ego 
versiculos  feci ,  etc.  Il  ne  fallait 
point  citer  le  Gi raidi ,  qui  est 
un  auteur  moderne ,  mais  la  Vie 
de  Virgile  par  Donat.  Je  ne  sais 
point  où  Charles  Etienne  a  pé- 
ché son  Bathyllus  excellent  poète 
tragique,  qui  ne  réussissait  pas 
si  bien  dans  les  comédies. 

BAUDERON  (  Brice),  médecin 
français,  natif  de  Parei  *' ,  dans 
le  comté  de  Charolais,  a  fleuri 
vers  la  fin  du  XVIe.  siècle,  et 
an  commencement  du  XVIIe. 
Il  travailla  avec  beaucoup  de 
succès  sur  la  composition  des 
rnédicaniens ,  et  il  publia  une 
Pharmacopée  (A)  ,  qui  s'est  ac- 
quis une  très-grande  autorité  *2. 
Elle  est  en  français.  Il  s'établit 
a  Màcon  a),  et  y  pratiqua  assez 
long-temps  la  médecine.  C'est 
de  ce  lieu-là  qu'il  date  la  préface 
d'un  livre  latin,  qu'il  fit  impri- 
mer à  Paris,  l'an  1620  (B) ,  et 
dans  laquelle  il  nous  apprend 
qu'il  avait  quatre-vingts  ans  ,  et 

*'  Ou  Paray  ,  il  y  était  ne  ,  dit  Joly  ,  en 
l53q. 

*a  Lcclerc,  dans  sa  Bibliothèque  de  Hichc- 
let ,  raconte  que  Sénecé  étant  à  Paris,  en 
1715,  entra  chez  un  apothicaire  pour  acheter 
quelques  drogues;  et  qu'ayant  été  par  ha- 
sard reconnu  pour  arrière-petit  -fils  de  Bau- 
deron  ,  l'apothicaire  ne  voulut  pas  recevoir 
son  argent  ,  par  reconnaissance  et  respect 
pour  la  mémoire  de  l'auteur  de  la  Pharma- 
copée. 

(a)  Voyez  au-devant  de  sa  Praxis ,  etc.  . 
les  vers  /rancais  de  Jean  Baptiste  Verjus 
Maçonnais 


i7a  BAUDIER. 

qu'il  pratiquait  la  médecine  de- 
puis cinquante.  Il  n'était  plus 
en  vie  l'an  1623  (b). 

(6)  Voyez  la  remarque  (A): 

(A)  //  publia  une  Pharmacopée.'] 
Elle  a  été  imprimée  plusieurs  fois.  Jean 
de  Renou  a  observé  que  la  seconde 
édition  est  de  Lyon  ,  chez  Benoist  Ri- 
gaud ,  en  i5g6-  et  que  la  troisième 
est  de  Lyon,  chez  Pierre  Rigaud  ,  en 
i6o3  (i).  Il  a  dit  aussi  qu'il  avait  vu 
dans  la  troisième  la  faute  qu'il  avait 
critiquée.  Notez  qu'il  fait  cette  re- 
marque dans  un  livre  qui  fut  imprimé 

l'an  1623,  etqu'ily  repousse  la  plainte  passé  en   la  campagne   a  llalie 
du  fils  de  Bauderon  ,  et  qu'il  l'exhorte    île  Vannée  1640. 

édition  est  de  Paris,   en   1620, 


BAUDITJS. 

débitèrent  assez  Lien.  Je  n'ai 
connaissance  que  des  livres  sui- 
vans  :  Inventaire  de  l'Histoire 
générale  des  Turcs  (a);  V His- 
toire du  Sérail;  celle  de  la  Re- 
ligion des  Turcs;  celle  de  la 
cour  du  roi  de  la  Chine  ;  la  Vie 
du  cardinal Ximénés ;  la  Vie  du 
cardinal  d'Amboise ,  la  Vie  du 
maréchal  de  Toiras  ;  Y  Histoire 
du  ministère  de  Romieu  ;  le  Sol- 
dat Piémontais  ,  racontant  du 
Camp   de    Turin    ce   qui    s'est 


à  être  plus  diligent  une  autre  fois  a 
bien  examiner  et  éplucher  de  près  les 
écrits  de  son  père  pour  les  rendre  clairs 
et  intelligibles  a  tous  ceux  de  sa  pro- 
fession ,  au  lieu  de  les  noircir  et  ob- 
scurcir davantage  (2).  Inférons  de  là 
deux  choses  :  l'une,  que  notre  Baude- 
ron n'était  point  en  vie  en  i6s3  *  j 
l'autre,  que  sa  Pharmacopée  a  paru 
avec  quelques  additions  de  son  fils. 
Elle  a  été  traduite  en  latin  par  un 
Anglais,  nommé  Philémon  Holland. 
Cette  traduction  fut  imprimée,  avec 
quelques  autres  pièces  de  même  genre, 
à  Londres,  l'an  1609,  in-folio,  et  à 
la  Haye,  en  1640,  m-12  (3). 

(B)  Il  fit  imprimer  un  livre  latin, 
a  Paris  ,  l'an  ifiao.]  C'est  un  in-^°. 
de  849  pages,  intitulé  Praxis  in  dws 
tractalus  distincta  :  in  priore  agitur 
defebribus  essentialibus  ,  tam  simpli- 
cibus,  quam  eompositis,  conjusis,  er- 
raticis  ,  malignis  ,  ac  pesliferis  ,  et 
symptomaticis  in  génère  et  specie  cu- 
randis  :  in  posteriore  ,  de  Symptoma- 
tis  et  Morbis  internis  ,  h  capite  ad  pe- 
des  usque. 

(1)  Renou,  Amidotaire,  liv.  VI ,  chap.  IV, 
pag.  73  de  la  traduction  française  ,  edit.  de 
Lyon,  en  1637. 

(2)  L'a  même.  Voyez  l'article  Renou. 
*  Il  est  mort  en   1623  ,  dit  Joly. 

(3)  Mercklini  Lindenius  reno  valus  ,  pag- 133. 

BAUDIER  (Michel),  gentil- 
homme du  Languedoc  ,  a  vécu 
sous  le  règne  de  Louis  XIII.  Il 
publia  plusieurs  livres ,  qui  le 
mirent  sur  le  pied  d'un  auteur 
fécond  et  laborieux ,   et  qui  se 


(a)  La  2e 
tn-4°. 

BAUDIUS  (Domimque),  pro- 
fesseur en  histoire  dans  l'acadé- 
mie  de   Leyde  ,  naquit  à   Lille, 
le  8  d'avril  i56i.  H  commença 
ses  études  à  Aix-la-Chapelle.  Son 
père  s'y  était  retiré  avec   sa  fa- 
mille pendant  les  fureurs  du  duc 
d'Albe  ,  et  y  mourut  l'an  1 576. 
Notre  Baudius,  alla  peu  après  à 
Leyde ,  afin    d'y    continuer    ses 
études.  Il  ne  s'y  arrêta  que  huit 
mois;  et  s'en  alla  ensuite  à  Gand, 
où  sa    mère   s'élait    retirée,    et 
d'oii   elle  l'envoya  à  Genève.  Il 
y  étudia  en   théologie,    et  y  fit 
toutes    les    fonctions  de    propo- 
sant. 11  revint  à  Gand  ,  en  l'an- 
née   i583  ,    et  y    continua    ses 
études  de  théologie  sous  Lambert 
Daneau,  puis  il  passa  à  Leyde, 
ou  s'étant  fort  appliqué  pendant 
quinze    mois    à    l'étude    de    la 
jurisprudence,  il  fut   reçu  doc- 
teur en   droit  au  mois   de  juin 
i585.  Quelques    jours   après,  il 
suivit  les  ambassadeurs  que   les 
États-Généraux    envoyèrent^  en 
Angleterre  ,  et  s'y  fit  connaître 
à  plusieurs  personnes  d'impor- 


BAUDIUS.  i73 

tance  ,  et  nommément  à  l'illus-    tions.  Il  était  grand  poêle  latin 
tre  Philippe   Sidnei.  Il  fut  mis    (D)  :  les  vers  que  l'on  a  de   lui 
sur   la  matricule  des  avocats  de    ne  permettent  pas  d'en  douter, 
la  Haye,  le  5  de  janvier  i58^  ;  et,    Il  en  fît  de  plusieurs    espèces, 
se    dégoûtant  bientôt    du   bar-    et  en  grand  nombre  ,  et  ils  ont 
reau   (A)  ,    il    alla    voyager     en    été  réimprimés  assez  souvent.  Il 
France  (B),  oii    il   s'arrêta  pen-    mourut  à  Leyde  le  22  d'août  161 3 
dant   dix    ans  (C).    11  s'y   fit   de    (e).    11   avait    eu  dans    les   der- 
bons    amis  ,   et  il  y    trouva  de    ni  ères  années  de  sa  vie  quelques 
grands  patrons.  Achille  de  Har-    mortifications  (E).  Ce  n'était  pas 
lai  ,  premier  président  au  parle-    un   de    ces   docteurs   belliqueux 
ment  de  Paris,    fut  du  nombre    dans  le  cabinet,  qui  ne  veulent 
de  ces  derniers,  et  le  fit  recevoir    ni  paix  ni  trêve  ,  et  qui  traitent 
avocat  en  parlement  l'année  1592    de    malintentionnés     contre    la 
(a).  Baudius  fit   le  voyage  d'An-    patrie  tous  ceux  qui  ne  rejettent 
gleterre  l'an   1602  ,  avec  Chris-    point  comme  un  poison  dange- 
tophe  de   Harlai  ,   qu'IIenri-le-    reux ,   et   comme  un  piège  fu- 
Grand  y  envoyait  en  ambassade    neste,  les  olfres  et  les  offices  des 
(b).  Ce  Christophe  était  fils  uni-    médiateurs  de  paix.    Il  exhorta 
que  de  M.  le  premier  président,    fortement  messieurs  les  Etats  à 
Enfin  Baudius  se  fixa   à  Leyde ,    la  trêve  avec  l'Espagne.    Il  est 
y   avant  été  nommé  professeur    vrai    qu'il    n'osa   point    mettre 
en   éloquence   au  mois    de  mai    son  nom  à  la  tête  de  deux  Haran- 
1602.  11  fit  des  leçons  sur  l'his-    gués  qu'il  publia  sur  ce  sujet (/). 
toire,    après    la    mort    de    Me-    Il  est  vrai   encore   que  ces  deux 
rula  :  il    eut    aussi    permission    Harangues  (F) ,  et  les  vers  qu'il 
d'en  faire  sur  la   jurisprudence,    fit  pour  Spinola,   excitèrent  de 
L'an  161 1,   messieurs   les  Etats    grands  murmures  (G).  Cette  hu- 
partagèrent  entre  lui   et  Meur-    meur  pacifique  ne  regardait  que 
sius   la  charge   de  leur  historio-    l'état    public;   car    d'ailleurs    il 
graphe  (c);  et  ce  fut  eu  consé-    n'était  pas  ennemi  des  querelles 
quence  de  cela  qu'il  fit  Y  Histoire    poétiques  :  il  les  soutenait  d'une 
de  la  Trêve  (d).  Cet  ouvrage  est    manière  si  emportée ,  que  je  ne 
bien  écrit.  Le  style  de  Baudius    crois  pas  que  les  poètes  du  paga- 
était  fort  poli,  comme  il  paraît    nisme  les  plus  fameux  par  le  lit! 
par    ses    Lettres.    Ses    amis    en    de  leurs  médisances ,  les  Archi- 
publièrent  un  assez  grand  nom-    lochus  et   les  Hipponax  ,    aient 
bre  après  sa  mort ,  et  de  temps    pu   entasser    plus   d'injures,    ni 
en  temps  on  en  a  joint  quelques    faire    un    choix    plus   exquis   de 
autres    dans  les    nouvelles    édi-    termes  diffamatoires.  Il  en  vou- 
„    ,  .  laii  principalement  aux  ennemis 

(ri)   "La  Vie  de  Baudius,    que  je  citerai  ci-  '      ,       ,l  ici-  ni  • 

dessous,  met  i5ç).  ;  mais  U parait  par  sa    déclares  du  grand  bcahger.  C  e- 

ietire   XX111  de  la  /r<\  centurie,  que  ce  fut 

en  ]5o2.  sa  Vie.   Saint-Romuald  ,   dam 

(b     -'oyez  la  remarque  (C).  son  Journal  chronologique,    met  le    VJ    de 

(cj  Baudius,  Epislolâ  XCV1II,  cent-  111.  juin. 

d     Tiré  de  sa  Vie  ,  imprimée  à  ta  télé  rf<  /    U  publia  l'une  sous  le  nom  de  Lali- 

sei  J'oe'sies  et  de  ses  Leltres.   Voyez  aussi  nu,  Pacalus,  et  L'autre  sous  celui   de  Juliu- 

Meuriii  Alliea;t>  Batavae ,  pag.  l55.  uus  Rosbccius. 


,74  BAUDIUS. 

taient  des  esprits  malendurans,    téméraires  (i).  Il  consultait  trop 
et   il  aurait  fallu    être  bien   fin    les  idées  platoniques,  et  de  là  vint 
pour  faire    qu'ils    demeurassent   qu'il  fut  un  peu  trop  scandalisé 
en  reste.  Ainsi  c'était  une  grêle    des  disputes  qui  s'élevèrent   eu 
réciproque  ,    et  un    bombarde-    Hollande.  Il  en  tira  de  mauvais 
ment  alternatif  entre  l'académie    augures  ,  dont   les  uns    ont   été 
de  Leyde ,    et   le  collège  d'An-    faux ,  et  les  autres  vrais.    11  crut 
vers  (H).   Je  n'ai    point   trouvé    que  cela  ferait  changer   le  goti- 
que  Baudius  fasse   mention   de    vernement ,  il  s'est  trompé  (M)  ; 
ses    enfans;    niais    je    sais    qu'il    il   crut   que   cela   formerait    un 
laissa  grosse  sa  dernière  femme    schisme  ,  il  a  eu  raison  (N).   Au 
te-)    et   qu'il  se  maria  pour   le   reste,  ceux  qui  ont  publié   ses 
moins  deux  fois(I),   et   que  ce    Lettres  ont  procuré  plus  de  pi ai- 
n'est  pas  le  bel  endroit  de  sa  vie.    sir  et  d'utilité  aux  lecteurs,  que 
Le  vin  et  les  femmes  ont  été  les    d'honneur  à   sa  mémoire.    Elles 
deux  écueils   sur  lesquels  sa  ré-    sont    écrites    poliment   (O)  ,    et 
putation    a    fait    naufrage   (K).    pleines    d'esprit  ;     mais     il     s'y 
Cela  le  fit  mépriser,  et  l'exposa    donne   trop   de   louanges,    il  y 
à    la    risée   publique.    Ses   amis    paraît  trop  gueux  (P) ,  trop  im- 
mêmes en  firent  des  plaisante-    portun  à   ses  amis  ,    trop   men- 
ries  sanglantes ,  qui  ont  été  im-    diant ,  trop  vain ,  trop  intéressé, 
primées.    Il  ne  faut  pas    néan-    trop  déréglé.   C'est  justifier  son 
moins  croire  sur  le  dernier  chef  siècle  de  la  dureté  dont  il   l'ac- 
tout  ce  que   le  satirique  Sciop-    cuse.  C'est  par  une  partie  de  ces 
pius  a   publié  (L).  C'est  un   pas    défauts  que  plusieurs  personnes 
glissant  pour  la  bonne  renom-    de  lettres  se  font  mépriser  dans 
mée  que  certains  tempéramens.    les  lieux  de  leur  demeure  ,  pen- 
On  ne  peut  nier  que  Baudius  ne    dant  qu'ils  se   font  admirer  par- 
fût   de   complexion    amoureuse,    tout  où  l'on    ne   connaît  que  ce 
11  n'était  encore  que  proposant,    qu'ils  publient, 
lorsqu'il  se  laissa  coiffer  d'amour        Quelque    long   que    soit    déjà 
pour  une   fille  qui  logeait  chez    cet  article  ,  je   ne  puis  m'empe- 
son  professeur  Lambert  Daneau    cher    d'ajouter     ici^    une    chose 
(h).  Les  remarques  nous  en  diront    assez   singulière;   c'est  que  Bau- 
davantage.    Il   était    trop    libre    dius  avait  entrepris  un  ouvrage 
dans  ses  sentimens  ,    et    même    destiné  à   la   réunion  des    reh- 
dans  ses  discours  :  il  ne  s'accom-    gions  (Q)  :  ouvrage  qui ,  comme 
modait   pas  avec    assez   de  pru-    il    l'avoue    lui-même    en    com- 
dence  aux  préjugés  du  temps  et    muniquant  son  dessein  à  M.  de 
des  lieux;  cela  n'était  que  trop    Thou  ,  demandait,  entre  autres 
capable  de  lui  faire  de  dangereux    talens  ,  beaucoup  de   piété.    On 
ennemis  ,    et   de    l'exposer    aux    verra'    ci -dessous     ses     propres 
mauvais  effets  de  leurs  jugemens   paroles. 

(g)  Elle  accoucha  d'une  Jllle  ,   après    la  (0  ^ojrez  la  remarque  (M). 

mort  de  Baudius.   Voyez  Casaul.on,  Episl.  ,^   //  ^  désmlta du  Barreau  ] 

B^^TkxVIe.U«re,^r.  »,  ^  Wallon  cornu»  lui  ne  savait £j 

jjag.-2.2tf.  assf"'-  de  flamand,  pour  plaider  avec 


BAI  D JUS.  ,75 

silccès  :  outre  qu'il  avait  besoin  d'une  Tria....  (3).  Ego  hic aut alibi  in  hoc  re~- 

occupation    qui  lui  donnât    de    Far-  no  sedem  exila  circtunspicio  :  i~nos- 

gent    comptant;  et  c'est  ce  qu'il  ne  catntihigeniuspatriœ, plané nonteneor 

faut  attendre  de  la  profession  d'avocat  revertendi  desiderio  (A).  11  allègue  à 

qu'au  bout   de  plusieurs  années.  Joi-  M.  «Il-  Tliou  plusieurs   raisons    pour- 

gnez  à  cela   qu'il  se  repaissait  un  peu  quoi  il  n'a  point  dessein  de  retourner 

delà  fumée  de  cour,  et  enfin   qu'il  en    Hollande,  et     il    emploie  celle-ci 

était  népoëte,    la    chose    du   monde  comme  la  plus  forte  :    c'est  qu'il   ne 

qui  donne  le  moins  de  goût  pour  les  pouvait  quitter   la  France    pendant 

épines  et  pour  les  chicanes  du  barreau,  qu'il  y  espérait  quelque  chose.  Nos.. 

Voyez  les  conseils  que  Ltpse  lui  donne  qui   via  non  pervulgatâ  ad   bonam 

de  persévérer  sans  impatience  (i).  mentem  adspiramus ,  non  ma"isistic 

(D)    Il  alla    voyager    en    France .]  ad  res    tractandas    idonei    censemur 

Il  avait    bonne    opinion  de    lui-mê-  quant  ôvoi  xvpctç-  vultures  togatiom- 

me  ,  et  il  s'était  mis  dans  la  fantaisie  nia  virtutis prœmia possident  bonis  de 

qu'il  obtiendrait  un  caractère  public  prçesidip  dejectis  ,  uel  (quod  deterius 

pour  voyager  honorablement.    Il  s'i-  est)  viri  Mercuriales  ,   quibus   quant 

magina  que  les  Étals  le  députeraient  benè   convenial  cum  gencre  litterato- 

au  roi  de  Navarre,  pourvu  que  sesamis  rum  discimus  magno  nostro  malo,  De- 

les  en    priassent.    Il  communiqua  sa  nique    (quœ  ratio    maxima  est)  non 

pensée  à  Juste  Lipse,  qui  était  alors  possum  a  vobis  divel/i  quamdiù  .%/>e- 

professeurde  l'académie  de  Hollande  :  culœ   locurn    l'idero  (5).    Il  fut    trop 

la  réponse  qu'il  reçut  lui  apprit   tout  heureux    de  retourner  dans  un  pays 

doucement   à    se    mieux    connaître,  dont  il    disait   tant  de   mal.    Il  pria 

Prioribus    ( litteris)  agebas  de  lega-  M.  de  Thon    de  le  placer  auprès  du 

tiunculd  ad  Wavarrenum  quo  funda-  prince    de    Dombesifi)      et   je    crois 

mento  ,  mi  Baudi,  aut  qud  spe?  Nun-  qu'il  'it  la  même  prière  à  Scaligei  17). 

quhm  id  factura,  et     ut  in  tua  per-  On  le  plaça  chez  un  honnête  homme 

sondnovum  excmplum  or.lines   insti-  q11'  ,  outre  la  table,  lui  donnait  huit 

tuant  ,   cave   credns.    Tu  hoc  et  afia  cents   francs   par    an  (8)  •   et    par    ce 

mereris  ,  sed  maie  res  humanas  nosti ,  moyen  ,  il  se  trouva  à  portée  de  s'in- 

si  mérita  inhis  talibus appendis potiùs  sinuer  dans    la  connaissance  de  tout 

quant forlunam Hoc  unum  te  mo-  ce  qu'il  y  avait  de   plus    illustre    au 

neoneprœcipitcnttetuorunivota,  pia,  parlement   de  Paris   qui  séait  alors  à 

sed  improvida  ,  qui  ad  lapsum  sœpè  Tours.  Il  écrivit  de  Caen  à  M.  de  Thou 

impellunt  dam   cogunt  festinare.   Ne  f[lu    travaillait  à  un  ouvrage  setnhla- 

sperne  honores  ,  sed  nec  avide  a  p/x -te  ,  ble  à  celui    de  George  Cassa  rider  (a). 

et  qui  eo  minorent  teputantqui  rares,  Je   a>'   sais  si  jamais  personne  a   mis 

tu  eos  habe  pro  minuits  (2).  Cela  est  Baudius  dans  ia  liste  des  pacificateurs 

très-bien  pensé  :  Sénèque  ne  saurait  (''"  religion.    II  travailla  à  faire  appe- 

rien   dire  de  plus   judicieux.   On  ne  1er  Juste  Lipse  à  Paris ,  el  il  fut  très 

profita    guère  de  ce    bon  avis:  nous  fiché  que   cette  affaire  se  négligeât: 

verrons   dans  la   remarque   (C)    que  c;u'  il   trouvait  en  cela  un  grand  mé- 

Baudius  demeura    toute  sa  vie  entêté  compte.  Il  souhaitait  de  revoirie  pays 

de  dépurations  et  d'ambassades.  natal,    sans  que  les  frais  du  voyage 

(C) ou  il  s'arrêta  pendant  dix  1«»  coûtassent  rien,  etd'une  manière 

ans]  Il  témoigne  dans  quelques-unes  'JU1  l"1  A*  honneur  ,  et  qui  lui  four- 

<!e  ses  lettres  ,  qu'il  avait  dessein  d'y  nîf  "«.prétexte  de  se  donner  des  airs  r 

finir  ses  jours,  pourvu  qu'il  y  trouvât  *'  avait  espéré  la  commission  de  dé 


une  condition  raisonnable.  JEgrè 
entra  œgrè  Gallium  desero ,  nec  de- 
seram  ,   nisi  desertus    al    omni   tvtk- 


du 

dam 

édil. 


(1)  Ils  soal  dant  une  lettre  dater 
d'octobre  t.iS-  ;  elle  e<t  la  XXVI" 
IV*.  centime  de  celles  de  Baudius, 
Lerde ,  en  i65o. 

(a)  I.ipse  ,  dans  une  lettre  datée  du  moit  de 
septembre  i58S  :  elle  est  la  XXVII".  „ar/;n 
celles  de   Baudius,  k  la  centurie  IV. 


(3)   Band  us,   Epist.   V  II,  cent.  I,  pag.  21  : 
elle  est  datée  de  Caen,  le  1er.  de  juin  i:m,i. 

(4;   Id.m,   Epist.  VIII,  ejusdem  eeiituria , 
pag.  22. 

(5    Idem,   Kpist.  VI,  cent.  /*«.,  pag.  iS. 
I  'idem. 

(•;;  Epist.    VIII,  page  21. 

(8)  Scipio    Sardmius.    Voyez   la    r.citrf   de 
M.   Ser»in   a    Maudins,   pag.    38  des  Letir 
Bandius.  Voyex  aussi  pag.  &t. 

(9)  Fpist.  VII,  pag.  20. 


,76  BAUD 

pute  auprès  de  Lipse  ;  n'était-ce  pas 
de  quoi  se  fâcher  que  l'on  s'empressât 
si  peu  à  Paris  de  faire  venir  ce  grand 
homme?  Lipsio  equidem  omnia  sum- 
ma  cuvio ,  et  ob  honorent  hominis  ,  et 
ob  amorem  litterarum.  Sed  lamen  mei 
potissimum  commodi  ratio  a  me  duce- 
batur,  chm  tam  ambitiosis  flagitatio- 
nibus  iioc    agebam  ,    ut   hue  evocare- 
tur.  Stiadebat  enirn  voluntas ,  et  rerum 
mearum  status  urgebat ,  ut  in  patriam 
excurrerem  :  quod  ut  sine  sumptu  meo 
et  cumnonnullddignitatefieret,  btlla 
occasio  evenisse  videbalur ,  si    quod 
spe  ne  uotis  prœceperam  ,  publico  no- 
mine  ad  eum  accersendum  legatusfo- 
rem(io).    Lorsqu'il    écrivait     cela   à 
M.  de  Thon  ,   ses  affaires  étaient  en 
mauvais  état  (u)  :   il  se  tenait  à  la 
campagne  ,  parce  que  sa  bourse  était 
trop  mal  garnie  pour  qu'il  pût  s'en- 
tretenir à  Paris.    La    lettre    suivante 
(ïi)  fut  écrite   en    prison    au   même 
M.  de  Thou  :  il  lui    marque  que  per- 
sonne  ne  voulait  être  sa  caution  ,  et 
que  sans  cela  le  bon  office  de  M.  Ser- 
vin,  à  la   recommandation  duquel  le 
iuge  du  lieu  lui  avait  été  favorable, 
lui  était  très-inutile.  11  était  à  Paris  en 
i597>    P,ein   d'une    prétention   trop 
présomptueuse.     L'envoyé   des    Pro- 
vinces -Unies  était  si  malade ,  qu'on  ne 
croyait  pas  qu'il  en  réchappât.  Bau- 
dius,  se  flattant  de  recueillir  cette  suc- 
cession ,   écrivit  en  diligence  à  Scah- 
ger,  et  le  pria  de  le  servir  pour  lui 
faire  avoir  le  caractère  d'envoyé  des 
États-Générauxauprèsd'HenrilV(i3). 
Scaliger  lui  fit  à  peu  près  la  même  ré- 
ponse que   Lipse   lui  avait  faite    dix 
ans  auparavant  (i4).  Baudius  écrivit 
en  1598  aux   deux    envoyés    de  Hol- 
lande  à  la  cour  de  France ,  pour   les 
supplier  très-humblement  de  lui  pro- 
curer quelque  emploi  au  service  de  la 
patrie  fi5).  Au  mois  de  juillet  de  la 
même  année  il  se  trouvait  en  prison. 
C'était  pour  des  affaires   civiles,    c'é- 
tait pour  avoir  été  caution  trop  légè- 
rement. In  carceremconjeclus  sum  nul- 
lum  ob  Jlagitium,  sed  ob  inconsultam 


(10)  Epist.  XLI,  cent.  Ve.,  pag.  66, 
du  mon  d'août  i595. 

(11)  Voyez   la  XLIlc.    et   la  XLIII' 
de  la  /,e-  cent. 

(12)  C'est  la  lettre  XLIV. 
(i3)  Lettre  XLV,  pag.  *o. 

(i!\)  1  oyez  ci-dessus  la  citation  (2). 
(i5)  CY</n  lettre  XLVIl. 


date'e 
lettre 


1US. 

spondendi  temeritatem  (16).   Il  passa 
en  Angleterre  l'an  1602  ,   avec  Chris- 
tophle  de  Harlai  ,    auquel  il  avait  été 
donné  pour  secrétaire  ,    pour  conseil- 
ler ,  pour  homme  d'étude.  Profectus 
sum  in  Angliam,  ut  ex  sim  àconsttiis, 
à  secretis  ,  ub  inlerioribus  studiis  (1  7). 
Il  passa  la  même  année  en  Hollande  , 
et  y  devint  professeur.  C'est   tout  ce 
que  ses  Lettres  m'ont  appris  touchant 
son  séjour  en  France.  11  se  croyait  si 
propre  à  une  ambassade ,   et  il  avait 
tant  d'envie  d'en  goûter ,  que  sa  pro- 
fession  de  Leyde  ne    put   le    guérir 
de    cette    passion.   Surtout   il  aurait 
voulu  être  choisi  pour  aller  féliciter 
Henri IV  ,  aunomdes  États-Généraux, 
lorsqu'il   courut  une  nouvelle  que  ce 
prince  avait  été  élu  roi  des  Romains. 
Si  qua  occasio  aperitur,  ut  extra  or- 
dinem  publico  nomine  in  Galliam  le- 
gari  possem,  mulliim  Jelicitati  meœ 
gralularer.  Sedhœc  œgri  somma  sunt, 
ut  et   rumor   il  le    qui  pervagalur    de 
Gallo    designato    rege    Rornanorum. 
Quod  si  tamen    ita   esset ,    cùm  insit 
in  incredibili  sœpè  méritas  (18)  ,  et  in 
verisimili  mendacium  ,    non  disconve- 
niret    magnijicentiœ   iltustrissimorum 
ordinum  ,  mitti  qui  publicam  lœtitiam 
secundâ  oratione  testarentur  { 19).  L'an 
1607,  il  passa   en  Angleterre  ,   pour 
présenter  ses  poésies  au   roi  Jacques, 
et  il  lui  monta  dans  la  fantaisie  de  se 
faire  députer  vers  ce   prince  par  les 
États- Généraux.   Il  pria  M.    Vander 
Myle ,  gendre  de  Barnevelt ,  de  recom- 
mander ce  dessein  à  son    beau-père  ; 
et  il  ne  douta  pas  que  Barnevelt  n'in- 
ventât quelque    bon   prétexte  de  dé- 
putation.     Cela  ne    réussissant   pas  , 
Baudius   fit   ce  à  quoi  il   se  préparait 
à  tout  hasard  :  il  fit  le  voyage  en  qua- 
lité de  son  propre  député.  Si  ampits- 
simiordines  aliquidhuic  mortali  man- 
dare  dignarentur  quod  nnstra  vox  de- 
ferret  ad  aures  régis,  forte  nihiladmit- 
terent  cujus  eos  pœnitereposset ,  et  mihi 
tumgaudiolumhonoi  i.esset  reip.  causa 
legari ,  tiec  Baudii  negotium  omitte- 
re (20).  Sin  frustra   mecum  hœc 

(16)  Epist.  XLVrtl,  pag.  74. 

(17)  Epist.  LV,  cent.  Iie. ,  pag.  80. 

(18)  Voyez  ci-dessus  la  remarque  (F)  de  l'ar- 
ticle Acathon. 

(19)  Baudii    Epistol.  LXXI,  cent.   Ire-,  pag. 
lo3,  date'e  de  Leyde,  le  26  de  mars  i6o3. 

(20)  Baudius,  Epist.  LXIV,  cent.  II  ,p"g- 
a  53. 


B  AUDI  US. 


Manda  somnia  meditor  ibï  a  me  Icga- 
lus  (21). 

(D)  //  était  grand  poêle  latin.  ] 
Voyez  le  jugement  que  font  de  ses 
poésies  M.\l.  Borrichius  (22)  et  Mor- 
holius  (-23).  La  première  édition  n'est 
point  de  l'an  1607  (24)  ,  mais  de  Tan 
1587  :  il ia  dédia  à  Pierre  Regemorte- 
rus.  Cette  épître  dédicatoire  est  la 
IIe.  des  lettres  de  Baudius.  Il  avait 
publié  à  part  un  livre  d'ïambes  Tan 
1091  ,  dédie'  au  cardinal  de  Bour- 
bon (25).  11  dédia  quelques-uns  de  ses 
Poèmes  au  roi  d'Angleterre  ,  et  quel- 
ques autres  au  prince  de  Galles  ,  dans 
l'édition  de  L'année  1607  ;  et  il  passa 
la  mer,  pour  faire  lui  -  même  son 
présent  à  ses  deux  héros.  Il  eut  la 
cruelle  mortification  de  s'en  retourner 
chez  lui ,  sans  avoir  reçu  ni  denier  ni 
maille  de  ces  deux  princes  :  tout  le 
;;aiu  qu'il  fit  à  ce  voyage  fut  de  deve- 
nir leur  créancier;  ce  qui  valait  beau- 
coup moins  que  la  dépense  qu'il  avait 
faite.  Voici  ses  complaintes  et  ses  do- 
léances (26).  Arbitror  le  ex  indicio 
famœ  factura  esse  certiorem  ,  me  su- 
periori  mense  Augusto  transfretdsse 
in  magnam  Britanniam ,  cujus  et  Mo- 
narckœ  de  manu  in  manum  tradidi 
Salisberiaci  Poëmata  mea  ,  quorum 
minus  malumearmen  hernïcum  ejus  ho- 
nori  inscribitur.  Duo  verb  G  nom  arum 
lambicarum  libri  dedicati  sunt  prin- 
<  tpi  Britannianim  ,  quoeum  horam 
ampliùs  unam  familiarilcr  sum  collo- 
cutus.  S'eil  lui  fine  stetit  omnis  regia 
liberalitas  ,  nec  teruncio  factus  sum 
propensior  ,  ut  vel  meo  exemplo  li- 
quere  possit7  magnos  terrarum  domi- 
nos posseperdere,  non  donare.  Intérim 
nonpoeniletsuscepti  itineris ,  nisiquod 
te  non  ojfenderim.  IVam  et  liabeo  re- 
ges  debendi  reos  ,  et  otim  forsfuat  in- 
leiliget 

'  Hv  stT»v,  bt"  sic iç-ov  'A£siiâ>v  oùS'h  «Tis-e. 

(ll.I.4ia.) 
Durabo  ,  et  memet  rébus  servabo  secundis. 
(lEn.  I.  an.) 

(E)  Il  avait  eu  dans  les  dernières 

années  de  sa  vie  quelques   niortijica- 


(21)  Ibidem,  paç.  254- 

(22)  Dis,ert.  de  Poët.,  pair.  i^o. 
(ii)  Pnlyl,i5|or. ,  pag.  3o6. 

I.    Baillet  l'a   cru.    Jugement 
Poët.,  num.  i385. 

(2S)  Voyez  la    IXe.  lettre  de    la  I".  centur. 

(2'J)    Epist.    XCI,    centur.    IIe,    pas-     298, 
dau:<!  du  5  mai  1608. 


77 


tions.~]  On  le  fit  postuler  long-temps 
une  augmentation  de  gages  ,  quoi- 
qu'on ne  put  point  ignorer  les  persé- 
cutions assommantes  qu'il  souffrait 
de  ses  créanciers.  Il  ne  demandait  que 
d'entrer  dans  la  secte  des  millénaires , 
c'est-à-dire  d'obtenir  que  ses  gages 
allassent  jusqu'à  mille  francs  (27)  ;  et 
à  peine  put-il  obtenir  cela  après  une 
infinité  de  basses  sollicitations,  lors- 
que la  pension  de  Scaliger  fut  parta- 
gée à  plusieurs  autres  professeurs. 
Alultis  collegarurn  aucta  sunt  stipen- 
dia, quo  nomine  illis  gratulor,  non 
invideo  :  sanè  omîtes  videntur  quasi 
facto  agmine  concurrisse  ad  cernen- 
dam  hœreditatem  et  legenda  spolia. 
maximivirorumJosephiScaligeri(i%). 
Lœsus  esse  videor  quod  prœleritis 
comitiis  nulla  sit  habita  Battdii  ratio 
nec  in  augendo  peculio ,  nec  in  causa 
ordinariatiis ,  quùm  tamen  multi  colle- 
garutn  ctiam  plura  oblinueri.nl  qu'am 
ausi  erant  sperare  (29) .  Alors  même  , 
le  pauvre  Baudius  fut  le  dernier  dont 
ou  se  souvint ,  quoiqu'il  alléguât  qu'il 
avait  contribué  autant  que  qui  que 
ce  fût  à  attirer  ce  grand  homme  dans 
la  Hollande  (3o).  Enfin  on  lui  aug- 
menta sa  pension  ;  mais  on  oublia  à 
un  autre  égard  ses  instances  redou- 
blées :  on  le  laissa  professeur  extraor- 
dinaire, quoiqu'il  ne  Cessât  d-'pui- 
long-temps  de  demander  place  parmi 
les  professeurs  ordinaires,  afin  de 
jouir  du  droit  de  suffrages  dans  les 
assemblées  de  l'académie  ,  sans  quoi 
il  ne  pouvait  avoir  part  aux  émolu- 
mens  qui  reviennent  dés  promotions. 
Intcllexi  hesternd  die  ex  sermone  nos- 
tri  Heinsii  heroïs  ,  habitant  esse  Ban- 
dit rationem  in  supplemento  peculii. 
Quo  nomine  plurimum  me  collegio 
Curatorum  ,  in  prii/tis  autem  beneuo- 
lenliœ  tuœ  ,  debere  confiteor.  Sed  si 
eâdemoperâ  in  ordincm  redactus  essem, 
nulldex  parle  beneficium  <  laudicaret. 
Nisi  forte  honorificenlius  est  quod 
extra  ordinem  nobis  ob  sedulant  i  1 
publico  munere  obeundo  curam  ac  dim 
ligentiam  prœmium  sit  decrelum, 
qu'am  si  adscriptus  essem  manipulo  or- 
dinariorum.  Jtfiki  quidem  judicia  bo- 


les     pa* 


(27)  Voyez  la  Xe.  lettre  de  la  IIIe.  cent., 


TO.ME    III. 


(28)  Ibidem. 

pist.   ull.,  cent.  II  ,pag.  3i3  :  elle  e. 
datée  du  14  février  1609. 
(3o)  Pag.  3,4. 

12 


BAUDIUS. 


norum  et  optimal  voluntatis  conscien- 
tia  poiior  est  om/ii  prœrogativd  senten- 
tiœ  dicendœ  :  tamen  aliquid  dandum 
estfamœ,  et  publico  hominum  errori 
(3i).  Notre  homme  n'avait  guère  pro- 
fité du  conseil  de  Juste  Lipse.  Je 
fais  plus  de  cas,  disait-il,  de  l'estime 
des  honnêtes  gens  ,  et  du  témoignage 
de  ma  conscience  ,  que  du  privilège 
de  donner  ma  voix;  mais  si  faut- il 
qu'on  accorde  quelque  chose  a  la  re- 
nommée, et  a  l'erreur  populaire.  Voilà 
comme  on  aime  à  se  flatter,  et  à 
tromper  le  public  :  on  veut  jouir  des 
honneurs  ,  et  de  la  gloire  de  les  mé- 
priser en  même  temps.  Je  ne  me  sou- 
cie point  d'un  tel  grade,  ou  d'une  telle 
prérogative  ,  dit-on  \je  sollicite  néan- 
moins pour  l'avoir  :  c'est  parceque 
le  vulgaire  me  méprisera,  si  je  ne 
puis  l'obtenir.  Mais  qu'avait  dit  Lipse 
à  Baudius  ?  Regardez  comme  de  pe- 
tites gens  ceux  qui  vous  mésestimeront 
à  cause  qu'ils  ne  vous  verront  pas  fa- 
vorisé de  la  fortune.  Si  Baudius  avait, 
profité  de  cette  sage  maxime  ,  aurait- 
il  dit  qu'il  faut  donner  quelque  chose 
aux  opinions  populaires  ?  Laissant  là 
cette  digression  morale  ,  je  dis  que  ce 
professeur  ne  mourut  pas  sans  parve- 
nir au  droit  du  suffrage.  Il  fut  mis 
enfin  dans  la  classe  des  professeurs 
ordinaires  (32)  •  mais  par  la  maxime, 

Turpïus  ejicitur  quhm  non  admittitur  hospes, 
(Ovid.,Trist.,.lib.  V,  Eleg.  VI,  vs.  343.) 

il  aurait  mieux  valu  qu'il  n'y  eût  pas 
été  mis;  car  on  l'en  dégrada  :  et ,  par- 
ce que  durant  cette  suspension  il 
avait  pris  le  haut  bout  d'un  profes- 
seur ordinaire  dans  un  enterrement , 
on  lui  fit  une  rude  mercuriale  en  plein 
conseil  académique,  où  on  le  cita  pour 
plusieurs  autres  raisons  (33).  Je  ne 
dis  rien  de  la  défense  qu'on  lui  fit  de 
réciter  la  Harangue  qu'il  avait  pré- 
parée contre  les  écoliers  de  Leyde,  qui 
avaient  commis  séditieusement  mille 
désordres  (34).  On  lui  défendit  aussi 
de  la  publier.  Elle  a  été  publiée  de- 
puis. C'est  une  très-bonne   pièce.   Je 

(3i)  Baudii  epistola  VI ,  cenlur.  III ,  datée 
du  i3  mai  ilioç). 

(32)  Cela  n  était  pas  fait  encore  le  17  mars 
1610.  Voyez  la  lettre  XV  de  la  III'.  centnr. 
Celaétaitfaitlez'imars  161X.  Voy.  /«LXXIX*. 
Lettre  de  la  même  centur. 

(33)  Voyez  la  XCIX*.  lettre  de  la  IIIe. 
centur.,  pag.  470,  datée  du  2  de  juillet  1612. 

(34)  L'an  1608.  Voyez  la  LXXXlYe.  et  la 
LXXX\  IIe.  letlre  de  la  IIe.  centur. 


n'ai  pas  dit  qu'on  lui  ôta  la  profession 
en  jurisprudence  (35) ,  et  que  le  con- 
seil académique  lui  déclara  ,  le  jour 
qu'il  fut  agrégé  au  corps  des  profes- 
seurs ordinaires,  qu'il  marcherait  le 
dernier  de  tous  (36).  Il  ne  voulut  pas 
se  soumettre  à  cette  sentence  ,  et  allé- 
gua encore  son  lieu  commun  ,  qu'il 
fallait  donner  quelque  chose  aux  er- 
reurs du  peuple.  Belles  chansons.'  for- 
titer  contemno  et  sloudjîrmilate  con- 
coquo  ineplias  illas  et  concertationes 
de  loco  ,  quùm  ad  rectum  rationem  et 
ad  serium  ac  severum  judicium  rem 
exigo.  Sed  obsecundandum  est  populo 
et  scenœ,  cujus  calculo  magni  sœpc 
viri  ex  ejusmodi  inanibus  vel  œstiman- 
turvel  depreliantur  (3^) .  C'est  décla- 
rer nettement  que  l'on  règle  sa  con- 
duite ,  non  pas  sur  la  droite  raison 
bien  connue ,  mais  sur  des  sottises  po- 
pulaires bien  connues.  Passons  à  d'au- 
tres choses  :  sa  mauvaise  économie  le 
fit  tomber  dans  la  misère ,  et  sous  la 
main  de  ses  créanciers,  d'une  manière 
qui,  en  sa  personne,  faisait  quelque 
déshonneur  à  l'académie  :  ainsi  on  le 
mit  en  curatelle  comme  incapable  de 
l'administration  de  son  bien.  Ut  libé- 
rer ab  imperiosd  auctoritate  curatoris 
homo  jam  quinquagenario  major,  née  , 
ut  opinor,  œtatis  vitio  delirus  ,  aut  ad 

agnatos  et  gcnliles  remittendus dc- 

decus  verô  publicumfue.rit  nos  in  hoc 
regno  libertatis  adminislralione  bo- 
norum  prohiberi ,  quasi  rébus  nostris 
superesse  non  possimus  (38).  Nous 
parlerons  ci-dessous  du  concubinage 
qui  le  rendit  le  jouet  de  tout  le  pays. 
En  un  mot,  ce  pauvre  homme  essuya 
tant  de  chagrins,  qu'il  dit  dans  une 
de  ses  lettres  (39) ,  qu'il  aurait  mis  fia 
à  sa  vie  ,  si  Dieu  ne  nous  ordonnait 
de  nous  tenir  dans  ce  poste  jusqu'à  ce 
qu'il  nous  en  retire.  Son  courage  et  le 
vin  le  soutinrent.  II  ne  s'étonna  point 
lorsque  la  faction  de  ses  collègues  le 
menaçait  de  le  chasser  delà  chaire  de 
jurisprudence,  ou  de  l'obliger  au  si- 

(35)  Ce  fut  sans  aucune  note  de  déshonneur: 
JYec  ordine  motus  est  quasi  nescius  exercendi r 
sed  honesid missione  donatus,  stipendiis  nullam 
partem  imminutis,  ut  onere  suhlevarelur.  Meur- 
sius,  Atlien.  Bat.,  pag.  i56.  Voyez  aussi  Baud., 
epist.  LXXIX,  centur.  III  ,  pag.  445- 

(36)  Epist.  LXXIX,  centur.   III. 

(37)  Baudius,  ibid.,  pag.  447- 

(38)  Epist.  IX,  cent.  IV,  dat.  du  i3  juin 
iGi3. 

(3g)  C'est  la  XIXe.  de  la  IVe.  centur.  pag. 
4S6. 


BAUDIUS. 


79 


lcnce  par  le  grand  bruit  que  feraient  n'y  a  de  chemin  droit  que  celui  qu'ils 
les  écoliers  (  jo).  Ne  vaudrait-il  pas  suivent  (43)  ,  ou  de  l'adresse  des  ha- 
mieux  vivre  comme  un  ermite  ,  qu'a-  biles  gens,  qui  font  accroire  la  même 
vec  de  semblables  collègues  ?  chose  saus  en  être  eux-mêmes  persua- 

(F)  Deux  harangues  qu  il  fit  sur  la    des,  on  est    également    à   plaindre 

j>aix excitèrent  de  grands  murmu-    Quand  on  se  voit  exposé  comme  Bau- 

res ]  Disons  mieux,   elles  le  peu-     dius  à  la  fureur  de   la  médisance.  II- 

sèrent  perdre  ;  car  on  fit  accroire  au  ^  "*  uniuersum  obtincl ,  dit-il  (44) , 
prince  Maurice  qu'il  y  était  offensé  ,  "itio  luimanœ  malignitatis  ,  ut  nihil 
et  Ton  débita  que  l'ambassadeur  de  tam  commode  dicatur  à  uiris  alicujtts 
France  avait  corrompu  l'auteur  avec  J""iœ  et  existimationis  ,  quin  lœi>à  in- 
une  bonne  somme  d'argent,  pour  terpretaliorie  deprauari  possit....  Quid 
l'engager  à  écrire  sur  la  trêve.  11  fal-  po'iro  absurdius  eo  génère  honrinum 
lut  que  Baudius  écrivît  au  prince  et  9M*  me  rumoribus  distulerunt,  quasi 
au  secrétaire  du  prince,  pour  sa  justi-  redeinpttis  essempretio  al>  amplissimo 
lication  ;  et  qu'il  déplorât  sa  destinée,  prœside  et  legato  Jeanninio ,  ut  scili- 
qui  l'exposait  à  une  foule  de  malins  cet  inanes  logos  pro  insigni  Itberalita- 
calomniateurs  ou  de  sinistres  inter-  te  rependerem ,  et  succenluriarer  doc- 
prêtes  de  ses  paroles  (4 1).  «Je  veux  ,  tor  umbraticus  viro  in  summis  rébus 
»  disait- il   ,  que  je  n'aie   pas    assez    fitoacsubacto? 

»  connu    tous    les    faits    particuliers         ((*)  •••••  de  même  que  les  fers  qu'il 
»  pour  conseiller  ce   qui   est  le  plus    .fit  pour  $pinnla.~\  Le  marquis  de  Spi- 
»  expédient  à   la  patrie:  s'ensuit -il     nola  était  allé  en  Hollande  avant  qu'il 
»  que  j'aie  fait  l'action  d'un  mauvais    y  ''"t  rien  de  conclu  ou  pour  la  paix 
)»  sujet,  en  disant  librement  ce  que  je     ou  pour  la  trêve.  Baudius  fit  imprimer 
»  pense  dans  une  république  comme     l,n  poè'meÀ  la  louange  de  ce  marquis; 
J>  la  nôtre?  »  Quod si  per  impruden-     mais  il  en  retint  les  exemplaires  jus- 
tiam  jactum  est ,  ut  à  rectè  suadendo    (f"  à   ce  que  l'on  vît  plus  clair  dans 
mens  aberraverit,  quandoquidem  pie-    l'affaire  qui  l'amenait.  Il  en  donna  seu- 
raque  i-àv  xa.9'  Ïhclç-x.  me  latent,  circa    liment  aux  amis  les  plus  intimes.  Mit- 
quorum  cognitionem  recti  consilii  nor-    t0  l i°i  exemplum  Carminis  quo  gra- 
ma  gubernari  non  potest  :  sa  lie  m  nihil    talatus  sum  marchioni  Spinolee,  quiim 
fecisse  arbitror  prœter  ojfficium  boni     '"  hanc  regionem  illius  ergo  adveni- 
civis  ,  si  in  regno  ac  domicilio  liber-    ret-  Curavi,  ut  vides,  illud  typis  excu- 
tatis  ,    quœ  sub  ejus  prœsidio  secura     dendum.  Sed   ex    consilio    amicorum, 
conquiescit ,  ausus  sum  uti  felicitate     hactenùs    asservavi    inlra    penctralia 
temporum  quibu*  tt  sentira  quœ  velis,     restœ,  nec  communicavi nisicum  pau- 
et  quœ  senlias  fidenterejffari  liceat  (42).     cissimis  intimée  admissionis.  Ct-rlè  non 
Dans  toutes  sortes  de  pays  ,   il   n'y  a     est  "isum  consultum,utipsi  traderetur. 
que  trop  de  gens  qui  s'imaginent  qu'on    W°n  quod  illic  quidquam sit  indignum 
ne  peut  raisonner   autrement  qu'eux    constanti  viro  uel  bono  cive:  sed  quia 
sur  les  affaires  d'état,  sans  être  gagné    nnn  videtar,  etc.  (45).  On  ne  laissa 
par  les  ennemis  de  la  patrie.  Il  y  en  a     Pa;s  de  savoir  que  ce  poème  était  im- 
d'au  très  qui  sont  beaucoup  plus  éclai-    primé,  et  peu  s'en  fallut  que  l'auteur 
rés  :  ils  savent  fort  bien  qu'avec  un     no  'ut   banni.  Il  n'évita  cette  peine 
grand   zèle  pour  le   bien  public  ,   on    f|ne.  parce  qu'il  se   trouva    des    gens 
peut  opiner  d'une  manière  toute  con-    équitables  parmi  ceux  qui  examinè- 
traire  à  la  leur  ;  mais  ils  ne  laissent 
pas  de  semer  parmi  le  peuple  que  cet- 
te manière  d'opiner  sent  la  trahison. 
H  faut  qu'ils  le  fassent,  afin  d'empê- 
cher qu'on  n'ose  les  contredire.  Que 
cela  vienne,  ou  de  l'humeur  soupçon- 
neuse des  ignorans  ,  qui  croient  qu'il 


(4o)   Fpist.  I/VUI,   cent.    III,   p.   408,  4n 


(43)  Homine  imperilo  nHnquiim  quidquam  in- 
juslitu, 
Qui   msi    quod    ipse  facil  nihil   rectum 
pulal. 

Terent.  Adelpb.  Àcl.  /,  Se.  II. 
M.  Morus,  Prœf.  Notar.  in  Novnm.  Test,  vou- 
lait q„  au  lieu  d  iuiprrito,  on  mît  Jemidocto.  Ce 
'/»  iljf  a  de  certain  ,  c'est  que  dans    la    matière 
il  n'y  a  point  de  jupes  plut 


<|i      Voyez  /«11e.,    III*.   «  1V«.  lettres   de  J""*  Ct  pus  lrmer*ires ,  que  les  demi-savans. 

la  IIIe.  centur.  (44)  Baudius,    epist.    III,  ceulur.   III,    pag . 

(42)    Baudii   epistola  IV  ,  centur.  III ,  pag.  "9-  '"."■=  au«i  pag.  32J. 

-0-  (45)Ejiût.I.XXXYI1  eentur,  II'.,  pag.  îS-. 


i8o 


BÀUDIÙS. 


rent  cette  pièce  de  poésie.  Penè  mihi  cours  qui  nourrissent  celle  passion 

sletit  exilio  hœc  editionisfestinatœ  te-  sont 'pour  le  moins  la  petite  oie  des 

méritas,  nisi  sanior  pars  inspecte  car-  maximes   d'état,  arcanorum  imperii. 

■mine  me  ornni  culpà  liberdsset  (fô).  (H)   C'était  une  grêle  réciproque  et 

Une  infinité  d'autres    gens   auraient  un  bombardement  alternatif  entre  l'a- 

prononcé  qu'on  ne  pouvait  louer  ce  cadémie  de  Leyde  et  le  collège  d'An- 

marquis  sans  être  traître  à  l'état ,  et  i>ers.~\  Voyez  le  livre  intitulé  :  t^œvic- 

pensionnaire   de  la   cour   d'Espagne,  tis ,  Lusus  rhelorum  Advaticorum  ad- 

Prai'o  et  sinistro  ingenio  nati  sunt  qui  versus  Leydenses  eructationes,    mune- 

crimen  et  pêne  perduellionis  scelus  pu-  rario   Godefrido   francke/i.   C'est  ie 

tant,  siquis  assurgere  audeal  in  lau-  véritable  nom  d'un  jésuite  dont  Ale- 

dem    hoslis.   Taies   multos   alit    hœc  gambe  fait  mention  (49)  ;  cependant 


œlas  ,  et  quideru  inter  eos  sunt  qui  se- 
dent  adclavum  reip.sub  quorum  maxil- 
lis  edendum  (fa).  Ils  eussent  cru  ,  du 
moins  extérieurement,  que  quiconque 
ne  parle  pas  selon  leurs  passions  et  se 


il  attribue  le  Vœ  v'xctis  au  jésuite 
Maximilien  Habbeque  (5o).  Il  fut  im- 
primé l'an  1609.  On  y  fait  mention 
d'un  écrit  que  je  n'ai  point  vu  ,  que 
les  jésuites   d'Anvers  avaient  publié 


Ion  leurs  préjugés,  est  nécessairement  l'année  précédente  contre  un  certain 

un  traître:  et  voilà  ce  que  c'est  que  Schlaffius.  On  ferait  une  longue  liste  , 

de  ne  pas  considérer  que  la  raison  a  si  l'on  cotait  tous  les  écrits  imprimes 

diverses  faces,  et  qu'elle  ne  se  présen-  en  ce  temps-là  au  Pays-Bas  espagnol , 

te  pas  du  même  coté  à  toutes  sortes  contre lesprofesseursdeLeyde,  et  dans 

d'esprits.  Il  y  avait  même  des  raisons  la  Hollande   contre  les  jésuites.  Bau- 


particulières  pour  Baudius  :  il  était 
bon  poète  5  il  lui  venait  des  pensées 
sur  tous  les  sujets  remarquables  ;  l'ar- 
rivée du  marquis  de  Spinola  en  Hol- 
lande était  un  sujet  de  cette  nature  : 
il  était  donc  très-possible  que  Baudius 
ne  fît  des  vers  sur  ce  marquis  que  pour 
exercer  sa  muse  sur  une  belle  matière 
sans  aucune  mauvaise  intention  con- 
tre l'état.   Non  -  seulement  cela  était 
très-possible  ,  mais  même   très-vrai- 
semblable. D'ailleurs  l'espérance    de 
quelques  pistoles  ,  en  récompense  de 
quelques   vers  ,    est   fort    compatible 
avec  une  âme  bien  intentionnée  pour 
la  patrie.  Le  mal  qu'on  pouvait  dire 
de  lui,  c'est  qu'il  n'avait  pas  la  pas- 
sion du  temps ,  c'est-à-dire  ,  un  tour 
d'esprit  à  s'emporter,   à  s'effaroucher 
à  la  seule  ouïe  du  mot  Espagnol.  Il 
conservait  son  sang-froid  :   il  souhai- 
tait le  bien   public    tranquillement , 
sans  passion  ,   par  raison  seulement. 
Ego  tamen  si  lentum  hoc   negotium 
sperato  pacis  eventu  concludelur ,   ut 
ex  intimis  sensibus  i>Oi>eo  ,  non  dubi- 
tabo  virum  (  marchionem  Spinolam  ) 
affari ,  et  quidquid  hujus  est  muneris 
meque  omnem  ipsi  offerre  ,   salvo  jure 
patriœ  libertatis  (48} .  Or,  le  public  a 
besoin  de  toute  autre  chose,  et  d'une 
haine  machinale  et  aveugle.  Les  dis- 


dius  était  un  de  ceux  que  les  jésuites 
attaquaient  de  la  manière  la  plus  san- 
glante.  Il   est  horriblement    déchiré 
dans  le  f^œ  uictis.  Scribanius  l'accom- 
moda d'une  étrange  sorte  ,  l'an  1607, 
dans  son  Dominici  Baudii  Gnoniœ  , 
Commentario   illustratœ.  Baudius   ne 
niait  point  qu'il  n'eût  écrit  avec  trop 
d'emportement  contre  les  jésuites  ,  et 
il  témoignait   du   chagrin  de  l'avoir 
fait   :  il  espérait  même  que  les  per- 
sonnes équitables  ne  prendraient  pas 
à  la  rigueur  ce  qu'il  avait  accordé 
aux  licences  poétiques  :  Ulinam  rébus 
integris,  c'est   ce  qu'il  écrit  à  Swer- 
tius  (5i),  te  monitore   et   consiliario 
essem  usus  !  Liber  noster  si  non  melior, 
saltem  securior  et  lœtioribus  auspiciis 
extsset  in  lucem.  Multaque  nimis  li- 
center  ejf'usa  ,  vel  privatis  laribus  in- 
clusissem  ne  tenierè  erumperenl ,  vel , 
quod  tutissimœ  caulionis  genus  est , 
tardipedi    deo     commisissem.    Nunc 
post  culpam  admissam  séria  ringor , 
verum  haud  grauatè  ventant  impetra- 
turus  confido  apud  elegantioris  notas 
judices  etbenignos  rerum  œslimatores , 
qui  non  abrepti  prœjudicio  aut  par- 
tium  studiis  ,  in  causée  cognitione  di- 
ligenter  expendent  ,  quantum  publiais 
legibus  ac  moribus  licenlid  poëtarum 
concedatur....  Anle  omnia  et  vellcm  , 


(46)  Epist.  LXXXVI,  centur.  II,    pag.  288. 
(4^,    Ibidem.    Voyez  aussi  la  lettre  XCV  de 
m  II'.  centur.,  pag.  302. 
(48)  Ibidem. 


(4g)  Bibliothec.  societ.  Jes. ,  pag.  162. 
(5o)  Ibidem,  pag.  33;. 

(5i)   Voyez  la    lettre  LXXXVI    de  tu   IV. 
centur.,  pag.  286,  287. 


BAUDIUS. 


i8r 


et  futral  melitts,  non  tetigisse  unctos. 
JYec  prudeutissimo  consilio  factum 
esse  conjiteor  ,  quod  tela  strinxerim  in 
unU'ersam  Sotericorum  sodalitatem. 
Sunl  enim  ex  Us  mulli  ,  quos  ob  doc- 
trinam  et  uiftutis  ac  probitatis  indo- 
lent revereor  ati/ue  obserwo.  Dans  une 
autre  lettre  ,  où  il  avoue  que  son 
style  a   été    trop   emporté  ,  il  espère 


quhm  liber  iste  rcfcrt  nohis  indolent  , 
geniu/n  ,  et  i  liai  aeleremaliorum  libro- 
rum  qui  ab  eodem  paire  sunt  exposai 
(56).  Ce  qu'il  y  a  de  remarquable, 
c'est  que  Baudius  ,  qui  craignait  de 
voir  dans  le  Commentaire  sur  ses 
Gnomes  les  infirmités  dont  il  se  sen- 
tait coupable  ,  eut  ,  à  ce  qu'il  dit,  la 
consolation  de  n'y    trouver  que   des 


que  l'emportement  dont  on  use  contre  faussetés   notoiies  à   tous  ceux  qui  le 

lui    l'excusera    auprès   des  personnes  connaissaient.    Ferébar   ne    curiosus 

équitables."  Je  viens  de  lire,  continue-  alienarum  papularum  obserualor ,  ea 

y>  t-il ,  un  livre  fait  contre  moi ,  qui  mihi  ex  vero  objiceret  quee  séria  enn- 

»  est  tout  tissu  de  mensonges  ridicu-  scientiam  remontèrent ,  et  diligentius 

;>  les  ,    quoique   le  titre   ne  semblât  uwendinecessitatemimponerent.Nunc 

)>  promettre  que  la  plume  d'un  bon  quœ  de  me  inclementer  dicit ,  pleraque 

5)  ami  (5a).  »>  Serio  pœnitet  t/uœdant  talia  sunt  ut  risum  non  bilem  moveant 


mmiœ  aeerbitatis  foras  erupisse  ,  quœ 
domi  continuisse  ,  et  vellem  etjuerut 

melius Veiiimul  rem  nalam  inlel- 

ligo  ,  non  eril  mihi  sollicité  causa  dt- 
cenda  apud  œquos  judices.  Ipsa  enim 
adversariorum  procacitas  et  concilia 
sine  more effiisa  largam  materiam  mihi 
prœbenl  non  tantiim  ad  sperandam  ab- 
so/utionem,  sed ad  consequendam  lau- 
dem  moderationis  ac  modesties.  Vidi 
enim  et  evolui  hesternd  die  a  capite  ad 
calcem  librum  in  me  conjectum  ,  etc. 
(53).  Plusieurs  raisons  montrent  que 
le  livre  qu'il  venait  de  lire  est  le  Com- 
mentaire in  Gnomas  (54)-  Or  ce  Com- 
mentaire est  un  ouvrage   de  Scriba 


Us  qui  me  norunt ,  nec  ad  alios  judi- 
ces provocandum  habeo  ,  quhm  qui 
ciculis  et  sensu  communi  nondcstituun- 
tur  (57).  Pour  l'ordinaire,  c'est  le  dé- 
faut des  satiriques  ;  ils  ne  dépensent 
pas  assez  en  espions  :  ils  imputent  dos 
crimes  qu'on  peut  réfuter,  et  11  im- 
putent point  ce  qui  est  incontestable. 
Au  reste  ,  Baudius  désavoue  l'auteur 
allemand  ,  qui  avait  fait  son  apologie 
en  ebaire  contre  le  commentateur  des 
Gnomes.  Quidam  para.sitasler  pari'u- 
lus  è  Germanid  hue  adveniens  ,  me 
multum  réclamante ,  irnpetravit  a  se- 
natu  nostro  academico  ,  ut  sibi  liceret 
publiée  pro  med  dignitate  scilicel  ad- 


nius  (55)  :  cependant  Baudius  le  don-    venus   illum  declamare.  Ac  ne  quid 


ne  sans  balancer  à  Kosweide  ,  et  avec 
tant  de  persuasion  ,  qu'il  déclare  que 
rien  ne  saurait  lui  ôter  cette  croyance  : 
car ,  dit-il  ,  les  autres  livres  de  ce  jé- 
suite et  celui-ci  se  ressemblent  comme 


ad  summam  smisterilatis  deesset,  aut 
ut  capul  unclius  referret  ,  etiam  ora- 
tionem  illam  in  vulgus  edendameura- 
vil.  lestari  possum  ex  animi  senten- 
liti  ,    mihi  factum   istud  vehementer 


deux  gouttes  d'eau:  même  génie,  même  displicuisse.  Salins  enim  erat  me  de- 
humeur  ,  même  style,  même  caractère.  $eri  ab  omni  patrocinio  ,  quam  a  tant 
Concluez  de  là  en  passant  ,  que  les  infirma  tibicine  causant  nostrum  sus- 
plus  grands  clercs  se  trompent  au  ju-  tentari  (58).  J'ai  encore  à  dire  que  les 
gement  de  ces  sortes  de  conformités,  emporlemens  ,  dont  baudius  téraoi- 
et  aux  conséquences  qu'ils  en  infèrent  gne  le  plus  de  repentir,  sont  ceux  qui 
par  rapport  à  l'attribution  des  livres,  concernent  les  princes  et  les  tètes  cou 


JVon  possum  demoueri  ab  ed  senlen- 
tid  (juin  exislimem  ac  prorsùs  persua- 
suni  habeam  ,  edilorem  hujus  prœ- 
clari  jcetds  esse  patrent  Heriberlum 
Rosweidum.  JVam  non  ovum  ovo  ,  nec 


i-onnées.  11  ne  lit  pas  même  quartier 
au  roi  de  France  ,  qui  était  allié  do 
la  république.  Sed  horrifica  dictu  sunt 
quœ  in  Lojolitas  ,  in  editnrcm  Amphi- 
theatri  ,  in  impurissimum  Sclinppium 


aqua  è  puleo  tant   similis  est  aqiuv  ,    stringimus.  Alqueulinam  hoc  fine  sese 

cohibuisset  stylt  nostn  procaciifls.  Sed 
in  Pontijiccm  ,  in  Plùlippos  ,  in  Ar- 

(56)  Baudius,  epist.  LXXY,  cenutr.  II,  pag. 


(5î)  Il  dit  la  même  chose  pag.  276  louchant 
lu  •  ummentar.  in  Gnomas. 

(53)  Baudius, epist.  LXXV  ,  cenlur.  II,  pag. 
■fH),  ■iaU'c  du  10  de  novembre  1607. 

(54)  Po/ff*  touchant  ce  livre,  et  par  occasion 
touchant  Baudius,  '1-  Jnurnal  cutouologique  de 
St.-Komuald,  au  1-  de  juin. 

(.55)  Voye%  Alegambe,  pag.  -2. 


Idem,  epislola   LXXWI  .    cenhir.  /'. 
pag!  288. 
^58)  Ibidem. 


iSa 


BAUDIUS. 


chiduces  ,  in  partium  duces  evamil  vi-  hominum  curicsorum  ,  qui  in  aliorum 
rus  acerbitutts  suce ,  nec  pareil  ipsi  acta  tant  sedulo  inquirunt ,  ut  eajin- 
Liligero  régi  (5g).  §an^  qnœ  nunquam  fuerunt  ,  nihil 
(1)  Il  se  maria  pour  le  moins  deux  inveniel  quo  in  nobis  carpere  possit 
fois.  ]  Il  parle  de  la  mort  de  sa  femme  livor  ,  quant  quod  interdum ,  ad  exent- 
dans  une  lettre  du  iode  mars  1610  plum  prisci  Catonis ,  liberalius  invi- 
(60)  ,  et  il  écrit  le  21  de  février  i6/3  tari  nos  patimur ,  nec  semper  consisti- 
qu'il  s'est  remarié.  Opinor  jani  te  ex  mus  intra  sobrietatem  veterum  Sabi- 
Jamd  audiisse  me  choro  marilorum  île-  norum,  Huic  quoque  peccatulo  indies 
riiju  esse  adscriptum  (61).  Je  n'ai  pas  moderariconamur  ,et  putchrèprocedil* 
eu  le  temps  de  consulter  loutes  ses  II  exprime  plus  galamment  cela  au 
lettres  page  pour  page  :  ainsi  je  ne  second  passage  :  Malignitas  obtrecta- 
saurais  bien  répondre  s'il  fait  mention  torum  nihil  aliud  in  nobis  sugillare 
du  temps  où  il  épousa  sa  première  polest  quant  quod nimis  commodus  sim 
femme  ,  ni  s'il  dit  qu'il  ait  eu  des  en-  com'ivalor  ,  et  interdum  largius  ad- 
fans  ,  ou  non  ;  mais  je  sais  bien  que  spergor  flore  Liberi  Palris  (67).  Puis- 
cette  femme  en  avait  eu  d'un  autre  qu'il  confesse  son  péché  ,  on  n'a  que 
mari  :  car  Baudius  fait  mention  d'un  faire  de  produire  contre  lui  le  témoi- 
fils  et  d'une  fille  de  sa  femme  (62) ,  gnage  de  Scriverius  ,  qui  suppose  que 
et  il  se  plaint  même  de  la  mauvaise  Charon  ayant  mis  au  choix  de  Bau- 
économie  de  cette  fille  (63).  Le  gen-  dius,  ou  de  demeurer  dans  l'autre 
dre  ,  que  Théophile  donne  à  ce  pro-  monde  ,  ou  de  retourner  en  celui-ci  , 
fésseur  (64)  ,  pourrait  bien  être  le  à  condition  de  boire  de  l'eau ,  et  de 
tnari  de  cette  mauvaise  ménagère,  reprendre  sa  première  femme ,  Bau- 
Peut-être  aussi  que  ,  par  un  défaut  dius  choisit  le  premier  parti  (68). 
d'attenlion  ,  Théophile  appela  gen-  Voici  déjà  quelque  chose  qui  concerne 
dre  celui  qui  n'était  que  privignus.  le  second  chef:  Scriverius  n'eut  point 
L'auteur  du  fœ  victis  remarque  que  fait  une  telle  supposition  ,  si  Baudius 
Baudius  n'avait  point  d'enfans.  eût  été  en  bon  ménage  avec  sa  pre- 
7v-,,  ,„     „     ■    11    „       „,,j-  mière  femme. 

JM attira  quamvir  ttberot  neget  Uln  ,  TT      T  .       .  ,  .  . 

F.ffœie  Bcrdi  ,  nec  ubi  Baodi  ,  tua  '*■  Jamais  homme  n  eut  moins  de 

Si'miles  parenUs  Hecubajiltos  creet  (t>i>).  besoin  que  lui  de  consolation  ,  quand 

(K)  Le  vin  et  les  femmes  ont  été  les    ^^J^tu™}™*^^^™}"*  °C 


alinéa. 

I.  Sur  le  premier  chef,  il  ne  niait 
point  la  dette  :  voyez  trois  beaux  pas- 
sages sur  ce  sujet  à  la  tête  de  ses  let- 
tres ,  tirés  de  ses  propres  lettres.  Je 
ne  rapporte  que  le  premier  et  le  se- 
cond :  Conçu rrant  omnes ,  dit-il  (6G)  , 
non  dicam  ut  ille  Satyricus,  augures  , 
haruspices ,  sed  quidquid  est  ubique 

(59)  Baudius,  epist.  LVIII,  centur.  III , 
pag.  40G. 

(60)  C'est  la  XIV.  de  la  III».  centur. 

(61)  Baudius,  epist.  III,  cenlur.  IV . 

(6a)  Idem,  epist.  VIII  centur.  IV,  pag. 
/}86,   et  alibi.  r   b 

(63)  Idem,  epistola  XXII,  cenlur.  III, pag. 
3-Î4- 

(64)  Voyez  ci-dessus  Ici  fin  de  la  remarque 
{A)  de  l'article  de  (J.-L.  Guei  de)  Balzac. 

(65)  In  Epicilharismate,  pag.  i3. 

(66)  Baudius,  in  epislol.i  quddam  ad  Curatores 
Academi».  C'en  la  XXXIII".  de  la  IIIe. 
eentur.  dans  l'édition  de  i65o  :  le  vassase  e<t 
pag.  36i.  r         * 


même  chose  ;  il  lui  dit  que  notre  siè- 
cle ne  cédait  point  à  celui  qui  avait 
vu  un  Xénophon  continuer  le  sacri- 
fice ,  nonobstant  la  nouvelle  de  la 
mort  d'un  fils  5  ni  à  celui  qui  avait 
vu  Q.  Martius  aller  de  l'enterrement 
de  son  fils  au  sénat.  «  Baudius  ,  lui 
«  dit-il ,  s'est  enivré  le  jour  qu'il  a 
«  enterré  sa  femme  :  il  n'a  rien  laissé 
»  à  faire  aux  consolateurs  ;  il  s'était 
»  dit  efficacement  avant  leur  venue 
»  tout  ce  qu'ils  auraient  pu  imaginer. 
»  Le  vide  qui  est  dans  sa  bourse  lui 
»  pèse  infiniment  plus  que  le  vide 
»  que  son  lit  vient  de  souffrir.  Je  lui 
»  ai  fait  toucher  quelque  argent  :  cela 
»  lui  a  récréé  tous  les  esprits  ;  car  au 
»  lieu  de  cet  air  sombre ,  et  de  ces 
»  yeux    fichés    en  terre  ,   qu'on  lui 

(67)  Idem,  epist.    XXVI ,  centur.  III,  pag. 

(681    Voyez   le  lit're  intitule'  Dominici    Baudii 
Amores,  pag.  14. 


IUUDIUS. 


i8- 


»  voyait  ,  lout  comme  si  sa  femme 
»  eut  vécu  encore  :  au  lieu  ,  dis-je  , 
j>  Je  ce  grand  abattement,  je  L'ai  vu 
»  passer  tout  d'un  coup  à  une  espèce 
»  de  gaieté'  ».  Baudius  noster  eo  ipso 
quo  uxorem  extulitdie  vinum  gustarc 
voluit....  omnia  solatia  quœ  exulcera- 
tis  adkiberi  mentibus  soient  ipse  occu- 
pavit.   Nthil  amicis  in  luctu  reliquit 

quod  vel  imputare  Mi  possent Sla- 

bat  antch  demisso  vultu  ac  tristi  , 
uxorem  ejus  vivere  adhuc  credidisses 
(6g).  Pix  spes  melior  ajjulsit ,  respi- 
rare  cœpit ,  et  constante/'  multa  defra- 
gilitate  vitre  disputare  :  nemo  J'unus 
esse  in  œdihus  existimdsset  (70).  Tou- 
tes ces  pièces  d'Heinsius  sont  diver- 
tissantes. Mais  cette  stoïcité  n'est  pas 
le  plus  grand  sujet  de  blâme  pour 
Baudius,  par  rapport  au  sexe.  Nous 
allons  voir  de  plus  fâcheux  incidens. 

Dès  qu'il  fut  entre  en  France  ,  il 
s'arrêta  si  long-temps  à  Caen  ,  que  le 
bruit  courut  qu'il  ne  pouvait  se  sépa- 
rer d'une  femelle  qu'il  y  aimait.  IVon 
posse  nie  hinc  à  mulierculd  divelli 
autan  impotenti  amore  depeream  (71). 
11  le  nia,  et  dit  que  les  risques  qu'il 
aurait  courus  dans  le  voyage  avaient 
été  cause  d'un  si  long  séjour.  Il  dit 
aussi  que  malgré  les  oppositions  des 
professeurs,  il  aurait  pu  enfin  ensei- 
gner le  droit  à  Caen  ,  s'il  ne  se  fût  en- 
gage! «.railleurs.  Il  donne  une  très- 
mauvaise  idée  de  cette  université , 
quant  à  la  faculté  de  droit.  Timue- 
runt  sibi  juridici  prnj'essores  ne  ego... 
eos  de  imperitiœ  possessione  dejice- 

rent Prœses   de  quo  retuli  verbis 

acribus  homines  istos  casligaviteosqtie 
assimilavil  draconi  Uespci iditm  hnr- 
torum.  Tenes  qunrsum.  Quid  multa  ? 
frementibus  miseris  istis  leguleis  par- 
tira odio  religionis  ,  parlim  conscientid 
inscitiœ  sute  perj'ectttm  est  ut  qui  Lei- 
dœ  gradum  accepissent ,  légitimé  pro- 
moti  viderentur  (72). 

Scriverius  a  cru  que  Lipse  parlait 
de  Baudius  ,  lorsqu'il  écrivait  à  Bar- 
dai,  l'an  ï5qc):  Scribit  ad  me  ,  queri- 
tur,  sed  parumapertè,  elulcus  aliquod 
sernwnum  ed  veste  tegi  equidem  odo- 
ror.  Si  levé  curatu ,   par  Uni  est  ;  sin 

(6g)  Ibidem,  pag.  13  et  i3. 

(70)  Ibidem. 

(71)  Baud.  epist.  XVI,  centur.  I,  pag.  36. 

(72)  Ibidem,  cpislola  XXIII,  centur.  I", 
pag.  4^-  Voyez  rt'ivri  xon  poème  in  très  Juris 
Pcrversores,  là  même,  pag.  35. 


pravum  aliquod  et  tJWstTov  (  insanabi- 
le)  doleo  caussd  privclari  ingenii  quod 
sese  (  ah  temerè  ,  ah  stultè)  in  bara- 
thrum  et  prœceps  dédit.  Quisilligatnm 
te  triformiPegasusexpedu'lCliinierae? 
Sed  meliora  opto  (-/$).  Cela  sent  un 
homme  embarqué  ou  embourbé  dans 
quelque  mauvaise  galanterie. 

Afin  de  finir  par  L'endroit  le  plus 
vilain  ,  j'anticiperai  sur  l'ordre  du 
temps,  et  je  dirai  ici  qu'il  avait  fait 
des  promesses  de  mariage  qu'il  n'a- 
vait pas  tenues.  Quand  il  se  vit  veuf, 
et  pressé  par  sa  misère  et  par  son  tem- 
pérament de  chercher  une  autre  fem- 
me ,  il  chargea  deux  de  ses  amis  de 
l'informer  en  quel  état  étaient  les 
biens  de  cette  ancienne  maîtresse  ,  et 
leur  déclara  que  pourvu  qu'elle  fût: 
riche  il  était  tout  prêt,  à  l'épouser 
préférablemcntâ  une  autre.  Il  ne  dou- 
tait point  qu'il  n'en  fût  encore  aimé. 
Peteribus  amoribus  mets  ex  animo 
volo  ,  nec  ullam  prrvoptaverim ,  si  ad 
cœleras  dotes  accédai  etiam  copiosus 
imber  qui  olim  per  impluvium  influxit 

in  sinum   Danaes JVisi  mofestum 

est ,  velim  aliquid  temporis  impartiare 
disquisitioni ,  quo  loco  rcs  ejus  silrc 
suit.  Arar/i  quin  vivat  nostrî  mentor , 
et  non  imntunis  amorum  ,  nullus  du- 
bilo  (74)-  La  réponse  qu'on  lui  fit  fut 
une  preuve  qu'il  avait  eu  trop  bon- 
ne opinion  de  lui-même  :  la  dame  dé- 
clara qu'elle  n'aimait  point  les  grands 
buveurs.  Baudius  comprit  de  reste  ce 
(pie  cela  voulait  dire  ,  et  trouva  dans 
ce  refus  un  soulagement  de  conscien- 
ce •  car  il  se  faisait  un  scrupule  de 
n'avoir  pas  tenu  sa  promesse  ,  et  il  se 
voyait  alors  dégagé ,  puisqu'on  ne 
voulait  point  de  lui.  Etsi  sincero  aj- 
jeclu  nympham  illam  prosequnr  ,  la- 
men  magis  liberandœ  fidei  religione  , 
et  veterum  repromissionum  ultro  ri- 
troque  slipulalarum  memorid  adduc- 
lus  sum  ,  ut  consortium  ejus  ambire 
non  dedignarer  ,  quam  formœ  lenoci- 
nio,  vel  divitiarum  conditione —  (jS)- 
Gaudeo  me  bond  cum  nymphee  ejus 
gratin  liberalum  esse  nexu  veteris  pro- 

Tllissi  ,     X4.1     S'iTTXlÙf.dU      a-UVStX>.OLyfJ^tT0Ç  , 

cujus  adhuc   me   nonnulla   intessebat 

(73)  Voyez  Amorti  Pau'lii,  au  commets 
cernent. 

(74J  Baudius,  epift  XXII  .  centur.  III,  pag. 
3-i">,  datée  du  i" .  de  juin  i'im. 

(75)  Idem  ,    epist.  XXVI,  centur.  III,  pag. 


i  s -t 


BAUDIUS. 


supersliiio  (76).  Remarquez  bien  que    lam quod scilicet  non  totum  telum 

tous  ces  scrupules  de  conscience  ne    corpnre  receperit  ("80).  Sophie  se  ra- 
l'empêchaient  pas  de  mettre  une  con-    doucit,  et  parut  désapprouver  les  bru- 


dition  au  dessein  d'exécuter  sa  pro- 
messe. Cette  condition  était  que  son 
ancienne  maîtresse  fût  riche  (77); 
car  autrement  il  déclarait  qu'il  ne 
l'épouserait  point  :  et  pour  adoucir 
ce  qui  pouvait  être  de  trop  dur  dans 
cette  résolution  ,  il  ajoutait  qu'en  ce- 
la il  ne  considérait  que  l'intérêt  de 
cette  femme  5  «  car  ,  disait-il,  ne  se- 
»  rait-ce  pas  un  grand  inconvénient 
»  pour  elle  si  nous  faisions  des  enfans 
»  qui  n'auraient  à  espérer  de  nous 
?»  d'autre  succession  que  la  misère  et 
»  la  faim  ?  »  Tu  vero  me  tacente  sa- 
lis intetligis  quant  parùnt  ex  usu 
ulriusque  foret ,  tcv  Ki/uov  ko.i  tïjv  ^«vi- 


talités de  son  père.  Baudius  ,  ravi  de 
cela  ,  ne  parlait  que  de  mariage  , 
quoiqu'il  connût  bien  que  cette  mat- 
tresse  n'avait  nul  mérite  ,  mais  seu- 
lement une  bonne  dot.  Le  dernier  ob- 
stacle fut  enfin  levé  :  c'était  la  pro- 
messe de  mariage  que  Baudius  avait 
faite  à  une  servante  prostituée  ,  qui 
le  sommait  en  justice  de  lui  tenir  sa 
parole  (81),  et  je  crois  qu'après  cela 
le  mariage  avec  Sophie  s'accomplit. 
Voici  quelques  passages  qui  prouvent 
les  mauvaises  qualités  de  cette  femme, 
et  la  brutalité  de  son  père.  Hesternd 
die  graviter  apud  redorent  questus 
sum.de Renovavi  etiam  veleres  nj- 


rtv  (78)  ,  infelici  conlubernio  invicem  fensas  qubd  me  in  causa  desipientis 


sociari.  Quocirca  nisi  tant  benèfun- 
dalum  sit  palrimonium  amicœ  ,  quant 
unicè  dilign  ,  ut  sine  notabili  incom- 
modo  nostris  diffîcultatibus  mederi 
queat ,  in  rem  communem  est  ut  aliud 
mihi  suhsidium  prnspiciam.  Quod  ne 
in  eam  partent  velit  interpretari,  qua- 
si quidquam  detrimenti  ceperit  antor 
ille  pristinus ,  quo  juvenculam  formel 
et  œtate  florentem  sum  complexus  , 
testor  ex  amini  sententid  me,  hoc  ejus 
causa  facere ,  ne  liberos  educentus  in 
spem  egestatis  atque  esurilionis  (79). 

Il  jeta  ses  vues  ailleurs  ,  savoir  , 
sur  une  certaine  Sophie  ,  en  qui  il  ne 
trouvait  rien  de  bon  que  les  richesses. 


Sophiœ  allocutus  esset  tanquam  vitœ 
iratitm  ,  et  candidalum  palibuli.  Sed 
Sophiam  islam  suis  moribus  ulciscen- 
dam  permitto  ,  si  quidem  rata  habet 
quœ  barbarus  païens  in  me  ruslicè  et 
incivililer  designavit  :  nam  contrarii 
rumores  ad  me  deferunlur.  Nonnulli 
dicnnt  lam  honorificè  et  ennicè  de  no- 
bis  loqui  :  quod  si  ita  est  ,  rectè  et 
ordine  facere  ipsam  arbitror,  x.eù  yàp 
Toy(  Kiiiov  êï«  ,  et  tune  paratus  sum 
omnium  prœterilorum  memoriam  Jide- 
li  antneslid  ex  animo  delere  ,  ko.)  y.» 
MViiTiao.KêM'.  Sin  taliaflagitia  probat  , 
nunquam  eam  sermone  fuero  digna- 
lus.  S  uni  enini  qui  dicant  me  ab  ipsd 


Elle  avait  un  père  très-brutal ,  dont  proscindi  tant  cruentis  conviais,  quasi 
il  reçut  mille  duretés  5  et  il  fut  un  crimen  sit  quod  vivant  (82).  Voilà  un 
temps  qu'elle  secondait  son  père  ,  et  homme  assez  débonnaire  :  il  avait 
qu'elle  se  plaignait  d'avoir  été  enle-  déjà  marqué  qu'on  pouvait  l'apaiser 
xce.  Apparemment  elle  avait  fait  une  facilement.  Reversus  domum,...  opta- 
promenade  de  quelques  jours  avec  ta  omnia  comperi  demed  Sophiâ,  quœ 
Baudius  ;  car  c'était  alors  nue  des  ga-  me  absente  ancillant  lecti  et  arcano- 
lanteries  du  pays.  Baudius  trouvait 
cette  plainte  fort  ridicule  ,  et  très- 
propre  à  flétrir  l'honneur  de  Sophie  ; 
et  il  disait  par  allusion  au  procès  que 
Fimbria  fit  à  Scévola,  qu'elle  ne  se 
devait  plaindre  que  de  ce  que  le  poi- 
gnard n'avait,  pas  été  enfoncé  jusqu'au 
bout.  IVihil  habet  quod  de  nobis  cjue- 
ralur ,  nisi  forte  velit  eam  inlentare 
accusationem  quant  adversùs  Scœvo- 

(76)  Baudius,  epist.  XXVI ,  cent.  III , pag. 
35i. 

(77)  Elle  était  alors  veuve. 

(78)  C'esi-à-dire,  famem  et  sitim,  la  faim  et 
la  soif. 

(79)  Baudius,  epist.  XXIV  ,  cent.  III ,  pag. 


rum  sociam  niisit  ad  patrem  scitatum 

super  noslrâ  majestate ,  an  duriùs 

accepissem  plenant  familiaritatis  re- 
pulsam ,  et  an  fera  bestia  factus  es- 
sem  amissâ  voluntale  revertendi.  Ego 
verb  oculum  mihi  exsculpi  malim  , 
quant  pâli  ut  tant  optima  conditio  ela- 
balurè  manibus  (83).  Cette  débonnai- 

(80)  Idem,  epist.  ad  Grotium,  in  Baudii 
A  moribus,  pag.  85. 

(81)  Voyez  la  XCMe.  lettre  de  la  III'. 
centur.,  pag.  465,  et  la  XVIIIe.  de  la  IVe., 
pag.  496. 

(S2)  Epist.  XCIX  ,  centur.  III,  pag.  472  , 
datée  du  2  juillet  16 12. 

(831  Baudius,  epist.  XCII,  centur.  III ,  pag- 
,'fis,  datée  du  3p  mars  1G12. 


EAUDIUS.  i85 

reté  serait  moins  honteuse  sans  la  mi-  puisant,  ita  me  tœdet  et  conlumelia- 
sère  où  Gandins  se  trouvait  réduit  ,  rum  parenlis  ,  et  insulsorum  filiœ  mo- 
ct  sans  les  grands  biens  de  sa  Sophie,  rum,  quœ  prœter  nomen  non  possidet 
Voici  des  paroles  qui  se  trouvent  à  la    micam  salis  (85). 

page  95  du  Dominici  Baudii  Amores,  Nous  voici  à  la  plus  honteuse  scène. 
et  dans  la  Pe.  lettre  de  la  IVe.  centurie,  Eaudius  entretint  assez  long-temps 
page  479-  Cette  lettre  fut  écrite  le  21  une  concubine.  C'était  une  servante 
de  juillet  1612.  Plerique  putant  hanc  qui  servait  de  plastron  à  quantité  d'é- 
labem  non  alid  conditione  deletum  iri,  coliers ,  et  qui  se  sentant  crosse  jeta 
quant  si  insulsum  pecus  uxorem  dure-  le  paquet  sur  la  tête  du  seid  Eaudius. 
ro  ,  cui  prœter  Sophiae  nomen  nihil  Elle  soutint  même  qu'il  lui  avait,  fait 
adesl  humant  cordis.  Anideb  pereun-  une  promesse  de  mariage,  et  l'ajour- 
dum  erat  Pompeio  magno,  si  Lucul-  na  devant  les  juges,  pour  le  faire  con- 
lus  non  esset  luxuriosus  ?  Ego  invi-  damner  à  lui  tenir  sa  parole.  Cette  af- 
tam  cogère  non  possum  ut  velil  esse  faire  fut  scandaleuse  et  risible  en  niê- 
conjux  invicti  Jovis ,  et  tanti  non  est  me  temps  :  il  faudrait  connaître  peu 
ut  velilli ,  vel  furioso  parenti  suppli-  le  public  pour  ignorer  qu'elle  fit  plus 
cem.  Dos  tamen  non  esset  adspernan-  rire  qu'elle  ne  causa  de  scandale.  Les 
da  ,  nisi  marita  foret,  et  posset  absque  supérieurs  de  Eaudius  ne  purent  pas 
tnuliebri  capite  conlingeie.  Postqu'am  dissimuler,  ni  s'empêcher  de  le  flétrir 
.,...  reversus fuerit ,  persuasu  amico-  en  le  suspendant  de  sa  charge.  Les 
rum  decretum  est  mini  jacere  novissi-  railleries  où  il  se  voyait  exposé  l'obli- 
?uam  aleam  ,  et  exquirere  an  mecum  gèrent  à  faire  un  voyage  à  Gand.  In- 
lege  fidelis  x.2.1  âéoKou  ipmiç'ticts  pa-  ter  alias  causas  quœ  nie  mouerunt  ut 
cisci  velit.  Paradis  sum  ex  animi  sen-  in  viam  me  darem  hœc  fuit  non  inji- 
tentid  conceptis  verùis  jurare  y.»  fxvviTi-  ma,  ut  prudenti  absenlid  subterduce- 
xa.Ktïv  :  dum  et  ipsa  levitatis  cu/pam  rem  me  ab  importunis  conjugii  dispa- 
agnoscal  ,  et  parentis  furias  non  ap-  ris  congratulationibus  ,  quibus  quoti- 
probet.  Si  tergiversabilur ,  relinquam  die  aures  meœ  circumsonabantur(86). 
illam  ulciscendam  suis  moribus  ,  et  11  paraissait  douter  que  cette  servante 
aliam  consortem  invenero  quœ  meliùs  fût  grosse  ;  mais  il  craignait  quelle 
mtelliget  suam  felicitatem.  Quelques  ne  jurât  en  accouchant  qu'il  était  le 
joins  auparavant,  il  avait  eu  plus  de  père  du  poupon  :  c'est  pour  cela  qu'il 
cœur.  Il  avait  bonne  opinion  de  lui-  suppliait  ses  amis  de  faire  en  sorte 
même  :  il  dit  dans  la  même  lettre  qu'une  carogne  comme  celle-là  ne  fat 
qu'il  n'est  pas  si  épuisé  qu'il  ne  puis-  point  reçue  à  faire  serment  ;  et  il  of- 
se  trouver  une  femme  de  mérite  ,  en-  fiait  de  faire  de  son  bon  gré  ce  que 
core  qu'il  ait  été  assez  fou  pour  re-  les  lois  de  L'humanité  demandent  , 
chercher  long-tcmpsnneimpertinente  c'est-à-dire,  d'avoir  soin  de  la  créa- 
Xantippe.  Non  adeôexarui  ex  amori-  ture  qui  naîtrait  -,  mais  il  lui  était 
bus  et  humoribus  ,  ut  bona  mea  sa-  dur  d'y  être  contraint.  Periculuiu 
pienli  feeminœ  vendilare  non  possim  ,  enim  est  in  mord,  nam  propinqua 
etiamsi  tam  insipienter  circa  Sophiam  parliludo  appétit,  siquidem  paiitn- 
deliraverim    ut    mihi    Socmtica   fi-    ra  est,  nam  permulli  dubitant   num 


des  objecta  sit  (84).  Il  voulait  faire 
une  dernière  tentative,  mais  il  sou- 
haitait presque  d'être  encore  refu- 
sé, tant  cette  sotte* créature  et  son 
brutal  de  père  lui  déplaisaient.  Heri 


sit  grai'ida ,  quod  si  est, 

Sublimi  feriam  sidéra  vertice. 

Cuperem    inseri  mandato ,   non    esse 
illi  scorto  publiée  diffamalissimo  de- 


mihi  Ueinsius  jioster  adfuit,  et  rogalu  ferendum  jusjurandum  tempore  par- 
meo  adductus  ,  partim  sud  sponle  in-    tionis  ,  nec  habendam  fidem  in  de- 


citatus,  recepit  in  ss  munus  colloquen- 
ai  seriô  cum  Feslo  Honimio  ?npt  tnç 
i''<?iaç.  Is  tenet  clavum  imperii  ,  et 
patris  animum  habet  in  sud  manu.  Sed 
summâ  cum  œquitate  exspeeto  quemli- 
hel  evetttum,  et  propè  est  ut  malim  re- 

(84)  Ibidem,  pag.  480. 


signando  parente  tam  multorum   ca- 
pitula, 

Cura  suis  virât  valeatqne  mi 

Quos  >imul  complexa  ttnet  treceolos. 

C8.ï)  Epist.    ultima,  c-nf.  ///,  pag.  !t-j,  4-G  , 
lu  1 1  juillet  1612. 

pist.  XC,  centur.  III,  pag-  402,  dau'. 
I  le  4  décembre  iGn, 


iC6 


BAUDIUS. 


Ego  nïhilominùs  sponte  med  incita- 
nts faciam  quod  nfficium  humanitatis 
injungit.  Sed  cogi  Baudium  non  de- 
cet,  non  opnrtet,  a  tant  prostituti  pu- 
doris  scorto  (87).  En  tout  cas ,  il  ai- 
mait mieux  nourrir  l'enfant  d'autrui 
que  d'abandonner  une  cre'ature  hu- 
maine ;  et  il  se  consolait  par  la  raison 
que  ce  serait  une  preuve  de  sa  vi- 
gueur masculine,  et  que  cela  ne  nui- 
rait point  à  l'avenir  à  Sophie,  sa  fu- 
ture femme ,  qui  serait  un  champ  à 
la  culture  duquel  il  réserverait  désor- 
mais toutes  ses  forces.  Ut  ut  res  ca- 
det, nihil  mihi  euenire  potest  tristius 
tint  deterius  quant  quod  aninm  prœ- 
cepi ,  et  mecum  antè  peregi.  Nempè 
j'uturum  ,  ut  perjurio  caput  alliget ,  et 
ÛTroCoXi/uttiov  obtrudat  heroi  Baudio. 
Quid  turn  posteà  ?  Malo  agnoscere 
alienum  ,  quant  fœtum  humanum  non 
ali.  Teslintonio  erit  me  murent  esse  , 
et  viri  munia  posse  fungi.  Nihil  indè 
abradetur  in  posterum  meœ  Sophiœ  , 
cujus  aruofamiliari  reservabilur 

Quidcjuid  in  arte  meâ  possum  promiltere 
cura:  (88). 

Il  e'crivait  cela  le  29  mars  1612,  lors- 
qu'on disait  que  la  servante  était  prê- 
te d'accoucher  :  Fertur  esse  h  oSùv*  , 
sed  nullus  credo  ,   licet  illi  plurima 
mnnet  lacryma.  Sunt  enim  quibus  non 
potest  persuaderi.eam  esse  grauidam  , 
et  ego   quidlibel   credo  posse  cadere 
falsimoniœ  ,  fraudis  ,  et    malitiœ   in 
tant  profligntant ,  perditam,  alque  in- 
testabilemfœminam.  Il  ne  niait  point 
qu'il  n'eût  promis  mariage  à  cette  ser- 
vante ;  mais  il  prétendait  qu'une  vi- 
laine créature  comme  celle-là  ne  mé- 
ritait  point   d'être  comprise  sous  le 
bénéfice  des  lois  :  il  ne    croyait  pas 
qu'on  fût  obligé  de  garder  la    foi  à 
cette  espèce  d'hérétiques;  et  il  se  sou- 
venait de  l'avoir  lu  dans  le  code  :  et 
comme  il  ne  pouvait  point  citer  l'en- 
droit ,  il  supplia  Grotius  de  faire  ci- 
ter cette  loi  par  son  avocat ,  afin  que 
ce  fût  un  coup  de  foudre  qui  fît  ces- 
ser les  poursuites   de   sa  putain.    Et 
parce  qu'il  n'y   avait  que  les  préten- 
tions de  cette  servante  qui  empêchas- 
sent la  maîtresse  de  Baudius  de  don- 
ner les  mains  au  contrat  de  mariage, 
il  priait  instamment  son  ami  de  se  hâ- 

(87)  Epist.  XCIII,   centur.  III ,  pag.  465, 
datée  du  28  mars  1612. 

(88)  Epist.  XCII.  centur.  III.  pag.  4G4. 


ter.  Do  muni  reversus  auàivi  nuncium. 
perquam  optabile.m  de  meis  amoribus. 
Omnia  eveniunl  ex  animi  sententiâ  , 
nec  quidquam  deest  ad  volorum  sum- 
77iam ,  nisi  ut  eximam  scrupulum  de 
pollicitatione  mairimonii  cum  exoleto 
islo  propudio,  labe  et  tabe  meœ  fantœ 
et  exislimationis.  Hanc  tu  pestent  ac 
perniciem  si  amolilus  Jueris  pro  digni- 
tate  ntuneris  quo  fungeris,  et  pro  auc- 
toritale  qud  mérita  vales  plurimitin,  so- 
lidiorent  captes  gloriam,  quant 

Dir.im  qni  conturlit  Viydram  , 

Notaque  failli  portenla  labore  subegit. 

Tant  viles  personœ  ,  tant  diobolares 
victimœ  publicarum  libidinunt  ,  non 
sunt  dignœ  observatione  legum  ,  ut 
memini  aliquando  légère  in  corpore 
juris,  sed  locus  non  occurrit  memnriœ . 
Çuœso  te  ut  hisce  litteris  perlectis 
continuo  cures  accersendum  advoca- 
lunt  vander  IVewen ,  qui  legem  hor- 
rendi  carminis  dictet  ,  cujus  obnun- 
ciatione  fulminari  possil  fatalis  Ma 
fundi  nostri  calamitas.  Hoc  ego  bene- 
Jicium  lanti  faciam  ,  ut  nemini  plus 
in  vitâsim  unquam  debiturus.  Sed  ma- 
tures 010  ,  nam  amanli ,  et  aninto  cu- 
pienti  nihil  satis  festinatur  (89).  Voilà 
ce  qu'il  écrivait  le  28  de  mars.  Il  n'é- 
tait pas  hors  d'affaire  au  mois  de  juin  : 
la  servante  espérait  toujours  d'être 
épousée,  ou  de  gré  ou  de  force;  et  Bau- 
dius n'osait  se  produire  devant  sa 
maîtresse ,  pendant  le  procès  de  la 
concubine.  Hoc  nisi  fundamentum 
prœslrualur ,  non  sinil  Bvy.oç  ciyûvaip  ut 
viant  affectent  ad  meam  d'wam  quœ 
non  intelligit  sua  bona  :  nec  ideo  lu- 
men ilemowebor  ab  amandi  proposito  , 
quandih  spes  aliqua  supercrit  expug- 
nandi  ferreum  istud  peclus  (  90  ).  Il 
voulait  faire  une  transaction  avec 
celle-ci  ,  et  il  pria  Grotius  de  la  dres- 
ser :  il  espérait  que  la  créature  ,  in- 
timidée par  des  menaces  ,  signerait 
cette  transaction.  A  tuo  discessu  nec 
patrem  tmc  tLroqou  loqla.;  allocutus 
sum  ,  nec  me  conveniendum  curavit 
Mercurii  mater ,  nisi  quod  audio  eam 
adhuc  pascere  ebriosas  ,  futiles,  et  fu- 
riosas  spes  de  matrintonio  : 

.    .  .  sed  pri'us  Appnlis 
Jungeniur  c.ipre.-r  fupis. 

(89'  Baudins  ,  epist.  XCIII  ,  centur.  III , 
pag.  46^,  datée  du  2S  mars  1612. 

(90)  Epist.  XCVI  .centur.  III ,  pag.  46S, 
datée  l'onzième  juin  1Q12. 


BAUDIUS. 


jS~ 


Quid  mihi  auctor  es  ut  faciam  ?  JEx- 
spectem  lilis  eventum?  Hoc  spissum 

est  amant i  ,  cujus  animn  nihil  satis 
festinatur.  Quanquam  hisce  nugis 
javi  longum  valedixi,  sallem  inducias 


QuisquLs  es,  rxrmplo  tanti  moveare  mariti . 

Parce  libidinibus  ,  luxuriose  ,  luis. 
Addila  sit  poti'us  lascivo  Jibula  membro, 

Vt  vindicta  tuamtranseat  ista  domum (çfi). 

Voyez  le  recueil  intitule  Baudii  Amo- 


pepigi.  Cuperem  ad  me  mitti  per  hune  res  »  publie'  par  Scriverius,  l'an  i638. 
ipsum  nuncium  formulant  transactio-  Vous  y  verrez,  à  la  page  77,  un  Cèn- 
nis ,  quant  ipse  concepisti.  Spero  me  to  Virgilianus  de  Daniel  Heinsius  ad 
effeclurum  injecto  meta  majoris  malt-  pominicum  Baudium ,  qui  postquàm 
tatis  ut  cupide  subsignet ,  et  volunta-  lSnafus  cum  ancilld  ,  cum  quâ  tum 
riant  condemnatinnem  subeal  (  91  ).  a"'  >  tuTn  plurimi  scholastici  consue- 
L'affaire  était  encore  indécise  au  mois  rant'  ahquandiii  congressus  esset,  so- 
dé juillet  suivant  (  92  )  ,  et  Baudius  ""  Prœter  expectationem  proie  ab  ed 
trouvait  fort  étrange  qu'on  ne  chas-    €st  donatus. 

sât  pas  hors  du  pays  cette  coquine.  Plusieurs,  sans  doute,  diront  qu'il 
Tôt  justiliœ  Antistites  unicam  maie-  eut  mieux  valu  indiquer  en  marge  où 
ficam  Circen  quœ  meos  sensus  vene-  1  _on  peut  trouver  les  choses ,  que  de 
navit  amoliri  non  possunt ,  sallem  ut  citer  tant  de  passages  de  cet  auteur  ; 
Leidam  contagione  sud  et  œdes  meas  niais  plusieurs  autres  seront  bien  aises 
noxiâ  vicinitate  non  infestet  (g3).  Il  qu'on  leur épargne  la  fatigue  de  cher- 
crut  qu'on  lui  laissait  cette  voisine  cher.  C'est  pour  l'amour  des  pares- 
afin  que  l'indignité  de  tant  d'afironts  seux .1  dont  le  nombre  n'a  jamais  été 
le  portât  à  se  retirer.  Video  hoc  agi  aussi  grand  qu'il  l'est  dans  ce  siècle, 
ut  conlumeliis  haud  tolerandis  à.y»vcpi  °iue  j  a*  Pris  la  peine  de  ramasser  ce 
G^uâi  adigar  ad  dispiciendam  pedum  bouquet  de  plusieurs  passages  de  Bau- 
i-iani ,  et  quœrendam  haud inglorii  at-  dius.  Ils  sont  imprimés  en  différens 
que  inopis  exilii  sedem  (9.^).  Enfin  ,  il  caractères:  qui  ne  voudra  pas  les  lire 
termina  cette  affaire,  noii  pas  par  une  connaîtra  facilement  ce  qu'il  doit  sau- 
sentence  de  juges  ,  mais  par  voie  îer-  ^n  aurait  tort  de  se  plaindre  que 
d'accommodement,  le  10  d'octobre  Ie  Tr°uble  le  repos  des  morts  ;  car  je 
1612.  Il  donna  le  moins  qu'il  put,  re-  ne  ,d's  r'en  que  les  amis  de  Baudius 
demi  me  captum  quant  potui  minimo  n  a'cnt  publié ,  et  que  d'autres  au- 
f95)  5  après  quoi  il  ne  tarda  guère  à  *eurs  n'aient  appris  au  public  en  di- 
se marier.  Il  écrivit  à  Pierre  Rubens  vers  temps.  Voyez  Spizefius  (99),  qui 
[96]  qu'il  était  fort  content  de  sa  fem-  c',e  un  livre  que  j'aurais  bien  voulu 
me  :  je  ne  sais  point  s'il  changea  de  consulter  :  il  fut  imprimé  l'an  167$ 
sentiment  ;  mais,  quoi  qu'il  en  soit  ,    (,00)- 

ce  mariage  ne  fut  pas  de  longue  du-        (L)  H  ne  faut  pas  croire tout  ce 

rée.  Baudius  mourut  le  22  d'août  9ue  le  satirique  Scioppius  en  a  pu- 
j6i3  ,  réduit  à  un  misérable  état  par  blié.  ]  Il  en  dit  trop  pour  mériter 
un  délire.  Delirio  ac  vigiliis  continuas  d'être  cru  :  le  maquerellage  le  plus 
miserè  attritus  ,  omnique  tandem  ro-  infime  et  la  magie  sont  les  exploits 
bore  exutus  (97).  Ses  meilleurs  amis  qu'il  lui  attribue.  On  ne  peut  bonne 
se  moquèrent  de  ses  folies  d'amour,  tement  mettre  en  français  son  latin. 
L'un  d'eux  le  propose  pour  exemple  Voici  donc  l'original  :  Baudius,  Pa- 
à  tous  les  incontinens,  et  les  exhorte  risiis ,  uhimultis  annis  in  concubina- 
:\  se  réfréner  par  les  remèdes  les  plus  '"  summd  cum  infamie",  et  velul  qua- 
austères  ,  plutôt  que  de  lâcher  la  druplatoris  filium  decebat ,  uixit,  non 
bride  à  leurs  convoitises  comme  Bau-    tant  uni  magiœ   deditis  ,    incanlalori- 

bus ,  et  sortilegis  œdes  suas  aperuit  . 
et  concubinœ  suœ  fîliolam  ad  pera- 
genda  nef  aria  sacra  commodai'ii  ,  <!t>> 
maniumque   de    thesauris   reconduis  , 


dius 

("91)  Ibidem. 

-(9a)  Voyez  la  lettre  XCIX  dr  la  III'. 
cenlur.,  pag.  4:3,  et  la  I".  de  la  IV.  cenlur. , 
pag.  4-S. 

(95)  I  ]>Ut.  /,  centtir.  IV. 
d(4)   Ibidem. 

(nS)  Epîst  XVIII  ,  cenlur.  IV. 

(96)  Cest  la  Ilie.  lettre  de  la    IV.  cenlur. 
(S2,  datée  du  21  de  février  i6i3. 

'(j:    I"  '  it»  ejus. 


(riS)  Scriverius,  in  Epitaphio  Baudii,  pag. 
l35.  Bandii  Amorum. 

(V>f>)  Tbeoph.  Spizelius,  in  Infclicc  Liilcrato  , 
P"ê-   "• 

Cioo)  Sous  re  titre ,  Spécimen  Fiblio.'oprjist*- 
rum  Gedanensium  ,  editiim  3  Schelgrigio. 


i88 


BAUDIUS. 


imprimisque  de  Petronio  ulrhm  is  ali-  multis  ,    et   charus    acceptiisque  non 

cubi  integer  exstaret ,  consultât  ;  sed  paucis  ,  qubci  voce  et  stylo  passim  in- 

eliam    amicis     quibusdam     majorent  culco  subditorum  obsequla  in  legiti- 

quondam  ingenii  divinitatem  prœfe-  mos  principes,  et  pleno  ore  decanto 

rentibus  ejusdem  concubinœ  flium  ,  veras  laudes  archiditcum  (io3V  Je  ne 

pueront  non  inelegantem  turpissimus  doute   pas   que  Baudius  ne  proposât 

leno  prostituit ,  ut  cum  poslea  lumen-  avec    trop  d'indiscrétion  et  trop   de 

tibus  pueri  mariscis  scelus  propalatum  hardiesse  la    doctrine  dont  il  parle, 

iri    melueret ,  quominhs  eum   veneno  de  l'obéissance  des   sujets.  Il  ne   faut 

contubernales    tollerent  ,   minime  im-  donc  pas  s'étonner  qu'il  fût  odieux  à 

pedivit ,  aclumque  jam  de  miselh  pue-  plusieurs  personnes.il  osa  bien  insé- 

rofuerat,  nisi  unius  contubemalium  rer  ce  dogme  dans  une  thèse  publique  : 

acumine  expediti  fuissent ,  aniculd  ,  et  il  est  à  remarquer  que  les  supérieurs 

quœ  morbo    mederi  sciret  ,    inventa,  académiques  n'exigèrent  point    qu'il 

Hœc  nequaquam  a  me  fingi,  neminem  l'effaçât  ;  mais  seulement  qu'il  avertît 

paulb  humaniorum    Parisiis  ignorare  la    jeunesse    de   ne    point    embrasser 

puto  (iot).  Mais  si  ces  choses  étaient  mal  à  propos  ces  sortes  de  sentimens. 

si  connues  à  Paris  ,   d'où  vient  que  le  Quœrit  primitm  ex  me  an  statuissem 

premier  président  donne   Baudius    à  praesidium    et   auctoritatem  suffiagii 

son  fils  pour  secrétaire  dans  une  am-  commodare    defendendis     corollariis 

bassade?  Scioppius  inventa  cela  ,   ou  periculosœ  aleœ  plenis,utest  dispula- 

l'apprit  par  des  contes  mal  fondés,  et  re  in  ambas  partes  ,  an  religio  sit  de 

le  divulgua  pour  se  venger  des  injures  substantid  reipublicœ  ,  et  negare  fas 

que  Baudius  lui  avait  dites,  dès  avant  esse  subdito  privatoque  homini  ob  cau- 

raême  que  le  Scaliger  Uypobolimœus  sam    religionis    arma    sumere  contra 

eût  paru  (102).  principem ,   et  id  generis   alla.  Hes- 

(M)  //  crut  que  les  disputes  de  l'ar-  pondi ,  causant  non  videri  cur  in  hoc 

minianisme  feraient  changer  le  gou-  atrio  libertatis  non  sit  f as  absque  per- 

vernement  ;  il  s'est  tro'npé.  ]  Il  faut  vicaciâ  sentire  quœ  velis  ,  et  quœ  sen- 

l'eutendre  lui-même  :  il  déclare  que  tias   expromere.    Tamen    rogalus^  ut 

si  la  conscience  et  la  religion  ne  l'eus-  admonerem  juvenlitlem  ne  temerè  et 

sent  retenu  ,  il  serait  allé  ailleurs  de-  absque  delectutalibus  axiomalisassem 

Suis  long-temps,  et  que  les  violentes  sum  prœberet ,  significavi  mefactu- 

isputes  des  théologiens,  et  plusieurs  rum  (io4)-  Jamais  homme  ne  fut  plus 

autres  désordres,   lui  faisaient  crain-  propre  que  Baudius  à  se  faire  des  en- 

dre  que   l'ouvrage  de  la  réformation  nemis  par  la  liberté  de  sa  langue  ,  et 

ne    devînt    dangereusement   malade,  par  ses  maximes  :  «  Nous  faisons  la 

Nisi  me  in  his  locis  conscientiœ  scru-  >'  guerre,  disait-il,  aux  plus  puissans 

pulus  ,  et  religionis  vinculum  attine-  »  princes  du   monde  ,    et  nous  som- 

ret ,  jampridem  captum    esset   augu-  ».mes    sous    la  férule    de    cent    pe- 

rium  de   migrando  ,   nec  Lcida  spes  »  tits  maîtres.  »  Bellum  gerimus  con- 

meas  includeret.  Quanquam  non  pes-  tra  potenlissimos  mundi  monarchas  , 

simè  mecum  agitur.  Sed  nec  ea  nostrî  et  servire  cogimur  istis   minutioribua 

ratio  habetur ,  quant  oportuit.  Théo-  satrapis  (io5).  Voyez  la  liberté  qu'il 

logorunt  etiarn  nostrorum  dissidentes  se  donne  de  censurer  les  théologiens 

sentenliœ  ,  et   uirulentœ  concertatio-  qui  avaient  condamné  Vorstius  sans 

nés  ,  odia  fratrum  quœ  ne  morte  qui-  l'entendre.    Voyez    les    conséquences 

dem  finiuntur  ,  aliaque  noslrœ  mili-  qu'il  fait  craindre  ,  si  on  leur  permet 
tiœflagitia ,  pêne  ejftciunt  ut  et  illud    de  décider  de  l'honneur  et  de  la  di- 

superbum  nomen  reformatœ  religio-  gnité  des  gens  sur  des  présomptions  , 

nis  ,  et  ipsa  causa  incipiat  mihi  esse  sur  des   soupçons ,  sur  des  ouï-dire. 

dubiœ  sanilalis Prœsagit  mihi  ani-    Euadet  ista  cffrœnis  audacia  in  opli- 

mus  imminere  his  prouinciis  fatalem  micujusque  deformationem  ,  siprœju- 
rerum  commutationem ,  et  ex  intesti-  diciis ,  suspicionibus  ,  rumusculis ,  et 
nis  vitiis  rediturum   aliquando  ueteris        ,    „.    . ,  .     ,    T-vVlr  ,       TT7 

..,.,.  0'  (lo3)  Idem,    epistola  LXXII  ,    centur.  III , 

imperu    desidenum.    ôuspectus    sum    pag.  fa,  fil,  datée  du  9  de  mars  1610. 

(101)  Amphotidcs  Scliioppianie,  pag.   166.  (*°U   EPisl    XCIX,  centur.  III,  pag.  fyji. 

(102)  Voyez  la  LXXIX*.  Lettre  de   Baudius        (io5)  Baudius,  Epist.  LXXXII  ,  cenUir.  II , 
de  la  II*.  centur.,  pag.  2-6,  pag.  278. 


B  AUDI  US. 


189 


susurrU  lanlum  licentiœ  permiuitur  ,  concursationem     ut  sujjragalo.es  sbi 

utfamd  et  fructu  dignitatis  exuantur  concilient ,  denique  mentem  contenue - 

"ddocïrdd  ménisque  spectabiles.  nis    studiosiorem,   quam  indagandœ 

Sed  de    negolio  fratrum  ,  et  sacrati  noscendœque  uerdalis  , 

iire"is  dabitur  alias  oportunior  <lisse-  Iliacos  intra  mnros  peccalur  et  extra: 

rendi  locus  (106).  Encore  un  coup  ,  Sed  ob  Atridarum  culpas  supplicium 
c'était  un  homme  fort  propre  a  se  iai-  yerunt  Achivi  :  et  academia  pessimi 
te  îles  ennemis  ;  et  je  ne  m'étonne  pas  O(loris  est  non  s0Uun  „pUd  extraneos  , 
qu'on  ait  semé  contre  lui  tant  de  ca-  verum  eUam  apud  nostros  cives  (107). 
iomnies  atroces.  Il  lit  un  voyage  en  ^  ^  iettres  snnt  écrites  poli- 
Flandre  ,  l'an  1609.  Pendant  son  ab-  ma&x  î  Qn  trouve  dans  le  Scaligerana 
sence,  on  répandit  mille  contes  qu  il  ce  .  guit  Saudius  a  un  style  non 
s'était  allé  révolter,  qu'il  était  déjà  cieéronien  f  mais  du  temps  de  Dorni 
pourvu  d'un  bon  bénéfice  ,  qn  il  se-  tianm  .  ;e  garde  toutes  les  lettres  d 
tait  fait  moine,  et  cent  autres  choses  gaudius.  Il  fallait  donc  que  Scaliger 
de  cette  nature  ,  qui  donnèrent  lieu  jes  trouv!vt  belles  et  bonnes.  I!  ne  pa- 
à  la  XXXIIIe.  lettre  de  la  III*"-  centu-    mU  le  st  le  je  Baudius  soit 

5    affecté  à  aucun  siècle  de  latinité 


.  ce  qui  suit.  Baudius  a  un  style  non 
Tétait  allé  révolter,  qu'il  était  déjà  cici:ronien  ,  mais  du  temps  de  Vonii- 
pourvu  d'un  bon  bénéfice  ,  qu  il  se-  tianm  .  ;e  „arde  toutes  les  lettres  de 
tait  fait  moine,  et  cent  autres  choses    BaudaJ 

ivat  Dene: 
l  pas  que  le  style 
rie.  Il  écrivit  à  deux  de  messieurs  les 
curateurs  :  tant  il  craignait  les  plus 
ridicules  sottises  de  la  renommée. 

(X)  ....  H  crut  quelles  forme- 
raient un  schisme  ;  il  a  eu  raison.  ]  Il 
fondait  sa  conjecture  sur  la  grande 
animosilé  qu'il  remarquait  de  part  et 
d'autre.  Il  lui  semblait  que  la  matière 
de  ces  disputes  était  susceptible  dan 


(P)  ....  il  y  paraît  trop  gueux.  ] 
Ce  n'était  point  tant  l'honneur  d'être 
l'historiographe    des    états  ,    que   les 
gages  de  cette  charge ,  qui  le  pous- 
saient à  la  demander  instamment.  Il 
renvoyait   ses    créanciers    au   temps 
qu'il   toucherait  la   pension    d'histo- 
ie  ces  disputes  etau  susuepuu»  w^"    ri0graphe  '•  ce  temps  ne  venait  point  ; 
bon  accommodement,  pourvu  qu  on    eJ.   ces  messieurs   ne  voulurent   plus 
se  voulût  entr'écouter  avec   un  esprit    d'un  tel  renvoi.  Flagitantium  impor- 
le  charité.  C'était  donc  la  disposition     tunltas  eJJicitme  morosiorem  ,  quam 


des  esprits  qui  lui  faisait  craindre 
que  l'on  en  viendrait  à  une  rupture 
totale.  Il  était  sur  les  lieux  :  il  pou- 
vait voir  de  quelle  manière  Gomarus 
et  ses  amis  d'un  côté  ,  Armimus  et 


naturœ  mcœ  genius  ,  et  amiciliœ  tua: 
reverentia  patiatur.  Assidue  enim  ob- 
tundor  à  moleslis  creditoribus  ,  quo- 
rum nomina  rejicio  in  spem  obtinenth 
ejus  muneris  :  sed  tamdiù  lactati  sunt 


et  ses   amis  dira   cote  ,  aiuiuuua  v.  e^us  muneris  :  sea  lamaiu  taccu»  *«<••. 

ses  partisans  de  l'autre  ,  mêlaient  les  ho(.  palp0 j    ut  uUeriUs  produci  non 

passions  personnelles  avec  L'intérêt  de  inl  (l08).  H  se  trouvait  donc  dans 

la  doctrine.  Il  dit  franchement  qu  on  un  mortei  embarras.  Quand  il  disait 

accorderait  plutôt   les    Espagnols    et  son    bien    ne    craignait   pas    les 

les  Hollandais,  que  ces  deux  lad  Lons  voicurs  > 

ecclésiastiques.    Voici  ses  paroles  :  je  ffon  incendia,  non  graves  ruinas, 

les   rapporte    de    peur  qu'on    ne   se  A„„  çacla  impM,  non  dolos  venem, 

figure  que  j'exprime  sous  son   nom  Non  casus  atio,  perieulorum , 

mes  sentimens.   Je  ne  suis  ici,   et  en  fit  ^-^  ressemblait  à  celui    de  Bias 

endroits  ,  que  co-  (,0gi  ,   il   ne  se  divertissait   point   à 


cent  mille  autres 


cent  mule  ancres    cuuimw ,  ^»«  — ;  (1091  ,   11   ne  se  unci«»an  j»v.n..  .. 

piste:  Utinam  omnes  nostri  muneris  cbercher  des  applications  plus  ingé- 

ct  ordinis  pari'volo  ac  studio  in  eau-  n;t;uses  que  véritables  :  il  faisait  l'his- 

dem   mentem  conspiraient  !  Sedfaei-  torlen  el  non  pas  le   rliétoricicn.   La 

•    .     • »„l„..,  ,.*    /7,cj)/i-  •  ni  :_»_..: l.„    ,.;„f  ..,.<;,,   . 


lias  conveniet  inter  Belgas  et  flispa 
nos  ,  quant  inter  fratres  ubi  semel  in 
contentionem  exardescere  cœperunt. 
Omnino  res  erumpet  in  schisma  ,  msi 
forlibus  consiliis  liuic  malo  occurra- 

Uir Si  spiritu  docilitatis  et  chris- 

tianœ  cardans  ducerentur  duces  (  ut 
siedicam)  partium  ,  confectum  ne- 
»otium  esset.  Sed  utrinque  videra  est 
maghos  animorum  motus,  manifesîam 

(106)  Epist  XXXIII ,  centur.  M,}>«S-  3(^- 


pension  d'historiographe  vint  enfin  5 
mais  ce  ne  fut  presque  qu'une  goutte 
d'eau  à  un  gosier  altéré  :  il  Pavai! 
bien  prévu  ,  et  on  le  lui  avail  I 
dit  ;  cest  pourquoi  il  eut  besoin  d'une 
autre  ressource,  savoir  d'une  temrae 
Siposseminnassammatrimonii 
illicerejcemininum  altquod  opunèdo- 

(10-)  F.pist.   XCV1,  centur.   II,  pag.    3o4- 
(10S)  Epist.V.,  cent.  III.  pag.  3a3. 
^iU.,)  Epiit.  XCU ,  cent,  Ul ,  ?<>:■  W- 


ig© 


tatum  (  agnoscis  heic  facundiam  sup- 
plementi  chronicorum  )  non  aspernarer 
dona  deorum.  Sed  ad  eam  spem  aspi- 
rare  non  audeo  ,  quamdiù  mihi  certa- 
men  erit  cum  hydid  molestorumfla- 
gitatorum  (no).  Ajoutons  à  cela  ce 
qu'il  écrivit  à  son  patron  Vander 
Myle.  Reclè  dicebas  nuper  ,  nihil 
aliud  posse  locare  in  solido  ,  et  ad 
portum  bonœ  spei  appellere  quassatam 
raient  Baudii ,  quam  opimum  aliquod 
tonjugium  :  sed  procax  istud  genus  f 
divitum  ac  forlunalarum  mulierum  yoici 
spernit  viros  famd  merilisque  célè- 
bres ,  nisi  censu  quoque  censeanlur 
(i  1 1).  Mais  rien  ne  vint  assez  à  temps  : 
il  eut  beau  conjurer  les  curateurs 
par  tout  ce  qui  est  le  plus  propre  à 
«mouvoir  les  entrailles  :  Humanitatu 
tnœ  genium  adjuro  atque  obleslor  per 


JBAUDIUS. 

Scriverius ,  bon  ami  de  Baudius  ,  n'en 
dit  guère  moins  que  les  je'suites. 


En,    cum  jure  trium  natorum  ducitur  uxor 

El  simut  in  barathntm  prœcipitalur  amans. 
Sic  labanlur  opes  :  sic  nil  stipendia  prosunt , 

Pensio  sic  domino  scepè  negata  suu. 
Pallia  sic  alius ,  Cajœque  monilia  serval  : 

jEra  fuganl  inopem  sic  aliéna  famem. 
Prosilitet  duris  urgens  in  rébus  egeslas  : 

Pignora  s  tant,  vacud  non  redimenda  ma- 
nu (u4)- 

(Q)  //  avait  entrepris  un  ouvrage 
destiné  à  la  réunion  des  religions.  J 
ce  qu'il  en  dit  :  «  .Tampridem 
»  animo  ccncepi  opus  ,  et  tractatu 
»  arduum,  et  usu  maxime  necessa- 
»  rium  ,  quod  ipsum  olim  aggressus 
h  is  ,  de  quo  nuper  multus  nobis  ser- 
»  mo  fuit  ,  Georgius  Cassandcr.  Hic, 
»  tametsi  nihil  dicas,  tamen  auguror 


tnœ  genium  adjuro  atque  obteslor  per  t)  ammo  ^u{r\  cogitationi  tuœ  occur- 
Deum  immorlalem ,  per  f as  christia-  n  rat  ^  esse  niali,ùm  rem  tantœ  mo- 
nce  charitalis  ,  per  vinculum  sanctœ    y)  jjg  ^   ut  eam  vjx    meuti    complecti 


jïdei ,  et  quidquid  apud  génies  vene 
randum  atque  antiquum  habetur,  im- 
pone  tandem  optatum  finem  dtulurnœ 
exspectalioni  ,  neu  me  patere  longius 

versari   inler  sacrum    et  saxum  sub     })  tr;nœ  Copiis.  Opus   insuper  multi- 
ictu  credilorum  ,  qui  meas  aures  assi-    })     j^  inciUisitione  ,  varia  librorum 


nplecti 

»  possim,  nedum  facultate  consequi. 
j>  Fateor  tquidem  ad  banc  provin- 
»  ciam  deligi  par  esse  bominem  in- 
»  structura  omnibus  ingenii  ac  doc- 


duè  molestis  vocibus  circumsonant , 
ut  defœcato  animo  studia  doctrinœ 
tractare  nequeam  (112)  :  il  eut  beau, 
dis-je  ,  les  conjurer  par  tout  cela  de 
le  délivrer  de  la  dure  persécution  des 
créanciers,  on  l'abandonna  à  leur 
merci  ;  à  sa  personne  près ,  ils  se  sai- 
sirent de  tout  ce  qu'ils  trouvèrent 
dans  sa  maison.  Les  jésuites  d'Anvers 
le  surent ,  et  lui  en  firent  des  insultes. 
Voici  des  vers  tirés  de  ia  page  37  du 
V~œ  viclis. 

Paupcrior  Codro  Calli  nil  continet  arca  ? 
Qui  pote  ?  Jam  dicam  :  Baudxus   in  œre  la- 

bernai  . 

Totus  erat  (nôsli  quam  pocula  sœpe  salutel  )  ; 
Caupo  luhl  lectos,  sedes,  mensasque  ,  «6a- 

cosque, 
El  chlainydem  et  vestes ,  ollas ,  ignemque  , 

focumque  ;  . 

Nil  Bouda-us  habet,  secum  luhl  omma  Cau- 

Necsaterat.  Quid  ages,Baudi?  Vendcris 
et  ipse. 

Accipe  Caupo  libres ,  velulas  lias  ferlo  pa- 
py ros  , 

Muséum  atque  olaum,  lalernam  et  lampada 
sume, 

SU  modo  liber  adhuc  Baudœus  obirepopinas. 

(110)  Baudius,  Epist.  XV,  cent.   III,  pag. 

335. 

(m)  Epist.  XIV,  cent.  III,  pag.  334- 
(112)  Epist.  XIV,  cent.  III ,  pag.  353,  écrite 

h  M.  Vandur  Style,  U  10  de  mars  îCio. 


»  supellectile  ,    plurimâ    rerum    me- 
»  moriâ ,  et  ,  quod  familiam  ducit , 
»  pietate.  Sed  utilitatis  inaguitudo  , 
»  et  penuria  talium  virorum ,  débet 
»  etiam  ad  bunc  honestissimum  la- 
))  borera  médiocres   viros   invitare, 
»  ut  si  à  spe  perûciendi  absint ,  sal- 
»  tem  prseclarae  vo'.untalis  conscien- 
»  tiâ  perfruantur.  Ego  mihi  conscius 
»  sum  quàm  parùm  possim,  sed  ag- 
»  grediendi  studium  probis  omnibus 
»  me  probaturum  non  despero.  Deuni 
j)   certè  conGdo  piis  conatibus  adfu- 
3)  turum  ,  in  quem  prœcipuè  inluens, 
w  id  oneris  tollere  decrevi.   Quod  si 
»  saltem  efi'ecero  ,   ut  aliorum  scri- 
»  bendi  studia  excitentur  ,  qui  digne 
»  banc    spartam  exornare  '  possunt  , 
»  nihil  est  quod  me  non  assecutum  es- 
»  se  existimem  (i  i5).  »  Colomiés ,  qui 
nous  a  conservé  ces  paroles  de  Bau- 
dius ,  ajoute  ,  Opus  ,  animo,  ut  pulo  , 
duntaxat  conceplum  ,  nunquam  pro- 
diit.  Hinc  palet ,  cur  Baudium  Geor- 
gii    Cassandri    asseclam    in     Gallid 

(n3)  Je  crois  que  cela  veut  dire  que  Baudius 
épousa  une  veuve  qui  avait  trots  •nfans. 

(n4)  Scriverius,  in  Baudii  Amoribus,  pag. 

(u5)  Baudii  Epist.  od  J.  A.  Thuauiim  ,  apud 
Colomesii  Opuscuia  ,  pag.  41  ,  42- 


BAUDOUIN.  i9l 

orientait  (*)  àixerim,  quoà    muhis  tourner   à   cette    université  ,    il 

perobscumm,  ne c  immérité ,  vuleba-  s'arrêta  à   Strasbourg,   et    y  fit 

tul  (,l  ''  des  leçons  de  jurisprudence  un 

(*)  P"g'  l24-  an    durant.    Ensuite    il    alla    à 

(„q  Coiomesii  Opuscub,  PnS.  fc.  Heidelberg  ,  et  y  fut  professeur 

BAUDOUIN  (a)  (François),  eu  en  droit  et  en  histoire,  près  de 

latin  BalduînuSj   célèbre   juris-  cinq   ans ,   jusqu'à  ce   qu'il    fut 

consulte,  naquit  à  Arras  le  pre-  attiré  par  Antoine  de  Bourbon, 

mier  de  janvier  i5ao.  Il  étudia  roi  de   Navarre  (C) ,   qui    le    fit 

pendant  six   années    dans   l'aca-  précepteur    de    son    bâtard.    Il 

demie  de  Louvain;  après   quoi  ,  mena  son   disciple  à  Trente;  et 

il  fut  quelque   temps  à  la   cour  ayant    appris    qu'Antoine    était 

de  Charles-Quint ,  chez  un  grand  mort  d'une    blessure    reçue  au 

seigneur  (b)  ,  et  puis  il  alla   en  siège    de    Rouen  ,    il    revint    en 

France,  ou  il  acquit  l'amitié  des  France  avec  son  élève,  et  trouva 

plus  savans  *  (c) ,  et  entre  autres  ses  biens  et  ses  livres  dissipés  (g-), 

celle   de    Charles  Du    Moulin  ,  Il  retourna   en    son  pays   où   il 

chez  qui  il  logeai).  La  curiosité  était    attiré    pour    enseigner   la 

de    connaître    les    plus   célèbres  jurisprudence    dans    l'académie 

ministres  le  fit  voyager  en  Aile-  de  Douai  (D).   On  lui  promettait 

magne  (A)  :  il  vit  Calvin  à   Ge-  de  grands  avantages  ;    et  il    fut 

nève,  Bucer  à   Strasbourg,   et  reçu  très-civilement  par  le  duc. 

d'autres  en  d'autres  lieux.  Etant  d'Albe ,   la  veille   du  jour  qu'on 

retourné  à  Paris,    il  fut  appelé  à  emprisonna  le  comte  d'Egmont  : 

Bourges ,  pour    la  profession  en  mais   comme   il    craignit  d'être 

jurisprudence  (B)  :  et  il  l'exerça  choisi  l'un  des  juges  des  person- 

avec  tant  de  gloire,  qu'il  donna  nés  qu'on  voulait  faire  mourir, 

de    la    jalousie    à    son    collègue  il  demanda   un   congé  de  quel- 

Duaren(e).  Il  quitta  cette  charge  ques  jours  ,  sous  prétexte  d'aller 

au  bout  de  sept  ans,    pour  aller  chercher    son    épouse,   et    faire 

enseigner  le  droit  à  Tubinge  (_/*),  transporter  sa  bibliothèque;  et  , 

ou    on     l'appelait;   mais   ayant  quand    il    l'eut   obtenu,    il    s'en 

appris  pendant  son  voyage ,  que  retourna  à  Paris   et  s'y  arrêta. 

Du  Moulin  avait  dessein  de  re-  Il  y  fit  des  leçons  publiques  sur 

quelques    endroits   des   Pandec- 

(a)  On  le  nomme  aussi  Baudoin,  Balduin  ,  l'applaudissement  d'une 

Baudoin.  Voyez   la  Cabale  clumeiiq. ,  pag.  11 

2$o  de  la  2  .  édition.  Il  signait  en  français  foule    d'auditeurs  (h).     Il  accepta 

iMiduin.  ja  cuajre  r]e  jurisprudence  ,  qui 

0    Le  marquis  de  Bergue.  .  a-  i»  î  '      ■      j 

•  Bayle,  dans  sa  note  (r) ,  nommant  Budé,  llll   fut    otterte  par  1  académie  de 

Leclerc  remarque   que   Budé  était   mort  en  Besancon  ;   mais  avant  appris  ,  à 
l5ao,  époque  à   laquelle  Baudouin   étudiait  "       .     ,  J         ,,    l  l 

encore  a  Louvain.  son     arrivée ,    que     1  empereur 

(c)  De  Budé,  de  Baïf,  etc.  Maxi milieu  avait  défendu  à  cette 

{d)  Ex  Valer.  Andréa ,  Bibl.  belg. ,  pa^.  acadé,nie     l'érection     de     cette 

B2  i  :  et" la  se  trouve  aussi  dans  la  IIIe.  Ken.        .      .  • ,  .  r   - 

deBau.i.  à  CAvm.  folio  B  S.  chaire ,  il  ne  voulut  point  taire 

t'   Bjc  Papyr.  Massone  ,  Elo°. ,  parte  II ,  ,    . 

•  jti.aji.  f)    Ex   Valerio  Andréa,   Bibliot.   1 

f    C'est  ainsi  qu'il  faut  dire,  el  non  pas  f'"'-r-  221  i  222- 
Turiogiam,  comme  a  fait  Valère  .Audié.  l'ojez  la  remarqua    K  . 


ï92  BAUDOUIN. 

de  leçons  ,  quoiqu'on  l'en  sol-  rie  dans  la  tête  de  Baudouin.  Il 
licitàt.  Il  retourna  à  Paris ,  et  était ,  à  l'égard  des  académies , 
prêta  l'oreille  à  Philippe  de  Hu-  ce  que  sont  en  fait  de  maîtresses 
rault  (i)  ,  qui  lui  conseilla  de  certaines  gens ,  qui  courent  de 
faire  fleurir  la  jurisprudence  belle  en  belle,  et  les  mers  d'amour 
dans  l'académie  d'Angers.  Il  le  de  rivage  en  rivage.  Il  "y  a  bien 
fit  près  de  quatre  ans,  et  jusqu'à  de  l'apparence  que  lorsqu'il  vi- 
ce que  le  duc  d'Anjou,  proclamé  vait  à  Bourges  dans  la  commu- 
roi  de  Pologne,  le  fit  venir  à  nion  romaine  ,  il  avait  plus 
Paris  ,  au  temps  que  l'on  y  reçut  d'affection  pour  les  protestans  , 
l'ambassade  polonaise  (k)  (E).  Il  que  lorsqu'il  communiait  avec 
fut  destiné  à  la  profession  en  eux  dans  Heidelberg.  On  peut 
jurisprudence  dans  l'académie  soupçonner  aussi  qu'il  n'était 
de  Cracovie  (/)  ;  et  l'on  croit  qu'il  content ,  ni  du  papisme  ,  ni  du 
aurait  suivi  en  ce  pays-là  le  nou-  calvinisme ,  ni  du  luthéranisme, 
veau  roi ,  si  la  mort  ne  l'eût  et  qu'il  eût  voulu  les  refondre , 
prévenu.  Il  mourut  entre  les  et  peut-être  bien  d'autres  sectes 
bras  de  sa  fille  unique  (F) ,  dans  ensemble,  pour  en  faire  une  nou- 
le  collège  d'Arras  à  Paris,  le  24  velle.  Ce  qu'il  y  a  de  certain 
d'octobre  15^3  (m)  (G).  Voilà  à  est  qu'il  se  mêla  delà  réunion 
quoi  se  réduit  ce  que  Papyre  des  religions  (0).  On  ne  peut  nier 
Masson ,  Valère  André ,  Aubert  d'autre  côté  qu'il  n'eût  de  fort 
le  Mire  ,  Bullart ,  et  plusieurs  beaux  talens ,  une  science  très- 
autres  racontent  de  lui.  C'est  étendue  ,  une  mémoire  adrni- 
une  chose  bien  étrange  ,  qu'ils  rable  (p),  et  une  éloquence  d'au- 
aient  si  hardiment  supprimé  tant  plus  persuasive  qu'il  était 
tout  ce  qui  concerne  ses  change-  bien  fait  de  sa  personne  (q) ,  et 
mens  de  religion  («).  A  peine  que  sa  voix  avait  de  la  force  et 
peut-on  recueillir  de  leur  narré  des  agrémens  (r).  Ne  croyons 
qu'il  ait  vécu  une  fois  dans  la  donc  pas  qu'il  y  ait  de  l'hyper- 
communion  protestante.  M.  Mo-  bole  dans  ce  qu'on  a  dit  de  son 
réri ,  ou  par  ignorance ,  ou  par  auditoire  (K).  Il  mangeait  et 
dissimulation ,  a  omis  ces  mêmes  buvait  peu  ,  et  il  travaillait  beau- 
fautes.  En  récompense,  il  s'est  coup  (s).  Il  n'approuvait  point 
étendu  sur  la  querelle  de  Calvin  le  supplice  des  hérétiques  (/) ,  et 
et  de  Baudouin.  Elle  fut  très-  il  fit  de  grands  reproches  à  Cal- 
rude  (H)  :  Bèze  y  entra  avec  un  vin  à  l'occasion  de  Servet  (u). 
peu  trop  d'aigreur,  au  jugement 

même  de  plusieurs  personnes  de      g %^ZT^r\ ™aTu, 

son  parti  (I).  On  ne  saurait  nier  pag.  261. 

qu'il  n'y  eût  beaucoup  d'illCOn-  iq)  Slaturâ fuit  justâ  forma  eximiâ,  et 
1  J  ii-  Ver  omnes   œlalis   gradus  venusta.    Idem, 

stance  ,  et  beaucoup  de  bizarre-   ibidem. 

(r)   Vocem  canoram  ,  Jirmissima  latera, 

(î)  Chancelier  du  duc  d'Anjou.  utdocens,  Periclis  instar,  fulminare  vidcre- 

(h)  Tiré  de  Papyre  Masson  ,  Elog.  ,  part,  tut:  Masso,  Elogior.  parte  II ,  pag.  261. 

//,  pag.  258  et  seqq.  (s)  Vini  cibique  parcissimus....    nunquàm 

(/)  Thuan. ,  Historiae,  Itb.  LVU ,  p.  [y].  otiosus.  Idem  ,  ibid. 

(m)   Papyr.  Masso,  Elog.,  part. H,  p.  261.  (t)  Voyez  la  remarque  (D). 

(n)  Voyez  la  remarque  (A),  {u)  Voyez  }a  IIe.  Apologie  contre  Calvin. 


BAUDOUIN.  3 

Il  n'a  pas  été  collègue  de  Cujas  ,  Mais ,  en  conscience ,  cela  signifie-t-il 

comme  quelques-uns    l'assurent  (l"e  ce  dernier  avait  été  huguenot' 

(L).  Je  dirai  quelque  chose  de  ses  Le,.,ecli;«;r  ne  peut-il  pas  s'imaginer 

écrits,    et    du    plagiat    dont    on  ïvVnU.ÏÏ'X'inT  «î  F  .CO,iT  '• 

l'accusa(M).  Nbtez^ue  Théodore  dfpt^  uZZl^t^tt 

de   Bèze  raconte  qu'il  mourut,  '"'  Pas,»   mc  direz-vous;  et  moi    je 

ou  à  la  poursuite  d'un  procès,  ou  l\T  ,,7°nd.,'ai  9.ue  V(1<h  «Mes   très- 

de  chagrin  de  ce  qu'un  autre  lu,  »e'  de  ce°u*  S^SX 

avait  ete  préfère  pour  suivre  en  natale  de  plusieurs  personnes,  et  Sui 

Pologne  le  duc  d'Anjou  (».  Il  y  voudront  prendre  la   peine  de  tirer 

aurait  bien  des  réflexions  à  faire  i       ra,sonne,»,!ns-  Votre  devoir  est 

de  marmieren  (prniot  c-;  „i„: iv.i  • 


la  puisse  connaître  par  votre  seul  livre 

?âr,  *  ™  «,.  u  «  ,56.,  sriïrtPd:^PTrs; 


sur 

tune(N) 


(A)  Z«  curiosité  de  connaître  les 
plus  célèbres  ministres  le  fit  voyager 
en  Allemagne.  ]  Voilà  toute  la.  faute 
que  les  catholiques  romains  aient  pu 
lui  reprocher,  si  l'on  s'en  rapporte  à 
son  élogiste  Papyre  Masson.  J'ai  cher- 
ché diligemment  dans  cet  e'erivain  si 
Baudouin  abandonna  quelquefois  la 
profession    extérieure  de  l'église  ro- 


et  je  soutiens  que  ceux-mêmes  qui  se 
souviendraient  que  Calvin  fut  chef  de 
secte  avant  que  Baudouin  sortît  des 
Classes,  ne  trouveraient  point  d'ab- 
juration dans  le  familiaris  quon  lam 
î«t;cai  ,  en  expliquant  cela  par  l'au- 
be passage  de  Papyre  Masson,  ils  se 
fixeraient  *  cette  Vensée  :  Baudoùn 
%™\  'ait  .co°naître  à  Calvin  qu*i 
cliercbait  sincèrement  la  vérité  eut 
avec  lui    plusieurs  conférences'  'dans 


—  "S"»'  M"  "  ""'  *-""c  i»»uii:»iaiii.  Vj  esi 

une   simple   curiosité,    c'est    tout   au     , 

plus  une  espèce  de  défiance  qui  ne     remDS  )  car  deux  années  ne  sont  pas 

signifie   rien,  à   moins  qu'on   ajoute        ,L ^"««Pour satisfaire  aux  dïffi- 

qu'ayant    oui  les  raisons  de   ces  gens-     C" 
là  .  il  les  reconnut  pour  si    bonnes, 


,-.  ,         "  ■  ; ">-    aux  «mil- 

ites que  Baudouin  pouvait  propo- 
-Calvin,  qui  espérait  de  le  gagner, 
qud  prit   leur  parti.   Or,   bien   loin     ?  ■  I?         souhaitait    passionnément 
que  Masson  le  t'.,s,c,  il  dit  au  contraire  Cent  care*ses  ,  et  cent  oùvertu- 

que  Baudouin  désapprouva  leurs  rai-     >i  Cœt1^      ,nfin    Ce»e    proie    lui 

«rmc     /„ /2.„„.  „„.„„!    .....y.  .       .     .        échappa    :    Baudouin       ~'    '    _* 


que  Baudouin  désappri 
sons.   In  Germanium  profectus  a  de- 
fensoribus  novec  sectes  intelligere  vo- 
lait quas   ob  causas  a   romand  et  ve- 

teri  ecclesid  discessissent  .  .  .  quorum  """"  cfs"-se.   voi 

opiniones  non  probans,  Bucerum  tamen    SCnS  j1"  °,n   PoaiLralt  donner  aux  ter- 
ci  Melancthonem  aiebat  stùi  ob  mo-    i"6?    ,      ,Pyr?  Masson.  il  a  donc  eu 

,/.»<.#;„»..    ../ .• y>    i    ■  ...         tort    île    s  iMirinipi'  .!'.,„„    


.-  _„M„  v-cut;  proie  lui 
échappa  :  Baudouin  ,  n'ayant  pas 
trouve  que  l'on  satisfît  solidement  à 

tontes  ses  objections,  ne  vo t  point 

embrasser  1.,  nouvelle  ,.jlM.    y. ';,     I» 


.  ,        ,  >  j     :    ';"  "  «■   ""ne  eu 

tort  de  s  exprimer  d'une  manière  si 
trompeuse. 

M.  Moreri  est  encore  plus    blâma- 
ble ;  car  il    ne  peut  point  se    justifier 
qu'il  y  avait  eu  autrefois  de  fefami-    P3r   ,    B'.'vdéges  i]c  l'éloge.  Il  déclare 
hanté  entre  Calvin  et  Baudouin  (-i)      E :     *  f         ('  df  son  llvre»  qu'il  sou- 

v  '     tient  le  caractère  d  historien  :  il  n'a 
donc  point  pu  se  permettre  toutes  |es 


destiam  placuisse  :  Calwinum  displi- 
cuisse  propter  nimiarn  vindictes  et  san- 
guinis  situa  quant  in  eo  deprehendis- 

set{\).  Je  ne  nie  pas  qu'il    ne  dise 


C»)  PapjT.  Masse 
56,  i5t. 


Elogior.    parte  II,  png. 

■)  Familiaris  quo^am  sui.   Idem,  ibidem, 
pag.  ï6j.  '  ' 

TOME   m. 


.  ,■  *,,         • ■•-..>.   lûmes    |6{ 

><";l-yi".-  Masson  „  pu  couler  sous 
le  titre  favorable  VElogium  Francisa 
o^rfuiiM.  Masson  pouvait  dire  «  Ayant 
i3 


i94 


BAUDOUIN. 

5)  voulu  faire  l'éloge  d'un  fameux  ju-  nio  ,  mensâ ,  familial  itate  ,  menses 
»  risconsulte  ,  j'ai  cru  qu'il  fallait  en-  multos  commoralus  ,  iteritm  evangelici 
»  velopper  ce  qui  pouvait  rendre  nominis  factus  es.  Posteà  Biturigi- 
»  odieuse  la  personne  de  mon  héros.  »  bus  ad  papisticam  idofolatriam,  et  tan- 
Mauvaise  excuse,  source  continuelle  quant  canis  ad  vomitum ,  rediisti.  In- 
d'illusions  et  de  faussetés;  mais  enfin  de  Argenloratum  profectus,  evangeli- 
on  la  reçoit  mieux  d'un  panégyriste  cum  te'professus  es  :  cum  Petro  Mar- 
que d'un  historien.  Que  dirons-nous  tjre  vixisti.  Cœnam  dominicain  in 
donc  de  M.  Moréri  ,  qui  s'est  contenté  Gallorum  ecclesid  ampliiis  decies  par- 
de  ces  paroles  :  //  avait  eu  la  curio-  ticipdsti.  Mox  Heidelbergam  delalus 
site  de  voir  Calvin  et  les  autres  chefs  confessioni  gallicarum  ecclesiarum  , 
des  protestons.  On  dit  même  qu'il  sue  qud  pauto  antè  cœnam  dominicain 
avait  eu  du  penchant  à  se  jeter  dans  duodecies  sumpseras,  hostis  factus  es, 
leur  parti;  mais  que  la  lecture  d'un  et  hessussianis  te  parlibusdedisti.  Tau- 
ouvrage  de  George  Cassander  l'en  em-  dem  in  Galliam  reversus  ,  quarthm 
pécha  (3).  //  avait  fait  amitié  avec  papista  factus  es.  Horum  si  quidfal- 
Calvin  :  ce  ne  fut  pas  pour  long-  sum  autfictum  sit ,  vola  ut  mini  ocu- 
temps.  Bien  loin  de  trouver  dans  ces  los  eruas  :  aut ,  ut  calumniatorium 
paroles  l'abjuration  du  papisme,  on  y  tuum  supplicium  imitemur ,  crura 
trouve  clairement  que  Baudouin  n'ab-  mihi  sujfringas  (4).  Ces  paroles  sont 
jura  jamais  l'église  romaine.  Où  est  tirées  d'une  longue  lettre  ,  qui  fut 
donc  la  bonne  foi  historique,  et  la  écrite  à  Baudouin  l'an  i564-  On  lui 
netteté  de  récit,  qui  demandent  que,  avait  déjà  étalé  la  même  supputation 
quand  tous  les  autres  livres  du  monde  l'an  i562  ,  et  avec  des  circonstances 
seraient  brûlés  la  seule  histoire  d'un  qui  sont  curieuses  ;  car  on  le  fit  sou- 
homme  apprît  clairement  à  tous  les  venir,  i°.  qu'ayant  demandé  d'être 
lecteurs  s'il  a  dit  ou  s'il  a  fait  une  reçu  à  la  sainte  cène  dans  l'église 
telle  chose?  La  faute  que  je  censure  française  de  Strasbourg ,  il  avait  fait 
est  donc  très-grande,  s'il  est  vrai  une  longue  déclaration  de  sa  foi,  en 
que  François  Baudouin  ait  changé  de  présence  de  l'assemblée  ;  ae.  ,  que 
religion  :  elle  paraîtra  donc  énorme  pendant  qu'il  séjourna  à  Genève,  il 
à  ceux  qui  savent  qu'il  eu  changea  avait  fait  des  discours  publics  sur  les 
pour  le  moins  sept  fois*.  Voyons  le  re-  matières  de  religion.  Verbosissimam 
proche  qu'on  lui  en  fit  publiquement  :  fidei  tuœ  confessionem  publiée  in  tew- 
il  n'est  point  vague;  il  est  muni  de  plo  non  infrequenti  hominum  convenlu 
circonstances.  Ejectum  te,  Balduine,  magnâ  et  confidenli  voce  pronuntiâs- 
et  excommunicatum  ab  omnibus  piis ,  ses ,  ut  ad  sacrce  cœnce  et  corporis 
quicumque  in  Gallid  aut  Germanid  Christi  communionem  recipereris.-.  .  . 
nomen  tuum  audierunt ,  negare  nnn  in  publicd  (  ut  vocant)  congregalione 
potes.  Septies  his  viginli  annis  reli-  consessuque  paslorum  et  doctorum  ho- 
eionem  mutdsti.  Non  scepiùs  ferè  ser-  minum  lanquam  Saul  inter  prophetas 
pentes  pelleni  mutant.  Educatus  es  verba  de  rébus  sacris  faceres  (5).  J'ai 
apud  tuos  in  Flandrid  papisticè.  Post-  lu  cela  dans  une  lettre  dont  François 
eh  Genevœ  christianam  religioneni  Hotman  passe  pour  l'auteur.  Notez 
professus  es  :  eoque  nomine  aliquolies  qu'il  se  trompe  dans  la  circonstance 
ad  corporis  Christi  communionem  ac-  du  temps;  car  il  suppose  que  Bau- 
cessisli.  Inde  Luletiam  profectus  pa-  douin  fit  à  Strasbourg  sa  première 
pisticumhabitum  recepisli.  Mox  Gène-  abjuration  du  papisme.  Cela  est  taux, 
vain  reversus  ,  et  in  Calvini  contuber-  il  n'y  fit  que  la  troisième.  Les  protes- 
f  j  „  ,  tans  lui  donnèrent  le  surnom  d'Ece- 
Tb(ol  ÇS%ralaZ"ti%rt  ?P.«re>  bolius  ,  pour  signifier  qu'il  changeait 

Charpentier,  un  peu  au-dessus  de  la  citation,  de    religion    Comme    de    chemise  j     et 
(  5V,  vous  trouverez  bien  de  l'abus. 

*  L'Incertitude  du  nom  île  l'accusateur  paraît  (4)  Antonins  Guœrinius   (  C'est  ainsi  nu  il  est 

i  Leclcrc  un  motif  de  douter    de    l'accusation,  nommé  dans  Rivet,  loin.  III ,  pag.  1127,  col. 

mais  «  le  vrai  e,t ,  dit  la  Biographie  universelle,  1  ;  mais  dans  ^Epitonie  de  Gesner  on  le  nomme 

»   que  Baudouin  qui  avait  très-bien  étudié  l'an-  Guajimeiis  nul  CynaTus  :  ),  F.pist.  adBalduinum, 

.    tiquité   ecclésiastique,    convenait  qu'il  y  avait  pag.  5(j,  apud  Rivemm  ,  Oper. ,  lom.  III,  par, . 

»  de  -rands  abus  à  réformer  dans  la  religion  ca-  1117, col.  1. 

»  tholique.  »  Depuis  Baudouin  on  est  loin  d'avoir  (5)  Epis!,  ad  Franc.  Balrb/.num,  de  Officie  lui» 

rien  réformé.  io  Religione  ,  tum  in  Scriptionibus  retinendo. 


BAUDOUIN. 


i95 


ils  lui  en  firent  la  guerre  si  souvent 
dans  leurs  écrits  ,  que  personne  n'en 
peut  prétendre  cause  d'ignorance  (6). 
Voyez  le  IIe.  volume  des  Disputes  de 
Voetius  ,   à  la  page  780. 

(B)  //  fut  appelé  a  Bourges ,  pour 
la  profession  en  jurisprudence.  ]  Nous 
allons  toucher  un  second  défaut  des 
écrivains  qui  parlent  de  lui  :  ils  ne 
marquent  prescpie  jamais  en  quel 
tfinps  il  lut  pourvu  de  telle  ou  de 
telle  charge.  M.  Ménage  ,  qui  a  évité 
ce  défaut,  observe  qu'il Jut  profes- 
seur en  droit  à  Bourges  ,  depuis  i54g 
jusqu'en  1 556  :  (  il  fallait  dire  depuis 
t5^8jusqu'cn  i555),  et  qu'il  y  recul 
le  bonnet  de  docteur  de  la  main  d'E- 
guinarius  Baro  (7).  La  cérémonie  de 
cette  réception  fut  faite  le  i3  de  mars 
i54g  '  comme  M.  Catherinot  nous 
l'apprend  (8).  11  ajoute,  qu'en  i553, 
les  gages  de  François  Duaren  mon- 
taient à  950  livres  ,  ceux  de  notre 
Baudouin  à  35o  ,  ceux  de  Hugues  I)o- 
neau  à  23o.  J'observe  cela  ,  afin  de 
convaincre  de  mensonge  Papyre  JVIas- 
son,  qui  a  dit  que  les  gages  de  Bau- 
douin ne  furent  pas  moindres  que  les 
gages  de  ses  collègues.  Aceersilur  à 
Btturigibus  ad  docendi  muiius  susci- 
piendum  Jitturus  eollega  Baronis  et 
Duareni  jurisconsultorum  ,  aceeplu- 
rusque  de  publico  honorarium  quan- 
tum tilts  daretur  ("y).  J«>  lui  montre  ail- 
leurs (10)  un  autre  mensonge.  M.  Ca- 
therinot remarque  sous  Tan  1 5^9  , 
que  Balduin  fut  pendant  un  temps 
suspect  d'hérésie ,  comme  disciple  <le 
Jean  Calvin  a  Genève  ,  et  commensal 
de  Charles  du  Moulin  a  Paris.  Il  dit 
aussi  qu'en  1 556 ,  Balduin  écrivit  con- 
tre Duaren  sur  le  siqet  des  bénéfices, 
et  que  Duaren  le  nommait  par  mépris 
Balbin.  foyez,  conlinue-t-il ,  son 
portrait  citez  Duaren  ,  dans  une  lettre 
du  i3juin  1 555.  Je  donne  ailleurs  (1 1) 
quelques  extraits  de  cette  lettre.  No- 
tez qu'il  entretint  commerce  de  let- 
tres avec  Calvin  pendant  son  séjour  à 

(6)  Voyez  le  livre  que  Théodore  de  Bèze  fil 
contre  lui. 

(7)  Ménage,  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Avrault ,  pag.  107. 

(8)  Calberinot,  Calvinisme  de  Berri,  pag.  4- 

(9)  Papyr.  Masso,  Elogior.  part.  II ,  pag. 
217.  Vous  trouverez  dans  Bulhrt,  Acad.  des 
Sciences  ,  loin.  I ,  pag.  238,  la  même  faute. 

(10)  Dans  l'article  Duarek. 

(11)  Dans  la  remarque  (I)  de  l'article  Doa- 
rc.N. 


Bourges  ,  et  qu'il  lui  témoignait  qu'au 
fond  de  l'âme  il  était  bon  protestant 
(12).  On  lui  reprocha  d'avoir  subor- 
né à  Bourges  une  riche  veuve  (i3),et 
d'avoir  quitté  cette  académie  sans  dire 
adieu  à  son  hôte  (hJ.  Je  ne  rapporte 
ces  choses  qu'afin  qu'on  voie  quel- 
ques circonstances  de  la  profession 
que  notre  Baudouin  exerça  dans  l'aca- 
démie de  Bourges.  M.  Ménage  assure 
qu'il  y  fit  en  i556(i5)  l'oraison  funè- 
bre d'E^uiiiarius  Baro  ,  dont  il  avait 
été  ennemi ,  si  l'on  en  croit  Duaren 
(16).  Duarenus  tanlam  juvenis  (  Bal- 
duini  )  gloriam  non  jerens  ,  nunquàm 
se  Balduino  salis  œquum  pnebuit  (17). 
Au  reste  ,  la  date  de  sa  vocation  à  la 
chaire  de  jurisprudence  à  Bourges 
nous  fait  connaître  une  méprise  de 
M.  Butlart.  11  «lit  que  cet  habile  hom- 
me était  passé  à  Genève  ,  pour  appren- 
dre de  la  bouche  même  de  Calvin  cl  de 
Bèze  la  raison  qui  les  avait  obligés  h 
quitter  l'église  romaine  (18).  11  re- 
connaît que  ce  voyage  précéda  le 
temps  auquel  Baudouin  fut  fait  pro- 
fesseur à  Bourges  :  il  doit  doue  tom- 
ber d'accord  que  Baudouin  le  lit  avant 
l'année  i5^9  ,  et  par  conséquent  lors- 
que Bèze  n'était  pas  encore  un  sujet  à 
consulter  sur  ces  matières.  11  est  sûr  , 
i°.  que  Bèze  était  encore  papiste,  et 
à  Paris  ,  lorsque  Baudouin  prônait 
dans  les  compagnies  les  lettres  de  Cal- 
vin et  de  Bucer  (  19)  ;  2°.  que  Bau- 
douin s'était  retiré  de  Genève  avant 
que  Bèze  y  alhlt  (20).  Ceci  nous  four- 
nit une  forte  preuve  de  la  fausseté  que 
Varillas  a  débitée  dans  ces  paroles  : 
Calvin ,  qui  prétendait  le  pousser  par- 
les mêmes  voies  que  Bèze  s  était  ac- 
crédité dans  le  parti ,  l'avait  appelé 
h  Genève  ,  reçu  dans  sa  maison  ,  mis 

(12)  Voyez  la  Réponse  de  Bèze  à  Baudouin  , 
Oper.  ,  tom.  II,  pag.  2i3  ,  214. 

(i3    Beza,  ibid.,  pag.  2ij. 

(i4)  Itlem,  ibid.  ,  pag.  21 3. 

(i5)  Il  fallait  dire  i55o.  Voyez  l'article  Dua- 
reh,   remarque  CE). 

(1G)  Ménage  ,  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Avrault.  pag.  i5~. 

(17;  Papyr.  Masso,  Elogior.  part.  II,  pag. 
337. 

(18)  Bullart.  Académie  dos  Sciences,  tom..  I, 
pag.  228.  I.a  même  faute  est  dans  le  Théâtre  de 
Ghilini  ,  tom.  Il ,  pag.  83. 

(ij)>  Beza,  Respons.  ad  Balduin.,  pag  206. 
Ojper.  .  tom.  11  Votez  que  Baudouin,  dans  ta 
lit'.  Képonse  ,  folio  80  verso  ,  dit  que  cela  ap- 
partient a  l'an  ir>.)li. 

(20)  Balduin.,  ibid. ,  folio  83  verso. 


i96  BAUDOUIN. 

dans  V intrigue  du  consistoire  ,  et  s'en  ment  à  la  couronne  (25).   Mais  tout 

était  serin  plusieurs  années  en  qualité  cela   n'effleure  pas  même   l'ecorce  de 

de  secrétaire.  Mais ,  soit  que  l'humeur  l'intrigue  que  Théodore  de  Bèze  a  ra- 

de  Baudouin  J'ilt  exlraordinai renient  conte'e.    11    dit  qu'après  la    mort   de 

inconstante  ,    comme    les    calvinistes  François  II  ,  ceux  qui  craignirent  de 

lui  reprochèrent  depuis,  ou  qu'il  eût  perdre    leur   autorité    à   la    cour  de 

reconnu    que    le     calvinisme     n  était  France ,  travaillèrent  principalement 

qu'une  hypocrisie  raffinée,  comme  Me  à    faire   rentrer  dans  la   communion 

publia  dans  une  piquante  apologie  ,  il  romaine   le  roi  de  Navarre  (26).   Ils 

se  retira  de  Genève  a  Heidelberg  (21).  l'engagèrent  à  envoyer  un   ambassa- 

Bèze  n'était  pas  encore  de  la  religion,  deur  à  la  cour  de  Rome,  sous  l'espé- 

quand  Baudouin  reçut  de  Calvin  tant  rance  ,  ou  de  recouvrer  son  royaume, 

de    marques    d'amitié.     Baudouin    ,  ou  d'en  obtenir  un  autre  du  roi  ca- 

après  les  avoir  reçues,   ne  s'en   alla  tholique,  par  les  bons  offices  du  pape, 

point  à   Heidelberg  :  il  s'en  retourna  Ils  lui  firent  espérer  d'un  autre  côté, 

en  France,  et  fut  professeur  à  Bour-  par  des  personnes  apostées  ,  que   les 


ges  pendant  sept  ans.  J'avoue  qu'a-  protestais  d'Allemagne  se  pourraient 
près  cela  il  fut  retrouver  Calvin  à  unir  en  sa  faveur  pour  lui  faire  recou- 
Genève  (22)  ;  mais  il  s'y  arrêta  peu  :  vrer  la  couronne  de  Navarre  ,  et  sur- 
il  y  essuya  une  rude  réprimande;  il  y  tout  si  l'on  pouvait  moyenner  une 
témoigna  son  repentir,  et  se  trans-  concorde  de  religion.  Ils  lui  parlè- 
porta  bientôt  à  Strasbourg,  par  le  rent  d'un  professeur  d'Heidelberg  , 
conseil  de  Calvin,  et  il  n'enseigna  le  nommé  Baudouin,  qui  serait  propre 
droit  à  Heidelberg,  qu'après  lavoir  à  négocier  de  telles  affaires.  Il  le  fit 
enseigné  dans  Strasbourg.  Quùm  illà  venir  en  France  :  il  conféra  avec  lui  ; 
bituricensis  condilio  eum  gravaret  (os-  et  le  jugeant  propre  à  trouver  des 
tentatio  enim  ,  quâ  solâ  pollel,  eva-  voies  d'accommodement  de  religion  , 
nuerat,  ut  spei  et  vous  minime  satis-  il  le  mit  en  couvre  :  et  après  quelques 
faceret)  non  dubitavilhuc  serecipere  :  ébauches  préparées  à  Paris  ,  il  le 
et  quùm  undique  liberis  eum  convitiis  renvoya  en  Allemagne  ,  et  le  chargea 
exagitârint  qui  prias  amici  fuerant ,  nommément  de  consulter  avec  Cassan- 
huinanker  à  me  impetratd  venid  ad-  der.  Cette  intrigue  destinée  à  rompre 
viissus  fuit.  Feci  quidem  quod  necesse  le  colloque  de  Poissy  ne  le  rompit  point. 
erat ,  ut  severd  objurgatione  correctus  Les  ministres  y  avaient  déjà  comparu 
lapsus  suif œditatem  agnosceret.  Ser-  deux  fois,  lorsque  Baudouin  fut  de 
viliter  assensus  est,  et  adulatoriè  meis  retour,  chargé  d'un  projet  de  concorde 
seconsiliisregendum  permisit.  Argen-  imprimé  à  Baie  (27).  On  le  gronda 
tinam  profectus  nomen  dédit  apud  d'être  revenu  trop  tard  :  il  trouva 
pastorem  et  seniores  gallicanœ  eccle-  changé  l'évêque  de  Valence  ,  qui  lui 
sice  (23).  Voilà  comment  M.  Varillas  avait  promis  une  profession  en  droit, 
s'instruisait  des  choses  dont  il  se  mê-  Tout  ce  qu'il  put  obtenir  fut  la  char- 
lait  de  parler.  ge  de  précepteur  du   fils  naturel  du 


(C)    //  fut   attiré  par  Antoine  de 


de  Navarre.   Il   s'en  alla   à  Pai 


Bourbon  ,  roi  de  Navarre.  ]  Les  uns  et  se  fit  valoir  par  des  leçons  où  il  joi- 
disent  qu'il  était  alors  en  Lorraine  ,  à  g"1.1  le  droit  civil  avec  l'histoire; 
la  suite  du  prince  Casimir  ,  fils  de  mals  "  Pertllt  s;»  réputation  ,  quand 
Frideric  comte  palatin  (24)  ;  les  au-  on  eut  lu  le  livre  qui  lut  publié  con- 
tres ,  qu'il  était  revenu  en  France  trel  accommodement  des  religions 
avec  l 'héritier  du  comte  palatin  ,  qui  qu  il  avait  apporté  d  Allemagne.  Il 
venait  saluer  Charles  IX,  a  son  avéne-  Pnt  le  parti  de  se  déiendre  ,  et  d'é- 
crire contre  Calvin.  Cela  eut  des  sui- 
.    .  „    ...       „.  .    ,    n.     ,     ,,.     ,        r  tes  ,  comme  on  le  verra  ci-dessous. 

(21)  Varillas,  Hist.  de  (.lianes  IX,   loin.  I  , 
pag.  89  ,  édition  de  Hollande,  en  1686 

(32)  Beia ,  Respons.  ail  Bald  ,  Oper.,  loin.  II,  (23)  Ménage  ,  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 

pag.  2i3.  Ayrault,  pag.  157. 

(s3)  CaKin.,  Respons.  ad  Balduin  ,  pag.  iGS.  (26)  Theod.  Bezœ  ad  Francisci   Balduini   Ece- 

Tra-.tat.  Tlieolog.  bolii  convicia  Respons.  ,  init. ,  pag.  201  et  set/., 

(24)  Valer.  Andr. ,  Bibl.  bels.,  pag.  222.  Cela  f>m.  Il  Oper. 

est  conforme    au   narre'  de   Baudouin    dans  sa  (27)    On  rCy  mit  ni  le  lieu  de  l'impression  ,  ni 

IIIe.  Réponse,  folio  iji.  le  nom  de  V imprimeur.  Beza,  ibid. ,  pag.  202. 


BAUDOUIN. 


'97 


M.  Varillas  peut  confirmer  quant 
au  fond  ce  récit  de  Théodore  de  Bèze. 
Il  dit  que  Baudouin  <c  se  retira  de 
3)  Genève  à  Heidelberg  ,  où  il  professa 
»  la  jurisprudence  ,  jusqu'à  ce  que  , 
»  Cassander  lui  ayant  inspiré  la  pas- 
»  sion  de  réunir  toutes  les  religions,  il 


»  Il  faut  avouer  que  les  catholiques 
»  ne  reçurent  jamais  de  conseil  plus 
»  salutaire  ([ne  celui  de  Baudouin  ;  et, 
»  s'il  eût  été  exécuté  avec  autant  de 
«diligence  qu'il  en  était  besoin  pour 
»  le  succès  d'une  intrigue  si  délicate  , 
»  on  eût  prévenu  tous  les  maux  qu'on 

..         ■»       .1 '         _..M._.      J_     I-       .  <■' 


»  crut  qu'il  fallait  commencer  par  la    »  vit   depuis  naître  de  la  conférence 

»  de  Poissy.  Et  de  fait ,  les  ministres  , 
»  qui  n'ignoraient  aucune  des  plusse- 
»  crêtes  maximes  de  leurs  adversai- 
»  res,  ayant  su  ce  que  Baudouin  avait 
»  propose  à  leur  désavantage  ,  s'em- 
»  portèrent  contre  lui  dans  tous  les 
»  excès  que  l'indignation  ,  le  dépit , 
»  la  jalousie  et  la  fureur  ,  peuvent, 
"inspirer,  lorsqu'elles  sont  animées 
»  par  le  faux  zèle,  et  qu'elles  se  cachent 
»  sous  une  si  spécieuse  couverture.  » 
Notez  que  M.  Varillas  se  trompe  , 


j>  France  ,  où  il  s'attendait  de  trouver 
»  moins  d'opposition.  11  vint  à  Paris 
)>  où  il  porta  et  communiqua  au  car- 
»  dinal  de  Lorraine  ,  la  fameuse  con- 
■»  sultation  que  le  même  Cassander 
:i  avait  composée  pour  l'achèvement 
3>  de  son  projet.  Le  cardinal  de  l.or- 
)j  raine  la  reçut  avec  d'autant  plus  de 
»  joie  qu'il  prévoyait  qu'encore  qu'elle 
»  ne  produisît  pas  tout  l'effet  que  son 
»  auteur  avait  prétendu  ,  elle  commet- 
»  trait  du    moins   les    protestans   les 


»  uns  contre  les  autres  ,  et  diviserait  quand    il  dit  que   la  consultation  de 

»  les  ministres  de  l'assemblée  de  Pois-  Cassander  fut  portée  par  Baudouin  au 

»  sy  ,    par    les    ouvertures    d'accord  cardinal  de  Lorraine.  Elle  ne  fut  faite 

)>  qu'elle  suggérait  aux  plus  modérés  que  trois  ans  après  (3o).  Je  donnerai 

»  d'entre  eux  (28).  »  M.  Varillas  ve-  ci-dessous  (3i)   le    titre  de   l'ouvrage 

nait  de  dire  que  Baudouin  par  cette  dont  il  fut   porteur  ,  et  je  dirai  (3'>s) 

aventure  devint   précepteur    du    fils  qu'on  l'employa  auprès  du  prince  de 


naturel  du  roi  de  Navarre.  Il  raconte 
ensuite  la  manière  dont  les  ministres 
se  tirèrent  «  du  mauvais  pas  où  Bau- 
n  douin  les  avait  engagés.  Mais ,  ajou- 
»  te-t -1/(29)  ,  ils  n'eussent  pas  démêlé 


Condé  ,  pour   moyenuer  un    accord 
ecclésiastique. 

(D)  On  le  voulut  avoir  ,  pour  ensei- 
gner la  jurisprudence  dans  l'académie 
de  Douai.  ]  Le  marquis  de  Bergue  ,  et 


»  avec   autant   de  facilité  la   seconde  plusieurs  autres  grands  seigneurs  du 

»  dilliculté  de  Baudouin,  si  la  fortune  Pays-Bas  ,  engagèrent    Ma\imilicn  de 

»  ne  les  eût  secondés.  Il  avait  persuadé  Bergue,  archevêque  de  Cambrai,  à 

«  le  cardinal  de  Lorraine,  de  mander  faire  en  sorte  qu  on  procuriH  à  Bau- 

»  les  plus  fameux  professeurs    luthé-  douin  cette  chaire  de  jurisprudence. 

)>  riens  du  Palatinat  et  du  duché  de  Ils  souhaitaient  de  se  servir  de  ses  con- 

»  Virtemberg  ,    pour  les   introduire  seils  dans  les  affaires  d'état  et  de  reli- 

»  dans  la  conférence  ,   où  il  était  as-  gion  (33)  ;  car  ils  savaient  qu'il  était 

»  sure  qu'ils  s'emporteraient  avec  plus  d'avis  que  l'on  modérât  les  ordonnan- 

»  de  chaleur  contre  les    calvinistes,  ces  contre  les  sectaires  (34).  Nuiu  Bal- 

»  que  contre  les  catholiques  ;  et  (pie  duinus  in  eâ  erat  senlenùd  ,   ut  rete- 

»  par   cet  artifice  ,   outre   le   plaisir  rem  edictorum  sct'eritalem  îeniendam 

»  qu'il  y  aurait  de  voir  les  hérétiques  profiteretur ,  ajjirmaretque  ,   retinere 

»  aux  mains  les  uns  contre  les  autres  ,  ed  ratione  ecclesiœ  auctorilalem  neque 


»  leur  opposition  les  rendrait  ridicu 
))  les  à  la  cour  ,  où  leur  doctrine  était 
»  auparavant  admirée  :  et  le  peuple  , 
»  qui  les  croyait  uniformes  ,  appre- 
»  nant    qu'ils     s'entrc-déchiraient    , 


feteres  consuesse,  neque  us  ,  qiiir  tune 
erant  ,  temporibus  diii  posse  (35).  On 
a  donc  sujet  de  croire  qu'il  s  1  a  re- 
tourna à  Paris  ,  pour  n'être  point  en- 
gagé par  le  duc  d'Albe  dans  les  pro- 


»  changerait  si  promptement  en  mé-    cédures  cruelles  qui   se  préparaient 

»  pris  son  ancienne  estime  pour  eux  , 


»  qu'on   ne  verrait    plus  de  Français 
»  sortir  de  la  communion  de  l'Eglise. 

<28)  Varillas,  Histoire  de  Charles  IX ,  loin. 
Ier ,  pag.  ijo  , édition  de  Hullnndc.  Vojet  aussi 
M.  Je  Thou  ,  liv.  XXFIII,  pab-.  567. 

(29)  Varillas,  Histoire  de  Charles  IX,  pag.  91. 


(3o)  V<nez  Spomle,    àl'ann     îVJj  ,  nwn.  -x-. 
(3i)   Dans  ta  remarque  (H). 

(32)  Dans  la   remarque  (î&] 

(33)  Yaler.,  Andréas  ,  Bibliolli.    belgici*  pa. >. 
111, 

(.'4)  Idem,   ibidem. 
(i5j    Idem,  ibidem. 


i9B  BAUDOUIN. 

Acné  forte  quœsitor  reis  datus ,  capi- 
talibus  sentenliis  provincialium  suo- 
rum  subscribere  cogeretur  (36).  Les 
mécontens  du  Pays-Bas  se  promirent 
bien  des  choses  d.:  ses  conseils  ,  puis- 
qu'outre  les  principes  que  je  viens  de 
rapporter,  il  avait  beaucoup  d'adresse 
à  manier  les  esprits  ,  et  beaucoup  de 
science  du  monde  :  Ut  in  Belgium 
venil  ,  magnum  sui  exspectulionem 
omnibus  Jecit.  Solers  animo  ,  obse- 
quendi  gratid ,  et  civili  congressu  , 
nec  minus  ojficii  comilate  ,  ad  ingénia 
principum  vilam  instruxerat.  IVec 
enim  novorunt  honiinum  deliramenta 
sectabalur  ,  et  rursùs  in  religione  scru- 
pulum  oderat.  Uunianiusque  credebat, 
iniquitati  temporum  cedere  ,  pietalis- 
que  irUegritatem  in  paucis  violare  , 
quant,  vint  adfene  lurbatis  conscien- 
liis  ,  quas  in  contaminatis  hominibtis 
nulla  uiiquam  supplicia  eluunt  (37). 
L'auteur  que  je  cite  venait  d'observer 
que  Baudouin  avait  été  fort  connu  de 
Louis  de  Nassau  à  Heidelberg.  La  troi- 
sième apologie  de  ce  jurisconsulte 
nous  apprend  que  le  prince  de  Nas- 
sau ,  qu'il  avait  eu  à  Strasbourg  pour 
auditeur  ,  lui  avait  fait  depuis  peu 
beaucoup  de  caresses  dans  les  Pays- 
Bas  (38).  Ajoutons  qu'il  fut  estimé  de 
Guillaume,  prince  d'Orange.  Francisco 
Halduino  ,  jurisconsulte  egregio  ,  pa- 
cis  ecclesiasticœ  studioso  ,  magnifaclo 
a  principe  Arausionensi  IVdhelmo 
aliisque  Belgarum  proceribus  qui  et 
opéra  ejus  usi  sunt ,  cur  credi  non  de- 
beat  ,  nihil  causœ  est  (39).  C'est  Gro- 
tius  qui  parle  ainsi  ,  et  qui  assure  que 
ce  prince  et  les  autres  grajids  seigneurs 
du  Pays  -  Bas  se  servirent  de  Bau- 
douin.Ce  fut  dans  leurs  premières  dé- 
marches contre  l'Espagne.  11  se  trou- 
va à  leurs  premières  assemblées  de 
Breda  ,  et  ils  lui  tirent  dresser  l'é- 
crit par  lequel  ils  demandaient  à  la 
ductiesse  de  Parme  le  libre  exercice 
de  la  religion.  11  montra  qu'une  reli- 
gion ne  peut  subsister  sans  l'exercice 
extérieur  ,  et  qu'elle  demande  cela 
comme    un  appui  et  un  aliment  né- 

(36)  Papyr.  Masso,  Elog  or.  pari.  II,  pag. 
259. 

(37)  Nicol.  Burgund.,  Ilist.  belg.,  lib.  II, 
PaS.  67. 

(38;  Balduinns  ,  ïfi  Respons.  ad  Calvin,  et 
lîpzam  ,J'olio  88  verso.  Elle  Jut  imprimée  Van 
i564 

(39)  Grotius,  in  Rivetiani  Apologetici  Discus- 
sione,  pag.  23. 


cessaire'(4o).  L'auteur  qui  m'apprend 
cela  ,  observe  que  Baudouin  avait  été 
rappelé  de  son  exil  par  l'archevê- 
que d'Arras.  Ab  exilio  per  archiepis- 
cnpum  Alrebatensem  (  il  fallait  dire  , 
episcopum  Alrebatensem  )  revocalus 
(4>)  Afin  d'entendre  cela  ,  il  faut  sa- 
voir que  ,  se  voyant  déféré  comme 
hérétique  ,  il  sortit  de  sa  patrie  ,  et 
qu'après  sa  fuite  on  prononça  contre 
lui  une  sentence  de  proscription  (42). 
Elle  fut  révoquée  lorsqu'on  le  iit  ve- 
nir pour  le  consulter  sur  l'état  du 
Pays-Bas.  Notez  que  l'auteur  qui  parle 
de  l'archevêque  d'Arras  ne  rapporte 
point  le  fait  comme  il  faut  :  la  Chro- 
nique de  Jean-François  le  Petit  ,  à  la- 
quelle il  nous  renvoie  ,  nous  en  dira 
mieux  les  circonstances  :  «   François 

»  Bauduin ,  ayant   auparavant  été 

»  banni  de  la  ville  d'Arras  pour  la  re- 
»  ligion ,  fut  mandé  par  ledit  seigneur 
»  prince  d'Orange  ,  de  France  ,  pour 
»  l'ouïr  sur  les  difficultés  qui  s'y  re- 
»  présentaient  ;  lequel ,  après  son  ban 
»  révoqué  par  la  chambre  d'Arthois  , 
»  à  l'instance  de  l'archevêque  de  Cam- 
»  brai  ,  s'en  alla  trouver  ledit  seigneur 
»  prince  en  la  ville  de  Brusselles  ,  où, 
»  ayant  communiqué  avec  lui  et  avec 
»  les  seigneurs  ci-dessus,  il  dressa  un 
»  discours  en  forme  d'avis  sur  le  fait 
»  du  trouble  apparent  pour  le  fait  de 
»  la  religion  ,  lequel  fut  envoyé  au 
»  roi  en  Espagne  ,  adressé  en  ses 
»  mains  propres  ,  auquel  est  montré 
»  le  vrai  moyen  qu'il  faudrait  tenir 
»  pour  obvier  à  toutes  émotions,  et 
»  pour  extirper  les  sectes  et  hérésies 
»  (43j.  »  On  trouve  ce  discours-là 
tout  entier  dans  la  chronique  de  Jean- 
François  le  Petit.  Jl  est  beau  et  fort 
sensé.  Baudouin  ,  à  ce  que  dit  ce  chro- 
niqueur ,  atteignit  quant  au  remède 
des  troubles  le  vrai  neud  de  la  beso- 
gne ,  que  le  roi  et  son  conseil  ont  de- 
puis peu  avoir  cognu  entre  véritable. 

Notons  en  passant  que  les  écrivains 
qui  parlent  de   lui  disent  à  tort  que 


(4>>)  Joli.  Grevius,  Epist.  ad  Bernhar 
Brantiuni.  C'est  la  CCCLXXVI* .  des  Epi 
eedeMast.  et  ibeologicœ ,  éda.  d'Amslerdai 
1684    II  cite  Jean  Petit ,  loin.  I. 

(4i)  Idem,  ibidem. 

/42J  Voyez  Nicolas  Burgund.  ,  Hist.  belg.  , 
II  ,  pag.  66. 

(43)  Jean-François  le  Petit,  greffier  de 
thune  en  Artois,  dans  sa  Grande  Cnrooiqui 
Pays-Bas,  loin.  II,  pag.  j5,  e'du.  de  Dordre 
en   1601. 


du  m 

slolae 


m. 


ht, 


BAUDOUIN.  i99 

du  Pays-Bas  il  s'en  alla  à  Paris.  Ils  présens.  Le  comte  Louis  de  Nassau  le 
devaient  dire  qu'il  n'alla  à  Paris  qu'a-  sollicita  plusieurs  fois  à  tenir  parole, 
près  s'être  réfugie'  à  Genève,  où  il  et  tâcha  de  l'éblouir  par  l'éclat  d'une 
se  (it  de  la  religion  (44)-  M  Sf>  van_  dignité  prochaine  ,  imminentium  No- 
tait que  ,  pour  faire  profession  de  l'E-  nnrum  blanditiis  allicere  (47)  ;  mais 
vangile  ,  il  avait  souffert  l'exil  et  la  Baudouin  ne  crut  pas  trouver  son 
privation  de  tous  ses  biens  ;  mais  quel-  compte  dans  l'affaire  qu'il  avait  pro- 
ques-uns assuraient  que  sa  mère  lui  fit  mise  :  tous  ses  amis  luidéconseillèrent 
tenir  tout  ce  qu'il  pouvait  prétendre  de  s'y  engager,  et  il  espéra  plus  de 
de  patrimoine.  Fortunisexutum  fuisse  récompenses  de  la  peine  qu'il  prenait 
negant  conterranei  et  familiares  :  quia  à  mettre  d'accord  les  Bourbons  avec 
extra  Cœsaris  ditionem  a  matre  et  les  Guises  (48).  Voilà  des  choses  qui 
cohœredibus  permissum  fuit  sumere  méritaient  bien  d'être  touchées  par 
quantum  ex  hœreditate  ,  si  intégra  Papyre  Masson  :  et  cependant  il  n'en 
fuisset  e.jus  ennditio  ,  pervenire  ad  a  pas  dit  un  root  ;  et  au  lieu  de  cela 
eum  poterat  :  ùt  ne  quidem  assis  jac-  il  nous  raconte  que  les  Espagnols  le 
luram  feceril.  Et  aliquandà  coraru  demandèrent  pour  la  profession  en 
homini  gratulalus  sum  ,  quod  tam  fa-  droit  civil  dans  l'université  de  Douai  , 
cilèrecuperdsselquodsibi  vredebat  pe-  qu'ils  lui  promirent  six  mille  flo- 
riisse  (^5).  Observez,  je  vous  prie,  rins  de  gages  par  an,  et  une  por- 
un  défaut  d'exactitude  dans  Papyre  tion  de  cinquante  mille  florins  aux 
Masson.  Il  ne  dit  rien  du  voyage  que  confiscations  des  gens  proscrits  ,  et. 
notre  Baudouin  fit  au  Pays-Bas  ,  à  la  que  le  duc  d'Albe  le  reçut  civile- 
sollicitation  des  grands  seigneurs  qui  ment  ,  etc.  Il  paraîtrait  fort  étrange  , 
voulaient  remédier  aux  désordres  que  que  les  Espagnols  eussent  honoré  de 
la  trop  grande  sévérité  des  lois  péna-  cette  manière  un  homme  qui  avait 
les  contre  les  sectaires  produisait  de  favorisé  les  desseins  du  prince  d'Oran- 
jour  en  jour.  Il  n'a  parlé  que  d'un  ge  ,  si  l'on  perdait  de  vue  la  mobilité 
voyage  fait  sous  le  gouvernement  du  de  Baudouin  ,  je  veux  dire  son  extre- 
duc  d'Albe.  C'est  avoir  oublié  le  prin-  me  facilité  à  prendre  un  nouveau 
cipal:  c'est  réduire  toute  cette  affaire  à  parti.  L'historien  que  je  cite  ,  ayant 
une  petite  partie-  Ce  que  j'ai  cité  de  rapporté  un  beau  discours  du  prince 
Valère  André  ,  et  de  Nicolas  Burgun-  d'Orange,  ajoute  quec'était  lefruit  des 
dius,  et  de  quelques  autres  ,  et  qui  est  conversations  de  Baudouin.  Nemini 
fort  considérable  dans  la  vie  de  Ban-  mirum  videri débet  ,tantami n  illoprin- 
douin,  se  doit  rapporter  à  l'an  i564  ■>  clPe  e^ux^sse  cognilionem  philnsopliiœ, 
sous  le  gouvernement  de  la  duchesse  ex  Halduini  colloquiis  hauserat  (49J- 
de  Parme.  Ce  fut  cette  année-là  que  Je  dirai  ailleurs  (5o)  ce  qu'il  fit  au 
Cassander  et  Baudouin  fuient  attirés  sujet  de  la  Saint-Barthélemi. 

par  les  mécontens.  L'un,  savoir  Cas-        (E)  Leduc  d'Anjou le  fit  venir 

sander  ,  fut  indiqué  par  le   comte  de  a    Paris  au   temps   que  l'on  y  reçut 

Hornc  ;  et  l'autre  ,  par  le  comte  Louis  l'ambassade    polonaise.  ]    Baudouin 

de  Nassau  (46).  On  crut  que  c'étaient  était  maître  des  requêtes  de  ce  prin- 

detix    hommes   qui   pourraient  pari-  ce(5i)  :  il  s'acquit  les  bonnes  grâces 

lier  les  dilVérens   de  religion.  Le  prin-  des  ambassadeurs  de  Pologne  par  les 

ce   d'Orange    combla     de    promesses  conversations  qu'il  eut  avec  eux,  et  il 

François    Baudouin  ,    et    le   destina  ,  publia  un  discours  de  l.egnlione  Po- 

non-seulement  à   une  chaire  de  pro-  lonicd ,  dédié  à  Jean  Zamo'-ki  (5a;  : 

fesseur  dans  l'université  de  Louvain  ,  on  croit  qu'au    printemps   suivant  il 

ou  dans  l'uniTersîté   de  Douai,  mais  cu'  et^   e"  Pologne,   s'il   ne  fut   pas 

aussi  à  une  charge  au  conseil   privé.  ft,)  \icoi.  Bnrgmi». ,  Hist.   belg. ,  lib.  II  , 

Baudouin  ,  retournant  en  Fiance  pour  p«>'    (>s 

revenir  dans  le  Pays-Bas  en  temps  et  W)  Tin' de  Nicolas  Burgund. ,  pag.  6-,  Cs. 

lieu  ,  reçut  de  ce  prince  beaucoup  de  C4«*)  Nirnl-  Burgund.,  Hi>i.  belg.,  pag.  i3i. 

"*                                                             r  ad  ann.   i564- 

tt.r\  V„.,„     •  j                              /,,      ,  ('"<°)  Pant    la   remarque   (A)    de    l'article  de 

'44)  '  o.yez  ci-dessus  ,  citation  (4)  ,  les  para-  ,p;„rl.„i  <„.„, r.T  ..„    '            ' 

//e\  r   I-:            n                    ,    i>  1 1    ■                   .  ;5i)  Menag?  ,  Remarques  sur  U  >  1e  d  Ayrault. 

(43J  <  alvinus,   Respons.  ad    Balduinum  ,  sub  pa„     ,35       »    •                M                                  1          . 

iîn;/,cri'.570JTrAe'V,UUm"ie0lOS'COr-  («■)   CVtoèl  l'un  des    ambassadeurs   de  Po- 

'l\t>)  trere  d»  Guillaume  ,   pnnee  d'Orange  logne. 


2oo  BAUDOUIN. 

mort.  Voilà  tout  ce  que  Papyre  Mas-  logne  ,  leurs  harangues,  et  les  répon- 
son  raconte  de  cette  affaire.  Prenons  ses  qui  leur  furent  faites,  ne  dit  rien 
donc  pour  des  hyperboles  fabuleuses  de  notre  Baudouin  (54).  C'est  toujours 
la  plupart  des  faits  que  M.  Bullart  l'évèque  de  Posnanie  qui  harangue  : 
nous  va  conter.  Ce  fut  pendant  le  se-  c'est  toujours  un  chancelier  qui  lui 
jour  de  Bauduin  à  Angers  ,  qu'arrive-  répond  :  Birague,  chancelier  de  Fran- 
rent  en  France  les  seigneurs  polonais,  ce,  répondit  quand  ils  haranguèrent 
qui  venaient  offrir  leur  couronne  à  Charles  IX.  Chiverni  ,  chancelier  du 
Henri,  duc  <V Anjou.  On  avait  besoin  duc  d'Anjou,  repartit  quand  ils  ha- 
d'un  habile  homme  pour  recevoir  cette  Tanguèrent  ce  duc  ,  et  quand  ils  lui 
superbe  ambassade,  et  pour  y  répon-  lurent  l'acte  de  son  élection.  Si  quel- 
dre.  Il  était  important  défaire  des  re-  que  autre  prend  aussi  la  parole,  c'est 
mercîmens  de  cette  offre  ,  sans  abais-  Nicolas  -  Christophle  Radzievil  de  la 
ser  la  dignité  royale  qui  était  offerte:  part  des  Polonais  (55)  ;  c'est  Paul  de 
il  fallait  parler  en  roi  et  en  homme  Fois  de  la  part  de  Charles  IX  (56).  Ma 
reconnaissant  :  on  ne  trouva  personne  remarque  serait  plus  faible  si  absolu- 
es France  plus  capable  de  l'entrepren-  ment  M.  de  Thou  n'avait  fait  aucune 
die  que  le  sage  Bauduin.  Le  duc  d'An-  mention  ni  de  Zamoski  ni  de  Bau- 
joul'ay  mit  fait  venir  à  Paris,  ce  grand  douin  ;  mais  il  se  trouve  qu'il  parle 
homme  parut  dans  les  salles  du  Lou-  d'eux ,  et  voici  comment.  Il  assure 
vre  entre  les  premières  personnes  de  qu'on  vit  imprimée  une  harangue  de 
l'état  :  il  fut  l'interprète  de  cette  fa-  Zamoski  ;  mais  que  l'on  ne  savait  pas 
meuse  légation  :  il  n'eut  pas  moins  qu'elle  eût  été  récitée  :  ///  eandem  rem 
d'acclamations  par  l'excellence  de  sa  édita  an  habita  sit  incertum  oratio  lu- 
réponse,  que  le  fameux  Zamoski  par  culenta  a  JoanneZario  Zamoscio(5"j)  : 
celle  de  sa  harangue  ■  et  il  se  rendit  **■  il  ajoute  que  Baudouin  fit  im pri- 
ai considérable  à  ces  illustres  ambas-  mer  une  autre  harangue  adressée  à 
sadeurs,  qu'on  résolut  de  l'envoyer  en  Zamoski.  N'est-ce  pas  clairement  nous 
Pologne,  pour  affermir  cette  couron-  ,ai,e  entendre  que  Baudouin  ne  fut 
ne  sur  la  tête  du  nouveau  roi,  et  pour  Pas  choisi  pour  interpréter  la  haran- 
disposer  ces  peuples  à  le  recevoir  ;  mais  §'le  de  ce  Polonais  ,  et  pour  y  répon- 
se dernière  maladie ,  qui  lui  survint  ^re  en  présence  de  toute  la  cour? 
au  même  temps,  le  frustra  de  cet  hon-  Quoi  de  plus  fort  contre  le  narré  de 
neur ,  et  le  duc  d'Anjou  de  l'espéran-  M.  Bullart  ? 

ce  qu  il  avait  de  rétablir   l'université  (F)  //  mourut  entre  les  bras  de  sa 

de  Cracovie  par  son  moyen  (53).  11  ne  fille  unique.  ]  Elle  se  nommait  Cathe- 

poiu  ait  guère  rien  arriver  d'aussi  glo-  rine  ,   et  fut  «  mariée   en    premières 

lieux  que  cela  à  un  professeur  d'An-  »  noces  à  Jean  de  Sauzay  ,  sieur  de 

gers  :   d'où  vient  donc    qu'un  de  ses  »   Sainte-Ouanne  en  Poitou:  etense- 

meilleurs  amis  n'en  parle  point  dans  »  condes  à  Adam  le  Changeur,  sieur 

1  éloge  qu'il  lui  consacre?  On  ne  sau-  »  du  Cotau  en  Berri  (58).  »  Elle  na- 

rait  en  donner  de  bonnes  raisons  ,   à  quit  à  Heidelberg  (5g).  Sa  mère  s'ap  - 

moins  qu'on  ne  dise  que  cela  est  faux;  pelait   Catherine   Biton  ,   et  était  de 

car  il  est  contre  toutes  les  apparences  Bourges.  Elle  était  veuve  de  Philippe 

qu  il  eût  ignoré  une  telle  chose,  si  elle  Labbe  ,  bisaïeul  du  père  Labbe  ,  jésui- 

iùt  arrivée.  Il  doit  être  permis  aux  fai-  te  ,  quand  elle  épousa  Baudouin  (6o). 

seurs  d'éloges  de  se  servir  d'un  langa-  Elle  avait  de  son  premier  mari  quel- 

ge  plus  figuré  et  plus  flatteur  que  s'ils  ques  enfans  qui,  non  moins  que  leur 
faisaient  une  histoire  ;   mais  la  men- 

(54)  Thuan. ,  lib.  LVïI  initia. 

(55)  Idem  ,  ibid.,pag.^. 

(56) Idem,  ibid.,pag.%. 

(5^)  Idem  ibid.  ,  pag.  (\-.  Notez  nue  les  pa- 
ge* sont  ici  très-mal  marquées  dans  l'e'dilion  de 
M.  de  Thou  ,  faite  a  Francfort ,  en  IÔ25. 

,'58)  Ménage,  Remarques  sur  la  vied'Ayrault, 
pag.  i58. 

(59)  Papyr.  Masso  ,  Elogior.  parle  II,  pag. 
261.' 

(60)  Ménage,  Remarques  sur  la  vie  d'Ayiault, 
pag.  »58. 


terie  ni  les  amplifications  capables  de 
faire  changer  l'espèce  d'une  aventu- 
re ne  leur  doivent  pas  être  plus  per- 
mises qu'aux  historiens  :  ainsi  l'on 
peut  dire  que  M.  Bullart  s'est  jeté 
dans  des  excès  inexcusables.  M.  de 
Thou  ,  qui  a  raconté  exactement  ce 
qui  concerne  les  ambassadeurs  de  Po- 

(53)  Bullart,  Académie  des  Sciences,  loin.  I, 
pag.  221). 


BAUDOUIN.  201 

aïeul ,  furent  ruine's  par  leur  parâtre,  son  Ad  loges  de  famosis  libellis  ,  et  de 

à  ce  que  conte  Calvin.  Ipsum  minime,  calumniatoribus  ,  Commentait  n'i  ,  ini- 

ç-ofj-ixov    esse  clamant   Bituriges    qui  prime  à  Paris,  chez  A  ml  ru  Wechel, 

suos  pr'wignos  sirnul  cum  eorum   àvid  Tau  i56a  ,  in-$°.   La  réplique  de  Cal- 

spoliaverit  (61  ).  Le  jurisconsulte  ai-  vin  (66)  fut  en  campagne  bientôt  après, 

mait  mieux  laisser  une  fille  qu'un  fils,  avec   de  très-bons  renforts:   car  elle 


parce  qu'il  craignait  le  destin  de  Ci- 
cèron  ,  dont  le  tils  ne  tenait  rien  de 
L'éloquence  du  père.  Perconianti  milii 
inallet  ne  Jiliam  quant  Jilium  habe- 
re  ,  «  Minime  (62),  inquit,  Rom  a  enim 
»  Ciceronis  filium  non  agnoscebat  lo- 
)<  quentem  (63). 


fut  accompagnée  de  plusieurs  pièces 
composées  par  de  bonnes  plumes  :  et 
sur  le  tout  on  fit  imprimer  les  lettres 
que  ce  déserteur  avait  écrites  en  divers 
temps  à  Calvin.  Respondit  quoque 
Joannes  Crispinus  ejus  conlerraneus  , 
et  perpeluus ,  quoad  ejus fieri  potuit , 


(G) le  i\  d'octobre  i5^3.  ]  Et  amicus.  Adjuncta  sunt  quorundam  in- 

non  pas  l'onzième  de  novembre  15^2  ,  signium  virorum  scripta  ,  quibus  per- 

comme  dit  Valère  André.  M.  de  Thon  petua  istitis  improbitas  ,  summa  impu- 

met    sa     mort    à    l'onzième    de    no-  dentia  ,  et  ex  tréma  inscitia  ita  mani- 

vembre    1573.   M.  Ménage  la  met  au  feslè  redarguitur,  ut  ne  nunc  quidem 

1 S  d octobre  '5^4  >  et  néanmoins  il  ne  possit  ignorantiamsuamdiffiteri,  Ad- 
lui    donne  que   cinquante- trois   ans, 
neuf  mois  et  vingt-quatre  jours  de  vie, 
quoiqu'il  eût  mis  sa  naissance  au  Ie 


janvier  i5ao.  Ces  deux  fautes  ont  été 
prises  de  la  Croix  du  Maine. 

(H)    La    querelle   de  Calvin  et    de 
Baudouin....  fut    très-rude.  ]  JVn  ai 


dilœ  sunt  denique  ipsius  lillerœ  vartts 
tempnribus  ad  Calvinum  scriptœ  ,  ut 
horrenda  ista  defectio,  ipsius  aposta- 
tœ  testimonio  apud  ovines  bonos  san- 
ciretur  (67).  On  connaîtra  plus  exac- 
tement la  nature  de  ce  recueil ,  si  j  en 
donne    ici    le   titre    :  le    voici    donc. 


rapporté  l'origine- (64)  quand  j'ai  dit    Joannis  Calvini  responsio  ad  Balduini 
que  François  Baudouin  distribua   un    Convicia;  Ad  leges  detransfugis ,  de- 


livret  sur  la  réunion  des  religions, 
pendant  la  tenue  du  colloque  de 
Poissy.  C'était  un  discours  latin  ano- 
nyme que  Cassander  avait  composé  , 
et  qui  avait  pour  titre  ,  De  officio 
pii  ac  publicœ  iranquillitatis  l'erè 
amantis  ciri  in  hoc  Religionis  dissidio . 
(hiand  on  sut  à  Genève  le  préjudice 
que  Baudouin  voulait  causer  aux  réfor- 
més avec  ce  livret,  on  crut,  qu'il  fal- 
lait faire  connaître  au  public  ce  per- 
sonnage. C'est  pourquoi  Calvin,  en 
réfutant  cette  pièce  ,  qu'il  attribuait 
à  Baudouin  ,  le  piqua  et  le  fouetta  un 
peu  rudement.  Sa  réfutation  est  inti- 
tulée ,  Responsio  ad  l'crsipellem  quen- 
dam  jyiedialorem  ,  qui  pavijicandi 
specie  rectum  evangelii  cursum  in  Gal- 
lid abrumpere  molilus  est.  Elle  est  dans 
le  volume  des  opuscules  de  Calvin  , 
pag.  35 1  et  suivantes.  Baudouin  se 
détendit ,  en  publiant  un  ouvrage  pour 
lequel  il  avait  obtenu  un  privilège  dès 
l'an  i557  :  i'  'e  retoucha  ,  il  y  joignit 
un  appendix   (65).  Ce  fut  en  un   mot 

(61)  Calvin  ,  Tractat.  tlieolog,  pag.   3-o. 
(G2)  //  fallait  dire  imù;   car  minime  fait  ici 
tn  sens  contraire  a  la  pensée  de  Masson. 
(Gi)  Papvr.  Masso,  Eiosior.  part.   Il .    pag. 

16». 
(64)  Pans  la  remarque  (C). 
(lia)  Voyez  Theuduri  Beix  Respons.  ad  Bal- 


serloribus  et  emansoribus  ,  Francisai 
Balduini  Epistolte  quœdam  ad  domi- 
nent Caù'inum  pro  commenlariis  ; 
Francisci  Duareni  J.-C.  ad  alterum 
quemdant  jurisc.  JJpislola  ,  de  Fran- 
cisco Ralduino  ;  Antonii  Conlii  J.-C. 
Admonitio  de  falsts  Constantini  Le- 
gibus  ad  quendam  qui  se  hoc  tempore 
jttrisconsultum  chrislianum  profitetur; 
!)<■  officio  tum  in  Religione  lum  in 
Scriptionibus  retinendo  £pistola  ad 
i'i  anciscum  Balduinum  juriscomulr 
tum  ;  Ad  legem  III  C.  impp.  de  apos- 
tatis,  Joannis  Crisjnni  commentai  iits 
ad  jurisconsultes.  Ce  recueil  de  pièces 
fut  imprimé  l'an  i5G-î,  in-lf  :  il  con- 
tient 117  pages.  Baudouin  composa 
une  seconde  Réponse,  qui  fut  impri- 
mée à  Paris  ut  à  Cologne,  l'an  i5f>2. 
Calvin  ,  ne  jugeant  pas  à  propos  de  la 
réfuter  .  se  contenta  démettre  au  jour 
mit;  page  d'écriture  ,  où  il  apprenait 
au  public  qu'il  ne  voulait  plus  ré- 
pondre  à  cet  adversaire   (68).    C'est 

du  ni  uni  ,  pag.  302  ,  20g  ,  et  Calvini  Respons.  ad 
B.ildtiin..  inilio. 

(66)  Intitulée  :  Responsio  al  Balduini  Convi- 
cia  :  elle  eit  au  même  volume  des  Opuscules, 
pag.   365  et  suie. 

((>-)  Beza  ,  Respons.  ad  Balduin.  .  pag.  10-2. 
Elle  a  été  mal  place  dan  t  le  ifi  lume  fie 
ses  Opuscules     cai  On  la  mise  a  la  Icte  du  second 


202  BAUDOUIN. 

là  qu'il  lui  reproche  d'avoir  violé  les  cela  est  faux  :  on  ne  voit  donc  point 

droits  d'hospitalité',  en  dérobant  des  là-dedans  la  fidélité  et  l'exactitude  qui 

papiers  qui  fussent  propres  à  un  coup  devraient  y  être. 

de  perfidie.  Antequam  respondeo ,  dit-        (1) *  Bèze  y  entra  avec  un  peu 

il  (69)  ,  monendi  sunl  lectores  nihil  hdc  trop  d'aigreur  ,  au  jugement  même  de 
moneduld  esse  furacius ,  ut  hdc  parte  plusieurs  personnes  de  son  parti.'] 
frai  rem  suum  patruelem  Antonium  L'ouvrage  qu'il  fit  là-dessus,  est  au 
Balduinum  superct,  cui  obfurandiso-  IIe.  tome  de  ses  œuvres  (^3).  Voici  un 
lerliam ,  cognomen  ablativi  a  condis-  petit  extrait  delà  lettre  que  Sainte- 
cipulis  inditum  fuit.  Tanta  fuit  mea  Aldegonde  lui  écrivit  l'an  i566.  Sta- 
erga  ipsum  facilitas  ,  ut  quicquid  erat  tueram  prœterea  certiorem  facere  le 
in  bibtiothecd  meâ  chartarum  libère,  quant  hic  sinistré  plerique  inlerpre- 
me  absente ,  excusserit.  Subripuisse  lentur  libellas  isihic  ultro  citroque 
quœ  in  rem  suum  fore  putabat ,  non  tum  in  Balduinum  tum  in  Heshusium 
aliundè  petenda  est  luculentior  pro-  scriptos ,  ex  eoque  homines  malevolos 
balio  ,  quant  ex  ejus  scripto ,  in  quo  se  gravent  evangelicœ  veritali  conciliare 
belle  prodidit.  Certè  fides  ejus  et  hos-  invidiam.  Sedquoniamaudiviteharum 
pitalilas  hic  deprehenditur.  Bèze  prit  rerum  ab  aliis  esse  factum  certiorem  , 
sa  place,  et  répliqua  au  second  écrit  volui  ab  hoc  argumento  supersedere. 
de  Baudouin,  qui  leur  opposa  assez  Bogolamen,  observandeinChrislo  pa- 
promptement  une  troisième  Apologie,  rens  ,  ut  vel  in  harum  regionum  gra- 
Elle  parut  l'an  1 564  1  et  a  pour  tilre  :  liant  in  quibus  non  modôcum  hypocri- 
P10  frr.  Baldutno  responsio  ad  Cal-  tis  eo  nomine  nobis  est  colluclandum , 
vinum  et  Bezam  ;  cum  refutatione  verumetiam  ab  apertis  hostibus  gravia 
Calvini  de  Scripturâ  et  2'radilione  multa  perpetienda  (qui  suant  tyranni- 
(70).  On  pourrait  compter  pour  une  dem  in  contenliones  nostras  dérivant) 
quatrième  pièce  de  Baudouin  la.  Pré'  non  graveris  stylum  quam  modestis- 
Jace  qu'il  composa  sur  Optât  ,  l'an  simè  in  evangelicœ  veritatis  apostatas 
i563.  Elle  fut  traduite  de  latin  en  ac  adversarios  temperare.  JSon  qui- 
français  par  Pierre  Viel,  qui  la  mit  dem  qubd  parcendum  il  lis  censeam  , 
au  -  devant  de  sa  traduction  fran-  qui  nullum  non  lapident  movenl,  quo 
çaise  d'Optat ,  imprimée  à  Paris  l'an  nos  in  invidiam  graviorem  vocent ,  sed 
1 564 •  ne  (dum  illis  pro  merito  respondetur) 
Tirons  de  tout  ce  récit  une  petite  quo d  suis  illi  vanissimis  erga  nos  nia- 
censure  d'un  écrivain  protestant.  Il  lediclis  atque  calumniis  nequeunt  con- 
rapporte  les  intrigues  touchant  l'écrit  sequi  (neque  ut  Evangelii  lucem  obru- 
de  Cassander,  et  il  ajoute  que  Bau-  ant,  e/'usque  sectalores  apertis  veritatis 
douin  n'ayant  point  été  appelé  au  col-  hostibus  excarnificandos  tradanl)  idip- 
loque  dePoissy,  ni  par  les  catholiques,  sum  nostris  etsi  justissimis  ac  verissi- 
ni  parles  réformés,  déchargea  tout  mis,  non  lamen,  uti  plerique  existi- 
son  dépit  sur  les  ministres  (71),  et  niant ,  evangelicd  mansuetudine  dignis 
publia  des  libelles  contre  Calvin  et  vel  accusationibus  vel  responsiotubus 
contre  Bèze,  et  que  ceux-ci  lui  répon-  adeplos  se  esse  glorienlur.  Id  sifece- 
dirent.  Pub/icis  scriptis  insectatus  est  '"'•'  ,  uti  omnino  slaluisse  le  audio,  et 
Calvinuntet  Bezam,  qui  edito  responso  nos  ntagnd  invidid  levons  ,  et  illis  ip- 
ad  illius  probra  respondent  ,  et  illum  sis  perfidis  apostatis  turpem  maledi- 
mendacii ,  perfidiœ ,  atque  impietatis  centiœ  notant  inustam  reliqueris.  Ita- 
reum  esse  insliluunt  demonstrarc(^'i).  que  ut  facias  ,  vehementer  hîc  omîtes 
<.'est  déclarer  qu'il  tut  l'agresseur-  or  Evangelii  studiosi  (qui  te  plerique  ut 

patentent   amant   et    colunt ,    reveren- 

écril  mCil [publia  contre  Baudouin:  et  néanmoins,  turque    ut  prœceptorem  )  etiam   atque 

elle  lut  faite  après  ce  second  e'cril.  _.                                  ,   t    />     xr                             I- 

,■■'-,  •/•  ,  •             D     ,.  „          .    .    „,,  etiam  te  roganl  (74).  Vous  voyez  la, 

(hf|)  Calvinus,  in  Prœf.  Responsionis    Théo-  °           w~'                         J 
don  15ez;e  ad  Balduioi  Convicia  ,  pag.  200,  loin. 

II  Operum.  *  Cette  remarque  (I),  dit  Leclerc,  peut  servir 

lr)o)Voyei  Valère  André,  Bibliolhec.  belg.  à  faire  récuser  avec  raison  la  plupartdes  écrivains 

pug.  224.  que  Bayle  a  copiés  dans  cet  article. 

(71)  Commentaiius  de  Statu  Reipub.    et  Reli-  ("^)   P&8-   -0I   el  suiv. 

gionis  in  Regoo  Gallia;,  tom.  I ,  folio   169,  ad  (;4)  Philippus  Marnixius,  Epist.  ad  Theodor. 

mim.  i56i.  Bezam.  C'est  la  VI*.  parmi  les  Lettres  de  Bèze, 

(72)  Idem,  ibidem.  pag.  206,  307  ,  du  tom.  III  de  ses  OEurrea. 


BAUDOUIN.  2o3 

i°.  que  d'autres  personnes  avaient  déjà  mam  meam ,  non  multô  magis  me ,  si 
donne  des  avis  à  Théodore  de  Bêze,  res  mea  privaia  ageretur ,  istà  petu- 
sur  le    préjudice  que  faisait  aux  ré-  lantid  commoveri  poluisse ,  quant  si 
formés  l'emportement  des  écrits  qui  in  his  regionîbus   versons  audhissem 
avaient  parucontre  Baudouin  ;  les  per-  canes  in  Indui  latrare.  Sed  quùrn  per 
sonnes   malintentionnées  s'en    préva-  nostrum  lalus  vidèrent  gallicas  omnes 
laient  pour  rendre  odieuse  la  réforma-  ecclesias  ab    isto    conductitio   rabulà 
tion;  20.  qu'on  le  supplie  très-humble-  conjodi ,  et  tanquam  seditiosos  docu- 
ment d'émousser  à  L'avenir  la  pointe  sari,    quotcumque   istorum    latronum 
trop  acérée  de  sa  plume,  quand  ce  ne  telis  corpora  sua  non  objecerunt ,  ut 
serait  qu'en  faveur  des  réformés  du  facere  necessefuit,nisi  et  Christi  eau- 
Pays-Bas,  qui  avaient  à  dos,   à  cette  sam  et  regiam  majestatemprodere  nia- 
occasion,  non-seulement  les  hypocrites  liassent,   peccavi  scilicet ,  quod  ejus 
(76),  mais  aussi  des  ennemis  déclarés  calumniis   sic  respondi,   ut  et  ipsum 
et   violens  ;  3°.  qu'il  était  à  craindre  sycophanlam  suis  coloribus  depinge- 
que  des  réponses  véritables  et  très-  rem,  et  causœ  nostrœ  bonilatem  pro- 
justes,  mais  éloignées  de  la  douceur  barenu  Ilaque  quod  ad  illum  attinet, 
évangélique  ,  ne  tissent  ce  que  l'impu-  non   dissmulo    nie    nullum  peccalum 
dence  des   calomniateurs   tâchait   en  agnoscere ,  et    moderalos    istos  nihil 
vain   d'obtenir  :  c'est  que  la  lumière  marari.  De  Heshusio  ,  quoniam  aliud 
de  la  vérité  fût  étouffée,  et  que  ceux  argumentutntractabam ,fateor  causant 
qui  la  suivaient  subissent  une  cruelle  Mam  potuisse  aliter  agi.  Sed  singula- 
persécation  ;  4°-  clue  s*   Théodore  de  ris  Ma  istius  kominis  et  inscilia  et  au- 
Jîè/.e   déférait  à   cet  avis,   comme  on  dacia  inhos  veluti  scnpulos  me  adegil, 
disait  qu'il  y  était  résolu,  il  décharge-  ubi  tamen  sptro  me  naufragium  non 
rait   d'une   grande   haine   l'église  de  Jecisse  (76)- 
.lésus-Christ ,  et  laisserait  aux  apostats  Je  ne  ferai  que  deux  réflexions  sur 


qu'on  lui  avait  dites,  il  ne  s'en  serait  se  scandalisent  plus  de  l'aigreur  d'un 
non  plus  ému  que  d'entendre  un  chien  apologiste,  que  de  celle  de  l'agresseur. 
qui  eût  aboyé  aux  Indes  ;  mais  que  ,  Qu'il  y  ait  un  écrivain  qui  déchire 
S  agissant  des  intérêts  de  la  religion,  il  toute  la  terre  ,  les  morts,  les  vivans, 
avait  cru  qu'il  fallait  traiter  selon  son  jPS  souverains,  les  sujets,  ses  con- 
mérite  l'inf;tme  apostat  qui  l'avait  ca-  frères  de  religion,  les  adversaires  de 
lomniée,  et  qu'il  se  mettait  peu  en  SOn  parti;  qu'il  exerce  ce  métier  plu- 
peine  des  scrupules  des  gens  modérés,  sieurs  années  de  suite  :  qu'il  devienne 
Il  faudrait,  dit-il,  que  tes  impudens  plus  fécond  en  médisances,  et  plus  pi- 
mensonges  de  ce  calomniateur  les  tou-  quant,  à  mesure  qu  il  vieillit  :  on  a 
chassent  autant  que  la  vigueur  de  nos  des  yeux,  je  l'avoue,  on  s'aperçoit 
réponses.  Chacun  comprend  qu'il  est  décela,  et  on  le  blâme  ;  niais  si  enfin 
nécessaire  que  je  rapporte  ces  paroles;  cet  homme  est  fort  mal  traité  par 
car  plusieurs  se  pourraient  imaginer  ceux  qu'il  a  provoqués  ,  vous  entendez 
que  j'en  pervertis  le  sens.  Les  voici  cent  fois  plus  de  plaintes  contre  eux 
donc  :  Superest  ut  ad  eztremam  tuant  q„e  contre  lui.  Ses  ennemis  mêmes 
epistolam  paucis  respondeam.  Baldui-  trouvent  étrange  qu'on  ne  lait  pas 
nuni  et  Heshusium  nonnulli  vellent  traité  avec  plus  de  ménagement.  Ils 
moderatiùs  à  me  fuisse  reprehensos.  auront  lu  avec  joie  ce  qui  a  été  publie 
Ego  uerù  cuperem  islos  œquè  njjici  a  son  désavantage,  et  ils  ne  laisseront 
impudentissimiseorum  conviens  in  ho-  pas  t]e  dire  qu'il  ie  fallait  épargner. 
mines  innoxios  contortis,  ac  juslis  C'est  un  eil'et  de  l'inclination  énorme 
nostris  dej'cinionibus.  Çuid  non  eniin  que  Ton  a  pour  la  censure.  On  se  plaît 
in  optimum  illum  et  imtocentissimum  à  n'approuver  rien.  Mais  ne  jugeons 
Dei  servum  jaculatus  est  J'œdus  Me  pas  ainsi  des  personnes  modérées  dont 
apostata  ?  in  me  veto  quid  non  dut  tt  ?  Sainte  AWlegonde  rapportait  les  senti- 
Et  lumen  Deus  mihi  testis  e*t  in  ani-  mens.    Elles  étaient  sans  doute  cho- 

(75)  Je  ci»is  qu.\l  entend   es  anabaptistes.  (76.  TneoJor.   Rct»  ,  Epist.  VII  ,  pag.  30ij. 


204 


BAUDOUIN. 


quées  de  l'audace  satirique  de  Bau-  mort  misérable  pédant  (77).  Un  te"! 
douin ,  encore  plus  que  des  invectives  mot  ne  devait  jamais  couler  de  la 
de  ceux  qui  le  réfutèrent;  mais  elles  plume  de  Théodore  de  Bézc  ,  profes- 
-  eussent  voulu  que  la  médisance  eût  seur  alors  en  théologie,  et  autrefois 
été  un  caractère  affecté  aux  ennemis  professeur  en  grec.  Il  fallait  laisser  aux 
de  la  vraie  religion  ,  et  que  ceux  qui  cavaliers  l'incivilité  de  nommer  ainsi 
la  justifiaient  se  signalassent  par  la  par méprislespersonnesquienseignent 
sagesse  et  par  la  modération  du  style,  la  jeunesse.  Il  ne  fallait  point  qu'il  dés- 
Elles  voulaient  haïr  l'esprit  satirique,  honorât  une  profession  qui  était  du 
qui  fait  un  mélange  de  diffamations  même  genre  que  la  sienne.  Si  l'on  dit 
et  de  raisons,  dans  lequel  les  injures  qu'il  établissait  la  pédanterie  de  Bau- 
personnelles  sont  la  partie  prédomi-  douin  ,  non  dans  la  charge  de  profes- 
nante;  et  elles  ne  pouvaient  le  haïr  seur ,  mais  dans  les  défauts  personnels, 
fort  à  leur  aise,  pendant  qu'il  était  on  ne  dira  rien  qui  vaille,  puisque  ce 
commun  à  leurs  ennemis  et  à  leurs  jurisconsulte  ne  manquait  point  de 
amis.  C'est  pourquoi  ellessouhaitaient,  politesse  d'esprit,  et  qu'il  savait  vivre 
tant  à  cause  de  cette  raison  ,  que  pour  avec  les  grands  ,  et  entrer  dans  leurs 
quelques  autres ,  qu'on  le  laissât  en  intrigues  (78).  L'envie  de  le  traiter 
propre  aux  écrivains  catholiques,  et  avec  mépris  obligea  Bèze  à  débiter, 
qu'on  ne  lui  ôtât  pas,  en  l'adoptant,  que  lorsqu'on  proposa  au  roi  de  Ka- 
cette  note  d'infamie  dont  elles  vou-  vaire,  en  1 56 1  ,  de  l'employer,  ce 
laient  qu'il  fût  marqué.  20.  Jedis,  en  prince  ne  savait  pas  qu'il  y  eût  au 
second  lieu,  que  Théodore  de  Bèze  monde  un  personnage  nommé  Bau- 
lâcha  un  peu  trop  la  bride  à  son  ima-  douin  (79).  Voilà  l'une  de  ces  choses 
gination  ;  car  si  le  livre  qu'il  a  fait  que  les  auteurs  avancent  à  tout  hasard, 
contre  Baudouin  était  le  seul  qui  nous  et  sur  lesquelles  ils  ne  peuvent  dans  la 
restât,  nous  prendrions  ce  juriscon-  suite  se  justifier. Baudouin  assura  qu'il 
suite  ,  non-seulement  pour  un  fripon  avait  été  recommandé  à  ce  prince  par 
très-infâme  ,  mais  aussi  pour  un  au-  la  reine  de  Navarre  (80),  à  laquelle  il 
teur  sans  esprit ,  sans  érudition  ,  sans  avait  eu  l'honneur  de  faire  la  révé- 
aucun  mérite.  Il  en  a  donc  fait  une  rence  le  jour  des  noces  de  la  fille  de 
description  trompeuse,  puisqu'on  ne  cette  reine  avec  ce  prince  (81).  II  as- 
saillait nier  en  lisant  ce  que  Baudouin  sura  que  la  faveur  et  la  bonne  volonté 
a  écrit,  et  ce  que  d'autres  disent  de  de  cette  princesse  confirmèrent  le 
lui,  que  ce  ne  fût  un  très -habile  choix  que  l'on  fit  de  lui  pour  la  pro- 
homme. On  peut  excuser  sur  l'infir-  fession  en  droit  à  Bourges.  Cela  est 
mité  delà  nature  un  auteur  qui  n'a-  bien  apparent;  car  comme  elle  était 
voue  pas  que  son  ennemi  soit  docte,  duchesse  de  Berri,  et  qu'elle  prenait 
éloquent,  ingénieux.  Mais  s'il  lui  est  à  cœur  l'intérêt  des  sciences,  on  ne 
permis  de  taire  ces  vérités-là ,  il  doit  parvenait  pas  aux  charges  de  cette 
du  moins  s'abstenir  de  les  nier.  L'em-  université  sans  sa  participation.  Com- 
portement qu'un  auteur  témoigne  dans  ment  était-il  possible  à  Théodore  de 
les  ouvrages  qu'il  compose  contre  les  Bèze  de  réfuter  sur  cela  François  Bau- 
ennemisde  sa  religion, peut  quelquefois  douin?  Quelqu'un  me  dira  peut-être 
venir  d'un  grand  zèle  :  c'est  pour  cela  que  le  zèle  de  religion  porte  qnelque- 
qu'on  doit  dire  que  la  colère  est  e'qui-  fois  les  théologiens  à  traiter  de  haut 
voque  entre  le  tempérament  et  la  dé-  en  bas,  et  comme  un  chétif  auteur  , 
votion  ;  mais  je  ne  vois  pas  comment  celui  qu'ils  réfutent;  car  ils  croient 
on  pourrait  réduire  à  un  principe  qu'il  est  utile  à  la  vraie  église  que  ses 
évangélique  la  fierté  d'un  écrivain,  sectateurs  soient  persuadés  qu'il  n' 
.l'appelle  fierté  les  airs  dédaigneux  a  que  des  ignorans  qui  la  co 
qu'il  se  donne  ,  et  l'affectation  de  par-  Je  réponds  qu'un  zèle  qui  ft 
1er  de  son  adversaire  comme  du  plus 
méprisable  de  tous  les  auteurs  ;  et 
cela,  contre  la  notoriété  publique  , 
contre  les  preuves  que  fournissent  les 
emplois  et  les  écrits  de  cet  adversaire 


rabattent, 
èrait  tenir 


(-7)  Bàze  ,  Histoire  ecclésiast.,  lit:  IV  ,pag. 
645! 

(78)  Porez  ci-dessus  le:  paroles  de  Burgun- 
<lius  ,  la  remarque  (D)  ,  citation  (37). 


Je  voudrais  n'avoir  pas   trouvé  dans     g, 
l'histoire  des  églises ,  que  Baudouin  est       ( 


(79)  l'.eza  ,  m  Respons.  ad  Balduin.,  pag.  20'J. 

(80)  Balduinus,  111  tertiâ   Ke^onsione ,  folio 

(61)  C'est-à-dire,  l  e  20  d'ociobre  i548. 


BAUDOUIN. 


une  conduite  si  oppose'eà  la  bonne  foi, 
à  la  raison,  à  la  justice,  et  plus  encore 
à  la  morale  sévère  de  Jésus-Ctirist ,  ne 
pourrait  jamais  passer  que  pour  un  zèle 
très-aveugle.  Je  passe  sous  silence  l'in- 
convénient de  cette  conduite.  Il  est  aisé 


première  apologie  pourrait  lui  suflire, 
jusqu'à  ce  que  parmi  la  multitude 
des  factums  que  son  adversaire  ferait 
éclore  ,  il  s'en  trouvât  un  qui  alléguât 
quelque  chose  de  nouveau. 

(K)  //  ny  a  point  d'hyperbole  dans 


de  défendre  votre  cause,  pourraient    ce  qu'ona  dit  de  son  auditoire.]  On  y 


dire  bien  des  gens ,  puisque  vous  re- 
connaissez qu'elle  est  si  mal  attaquée  : 
vos  triomphes  ne  sont  pas  un  signe  que 
vous  combattez  pour  la  vérité. 

Jl  faut  que  je  fasse  encore  une  ob- 
servation. Sainte-Aldegonde  ne  donna 
point  tous  les  avis  nécessaires  :   il  en 


voyait  des  évèques  ,  et  des  conseillers, 
et  îles  gens  d'épée.  Sainte-Marthe  l'as- 
sure comme  l'ayant  vu.  Homo,  dit-il 
(82)  ,  J'acundissimus  ,  ipsoque  oris  ac 
totius  corporis  habita  non  injucundus , 
ex  historiarum  cl  avilis  disciplina: 
conjunctione ,  suis  prœleclionibus  gra- 


oublia  un  qui  était  très-important  ;  il    liant  et  vénèrent    afferebat.  Ac   eum 


n'avertitpas  qu'il  fallait  répondre  à  la 
troisième  apologie  de  François  Bau- 
douin. Je  sais  bien  que  sur  les  matières 
de  droit  il  ne  faut  point  se  piquer  de 
ne  laisser  sans  répartie  aucun  ouvrage 


quidem  sœpè  vidimus  hoc  splendido 
summœ  doctrmœ  apparatu,  Lulctiœ 
profitentem  ,  ciim  ad  cjus  auditorium , 
permulti  primœ  notas  homines ,  epis- 
cnpi ,  senatores  ,    équités  ,  libenter  et 


de  ses  adversaires  :  on  peut  dès  la  se-    maximd  frequentiâ  confluèrent. 

conde  réplique  mettre  les  choses  dans         i\^  u  n>a  pas  été  collègue  de  Cujas, 

le  plus  beau  jour  qui  leur  puisse  être    cQmme  quelques-uns  l'assurent.1  Bèze 

donné;  et  l'on  peut  après  cela  se  pro- 
mettre que  les  lecteurs  intelligens  ne 

trouveront    point  mauvais  qu'on   ne 

rentre  plus  en  lice.  -Mais  dans  les  ma- 
tières de  fait ,  où  il  s'agit  d'accusations 

personnelles  et  diffamantes,  il  ne  faut 

jamais  que  l'agresseur  soit  le  premier 

à  se  taire;  car  s'il  ne  réplique  point 

aux   apologies   de  l'accusé  ,   c'est  un 

signe    qu'il   manque   de    preuves,   et 

qu'on   le    contraint    de   s'arrêter   dès 

qu'on  lui  oppose  une  simple  négative. 

La  troisième  réponse  de  Baudouin  est 

toute  pleine  de  démentis  et  de  récri- 
minations ,  et  conl  it- 11 1  même  des  t.nls 

à  la  décharge  de  l'accusé.  11  ne  fallait 

donc  point  que  Théodore  de  Bèze  la 

laissât  sans   répartie  :  il  fallait  donc 

l'avertir  que  la  première  réponse  de- 

vail   être  soutenue  d'un   nouvel   écrit 

justiticatif    du    précédent.    Dans    les 

querelles  de  cette  nature  ,   qui   < | u i 1 1 e 

la  partie  la  perd  :   le  demandeur  et  le 

défendeur  sont  obligés  d<-  répondre  à 

toutes  les  nouvelles  raisons  qu'on  leur 

oppose,  fallut  il  pousser  jusques  au 
vingtième  factum.  Prenez  garde  àl'é- 
pitbète  de  nouvelles  ,  dont  je  me  sers; 
car  si  l'accusateur,  par  exemple  ,  mul- 
tipliait sans  fin  el  sans  cesse  les  écri- 
tures, ou  par  lui-même,  ou  par  ses 
amis ,  répétant  1<^  mêmes  choses  avec 
quelque  petit  changement  de  forme, 
el  ne  répondant  jamais  ni  aux  tait^  oi 
au\  raisons  de  l'accusé,  celui-ci  pour- 
rait  garder  uu  profond  sileuce  :  sa 


est  de  ceux-là.  «  Il  vous  est  honteux  , 
»  lui  dit-il  (83) ,  de  reprocher  à  Cal- 
»  vin  un  naturel  incompatible  avec 
»  les  autres  ,  naturam  àjtoivœvxrôv  ; 
»  vous,  qui  vous  êtes  rendu  insuppor- 
»  table  à  tons  vos  collègues  partout 
»  où  vous  avez  mis  le  pied.  Si  vous 
»  le  niez  ,  Duaren,  le  Conte,  Cujas, 
i>  Holman,  etc.,  vous  convaincront  du 
»  contraire.  »  Baudouin  répondit  que 
Cujas  avait  été  son  successeur  à  Bour- 
ges,  mais  non  pas  son  collègue,  et 
qu'ils  ne  s'étaient  jamais  vus.  Cuja- 
cius  Balduino  in  eu  scholâ  successif  : 
collega  nunquàm  fuit,  imo  aller  al- 
ternat nunquam  vidit.  Per  lilteras  a!i- 
qtiando  c^Hoculi  sunt ,  sed  tam  amicè 
ut  nihil  magis.  Jmù  Cujacius  Baldui- 
niun  rogavit  in  iltud  suum  collegium 
ut  rediret.  Si  nobis  non  crédit,  Cuja- 
cium  inlerrogalo  (84)- 

(M)  Je  dirai  quelque  chose  de  ses 
écrits  et  du  plagiai  dont  on  l'acrusa.} 
Courant  sa  vingt-troisième  année,  il 
mit  son  nom  dans  la  matricule  des 
auteurs  imprimés  ;  car  il  publia  à 
Louvain,  en  i5^2,  Leges  dererust 
item  novella  Constitutif)  prima  de  II 
redibus  el  lege  Falcidid  Justinia  u  ■ 
qu'il  avait   traduites  du  grec,  et   ac- 


(81)  Simmarttianm 
86  ,  tait.  Ienens 


F.logior.    lib.  II  ,    pag. 
1696.    l'vyrz  aussi  Pa- 


M  isson  ,     Elogior.   part.  II .  /•  - 
(S3)  Beia  .  Respons.  art  Balduio.  ,  pag.  308. 
(84)  Kespons.  pro  BaUuino  III  ,  folio  85. 


2o6  BAUDOUIN. 

compagnées  de  scholies  (85).  Cela  fut  non   plus  oublier  que  son  Constanli- 

imprimé  l'année  suivante  (86),  à  Là  Je,  nus ,  sive  de  legibus  Constantini  impe- 

par  Oporin  ,  avec  un  gros  livre  d'An-  îatoris ,  imprime'  à  Bâle,  l'an  i556 ,  a 

toi'ne  Garron.  11  publia  à  Paris  en  1 545.,  e'té  mis  dans  V Index  Librorum  ezpur- 

Prolegomena  de  Jure  Civiit;  et  en  1 546,  gandorum ,  et  qu'il  passe  pour  l'auteur 

Commentant  in  libros  If  Institut.  Ju-  d'un   livre  qui  fut  imprime'  à   Stras- 

ris  civilis  Jusliniani  imperatoris.  Son  bourg,  sub  Christianorumjurisconsul- 

Commentaire    sur  les   lois    des   XII  torum  nomine  contra  Duarenum ,  l'an 

Tables  fut  imprimé  plusieurs  fois.  La  i556;  mais  qu'il ,1e  désavoua  (90).  On 

troisième  édition  est  de  Bâle,  en  155^,  lui  donne  dans  l'Epitome  de  Gesner  un 

in-80.,  cbez  Oporin  ,  qui  imprima  en  ouvrage  qui  est  d'un  autre  Baudouin, 

même  temps   son   Juris  Ciuilis  Cate-  Dion  hujus,  sed  Pétri  Balduini  sunt 

cliesis,  et  son  Commentarius  adEdic-  (gi)  :  ce  sont  des  notes  sur  les  Offices 

ta  veterum  priiicipum  romanorum  de  de  Cicéron.  Ce  fut  lui  qui  mit  en  fran- 

Christianis ,  ouvrage  qui  prêche  la  to-  çais  une  histoire  de  Pologne  faite  en 

lérance,  et  qui,  à   cause  de  cela ,  fut  latin  par    Jean    Herburt   de    Fulstin  , 

blâmé  par  Claude  de  Sainctes  (87).  Je  castellan  de  Sanoc.  Cette   traduction 

laisse  plusieurs  autres  livres  de  juris-  française  fut  imprimée    à  Paris,    en 

prudence  publiés  par  cet  auteur;  mais  i573,   in-^°.  sans  le  nom  du  traduc- 

voici  une   chose  qui  ne  doit  pas  être  teur  (92).  //  se  masquait  quelquefois 

omise,  et  que  je  trouve  datas  M.  Me-  sous  le  nom  de  Pierre  de  la  Moche, 

nage  :  «  A   la    prière    du    prince  de  Pelrus  Rochius   (g3) ,  et  se  nommait 

»  Condé,  il  tit  un  Traité  des  moyens  Atrébatius,  par  allusion  au  juriscon- 

»  de  parvenir  à  une  bonne  réjormation,  suite  Trébatius  ,  et  à  sa  patrie  (9^). 

»  touchant  la  religion.  Ce  traité,  ayant  Pour  ce  qui  regarde  les  pilleries  qui 

»  été  publié  par  un  carme  défroqué,  lui  furent   reprochées  ,    vous   n'avez 

»  qui   y    ajouta   beaucoup    du    sien,  qu'à  lire  ce  qui  suit.  Pudendum  est , 

3>  Balduin   se  plaignit  de  ce   procédé  et  nimikni  itliberale  illud  plagium  , 

}>  au    prince    de    Condé.    Le    prince  quod  ipse  inficiari  non  potest  de  unno- 

»  chassa  le  moine  de  sa  cour  ,  et  per-  tatiombus     in    Jusliniani    Institutio- 

»  mit  à  Balduin  de  se  défendre.  Bal-  nés  Breclhano  prœceptori  suo  surrep- 

3>  duin,  ensuite  de  cette  permission,  Us.    Ornilto  quœ  non  modo  Ferretus 

3>  fit   en  latin,  et  après    en  français,  et    Olhomanus,  quorum  fortassis  J'a- 

3)  son  A.vis  sur  la  rejormation  de  l'E-  miliaritate  tum  abutebatur  ex   veterz 

»  glise  :  et  il  fit   en   français   sa  tie-  i  lia  formula   to.  to>v  «pi'xœv  xoivi,  sed 

■»  ponse    a   un    Prédicant    calomnia-  eliam  maximi  ipsius  immici  Baro ,  et 

»  teur  (88).  »  On  voit  dans  la  IIIe.  ré-  Uuarenus ,  optimo  jure  ex  istius  cen' 

ponse  de  Baudouin  ,  que  par  l'ordre  tonibus  repetunt.  Omilto  etiam  turpis- 

de  la  reine-mère  il  fut  voir  en  prison  simorum   erratorum   Centurias  ,   quas 

M.  le  prince  de  Condé,  et  qu'il  confé-  Contins  et  ipse  juris  inlerpres  in  istius 

ra  avec  lui  sur  l'accord  des  îeligions  ,  Constantino  ,  quamvis  exiguo  libello, 

et  qu'on  lui   commanda    de  faire   un  annolavit    (g5).    Ce    Contius  ,    dont 

écrit  touchant  cette   conférence  qui  Bèze  parle,   était  professeur  en  droit 

avait    été  renouvelée  depuis   que   ce  à   Bourges  ,  et  s'appelait    Antoine   le 

princeeut  été  remis  en  liberté.  La  corn-  Conte.  On    fait  aussi  mention  d'Hot- 

position  de  cet  écrit  f  empêcha  d'aller  man  dans  ce  passage.  Ce  fut  l'un  des 

trouver  le  duc  de  Guise  ,   et  de  lui  adversaires  de  Baudouin,  et  il  le  traita 

porter  une  lettre  (89).  Je  ne  dois  pas  avec   le  dernier  mépris  (96)  :  il  Pap- 


(90)  Valer.  Andréas,  Biblioth.belg.  ,pag.  220. 

(qi)  Idem  ,  ibidem. 

(92)  y~oyez  Du  Verdier  Vau-Privas,  Biblioth. 
française,  pag.  366. 

(g3)  Il  signait  ainsi  les  lettres  qu'il  écrivait 
à  Calvin. 

(g4)  Catherinot ,  Calvinisme  de  Berri  ,  vers 
la  fin. 

Uc>)  Beza  ,  fiespons.    ad  Balduini    Convicia  , 

(88)  Ménage,  Remarques  sur  la  Vie  d'Ayrault,     pag.  203  ,  204. 

pag.   i58.  (96)   Voyez  le  livre  intitulé  :  Stiigilis  Papyrii 

(89)  Ex  Balduini  Responsione  ad  Calviuum  et      Mas^onis     per    Matajjouideu»   de    Matagombus, 
Bezam,/o£.  101  verso,  et  102.  pag.  2G9. 


(85)  Valer.   Andréas,    Biblioth.  belgicae    pag. 

223. 

(86)  Et  non  pas  l'an  i534,  comme  on  le  voit 
dans  /'Epitome  de  Gesner,  pag.  236  :  une  trans- 
position de  chiffre ,  faute  ordinaire  des  impri- 
meurs ,  a  fait  mettre  la  i534  pour  i5/j3. 

(8-)  Claud.  de  Sainctcs  ,  ad  Edicta  veterum 
Principum  ,  folio  6  verso. 


BAUDOUIN. 


207 


t 
ou 


pela  même  hermaphrodite  ,  et  il  sera-  fâcher,  et  ils  déchargent  leur  dépi 
ble  qu'il  prenne  ce  mot  au  propre,  sur  ce  qu'ils  appellent  injustice  01 
quoiqu'ailleurs  il  le  prenne  ^  au  fi-  aveuglement  de  la  fortune.  Ils  vont 
guré  (97).  Uxor(inquis),  il  s'adresse  rarement  au  fait  :  ils  ne  s'avisent 
à  Papyre  Masson,  mihi  nulla  est ,  nec  guère  d'une  autre  cause  qui  produit 
uiKjuam  fuit.  Nec  mirum  ,  Massone  ,  cela  bien  plus  souvent  qu'ils  ne  pen- 
siquidem  lialduini  prœceptoris  tui  si-  sent.  Ils  devraient  savoir  ,  qu'afin  que 
milis  es,  quem  omnes  d'uebant  esse  des  qualités  e'mitientes  portent  un 
hermaphroditinn  (98).  11  se  fait  un  plai-  homme  à  l'élévation  qu'elles  semblent 
sir  de  dire  que  Cujas  méprisait  Bau-  lui  promettre,  elles  doivent  être  se- 
douin  :  Càni  omnes  sciant  quùd  prœ-  condées  par  certaines  autres  qualités 
dictus  Cujacius  non  ferait  unqu'am  ou  n'être  pas  traversées  par  certains 
numerum  de  Balduino  plus  qu'am  de  défauts  :  car  n'étant  pas  secondées 
suis  l'eteribus  ocreis  (99).  M.  Ménage  ou  étant  traversées  ,  elles  sont  une 
remarque  avec  étonneraent  que  Cu-  cause  insuffisante;  et  ainsi ,  selon  les 
jas  n'a  jamais  parlé  de  Baudouin  (100).  lois  de  la  mécanique  ,  il  faut  qu'elles 
Nous  avons  vu  qu'il  lui  écrivit  des  manquent  leur  eflèt.  Or  voilà  ce  qui 
lettres  fort  obligeantes  (101).  arrive  à  plusieurs  de  ceux  dont  les 
(N)  Il  y  aurait  bien  des  réflexions  talens  ont  de  l'éclat  :  il  leur  manque 
a  faire  sur  la  bizarrerie  de  safortw  certaines  choses,  avec  quoi  ces  grands 
ne.]  Il  avait  de  l'esprit ,  du  savoir,  talens  feraient  des  merveilles  et  sans 
de  l'éloquence,  de  l'adresse:  il  était  quoi  ils  nç  peuvent,  ni  les  avancer 
bien  fait  de  sa  personne  ;  il  entendait  ni  les  soutenir.  Les  qualités  de  ces' 
le  manège  de  la  cour.  Quelques-unes  gens-là  ne  sont  pas  bien  assorties-  il 
des  qualités  que  je  vicus  de  spécifier  n'y  a  point  entre  elles  le  concert  et 
se  trouvaient  en  lui  dans  un  degré  la  proportion  qui  devrait  y  être  :  au 
éminent.  Il  fut  employé  diverses  fois  lieu  donc  de  s'entr'aider  les  unes  les 
par  de  grands  princes  à  des  affaires  autres,  elles  s'entre-nuisent.  Il  ne  faut 
importantes  :  cela  le  mettait  en  passe  donc  pas  s'étonner  si  l'on  ne  s'élève 
d'un  glorieux  avancement;  et  néan-  pas,  et  même  si  l'on  échoue  avec  un 
moins  il  ne  s'avança  jamais  beaucoup,  tel  équipage.  Pour  ce  qui  est  de  cer- 
et  je  pense  qu'il  ne  mourut  guère  taines  gens,  qui  parviennent  à  une 
riche.  Combien  y  a-t-il  de  gens,  infé-  grande  fortune,  etqui  s'y  soutiennent, 
rieurs  en  toutes  choses  à  cet  habile  sans  qu'on  puisse  remarquer  en  eux 
jurisconsulte,  qui  montent  bien  haut,  rien  qui  ne  soit  médiocre  ,  il  ne  s'en 
qui  parviennent  à  de  grandes  char-  faut  pas  étonner.  Il  y  a  un  tel  concert 
ges,  qui  s'y  maintiennent,  qui  s'y  ou  une  telle  proportion  entre  leurs 
acquièrent  un  beau  nom  ,  beaucoup  bonnes  et  leurs  mauvaises  qualités 
de  richesses,  beaucoup  d'autorité  !  Ils  qu'elles  se  servent  d'appui  récipro- 
ne  brillent  par  aucun  endroit  :  ils  quement;et  par- là  elles  forment  un 
n'excellent  en  rien  :  point  de  qualités  principe  complet,  et  suffisant  à  la 
éminentes  :  on  cherche  vainement  production  de  mille  aventures  pro- 
en  eux  ce  qui  excite  l'admiration  :  et  «tables.  11  en  est  de  ceci  comme  des 
on  le  trouve  bientôt  en  d'autres  per-  machines  ;  car  quelque  grossièrement 
sonnes  ,  qu'on  voit  néanmoins  demeu-  qu'elles  soient  faites,  elles  feront 
rer  toujours  dans  un  état  médiocre  ,  mieux  leur  jeu  ,  si  leurs  parties  sont 
quelque  souvent  qu'elles  aient  eu  sous  placées  et  proportionnées  comme  il 
la  main  une  occasion  favorable.  La  faut,  que  la  plus  admirable  machine 
plupart  de  ceux  qui  font  attention  à  ne  ferait  le  sien  ,  si  l'on  enôtait  quel- 
ce  train  des  choses  humaines  y  trou-  ques  pièces,  ou  si  l'on  y  en  plaçait 
vent  de  quoi  murmurer,   de  quoi  se  quelques-unes  qui  ne  correspondissent 

pas  avec  les  autres.  «  Ce  n'est  pas  le 
»  tout  que  de  joindre  avec  la  m  iance 
»  du  monde  celle  des  livres,  beau- 
»  coup  d'esprit,  beaucoup  .1.1.,- 
»  quence,  plusieurs  autres  dons  1 
»  tans  ;  si  d'ailleurs  vous  êtes  brus- 
»  que,  capricieux,  indiscret,  pa 
»  seux,    timide,  intéressé,  sujet  à  de 


(97)  T'1  e*  hermaphroditus  in  negotiis  st.itdt, 
sicut  fuit  Baltluinus  in  negotiis  religionis.  IJ.  , 
ibi.l. ,  pag.  2R1. 

(98)  Idem  ,  ihid. ,  pag.  281. 

(99)  Idem,  ibtd. ,  pag.  îGg. 

(100)  Ménage,  Kemarqucs  sur  la  Vie  d'Av- 
rault,  pag.  i5S. 

(101)  Ci-dessus,  citation  (84). 


ao8 


BAUTRU. 


)>  basses  jalousies,  présomptueux,  in-  et   l'un   des    meilleurs;   car   An- 

»  capable  de  suivre    une  affaire   qui  toine  Loisel      dans   son  Dial0„ue 

»  traîne    en    longueur,    inconstant,  ,         .               '                ,  ,               .0 

»  plus  propre  à  commencer  cent  nou-  des    Avocate,   a  parle   de  lui  en 

»  veaux  projets  qu'à  résister  au   dé-  cette    manière  :  Bautru     volait 

«  goût  de  manier  quelque  temps  la  d'une  plus  grande  aile  queux 


tous.  Je  ne  dirai  point  qu'il  fut 
»  trappe  a   tels  et  semblables  coins ,  ,         r  1         J    l 

»  et  que  vos  grandes  qualités  ne  vous  P}™  docte  qu  aucun'd  eux;  mais 

3)  fassent  point  faire  fortune,   ne  vous  /'/  avait  la   langue  mieux  pen— 

»  en  prenez  point  à  l'injustice  du  sort,  due;  et,  s'il  le  faut  dire,  plus  an- 

3.  à  l'iniquité    du   siècle,    à  la   mali-  „„„•       ,*      r,TIITT  â__  Jof    Rc    ■ 


*~    gevine  {a).    Guillaume    et  René 
5me  :  attribuez-    Bautru    DES  Matras    étaient  ses 
j;  en  la  cause  aux  disproportions  des    frères.  Guillaume,  conseiller  au 


»  gnité  de   votre  prochain  ;   prenez- 


3,  qualités  que  vous  avez  eues  en  par-  „ranc[  conseil ,  et  grand   iappor 

»  tage.»    Je  compte    Franco» ;  Bau-  J  d      p  g  é    M 

douin  parmi  ceux  que  1  on  peut  apos-  tV    y  t     ,,* 

tropher  de  la  sorte.  Notez  qu'entre  les  du  tameux   M.    .Bautru  de  1  aca- 

personnes  de  cette  trempe  quelques-  de'mie    française,     duquel    nous 

uns  se  font  justice _  :  ils  connaissent  le  parlerons  bientôt.    René  ,  asses- 

mélange  qui  rend  inutiles  leurs  beaux  *  '    j-   1    j>a  /*\ 

,       s    ?  ,-i         .     ,_*     „„  „3„cf  seur  au  presidial  d  Angers  (A) , 
talens;  et  s  ils  murmurent ,   ce   n  est  J  r    r      e 

pas  contre  leur  prochain  ,  c'est  contre  et  maire  d  Angers  en  ibo/j  ,   lut 

leur  propre  tempérament,  c'est  contre  père  de  Charles,  chanoine  d'An- 
la  nature  qui  a  mis  des  contre-poids  à       e  connu    sous    le    nom    de 

tout  ce   qu'elle  leur  avait   donne  de  S  Ar  , 

plus  propre  pour   une  grande  éleva-  P™    DFS    Matras  ,    au  eur    de 

tion.  Au  reste,  je  ne  prétends  point  quelques  traites  de  théologie  (c) 

enfermer  dans   cette  hypothèse  mille  (B).  Je  pense   que  c'est   le  même 

et  mille  cas  particuliers,  où  les  causes  p,-jeur   <]es  Matras  ,   qui  a  été  si 


de  la  mauvaise  et  de  la  bonne  fortune 
sont  tout-à-fait  externes  :  c'est-à-dire, 
que  ceux  qui  ,  avec  des  qualités  fort 
capables  de  les  élever  ,  sont  demeu- 
rés dans  l'obscurité  ,  n'ont  eu  aucune 
occasion  favorable  ;  et  que  ceux  qui  , 
sans  nul  mérite  ,  sont  montés  bien 
haut  ,  se  sont  trouvés  dans  un  tour- 
billon de  circonstances  si  actif,  qu'ils 
n'ont  eu  aucun  besoin  de  le  seconder, 
et  que  leur  incapacité  ne  lui  servait 
point  d'obstacle.  Mais  souvenez-vous  (c)  Ménage. 
que  Baudouin  n'a  point  manqué  d'oc-    Ay"ult ,  pag 


célèbre  par  ses  bons  mots  (C) , 
qu'il  ne  cédait  guère  en  cela  à 
M.  Bautru  de  l'académie  fran- 
çaise. 

(a)  La  Croix  du  Maine,  pag.  209,  en 
parle  avec  éloge  ,  et  dit  qu'il  mourut  le  23 
août  i58o  ,  âge  de  quarante  ans. 

(b)  Ex  Menagiis  Notis  Gallicis  in  Vilam 
Petii  JErodii ,  pag.  176. 

le)  Ménage,   Remarques  sur  la  Vie  de  P. 
6. 


casions 
voies. 


il  a  été  mis  souvent  sur  les 


(A)  René  Bautru  était  assesseur  au 
présidial  d'Angers.  \  C'est  de  lui  sans 

B,  TTrrT»  tt  t\t?c  t\t  iTB  a  c  doute  que  d'Aubiené  parle  ,  au  sujet 
AUTRU  DES  MATRAS  d'uue  ^'tendue  possédée  (i).  Elli  a 
(Maurice),  premier  lieutenant  deux  diables ,  dit-il  (2) ,  l'un  nommé 
de  la  prévôté  d'Angers  en  titre  Belzébul,  l'autre  Asiarot.  Le  pre- 
d'office.  Ses  fils  et  ses  petits-fils  mier  est  un  rude  diable ,  fort  ennemi 
ont  rendu  son  nom  très-célèbre  , 
comme  on  le  va  voir. 


BAUTRU    DES    MATRAS 
(Jean),  fils  du  précédent,  a  été 


îles  huguenots  ,  qui  frappe  tout  le 
monde  ,  et  eût  frappé  !\î.  Matras 
d'Angers  ,  s'il  n'eût  pris  un  bâton  en 
lui  disant  :  Belzébul  ;  maître  mouche, 


(1)  Marthe  Bro'.uer,  de  Pomorantin ,  en  iSpf). 

(2)  Confisi    catholiq.    de  Sanry  ,  liv.  /.  chap. 

avocat  au  parlement  de  rans  ,    r/,p«g.  35a. 


BAUTRU.  209 

ftî  vous  vous  jouez  à  moi ,   je    vous  d'état    ordinaire  ,    introducteur 

battrai  en    diable......  Le clergé  des  amb;,ss,cleurs ,  ambassadeur 

<l  Angers  voulut  que  ces  deux  diables  .,        .  ..      . 

de  bon  lieu  fussent  examinés  prenne-  vers  [  archiduchesse  en    Flandre  , 

renient  par  l'église  :  un  des  juges  de  la  et  envoyé  du  roi  en  Espagne ,  en 

fille  du  qu'il y  allait  de  leur  honneur,  Angleterre  ,    et  en  Savoie  ,  était 

et  pour  examiner  ces  esprits  commença  ,1»  a  ...„„_- /_\       fil.    j„   r      11 

•  1  .  m  .      '  1      1  \r  d  Angers  (a) ,   tus  de  dm   aume 

a  latuier,  Matrasadiredugrcc.\ oyez  D        &  •,, 

la  remarque  (11)  de  l'article  Ghahdieh.  »autru  conseiller  au  grand  con- 

(B)  Charles  IJautru est  auteur  seil  (0).  Il  a  été  un    des    beaux 

de  quelques  traités  de  théologie.  ]  Voici  esprits    du    XVIIe.    siècle.     Il    se 

ce  que  M.  Ménard  en  dit  dans  sa  liste  p-     •*.   .,,„,„,,,       1 

j      -    •     ■  •       f      /     u  taisait  surtout  admirer  nar   ses 

des  écrivains  angevins.  Carolm liau-  '"    1JC"    5<-:> 

tra  ,  presbjter  ,  doctor  theologus   et  bons  mols)  et  par  ses  fines  repar- 

pmfessor,  Ecclesiœ  Mauricianœ  An-  ties  (A);  et    l'on  trouve  dans  les 

degavensis  canonicus,  maximi  ingenii  écrivains     de     son     temps    mille 
scient iarumtiue  dotibus  excellais ,  fa-  .  i      1      1     11  ' 

•7 ■-  ;       7  •     ■>  marques  de    a   bêle  réputation 

miliaque  inter  clarissimas  prœcipuâ.  .1      ,      .        Zy,  j^'iouuu 

ScripsitdesanctissimoEucharisliœsa-  ou    '•    était.    C  est    un    homme, 

cramento   tractationem,    brevi  publi-  disait  l'un  d'eux  (c) ,  qui  met  une 

candam,  quant  uidimus.  Intenta  tjrpis  ,)a>lie  de  sa  philosophie  à  n'ad- 
exposuit  JJisuutalionem  ad  articulum  ■  <  '     ,        7 

quarlum   quœstioms   7G   tertiœ   partis  m"'Cr    (1UC    très-peu    de   choses  , 

Summœ  Theologicœ  sancti  Thomœ ,  et   qui   depuis  cinquante  ans  a 

ntrum  tota  quantitas  dimensiva  cor-  été  les  délices  de  tous  les  minis- 

poris  Chrïsti  sit  in  hoc  sacramento.  tres    de  tous  les  favoris,  et  eéné- 
ylndesavi.apud  Antomum  Hernault,  7  .    ,  J     ,  ,      , 

i638  (3)  ralement  de  tous  les  grands  du 

(C)  Il  fut  célèbre  par  ses  bons  rojriume ,  cl  n'a  jamais  été  leur 
mots.]  M.  Cousin  remarque  que  la  Jlalteur.  11  entra  dans  l'acadé- 
mémoire  fournissait  à  M.  Ménage  mje  française  dès  le  commence- 
quanlile   de   bons   mots  ,    au  il   avait  .    j  p       j    .-  •■      , 

,„„.-;      i„„  ■<.  ,    /„  .  /„  ment  de  sa  fondation  :  1    11  avait 

appris   dans  sa  jeunesse,    et  dont  les 

meilleurs  étaient  de  M.  le  prieur  Bau-  garde  d  être  oublie,   étant  aussi 

tru  des  Matras  (4).  Cela  montre,  qu'au  connu  qu'il  l'était  du  cardinal  de 

jugement   de  M.    Cousin  ,  le   prieur  Richelieu.     Son     mariage     avec 

hautru  est   un   suiet   à  citer  préfera-  -.T      tl       x>-  au       i>  ». 

blement  à  l'autre  Bautru  en  matière  Marthe  Bigot      fille  d  un  maître 

de  bons  mot.  ;  en    il   ne  pouvait  pas  des  comptes  de  Paris  ,  ne  lut  pas 

ignorer  que   M.   Ménage  n'eût  appris  le  plus  heureux  de  ce  monde  (B). 

ceux  de  Bautru  le  séculier ,  tout  de  Belle  matière  de  lieux  communs 

même  que  ceux  de  hautru  1  ecclcsias-       ,     -.         ,n  ,,  •    . 

tique.  Ù  Ménagiana  nous  fait  voir  et   de  reflexions.  Il  en    vint  un 

que  M.  Ménage  avait  profité  beaucoup  fils  ,    savoir,  dl  IUAI  Ml'.   BaDTRD  , 

plus  à  l'école  du  premier ,  qu'à   celle  comte  de  Serrant ,  chancelier  du 

de  l'autre.  juc  ^'Orléans  ,  et  mari  de  Marie 

(3)  Ménard,  dans  1rs  Remarques   de  Ménage  T}prtr„,lrl         f.lU      ,lp     Micé      FW- 

sur  la  vie  ,ie  Pier™  Ayrauit,  pag.  i-j.  «émana  ,    nue    ae    inact    I  (  1 

(\    Journal  de»  Savans  du  il  août  1692,  paS.  traild  ,    SeiglieUT  de    la   BasilllèlV  , 

H  t.  .rrrrr-n  ~    ,  ^  et  trésorier  de  l'épargne.  !)•■  ce 

BAUTRU  *  (Guillaume),  ni:irui^    sortirent   deux  filles, 

comte    de    Serrant,     conseiller  Marguerite  ,   et   Marie    Magde- 

*  Si  quelqu'un,  du  l'abbé  d'Olivet  dans  laine.  La  première  a   été  mariée 

son    Histoire    île    V Académie  française  ,   rst 

curieux  de  voir  comment  écrit  un  liel  esprit  .u     Histoire  de  l'Académ.  française  ,  pag. 

qui  u'a   envie  que   d'amuser  des  lecteurs  01-  3 '] 7  ,  cil    de  1672. 

sifs  ,  et  qui  ne  se  propose  nullement  de  leur  b     Ménage  .    Remarques    sur    la    Vie   de 

être  utde,   il  n'a  qu'à  lire  l'article  BA.DTRD  ,  Guillaume  Men.ige  ,  piiç   3y6. 

dans  le  Dictionnaire  de  Bajle.  (c)  Costar,  Lettres  ,  tom.  l'r-  ,  P"g-  120 

TOME    III.  I  i 


aïo  BAUTRU. 

au    marquis  de    Vaubrun  ,    son  bien ,  puisqu'il  avait  été  si  fort  son 

oncle    à   la   mode    de    Bretagne,  <*mi,  et  qu'il  l'avait  vu  et  fréquenté  si 

„„„.™a  ;i  00.-0  AU  ^,*  J™„         /  j\  familièrement.   La  lettre   de  Costar  , 

comme  il  sera  dit  ci-dessous  (g).  j      ■■>  ■     -.-   ,  \          .      »     i    • 

,            ,    ,             .,       \    '  que  j  ai   citée  (2) ,  contient  plusieurs 

La   seconde    a  ete    mariée    avec  choses  capables  de  faire  connaître  le 

Edouard-François  Colbert,  comte  génie  de  M.  de  Bautru.  11  avait  l'in- 

de   Maulevrier  ,   lieutenant  gé-  «pection  sur  la  Gazette  (3)   et  c'est  à 

'     1  j      „  i„„            '       j     t?  lui  que  l'avis  du  gazetier  de  Cologne 

neral  dans  les  armées  de  .France,  ,/-,  •        »           vf         •.  1    .       % 

iam.c,  (4)lmputecequilyavaitde  trop  fa  - 

et    trere   de    M.    Lolbert.    J  ap-  vorable  pour  le  cardinal  JVIazarin  dans 

prends  du   Ménagiana ,    que   le  la  Gazette  de  Paris. 

grand-père  de  ces  dames  mourut      .  (B)  Son  mariaSe nefut  Pas, le 

r    ,,,     l  j,        •            „    ■         .      j-  plus  heureux  de  ce  monde.]  Puiscru  on 

a    lage   d  environ    soixante-dix-  '  imptîmé  à   Paris  avec  privilège  ce 

sept  ans  (e) ,    et,   a   proprement  que  je  vais  dire,  je  puis  sans  doute  le 

parler,    sans    confession   (C).    il  publier  en  Hollande  ,  sans  crainte  d'en 

vait  été  peu  dévot  (D) ,  et  très-  être  blâmé  par  les  personnes  judicieu- 

-,  ,        l        -    ■        v    "    .        .        ses.  «.  M.  de  S (5)  était  fils  de 


sensible  aux   injures  conjugales 
à  certains  égards  (E)  *. 

(d)  Vojr.  l'article  suivant ,  citation  (a). 

(e)  Ce  fut  l'an  i665. 

*  Bayle  et  l'abbé  d'Olivet  ont  ignoré  , 
comme  le  remarque  Leclerc  ,  que  Bautru 
était  auteur.  Chapelain,  dans  ses  Mélanges , 
pag-,  260,  dit  que  Baulru,  dans  sa  jeunesse, 
avait  composé  des  satires  ingénieuses.  Une 
intitulée  ,  Onosandre  ,  et  qui  est  contre  le 
comte  de  Montbazon  (  qui  toutefois  n'est  pas 
nommé  )  ,   a  été   imprimée  sous  le  nom  de 


»  M.  de  Bautru  ;  et  quoiqu'ils  denieu- 
»  rassent  ensemble  où  demeure  pré- 
»  sentement  M.  de  Seignelai  ,  néan- 
»  moins,  ni  l'un  ni  l'autre  ne  se  re- 
»  connaissent  pour  père  ou  pour  fils. 
»  M.  de  Bautru  disait  qu'il  reconnaî- 

»  trait   M.  de   S pour   son    fils, 

»  pourvu  qu'il  fût  honnête  homme  : 
»  peut-être  avait-il  quelque  raison 
»  de  douter  qu'il  le  fût.  Les  soupçons 
)>  violens  qu'il  avait  de  l'infidélité  de 
la    mère  l'avait  poussé   à   la  pour- 


Bautru  dans  le    Cabinet  satirique.    Leclerc     „    suivre  en  j    sti         et  -  en  deœandcr 
la    trouve  1res  -  plate.    11  parait   que  Bautru  1  '■         c    '  „.  .     -,  r.  1 

avait  fait  une  autre  satire  intitulée  ,  VAm-    "  ,a  vengeance,  tn  effet,  il  fit  prendre 
bigu.  Le  pèreLelong  et  Chapelain  lui  attri-     "  son  valet,    qu  il   accusa   d  avoir  eu 

»  quelque  intelligence  avec  sa  femme, 
»  et  le  fit  condamner  à  être  pendu  par 
»  son  premier  jugement.  Le  valet  en 
»  appela,  et  fut  condamné  aux  ga- 
»  1ères  seulement ,  parce  qu'il  exposa 
»  que  M.  de  Bautru  s'était  fait  justice 
»  lui-même,  et  l'avait  cruellement 
»  maltraité.  Cette  affaire  ayant  fait 
le  tourquele  poète "s7int-Amant'priT  "  beauC0UP  d'éclat,  M.  de  Bautru  se 
pour  se  moquer  de  ceux  qui  aimaient  *  mit  sur  le  Pled  "en  nre  comme  les 
les  turlupinades  et  les  pointes  :  "  au,res  :  aussi  dis^l-ri  quelquefois  : 

»  Si  les  Baulrus   sont  cocus  ,    ils  ne 


huent  les  Lettres  et  dépêches  de  M.  de  Bautru, 
depuis  le  7  octobre  1628  jusqu'au  17  novembre 
l67|2  ,  manuscrit.  L'abbé  de,  Marolles  ,  dans 
ses  Mémoires  ,  a  placé  Baulru  parmi  les  meil- 
leurs épigrammatistes  français. 

(A)  Il  se  faisait  admirer  par  ses  bons 
mots,  et  par  ses  fines  reparties.]  Je 
n'en  veux  point  d'autre  preuve,  que 


■>i  vous  oyez  une  équivoque. 
Vous  jetez  d'aise  votre  toque, 
El  prenez  son  sens  malaulru 
Pour  un  des  beaux  i 


/er.  volume. 
3î8  de  la  première  édi- 


»  sont  pas  des  sots.  Sa  femme  voulut 

»  toujours  être  appelée   Madame   de 

ts  de  Bautru  (1).         »  Nogent,   nonobstant   son   mariage 

Le  Ménagiana  me  fournirait  de  fortes    "  (6>  '   disant  qu'elle  ne  voulait  pas 

preuves  ,   si  j'en  avais  besoin    :  on  y 

trouve  à  tout  moment  M.  deBautru,  et 

l'on  est  averti  dans  la  préface,  qu'ou- 

tre  les  bons-mots  de  M.  Ménage  ,  on 

en  trouvera  encore  d'autres  ,  et  parti- 
culièrement  ceux  du  fameux  M.  ds 

Bautru   ,    qu'il    savait    parfaitement 

(1)  Saint-Amant,  dans  le  poème  intitule',  le 
Poète  crotté,  pag.  22S, 


(2)  C'est  la  Z«.  d 

(3)  Ménagiana,  pa 
l'ion  de  Hollande. 

(4)  Imprimé  en  1647.  Voyez-y  les  pages 
29,  45. 

(5)  Dans  la  première  édition  de  Paris  ,  on  a 
mis  tout  du  long  Serrant. 

{6)  Je  n'entends  point  cela;  car  il  faudrait, 
ce  me  semble,  afin  que  ceci  eût  du  sens,  que 
celle  dame  eut  clé  appelée  mademoiselle  ou  ma- 
dame de  Nogent,  lorsqu'elle  épousa  M.  de  Bau- 


BAUTRU. 


»  être  appelée-  Madame  Bautrmi  par 
»  la  reine  .Marie  de  Médicis ,  <|ui 
»  avait  alors  de  la  peine  à  bien 
»  prononcer  le  français.  »  Voilà  ce 
qu'on  trouve  clans  la  seconde  édition 
du  Ménagiana  où  Ton  a  raccommode 
cet  endroit,  qui  n'était  point  intelli- 
gible dans  la  première.  .Mais  depuis 
que  le  nom  de  cette  dame  a  été  écrit 
selon  la  prononciation  italienne,  on 
voit  pourquoi  elle  ne  le  voulait  pas 
porter.  On  était  alors  au  temps  des 
pointes,  et  on  pouvait  la  persécuter 
de  mille  estocades  par  allusion  au  mot 
trou. 

Si  l'esprit  pouvait  garantir  de  cette 
disgrâce  de  front  ,  que  tant  de  gens 
appréhendent,  et  quêtant  de  gens 
nomment  une  bagatelle ,  M.  de  Bau- 
tru  en  aurait  été  exempt;  mais  ni 
l'esprit  ,  ni  |e  courage  ,  ni  la  bonne 
mine  ,  ni  les  couronnes  mêmes  ,  n'en 
garantissent  pas.  Cette  disgrâce ,  ou 
cette  honte  bourgeoise ,  a  quelque 
chose  de  commun  avec  la  mort ,  et 
la  garde  qui  veille  aux  barrières  du 
Louvre ,  etc  ;  mais  d'ailleurs  les  diffé- 
rences sont  grandes  :  la  mort  n'épar- 
gne aucune  tète  couronnée  ,  et  il  y  a 
partout  des  reines  très-vertueuses. 
Malgré  ces  différences  ,  voilà  deux 
choses  que  le  même  lieu  commun  de 
consolation  doit  faire  souffrir  patiem- 
ment à  une  infinité  de  personnes.  Un 
poète  philosophe  a  tâché  tort  noble- 
ment d'inspirer  de  l'indifférence  pour 
la  mort  par  cette  raison  :  <c  Les  bons 
»  rois,  les  plus  redoutables  monar- 
»  ((lies  ,  les  grands  foudres  de  guerre, 
»  les  plus  beaux  génies  ,  les  inven- 
»  teurs  des  arts  ,  les  philosophes  1  s 
»  plus  subtils,  sont  morts:  et  vous, 
3)  misérable  petit  particulier  ,  qui 
»  croupissez  dans  l'esclavage  de  mille 
»  basses  passions  ,  vous  ferez  le  ren- 
»  chéri,  et  vous  oserez  vous  plaindre 
»  de  ce  que  la  mort  ne  vous  epar- 
»  gnera  pas  ? 

I.umina  sis  oculis  etiam  bonus  Ancu    reliquil 
Qui   melior  mullis   quam    lu  fuit,    improbe  , 

rébus. 
Inde  atii  mutli  reges,  rerumque  polentei 
Oeeiderunt  magnis  qui  genùbus  imperitdrunt. 
Illequoque  ipse,  viam  qui  quondam  per  mare 


tri,.  Or  cria  n'a  nulle  apparence;  car  V.  ,/.• 
Baulru  avait  un  frire  qui  se  nommait  M  de 
Siogenl  :  ce  t/ui  montre  que  cette  terre  n'était 
point  entrée  dans  leur  famille  par  le  mariage 
de   M.  de  Baulru. 


2ÎI 

Stravit ,   ilerque  dedil  legionibus  ire  per  al- 

lum  , 

Lumine  ademplo  animant  moribundo  corpore 

fudit. 
Sctpiadei  be'.li  fulmen,  Carthaginis  horror , 
Ossa  dedil  terra;   proindè   ac  famul  infimus 

esset. 
Adde  repertores  doctrinarum  atque  Uporum, 
Adde    HeLconiadum    comités  ,  quorum   unus 

Sceptra  polilus  eddem  aliis  sopitu'  quiète  est. 

Ipse  Epicurus  obit  decurw  lumtur  vilat 

Qui  genusl humanum    ingenio  superavit ,    ri 

'■miiir 
Prastrinxerit  slellas  exortus  uli  celherius  sol. 
Tu  vero  dubttabis  et  indignabere  obire 
Morlua  quoi  vila  est  propè  jam   vivo,  atque 

videnti , 
Qui  somno  parlent,  etc   (7). 

Disons  de  même  aux  petits  particu- 
liers qui  se  chagrinent  des  amourettes 
de  leurs  femmes  :  «  Vous  vous  fâchez 
»  d'une  chose  dont  les  plus  puissans 
»  monarques,  les  plus  grands  guer- 
»  riers ,  les  pins  beaux  esprits,  les 
»  plus  savans  et  les  plus  zélés  doc- 
»  teurs  ,  ne  sont  pas  exempts.  C'est 
»  bien  à  vous  à  faire  les  délicats  :  ap- 
»  prenez  par  ces  grands  exemples  à 
»  supporter  patiemment  votre  infor- 
»  tune.» 

Permettez-moi  de  dire  en  passant 
que  notre  Malherbe  s'est  servi  de  la 
pensée  de  Lucrèce  dans  l'épitaphe 
d'un  prince. 

Je  suit  poudre  loutetfois  , 
Tant  la  parque  a  fait  ses  lois 
Egalrt  et  nécessaires  , 
Bien  ne  m'en  a  su  parer  : 
Apprenez,  unies  vulgaires, 
A  mourir  sans  murmurer, 

M.  Ménage,  sur  cet  endroit  de  Mal- 
herbe, rapporte  L'épitaphe  de  Mar- 
guerite d'Autriche,  dont  la  conclu- 
sion est  : 

Al  vos  plebeio  de  sanguine  ,  quando 
Ferrea  nec  nobis  didierrunt  jfala,  née  ullis 
Parcere  nominibus ,  patientait  île  sub  umbras. 

Jean  Second  est  l'auteur  de  cette  <:|ù- 
taphe.  M.  Ménagea  parodié  les  vers 
de  Malherbe  au  sujet  d'un  poème  épi- 

que     N.  fl 

^  Notons  aussi  en  passant  que  l'on 
s'est  servi  dune  semblable  moralité 
pour  apprendre  à  tous  les  hooni.es 
qu  ils  ne  doivent  pas  se  plaindre  d'ê- 
tre sujets  à  la  mort   Le~  |  lus  grandes 

(;)  J.nerct.  ,  /,/,  ///  ,  ,„/,.  fi„.  Voie:  Iî„- 
mer  ,  Abrégé  .le  Ga>SenJi,  loin.  VU  ,  pag.  11, 
édition  de  1684. 

(8  '  Vorez  ses  Observations  sur  Malueihe  , 
pas.  32i. 


2i2  BAUTRU. 

•villes  périssent ,  leur  a-t-on  représen-  quelque  usage  de  cette  moralité.  Le: 

té  ,    et  nous  sommes  assez  hardis  pour  fautes  qui  leur  échappent  peuvent  de- 

trouver  étrange  que  l'homme  meure  !  venir  vénielles  ,   par  la  raison  que  les 

Ex  Asiâ  rediens,  cùm  ah  JEgindMe-  écrivains  les  plus  illustres  et  les  plus 

garant  versus  navigarem,  cœpi  regio-  savans  ,  les  Scaliger  et  les  Saumaise  , 

nés  circumcirca  prospicere.   Post  me  ont   fait    beaucoup  de  bévues.  Si   de 

erat  JEgina  ,    antè   Megara  ,   dexird  tels  auteurs  se  sont  trompés  fort  sou- 

Pirœeus,  sinistrâ  Corinlhus  :  quœ  op-  vent  ,   ne  doit-on  pas   se  consoler  de 

pida   quodum    tempore   florenlissima  ses  méprises,    quand  on  est  d'un  rang 

fuerunt ,  nunc  prostrala  et  diruta  au-  vulgaire  dans  la    république  des  let- 

te  oculos  jacent.  Cœpi  cgomet  mecum  très  ?  Ils  doivent  faire  à  l'égard  des 

sic  cogilare  :  fient,  nos  homunculi  in-  autres  auteurs  ce  que  fit  Carthage  à 

dignamur,  si  quis  nostrûm  interiit,  aut  l'égard  des  autres  peuples.  Post   Car- 

occisus  est  ,  quorum  vita  brevior  esse  thaginem  vinci  neminem  puduit  (i3)  : 

débet,  cùm  uno  loco  toi  oppidum  ca-  personne  n'eut  honte   d'être  vaincu  , 

davera  projecta  jaceanl  (9)/  Le  Tasse  après  que  Carthage  eut  été  vaincue, 
a  fort  bien  copié  cette  pensée  : 

Giace  Valta  Cartago  :  a  pena  i  signi 

De  l'aile  sue  raine  il  lido  serba. 

Muoiono  le  cilla ,  muniono  i  regni. 

Cuopre  ij'asli,  c  le  pompe,  arena  ecl  herba: 

7-7  l'huom  dresser  morlal  par  che  sisdegni. 

O  nos  h  a  mente  cupida  e  superba  (,10)  ! 

Consultez  l'Entretien  XXX  de  Balzac  , 
vous  y  trouverez  en   vers  latins  une 


C'est  ce  que  je  disais  dans  le  projet  de 
ce  dictionnaire  (\l\).  Notez  que  l'on 
ne  doit  pas  prétendre  que  je  ruine 
ici  ce  que  je  disais  en  cet  endroit-là  , 
et  que  j'avais  étalé  plus  amplement 
en  un  autre  endroit  (  i5  )  ,  que  les 
grands  auteurs  sont  les  plus  sujets  à 
faire  des  fautes.  Cela  est  très-vrai  à 
certains  égards  ;  et  néanmoins  leurs 
belle  imitation  de  cette  pensée;  mais  méprises  peuvent  servir  de  consola- 
vous  n'y  trouverez  pas  ces  paroles  de    tion   et     d'excuse    aux   écrivains   du 

tiers  état.  Mais  il  n'en  faut  pas  abu- 
ser :  il  faut  tendre  le  plus  qu'on  peut 
à  la  perfection. 

(C)  Il  mourut...,  a  proprement  par 
1er,  sans  confession. ]  Ma  preuve  se 
trouve  au  Ménagiana  ■■  «  M.  de  Bau- 
»  tru  avait  environ  soixante  et  dix- 
>»  sept  ans  lorsqu'il  mourut.  Il  venait 
»  me  voir  fort  souvent,  deux  ou  trois 


Rutilius 

Non  indignemur  mortalia  coi-pora  solvi. 
Cermmus  exemplis  oppula  posse  mori  (11)  ; 


Ni  ces  vers  d'Ausone  : 

Miremur  periisse  homines?  monumenla  falis- 
cutil  , 
Mors  etiam  saxis  marmoribusque  venil  (12). 

Scarron  ,  qui  donnait  un  air  burles- 
que à   toutes  choses  ,   n'a  pas  épargné     „  ans  avant  sa  mort    aux  jours  de  j"a 
celle-ci.  Voyez  le  fameux  sonnet  qui 
commence  par 

Superbes  monument  de  l'orgueil  des  humains. 
Pyramides  ,  tombeaux  ,  dont  la  vaine  struc- 
ture, 

et  dont  les  six  derniers  vers  sont 

Par  l'injure  des  ans  fous  êtes  abolis  , 

Ou  du  moins  la  plupart  vont  éles  démolis. 

Il  n'est  puinl  de  ciment  que  le  temps  ne  dis- 
soude. 

Si  vos  marbres  si  durs  ont  senti  son  pouvoir  , 

Dois-je  trouver  mauvais  qu'un  méchant  pour- 
point noir. 

Qui  m'a  duré  deux  ans ,   soit  percé  par  le 
coude  ? 

N'oublions  pas  les  petits  auteurs  :  ils 
doivent,  et  moi  tout  le  premier,  faire 

(q)  Servius    Sulpicius ,  Epist.  ad    Ciceronem. 
C'est  la  Ve.  du  [Ve.  livre  ad  Familjares,  pag. 

«93,  içi4- 

(10)  Gierus.ilem.  del  Tasso,  canlo  XV. 

(11)  Rutilius  Numatianus,  Itiner. ,  lih.   I,  vs. 
4.3. 

(12)  Ausonius,  EpigrauimateXXXY  ,  pag.  3o. 


»  Mercuriale.  J'étais  chez  un  de  mes 
»  amis  lorsqu'on  me  vint  dire  qu'il 
>»  était  tombé  en  apoplexie.  Je  cou- 
))  rus  pour  le  voir  ,  mais  il  avait  déjà 
»  perdu  connaissance.  Ce  fut  le  père 
»  d'Harrouys  qui  fut  appelé  pour  le 
»  confesser.  Lorsqu'on  lui  eut  dit  le 
»  sujet  pour  quoi  il  était  venu  :  Je 
»  ne  fous  connais  pas ,  et  vous  ne  me 
»  connaissez  pas  aussi,  mon  père  ,  lui 
»  dit-il  d'une  parole  fort  embarras- 
»  sée  ,  cependant  il  faut  que  je  vous 
j;  dise  ce  que  j'ai  fait  de  plus  secret. 
»  Je  le  vis  mourir.  Ainsi  ce  que  l'on 
»  dit  qu'il  me  cita  n'est  point  vérita- 
»  ble.  Il  mourut,  pour  ainsi  dire,  sans 
»  parler,  et  même  sans  confession.  Il 

(i3)  Floi'us,  hb.  II ,  cap.  VU. 

(i4)  Vers  la  fin  du  paragraphe  II.  Voyez-le 
à  la  fin  du  XVe.  volume  de  celle  e'dilion. 

(i5;  Dans  les  Nouvelles  Lettres  contre  Maim- 
fcouig  ,  pag.  zk  el  suiv. 


BAUTRU. 


ij'5 


»  se  confessa  bien  ,  si  Ton  veut  que 
■»  la  confession  se  fasse  par  interprè- 
»  te.  Comme  il  balbutiait,  un  laquais 
j)  expliquait  au  confesseur  ce  que  le 
»  maître  voulait  dire.  Je  laisse  à  pen- 
v  ser  quelle  confession  c'était  là  (i  6).  >> 
Si  Ton  demande  pourquoi  son  confes- 
seur ordinaire  ne  fut  point  appelé,  il 
faudra  peut-être  répondre  :  C'est  par- 
ce qu'il  n'en  avait  point.  11  était  ap- 
paremment de  ceux  qui  se  conduisent 
à  l'égard  du  sacrement  de  Pénitence 
comme  envers  celui  de  l'Extrême-Onc- 
tion :  ils  les  renvoient  tous  deux  au 
lit  de  la  mort. 

(D)  //  avait  été  peu  dévot.  ]  C'est 
ce  que  l'on  peut  inférer  de  ce  que  je 
viens  de  dire,  qu'il  n'y  avait  nulle 
connaissance  entre  lui  et  le  confes- 
seur qui  le  prépara  à  la  mort.  Mais 
que  veut-on  de  plus  exprès  que  le  té- 
moignage de  M.  son  fils?  «  Après  la 
3)  mort  de  M.  de  Bautru,  quand  on 
»  voulut  vendre  sa  maison  ,  il  se  trou- 
»  va  que  la  chapelle  était  en  désor- 
■»  dre  et  en  ruine.  //  ne  faut  pas  s'en 
»  étonner,  dit  M.  de  S....  (17).  M.  de 
»  Bautru  se  souciait  aussi  peu  de  sa 
3)  chapelle  ,  qu'il  avait  soin  île  sa  cui- 
■>/  sine  et  de  sa  bibliothèque  (18).  » 
S'il  gardait  quelques  apparences  ,  ce 
n'était  que  pour  le  décorum  :  à  peine 
se  laissait-il  effleurer  par  les  exercices 
de  religion  :  Etant  aile  faire  une  re- 
traite à  Saint-Lazare  ,  on  lui  donna 
à  méditer  sur  /endroit  de  la  passion 
qu'il  croirait  le  devoir  le  plus  tou- 
cher :  il  s'attacha  fixement  aux  trois 
dés  (19)  :  c'est  à-dire  ,  à  l'endroit  où 
il  est  dit  que  les  soldats  jetèrent  le 
sort  sur  les  habits  de  Notre-Seignenr. 
Il  aimait  fort  le  jeu  (20). 

(E)  et  très-sensible    aux  injures 

conjugales  à  certains  égards.  ]  Voyez 
dans  la  remarque  (B)  le  procès  qu'il 
intenta  à  sa  femme  ,  et  la  dure  puni- 
tion qu'il  fit  porter  au  valet  compli- 
ce. N'est-ce  pas  être  bien  sensible  à 
la  disgrâce  du  front?  mais  d'ailleurs, 
il  prit  bientôt  le  parti  de  s'en  moquer, 
et  d'en  rire  comme  les  autres  :  il  di- 
sait quelquefois  :  Si  les  Baulrus  sont 

(16)  Ménagiana  ,  pag.  io4  de  la  seconde  édi- 
tion de  Hollande. 

(17)  C'est-à-dire  Serrant  ,  comme  dans  la 
première  édition  ,  pag.  5g.1 

(18)  Ménagiana,  pag.  io5. 

(ig)  Ménagiana  ,  pag.  <\r  de  la  première  édi- 
tion. 

(20)  L'a  même. 


cocus,  ils  ne  sont  pas  des  sots  (21), 
C'était  le  plus  fin  expédient  qu'il  pou 
vait  choisir  (22)  •  car  si  un  railleur 
comme  lui  eût  fait  le  rétif,  le  morne, 
le  sérieux  sur  cette  aventure  domesti- 
que ,  on  aurait  trop  ri  à  ses  dépens. 
Et ,  après  tout ,  il  en  pouvait  plaisan- 
ter tout  à  son  aise ,  puisqu'il  n'avait 
pas  toléré  la  faute  :  il  n'y  a  que  le  co- 
cuage  volontaire  que  l'on  puisse  jus- 
tement reprocher  ,  soit  dans  le  sé- 
rieux ,  soit  en  raillerie.  Il  est  surpre- 
nant ,  dit  M.  Ménage  (a3) ,  que  pen- 
dant quarante  ou  cinquante  ans  M.  de 
Bautru  ait  rempli  toute  l'Europe  de 
ses  railleries  et  de  ses  bons  mots ,  pen- 
dant qiCil  y  avait  tant  de  choses  a  dire 
contre  lui.  Risum  fecit  ,  sed  ridiculus 
fuit.  Je  ne  sais  oh  j'ai  lu  cela  :  la 
hardiesse  l'emporte  sur  beaucoup  de 
choses  (24). 

(21)  Ménagiana,  pag.  io4- 

(22)  Voypz  ci-dessus  le  commencement  de  la. 
remarque  (15)  de  l'article  <Z'Ag£silabs  II. 

(a3)  Ménagiana,  pag.  200  de  la  première 
édition. 

(24)  On  a  cité  ces  paroles  dans  la  seconde 
édition,  pag.  io5,  sans  dire  de  qui  est  ce  latin. 
Il  est  île  Quinlilien,  Institut.  Orator. ,  lib.  VI, 
cap.  I. 

BAUTRU  (Nicolas),  frère  du 
précédent  ,  et  capitaine  de  la 
porte,  a  été  connu  sous  le  noni 
de  comte  de  Nogent(A)  De  son 
mariage  avec  Marie  (loulou,  sœur 
de  Jean  Coulon  ,  conseiller  au 
parlement  de  Paris  ,  sont  sortis 
cinq  enfans  :  I.  ARMAND  Bautru, 
comte  de  jNogeut,  capitaine  de 
la  porte,  lieutenant  de  roi  d'Au- 
vergne ,  maître  de  la  garde-robe, 
et  maréchal  de  camp  ,  lequel 
fut  tué  en  16-2  ,  comme  il  po- 
sait le  Rhin  à  cheval  et  à  la 
nage  (B).  Son  coqjs  fut  trouvé 
quinze  jours  après,  dans  le 
Rhin  ,  à  trois  lieues  au-dessous 
de  Tolhuis,  où  le  passage  se  fil. 
Ce  comte  avait  épousé  Diane 
Charlotte  de  Caumont  de  Lau- 
sun ,  sœur  du  marquis  de  Lau— 
sun ,  qui  a  été  capitaine  ries 
gardes  du  corps ,  cl  gouverneur 


2,4  BAUTRU. 

de  Berri  ,  et  a  eu  l'honneur 
d'être  accordé  avec  mademoi- 
selle de  Moiitpensier  ,  fille  de 
Gaston  de  r  rance,  duc  d'Orléans, 
et  petite-fille  de  Henri-le-Grand. 

II.  Nicolas  Bautru,  marquis  de 
Vaubrun  (C),  lieutenant  général 
des  armées  du  roi ,  et  gouver- 
neur de  Philippeville.  Il  épousa 
Marguerite  Bautru  (a)  ,  qui  était 
sa  nièce  à  la  mode  de  Bretagne , 
et  fut  tué  en  16  5,  à  la  ba- 
taille qui  se  donna  au  delà  du 
Rhin ,  peu  de  jours  après  la 
mort  du  maréchal  de  Turenne. 

III.  Louis  Bautru  ,  appelé  le 
chevalier  de  Nogent ,  mestre  de 
camp  de  cavalerie.  IV.  Marie 
Bautru,  femme  de  René  de 
Rambures,  marquis  de  Ram- 
hures.  De  ce  mariage  sortit  un 
fils  en  la  personne  duquel  la 
maison  des  sires  de  Rambures  a 


fini  à  l'égard  des  mâles.  V.  Char- 
lotte Bautru,  femme  de  INicolas 
d'Argouge,  marquis  de  Rannes, 
cornette  des  chevau— légers  de 
la  garde,  et  colonel  général  des 
dragons  de  France  (b).  Il  fut 
tué  en  Allemagne ,  au  mois  de 
juillet  1678(0).  Il  était  lieute- 
nant général.  Sa  veuve  s'est  re- 
mariée à  Jean-Baptiste-Armand 
de  Rohan  ,  prince  de  Mon- 
tauban ,  fils  de  Charles  de  Rohan, 
duc  de  Mombazon  (d). 

(a»  Petile-Jille  de  M.  Bautru  le  bel  es- 
prit. 

(61  Cet  article  a  été  tiré  de  M.-  Ménage, 
Remarques  sur  la  Vie  de  Guillaume  Ménage, 
j>ag.  377. 

ici   Mercure  GalaDt. 

[d]  Ménage  ,  Remarques  sur  la  Vie  de 
Guillaume  Ménage  ,  pag.  5u6. 

(A)  //  a  été  connu  snus  le  nom  de 
comte  de  Nogent-  ]  Ce  comte  a  été 
l'un  des  patrons  de  Sorbière  ,  comme 
il  paraît  parla  XXe.  lettre  de  cet  au- 
teur ,  où  il  le  prie  de  faire  valoir  re- 


loge qu'il  avait  fait  du  cardinal  Ma- 
zarin.  Cela  paraît  encore  mieux  par 
la  lettre  LXXXI  ,  où  il  le  remercie  de 
l'argent  dont  son  éminence  l'avait 
gratifié.  Je  cite  ces  lettres  ,  afin  que 
ceux  qui  désirent  connaître  les  gens 
par  des  témoignages  publics  satisfas- 
sent leur  curiosité.  Ils  peuvent  voir 
aussi  la  lettre  XLVI1.  Le  Ménagiana 
contient  des  choses  curieuses  qui  con- 
cernent M.  le  comte  de  Nogent.  Il 
«  arriva  à  Paris  n'ayant  que  huit 
i>  cents  livres  de  rente  ,  et  il  en  avait 
»  cent  quatre  -  vingt  mille  lorsqu'il 
»  mourut.  Le  premier  jour  qu'il  pa- 
»  rut  à  la  cour ,  il  porta  le  roi  sur 
11  ses  épaules  ,  pour  le  passer  par  un 
»  endroit  où  il  y  avait  de  l'eau.  C'é- 
»  tait  aux  Tuileries.  M.  de  Nogent 
»  était  un  homme  admirable  pour  re- 
11  mettre  les  conversations  languis- 
»  santés.  Un  jour  ,  étant  au  cercle  de 
»  la  reine-mère  Anne  d'Autriche  ,  et 
»  voyant  que  la  conversation  était 
»  cessée  ,  et  qu'il  y  avait  déjà  quel- 
ii  que  temps  que  ni  la  reine  ,  ni  les 
»  dames,  parmi  lesquelles  madame 
11  àf  Guimené  était,  ne  disaient  mot  : 
»  N'est-ce  pas  ,  madame  ,  dit  il  in- 
11  ferrompant  le  silence  ,  et  s'adres- 
»  sant  à  la  reine  ,  une  grande  bizar- 
11  rerie  de  la  nature  ,  que  madame  de 
11  Guimené  at  moi  soyons  nés  un  mé- 
»  me  jour,  et  à  un  quart  d'heure  l'un 
ii  de  l'autre,  et  cependant  qu'elle  soit 
»  si  blanche  ,  et  moi  si  noir  (1)  ?  » 
Ceux  qui  ont  l'adresse  qu'il  avait  de 
remettre  les  conversations  languissant 
tes  ,  sont  d'un  grand  secours  dans  le 
monde,  car  puisqu'aux  cercles  mê- 
mes des  reines  de  France,  on  tombe 
dans  une  espèce  d'assoupissement  qui 
n'est  guère  moins  factieux  à  la  com- 
pagnie que  le  calme  et  la  bonace  aux 
gens  de  mer  ,  on  peut  croire  qu'une 
infinité  d'autres  assemblées  sont  su- 
jettes à  ces  sortes  de  défaillances.  Quel 
plaisir  donc  n'est-ce  pas  qu'il  s'y  ren- 
contre quelqu'un  qui  soit  toujours 
prêt  à  rejeter  une  balle  ,  afin  qu'on 
ne  puisse  pas  dire  comme  ces  dames 
du  Ménagiana  ,  Il  pleut  ici  de  l'ennui 
à  verse  ?  Mais  je  m'étonne  que  le  com- 
te de  Nogent,  doué  de  cette  vertu  , 
ait  été  aussi  faible  que  M.  Ménage  le 
représente  contre  les  attaques  de  l'An- 
geli.  «  Un  jour,  au  dîner  du  roi,  l'An- 

(1)  Ménagiana,  pag.  4i  de  la  seconde  édition. 


»  geli  dit  à  M.  le  comte  de  Nogent  : 
»  Couvrons-nous  :  cela  est  sans  con- 
»  séquence  pour  nous.  M.  le  comte  de 
»  Nogent  en  eut  un  tel  chagrin  que 
»  cela  ne  contribua  pas  peu  à  le  faire 
»  mourir  (2).  »  Dans  la  première  édi- 
tion, on  a  dit  cela  de  M.  de  Bautru  , 
frère  aîné'  du  comte  de  Nogent.  Il  est 
■vrai  qu'au  lieu  de  dire  que  cela  con 


tribua  beaucoup  à  sa  mort ,   on  dit    premiers  gentilshommes 
seulement  qu'il  en  eut  un  furieux  cha-    nation   qui  s'attachèrent 


BEAUCAIRE.  2I5 

BEAUCAIRE  DE  PEGUILON 

(  François  ) ,   en  latin   Belcarius 
Peguilio  ,  évêque  de  Metz  ,  a  été 
un     fort     habile    homme    dans 
le  XVIe.    siècle  (A).    Il    sortait 
d'une  des  plus  anciennes  maisons 
du  Bourbonnais,  et  il  fut  un  des 
de    sa 
_  qui  s  attachèrent  solide- 
1   ment  à  l'étude  des  belles-lettres. 
Le    progrès  qu'il   y    fit   obligea 
Claude    de    Lorraine ,     premier 
duc  de  Guise  ,  à   le  choisir  pour 
précepteur  du  cardinal  de  Lor- 
raine son  second  fils.  Beaucaire 
s'acquitta   si    heureusement    de 
cet  emploi  * ,  qu'il  en  reçut  de 
la  cour  de  France  des  applaudis- 
semens     qu'il     n'attendait    pas. 
1    accompagna    le   cardinal    de 


grm. 

M.  Ménage  eut  pu  corriger  lui-même 

le  Ménagiana. 

(B)  Arnaud  Bactru...  fut  tué  en  1672, 
comme  il  passait  le  Rhin  a  cheval  et  à 
la  nage.]  Les  nouvellistes  de  ce  temps- 
là  firent  savoir  au  public  que  ceux  qui 
croyaient  que  ce  comte  avait  clé  noyé 
sans  avoir  été  blessé,  et  que  son  che- 
val  avait  été  cause  de  sa  mort,  se  trom- 
paient ,  puiscpj'après  avoir  trouvé 
son  corps  ,  on  reconnut  qu'il  avait  été 
tué  d'un  coup  de  mousquet  h  la  tête. 
Ils  firent  savoir  aussi  que  son  corps 


fut  inhumé  dans  la  grande  église  de  Lorraine  à  Rome  ,  et  y  eut  des 
Zevenart .Le  marquis  de  Biron  épou-  COI1fe'rences  avec  Paul  Jove,  évè- 
sa  en  1000  une  fille  de  ce  comte  de  j  tvt  -  •  1.  * 
Nogent  (3).  que  de  JNocere,  qui  ne  1  empe- 
(  C  )  Nicolas  Bautru  ,  marquis  de  chèreut  pas  depuis  de  réfuter  les 
f^aubrun.  ]  C'est  celui  de  foute  la  fa-  egaremens  historiques  de  ce  pré- 
mille qui  parait  avoir ;  eu  la  plus  gran-  Jat.    A    son    retour    d'Italie,    le 


de  liaison  avec  Sorbière.  Les  lettres 
imprimées  de  cet  auteur  en  font  foi , 
comme  aussi  sa  relation  d'un  voyage 
d'Angleterre.  Par  la  lettre  qu'il  lui 
écrivit  le  8  d'août  1G57  (4)?  on  aP~ 
prend  que  ce  marquis  était  mestre  de 
camp  général  des  carabins  de  France, 
et  d'une  valeur  extraordinaire;  mais 
que  cela  ne  l'empêchait  pas  d'aimer 
les  bons  livres  :  J'attends,  lui  dit-il  , 
le  bonheur  de  vous  revoir  l'hiver  pro- 
chain a  Paris  ,  dans  celte  chambre  du 
Louvre  où.  je  vous  ai  si  souvent  trou- 
vé sur  votre  Tacite ,  tandis  que  les  au- 
tres courtisans  que  je  venais  de  quitter 
employaient  la  matinée  a  poudrer  leurs 
cheveux  ,  et  h  nouer  des  rubans.  C'é- 
tait un  officier  de  guerre  fort  actif  : 
les  disputes  qu'il  eut  avec  le  comte  de 
Lorge  ,  après  la  mort  du  maréchal  de 
Turenne,  pensèrent  être  funestes  aux 
Français. 


(1)  Ménagiana  ,  pag.  345. 

(3);Mercure  Galant  de  1671,  loin.  ///. 

f4)    C'est   la   XLril'.    Voyez    aussi 

m  11e.  J 


cardinal  de  Lorraine  lui  procura 
l'evêché  de  Metz  (B)  :  il  le  mena 
ensuite  au  concile;  et  ce  fut 
devant  cette  célèbre  assemblée , 
que  Beaucaire  prononça  la  Jia- 
rangue  (C) ,  qui  se  trouve  au  bout 
de  son  XXXe.  livre  (a)  :  car  il 
faut  savoir  qu'il  écrivit  en  latin 
une  Histoire  de  son  temps ,  qui 
est  estimée.  Il  commença  d'y 
travailler  lorsqu'on  i568  il  eut 
cédé  l'evêché  de  Metz  au  cardinal 
Louis  de  Lorraine  (D) ,  et  se  fut 
retiré  dans  son  château  de  la 
Cbrète  en  Bourbonnais.  Il  la 
conduisit  depuis  l'année  if\6?.  , 
jusques  en  l'année  i56-,  et  cessa 

*  Du  desaveu  rapporté  par  Bajle  dans  s* 
remarque  (G)  ,  Leclcrc  conclut  contre  ce 
que  Bayle  dit  ici. 

11     Tiré  de  la  Préface  du  Louis  XI  de 

V  inllas. 


2,6  BEAUCAIRE. 

d'y  travailler  l'an  i588.  Il  était  d'avoir  trouvé  bon  qu'on  lui  dé- 

alors  dans  sa  soixante-quinzième  diât  un   livre ,  où   les   alliances 

année  {b);  car  il  naquit  le  quin-  de  François  Ier.    avec   les  Turcs 

zième    avril    i5i4  (c).    H   avait  sont  censurées  fort  librement  {h). 

dessein    de  continuer  {cl) ,  mais  Ce  livre  est  l'Histoire  de  France 

apparemment  les  incommodités  composée  par  notre   évêque   de 

de  la  vieillesse  ne  le   lui  permi-  Metz.  Il  avait  un  frère,  nommé 

rent  pas.  Il  n'eut  point  dessein  Jean,  qui  avait  été  élevé  auprès 

de  publier  cet  ouvrage  (E)  :  il  du    connétable  de  Bourbon  {i) , 

craignait  d'avoir  dit  des  vérités  et  qui  eut  un  fils  tué  à  la  bataille 

qui  pourraient  faire  de   dange-  de  Dreux ,  et  une  fille  mariée  à 

reux   ennemis.  Ce   fut  Philippe  Sébastien   de   Luxembourg ,    vi- 

Dinet ,  sieur  de  Saint-Romain  (e),  comte  de  Martigues  (I) . 

qui ,  ayant  trouvé  cette  Histoire 

dans  la  bibliothèque  de  l'auteur 

au  château  de  la  Chrète ,  la  fit 

imprimer  à  Lyon ,  l'an  \Ç>i5{f). 

On    dit    que  Beaucaire    mourut 

le  i4  de  février  \5v)i(g).  C'était 

un  homme  fort  propre  à  dresser  feras  redegit.  C'est  un  mensonge-  Son 

»         i  '   •  •             i?                 „:i„  fp\ .  histoire,  à  la  vérité,  fut  imprimée  à 

les    décisions    d  un    concile  {r),  - 

car   il    savait    si  bien   ménager 


(/*)  Pallavic,  Histoire  du  Concile  de  Tren- 
te ,  liv.  V  ,  ch.  Ier.  ,  num.  3. 
(i)  Belcarius  ,  in  prœfatione. 

(A)  II  vivait  dans  le  XVIe.  siècle.] 
Konig  le  fait  vivre  l'an  162$.  lies 
Gallicas  ,  dit- il ,  anno  ,  i6a5  in   lit- 


les  termes,  que  les  disputants 
que  l'on  voulait  contenter  y 
trouvaient  leur  compte.  La  ma- 
nière ,  dont  il  opina  un  jour  sur 
l'autorité  épiscopale  ,  ne  plut 
point  aux  flatteurs  de  la  cour  de 
Rome ,  et  l'on  dit  même  qu'il 
en  fut  censuré  par  le  cardinal 
de  Lorraine  (G),  qui  nia  qu'il 
eût  jamais  été  son  disciple.  Je 
renvoie  à  M.  Moréri  pour  d'au- 
tres  choses  que  je  ne  dis   pas. 


Lyon  ,  l'an  i625  ;  mais  il  y  avait  long 
temps  qu'elle  était  faite.  Les  biblio- 
graphes tombent  souvent  dans  la  fau- 
te que  je  viens  de  remarquer. 

(B)  Le  cardinal  de  Lorraine  lui  pro- 
cura l'évéché  de  Metz.  ]  Quelques-uns 
disent  qu'il  n'était  qu'un  Custodinos  , 
et  que  le  cardinal  de  Lorraine  ne  lui 
conféra  cette  prélature  que  quant  au 
titre.  On  ne  sera  pas  fâché  de  trouver 
ici  tout  ce  que  Théodore  de  Bèze  a 
conté  sur  ce  sujet  :  En  ce  mesme 
temps  (1)  ,  dit-il  (2)  ,  Charles  de  Lor- 
raine ,  cardinal  et  évesque  de  Mets  , 
le  plus  grand  ennemi  au  eust  la  reli- 
gion ,  se  démit  de  l'évesché  de  Mets  , 
de  quoi  ceux  de  la  religion  se  resjouis- 


Je  crois  qu'il  V  a  de  l'hyperbole  soient  grandement.    Mais  comme   il 

dans  ce  grand  nombre  d'ouvra-  n'estait    aucunement     vraisemblable 

vY        .    -1  ■    t>  ■„  qu'un  tel  homme ,  estant  des  plus  am- 

ges  qu  il  attribue  a  Beaucaire ,     <bUieux  e|  ai,ancieux  de  son  ^stat  qui 

et  un  peu  de  confusion   dans  les  fusi  au  monde,  quiltasl  volontairement 

titres  qu'il  rapporte  (H).  Le  cardi-  un  si  gros  morceau,  il  se  trouva  incon 


nal  Pallavicin  a  loué  Louis  XIII  ; 

(b)  Belcarius  ,  injîne  lib.  XXX. 

(c)  Idem  ,  in  prœfalione  Historiée. 

(d)  Idem,  in  fine  lib.  XXX. 

(e)  //  avait  été  gouverneur  du  duc  de 
Longueville  ,  et  puis  son  envoyé  en  Suisse, 
diverses  fois. 

(j~)  Dans  l'avertissement  du  libraire. 
(g)  Spondaaus,  ad  ann.  i5(jtt,  num.  'i\. 


tinent  que  ce  bon  hypocrite  n'avoit 
fait  autre  chose  sinon  résigner  son  ti- 
tre d'évesque,  comme  faisant  conscien- 
ce de  tenir  tant  de  crosses  en  ses  mains, 
et  cependant  s'estoit  réservé  tout  le 
temporel.  Cest  évesque  titulaire  se 
nommoit  Peguillon ,  l'un  de  ses  pro- 


(1)  C'est-à-dire  ,  environ  l'an  1 556. 

(2)  Bèze ,   Histoire    ecclésiast.  ,   lu 
pas-  4?9- 


XVI , 


BEAUCAIRE. 


217 


thonolaircs  ,  homme  de  quelques   let-    céda  cet  évéché  ,  il  se  réserva  le  droit 
très  ,  mais  mal  versé  en  théologie,  le      de  retour  ou  île  réversion  :  Regressum, 
quel,  accompagné  de  deux  autres  éves-    ut  Romani  pragmalici  vocant,  sibi  ex- 
ques  ,  à  savoir  de   Thoul  et  de  Ver-    ceperat  (6)  ,  mais  ce  ne  fut  point  pour 
dun  ,   tous  deux  de  mssme  esloffe  que    lui-même  qu'il  se  servit  de  ce  droit. 
lui,  venu  a  Mets,  estonna  quelque  peu    L'évêché  de  Metz  demeura  entre  les 
ceux  de  la   religion,  estimant  qu'ils    mains  de  Beaucaire  depuis  l'an  1 555  , 
fussent  venus  comme  inquisiteurs  avec    jusqu'en   i568   (7).   On   a    faussement 
quelque  grand  pouvoir  de  les  persécu-    débite'  dans    l'avertissement  au   lec- 
ter ,  qui  fut  cause  que  plusieurs  s'ab-    teur  ,    à  la  tête  de  son  histoire,  qu'il 
sentèrent  de  la  ville.  Mais   Dieu  dé-    avait  suivi  à  Trente  le  cardinal  Louis 
tourna  cette  tempeste  ,  et  se  contenta    de  Lorraine,  auquel  il  céda  sa  mitre. 
Peguillon  de  faire  un   petit  livre  en    II  est  certain   qu'il   la  lui  céda  (  8  )  \ 
latin  louchant  la  sanctification  et  le    mais  ce   fut  le   cardinal  Charles    de 
batesme  des  petits  enfans,  auquel  il    Lorraine  qu'il  suivit  à  Trente.  11  était 
fut  bien-tost  après  respondu  :  et  par    à  home  au  mois  de  novembre   i555  , 
ainsi  ceux  qui  s'estoient  absentez  ren-    lorsque  le  pape   le    bulla  évêque   de 
trèrent  sans  qu'on  leur  dist  mot.  Mais    Metz.  Je   l'infère  de  ce  qu'il  dit ,  qu'il 
ces  évesques  en  rapportèrent  un  sou-    admira    l'e'loquence  avec  laquelle    ce 
briquet  qui  leur  fut  donné  par  ceux  de     pape    lui    représenta   les    devoirs    de 
leur  religion  mesmes  ,  qui  les  surnom-    l'épiscopat.   Mense  novembri  Paulus 
nièrent  évesques  de  earesme-prenant ,     me   pohtificatu   Melensi  cedente  Lo- 
pource    (  disoient-ils  )  qu'ils   estoient     tharingo  cardinale  donavit  ,  ac  qitùm 
maigres  comme  caresme,  n'ayant  qu'a-    illi  gratias  agerem  me  mei  ojficii  ad- 
ne  petite  pension  assignée  sur  l'éves- 
ché  dont  ils  avaient  le  titre ,  mais  le 
cardinal  estait  le  prenant,  Voyez  ci- 
dessous  la  remarque  (D). 

(C) et  le  mena  au  concile  de 


monendo  ,  et  commissum  populum 
commendando  ,  facundd  in  primis  et 
salis  pralixd  oratione  respondit ,  ut 
tam  expeditam  in  homme  sene  et  in 
multis   negotiis     versato    eloquenliam 


Trente,  où.  il  prononça  une  harangue.]  admirarer  (9).  Après  sa  démission  ,  il 

Il  la   prononça  le  jour  que  les  pères  se  retira  chez  lui ,  et  s'enfonça  dans 

du  concile  choisirent  pour  rendre  gril-  l'étude.  Quum post  decimum  ter- 

,  .  1  Dieu  de  la  bataille  de  Dreux  (3).  tium  ex  quo  idmunus  suscepisseman- 

Les  deux  historiens  de  ce  concile  con-  num,  Metensi  ponlificatu  defunctus 

viennent    de    léloquence   de   ce  pré-  essem  ,  eoque  cessisseru  ,  et  me  abho- 

lat  (4)  •'  mais  Pallavicin  ,  qui  ne  donne  minum  frequentid  subducens  in  chris- 

pas  un  si  long  extrait  de  la  harangue,  tianum  fundum  (10)   paratum  senec- 

est  plus  prolixe  (pie  Frà-Paolo  sur  les  tuti  jam   dudum  inler  nostros  Boios 

louanges  de  l'orateur;  et  il  remarque  studiorummeorumdomiciliumsecessis' 

même  que  Beaucaire  avait  perdu  son  sem  ,   ne  omninà  otiosum  vitœ  exlrj- 

neveu  dans  cette   bataille.  Belcarius  muni  tempus  traducere  viderer ,  Com- 

rpiscopus    Metensis  ,    vir   eloquentid  mentarios  rerum    Gallicarum   scripsi 

prœclarus ,  victorum  laudes  celebravit  (1 1). 

magnified  oratione  ad  synodum  ,   pu-        (E)  //  n'eut  point  dessein  de  publier 

blicœ  felicitati  gratulatus  in  luctu  do-  son  Histoire.  ]  Il  le  déclare  lui-même. 

mestico,  quippe  qui   Gilbertum  Bel-  Hos   (  Commentarios  )    me  editurum 

carium  sui  fratris  filium  amiserat  in  non  profîteor  :   laieant  in  christiand 

conflictu  ,   atque  hœc  omnia   eleganti  (  12)  no si  1 <d   bibliolhecd  ,    donec    tutà 

quam   scripsit   hisloriœ  (*)  consignala  exire  possint  :  verè  nec  in  cujusquam. 

posteritati  tradidit{5).  gratiam  aut  odium  scripsisse  confirmo 

(D)  Il   céda   H évéché  de  Metz    au  (T3).  Voilà  ce  qu'il  dit  dans  sa   pré- 
cardinal  L<<uis  de  Lorraine.  ]  Quand 


le  cardinal  Charles  de  Lorraine   lui 

(3)  Le  ç)  de  janvier  i563. 

(i)  Voyex  le  pire  Paul,  liv.  VII  ,pag.  63o 
de  la  version  <r  A  inclut,  édition  à" Amsterdam  , 
en  1686. 

(")  Lib.  XXX,  à  num.  G  ad  10. 

(5)  Pallavk. ,  lib.  XIX,  cap.  X,  mon.  5. 


(6)  Belcar. ,  lib.  XXVI,  num.  C,. 

(7)  Beli :arius  .  subfin.,  lib.  XXX. 

(8)  Idem,  ibidem. 

(çf)  Belcr.  ,  lib.  XXVII ,  num.  6  ,  ad  anr.. 
i555. 

(10)  La  terre  de  la  Chiite. 

n     Belcarius,  m  Prirfalione. 
(15)  De  la  Chrèle. 
(i'S)  Belcarius,  in  Prœfalione. 


2l8 


BEAUGAIRE. 


face  ;  et  voici  ce  qu'il  dit  en  finis- 
sant :  Maluro  judicio  ne  in  multorum 
odia  incurreremus ,  veritas  enini  odium 
paril ,  ut  inquit  poëta  contiens  ,  non 
slatim  edendos  judicavimus.  Il  est  fort 
violent  contre  ceux  de  la  religion  ; 
mais  ce  n'est  point  à  cet  égard  que 
la  crainte  d'offenser  plusieurs  per- 
sonnes le  fit  renoncer  à  la  lumière 
publique. 

(F)  IL  était  fort  propre  a  dresser 
les  décisions  d'un  concile.  ]  Le  père 
Paul  rapporte  les  embarras  où  les 
pères  du  concile  se  trouvèrent  sur  les 


homme  qui  saurait  former  un  décret 
avec  tant  de  netlete',  que  tous  les 
lecteurs  y  pourraient  connaître  que 
l'on  y  condamne  cela  et  cela ,  et  que 
l'on  n'y  approuve  précisément  qu'une 
telle  chose ,  serait  plus  propre  que 
Beaucaire  à  dresser  les  décisions  d'un 
concile  ,  voici  ma  réponse.  Je  con- 
viens  qu'un  tel  homme  serait  plus 
propre  à  cette  fonction  ;  et  le  seul  qui 
y  serait  propre ,  si  les  assemblées 
synodales  pouvaient  ou  voulaient  sa- 
crifier à  la  vérité  et  à  la  droiture  les 
vues  humaines  ,    et  les    intérêts    de 


Questions  du  mariage.  «  Le  premier  la  prudence  politique  ;   mais   comme 

»  chapitre  des  abus  portant  le   réta-  ceux  qui   composent  ces  assemblées 

33  blissement  des  bans  ordonnés  par  n'ont  pas  ,   ou  assez  de  vertu  pour  ne 

j)  Innocent   III fut   touché    et  travailler  qu'en  faveur  de  la  justice  , 

»  retouché   plusieurs  fois  ...  ;    mais  ou    assez    de    foi   pour    espérer    que 

3)  toujours  avec  si  peu  de  succès,  que  la  bonne  cause  trouvera  dans  la  pro- 

»  la  dernière   correction    était    tou-  tection  de  Dieu  de  quoi  se  passer  du 


3)  jours  la  pire.  Entre  autres  choses  , 
3>  on  changea  un  point  déjà  établi  , 
3>  qui  était  que  tout  mariage  fait  en 
3»  présence  de  trois  témoins  fût  bon. 
3)  Et,  au  lieu  de  l'un  des  témoins, 
3)  l'on  mit  que  tous  les  mariages  con- 
3>  tractés  sans  la  présence  du  prêtre 
3>  fussent  nuls  ;  ce  qui  rehaussait 
3>  infiniment  l'ordre  ecclésiastique — 
3)  Je  n'ai  point  trouvé  dans  mes  Mé- 
3)  moires  ,  qui  fut  l'auteur  de  ce 
3)  grand  avantage  ,  niplusieurs  autres 
s;  particularités  que  je  n'eusse  pas 
3>  manqué  de  raconter  ,  si  je  les  eus- 
3>  se  sues.  Cependant  je  ne  saurais 
3)  frustrer  François  de  Beauquerre  , 
3>  évêque  de  Metz ,  de  la  gloire  qui 
3)  lui  est  due  :  car  ce  fut  lui  qui , 
3>  voyant  l'impossibilité  de  concilier 
3>  des  sentimens  si  différens  ,  donna  à 
j>  ce  décret  la  forme  où  il  est ,  la- 
3>  quelle  véritablement  souffre  divers 
3>  sens  ;  mais  qui  aussi  s'accommode 
j)  admirablement  à  la  diversité  des 
3)  opinions  (i4)-  "  Voici  ce  qu'on 
trouve  dans  les  Annales  de  Sponde  : 
In  quo  decrelo  ad  formam  reducendo 
quœ  probaretur  et  in  sessione  promul- 
garetur  ,  ciim  patres  valdè  psrplexi 
essent  ,  Franciscus  Belcarius  ,  episco- 
pus  Metensis  ,  vir  pius  doctusque  et 
acumine  ac  maturitate  ingenii  prœ- 
stans  ,  eam  composuit  quœ  publiée 
conspicitur  ,  céleris  comprobantibus 
(i5).  Si    quelqu'un   m'objecte  qu'un 

(i4)  Frà-Paoto,  Histoire  du  Concile  de  Trente, 
liv.  VIII,  png.  730  ,  à  l'ann.  i563. 

(i5)  Spondanus,  ad  ann.  i563,  num.  3çi- 


secours  de  la  politique  ,  il  n'y  a  point 
de  gens  qui  leur  soient  plus  propres 
que  ceux  qui  savent  dresser  des  actes 
pleins  d'obliquités  ,  et  d'où  les  divers 
partis  puissent  remporter  chacun  sa 
pièce.  En  tout  cas ,  on  ne  me  saurait 
nier  que  l'évêque  dont  je  parle  ne  fût 
un  vaisseau  d'élite  pour  le  pape ,  puis- 
que l'on  avait  pour  but  dans  ce  con- 
cile de  ménager  toutes  les  factions  de 
l'école.  «  Qui  n'admirera  ia  prudence 
»  de  ce  concile  *  ?  On  nous  avoue  ici 
»  fort  ingénument  (16)  ,  que  sa  dis- 
))  position  a  été  de  mesurer  lelh  nient 
»  ses  décisions,  et  d'en  choisir  et  limer 
»  tellement  les  termes  ,  quelles  ne 
))  donnassent  aucune  atteinte  aux  dif- 
»  férens  sentimens  de  V école  ;  sur 
)>  lesquels  les  docteurs  catholiques 
3>  étaient  d'ailleurs  très-partages.  On 
33  ajoute  qu'il  était  en  effet  de  la  pru- 
3)  dence  du  concile  de  ne  pas  exposer 
»  l'église  a  de  nouveaux  trou  files  ,  par 
3>  les  contestations  fâcheuses  qui  se 
3)  seraient  élevées  entre  les  théolo- 
»  giens  ,  si  on  avait  entrepris  la  dis- 
3)  cussion  et  la  censure  de  leurs  dog- 
»  mes  ;  et  qu'il  paraît  que  c'est  un 
»  des  articles  sur  lesquels  le  pape 
»  avait  fait  instance  particulière  , 
»  n'ayant  marqué  son  penchant  pour' 
»  rien    de    particulier  ,   que   pour  le 

*  Il  faut,  dit  Joly ,  que  la  passion  de  critiquer 
soit  bien  vive,  pour  blâmer  cette  conduite  du 
concile  de  Trente. 

(i6j  C'est-à-dire ,  dant  un  livre  fait  par  un 
docteur  de  Sorbonne  nommé  M.  Quéras  ,  et  im- 
prime' à  Paris,  l'an  iG85,  touchant  la  suffisan- 
ce de  l'atlrilion. 


EEAUCAIRE. 


219 


»  ménagement  des  disputes  des  sco- 
»  lastiques  ,  afin  de  ne  choquer  au- 
■»  cime  opinion  sans  nécessite'  ,  et  de 
»  réunir  toutes  les  forces  catholiques 
»  contre  les  sectaires.  Cela  se  prati- 
■»  qua  si  exactement  ,  poursuit-on  , 
3>  qu'on  peut  voir  même  par  If  s  paro- 
33  les  dont  on  a  composé  les  définitions, 
3>  que  les  pères  du  concile  ont  été 
3)  exacts  presque  jusqu'au  scrupule  à 
»  chercher  des  termes  qui  ne  blessas- 
3>  sent  les  sentimens  ni  des  uns  ni  des 
3)  autres  ,  en  exprimant  les  ventes 
3)  qu'on  déterminait.  Si  c'était  Fia- 
3>  Paolo  qui  parlât  ainsi  ,  on  pren- 
)>  drait  un  tel  discours  pour  une  pe- 
»  tite  satire  de  la  cour  de  Rome  ;  niais 
»  c'est  le  cardinal  Pallavicin  qui  le 
3)  dit  5  et  par  conséquent  il  faut  bien 
33  croire  que  cela   est  vrai  (17).  » 

(G)  II fut  censuré  par  le  cardi- 
nal de  Lorraine.  ]  Le  cardinal  Palla- 
vicin ayant  rapporté  que  cet  èVéque 
de  .Metz  déclara  qu'il  croyait  que  les 
évéques  recevaient  immédiatement  de 
Dieu  leur  autorite  ,  et  qu'ils  n'étaient 
pas  de  simples  délégués  du  pape  ,  et 
que  la  puissance  du  pape  n'est  point 
illimitée,  ajoute  qu'en  cela  il  franchit 
les  bornes  ,  hdc  in  re  plurim'um  ille 
canceliis  transgressus  est  (18).  «  On 
3)  soupçonna  ,  poursuit-il  ,  que  cet 
3>  évèque  et  le  cardinal  de  Lorraine  , 
3)  s'entendaient  ,  et  qu'ils  agissaient 
3)  de  concert  ;  mais  le  cardinal  ayant 
3>  su  que  l'on  formait  ces  soupçons  , 
»  déclara  qu'il  n'avait  jamais  été  le 
»  disciple  de  Beaucaire  ,  et  le  censura 
»  devant  les  ambassadeurs  de  France 
3)  et  douze  évèques.  »  Fama  erat  , 
hune  episcopum  Lotharingi  magistrurn 
fuisse  :  et  sanc  intimant  cum  eofami- 
liaritatem  exercebat  ,  att/ue  ejus  operd 
nobilem  illam  sedem  acceperat.  L/ndè 
suspicio  fuit  ,  eos  concordtter  se  ges- 
sisse ,  et  texlum  a  discipulo  obscure 
proposilum  ,  fuisse  dilucidatum  h  ma- 
gislro  interprelationis  suœ  claritate. 
Sed  cardinalis  ,  hujusce  famœ  con- 
scius  ,  Guulterio  negavtl  (*)  ,  se  un- 
quani  Beauqueri  discipulum  fuisse  ; 
euni  quidem  à  se  agnosci  virum  maxi* 

(t 7 >  Ce  passage  est  lire'  des  Nouvelles  de  la 
République  des  Lettres  ,  février  1686  ,  art.  /"., 
pag.  127. 

(18)  Pallavicinus,  lib.  XIX,  cap.  VI ,  num. 
5  ,  pag.  184. 

1*)  Litlera  Gualterii  ad  Borromjenm,  7  d'erm- 
bris  et  sequenlibus  ami.  i5'?ï. 


mœ  lilteraturœ  ,  sed,  minimi  constlii. 
IVec  abstinuit ,  quin  illum  castigaret 
coram  duobus  Gallis  oraloribus  ,  et 
duodecim  episcopis  (19).  Ceux  qui  con- 
naissent l'esprit  de  cour  ,  qui  était 
l'iîme  de  toute  la  conduite  de  ce  car- 
dinal ,  ne  feront  pas  grand  fond  sur  ce 
qu'il  dit  quand  il  eut  su  qu'on  le  ren- 
dait responsable  de  l'opinion  de  Beau- 
cairc.  Il  était  bien  homme  à  l'envoyer 
sonder  le  gué  ,  pour  voir  si  l'on  pour- 
rait faire  quelque  chose  qui  plut  à  l'é- 
glise gallicane  ,  et  puis  à  le  désa- 
vouer ,  quand  il  voyait,  que  la  cour 
de  Rome  s'en  f;1rhait.  Au  reste  ,  il  ne 
serait  pas  impossible  que  Beaucairc 
eût  été  de  peu  de  conseil  et  de  con- 
duite ,  comme  l'on  suppose  que  ce 
cardinal  le  déclara.  Cela  n'est  que 
trop  ordinaire  aux  gens  d'étude. 

(H)  Il  y  a  un  peu  de  confusion  dans 
les  titres  de  ses  livres  que  Moréri  rap- 
porte. ]  Il  dit  cpie  Beaucairc  composa 
un  Traité  des  Enjans  morts  dans  le 
sein  de  leur  mère...  et  un  Traité  contre 
les  calvinistes.  C'est  déclarer  nette- 
ment que  le  premier  de  ces  deux  trai- 
tés ne  combat  point  les  dogmes  des 
calvinistes  :  et  cela  est  faux  ;  car  il 
est  destiné  à  combattre  l'opinion  qu'ils 
ont  que  les  enfans  des  fidèles  sont 
sanctifiés  dès  le  ventre  de  leur  mère  ; 
et  qu'ainsi  ,  quoiqu'ils  meurent  sans 
recevoir  le  baptême,  ils  ne  laissent  pas 
d'être  sauvés.  Le  passage  de  Théodore 
de  Bèze,  (pie  j'ai  rapporté  ci-dessus 
(20),  nous  apprend  que  l'on  répondit 
à  ce  livre  de  Beaucairc.  Un  anonyme 
répliqua  à  cette  réponse  :  sa  réplique 
fut  imprimée  à  Paris  ,  l'an  1567  ,  in-8°. 
(ai)  ,  avec  le  premier  traité  de  Beau- 
cairc (aa)  ,  et  quelques  autres:  A  pro- 
prement parler,  les  deux  livres  dont 
M.  Moréri  parle  ne  sont  qu'un  seul  et 
même  livre  :  il  s'est  donc  brouillé  en 
deux  façons  pour  le  moins.  M.  de 
Sponde  remarque  que  Beaucaire  pu- 
blia en  i56j  sa  Dissertation  contre  le 
dogme  des  calvinistes  ,  touchant  la 
sanctification  des  enfans  dans  le  sein 

(10)  AcU  Paleotti ,  apud  Pallavicinum  ,  ibid. , 
num.  0. 

(20)  Pans  la  remarque  ;B). 

(21)  Elle  a  pour  titre  :  Anonymi  Aot-Apolo- 
gia  contra  Apnlogiain  Metcn^-mm  minislrorum 
nomine  scriplam ,  pro  eversionc  Sanctification^ 
Calviniana:. 

(22)  //  a  pour  titre  :  Contra  Calvini;nornm 
do-ma  de  batirlificatione  lofaolinm  in  utci  • 
rnntrnm. 


220 

des  mères  ;  mais  ce  que  j'ai  rapporté 
ci-dessus  montre  manifestement  que 
ce  livre  avait  paru  avant  ce  temps-là  , 
et  peu  après  l'installation  de  Beaucaire 
à  la  cathédrale  de  Metz.  Or  il  obtint 
cet  évëché  au  mois  de  novembre  1 555, 
comme  je  le  dis  dans  la  remarque  (Dj. 
11  faut  donc  dire  que  Beaucaire  pré- 
para une  seconde  édition  de  son  trai- 
té ,  et  qu'il  ne  la  publia  qu'en  i567- 
11  y  inséra  des  lettres  interceptées  à 
Châlons-sur-Marne  ,  pendant  la  tenue 
du  colloque  de  Poissy.  Ces  lettres 
étaient  de  Ta  (lin  et  de  Théodore  de 
Bèze.  Taflin,  ministre  de  Metz,  avait 
consulté  les  ministres  du  colloque  de 
Poissy,  sur  la  question  s'il  fallait  rebap- 
tiser les  enfans  baptisés  par  une  fem- 
me. On  lui  répondit  que  des  personnes 
de  beaucoup  de  jugement  ne  ci  oyaient 
pas  qu'il  fallût'  le  faire  ;  et  qu'ainsi 
l'on  avait  jugé  à  propos  de  renvoyer 
la  discussion  de  ce  point  à  l'église  de 
Genève  ,  et  à  celle  de  Zurich  (23). 
M.  Moréri  débite  que  l'Histoire  de 
France  par  Beaucaire  commence  à 
l'an  i46o  ,  et  finit  à  l'an  i58o  •  mais 
s'il  avait  consulté  les  auteurs  qu'il  ci- 
te ,  il  aurait  appris  de  M.  de  Sponde 
(24)  qu'elle  commence  à  l'an  i4^2  , 
et  finit  à  l'an  i566  :  que  l'auteur  pro- 
mettait bien  de.  continuer  ,  si  Dieu 
lui  donnait  assez  de  vie  pour  cela  ; 
mais  qu'il  n'a  rien  paru  qui  fut  l'effet 
de  cette  promesse  ,  quoiqu'on  n'ait 
publié  l'ouvrage  qu'environ  quarante 
ans  après  que  Beaucaire  Peut  achevé. 
Le  Catalogue  d'Oxfort  fait  la  même 
faute  que  M. Moréri  :jene  m'en  étonne 
point ,  puisque  la  préface  du  libraire 
contient  cette  erreur. 

(I)  Son  frère  Jean...  eut une  fille 

mariée  à  Sébastien  de  Luxembourg  , 
vicomte  de  Marligu.es.  ]  Beaucaire 
parle  de  ce  mariage,  et  dit  que  ce  fut 
la  reine  Marie  Stuart ,  femme  de  Fran- 
çois 11  ,  qui  le  procura  à  sa  nièce 
qu'elle  aimait  beaucoup  (25).  M.  le 
Laboureur  confirme  cela.  Sebastien 
de  Luxembourg  ,  dit-il  (26) ,  se  maria 
moitié  par  inclination  ,  moitié  sur  Ves- 

(î3)  Claude  «le  Saintes  ,  Réponse  à  l'Apologie 
de  Théodore  de  Bèze ,  cile'e  par  Pratéolus , 
Elencb.  Hœres.  ,  pag.  97  ,  qR. 

(24)  ^  ann.  i56G  ,  num.  34. 

(25)  Belcarius  ,  Histor. ,  lib.  XXVIII  ,  num. 
37. 

(26)  Addit.  à  Castelnau,  tom.  Il,  pag.  829, 
83o. 


BEAULIEU. 


pérance  qu'il  eut  des  bonnes  grâces  el 
de  la  faveur  de  la  reine  Marie  Stuart , 
à  Françoise  (27)  de  Beaucaire  ,  fille 
de  Jean  S.  de  Pcguillon  ,  et  fille  d'hon- 
neur de  cette  reine  qui  l'aimait  infini- 
ment pour  ses  belles  qualités,  il  eut 
d'elle  une  fille  unique  ,  de  laquelle  elle 
administra  les  biens  avec  autant  de 
soin  el  d' intelligence  ,  quelle  en  eut 
pour  l'éducation  de  cette  riche  cl  puis- 
sante héritière  (28).  Brantôme  n'avait 
pas  oublié  ceci  ;  car  il  mit  dans  la  liste 
des  dames  qui  ont  brillé  à  la  cour 
de  Catherine  de  Médicis  madame  de 
Martigues  ,  dite  avant  madetnoiselle 
de  rillemonlois  ,  grande  favorite  de 
la  reine  d'Ecosse  (29).  M.  le  Labou- 
reur dit  que  la  demoiselle  de  Ville- 
montois  était  Marie  de  Beaucaire, 
fille  de  Jean,  seigneur  dePuy-Guillon, 
sénéchal  de  Poitou  (3o). 

(27)  Son  oncle,  qui  le  devait  bien  savoir,  la 
nomme  Marie,  liv.  XXVII I ,  num.  37  ,  M.  le 
Laboureur,  mieux  instruit ,  le  lui  donne  aussi 
en  un  autre  endroit.  Vojez  la  fin  de  cette  re- 
marque. 

(28)  Elle  e'pousa  en  iS^S  Philippe  E  manuel 
de  Lorraine  ,  duc  de  Mercaur  ,  frère  de  Luuise 
de  Lorraine,  femme  de  Henri  III. 

(29)  Brantôme  ,  Vie  des  Dames  illustres  ,  pag. 

94- 

(30)  Le  Laboureur,  Addit.  à  Castelnau,  tom. 
I".,pag.  3 18. 

BEAULIEU  (Lotus  le  Blanc  , 
sieur  de)  ministre  et  professera 
en  théologie  à  Sedan  ,  au  XVIIe. 
siècle ,  a  été  un  homme  fort  re- 
corumandable  par  son  érudition 
et  par  sa  vertu.  11  fit  soutenir 
un  grand  nombre  de  Thèses  de 
théologie  ,  qui  furent  rassem- 
blées en  un  volume  après  sa 
mort,  et  imprimées  en  Angle- 
terre. Le  public  en  fut  si  content, 
que  celte  édition  fut  bientôt  ven- 
due :  on  en  fit  une  autre  au  mê- 
me pays  ,  l'an  i683  (à).  On  au- 
rait vu  à  la  tête  de  l'une  ou  de 
l'autre  de  ces  éditions  quelque 
préface  qui  eût  traité  de  la  vie 
de  l'auteur,  s'il  n'eût  pas  été 
Français  ;  car  je    ne  vois  guère 

(a)  C'est  la  troisième  :  la  première  est 
celle  de  Sedan,  in-4°;  les  deux  d'Angleterre 
sont  in-folio. 


BEAU  LIEU.  221 

que  les  Français  ,  qui  aient  la  ne  (B).  Ceux  qui  connaissaient 
négligence  île  laisser  tomber  sa  vertu  et  sa  pieté  n'avaient  gar- 
dans  l'oubli  l'histoire  ou  la  vie  de  de  le  soupçonner  décela  :  ceux 
d'un  parent  illustre  par  son  es-  qui  étaient  capables  de  bien  ju— 
prit  et  par  ses  ouvrages.  C'est  à  ger  de  ses  thèses  ne  l'en  soupçon- 
une  semblable  négligence  qu'il  liaient  point  non  plus  ;  mais 
faut  imputer  l'impossibilité  où  je  combien  y  avait-il  de  gens  dans 
me  trouve  de  dire  le  temps  et  les  provinces  éloignées ,  auxquels 
le  lieu  de  la  naissance  de  Louis  il  n'était  connu  que  parce  qu'ils 
le  Blanc,  le  temps  de  sa  promo-  avaient  oui  dire,  qu'il  montrait 
tion  au  ministère,  et  à  la  pro—  qu'en  certaines  choses  les  théolo- 
fession  en  théologie  ,  et  telles  au-  giens  des  deux  partis  n'étaient 
très  circonstances  historiques  et  pas  aussi  éloignés  les  uns  des  au- 
chronologiques.  Je  ne  puis  dire  très  qu'on  le  croyait  ?  ces  gens- 
autre  chose,  sinon  qu'il  mourut  là  ,  soit  par  la  crainte  de  voir  di- 
au  mois  de  février  1675  *,  et  minuer  les  sujets  de  division  , 
qu'il  eut  beaucoup  de  part  à  qu'ils  auraient  mieux  aimé  que 
l'estime  du  maréchal  de  Fabert  l'on  augmentât ,  soit  par  la  mau- 
(b) ,  l'un  des  plus  grands  génies  vaise  coutume  ou  d'interpréter 
de  son  siècle.  On  fit  imprimer  à  les  choses  en  mal ,  ou  de  croire 
Sedan  quelques-uns  de  ses  Ser-  témérairement  ceux  qui  donnent 
nions ,  l'an  1675.  Ce  n'est  point  un  méchant  tpur  aux  actions  de 
là  qu'il  faut  chercher  le  mérite  leur  prochain  ,  se  représentaient 
le  plus  éclatant  de  l'auteur  ,  en  M.  de  Beaulieu  comme  un  faux- 
tant  qu'habile  homme,  mais  dans  frère,  qui  travaillait  au  grand 
ses  Thèses.  11  y  traite  avec  une  dessein  de  réunir  les  églises,  du- 
merveilleuse  netteté  d'esprit  (A),  quel  le  cardinal  de  Richelieu  s'é- 
et  avec  beaucoup  de  pénétration,  tait  entêté  (C).  La  pénétration 
les  plus  importantes  matières  de  de  ce  professeur  l'obligea  à  éviter 
la  théologie,  et  il  s'attache  prin-  certains  termes  de  la  commune 
cipalement  à  écarter  le  malen-  traditive,  qu'il  trouvait  un  peu 
tendu  qui  a  tant  multiplié  les  incommodes.  Il  le  fit  en  particu- 
controverses.  Il  cherche  l'état  de  lier  dans  la  matière  de  la  certi- 
la  question  ,  il  débrouille  les  tude  du  salut.  Cela  donna  lieu  à 
équivoques ,  et  il  fait  voir  qu'il  une  querelle  que  lui  fit  M.  Ar- 
y  a  bien  des  disputes  que  l'on  nauld  (D).  M.  de  Beaulieu  n'eut 
croit  réelles,  qui  ne  sont  que  des  point  d'enfans  :  sa  veuve,  qui 
disputes  de  mots.  On  ne  saurait  était  une  femme  fort  éclairée  et 
croire  le  tort  que  cela  lui  fit  au-  fort  vertueuse,  a  témoigné  une 
près  d'une  infinité  d'iguorans  ,  constance  héroïque  dans  la  der- 
qui  s'imaginèrent  qu'il  ne  cher-  nière  persécution  (c').  On  n'a  ja- 
chait  qu'à  faire  rentrer  les  réfor-  mais  pu  la  contraindre  à  la  (nom- 
més dans  la  communion  romai-  dre  signature;  de  .sorte  qu'après 
•Il  mourut,  dit  Leduchat,  le  3  des  ca-  bien   des   vexations  qu'on  lui  fit 

tendes   de  mars  (  27  février)  1675.  Son  e'ni  -  SOU  fin  1"  ,   elle   mOUTUt    S3I1S   avoir 
tanlie  se  trouve  dans  la  lettre  de  Bayle  à  Mi- 
nutoli ,  du  mois  d'avril  i6;5.  ,      M.   Quick  en  parle   dans    ses   Proie 
b    fi  était  gouverneur  de.  Sedan.  gomènes  du  Syuodicou  in  Galliâ  reformata. 


»  le  Blanc  ,  s'est  particulièrement  si- 
»  gnalé  sur  ce  sujet  dans  des  thèses 
»  de  la  Justification  ,  qu'il  y  a  fait 
»  soutenir.  Ce  professeur ,  à  qui  l'on 
»  peut  donner  cette  juste  louange 
»  d'être  un  esprit  extraordinairement 
»  net  ,  et  très-propre  à  démêler  les 
»  questions  embarrassées  par  les  diffé- 
»  rens  usages  des  termes  ,  examine 
»  dans  ses  thèmes  les  principaux  dif- 
»  férens  qui  sont  entre  les  catholiques 
»  et  les  protestans  sur  cette  matière  , 


222  BEAULIEU 

donné  aucune  atteinte  à  sa  pro- 
fession. M.  le  Blanc  ,  conseiller 
au  présidial  de  Sedan  ,  frère  de 
M.  de  Beaulieu  ,  a  tâché  deux 
fois  de  se  sauver  en  Hollande  de- 
puis sa  signature  ;  mais  il  a  été 
attrapé  sur  les  chemins,  et  ra- 
mené en  son  pays  (d). 

M.    de   Beaulieu   a    été   mêlé 

dans  la  querelle  de  deux  minis-  „ 

c      *     .  .  -.  ,  »  et  conclut  sur  tous  les  articles  que 

très    irançais  ,    qui    ont   dispute  »  celle  des  catholiques  est  bonne  ,  et 

entre  autres  choses  sur  le   prin-  »  que  les  protestans  n'y  sont  contrai- 

cipe  de  la  foi.    Ce  que  je  cite  de  "  re£  clue  de  nom  (0-  >' 

leurs  écrits  pourra  servir  à  faire    ^£^1,""""^  de  d.ébr?uiller /« 
,  l  .  équivoques jit  croire  a  quantité 

connaître  ses  sentimens  et  son  dignorans...  qu'il  ne  cherchait  qu'a 

caractère  (E)  ;  et  par  conséquent  faire  rentrer  les  réformes  dans  l'église 

ne  sera  pas  une  chose  superflue.  romaine-  3  Ce  ne  sont  pas  seulement 

r\    ~i                                        j      .        ri  Ics  esprits  faibles ,  qui  ont  formé  des 

Quelques-uns  se  persuadent  qu  il  soupc'ons  contre  £qde  Beau,ieu  .  car 

V    a    beaucoup    de    malentendu    voici  ce  qu'un  habile  ministre  a  pu- 
dans  cette  contestation   (F).    On    blié  :   «    Je  respecte    la  mémoire  de 

M.  le  Blanc  ;  mais  l'intérêt  de  la  vé- 
rité m'oblige  à  remarquer  ce  que 
personne  n'ignore  :  c'est  que  ce 
théologien  a  écrit  d'une  manière 
qui  a  rendu  son  orthodoxie  fort  sus- 
pecte. En  voulant  éclaircir  'es  ma- 
tières ,  écarter  les  disputes  inutiles 
ou  qui  ne  roulent  que  sur  des  mots, 
et  ôter  toutes  les  équivoques  ,  il  a 
extrêmement  rétréci  les  espaces  qui 
nous  séparent  de  l'église  romaine. 
11  a  presque  réduit  à  rien  des  con- 
troverses très-importantes  j  et  par 
cette  conduite,  aussi-bien  que  par 
sa  grande  douceur  et  par  la  forte  in- 
clination qu'il  a  toujours  témoignée 
pour  la  paix  ,  il  a  donné  lieu  ;'i  bien 

>  des  gens  de  le  mettre  au    rang  des 
latitudinaires (a).    Le     célèbre 

>  M.  le  Blanc  de   Beaulieu  ,   pour  la 

>  mémoire    duquel    on    a     d'ailleurs 

>  beaucoup  de  vénération  ,  n'est  pas 

>  un  théologien  dont  il  faille  emprun- 
)  ter  la  plume  ,  pour  décrire  le  senti- 

>  ment  des  réformés  sur  les  matières 

i  controversées  avec  les  papistes 

'  11  était  un   peu  trop  neutre  dans  la 

>  querelle  que  nous  avons  à  démêler 

>  avec  eux  (3).  »  Hœc  Me  (  Le  Bianc  , 

(i)  Nicolle  ,  Préjug.   lésit.  ,  chap.  XI ,  f>*g- 
97,   19S  ,  édition  de  Hollande  ,  en  i683. 

(2)  Saurin,  Examen  de  la  Théologie  de  TjlL.  Ju- 
ieu  ,  pag.  î5g. 

(3)  Là  même,  pag.  !\")^. 


l'a  aussi  attaqué  sur  sa  doctrine 
touchant  l'efficace  du  baptême 
Voyez  l'ouvrage  que  je  cite  (e)  , 
qui  fut  imprimé  à  Amsterdam 
en  i6y5;  voyez-y,  dis-je,  le  feuil- 
let 5  de  la  préface,  et  le  traité 
qui  en  fait  la  conclusion.  Voyez 
aussi  M.  Saurin ,  aux  pages  52?, , 
55o,  etc.  de  son  examen  de  la 
théologie  de  M.  Jurieu.  Au  res- 
te ,  je  viens  d'apprendre  que  M. 
de  Beaulieu  naquit  au  Plessis— 
Marli  (y) ,  où  son  père  était  mi- 
nistre ,  et  qu'il  mourut  à  l'âge  de 
soixante  ans  et  six  mois. 

id)  Le  roi  lui  a  remis  la  peine  des  ga- 
lères ,  à  Inquelle  il  avait  été  condamné ,  pour 
avoir  voulu  sortir  du  royaume  contre  les 
défenses.  Remarques  sur  la  Confession  de 
Saucy,  pag.  555,  édition  de  1699. 

le)  Recueil  de  divers  Traités  concernant 
l'efficace  et  ta  ne'cessite'  </u  baptême. 

</}  Seigneurie  qui  appartenait  à  M.  du 
Plessis-Mornai. 

(A)  Il  avait  une  merveilleuse  netteté 
d'esprit.  ]  On  en  croira  plutôt  M.  Ri- 
colle  que  moi  j  je  m'en  vais  donc  ci- 
t<  i  un  passage  de  ses  Préjugés  légiti- 
mes contre  les  calvinistes.  «  Un  de  leurs 
»  professeurs  de  Sedan,  nommé  Louis 


BEAULIEU.  223 

pag.  796  ,  num.  56  )  qui  laxus  nimiian  éblouis  ou  par  l'utilité  apparente  de 
est  coniroversiarum  quas  tractât  arùi-  la  chose  ,  ou  par  le  nom  de  M.  de 
ter  ,  quo  factum  ut  nimium  parlium  Beaulieu  ,  homme  de  grand  mérite , 
adversarum  canciliationi  intentus  ,  a  mais  dune  sincérité  trop  apostolique  , 
communi  vid  reformatorum  sœpè  dis-  pour  se  démêler  des  ruses  du  maréchal 
cessent  (4).  de  Fabert  ,  vieux  courtisan,  et  qui  ne 

(C)  On  a  cru  qu'il  travaillait  au  se  piquait  pas  de  ne  vouloir  tromper 
grand  ,lessein  de  réunir  les  églises ,  personne  [S).  11  y  a  là  une  petite  mé- 
duquel  le  cardinal  de  Richelieu  s  était  prise ,  car  le  maréchal  de  Fabert  était 
entêté.  ]  Ces  faux  soupçons  se  fortifié-  mort  depuis  plus  de  sept  ou  huit  ans 
reut  lorsqu'il  courut  un  certain  bruit  lorsque  ce  projet  fut  proposé.  Al.  de 
que  le  maréchal  de  Tureune  ,  s'étant  Turennc  en  était  le  promoteur, 
entêté  de  la  réunion  des  religions  ,  (D)  Sa  manière  d'éviter  certains 
avait  sondé  ce  professeur  de  Sedan  ,  termes  donna  lieu  à  une  querelle  que 
et  en  avait  l'ecu  une  lettre  qui  était  lui  fit  M.  Arnaud.~\  Il  l'accusa  d'avoir 
montrée  à  tous  les  ministres  que  l'on  renoncé  aux  sentimens  des  calvinistes 
tâchait  de  surprendre.  Ce  bruit  n'é-  sur  quatre  chefs,  dans  la  matière  de 
tait  pas  sans  fondement  -,  car  M.  Ja-  la  Certitude  du  salut  (9).  M.  de  Beau- 
quelot  raconte  ,  qu'en  2672  ,  l'agent  ,  lieu  publia  une  thèse  particulière  sur 
qui  fut  employé  pour  cette  afiaire  ,  ce  sujet ,  pour  répondre  à  M.  Arnauld. 
vint  a  Vaisi  en  Champagne...,  chargé  Celui-ci  a  répliqué  après  la  mort  de 
d'un  billet  de  créance  signé  Louis  ,  son  adversaire  (10);  un  disciple  et  in- 
d'une  lettre  de  j\I.  deTurenneà  M.  de  Unie  ami  de  ce  dernier  a  répondu  à 
Beaulieu  processeur  en  théologie  à  Se-  la  réplique  de  M.  Arnauld  (11).  J'ai 
dan,  et  d'une  rtponse  de  ce  professeur    comparé  ensemble  la    réponse  de  ce 

à  M.  de  Turenne, et  des  signalu-    disciple  et  la  réplique  de  AI.  Arnauld: 

res  des  pasteurs  de  Picardie  et  de  niais  je  n'ai  pas  pu  bien  voir  quia  tort* 
Champagne  qu'il  avait  visités  ;  mais  ou  qui  a  raison  :  ce  sont  proprement 
il  ajoute  que  cette  réponse  ne  faisait  des  questions  de  fait  ,  sur  lesquelles 
aucun  tort  à  la  réputation  de  M.  de  on  peut  répandre  de  part  et  d'autre 
Beaulieu  (5).  Notez  qu'il  rapporte  (6)  mille  équivoques,  et  tous  les  artilice- 
un  acte  du  synode  de  l'Ile  de  France ,  de  la  dispute.  11  faudrait  avoir  plus  de 
qui  met  à  couvert  les  ministres  qui  loisir  que  je  n'en  ai ,  pour  approfondir 
avaient  donné  des  signatures.  L'écrit ,  cela.  Je  ne  laisse  pas  de  croire  que  si 
où  il  parle  de  toutes  ces  choses  ,  est  M.  de  Beaulieu  avait  fait  lui-même 
une  lettre  contre  AI.  Benoît  ministre  son  Apologie,  sa  cause  eût  été  mieux 
de  Delft,  qui  n'a  pas  manqué  de  ré-  défendue, 
pliquer,  et  qui,  entre  autres  remar-         (£)  //  a  été  mêlé  dans  la  querelle  île 

ques,  a  fait  celle-ci, que  les  signatures    deux  ministres  Jrancais Ce  que 

des  ministres  les  plus  innocens  conte-  je  cite  de  leurs  écrits  pourra  servir  h 
naient  cette  restriction,  et  je  promets  faire  connaître  son  caractère.)  Com- 
d'y  contribuer  autant  que  je  le  pour-  mençous  par  un  passage  de  AI.  Sain  in: 
rai  ,  ma  conscience  sauve  (7).  Cette  il  venait  de  dire  que  le  nom  de  Al.  le 
dernière  clause  ,  ajoute-t-il,  prise  de  Blanc  est  moins  autorisé  parmi  nous, 
la  lettre  de  M.  de  Beaulieu  ,  était  le 
piège  tendu  a  la  simplicité  des  bonnes       (8)  Là  même,  pag.  4'. 

âmes //  est  certain  que  trois  sortes  (r,)  Arnauld  ,  Renversement  de  la  Morale,  cité 

de  personnes  étaient  entrées  dans  ce    par  Jarieu,  Justification  de  la  Morale  des  Ré- 

C  n      1  >•    .       ,•  formés,  liv.  I V ,  chap.  XIV  ,pag.  Ho5 ,  eilit. 

projet  :  i°.  des  gens   malintentionnés  ;    de  u  }/aje^  en  lGa$r 

2°.  des  gens  simples  et  de  bonne  foi  ;        çl0\  pans  son  nvre  intitule  ,  le  Calvinisme 

3°.    des   gens    Sages    et    éclairés,   mais  convaincu  de  nouveau  de  dogmes  impics,  Jiap- 

°  XIX. 

(4)  Leydeeker,  Pra-fat.  in  Aphorism.  Lud.  de  „  .(")  fV»  '«  J»stif.cation  de  la  morale,  des 
Dieu,  «Ci.  VI.  Reformes,  Uv.  VI,  chap.  XI V,  pag.  3ob 

(5)  Jacqnelot,  Lettre  aux  pasteurs  et  conduc-  *  Lerlerc  fait  dire  à  Bajle  qu'il  n'est  pas  au 
teursdesKgl, ses  Wallonnes  des  Provinces-Unies,  fait  de  la  dispute  enlre  Beaulieu  et  Arnauld  ,  et 
pag.  il.  Elle  est  datée  de  la  Haye,  le  i3  de  pari  de  la  pour  lui  reprocher  d'en  p-rler  a  1  arti- 
seplembre  1698  tle  Gomaris  (remarque   (V)  j.    Ledcrc   recon- 


(6)   Là  même  ,  pag.  33. 

(^)  Benoît,  Apologie  présentée  a  MM.  lescon 
oustenrs  de»  Eglises  Wallonnes,  pag.  4°.  maine 


rail  au  reste  que  Beaulieu  fut  plus  équitable  que 
la  plupart   de  ses    conlrères    envers  l'église  rc- 


224 


BEAULIEU. 


qu'il  n'est  célèbre  (12)  ,  et  voici  ce  »  Nous  répondons  qu'on  nous  demande 

qu'il  ajoute  :  Ce  que  M.  Jurieu  rap-  »  une  chose  injuste  ;  savoir  que  nous 

porte  de  M.  le  Blanc  «  est  plus  propre  »  démontrions    une    chose   indémon- 

à  décrier  sa  doctrine ,  qu'à  lui  don-  »  trahie.  IVous  confessons  donc  volon- 


y,  uer  du  crédit  :  par  exemple ,  n'est- 
ce  pas  une  belle  manière  de  défen- 
3)  dre  l'autorité  de  l'Écriture,  et  la  vé- 
7>  rite  de  la  religion  chrétienne  ,  que 
»  de  dire   (*)  qu'il  est  nécessaire  que 


»  tiers  que  nous  ne  pouvons  pas  dé- 
»  montrer  cela  ;  c'est-à-dire  ,  le  prou- 
»  ver  et  le  démontrer  mathémalique- 
»  ment.  Mais  nous  nions  que  de  là  il 
»  s'ensuive  que  ces  livres  ne  puissent 


ï)  ce  qui  est  le  premier  principe  de  la  »  être  la  règle  première  et  certaine  de 

»  foi  ne  se  prouve  point  de  soi-même,  »  la  foi ,  parce  que  c  est  là  le  propre 

»  et  ne  soit  point  prouvé  par  un  autre  m  ries  principes  de  la  foi  d'être  inévi- 

principe  ;  cl  que  toutefois  le  pria-  »  dens  (i4)«    »    Voyez  dans  le  livre 

cipe  de  la  foi  ne  soit  pas  quelque  même  de  31.  Saurin  comment  il  réfute 

chose  d'évident ,  parce  que ,  tout  de  ces  maximes. 

même  que  dans  tes  disciplines  hu-  Il  faut  mettre  ici  la  réponse  de  M.  Ju- 

maines  il  y  a  certains  principes ,  qui  rieu.  C'est  une  chose  curieuse,  dit-il 

sont  les  premiers  d'où  dépendent  tous  (i5) ,  de  voir  les  fiertés  ,  les  hauteurs  , 

les  autres ,    qui   ne    dépendent    ni  les   duretés ,    et   les   emportemens  de 

d'eux-mêmes  ni  d'autres  principes,  M.  Saurin  contre  ce  M,  de  Beaulieu, 

il  en   est  ainsi  de  la  doctrine  de  la  qu'il  appelle  ailleurs  un  très-excellent 

foi.  Ceux  qui  savent  les  élémens  et  homme.  Mais  ici ,  parce  qu'il  est  du 

l'A  ,  B ,  C  ,  de  l'art  de  penser  et  de  sentiment  de  M.   Jurieu ,  et  de  toute 

raisonner,  savent  aussi  qu'une  pro-  l'église  sur  l'inévidence  duprincipe  de 

position   qui   n'est   pas   claire   par  la  foi,  il  faut  qu'il  soit  d'une  orlho- 

elle-même,  et  qui  n'est  pas  démon-  doxieforl  suspecte,  qu'il  ait  favorisé 

trée    médiatement   ou   immédiate-  le  papisme  ,  l'arminianisme  ;  qu'il  soit 

ment,    par    une  autre  proposition  grand  latitudinaire ;  qu'il  ait  sauvé  le 

claire    par   elle-même,  non- seule-  plus  de  gens  qu'il  a  pu;  qu'il  ail  avancé 

ment  ne  peut  pas  être  un  principe  des  absurdités  qui   le    rendent  digne 

ni  de  science ,  ni  de  foi  ;  mais  même  d'être  renvoyé  à  l'A  ,  B  ,  C  ;  qu'ily  ait 

ne  peut  point  passer  pour  une  pro-  de   l'imprudence   à   se  confesser  son 

position  véritable  ,  pendant  qu'elle  disciple.   En  vérité,   on  a  peine  à  en 

demeure    dans    cette   obscurité croire  sesyeux.  Ici  l'on  reconnaît  coni- 

M.  Jurieu  ajoute ,  après  M.  le  Blanc,  bien  les  vivons  ont  d'avantage  sur  les 

qu 'encore  que  l'Ecriture,  c'est-à-dire  morts  ,  comme  le  Sage  nous  le  dit.  Tel 

la  divinité  de  l'Ecriture  ,  ne  soit  pas  arrache   la  barbe  du  lion  mort,   qui 


évidente  par  elle-même ,  et  ne  se 
puisse  prouver  elle-même  ,  on  ne  doit 
pas  conclure  que  ce  n  est  pas  le  premier 
principe  de  la  foi  ,  et  qu'elle  doit 
emprunter    son    autorité    d'ailleurs 


n'eût    osé    l'approcher   de   mille   pas 

quand  il  était  vivant Ceux  qui  ont 

connu  feu  M.  de  Beaulieu  savent  que 
c'était  l'homme  du  monde  le  plus  ré- 
servé à  dire  ses  propres  sentunens  : 
(i3).  Ces  paroles  ne  font  honneur,  Historien  fidèle  de  ceux  d'autrui,  au 
ni  à  la  droite  Raison  ,  ni  à  la  Parole  moins  autant  qu'il  le  pouvait,  mais 
de  Dieu.   La  divinité  de  l'Ecriture    très-réservé  pour  les  siens  propres  ;  ne 

est  évidente  par  ses  caractères se  déterminant  que  pour  les  choses  no- 

M.  de  Beaulieu  ne  raisonne  pas  plus  toires  et  avouées  de  tous  les  théolo- 
j  uste,  quand  il  repousse  ainsi  les  ob-  giens.  Tellement  qu'il  faut  le  croire  in- 
jections que  les  ennemis  duchristia-  sensé,  pour  s  imaginer  qu' il  s' est  ouvert 
nisme  font  contre  l'Ecriture  Sainte.  sur  ces  propositions ,  dont  les  dehors 
Quant  à  ces  importunes  inlerroga-  i0nt  si  fâcheux,  s'il  n'a  pas  été  per- 
lions que  l'on  nous  fait,  d'où  prou-  SUadé  qu'il  suivait  le  chemin  battu. 
>  vez-vous  que  les  Apôtres  ont  écrit  Lui ,  qui  faisait  son  élude  de  connaître 
»  leurs  Livres  par  inspiration  divine?    les  sentimens  de  tous  les  théologiens  , 

et  qui  souvent  ne  se  déterminait  pas  sur 
^trta:ïapàgE:Zea  de  U  Thé0l°Sie  ^    le  pour  et  le  contre  ,  aurait  vgnoré  un 

(*)  Pog-  »4  >  £0'-  '■  (>4)  La  même,  yag.  262. 

{iij  Saurin,    Examen   de   la   Théologie    de         (i5)  Jurieu  ,  Défense  de  la  Doctrine  umvev 
M.  Jurieu  ,  pag.  261.  selle  de  l'Egli.e,  pag.  3;2  ,  373. 


BEAULIEU. 


225 


fait  que  M.  Savrin  aurait  pénétré ,  lui 
qui  n'a  vu  les  grandes  bibliothèques  que 
par  définis  !  Ou  bien  M.  de  Reaulieu 
aurait  il  élé  assez  fou  et  assez  méchant 
pour  établir  comme  le  sentiment  public 
une  impiété  dont  il  aurait  été  l'auteur? 
A  qui  M.  Saurin  espère-t-il  pouvoir 
persuader  cela?  Ceux  qui  auront  lu  la 
première  partie  de  cet  ouvrage  sur  la 


»  tolérance  universelle  de  toutes    les 
»  sectes,  comme  fait  M.  Saurin.  ;» 

Finissons  par  la  réplique  de  M.  Sau- 
rin. «  Je  parle  de  M.  de  Beaulieu  avec 
»  toute  l'estime  et  tout  le  respect  qu'il 
»  mérite,  et  je  mets  une  grande  diflé- 
»  rence  entre  lui  et  M.  Jurieu  :  non 
»  par  la  raison  que  M.  Jurieu  suppose, 
»  c'est-à-dire,  parce  que  l'un  est  mort, 


question  de  fait ,    auront  honte  pour    »  et  que  l'autre  est  vivant  ;  mais  parce 


AI.  Saurin  de  sa  témérité,  puisqu'ils 
verront  ,  que  depuis  Calvin  ,  tous  nos 
théologiens  orthodoxes  ont  parlé  com- 
me M.  de  Beaulieu,  et  qu'il  n'est  ici 
qu'historien  ,  comme  presque  partout. 
Mais  AI.  de  Beaulieu  n'a-t-il  pas  sur 
cette  question  des  duretés  qui  lui  sont 
particulières?  par  exemple  (*')  ,  que 
les  preuves,  qu'on  apporte  de  la  divi- 
nité'de  l'Ecriture  Sainte,  ne  sont  pas 
du  rangde  celles  qu'on  appelle,  defi- 
de,  dans  l'école  :  qu'elles  ne  sont  point 
puisées  de  quelque  principe  de  foi ,  ni 
d'aucune  règle  de  foi;  et  que  ,  par 
elles-mêmes,  elles  ne  peuvent  fonder 
un  article  de  foi.  Quelqu'un  a-t-il  dit 
cela  ?  Oui ,  on  l'a  dit.  Calvin  la  dit 
en  plus  forts  termes  :  il  appelle  sotte 
et  impertinente  la  prétention  de  ceux 
qui  veulent  produire  la  foi  par  les  ca- 
ractères de  l' Lcrilure  (16).  Ces  preuves 
ne  sont  pas  de  celles  qu'on  appelle  de 

foi «  L'autre  accusation  que  l'on 

»  fait  à  M.  de  Beaulieu  (*:l)  ,  d'être  la- 
it tiludinaire,  d  élargir  la  voie  du  sa- 
»  lut,  et  de  sauver  le  plus  de  gens 
»  qu'il  pouvait ,  est  aussi  ridicule , 
»  puisqu'elle  e>t  incompatible  avec  la 
»  théologie   dont    M.  Saurin  lui   fait 


que  le  vivant  ne  ressemble  pas  au 
»  mort  en  toutes  choses.  Je  remarque 
»  pourtaut  les  fautes  de  M.  de  Beau- 
»  lieu  comme  les  fautes  d'un  grand 
»  homme.  Cela  m'est  permis.  Je  ne  le 
»  renvoie  pas  à  l'A,  B,  C,  comme 
)>  51.  Jurieu  m'en  accuse  deux  ou  trois 
»  fois.  Je  dis  seulement,  que  ceux 
»  qui  savent  les  élémens  ,  et  VA ,  B  , 
»   C ,  de  l'art  de  penser    et  de  raiscrn- 

»  ner  ,  savent  aussi,  etc.  (18) Cela 

»  est  certain,  et  ce  langage  est  permis 

)>  à  ceux  qui  sont  persuadés  (igl 

»  Je  ne  fais  aucun  tort  à  51.  de  Beau- 
»  lieu,  en  le  traitant  de  lalitudinaire. 
»  Il  ne  l'était  pas  dans  le  sens  odieux 
»  que  M.  Jurieu  donne  à  ce  titre,  en 
»  prenant  un  lalitudinaire  pour  une 
»  espèce  d'athée.  5Iais  il  l'était  dans 
»  quelque  degré.  La  manière  dont  il  a 
»  expliqué  l'état  de  quelques-unes  de 
»  nos  controverses  avec  les  papistes 
»  et  avec  les  autres  sectaires  sur  la 
)>  Justification  ,  sur  la  Certitude  du 
»  salut,  et  sur  d'autres  matières,  en 
»  est  une  preuve  :  et  nos  théologiens 
»  habiles  et  sincères  n'en  disconvien- 
»  nent  pas.  » 
Comme  51.  Jurieu  n'a  rien  répliqué, 


»  un  crime  (17).  Il  était  des  rigides  je  Guis  ici  cette  remarque 

»  sur    la    matière   de     la    grâce,    et  (F)   ....  Il  y  a  beaucoup  de  malen- 

»  croyait  que  le  Saint-Esprit  faitait  la  lemlu  dans  cette contestntion.]Con-iidé- 

»  certitude    de    la  foi ,    sans  moyen,  rez  bien  les  paroles  de  51.  de  Beaulieu  , 

d  comme  on  vient  de  le  voir que  j'ai  rapportées  ci-dessus  (20)  :  elles 

»  Cette  accusation est  unique-  nous  apprennent  qu'il  croyait  qu'on 


»  ment  fondée  sur  ce  qu'il  a  expliqué 
»  1  état  de  quelques  controverses  au- 
»  trement  qu'on  ne  les  conçoit  ordi- 
»  nairement.  Mais  quand  il  se  serait 
»  trompé,  ce  serait  une  pure  erreur 
«  de  fait  :  car  jamais  il  n'a  favorisé 
»  aucune  opinion  relâchée  ,  ni  établi 
»  l'indifférence  des   religions  ,  ni   la 

(*M  Disput.,  loin.  IV  de  S.  Script.,  num.  9. 

(16)  Jurieu  ,  Défense  de  la  Doctrine  univer- 
selle de  l'Eglise ,  pag.  3^S  ,  379. 

(")  Saurin  ,  pag.  3gg. 

(\-)  Jurieu,  Défense  de  la  Doctrine  de  l'É- 
glise, pag.  38i. 

TOME    ni. 


pouvait  pas  démontrer  mathémati- 
quement l'inspiration  des  livres  sacrés. 
Comparons  cela  avec  cette  réponse 
de  51.  Saurin.  «  Si  51.  le  Blanc  entend  , 
»  par  une  démonstration  matliéma- 
»  tique  ,  une  démonstration  contre  la- 

fi8)  Saurin,  Dérense  de  la  véritable  Doctrinc- 
!.    il   _    m-   réformée,  pag.  164  ,  i65. 

(  19)  Notez  que  M  Saurin  n'a  point  dit,  com- 
me son  adversaire  le  suppose,  el  sur  quoi  il 
fonde  ses  exclamations  :  ceux  qui  savent  l'A  , 
B,  C;  mait  ,  ceux  qui  savent  l'A  ,  H,  C  ,  de 
l'ar  de  penser.  La  suppression  de  ces  dernières 
paroles  esl  une  supercherie. 
(20)  Citation  (j4,- 

i5 


22Ô 


BEAULIEU. 


3)  quelle  la  chair  et  le  sang  ne  font 
»  point  d'objection,  on  reconnaît  que 
»  la  divinité  de  l'Ecriture  ne  peut  pas 
»  être  démontrée  mathématiquement; 
))  mais  cela  n'empêche  pas  qu'elle  ne 
3)  soit  démontrée  moralement,  d'une 
»  manière  à  exclure  tout  doute  :  ce 
)>  qui  est  manifestement  contraire 
»  aux  principes  de  ftl.  Jurieu  (21).  >> 
La  comparaison.de  ces  deux  passages 
ne  vous  fait  -  elle  pas  connaître  que 
M.  de  Beaulieu  et  M.  Saurin  ensei- 
gnent au  fond  la  même  chose  ?  Us 
avouent  l'un  et  l'autre  que  la  divini- 
té de  l'Ecriture  ne  peut  point  être 
prouvée  mathématiquement.  Mais 
M.  Saurin,  direz-vous,  ne  soutient- 
il  pas  qu'elle  peut  être  prouvée  par 
une  démonstration  morale  ?  Je  l'a- 
voue ;  mais  je  serais  fort  trompé,  s'il 
pouvait  prouver  que  M.  le  Blanc  n'a 
pas  enseigné  la  même  chose.  Je  suis 
sur  que  ce  grand  théologien  n'a  ja- 
mais nié  que  les  preuves  de  la  divinité 
de  l'Ecriture  ne  puissent  passer  pour 
une  démonstration  morale.  Il  n'avait 
nul  intérêt  à  nier  cela;  car  de  ce  que 
l'on  avoue  qu'une  chose  ne  peut  pas 
être  prouvée  par  une  démonstration 
mathématique,  il  ne  s'ensuit  pas 
qu'en  raisonnant  juste  on  doive  pré- 
tendre qu'elle  ne  peut  pas  être  démon- 
trée moralement.  Développons  encore 
le  malentendu.  M.  Saurin  s'imagine 
que  dans  les  principes  de  son  adver- 
saire les  preuves  de  la  divinité  de  l'E- 
criture ne  sont  point  exclusives  de  tout 
doute.  Cela  est  plein  d'équivoques. 
Cet  adversaire  ne  prétend  point  que 
tous  ceux  qui  ont  compris  le  poids  et 
la  force  de  ces  preuves  doivent  de- 
meurer dans  quelque  doute  ;  il  ne  leur 
ôte  pas  une  pleine  certitude  ,  une  en- 
tière persuasion  :  il  prétend  seulement 
qu'ils  ne  voient  pas  que  le  contraire 
soit  impossible ,  comme  on  le  voit  à 
Tégard  des  choses  qui  ont  été  démon- 
trées mathématiquement.  Il  nous  ar- 
rive tous  les  jours  d'être  pleinement 
convaincus  d'une  chose  ,  et  sans  le 
moindre  doute ,  quoique  nous  sachions 
que  le  contraire  est  possible.  Un  voya- 
geur, logeant  dans  un  cabaret  dont  il 
n'a  jamais  connu  l'hôte,  niange  sans 
scrupule  ce  qu'on  lui  sert  à  la  table.  11 
sait  fort  bien  que  ce  pourraient  être 


(21)  Saurin,  Exainea  de  la  Théologie  d«  M.  Ju- 
licu,  pag.  2G2  ,  2<J3. 


des  viandes  empoisonnées,  et  qu'il  nV 
a  ni  contradiction  métaphysique ,  ni 
contradiction  physique  ,  ni  contradic- 
tion morale  ,  à  supposer  que  le  hasard 
ou  la  malice  ont  mêlé  quelque  poison 
à  ces  alimens.  11  n'ignore  pas  qu'on 
n'ait  des  exemples  dépareilles  choses; 
et  cependant  il  se  persuade  qu'il  ne 
doit  rien  craindre  en  cette  rencontre  : 
il  mange  avec  une  pleine  persuasion 
qu'il  ne  sera  point  empoisonné.  Nous 
avons  encore  moins  de  doutes  quand 
nous  mangeons  chez  un  ami ,  et  néan- 
moins nous  sommes  très-couvaincus 
qu'il  est  possible  que  les  viandes  soient 
empoisonnées.  11  ue  faut  donc  pas  cri- 
tiquer un  théologien  ,  qui  assure  que 
nous  sommes  parfaitement  convaincus 
de  la  vérité  des  doctrines  que  nos 
pasteurs  nous  annoncent,  quoique  les 
raisons  sur  quoi  ils  l'appuient  ne  nous 
fassent  pas  connaître  qu'il  est  impos- 
sible que  la  chose  soit  autrement. 
Souvenons  -  nous  que  31.  Saurin  re- 
nonce à  la  prétention  des  preuves  géo- 
métriques :  il  se  contente  d'une  dé- 
monstration morale ,  contre  laquelle 
il  n'y  ait  que  la  chair  et  le  sang  qui 
puissent  former  des  objections.  Or  c'est 
justement  la  doctrine  de  son  adver- 
saire :  ils  se  sont  donc  querellés  sans 
savoir  pourquoi.  M.  Jurieu  déclare 
qu'il  n'a  rien  dit  qui  puisse  signifier 
qu'il  exclut  la  conviction  de  la  con- 
science (22)  :  il  soutient  qu'il  a  établi 
que  les  caractères  de  divinité,  qui  se 
trouvent  dans  la  révélation ,  «  sont 
>•>  capables  de  produire  une  espèce  de 
»  certitude ,  sans  le  secours  de  l'Es- 
»  prit  de  Dieu  ,  dans  un  homme  qui 
»  aura  de  l'équité ,  et  qui  ne  sera  poiut 
»  prévenu.  Mais  ,  premièrement,  le 
»  monde  n'a  pas  de  ces  gens  non  pré- 
»  venus  :  tous  ceux  qui  ne  sont  pas 
»  encore  convertis,  sont  possédés  par 
u  les  préjugés  de  la  chair.  Outre  cela  , 
»  nous  ne  demandons  pas  une  certi- 
»  tude je  ne  sais  quelle  ,  mais  une  cer- 
»  titude  qui  surpasse  toute  certitude , 
»  même  celle  des  sciences  fondées  sur 

»  la  démonstration  (28) Ces 

»  caractères  assurément  ne  sont  pas 
»  tels  qu'ils  puissent  produire  dans 
»  un  esprit  bien  disposé  une  certi- 
»  tude  de  spéculation,  qui  égaie  la 
»  certitude    des   sciences    géométri- 

(22)  Jurieu  ,  Défense  de  la  Doctrine   univer- 
selle de  l'Eglise,  p«£.  34i. 
^23)  La  même,  pag.  344- 


BEAU! 

>  qucs  (24) Il  dit  ,  i°.  qu'il  n'y 

»  a  point  île  ces  esprits  bien  dispose? 
'i  dans  le  monde ,  avant  la  grâce  ;  z°. 
»  qu'un  homme,  qui  aurait  de  1  équité', 
»  et  point  de  préventions  ,  pourrait  , 
»  même   sans   la  grâce,    obtenir  une 

espèce  de  certitude  de  la  divinité 
»  des  Ecritures  ;  3°.  que  la  certitude  , 

:  que  nous  demandons,  est  une  cer- 
»  tilude  qui  surpasse  toute  celle  des 
»  démonstrations  géométriques (ïS).  » 
Prêtiez  garde  encore  à  ceci  :  M.  Jurieu 
déclare  que  son  sens  a  été  «  que  ces 

i  caractères  internes  et  externes,  coin- 
»  posés  et  arrangés  par  l'art  de  la  lo- 
»  gique  et  de   la  rhétorique    dans  les 

>  Ouvrages  de  nos  savans ,  en  posant 
»  d'abord  des  principes  évidens  par 
»  eux-mêmes ,  et  menant  l'esprit  de 
»  conclusion  en  conclusion  ,  font  une 
»  preuve  pour  la  raison,  qui  vaut 
»  mieux  que  les  démonstrations  rao- 
»  raies  ordinaires.  Mais  que  ces  mé- 
»  mes  caractères ,  proposés  m'huent  et 

sans  art,  ne  sont  pas  une  déruon- 
i  stialion  morale  ,  surtout  pour  les 
•  simples,  qu'il  faut  mener  par  la 
»  main  .  el  que  même  on  ne  saurait 
i  faire   passer  par  des  endroits  où  il 

faut  de  la  pénétration  d'esprit  et 
'>  de  l'étude.  La  plupart  de  nos  simples 
»  n'ont  jamais  fait  une  attention  dis- 
»  tincte  à  cette  démonstration  qu'on 
»  appelle  morale.  Mais  ces  mêmes  ca- 
»  ractères  tous  assemblés  ,  qui  ne  font 
»  pas  une  démonstration  morale  pour 
»  l'esprit,  surtout  des  simples,  tout 
»  une  preuve  de  sentiment  qui  est  au- 
»  dessus  de  toute  exception  ,  et  qui  est 
»  aussi  vive  que  l'impression  du  soleil 
»  sur  les  yeux  (26).  »  Voilà  donc  entin 
ces  messieurs  dans  le  même  sentiment: 
l'un  ne  prétend  point  qu'il  y  ait  ici 
des  démonstrations  mathématiques  : 
l'autre  y  renonre.  Celui  -ci  demande 
«pion  lui  accqrde  des  démonstrations 
morales  :  l'autre  y  consent.  Tout  ce 
qu'on  peut  dire  de  plus  plausible  en 
faveur  de  M.  Saurin  est  que  M.  Jurieu 
n'avait  pasd'abord  bien  développe  sou 
opinion,  et  qu'il  semble  ne  L'avoir  dé- 
veloppée qu  eu  se  contredisant  selon 
sa  coutume.  Je  crois  aussi  qu'en  com- 
mençant de  méditer  sur  celte  matière 
d   ne  connaissait  pas  bien  la  nature 

'2_i)  I.i   même,  pag.  345. 
(a5)  Là  nit'me. 

;>eu,   Défense  de   la   Doctrine   univer- 
clle  de  l'Eglise,  pag.   3^3. 


1EU.  227 

des  démonstrations   morales.   Il  s'en 
formait  une  idée  trop  relevée,  et  ap- 
paremment cela  fut  cause  qu'il  n'osa 
dire  que  les  preuves  de  la  divinité  de 
l'Ecriture  montassent  à  un  si  haut  de- 
gré  d'évidence.  S'il  avait  su  la  vraie  na- 
ture de  cette  espèce  de  démonstration  , 
il  se  serait  moins  commis.  Une  démons- 
tration morale  ne  consiste  pas  comme 
les  démonstrations  géométriques  dans 
un  point  indivisible:  elle  souffre  le  plus 
et  le  moins,  et  se  promène  depuis  une 
grande  probabilité,  jusquesà  une  très- 
grande  probabilité.  Ce  sont  ses  bornes: 
et  ainsi,  l'on  a  beaucoup  de  chemin  à 
faire  ,  depuis  l'endroit  où  nos  preuves 
commencent  à  pouvoir  être  nommées 
une  démonstration  morale,  jusques  à 
l'endroit  où  elles  commencent  à  pou- 
voir être  nommées  une  démonstration 
physique,  ou  métaphysique,  ou  géo- 
métrique. Ce  qui  trompait  peut-être 
M.  Jurieu  était  de  voir  que  la  certitude 
et  l'évidence  avec  laquelle  nous   con- 
naissons qu'il  y  a  eu  un  Jules  César  , 
une  république  romaine  ,  etc.  ne  pas- 
seut  pas  pour  une  science,  mais  pour 
une  foi   humaine,  pour  une  opinion  , 
et  tout  au  plus  pour  l'effet  d'une  dé- 
monstration  morale  :  et.  comme   il  ne 
voyait  pas  que  l'inspiration  de  l'Ecri- 
ture put  être  prouvée  par  des  raisons 
aussi    convaincantes,    que   cilles   qui 
prouvent  que  Cicéron  a  existé  ,  il  crai- 
gnait de  dire  qu'il  y  eût  une  démon- 
stration morale,  touchant  cette  inspi- 
ration. S'il  a  eu  de  telles  pensées,  il 
n  a  point  su  le  fin  des  choses  :  car  il 
n'est  pas  vrai  que  le  fondement  de  la 
certitude   et   de   l'évidence    avec    la- 
quelle nous  connaissons  qu'il  y  a  en 
nue    république    romaine,    soit    une 
simple  démonstration  morale,  et  que 
notre  persuasion  à  cet  égard  soit  un 
acte  de  foi  humaine  ,  ou  une  opinion. 
C'est   une    science    proprement   dite, 
c'est   la    conclusion   d'un  syllogisme . 
dont  la  majeure  et  la  mineure  sont  des 
propositions  clan;  nient  et  nécessaire- 
ment \  éritables.  Il  y  a  là  pour  le  moins 
une  démonstration  physique.  Les  phi- 
losophes de  l'école  n'ont  point  ignoré 
cela.  Ille  aclus  nnn  lit  /11I1  1 .  sed  scien- 
t  i ficus ,  inmiiiw  enim non  humano  te»- 
timonio ,   sed  repugnantiœ   ph  1  * 
tjuà   video  non  potuisse  toi   /tontines 

convenisse admenliendum Illv  "^ 

sensus  nritur  h  duobus  prini  ipiis 
non  patiuntur  dissension.  Primwi 


228  BEAUMOUT. 

hoc  :  impossibile  est  tôt  hommes  tôt  et  le  sang,  je  veux  dire  les  préjuges  et 

sreculis    convenire    ad    mentiendura.  les  passions ,  le  conduisaient  à  cela  ; 

Seciindiim  est:  hoc  dicunt  tôt  homines  car  plus  on  donne  de  choses  à  prouver 

lot  saeculis  (27).    Quoi  qu'il  en  soit,  à  son  adversaire  ,  pluson  rembarrasse 

M.  Jurieu  s'est  enfin  mieux  expliqué,  et  on  le  fatigue.  D  où  vient  donc  que 

Disons  un  mot  sur  la  remarque  de  cet  ennemi  de  Jésus-Christ   n'a  point 

M.  Saurin  ,  que  si  M.  le  Blanc  entend  nié  certains  faits  allégués  par  les  apô- 

par  une  démonstration  mathématique ,  très?  N'est-ce  point  à  cause  qu'on  pou- 

ane  démonstration  contre  laquelle   la  vait  les  soutenir  par  des  raisons  beau- 

chair  et  le  sang  ne  font  point  d'objec-  coup  plus  claires  que  ne  l'étaient  les 

tion     on  reconnaît  que  la  divinité  de  raisons  de  ce  qu'il  niait?  Je  ne  décide 

l'Écriture  ne  peut  pas  être  démontrée  rien  :  il  me  suffira  de  dire  que  la  chair 

mathématiquement    (2S).    11    serait   à  et    le    sang    rendent    quelquefois    les 

souhaiter  que  nous  eussions  une  règle  armes  ,  et  se  soumettent  à  une  clarté 


générale  pour  discerner  les  objections 
nui  ne  procèdent   que  de   la  chair  et 


qui  ne  leur  plaît  point. 


qui  ne  procèdent   que 

du  sang;  car  chaque  secte  chrétienne  BEAUM01NT  (FRANÇOIS    DE  ), 

attribue  à  ce  principe  les  objections  baron  Des-Adrets ,  a  été  un  des 

que  lui  font  les  autres  ;  et  ainsi  l'on  ne  „entilsnomnies  de  France  ,  dont 

fait  que  de   se   renvoyer  1  eteut  :    et  y>                        ti                            -,-,    - 

bien  loin  de  décider  une  controverse,  le  courage  et  les  actions  militai- 

en    soutenant  qu'une    doctrine  n'est  res  ont  fait  le  plus  de  bruit  dans 

combattue  que  par  des  difficultés  que  ]es   guerres  de    religion    sous    le 

la  chair  et  le  sang  suggèrent,   c'est  fe          de  Charles  IX.   TJ  était  de 

une  dispute  éternelle  que  de  savoir  si  o             , 

une  difficulté  ,  si  une  objection  a  pour  Dauplune  ,  et  il  avait  appris  le 
principe  la  chair  et  le  sang.  J'ajoute,  métier  des  armes  en  Piémont  , 
qu'il  y  a  des  vérités  contre  lesquelles  „u{  fut  ]a  meilleure  et  la  plus  fa- 
une personne  la  plus  intéressée  à  les  meuse  ëcoIe  de  rg  je  œ  sife_ 
combattre,  la  plus  prévenue,  la  plus  ,°  ,  .  Jf  . 
passionnée ,  ne  dispute  point.  Por-  cle-la.  On  prétend  que  le  désir 
phyre ,  grand  ennemi  de  la  religion  de  se  venger  du  duc  de  Guise  , 
chrétienne,  grand  zélateur  du  paga-  „lu-  \u[  avait  été  contraire  dans 
nisme,  demeurait  d'accord  de  certaines  fe  f)  j  &  à  se  dé_ 
vérités  de  fait  alléguées  par  les  chre-  r  v.  '  •>  l 
tiens.  L'intérêt  de  sa  cause  et  de  sa  pas-  clarer  pour  ceux  de  la  religion 
sion  demandait  qu'il  les  leur  niât,  car  (p).  On  ajoute  que  Catherine  de 
c*est  un  très-grand  avantage  dans  une  Médicis   lui   écrivit    une    lettre, 

disniile  .  fiue  de  rejeter  tout  ensemble  i>      •           <   1 

aispuie : ,  que  uc  .  j  pour  1  animer  a  la  vengeance,  et 

etlesfaits,et  les  consequencesdes  taits.  1                                    .          9             ' 

M.  Saurin,   qui  est  très-persuadé  que  quelle   lui   permit   même  de  se 

la  chair  et  le  sang  ne  font  point  les  servir   des    huguenots  ,    afin    de 

objections  que  les  réformés  allèguent  ruiner   le    mieux  qu'il  lui  serait 

contre  l'éghse  romaine ,  sait  bien  que  ,  ib,e  l>autorité  de  ce  duc  dans 

lorsqu  il  s'agit  de  quelque  miracle  de  ,       _,    . 

reliques,  ils   nient  le  fait,  et  qu'ils  le  Dauplune.  Le  duc  de   Guise  , 

ajoutent  que,  quand  même  ce  miracle  gouverneur  de    cette  province, 

serait  certain ,  il  ne   prouverait  pas  y  ava{t  mis  p0Ur  sou  lieutenant 

que  le  culte  des  reliques  fût  légitime  j     Mothe_Gondrm  ,  gentilhom- 

Ainsi,  selon  les  meilleures  lois  de  la  dis-  1       & 

pute  soigneusement  observées  par  les  me  de  beaucoup  de  cœur  (c),  et 

orthodoxes  ,  Porphyre  aurait  pu  s'im-  sa  créature.    Des-Adrets    ne  ju— 

poser  la  loi  de  disputer  aux  chrétiens,  géant  pas  qu'il   pût  commencer 

non-seulement  les    conséquences  des  °            l 

faits,   mais  même  les  faits.  La   chair  ^   C'était  un  procès  contre    le   vidame 

d'Amiens.  Voyez  la  remarque  (L). 

JrV)  /T"S  *Iar,adur%'!e  Mendo/za  .  Di*P»l-  ,b)  AHard,  Vie  du  baron  Des-Adrels  ,  cité 

J  III  de  Anima,  secl.  111 ,  nwn .  là  ,  pas.  0".o.  «,    ■     i  u  ■   .    j      n   i    •    ■  

(,8)   Saurin,    E«men  de    la    Théologie  de  Par  Maimbourg  ,  .Hist.  du  Calvinwme. 

M.  Jurieu,  pag.  262.  (r)  Vai-iHas,  Hist.  de  Charles  IX. 


BEAU  MO  NT.  229 

plus  heureusement  ses  entrepri—    répandit  l'épouvante  de  telle  sor- 
ses  que  par  se  défaire  de  ce  gen-    te  parmi  les  troupes  catholiques,, 
til homme,   pratiqua  des  intelli-    que  Maugiron  ,  qui  les  corn man- 
gences  à}  Valence  ,  et  les  ménagea    dait ,  se  sauva  dans  la  Savoie  ,  et 
de  telle  sorte,  que  la  Mothe-Gon-    n'osa  rentrer  dans  le  Dauphiné. 
drin  ,  accahlé  par  la  sédition  qui    Grenoble    retomba  bientôt  sous 
fut  excitée  dans  cette  ville,  y  fut    la  puissance  de  notre  baron,  qui 
poignardé  de  sang-froid.  Valen-    en  usa  envers  cette,  ville   beau- 
ce   fut    donc    la    première    ville    coup    plus    honnêtement    qu'on 
dont   le  baron  se  rendit  le  mai—    n'avait  lieu  de  l'espérer.   Jl  fut 
tre  ,  et  où  sa  dignité  fut  accrue  ;    infiniment   plus    farouche    dans 
car  de  colonel   des  légionnaires    d'autres   lieux  dont  il  s'empara 
de    Lyonnais  ,   Dauphiné  ,   Pro-    de   vive   force  (Bj ,    et  où  il  usa 
vence  et  Languedoc ,   qu'il  était    de    cruelles    représailles  (C).  La 
auparavant  (d) ,  il   fut   choisi  le    victoire   qu'il     remporta   sur    le 
lendemain  de  la  sédition  (e)  pour    comte  deSuze  à  Vaureas  le  ren— 
administrateur  des  affaires  ,    en    dit  maître  d'Orange  et  du  comté 
attendant  plus  ample    déclara-    Venaissin  ,  et  fit  trembler    Avi— 
tion   du  prince  de   Condé.    Dès    gnon  encore  une  fois.  Il  défit  les 
lors  il   courut    de  toutes  parts  ,    troupes  du  pape,  il    entra  dans 
et  ayant  su  que  le  parti   s'était    la  Provence ,   et  y  renversa  tout, 
rendu    maître  de  Lyon  ,    il    s'y    ce  qui  se  présentait  devant  lui. 
transporta  ,    et    s'y   empara    de    Néanmoins  il  y  eut  des  contre- 
toute    l'autorité    (A)  ,  sans  trop    temps  ,  ou  des  jalousies  cachées  , 
s'informer  si  cela  était  agréable,    qui  lui  firent  manquer  le  secours 
Il  défit,  avec  cinq  cents  hommes,    de  Sisteron.    Cette  disgrâce  fut. 
les   trois   mille  que  Saint-Vital    suivie  de  quelques  autres.  Le  duc 
amenait    aux   environs  de  cette    de  Nemours,  après    le  mauvais 
ville-là,  pour   y   faire  le  dégât,    succès  de  son  siège  de  Lyon,  ga- 
II    ravagea    le   Forez;  il  s'assura    gna  deux  combats  sur  le  baron 
de  Grenoble ,  où   il    contraignit    Des-Adrets  :    il    n'osa   pourtant 
tout  le  parlement  d'aller  au  prè-    s'engager   à   un  troisième  ,  et  il 
che;  il  pilla  et  fit  mettre  en  cen-    trouva  plus  à  propos  d'employer 
dre  la  Grande-Chartreuse,  s'em-    des  artifices  ,  pour  faire  changer 
para  du  Pont-Saint-Esprit,  entra    départi  à  ce  redoutable  chef  des 
comme  la  foudre   dans  le  pays    protestans  (D).  On  le  prit  par  les 
d'Avignon,    et   en   aurait   sans    promesses  et  par  les  menaces  (E): 
doute  emporté  la  capitale  ,  pour    on  lui  fit  voir  qu'il  avait  de  grands 
la  traiter  comme  la  ville  d'Oran-    ennemis  dans  son  parti  (F),  enfin 
ge  avait  été  traitée  par  les  trou-    on  l'ébranla  de    telle  sorte,  que 
pes  du  pape,  s'il  n'avait  été  aver-    sa   conduite   devint   suspect*-  «le 
ti   à   une  lieue   d'Avignon,  que    plus  en  plus  au  prince  de  Condé 
les   catholiques  s'étaient  rendus    et  à  l'Amiral.  La  conclusion  lut 
maîties  de  Grenoble.    Il  courut    qu'ils  s'assurèrent  de  sa  personne 
tout  aussitôt  de  ce  côté-là,  et    (G),  à  Romans ,  le  10  de  janvier 
.__,      _.  ,       ,.      ,.     Tl  i563  (f).  Il  ne  sortit  de  prison 

(c/)Beze,  Hist.  occles. ,  Iw.  Xlypag.  221.  v''   '  x 

Le  28  avril  i562.  /;  Varilljs  ,  Histoire  de  Cliarles  IX. 


23o                                   BEAU  MO  NT. 

que  par  le  traité  de  paix  qui  fut  (À).  Il  se  signala  partout.  Il  obtint 
conclu  la  même  année;  et  depuis  en  1 53?.  ,  le  guidon  de  la  corn— 
il  rentra  dans  sa  première  reli—  pagnie  du  seigneur  Dupuy  Saint- 
gion ,  et  porta  les  armes  contre  Martin  ,  lieutenant  au  gouver- 
] 'autre  ,  mais  sans  aucun  succès  ,  nement  de  Provence  (l).  Il  eut 
ni  aucune  gloire  (H)  ;  de  quoi  il  quelques  démêlés  avec  George 
n'est  pas  le  seul  qui  ait  donné  d'Urre  de  Venterol ,  à  qui  cette 
de  fort  mauvaises  raisons  (g).  On  compagnie  fut  donnée  l,an\53,j, 
ne  reconnaissait  plus  ce  général,  et  qui  l'empêcha  d'obtenir  la 
dont  la  vigilance  ,  la  prompti—  Iieutenance  {m).  Cela  lui  déplut 
tude  ,  l'intrépidité ,  et  fa  présen-  de  telle  manière  qu'il  protesta 
ce  d'esprit  avaient  été  admirées  de  ne  plus  servir  ,  et  se  retira 
comme  des  prodiges,  pendant  en  Dauphiné  auprès  de  son  père. 
qu'il  avait  servi  la  cause.  Toutes  Quelque  temps  après,  il  fut  trou- 
ces  grandes  qualités  ,  et  les  vie—  ver  à  Turin  son  oncle  Boutières 
toires  qu'il  remporta  sur  le  pa-  (n) ,  général  de  l'armée  de  Pie— 
pisme ,  n'empêchent  pas  les  pro-  mont ,  qui  lui  laissa  la  conduite 
testans  de  le  regarder  comme  un  de  quelques  légionnaires  de  celte 
Goliath  qui  déshonora  les  balail-  province  ,  qui  faisaient  une  par- 
les rangées  d'Israël  par  sa  con-  tic  de  la  garnison  de  la  ville. 
duite  barbare  (I).  Il  mourut  sans  II  demeura  dans  cet  emploi 'jus- 
honneur  ,  et  dans  une  honteuse  ques  à  la  disgrâce  de  Boutières, 
vieillesse  ,  également  méprisé  qui  arriva  en  1 544  •>  ei  Çui  obli- 
des  uns  et  des  autres  (h) ,  bien  gea  l'oncle  et  le  neveu  de  se  reti- 
différent  de  ce  baron  Des-Adrets,  rer  en  Dauphiné  (o).  Une  longue 
Quantum  mutatus  ab  Mo  !  qui  maladie  empêcha  notre  baron 
s'était  fait  craindre  jusque  dans  plus  de  trois  ans  de  porter  les 
Pvome(i);  car  on  y  eut  peur  qu'il  armes.  Il  eut  une  compagnie  de 
n'équipât  une  flotte ,  pour  aller  cavalerie  sous  le  maréchal  de 
rendre  visite  au  pape.  Nous  par-  Brissac,  lieutenant  général  pour 
Ions  de  ses  enfans  dans  l'une  de  le  roi  en  Italie  (p) ,  et  il  fut  en- 
nos  remarques  (K).  suite  colonel  général  des  légion- 
Voici  un  Supplément,  que  je  naires  de  Dauphiné  (q).  Il  reçut 
tire  d'un  ouvrage  que  je  n'ai  lu  trois  blessures  au  siège  du*  "Vul— 
que  depuis  que  le  premier  tome  pian  ,  en  i555.  On  lui  donna  la 
de  ce  Dictionnaire  fut  achevé  charge  de  colonel  des  légionnaires 
d'imprimer. Le  baron  Des-Adrets,  de  Provence ,  Lyonnais  et  Auver- 
n'ayant  encore  que  quinze  ans,  gne ,  et  il  les  mena  au  duc  de 
fut  l'un  des  deux  cents  gentils-  Guise  à  Turin  ,  avec  ceux  du 
hommes  dauphinois  qui  se  trou-  Dauphiné ,  l'an  i55^  (r).  Il  per— 
vèrent    à     l'armée    qu'Odet    de 

T    •              „    -                     j         t  M  Allard,  Vie  du  baron  Des-Adrets,  pag. 

roix   ,    seigneur    de    Lautrec  ,3^4 

commandait  en  Italie  l'an  1527  {l)Là  même,  pa?.  ?■ 

[m)  Là  même,  pag.  9. 

(n)  Frère  de  la  mère  de  Des-Adrets. 

[g)   Voyez  la  remarque  (II).  (o)  A,iard    Vie  de  Des-Adrets,  pag.  10. 

(h)  Maimb. ,  Calvinisme,  pag.  2;5.  Voyez  (p)  Là  même  ,  pag.  12. 

la  remarque  (K).  r/    /,,;  même,  pag.  14. 

1;  Brantôme  ,  l'éloge  de  Monluc.  r    Là  même,  pag.   16. 


BEAU  MON  î.  23  i 

dit  son  bagage  et  sa  liberté  ,  fatigues ,  accablé  par  la  vieil- 
li, la  prise  de  Moncalve  ,  l'an  lesse ,  et  extrêmement  dégoûté 
i558  (.s)  ;  et  il  accusa  de  la  perte  du  monde ,  il  se  retira  encore  à 
de  cette  ville  Pequigni,  qui  en  la  Fretle ,  où  il  vécut  un  an  avec 
était  gouverneur.  Il  le  cita  de-  des  marques  visibles  de  son  rê- 
vant le  roi ,  et  perdit  sa  cause  tour  au  giron  de  V Église.  Il 
(L).  Le  ressentiment  qu'il  en  mourut  donc  véritablement  ca- 
conçut  contre  la  maison  de  Guise  tholique ,  après  avoir  fait  son 
fut  ménagé  par  Catherine  de  testament ,  le  2  de  février  i586 , 
Médicis  (t)  ,  et  eutles  suites  qu'on  et  fut  enterré  dans  une  chapelle 
a  vues  ci-dessus.  L'auteur  que  de  l église  paroissiale ,  qui  ap- 
jecite  en  donne  un  très-grand  parlenait  à  sa  maison  (ce).  On 
détail ,  comme  aussi  des  actions  ne  sera  pas  fâché  de  voir  les  ti- 
qui  furent  faites  par  ce  baron  très  qu'il  se  donnait  pendant 
depuis  son  retour  au  parti  du  qu'il  fut  à  la  tête  des  proteslans 
roi.  11  les  représente  plus  con*-'  de  sa  province  (0),  ni  de  savoir 
sidérables  que  d'autres  historiens  que  son  visage  marquait  la  féro- 
ne  les  font;  mais  il  avoue  que  ce  cité  de  son  humeur  (P). 
brave  capitaine  fut  suspect  d'in-  ,    .  ...    ,,,....     ., 

.    !«■             x                                         t.  (ce)    Allard  .  Vio  de  1  ><";-  Adrpts,   uag.  qo. 

telligence  avec  le  parti   hugue- 
not ,    qu'on    le    mit  en    prison  ,  (A)  Il  s'empara   a  Lyon  de  toute 
qu'il  se  justifia  (M) ,  et  qu'il  re-  ^orité.}  Quelque  peine  que  M.  Va- 
t        i       j     i                 h    i  rillas  se  soit  donnée  pour  suivre  à  la 
çut  ordre  de  lever  mille  hommes  piste  loutes  les   dJiirches  J"^ 

d  înlanterie  ,    quil    conduisit  a  Adrets  ,  il  a  pris  le  change  sur  le  gou- 

Turin  («).  Il   y  était  pendant  le  vernementde  Lyon.  Il  a  toujours  bâti 

massacre  de  la  Saint-Barthélemi.  s,,r  ce  fondement  ,  qu'aussitôt  que 

Ti          -»i-      t«4.           r\        i  •     '  cette  ville  se  tut  déclarée  pour  les  ré- 

Il  revint   bientôt    enDauphine;  formés ,  le  prince  de  Coudé  y  envoya 

et    voyant    le   peu    d'état    qu  on  M.  de  Soubise  pour  gouverneur  (i)  : 

faisait  de  lui  ,  il  se  retira  à  la  car  quand  il  parle  des   premiers  mé- 

Frette  (x) ,  dans  le    Graisivodan  contentemens  de  Des-  Adrets ,  il  dit 

,       \     -i\        C           i                      i        c  'I'1  d*  vinrent  de  la  nouvelle  que  Sou- 

[y  )    Il  refusa  de  signer  les  for-  &$c  ctaU  ,.,,„„.,.  dam  Lyon  ^   Cda 

mulaires  de  ligue,  1  au  1O77  (z).  suppose  qu'apre.s  y  avoir  commandé 

11  fut  saluer  le  duc  de  Mayenne  '">  certain  temps  ,  il  quitta  ce  poste  , 

à  Grenoble,  l'an  i5Si    (ad,  ,    et  rt  q«e  Des-Adrets  lui  succéda    mais 

,    p.                .1                        ■  que  Soubise  y  lut   renvoyé  à  lexclu- 

y  lit  un   acte  de    son    ancienne  s'ioil  de  son  sJuccesse(ir.  (jct  historien 

bravoure  (N).    Il  accompagna  la  s'est  abusé  :  le  premier  qui  commanda 

\  alette  ,  qui  fut  envové  en  Dau-  llans  'a  v>Ue  ('e  Lyon  ,  depuis  qu'elle 

phiné  contre  Lesdiguières  ,   l'an  ,e,f,lt  denc,arAe'^  ^^JV*'??'  ' '-'  !'" 

fQK///\     rr    r        1         1                ,  lebaron  Des-Adrets  (3).  Soubise  n  v  ffil 

l  oVb  (bb).  &njin  ,  las  de  tant  de    renvoyé  que  lorsqu'on  jugea  qu'il  etail 

plus  propre  à  cette  cliargc  que  le  ba- 

(*)  Là  même,  pag.  19.  10  n  ;  et  il  n'en  sortit  qu'après  la  paix. 

(t)  Làmême,pag.  25  ,  26,  ok  Al.  Allard  AI.  Varillas  aurait   lui-même  reconn a 

produit  la  lettre  de  cette  reine,  cette  gradation  ,  s'il  eût  bien  pesé  ses 

(11)  Là  même  ,  pag.  81. 

x)   C'était  L'une  de  ses  maisons.  (1)  Vai-Hhj,  Histoire  de  Charles  IX,  loin.  1, 

(y)  Allard,  Vie  de  Des-Adrels  ,  pag-.  81.  PaS-  «83. 

(z)  Là  même,  pag.  8^.  M  Ta  même,  Fn5-  2i3. 

(aa    Là  même,  pag.  87.  v.^  *&"  <r;V'biSné  , 'om. J  ,  P»g-  .»<>3,  ,t 

bcie,  llist.  ecclesiast.  ,   h*.   XI  .  pag 


\bb    Là  même  .  pag.  8q. 


«Mil- 


2  3a 


BEAUMONT, 


propres  paroles.  Voici  ce   qu'il   dit  : 

Des  -  Adrets s' approchant    de 

Lyon ,  sous  prétexte  de  mener  un 
prompt  secours  aux  calvinistes  de 
cette  grande  ville  qui  s'en  étaient  heu- 
reusement saisis  ,  les  cajola  si  bien  , 
qu'il  leur  persuada  de  lui  obéir,  et 
d'écrire  au  prince  de  Condé  qu'ils  se- 
raient ravis  de  l'avoir  pour  gouverneur 
(4).  Au  reste  ,  M.  Maimbourg  (5)  et 
son  copiste  (6)  se  trompent  lors- 
qu'ils disent  que  Des-Adrets  s'em- 
para de  Vienne  et  de  Grenoble  ,  avant 
que  de  s'emparer  de  Lyon.  11  est  cer- 
tain que  la  première  chose  qu'il  fit , 
après  s'être  rendu  maître  de  Valence  , 
fut  de  courir  à  Lyon  ,  dont  il  sut  que 
les  protestans  s'étaient  saisis  trois 
jours  après  la  sédition  de  Valence  (7). 
M.  Allard  n'a  point  connu  ce  fait-là  : 
il  met  le  voyage  de  Lyon  après  la 
conquête  de  Vienne,  qui  fut  selon  lui 
poste'rieure  à  la  réduction  de  Greno- 
ble (8). 

(B)  Il  fut  très-farouche  dans  divers 
lieux  qu'il  prit  de  vive  force.']  Par 
exemple  ,  il  traita  fort  cruellement 
la  garnison  de  Montbrisson  *  ,  qui 
s'était  rendue  à  discrétion.  On  eut 
beau  lui  représenter  les  lois  de  l'hu- 
manité ,  il  voulut  se  divertir  à  voir 
précipiter  ces  misérables  soldats.  On 
les  monta  sur  la  plate-forme  au-dessus 
de  la  tour  :  on  jeta  du  haut  en  bas 
ceux  qui  n'eurent  pas  la  résolution  de 
se  précipiter  eux-mêmes;  et  l'on  ne 
pardonna  pas  même  à  leur  chef  (9). 
Il  n'y  eut  qu'un  soldat  à  qui  l'on  sauva 
la  vie.  Il  prit  deux  fois  la  secousse 
d'un  bout  delà  plate-forme  à  l'autre, 
comme  s'il  eût  eu  dessein  de  sauter 
plus  loin  ,  et  cependant  il  s'arrêta 
tout  court  sur  le  bord  du  précipice. 
Des-Adrets  lui  dit  d'un  ton  aigre  qu'il 
suffisait  d'avoir  deux  fois  sondé  le  gué  : 
le  soldat  lui  répondit  hardiment , 
Qu'il  le  lui  donnait  en  quatre.  Ce  mot 
adoucit  tellement  la  mauvaise  humeur 
du  baron  ,  qu'il  fit  quartier  au  gail- 

(4)Varillas,  Histoire  de  Charles  IX,  tom.  I , 
pag.  200. 

(5)  Histoire  du  Calvinisme  ,  pag.  2^3. 

(6)  Le  Supplément  de  Moréri. 

(7)  Bèze,  Hist.  ecclésiast.  ,  liv.  XI,  pag.  221, 
et  liv.  XII  ,  pag.  255  et  suiv. 

(8)  Allard,  Vie  de  Des-Adrets,  pag.  42  et  3g, 
cité  par  Maimbour.;  ,  Hist.  du  Calvinisme. 

*  31ontbrison,  dit  Lcclerc. 

(g)  C'i'ic.it  un  brave  nommé Moneehu. 


lard  qui  avait  osé  se  servir  de  ses 
quolibets  dans  une  extrémité  si  pres- 
sante (10).  Quelques-uns  disent,  que 
les  soldats  du  baron  ,  aussi  barbares 
que  leur  général,  recevaient  avec  des 
cris  et  des  huées  épouvantables  sur  la 
pointe  de  leurs  hallebardes  et  de  leurs 
piques  ceux  qui  tombaient  du  haut 
de  la  tour  (n).  Castelnau-Mauvissière 
raconte  ainsi  la  cruauté  qu'il  prétend 
que  Des-Adrets  exerça  en  un  autre  lieu 
(  1  a).  «  Environ  deux  cents  catholiques, 
»  dit-il  (i3),  qui  avaient  composé  de 
»  rendre  la  ville  ,  s'étaient  retirés  au 
»  château  ,  estimant  que  la  capitula- 
»  tion  leur  serait  tenue  de  sortir  la 
»  vie  et  les  bagages  sauves.  Néan- 
»  moins,  sans  avoir  égard  à  la  foi 
'  jurée  et  publique,  le  baron  Des- 
»  Adrets  les  fit  cruellement  préci- 
»  piter  du  haut  du  château  ,  disant 
»  que  c'était  pour  venger  la  cruauté 
»  faite  à  Orange.  Aucuns  de  ceux 
»  qui  furent  précipités  et  jetés  par 
»  les  fenêtres  ,  où  il  y  a  infinies  toises 
»  de  haut,  se  voulant  prendre  aux 
»  grilles  ,  ledit  baron  Des  -  Adrets 
»  leur  fit  couper  les  doigts  avec  une 
»  très-grande  inhumanité.  11  y  eut 
J>  un  desdits  précipités  qui,  en  tom- 
»  bant  du  haut  en  bas  du  château 
»  qui  est  assis  sur  un  grand  rocher  r 
»  se  prit  à  une  branche  ,  et  ne  la 
»  voulut  jamais  abandonner  :  quoi 
»  voyant  ,  lui  furent  tirés  infinis 
»  coups  d'arquebuse  et  de  pierre  sur 
»  la  tête  ,  sans  qu'il  fût  possible 
«  de  le  toucher.  De  quoi  ledit  baron 
»  étant  émerveillé  lui  sauva  la  vie  , 
»  et  réchappa  comme  par  miracle. 
»  J'ai  été  voir  le  lieu  depuis  avec  la 
)>  reine -mère  du  roi  étant  en  Dau- 
»  phiné  :  celui  qui  fut  sauvé  vivait 
»  encore  là  auprès.»  D'Aubigné  attri- 
bue la  prise  de  Mornac  *  à  Mont- 
brun ,  lieutenant  de  Des-Adrets,  et 
remarque  que  Montbrun  essaya  en 
vain  de  modérer  le  carnage  :  qu'un 
de  ceux  qu'on  fit  sauter  demeura 
pendu  en  quelques  branches  ,  et  que 
comme  on  lui  eut  tiré  quelques  arque- 
busades  sans  le  blesser  ,  Montbrun  le 

(10)  Voyei  Varillas,   Charles   IX,   tom.   I , 
pag.  212. 

(11)  Allard  ,   Vie   de  Des-Adrets  ,    cité  par 
Maimbourg,  Hist.  du  Calvinisme. 

(12)  A  Mornac,  dans  le  comte'  Venaissin. 
(i3)  Castelnau,  Mémoir.  ,  Uy.  IV ,  chap.  II. 
*  Jlornas,  dit  Leflerc. 


BEAUMONT. 


23  ; 


seiuvaet  en  tira  service  (i4)-  H  tlit  aussi  d'autre  ;  et  Orange  fut  estimée  le  Jon- 
que ceux  d'Orange  mirent  plusieurs  clément  de  celles  qui  se  faisaient  au. 
corps  sur  des  bois  et  les  firent  dériver  Dauphiné  de  sang-foid  par  les  hu~ 
par  le  Rkosne  en  Avignon ,  avec  de  guenots.  N'oublions  pas  la  réponse 
grands  écriteaux  sur  leurs  estomachs  que  fit  le  baron  à  ses  ofliciers  ,  lors- 
qui  disaient ,  péagers  d'Avignon  ,  lais-  qu'ils  lui  représentèrent  l'injustice 
sez  passer  ces  bourreaux  ;  car  ils  ont  qu'il  allait  commettre  ,  et  les  maux 
payé   le    tribut   à  Mornac.    Tous  ces  qu'elle  pourrait  attirer  sur  leur  parti. 


faits  sont  empruntés  de  l'Histoire 
ecclésiastique  de  Théodore  de  Bèziî 
(i5) ,  qui  montre  fort  clairement  que 
Des-Adrets  ne  fut  point  l'auteur  de 
ce  qui  se  lit  dans  Mornac.  Il  faut  donc 
que  le  Supplémeut  de  Aloréri  soit  cor- 
rigé   là-dessus  ,    non    moins   que    les 


«  11  repartit  avec  un  visage  dont  la 
»  laideur  naturelle  était  beaucoup 
»  augmentée  par  la  fureur,  et  qui 
»  par  conséquent  tenait  plus  de  la 
»  furie  que  de  l'homme  ,  que  le  cbâ- 
»  liment  dont  il  allait  user  était  né- 
»  cessaire  pour  arrêter  la  cruauté  des 


Mémoires  de  Castelnau  ,  et  le  Calvi-  »  catboliques  ;  et  que,  pour  les  ré- 
nisme  de  Maimbour.».  »  duire  aux  lois  de  la  bonne  guerre 
(C)  Il  usa  de  cruelles  représailles. ]  »  qu'ils  avaient  les  premiers  violées  à 
11  faut  ici  relever  une  fausseté  insigne  »  la  prise  d'Orange  ,  il  leur  fallait  au- 
du  sieurMaimbourg.  Après  avoir  rap-  »  paravant  montrer  que  les  calvinis- 
porté  les  barbaries  de  Des-Adrets,  il  »  tes  savaient  faire  la  mauvaise  guerre 
ajoute  ces  paroles:  A  la  vérité ,  il  y  »  aussi- bien  qu'eux  (i  8).»  M.  Varil- 
eut  des  catholiques  qui  ,  justement  ir-  las,  qui  traite  ces  deux  excuses  de 
rites  de  tant  d'horribles  crimes,  abu-  ridicules  ,  n'avait  garde  de  le  réfuter 
sèrent  injuslementdudroitde  représail-  sur  ces  paroles  ,  qu'ils  avaient  les 
les,  et  les  traitèrent  a  peu  près  de  même  premiers  violées  a  la  prise  d' Orange , 
de  leur  autorité  particulière  ;  mais  peu  puisqu'il  avait  déjà  observé  comme 
périrentde  lasorle  (16).  Il  supposedonc  de  son  chef ,  que  le  baron  apprit  les 
que  Des-Adrets  commença  à  user  de  cruautés  exercées  dans  Orange  ,  avec 
ces  barbaries,  et  que  les  catholiques  ne  les  transports  intérieurs  de  joie  dont 
s'en  servirent  qu'à  son  exemple ,  et  est  capable  une  âme  sanguinaire , 
par  droit  de  représailles.  Mais  c'est  lorsqu'un  accident  imprévu  la  met  en 
ou  une  ignorance  crasse ,  ou  une  mau-  état  de  commettre  toutes  sortes  d'excès, 
vaise  foi  prodigieuse  ;  caries  histo-  sans  qu'on  lui  puisse  reprocher  d'avoir 
riens  les  moins  suspects  de  partialité  commencé  (19).  Je  renvoie  mon  lec- 
pour  ceux  de  la  religion  avouent  in-  teur  aux  réponses  que  lit  Des-Adrets 
génument  que  les  cruautés  exercées  à  à  d'Aubigné,  qui  lui  demanda  un  joui- 
Orange  précédèrent  celles  de  Des-  trois  clioses  :  1".  pourquoi  il  avoit 
Adrets.  Qu'on  lise  le  Cbarles  IX  de  usé  de  cruautés  mal  convenables  à  sa 
Varillas  (17)  ,  on  y  verra,  qu'avant  grande  valeur;  i°.  pourquoi  il  avait 
les  sauts  de  Mornac  et  de  Montbris-  quitté  un  pnrty  ,  auquel  il  estoit  tant 
son,  les  catboliques  avaient  exercé  créance  ;  3°.  et  puis  pourquoi  rien  ne 
dans  Orange  les  cruautés  les  plus  énor-  lui  avoit  succédé  dès  le  parly  quitté  , 


mes  ,  et  nommément  celle  de  préci- 
piter les  gens  du  haut  en  bas  des  ro- 
cbers  ,  ou  sur  des  piques  et  des  halle- 
bardes. Voyez  larticle  de  (  Fabrice  ) 
Serbellon,  où  je  rapporte  ces  étran- 
ges barbaries.  Castelnau,  que  j'ai  déjà 
cité  ,   se  sert  de  cette  mémorable  ré- 


quoiqu'il  sejust  employé  contre  (ao)  ? 
Il  répondit  au  premier  point  :  «  Que 
»  nul  ne  fait  cruauté  en  la  rendant  ; 
w  que  les  premières  s'appellent  cruau- 
>■>  lés,  les  secondes  justices.  Là-dessus, 
»  ayant  fait  un  discours  horrible  de 
»  plus  de  quatre    mille  meurtres  de 


flexion  :  A  la  vérité,  il  semblait  que  ,  »  sang-froid  ,  et  d'inventions  de  sup 
parun  jugementde  Dieu  ,  les  cruautés  »  plices  inouïs,  et  surtout  des  sau- 
jussent  réciproques  tant  dim  côté  que     »   teries   de    Milcon  ,    où    le    gouver- 

»  neur    despendoit    en    festins    pour 

(18)  Varillas,  Histoire  de  Cbailes  IX,  lom.  I, 


(14)  D'Aubigné,    Hist.   universelle  ,  lom.    I  , 
pag.  10-. 

(tS)Liv.  XII,  pag.  371. 

(16)  Maimhourg,  Hist.  du   Calvin.,  Uv.  IV, 
pag.  i~5  ,  édition  de  Hollande. 

(17)  Tom.  I ,  pag.  2o3  ,  30  j 


(i<))  Là  même  ,  pag.  2o4- 

(20)  D'Aubigné ,  lom.  I  ,  bV.  ///  ,  cftap.  IX  , 
pttg.  216,  e'dilion  de  1O2G. 


234 


BEAUMONT. 


•»  donner  ses  esbatternens  au  fruit , 
3>  pour  apprendre  jusqu'aux  enfans  et 
j>  aux  filles  à  voir  mourir  les  huguc- 
j)  nots  sans  pitié' ,  il  dit  qu'il  leur 
»  avoit  rendu  quelque  pareille  en 
»  beaucoup  moindre  quantité,  ayant 
3>  égard  au  passé  et  à  l'avenir  :  au 
i  passé ,  ne  pouvant  endurer  sans 
■>  une  grande  poltronnerie  le  deschi- 
>  rement  de  ses  fidèles  compagnons  ; 
•>  mais  pour  l'advenir  ,  il  y  a  deux 
»  raisons  que  nul  capitaine  ne  peut 
»  refuser:  l'une  ,  que  le  seul  moyen 
•»  de  faire  cesser  les  barbaries  des 
->  ennemis  est  de  leur  rendre  les  re- 
»  vanches  (21)  •  sur  quoi  il  conta  de 
»  trois  cents  cavaliers  renvoyés  il  y 
î)  avoit  quelque  temps  en  l'armée 
»  des  ennemis  sur  des  chariots  ,  ayant 
■»  chacun  un  pied  et  un  poing  coupés, 
3)  pour  faire,  comme  cela  fit,  changer 
3>  une  guerre  sans  merci  en  courtoi- 
3)  sie.»  Tout  le  reste  de  ses  réponses 
est  plein  de  bon  sens  et  de  sel  :  j'y 
renvoie  mon  lecteur ,  comme  je  l'ai 
déjà  dit,  me  contentant  d'observer 
ici ,  i°.  que  l'on  trouvera  ces  sau- 
teries de  Mdcon  dans  l'article  de 
cette  ville  ;  20.  que  notre  baron  se 
justifia  bien  plus  mollement  auprès 
du  duc  de  Nemours ,  qu'auprès  du 
sieur  d'Aubigné.  Voyez  la  remarque 
suivante. 

(D)  Le  duc  de  IVemours em- 
ploya des  artifices  pour  faire  chan- 
ger de  parti  a  ce  redoutable  chef  des 
prn/estans.]  Si  nous  en  croyons  M.  Va- 
rillas ,  le  duc  de  Nemours  prévint 
Des-Adrets  ,  en  lui  écrivant  une  let- 
tre, pour  le  prier  de  traiter  en  prison- 
niers de  guerre  deux  soldats  italiens 
tombés  entre  ses  mains  (22).  Mais,  se- 
lon Théodore  de  Bèze  ,  ce  fut  le  baron 
qui  écrivit  le  premier  au  duc ,  pour 
lui  demander  la  liberté  de  deux  sol- 
dats italiens  (23).  Il  n'y  a  point  de 
doute  que  M.  Varillas  ne  se  soit 
trompé  ;  car  la  lettre  de  Des-Adrets  , 
produite  selon  toute  sa  teneur  dans 
Théodore  de  Bèze ,  débute  par  la 
demande  de  la  liberté  de  ces  deux 
soldats   italiens.  M.  Varillas  est  tom- 

(21)  L'amiral  de  Coligni  s'était  servi  de  cette 
voie ,  pour  corriger  les  anglais.  Voyez  l'appli- 
cation qui  a  été  faite  de  cela  dans  les  Nouvelles 
Lettres  contre  le  Calvinisme  de  Maimbourg  , 
tom    /,  pag.  1S8,    196. 

(22)  Varillas,  Charles  IX,  tom.  /,  pag.  272. 
(a3)  Bèze  ,  Hjst.  ecclésiast. ,   tom.  III ,  pag. 

soi. 


bé  dans  une  autre  faute  :  il  ne 
donne  pas  fidèlement  le  précis  de 
cette  lettre.  11  prétend  que  le  baron 
imputa  les  sanglantes  exécutions  de 
Vaureas  ,  de  Boulenne  ,  et  de  Pier- 
relate ,  a  la  nécessité  d'obliger  les 
catholiques  a  faire  bonne  guerre  aux 
calvinistes  qu'ils  envoyaient  au  gibet 
aussitôt  qu'ils  les  prenaient ,  et  qu'il 
ajouta  ,  qu' après  avoir  obtenu  ce  point 
si  nécessaire  a  son  parti  ,  qu'au- 
paravant il  avait  peine  à  trouver  des 
soldats  ,  il  s'était  exactement  contenu 
dans  les  lois  de  l'art  militaire  qu'il 
avait  apprises  en  Piémont.  11  n'y  a 
rien  de  semblable  dans  la  lettre  de 
Des-Adrets  ,  si  ce  n'est  qu'il  avoue 
qu'à  Pierrelate  et  à  Boulenne ,  deux 
villes  qu'il  prit  d'assaut  ,  il  ne  put  à 
son  grand  regret  retenir  les  mains  des 
soldats  qu'ils  ne  prissent  leur  revan- 
che, sur  quatre  ou  cinq  cents  hommes 
qu'ils  y  trouvèrent.  Son  apologie  ne 
consiste  point  à  alléguer  quelque  juste 
et  nécessaire  motif  de  ses  cruautés . 
ni  à  dire  qu'étant  parvenu  au  but 
auquel  il  les  avait  destinées ,  il  les 
avait  interrompues  :  il  ne  fait  que 
nier;  et  cela,  comme  le  remarque 
Bèze  ,  en  un  style  Jort  doux  et  mou. 
Pour  le  moins,  M.  Varillas  a  dit  sans 
mensonge  ,  que  le  duc  de  Nemours  , 
ayant  compris  par  cette  lettre  que 
Des-Adrets  était  mécontent,  lui  fit 
proposer  une  conférence  qui  fut  ac- 
ceptée. 

(E)  On  le  prit  par  des  promesses  et 
par  des  menaces.]  On  lui  écrivit  fort 
honnêtement  (24)  ;  et  après  lui  avoir 
représenté  que  le  chemin  qu'il  tenait 
le  conduirait  infailliblement  à  une 
confiscation  de  corps  et  de  biens,  on 
le  tenta  par  la  promesse  du  collier  de 
l'ordre  ,  et  par  celle  d'une  compagnie 
de  cinquante  hommes  d'armes,  avec 
une  somme  de  cent  mille  francs  :  et 
s'il  aimait  mieux  demeurer  hors  du 
royaume  ,  on  s'engagea  à  lui  envoyer 
la  somme  décent  mille  écus.  Le  duc 
de  Nemours  employa  toutes  sortes  de 
promesses  et  de  flatteries  lorsqu'il 
s'aboucha  avec  Des-Adrets. 

(F) on  lui  fit   voir  qu'il  avait 

de  grands    ennemis  dans   jO/i  parli.\ 
Le    maréchal    de    Brissac    lui  com- 


(24)  Ce  fut  le  maréchal  de  Brissac  ,  qui  lui 
écrivit.  Théodore  de  Mèze  rapporte  sa  lettre , 
Histoire  ecclésias.  ,  tom.  III  ,  pag.   zyi. 


BEAU  MON  T.  235 

mimiqua  une  lettré  dé  l'amiral  ,  qu'il  de  la  détention  de  Des-Adrets.  Après 

avait    reçue   dé    la    manière   que    je  plusieurs  interrogatoires  et  réponses..., 

vais  duc!    Soubise    avait  fait    savoir  la  paix  estant  survenue ,  il  fut  relasché 

à  l'amiral  ses  mauvais   soupçons  tou-  et  renvoyé  en  sa  maison  sans  absolu- 

chatit    la  conduite  de  Des-Adrets  :  le  tion  ni  condamnation.  C'est  Bèze  qui 

soldat  qui  avait  été  porteur  de  sa  let-  parle  ^(27). 

Ire   fut  chargé  de  la  réponse;  mais        (H)*//  servit  dans  le  parti  catholi- 

au  lieu  de    la   porter  à  Soubise,  il  la  que,  sans  aucun  succès  ,    ni   aucune 

porta  au  maréchal  de  Brissac(25j.  Or  gloire.]  Voici   ce    qu'on  trouve  dans 

voici  ce  qu'elle  contenait  sur  le  cha-  le  même  historien.    Estant  tumbê  si 

pitre  de  ce  baron   :   Quant  à  ce  que  bas,  il  (28)  passa  encores  plus  avant 

me  mandez    du  baron  Des-Adrets,  depuis,  ayant  porté' les  armes  contre 

chacun  le  cognoist  pour  tel  qu'il  est  ;  ceux  de   la  religion ,  tant  au  pais  de 

mais  ,  puisqu'il  a  si  bien  servi  jusque  s  Dauphiné ,  qu'en   France  ,  estant  co- 

ici  en   cette  cause,   il  est  force   d'en-  lonnel  d'un  régiment  de  gens  de  pied; 

durer  un   peu  de  ses   insolences  :  car  en  quoi  toutes  fois  il  ne  gagna  autre 

il  y  uumit  danger  en  lieu  d'insolent  chose  que   dommage  et   honte,  avec 

de  le  faire  devenir  insensé  :  par  quoi ,  telle  perte  de  sa  réputation  ,  qu'il  n'a 

je  suis  d'avis  que  vous  mettiez  peine  onques  depuis  été  employé,  demeurant 

de  l  entretenir  ,  et  d'en  endurer  le  plus  en   sa    maison  spectateur  des   misères 

que  faire  se  pourra.  d' autrui  (2g).  D'Aubigné  raconteqifon 

(G)    On   s'assura    de  sa  personne.]  le   délit  ,  quand  l'armée  du   duc  de 

Il  est  bon  d'entendre  les  Mémoires  de  Deux-Ponts  entra    en    France   ,    l'an 

Castelnau.  «  Le  duc  de  Nemours,  con-  i56ç)(3o).  11  dit  ailleurs  (3i)  ,   qu'à 

»  noissant  Des-Adrets  pour  capitai-  Lyon  ,  au  retour  du  roi  dé    Pologne  , 

»  ne  ,  et  qui  avoit  beaucoup  de  crédit  un    huissier   refusa   la    porte    à   Des- 

»  et  de  réputation  ,  pensa  que  c'étoit  Adrets;  et  ce  fut  en  cette  occasion  qu  il 

»  le   plus   seur  et    expédient  pour  le  lui  demanda  les  trois  choses  dont  j'ai 

»  service  du  roi  de  le  gagner,  que  de  parlé  ci-dessus  (3a)  :  il  voulut ,  dis  je, 

»  le  combattre  par  force  :  ce  qu'il  fit  savoir  pourquoi  ce  baron  avait  si  mal 

»  si  dextrement  avec  belles  promesses  réussi  dans    les   aimées  catholiques  : 

»  et  douces  paroles,  comme   c'étoit  Mon  enfant,  lui  répondit-il  avec  un 

»  un   prince    fort  persuasif,    et  qui  soupir  ,  rien  n'est  trop  chaut  pour  un 

»  a    toujours   su    attirer  les    hommes  capitaine  qui  n'a  pas   plus  d'intérêt  a 

»  par  son  gentil  naturel ,   que  depuis  la  victoire  que  son  soldat:  avec  les  hu- 

»  les  huguenots  n'ont  eu  en  ce  pays-  guettais  ,  j'avais  des  soldats  ;  depuis 

»  là    nu   plus  grand    ennemi   que.  ce  je  "  "'  eu  que  des  marchands,  qui  ne 

baron,    qui   commença   dés  lors  à  pensent  qu'ai' argent: les  autres  étaient 

»  pratiquer    contre   les    Huguenots;  serres  de  crainte  sans  peur  ,  soudoyés 

»  lesquels,   comme   fort   vigilans    en  de    vengeance,    de  pas.'ion  et  d'hon 

)>  leurs  affaires,    en   furent    avertis,  neur.   Je  ne  pouvais  fournir  de  rênes 

»  aussi  ont-ils  toujours  eu  des  espions  pour  les  premiers  ,  ces  derniers  ont  usé 

»  partout.   Qui    fat   cause  (pie    Mou-  "tes    éperons  (33)     Franchement  ces 

»  vans  ,   étant  le    baron    Des-Adrels  raisons-là  sont  bien  faibles  ;  et  il  suf- 

>  allé  en   la  ville  de  Valence,  le  prit  lirait,  pour   les    réfuter    invinciblc- 

"  prisonnier  par   l'avis  du   cardinal  ment  ,  de  renvoyer   les  lecteurs  à  ce 

•    de  Ghastillon,  et  du  sieur  deCursol  grand  nombre  de  combats  généraux 

»  depuis  fait  duc  d'Usez ,  l'envoya  à  et  particuliers  ,  où    les  troupes   pro- 

j>  Nîmes,  où  il  fut  en  bien  grand  testantes  ont  été  battues.  Quoi  donc  , 
»  danger ,  et  à  peine  en  fust-il  échap- 
»  pé  ,  sinon  par  le  moyen  de  la  paix 
»  en  vertu  de  laquelle  il  fut  élar- 
»  gi(a6).)>  Voyez  le  XIIe.  livre  de 
l'Histoire  ecclésiastique  de  Théodore 
ne  Bèze  ,  où  il  est  amplement  parlé 


^5)  Péze,    Histoire    ecclésiast.,    loin.     III , 
pag.  291. 

(26)    Casîelnau,  Mémoires,    liv.    If,  chap. 


(t)  Bèze,  Hist.  ecdeViast. ,    h.-.    XII,  pag. 

(2s;  C'est-à-dire  ,  le  baron  Des-Adrets. 
l'a  même,  liv.  XII ,  pag.  2o-. 

(io)  D'Aubigné,  loin.  I ,  pag.  4<>3. 

(Si)  Là  même  ,  pag-  a  i  5. 

('il)  Dans  la  remarque  (C),  citation  ,?n).  Re- 
marquez que  tout  ceci ,  depuis  Estant ,  se  trou- 
voit  dans  la  remarque  (K,  de  la  première  édi- 
tion. 

(33)  D'Aubigné,  lom.  I.  pag. 


•36 


BEAUMONT. 


les  soldats  papistes  n'étaient  -  ils  pas 
soudoyés  de  vengeance  et  de  passion  ? 
Wavaient-ils  pas  les  oreilles  perpé- 
tuellement  battues  des  exhortations 
de  leurs  prêtres  qui  leur  recomman- 
daient la  vengeance  des  églises  pillées 
et  profanées  ?  Y  a  -  t  -  il  rien  au  mon- 
de qui  inspire  plus  de  fureur  que 
ces  discours -là?  Que  dirons  -  nous 
des  arrêts  qui  permettaient  à  toutes 
sortes  de  personnes  ,  et  qui  ordonnaient 
même  a  toutes  les  communes  ,  de  cou- 
rir sus  au.  son  du  tocsin  aux  hugue- 
nots ,  de  les  poursuivre  vivement  par- 
tout ,  et  de  les  tuer  sans  miséricorde 
comme  autant  de  bêtes  féroces  ,  de 
chiens  et  de  loups  enragés  ,  qui  déso- 
laient tout  le  royaume  ■  de  sorte  que 
l'on  ne  voyait  en  toutes  les  provinces 
par  les  crimes  des  uns  et  par  la  ven- 
geance des  autres  ,  que  ruines  ,  que 
cendres  ,  que  sang  et  que  carnage ,  et 
mille  affreuses  images  de  la  mort  (34)? 
Les  soldats  catholiques  pouvaient-ils 
être  parmi  tout  cela  exempts  de  pas- 
sion et  de  vengeance  ?  Fallait-il  user 
plus  d'éperons  à  leur  égard  ,  que  de 
rênes  pour  les  huguenots  ?  Beaux  con- 
tes que  tout  cela  :  les  Monlucs  et  les 
Tavanes  ,  et  plusieurs  antres  chefs  du 
même  parti ,  font  voir  que  le  baron 
Des-Adrets  ne  s'en  devait  prendre  qu'à 
lui-même.  Dans  le  fond  ,  il  faisait  plus 
de  tort  qu'il  ne  croyait  aux  protestans  , 
et  l'on  a  bien  su  se  prévaloir  de  la  dis- 
position qu'il  leur  avait  attribuée  , 
d'avoir  été  soudoyés  de  passion  et  de 
•vengeance  (35).  Mais  voici  une  raison 
encore  plus  fausse  que  celle  qu'il  donna 
à  d'Aubigné.  «  Jamais  homme  ne  s'ac- 
'  »  quit  tant  de  réputation  en  si  peu  de 
»  temps  ,  et  jamais  grand  capitaine 
j)  n'en  déchut  plus  tôt  ;  car  le  duc  de 
3)  Nemours  ,  qu'on  envoya  contre  lui , 


»  que  tout  est  permis  dans  la  révolte, 
«  et  qu'un  chef  s'y  fait  connaître  tel 
»  qu'il  est  ;    au  lieu  que  dans  le  ser - 
»  vice  de  son  prince  ,  il  doit  paraître 
»  tel  qu'il  doit  être,  et  qu'il  est  plus 
»  sujet   à  la  discipline   militaire.  Ea 
»  effet,  le  baron  Des-Adrets  était  aussi 
»  furieux  que  vaillant  :  il  se  signala 
»  plus  par  la  terreur  de  ses  armes  que 
»  par  la  réputation  de  sa  conduite  ; 
»  et  il  ne  fit  plus  de  bruit  que  les  au- 
»  très  de  sa  qualité ,  que  parce  qu'il 
J)  fut  plus   cruel  et  plus   redoutable. 
3)  on   ne  lui  aurait  pas  souffert  dans 
«  l'armée  du  roi  les  mêmes  emporte- 
»  mens  ;    et  le   droit   de   représailles 
»  était    si    ponctuellement    observé  , 
»  qu'on  fut  obligé  de  part  et  d'autre 
3»  de  garder  la  foi  et  de  faire  bonne 
3)  guerre  (3fi).  »  Quelque  intérêt  que 
j'aie  à   trouver  des  fautes  dans  les  au- 
teurs ,  puisque  ce  sont  autant  de  ma- 
tériaux de  mon  ouvrage  ,  j'ai  un  véri- 
table   chagrin     qu'un     homme    aussi 
éclairé  que  M.    le  Laboureur  ait  été 
capable  de  publier  un  si  mauvais  rai- 
sonnement.  Demandez  -  lui  pourquoi 
Des-Adrets  a  été  un   grand  capitaine 
pendant  son  protestantisme  ,   et    un 
très-misérable  officier  pendant  son  ca- 
tholicisme ,  il    vous  répondra   :  C'est 
parce  que  dans  la  révolte  on  fait  tout 
ce  que  l'on  peut  ,    et  dans  une  guerre 
légitime  tout  ce  que  l'on  doit.  Jamais 
maxime   ne  fut  plus  fausse  ,  ni  plus 
mal  appliquée  que  celle-là  ;   puisqu'il 
est  certain  que  dans  une  guerre  civile 
le  parti  du  roi  agit  avec  plus  de  hau- 
teur   et   avec  plus   de  confiance    que 
l'autre  :  carie  parti  rebelle  se  voyant 
assez  odieux  ,  et  assez  chargé  d'envie  , 
n'a   garde   de  commencer   les  infrac- 
tions de  la    discipline  militaire  ,  les 
violemens  d'une  capitulation ,  les  mas- 


)>  et  qui  ne  le  pouvait  défaire  à  force  sacres  de  sang-froid  contre  la  parole 
3>  ouverte  ,  ne  l'eut  pas.  sitôt  prati-  donnée  ,  etc.  C'est  le  parti  du  prince 
3>  que  ,  qu'on    ne  parla   {.lus  de  lui    qui  se  donne  en  cela  plus  de  licence  , 


3>  que  comme  du  plus  faible  et  du 
3>  plus  malheureux  officier  du  parti 
3>  royal  et  catholique.  Ce  n'est  pas 
3)  qu'il  ne  fût  toujours  le  même  en 
3)  valeur    et    en    expérience   ,     mais 


prétendant  n'avoir  à  faire  qu'à  des 
gens  convaincus  de  félonie  ,  et  con- 
damnés actuellement  au  dernier  sup- 
plice i  il  n'entre  presque  jamais  dans 
la  bonne  guerre  ,  que  lorsque  l'autre 


3>    c'est    qu'il  y   a  beaucoup    de   dif-  parti  s'est  Lassé  de  ne  point  user  de  re- 

3)  férence  entre  la  manière  de  faire  la  présailles.  C'est  du  moins  ainsi  que  la 

3)  guerre  pour  ou  contre  son  roi  :  c'est  chose  se  passa  dans  les  guerres  de  re- 
ligion sous  Charles  IX  ;  et  par  consé- 

(34)  Maimbourg  ,   Calvinisme,   pag.  296. 

(35)  forez  M.  de  Meaux,  Hist.  des  Variations,  (36)  Le  Lalionreur,  Addit.  à  Castelnau  ,  <e/n» 
liv.  X ,  mim.  3g.  /,  P"S-  -$■ 


BEAUMONT. 


((lient  ,  la  maxime  a  été  très -mal  ap- 
pliquée. Outre  cela  ,  j'admire  que  m. 
le  Laboureur  n'ait  pas  pris  garde  au 
passage  de  Brantôme  ,  qu'il  a  cite  peu 
après.  Ce  passage  est  un  parallèle  en- 
tre notre  baron  et  Mopluc  •  où  ,  quoi- 
que Brantôme  fasse  celui-ci  un  peu 
moins  cruel  que  l'autre  ,  il  ne  laisse 
pas  de  dire  qu'on  les  comparait  en 
tout  :  Tous  deux  ,  dit-il  ,  très-braves 
et  vaillans  ,  tous  deux  fort  bizarres  , 
tous  deux  fort  cruels  ,  tous  deux  com- 
pagnons de  Piémont  ,  et  tous  deux 
fort  bons  capitaines.  Selon  la  maxime 
de  M.  le  Laboureur  ,  Des-Adrets  n'au- 
rait jamais  acquis  la  réputation  de 
grand  capitaine  ,  s'il  avait  toujours 
servi  son  prince  :  pourquoi  donc  Mon- 
luc  l'a-t-il  acquise  cette  réputation-là  ; 
ou  pourquoi  i'a-t-il  conservée  et  par- 
faitement bien  soutenue  ,  lors  même 
que,  selon  M.  le  Laboureur ,  la  bonne 
guerreet  le  droit  de  repi'ésailles  étaient 
ponctuellement  observés  ?  Pourquoi 
alors  Des-Adrets  perdit-il  toute  sa 
gloire  ,  puisque  celle  de  Monluc  ne 
.s'affaiblit  point  ? 

(I)  Les  protestons  désapprouvèrent. .. 
sa  conduite  barbare.  ]  Outre  ce  qui  a 
été  déjà  dit  sur  ce  sujet  (3^),  je  remar- 
querai ici  qu'on  disait  qu'il  apprenait 
a  ses  en  fans  à  être  cruels  ,  et  à  se  bai- 
gner dans  le  sang.  L'aine  ,  qui  depuis 
fut  catholique  ,  ne  s'épargna  pas  à  la 
Saint  -  Barthelemi  (38).  11  mourut  au 
sage  de  la  Rochelle  ,  en  contrition  du 
grand  sang  qu'il  avait  répandu.  Les 
protestans  se  soucieront,  fort  peu  que 
cet  ouï-dire  de  Brantôme  soit  vrai  on 
faux  ;  car  ils  ont  été  les  premiers  à 
condamner  l'humeur  cruelle  de  ce  ba- 
ron (3g).  Mais  tout  le  monde  a  inté- 
rêt à  ne  pas  souffrir  la  licence  de  celui 
qui  a  donné  le  Supplément  de  Moréri  : 
Des-Adrets  ,  dit-il  ,  après  un  grand 
carnage  ,  obligea  ses  deux  fils  h  se 
baigner  dans  le  sang  des  catholiques. 
Le  père  M.iiinbourg  lui  avait  fourni 
cette  glose(4°)-  Disons-leur  donc  à 
tous  deux  ,  qu'ils  ne  devaient  pas  s'é- 
manciper à  ces  sortes  de  paraphrases. 
Leur  témoin  sur  un  oui-dire  ne  s'était 
servi  que  du  mot  de  sang.  De  quel 
droit  ont-ils  prétendu  qu'il  avait  parié 

(3-)  Dans  la  remarque  (B). 
(38)  Brantôme,  Eloge  de  31onluc. 
(39;  /"urri  Bèie,  Hist.   ecclésiasi. ,   liv.  XI  , 
pa%.  221. 

(40)  llist-  du  Calvinisme,  pas;.  274. 


237 


du  sang  humain  ?  Kst-ce  que  les  bou- 
chers ne  contractent  pas  une  habitude 
de  cruauté  par  l'effusion  du  sang  des 
bêtes  ?  Un  homme  qui  cite  se  doit  faire 
une  religion  de  s'en  tenir  aux  termes 
de  son  témoin  ,  et  de  ne  pas  commettre 
le  sophisme,  à  dicta  simpliciter  ad  dic- 
tant secundùm  quid.  Qu'il  conjecture  , 
s'il  veut  ;  mais  il  ne  doit  pas  narrer  ses 
conjectures  comme  une  histoire. 

(K)  JVous  parlerons  de  ses  enfant, 
dans  nos  remarques.  ]  Brantôme  , 
que  nous  venons  d'entendre  touchant 
l'aîné  ,  dit  qu'il  y  en  eut  un  plus 
jeune  qui  fut  page  du  roi  ;  mais  Théo- 
dore de  Bèze  nous  en  dira  plus  de  cir- 
constances. Le  plus  grand  mal  fut  , 
dit-il ,  en  parlant  de  ce  baron  (41  )  , 
que  depuis  ce  temps-là  ,  allant  de  mal 
en  pis  ,  il  quitta  la  religion  ,  menant 
mesme  ses  en  fans  a  la  messe  ;  le  plu* 
grand  desquels  ayant  esté  ,  durant  les 
troubles  ,  nourri  en  Allemagne  chez  le 
seigneur  électeur  palatin ,  se  rendit  tost 
après  l'un  des  plus  vicieux  jeunes  hom- 
mes quifust  en  France  ,  comme  aussi 
Dieu  ne  l'a  pas  laissé  longuement  vi- 
vre. Les  deux  autres  esloient  jumeaux 
et  avaient  esté  nez  a  Genève  durant  les 
troubles  ,  de  l'un  desquels  maistre  Jean 
Calvin  avait  esté  parrain. 

M.  Allard  conte  que  celui  qui  avait 
été  page  du  roi  ,  et  dont  il  rapporte 
une  action  tout-à-fait  hardie  ,  fut  en- 
veloppé dans  le  massacre  de  la  Saint- 
Barthélemi  (  fo  ).  Davila  ,  liv.  JK 
des  Guerres  civiles  de  France,  dit  que 
les  ileux fils  s'appelaient  les  colonels 
Montaumar  et  Rouvray  ,  et  que  l'un 
d'eux  fut  tué  au  massacre  de  la  Saint- 
Barthélémy.  L'autre  mourut  de  mala- 
die (43).  Voyons  l'action  de  ce  page. 
»  Un  jour  le  roi  lui  ordonna  d'aller 
»  appeler  son  chancelier  :  ce  page  le 
m  trouva  à  table,  et  ,  lorsqu'il  lui  eut 
»  dit  que  le  roi  le  demandait,  le  clun- 
»  celier  lui  ayant  répondu  qu'après 
»  avoir  dîné  il  irait  recevoir  ses  <>r- 
»  dres  :  Comment ,  dit  le  page  ,  il  faut 
»  retanler  d'un  moment  lorsque  le  roi 
»  commande  ?  y  ne  ,  qu'on  marche 
»  sans  excuse.  Et  là-dessus  il  prit  l'un 
»  des  bouts  de  la  nappe  ,  et  jeta  tout 
»  ce   qui    ttait   dessus  par    terre.    Ce 

(40  Bèze,  Hist.  ecclésiasi.  ,  liv.  XII,  pag. 
3o-. 

142)  Allard,  Vie  de  François  de  Beanmont, 
baron  UrsAdrets  ,  pu  ■;.  81. 

(43)  Là  même  ,  pag.  rjo,  («t 


238  BEAUMONT. 

»  conte  fut  fait  au  roi  par  le  chance-  Mettons  ici  l'addition  que  je  publiai 

»  lier  même,  et  sa  majesté',  en  riant,  à  la  fin  du  premier  volume  de  ce  dic- 

«  ne  répondit  autre  chose  ,  sinon  que  tionnaire.  Elle  contient  ces   paroles  : 

3)  le  (lisserait  aussi  violent  et  emporté  Je  viens  Je  recevoir  (fo)  la  l^ie  de  no- 

»  que  le  père  (44)-  "  t,e  baron  Des-Adrets  ,   composte  par 

Notez  que  cet  écrivain  n'a  pas  bien  M.  Allard  ,  et  roui  de  quelle  façon 

compris  ces  paroles  de  Davila  :   Nel  on  y  relève  la  méprise  de  M.  le  Labou- 

medezimo  pallazzo  (45)  furono  anuiz-  reur.    «   La  famille  de  Beaumout  n'est 

zati  Teligni  generodell'  Ammiraglio ,  »  pas  éteinte  ,    comme  M.   le   Labou- 

Guerchi  suo  luogotenente  ,...    i  colo-  »  reur  a  cru  ,  en  parlant  du   baron 

nclli  Montaumar  è  Rourai,il  figliuolo  ~»  Des-Adrets  ,  dans  ses  Additious  aux 

delbarone  de  S.  Adrets  ,  e  tutti  quelli  »  Mémoires  de   Castelnau.  Elle   sub- 


della  sua  corle  (46).  11  ne  prétend 
point  parler  de  deux  colonels  ,  qui 
fussent  fils  de  notre  baron  ;  et  l'on  ne 
sait  même  si  par  son  barone  de  S. 
Adreis  ,  il  a  entendu  le  nôtre.  En  ce 
cas-là  ,  je  m'imagine  qu'il  se  trompe. 
Qu'on  ne  m'objecte  point  ces  paroles 
de  d'Aubigné  :  Le  marquis  de  Resnel , 
frère  du  prince  Porcian  ,  fut  tué  par 
Bussi  d'Amboise  et  le  fils  du  baron 
Des  -  Adrets  ,  pour  un  procès  qu'il 
avait  avec  son  cousin-germain  (fa) ,  car 


»  siste  encore  par  les  branches  de 
»  Pompignan  en  Languedoc  ,  de  Brcs- 
»  set  en  Auvergne ,  d'Autichamp  et  de 
»  St. -Quentin  en  Dauphiné.  11  est  vrai 
)>  que  celle  du  baron  Des-Adrets  se 
»  termina  par  deux  filles  ,  l'aînée  des- 
»  quelles ,  nommée  Susanne  ,  fut  ma- 
»  riée  deux  fois  :  la  première  ,  avec 
»  le  seigneur  de  Tarvauas  en  Pié- 
»  mont ;  et  la  seconde  ,  avec  César  de 
»  laVaucerre,  à  qui  elle  porta  la  terre 
Des-Adrets.  L'autre  eut  nom  Esther , 


cela  veut   dire  que   Bussi  d'Amboise  »  épouse  d'Antoine  de  Sassenage  ,  sei- 

et  le  fils  de  ce  baron  tuèrent  Kesnel.  »  gneur  d'Iseron  (5o).   » 

M.  le  Laboureur  disait  en  i658  ,  que         (L)  Il  cita  Peqwgni  devant  le  roi 

la  maison  de  Beauraont  était  éteinte  et  perdit  sa  cause.  ]  Je  m'en  vais  copier 

(48)    J'ai  su  de  M.  d'Hosier  ,  par  le  le  «M 


moyen  d'un  ami  ,  que  Susanne  de 
Beaumont  ,  fille  et  héritière  de  notre 
baron  Des-Adrets  ,  fut  mariée  à  César 
de  Vaucerre  ,  seigneur  de  Teis  et  de 
St.-Dizier  ,  dans  le  Dauphiné.  Leur 
postérité  subsiste  encore.  Mademoi- 
selle Des  -  Adrets ,  qui  est  morte  fille 
d'honneur  de  madame  la  duchesse 
d'Orléans  ,  après  l'an  1G80  ,  et  qui 
avait  été  de  la  religion  ,  était  des  des- 


»  ron  accusa  Pequigny  de  la  perte  de 
»  la  ville  ,  et  de  celle  de  sa  liberté  et 
»  de  son  bagage  ,  il  prétendit  qu'il 
»  l'en  devait  dégrever.  Il  le  cita  pour 
»  ce  sujet  devant  le  roi  François 
»  II  ,  qui  avait  succédé  à  Henri  II  , 
»  où  il  soutint  admirablement  bien 
i>  sa  cause  ,  et  dit  que  Pequigny 
>;  avait  laissé  entrer  l'ennemi  sans 
»  combattre  ,  qu'il  pouvait  défendre 


cendans  de  cette  Susanne.   Elle  avait  »  la  brèche  avec  facilité  ,  parce  quelle 

pour  frères  le  marquis  Des-Adrets,  qui  »  était  petite,  et  que  ceux  qui  avaient 

est  capitaine  de  vaisseau  ,  et  le  che-  »  résolu   d'y   passer  étaient   en    petit 

û  était  aide-de-  V  nombre;   que  s'il  le  niait,  il  le  lui 


valier  Des-Adrets  ,   qu.  - 

camp  du  maréchal  duc  de  Noailles  ,     »  ferait  avouer  p;.r  un  duel.  Ce  diiie- 

lorsqu'il  fut  tué  au  siège  de  ttoses  ,  au     >'  rent  parut  singulier  à 


mois  de  juin  i6g3.  Il  avait  été  capi- 
taine de  vaisseau  ;  mais  on  l'avait 
cassé  p;irce  qu'il  n'avait  pas  voulu 
assister  aux  leçons  que  M.  Renaud  , 
ingénieur  de  marine  ,  donnait  à  Brest 
par  ordre  du  roi. 

(44)  Allard,  Vie  de  François' de  Beaumonl , 
baron  Des-Adrets,  pag .  82. 

(45)  C est-à-dire  ,  à  Phvlel  de  Vamiral. 

(46)  Dayila,  lib.  V  ,pag.  272,  edit.di  Vene- 
lia,  nell'  an.  i65o. 

(47)  D'Aubigné,  loin.  Il,  ZiV.  /,  cktip).  IV, 
pag-  54G. 

(48)  Le  Laboureur  ,    Additions   a   Caslelnati  , 
Jôm.  /  ,  pag-  23. 


et 
ces  deux  ennemis  trouvèrent  des 
»  partisans  parmi  les  grands  ,  qui 
)>  empêchèrent  quelque  temps  qu'il 
»  ne  fût  décidé.  Il  le  fut  néanmoins 
»  en  faveur  de  Pequigny  ,  par  le  cré- 
»  dit  de  la  maison  de  Guise  ,  qui  com- 
»  meneait  d'en  avoir  un  bien  grand 
»  en  France  •■  et  il  leur  fut  défendu  de 
»  rien  attenter  l'un  contre  l'autre  ,  à 
»  peine  d'être  punis  comme  crimi- 
»  nels  de  lèse-majesté  ,  dont  le  baron 

(4q)   Au    mois    de   septembre    iChjG  .   par  les 
sains  de  l'obligeant  M.  Pinsson  des  Bwlles. 
(5o)  Allard,  Vie  de  Des-Adrets,  pag.  1  et  -. 


BEAU  MO  NT. 


»  fut  tellement  outré  de  colère  ,  qu'il 
»  jura  de  s'en  venger  contre  les  Gui- 
»  sars  ;  et  ce  fut  la  cause  qu'il  em- 
»  brassa  ensuite  !e  parti  des  Pro- 
»  testans  ;  c'est  le  témoignage  de  M. 
i  de  Thon  ;  et  c'est  la  vérité  (5i).» 

(M)  Il  fut  suspect  d'intelligence  avec 
le  parti  huguenot  ,  on  le  mit  en  pri- 
son et  V.  se  justifia.  ]  A  son  retour  en 
Dauphiné  ,  après  la  bataille  de  Mon- 
contour  ,  il  fut  oblige  de  se  retirer 
dans  sa  maison  ,  parce  que  Gordes  , 
gouverneur  de  la  province  ,  avait 
conçu  beaucoup   de  haine  contre    lui 


339 

»  était  persuadé  de  son  innocence  et 
»  de  ses  bonnes  intentions;  qu'il  n'a- 
»  vait  jamais  douté  de  sa  bonne  con- 
»  duite  et  du  zèle  pour  son  service  ; 
»  qu'il  était  extrêmement  satisfait  1I1 
»  lui  ;  qu'il  avait  bien  toujours  cru 
»  que  ses  intentions  avaient  été  bon- 
»  nés  ,  et  autres  choses  de  cette  na- 
»  ture  ,  dont  il  pria  sa  majesté  de  lui 
»  octroyer  acte  :  ce  qu'elle  fit  volon- 
»  tiers.  Il  est  dans  les  registres  de  la 
»  chambre  des  comptes  (55).  » 

(N)  Il  fît  à  Grenoble  ,  en  1 58  r  ,  un 
acte  de   son  ancienne  bravoure.  ]   Le 


(52).  «    On  tient  qu'il  le  soupçonnait    duc  de  Mayenne  «  étant  à  Grenoble 


de  ne  s  être  pas  entièrement  défait 
m  de  ses  inclinations  huguenotes  ,  et 
»  même  d'avoir    favorisé  l'armement 

■  qui  s'était  fait  auprès  de  Genève  par 

■  le  comte  Ludovic  de  Nassau ,  etd'ê- 
1   Ire  d'intelligence  avec   lui Quoi 

»  qu'il  en  fût  ,  il  est  certain  que  Gor- 
:>  des  fit  peu  d'état  de  lui  ,  dont  le 
h  non  murmura  hautement,  et  fit 
»  des  plaintes  qui  furent  un  peu  har- 
■>  dies  ,  et  même  téméraires  :  telle* 
a  ment  que  le  roi  l'ayant  su  ,  Gor- 
)  des  eut  ordre  de  le  faire  arrêter  ;  ce 
»  qu'il  fit.  Il  fut  conduit  à  Grenoble  , 

>  et  de  là  à  Lyon  dans  Pierrecise.  D'à- 
1)  bord  on  le  crut  perdu  ,  et  cela  d'au- 
"  tant  mieux  qu'on  intercepta  des  let- 
»  ti'es  des  princes  et  de  l'amiral  en  >.i 

.  faveur  ,  et  que  les  principaux  chefs 
des  protestans  parlèrent  pour  lui 
.  faire  rendre  la  liberté (53).»  Il  l'ob- 
tint par  la  paix  qui  fut  conclue  an 
mois  de  janvier  1S71  (54).  11  fut  se 
enter  au  roi  estant  en  son  conseil. 
(  Là,   il  déclara  qu'étant  innocent, 

>  il  suppliait  sa  majesté  de  lui  pei- 
)>  mettre  de  renoncer  au  bénéfice 
»  des  édits  de  pacification  faits  en  fa- 
»  veur  de  ceux  qui  avaient  agi  con- 
tre ses  intérêts,  sous  prétexte  de  re- 
ligion ou  de  politique;  qu'il  n'avait. 

>>  jamais  rien  fait  qui  put  lui  être 
■»  imputé  à  blâme;  que  si  Quelqu'un 
»  était  assez  hardi  pour  lui  soute- 
»  nir  qu'il  fût  criminel  en  quelque 
)  manière,  il  était  prêt  de  l'en  faire 
u  dédire  les  armes  à  la  main  ,  si  sa 
»  majesté  voulait  avoir  la  bonté  de  le 
»  souffrir.   Le   roi  lui   répondit  qu'il 

(Si)  Là  même  ,  pag.  19  et  20. 

(52)  Allard  ,  Vie  de  Des-Adrets  ,  paç.  <]5. 

fa  même  ,  pag.  -6. 

/.<(  me  ne  ,  pag.   -*. 


j  en  i58i  ,  le  jeune  Pardaillan  ,  fils 
de  la  -Mothe-Gondrin  ,  parla  fière- 
ment et  injurieusement  du  baron 
Des  Adrets  ,  à  cause  de  la  perle  de 
son  père  à  Valence.  Le  baron  apprit 
dans  sa  retraite  de  quels  termes  il 
s'était  servi,  et  que  même  il  avait 
dit  que  s'il  le  rencontrait  il  le  trai- 
terait mal  ;  ce  qui  l'obligea  de  ve- 
nir à  Grenoble  ,  où  ,  après  avoir 
salue  le  duc  de  Mayenne  ,  et  en 
avoir  été  caressé  ,  il  dit  plusieurs 
fois  ,  et  même  en  présence  de  Par- 
daillan ,  qu'il  avait  quitté  sa  soli- 
tude et  revu  le  monde  ,  pour  sa- 
voir si  quelqu'un  avait  de  la  ran- 
cune contre  lui  ,  pour  le  satisfaire  ■ 
que  sou  épée  n'était  point  si  rouillée  ' 
son  bras  si  faible  ,  et  ses  forces  si 
diminuées  par  son  âge  ,  qu'il  ne  fit 
bien  raison  à  tous  ceux  qui  avaient 
quelque  plainte  à  lui  faire.  Pardail- 
lan ne  dit  et  ne  fit  rien  qui  don- 
11  U  lieu  à  une  querelle  ;  tellement 
que  Des  Adrets  se  retira  coulent  de 
cette  dernière  bravoure  (56).» 
(0)  On.  .  .  .  verra  les  titres  qu'il  se 
tonnait  ,  pendant  qu'il  fut  h  la  tête 
des  protestans  de  sa  province.]  Les 
voici  :  «  François  de  Beaumont,  sei- 
gneur Des-Adrets,  gentilhomme  or- 
dinaire de  la  chambre  du  roi  co- 
lonel  de-  légionnaires  de  Dauphiné, 
Provence,  Lyonnais,  Languedoc  et 
Auvergne,  gouverneur  et  lieute- 
tenant  général  pour  te  roi  en  Dau- 
phiné, et  lieutenant  de  monsei- 
gneur le  prince  de  Coudé  en  l'ai 
niée  chrétienne  ,  assemblée  pour  le 
service   de  Dieu,   la  liberté  et  déli- 

(55)  La  même  ,    1/    Allard   rapporte  cet  acte 
tout  entier,  pag.  -9,  80 ,  Si. 
(5(>;  La.  même,  pag.  $~  ,  83. 


24° 

■»  vrance  du  roi  et  la  reine  sa  mère  , 
»  conservation  de  leurs  états  et  gran- 
3)  deur,  et  de  la  liberté  chrétienne, 
m  èsdits  pais  (57).  »  Il  y  a  dans  la 
chambre  des  comptes  de  Grenoble 
plusieurs  ordonnances  dressées  en  son 

nom  , où  il  prend  celte  qualité , 

et  en  d'autres  il  se  dit  chef  gouverneur 
des  compagnies  assemblées  pour  le 
service  de  Dieu,  etc.  On  en  voit  qui 
sont  ainsi  adressées  :  A  tous  vrais  fi- 


BEAUNE.  BEDA. 

C'était  un  Picard  (a)  ,  qui  vivait 
sous  le  règne  de  François  Ier.  * 
Il  se  déclara  l'ennemi  juré  de 
tous  ceux  qui  voulurent  faire  re- 
fleurir les  belles-lettres  (6),  et  ce 
fut  par-là  qu'Erasme  et  Jacques 
Faber  d'Étaples  encoururent 
son  indignation.  Il  prétendit 
avoir  trouvé  un    grand   nombre 


dèles  sujets  du  roi ,  notre  souverain  et  a'iiérésies   dans   les   paraphrases 

naturel  seigneur ,  associes  en  la  con-  ,,j,                            1  r            r 

,    s        ,             ,       „t,AU  d  Erasme, et  publia  un  livre  sur 

lession  des  églises  reformées ,  et  zela-  t.     i                       . 

teurs  du  repos  et  tranquillité  de  ce  ce  sujet.  Erasme  se  justifia,  et 
pays  de  Dauphiné ,  salut  et  paix  par  l'accusant  à  son  tour  ,  le  con- 
«otre-Seigneur  Jésus-Christ  (58).  N'é-  va£nqùit  d'une  infinité  decalom- 
lait-ce  pas  un  homme  bien  digne  de  •  7*\  r>  j  r  J 
se  servir  d'un  tel  langage?  N'était-ce  ™es  (A)  Beda  ,  au  heu  de  prou- 
pas   un    nouvel    apôtre  bien    tourné  ver  qu  il  n  avait  point  ete  calom- 


pour  imiter  la  salutation  évangélique 
de  saint  Paul  ? 

(P)  Son  visage  marquait  la  féro- 
cité de  son  naturel.  ]  M.  de  Thou  ,  qui 
le  regaida  si  finement  à  Grenoble 
l'an  1572  (59) ,  qu'il  fut  capable  de 
le  peindre  de  mémoire  assez  bien 
pour  que  tout  le  monde  le  reconnût , 
nous  en  donne  cette  description  : 
Erat  jam   totus  canus  .    sed    crudâ 


niateur  ,  ou  d'avouer  qu'il  n'a- 
vait pas  bien  compris  le  sens  de 
son  adversaire ,  recourut  à  des 
artifices  de  cabale.  1 1  relut  les  li- 
vres d'Érasme  :  il  en  fit  de  nou- 
veaux extraits  ,  aussi  infidèles 
que  les  premiers  (B)  ,  et  les  don- 
na à  censurer  à   la   faculté    de 


adhuc  ac  viridi  senectute ,  oculis  tru-  théologie  ,  où    son    esprit   impé- 

culentis,  naso  aquilino ,  jacie  maa-  jueux  et  charlatan  ,  ses  factions, 

lentd,  sedrubonbus  interjusâ  ,  ut  lu-  ^  declamatiom  vi0lentes  contre 
tum  sansuine   maceratum  ,     quoi!   ira  , 

P.  Corn.  Sulld  observation  est ,  ori   les  nouveautés   de  ce   temps-la , 
inspersum  du  ères  ,  de  cetero  corporis    et  contre  ceux  qui  n'étaient  pas 

assez  ardens  à  les  réprimer  ,  lui 
donnaient  une  espèce  de  domi- 
nation tyrannique  (C).  Il  en 
abusa  de  telle  sorte ,  qu'il  fallut 
enfin  le  livrer  au  bras  séculier , 
qui ,  pour  le  punir  de  ses  excès , 
le  condamna  à  faire  amende  ho- 


habitu  prorsùs  militari  (60). 

(57)  AHard  ,  Vie  de  Des-Adrets  ,  pag.  28. 

(58)  Allard  ,  Vie  de  Des-Adrets  ,  pag.  29. 
(5g)  Triuan.    de  Vilà    suà,  lib.    J,    p.  n65. 
(60)  Idem,  ibidem. 

BEAUΌ  (Renaud  de),  arche- 
vêque de  Bourges,  et  puis  de 
Sens ,  sous  le  règne  de  Henri 
IV.  Cherchez  Samblançai  (Guil- 
laume). 

BEDA  (Noël)  ,  docteur  en 
théologie  dans  l'université  de  Pa- 
ris ,  fut  le  plus  grand  clabau- 
deur ,  et  l'esprit  le  plus  mutin , 
et  le  plus  factieux  de  son  temps'*'. 

*  Leclerc  ,dans  sa  Lettre  critique,  examine 
en  même  temps  l'arlicle  Beda  et  l'article 
Farei,.  Il  reproche  à  Bayle  sa  sévérité  poul- 


ie premier  et  son  indulgence  pour  le  second. 
Leclerc  ,  à  son  tour ,  excuse  Beda  et  blâme 
Farel.  C'est  ainsi  qu'il  a  fourni  à  Joly  la  ma- 
tière de  pies  de  dix  pages. 

(a)  Erasmus,  Supputât.   Errorum  Beda;. 
folio  22. 

"Leclerc,  d'après  le  père  Hilarion  de  Coste, 
auteur  de  VHisloire  catholique  du  XVIe. 
siècle,  dit  que  le  nom  de  famille  de  Beda 
e'tait  BÉDÉ.  Il  doute  qu'il  fût  Picard,  parce 
que  du  Boulay  le  dit  du  diocèse  d'Avranches, 
et  né  au  Mont  Saint-Michel.  Il  ajoute  qu'eu 
l5o2  Beda  fut  principal  du  collège  de  Mou- 
taigu. 

(b)  Bèze,  Hist.  eccle'siast. ,  lw.  I,  pag.  2 


BEDA.  24, 

norable  (D) ,  et  à  confesser  en  Bèze  attribue  à  un  juste  juge- 
présence  d'une  infinité  de  mon-  ment  plutôt  de  Dieu  que  des 
de ,  à  la  porte  de  l'église  catlié-  hommes  la  peine  que  Beda  souf- 
d  raie  de  Paris  ,  qu'il  avait  par-  frit  d'être  confiné  ou  Mont-Saint- 
lécontre  le  roi  etcontre  la  vérité.  Michel  (f),  oit  il  mourut  le  b  de 
On  le  condamna  de  plus  au  ban-  février  i5  \n  (g).  Il  avait  été  le 
nissement  (c).  Ceci  se  passa  en  principal  du  coliége  de  Montai— 
1 535.  Il  s'était  fort  opposé  au  gu.  Vous  trouverez  ci  dessous 
dessein,  qu'eut  François  Ier.  de  les  titres  de  ses  ouvrages  (F). 
faire  opiner  la  Sorbonne  favora- 
blement pour  le  divorce  de 
Henri  VIII.  11  n'avait  pas  tort 
dans  le  fond  ;  car  ce  fut  un  vé- 
ritable mystère  d'iniquité  que 
tout  ce  qu'on  fit  pour  corrom- 
pre quelques  universités  de  Fran- 


(,/")  La  même,  pag.  l5. 

(§•)  Saiot-Komuald ,  journal  cl>ronolo<n- 
mie,  /mu  l,pag.  i3a,  ou  il  dit  des  parti- 
cularités touchant  l'estime  que  La  faculté  de 
theolog  ie  avait  pour  Beda. 


(A)  Erasme  le  convainquit  d'une 
infinité  de  calomnies.  ]  Voyez  le  livre 
intitulé  :  Snnputationes  Erratum  in 
ce  :  mais  il  gâta  sa  cause  par  ses  Censuns  NaiLtis  Bedœ  ,  per  Eràs- 
mameres  emportées  et  par  ses  mum  Roterodamum.  Il  fut  imprimé 
airs  de  mutinerie  (E) ,  et  il  s'en-  1  au  1527.  Le  revers  du  titre  vous  ap- 
veloppa  même  dans  le  crime  prendraque,  de  compte  fait,  Érasme 
j  •  ii  •.  1  1       trouva  dans  un  assez  petit  livre   de 

de  parjure.  Il  avait  beaucoup  de  son   censeur  cent  qilal're-vin/t.  un 

crédit  auprès  du  premier   pré-  mensonges,  trois  cent  dix  calomnies 

sident    Lizet    {d) ,    homme  bien  et  quarante-sept  blasphèmes  ;  et  cela  , 

plus  propre  à  soutenir  le  person-  !?ns  l?  tra1iter,à  1»  rigueur  5  car  on  lui 

j  •  .        x      •   .  ut  grâce  de  plusieurs  choses  qui  me- 

nage  de  mauvais  controversiste  ,  rit;fient  av>tre  relevëes  .  Ac  I™  "J^ 

comme  il  fit  avant  sa  mort  (*)  ,  queratur  iniquam supputationem    non 

qu'à    être  à   la  tête  du   premier  imputavimus  il/i  tant  mu/ta  indoctè 

parlement  de   France.  Peda   fut  stllllé  '  et  silie  mentf dicta-  ^on  im- 

r  .  putavimiis   tant   midi  as  pmpnsitiones 

un   des  principaux    promoteurs  quas  in  censurij omisit,  etc.  (i).\Ja 

du  supplice  de  Louis  de  Berqui  11,  homme    qui   aurait    eu  de  l'honneur 

comme      nous     le    dirons    dans  et  ^e  'a  conscience,  se  serait  uniuue- 

l'article  de  ce  martvr  protestant.    ,mcnt  »PPKÇ»*  à  **  propw  justièca- 

tp         -     ,      ,       -,      ,    J     \  tion  contre  de  semblables  listes  •  mais 

Eu  gênerai  ,  il  n  y  eut  personne    Beda  et  ses  semblables  trouvent  mieux 
dans    Paris   qui  témoignât  plus    leur  compte  à  répéter  cent  l'ois  leurs 

premières  accusations ,  tout  comme 
si  Ton  n'y  avait  rien  répondu.  Si  Ton 
en  croit  Erasme  ,  le  livre  de  son  ad- 
versaire déplut  >i  fort  à  François  ier  , 
que,  par  ordre  de  ce  prince,' l'on  eu 
défendit  la  vente.  Jmpi, tenter  et  infe- 
liciler  edilo  liùro  sir  dcbacclialus  est 
in  me  ,  ut  rex  christianissimus  ,  mox 
u/u  rem  cognovit,  veluerit  codices  di- 
vendi,  haud  dubiè  vetilurus  excudi  si 
nous  en     lempestivè  monitus  fuisset  (2).   Pareil 

'.      DlllMIl 

(il  Erasme,  au  revers  du  titre  de;  Supputa- 
tion-*  Ftrnrum  in  Censuris  Ppclae. 

(2)  Erasmua  ,  Fpi>t  LXXIII.  lit.  XIX.  pa? . 
S9?  ,  ilniée  du  mois  de  novembre  1.Ï27.  roye* 
aussi  Epi. t.  XtV,  libii  XX.  pag.  0-4,  et  Epislo! 
IV,  UbriXXir,  paS.  i,8i. 

l6 


de  violence  que  lui  contre  ceux 
qu'on  appelait  hérétiques  (e);  et 
de   là    vient  que    Théodore   de 

(c)  Bèze,  Hist.  ecclés. ,  tont.  J ,  pag.  l5. 
.  (d)  Voyez  la  remarque   CE) ,  et    Érasme. 
Epître  LV1  du  livre  XXX,  pag.  loAl. 

(*)  Entendez  cela  ie  l'impression  des  Trai- 
te's  de  Controverse  de  Pierre  Lizet  ;  la  plu- 
part de  ces  traites  ayant  été  composés  par 
lui  longues  aunées  auparavant,  si 
croyons  le  Passavant  de  Bèze.  Voy 
dans  cette  partie  de  la  Bildiotlieque  ecclé- 
siastique (ta  XVIe.  siècle,  où  il  est  parlé  de 
Pierre  Lizet.  Rem.  Cr.iT. 

le)   Bèze,    Hist.    ecclésiast.   tom.  I,   pag. 
7.  i4- 

TOME    III. 


242 


BEDA. 


traitement  fut  fait  au  livre  que  Noël 
Beda  avait  mis  au  jour  en  ce  même 
temps  contre  Jacques  Faber  d'Ëtaples 


»  teur  favorablement ,  et  le  10  juillet 
»  i52^  envoya  par  M.  l'évêque  de  Ba- 
»  zas  les  propositions  au  recteur,  à 


mais  on  ne  laissa  pas  de  faire  courir    »  qui  il  donna  ordre  de  les  faire  exa- 


les  exemplaires  de  ces  deux  livres. 
Urit  hoihinèm  quod  liber  quem  in  Ja- 
cobum  Fabrum  scripserat ,  edicto  re- 
gio  suppressus  est,  etiamsinonest  sup- 
pressus  (3).  JYec  jussus  premere  pres- 
sât, sed  elusil  régis  edictum  curans  ut 
in  Germaniam  spargerelur ,  et  islhic 
clam  dislraheretur  (4) 


»  miner  par  les  quatre  facultés  assem- 
»  blées  ,  et  non  point  seulement  par 
m  les  docteurs  en  théologie ,  quos  in 
»  hâc    materiâ    suspectas     habebat  , 
»  comme  dit  le  registre  de  la  facul- 
a  té  .......  Je  ne  trouve  point  écrit 

»  quel  fut  le  jugement  des  quatre  fa- 
»  cultes  (7).   »  Prenez  garde  que  les 


Rapportons  ici  un  passage  du  livre  théologiens  de  Paris  s'étaient  telle- 

deM.  Chevillier  sur  l'origine  de  Tira-  ment  rendus  suspects  de  passion    et. 

primerie  de  Paris.  «  François  1er.  . .  .  d'emportement ,  que  le  roi  ne  voulut 

»  était  tellement  irrité  contre  le  doc-  point   qu'ils    fussent  juges    en    cette 

»  teur  Noël  Beda  ,  qui  avait  réfuté  les  cause,  sans  l'adjonction  des  trois  au- 

j>  paraphrases  et  les  annotations  d'E-  très  facultés.  11  est    bon   de  voir  de 

»  rasme  ,  et  contre  la  faculté  qui  avait  quelle  manière  il  brida  ces  zélateurs  : 

»  approuvé  et  fait  imprimer  son  livre  voici  un  extrait  de  la  lettre  qu'il  écri- 

»  (5)  ,  que  le  premier  étant  allé  à  la  vit  au  parlement  le  9  avril  i5a6.  «  Et 

»  cour  pour  quelque  affaire  de  sa  com-  >>  parce  que  nous  sommes  deuement 

»  pagnie ,  y  fut  arrêté  prisonnier  pen-  »  acertenéz ,  qu'indifféremment  ladite 

»  dant  un  jour,  n'ayant  eu  la  liberté,  »  faculté,  et  leurs  supposts,  écrivent 

»  qu'à     condition    de    se    présenter  9  contre  un  chacun  ,    en   dénigrant 

»  quand  on  le  demanderait;  et  on  en-  »  leur  honneur  ,  état   et  renommée  , 

»  voya  une  lettre  de  cachet  au  parle-  »  comme  ont  fait  contre  Erasme  ,  et 

'>  ment,  datée  d'Amboise,    le  9  avril  »  pourroient  s'efforcer  à  faire  le  sem- 

»  i52Ô,  par  laquelle  il  lui  était  or-  »  blable   contre   autres  ,    nous   vous 

«  donné  d'empêcher  que  le  livre  de  »  commandons.  .  .  .  qu'ils  n'ayent  en 

»  Beda  ne  fût  vendu.  J'ai  lu  dans  une  }>  général ,  ni  en  particulier,  à  écrire 

3>  copie  des  registres  de  cette   cour  ,  8  m  composer  ,   et   imprimer  choses 

»  une  lettre  latine  de  Josse  Bade,  où  «  quelconques  ,  qu'elles  n'ayent  pre- 

3>  il  dit  qu'il  en  avait  imprimé  six  cent  »  mièrement  été  revues  et  approuvées 

'»  cinquante  exemplaires  ,  dont  plu-  »  par  vous,    ou  vos  commis,    et  en 

5)  sieurs  avaient  été  envoyés  en  Espa-  »  pleine  cour  délibérées  (8).  »  Ces  rè- 

»  gne  ,   en    Italie  ,    en   Allemagne   et  glemens-là  ne  durèrent  guère  ,   quoi- 

3)  en  Angleterre  ;  qu'il  ne  lui  en  res-  qu'ils  semblent  dignes  d'un  établisse- 

»  tait  plus  qu'environ  cinquante  co-  ment  général  et  perpétuel. 

»  pies  complètes  ;  et  promet  qu'il  ne  (B)  Il.Jit  de  nouveaux  extraits  des 

j)  les  distribuera  point  (G) De  livres  tT Erasme,  aussi  infidèles  que  les 

■»  plus  ,   le  nommé  Louis  de  Berquin  ,  premiers.']  Plus  il  se  sentait  convaincu 

«luthérien    caché,    ami    d'Érasme,  de  calomnie  ,  plus  il  travaillait  à  per- 

■»  ave  qui  il  avait  quelque  commerce  dre  celui  qu'il  avait  calomnié.  Il  s'a- 

»  de  lettres  ,  présenta  douze  proposi-  visa  donc  d'essayer,  si,  en  produisant 

»  tions  du  livre  de  Beda  ,  prétendant  tout  de  nouveau   les  mêmes  accusa- 

)>  quelles  contenaient  des  impiétés  et  tions,  sous   une  forme  un  peu  diflë- 

»  des  blasphèmes,  et  demanda  que  la  rente,    il   en    tirerait     un    meilleur 

3>  faculté  fût  obligée  de  les  condam-     parti.    Urit  liominem quod  ego 

)3  ner  ,  ou  de  les  prouver  par  l'Ecritu-  respondens  et  meam  innocentiam  et  d- 

/ius  impudentium  sic  omnibus  ob  ocu- 
los  posui ,  ut  in  speculo  non  possit 
evidentius.  ltaquè  prorsus  animo  gla- 
diatorio  parât  vindictam  non  se  pur- 
gans ,   quod  non  potest,    sed  easdem 


3>  re  sainte.  Le  roi  écouta  cet  accusa- 

(3)  Idem,   Fpist.  LXII,  Ubri   XIX,   pag. 
877,  datée  du  3o  novent  re  iSî1". 

(4)  Idem,   Epist.    LXXI.   Ubri    XIX.  pat>. 
88rj.  Voyez  aussi  Z'Epist.  XIV  du  livre  XX 


(5}  d'èsie-a-dJre-,  celui  de  Beda  contre  Érap-    calumntas    aliâ    specie    rursùs    inge- 

II fui  imprimé  à  Para,  chez   Josse  Bade, 

{",)  Chevillier,  Orig.  de  l'Imprimerie  de.  Taris, 


Pan  1320,  in-folio 

(6)  ChevilUer,  Orig.  de  l'Imprimerie  île  Paris,     pag    173. 
pag.  174.  (8)  Tiré  d 


pag.  17g,   loo. 


, 


BEDA. 


243 


rens. .. .  Habet  sexcentas propositiones  nihil  sit  responsum  (12).  C'est  à  cela 
è  paraphntsibus  decerplas.  .  .  .  eas  ut  qu'il  fallait  répondre  ,  et  ne  se  réser- 
narrànt  ad  jacultatem  defert,  et  in  ver  pas  tout  entier  pour  des  voies  d'o- 
aliqûot  jàm  audio  proriunciatum.  Sed  bliquité.  Érasme  fut  peut-être  le  seul 
qunmodo  "proponit  artijex?  Omittit  qui  (il  ce  reproche  à  son  adversaire. 
quœ  rem  raplicant  ,  quœ  calumniam  IVisi  Bedda  prorsûs  dijjîderet  suce 
excludunt  :  addit  de  silo  quœ  jaciunt  causa:  ,  responderet  salletn  ad  quœdam 
ad  calumniam  :  proponit  velul  a  nie  ioca  tant  impudenter  calumniosa  va- 
dicta  hoc  tempo re  quœ  dicunlur  ab  naque ,  ut  res  ntanibus ,  quod  ajunt, 
evangelistis  aut  apostolis  ,  et  ad  eccle-  senliri  possit.  I\unc  hoc  omisso  quod 
siœ  pnmordia  pertinent  (  9  ).  Beda  in  primis  curatum  oporluil ,  vint  pa- 
n'oubliait  aucune  Friponnerie  d'un  in-  rat,  conduit  facilitaient  ut  ailicu/o- 
fidèle  faiseur  d'extraits;  il  supprimait  rum  turba  suffrqgiis  et  autoritate  me 
ce  qui  était  propre  à  justifier  1  accusé,  opprimât  (ii).  Erasme,  dis-je  ,  fut  le 
et  à  faire  voir  la  calomnie  ■  il  ajoutait  seul  peut-être  cjui  fit  ce  reproche  ;  car 
ce  qui  était  propre  à  fortifier  son  ac-  ordinairement  ceux  qui  ne  sont  pas 
cusation  •  il  détournait  en  un  sens  ce  intéressés  aux  injustices  d'un  inquisi- 
qui  avait  été  dit  eu  un  autre.  11  n'y  a  feur ,  se  gouvernent  par  la  règle  plus 
rien  de  plus  aisé  que  île  taire  condarii-    penser  que  dire. 

néf  par  ces  artifices  une  opinion  ihno-  (C)  Son  esprit  charlatan,  ses  fac- 
cente.  Voyez  la  LXXlli'1.  lettre  du  lions ,  ses  déclamations.  ..  •  lui  don- 
XIXe.  livre  d'Érasme  *.  Il  se  servit  naient  dans  ta  faculté  de  théologie 
d'une  antre  machine  :  il  choisit  quel-  une  espèce  de  domination  tjrrannique.] 
qu'es  chefs  d'accusation:  et  les  ayant  Je  ne  sais  s'il  y  a  rien  de  plus  liillicile 
mis  en  français,  il  les  envoya  à  la  que  d'obtenir  un  jugement  équitable 
cour  ,  afin  d'irriter  les  grands,  les  dans  un  procès  de  doctrine  contre  un 
femmes,  et  en  général  toute  la  France  homme  l'ait  comme  Beda  II  était  vio- 
contre  l'accusé  (10).  Il  s'était  de. à  lent  de  son  naturel  ;  il  lâchait  la  bride 
ser\i  du  titre  de  roi  de  Fiance  ,  qu'Ë-  à  sa  violence  naturelle  ,  avec  d'autant 
rasme  donna  au  roi  d'Angleterre,  e.i  plus  de  licence,  qu'il  se  couvrait  du 
lui  dédiant  un  livre;  il  s'en  était,  beau  prétexte  des  intérêts  de  la  vé- 
dis-je,  déjà  servi  pour  rendre  odieux  rite;  il  dill'amait  hardiment  les  gens 
à  la  cour  du  roi  très-chrétien  ce  pan-  dans  un  livre  j  il  traitait  de  lâches 
vre  auteur  (1 1).  Je  ne  sais  si  personne  prévaricateurs  les  personnes  modé- 
s'avisa  de  lui  reprocher  en  face ,  qu'il  rées.  Celait  le  moyen  d'obliger  une 
avait  grand  tort  de  ne  point  travailler  partie  des  juges  à  lui  donner  gain  de 
avant  toutes  choses  à  sa  propre  jus ti-  cause  contre  leur  propre  conscience  ; 
fication  5  .et  que  c'était,  une  grande  car  il  n'y  a  point  de  plaisir  à  se  faire 
honte  délaisser  les  Listes  d'Erasme  dill'amer  par  des  assesseurs  de  l'inqui- 
sans  repartie  :  Listes,  qui  le  convain-  sition  :  en  un  mot,  c'était  le  moyen 
quaient  manifestement  d'erreurs  gros-  de  tyranniser  la  faculté  de  théologie, 
sières  ,  et  de  calomnies  honteuses.  Voici  la  plus  fidèle  description  que 
Quùm  meœ  supputations  ob  oculos  l'on  puisse  \  oir  île  la  manière  dont  un 
omnium  posuerint  hominis  inscitutm  homme  fait  comme  lui  peut  extorquer 
cum  pari  malitid  conjum  tant  ,  non  co-  un  décret  académique,  une  sentence 
gitat  de  purgando ,  sed  articulas  ali-  synodale,  etc  Jamais  .Michel  Auge  ne 
quot  decet  ptos  ex  acervo  calumniarum  peignit  plus  heureusement.  In  omni 
et  gallicè  versos  niisit  in  aulam  re-  con^rwu  semper  Juerunt ,  qui  sludiis 
giam.  ...  JVunc  eosdem  articulas  vq-  et  imp'obilaie  nrnin  summum  1  'i 
bis  ingerit,  scilicet  in  ordinem  diges-  vin  liant,  iw,-  tenu  rc  fit ,  ut  me/ior 
tos  ,  ut  novi  videanlur  ,  perindè  quasi  pars  vincat.  Prr  illos  primum  res  pri- 
vai im  decerriitur  ,  mox  excludantur 
integriores  ,  adhibenlur  idnnei ,  prœ- 
fatio  coinruendat  cnncordioni  ,  addun- 
tur  mince  ,  Hîc,  inquiunt,  apparebit, 

(taJErasmiu  ,  Fpin.  I.\M,  Ub-  XIX,  pag. 
886. 

(i3)  Idem,  Epistolâ  LXXIH  ,  libr.  XIX, 
pag.  89a. 


(g)  Erasmus  ,  Fp'ist.   LXH»f  lihr.XlX,  pag. 

Lerlerc  reproche  à  Bavlc  dp  citer  ii  i  comme 
autorité  le  même  Erasme  qu'il  réruse  dans  la 
remarque  (C;  de  l'article  Farfl 

110;  Idem,  Episl.  LXXI,  hhr.  XIX,  pag. 
886. 

(11)  Ibidem,  et  Epist.  XIII,  l,bri  XXI V, 
pag.  i3og. 


=44 


BEDA. 


qui  sint  Lutheranae  factionis.  Si  quis    nunciavit  :  ne  forte  Lulheranum  illum 
dixeril  aliquid  œquiùs ,   mox  audit  a  fuisse   putes.    Sed   tumen     detinetui 


frementibus  ,  Luthero  pejor.  Sunt  in 
genia  modesta ,  quœ  malunt  quiescere 
quant  cum  talibus  contentionem  susci- 
pere.  Sunt  qui  in  gratiam  privatant 
deflectant  à  suâ  sentenliâ  :  sunt  qui 
meluant  aut  sperent  aliquid  ,  eoque 
premant  quod  judicant  optimum  :  sunt 
qui  iisdem  ajfectibus  excœcati  sunt , 
quibus  Bedda  :  sunt  quos  utcunque  sa- 
nos  clamor  ac  tumullus  aliorum ,  ita 


adliuc  in  carcere  detrudendus  in  mo- 
naslerium  aliqaod  ,  ut  ferunt ,  ubi  et 
quando  régi  visum  fucrit.  Cette  lettre 
de  Latomus,  datée  du  ig  de  juin 
î535,  est  la  XXVIIe.  du  XXVIIIe.  li- 
vre parmi  celles  d'Erasme. 

(E)  //  n'avait  pas  tort  dans  l'affaire 
du  divorce  de  Henri  F~H1  ;  .  .  .  mais 
il  gala  sa  cause  par  ses  .  .  .  airs  de 
mutinerie.']  MM.  du  Bellai ,  qui  s'in- 


ulfit,  agît  injurias.  Ita  non  fît,  sed  te'ressaient  extrêmement  au  bon  suc- 
extorquetur  senatusconsultum.  In  quo  ces  du  divorce  de  Henri  VIII,  disent 
prodendo  rursùs  qui  extorserunt  ad-  beaucoup  de  mal  de  Noël  Beda  dans 
miscent  affeclus  suos  ,  aliis  vel  insciis,  leurs  lettres.  Je  n'ai  encores  veu  ce  roi, 
vel  conniventibus.  Et  hoc  dicitur  col-  (celui  d'Angleterre)  ne  ceulx  qui  ont 
legii  decretum  (ify.  Ce  qu'il  dit  dans  le  crédit  envers  lui  en  si  bon  train 
le  quatrième  feuillet  de  sa  Supputatio  qu'ils  sont ,  à  quoi  a  merveilleusement 
Errorum  in  Censuris  Bedœ  est  aussi  aydé  ce  que  vos  théologiens  ontfaict, 
une  fidèle  peinture.  Deliguntur  de-  selon  l'advis  qui  est  venu  des  ambassa- 
pulati  ad  id  ulonei ,  quos  optant  ii  deurs  ;  mais  il  y  a  ung  Beda  de  ce  nom- 
quorum  vel  auctoritas  vel  improbitas  bre,  qui  est  un  très-dangereux  mar- 
vincit  in  cnllegiis,  in  quibus  frequen-  chant,  et  ne  seroit  grand  besoin  d'en 
1er  quod  ait  Livius  major  pars  vincit  avoir  beaucoup  de  tels  en  une  bonne 
meliorem  ,  nonnunquàm  minor  sed  compagnie.  C'est  ce  que  Jean  du  Bel- 
imporlunior  superat  et  majorem  et  me-  lai  ,  évëque  de  Bayonne  ,  écrivait  de 
liorem.  Allegalur  relator.  Decernitur. 
Intérim  cum  scribis  res  est.  Et  hic  in- 
fulciuntnr  quœdam  obi ter ,  quœ  vel 
non  sentiuntur ,  vel  dissintulantur.  Ce 
qu'il  y  a  de  déplorable  est  que  le  ma- 
nche »  dont  on  vient  de  voir  la  pein- 
ture, se  met  en  usage  lors  même  qu'il 
s'agit  de  condamner  ce  qui  le  mérite 
le  plus.  Voyez  les  plaintes  que  l'on  a 
faites  contre  la  censure  du  livre  de 
Marie  d'Agreda  (i5).  Notez  que  notre 
Beda  vint  à  bout  de  ses  desseins  :  la 
faculté  de  théologie  censura  les  li- 
vres d'Érasme  le  27  de  décembre  1527. 
11  est  vrai  que  cette  censure  ne  fut 
rendue  publique  que  quatre  ans  a- 
près   (16). 

(D)  On  le  condamna  a  faire  amende 
honorable.  ]  Barthélemi  Latomus  ,  qui 
était  alors  à  Paris  ,  manda  celte  nou- 
velle à  Érasme.  Beda  tuusfecit  enten- 
dant ,  ut  vocant  hotinrabitem,  cum  hdc 
confessione  quod  contra  veritetem  et 
regem  loquulus  esset,  quœ  verba  ante 
œlent  divœ  V irginis  ntagno  populi 
concursu  prœeunte  pneconepalam  pro- 


(i4)  Idem  ,  Epist.  LXXI  ,  libr.  XIX  ,  pag. 
689. 

(i5)  Ci-detsus  dans  la  remarque  (C)  de  l'ar- 
ticle de  (Marie)  d'AcREDA. 

(16)  Voyez  Chevillier,  de  l'Origine  de  l'Im- 
primerie de  Paris,  pag.  l'ji- 


eqi 
Londres  à  M.  de  Montmorency  ,  le  29 
de  déceuibie  i5'29  (17).  Guillaume 
du  Bellai,  son  frère,  écrivit  à  Fran- 
çois Ie'.,  le  9  juin  i53o,  que  Beda 
avait  fait  de  grands  désordres  dans 
l'assemblée  de  la  faculté.  «  Durant 
»  lesquels  propos ,  dit-il ,  et  cepen- 
»  dant  que  leur  Bedeau  recolîigeoit 
))  les  noms  et  opinions  des  délibérans, 
»  nour  voir  quelle  seroit  l'opinion  de 
)>la  plus  grande  partie,  se  leva  un 
»  desdits  sieurs  nos  maistres  ,  qui  lui 
»  arracha  le  roole  des  poings  et  le 
»  deschira  .  et  sur  ce  point  se  levè- 
»  rent  en  troupe,  et  avec  grand  et 
»  désordonné  tumulte  ,  commencè- 
»  rent  aulcuns  à  crier  que  c'estoit  as- 
»  sez  fait  et  parlé ,  et  que  la  plus 
»  grande  et  plus  saine  partie  estoit 
»  d'avis  de  n'en  délibérer  sans  escrire 
»  à  vous,  sire,  et  au  pape.  Ainsi  se 
»  départit  la  compagnie  ,  et  les  am- 
3)  bassadeurs  du  roi  d'Angleterre  , 
»  qui  se  promenoient  en  une  galerie, 
»  et  les  virent  sortir  en  tel  désordre 
3)  et  crierie  ,  et  oyrent  tous  les  propos 
»  qu'ils  tenoient  entre  eux  ,  se  retirè- 
»  rent  à  leurs  logis  fort  mutinés  ,  et 
»  interprétans  cette  affaire   en   très- 

(1-)  Voyez  /'Histoire  du  Divorce  de  Hen- 
ri VIII,  par  M.  le  Grand,  tome  III,  pas,. 
421. 


BEDA. 


245 


5>  mauvaise  part,  et  s'en  attachèrent    indéniable  et  impeccable ,  lui  eust  im- 
»  à   moy  ,   disant   que  pieça   ils   sea-     puté  h  péché  morte/ ,  ce  que  ledit  sieur 
»  voient  bien  que  telle  estoit  la  menée    président  à  peine  peut  recevoir  pour 
»  de  Bt-da  et  ses  complices  ,  de  taire    véniel ,  tant  y  a  que  le  roy  a  décerne 
»  la  délibération  telle  qu'ils  l'avoient    commission  pour  informer  des  abus 
»  trouvée  (18).    »   Du  Bellai  ajoute  ,     et  insolences  dudit  Beda  et  ses  enn- 
i°.  qu'à  sa  prière,  M.  le  premier  pré-    sors  5  20.  que  les  ambassadeurs  d'An« 
sident  appela  vers  lui  Beda  ,  Bai  thé-    gleterre    avaient    obtenu     de    Fran- 
lemy  ,  Tabary  ,  et  aulcuns  autres  pria-    cois  Ier.  un  ordre  au  bedeau  de  la  fa- 
cipaux  autheurs   de  cette  discorde  et     culte  de  théologie  de  bailler  un  dou- 
brigue ,  et  leur  lit  promettre  qu'ils  se     hle  authentique  de  quelque  acte  signé 
rassembleroient  le  lendemain;  20.  que    de  la  main  propre  de  Beda  ,  et  qu'ils 
sur  une  autre  circonstance  ,  le  même    avaient  eu  recours  au  roi  ,  parce  qu'a- 
premier  président  fit  venir  devers  lui     voir  delà  par  congé  de  la  faculté  estoit 
ledit  Beda  en  l'église  JVostre-Dame  ,     rentrer  h  l'A  B  C,  obstant  la  tyran- 
lui  remontra  ses  faculté z  et  iinconvé-     lne  pieça  usurpée  par  ledit  Beda  et  ses 
nient  ou  il  pouvait  mettre  le  roi,  et  tel-    adhérons;  3°.   que  le  premier  prési- 
lement  le  prescha  qu'il  lui  jura  très-    dent  (20)   a  tant  la  sainteté  de  Beda 
expressément,  non-seulement  de  n'em-    persuadée,  qu'il  ne  peut  croire  de  lui 
pescher  qu'il  fust  obéi  aux  lettres  du     tes  fautes  mesmes  qu'il  en  voit,  les- 
roi,  mais  de  soi  employer  comme  pour    quelles  pour  vray  dire  sont  telles  ,  que 
sa  vie  h  faire  que  la  chose  se  passast    si  j'en  avois  fait  de  telles  en  mon  en- 
sans  bruit  ne  scandale  (19)  ;  3°.  qu'en-     droit,  et  j'aurois  une  douzaine  de  tes- 
core  que  de  prime  face  il  ne  voulust    tes  ,  j'aurois  gagné  qu'on  ne  m'en  lais- 
pas  se  trop  fier  à  cette  promesse  ,  pour    sast  une  ,  comme  on  pourra  voir  qui 
autant    que     contre    autre    promesse    voudra   lire  la  légende  qu'en  feront 
pieça  faite  h  monsieur  le  grand  mais-    MM.  les  présidens  le  f^isle  et  Panel* 
tre ,  ledit  Beiia  avoit  commencé  cette    lot,    ne    voulant  pourtant    conclure, 
brigue,   sans  laquelle  celle  affaire  se    monseigneur,  que  ledit  Beda  soit  seul 
pouvoit  démcsler  sans  que   le  roi  en     méchant  ;  car  il  a  prou  de  compagnons 
fust  empesché  ne  pour   lun  ne  pour    qui  seroient  bien  aises  de  donner  occa- 
l autre  ;  toutefois,  voyant  que  M.  le     sionau  roy  défaire  quelque  chose  par 
premier  président   s'en,  vouloitfier  à    précipitation  h  l' encontre  d'eux,  pour 
Beda,    lui    du    Bellai    n'avait    point    acquérir  nom  de  martyrs  envers  le  po- 
voulu  derechef  en  écrire   au   roi.   La    pulaire.  J  avois  souvent  ouy  parler  de 
lettre  du  i5  d'août  de  la  même  année    leurs  malignes  entreprises  sous  titre  et 
est  curieuse.  Du  Bellai  y  fait   savoir    couleur  de  bonne  foi  et  hypocrisie  ; 
à  M.  de   Montmorency,    i°.  que  l'af-     mais  je  n'en  eusse  jamais  creu  la  dix- 
faire  avait  esté  menée  par  telles  et  si    me  }  si  je  ne  l'eusse  ven  (31).  Ces  paro- 
meschantes  brigues ,  que j'ay  veu,  dit-    les  valent  leur  pesant  d'or;   car  elles 
il,    telles  fois  les  affaires  du  roy  en     représentent  merveilleusement  leca- 
danger  d'en  souffrir  grandement;  et    ractère    d'un  grand    nombre   de    ces 
dans  les  remèdes  que  j  ai  procuré  jour-    turbulens     zélateurs  ,     qui     causent 
nellement  y  estre  mis  par  M.  le  pre-    mille   désordres    dans  un   état,    par 
mier  président ,  ayant  outre  l'autorité    l'envie  de  dominer  sur  la  multitude  , 
en  laquelle  il  est  constitué  ,  principal    c\  qui  ne  sont  pas  fâchés  de  se  faire 
crédit  de  persuader  audit  Beda  et  ses    persécuter,  afin  que  la  populace,  s'in- 
complices ,  je  vous  asseure  que  tel  in-    téressant    à    leur    disgrâce,   se    sou- 
convénient  fust   advenu  pour  les  en-     lève,    et   achève   ce    que    leurs  intri- 
{reprises  d  un  fol,  je  n'ose  dire  mau-    gues  avaient  commencé.  L'évèque  de 
vais  homme ,  que  le  sens  de  mille  sa-    Bayonne  ,   dans   ses  lettres   à    51.   da 
ges    eust   ahanné  de  le  réparer  sans    Montmorency  ,    confirme   la   plupart 
coust  extresme ,  et  peut-eslre  que  tout    des  choses  que  son  frère  avait  écrites. 
autre  juge  non  empoisonné  de  la  per- 
suasion   que  je    voy    audit    sieur   pre-  (20)   C'eiaik  Lizel,    dont   Tlioédore   rte   Bèie 

mier  président ,  que  le  devant  nommé    *'««  tant  moqué.  Guillaume  du  BrfUi  U  rrprA 

n     y    r     .  '7  j    •    ?        •  1      sente    ici    comme    un  personnage  Jaible,  ei  peu 

Beda  soit  en  parlant  llieologiquemcnt  blf  de  la  charge  qu'd  avaU.J 


(18)  LU  menu  ,  pag.  465,  466. 
(ig)  /.il  même  ,  pa£.  4*38. 


capable  ae  la  enarge  qu 

(ai)  Au  IIIe.  tome  de  FHisloire  du  Divorce 
«le    Henri  VIII,  par  il.   le  Grand,  pag.  47-5- 


246  BEDELL. 

que  de  Kilmore  en  Irlande  ,  na- 
quit l'an  1 5no ,  à  Black  Nottey , 
dans  la  province  d'Essex.  Il  étu- 
dia à  Cambridge  ,  et  y  reçut  le 
degré  de  bachelier  l'an  1599.  Il 
sortit  de  cette  université  ,  pour 

aller  exercer  le  ministère  à  Saint- 
de  la  Jaculle  estaient  entrez  en   con- 

clave  pour  regraller  encores  la  matière    Edmondbury  ,  dans  la  province 


La  matière  du  roy  d'Angleterre  ,  dit- 
il  (ai),  a  este  proposée  à  Paris ,  après 
qu'il  n'y  a  eu  plus  d'ordre  de  y  recul- 
ler.  Beda  y  a  fait  le  démoniacte ,  et 
s'est  parti  la  chose  sans  rien  faire  ■■  le 
roy  veult  qu'on  y  recommence ,  et  s'il 
est  besoing  qu'on  lui  envoyé  ledit  Be- 
da  Je  Jus  adverti  que  messieurs 


du  roi  d 'Angleterre,  estans  aucteurs  et 
promoteurs  de  ce  j ait  Beda  ,  Barthé- 
lémy et  leurs  complices ,  lesquels 
après  tant  de  beaulx  et  honnestes  alar- 
mes fuicts  par  eux ,  ainsi  qu'avez  en- 
tendu ,  sur  l'heure  qu'ils  ont  esté  dé- 
chargez    de      la     présence     de     leur 

doyen ,   ont ,   de  leur  autorité 

particulière  ,  entrepris  de  rompre  ce 
que  généralement  en  si  grosse  compa- 
gnie avoitesté faict  et  cànclud...  (23;. 
f^ous  scavez  ,  monseigneur  ,  que 
piecza  vous  ny  dit  la  suspicion  qu'on 
avoit  que  Beda  feislfalcifier  yudil  be- 
deau le  registre ,  laquelle  suspicion 
eslre  par  ce  mot  plutost  augmentée 
que  diminuée,  je  ne  voulus  pas  lui  en 
donner  le  loisir  (z'i).  Par  ces  coups  de 
pinceau  nous  pouvons  connaître  le 
vrai  portrait  de  ce  personnage. 

(F)  Poici  les  titres  de  ses  ouvra- 
ges. ]  De  unicâ  Magdalenâ ,  contra 
Jacobum  Fabrum  et  Judocunt  Clich- 
toveum ,  à  Paris,  en  i5iç).  Contra 
Commentarios ejusdem  F  abri  inKvan- 
gelia  et  Epistolas  libri  11 ,  et  contra 
Erasmi  Paraphrases  liber  I ,  à  Paris, 
en  i5a6.  Apologia  advershs  clandes- 
tine Lutheranos  ,  à  Paris  ,  en  i526. 
Apologia  pro  filiabus  et  nepolibus 
Annœ  contra  eumdem  Fabrum  *.  On 
le  croit  auteur  du  Restilutio  in  inte- 
grum  Benediclionis  Cerei  Paschalis 
(a5). 

(22)  Dans  une  lettre  datée  le  17  de  juiu 
i53o,  rapportée  par  M.  le  Grand,  tome  III, 
pag.  48{)- 

(23)  Lettre  datée  du  i5  d'août i53o,  lameme, 
pag.  491. 

(24)  Lettre  du  i5  d  août ,  rapportée  par 
JU.  le  Grand,  tarie  III ,  pag.  5o2. 

*  Ce  livre  est  de  i5'jo,  dit  Joly,  quoique  Mo- 
réri  et  Dtipin  disent  î^g  :  c'est  un  volume  in-4°. 

(25)  Aubert.  Miraeus  ,  de  Scriptor.  Sa;cuii 
XVI  ,pag.  ai. 

BEDELL*  (Guillaume)  ,  évê- 

*  Le  Dict.  de  Chaufepié ,  sans  signaler  au- 
cune erreur  de  Bayle  ,  contient,  un  lorme  de 
supplément,  des  particularités  sur  G.  Be- 
deU, 


de  Suffolk  ;  ce  qu'il  fit  avec  un 
grand  zèle  sans  interruption  , 
jusques  à  ce  qu'il  fut  choisi  pour 
chapelain  de  l'ambassadeur  que 
le  roi  Jacques  envoya  à  la  répu- 
blique de  Venise  (a).  Bedell  noua 
une  amitié  très-étroite  avec 
Frà-Paolo  (A) ,  pendant  les  huit 
années  de  son  séjour  à  Venise  ; 
et  lorsqu'il  revint  en  Angleterre 
il  y  amena  le  fameux  Marc 
Antoine  de  Dominis,  et  y  porta 
divers  manuscrits  du  père  Paul  , 
et  entre  autres  l'Histoire'  du 
Concile  de  Trente.  Il  alla  re- 
prendre son  ancien  poste  de 
Saint-Edmondbury ,  et  s'occupa 
parmi  les  fonctions  du  saint  mi- 
nistère à  traduire  en  latin  YHis- 
toire  de  V Interdit  ,  et  celle  de 
l'Inquisition,  que  le  père  Paul 
lui  avait  données.  Il  les  dédia 
au  roi.  Il  traduisit  aussi  les  deux 
derniers  livres  de  Y  Histoire  du 
Concile.  Il  fut  pourvud'un  béné- 
fice considérable  dans  le  diocèse 
de  INorwich,  en  l'année  161 5. 
Il  le  posséda  douze  ans ,  fort 
appliqué  à  tous  ses  devoirs  ,  et 
se  souciant  fort  peu  de  faire  du 
bruit  dans  le  monde.  Il  était  si 
peu  connu,  que  personne  ne  put 
donner  de  ses  nouvelles  à  Dio- 
dati ,  théologien  de  Genève  (B). 
Sa  réputation  11e  laissa  pas  de 
passer  jusqu'en  Irlande ,  où  on 
le  nomma  ,  d'un  commun  con- 
sentement ,  principal  du  collège 

(a)  C'était  Henri  Wollon. 


BEDELL.  247 

de  la  Trinité  (b).  Il  n'accepta  sieurs  personnes  avaient  cherché 
cette  charge  ,  qu'à  condition  que  un  asile,  fut  épargnée  pendant 
ses  supérieurs  lui  commande—  deux  mois  ;  et  enfin  ,  lorsqu'on 
raient  de  le  faire;  et  comme  le  voulut  employer  la  violence 
roi  Jacques  le  lui  commanda,  il  contre  ces  personnes  ,  on  garda 
obéit  avec  joie  ,  et  remplit  admi-  ce  ménagement  pour  lui ,  qu'on 
rablement  ses  fonctions.  Deux  le  pria  de  les  renvoyer  ,  faute  de 
ans  après,  il  fut  pourvu  de  l'évê-  quoi  on  lui  déclara  qu'on  avait 
ché  de  Kilmore,  et  de  celui  d'Ar-  ordre  de  le  saisir.  Il  aima  mieux 
dagh  en  la  province  d'Ulster  :  s'abandonner  à  la  discrétion  des 
il  était  alors  dans  sa  cinquante-  rebelles  que  de  faire  sortir  de 
neuvième  année  (c).  Il  trouva  chez  lui  ceux  qui  s'y  étaient  ré- 
ces  deux  diocèses  dans  un  grand  fugiés.  On  le  fit  donc  prisonnier 
désordre  ,  et  s'employa  avec  avec  ses  deux  fils  ,  et  on  l'amena 
toute  sorte  d'activité  à  y  réfor-  dans  le  château  de  Loclnvater , 
mer  les  abus.  Il  commença  par  avec  la  petite  troupe  qu'on  trou- 
celui  de  la  pluralité  des  bénéfi—  va  chez  lui.  Il  eut  la  liberté  de 
ces;  et  pour  payer  d'exemple,  prêcher  dans  sa  prison;  et,  fort 
il  résigna  l'évêché  d'Ardagh  ,  et  peu  de  temps  après ,  il  fut  mis 
ne  retint  que  l'évêché  de  Kil-  en  liberté  avec  ses  deux  fils,  par 
more.  Il  fit  des  règlemens  pour  un  échange  de  prisonniers.  Il 
la  résidence  :  il  songea  avec  zèle  fut  mené  chez  un  pasteur  irlan- 
à  la  conversion  des  catholiques  ;  dais  ,  et  mourut  dans  peu  de 
et  croyant  (pie  rien  n'y  pourrait  jours  (d),  avec  les  dispositions 
plus  contribuer  qu'une  traduc-  les  plus  chrétiennes  que  puisse 
tion  de  l'Écriture  en  langue  ir-  avoir  un  véritable  prélat.  Sa  fin 
landaise  (C) ,  il  fit  travailler  à  fut  digne  de  la  belle  vie  qu'il 
cette  version.  Cette  affaire  ren-  avait  menée  :  c'était  le  plus 
contra  bien  des  obstacles.  Il  té-  grand  exemple  que  ces  derniers 
moigna  beaucoup  de  zèle  pour  siècles  puissent  opposer  aux  saints 
la  réunion  des  luthériens  et  des  pasteurs  de  l'église  primitive  (e). 
calvinistes  (D).  Il  n'apjjrouvait  Les  catholiques  d'Irlande,  à  qui 
point  ceux  qui  se  servaient  d'un  la  haine  pour  les  protestans  ,  et 
style  emporté  contre  le  papisme  l'esprit  de  rébellion  ,  inspirent 
(E) ,  et  il  ne  les  croyait  pas  pro-  plus  de  férocité  que  la  nature 
près  à  désabuser  les  errans.  Ses  même  de  leur  climat  et  l'éduca- 
mamères  étaient  toutes  différen-  tion,  admirèrent  sa  vertu,  et 
tes  de  leur  méthode  :  elles  étaient  lui  donnèrent  des  marques  fort 
remplies  de  la  charité  aposto-  signalées  de  leur  respect  le  jour 
lique;  et  ce  fut  cette  honnêteté  ,  de  sa  sépulture  (G).  Sa  science 
qui,  avec  la  protection  spéciale  était  grande  (Hj,  et  il  l'aurait 
de  Dieu,  le  sauva  de  la  fureur  témoignée  an  public  par  tm  plus 
des  papistes  (F) ,  lorsqu'ils  firent 

un  si  cruel  massacre  en  Irlande,  ;;'  ,',  ■  £■££  '£.,„  Burnet à    „ 

1  an  1641.   Sa  maison,  ou    plu-  sent  évêqvte de  SalisBurj ",  montre  dans  un 

grand  détail ,  et  avec  une  force  d'éloquence 

(b)  Ce  collège  est  à  Dublin.  toute  Singulière  dans   la    Vie    de  ce  prélat 

if)  C'était  donc  l'an  1629.  l'oyez  la  citation  suivante. 


248 


BEDELL. 


grand  nombre  de  livres  (I),  s'il     qu'il  n'était  guère  connu  ,  que  l'on  ne 
l.i.,  ™^+-„  c.^,,,0  l„  «„Q^o«     relève  en  même  temps  jusqu'aux  nues 


avait  voulu  mettre  sous  la  presse 

,..  .  r  sa  modestie,  son  humilité ,  son  desin- 

tous  ceux  qu  il  avait  composes,  téressement,  et  plusieurs  autres  ver- 
On  n'en  sauva  presque  rien  :  les  tus  véritablement  pastorales,  et  mal- 
rebelles   dissipèrent   ses    papiers  aisées  à  trouver.  Où  sont  les  ecclésias- 

et  toute  sa  bibliothèque.  Il  avait  *&»»  <%§ran^  **le™  f l  n.e  c>'enr- 

.  î  ?i  client  a  faire   du   bruit  dans  le  mon- 

soixante  et   douze    ans    lorsqu  il  dCj  et  surtout  jusqu'aux  oreilles  des 


mourut,  et  il  était  encore  fort 
vigoureux ,  et  n'avait  point  eu 
besoin  de  lunettes  (f). 


souverains  et  des  favoris?  Rapportons 
ce  que  le  docteur  Burnet  remarque. 
Diodati ,  dit-il  (3) ,  ce  célèbre  lh<  o- 
logien  de  Genève  ,  étant  venu  en  An- 


,  /■  t,    -  j       -17-                  -          /    /  sleterre,  n'y  put  trouver  personne  qui 

<  f)  Tue  de  sa  Vie  ,  composée  par  le  doc-  S    .            ',/-  -r                  ,i           »  •             ■■# 

te«r  Burnet,  traduite  en  français  par  L  D.  au   en    dit  des  nouvelles,    bien  qu  il 

M.  ,  et   imprimée  à  Amsterdam  ,    en  1667  ,  eut  beaucoup  de  connaissances  dans  le 

in-12.  clergé,  il  fut  fort  surpris  qu'un  nom 

me  si  extraordinaire ,  si  Jort  admire  a 

(A)  Bedell  noua  une  amitié  très-  Venise  ,  si  tendrement  chéri  des  per- 
étroite  avec  F  a-Paolo.~\  La  confi-  sonnes  du  plus  insigne  mérite  ,  fut  si 
dence  de  ce  fameux  théologien  de  Ve-  peu  connu  en  son  pays.  Il  avait  per- 
nise  fut  sans  réserve  pour  Guillaume  du  toute  espérance  de  le  voir ,  lorsque 
Bedell  :  il  lui  découvrit  son  cœur,  par  un  cas  purement  fortuit  illeren- 
beaucoup  plus  irnbu  de  la  foi  des  égli-  contra  dans  les  rues  de  Londres,  où 
ses  réformées,  que  de  celle  du  conci-  7/5  se  maïquèrtnl  tous  deux  beaucoup 
le  de  Trente.  On  n'a  peut-être  jamais  de  surprise  et  de  joie.  Diodati  le  pré- 
su  des  particularités  aussi  convain-  senta  ensuite  au  savant  évéque  de  Du- 
cantes  de  la  foi  réformée  du  père  rème  ,  M.  Morton ,  qu'il  informa  de 
Paui,  que  le  sont  celles  que  M.  Burnet  l'estime  particulière  que  le  père  Paul 
a  publiées  dans  la  vie  de  notre  évê-  en  faisait  ;  et  ce  prélat  lui  fit  ua  ae- 
quo de  Kilmore  :  j'en  parlerai  ample-  cueil  très-favorable. 

ment  en   un  autre  lieu  (1).  Il  me  suf-  (C)  Il  Jil  faire  une   traduction  de 

fit  de  dire  ici  que  le  père  Paul  aida  l'Écriture  en  langue  irlandaise.  ]    Il 

M.  Bedell  à  apprendre  la  langue  ita-  avait  appris  cette  langue,  et  quoiqu'il 

lienne  ,   et  qu'il  en  fut  aidé  pour  ap-  fut  trop   dgé  pour   la  parler ,  il  l'en- 

prendre  la   langue  anglaise.  Il  avoua  tendit  si  bien,  qu'il  en  fit  une  critique, 

qu'il  en  recevait  d'autres  instructions  et  en  donna  une  grammaire  complète  , 

plus  considérables  :  voyez  ci  dessous;  qui  est ,  dit-on,  la  première  qui  ait  ja- 

ia  remarque   (H).  J'ajoute  que  M.  Be-  mais  été  faite  (4).  En  faveur  des  nou- 

dell  mit  en  italien  la   liturgie  de  l'é-  veaux  convertis,  il  faisait  lire   tous 

glise  anglicane  ,  et  qu'il  eut  la  liberté  les  dimanches  les  communes  prières  en 

de  s'entretçnir   avec  Frà-Paolo  tant  et     irlandais,  et  y  assistait  lui-même 

aussi  souvent  qu'il  voudrait,  lors  mê-  On  avait  déjà  traduis  en  irlandais  le 
me  qu'à  cause  des  blessures  que  ce  JSouveau  Testament  et  la  Liturgie  ; 
père  avait  reçues  ,  on  ne  le  laissait  mais  jugeant  que  le  Vieil  ne  devait 
aborder  qu'à  des  gens  tout-à-fait  con-  pas  être  plus  caché  ,  il  chercha  quel- 
nus  (2).  qu'un  qui  possédât  bien  cette  langue  , 

(B)  //  était  si  peu  connu,  que  per-  pour  le  traduire  (5):  il  jeta  les  yeux 
sonne  ne  put  donner  de  ses  nouvelles  sur  un  nommé  King,  âgé  d'environ 
a  Diodati  ,  théologien  de  Genève.  ]  soixante-dix  ans,  lui  donna  les  ordres, 
Pour  un  homme  de  peu  de  mérite  ,  ce  le  pourvut  d'un  bénélice,  et  le  pria  de 
que  je  dis  là  ne  serait  pas  un  éloge  ;  commencer.  Cet  homme  n'entendant 
mais  étant  question  d'un  habile  théo-  point  les  langues  originales  fut  obligé 
logien  ,  et  d'un  pasteur  qui  faisait  sa  de  traduire  sur  l'anglais  :  son  travail 
charge  si  dignement ,  on  ne  peut  dire  fut  revu  par  Bedell  qui  ,  après  avoir 

(1)  Dans  l'article  Sarpi.  [Ce!  article  n'a  pas  (3)  La  même  .  pag.  ?5. 

été  donné  par  Bayle.  (4)  Burnet,   Vie  de  Guillaume   Bedell,  pag. 

(a)  Le   Docteur  Burnet,    Vie  de  Guillaume  119 

Bedell.                                                                  "  (5)  Lit  même,  pag.  lao. 


BEDELL.  249 

conféré  la  version  irlandaise  avec  Tan-  thieu,  qui  fut  nommé  le  Postillon  Je 
glaise  ,   conférait    celle-ci   avec    Thé-  la    Ligue.    Us    sont    comparables   en 
bieu  ,  avec  les  septante  ,  et  avec  l'ita*  quelque   chose  ;  mais  ils  dillèrent  en 
lien  de  Diodati.   Dès  qu'il  eut  vu  que  plusieurs  autres.  L'un  était  le  minis- 
cet  ouvrage  était  achevé,  il  se  résolut  tre  d'une  ligue  toute  formée,   et  qui 
à  la  dépense  de  l'impression  ;  mais  on  actuellement  sous  les  armes  ne  niédi- 
traversa  son  dessein  :    on  fit  entendre  tait  que  des  desseins  violens  :  l'autre 
au  vice-roi  et  à  l'archevêque  de  Can-  était   le   ministre   d'une  ligue  qui  ne 
torberi  que  ce  serait  une  honte  pour  subsistait  qu'en  idée  ,  et  qui  n'eût  été 
la   nation   que   de  publier    une    Bible  bâtie  que   sur  la   modération  des  es- 
qui  aurait  été  traduite  par  un  homme  prits.  Il  ne  faut  donc  pas  s'étonner  si 
aussi    méprisable  que  King  (  6  ).  Il  y  l'un  d'eux  courait  la  poste,  et  si  l'au- 
eut  un  ecclésiastique  qui  impétra  le  tre  voyageait  commodément.  On  trou- 
bénéfice  de  ce  King  ,  et  qui  l'en  chas-  ve  parmi  les   traités  que  Dura-us  pu- 
sa  avec  ignominie  et  violence  (7).  On  blia   l'an    166a  (12)  le   sentiment   de 
ne  se   contenta  pas  de  l'en  avoir  dé-  Guillaume  Bedell  sur  les  questionsque 
pouillé  ,  on  l'attaqua  en  son  honneur,  l'entrepreneur    de    la    réunion    avait. 
C'est  l'ordinaire ,  dit  M.  Burnet  (8),  proposées  aux  théologiens.  Ce  prélat 
de  ceux    qui   commettent  quelque   in-  lit  voir   qu'il  était  propre  à    de  sem- 
juslice  dr  la  vouloir  justifier  par  une  hlables  entreprises  :  voiei  comment. 
autre,  de  charger  leurs  adversaires  de  Un   grand  nombre   de  luthériens  fu- 
calomnies  ,  et  de  répéter  leurs  accusa-  rent    s'établir  à    Dublin  ,   et    refusè- 
tionsjort  souvent,  afin  de  prévenir  le  rent     de    communiquer   avec    l'église 
monde,  et  de  les  accabler  si Jort  qu  Us  d'Irlande.  On   les  cita  au  conseil  de 
ne  puissent  revenir  à  leur  droit  ,    et  l'archevêque  :  ils  répondirent  que  les 
soient  entièrement   affaissés  sous   un  théologiens  d'Allemagne  ne  trouvaient 
tel  surcroît  de  malice.  Bedell  fit  tout  pas  que  la  présence  de  Jésus-Christ  en 
ce  qu'il  put  pour  empêcher  l'oppres-  l'Eucharistie  fût  enseignée  conformé- 
sion  de  ce   pauvre   traducteur  ,  et  se  ment  à   leur  doctrine  par  l'église  ir- 
prépara  à  faire  imprimer  chez  lui  la  landaise   L'archevêque  les   renvoya  à 
Bible  irlandaise;   mais  les  désordres  l'évêque  de  Kilmore ,  qui  leur  fit  une 
survinrent ,    et  il   ne  vécut  pas  assez  si  solide  réponse  ,  que  lis  théologiens 
pour  exécuter  sa  résolution.  Le  manu-  d'Allemagne  qui  la    virent  conseillè- 
scrit  ne  se  perdit  pas  :  on  travaillait  à  rent  aux  luthériens  de  Dublin  de  com- 
l' imprimer  à  la  diligence  de  l'insigne  muniquer    avec    l'église   du   lieu.   Le 
philosophe  chrétien  M.  Boyle  (9)  dès  docteur  Burnet  dit  là-dessus  que  l'é- 
té temps  que  -M.  Burnet  publia  fa  Vie  glise  d'Angleterre  n'a   donné   aucune 
de  notre  é\èque  (10).  définition  positive  de  la  manière  dont 
(D)  Il  témoigna   beaucoup  de  zèle  le  corps  de  Jésus  -  Christ  est  présent 
pour  la  reunion  des  luthériens  et  des  dans  le  sacrement  :  de  sorte  que  les 
calvinistes.  ]   Il  ne  se  contenta  pas  de  personnes  de  différent  sentiment  peu- 
communiquer  par  lettres  à   M.  Durry  vent  pratiquer  le  même  culte  sans  être 
ses  lumières  et  ses  avis,  il  voulut  las-  obligées  de  se  déclarer  ,  et  sans  qu'on 
sister  dans  la  dépense  qu'il  lui  J'ai!  ait  puisse    présumer     qu'il,    contredisent 
faire  pour  négocier  celle  union.  Il  lui  leur  Joi  (  i3  ).  J'ai  toujours  oui  dire 
fit  une  pension  annuelle  de  vingt-cinq  que  pour  prévenir  les  schismes  et  les 
pistoles,  qu'il  paya  régulièrement  à  son  disputes,  il  n'y  aurait  rien  de  meilleur 
correspondant  de  Londres  (  11  ).   Ce  que  d'éviter  le  détail ,  etquededon- 
M.  Durry  se  nomme  en  latin  Duiœus  :  ner  aux  formulaires  la  plus  grande  gé- 
011  ne  saurait  croire  la  peine  qu'il  prit  néralitéque  l'on  pourrait, 
pour  exécuter  son  projet  de   réunion.         (E;  Il  n'approuvait  point  ceux  qui 
Je  crois  que   sans  se  presser  ii  fit  au-  5e  servaient  cFun  style  emporte  contre 
tant   de   voyages   que  le  jésuite  Mut-  le  papisme.  J  Jl  prêcha   un  jour  entre 

autr  s  choses   ce  que   l'on    va   voir  : 

(6)  La  même,  pag.  12$  <(    perrnettez_moj     mes  frcreS)  de  VOUS. 
(-)  l.a  même ,  pag.  123.  ,.  ■    •     ...  .  .         t 

/«\  t  ,   ,-.       „„     .  „  »  dire    ici   librement   ma  pensée.   Je 

(S)  La  même,  pag.  129.  « 

(9)  Burnet,  Vie  ieBe<\e\\,pag.  i3i.  (,,)  Ce  IWre  est  intitulé,  Ircnicorum  Tracta- 

(10,1  C'eil-à-dire,  l'an  i685.  tuum  Prodromiis. 

(u)  Burnet,  Vie  de  Bedell,  pag.  i3a.  (ii)  Burnet  ,  Vie  de  Bedell ,  pag.  îii. 


25o 


BEDELL. 


»  sais  bien  qu'elle  ne  sera  pas  au  goût 
»  de  plusieurs  ;  mais  cela  ne  m'em- 
»  péchera  pas  de  décharger  ma  con- 
3>  science  :  et  j'espère  que  les  person- 
»  nés  de  bon  sens  le  trouveront  bon. 
»  J'ai  cru  il  y  a  long-temps  que  la  raa- 
y>  nière  dont  plusieurs  traitent  leurs 
»  adversaires  en  leurs  écrits  et  en 
v  leurs  sermous  était  blâmable.  Ils  lâ- 
»  chent  la  bride  à  leur  plume  et  à 
D  leur  langue,  et  ce  qu'ils  disent  n'est 
»  qu'un  tissu  de  calomnies  et  d'inju- 
»  res.  Ils  pensent  avoir  fait  des  mer- 
»  veilles  quand  ils  imitent  leurs  en- 
»  nemis  ,  ou  quand  ils  les  surpassent 
»  en  ce  genre  ,  où  celui  qui  fait  le 
J)  mieux  t'aiteflèctivementle  plusmal. 
i>  Ils  tâchent  de  justifier  leur  procédé 
»  parce  texte,  Réponds  au  fou  selon 
33  sa  folie  ,  sans  réfléchir  qu'il  est  dé- 
3>  fendu  par  cet  autre  ,  Ne-  réponds 
i>  pas  au  fou  selon  sa  folie ,  de  peur 
«  que  tu  ne  lui  sois  semblable.  iVIais 
»  ils  sont  quelquefois  d'autant  plus 
»  inexcusables,  que  n'entendant  point 
»  le  sentiment  des  adversaires,  ou  du 
»  moins  le  déguisant ,  et  le  rendant 
»  plus  déraisonnable  qu'il  n'est,  les 
3'  preuves  qu'ils  apportent  n'ont  rien 
y»  de  solide  ,  et  ne  consistent  qu'en 
3>  des  paroles  emportées  sur  des  ter- 
»  mes    ambigus    que    chaque   parti 

~»  prend  en  un  sens  différent  (i4) 

»  N'envions  point  aux  papistes  et  aux 
»  autres  hérétiques  la  gloire  de  sur- 
3)  monter  nos  adversaires  en  injures, 
»  parce  que  plus  on  est  excellent  en 
»  cet  art ,  plus  on  s'éloigne  du  grand 
•»  modèle  de  charité  qui  dit  :  Appre- 
j)  nez  de  moi  que  je  suis  doux  et  hum- 
3>  bledecœur  (i 5)....  Ce  n'est  pas  avec 
3>  des  paroles  aigres  et  piquantes,  mais 
3)  par  la  solidité  des  raisons  qu'on  fait 

3>  connaître  l'erreur Nous  sommes 

3>  appelés  à  confondre  l'erreur,  et  non 
3>  pas  à  chicaner,  ou  à  dire  des  inju- 
3>  res.  On  dit  qu'Alexandre,  ayant  en- 
3)  tendu  les  brocards  d'un  de  ses  sol- 
i>  dats  contre  son  ennemi  Darius  ,  le 
3j  reprit  aigrement  en  ces  termes  : 
3)  Mon  ami ,  je  te  prends  à  ma  solde 

(i4)  Ce  Prélat  touche  le*  deux  plus  grands 
défauts  de  ceux  qui  manient  les  controverse!. 
h  un  est  qu ils  disent  trop  d'injures  à  leurs  ad- 
versaires; Vautre  est  au  ils  ne  représentent  pas 
fidèlement  les  opinions  qu'ils  réfutent;  ils  dissi- 
mulent les  raisons  fortes  de  ['autre  parti  :  ils 
s'attachent  à  de  faux  sens,  etc. 

(i5)  Ces  paroles  de  Jésus-Christ  étaient  le 
texte  sur  lequel  c*  prélat  prêchait. 


3>  pour  combattre  Darius ,  et  non  pas 
»  pour  le  traiter  indignement  comme 
»  tu  Jais  (16).  Mais,  en  vérité  ,  Jésus- 
»  Christ,  notre  capitaine  ,  se  sent  bien 
»  peu  obligé  à  ceux  qui  traitent  ainsi 
»  leurs  adversaires  •  et  il  y  a  hien  de 
»  l'apparence  que,  s'il  était  encore  sur 
3)  la  terre,  il  leur  dirait  :  A  '<>  bonne 
3»  heure  ,  prédicateurs  de  mon  Evan- 
»  gile ,  que  vous  réfutiez  le  papisme  , 
»  et  que  vous  fous  opposiez  h  l'Aute- 
3'  christ ,  mon  ennemi  ,  et  à  toutes  les 
3>  sectes  qui  combattent  sous  son  éten- 
»  dard  ;  mais  je  ne  vous  ai  pas  appe- 
»  lés  pour  les  maltraiter  de  paroles. 
»  Voilà  mes  sentimens  touchant  la 
»  manière  dont  nous  devons  traiter 
»  avec  ceux  de  la  communion  ronuai- 
»  ne.  Peut  être  ne  sont-ils  pas  confor- 
>■  mes  à  la  pratique  de  Luther,  de 
m  Calvin,  et  de  quelques  autr  s  grands 
»  hommes.  Mais  s'il  faut  que  notre 
m  conduite  soit  réglée  ,  il  ne  faut  pas 
»  qu'elle  le  soit  selon  l'exemple  que 
»  nous  voyons  en  autrui  :  ils  ont  été 
»  hommes  ,  et  peut  -  être  ont  -  ils  eu 
»  la  faiblesse  de   s'être  trop  empor- 

3)    tés  (17).    3) 

C'est  une  petite  partie  de  l'extrait 
qu'on  nous  a  donné  de  ce  sermon  dans 
la  Vie  de  ce  prélat.  Celui  qui  a  donné 
cet  extrait  nous  a  fait  savoir  que 
ce  sermon  fut  prêché  peu  après  le  dif- 
férent qu'on  eut  dans  la  chamhre  des 
communes  du  parlement  d'Irlande  , 
où  il  y  avait  beaucoup  de  papistes. 
Le  jugement  du  docteur  Burnet  là- 
dessus  est  extrêmement  digne  d'atten- 
tion. Il  y  donne,  dit-il  (18)  ,  une  si 
belle  méthode  pour  bien  traiter  les  con- 
troverses,  qu'  il  me  semble  qu'on  y  trou- 
vera un  avis  aussi  extraordinaire  qu'il 
est  peu  en  pratique. 

(F)  Son  honnêteté le  sauva  de  la 

fureur  des  papistes.  ]  Leur  amertume 
(  je  me  sers  des  termes  de  M.  l'évêque 
de  Salisburi  )  n'était  pas  assez  forte 
pour  résider  à  la  douceur  qu'il  leur 
avait  marquée  en  toute  rencontre,  et 
qui  leur  fit  dire  fort  souvent  qu'il  se- 

(16  Je  crois  que  M.  Bedetl  prend  ici  Vun 
pour  l'autre:  ce  [fut  DJemnon,  général  de  T)a- 
riu<,  qui  parla  ainsi  a  un  soldat  qui  médisait 
d' Alexandre.  Plutarch.  Apophth.  ,  pag.  \*t\. 
Mais  comme  les  anciens  ne  sont  pas  toujours 
uniformes  a  appliquer  ces  sortes  de  mots  aux 
mêmes  gens,  il  se  pourrait  faire  que  M.  Bedcll 
eut  lu  ce  qu'il  dit. 

(imi!  Burnet,  Vie  de  Bedell,  pag.  i45 ,  i47- 

(18)  Là  même  ,  pag-  «43- 


BEDELL. 


25l 


rait  le  dernier  Anglais  qui  serait  chas- 
sé d'Irlande.  Il  fut  le  seul  dans  le  com- 
té de  Cavan  qu'on  n'inquiéta  point  , 
non-seulement  en  sa  maison  ,  mais  en 
son  cimetière  et  en  son  église  ,  qui 
étaient  remplis  de  pauvres  persécutés 
(19).  Lorsque  les  rebelles  lui  firent  di- 
re qu'il  congédiât  les  réfugiés  qu'il 
avait  chez  lui ,  ils  ajoutèrent,  Que 
comme  il  avait  fait  du  bien  à  plu- 
sieurs, et   n'avait  désobligé  personne  , 


!,H)i5Vi  scienceétait  grande.  ]Le  père 
Paul  déclara  qu'il  avait  plus  appris 
de  Guillaume  Bedell ,  en  toutes  les 
parties  de  théologie,  spéculative  et  po- 
sitive ,  que  d'aucune  autre  personne 
qu'il  eût  jamais  pratiquée  (23).  Ce 
même  père  a\ait  lu  le  Nouveau  Testa- 
ment grec  avec  tant  d'exactitude  , 
qu'il  avait  fait  des  notes  sur  chaque 
mot  :  mais  ,  par  la  critique  de  M.  Be- 
dell ,  il  comprit  qu'il  n'avait  pas  en- 


on  le  considérait  plus  qu  aucun  An-    core  bien  entendu  certains  passages  r 
glais  qui  jiit  en  Irlande  (20).  Voyez  la    et  il  fut   ravi  d'en   apprendre  le  vrai 


remarque  suivante. 

(G)  Les  catholiques  irlandais...  lui 
donnèrent  des  marques  fort  signalées 
de  leur  respect  le  jour  de  sa  sépultu- 
re. ]  L'évêque  titulaire  de  Kilmore 
avait  pris  possession  de  Fe'vêché  :  il 
fallut  le  supplier  de  permettre  que 
fil.  Bedell  lût  enterré  dans  le  cimetiè 


sens  ,  que  ce  docte  Anglais  lui  montât 
(2J).  Marc  Antoine  deDominis  pria  ce 
même  docteur  d'examiner  les  dix  li- 
vres de  la  République  ecclésiastique. 
M.  Bedell  y  corrigea  beaucoup  de  mé- 
chantes applications  des  passages  de 
l'Ecriture ,  et  beaucoup  de  citations 
des  pères  ;  car  ce  prélat  étant  lout-'a- 


re  de  son  église  :  il  allégua  d'abord  fait  ignorant  dans  le  grec  ne  pouvait 
que  c  était  une  terre  sainte,  qui  ne  de-  qu'il  ne  fit  toutes  sortes  de  fautes  :  le 
vait  plus  être  profanée  par  de  tels  en-    grand  nombre  a  été  cause  que  M.  Be- 


"funt  Jut  minime  œuvres  du  savant  Ussenus  archevêque 

auprès  de  celui  de  son  épouse,  comme  d'Armach.  Elles  n'étaient  ni  d'impor- 

il  a<ait  souhaité  pendant  sa  vie.  Les  tance  ,    ni   en   nombre  ;    mais  parce 

Irlandais  voulurent  en  cette  triste  oc-  qu'elles  ne  répondaient  pas  à  lexacti- 

casion  lui  rendre  des  honneurs  eulraor-  tude  singulière  de  ce  grand  homme  ,  il 

dinaires.  Le  chef  des  rebelles  assem-  crut  qu'il  les  lui  devait  faire  voir  :  il 

bla  ses  troupes  ,  les  mit  en  ordre  ,   et  le  fit  ,  et  sa  censure  fut  reçue  de  l'ar- 


leurjil  accompagner  le  corps  en  grau 
de  cérémonie,  depuis  la  maison  de 
M.  Shereden  jusqu'au  cimetière  de 
Kilmore  :  ils  voulaient  même  que 
M.  Clogy  (ai)  fu  l'office  selon  les 
statuts  de  l  église  anglicane  •  mais  , 
quoique  les  gentilshommes  lui  eussent 
fut  celte  honnêteté ,  on  ne  jugea  pas 
à  propos  den  user  ,  de  peur  d'exciter 
la  rage  d'une  canaille  qui  n'était  que 
trop  échauffée.  Lorsqu'on  mit  le  corps 
en  terre  ,  elle  fit  une  décharge,  et  s'é- 
cria en  latin,  Requiescat  in  pace  ulti- 


chevéque  avec  la  douceur  et  l'humilité 
qui  lui  étaient  ordinaires  (26J.  11  étu- 
diait beaucoup  ,  et  son  étude  princi- 
pale c'était  le  texte  original  de  l'Ecri- 
ture ,  dont  il  avait  lu  si  souvent  l'hé- 
breu et  le  grec  des  Septante  ,  qu'il  les 
avait  aussi  à  la  main  que  la  version 
anglaise  (27). 

(I)  Il  avait  composé  plusieurs  li- 
vres. ]  J'ai  dit  dans  le  corps  de  cet  ar- 
ticle ,  qu'il  publia  une  traduction  la- 
tine de  quelques  ouvrages  du  père 
Paul.  Je  dois  dire  présentement  que 


mus  Anglorum  ,  paix  soit  au  dernier  De  Dominisfut  beaucoup  plus  satisfait 
des  anglais  ;  et  en  effet ,  ils  avaient 
proteste  fort  souvent  qu'ils  avaient 
plus  de  considération  pour  M.  Bedell 
que  pour  aucun  autre  des  évéques  an- 
glais ,  et  qu'il  serait  le  dernier  ôté  de 
parmi  eux  (22). 

(19)  Là  même,  pag.  181. 

(20)  Là  même,  pag.  2o5. 

(21)  Il  avait  été  minisire  de  Cavan,  et  avait 
demeuré  long-temps  auprès  de  Guillaume  Be- 
dell. Cest  lui  qui  donna  des  mémoires  au  doc- 
teur Bnriu-t ,  pour  faire  la  Vie  de  ce  prélat. 

(%-x)  liurnet,  Vie  de  Bedell ,  pag.  222,  323. 


de  la  version  de  M.  Bedell  ,  que  de  celle 
de  M.  Newton.  Celui-ci  traduisit  les 
deux  premiers  livres  de  YHistoire  du 
Concile  de  Trente  ;  l'autre  traduisit  les 

(23)  Burnet,  Vie  de  Bedell,  pag.  S.  M.  Wol- 
too  atteste  ce  fait  dans  une  lettre  qu'il  écrivit 
au  roi  d*  Angleterre  ,  rapportée  dans  la  Vie  de 
Guillaume  Bedell,   pag.   i-,  38. 

(24.)  Bnrnel,  Vie  de  Bedell,  pag.  10,  II, 

(]i)   La  même  ,  pag.  n,  12. 

(16)  Là  même  ,  pag.  23o. 

(t-)  Là  même  ,  pag.  22- 


252 


BÉGAT. 


deux  derniers  (28%  M.  Bedell  publia 
un  livre  de  Controverse,  l'an  1624 ,  et 
le  dédia  au  prince  de  Galles.  Ce  livre 
était  la  Réfutation  de  quelques  lettres 
de  M.  Wadsworth.  Ce  M.  Wadsworth, 
compagnon  d'étude  et  de  chambre 
de  M.  Bedell,  était  pourvu  d'un  bé- 
néfice dans  le  même  diocèse  que  M.  Be- 
dell ,  et  fut  envoyé  en  Espagne  envi- 
ron le  même  temps  que  M.  Bedell  fut 
envoyé  à  Venise  (29)  :  il  fut  envoyé  , 
dis-je  ,  en  Espagne  ,  dans  la  même 
qualité  de  chapelam  ,  destiné  pour  ap- 
prendre l'anglais  a  l'infante  ,  lors- 
qu'on en  eut  arrêté  le  mariage  avec  le 
roi  Jacques.  Il  se  laissa  persuader  de 
quitter  sa  religion  et.  son  pays;  et  pu- 
blia des  Lettres  sur  les  motifs  de  son 
changement  (3o).  M.  Bedell  les  ré- 
futa. On  croit/que  sa  réponse  fit  effet 
sur  le  cœur  de  M.  Wadsworth  ,  quoi- 
qu'elle ne  l'ait  point  engagé  à  la  pro- 
fession extérieure  de  l'église  réformée. 
On  croit  cela  ,  à  cause  que  le  fils  de 
ce  nouveau  catholique  fut  trouver 
M.  Bedell  à  Kilmore  ,  et  lui  dit  qu'il 
avait  ordre  de  son  père  de  le  remercier 
de  lapeine  qu'il  avait  prise  a  l'in- 
struire ;  qu'il  lisait  incessamnienl  son  li- 
vre, et  qu'après  celle  lecture  il  lui  avait 
ouï  dire  quelques  fois  qu'il  voulait  se 
sauver.  M.  Bedell  fait  mention  de  la 
découverte  qui  fut  faite  du  nombre 
de  la  bête  dans  l'inscription  d'une 
thèse  dédiée  au  pape  Paul  V  (3i).  On 
trouva'  que  les  lettres  numérales  de 
ces  paroles  Paulo  V ',  Vice  Deo  fai- 
saient 6r6  ;  mais  il  ne  se  vante  pas 
d'être  l'auteur  de  la  découverte  :  il 
l'était  pourtant  (3a),  et  il  fit  un  plai- 
sir extrême  à  Frà-Paolo  ,  et  aux  au- 
tres théologiens  de  la  république  de 
Venise,  quand  il  la  leur  communiqua 
(33).  Il  avait  fait  un  fort  long  Traité 
sur  ces  deux  Questions  ,  où  était  l'é- 

(28)  C'est  ce  que  je  trouve  dans  la  Vie  fran- 
çaise de  M.  Bedell,  pag.  25,  2G.  Or  c'est  sup- 
poser que  cet  ouvrage  du  père  Paul  n'est  divisé 
qu'en  IV  livres  :  cependant  toutes  les  éditions 
que  j'ai  vues  en  ont  VIII. 

(20)  Je  rapporte  les  propres  paroles  de  la 
Vje  de  Guillaume  Bedell,  quoique  j'y  trouve  un 
peu  de  difficulté;  car  il  me  semble  qu'il  se 
passa  plus  de  dôme  ans,  depuis  l'amhassade 
de  Wollon  a  Venise,  jusqu'au  traité  de  mariage 
du  prince  de  Gallrs  avec  l'infante. 

(3o)  Vie  de  Bedell,  pag.  4,  5. 

(3iJ  L'a  même  ,  pag.  14. 

(3a)  M.  Wollon  en  assura  le  roi  Jacques.  Là 
mente. 

(33)  Bnrnet ,  Vie  de  Bedell ,  pag.  is. 


glise  réformée  avant  Luther  ?  et  quel 
a  été  le  sort  de  ceux  qui  moururent  au, 
giron  de  l'église  romaine  avant  la  ré- 
formation  ?  Il  était  résolu  de  le  don- 
ner au  public ,  et  le  docte  Usserius 
l'en  avait  souvent  pressé:  la  rébellion 
d'Irlande  a  fait  périr  cet  ouvrage  (34), 
et  un  grand  amas  d  expositions  criti- 
ques sur  différais  passages  de  V Ecri- 
ture, et  ses  Sermons  et  ses  Pai  aphrases 
fort  savantes  sur  toutes  les  epîtres  et 
les  évangiles  du  jour  ,  selon  la  liturgie 
anglicane  (35).  Les  Irlandais  s'en  sai- 
sirent et  de  ses  autres  ntanuscrils ,  dont 
il  y  avait  une  grande  caisse  pleine  :  il 
n'y  eut  que  son  grand  manuscrit  hé- 
breu, qui Jut  heureusement  retiré  d'en- 
tre les  mains  de  ces  profanes  ,  et  se 
conserve  h  présent  dans  la  bibliothè- 
que du  collège  d' Emmanuel.  Ce  bon~ 
heur  arriva  par  l'entremise  d'un  Irlan- 
dais quil  avait  converti  ,  qui ,  se  mê- 
lant parmi  les  rebelles  ,  emporta  ce 
manuscrit  et  quelques  autres  livres. 
On  est  tenté  de  croire  que  c'est  le 
même  dont  il  est  parlé  dans  la  page 
25.  Or  là  il  est  dit  que  M.  Bedell 
acheta  à  Venise  du  rabbin  Léo  ,  pre- 
mier chacham  de  la  sy/i'tgogue,...  le 
beau  ruanuscrit  du  Vieil  Testament 
qu'il  donna  au  collège  d' Emmanuel , 
quoiqu'il  l'estimdt  beaucoup  ;  car  on 
dit  qu'il  lui  coulait  son  pouls  en  ar- 
gent.' 

(34)  L'a  même,  pag.  229. 
(iâ)  Là  même,  pag.  227. 

BÉGAT(Jean),  conseiller  au 
parlement  de  Dijon  ,  fut  député 
à  Charles  IX  ,  l'an  1 563  ,  pour  lui 
faire  des  remontrances  sur  l'edit 
qui  avait  accordé  aux  protestans 
l'exercice  de  leur  religion  après  la 
première  guerre  civile.  Les  Etats 
de  Bourgogne  avaient  résolu  de 
s'opposer  malgré  l'édit  aux  as- 
semblées des  protestans  ,  et  pour 
le  faire  trouver  bon  à  la  cour  , 
on  y  envoya  Bégat ,  qui  haran- 
gua fortement  sur  cette  matière. 
11  publia  ensuite  une  Apologie.  ■> 
où  il  prétendit  montrer  par  plu- 
sieurs raisonnemens  que  l'on  ne 
doit   point    souffrir   deux   reli- 


BEL 

gions  dans  un  état ,  et  que  cette 
to'érance  est  injurieuse  à  Dieu  , 
et  contraire  au  repos  public. 
Les  protestans  publièrent  un 
écrit  contre  celui-là  (a) (A). 

(a)  Ex  Tliuani  lib.   XXXVI,  pat*.    j3o, 
ad  ann.  i56^. 

(A)  Il  publia  une  Apologie....  Les 
protestons  publièrent  un  écrit  contre 
celui-là.  ]  Je  n'ai  point  encore  vu  île 
catalogue  d'auteurs,  qui  fasse  men- 
tion de  cet  ouvrage  Je  Bégat  :  el  c'est 
ce  qui  m'a  détermine  à  le  déterrer  : 
outre  qu'on  verra  dans  cet  article  le 
peu  de  respect  qu'on  avait  alors  en 
France  pour  l'autorité  royale.  La  pro- 
vince de  Bourgogne  ,  non-seulement 
ne  défère  pas  aux  volontés  de  son  roi, 
mais  elle  décide  ,  après  une  mûre  dé- 
libération dans  l'assemblée  de  ses 
états  ,  qu'elle  n'obéira  point.  Quand 
on  représente  de  semblables  clioses 
aux  Français  ,  depuis  les  révolutions 
arrivées  en  Angleterre  l'an  1688  *,  ils 
ne  savent  que  dire  ,  et  ils  voudraient 
bien  que  les  preuves  de  ces  récrimi- 
nations ne  subsistassent  nulle  part. 
J'ai  la  Remontrance  de  Bégat  ,  impri- 
mée en  latin  ,  à  Cologne  ,  l'an  1 56| . 
Elle  est  intitulée,  Responsum  Con- 
venlds  iriurn  (JrJinum  Ducatds  Bur- 
gundiie'âe  edicto  pacis  nuper  in  causa 
religionis  factœ  ,  ad  chrislianissimum 
i'rulliarum  regtm  Carolum  nonum  , 
anno  1 563.  11  est  étonnant,  qu'elle  soit 
si  inconnue  :  car  elle  fut  traduite  en 
plusieurs  langues  ,  comme  je  viens  de 
le  voir  dans  les  Meslanges  Para- 
dox ailes  de  Pierre  de  Saint-Julien.  Ce 
passage  est  si  curieux ,  qu'il  mérite 
d'être  rapporté  sans  retranchement. 
«  Pour  parler  de  chose  plus  récente  , 
»  lorsque  la  cour  de  parlement  de 
»  Bourgongne  ,  séant  à  Dijon,  députa 

*  Boubier  ,  elle  par  Jolv,  prétend  que  dans 
cette  phrase  Bayle  compare  la  conduite  des 
Bourguignons,  sous  Charles  IX,  a  celle  des 
Anglais  sous  Jacques  II:  il  raconte  que  Bégat  lut 
envoyé  deux  fois  député  à  Paris  pour  faire  îles 
remontrances  contre  les  édits  en  laveur  des 
protestans.  qu'il  fui  toujours  liicn  accueilli  à  la 
cour,  cl  que  même  la  première  fois  il  recul  des 
lettres  de  félicitations  de  l'Hospital.  Ce  lût  lors 
de  sou  second  voyage  à  Paris  qu'on  lui  Gt  la 
réponse,  rapportée  par  Pierre  de  Saint-Julien 
Joly  renvoie  au  reste  a  Vf/moire  des  Commen- 
tateurs de  la  coutume  de  Bourdonne  Dur  Bou- 
hif-r  et  a  la  Bibliothèque  de  Bourgogne.  ! 
est  mort  le  21  [uin   1S72,  à  quarante-neuf  an*, 


LAI.  ,53 

»  M.  Jean  Bégat  conseiller  en  icelle , 
»  pour  aller  rendre  raison  au  roi ,' 
»  pourquoi  ladite  cour  n'avoit  pro- 
»  cédé  à  la  publication  de  l'édit  de 
»  janvier  (1),  (  où  icelui  sieur  Bégat 
»  parla  si  bien  et  si  doctement ,  que 
»  autre  remojistrauce  n'a  esté  mieux 
»  receue  de  nostre  tems  :  ce  que  se 
»  pentjuger,  parce  que  icelle  remon- 
»  strauce  françoise  a  esté  traduicte  en 
»  latin  ,  italien  ,  espagnol  et  alle- 
»  mand)  ,  il  advint  que  séparément 
»  ledit  sieur  Bégat  tomba  en  propos 
»  avec  le  sieur  chancellier  de  PHospi- 
»  tal  sur  le  même  faict.  Et  comme  le 
»  conseiller  feist  fondement  des  privi- 
»  léges  de  Bourgongne  ,  et  dit  que  le 
»  roi  les  avait  juré  ,  et  promis  obser- 
»  ver  :  ledit  sieur  de  l'Hospital  (  ro- 
»  gîte  comme  un  chancellier  )  retor- 
»  qua  qu'il  n'appartenait  aux  subjects 
»  d  agir  contre  leur  roi  ex  sponsu 
»  (  ce  furent  ses  motz  )  et  que  toutes 
»  conventions  de  princes  souverains 
»  avec  leurs  subjects  ne  les  obligent 
»  que  tandis  qu'il  leur  plaira  (2).  » 

„  {})  je  f'°"  »»*''  se  fompe,  el  qu'il  confond 
CedU  de  janvier  ,5bi  avec  L'édit  de  pacification. 
du  mois-  de  mars  i5t>3. 

(a)  Pierre  de  Saint-Julien,  doyen  de  Chdlons, 
Meslanges  Paradoxalles,  pag.  123. 

BELLAI ,  famille  illustre  et  an- 
cienne dans  l'Anjou ,  de  laquelle 
sont  sortis  quelques  grands  hom- 
mes. Voyez  dans  Moréri  une 
longue  suite  de  la  généalogie  de 
du  Bellai,  et  un  assez  grand  dé- 
tail sur  les  personnes  de  ce  nom 
qui  se  sont  le  plus  distinguées. 
J'éviterai  autant  qu'il  me  sera 
possible  les  répétitions  en  parlant 
de  Guillaume  du  Bellai,  et  de 
Jean  du  Bellai  son  frère.  Je  veux 
dire  ,  qu'autant  que  faire  se 
pourra  je  laisserai  ce  qui  a  été 
déjà  pris  par  M.  Moréri. 

BELLAI  (Guillaume  du)  ,  sei- 
gneur de  Langei,  était  fils  de 
Louis  du  Bellai  (a) ,  et  de  Mar- 
guerite  de    la  Tour-Landri.    Il 

rendit  de  grands  servi,  es  à  Fran- 

(<i)  Il  fonda  la  branche  de  Langei. 


à54  BELLAI. 

cois  Ier. ,  tant  par  son  courage  ,  par  ordre  du  roi ,  il  l'avait  tra- 
nue-par  son  esprit  :  il  ne  fut  pas  duite  en  français.  Quelqu'un 
moins  un  bon  capitaine  qu'un  s'empara  de  cet  ouvrage,  de 
habile  négociateur ,  et  il  eut  la  sorte  que  le  public  en  est  de- 
plume  avissi  bonne  que  la  langue  meure  frustré  à  la  réserve  de 
et  que  l'épée.  Son  adresse  à  pé-  quelques  fragmens,  et  de  trois 
nétrer  par  ses  espions ,  et  par  ses  ou  quatre  livres ,  que  Maktiiv  du 


intrigues,  les  desseins  des  enne- 
mis ,  était  surprenante.    Voyez 


Bellai,  frère  de  Fauteur,  a  in- 
sérés  dans  ses    Mémoires    (D). 


dans  Moréri  ce  que  Brantôme  On  verra  dans  les  remarques  le 
en  a  dit,  et  ajoutez-y  ce  que  je  jugement  que  Montaigne  a  fait 
rapporte  ci-dessous  (A).  Il  fut  un  de  ce  livre  (E).  Le  prologue  con- 
des  principaux  ressorts  quipous-  tient  des  avis  très-importans  aux 
sèrent  quelques  universités  de  historiens ,  et  des  réflexions  très- 
France  à  opiner  selon  les  passions  solides  sur  les  indignités  qu'on 
de  Henri  YIII,  roi  d'Angleterre,  fait  à  l'histoire  (F).  C'est  par 
lorsque  ce  prince  se  voulut  dé-  une  erreur  palpable,  qvi'on  im- 
faire  de  sa  femme  par  la  voie  du  pute  à  Guillaume  du  Bellai  un 
divorce  afin  d'avoir  les  mains  écrit  sur  la  discipline  militaire, 
libres  pour  épouser  Anne  Boulen.  (G).  Je  crois  qu'il  était  l'auteur 
Il  était  de  l'intérêt  de  la  France  des  autres  ouvrages  qu'on  lui 
de  favoriser  en  cela  le  roi  d'An-  attribue  (H)  ;  mais  je  ne  pense 
gleterre  ;  car  le  divorce  de  la  pas  qu'ils  aient  jamais  été  im- 
reine  Catherine  était  un  affront  primés.  J'excepte  VÉpitome  des 
pour  l'empereur,  et  un  plaisir  Antiquités  des  Gaules  ,  qui  fut 
pour  Henri  YIII.  Cet  affront  imprimé,  avec  quelques  au- 
d'un  côté  ,  ce  plaisir  de  l'autre  ,  très  petites  pièces ,  l'an  «55t>  *. 
étaient  fort  capables  de  former  La  Croix  du  Maine  assure  que 
une  liaison  très-étroite  entre  le  Guillaume  du  Bellai  naquit  en- 
roi  d'Angleterre  et  François  Ier.  viron  l'an  1498,  à  Glatigni  , 
De  là  vint  que  Guillaume  du  dans  le  Perche  (c).  Je  crois  qu'il 
Bellai  employa  tout  son  savoir- 
faire  en  faveur  de  Henri  "VIII. 
Il   fut  envoyé  plusieurs   fois  en 


se  trompe  quant  au  temps  (I). 

Maine   s'est  imaginé  faussement  que  Guil- 


iut  envoyé   uiusicuia   îwu  ^u    c.  _  „  ,      _ 

•>        \       j              .               j  laurae   du  Bellai  avait  fait  un    livre   intitule 

Allemagne  auprès  des  princes  de  0g(loade  ,  qui  était  différent  de  son  Histoire 

la  ligue  protestante  :  il  y  esqui-  de  France. 

-.°    j       't„m/>„t  Uc    nniinc    rrnp  *  Bayle  n'a  pas  connu  ,    dit  Joly  ,   le  poë- 

vait    adroitement  les  coups  que  ^  .J^.    ^mUdmi  du  BeUJperegrina. 

l'on  lui  portait  ,    touchant    la  se—  tio  humana  ,  1509.  In-8".  de  122  pages. 

vérité    avec    laquelle     le   roi    son  (c)  La  Croix  du  Maine  ,  Biuliotli.  franc.  , 

maître  punissait   les    hérétiques  W*  l3$- 

(B).  Il  fut   fait  chevalier  de  l'or-  ^  gon  adresse  a  pénétrer  les  dés- 


axe ,    et  lieutenant  général    en 
Italie.  Il  avait  composé  en  latin 


seins   des    ennemis  était  surprenante 
voyez  ce  que  je  rapporte  ci-dessous.  ] 


liane.  11  avun  wujuwi.  *-■»  *«-*"    --, -,-     j _.„  r<     ,  ,- 

Tr.       ■       j  ,  „   ir\       François    de    Binon   observe  que   le 

une  Histoire  de  son  temps  (G)  ,    £™gr  de  £d^  ^  commqeriçait 

jamais  l'exécution  d'aucune  entre- 
prise militaire  ,  qu'après  avoir  em- 
ployé sa  plume  à  de'couvnr  l'état  de? 


divisée  en  ogdoades  (b)  ;  et  puis  , 

(b)  Cela  veut  dire  qu'il faisait  ses  divisions 
de  huit   livres  en  huit  livres.    La   Croix  du 


BELLAT. 


>55 


choses  (i).  H  rapporte  ensuite  ces  pa-  Mélanchthon  avait  publié  (5).  Le 
rôles  de  Charles-Quint  ,  la  plume  de  père  Maimbourg  s'est  mis  là-dessus  fort 
Langey  m  atrop  plus  fiait  ta  guerre,  que  eu  colère  corjtre  Sleidan.  Comment 
toute  lance  bardée  de  lu  France  {"i).  Il  est  ce  ,  demande-t-il  [6) ,  que  le  set- 
dit  beaucoup  de  bien  des  secrétaires  gneur  du  Bel/ai^)  pourrait  avoir  dit 
de  ce  seigneur  ;  car  après  avoir  parlé  aux  luthériens  une  chose  si  fausse  ,  et 
d'un  personnage  qui  offrit  inutilement  si  éloignée  de  toute  vraisemblance? 
deux  raille  écus  d'or  pour  avoir  copie  lui  ,  qui  au  commencement  de  celle 
d'une  lettre  qu'un  cardinal  avait  écri-  même  année  avait  suivi  le  roi  à  une 
te  à  François  1er  ,  il  ajoute  que  ce  per-  célèbre  procession ,  où  ce  prince  avait 
sonnage  s'en  alla  assez  confus  comme  témoigné  tant  de  zèle  pour  la  reli"ion 
s'ctant  présumé  avoir  affaire  à  quelques  catholique,  et  au  retour  de  laquelle 
bons  marchant»  semblables  à  ceux  du  il  fit  brûler  tout  vifs  a  petit  feu  six 
deffunct  marquis  du  Guasl,  qu'un  se-  hommes  convaincus  du  luthéranisme  ? 
crétairedu  mcmorable  Langty  {nom-  J'aimerais  autant  demander,  comment 
me  Landry  )  rnenott  secrètement  par  serait- il  possible  qu'un  ambassadeur 
le  bec  jusques  au  fous  de  leur  pensée  fin  et  adroit  se  servît  de  quelques  dé- 
par  voye  d'argent.  Le  tout  pour  laj-  guisemens  ,  lorsqu'il  veut  obtenir  des 
fiction  qu'il  portait  à  un  maistre  qui  se  choses  de  grande  importance,  qu'un 
fiaisoil  faire  au  besoin  voluntuire  sacri-  aveu  sincère  lui  fierait  manquer  infiail- 
fice  des  coeurs  de  ses  secrétaires  et  liblement  ?  Le  père  Maimbourg  avoué 
d'autres genlizhommes ,  dont  encore  a  (8)  que  du  Bellai  déclara,  que  ceux 
sa  louenge  (  et  pour  avyser  la  France  qu'on  avait  punis  en  France  n'étaient 
des  gens  de  service  de  son  tems  )  on  pas  des  gens  que  les  protestans  d'Alle- 
dit  en  maint  honneste  lieu  ce  mot ,  mague  pussent  avouer.  Ce  même  jé- 
nourriture  de  Langey  (3).  Si  l'auteur  suite  ne  censure  point  Sleidan  d'avoir 
qui  a  tant  parlé  des  grands  effets  de  dit  que  du  Bellai  protesta  que  le  roi 
la  plume  ,  et  qui  en  a  cité  lant  d'exem-  sou  maître  n'avait  point  établi  un 
pies  ,  avait  su  ce  que  je  viens  de  citer,  préjugé  contre  le  luthéranisme  par  le 
il  en  aurait  orné  son  ouvrage  intitulé  supplice  auquel  il  avait  condamné 
Arma  anserina  (4).  quelques-uns  de  ses  sujets  ,  et  qu'il 
(B)  Il  esquivait  adroitement  les  n'y  avait  que  de  malins  calomniateurs 
coups  que  l'on  lui  portait  touchant..,,  qui  pussent  dire  une  telle  imperti- 
le  supplice  des  hérétiques.  ]  Voyez  le  nence.  lllum  animadvertisse  quidem 
précis  de  sa  harangue  dans  le  IXe.  livre  in  suœ  ditionis  quosdam  :  sed  hoc  ad 
de  Sleidan  :  on  ne  pouvait  pas  plai-  ipsorum  injuriant  nullam  pertinere 
der  plus  adroitement  qu'il  le  fit  pour  tametsi  malevoli  dicant  quant  illos  è 
le  supplice  que  François  1er.  avait  fait  medio  sustulit,  ipsorum  quoque  cau- 
souilrir  à  quelques-uns  de  ses  sujets  sam  veluti  prœjudicio  quodam  con- 
imbus  de  la  nouvelle  opinion  *.  .Mais  demndtse  :  rogat  aulem  ne  tant  ineptia 
les  conversations  de  Langei  étaient  calummis  moveanlur  (g).  Il  faut  donc 
pour  le  moins  aussi  adroites  que  ses  que  le  père  Maimbourg  ait  cru  que 
harangues  :  il  conférait  avec  les  doc-  l'ambassadeur  avait  parlé  de  la  sorle: 
teurs  ,  et  leur  avouait  «pie  sur  plu-  or  que  peut-on  dire  de  plus  contraire 
sieurs  points  le  roi  son  maître  ne  s'é-  à  la  bonne  foi,  de  plus  faux,  de 
loignait  pas  beaucoup  d'un  livre  que  moins    vraisemblable  ?   La    notoriété 

publique  n'apprenait  -  elle  pas  qu'a 
Paris  on  ne  faisait  point  plus  de  quar- 
tier aux  luthériens  ,  qu'aux  zuin- 
gliens?  Voyez  ce  qui  a  été  dit  sur 
tout  ceci  contre  le  père  Maimbourg 


(i)  Bitlon  ,  Fort  inexpugnable  de  l'honneur  du 
sexe  féminin,  folio  36  verso,  édition  de  Va- 
ris,  en  if>55,  in-40. 

(?)   T.a  même ,  folio   î37- 

(3)  Là  même,  folio  ?^5   xprio. 

(4)  Imprime' il  Lerdf,   en  llï-i),   l'n-13. 
"  Leclerc  ,  pour  excuser  ilu  Bellay  ,  dil  que  son 

discours  lui  avaii  été  dicté  Du  rôle  .  rlil-il  ,  il 
ne  trompa  pas  les  protestans  :  car.  i°.  aucun 
Allemand  n'.vai  été  puni  en  France  pour  \r-. 
placards  -,  2°.  les  auteur*  de  ces  plai  ards  ne 
pouvaient  pas  êirc  avoués  par  le-,  protestans 
d'Allemagne  ,  t°.  les  condamnations  prononcées 
ne  l'avaient  pas  été  par  prc|ujé  contre  le  lutLs- 
ranisme. 


(5)   Celaient  ses  lieux  communs. 

(6;  Maimb. ,  Histoire  du  Lulbcrau.,  lu:  III . 
paç.  lit. 

I  la  page  pre'ce'dente,  il  l'appelle  Guil- 
laume de  Langey,  seigneur  du  Bellai.  C  eil 
renverser  l'ordre. 

(S;    Pop.    oit  de  son  Luthéranisme. 

(9)  Sle:danus,  Ub.  IX,  folio  318. 


i56 


BEL 


dansla  Critique  générale  de  son  Calvi- 
nisme (10).  Nous  avons  ici  un  article 
de  la  religion  du  souverain  ,  et  un 
point  ilu  catéchisme  des  ambassa- 
deurs j  c'est  qu'il  faut  persécuter  chez 
soi  l'hérésie  ,  et  la  caresser  chez  les 
étrangers  ,-ou  pour  l'exciter  à  une 
guerre  civile  dans  un  état  qu'on  a  in- 
térêt d'affaiblir  ,  ou  pour  se  fortifier 
d'une  alliance  avantageuse.  Agir  se- 
lon la  doctrine  des  équivoques  ,  c'est 
le  métier  des  ambassadeurs.  C'est 
pour  eux  principalement  qu'elle  au- 
rait dù  être  inventée.  Si  elle  était  sûre 
dans  le  barreau  de  la  conscience  ,  elle 
leur  serait  absolument  nécessaire  pour 
le  salut  éternel.  Au  reste,  la  bonne 
foi  de  Sleidan  a  été  mise  dans  tout  son 
jour  par  M.  de  Seckendorf.  Il  cite  des 
lettres  de  Guillaume  du  Bellai ,  et  de 
Jean  du  Bellai  son  frère  ,  écrites  à 
Mélanchthon  ,  par  lesquelles  ils  l'as- 
suraient des  bons  sentiniens  de  Fran- 
çois 1er.  (ii)-  11  cite  même  une  lettre 
que  ce  prince  écrivit  à  la  ligue  de 
Sraalcalde,  pour  excuser  les  supplices 
en  question  (ia).  On  se  jouait  mani- 
festement des  princes  ligués  :  et  pour 
les  empêcher  de  s'accorder  avec  Char- 
les-Quint ,  on  tâchait  de  leur  faire  ac- 
croire bien  des  choses.  Un  historien 
moderne  fi 3)  remarque  que  tout  le 
discours  de  Guillaume  du  Bellai  à  la 
faculté  de  théologie  de  Paris  ,  assem- 
blée pour  délibérer  sur  le  divorce  du 
roi  d'Angleterre  ,  était  plein  de  four- 
beries :  pourquoi  aurait  il  été  plus 
sincère  au  préjudice  de  François  Ier. 
en  Allemagne  ? 

(C)  //  avait  compose  en  latin  une 
Histoire  de  son  temps.  ]  Scévole  de 
Sainte-Marthe  s'est  fort  trompé  ,  lors- 
qu'il a  dit  que  cet  ouvrage  était  l'his- 
toire de  France  ,  depuis  le  commen- 
cement de  la  monarchie  jusques  au 
temps  de  l'auteur.  Uistnriam  de  rébus 
Gallicis  ,  ab  ipsâ  imperii  origine ,  ad 
sua  usque  tempora  ,  tum  latine  tum 
gallicè  ,  grat  issimo  stylo  persécutes 
est  (i4)-  S'il  avait  lu  les  préfaces  ,  il 
n'aurait   pas  dit  cela  5  car  Guillaume 

(10)  Lettre  XVIII ,  pag.  333  de  la  IIIe. 
édition. 

(n)  Seclsendorf,  hb.  III,  pag.  109.  Voyez 
aussi  pag.  o.5g,  num.  12. 

(12)  Ibidem,  pat;.    J04. 

(i3)  Le  Grand,  Histoire  rln  Divorce  de 
Henri  VIII,   loin.  /"'.,  pag.  179. 

(\*i)  Sammarth.  in  Elogiis  ,  pag.  12. 


LAI. 

du  Bellai  déclare  en  termes  formels 
(i5)  ,  que  le  commencement  de  ses 
Mémoires  est  dès  la  première  adoles- 
cence de  François  Ier.  11  ajoute  que 
d'abord  il  y  avait  mis  ,  comme  par 
manière  d'avant-propos  ,  un  discours 
sur  l'origine  des  Gaulois  et  des  Fran- 
çais ,  et  sur  la  réduction  de  ces  deux 
peuples  en  une  seule  nation  ,  qui  se- 
coua le  joug  des  Romains  :  mais  qu'en- 
suite il  mit  ce  discours  à  port ,  et 
l'augmenta  de  telle  sorte ,  [qu'il  en  fit 
un  ouvrage  séparé  ,  et  l'une  des  sept 
Ogdoades  qui  composaient  son  his- 
toire. Il  traitait  dans  cette  Ogdoade  : 
i°.  de  l'antiquité  des  Gaulois  et  des 
Français  ;  a0,  de  la  division  des  Gau- 
les et  de  la  France  :  il  donnait  là  une 
description  géographique  ,  et  accor- 
dait le  plus  qu'il  pouvait  les  noms 
modernes  avec  les  anciens  ;  3°.  des 
lois  et  coutumes  tant  militaires  que 
politiques  ,  et  des  charges  et  des  di- 
gnités. //  apprnprinit  le  temps  passé 
au  présent  ,  au  mieux  et  au  plus  près 
qu'il  ai'oit  pu  faire  (16).  Martin  du 
Bellai  ne  condamne  pas  moins  claire- 
ment Scévole  de  Sainte-Marthe  :  Feu 
mon  frère  ,  messire  Guillaume  du  Bel- 
lai,... avoit  composé ,  dit-il  (17)  ,  sept 
Ogdoades  lutines  ,  par  lui  mes  me 
traduites  du  commandement  du  roi  en 
noslre  langue  vulgaire  ,  où  l'on  pou- 
voit  voir  comme  en  un  clair  miroir, 
non-seulement  le  pourtrait  des  occur- 
rences de  ce  siècle  ,  mais  une  dextérité 
d'escrire  merveilleuse ,  et  a  lui  pécu- 
lière  ,  selon  les  jugemens  des  plus  sa- 
vons. Si  Ton  y  avait  pu  voir  toute  l'his- 
toire de  la  monarchie ,  se  fùt-il  borné 
à  recommander  les  mémoires  de  son 
frère  par  les  seules  occurrences  de  ce 
siècle  ,  et  par  le  style  ? 

Notez  que  le  livre  de  l'Antiquité  des 
Gaulois  et  des  Français  est  si  rempli 
de  mensonges  ,  qu'on  dirait  que  l'au  ■ 
teur  se  proposa  moins  de  faire  une  his- 
toire ,  que  de  forger  un  roman.  IVon 
Francogallicœ  Historiée  ,  sedAmadi- 
sienrum  Fabularum  instituisse  trarta- 
tionem  videtur.  C'est  ainsi  qu'en  parle 
François  Hotman,  à  la  fin  du  IVe.  cha- 
pitre de  sa  Francogallia. 

(D)...   dont  il  ne  reste  que  quelques 

(i5l  Dans    son   prologue:    voyez  la  pag.  /|54 
des  Mémoires  de  Martin  du  Bellai.    Édition  de 
la  Rochelle,  en  iH-'i,  in-8°. 
(16)  L'a  même  ,  pag.  ^5^. 

(17)  Dans  la  préface. 


BELL  AI. 


',5j 


livres  ,  que  Martin  du  Bellai...  a  insé-  Genève  ,  en  l5g4  ,  in-8°.  :  il  ne  parle 

rés  dans  ses  Mémoires.]  Il  était   lui  point  de  celle  de  la  Rochelle,  en  \^'i, 

aussi  homme  de  guerre  et  de   plume.  in-8°.  Hugues  Sureau  mit  cet  ouvrage 

Il  fut  chevalier  de  l'ordre  du  roi ,  ca-  en  latin  ,  et  le  publia  à  Francfort  ,  in- 

pitaine  de  cinquante  hommes  d'armes  folio  ,    l'an    iS^-   Martin  du    Bellai 

de   ses  ordonnances  ,    et   son  lieute-  était  mort  à  Glatigni  ,  le  9  de  m«rs 


nant  général  eu  Normandie.  Il  a  laissé 
des  Mémoires ,  qui  s'étendent  depuis 
l'an  1 5 1 3  ,  qu'il  vint  a  la  cour,  jusques 
à  la  mort  de  François  Ier.  Ce  sont  des 
Mémoires  tant  de  la  paix  que  de  la 
guerre  ,  dont  je  puis  parler  ,  dit  il  (18), 
en  partie  comme  tesmoing  oculaire  ; 
car  en  plusieurs  endroits  ,  et   deçà  et 
delà  les  nions  ,  me  suis  trouvé  en  per- 
sonne ,  et  des  autres  ai  peu  avoir  cer- 
tain advis  par  ceux  qui  ont  esté  pré- 
sens. De  dix  livres  qui  composent  cet 
ouvrage  ,  il  n'y  en  a  que  trois  qui  ap- 
partiennent à  Guillaume  du  Bellai,  si 
l'on  s'en  rapporte  au  frontispice  ,  à  la 
préface  de  Martin  du   Bellai  ,    et   au 
titre  du  Prologue  des  Ogdoades  ;  mais 
si  l'on  consulte  le  haut  des  pages  ,  et 
le  titre  particulier  qui  est  à  la  tête  de 
chaque  livre  ,  on  trouve  que  le  Ve. ,  le 
VIe. ,  le  VIIe.  et  le  VIIIe.  livre  appar- 
tiennent à  Guillaume  du  Bellai,  et  que 
le  Ier. ,  le  IIe. ,  le  IIIe. ,  le  IVe. ,  le  IXe. , 
et  le  Xe.  appartiennent  à  Martin.  Ce 
qui  appartient  à  Guillaume  est  tiré  de 
la    Ve.     Ogdoade  ,   et  s'étend   depuis 
l'année  1 536,  jusques  à  l'année  i5;}o 
(19).   L'ouvrage  entier  de  Guillaume 
comprenait  sept  Ogdoades  ;    mais   la 
première  ne  regardait  point   François 
1er.  :  elle   traitait  des  Antiquités  des 
Gaulois  et  des  Français,  etc. ,  comme 
je  l'ai   déjà    dit   (20).  Les  six  autres 
étaient  destinées  au  règne  de  ce  mo- 
narque. Les  dix  livres  que  nous  avons 
en  partie  de  Guillaume  ,  et  en  partie 
de  M.irtin  ,   furent  imprimés  à  Paris, 
l'an  i56g,  in-folio,  par  les  soius  de 
René  du  Bellai  ,  baron  de  la  Lande  , 
cendre  de   Martin.  Je  vois  citer  une 
édition  de  Paris  ,  in-folio,  en   i5^2  • 
<t    j'en   ai   vu    une  ,  qui   fut   achevée 
d'imprimer  à  Paris  ,  le  29  d'octobre 
1 587  ,    in-folio ,   par  Pierre  le  Voir- 
rier  ,  imprimeur  du  roi  es  mathéma- 
tiques.  Elle    se   vendait   chez    Pierre 
i'rluillier.  Du  Chêne,  dans  la  Bibliothè- 
que des  auteurs  île  l'Histoire  de  Fran- 
ce (ai) ,  dit  qu'il  y  a  une  édition  de 

(18)  Dans  sa  préface. 

(19)  Préface  de  Uart.n  do  Bellai. 
faoj  Pans  la  remarque  (Ci. 
[>,)  Pag.  85. 

TOME  ni. 


i559  (32).  Il  avait  épousé  Isabeau 
Chenu  dame  d'Yvetot;  et  par  ce  ma- 
riage ,  il  était  devenu  prince  d'Yve- 
tot (a3). 

(E)    On   verra  ci-dessous    le  juge- 
ment que  Montaigne  a  fait  de  ce  livre.] 
Voici    ses  paroles  :  «  C'est  tousjours 
»  plaisir  de  voir   les  choses    escrites 
»  par  ceux  qui  ont  essayé  comme  il 
»  les  faut  conduire  ;  mais  il  ne  se  peut 
»  nier  ,  qu'il  ne  se  découvre  évidem- 
»  ment   en   ces    deux  seigneurs   ici , 
»  un  grand  déchet  de  la  franchise  et 
»  liberté  d'escrire ,  qui  reluit  es  an- 
»  ciens  de  leur  sorte  ,  comme  au  sire 
>>  de  Jouinville,  domestique  de  saint 
»  Louis  ,     Eginard  ,    chancelier    de 
)>  Charlemagne  ,  et   de   plus  fraîche 
»  mémoire  en  Philippe  de  Comines. 
)>  C'est  ici  plustost  un  plaidoyer  pour 
»  le  roi  François    contre  l'empereur 
»  Charles   V ,  qu'une  histoire.  Je  ne 
»  veux  pas   croire  qu'ils  ayent  rien 
»  changé  ,    quant  au  gros  du  faict  ; 
»  mais  de  contourner  le  jugement  des 
»  événemens,  souvent  contre  raison  , 
»  à  nostre  avantage,    et  d'obmettre 
»  tout  ce  qu'il  y  a  de  chatouilleux  en 
»  la  vie  de  leur  raaistre  ,  ils  en  font 
»  mestier  :  témoin  les  reculemens  de 
»  messieurs   de  Montmorency  et  de 
»  Brion,   qui  y  sont  oubliés  ,  voire  le 
»  seul   nom  de  madame  d'Estampes 
»  ne  s'y  trouve  point.  On  peut  cou- 
»   vrir  les   actions  secrètes  ;  mais   de 
»  taire  ce  que  tout  le  monde   sçait  , 
»  et  les  choses  qui  ont  tiré  des  efléets 
»  publics  ,    et  de  telle  conséquence  , 
»  c'est   un  défaut   inexcusable.  Som- 
))  me,  pour  avoir  l'entière   connois- 
»  sance  du  roi  François ,  et  des  cho- 
»  ses  advenues  de  son   temps  ,  qu'on 
»  s'adresse  ailleurs  ,  si  on  m'en  croit. 
»  Ce  qu'on  peut  faire  ici  de  profit  , 
»  c'est  par  la  déduction  particulière 
»  des   batailles  et  exploicts  de  guerre 
»  où  ces  gentilshommes  se  sont  trou- 
»  \ez  ,   quelqnes   paroles   et    actions 
»  privées   d'aucuns    princes   de   leur 
->  temps,  et  les  pratiques  et  négocia- 

(ti)  La  Croix  du  Maine  ,  B;i.lioUié<iue  fran- 
çaise, pag.  3i 4- 
(a3)  La  même,  pag.  3i3. 

r7 


258 


BELLAI. 


)i  tions  conduites  par  le  seigneur  de 
j)  Langeay,  où  il  y  a  tout  plein  de 
»  choses  dignes  d'estre  sçeues  ,  et  des 
3>  discours  non  vulgaires  (2:}).  »  Si 
M.  More'ri  avait  lu  les  Mémoires  de  ces 
messieurs  ,  il  faudrait  conclure  qu'il 
ne  savait  guère  juger  d'un  livre  ;  car 
il  dit  que  le  style  de  Guillaume  du 
Déliai  est  pompeux  et  magnifique  ,  et 
de  la  manière  que  doit  écrire  un  hom- 
me de  qualité.  Premièrement ,  il  est 
certain  que  le  style  de  cet  illustre 
personnage  n'est  point  pompeux  et 
magnifique  :  il  n'est  point  châtié,  il 
ne  sent  point  le  travail,  on  y  trouve 
quantité  de  termes  écorchés  du  latin; 
ce  qui  témoigne  que  l'auteur  se  rend 
justice  ,  lorsqu'il  déclare  qu'il  n'a 
point  songé  à  la  perfection  du  style. 
En  second  lieu  ,  ce  ne  sont  pas  les 
personnes  de  qualité  qui  écrivent 
d'un  style  pompeux  :  ce  n'est  nulle- 
ment par  ce  caractère  que  l'on  décou- 
vre si  un  auteur  est  de  qualité.  Un 
rhétoricien  de  profession  ,  un  moine 
prédicateur,  donne  cent  fois  mieux 
dans  la  pompe  du  langage  ,  qu'un 
homme  de  cour. 

(F)  Le  Prologue  de  ses  Ogdoades 
contient  des  avis  très-importans  aux 
historiens....  sur  les  indignités  qu'on 
fait  à  l'histoire.]  Jamais  on  n'a  eu 
plus  de  besoin  qu'au  temps  où  nous 
sommes  ,  de  faire  attention  à  cela  ; 
mais  le  grand  mal  est  qu'aujourd'hui 
la  plupart  de  ceux  qui  font  les  fautes 
censurées  par  Guillaume  du  Ëellai , 
ne  pèchent  point  par  ignorance.  C'est 
la  malice,  c'est  l'animosité  ,  ou  bien 
l'envie  de  s'accommoder  au  goût  po- 
pulaire, et  d'en  tirer  du  profit,  qui 
engagent  à  falsifier  les  relations. 
Quelle  que  puisse  être  la  source  de  ce 
désordre,  je  mettrai  ici  un  long  pas- 
sage de  cet  auteur.  11  remarque  très- 
justement  qu'il  importe  que  ceux  qui 
savent  les  choses  se  hâtent  de  les  pu- 
blier ;  car,  autrement,  la  peine  de 
remonter  jusqu'à  la  première  origine 
devient  trop  grande.  Voici  son  vieux 
gaulois.  «  En  hystoire,  dit-il  (25) ,  de 
■'■>  tant  plus  est  la  tardiveté  périlleuse, 
«  que  la  vie  des  mortels  est  courte  :  et 

(24)  Montaigne  ,  Essais,  liv.'II,  chap.  X  à 
la  fin,  tom.  II,  pag.  i55.  Edition  de  Paris, 
en  i65g,  in-12. 

(ï5)  Gnillanme  du  Bellai,  Prologue  îles  Og- 
doades ,  pag.  435,  et  suiv.f  édition  delà  Ro- 
chelle, en  i5-j'i,  in  8°.  P 


si  par  ceux  qui  ont  cognoissance  et 
mémoire  des  choses  de  leur  temps 
il  n'en  est  rien  mis  par  escrit,  ceux 
qui  viendront  après  ,  tant  puissent- 
ils  avoir  bon  stile  ,  bon  vouloir,  et 
diligence  ,  si  n'en  pourront-ils  es- 
crire  certainement  et  à  la  vérité. 
Ce  que  desjà  nous  pouvons  voir 
d'aucunes  prochaines  procendantes 
(26)  années,  desquelles  parler  au 
long  et  véritablement  est  chose  dit 
ficile ,  en  partie  par  la  négligence  , 
en  partie  aussi  par  la  témérité  de« 
mesmes  hystoriens,  qui  cependant 
se  plaignent  de  n'avoir  assez  digne 
matière  pour  bien  employer  leui 
estude  et  labeur ,  lesquels  néan- 
moins eussent  beaucoup  mieux  fait 
et  pour  eux,  et  pour  nous,  de  se  te- 
nir en  repos  et  à  leur  ayse ,  que  de 
semer,  sous  nom  d'hystoire,  un  in- 
cogneu  recueil  de  fabuleuses  et 
mensongères  narrations,  dont  au- 
jourd'huy  nous  avons  trop  plus  que 
d'hystoire.  J'ay  leu  en  quelque  cro- 
nique  (  ce  que  je  crains  que  l'on 
m'estime  avoir  songé  )  d'un  roy  de 
France  ,  qui  en  une  après-disnée 
vint  de  Compiegne  courrant  un 
cerf  jusques  à  Lodun...  :  ce  sont  cent 
lieues,  ou  environ.  Chacun  sçait 
que  le  tant  vertueux  prince  ,  et  de 
si  louable  mémoire ,  Charles  duc 
d'Orléans  ,  après  avoir  esté  près  de 
trente  ans  prisonnier  en  Angle- 
terre pour  le  service  de  la  couron- 
ne de  France,  à  la  fin  en  retourna, 
et  mourut  plein  d'ans  et  d'honneur 
en  ce  royaume.  Et  toutes-fois  on 
list,  mais  c'est  en  plus  de  vingt  di- 
vers aucteurs,  qu'il  fut  à  Paris  dé- 
capité pour  crime  de  lèze-majesté. 
Le  roy  d'Ecosse  dernier  mourut-il 
pas  en  la  bataille  qu'il  donna  con- 
tre les  Angloys,  en  l'an  mille  cinq 
cens  quatorze  ?  Si  ay-je  leu  ,  que  de 
celle  bataille  il  retourna  en  ses  pays 
victorieux  et  triomphant.  Je  me 
déporte  ,  pour  éviter  prolixité  ,  de 
plus  avant  nombrer  telles  menson- 
ges ,  lesquelles  certes  ne  sont  se- 
mées, sinon  par  la  témérité  ,  indi- 
ligence et  indiscrétion  d'iceux  hys- 
toriens et  croniqueurs ,  qui  plus 
souvent  escri  vent  pour  chose  seure, 
ce  que  leur  aura  dit  le  premier  ve- 
nu ,  sans  faire  élection  ou  choix  d» 

(16)  Je  crois  que  cesl  une  faute  d'impression, 
>ur  précédentes. 


BELLAI. 


»  la  personne  qui  le  leur  rapporte  : 
»  ou  bien  en  disant  selon  le  bruy  t  qui 
i>  aura  couru  parmy  le  peuple,  auquel 

■  à  peine  peult  avoir  mot  de  \éritë. 
•)  Dont  vient  aucunes   foys  ,   que  les 

■  liseurs  informez  du  contraire,  plus 
i>  envys  (27)  croyent  aux  autres  bons 

•  et  anciens  aucteurs  ,  les  estimans 
»  avoir  escrit  de  mesme.  Et  en  avient 
»  ainsi  que  très- bien  dit  en  autre  cas 
»  le  cardinal  Liessarion  (  28)  ,  voyant 
»  à  Home  tant  eslever  et  canoniser  de 
3>  saincts  nouveaux,  desquels  il  a  voit 
,rneu   et    peu    approuve   la   vie  , 

>  encores  moins  la  façon  de  procéder 
■)   à  leur  canonisation  :  ces  nouveaux 

>  saincts  (dit-il  )  me  jettent  grande- 
»  ment  en  doute  et  scrupule  de  ce 
»  qu'on  list  des  anciens,  ht  au  mien 
»  vouloir,  que  tels  autheurs  et  croni- 
u  queurs  se  reposassent,  ou  qu'à  leurs 

livres  ils  imposassent  nom  convena- 
»  ble  au  contenu  ;  et  que  ceux  qui 
»  bien  pourroient  et  sçauroient  à  la 
■>  vérité  en  parler,  aymassent  tant 
s  l'honneur  et  la  gloire  de  leur  na- 
»  tion,  que  d'en  escrire  en  tel  langa- 
■  ge  qu'ils  sçavent,  selon  les  choses 
)■  veues  par  eux  ,  on  entendues  par 
a  iidelle  et  bien  certain  rapport  d'au- 
»  truy.  Alors  seroient  les  gens  de  let- 
•■  très ,  qui  par  après  voudraient  les 
.->  enrichir  de  stile  et  diction  plus  élé- 
.)  gante  ,  hors  de  la  peine  et  ennuyeux 
»  travail  de  rechercher  la  vérité  entre 

tant  de  mensonges  ,  contrariété?. 
»  et  répugnances  ,  qui  sont  divulgées 
:  par  les  dessusdits  croniqueurs,  soy 
a  conûans  témérairement  à  l'ouyr  di- 
u  re  du  premier  trouve.  » 

(G)  C'est  par  une  erreur  palpable 
qu'on  impute  à  Guillaume  du  Bellai 
un  écrit  sur  la  discipline  militaire.] 
Du  Verdier  lui  attribue  simplement 
et  absolument  ce  livre  ;  mais  La  Croix 
du  Maine  fait  entendre  qu'il  a  quel- 
ques doutes  là-dessus  :  il  ne  marque 
ni  l'année  ni  le  lieu  de  l'impression  ; 
il  se  contente  de  dire  que  l'un  trouve 
imprimé  sous  le  nom  dudit  sieur  île 
Langer  ,  l'Instruction  île  l'art  mili- 
taire. Du  Verdier  est  plus  exact  ,  il 
donne  le  titre  en  cette  manière  :  In- 

^'est-'a-dire  ,  invili ,  malaisément. 
(28)  for»i  les  parole  t  de  Bot)  in    dans  la   re- 
marque  (G)  de  l'article  de    Jeao)  de  Lacnoi, 
vers  la  fin.   Il  le<  applique  aux  historiens  men- 
teur' ,    q:ti    empêchent  qu'on  n'ajoute  foi    aux 


■>5v, 

structions  sur  le  fait  de  la  guerre ,  ex- 
traictes  des  livres  de  Polybe ,  Fron- 
tin,  fegèce  ,  Cornazan,  Machiavel  et 
plusieurs  autres  bons  auteurs,  par  mes- 
sire  Guillaume  du  Bellay,  etc. ,  impri- 
mé a  Paris,  4  et  8  ,  par  Michel  Vas- 
cosan  ,  i553.  Brantôme  était  fort  per- 
suadé que  ce  livre  avait  paru  sous  le 
nom  de  son  véritable  auteur.  Le  livre, 
dit-il  (29)  ,  qua  fait  M.  de  Langeay 
de  l'art  militaire,  le  fait  connaître 
autrement  capitaine,  que  ne  fuit  Ma- 
chiavel celui  qu'il  en  a  escrit ,  qui  est 
un  grand  abus  de  cet  homme,  qui  ne 
savoit  ce  que  c'éloit  de  guerre  ,  et  en 
aller  faire  et  composer  un  livre  ,  tout 
de  même  comme  si  un  philosophe  al- 
loii  écrire  un  livre  de  chasse  ,  comme 
''■fait  le  Fouittou.  11  est  aisé  de  prou- 
ver par  le  livre  même,  que  Guillau- 
me du  Bellai  n'en  est  point  l'auteur. 
Celui  qui  a  fait  cet  ouvrage,  n'était  que 
simple  gendarme  dans  la  compagnie 
du  sieur  de  Ncgrepelisse.  l'an  i5a8.  Il 
se  trouva  au  siège  et  à  la  prise  de 
Troye  ,  sous  monsieur  de  I^autrec  •'  il 
se  retira  a  Bourletle  ,  ville  de  la 
P ouille ,  après  qu'il  fut  sorti  de  pri- 
son ;  il  avait  été  fait  prisonnier  quand 
la  compagnie  où  il  servait  fut  défaite, 
à  la  retraitequele  marquis deSallusses 
lit  de  devant  Naples.  C'est  lui-même, 
qui  raconte  toutes  ces  choses  dans  son 
livre.  Or  rien  de  tout  cela  ne  peut 
convenir  à  Guillaume  du  Bellai.  Il 
était  grand  seigneur  dès  l'année  i525, 
lorsque  la  régente  l'envova  en  Espar 
gne  ,  auprès  de  François  1er.  Il  fut  en 
1527  l'un  de  ceux  qui  assistèrent  aux 
jugemens  des  défauts  donnés  con- 
tre monsieur  de  Bourbon  (3o).  Le  roi 
l'envoya  la  même  année  en  Italie  por- 
ter de  l'argent  aux  princes  confédé- 
rés ,  et  travailler  au  bien  de  la  ligue 
auprès  du  pape  Clément  VII.  Il  fut. 
envoyé  en  Angleterre  l'an  i5îg,  et 
l'an  1 533 .  11  était  alors  gentilhomme 
de  la  chambre  du  roi.  Etant  gouver- 
neur de  Turin  ,  Ywn  1 537  ,  il  fut  en- 
voyé en  Allemagne  ,  pour  demander 
une  diète  où  les  droits  de  l'empereur 
et  du  roi  de  France  sur  le  duché  >1 
Milan  fussent  discutés.  Il  ne  fut  don< 
point  commandé  la  même  année  ,  en 

(?f))    Brantôme,    Mémoires  des   grandi 
laines  français,  tom    Ie'.,  pae.  38s. 

(3o)  Jean  du  Tillet  en  son  Recueil  des  Kans» 
.V  France,  àté  par  le  Baron  de  FoiqaetMiM. 
/'ore*  la  citation  suivante. 


ï6o 


BELLAI. 


qualité  de  capitaine  d'une  seule  bande  (36),  il  y  a  quelque  apparence  que  ce 

de  gens  de  pied,  pour  as  s  i»  ter  le  sieur  Synlagma  ne  contiendrait  pas  l'erreur 

de  Roberval  à  la  saisie  des  vais  de  commune    que   nous  trouvons    dans 

Saint-Martin  et  de  Lucerne.  Or  l'au-  ces   paroles  :   Qui   (  Erricus   Roanes  ) 

teur  de  la  Discipline  militaire  assure  nunc  in  Tellind  valle  sub  christianis- 

sur  la  tin  du   livre  second  qu'il  reçut  simo   rege   castrorum  prœfectus  idem 

ce  commandement  :  il  est  donc  indu-  omnino  facit  quod  quondam  in  sllpi- 

Ritable  que  le    seigneur  de  Langeai  bus     Taurmis     Guilielmus     Bellajus 

n'a  point  compose'  ce  livre.  Voilà  des  Langœus  eodem  munere  defungensfe- 

raisons  si  de'monstratives,  que   celui  cerul ,  editis  eliam  libris  de  lie  mili- 

qui  les  emploie  (3i)  ne  croit  pas  qu'il  tari ,  quos  poste'a  Mambrinus   Roseus 

soit  besoin  d'y  ajouter  celle-ci  :  Si  ilalicâ  et  omnes  fermé  populi  sud  lin- 

Messire  Guillaume  du  Bellay  en  es-  guâ  reddiderunt,  ob  summam  ejusmo- 

tnit  l'autheur  ,  il  ne  se  loueroit  (32)  di  librorum  qui  ab  expertis  et  celeber- 

pas  d'avoir  parfaite  connaissance  des  rimis  nostrd  et  patrum  memorid  duci- 

armes  et  des  lettres,  ny  ne  se  nomme-  bus  cornpositi  fuerunt  ulililatem  (3^). 

roit  pas  parlant  en   tierce  personne  ,  Naude'  se    trompe   d'ailleurs  ,    en   ce 

monseigneur  de  Langé  lui-même  (33),  qu'il  suppose  que  les  livres  en  ques- 

comme  ont  très-bien  sceu  remarquer  et  tion  furent  imprimes  pendant  la  vie 

obmettre   Matnbrin  Poseo  (34) ,   tra-  île   Guillaume    du    Reliai.    Quant   au 

Jucleur  italien ,  et  les  derniers  correc-  reste ,  il  |iaraît  faire  grand  cas  de  l'ou- 

tew  s  français  :  et  de  plus,  le  sieur  de  vrage  :  il  n'a   donc  pas  été   du   goût 

Langé,  qui  ne   s'oublie    que   peu   ou  d'un     commentateur    d'Onosandre    , 

point  dans  son  livre  de  mémoires  ,   et  dont   le  baron    de  Forquevauls  s'est 

qui  cotte  curieusement  les  lieux  où  il  plaint  en  cette  manière  :  Ce  discours 

s'est   trouvé,   ne  fait   presque    point  militaire  est  une  œuvre  véritablement 

de  mention  de  lui-même  en    tout   ce  nécessaire  et  utile  aux  gens  du  mes- 

voy  âge  fait  par  monsieur  de  Lautrec.  lier,  et  qui  vivra  longuement  estimée 

Ne  nous   contentons    pas    de    savoir  et  prisée  entre  les  mains  des  plus  en- 

qu'on  a  donné  cet  ouvrage  à  un  hom-  tendus ,  malgré  la  médisance  et  l'opi- 

ine  qui  n'en  était  pas  l'auteur  :  sa-  niond'un  aulheur moderne,  qui,  sur  les 

chons  déplus  la   cause  de  cette  me-  annotations  de  l'Art  militaire  d' Ono- 

prise  ,   et  le  nom  du  véritable  père,  sander,  auteur  grec  ,  s'efforce  de  mes- 

Raimond   de  Pavie  ,  sieur  de  Forque-  priser  celui  qu'en  cette  science  il  n'a 

vauls  ,  gentilhomme  gascon  ,  est  l'au-  pu  atteindre  que  de  bien  loin  ;  quoique 

teur  de  cet  ouvrage.  Il  en  communi-  plus  en  docteur  qu'en  soldat  il  ait  es- 

qua    un  exemplaire   à    Guillaume  du  ait  durant  le  loisir  et  l'oisiveté,  que  la 

Reliai,   comme  à  son  bon  seigneur  et  cuisine  et  les  amours  d'un  certain  abbé 

ami ,  et  au  jugement  duquel  il  l'avait  avecques    sa  femme  lui   permettaient 

premièrement  exposé.  Cet  exemplaire  (38),  et  qu'il  ait  pris  de  divers  aulheurs 

fut  trouvé  parmi   les   papiers   de  ce  les  commentaires  de  son  livre  ;  au  lieu 

seigneur  (35)  :  voilà  l'origine   de    la  que  le  texte  de  celui-ci  ,  dont  je  traite, 

méprise.  Si  le  parent  de  l'auteur  avait  a  esté  conceu achevai,  et  escrit  l'espée 

fait   savoir  au  public  la  vérité  de  ce  a  la  main,  par  le  sieur  de  Forque- 

fait  avant  que  le  sieur  Naudé  publiât  vauls  (3g).  À  quoi  songeait  La  Croix 

son   Synlagma    de    Studio    militari  du  Maine  ,  en  rapportant  que  le  con- 

(3i)  Le  Baron  de  Forquevauls,  dans  la   V,e     ne'tabl,<;  Anne  de  Montmorency  passait 
de  plusieurs    grands    Capitaines    français,  pag.      pour   1  auteur  du    livre  dont    il    S  agit 

33a,  333.  (4°)'  ^e  savait-il  pas  que  ce  conné- 

"■  «■    table  n'avait  ni  étude  ni  lecture,  ni 

(36)  Les  Vies  ,  que  le  baron  de  Fourquevauls 
a  composées. furenl  imprimées  a  Paris,  tan  if>43. 
LeSyalx%ma  ReiMilharis  parut  à  RomeJ'an  îtii^r 

(37)  Naudieus,  Syntagm.  de  Studio  Milit. 

(38)  Voilà  un  fait  pour  les  chercheurs  d'a- 
necdotes :  on  ne  les  exhorte  point  à  te  déterrer, 
ils  le  feront  assez  sans  qu'on  les  en  prie,  et 
je  ne  crois  pas  que  la  chose  soit  malaisée. 

(3g)  Le  baron  de  Forquevauls,  Vies  de  plu- 
sieurs Capitaines  français,  pag.  3  34- 

(<jo)  La  Croix  du  Maine  ,  BiW.  franc.,  pag.i  3g. 


ion  faite  par  Michel  Vascosan  et  Galliol  du 
Pré. 

(33)  Celte  raison  est  fausse,  à  moins  qu'elle 
ne  soit  toute  fondée  sur  le  Monseigneur  :  une 
infinité  d'auteurs  de  Mémoires  imitent  Jules 
César,  qui  se  nomme  en  tierce  personne.  Guil- 
laume du  liellai  a  suivi  cette  méthode  dans  ses 
Mémoires. 

(34)  Il/allait  dire  Mambrin  Roseo. 

(35)  Voyea  les  Vies  de  plusieurs  Capitaines 
français  ,  par  François  de  Pavie  ,  baron  de 
Forquevauls,  pag.  iii. 


BELLAI. 


26  ï 


aucune  capacité*  d'écrire  ?  Voyons 
d'où  naquit  le  doute  de  ce  bibliothé- 
caivc.  C'est  que  lisant  ce  livre,  dit-il, 
j'y  ai  trouvé  que  l'aulheur  d'icelui 
loue  fort  le  seigneur  de  Langey ,  mes- 
sire  Guillaume  du  Reliai ,  et  le  recom- 
mande pour  les  lettres  et  les  armes  :  ce 
qui  me  fait  croire  qu'il  n'en  est  pas 
autheur  ;  mais  que  cela  est  advenu  que 
Von  ait  trouve  ces  Mémoires  dans  sa 
bibliothèque  sans  le  nom  de  celui  qui 
l'eust  fait ,  et  que  l'on  a  présupposé 
que  cefust  de  sa  façon  ,  a  cause  qu'il 
avoit  promis  d'en  escrire.  Je  n'asseure 
pas  que  ce  soit  de  lujr ,  et  aussi  je  ne 
l' improuve  pas.  S'il  avait  bien  lu  l'ou- 
vrage ,  il  aurait  trouve'  des  preuves 
tout  autrement  fortes  que  celle  qu'il 
tire  de  l'encens  que  l'on  y  donne  à 
Guillaume  du  Beîlai. 

(H)  Je  crois  qu  il  est  auteur  des  au- 
tres ouvrages  qii'on  lui  attribue.  ] 
Voyez  en  la  liste  dans  les  Bibliofhé- 
ques  françaises  de  La  Croix  du  Maine, 
et  de  Du  Verdier.  Quelques-uns  des 
principaux  ne  furent  peut-être  jamais 
achevés.  La  Croix  du  Maine  a  donne 
apparemment  pour  un  ouvrage  par- 
venu à  sa  perfection  ce  que  l'auteur 
ne  fait  que  promettre  dans  le  prolo- 
gue des  Ogdoades. 

(I)  La  Croix  du  Maine  assure  qu'il 

naquit  en    1^98,    a    Glatigni Je 

crois  qu'Use  trompe  quant  au  temps.] 
Après  avoir  dit  dans  la  page  i3rj,  que 
Guillaume  du  Bellai  naquit  l'an  1498, 
ou  environ  ,  il  met  dans  la  page  sui- 
vante sa  mort  3119  de  janvier  i5p,  à 
l';lge  de  quarante-sept  ans  ,  ou  environ. 
Un  homme  tant  soit  peu  exact  dirait-il 
cela  ?  Ne  mettrait-il  pas,  ou  1496,  d'un 
côté,  au  lieu  de  1498  ;  ou  quarante- 
cinq  de  l'autre  ,  au  lieu  de  quarante- 
trois?  Mais  ce  n'est  pas  le  principal, 
Brantôme  remarque  que  Langei  mou- 
rut non  trop  vieux  ,  et  devait  encore 
vivre  (4i).  Parle  -t-  on  ainsi  d'un 
homme  qui  n'a  qu'environ  quarante- 
quatre  ans?  Déplus,  le  cardinal  du 
Bellai  avait  soixante-huit  ans  lorsqu'il 
mourut  (4?.)  ;  or  il  mourut  en  i5Go  : 
il  était  donc  né  l'an  1492.  On  ne 
peut  donc  point  dire  que  Guillaume 
du  Bellai  naquit  l'an  1498  ,  car  il 
était    plus   âgé  que  le   cardinal   son 

(40  Brantôme,  Hommes  illustres  français 
lom.  I".,pag.  384. 

42)  Teissier,  Additions  à  M.  de  Thou,  lom. 
U,pag.  184. 


frère  (43).  Je  viens  d'apprendre  qu'il 
mourut  dansson  année  climatérique. 
Rabelais  l'observe  au  chapitre  XXI  du 
111"  livre,  après  avoir  dit  qu'il  mourut 
le  io  de  janvier  15J3*.  L'auteur  des 
notes  sur  la  Confession  de  Sanci  m'a 
indiqué  ce  passage. 

(43)  Sainte  Marthe,  in  Eiogiis. 

*  Leclerc  pense  que  Rabelais  a  voulu  désigner 
la  quarante-neuvième  année  qui  se  nomme  aussi- 
bien  climatérique  que  la  soixante-troisième  ;  ce 
qui  porte  la  naissance  de  du  Bellai  a  i4g4- 

BELLAI  (Jean  du),  frère  puî- 
né du  précédent  ,  fut  un  homme 
d'un  grand  mérite.  Il  concourut 
avec  son  aîné  à  favoriser  les  pas- 
sions de  Henri  VIII ,  et  à  leurrer 
les  pro testansd' Allemagne  *  :  tout 
cela  ,  pour  rendre  service  à  Fran- 
çois Ier.,  dont  les  affaires  deman- 
daient qu'à  quelque  prix  que  ce  fût 
on  brouillât  les»  cartes  entre  l'em- 
pereur et  l'Angleterre  ,  par  le 
divorce  de  Catherine  d'Aragon 
*et  qu'on  amusât  les  confédérés  de 
Smalcalde  par  des  mensonges  sur 
le  prétendu  penchant  de  Fran- 
çois 1er.  à  donner  quelque  sorte 
de  satisfaction  aux  luthériens. 
Ce  manège  aurait  été  plus  inex- 
cusable dans  Jean  du  Bellai,  qui 
était  évêque,  que  dans  Guillau- 
me son  frère ,  qui  était  un  sécu- 
lier. :  il  aurait  été  ,  dis-je,  plus 
inexcusable  ,  si  cet  évêque  n'eût 
été  d'ailleurs  revêlu  du  carac- 
tère d'ambassadeur  et  d'homme 
d'état  (a).  On  sait  la  définition 
des  personnes  revêtues  de  ce 
caractère.  Ajoutons  qu'il  n'esl 
pas  hors  d'apparence  que  Jean 
du  Bellai  ait  eu  des  désirs  sincè- 
res, et  même  quelque  espérance 
de  réformation  ;  et  que  dans  ces 
vues  il  ait  encouragé  sincère- 
ment Mélanchthon    à    venir  en 

Leclerc  renvoie  à  sa  note  sur  la  remar- 
que   B    de  l'article  précèdent. 

a)  Il  était  évéque  de  Bajonnc  ,  l'an  i52- 
lorsque  François  l".  l'envoya  ambas*,- 
en  Angleterre. 


aGa  BELLAI. 

France;  car  il  pencha   quelque    '    le  disoit  sur  un  propos  qu'elle  te 


temps  du  côté  du  luthéranisme  , 
et  il  se  réforma  même  secrète- 
ment sur  l'article  du  célibat ,  par 
un  mariage  de  conscience  * 
qu'il  contracta  (A).  Il  était  évê- 
cme  de  Paris  lorsqu'en  i534  ? 
il  fut  envoyé  à  Rome  ,  pour  por- 
ter les  choses  à  la  douceur  à  l'é- 
gard du  roi  d'Angleterre.  Il  n'y 
gagna  rien  ,  et  n'empêcha  point 
que  le  pape  ne  lançât  la  foudre 
de  l'excommuaication  sur  la  tête 
de  Henri  VIII.  Il  fut  promu  au 
cardinalat  par  le  pape  Paul  III , 
l'an  1 535 ,  et  il  mourut  en  1 56o  , 
à  Rome  ,  ou  il  s'était  retiré  après 
la  mort  de  François  Ier.  C'était 
un  homme  qui  aurait  aisément 
quitté  la  mitre  et  la  crosse  ,  pour 
prendre  le  casque  et  l'épée  (B) .  S'il 
est  vrai  qu'il  ait  condamné  Anne 


»  noit  à  monsieur  de  Manne ,  proven- 
»  cal ,  de  la  maison  de  Seulal ,  et  évê- 
»  que  de  Fréjus  ,   lequel   avoit  suivi 
»  l'espace  de  quinze   ans  en  la  cour 
»  de  Rome  ledit  cardinal  ,  et  avoit 
»  été  de  ses  privez  protonotaires  :  et 
«  venant  à  parler  dudit  cardinal,  elle 
»  lui  demauda  s'il  ne  lui  avoit  jamais 
»  dit  et  confessé  qu'il  eût  été  marié  ? 
»  Qui  fut  étonné  ?  ce  fut  monsieur  de 
»  Manne,  de  telle  demande.  Il  est  en- 
»  core   vivant,  qui  pourra  dire  si  je 
»  ments  ;    car  j'y  et  ois.  Il  respondit , 
»  que  jamais  il  n'en  avoit  ouï  parler, 
»  ny  a  lui  ,  ny  à  d'autres.  Or  je  vous 
»  l'apprends    donc  ,   dit-elle  ;    car  il 
»  n'y  a  rien  de  si  vrai  qu'il  a  été  ma- 
n  rié,    et  est    mort  marié  réellement 
»  avec  ladite  dame  de  Chastillon  (i).  » 
Cette  dame  était  la  veuve  de  M.   de 
Chastillon  ,     qui    fut   blessé    devant 
Ravenne   ,    et     qui    mourut    de    ses 
blessures   à  Ferrare   (a).   II  avait    eu 
beaucoup  de  crédit  sous  Charles  VIII. 
Sa  veuve,  jeune  et  belle,    fut  choi- 
sie  pour  dame  d'honneur  de  la  reine 
de    Navarre  ,    et  lui   donna    le    beau 


du  Bourg  à  être  brûlé  (C),  il  faut  conseil  que  cette  reine  a  inséré  dans 
qu'on  ait  recueilli  son  suffrage  ses  Cent  Nouvelles  *.  L'amiral  de 
de  bien  loin  ;   car  il  était  à  Ro- 


me lorsqu'on  instruisait  le  pro- 
cès d'Anne  du  Bourg. 

*  Le  fait  du  mariage  est  contesté  par  Le- 
clerc ,  sur  cinq  raisons  dont  les  deux  plus 
fortes  sont  que  :  I".  si  du  Bellai  se  maria 
étant  cardinal  cène  put  être  qu'en  i536  ;  or 
le  testament  de  la  veuve  Cliâtillon  ,  qui  est 
de  i53a  lui  fait  penser  qu'ell»  mourut  cette 
année;  c'est-à-dire  quatre  ans  avant  l'épo- 
que de  sou  prétendu  mariage  ;  eu  tout  cas  , 
comme  elle  avait  été  mariée  en  1^5  ,  elle 
aurait  eu  près  de  soixante  ans  eu  l5i6  ;  2°. 
la  dame  de  Cliâtillon  était  à  la  cour  de 
Marguerite  de  Navarre,  et  y  demeura  jus- 
qu'à sa  mort  ,  de  l'aveu  de  Brantôme;  dès 
lors  que  signifie  ce  mariage  pour  ne  pas  habi- 
ter avec  sa  femme  ? 

(A)  lise  réforma secrètement  sur 

l'article  du  célibat ,  par  un  mariage 
de  conscience  qu'il  contracta."]  C'est 
Brantôme  qui  l'assure  ,  et  voici  de 
quelle  manière  :  «  J'ai  ouï  raconter 
w  à  une  dame  de  grande  qualité  et 
»  ancienne,  que  feu  monsieur  le  car- 
»  dinal  du  Bellai  avoit  épousé,  étant 
»  évêque  et  cardinal  ,  madame  de 
»  Chastillon,   et  est  mort  marié;  tt 


Bonnivet  s'était  coulé  par  une  trappe 
dans  le  lit  de  cette  princesse  ;  mais,  au 
lieu  de  jouir  d'elle ,  il  n'en  remporta 
que  de  bonnes  égralignures  sur  le  vi- 
sage (3).  La  reine  se  serait  plainte  de 
cet  attentat  à  François Ier.  son  frère,  si 
la  dame  de  Chastillon  ne  lui  eût  don- 
né «  ce  beau  conseil,  qui  est  un  des 
»  beaux  et  des  plus  sages,  et  des  plus 
»  propres  pour  fuir  scandale  ,  qu'on 
»  eust  su  donner,  et  fust-ce  esté  un 
■»  premier  président  de  Paris  ,  et  qui 
»  monstroit  bien  pourtant  que  la  da- 
»  me  étoit  bien  autant  rusée  et  fine 
«  en  tels  mystères ,  que  sage  et  advi- 
»  sée  ;  et  pour  ce  ne  faut  douter  si 
;>  elle  tint  son  cas  secret  avec  son  car- 

»  dinal  (4) Je  croy  que  monsieur 

»  le  cardinal,  son  dit  mari,  qui  es- 
»  toit  l'un  des  mieux  disans,  savans, 
;>  éloquens,  sages,  et  advisez  de  son 
;>  fems  ,  lui  avoit  mis  cette  science 
»  dans  le  corps ,  pour  dire  et  remons- 

(i)    Brantôme  ,    Vies    des    Dames   galantes , 
lom.  II,  pag.  i53. 

(2)  Là  même,  pag-  i54- 

*   La  Heine  de  Navarre,  dit  Joly,  en   »  feit  sa 
quatrième  nouvelle. 

(3)  Là  même  ,pag.  l55. 

(4J  Là  même* 


BELLARMIN. 


■j.6'j 


»  trer  si  Lien....  Je  pense  que  mon  dit 
»  sieur  cardinal  du  Bellai  a  pu  faire 
a  de  même  ;  car  de  ce  temps-là ,  il 
»  panchoit.  fort  à  la  religion  et  doc- 
>   Irine  de  Luther  (5).  » 

(B)  II  aurait  quitte  la  mitre  et   fa 
crosse ,    pour  prendre    le    casque   et 
l'épee.  ]  Brantôme  continuera  à   me 
servir  de    témoin  :  il  dit  que   quand 
Charles-Quint   brava  fièrement  à  Ro- 
me le  roi  de  France  ,  ce  fut  un  mal- 
heur pour   François    Ier,    de    n'avoir 
point  là  des  ambassadeurs  qui  lussent 
hommes d'e'pee (6).  Encore,  poursuit- 
il  ,   sans  M.  le  cardinal  du  Bellay , 
qui  était  prompt  et  soudain  et  haut  à 
la  main  autant  qu'homme  de  guerre  , 
(  aussi  le  sentoit-il  ;    car  il  était  pour 
tout  ,  et  un  des  grands  personnages  en 
tout   c  t  de    leltrts  et   d'armes  )  ,   tout 
n'alloit  pas  bien ,    et  le  roi  demeurait 
fort    deshonoré    :   aussi  pensé-je   que 
pour  ce  fait  n'y  al  il  eujamats  homme 
de  robe  longue  plus  digne  d'ambassa- 
deur pour  tout  que  ce  M.  le  cardinal , 
ainsi  qu  il  l'a  montré  en  force  ambas- 
sades ,    n'étant    encore    cardinal  ,  en 
Italie  ,  Allemagne  et    Angleterre  ;  et 
AI.  de  Dax  de  la  maison  de  IVouailles 
en  Limosin  ,  qui  a  servi  nos   rois  en 
cette  charge  fort  dignement  et  suffi- 
samment   en    Angleterre ,  a  Denise  , 
oh  je  l'ay  veu,  et  puis  à  Constantinople 
vers   le  grand  seigneur.    Je   ne    veux 
point  faire   tort  h  une  infinité  «au- 
tres grands  personnages  que  j'ay  veus 
en   cet  étal   et  cette  robe  :  mais  selon 
Dion  avis  ,  M.  le  cardinal  du  Bellay  , 
et  M.  de  Dax  ont  surpassé  ;  car  ils  se 
J  tissent   itydez  aussi-tôt  de  leur  épée  , 
que  de  leur  langue  bien-disanle  et  di- 
serte :  aussi  ,  en  ces  ambassades  ,  il  se 
présente  bien  autant  d'affaires  et  ma- 
tières chevaleresques  et  de  guerre  ,   et 
plus  que  d'autres  d'état.  M.  de  Thon 
{■])  et  Sainte-Marthe  (8)  ont  observe 
que   ce  cardinal  rassura  les  Parisiens 
qui  avaient  peur  de  l'armée  de  Char- 
les-Quint ,    et    qu'il    prépara    toutes 
choses  pour  une  vigoureuse  résistance, 
ayant  fait  fortifier  la  ville.  M.  Moréri 
a  rapporté  aussi  cela,  mais  avec  peu 
d'exactitude    :    il   veut   que    Jean   du 
Bellay  ait  fait  ces  choses  ,    lorsqu'en 

(5)  Là  même,  pag.  i56. 

(G)  Branrùme  ,  Eloge  de  François  I'r.    au  I". 
:    m.  de  se.r  Mémoires,  pag.  i^6. 

(:)  Thuan.  ,    Histor     lib.    XXVI,   pag.    539, 
Sammarth,  ,  in  Elogtis,  pag.  i3. 


i5r»7  Charles-Quint  entra  en  Provence, 
el  ijne  le  roi  sortant  de  sa  capitale  y 
laissa  ce  cardinal  ,  et  l'établit  son 
lieutenant  général  pour  subvenir  aux 
nécessités  de  la  Picardie  el  de  la 
Champagne.  C'est  faire  deux  fautes. 
L'irruption  de  Charles-Quint  en  Pro- 
vence est  de  l'année  1 536  :  celle  qui 
fit  peur  aux  Parisiens  ,  et  à  l'occasion 
de  laquelle  Jean  du  Déliai  fit  fortifier 
leur  ville  ,  est  aussi  de  l'année  i536(g)  • 
mais  elle  regarde  la  Picardie  ,  et  non 
la  Provence.  C'est  celle  que  Charles- 
Quint  lit  faire  par  le  comte  de  Nassau. 
M.  de  Thon  ne  rapporte  qu'à  l'inva- 
sion de  la  Champagne,  en  i54(,  les 
soins  du  cardinal  du  Bellai  pour  la 
ville  de  Paris  (10).  Il  se  trompe  *. 

(C)  On  dit  qu'il  a  condamné  Anne 
du  Bourg  à  être  brûle.']  Ce  fait  se 
trouve  dans  M.  Teissier.  Il  a  été  blâmé 
par  plusieurs,  dit-il  (il),  d'avoir  le 
premier  eondamné  Anne  du  Bourg 
à  être  brûlé  tout  vif  ;  c'est  pourquoi  , 
disent-ils,  Dieu  le  retira  du  monde 
quarante  jours  après  l'exécution  de  cet 
illustre  martyr.  Le  calcul  ne  serait  point 
juste,  selon  les  Annales  de  Snonde  , 
qui  mettent  la  mort  de  ce  cardinal  au 
16  de  février  i56o(i'i};  car  on  sait 
d'ailleurs  que  du  Bourg  fut  exécuté 
le  a3  de  décembre  i55<)(i3).  L'au- 
teur, que  M.  Teissier  cite,  convient 
que  ce  cardinal  mourut  le  16  de 
lévrier  ,  et  il  dit  que  ce  fut  cin- 
quante jours  après  du  Bourg.  Son 
calcul  s'éloigne  moins  de  la  vérité 
que  celui  que  M.  Teissier  lui  impute  : 
néanmoins  il  n'est  point  exact  ;  et  dès- 
là  ,  l'observation  est  chimérique. 

(0)  Mézcrai,  Abrégé  chronol.  a  Vann.  i536. 

(lo)  Thuan.,  Histor.  lib.  XXVI,  pag.  538. 

"  Leclerc  prétend  que  c'est  Bayle  qui  se  trom- 
pe ;  que  l'alarme  des  Parisiens,  ïor>quVn  i  i 
[es  troupes  de  Cliarles-Quint  firent  le  siège  de 
Péronne,  fut  bieu  moins  vive  qu'en  1 544  ^  tor- 
que Charles-Quint  eut  pris  Cbateau-Tliierry  ; 
et  que  c'est  à  cette  circonstance  qu'eurent  lieu 
les  soins  de  du  Bellai. 

(n)Addit.  aunEloget,  loin.  I".,  pag-  184. 
Jl  cite  Continuât.  Sleid.  per  Micliacl.  Luupord., 
lib.  II  :  d  fallait  dire  Londorpium. 

(îî)  Spond.  Annal,  ad  ann.   i56o  ,    num.  3^. 

(t'i)  Bèie,   Hist.  ecclés. ,  fcV.  III,  pag.  îfi. 

BELLARMIN  (Robert),  jé- 
suite italien  ,  a  été  la  meilleure 
plume  de  son  temps  en  matière 
de  controverse.  Il  naquit  à  Mou- 


264  BELLARMIN. 

le  Pulciano   (a),  l'an   i542  ,  et  site  dans  sa  dernière  maladie  par 

entra  chez  les  jésuites  l'an  i56o.  le  pape  Grégoire  XV,  qu'il  ré- 

Sa   mère  Cynthia   Cervin    était  gala  du  compliment  du  centenier 

sœur  du  pape  Marcel  II.  Il  fut  (A),  seigneur ,  je  ne  suis  point 

ordonné    prêtre    à     Gand ,  par  digne  que  vous  entriez  sous  mon 

Corneille  Jansenius  ,   en  i56cj  ;  toit.  Il  chargea  le  jésuite   Euda?- 

et   l'année    suivante ,   il   ensei-  mon- Johannes     de     témoigner 

gna  la  théologie  à    Louvain.    Il  publiquement  qu'il  mourait  dans 

fut    le    premier  jésuite   qui  en-  la  même  foi  qu'il  avait  toujours 

seigna  cette  science  dans   cette  professée  et  soutenue  par  sa  plu- 

fameuse  université.  Il  le  fit  avec  me  (c).  Il  parut  ,  le  jour  de  ses 

un  succès  extraordinaire.   Après  funérailles,  qu'on    le   regardait 

avoir  demeuré  sept  ans  au  Pays-  comme   un  saint  (B).    Il  est  sur 

Bas  ,  il  retourna  en    Italie  ,  et  qu'il  n'y  a  point  de   jésuite  qui 

commença  en   15^6  à  faire  des  ait  fait  plus  d'honneur  que  lui 

leçons  à  Rome  sur  la  controverse,  à  son  ordre  ,  et  qu'il  n'y  a  point 

ce  qu'aucun   jésuite  n'avait    fait  d'auteur  qui  ait  soutenu    mieux 

encore   dans    cette    ville-là.    Il  que  lui  la  cause  de  l'église  ro- 

s'en  acquitta  si  bien,  que  Sixte  V,  maine   en   général,   et  celle  du 

envoyant    un    légat    en  France  pape  en  particulier.  Les  protes- 

l'an     i5qo  ,    lui    donna   Robert  tans  l'ont  bien  reconnu  (C)  ;  car 

Bellarmin    comme    un    docteur  pendant  quarante  ou  cinquante 

qui    pourrait    être    d'un     très-  ans  ,  il  n'y   a  presque  point  eu 

grand  usage,  en  cas  qu'il  se  pré-  d'habile   théologien  parmi     eux 

sentàt  quelque  dispute  de  reli-  qui  n'ait  choisi  Bellarmin  pour  le 

gion  à  discuter.  Il  fut  de  retour  suj  et  de  ses  ouvrages  de  controver- 

à  Rome  au  bout  de  dix  mois,  et  se.  Les  leçons  et  les  thèses  de  leurs 

fut  promu  successivement  à  di-  professenrs  faisaient  retentir  par- 

verses  charges  ,  soit  dans  la  so-  tout  ce  nom-là  , 

ciété,  soit  auprès  du  pape;   JUS-         Vt  iiUus  Hyla,  Hjla,   omnesona- 

quesà  ce  qu'en  l'année  i  Sgcjil  fut  ret  (d). 
lionoré  du  chapeau  de  cardinal.  On  l'a  attaqué  de  tous  les  côtés  , 
Il  fallut ,  dit-on,  le  contraindre  et  l'on  n'a  pas  oublié  d'exami- 
par  les  menaces  de  l'anathème  à  ner  s'il  s'est  contredit  (D) ,  et  s'il 
accepter  cette  dignité.  Trois  ans  a  fourni  des  armes  contre  lui- 
après  ,  on  lui  donna  l'archevêché  même.  C'est  le  sujet  d'un  livre  qui 
de  Capoue ,  dont  il  se  démit ,  ne  le  devait  ,pas  médiocrement 
lorsqu'en  i6o5  le  nouveau  pape  embarrasser.  Comme  il  se  trouve 
{b)  le  voulut  avoir  auprès  de  lui.  partout  des  indiscrets  et  des  té- 
II  s'employa  aux  affaires  de  la  cour  méraires,  il  y  a  eu  des  écrivains 
de  Rome  jusqu'en  1621.  Alors  protestans,  qui  ont  publié  des 
il  sortit  dn  Vatican  ,  et  se  retira  faussetés  contre  Bellarmin  ,  des- 
dans une  maison  de  son  ordre  ,  quelles  son  parti  a  tire  beaucoup 
où  il  mourut  le  17  de  septembre  d'avantage  (E).  Cela  n  est  pas  si 
delà  même  année  162:.  11  fut  vi-  ■    -    ,.  , 

(c)  Tiré  de  la  Bibliothèque  des  auteurs  )e- 

(a)  C'est  une  ville  de  Toscane.  suites ,  composée  par  Alegam.be. 
ij>)  Savoir  Paul  V.  cl)\  irgil. ,  Eclog.  M  ,  v.  44. 


BELLARMIN.  265 

fâcheux ,  lorsque  des  gens  sans    tomes  in-folio  ;  mais  on  le  divisa 
aveu  ,    et  des  personnes   incon-    en  quatre  dans  l'édition  de  Co- 
nues  font  cette  faute  ;  mais  lors-    logne  de  itii5  ,  à  cause  que  l'on 
que  des  professeurs  de  réputa-    joignit  au    premier   tome    sept 
tiou  et  de  grand  poids  imputent    traités  nouveaux  ,dont  le  dernier 
à  ce  cardinal  ce    qu'il    n'a  point    est  la  révision   et  la  correction 
enseigné,    ils    font  tort  à    leur    que    l'auteur    fit  de   toutes    ses 
cause ,  et  ils  s'exposent  à  de  ru-    OEuvres  (N).  C'est  ainsi  que  les 
des   mortifications.    Un    profes-    bibliothécaires   des     jésuites    se 
seur  de  Sedan  ,  qui  a  fait  parler    sont  expliqués;   mais  cela  n'est 
beaucoup    de  soi   dans  la  Hol-   pas  exact  (0).  Outre  ce  Corps  de 
lande  ,  en  pourrait  dire  des  nou-    Controverse  ,  il  a  composé  plu- 
velles(F).  Il  est  remarquable  que    sieurs  autres  livres  ,  qui  montent 
Bellarmin,  sur  la   matière  de  la   a  trois  volumes  in-folio,   dans 
prédestination  ,  n'a  point  suivi  la    l'édition  de  Cologne  de  1617  (e). 
doctrine    des    jésuites    (G)  ,    et   Depuis    sa   mort,   on  a   publié 
qu'il  n'a  point  favorisé  la  morale    quelques-uns  de   ses  Sermons, 
relâchée ,  ni   les  expressions  que    et  plusieurs  Lettres  (/).  Sa  vie  a 
les  dévots  indiscrets  avaient  fait    été  composée  par  quatre  ou  cinq 
couler   dans  les  litanies  (H).  La    auteurs  (P)  :  le  dernier ,  si  je  ne 
complaisance  qu'il  eut  pour  ses    me  trompe,  est  Daniel  Bartoli. 
supérieurs ,     en    souffrant    que    Au  reste  ,  la  témérité  de  Scali- 
l'on  changeât  quelque  chose  dans    g6r  ,  dans  le  jugement  qu'il  fai- 
ses  écrits,  eten  y  changeant  lui-    sait  de  Bellarmin,  ne  peut  être 
même  quelques    endroits,    tou-    assez  condamnée  (Q). 
chant  l'efficacité   de     la    grâce ,         Avec  quelque  force  que  ce  jé- 
n'empêche   pas  qu'il  ne   soit  au    sujte  eut  soutenu  le  pouvoir  du 
fond  un  docteur  augustinien  (I).    pape  sur  ]e  temporel  des  rois  ,  il 
Il  se  fit  des  affaires  presque  pour    mécontenta  Sixte  V,  et  il  eut  le 
les  mêmes  raisons  qui   ont   tant    déplaisir  de  voir  mettre  son  011- 
commis  l'abbé  de  la  Trappe  avec    vrage  dans  l'indice  de  l'inquisi- 
les  moines  (K).  Il  y    a  eu   des    tion  (R).  On  traita  encore  plus 
gens  qui    ont    cru    qu'il  faisait   mal  en  France  ce  qu'il  écrivit  sur 
grand  tort  à  la  catholicité  par  ses    cette  même  matière  contre  Guil- 
livres  de  controverse  (L) ,  à  cause    iaume  Bardai  (S).  Entre  tous  les 
que  l'on  y  trouve  les   objections    catholiques    romains  ,   qui   ont 
des  hérétiques.  Un  homme  d'es-    écrit  contrc   luj  ,    il  n'v  a    per- 
prit,     n'ayant   pu    trouver    en    sonne  qui  ait  découvert  les  lieux 
Italie  dans  aucune  boutique  de    failles  «lo  ses  ouvrages  aussi  ha- 
hbraire  les  OEuvres   de  Bellar-   bilementque  Jean  de  Launoi(T). 
min  ,  a  soupçonné  qu'on  défen-    N()ns  rapp0rterons  deux  pensées 
dait  de  les  exposer  en  vente,  de    je    Bellarmin,    qui  témoignent 
peur  qu'elles  ne  fissent  connaître        ijj  a{J1iajt  ]a  pajx  ,  et  qu'il  nY- 
Jes  opinions  que  l'auteur  y  a  ré-    tait  tfifâ  je  l'ambition   des 

futées    (M).  Tout   le    Corps   de 

f'„„t..„  _    i  \-  '  ambs,  Bibliolb.  soc.  Jesu,  p.  un. 

Controverse   publie  par  ce  car-       )'      °     .  '       „.,,.  .,       .,,,„,„ 
0.1  nal   comprenait  d  abord   trois    r.ar   - 


266  BELLARMIN. 

cardinaux   (U).    Les   protestans  te  acquit  l'estime  de  Henri  IV, 

ont   fait  attention  à  une  chose  pendant qu il avoit  esté ensa  cour, 

qu'il  dit  touchant  le  mérite  des  ou  il  fut  envoyé  avec  le  cardi- 

œuvres  :    c'est     qu'à    cause   de  nal  Henri  Cajetan  (k)  ,  et  qu'il 

V incertitude  de  nostre  propre  jus-  est  certain  que    le  meilleur  de 

iice  ,  et  pour  le  péril  de  la  vaine  ses     ouvrages   est  son   livre    de 

gloire,  le  plus  seur  est  de  met-  Scriptoribus  Ecclesiasticis  (/;.  Je 

Ire  toute  nostre Jiance  en  la  seu-  voudrais    n'y    avoir  pas   trouvé 

le   miséricorde  et  bénignité   de  ces  deux  faits-là  ;  car  ils  ne  sont 

Dieu   (g).   Ils   n'ont   pas  laissé  pas  véritables  (Y).  L'inscription 

tomber  non  plus   ce  qu'il  prê-  qu'on  mit  au  bas  de   la  taille- 

cha  à  Louvain  ,    en   1 5j  i  ,   sur  douce    de    ce    cardinal  ,    porte 

l'excellence  de  la  Bible.  Us  s'en  qu'il  avait  conservé  sa  virginité, 

»  servent  pour  détruire  tout  ce  et  son  innocence  baptismale,  et 

»  qu'il  a  dit  depuis  dans  ses  ou-  qu'il    n'avait    jamais   dit  aucun 

»  vrages  contre  la  perfection  et  mensonge  (m).  Il  légua  en  mou- 

»  la  suffisance  de  l'Écriture  (h).  »  rant  à  la  Sainte-Vierge  la  moitié 

Le  livre  ,  qui  me  fournit  ces  pa-  de  son  âme,    et  à   Jésus-Christ 

rôles  ,  contient  un  bon  nombre  l'autre  moitié  (n).  Il  fut  si  pa- 

de  remarques  bien  solides  et  bien  tient,  qu'il  souffrait  même  que 

curieuses    touchant    Bellarmin.  les  mouches  ,  et  telles  autres  pe- 

J'y  ai    trouvé  que   ce   cardinal  tites    bêtes  ,     l'incommodassent 

eust  peut-eslre  esté  pape,    s'il  beaucoup  (Z).  Il  les  laissait  faire, 

n'eust  pas  esté  jésuite  (X)  ;  car  et  il  disait  qu'elles  n'avaient  point 

Henri  quatrième  témoigna  aux  d'autre  paradis  que  la  liberté  de 

cardinaux  françois  qui  allèrent  voler  et  de  s'arrêter  où  bon  leur 

au  conclave  après  la  mort  de  Clé-  semblait.    Au  reste,  il  était  de 

ment  huitième ,  qu'il  seroit  bien  petite  taille ,  et  n'avait  pas  bon- 

aise  que  l'on  fit  Bellarmin  pape,  ne  mine  ;  mais  on  ne  laissait  pas 

(/)(*).  J'y  ai  lu  aussi  que  cejésui-  de   découvrir  sur  son  visage  la 

,.„,.         ...  v,  T    ,.„    ,  vjj  beauté  de  son  esprit  (o).  Il  s'ex- 

(g)  Bellarm.,  lib.  fdejustificat.,  c»;>.  VII,  .  *  v    '  ..         ,-■• 

mon.  siiteriia,  cité  par  Daillé  ,  Réplique  à  phquait  nettement ,  et  il  medi- 

Coltibi,  IIIe.  part.,  chap.  XXIV,  pag.  3o3 
(h)  Ancillon  ,  Mélange  critique  de  littéra 
t.ure  ,  tom.  I ,  pag   33 

0 
tom 


la   mort  des    gens  dont  on  veut  par    avance 
canoniser     la    mémoire.     Bellarmin    voulut 


l 
France  en  l'année  i6o5  pouvaient  avoir  in- 
spiré ces  dispositions  au  roi  Henri  IV  par 
l'organe  dti  fameux  père  Cotlon.  Mais  la 
France  se  serait  apparemment  mal  trouvée 
d'un  pape  tel  que  Bellarmin  qui ,  quatre  ans 
après  ,  à  Rome  ,  fit  mettre  dans  Vintlejr  l'his- 
toire du  président  de  Thou  ,  comme  peu 
favorable  à  la  cour  de  Rome  et  aux  jésuites 
[à].  Ce  qu'au  reste  M.  Bayle  observe  plus 
bas  ,  qu'au-dessus  de  la  taille-douce  de  Bei- 
i.umtii  on  lisait  que  ce  cardinal  avait  con- 
servé sa  virginité .  n'était  pas  un  de  ces 
Lrnits  qui  se  répandent   tout  à  coup,    après 

[a]  Mercure  Fiançais,  tom.  /,  au  feuillet  Z'to 
édition. 


comme  un  beau  puceau  ,  trop  vergogneux  , 
dit-il  ,  pour  avoir  osé,  comme  d'autres  écri- 
vains de  sa  communion,  prouver  le  sacrifi- 
ce de  la  messe  par  l'autorité  d'Ovide  et  de 
Virgile.  Rem.  crit. 

(k)  Là  même  ,  pag  333. 

(I)  Là  même  ,  pag .  3^3. 

(m)  Quam  à  maire  virginem  carnem  ac- 
ceperat,  quam  à  sacro  lavacro  innocen- 
tiam  ,  Deo  reddidit  ,  sihi  nullius  in  omni 
vitâ  mendacii  conscius.  Audreas  Carolus, 
Memorab.  eccl.  pag.  538. 

(n)  Id  ,  ibid- ,  pag.  535. 

(o)   Nicius    Erytlirajus  ,  Pinacatbeca  ,   I, 


BELLARMIN.  267 

tait  si    iuste  les  paroles  qui  de-  laisse  pas  de  le  blâmer:   «  Qo'eût-il 

raient  représenter  ses  pensées,  »  dit  tfû  compliment  de  cetambassa- 

r           .                 l                '  »  deur  d  fcspagnc  en  Angleterre ,  qui 

quon  ne   voyait  aucune   rature  ,  reçut  mie  visite  du  i  <u  Jacques  avec 

dans  ses  écrits  ip)-  On  fait  assez  »  ces  paroles  de  la  messe  :  Domine. 

•le  cas  de  sa  Grammaire  hébraï-  »  nonsumdignusutintres  sub  teetum 

nue  ,    et    l'on    iuge    néanmoins  "  'ïl?"™,  ^  '        ,    .        ,          r     , 

1"     '            .           >    o               .  (K)  II  parut  ,  le  jour  de  ses  fune- 

([il'il  n  avait  qu  une  connaissance  rallles  ,     qu'on    le    regardait    comme 

médiocre  de   cette  langue   (q)  ;  un  saint.']  Il  fallut  que  les  Suisses  de 

quelques-uns  disent  que  la  grec-  la  Sair(le  du  pape  fussent  postes  au- 

1    •  ;.„;»  ~„t-^„aJ,ar,¥  ;„™n  tour  du  cercueil,  afin  d'écarter  la  foule 

que  lui  était  entièrement  incon-  .  *a,,|,  •»  .     '                   , 

t-                                                               ■  qui  tachait  a  se  ruer  sur    le  corps  , 

nue  (r).    Je  ne  pense  pas  que  le  pourle  toucher  et pourie. baiser.  Tout 

pape  l'ait    envoyé  jamais   à  Lou-  ce  dont   il  s'était  servi  fut  enlevé,  et 

vain  ,  pour  y  mettre  fin  aux  dis-  distribué  à  ceux  qui  souhaitèrent  d'en 

1     i»/r-  i_   1   t>   •■  avoir  pour  des  usaees   de   dévotion. 

putes  de  Michel  Baïus  ,  ou  pour  AdJ^  umUm     %^  concursiintis 

en  faire   rapport  a  Home  ( AAJ.  aa>  nsculum  tactumque  sacri  pignoris 

Tant  de  gens   l'ont   attaqué  ,   et  adhibeie  oportuit  Helvetios  è  stipato- 

tant    de    gens    l'ont    défendu,    rlbus  pontifieiis Quidquid  rerum 

,               r     .     i„,   „„«.„1 ,„,   J„,  i>*  '«m   habuit    raptum  distractumque 

nu  on   a   tait  des  catologues  des  •          .   ,    ,          '  ,              .         7,. 

I                                         t      i-         j  m  postulantes  est  ad  venerationem(5). 

uns  et  des  autres.  La  liste  de  ses  Lorsque  Bellarmin  quitta  son  église 

défenseurs   a  été   composée  par  de  Capoue,    la  désolation  fut  grande 


Berald  italien  (s). 

(p)  Idem,  ibid. 

{q'<  Simon,  Hist.  crit.  du  Vieux  Testa  ment, 
■  h:  111  ,chap.  XII. 

(r)  Voyez  la  remarque  (Y) ,  l'ers  la  fin. 
(s)  Baillet ,  article  IX  des  Anti. 


dans  la  ville.  Quelques-uns  lui  bai- 
saient la  robe  ;  d'autres  y  frottaient 
dévotement  leurs  rosaires  ;  tout  le 
monde  luidemandasa  bénédiction  (4). 
Voilà  les  préludes  du  culte,  qui  pour- 
ront avec  le  temps  être  suivis  d'une 
canonisation  en  forme.  On  prétend 
qu'il  a  prédit  prophétiquement  cer- 
(A)  Il  régala  le  pape  Grégoire  XV  taines  choses,  et  qu'il  a  fait  dos  mi- 
du  compliment  du  centenier.']  Suppo-  racles  (5);  et  comme  depuis  sa  mort 
,mt  .  comme  il  faisait,  que  le  pape  l'odeurde  sa  sainteté  est  plutôt  allée 
estle  vicaire  du  Fils  de  Dieu  ,  il  ne  en  augmentant  qu'en  diminuant, on 
voyait  pas  dans  l'application  de  ce  ordonna  tout  de  nouveau,  l'an 
passage  toute  la  profanation  que  d'au-  à  la  congrégation  des  rites,  de  p; 
très  y  voient;  et  peut-être  même  der  aux  informations  nécessaires  sur 
qu'il  crut  ne  rien  dire  que  de  fort  sa  vie  et  sur  ses  miracles  ,  afin  que  si 
pieux  Alegambe  débite  cela  comme  le  cas  y  échet  on  le  puisse  béatifier  (6;. 
un  bel  endroit  des  dernières  heures  (C)  Personne  n'a  mieux  soutenu 
de  Bellarmin.  Inyisit  eum  decumben-  lui  la  cause  de  l'Église  romaine..  ... 
tem  Gregorius  XV,  pontifex  max'v  Les  protestons  l'ont  bien  recnnr.u.] 
mus,  ac  bis  peramanter  amplexus  sa-  «.  1rs  demeurent  d'accord  que  c'est  le 
crum  se  pro  ejus  vaUtudine  facturum  »  plus  subtil  ennemi  de  la  vérité  qui 
promisit.  Ipse  Christi  vicarium  obse-  »  ait  entrepris  jusqu'à  présent  d 
quiosissimè  reverilus  usurpavit  illud  »  l'attaquer  :  que  Dc'métrius  l'.Argen- 
Cenlurionis  ,  Domine  ,  non  sum  dig-     »  lier  ,  dont  il  est  parle  au  XIXe.  des 


nus  ut  intres  sub  teetnm  meum  (i). 
L'ambassadeur  d'E-pagne  ,  qui  se 
servit  des  mêmes  paroles  du  cente- 
nier  envers  un  prince  qu'il  regardait 
comme  hérétique ,  ne  peut  pas  être 
excusé  si  facilement.  Balzac  .  qui  allè- 
gue  cet  exemple  à  son   critique,  ne 

(\)  Alegambe,  Bibliolh.   Script.  Societ.  Jesa  , 


»  Actes  ,   n'a  pas  travaillé  avec  tant 
»  d'art   à  ses  petits  temples  d'argent 

(2)  Discours  I".    an    Cardinal  Fentivoflio  ,  ,'i 
la  suite  du  Socratc  chrétien.  pag.  447  >  4-'|3. 

(3)  Alegambe,    Biblioth.    Script,   toc.     Jt-n  . 
pas;.  .',.>.,. 

(4)  Idem,  ibidem. 

(5)  Idnn,  ibidem,  pag.  4io. 

(6)  Sotuel ,     in    Dibliolhecâ    Scriptor.    societ. 

Jt'iU,    f  .J£.    ^22. 


268 


BELLARMIN. 


»  de  Diane ,  que  cet  adroit  artisan 
■»  de  l'erreur  a  employé  l'artifice  à 
»  redresser  l'hôtel  et  l'autel  de  la 
i>  superstition;  ce  qui  a  donné  lieu  à 
»  quelques-uns  de  le  comparer  à  ce 
»  Marcion ,  dont  Tertullieu  dit  que, 
»  Dedecus  suuiu  ingenio  obumbrat , 
»  qui  cum  causas  ubique  ferèpessimas 
»  tueatur  et  impiorum  dogmatum  pa- 
ît trocinio  verissimumse  Satanœ  alque 
>  Antichristi  satellileni  pirebeat ,  agit 
»  tamen  ingenio  ut  speciosif  coloribus 
»  inducatomma et dislinrïtonumprœs- 
«  tigiis ,  et  umbris  éludât  ea  quœ  so- 
v  Udissimâ  ueritale  constituta  sunt 
»  (7).»  Gardez-vous  bien  de  croire  ce 
qu'Alegambe  débite  :  c'est  que  Théo- 
dore de  Bèze  demeurait  d'accord  que 
Bellarmin  avait  renversé  par  terre 
tous  les  auteurs  protestans.  JVec  ipsi 
hostes  ausi  sunt  difliteri,  ex  quibus 
Theodorus  Beza ,  «  Unus  hic  liber , 
■»  ajebal,  nos  omnes  hunti  proturbat 
»  (8).«  Onse  moque  du  monde,  quand 
on  alJègue  de  semblables  choses  ,  sans 
citer  le  livre  où  elles  se  trouvent.  Il 
faudrait  en  semblables  occasions  citer 
jusqu'à  la  ligne,  ou  du  moins  jusqu'à  la 
page ,  parce  qu'autrement  chacun  juge 
que  ce  ne  sont  que  des  ouï-dire  vagues 
et  très-mal  fondés.  Je  suis  très-persua- 
dé  que  Bèze  n'avait  pas  une  si  bonne 
opinion  des  écrits  de  Bellarmin  ,  et 
que  ,  s'il  en  avait  jugé  de  la  sorte  ,  il 
se  serait  bien  gardé  de  l'avouer.  Une 
autre  chose  que  dit  Alegambe  n'est 
pas  si  suspecte  de  fausseté.  11  dit  qu'on 
fonda  à  Cambridge  et  à  Oxford  une 
nouvelle  leçon  destinée  à  réfuter  Bel- 
larmin. In  Angliœ  Academid  Can- 
tabrigiensi  primùm  ,  mox  etiam  in 
Oxoniensi,  nova  prœlectio  instituta 
est  ad  Controuersias  Bellarmini ,  si 
potsent,  rejellendas  (9). 

(D)   On   a examiné    s'il   s'est 

contredite]  Un  ministre  de  Lithuanie, 
nommé  André  Crastovius  ,  a  composé 
un  ouvrage  intitulé  Bellum  jesuiti- 
ticum  (10)  ,  où  il  objecte  aux  jésuites 
2o5  contradictions.  Quelquefois  c'est 
Bellarmin  qui  n'est  pas  d'accord  avec 
les  autres  jésuites  :   le  pins  souvent  , 

("])  Ancillon,  Mélange  critique  de  Littérature, 
lom.  Jec.  pag.  348-  Voyez  aussi  Witaker  dans 
la  préface  de  son  traite'  de  Scripiurâ. 

(8)  Alegambe,  BibliotU.  soc.  Jesu,  vag. 
4n. 

(9)  Idem  ,  ibid. 

(10)  Cest  un  in-quarto  de  i6i  pages,  impri- 
mé à  Balle ,  Van  ity'). 


c'est    Bellarmin    qui    se    réfute    lui- 
même. 

J'ai  dit  ailleurs  (11)  qu'on  lui  re- 
proche d'avoir  employé  et  combattu 
les  mêmes  principes  ,  selon  qu'il  avait 
à  disputer,  ou  contre  les  protestans  , 
ou  contre  les  enthousiastes.  Voici  du 
détail  sur  cette  espèce  de  contradic- 
tion. «  Quelques-uns,  voulant  excuser 
J>  Bellarmin  sur  ces  contradictions  et 
ces  défauts  de  mémoire ,  ont  dit 
que  le  grand  nombre  de  gens  qui 
ont  travaillé  à  la  fabrique  de  cet 
ouvrage,  c'est-à-dire  de  ses  écrits, 
comme  les  architectes  de  Babel ,  y 
ont  introduit  cette  confusion  ,  faute 
de  s'entendre;  mais  bien  loin  que 
ceux  de  sa  communion  prennent 
cela  pour  excuse  ,  ils  le  rejettent 
comme  une  chose  qui  lui  est  inju- 
rieuse. Fuligati ,  qui  a  fait  sa  Vie  , 
dit  qu'il  n'a  même  jamais  eu  de 
scribe Je  crois  que  la  vérita- 
ble cause  des  contradictions  de  Bel- 
larmin est  que  la  nécessité  présente 
d'attaquer  ou  de  défendre  est  un 
objet  plus  puissant  et  plus  péné- 
trant que  nul  autre  :  il  se  soucie 
peu  de  s'accorder  avec  lui-même  , 
pourvu  qu'on  ne  croie  pas  qu'il 
est  d'accord  avec  ses  parties  ad- 
verses (12) Bellarmin  a  sou- 
vent vérifié  cette  remarque  dans 
ses  livres  de  controverse  :  lorsqu'il 
dispute  contre  les  libertins  et  les 
schwencfeldiens  ,  touchant  la  né- 
cessité de  l'Écriture ,  il  parle  comme 
un  protestant  :  lorsqu'il  dispute 
contre  les  protestans  sur  la  même 
matière ,  il  raisonne  en  schwenc- 
feldien  :  s'il  entreprend  les  pélagiens 
sur  la  perfection  des  œuvres ,  il 
emploie  contre  eux  tous  les  argu- 
mens  de  ceux  qu'il  appelle  calvinis- 
tes :  s'il  a  affaire  contre  les  calvi- 
nistes mêmes  ,  il  se  sert  des  raisons 
des  pélagiens  et  de  leurs  distinc- 
tions. Attaque-  t  -il  les  anabap- 
tistes sur  le  baptême  des  petits 
enfans  ,  il  le  leur  prouve  par  l'E- 
criture. Est  -  il  en  contestation 
avec  nous  au  sujet  de  la  Tradi- 
tion,  le  baptême  des  petits  enlans 
est  un  des  points  qui  lui  semble  en 
prouver   la  nécessité,  et  dont   l'E- 

(nï   Vans   la    remarque  (B)    de  Varticle   de 
(Marc)  Amtoine,  l'Orateur,    citation   (j). 

(12)  Ancillon,  Mélange  critique  de  Littérature, 
tom.  /".,  pag.  35a. 


BELLARMIN. 


)>  criturc  ne  parle  point  d'une  ma- 
»  nière  convaincante  ,  à  ce  qu'il  dit. 
»  Cela  me  fait  souvenir  de  la  com- 
»  paraison  que  j'ai  vue  quelque  part 
)>  de  Bellarmin  à  un  certain  Africain 
j>  nommé  Léon  ,  qu'il  compare  lui- 
»  même  à  cet  oiseau  amphibie  d'E- 
»  sope ,  qui  était  tantôt  oiseau,  tan- 
»  tôt  poisson  :  oiseau  ,  quand  le  roi 
i>  des  poissons  exigeait  le  tribut  ;  et 
»  poisson  quand  le  roi  des  oiseaux 
»  l'exigeait  :  ut  Léo  quidam  Africa- 
in nus  in  Granatensi  regno  natus  et 
»  postquàm  subjugatum  est  illud  reg- 
w  num  in  Africain  prnfugus  île  se 
»  fatetur,  si  Afros  vitio  altquo  nntari 
»  sentio  ,  me  Granatœ  natum  profi- 
»  teor  ;  si  Granatenses  malc  audiant  , 
»  mox  Afer  suni  ;  Bellarminus  certè 
»  ntulto  quant  Me  elegantiùs  avicu- 
>•  lam  illant  imitatur ,  qui  niniirkm 
;>  respondet,  tom- 1 .  Controv.l.  i,  c.  n, 
»  patres  secutos  esse  septuaginla  ln- 
>>  terprelum  edilionem.  Idem,  loin.  i. 
»   Contrôla.  I.  i  ,  c.  20  ,  de  3    Esdrœ 

agens  ,  ait  patres  secutos  esse  He- 
1  brœos ,  et  tamen  illud  alterum  ,  no- 
»  taie,  quanta  vi  verborum  efferal. 
;>  Negari  (  inquit  )  non  pnlest.  Ipse 
»  tamen  id  ipsum  loco  posteriori  ne- 
■  •  gat  (l3).» 

(E)  Des  écrivains  protestans  ont 
publié  des  faussetés  contre  Bellarmin, 
desquelles  son  parti  a  tiré  beaucoup 
d'avantage.]  Lejésuite  Jean  Argentus, 
dans  l'Apologie  de  son  ordre ,  fait 
mentionde  quatre  libelles  fraîchement 
éclos  contre  la  société  ,  desquels  le 
troisième  attaque  directement  le  car- 
dinal Bellarmin  ,  et  rapporte  beau- 
coup de  choses  qui  avaient  causé  ,  ou 
accompagné,  ou  suivi  sa  mort.  Néan- 
moins ce  cardinal  était  plein  de  vie. 
Sans  doute  Théophile  Raynaud  a 
voulu  parler  de  ce  libelle,  quand  il 
a  dit  qu'on  avait  publié  en  Allema- 
gne il  y  avait  vingt-cinq  ans  (i4)  un 
écrit  qui  accusait  Bellarmin  d'avoir 
tué  beaucoupd'cnlans,  atin  de  cacher 
ses  commerces  impudiques  (i5).  On 
disait  de  plus  que  ce  cardinal,  tou- 
ché enfin  de  repentance  ,  avait  été  à 
Notre-Dame  de    Lorette,    pour  voir 

(l3)  Là  même,  p"g.  354- 

04)  Ce  calcul  ne  s'accorde  pas  avec  l'an 
iG5o,  daie  du  /<.;>■  de  Th.  Raynaud,  et  avec 
ce  que  du  ce  je'suite  que  Bellarmin  se  moqua  de 
ce  libelle. 

(l5)  Throph.  Raynaudi  Hoplnllieca,  secl.  II , 
série  II ,  cap.  /,  pag.  l66,    167. 


269 


s'il  pourrait  expier  ses  crimes  ;  mais 
que  le  prêtre  auquel  il  s'en  confessa  fut. 
saisi  de  tant  d'horreur  ,  qu'il  lui  en- 
joignit de  sortir  :  ce  qui  jeta  Bellar- 
min dans  un  désespoir,  où  il  mourut 
peu  après.  Voilà  le  précis  de  ce  libelle. 
Bellarmin  le  lut  ,  et  s'en  moqua.  Il  fit 
sans  doute  plusieurs  réflexions  sur  ce 
qu'on  usait  d'une  telle  diligence  à 
publier  sa  mort,  qu'il  avait  le  temps 
d'en  lire  la  relation.  Théophile  Ray- 
naud trouve  que  le  père  Gretser  s'était 
donné  une  peine  bien  inutile  en  réfu- 
tant ces  sortes  de  contes,  et  que  les  pro- 
testans perdaient  beaucoup  par  de  tels 
récits  (16)  ;  car  on  apprenait  par-là 
quel  jugement  il  fallait  faire  de  la  pré- 
tendue lettre  de  saint  Udalric  ,  qui 
porte  «pie  l'on  trouva  dans  le  puits  du 
pape  Grégoire  II  six  mille  têtes  d'en- 
fans,  après  qu'il  eut  chassé  les  fem- 
mes des  prêtres.  Hœreticis  ,  uel  ad 
unamhoram,  vagunt  mendacium,  in 
lucro  ponitur.  Rêvera  tamen  ex  hoc 
mendacio,  decessit  Mis  ftaud  exiguitni . 
Siquidem  indè  deprehensum  est,  qudfi- 
de ex horum  mendaciloquorum  majori- 
bus  quispiam,  ex  commentitidS.  Vdal- 
rici  Epistold  ,  sex  millia  capilum 
infantilium,  inlra  puteum  Gregoriise- 
cundi  cùm  is  uxores  sacerdotibus  abs- 
tu/isset,  reperta  dixerit.  Non  est  enim 
ovum  ovo  similius,  quant  hoc  de  Bel- 
larmini  infanticidiis  scriptum  ,  et  Ma 
S.  Udalrici  Epistola  de  cœdibus  per 
clerims  et  sacerdoles  scortalores  ,  ad- 
venus quant  subdililiam  S.  antislitïs 
Epislolam ,  et  ipse  Bellarminus  l.  de 
Cleric.  cap.  a?.,  et  Baronius  anno  5oi, 
aliique  certdrunt.  Il  n'est  nullement 
nécessaire  que  les  fables  publiées  con- 
tre Bellarmin  aient  un  effet  rétroactif 
sur  le  conte  des  six  mille  têtes  d'en- 
fans;  mais  il  est  certain  qu'on  ne  sau- 
rait rendre  un  meilleur  service  aux 
jésuites,  et  en  général  à  tout  parti  que 
Ton  entrepreud  de  diffamer  ,  qu'en 
publiant  des  calomnies  qui  se  réfutent 
très-facilement.  C'est  une  chose  re- 
marquable, qu'y  ayant  une  iotinité 
de  personnes  possédées  d'une  déman- 
geaison insurmontable  de  publier  des 

(16)  Il  paraît  par  la  P.ibliolliéque  d'Ale. 
garul.r  ,  ,jur  Grêlant  a  jiu/ilf  Vindicatif)  illns- 
Irissimi  Cardinalis  Bellarmini  à  cnminationibna 
etinsciliâ  Latherani Magislelli  Ernesli  Zeptryrii, 
à  Ingolslad,  m  1G11,  in-40.;  et  <  astigalio  Li« 
belli  famosi  atlversus  illuslr.  Card.  Mellarniinuin, 
traduite  en  allemand  par  le  père  Conrad  \  ■•(- 
1er,  en  161 5. 


BELLARMIN. 


satires  ,  il  y  en  ait  si  peu  qui  sachent 
l'art  de  les  bien  empoisonner.  La  plu- 
part de  ceux  qui  s'en  mêlent  ignorent 
que,  pour  y  bien  réussir,  c'est-à-dire, 
pour  faire  qu'elles  portent  coup  ,  il 
faut  se  mettre  en  possession  de  ces 
deux  choses,  et  les  observer  religieu- 
sement :  lune  est  de  n'avancer  rien 
dont  on  ne  puisse  donner  des  preuves, 
et  surtout  de  s'abstenir  des  accusa- 
tions qui  peuvent  être  facilement  ré- 
futées ;  l'autre  est  de  ne  point  s'opi- 
niâtrer  à  soutenir  un  fait  réfuté.  J'ou- 
bliais un  troisième  avis  :  c'est  qu'il 
faut  cacher  soigneusement  sa  passion, 
et  fuir  les  apparences  d'emportement. 
J'avoue  qu'en  faisant  tout  le  contrai- 
re de  ces  choses  ,  on  ne  trouve  que 
trop  de  gens  dans  son  parti  qui  ava- 
lent doux  comme  du  lait  tout  ce  qu'on 
débite  :  mais  c'est  cela  même  qui  fait 
un  grand  préjudice  à  la  cause  ;  parce 
que  l'autre  parti  s'indigne,  et  regarde 
comme  un  corps  destitué  de  raison  , 
d'équité,  et  de  l'assistance  de  la  grâ- 
ce, celui  .d'où  partent  tant,  de  satires 
si  avidement  avalées.  Ce  ne  sont  point 
ici  des  réflexions  dites  en  l'air  :  elles 
sont  prises  de  l'expérience.  Voyez  le 
profit  que  le  père  le  Tellier  tire  de 
certains  contes  que  l'on  fait  courir 
sans  savoir  s'ils  sont  vrais  ou  faux.  Li- 
sez un  peu  ce  qui  suit. 

«  Que  servira-t-il  ,  par  exemple  , 
»  aux  jésuites  de  la  Chine  d'avoir  été 
»  les  premiers  et  presque  les  seuls 
»  qui  se  soient  soumis,  et  sans  la  raoin- 
»  dre  résistance,  aux  vicaires  aposto- 
»  liques  ,  dès  qu'ils  y  ont  paru  en 
»  i6S4,'  puisque  cela  n'a  pas  empêché 
»  leurs  ennemis  de  publier  ,  encore 
->  l'été  passé,  par  la  plume  de  leur  se- 
»  crétairelegazetier  de  Hollande,  que 
»  le  saint  père  était  extrêmement  ir- 
»  rite  contre  les  jésuites  de  ce  qu'ils 
«  ne  voulaient  pas  reconnaître  les 
»  évêques  qu'il  envoyait  à  la  Chine  ? 
»  Peut-on  douter  que  dans  quelques 
»  années  ce  mensonge  ne  revienne  à 
»  son  tour  sur  la  scène?  De  même, 
»  que  servira-t-il  aux  jésuites  d'AUe- 
<)  magne  d'avoir  une  attestation  si- 
-  gnée  par  quatre  des  principaux  con- 
;  seillers  deM.  l'électeur  Palatin,  tous 
;>  protestans,  dans  laquelle  ils  témoi- 
»  gnent  que  l'histoire  du  jésuite  con- 
»  trefaisant  une  voix  du  ciel  ,  pour 
j)  tromper  ce  prince,  et.  l'animer  à 
»  la  destruction  de  l'hérésie  ,    n'est 


»  qu'une  pure  fable  ?  Cet  aeteempû- 
)>  chera-t-d  qu'un  jour  ,  sur  la  foi  du 
»  gazetier  de  Hollande  ,  quelque  bon. 
»  protestant,  qui  continuera  l'Histoi- 
»  re  jésuitique,  ne  fasse  un  chapitre 
»  de  cette  chimérique  aventure  (17^.  s 

N'est-il  pas  étrange  que  fauteur  de 
la  Pieligion  des  jésuites  ait  mieux  aime 
suivre  sa  passion  aveugle  que  profiter 
de  ce  passage  du  père  le  Tellier?  11  ei 
a  profité  si  peu,  qu'il  a  ramené  sur  la 
scène  l'esprit  du  Palatinat ,  et  qu'il 
n'a  rien  négligé  pour  taire  que  ses  lec- 
teurs rejetassent  l'attestation  des  con- 
seillers protestans  de  l'électeur  Pala- 
tin (18).  On  sait  de  fort  bonne  part 
qu'il  blâma  le  ministre  réfugié  qui 
mit  cette  attestation  dans  l'Histoire 
abrégée  de  l'Europe  (19).  Des  gens 
comme  celui-là  gâtent  le  métier  dont 
ils  se  mêlent.  Il  devraient  laisser  faire 
les  satires  à  des  écrivains  modérés,  qui 
les  tourneraient  d'une  manière  plus 
adroite  ,  et  plus  propre  à  persuader. 

(F)  Un  professeur  de  Sedan en 

pourrait  dire  des  nouvelles.  ]  11  sou- 
tint des  thèses,  l'an  167/},  sur  la  Puis- 
sance des  Clefs,  et  imputa  au  cardinal 
Bellarniin  d'avoir  dit  ,  qu'««  homme 
contrit,  plein  de  foi,  et  désirant  d'être 
réconcilie  a  Dieu,  périt  éternellement, 
de  cela  seul  qu'il  ne  peut  avoir  de  prê- 
tre pour  le  réconcilier  avant  la  mort  . 
Ce  que   je  ne  lis  jamais  ,  ajouta-t-il , 

SANSÉTONNEMENT  ET  SANS  INDIGNATION  (20). 

Cela  signifie  qu'il  avait  lu  souvent  ces 
paroles  dans  Bellarmin;  et  néanmoins 
elles  ne  s'y  trouvent  pas.  Le  gardien 
des  capucins  irlandais  (21)  alla  dispu- 
ter contre  ces  thèses ,  et  se  plaignit 
d'abord  avec  une  extrême  véhémence 
de  l'injure  que  l'on  avait  faite  à  Bel- 
larmin. Il  continua  la  dispute  avec  la 
même  impétuosité  ,  et  mit  le  profes- 
seur en  confusion.  Ce  ne  fut  pas  tout. 
Au  sortir  de  la  dispute  ,  le  procurem 
du  roi  présenta  sa  requête  contre  ledit 
professeur  (22).  Les  suites  furent  que 

(17)  Défense  des  nouveaux  Chrétiens,  Txt. 
part.  ,  pag.  29,    imprimée  à  Paris  ,  l'an  1687. 

(18)  Religion  des  jésuites,  imprimée  à  la 
Haye,  en  1689  ,  pag  77.  Voyez  la  remarque 
(Q)  de  l'article  Lotola. 

fujl  Mois  d'août  1686,  pag.  160. 

(20)  Thèses  de  l'otestate  Clavium,  pag.  ai  .•  et- 
le'cs  par  l'abbé  de  CorJeinoi,  Lettre  aux  nou- 
veaux Catholiques,  etc.  ,  pag.   117. 

(21)  On  l'appelait  le  père  Robert. 

(22,  Certificat  du  sieur  Rambour,  procureur 
du  roi  «  Sedan    cite   par  l'ai bc  de  Cordemùi 
la  même,  pag.  118. 


BELLARMIN. 


l'auteur  des  thèses  donna  sa  rétracta- 
tion par  écrit ,  que  lui  et  trois  autres 
minisires  signèrent. 

Persoune  n'aura  raison  de  trouver 
étrange  qu'un  tel  accident  ait  trouvé 
place  dans  un  dictionnaire  tel  que 
celui-ci  ;  car  il  ne  servirait  de  rien 
désormais  de  se  taire  sur  ce  fait  :  et 
quand  même  j'aurais  le  ménagement 
de  ne  rien  dire  ,  il  n'en  serait  pas 
moins  connu  dans  la  Hollande,  où  le 
Journal  des  Savans  est  entre  les  mains 
de  tout  le  monde.  Chacun  y  a  pu  lire 
<ii  puis  quatre  ans  le  précis  de  ce  que 
je  viens  de  rapporter;  et  outre  cela, 
que  les  preuves  authentiques  de  la  ré- 
tractation de  M.  J m ieu  (car  c'est  lui 
qui  avait  composé  et  qui  soutenait 
ces  thèses  ,  )  sont  trois  certificats  pro- 
duits par  l'abbé  de  Cordemoi.  L'un 
est  du  procureur  du  roi  de  Sedan , 
l'autre  de  M.  le  comte  de  la  Bourlie 
gouverneur  de  la  même  ville ,  et  le 
dernier  du  père  JYicolas  d'Hibernie 
capucin  (23).  J'ai  lu  ces  trois  certifi- 
cats dans  l'ouvrage  de  l'abbé  de  Cor- 
demoi :  ils  sontdatés  de  l'année  1689- 
On  se  figure   aisément  que  cette  dis- 


lieu que  Bellarmin  disait,  qu'un 
homme  pleurant  douloureusement 
ses  péchés,  par  un  sentiment  d'at- 
trition,  était  damné,  s'il  ne  reci 
vait  l'absolution  du  prêtre.  Un 
moine  se  remua  là-dessus,  fil  grand 
bruit.  Sous  la  bouche  du  canon  , 
et  sous  la  croix  ,  M.  Jurieu  lui  ac- 
corda ce  qu'il  lui  aurait  accordé  par- 
tout ,  même  en  pays  dominant  pour 
la  religion  :  c'est  une  reconnais- 
sance qu'il  y  avait  dans  l'imprimé  , 
faute ,  ou  de  la  main  de   l'auteur  , 

>  ou  de  l'imprimeur,  et  que  le  sen- 

>  timent  de   Bellarmin  était  tel   que 

>  le  moine  le  disait.  Dans  Amsterdam, 
ou  dans  Londres,  tout  homme  sin- 
cère en  aurait  avoué  autant.  Ne 
voilà-t-il  pas  une  histoire ,  qui  , 
après  avoir  été  imprimée  dans  tou- 
tes les  satires  ,  méritait  bien  de 
passer  par  une  troisième  ou  qua- 
trième impression,  dans  un  livre 
que  l'on  destinait  à  l'immortalité  ? 
Se  peut-il  rien  de  plus  petit ,  et  de 
plus  pitoyable  ?  H  y  a  donc  là-dt- 
dans.etmalignité,  etpetitesse(a4)>< 

Voilà   les  paroles  de  M.  Jurieu   :  et 


grâce  affligea  ceux  de  la  religion  ,  et    voici  de  quelle  manière  je  les  réfutai, 
réjouit  les  catholiques.  «  J'ai  pris  garde  que  l'affaire  de  Bel- 

larmin   lui    tient   fort  au  cœur  :  je 


Uques 

J'aurais  voulu  n'être  pas  contraint 
d'allonger  cette  remarque  dans  la  se- 
conde édition  ;  mais  M.  Jurieu  ayant 
publié  quelque  chose  de  fort  outra- 
geant contre  moi  à  ce  sujet-là  ,  il  faut 
(pie  l'on  voie  ici  tout  d'une  suite  ,  et 
ce  qu'il  a  dit,  et  ce  que  j'ai  répondu. 
«  Le  grand  vide,  qui  se  trouve  dans 
»  les  dernières  pages  de  cette  fenille, 
1  fait  une  tentation  ,  à  laquelle  on  ne 
:>  peut  résister  ,  d'apporter  un  exem- 
j)  pie  notable  ,  et  des  menuités,  et 
»  des  malignités,  dont  on  a  dit  que 
»  ce  livre    est  plein.    Voici    le    fait. 

M.  Jurieu,  dans  une  dispute  pu- 
;>  blirpie  et  imprimée,  cita  un  pas- 
»  sage  de  Bellarmin  ,  où  ,  par  une 
»  faute  de  plume  de  l'auteur,  ou  par 
»  une  faute  de  l'imprimeur,  au  lieu 
»  (Tattritus ,  on  trouva  contritus  :  ce 
»  qui  faisait  dire  à  Bellarmin  ,  qu'un 
»  homme  pleurant  ,  pénitent  ,  et  enn- 
»  trit,  était  damné,  s'il  ne  recevait 
»  pas    l'absolution    sacerdotale  ;    au 

(a3)  Voyei  l'extrait  d'une  Lettre  de  M.  l'abbé 
de  Cordemoi  aux  Catholiques  de  l'île  d  Arvert  en 
Xaiotoa^e  ,  donné  dans  le  Journal  des  Savans 
■lu  i!\  avril  i'Jçjo  ,  pag.  277,  édition  d' Amster- 
dam. 


ne  m  en  étonne  pas;  mais  la  pru- 
dence aurait  voulu  qu'il  n'en  eût 
pas  fait  la  matière  d'une  addition 
à  la  fin  de  son  écrit.  Le  silence  eût 
été  le  bon  parti  :  moins  on  remue 
certaines  choses  ,  moins  s'y  embar- 
rasse-t-on.  Ce  que  j'en  ai  dit 
point  un  exemple  de  menuités  et  de 
malignités.  J'eusse  mal  rempli  sans 
cela  les  devoirs  d'historien  ,  puis- 
que le  dessein  primitif  de  mon  ou- 
vrage était  d'observer  les  fausses 
accusations  à  quoi  les  personnes 
dont  je  parlerais  auraient  élé  ex- 
posées. Si  j'eusse  omis  celle-là  dam 
l'article  de  Bellarmin,  n'eût-on  pas 
pu  dire  raisonnablement  que  j'étais 
pat  liai  ,  et  que  j'oubliais  des  1 
dont  je  ne  pouvais  prétendre  causa 
d  ignorance  ?  Je  fai  tirée,  non  d'un 
livre  satirique,  comme  il  le  dit 
faussement ,  mais  d'un  ouvrage  de 
controverse  ,  et  du  Journal  des 
>.i\.uiï.  Je  n'examine  point  le  tour 
qu'il  prend  pour  cou*  i  ir  sa   faute  : 

(i-i)  Jurieu,  Jugement  du  public...  sur  le 
Dictiono.iire  critique  du  sieur  Bavle,  pag.  46, 
47- 


2^2 


BELLARMIN. 


»  je    prie   seulement     mes    lecteurs  que  grande  que  ftltson  autorite  parmi 

»  de  recourir    à    mon   dictionnaire  ,  ses  confrères,   il  n'a  eu  guère  d'imi- 

;»  afin  de  comparera  sa  reflexion  les  tateurs.  Ce  petit  nombre  d'anti-mo- 

»  pièces  qu'on  a  produites.  On  verra  linistes  dans  ce  grand   corps  ne  lais- 

■»  par  ce  parallèle  combien  la  nature  se  pas  d'avoir  ses  usages.  Je  ne  saurais 

»  pâtit  en    lui  ,  quand  il   faut  faire  mieux   expliquer  cette  pense'e    qu'en 

»  quelque  acte  d'humilité  et  de  bonne  rapportant  les  paroles  de  celui  qui  a 

»  foi.  Je  n'en  suis   point  surpris;  car  publié  l'Histoire  de  la  congrégation  de 

»  lorsqu'un    arc  a  été   toujours    plié  Auxiliis.  «  Use  rencontre  quelquefois 


»  d'un  certain  sens  ,  on  a  mille  pei 
»  nés  à  le  courber  du  sens  contraire 
»  la  première  fois  qu'on  l'entreprend. 
;>  Il  en  va  de  même  des  fibres  de 
><  notre  cerveau  (a5).» 

La  plupart  de  mes  amis  trouvèrent 

3ue  j'avais  trop  négligé  de  me  servir 
e  nies  avantages  :  Les  occasions,  me 
dirent-ils  ,  ne  vous  ont  point  manqué  ; 
mais  vous  avez  manqué  aux  occasions, 
et  il  ne  faut  pas  se  rendre  digne  de  ce 
reproche  dans  les  combats  de  plume, 
non  plus  qu'a  la  guerre.  Pourquoi 
n  avez-vous  pas  mis  dans  tout  son  jour 
par  un  détail  circonstancié  le  faux- 


»  des  génies  d'un  ordre  supérieur, 
»  qui  ont  acquis  du  crédit  et  se  sont 
»  rendus  nécessaires  au  corps,  et  qui, 
»  s'élevant  au-dessus  des  craintes  et 
»  des  considérations  auxquelles  les 
»  autres  se  croient  obligés  de  céder. 
»  enseignent  plus  franchement  les  vé- 
»  rites  qu'ils  ont  apprises  par  de 
»  bonnes  études ,  ne  se  pouvant  ré- 
»  soudre  de  trahir  leur  conscience  , 
»  ni  d'être  rebelles  à  la  lumière.  La 
»  compagnie  les  tolère  ,  et  soufl're 
w  cette  petite  révolte ,  parce  qu'elle 
«  sait  bien  le  moyen  d'en  tirer  de  l'u- 
»  tilité ,    et  de  la  faire    servir  à  son 


fuyant  de  cet  homme  ?  JYe  le  pouviez-  »  avantage  et  à  sa  gloire;  et  que 
vous  pas  confondre  par  telle  et  par  »  d'ailleurs  il  n'y  a  pas  sujet  de  crain- 
telle  réflexion?  Je    me  défendis  par    »  dre    qu'un  tel  exemple    soit   suivi 


les  moyensles  plus  propres  à  faire  finir 
cet  entretien  :  ce  fut  en  disant  qu'il 
ne  fallait  point  prodiguer  de  telles 
observations  dans  une  feuille  volante , 
que  c'aurait  été  placer  son  bien  à 
tonds  perdu  ,  et  qu'il  valait  mieux  le 
destiner  à  la  seconde  édition  de  mon 
dictionnaire.  J'ai  songé  depuis  à  cela 
plus  d'une  fois,  et  j'ai  trouvé  qu'il 
fallait  laisser  à  mes  lecteurs  tout  le 
soin  de  réfléchir  sur  ce  petit  incident. 
Il  ne  leur  sera  pas  difficile  de  compa- 
rer ensemble  toutes  les  pièces  de  ce 
procès,  ni  de  découvrir  dans  l'Apo- 
logie de  M.  Jurieu  les  grimaces  et  les 
contorsions  d'un  homme  qui  soufl're 
la  gêne.  C'est  après  tout  à  l'abbé  de 
Cordemoià  réfuter  cette  Apologie.  Il 
me  convient  mieux  d'être  l'historien 
que  l'auteur  des  réflexions  que  cette 
querelle  peut  fournir. 

(G)  Sur  la  matière  de  la  prédesti- 
nation, il  n'a  point  suivi  la  doctrine 
des  jésuites. ~\  11  a  été  bon  thomiste  , 
et  nullement  moliniste  *.  Mais,  quel- 

(2a)  Réflexions  sur  un  imprimé  qui  a  pour 
litre  :  Jugement  du  public  ,  etc.,  paç.  i5. 

*  «  Bellarmin,  dit  Leclerc,  croyait  que  la  grâ- 
»  ce  habituelle  suffisait  pleinement  pour  accomplir 
»  les  œuvres  ordinaires  de  la  piété  chrétienne  , 
»  sans  que  le  juste  eût  besoin  pour  cela  d'aucune 
»  antre  grâce  existante.  C'est  nne  preuve  cerlaine 
»  qu'il  n'était  ni  juoliniste  ni  Ui»misle  au  seas 


j)  d'un  grand  nombre,  etfasse  schisme 
»  dans  les  écoles  de  la  société.  Il  est 
»  même  de  sa  grandeur,  et  conforme 
»  à  ses  principes,  d'avoir  des  docteurs 
»  graves  de  tous  les  sentimens  ,  qui 
»  puissent  servir  à  leur  dogme  capi- 
■»  tal  de  la  probabilité.  Car  on  ne 
»  sait  pas  ce  qui  peut  arriver.  Les 
);  choses  peuvent  changer  du  blanc 
»  au  noir  :  et. si  la  compagnie  se 
»  trouvait  obligée,  au  moins  en  quel- 
»  ques  provinces,  de  changer  de  sen- 
»  tintent  sur  la  grâce,  comme  elle  a 
»  fait  en  France  sur  l'autorité  du  pape, 
»  il  ne  serait  pas  de  sa  dignité  de 
«  chercher  ailleurs  des  docteurs  gra~ 
»  ves  sur  l'autorité  desquels  elle  pût 
»  appuyer  son  changement.  On  peut 
»  compter  eu  Ire  les  théologiens  dont 
»  je  parle  le  père  Tiphaine,  si  célèbre 
»  par  ses  deux  ouvrages  De  Hypos- 
»  lasi ,  et  De  Ordine,  et  l'auteur  de 
»  la  thèse  qui  fut  soutenue  à  Rome 
»  en  1674  ,  dont  les  sentimens  tou- 
»  chant  la  prédestination  et  touchant 
»  la  grâce  sont  tout-à-fait  conformes 
»  à  ceux  de  saint  Augustin  (26;.»  J'ai 

»  qu'on  entend  aujourd'hui ,  et  encore  moins 
«  ausustinien  au  sens  de  Bayle ,  c'est-à-dire  , 
»  janséniste.  » 

(2(1)  Histoire  abrégée  de  la    Congrégation  â- 
auxUlis ,  pt>ë-  Sx. 


BELLARMIN. 


dû  rapporter  cela  lout  du  long,  non- 
seulement  parce  qu'on  en  peut  inférer 
que  Bellarmin  était,  fort  considéré 
dans  son  ordre  ,  et  qu'il  le  savait  bien  5 
mais  aussi  à  cause  d'un  certain  sel 
dont  ces  paroles  sont  parsemées  ,  cpii 
est  fort  propre  à  exciter  bien  des 
notions. 

(H)  Il  n'a  point  favorisé  la  morale 
relâchée  ,  ni  les  expressions  des  dévots 

indiscrets dans  les  litanies.  ]  Les 

protecteurs  île  cette  morale  n'approu- 
vent point  le  délai  de  L'absolution  : 
mais  le  cardinal  Bellarmin  «  a  prêché 
»  devant  les  papes  la  nécessité  et  l'u- 
»  tilité  de  ce  délai ,  et  ses  sermons 
»  sont  si  remplis  de  celte  doctrine , 
»  qu'on  voit  bien  qu'il  l'avait  fort  à 
»  cœ.ir ,  et  qu'il  la  mettait  en  pratique 
»  avec  beaucoup  de  soin.  On  en  peut 
»  voir  de  fort  beaux  endroits  extraits 
»  par  l'érainentissime  cardinal  d'A- 
»  guiredans  sesdissertations VJIIet  X 
»  sur  le  IIIe.  concile  de  Tolède  (27).  » 
Celui  qui  me  fournit  ces  paroles  est 
un  janséniste  qui  a  publié  un  Mé- 
morial ,  contenant,  i°.  une  déduc- 
tion sommaire  de  l'origine  et  de  l'é- 
tat présent  des  contestations  doctri- 
nales du  Pays-Bas ,  et  des  vérita- 
bles moyens  de  les  terminer  ;  20.  une 
réponse  succincte  aux  trois  accusa- 
tions de  jansénisme  ,  de  rigorisme  ,  et 
de  nouveauté (28).  Il  dit  que  le  «  sa- 
»  vaut  et  pieux  cardinal  Bellarmin 
»  aurait  pu  passer  pour  un  novateur, 
»  aussi-bien  que  pour  un  rigoriste  , 
»  s'il  a\.  lit  t'ait  en  ce  temps-ci  Ce  qu'il 
»  fit.  en  plusieurs  occasions  pour  le 
»  rétablissement  de  la  discipline  et 
»  pour  le  retranchement  des  abus. 
»  Les  changemens  qu'il  fit  dans  son 
»  archevêché  de  Capoue  ,  l'ordre  qu'il 
»  établit  dans  l'évèché  de  Monle- 
»  Pulciano  qu'il  gouverna  quelques 
»  années  en  l'absence  du  propre  évê- 
»  que,  les  avis  qu'il  donna  au  pape 
»  Clément  VIII  pour  la  réformation 
»  de  l'Eglise ,  ceux  qu'il  adressa  à  son 
»  propre  neveu  évêque  de  Tlieane 
»  pour  sa  conduite  et  pour  l'adminis- 
»  tration  de  son  diocèse,  les  sermons 
î>  qu'il  prêcha  dans  le  palais  aposto- 
5>  lique  et  dans  les  deux  églises  que  je 
»  viens  de  nommer,  sont  autant  de 
»   témoins   des   saintes  et.  nécessaires 

(27)  Mémorial ,  etc.  Voye*  la  cita  non  suivante. 

(28)  Il  est  imprimé   «  Delfi,  chez  Henri  van 
Rj  n  ,  en  1696.  Il  contient  î8  pages  in-40. 

TOME    IH. 


nouveautés  qu'il  s'étudiait  d'intro- 
duire, et  dont  il  fit.  connaître  l'obli- 
gation     Chacun    sait  que    c'est 

principalement  sur  cette  matière 
(29) ,  que  l'accusation  de  nouveauté 
a  été  premièrement  formée  Cepen- 
dant si  c'est  là  être  novateur ,  le 
cardinal  Bellarmin  ne  saurait  être 
lavé  de  cette  tache  ;  car  il  fit  dans 
les  litanies  de  la  Sainte  Vierge  des 
changemens  qui  (étaient  aujour- 
d'hui crier  bien  haut  ceux  qui  sont  si 
libéraux  de  la  qualité  de  novateur,  et 
de  celle  d'ennemi  du  culte  de  la  Sain- 
te Vierge,  que  rien  n'est  plus  com- 
mun dans  leurs  écrits  que  ces  sortes 
d'accusations  contre  les  personnes 
les  plus  catholiques  et  les  plus  vé- 
ritablement dévotes  envers  la  mère 
de  Dieu.  .Maison  ne  pourrait  accuser 
en  cela  de  nouveauté  ce  pieux  et 
savant  cardinal,  sans  en  accuser 
le  pape  Paul  V  ,  par  l'ordre  duquel 
il  avait  fait  ces  changemens.  Il  en 
rend  compte  dans  une  préface  ,  où 
il  marque,  Qu'il  a  retranché  plu- 
sieurs versets  des  litanies  de  Notre- 
Dame  de  Laurelte ,  parce  qu'ils 
étaient  trop  métaphoriques  ,  comme 

ceux -ci,  TURR1SEBCRNEA  ,  IloRTUS  C0N- 

cldsus  ,  et  d'autres  semblables  ;  et 
qu'il  en  a  omis  d'autres,  parce  qu'en- 
core qu'ils  puissent  avoir  un  bon 
sens,  ils  peuvent  toutejois  en  avoir 
aussi  un  trop  dur ,  rf'où  les  ennemis 
de  l'Eglise  prennent  occasion  de 
blasphémer ,  tels  que  sont  ceux-ci  , 
Maria,  Dei  et  BOMIN0M  mepiatrix  , 
Intercède  pro  noms.  Ab  omni  plccato 
libéra  nos  ,  Domina,  et  d'autres  de 
cette  nature.  Car  ces  sortes  d 'invoca- 
tions semblent  attribuer  à  la  Sainte 
Vierge  ce  qui  est  propre  à  Jésus- 
Christ  comme  Dieu.» 
(I)   Ce  ijui  a   été  changé  dans  ses 

écrits touchant   l'efficacité  de  la 

grdee  h' empêche  pas  qu'il  ne  soit  un 
docteur  augusii/tien.  ]  Commentons 
ceci  par  un  p  issage  tiré  d'un  livre  de 
janséniste  :  «  Il  y  a  sujet  de  croire 
»  que  la  doctrine  de  ce  cardinal  é- 
»  taittrès-augustinienne  surcepoint 
»  dans  son  original  ,  lorsqu'il  envoya 

(2^)  C'ea-a-dire,  la  correction  de  quelque  fa- 
ron  lie  |inrlcr  qui  scandalise  les  hérétiques  ,  com- 
me quelques-unes  du  psautier  attribué  a  saint 
Bonaventore,  qui  semblent  donner  à  la  Sainte 
\  ierge  ce  qui  n'appartient  qu'j  Dieo  ou  à  Jésu  — 
Christ,  f'i'icz  h  mémorial,  clc.  ,  fag.  vu. 

18 


?•:: 


BELLARMIN, 


)>  ses  Controverses  en  Allemagne  pour 
«  être  iraprime'es  ;et  que  ce  fut  une  des 
t>  opinions  que  ses  confrères  de  ce 
»  pays-là  prirent  le  liberté'  de  chau- 
»  ger ,  dans  l'espérance  ,  dit  l'auteur 
»  de  sa  Vie ,  de  faite  plus  de  fruit 
»  parmi  les  hérétiques.  Je  ne  crains 
»  guère  de  faire  un  jugement  témé- 
»  paire  ,  en  attribuant  ce  changement 
»  au  père  Grégoire  de  Valenlia ,  ce 
5>  célèbre  martyr  de  la  grâce  moli- 
3)  nienne.  11  était  à  Ingolstad ,  pendant 
»  qu'on  y  imprimait  les  Controverses 
j)  de  Bellarmin  ,  et  il  y  ht  soutenir  , 
«  en  1 5^4  ,  des  thèses,  qui  sont  peul- 
»  être  les  premières  de  la  société  ,  où 
»  parut  cette  nouvelle  invention  de 
»  la  science  moyenne ,  qu'il  croit  ne- 
•»  cessaire  pour  défendre  contre  les 
s  nouveaux  hérétiques  là  liberté  de 
»  L'homme.  Je  croirai  tout  ce  qu'on 
»  voudra  de  la  patience  héroïque  du 
3)  père  bellarmin  ,  dont  l'auteur  de 
3)  sa  vie  le  loue  à  cetle  occasion  :  ce- 
»  pendant  il  paraît  par  la  révision 
»  qu'il  fit  de  son  ouvrage  en  1608, 
3)  qu'il  trouva  qu'on  l'avait  trop  ra- 
3>  molli ,  ou  plutôt  trop  co-ronipu  , 
.'3  sur  l'efficacité  de  la  grâce.  Et  cet 
;<  auteur  même  de  sa  vie ,  après  avoir 
})  loué  sa  modestie  et  son  humilité  à 
J3  souffrir  les  changemensdequelques- 
»  unes  de  ses  opinions  ,  témoigna  que 
»  d'un  autre  côté  il  avait  une  fer- 
>3  meté  invincible  à  l'égard  de  celles 
3)  qu'il  croyait  être  ou  de  la  foi ,  ou 
33  fort  autorisées  dans  l'Eglise  (*)  :  Un 
3)  ne  peut  concevoir,  dit-il,  jusqu'à 
73  quel  point  il  se  montrait  alors  in- 
;>  flexible  et  invariable  ,  comme  il  pa- 
3>  rut  clairement  dans  ce  qui  arriva 
:i  au  sujet  de  ce  qu'il  avait  enseigné 
y.  dans  ses  livres  touchant  la  prédes- 
',>  tination  ,  les  secours  de  la  grâce  di- 
»  fine  ,  etc.  C'est-à-dire  qu'on  ne  put 


33  ce  qu'il  dit  positivement  être  con- 
33  forme  à  la  doctrine  de  saint  Augus- 
3>   tin  ,  et  même  aux  Saintes  Écritures. 
33  C'est  ce  qu'il  avait  toujours  eu  dans 
>3  le  cœur  :  et  la  congrégation  de  Au- 
33  xiliis ,  qui  venait  de  finir  ,  et  où  il 
33  avait  ouï  soutenir  avec  tant  de  so- 
3)  lidité  par  les  dominicains  la  vraie 
33  efficacité  de  la  grâce  par  elle-même, 
)3  lui  fit  sans  doute  naître  quelques 
»  remords  de  conscience,  d'avoir  eu 
)3  une  patience  si  préjudiciable  à  la 
33  vérité,  en  soutirant  que  l'on  chan- 
}>  geât  ses  sentimens  sur  celle-ci ,  ou 
si  de  les  avoir   changés  lui-même  en 
«  vertu  de   la    promesse   qu'il   avait 
))  faite  en  entrant  chez  les  jésuites  de 
33  s'attacher  aux  sentimens  de  la  so- 
»  ciété  ,    comme  ses  constitutions  l'y 
»  obligeaient.  Ce  qui  est  certain,  est 
33  qu'il  corrigea,  non  pas  tout  ce  qu'il 
3)  y  avait  à  corriger ,    la   compagnie 
33  était  trop  engagée  pour  l'abandon- 
33  ner ,  mais   au    moins  quelques  en- 
33  droits,  où  il  ne  paraissait  pas  qu'il 
33  reconnût  dans  la  grâce    une    autre 
3<  manière  d'opérer  que    celle  qu'on 
33  appelle  objective  et  morale  :  il  veut 
33  au  contraire  qu'on  sache  qu  il  ad- 
33  met  une  opération  effective  et  phy- 
33   sique  :  voluntatem  moveri  per  gra- 
3>  tiam    etiarn   ejflcienter  et  pliysicè  ; 
3)  Deum    aspirare    volunlali    bonuni 
33  desiderium,  ajflare initiumbonœvo- 
3)   luntalis  ,  quœ  aspiraiio  sive  qfflatio 
3)  physicaaclio  est  et  Deo  propria(*'}. 
)>   11   répète    cela    plusieurs  fois ,   de 
3>  peur,    dit-il  (*2)  ,  que  quelqu'un  ne 
3>  s'imagineque  nous n  admettons  dan*, 
3;  la  grâce  qu'une  manière  morale  de 
»  mouvoir  la  volonté,  »  L'auteur  jan- 
séniste, ayant   cité  d'autres  endroits 
de   ce  même  ouvrage  de  Bellarmin  , 
conclut  ainsi  :  On  voit  assez  par  tout 
cela,  ce  qu'on  aurait  d'abord   trouvé 


)3  jamaisluifairecliangerdesentiment    dans  Bellarmin ,  si  son  ouvrage  n avait 


J3  touchant  la  prédestination  gratuite 
3>  qui  fait,  selon  lui ,  partie  de  la  foi 
33  de  l'Eglise,  ni  touchant  la  vérité  de 
33  là  grâce,  qu'il  croit  efficace,  non  par 
3)  le  seul  événement,  ni  parce  qu'il 
33  plaît  à  la  volonté  d'y  consentir  , 
>3  mais  par  elle-même  et  de  sa  nature  : 


(*)  Sin  vero  dogmata  ipsa  fidei  ,  etc.,  ejos  in 
orpétibus  cen>urâ  notabantur,  dici  non  potesl 
<iuàm  staniem  se  iuimutabilemque  praberet.  Cla- 
ri  id  a;:niliim  est  in  bis  qua:  evenêre  circa  éditas 
O])iniones  de  prcedeslinattone,  de  auxilics  divinte 
g  ratio:  ,  etc.,  lib.  2,   c.  5. 


point  été  altéré  par  d'autres  mains  , 
et  ce  que  peut  l'obéissance  aveugle  que 
les  jésuites  promettent  de  rendre  h  la 
société,  quand  ils  y  sont  reçus,  à 
l'égard  même  de  la  doctrine  de  l'E- 
glise. Mais  on  y  voit  aussi  que  les 
premiers  et  les  derniers  sentimens  de 
Bellarmin  ont  été  pour  la  doctrine  de 
la  grâce  ejjicace  par  elle-même  ,  et 
que  l'engagement  qu'il  avait  a  l'égard 

(*')  Reco;;nitio  Oper.   Brllarm.  Iiigolstadii , 
1608,  pag.  06. 


BELLARMIN. 


de  sa  société  ne  lui  ayant  pas  permis 
d'âter  tout  ce  qu'on  avait  fourré  dans 
ses  ouvrages  sans  sa  participation  ,  ni 
de  changer  le  fond  de  tous  les  sen- 
timens  qu'on  lui  avait  jait  prendre  , 
il  n'a  pu  néanmoins  s'empêcher  de 
rendre  avant  sa  mort  quelque  témoi- 
gnage a  la  vérité  :  comprenant  Lien 
qu'il  en  disait  assez  pour  renverser 
tout  ce  qui  restait  dans  ses  ouvrages 
de  contraire  à  saint  Augustin  (3o). 
Observons  que  Robert  Abbot  a  bien 
poussé  Bellarmin  sur  les  changemem 
des  nouvelles  éditions  de  ses  ouvra- 
ges (3i). 

(K)  Il  s'est  fait  des  affaires  pour  les 
mêmes  raisons  qui  ont  tant  commis 
l'abbé  de  la  Trappe  avec  les  moines.] 
Bellarmin  a  fait  un  livre  de  Gemitu 
Columbœ  ,  dans  lequel  il  dit  qu'une 
des  choses  qui  doivent  faire  pleurer 
et  gémir  les  bonnes  unies  ,  est  le  grand 
relâchement  où  quelques  ordres  reli- 
gieux sont  tombés.  On  s'est  plaint 
amèrement  de  cela  ,  comme  d'une 
invective  mordante  (3a).  Mais  le  car- 
dinal n'a  point  manqué  d'apologistes  , 
qui  ont  soutenu  que  ce  de  quoi  il  s'est 
plaint  n'est  que  trop  vrai,  et  que  le 
besoin  de  réformation  est  si  visible 
en  divers  endroits  ,  que  ceux  qui 
vivent  dans  ce  désordre  ,  et  qui  ne 
s'en  aperçoivent  pas  ,  vérifient  la 
maxime  ,  Sensibile  juxta  ac  multb 
magis  intra  sensum  positum  non  facil 
sensalioncm  (33) .  Citons  un  passage 
de  Théophile  Raynaud  :  Audivit  Bel- 
larminus  asper  cl  mordax  quia  in  li- 
brode  Gemitu  Columbœ  fontem  unum 
lacrymarum  proposuit  ,  Beligiosorum 
aliquorum  (Jrdinum  laxalionem  , 
quam  homo  Me  (c'est-à-dire  celui  qui 
s  était  plaint  de  Bellarmin)  spiritu 
barylono ,  uspiam  cerni  iii/iciatur,  et 
utinam  vel  in  speciem  verè  injiciare- 
tur  !  Sed  lantifuit,  Bellarminum  mnr- 
dere  quoquo  modo.  JYam  esse  aliquas 
religiones  laxatas  ,  et  quibus  refor- 
matio  sit  necessaria,  res  est  adeù  nota, 
ut  nemo  nisi  <  œens  non  videat ,  ait 
Major,  in-4°.  d.  38.  q.  23.  Sed  non  est 

(3o)  Gery  ,   Apologie,  etc.  ,  pa$.  17-,  178. 

C3i)  Rob  Abbolu-  .  .I<:  snpremn  Potestats  Kc- 
ji:"  ,  frcpl.  II  ,  an.  III. 

Çil)  L'auteur  de  celle  plainte  est  un  moine, 
euntre  lequel  le  jésuite  Raeia  a  ttit  quelque  cho- 
se, lit'.  IV  de  Jesu  tigurato  ,  cap.  I ,  num.  il. 
Voyez  Théophile  Raynaud,  Éroleiuat.  de  malis 
ac  bonis  libris,  pag.  lu. 

(33)  Idem  ,  ibidem. 


i75 


novum  aliquos  ita  cœculire ,  presser- 
tim  in  causa  pronrid  ,  ut  notum  est  ex 
eo  exemplo  quod  récital  Nider  lib.  2 
de  Reform.  Relig.  cap.  9.  Episcopi  ex 
ordine  collapsn  assuntpli  ,  qui  au- 
diente  ipso  Nidero  ,  pertinacissimè 
inficiatus  est ,  suum  ordinem  esse  col- 
lapsum ,  et  reformatione  egere  ,  quan- 
tumvis  ,  (tnqtiit  Nider),  luce  foret 
clarius  loti  mundo ,  contrarium  esse 
verum  (34).  Le  pseudonyme  Phila- 
delphus  de  novo  Lacu  ,  qui  a  composé 
un  traité  de  modérais  Jesuitarum 
Moribus ,  nous  apprend  qu'on  révo- 
que en  doute  que  Bellarmin  soit  le  vé- 
ritable auteur  du  Gemilus  Columbœ 
(35).  Ce  doute  me  paraît  fort  dérai- 
sonnable; car  ce  traité  vit  le  jour 
pendant  la  vie  de  ce  cardinal  ,  et  fut 
inséré  dans  le  Recueil  de  ses  OEuvres. 
Notez  (pie  le  jacobin  Gravina  est  nu 
de  ceux  qui  écrivirent  contre  ce  Ge- 
milus. Voyez  la  remarque  (R)  de  l'ar- 
ticle Kf.ller. 

(L)  Quelques-uns  ont  dit  qu'il  fai- 
sait grand  lorl  a  la  catholicité  par  ses 
livres  de  controverse.  ]  Le  père  Théo- 
phile Raynaud  avoue  qu'il  y  a  des 
gens  qui  ont  cru  qu'il  serait  fort  bon 
peut-être  de  supprimer  les  livres  de 
controverse  du  cardinal  Bellarmin  , 
tant  parce  que  les  hérétiques  en  peu- 
vent facilement  abuser ,  y  prenant  ce 
qui  s'y  trouve  pour  eux  et  laissant  le 
reste,  que  parce  que  les  catholiques 
y  peuvent  être  trompés  ,  faute  de 
comprendre  la  réponse  aux  objec- 
tions. On  a  cru  que  le  cardinal  du 
Perron  était  de  ce  sentiment ,  et  peut- 
être  qu'on  ne  se  trompait  pas  :  on  dit 
même  qu'il  s'en  était  ouvertement  ex- 
pliqué en  conversation  ,  ne  prenant 
point  garde  aux  conséquences.  Mais 
quand  il  sut  qu'on  lui  imputait  de  ju- 
ger ainsi  des  livres  de  Bellarmin^  il 
le  nia  fortement  :  Doclissimus  tard. 
Perronius  cum  hoc  sibi  calumniosum 
de  Bellarnani  Controverstis  judicium 
affinai  inautlLset  ,  copiosc  et  validé 
Mua  detersh  ,  ut  referiur  in  ipsius 
Bellarminivitâ,  lib.  II,  cap.  Vil  (36). 
Il  écrivit  une  lettre  à  ce  cardinal, 

(34)  Thpopbili  Raynaudi  Erotemata   de  bonis 
et  malis  libris,  pag.  112. 

Vojet    la    page    \\fi    de     la    pii  ■ 
M.  Maycr,   intiUdée  :  Dissertalio  de    Bellarmini 
Fide   ipsis   pontificiû   dubiâ.    lui rz  ci-après  la 
citation  (C7). 

6    Tlieopbilus  Raynaud  .  De  bonis  et  mal, 
libris,  pag.  223. 


ar6 


BELLARMïN. 


dans  la(|iielle  il  repousse  cette  accu- 
sation avec  tonte  l'industrie  et  toute 
la   force  dont  il   était  capable.  Cette 
lettre    datée  de  Rome  le  10  de  février 
i6o5,  se  trouve  dans  la  Vie  de  Bellar- 
min  ,  composée  par  Fuligalti  ,  et  dans 
la  Dissertation  de  M.    Mayer  que  j'ai 
citée  ci-dessus  (87),  et  qui  nous  ap- 
prend  qll(:   'e    cardinal    Bentivoglio 
protesté  qu'il  avait  ouï  faire  ce  juge- 
ment  des  controverses  de  Bellarniin 
au    cardinal  du  Perron.  Sanctè   tes- 
iari....,se  ex  ipsius  cardinalisPeirouïi 
ore    propriis    hoc    excepisse    auribus 
de  Bellarmini  controverses  judicium 
(38).  Le  collecteur  du  l'erroniana  ne 
lui  avait  pas  ouï  dire  la  même  chose, 
ou  bien  il  ne  trouva  pas  à  propos  d'en 
faire  mention  :  car  voici  tout  ce  qu'il 
rapporte.  «  Le  cardinal  Bellarmin  a 
»  un  fort  bel  esprit  et  fort  clair.  Il  a 
m  traité  des  s.icremeus  ira  génère  fort 
3)  bien  :  i!  ne  se   peut  pas  mieux.   Il  y 
))  a  bien  à  dire  que  le  traité  de  Eucha- 
3>  ristid    soit    de  même.   Quand  il  a 
3)  trouvé  quelque    matière  bien   éplu- 
»  (bée    et    bien    examinée    déjà    par 
j>  d'autres  ,    il    Ta    merveilleusement 
3»  bien   éclaircie  avec  la  beauté  et  la 
3>  netteté  de  son  esprit  ;  mais  lorsqu'il 
3)  a    trouvé   une  matière  encore  era- 
3>  brouillée,  et  où  ii  y  a  beaucoup  de 
3)  confusion  ,  son  esprit  s'y  perd  (5g)  : 
3>  il  se  sert  bien  souvent  des  traduc- 
3>  tioiis  des  pères  grecs ,  sans  aller  voir 
3)  le  grec  ^  je   m'en  étonne ,  vu  qu'il 
3>  l'entendait  fort  bien.  Entre  autres, 
3>  il  se  sert  du  livre  de  Prœparalione 
33  Evangelicd    pour    la     prière     des 
3)  saints,  et  le  cite  en  latin  de  la  ver- 
3>  sion  de  Trapezunce  ,  qui  n'est  nul- 
3)  lumen t  semblable  au  grec  ,  et  qui  y 
3>  ajoute   une  clause  qui  ne  se  trouve 
3)  point  dans  le  grec.  »  Afin  que  mes 
lecteurs  soient  bien  en  état  déjuger 
de  tout  ceci,  je  leur  mettrai  devant 
les  yeux  le  passage  du  cardinal  Benti- 
voglio :  Taie  era  il  concorso  générale 
intorno  aile  sue  controversée  (40)  ben- 
che  non  riescono  mal   lanto  unijor- 

(Zn)  Dans  la  citation  (35).  Voyez  les  pages 
184  et  suivantes  de  celte  Dissertation. 

(38)  Mayerus,  ibidem,  pag.  192. 

(3ç))  Campanella,  Synt.  Je  libris  propriis,  cap. 
IV  ,  art.  IX  ,  en  juge  à  peu  près  île  la  même 
sorte  :  Bt'llarraious,  dit-il,  C.ontroversias  liâc 
tcmpest:i!e  plurimuni  illustra  vit,  clarus,  non 
ineie^ans,  inagnu>  in  labore ,  sed  mocHcus  tamen 
in  inventione. 

($0)  C'est-à-dire,  de  Bellarmin. 


mi   i  giuditi ,  che  non  vi  siaao  ancàra 
di  quelli  fret  i  piu  dotti  cattolici ,  e  piu 
versali   in  materie   simili,  che   have- 
rebbono    qualche    voila  desidirato    di 
vederlo  stringere ,  ed  abbater  confnrza 
maggiore  alcuni  urgontenii  heretici,  e 
cou  maggior  pienezza    riporture  quel 
tqnli ,  e  si  manijesti  vantaggt,  che  po- 
leva  dargli  in  ogni  queslione   la  dol- 
trtiia  caltolica  :  meco  piit  d'una  voila 
in  Eraucia  nioslrù  d'aver  queslo  senso 
particolartnente  il  cardinal  Perrone  , 
quel  grau   cardinale  ,  quel  ch'è   stato 
ï'dgostino  Francese  del nostro  secolo  : 
del    resto    lo    riconosceva  ancor   egh 
per  un  de'  più  dolti ,    e  più   eminenti , 
e   più   beneineriti    scrittori ,    che    ha- 
vesse   havuto    la    Chiesa   ne   i    lempi 
nostri  (/fi)-  On  voit  par-là  que  la  cen- 
sure se  réduisait  à  ceci  :  c'est  que  Bel- 
larmin n'avait  pas  toujours  réfuté  les 
raisons  des  hérétiques  avec  toute  la 
force  et  toute  la  plénitude  de  victoire 
que  la    bonté  de  sa  cause  lui  pouvait 
fournir.  Notez  qu'il  y  a  des  protestans 
qui   avouent    qu'il    rapporte    d'assez 
bonne  foi  lenrs  raisons  et  leurs  objec- 
tions.   M.     Heidegger   l'a    loué    entre 
autres  choses,  quod  non  perindè  nialig~ 
nus  alque  jesuitœ  alii,    V^alenlia    im- 
printis,    Masquez,    Becanus,   Maldo- 
nalus ,  etc. ,  meliore  ut  plurimùmjide 
udversarioruni   sunriim  argumenta  al- 
legavil  ,  et  amantior  quant  illi  verita- 
tis ,  sicubi  et ravit ,  prudens  sciensque 
errare  n<»i  vuleiur  (4a).  On  jugera  ce 
qu'on  voudra  du  récit  du  dominicain 
Vincent  Baron.  Ce   moine  se  mêla  de 
controverse ,    et  disputa    quelquefois 
avec   des   ministres.  Il  assure    qu'il  a 
oui  dire  à  l'un  d'eux,   que  Bellarmin 
leur  avait  rendu  de  très-grands  ser- 
vices, en  mettant  leur  théologie  dans 
un  très-bon  ordre,  et  en  donnant  plus 
de  force  à  leurs  argumens  qu'ils  n'en 
avaient  dans  leurs  écrivains.  Le  père 
Baron  loue  là-dessus   la  bonne  foi  de 
Bellarmin  ;  mais  sans  oublier  de  dire 
qu'il  a  mis  en  poudre  les  mêmes  rai- 
sons des   protestans  qu'il  avait  repré- 
sentées selon  toute  leur  force  (43).  11 
ajoute  qu'il  a  ouï  dire  pour  la  justifi- 
cation de  ce  cardinal ,   que  dans  les 

(4i)  Memorie  ,  overo  Diario  del  Caret.  Ben- 
t'iYOglio,  P'ig-  121,  122,  edtUone  Amslel.  ,  neW 
an.  164S. 

(42)  Heidegger,  Histor.  Papatûs  ,  pag.  3i2. 

(43)  Barouius,  Apolog.  ,  lib.  IF,  secl.  IF, 
pag.  itii ,  162. 


BELL A RM  IN 


disputes  sur  les  mystères,  les  argu- 
raens  de  ceux  qui  attaquent  sont  plus 
aisés  à  comprendre  ,  que  les  argu- 
mens  île  ceux  qui  répondent.  Hoc  so- 
lum  adjunxerim  quod  in  defensionem 
Jiellarmini  me  alias  audtvisse  meniini , 
mvsteriâ  ûdei  hoc  hàbere,  quod,  cîim 
superent  caplum  ralionis  humante  ,  fa- 
ciliora  sunt  sensut  argumenta  quœ  im- 
pugnant ,  quant  respensa  quœ  défie  n- 
dunl  (44)'  C'est  nous  apprendre  assez 
clairement ,  qu'on  s'est  plaint  que  Bel- 
larmin  proposait  mieux  les  objections 
des  hérétiques,  qu'il  ne  les  réfutait. 
J'examinerai  eu  quelque  endroit  (45)  si 
ceux  qui  rapportent  de  bonne  foi  les 
raisons  de  l'autre  parti,  gens  bien  rares, 
tiennent  une  conduite  qui  réponde  à 
l'esprit  qui  règne  dans  toutes  les  com- 
munions plus  ou  moins,  de  ne  pas  per- 
mettre la  vente  des  livres  des  héré  tiques. 
(M)  Un  homme  d'esprit ....  a  soup- 
çonné quon  défendait  en  Italie  d'expo- 
ser ses  oeuvres  en  vente ,  de  peur  qu'elles 
nejîsst  ni  connaître  les  opinions  qui  y 
sont  réjutées.~\  L'homme  d'esprit  dont 
je  parle  est  le  chevalier  Edwin  Sandîs. 
Voici  ce  qu'il  dit  :  «  Je  proteste  qu'il 
»  ne  fut  jamais  en  mon  pouvoir  de 
»  trouver  en  aucune  boutique  de  li- 
»  braire  les  OF livres  de  Bellarmin,  ou 
»  de  Grégoire  de  Valence  ,  ou  d'aucun 
y  autre  de  cette  sorte.  Mais,  en  lieu 
3>  de  ceux-là,  je  trouvai  bien  par 
i>  tout  des  tas  inliius  d'invectives,  et 
»  de  déclamations.  Ce  qui  me  porta  à 
><  cette  conjecture,  que  tout  à  dessein 
»  ils  les  supprimaient  dans  le  pour- 
»  pris  des  couvens  ,  et  les  tenaient 
3>  sous  la  boucle  des  permissions  des 
»  supérieurs,  atin  que  par  la  libre  et 
3>  commune  lecture  d'iceux ,  esquels 
»  de  nécessité  il  a  fallu  coter  et  réci- 
»  ter  les  positions  et  argument  des 
»  protestans  ,  on  ne  flairât  quelque 
3»  fleur  ,  et  ne  goùt;)t  quelque  fruit 
3>  ou  semence  de  la  religion  réformée. 
3)  Je  laisse  à  d'autres  de  plus  haut  nez 
3>  l'enquête  de  cette  mienne  conjec- 
3>  ture  (46)-  »  Ajoutons  à  cela  ces  pa- 
roles du  roi  Jacques  :  Famâ  proditum 
est,  nescio  quant  verum,  libros  contro- 
versiarum  Bellarmtni  in  llalid  non 
permitti  vulgo  ,  propiere'a  quod  objec- 

(44)  Idem,  ibiil. ,  pag.  '62- 

(45)  Pans  la  remarque  (G)  de  l'article  Chrt- 
siphe  ,  au  troisième  alinéa. 

,  i    E    Sandis,  Relation  de  l'état  de  la  Reli- 
gion',  pag.  2i  |,  édition  de  i64a,  in-ia. 


ones  ejus  nimis  valida:  sint,  respon- 
ones  auteni  nimis  débiles  (47). 
(N)  Il  fit  la  révision  et  la  correction 
le    toutes   ses  œuvres.]    J'ai    lu   dans 
\l.  Chevillier  un  fait  si  curieux,  que 
je  le  rapporte  avec  beaucoup  de  plai- 
sir :  «  Ce  cardinal,  voyant  qu'on  im- 
primait ses  Controverses  en   divers 
endroits,  et  qu'on  y  laissait  beau- 
coup  de  fautes  ,  crut  qu'il   devait 
apporter  quelque  remède  à  ce  mal. 
11   lit    une   copie  cle   ses  livres  ,    si 
exacte,  et  si  bien  corrigée,  qu'il  ne 
restait  pas  dans  le  manuscrit    une 
seule  faute,  et  la  donna  ainsi  à  un 
libraire    de    Venise   pour  en  avoir 
une  impression  très-accomplie.  Mais 
il  arriva  tout  le  contraire  de  ce  qu'il 
avait  espéré.  L'imprimeur  négligea 
si  fort  l'édition,  que  cette  dernière 
était   la  plus  défectueuse  et  la  plus 
corrompue    de    toutes    celles    qui 
avaient  paru.    Ce   célèbre  auteur, 
touché   de  cet  événement,   mil   la 
main  à  la  plume,  pour  en  avertir 
le  public,  après  avoir  vu  que  cette 
impression,  passant  pour  original, 
avait  porté  le  mal  dans  une  seconde, 
et  même  avait  beaucoup  infect'1  la 
belle  édition  d'Ingolstad  ,  à  qui  elle 
servit  de  modèle.  11  fit  paraître  son 
livre  intitulé:  Recngnilio  Librorum 
omnium  Robcrli  Bellarmini ,  où  il 
mit  un  co'rrectorium ,    qui   marque 
Imites  les  fuites  de  cette  éditirm  de 
Venise,  et  fut  imprime:  in-S".  à  lu- 
golstad,    l'année  160S.  11  se  plaint 
dans  la  Préface,  page  125,  qu'il  y 
a  plus  île  quarante  endroits  où  l'ini- 
pi  imeur  lui  fait  donner  une  réponse 
négative   pour  une  affirmative ,  ou 
une  affirmative  pour  nue  1  égative. 
Et  l'errâta  ,  qu'il  fait ,  remplit  qua- 
tre-vingt-huit pages,  lit  quod  gra- 
vissimum  est    {animadverti)    supra 
quadragintà  locos  ilaesse  corruplos , 
additis  vel  detractis  negantibus  par- 
ticulis  ,  vel  alio  modo  iiumulalis ,  ut 
enntrarium   omninb   sensum    conti- 
neant  :  quod  cerlè  summo  me  dolore 
affecit,  .  .   tamen  quoniam  animad* 
verti   non  paucos  errores  edilionis 
primat  I  enetœ  in  edilionem  secun- 
dam  VenesUun ,  <-t  in  Ingolsladiensem, 
ex    f^enetd    expressam    ira . 
>•  ideo    tu    Correelorio  nolavi  libros  } 

(47)  JacoUis  lie*  ,  m  Prolesiatione  inti-1 
lianâ,  apud  Mavertuu,  Diss.  d.c  F 
d1,   clc.  ,  pag.  i83. 


a7< 


BELLARMIN. 


»  capita  ,   paragraphes  ,    columnas  ,  Morin  ;  8°.   Sylvesl.   Petra  ^  Sancla  '> 

»  Hueras  ,  et  versus  (48) .  »  Notez  que  90.  Tarquinius.  GaUuccius  (5a).  Il  y  a 

ce  Correctorium  fut  d'abord  imprimé  là  quelque  réduction  à  faire  :  Jacques 

à  Rome,  l'an  1607,  et  que  dès  l'an  i5g6,  Fuligatti ,    Jean    Morin    (53),    Pierre 

l'Auteur,    faisant  réimprimer    à   In-  Morin  (54),  et  Sylvestre  Petra  Sancta, 

golstad  ses    ouvrages  de   controverse  ne  doivent  passer  que  pour  un  histo- 

revus  et  augmentés,    avait   averti  le  rien  de  Bellarmin;  car  les  trois  der- 

mondc   qu'il   ne   reconnaissait    point  niers  n'ont  fait  que  traduire  l'ouvrage 

pour  siennes  les  éditions  précédentes,  italien  de  Fuligatti  :  et  si  Petra  Sancta, 

Ce   n'élait   point  qu'elles  continssent  qui  l'a  traduit  en  latin  ,  y  a  fait  quel- 

des  opinions  qui  dussent  être  désap-  ques   additions  ,    ce  n'est  pas  à  dire 

prouvées  :   c'était  à  cause  des  fautes  qu'il  le  faille  considérer  comme  l'un 

d'impression  ,   comme  il  le  dit  à  Pos-  des  historiens  en  chef.  Si  George  Ro- 

sevin  l'an  159S  (49).  bertusson  a  fait  la  Vie  de  ce  cardinal, 

(0)  Ce  que  les  bibliothécaires  des  ne  devait-il  point  paraître  à  sa  place 
jésuites  ont  dit  de  la  correction  de  ses  dans  le  corps  du  livre  de  M.  Teissier  ? 
œuvres  n'est  pas  exact.]  Je  trouve  dans  11  n'y  paraît  nullement,  on  n'y  voit 
un  ouvrage  imprimé  l'an  1G08  (5o)  ,  qu'un  Georgius  Robersonus,  auteur 
qu'avant  cette  année-là,  les  Contro-  de  la  Vie  de  tîobert  Rollocus,  théolo- 
verses  de  Bellarmin  avaient  paru  en  gien  écossais.  Notez  que  Tarquin  Gal- 
quatre  volumes-  La  première  édition  luccius  n'a  point  fait  l'Histoire  de  Bel- 
en  trois  volumes  in-folio  est  d'In-  larmin,  mais  seulement  l'oraison  fu- 
golstad,  en  i586.  On  les  réimprima  nèbre.  M.  Mayer  a  fait  une  liste  plus 
au  même  lieu  ««-8°. ,  l'année  suivante,  exacte  (55)  :  il  cote  la  Vie  de  Bellar- 
On  en  fit  dans  la  même  ville  une  nou-  min  écrite  par  Jacques  Fuligatti ,  et 
velle  édition  l'an  i588,  et  une  autre  imprimée  à  Piome,  l'an  1624,  in-^°.  • 
l'an  1690.  La  première  édition  en  Daniel  Bartoli  de  t^itd  Bellarmini  ,à 
quatre  tomes  est  de  Venise  ,  apud  Mi-  Rome ,  en  1618  (56),  in-tf.  ;  Marcellin 
jiimam  Socielaiem.  On  y  joignit  un  Cervinns  de  f^itd  et  Moribus  Bellar- 
appendix  de  plusieurs  traités  particii-  mini,  à  Sienne,  en  1622  ,  in-8°.  ;  Dida- 
liers  (5i).  11  faut  donc  dire  qu'Aie-  eus  Ramirez  in  Vitd  Bellarmini  ex 
gambe  ,  ni  son  continuateur,  ne  sont  l'ariis  authoribus  concinnald ,  et  Nico- 
point  exacts  ,  parce  qu'ils  nous  don-  lao  Antonio  in  Bibliolhecd  Hispanâ 
lient  pour  la  première  édition  en  qua-  memoratd ;  et  le  récit  de  pio  obitu 
tre  volumes  celle  de  Cologne  de  iéi5.  Bellarmini,  ex  litleris  Eudaemono- 
11s  disent  aussi  que  la  première  édi-  Joannis,  imprimé  àDilingen,  l'an  1621. 
tion  du  premier  tome  est  de  l'an  1 58 1,  H  cite  aussi  Gallutius  ,  Alegambe  , 
que  celle  du  second  est  de  l'an  i583  ,  Sebasiiani  Badii  Décora  Roberti  car- 
at que  celle  du  troisième  est  de  l'an  dinalis  Bellarmini  (57) ,  les  Eloges 
i5g2.  Cela  est  contraire  au  narré  de  d'Eusébe  Sarrini  Florentin  ,  abbé  de 
Possevin,  et  manqued'exactitudedans  l'ordre  de  Cîteaux  ,  Ugbelli  à  la  page 
un  autre  chef;  car  ileùt fallu  nommer  45o  du  VIe.  volume  de  Yltalia  Sacra, 
la  ville  où  furent  faites  ces  prétendues 
premières  éditions. 

(P)  Sa  fie  a  été  composée  par 
quatre  ou  cinq  auteurs.  ]  M.  Teissier 
en  a  compté  neuf,  et  les  a  rangés 
de  cette  manière  :  i°.  Daniel  Bartoli  ; 
20.   Didacus    Ramirez  ;   3°.    Jacobus 


Fulieatus  ;   i°.     Georqius    Robertus-    ligattij 'ut  imprimée  à  Pans 
sonus  ;    5°.     Joannes    Morinus  ;    6°.    \^atJu  "%?'  "' 


(52)  Teissier,  Biblioth.  Bibliothecar. ,  in  indice 
X,  pag.  3g6. 

(53)  Le  père  de  l'Oratoire  :  sa  traduction 
française  de  Fuligatti  fut  imprimée  à  Paris, 
Van'  i635,  in-8°.  à  ce  que  dit  M.  Teissier, 
pag    193. 

(54)  Jésuite  ,  sa  traduction  française  de  Fu- 
r,  tan  1628,  in-8°., 
ssert.   de   Bellarmini 


Marcellinus    Cervinus  ;    70.    Pelrus 

(48)  Chevillier,   de  l'Origine  de  l'Imprimerie 
de  Paris,  pag.  162. 

(4«)   Tiré  de  Possevin  ,  Apparatus  sacri  loin, 
II,  'pag.  338. 

(5o)    Apparatus    Sacer    Possevini,   loin.    II, 
pag.  33o. 
'5i)  Idem  ,  ibidem. 


(55)  Mayerus  ,  ibid. 

(56)  C'est  apparemment  une  faute  d'impres- 
sion; car  cet  ouvrage  de  Bartoli  n'a  été  imprimé 
qu'en  1G77. 

(57)  Sotuel,  Biblioth.  soc.  Jesu  ,  pag.  724» 
le  nomme  Badus ,  et  met  l'impression  de  son 
livre  à  Gènes,  en  1671,  in-40.  M.  Leti  ,  dans 
la  IV. partie  de  Z'Italia  régnante,  parle  ample 
ment  de  ce  Badas ,  médecin  de  (jénes. 


BELLARMIN. 


l'Imperialis .  André  du  Saussai,  et 
Nicius  Érvthréus.  Il  a  oublie  Edouard 
Coflin  ,  jésuite  anglais,  auteur  d'un 
livre  de  Morte  cardinalis  Bellarmini , 
imprimé  à  Saint-Omer ,  Tan  i6a3  , 
in-S°.  :  il  se  cacha  sous  ces  deux  lettres 
C.  E.  (58).  Notez  que  Didacus  Rarnirez 
était  un  jésuite  espagnol,  qui  mourut 
le  8  d'avril  1647  (%!• 

(Q)  La  témérité  de  Scaliger ,  dans  le 
jugement  qu'il  Jait  de  Bellarmin ,  ne 
peut  être  assez  condamnée.']  Permis  à 
lui  de  dire  tant  qu'il  voudra  (60),  que 
quand  on  lui  donnerait  un  Bellarmin , 
il  n'en  voudrait  point,  et  qu'il  n'aura 
garde  de  perdre  de  bonnes  heures  sur 
un  tel  auteur,  qui  écrit  mal,  qund 
rnalè  scripsit  non  legam ,  nec  malè 
bonas  koras  collocabo  :  mais  on  ne 
doit  pas  lui  pardonner  d'avoir  dit  que 
Bellarmin  ne  croyait  rien  de  ce  qu'il 
faisait  imprimer,  et  qu'il  était  un 
franc  athée  (61).  C'est  usurper  les 
droits  de  Dieu,  qui  est  le  seul  juge  des 
pensées  ,  et  celui  qui  sonde  ies  reins 
et  les  coeurs  :  c'est  donner  un  mauvais 
exemple  :  c'est  autoriser  la  fureur  de 
ceux  qui  ont  dit  que  Calvin,  Bèze,  etc., 
prêchaient  contre  leur  conscience,  et 
n'avaient  nulle  religion. 

(R)  Il  eut  le  déplaisir  de  voir  mettre 
son  ouvrage  de  Romano  Pontiflce  dans 
l'indice  de  l'inquisition.]  M.  Arnauld 
tire  de  ce  fait  un  bon  argument  ad  ho- 
minem  contre  ceux  qui  prônent  l'au- 
torité des  congrégations  de  l'indice. 
On  trouve  que  l'ouvrage  de  Bellarmin 
de  Romano  Ponti/ice  ,  dit-il  (62)  ,  fut 
«  proscrit  par  Sixte  V  ,  parce  qu'il  ju- 
»  gtA  aussi  bien  que  les  censeurs  à  qui 
»  il  l'avait  donné  à  examiner,  qu'il 
m  avait  apporté  un  grand  préjudice  à 
)>  La  dignité  pontificale  ,  en  ne  voulant 
»  pas  que  la  puissance ,  qu'ils  pré- 
»  tendaient  que  J.-C.  a  donnée  à  son 
»  vicaire  en  terre  sur  le  temporel  des 
»  rois,  fût  directe  ,  mais  seulement 
»  indirecte  ;  et  que  ce  fut  sur  cela  que 
»  ces    livres    de    Romano    Ponlijice 

(j8)  Sotuel,   de  Scriptor.  soc.  Jcsu,  pag.  183. 

(5<()  Idem,   ibid.  ,  pag.    i-3. 

(Go)  In  Scaligeranis,  pag.   29. 

(6i)  Ibid. 

(G?)  AmaulJ,  Diffic.  proposées  à  M.  Steyaert. 
IXe.  part.  .  paç .  SS  et  tuiv.  Il  cite  le  chap  . 
y II  du  ri',  livre  de  la  Vie  de  Bellarmin  , 
écrite  en  italien  par  le  père  Fuligaiti ,  et  traduite 
en  latin  par  Sylvestre  i  Pétri  Sau.ù,  tout  deux 
jr'suilcs. 


furent  mis  antre  les  livres  défendus. 
C'est  ce  que  ces  deux  jésuites  (63) 
font  entendre  d'une  manière  un  peu 
obscure,  alin  de  faire  croire  que 
cela  ne  vint  pas  tant  du  pape,  que 
des  ennemis  de  Bellarmin  ,  qui  [e  lui 
avaient  persuadé  :  Doctrind  Bellar- 
mini  auctoritatem  illmn  minti  quant 
Clirislus  Dnininus  vicario  suo  in 
terris  dédit  ad  Ecclesiœ  dignitatem 
jirmitalemque  ;  idque  fieri  in  opi- 
nione  ipsius  circa  domînium  lem- 
porarium,  quod  pontifia  competit 
item  in  res  tempora.i-.ias.  Par  où  ces 
auteurs  entendent  la  puissance  ,  que 
l'on  croit  à  Rome  qu'a  le  pape,  de 
déposer  les  rois ,  comme  il  paraît 
par  la  page  suivante  ,  où  le  livre  de 
Bellarmin  contre  Guillaume  Barclay 
sur  ce  sujet  de  la  déposition  des 
rois,  est  appelé,  Traclatio  de  Po- 
testate  Pontifias  in  res  tempokarias 
advenus  Giii/lelmum  Bar< latum. 
Ce  ne  fut  donc  pas  faute  d'avoir 
bien  entendu  la  doctrine  de  Bellar- 
min sur  cette  matière,  qu'on  lui  fit 
cet  atlront  de  mettre  ses  livres  parmi 
les  écrivains  flétris-  mais  parce  que 
ce  pape  ne  fut  pas  content,  delà 
puissance  indirecte  qu'il  lui  donnait; 
sur  les  rois  ,  et  qu'il  en  voulait  une 
directe.  1J  cela  dura  tant  que  ce 
pape  vécut.  Car  ers  poèmes  auteurs 
reconnaissent  que  ce  ne  fut  qu'après 
sa  mort  que  les  cardinaux  les  re- 
tirèrent ex  Indice  probrosorum 
Scriptorum.  Dites-nous  donc,  mon- 
sieur ,  penS£Z-VOUS  qu'aucun  jésuite 
fous  avoue  que.,  pendant  toute  la 
rie  de  Sixte  V,  c'aurait  été  un 
péché  mortel  de  lire  les  livres  de 
ViAl.inmn  de  Romano  Ponti/ice,  et 
qu  ■  si  un  prêtre  l'avait  faïl ,  il  eût 
milite  d'être  privé  par  une  sentence 
de  tout  pouvoir  de  prêcher,  de  con- 
fesser, et  de  diriger  les  finies  ?  h 
Consultez  la  Dissertation  du  célèbre 
},].  Mayer  de  Fide  BoIIarmini  ipsis 
Pun'i'icus  ambigud,  imprimée  à  Am- 
sterdam, en  1697,  \  >'is  v  trouverez 
(64)  ""  long  passage  de  Fuligatti,  el 
quelques  autres.  Consultez  aussi  le  IIe 
tome  du  .Mercure  Français,  il  vous 
apprendra  que ,  sur  la  fin  de  l'an  i586, 
que  le  premier  livre  des  Controversts 


(63)  Fuli.;atli  et  Pclra  Saacla,  dnn<  la  V  - 
,1e  Bellarmin. 


(64)  Pag.  i"t  et  seq. 


28o 


BELLARMIN 


«le  Bellarmin  /««  apporté  en  France  ,  brûlé  à  Paris  par  la  main  du  bourreau  : 

de  l'impression  d'ingolstad,  Estienne  Faces  jam    accendebat   carnij'ex  ,    ut 

Michel  ,   libraire  de    Lyon ,  estant  a  posnas  à  scripto  et  scriptore  sumeret , 

Paris  ,    s'adjoignit  avec  un  autre  li-  nisi  reginœ  animus  et  ileratis  et  non 

braire,  pour  faire  imprimer  ce  livre  :  desincntibus  jesuitarum  deprecalioni- 

ce  qu'ils  commencèrent  a  faire  :  dequoi  bus   fractus     illas    extinxisset     (68). 

monsieur  le  procureur  général  du  roi  Voyez  le  11e.  tome  du  Mercure  Fran- 

ayant  eu  advis ,  envoya  prendre  et  sai-  çais  :  on  y  trouve  (Gg)  le  précis  de  la 

fer  vin°t  et  une  feuille'  qu'il  Y  avoit  Remontrance   de  M.   Servin    premier 

jh  de  faites,   et  leur  fit  défenses  de  avocat  du  roi ,  et  l'arrêt  du  parlement 

continuer  h  le  faire  imprimer  :  C'esloil  (70)  ences  termes  :  «  La  Cour  fit  inhibi- 


h  cause  de  la  troisième  Controverse 
où  il  traitait  de  Summo  Pontifice,  et 
ou  il  attribuait  au  pape  une  puissance 
temporelle  indirectement  sur  les  em- 
pereurs ,  rois  et  princes  souverains  ;  et 
plusieurs  autres  choses  contre  la  sou- 
veraine puissance  temporelle  des  rois 
(65).  On  peut  donc  dire  du  milieu  que 
Bellarmin  voulut  prendre  entre  les 
canonistes  ultramontains  ,  et  les  doc- 
teurs de  Sorbe-nne*   ce  qu'Ilérerinius 


»  tions  et  deflènses  à  toutes  personnes 
»  de  quelque  qualité  et  condition 
»  qu'elles  fussent ,  sur  peine  de  crime 
)>  de  lèze-majesté  ,  recevoir  ,  retenir  , 
»  communiquer,  imprimer,  faire  im- 
»  primer  ou  exposer  en  vente  ledit 
»  livre  :  Et  enjoignit  à  ceux  qui  au- 
»  royent  aucuns  exemplaires  dudit 
»  livre  ,  ou  auroyent  connoissance  de 
»  ceux  qui  en  seroyent  saisis,  lr  déclarer 
»  promptement  aux  juges  ordinaires  , 


us  déclara  sur  la  conduite  de  son  »  pourenestrefaiteperquisitionàla re- 
fils qui  sauva  la  vie,  mais  non  pas  »  queste des  substituts  dudit  sieur  pro- 
l'honneur  des  soldats  romains:  Istu  >>  ctireur  général,  et  procéder  contre  les 
quidem  sententia  ea  est  quœ  neque  »  coupables,  ainsi  que  de  raison  (71).  » 
arnicas  parât ,  neque  inimicos  tollit ,  (T)  Personne  n'a  découvert  les  lieux 
servare  modo  quos  ignominie,  irritave-  faibles  de  ses  ouvrages  aussi  habile- 
.  Ce  jésuite  se  servit  d'un  tem-  ment  que  Jean  de  Launoi]  Vous  trou- 
verez une  ample  instruction  là-dessus 


(66). 


pérament   qui    déplut  à    la  cour    de 

Rome       sans    plaire    à    la    cour    de  dans  1  écrit  de  M.  Mayer.  Voyez  aussi 

France.'  C'est  le  destin  ordinaire  des  la  remarque    (1)  de  1  article  de  (Jean 

sentimens  mitigés:  ils  ne  vous  gagnent  de).}:kVTf01-     ... 

pas  d  s    ami*,  et  n'apaisent  pas  vos         C-1)  Il  aimait  la  paix ,  et  n  était  pas 

ennemis    et  ifs  vous  laissent  en  butte  édifié  de  l'ambition  des   cardinaux.  ] 


aux  deux  factions  qui  se  posent  dans 
les  extrémités  opposées. 

(S) (Jn   traita  encore  plus 

mal  en  France  ce  qu'il  écrivit  sur  cette 
même  matière  contre  G.  Bardai.  ] 
C'est-à-dire  son  Tractatus  de  Potes- 
tatesummi  Ponlificis  in  temporalibus, 
adversùs  Guilielhium  Barclaium ,  im- 
primé à  Rome,  l'an  1610.  M.  Mayer 
observe  que  le  roi  Jacques  écrivit 
contre  ce  traité ,  et  que  le  sénat  de 
Venise,  et  le  parlement  de  Paris  le 
condamnèrent.  Il  rapporte  en  latin 
l'arrêt  de  ce  parlement ,  et  il  nous  ren- 
voie au  Continuateur  de  M.  de  Tbou 
(67).  Il  dit  même  que  peu  s'en  fallut 
que  cet  ouvrage  de  Bellarmin  ne  fût 

(65)  Mercure  Français  ,  lom.   III ,  pag.  32. 

(60)  Titus  Livius,  lib.IX,  décati.  I. 

(67)  Jo.  Fridericus  Mayer,  S.  Feg.  Majeslat. 
Sii'f  per  GermanniamSuecic.  Consiliariusinsa- 
<  ris  i'rtnianuy,docl.  etprofess.  iheolog.  et  eccle- 
iits  ffamburgensis  adD.  JacobipaHor.  Dissert. 
cie  Bellarmini  Fiùo  ipsis  Pouliliciisdnbiâ,  p-  180. 


Pierre  de  Saint-Romuald  rapporte  que 
le  plus  excellent  de  tous  les  ouvrages 
de  Bellarmin  ,  traitant  des  contro- 
verses, fut  proscrit  à  Rome,  et  inséré 

dans  l'Indice   des   livres  infâmes 

Ce  qu'il  supporta  ,  ajoute-t-il ,  avec  la 
même  patience  qu'il  souffrait  les  con- 
tradictions d'un  certain  cardinal  au 
conclave  ,  disant  à  ceux  qui  s'en  éton- 
naient ,  qu'une  once  de  paix  valait 
mieux  qu'une  livre  de  victoire.  Etant 
aussi  enquis  (  peut-être  au  sujet  de  ce 
cardinal)  d'où  venait  qu'ily  avoil  si  peu 
de  cardinaux  au  Catalogue  des  Saints  : 
c'est  (dit.-il)  qu'ils  aspirent  à  être  très- 
saints  :  Réponse  aiguë  pour  ceux  qui 
savent  que  signifient  en  Italie  ces  mots, 
perche  vogliono  esser  sanctissimi  (7a) , 

(68;  Id.,  ibid.  ,  pag.  i83. 
(69)  Pag.  S  S  et  suiv. 
(-•>)  Du  26  novembre  1610. 
{'/i)  Mercure  Français  ,  loin.  II ,  pag.  36. 
(72)  Pierre  île  Saint-Komuald ,  Abrégé  citron., 
a  Van   1621  ,  pag.  4161  4'7- 


Cela  veut  dire  que  le  tle'sir  d'être  pape 
empêche  les  cardinaux  d'acquérir  la 
sainteté ,  encore  que  ce  désir  soit,  une 
envie  de  porter  le  titre  de  Très-Saint 
Père.  Le  Mélange  critique  de  M.  An- 
cilloQ  m'apprend  que  M.  Godeau  , 
qui  a  fait  l'éloge  de  Bellarmin  ,  dit 
qu'une  de  ses  paroles  ordinaires  était 
que  les  cardinaux  ne  sont  pas  saints  , 
parce  qu'ils  veulent  être  très  -  saints  , 
c'est-à-dire  ,  papes ,  qu'on  appelle 
Très-saint- Père  ,  sentiment  qu'il  avait 
hérité  de  son  oncle  Marcelle  II ,  qui 
s'écria  un  jour  à  table  :  Non  video 
quomodo  qui  locum  linne  altissinium 
teuent  salvari  possint  (78).  «  Je  ne 
'»  fois  pas  comment  ceux  qui  sont  assis 
»  sur  la  chaire  de  saint  Pierre  se 
)>  peuvent  sauver  (74).  »  Le  respect 
que  j'ai  pour  la  mémoire  de  feu 
M.  Ancillon,  homme  de  heaueoup  de 
piété  et  de  savoir,  est  très-compatible 
avec  la  liberté  que  je  vais  prendre.  Je 
ne  trouve  point  un  juste  rapport  entre 
la  pensée  du  cardinal  et  celle  du  pape. 
L'intention  de  Bellarmin  n'était  pas 
de  dire  qu'un  pape  se  sauve  difficile- 
ment ;  mais  de  dire  que  la  passion  de 
parvenir  au  papat  attachait  de  telle 
sorte  les  cardinaux  à  des  soins  terres- 
tres ,  et  à  des  intrigues  injustes  ,  qu'ils 
ne  pouvaient  point  s'avancer  dans  le 
chemin  de  la  sainteté.  Le  pape  Mar- 
cel II  n'avait  pas  cette  pensée  :  il  ne 
considérait  que  les  obstacles  qu'un 
homme  actuellement  pape  rencontrait 
dans  le  chemin  du  salut.  Il  ne  me 
semble  donc  pas  que  le  bon  mot  de 
Bellarmin  soit  une  partie  de  l'héritage 
de  son  oncle.  Si  l'on  m'objecte  qu'un 
pape  a  besoin  d'autant  d'intrigues  pour 
soutenir  le  rôle  qu'il  joue  dans  l'Uni- 
vers, qu'un  cardinal  pour  parvenir 
au  pontificat,  je  répondrai  que  c'est 
une  autre  question  ,  et  que  c'est  sortir 
des  bornes  que  Ton  doit  donner  au 
sens  des  termes  dont  Bellarmin  se  ser- 
vit. Je  vais  plus  avant ,  et  je  soutiens 
que  quand  même  ce  cardinal  aurait 
dit  dans  quelque  autre  conjoncture  , 
Les  papes  ont  bien  de  la  peine  à  se  ga- 
rantir des  enfers  :  tant  s  en  faut  qu'ils 
puissent  se  rendre  dignes  de  la  canoni- 
sation, on  ne  pourrait  pas  prétendre 

(■;$)  Onupliriuj,  in  Marcello  II,  apud  Ancil- 
•°n  ,  Pag-  329. 

(74)   Mélange   critique    rl'Ancillon  ,    tom.    I, 
pa§    Î28.  '  ' 


BELLARMIN.  281 

que  les  paroles  italiennes,  que  vous 
avez  vues  ci-dessus,  sont  la  copie  de 
l'exclamation  du  pape  Marcel ,  son 
oncle-  Cette  exclamation  me  fait  sou- 
venir de  la  saillie  d'un  Français  ,  qui 
entendait  donner  des  éloges  à  la  piétiiet 
a  la  morale  sévère  d'Innocent  XI  l'an 
îGScj.  Le  catholicisme,  dit-il ,  n'a  que 
faire  d'un  tel  pape  :  il  trouverait  mieux 
son  compte  dans  un  souverain  pontife 
qui  entendit  l'art  de  s'agrandir,  et  de 
profiter  des  conjonctures  selon  tante 
la  lubrique  des  cours  les  plus  raffinées. 
La  grandeur  et  la  majesté  de  l'église 
catholique  demandent  un  chef  qui  pos- 
sède ,  non  pas  les  vertus  d'un  prêtre  , 
mais  les  lalens  d'un  fin  politique.  Jïlles 
demandent  un  chef  qui  ait  le  courage 
de  se  damner  pour  te  bien  et  pour  l'a- 
grandissement de  ses  états.  C'est  là  le 
moyen  de  faire  l'office  du  bon  pasteur, 
qui  met  sa  vie  pour  ses  brebis.  C'est  se 
dévouer  pour  la  république,  mieux 
que  (^5)  Codrus  et  les  Décius  ne  firent. 
Un  pape  scrupuleux  et  dévot,  comme 
le  bon  Hadrien  fi ,  nest  propre  qu'il 
laisser  dépérir  le  temporel  de  l'Eglise 
(76) ,  qui  est  si  avantageux  pour  le 
maintien  du  spirituel.  Tel  fut  le  dis- 
cours de  ce  Français. 

(X)  //  eût  peut-être  été  pape  ,  s'il 
n'eut  pas  été  jésuite.  ]  Il  eut  plus  de 
voix  qu'aucun  autre  au  premier  scru- 
tin du  conclave  de  Léon  XI  (77)  : 
néanmoins  on  ne  songeait  point  alors 
tout  de  bon  à  lui.  Ce  fut  dans  le  con- 
clave suivant  (78)  qu'on  le  regarda 
comme  papable,  et  qu'on  travailla  sé- 
rieusement à  lui  procurer  le  pontifi- 
cal; mais  la  faction  du  cardinal  Al- 
dobrandm  fit  évanouir  ce  dessein.  La 
Vertu  de  Bellarmin  ,  et  la  trop  grande 
puissance  des  jésuites  furent  les  deux 
principales  considérations  qui  L'empê- 
chèrent de  succéder  à  Léon  XL  Aldo- 

brandino fuggiva Bellarmino 

corne  giesuita  scropoloso  ,  e  che  lai 
voila   haveva  improvato  molle  attioni 

di    Clémente   :io  ,    e  di  lui  Stesso 

(71)  .  Haveva  Bellarmino  graniT  amici 
per  esser  egli  di  lelteralura  ,  e  bonla 
singolare  ;  ma   l  esser  giesuita  ,   e  di 

(-:"<)   Codais  pro  patrid   non    timidus   mort. 
Horat.u.,  Od.  XIX  ,  l,b.  ///. 
'76)    Voyez    la    remarque    (Q)   de    Carùcle 

li'H  ADRIEN    VI. 

Conclave  di  Leone  XI,  pag.  4^- 
(78)  Celui  de  Paul  V. 
(->;)   Conclave  di   Paob  V,  pag.  5ia. 


28a  BELLARMIN. 

conscienza  delicata  ,  lo  rendevano  po-  pouvoir  était  supérieur  à  celui  des 
co  amabile    appresso  molli ,  li   quali     autres    états.   Rapportons  ici  ce    que 

mossero  ogni  pietra  per  rovinarlo j'ai  dit  dans  la  remarque  (H)  de  l'ar- 

Furinovata  e  sparsa  per  tutto  la  me-  ticle  d'iNNOCENT  XI  5  et  souvenez- 
moria  del  disgresso  dato  a  Bellarmino  vous  de  cette  pensée  de  Florus  ,  fpsa 
da  Sisto  y  che  glifece  prohibire  l'o-  sibi  obstat  magnitude»  :  j'en  ai  déjà 
■pera  sua  de  Potestate  Papœ  :  furono  fait  l'application  à  un  tout  autre  su- 
discorse  al  vivo  lutte  le  conseguenze  ,    jet  (83) . 

che  potevano  deviare  daW  esaltatione        Notez  que  M.  Godeau  observe  que 
di    un  giesuita  ;  ed  in  somma  s'ado-     Baronius  ayant  fait  quelque  ouverture 
prarno  in  maniera  ,   die  s'aquieto  af-    à  Bellarmin  de  la  pensée  qu'il  avait  , 
fatto  il  tutto  (80).  Mettons  ici  un  pas-    avec  quelques  cardinaux  ,  de  le  faire 
sage  de   M.  Ancillon.  «   J'ai   toujours    pape,  il  reçut  celte  proposition  corn- 
3>  ouï   dire  que  la  cour  de  Rome  n'a    me  une  injure  ,  s'en   mit   tout  de  bon 
»  garde  de    mettre   un  jésuite   sur  le    en  colère,  et  dit  constamment  que ,  si 
»  siège  papal,  et  que  TEurope  ne  le    pour  être  pape  il  ne  fallait  que  relever 
3)  doit  point  souhaiter  ,    parce  ,   dit-     un  fétu  de  terre ,   il  ne   le  relèverait 
s>  on,  qu'ils  se  rendraient  infaillible-    pas  (84)-  Je  m'étonne  que  M.  Ancillon 
3>  ment  les  maîtres  du  saint  siège,  en     n'ait  point  parlé  du  vœu  solennel  que 
i>  sorte  que  tous  les  autres  ordres  pour-    fit  Bellarmin,   en  casque  la  dignité 
3>  raient  s'en    tenir  exclus   pour  tou-    papale,  qu'il  ne  souhaitait  pas,  lui  fftt 
3)  jours,  et  qu'ils  rendraient  aiusi  leur    conférée  :  il    s'engagea    à    n'enrichir 
3>  puissance,  qui  est  déjà  très-grande,     point  ses  parens.   Voici  les  termes  de 
3>  presque   infinie   et  sans   bornes.   11    son  vœu  :  Die   24  septembres  ,   anno 
3>  semble  que   celte  maxime    ne  soit     i6i/},fer.  6 ,  in  domo  navitiorum  S. 
3>  pas  nouvelle  à    la  cour  de  Rome  ,    Andreœ  degens,  et  exercitiis  spiritua- 
3>  si  on  en  croit  ceux  qui  écrivent  sur    llbus  vacans  ,   maturâ  prœhabitâ  de- 
»  ce  sujet.  11  y   a  long-temps   qu'ils     Uberatione    in  sacrificio  missœ  ,  cùni 
»  s'y  détient  des  jésuites,  et  qu'ils  sont    sumpturus  essem  S.   Dom.  nost.  cor- 
3)  sur  leurs  gardes  contre    eux   à    cet    pus,  votum  vovi   Domino  in  hœc  ver- 
3)  égard  :  en  effet,  nous  voyons  dans    ba  •  Ego  Robertus  ,   cardinalis   Bel- 
3>  la     Vie    de    Bellarmin    même    que    larminus  ,   è  societate  JESU  religio- 
3)  Clément  VIII,  parlant  de  ce    car-    sus  pvofessus  ,  voveo  DEO  omnipo- 
3)  dinal ,   qui  s'était  déjà  rendu  célè-    tenli ,   in  conspecta  B.  V.  Mariœ ,  ac 
3)  bre  ,    disait:  Dignus  ,    sed  jesuita    totius  cœlestis  cwiœ  ,  quod  si  forte  , 
3>  est  (81).  »  Nous  avons  ici  une  preu-     quod  non  cupio  ,  et  precor  Deuni  ut 
ve   de   la  témérité  des  jugemens  qui    non  accidat,  ad  pontificatum  assump- 
ne  sont  fondés  que  sur  les  premières    tus  fuero  ,  neminem  ex  consanguineis 
apparences.  N'examinez   pas  profon-    vel  affinibus  meis  exallabo  ad  cardi- 
dément  les  objets  ,    arrêtez-vous  aux    nalatum  ,    vel   temporalem    principa- 
impressions   qu'ils   font    d'abord   sur    tum ,   vel  ducatum ,    vel  comitatum  , 
l'esprit,  vous  jurerez   que  pour  obte-    vel  quemeunque  alium  titulum,  neque 
nir  une  dignité  c'est  avoir  de  grandes    eoS  dilabo,    sed  solùm  adjuvabo  ,    ut 
avances  que    d'être  d'un  corps  très-    in  slatu  suo  civili  commode  vivere  pos- 
puissant  ;  mais  si  vous  prenez  la  pei-    sint.  Amen,  Amen  (85). 
ne  de  réfléchir  ,  vous  trouverez  là  un         (y)  ]yj%   Ancillon  avance  touchant 
obstacle  presque  invincible  ,  et   non     Bellarmin  deux  faits  qui  ne   sont  pas 
pas  une  ressource  assurée.  Nous  avons     véritables.  ]  Tout   le  monde  sait  que 
vu  depuis  dix  ans  (82)  deux  exemples    ie  cardinal  Cajelan  ,  légat  de  Sixte  V 
de  cela.  Rien  n'a  tant  contribué  à  ex-    en   France,   ne   travaillait  qu'à  faire 
dure   de  l'archevêché  de  Cologne  le    exclnre  de  la  couronne  Henri  IV.  Ce 
cardinal  de  Furstemberg  ,  et  de  l'évê-    ne  f„t  pas  à  la  cour  de  ce  monarque 
ché  de  Liège  le  cardinal  de  Bouillon  ,     que  Bellarmin,  le  théologien  de  ce  lé- 
que  d'avoir  été  recommandés  et  pro- 
tégés par  la  cour  de  France  ,    dont  le       (83)  Ci-desms,  dans Varticle  Acmllea,  tom. 

0       '  l'*.,citalian  (ag)., 

(80)  Conclave  di  Paolo  V  ,  pag-  5ir),   520.  (8^)   Godeau,    Éloge   du  cardinal  Bellarmin  , 

(81)  Ancillon  ,  Mélange   de  Littérature,  pag.  cité par  Ancillon,  Mélange  de  L.tterature  ,  lom. 
33o,  33i.  '.  P"3-  33»-          .„.._„        •  • 

(82)  On  écrit  ceci  Van  1698.  (85;  Fubgattus ,  m  \  lia  BelUrnunu 


BELLA11MIN. 


283 


gat,  acquit  V estime  du  roi  ;  car  il  n'y 
fut  point  :  il  fut.  à  Paris  parmi  les  li- 
gueurs ,  et  il  s'employa  de  son  mieux 
pour  l'intérêt  des  rebelles.  C'est  ce  que 
les  ministres  n'ont  pas  manqué  d'ob- 
jecter :  lisez  ce  passage  de  M.  Drelin- 
court.  D'où  vient  que  ceux  de  la  re- 
ligion cstoient  au  camp  du  ray,  cepen- 
dant que  Bellarmin  ,  Panigarole  ,  et 
telles  gens  estoient  à  Paris  a  corner  la 
sédition ,  et  que.  le  pape  envoyait  des 
légats  pour  authoriser  la  ligue  ,  et  je- 
ter de  l'huile  dans  un  brasier  qu'ilde- 
foit  estcindre  de  ses  larmes  et  de  son 
propre  sang  (86)  ? 

,  Pour  ce  qui  regarde  le  Traité  des 
Ecrivains  ecclésiastiques,  c'est  en  son 
< -spire  un  bon  ouvrage  ;  mais  il  s'en 
faut  bien  que  ce  soit  le  meilleur  livre 
de  Bellarmin.  Il  y  a  dans  ses  volumes 
de  Controverse  plusieurs  traités  qui 
font  connaître  bien  plus  noblement 
son  esprit ,  son  érudition  ,  sa  capaci- 
té. Vingt  petits  ouvrages  ,  chacun 
aussi  bon  que  celui  <Ie  S  ctïptoribus  ec- 
clesiasticis  ,  ne  l'eussent  point  élevé 
au  degré  de  gloire  qu'il  mérita  par  la 
seule  forme  dont  il  revêtit  le  corps  de 
ses  Controverses  ;  car  voici  la  louan- 
ge qu'un  savant  Anglais  lui  a  donnée 
à  ce  sujet  :  f^ir  erat ,  haud  injicior  , 
admirandœ  industries  ,  doctrinœ  ,  lec- 
lionis  stupendœ  ,  Bellarminus  :  qui  ut 
prirnus  ita  solus  immanent  illam  mo- 
tem,  et  immensum  chaos  controversia- 
rum  ,  slupendd  ingenii  dexterifelui- 
tale  ,  artijicio  singulari  excoluit  ,  in 
•  ndinem  redegit  confiuum  prias  :  ac- 
*:uratd  diligentid  ,  et  multorum  anno- 
rum  studio  déganter  expolivit  :  pr<c- 
ripuit  illc  palmam  secuturis  omnibus  , 
et  sibi  desponsatam  vel  destinatam 
cuicunque  laudem  abstulit.  JYam  ab 
illo  ,  qui  tractant  hodic  Controversias, 
ut  ab  llomero  poëtœ,  sua  omnia  j'erè 
mutuantur  (87  ).  On  a  remarqué  des 
défauts  considérables  dans  le  traité 
que  M.  Calixtc  et  M.  Ancillon  préten- 
dent être  le  meilleur  de  tous  les  écrits 
de  ce  jésuite  (88).  Voyez  Bosius  au 
chapitre  11  de  son  Introductio  in  No- 
tiiiam  Seriptorum  ecclesiasticorum  , 

(86)  Drelincourt,  Triomphe  de  l'Église,  W. 
part. ,   pag.  444. 

(87)  Montana.  ,  Pra-f.  ad  Apparat.,  Secl. 
LVl ,  npud  Pope  Blount.  Censura;  Autboruni  , 
pag.  638. 

(8S)  Baillet,  Jngemens  des  Savaos  ,  article 
LXXXf^J  des  Critiques. 


avec  les  Notes  de  M.  Crenius.  Librum, 
dit-il  (81)) ,  omnium  quas  Iiellarminus 
edidit  optimum  vocal  D.  Calixtus , 
tractatu  de  Conjugio  Clericorum  ,  sec- 
tione  202.  Au  reste,  si  nous  en  croyons 
le  père  Labbe,  la  première  édition  de 
cet  écrit  de  Bellarmin  est.  de  l'an  1G17 
(90).  Le  père  Sirmond  en  prit  un 
grand  soin,  comme  l'auteur  l'en  avait, 
prié  (91).  Elle  fut  suivie  de  plusieurs 
autres,  que  les  imprimeurs  g.'ltèrent 
extrêmement  ;  mais  enfin  on  en  don- 
na une  très-correcte  ,  à  Paris  ,  chez 
Cramoisi,  Pan  i658,  in-octavo.  Le  pè- 
re Labbc,  qui  en  revit  les  épreuves  , 
forma  là-dessus  le  plan  d'un  ouvrage 
(92)  ,  que  de  fort  bons  connaisseurs 
prennent  pour  le  meilleur  qu'il  ait 
fait  :  je  parle  de  sa  Dissertatia  de 
Scriptoribus  ecclesiasticis  ,  qui  fut 
imprimée  à  Paris,  en  deux  volumes 
i/z-80. ,  l'an  1660.  Les  bibliothécaires 
des  jésuites  n'ont  rien  su  de  la  pre- 
mière édition  de  ce  traité  de  Bellar- 
min :  l'un  d'eux,  savoir  Aleganilit:  . 
n'en  indique  aucune,  et  Sotuel  ne  fait. 
mention  que  de  celle  de  Cologne,  en 
1G22,  t/j-8°.  On  en  fit  une  nouvelle 
dans  la  même  ville  Pan  1684,  ««-4°-.  et 
l'on  y  joignit  la  continuation  qu'An- 
dré du  Saussai  avait  publiée  l'an  i665. 
Les  omissions  de  Bellarmin  furent 
très-considérables  :  cela  paraît  par  le 
Supplcmentum  du  père  Oudin  ,  dont, 
on  lit  mention  dans  les  Nouvelles  de 
la  République  des  Lettres  ,  au  mois 
d'avril  1686. 

Notez  une  faute  de  Bosius.  11  a  dit 
qu'on  ne  peut  pas  se  lier  au  jugement 
de  Bellarmin  touchant  les  écrivains 
grecs  ,  vu  que  c'est  un  homme  qui 
n'entendait  rien  dans  la  langue  grec- 
que ;  et  que  cette  ignorance  ,  que  ses 
autres  livres  avaient  témoignée,  a  pa- 
in surtout  par  le  Traité  des  Ecrivains 
ecclésiastiques,  comme  Casaubon  l'a 
remarqué.  Crœcarum  litlerarum  prof- 
sus  â//î/>iTov  fuisse  ,  sicut  omnia  itlius 
scripta  ,  sic  eximiè  hic  liber  novissi- 
mè  ab  eo  projértus  ,  Casauhonn  ju- 
dice ,  exercitat.  3£.yi ,  secl,  CL,  oslen- 

(8g)  Joh.  Andréas  Bosius,  Schcdiasm.  de  com- 
parand»  Xolitiâ  Seriptorum  ccclesiasticor.,  cap. 
II ,  pa^.  4^5,  edu.  Crcnianœ,  Lugd.  liai  an. 
1699. 

(iio )  Labbe,  Prtefatione  Dissert,  de  Scriptor. 
ccclesiast. 

(91)  Idem,  ibidem. 

(93)  Idem , 


284 


BELLARMIN. 


dit ,  ut  proindè  judiciis  illlus  de  grœ- 
cis  scriptoiibus  salis  lui  6  fi  di  non  pos- 
ait (g3 j.  Bosius  venait  de  dire  que  la 
première  e'dition  de  cet  ouvrage  de 
Bellarmin  est  de  l'an  16 16  (94)  :  de 


»  est  damni ,  quod  certè  parùin  est  r 
»  mihi  tantum  affert  molestiœ  ,  ec- 
»  quœnam  erunt  supplicia  damnalo- 
»  rimi  ?  si  apud  gehennam  impios  ma- 
rient tormenta  tam  serumnosa  ,  ne  , 


vait-il  donc  croire  que   Casaubon  en    »  precor  ,  in  ea  me  projicias  ,  etenim 


eût  parle  de  la  sorte  dans  un  livre  qui 
fut  imprimé  l'an  1614?  Mais  au  fond, 
demanderez-vous  ,  est-il  vrai  que  Ca- 
saubon ait  parlé  de  cet  ouvrage  5  car, 
en  ce  cas-là  ,  l'erreur  de  Bosius  sera 
très-petite?  Je  réponds  qu'il  y  a  beau 


»  impar  ero  iisdem  sustinendis.  Car- 
»  dinalis  Crescentius  addit ,  Bellar- 
»  minum  ita  se  patientiœ  velul  uicli- 
»  main  destinasse  ,  ut  muscas  à  uultu 
»  ne  depelleret  quidem  ,  lamelsi  adm- 
it s/v  niiniùm  essent ,  sicuti  Romœ  in 


coup  d'apparence  qu'il  a  eu  en  vue  ce    »  œstu  soient  ;  cùmque  hoc  miraren 


traité  de  Bellarmin.  On  en  marque 
une  édition  de  Cologne  en  i6i3,  dans 
le  Catalogue  d'Oxford  ;  et  j'en  ai  vu 
une  de  l'an  i6i3  ,  in-4°.  ,  revue  et 
corrigée  par  l'auteur  :  ainsi  c'était  ca- 
ractériser assez  cet  ouvrage ,  que  de 


»  tur  qui  aderant  ,  ipse  suaviler  : 
-»  Haud  œquum  esse  ,  ajebat  ,  pertur- 
»  bare  animantes  illos ,  quibus  non 
»  u  tique  superesset  paradisus  alius  , 
»  quàm  volitandi  libertas  ,  ac  potes- 
»  tas  ubimalunt,  commorandi  (95).  » 


dire  dans  cet  endroit-là  de  Casaubon  11  est  sur  qu'il  y  a  une  certaine  ma- 
que  c'était  le  dernier  livre  qui  eût  pa-  nière  d'enfiler  les  conséquences  des 
ru  de  Bellarmin.  Assurons  donc  que  préceptes,  ondes  conseils  evangéliques, 
le  père  Labbe  se  trompe  d'en  mettre  qui  conduit  presque  nécessairement  à 
la  première  édition  à  l'an  1617  *.  cette  patience  que  l'on  attribue  à  Bel- 

(Z)  //  souffrait  que  les  mouches larmin  ;  mais  néanmoins  le  bon  sens 

V incommodassent  beaucoup.}  Ceci  mé-  nous  montre  qu'il  n'y  a  nulle  appa- 
rite  d'être  rapporté  dans  les  propres  rence  que  l'intention  de  Jésus-Christ, 
termes  de  Fuligatti.  Inter  insignes  ni  celle  de  ses  apôtres  ,  eu  nous  re- 
Bellarmini  uirtules  ,  alii  ponunt  mi-  commandant  si  expressément  le  mé- 
ram  ejus  in  perferendis  uexationibus  pris  des  commodités  de  la  vie  ,  aient 
patientiam  ,  quant  Jacobus  Fuligatus  été  de  nous  interdire  le  droit  de  nous 
laudat  sequenlihus  verbis  :  «  Calices,  délivrer  des  vexations  des  punaises  , 
■»  modicellas  aviculas  ,  sicut  et  alui  et  de  chasser  une  mouche  qui  nous  in- 
3)  pan>a  naturœ  incommoda  ,   velut  a    commode. 

3)  DEO  tradilas  ad  exercitium  pa-  (A  A)  Je  ne  pense  pas  que  le  pape 
«  tiendi ,  uultu  adeo  mili  perferebat,  l'ait  envoyé  jamais  à  Louuain  pour 
«  ut  nec  ipse  opposite  manu  ,  nec  ex-  mettre  fin  aux  disputes  de  Bnïus  ,  oit 
■»  ciente  venlulum  aliquo  eas  conqre-  pour  en  faire  rapport  a  Rome.']  M.  Ley- 
»  tur  abigere.  Aliquando  Clementi  decker  assure  ,  i°.  que  Bellarmin  y 
»  MerlinoYi.  Rotœ  auditori,  dumser-  f„t  envoyé  pour  s'informer  de  ces 
»  mones  familiales  ,  ut  fil,  post  nego-  disputes ,  et  pour  les  pacifier  ,  ou  en 
j>  lia  decisa,  sererent,  retulit,  se  noc-  tout  cas  pour  en  rendre  compte  au 
3>  te  ejus  diei,  qui  est  Catharinœ  vit-  pape  ;  20.  qu'il  s'acquitta  bien  de  la 
j)  gini  sacer,  adeo  ad  renés  à  bestiolis  commission;  et  qu'après  avoir  oui  Mi- 
3)  quibusdam  nequ'am  ,  ac  damnificis,  cuel  Baïus  ,  il  s'en  retourna  à  home 
3)  morsu  fuisse  uexatum  ,  ut  magno  fort  en  colère  de  l'avoir  entendu  trai- 
3)  sensu  convenus  ad  Chrisli  prœpen-  \cr  Je  pélagiens  plusieurs  sentimens 
3)  dentis  è  cruce  Domini  simulacrum     des  scolastiques   qui   étaient   les  opi- 


3)  dixerit  :  ô  Domine  ,  si  hoc  quicquid 

(t)3)  Jo.  Andr.  Bosius ,  Schediasm.  de  com- 
par'.  Notit.  Script,  cccles.  ,  cap.  Il ,  pag.  £)i5. 

(q4)  Le  père  Labbe  dit  l'an  1617  :  Forez  ci- 
dessus  ,  citation  (90). 

*  Le  père  Labbe,  dit  Joly  ,  n'indique  pas  l'é- 
dition de  1617  comme  la  première  de  l'ouvrage, 
mais  comme  la  première  qui  ait  été  donnée  par 
Sirmond  Au  reste,  Joly  reconnaît  que  la  phrase     Pati-  ■>-'i-  .      .. 

d  Labbe  est  un  peu  louche.  .1  .-joule  que  la  pre-  (.fi)  Melcbior  LeydecW  D.sputa,  b.stonc  - 
m.èrc  édition  de  Bellarmin  est  celle  de  Rome,  Iheoloyca  ndovar.o ,a„je mstaru m  Fat *7mi 
,0.3  in-40.  ,  réimprimée  la  même  année  à  Colo-  la  préface  de  t'edtUon  des  OEwres  «fe  Ba.us  , 
gne,  in-8».,  et  a  Lyon,  in-4°.  ■•'  «696,  et  In  page  n3  de  la  II'.  partie. 


nions  de  lui  Bellarmin  (96).  Je  ne 
trouve  nulle  trace  de  cette  députation 
dans  les  écrivains  de  l'histoire  de  ce 
jésuite  ,  et  je  sais  qu'il  ne  faisait  en- 
core guère  de  bruit  lorsqu'il  alla    à 

(•gS)  Andr.    Carolus ,   Memorab.    ecclesiast.  , 


i  uuvi'.in.  il  acq.uit  sa  première  répu- 
tation pendant  les  sept  ans  qu'il  en- 
seigna la  théologie  dans  ce  lieu-là  (97)5 
et  comme  il  était  augustinien  sur  les 
matières  controversées  entre  Bains 
et  ses  antagonistes  ,  il  n'y  a  nulle  ap- 
parence qu'il  se  soit  jamais  fiché  con- 
tre ce  doeleur  pour  le  sujet  que  M. 
Leydecker  indique. 

(97  )  N icius  ErytVir.-eus  ,  PiuacotU.  I ,  pag.  85. 

BELLEAU  (Rémi),  poète  fran- 
çais au  XVIe.  siècle ,  naquit  à 
Nogent-le-Rotrou.  Je  n'en  dirai 
pas  beaucoup  de  choses  ;  car  M. 
More  ri  a  déjà  marqué  presque 
tout  ce  que  j'eusse  pu  recueillir. 
Ce  poète  mit  en  vers  français  les 
Odes  et  Anacréon  ,  et  leur  déro- 
ba une  grande  partie  de  leurs 
grâces  ,  si  l'on  en  croit  quelques 
auteurs  (a)  :  mais  d'autres  sou- 
tiennent ,  qu'il  égala  l'original  ; 
et  que  s'il  eût  aimé  à  boire  , 
comme  faisait  Anacréon  ,  il  l'eût 
surpassé.  Ne  vous  fiez  pas  beau- 
coup à  cet  éloge  ;  car  il  est  tiré 
d'une  pièce  de  poésie  qui  fut  fai- 
te par  Scévole  de  Sainte-Marthe 
à  la  louange  de  la  traduction 
française  dont  nous  parlons  (b). 
Pasquier  pense  quY/z  matière 
de  gayetez  Bell  eau  fut  un  autre 
Anacréon  de  son  siècle  (c)  (A). 
Il  joua  l'un  des  principaux  rou- 
lets  dans  la  Cléopâtre,  et  dans  la 
Rencontre  de  Jodelle,  lorsquW/es 
furent  représentées  devant  le  roi 
Henri  à  Paris  en  l'hoslel  de 
Rheims . .  .  et  au  collège  de  Bon- 
cour  (d).  Il  mourut  en  1577  , 
dans  sa  cinquantième  année  (e). 


BELLEAU.  BELLEI'OREST.  285 

Il  a  commenté  la  seconde  par- 
tie des  Amours  de  Pierre  Ron- 
sard *. 


(a)  Teissier  ,  Addit.  aux  Eloges  de  M. 
de  Tliou  ,  loin  l,  pas;.  qO'S,  etlil.  île  1696.  Il 
cilc  le  tome  l'IIl  de  la  Clélie  ,  pag.  85o. 

[f>  Sammarth.,  Elogiorum.  lib.  III  .  pag. 
[3,  1  '1. 

(c)  Pasquier,  Bccliercli.  liv.  VII,  cliap . 
II,  pag,  622. 

[d    î<i  même,  puLr-  618. 

(C)  Tliuan.,  lib.  LXIV  ,  pag.  ?.q\. 


*  Cet  article  est  si  court  ,  dit  Joly  ,  qu'il 
n'ennuiera  personne.  Bayle  aurait  dû  au  moins 
dire  que  Belleau  faisait  partie  de  la  laineuse 
Pléiade  (les  autres  auteurs  étaient  Baif, 
Ronsard,  .1.  Dorât,  Jodelle,  Joachim  du 
Déliai ,  et  Ponthus  de  Thiard ).  Joly  aurait 
Lien  voulu  savoir  si  Rémi  Belleau  n'était 
pas  un  calviniste  couvert;  ce  qu'on  peut 
croire  puisqu'il  avait  pris  plaisir  à  tourner 
les  prêtres  et  les  moines  en  ridicule  dans  son 
poëme  macaronique  intitule'  :  de  Bello  Hu- 
guenotico  dictamen  metrijicum .  Un  trait  de 
sa  comédie  la  Reconnue  ,  a  rendu  encore  sa 
religion  suspecte.  Mais,  ajoute  Joly  ,  comme 
cette  pièce  n'a  e'té  imprimée  que  huit  ans 
après  la  mort  de  l'auteur  ,  ce  trait  rapporté 
par  Nicecon  dans  le  tome  XXXI  de  ses  Mé- 
moires pourrait  bien  avoir  été  ajouté  par 
quelque  calviniste. 

(A)  Selon  Pasquier, Délie  au  fut 

un  autre  jinacréon  de  son  siècle.  ] 
C'était  aussi  le  sentiment  d'André  du 
Cliesne.  «  Le  pays  du  Perche  ,  dit- 
»  il  (1)  ,  nous  a  produict  ce  docte  et 
»  gentil  poè'te  entre  plusieurs  autres  , 
»  souz  le  règne  de  Henri  II  ,  que  je 
»  pense  avoir  esté  ,  en  matières  de 
«  gaietez,  un  autre  Anacréon  de  nos- 
»  Ire  siècle  ;  je  dis  Piemi  Belleau  ,  le- 
»  quel  voulut  imiter  Sannasar  aux 
»  œuvres  dont  il  nous  a  fiit  part. 
»  Car  tout  ainsi  que  Sannasar,  lta- 
»  lien,  en  son  Arcatlie ,  fait  parler 
»  des  pasteurs  en  prose,  dedans  la- 
»  quelle  il  a  placé  toute  sa  poésie 
»  toscane  ,  aussi  a  fait  tout  le  sem- 
»  blable  nostre  grand  Belleau  dans  sa 
»  Bergerie.  » 

(  1)  Un  Cbesne,  Antiquité» des  villes  de  France, 
pas.   376. 

BELLEFOREST  (François  de) 

naquit  au  mois  de  novembre 
i53o,  proche  de  Samatan  *, 
ville  du  pays  de  Couiminges  , 
dans  la  Guienne  {a).  Il  n'avait 
que  sept  à  huit  ans  lorsque  son 
pore  mourut  :  sa  mère  ,  qui  se 
trouvait  sans  bien,  fit  tout  son 

'Suivant  Belleforesl  lui  même,  tom,  JU  . 
p.iï.  3j  de  ses  Histoires  prodigieuses  ■•  ce  fut 
au  village  de  Sarzan  ,  dit  Joly. 
*■    (a)   La    Croix    du    Maine  ,     Bililiotliéanu 
française ,  pag,  3$. 


286  BELLEFOREST. 

possible  pour  l'entretenir  quel-  l'étendue  de   ses  forces  :  il  lui 

que  temps  dans  les  écoles.  Il  fut  fallait  suivre  la  direction  des  li— 

nourri  quelques  années  chez  la  braires  ,    et  se    tourner  de  tous 

reine  de  Navarre,  sœur  de  Fran-  les  côtés  ,  selon  le  goût  du  pu- 

cois  Ier.  Ensuite  il  étudia  à  Bor-  blic  ;    c'est-à-dire  ,    selon  qu'on 

deaux,  sous   Buchanan,  Vinet  ,  trouvait  que    certains   ouvrages 

Saiignac  ,    Gelida  ,  et    quelques  bien  ou  mal  faits   se   débitaient 

autres  savaus  hommes  :  puis  il  se  promptement.  On    a  dit    de  lui 

transporta  à  Toulouse,  afin  d'y  qu'il  avait  des  monlles  ausquels 

étudier  en  droit;  mais  son  génie  avec  grande  promptitude  il  jet- 

Fappliqua  à  tout  autre  chose.  Il  toit  des  livres   nouveaux  {d).    Il 

s'amusa  à  faire  des  vers  français  mourut    à    Paris    le    Ier.    jour 

pour  plaire  aux  dames  et  damoi-  de  janvier  i583,   et  fut  enterré 

selles,  et  ayant  passé  sept  ou  huit  dans  l'église  des  cordeliers  ,  com- 

ans  parmi  les  délices  de  la  no-  me    il  l'avait  ordonné  par   son 

blesse,  et  les  bagatelles  de  la  ga-  testament  [e).  Thevet ,  qui  n'é- 

Janterie  ,  il  s'en  alla  à  Paris  ,  où,  tait  pas  un  auteur  de  plus  gran— 

il  écouta  les  leçons  des  profes—  de  conséquence  ,  s'est  vanté  pu- 

scurs,  et  lia  des  habitudes  étroi-  bliquement   que  Belleforest  lui 

les  avec  plusieurs  savans  person-  fit  une  réparation  solennelle  au 

nages,  et  s'insinua  même   dans  lit  de  mort  (B).   Ils  avaient  été 

la  connaissance  de  plusieurs  per-  fort  brouillés.  La  Popeliniere  dit 

sonnes  de  qualité  (b).  Tout  cela  beaucoup  de  mal  de  ces  deux  au- 

fut  un  fonds  stérile;  de  sorte  que  teurs  (C). 

si  les  libraires  ne  lui  avaient  Le  Ghilini  a  commis  beaucoup 
acheté  les  productions  de  sa  plu-  de  fautes  dans  un  court  éloge  de 
me  ,  il  n'aurait  pas  eu  du  pain  à  Belleforest  (D)  ;  et  s'il  avait  été 
manger.  L'étude  lui  tint  lieu  partout  si  mal  instruit ,  ses  ou- 
de  patrimoine  ,  et  il  fut  un  de  vrages  ne  vaudraient  rien. 
ces  auteurs  qui  font  rouler  leur 
famille  sur  la  pointe  de  leur  plu- 
me. Ses  meilleurs  amis  nous  ap- 
prennent qu'avec  la  bénédic- 
tion de  Dieu  répandue  sur  le 
travail  de  ses  mains  il  avait  en- 
tretenu sa  famille  à  force  de 
faire  des  livres  (A).  On  s'éton- 
nera moins  après  cela  qu'il  en  dit-il  (t)  ,  autant  de  contentement  de 
ait  fait  un  si  grand  nombre  (c)  ,  notre  commerce  de  lettres  ,  que  j'ai 

et  qu'il  ait  entrepris  tant  de  dif-  c[elmis  rec^  de  regret  par  son  trépas. 

,  "  l  .  don  nom  demeurera  immortel  entre  les 

ferentes  matières   qui    passaient  hommes  .    tant  nue  le   monde 


(d)  Du  Haillan  ,  épître  dédicat.  ,  de  l'His- 
toire de  France  .  à  F  édition  de  \b%[\ 

(e)  La  Croix,  du  Maine,  Bibliotb.  française, 
pag.  91. 

(A)  Ses  meilleurs  amis  nous  appren- 
nent... qui!  avait  entretenu  sa  famille 
a  force  défaire  des  livres.  ]  Du  Ver- 
dier  Vau-Privas  se  déclare  intime  ami 
et  admirateur  de  Belleforest.  Je  tirais , 


(b)  Du  Verdier  Vau  -  Privas  ,  Bibliotb. 
franc.,  pag.  366,  367. 

(c)  Vous  en  trouverez  une  longue  liste  dans 
la  Bibliothèque  de  la  Croix  du  Maine  ,  et 
<lans  celle  de  au  Yerdicr  Vau-Privas.  [  Il  y 
en  a  une  plus  exacte,  dit  Joly  ,  dans  les  Mé- 
moires de  JSiceron  tom.  XI  et  XX  ,  <Iui 
sont  de  1700  et  ijJa.] 


tant  que  le  monde  sera 
monde  ,  a  cause  des  belles  œuvres 
qu'il  a  faites.  Or  voici  comme  il  parle 
de  la  fortune  de  cet  ami.  Belleforest 
eut  habitude  fort  familière  avec  Ron- 
sard ,  Baïf ,  Belleau  ,  Vigcnère...  Cho- 
it) Du  Verdier  ,  Bibliothèque  française,  pag. 


BELLEFOREST. 


pin ,  honneur  du  palais  de  Pans,  et 
plusieurs  autres  :  il  fut  caressé  des 
princes  ,  comme  aussi  aimé  de  la  no- 
blesse ,  et  porté  de  tous  les  vertueux 
de  ce  royaume  ;  mais  si  bas  de  for- 
tune ,  qu'il  n'y  a  eu  que  le  contente- 
ment de  l'estude  qui  l'aye  nourri  ,  et 
le  travail  de  sa  main  et  de  son  esprit  , 
bénys  et  soubstenus  de  grâce  divine  , 
qui  ont  porté  les  affaires  de  sa  maison. 
(B)  Tlicvet...  s'est  vanté  publique- 
ment que  Bellejorest  luijit  une  répa- 
ration... au  lit  de  mort.  ]  Il  n'y  a  rien 
de  plus  malhonnête  que  le  procède' 
de  cet  homme.  Il  se  fait  honneur  de 
l'humilité  que  son  adversaire  témoi- 
gna envers  lui  dans  le  lit  de  mort,  et 
il  ne  laisse  pas  de  le  maltraiter  ,  tout 
comme  il  aurait  pu  faire  avant  leur 
reconciliation.  Voici  comme  il  parle  : 
«  11  y  en  a  eu  ,  qui  n'estans  plus 
»  habiles  de  sçavoir  que  Munster,  ont 
»  néanmoins  osé  gratter  sur  lui  ,  le 
»  refondre  de  nouveau  ,  qui  est  le  se- 
»  conil  chef ,  sur  lequel  je  fonde  le 
»  grief  que  je  prétends  à  l'encontre 
»  de  ceux  qui ,  n'ayans  porté  leur  nez 
»  guères  plus  loin  que  les  tisons  de 
»  leurs  foyers  ,  leurs  poiles  ,  ou  leurs 
»  dhuettes  ,  cependant  osent  se  faire 
»  accroire  qu'il  n'y  a  coin  ,  canton  , 
«  ni  angle  de  terre  ,  lequel  ils  n'ayent 
»  fureté  j  mais  c'est  imaginairement. 
»  Pour  couvrir  leur  par  trop  présomp- 
»  tueuse  entreprise  ,  ils  ont  ,  par-ci  , 
s  par-là  ,  dérobé  ce  qu'ils  ont  peu  ,  et 
»  quelquefois  ont  voulu  estronçonner 
»  de  petits  lopins  de  la  suite  des  dis- 
»  cours  qu'ils  ont  chaslré  :  si  bien  que 
»  leurs  gros  bouquins  ne  sont  compo- 
»  sez  pour  la  pluspart  que  de  pièces 
»  rapportées  ,  qui  sont  de  si  mauvaise 
»  grâce  ,  qu'à  ce  que  ]c  puis  appren- 
»  dre  ils  ne  servent  qu'à  faire  des  cor- 
»  nets  aux  espiciers  et  beurriers.  Ce 
»  que  j'en  dis  ainsi  ouvertement  est 
»  pour  le  regret  que  j'ai  que  Bellefo- 
»  rest  ait  assez  indiscrètement  voulu 
»  rabobliner  la  Cosmographie  de 
»  .Munster.  Je  ne  fais  pas  de  doute  que 
»  quelques-uns  n'estiment  que  ce  que 
»  j'en  dis  soit  pour  lui  rendre  pour 
»  pois  fèves  ,  et  qu'ayant  esté  agacé 
»  par  lui  ,  je  vueille  à  cette  heure  des- 
)>  charger  la  fureur  de  mon  courroux 
i>  sur  lui.  Dieu  m'en  sera  à  témoin  :  et 
))  de  ma  part  ,  quand  il  m'auroit  plus 
»  offensé  qu'il  n'a  ,  je  serois  bien  fàs- 
»  ché  de  satyriser  et  mal  parler  d'un 


287 


»  mort.  Joint  qu'à  la  fin  de  ses  jours  , 
»  reconnoissant  le  tort  qu'il  sçavoit , 
»  d'avoir  fait  imprimer  ces  livres  ,  où 
«  contre  sa  conscience  il  déchiroit  la 
»  renommée  des  gens  de  bien  ,  et  de 
»  ceux  qui  lui  avoient  mis  le  pain  à 
»  la  main  ,  il  me  manda ,  et  en  pré- 
v  sënce  de  deux  docteurs  de  la  Sor- 
»  bonne  ,  son  médecin  ,  et  son  mar- 
»  chaud  libraire  et  imprimeur  Ga- 
»  briel  Buon  ,  après  m'avoir  baisé  les 
»  mains,  confessa  publiquement  qu'il 
»  sentoit  sa  conscience  chargée  des 
»  blasmes  qu'il  m'avoit  imposés  ;  par 
»  quoi  il  me  demauda  pardon  par  plu- 
»  sieurs  fois.  De  ma  part  ,  je  le  requis 
»  au  mieux  qu'il  me  fut  possible  ,  et 
»  lui  dis  qu'il  ne  devoit  point  penser 
»  à  cela ,  attendu  que  nous  estions 
»  tous  hommes  (2).» 

(C)...  La  Popelinière  dit  beaucoup 
de  mal  de  ces  deux  auteurs.  ]  Je  l'ap- 
porterai un  peu  au  long  ce  qu'il  en  a 
dit ,  et  j'espère  que  cela  ne  déplaira 
point  à  ceux  qui  aiment  à  voir  les 
choses  en  original  ,  et  qui  auraient 
trop  de  peine  à  trouver  l'auteur  que 
je  cite.  «  Ces  deux  ,  ores  amis,  ores 
»  ennemis  ,  à  la  poursuite  de  leurs 
»  vacations,  ont  autant  mal  mérité  des 
»  bonnes  lettres ,  qu'ils  estoient  indi- 
»  gnes  de  les  traicter.  Voire  aussi  des- 
»  pourveuz  d'esprit,  de  jugement,  de 
»  mémoire,  et  de  toutes  les  conditions 
»  qu'un  bon  naturel  y  peut  appor- 
»  ter  ,  que  fournis  de  hardiesse  à  mal 
»  interpréter,  el  pirement  escrire,  ce 
»  qu'ils  n'entendirent  jamais.  Et  pour 
»  ce  qu'à  l'un  quelques  mal  considé- 
»  rez  voyages  ,  et  à  l'autre  une  desré- 
»  glée  volonté  d'escrire  ,  favorisèrent 
»  un  peu  leurs  essais  envers  le  vul- 
»  gaire,  qui  ne  veut  etnesauroit  pren 
»  dre  le  loisir  de  bien  examiner  au- 
»  cime  chose  :  ils  se  licentièrent  tcl- 
»  lement  à  chafourrer  le  papier  ,  que 
»  tous  les  imprimeurs  de  Paris,  pré- 
»  férans  leur  mal  mesurée  capacité 
>'  d'esprit  à  tons  ouvrages  judicieux  , 
»  s'enoployoient    comme    à    l'envi    .1 

les  acheter  ,  publier  el  faire  veoir 
»  à  tout  le  monde.  Lt  bien  qu'ils 
j>  n  eussent  jamais  esté  bien  instruits 
»  en  leur  jeunesse  ,  voire  sans  .111- 
»  cime  valable  expérience  des  cho- 
»  ses  de  ce  monde   ,    pauvres   d'ail- 

(3)  Tlievet,  Klo^ps  «les  Hommes  illu-tn  -  , 
tom.  fil,  paç.  aya  ,  3()i  ,  édition  de  itjy  :  . 
in-12. 


2S8 


BELLEFOREST. 


j)  leurs  et  desnuez  de  tous  les  moyens 
)>  que  les  plus  advisez  ont  tousjours 
3>  nommés  les  ailesde  vertu,  ces  esprits 
»  universels  toutesfois  ont  passé  sur 
3)  toutes  vacations.  11  n'y  a  langue  ni 
j)  science  qu'ils  n'ayent  profanées.  Ils 


»  voir  autant  écrit  que  saint  Augus- 
»  tin ,  )  sila  pauvreté  le  fit  parler  com- 
3)  me  un  geay ,  c'est-à-dire,  comme  une 
3)  beste.  Car  il  s'est  monstre  I  rop  brutal 
en  toutes sortes,versla  postérité  (3j. 3> 
(D)  Le  Ghilini  a  commis  beaucoup 


ont  mesme  barbouillé  L'histoire  par-    défailles  dans  un  court  éloge  de  Belle- 
3)  ticulière  ,  générale  et  universelle  à    forest.  ]  Ce  qu'il  a  dit  de  notre  Belle- 
3j  leur    sotte   fantasie.    Qu'y     feriez-    forest  ne  contient  en  tout  que  vingt- 
3>   vous  ?    Comme  toutes  saisons   ont    deux    lignes.    Voici    ses    erreurs  :   il 
;>  certains  accidens  ,   qui  ne  peuvent    prend  Comminges  pour   une   ville  de 
3>  opérer  que  mal   à   tous  et  nul  bien    Gascogne  *  ;  il  affirme  que  Belleforest 
)>  à  aucun,  desquels  mesme  on  ne  peut    publia  plusieurs  écrits  en   latin,    et 
3)  cognoistre  ni  rapporter  les  causes  à    entre  autres  les  Annales  de  France 
3»  la  faute  des  liommes -aussi  s'est  tous-     en    deux    volumes    ,    Y  Histoire    des 
3>  jours  trouvé  et  se  trouvera  pour  ja-    neuf  rois   de   France  qui    ont    eu  le 
3)  mais  certains   particuliers  en  tous-    nom  de  Charles,  YHisloire  universelle 
3)  estats  ,  lesquels  ne  pouvans  que  con-    oh     l'Abrégé   de    la    Cosmographie. 
3)  fondre    ou    perdre  tout  ,    n'entre-    Tout    cela    est  faux   :    ces    ouvrages 
3)  prennent  rien    qui   ne  préjudicie  à    là   nommément  ,  et  tous    les   autres 
J3  autruy  ,  et  ne  profite  à  un  seul.  Ces     de  cet  auteur  ,  sont   en    français.  Le 
3)  gens  sont  comme  une  démangeson ,     Ghilini   ajoute    que   l'on   voit  de  cet 
33  présage  d'une  maladie  à  ceux  qui    écrivain    un   Catalogue  des  Hommes 
)>  en  sont  tourmentez.  Les  mains  et     illustres  qui  se   sont  rendus  célèbres 
)>  les  esprits  frémiroient   d'escrire  à    dans  les  couvens  tant  par  leur  science 
3)  ceux-cy  :  non  pour  le  bien  public  ,    que  par  leurs  actions  ,  et  YHisloire  des 
3)  ains  ,  pour  leur  profit  particulier  ,    saints  Martyrs  ,    en    trois    volumes. 
3>  qu'ils    entretenoient  au    misérable    Mais  il  n'y  a  nulle  apparence  que  .ce 
3-  travail  de   leur  plume  effrénée.   Si    Catalogue  ait  jamais  été  imprimé.  La 
3.  que  je  me  suis  souvent  fasché,  voiant    Croix  du  Maine  ne  l'avait  jamais  vu, 
33  la  France  bien  pourveue  de  bons  cer-    et  il  savait  seulement  que  Belleforest 
3-  veaux  ,  que  si  foibles  esprits,  et  qui    en  fit  mention  au    feuillet   ig3  de  sa 
3)  ne  se  pouvoient  recommander  que    Cosmographie.  Du    Verdier   Vau-Pri- 
3>  d'un  assidu  mais  doublement   in-     vas  ,   intime  ami   de  Belleforest  ,   ne 
3)  fructueux  travail  ,  trouvassent  qui    dit  rien  de  ce  Catalogue  ;  et  personne 
3j  voulussent  perdre  le  temps  à  la  lec-    n'ignore  que  les  auteurs  renvoient  à 
3)  ture  de  leurs  ravauderies   :   encore    des  ouvrages  qu'ils  n'ont  pas  encore 
3)  plus,  de  recevoir  leurs  annales  ,  his-    donnés  au  public.  Le  même  Du  Ver- 
3)   toires  et  géographies  universelles,     dier  nous  apprend  que  la  Fie  ,   Pas- 
3>  imaginées,  formées  ,  escloses  et  pu-    sion  et  Sépulture  de  saint  Denis  aréo- 
»  bliées   en  leurs  solitaires   tanières,     pagite  ,  et  de  ses  compagnons  qui  lui 
3>  Ceux  qui  ne  prennent  la  peine  de    furent  associez  au  martyre  ,  coltigée 
33  s'informer    des    particularitez    du     de   divers  autheurs,    par  feu   Jean, 
3>  monde  ,    et  surtout  de  remarquer     docteur  en   théologie  ,  grand  prieur 
j)  le  cours  et  issue  des  actions  privées    de  l'abbaye  Saint-Denys  en  France,  et 
u  d'un  chacun  ,   ne  sçauroient  croire    mise  en  francois  par  Belleforest ,  est 
3>  de  combien  Belleforest  etThevet  ont    imprimée  au  IIIe.  tome  de  l'Histoire 
3)  préjudiciéàlajeunesse,etparconsé-    de  la  vie  et  mort  des  sàincts  (4)Voilà  le 
3)  (pie'nt  à  Testât,  interprétans  si  mal  et    beau  fondement  des  trois  volumes  de 
3>  souvent  tout  au  rebours  de  bien  ,  in-    l'Histoire  des  saints  martyrs  attribuée  à 
3)  finis  passages  ;  corrompans  et  falsi- 
3;  lians  les  matières,  supposansinfinies 
3>  choses  qu'ils  s'estoient  ridiculement 
3>  fantasiez  en  leur  trop  mal  dbndition- 
3>  né  cerveau:  sans  parler  d'un  million    . 

3,d'autres,neptir,donti.ssontrape-  ^Z^^I^^fS 
3>  tasse  leurs  foibles  escrits.  Aucun  des  Montrée  ;  la  ville  de  Commises  ayant  été  détruite 
3)    deux  CatoilS  n'exctiscroit  en  Cela  Bel-      en  585  par  Gontrand  ,  roi  des  Bourguignons. 

3)  lcforest,  (encor  qu'il  se  vantast  d'à-       (4)  Du  Ycrdier,  pag.  l-,2. 


(3)  La  Poueîinière,  Histoire  des  Histoires  , 
pag.  456. 

*  Leductat  ayant  dit  que  la  ville  de  Commin- 
Resét.iit  mentionnée  par  de  Tliou,  Sidoine  Apol- 
linaire, Giépoirede  Tours,  Joly  explique   que, 


BELLEY.  289 

Belleforest  par  le  Ghilini ,  non   pas  de  la  ville  de  Belley ,    et  de  son 

comme  une  version  ,  mais  comme  un  territoire  qui  est  assez  étendu  , 

ouvrage  primitif.  Il  lui  attribue  aussi  appartenait    à    Vévéque  ;    mais 

la  traduction  «les  œuvres  de  saint  (Jy-  ,)     r                .                  Â           ■ 

prien.  S  il  eût  consulte  Vau  Privas/il  elle  fut  peu  a  peu  soustraite  par 

y  eût  lu  que  notre  homme  ne  traduisit  un  prince  puissant  et  voisin  SOUS 

tpie  certains  traités  de  saint  Cypnen  l'ombre  et  le   manteau  de  pro- 

i5)  ,  et  cpie  toutes  les  œuvres  de  ce  iectwn.     On    voit    encore    dans 

saint  turent  traduites  par  Jacques  Ti-  7               i-            ,      »  ,    7  • 

geou.  Enfin  le  Ghilini  est  un  peu  blâ-  leS  atrcnlves   de  l  église   quailti- 

mable  de  n'avoir  point  su  Tan  mor-  té  d'excommunications    lancées 

tuaire  de  Bélleforest  , et  de  l'avoir  mis  pour  ce  sujet,  et  plusieurs   au- 

environ  l'an  1600    Quant  aux  louan-  très  d' opposition  et  de    résislan- 

ges  eNcessives  dont  il  couronne  la  me-  r  ■                                  -,             , 

moire  de  cet  auteur,  on  pourrait  les  lui  ce  ;    mats    en   ces    matières     le 

compter  pour  une  faute  ,  s'il  n'y  avait  droit  est  en  la  force  (c).    Depuis 

beaucoup  de  gens  qui  ont  pu  lui  ser-  cela  les  revenus  de  l'évèque  sont 

vir  de guides  dans  cette  prodigalité.  fort  diminués:     car     ses     plus 

J  en   citerai    seulement    un.   C  est    un  ,       ,  .                     ■*.-." 

homme  de  grande  leçon  ,  disait  René  gr<*nds    biens    consistaient     en 

de  Lusinge  ,  en  parlant  de  Belleforest ,  droits  que  cette  rebelle  seigneu— 

qui  n'ignore  nen  de  ce  que  la  l'ieil/e  rie  a  usurpés,  et  qui  étaient  pres- 

anuquilea  laisse  de   confus  ,   dont  il  lQUS  dam  ,a     ■#     (rf,    \r     y 

esclaircit  les  passages  avec  grand  soin  2              .       .         ,,                v    '     « 

et  bon  langage  (6).  ce  que  ]e  tlre  d  un  ouvrage    que 

._,.,.      .             „  M.  Camus  ,  évéque  de  Belley,  fit 

(3)  La  nifine ,  pag.  3-i  ,  3>-2.  •              -               ,,             ,. /,       n            i'r  i      . 

(6)  René  de  Lusinge ,  Manière  ,1e  lire  l'His-  UnPn.mPP  .'  ™    'b/»4-    H  y    déduit 

toire,  cil,-' par  Mart.  Zeillerus,  Je  Ilistor.  chro-  CCS   faits— là  3VeC    quelques    autres 

nol.  et  geugrapli.  ,  pari.  II  ,  pas.   172.  1                  .-                     «  *     -,     *■     ,  n 

observations  ,  afin  de  réfuter  un 

BELLEY,    ville  de  France  et  moine  qui  avait  parlé  de  cet  évè- 

la  capitale  de  la  province  de  Bu-  che  avec  mépns  (A).   Je  trouve 

gei,    est  fort  ancienne,  puisque  dans   Guichenon ,  que    Jean  de 

le  siège  épiscopalj  est  établi  Passelaigue ,  évoque   de   Belley, 

dés   Van  412    (a).   Consultez  le  obtint  de  Louis  XIII  en  i635  la 

Dictionnaire  de  Moréri ,  et  ajou-  confirmation  de  tous  les  privi- 

tez-y  ce  qui  suit.  «  Le  diocèse  de  léSes    concédés     aux     évéques 

»  Belley....  a  quatre  villes  ,  six  de  ^llej par  l'empereur  Fri- 

»  gros   bourgs,  et  plus  de  deux    déric excepté   toutefois   le 

»  cents  villages  en  dix  lieues  d'é-  droH  de  régale,  et  fabrication  de 

»  tendue  en  diamètre  {b) monnaie  (e).  Ce  Jean  de  Passelai- 

>»  La  dignité  de  prince  de  l'empi-  gue  succéda  à  Jean-Pierre  Camus 

».  re   est  jointe  à  celle  d'évêque  lIul  avait  commencé  de  gouver- 

>»  de  Belley  ,  qualité  qui  fut  don-  ner  ce  dl°cèse  l'an  1609,  et  qui 

»  née  par  les  empereurs  à  l'ar-  avait  trouvé  beaucoup  de  désor- 

.»  cbevêque  de   Besancon    et    à  dres   dans    les   couvens  (B) ,    et 

>.  ses    trois    comprovinciaux    ou  surtout  dans  celui  de  Saint-Sul- 

..  suffragans  ,    Bàle  ,    Lausanne  P.ice-   Je.  remarquerai  par  occa- 

»  et  Belley  ...  La    souveraineté  slon  la  lrautIe  pieuse  qui   a  été 


(à)  Guicticnon  ,  histoire  de  Bresse  et  l'.n- 
gey  ,  contin.  de  ta  II'.  pari.  .  pag.  12. 

(b)  Jean  Pierre  Camus,  evèque  de  Belhj  , 
pag,  i3y  de  son  Anli-Basdic. 


TOME    III. 


(e)  Là  même  ,  pitç.  1 5$. 
d     Là  même. 

(e  Guiclienon,  Hist  de  Bresse  et  de  Bu- 
aey ,  continuât,  de  la  IL.  partie,  pas- 
35,36. 

»9 


290  BELLEY. 

publiée  touchant  la  fondation  de 
ce  monastère  (C). 


(A)  Quelques  autres  observations 
afin  de  réfuter  un  moine  qui  avait  parlé 
île  cet  évêche  avec  mépris.  ]  Ce  moine 
avait  fait  un  livre  intitule'  L' Anti- 
Camus.  On  y  trouve  ces  paroles  à  la 
page  39  :  C'est  chose  bien  étrange  , 
qu'un  petit  diocèse  oublié  derrière  les 
uilpes  ,  et  dont  à  grande  peine  le 
nom  se  peut-il  trouver  dans  les  archi- 
ves de  l'église  ,  et  de  qui  le  pasteur  , 
Jaute  d'emploi  chez  soi  ,  tant  son  dé- 
troit est  petit  ,  va  prêcher  partout 
comme  un  cordelier  ,  se  veuille  non- 
seulement  égaler  ,  mais  rehausser  par 
dessus  les  papes ,  casser  leur  ordre  ,  et 
réformer  leurs  rè^lemens.  «  Le  dio- 
»  cese  n  est  point  si  petit ,  repond 
J>  M.  Camus  (1)  ,  qu'on  ne  lui  nomme 
»  cinq  archevêchés  ,  et  plus  de  viugt- 
»  cinq  évêchés  en  France  ,  de  plus 
»  petite  étendue  ,  dont  les  seules  pro- 
»  vinces  de  Languedoc  et  de  Provence 
»  en  fourniraient  plus  de  douze.  On 
»  lui  prouvera  vingt  archevêchés  et 
»  six-\ingts  évêchés  en  Italie  de  plus 
»  petite  étendue  que  le  diocèse  de 
3>  Belley...  Il  n'est  point  derrière  les 
3>  Alpes ,  si  vous  ne  regardez  les  Al- 
i>  pes  du  côté  de  l'Italie  en  la  ma- 
»  nière  que  pour  nous  l'archevêché 
3>  de  Turin  est  caché  derrière  les  Al- 
2>  pes.  Quand  il  serait  dans  les  Alpes 
»  en  serait-il  moins  considérable  ? 
J)  Combien  y  a-t-il  de  grands  arche- 
»  véchés  et  évêchés  ,  dans  ce  grand 
J>  monde  de  montagnes  ,  Embrun  , 
5)  Tarantaise  ,  Grenoble  ,  Guienne 
3>  {1)  ,  Maurienne  ,  Syon  ,  Lausanne, 
3<  Constance  ,  Bàle  ,  Arles ,  lvrée  , 
"»  tous  diocèses  fort  renommés  ,  égli- 
«  ses   illustres   et  célèbres  pour  leur 

»  antiquité  et  leur  étendue On 

»  lui  prouvera  que  l'âge  de  ce  diocèse 
»  que  par  mépris  il  appelle  petit  est 
3>  de  plus  de  mille  ans  ,  et  qu'il  y  a 
»  dans  la  seule  France  plus  de  trente 
a  ou  quarante  évêchés  de  plus  fraîche 

»  date Ce   n'est  pas   à  l'aune  des 

■■>  revenus  que  se  mesurent  les  évê- 
»  chés  ,  autrement  un  archevêché  de 
»  Sicile  ,  que  je  nommerais  bien  ,  qui 
>  n'a   qu'une  cure  avec  trente   mille 

(1)  A  la  -page  137  de  ï'Anli-Basilic. 

'->)  Il  fallait  d„e  Genève. 


»  écus  de  rente  ,   serait  un  grand  ar- 
»  chevêche  (3).  » 

Voilà  des  choses  qui  satisferont  la 
curiosité  de  plusieurs  lecteurs  ,  quoi- 
qu'elles ne  soient  pas  nécessaires  à 
1  article  de  la  ville  de  Belley. 

(B)  Jean-Pierre  Camus  avait  trouve 
beaucoup  de  désordres  dans  les  cou- 
vens  du  diocèse  de  Belley.  ]  Voici  une 
partie  de  la  description  qu'il  a  donnée 
de  ces  désordres.  «  11  y  avait  une  ab- 
»  baye  (4)  de  moines  richement,  fon- 
»  dée  ,  dont  l'abbé  était  un  capitaine 
»  huguenot  marié  ,  et  gouverneur 
»  d'une  citadelle  voisiue  ,  qui  tenait 
»  tout  le  pays  en  son  échec  ,  et  en 
»  alarme  (5).  » 

11  lui  prit  envie  de  faire  un  haras 
dans  le  couvent  «  et  ayant  amassé 
quantité  de  cavales  et  jumens  qui 
sont  fort  grandes  et  belles  en  Bresse , 
il  y  fit  venir  des  étalons  d'Espagne 
et  d'Allemagne  ,  et  de  grands  ânes 
d'Auvergne  qui  sont  éuormes  en 
hauteur  ,  pour  former  des  mulets 
de  leur  mélange  avec  des  jumens  , 
selon  l'ordre  établi  dans  ce  haras... 
L'église  ,  grande  comme  une  cathé- 
drale ,  servait  à  resserrer  les  foins  , 
pailles,  et  autres  fourrages  nécessai- 
res à  la  nourriture  de  ces  animaux 
durant  quatre  ou  cinq  mois  d'hi- 
ver que  la  terre  y  est  toujours  cou- 
verte de  neige.  A  peine  restait -il 
une  partie  du  chœur  autour  du 
grand  autel  ,  qui  fût  libre  pour  les 
moines  ,  aiin  qu'ils  y  chantassent 
leur  office  ,  où  ils  le  faisaient  encore 
comme  rats  en  paille.  Dans  la  mai- 
son abbatiale  il  y  avait  plusieurs 
soldats  huguenots  avec  leurs  ba- 
gasses  (bagage  inséparable  delà  ré- 
formation prétendue  de  ceux  du  cin- 
quième évangile  ) ,  et  là  ils  faisaient 
leurs  prières,  chantaient  leurs  psau- 
mes ,  et  au  reste  menaient  une  vie 
joyeuse  comme  de  moissonneurs  et 
de  vendangeurs  durant  la  récolte  , 
et  comme  des  vainqueurs  qui  par- 
tagent le  butin  et  les  dépouilles  de 

leurs   ennemis Monsieur  l'abbé 

prétendu  réformé  ,  pour  fermer  la 
bouche  aux  moines  et  aller  au  -  de- 
vant de  leurs  plaintes  ,  haussa  un 
peu  le  chevet  à  leurs  prébendes  ou 

(3)  La  même,  pag.  i3i). 

(4/  C'est  sans   doute  cette  de  Sainl-Sulpice, 
ordre  de  Ctleaux. 
(5)  Anti-Basilic,  pag.  35i  ,  552. 


BELLEY. 


29 1 


"  portions  canoniques  ,  et  par  ruse  et 
»  prudence  humaine  ,  les  caressait 
"  extraordinaireinent ,  les  recevant  à 
>•  sa  table  dans  la  citadelle  ,  où  il 
»  leur  faisait  une  chère  d'abbé  et  de 
"  capitaine  ,  les  supportant  en  leurs 
»  humeurs  ,  et  les  protégeant  contre 
»  toute  la  noblesse  voisine.  La  pri- 
»  vauté  en  vint  jusques  à  ce  point 
»  qu'ils  l'appelaient  monsieur  notre 
»  abbé  ,  et  lui  messieurs  mes  moi- 
»  nés  ,  et  disait  mon  abbaye  ,  quand 
»  il  parlait  de  leur  maison. 

»  Au  reste  ,  ne  vous  imaginez  pas 
»  que  les  moines  s'amusassent  à  caté- 
»  chiser  les  soldats  gouverneurs  du 
»  haras  ,  ni  leurs  compagnes  dont  on 
»  eût  fait  un  autre  haras  de  bêtes  rai- 
)»  sonnables...  Ce  couvent  devint  une 
>>  église  mi'itaire  ;  car  vous  ne  voyiez 
w  que  moines  a  la  chasse  avec  les  sol- 
»  dats  tous  l'arquebuse  sur  l'épaule  : 
>»  les  moines  ne  sortaient  point  que 
x)  sur  de  grands  chevaux  ,  et  des  meil- 
»  leurs  ,  selon  la  permission  et  indul- 
»  gence  que  leur  en  donnait  monsieur 
»  l'abbé  ,  toujours  bien  armés  ,  avec 
»  l'épée  et  le  pistolet  ,  et  souvent  la 
»  carabine  :  on  les  voyait  ordinaire- 
»  ment  en  cet  équipage  rouler  par  le 
»  pays  ;  de  sorte  que  l'on  eût  dit  d'eux 
»  comme  de  la  Sulamite  du  cantique, 
»  (pie  c'étaient  des  chœurs  de  com- 
»  battans  et  des  bataillons  de  cho- 
■»   ris  tes  (6).u 

Ce  beau  train  dura  près  de  huit  ou 
ou  neuf' ans.  L'évêque  lâcha  quelques 
fois  des  menaces  d'en  avertir  le  parle- 
ment ,  ou  le  gouverneur,  ou  le  lieute- 
nant de  roi  ,  pour  faire  cesser  ce  scan- 
dale ;  mais  les  moines  d'un  côté  se  fai- 
saient plus  blancs  de  leurs  exemptions 

et    privilèges    que  de  leurs  robes  , 

et  de  l'autre  ne  menaçaient  que  de  la 
puissance  de  monsieur  leur  abbé  ,  qui 
comme  un  redoutable  fléau  tenait  en 
frayeur  toute  la  noblesse  ,  l'église  et 
le  peuple  du  pays.  El  pour  marque  de 
sa  violence  cl  de  son  empire  ,  n'alla- 
t-il  pas  jusques  à  ce  point  d'attenter 
sur  la  personne  même  du  gouverneur  , 
qui  eut  un  homme  tué  a  ses  pieds  en 
la  manière  qui  est  récitée  dans  le  Mer- 
cure Français...  Le  roi  pour  punir  cet 
attentat  commanda  que  la  citadelle 
fût  rasée  ,  et  le  tyran  en  fut  déniché 
aussi-bien  que  de  son  abbaye ,  et  de- 

(6)  Anti-Basilic,  pag.  353. 


puis  ,  retiré  parmi  les  huguenots  du 
Languedoc  d'où  il  était ,  il  fut  assas- 
siné par  ceux  de  son  même  parti  et  de 
ses  plus  proches  de  sang ,  durant  le 
siège  de  Monlauban.  L'abbaye  fut 
ôtée  de  commande  et  remise  entre  tes 
mains  d'un  abbé  projës  de  l'ordre 
même  ,  qui  au  moins  en  ôla  le  haras 
et  le  scandale  (7). 

j4u  pied  de  la  même  montagne  il  y 
a  un  couvent  de  religieuses  du  même 
ordre  ,  dont  les  moines  d  en  haut  se 
disent  les  pères  ,  et  le  sont  vraiment  , 
car  ils  en  ont  la  direction  et  la  vi- 
site :  il  n'y  a  aucune  trace  ni  vestige 
de  clôture  ,  ni  d'aucune  sorte  d'obser- 
vance. C  est  un  abord  général  de  tou- 
tes compagnies ,  un  vrai  abreuvoir  d'A- 
frique. El  sous  prétexte  de  parenté  et 
consanguinité  il  s'y  fait  de  merveil- 
leuses conversations.  Lorsque  monsieur 
labbé  capitaine  ,  dont  nous  avons 
parlé  ci-dessus ,  venait  avec  les  plus 
grands  de  son  régiment  voir  son  ha- 
ras ,  il  descendait  en  bas  jaire  sa 
visite  au  monastère  de  la  vallée  ,  où 
il  était  reçu  avec  beaucoup  d'hon- 
neur,  et  il  est  croyable  qu'il  leur  fai- 
sait de  belles  exhortations  sur  le  ver- 
sel  9  du  chapitre  7  de  la  première 
aux  Corinthiens.  Tant  y  a  que  c'é- 
tait un  concours  perpétuel  de  con- 
versations   et    de     familiarités 

un  Jlux  et  reflux  continuel  de  com- 
pagnies ;  les  grands  y  entraient  , 
les  petits  en  sortaient  ,  la  porte  y 
était  toujours  ouverte  a  tous  sans  dif- 
férence de  sexe  ni  d'âge Bref  le 

désordre  y  était  ,  et  les  ulcères  tel- 
lement invétérés  ,  par  faute  de  juge- 
ment et  de  discrétion ,  que  la  licence 
y  était  prise  pour  une  liberté  honnête  , 
et  ce  libertinage  y  tenait  lieu  de  fran- 
chise (8). 

Cent  et  cent  exhortations  publiques 
de  l'évèque,  et  mille  remontrances  par- 
ticulières ne  servirent  de  rien  contre 
ces  abus.  «  A  la  lin  il  leur  fit  connaf- 
»  tre  qu'il  y  allait  de  sa  conscience 
»  de  souffrir  plus  long-temps  ce  dé- 
»  règlement  ,  vu  que  par  le  concile 
»  de  Trente  la  clôture  des  moniales 
)>  doit  être  établie  par  les  évêques  et 
)>  ordinaires  ,  de  quelques  privilèges 
»  que  leurs  ordres  se  parent  :  ce  que 
»  leur  ayant  fait  voir  ,    oyez  la  sufE- 

(;)  L'a  même ,  pag.  354 
(8)  La  même. 


292 


BEL  LE  Y. 


j>  sance  de  Jeux  révérends  qui  eurent 

»  en  divers  temps  la   conduite   spiri- 

y>  tuelle  de  ce  bénit  troupeau  ,  et  qui 

m  empêchaient  formellement  cette  clô- 

3)  ture  :  le   premier  répondit   que    le 

3)  concile  de  Trente  avait  été  fait  par 

)>  des    évêques  ,    et    par    conséquent 

«  qu'ils  n'étaient  pas  tenus  d'y  obéir, 

»  parce  que  leur  ordre   était  privilé- 

»  gié  et  exempt  de  la  juridiction   des 

»   évéques,  et  que  les  conciles  des  moi- 

3)  nés   étaient    leurs   chapitres   géné- 

»   raux.  L'autre  beaucoup  plus  habile 

»  dit  que  ce  concile  n'ayant  été   fait 

»   que   par  trente  évêques,   quand   ils 

3>   eussent  même  été  quarante  ou  cin- 

)>  quante ,  il  ne  pouvait  avoir  lieu  en 

»  l'église  universelle,   de  laquelle  les 

3)  moines    faisaient    la    plus    illustre 

3)  part,  la  plus  parfaite  et  accomplie, 

j)  parce  qu'elle  était  en  l'état  de  per- 

3;  fection.  Il  y   eut  une  moniale  de 

3>  beau  ,  je  ne  sais  si  de  bon  esprit , 

3)  qui  sifflée  (pour  ne  pas  dire  souf- 

3>  fiée)  par  ces  excellens  pédagogues, 

3>  ou  pour   mieux  dire  pères ,  répon- 

3>  dit  un  jour  à  une  des  remontrances 

33  de  M.  D.B.  :  Monseigneur,  il  sera- 

3)  ble  que  vous  ayez  résolu  de   nous 

33  griller  toutes  vives  sans  que  nous 

33  l'ayons  mérité.  A  laquelle  il  repar- 

33  tit  promptement,  mais  froidement: 

33  Ma  sœur,  vous  montrez  bien  à  ce 

33  discours  que  vous  êtes  fort  vive  ,  et 

33  peu  morte   à  vous-même,   c'est-à- 

33  dire  ,  bien  peu  mortiGée  :  car  com- 

33  me  le  poisson  qui  est    encore  vif, 

33  saute  de  dessus  la  grille,  et  se  roule 

3>  parmi  les  charbons,  ce  que  ne  fait 

»  pas   celui   qui   est   mort  ;  aussi  les 

3)  moniales  qui  ne  sont  pas  bien  mor- 

33  tes  au  monde,  et  de  qui  les  passions 

•33  sont  vives,  et  quelquefois  vivifian- 

33  tes,  aiment  mieux  comme  des  sale- 

j>  mandres  et  piralides  ,   vivre  parmi 

33  les  brasiers  des  conversations,  selon 

i)  la    pensée    de    saint    Bernard    qui 

>3  compare  le  moine   fréquentant  le 

,>  siècle  sans   s'y  perdre  ,  au    miracle 

33  des  trois  enfans  de  la  fournaise,  que 

3i  demeurer  encloses  dans   une  grille 

>3  crucifiées   avec  Jésus-Christ  ,    leur 

>3  époux.  Tant  y  a  que  M.  C.  ni  l'ab- 

■)  bé  qui  succéda  au  capitaine  ,  depuis 

33  général  de  l'ordre  ,  ni  tous  les  supé- 

;3  rieurs  de  l'ordre,  n'ont  jamais  pu 

»  ni  renfermer  ni  réformer  ces  bon- 

»  nés  dames,  de  qui  la  bienséance  et 

»  la  pudeur  m'empêchent  d'en  dire 


33  davantage  ,  laissant  le  surplus  â 
33  l'imagination  du  lecteur  ,  qui  sur 
33  ce  que  j'en  ai  dit  peut  former  ses 
33  conjectures  de  ce  qui  se  cache  sous 
33  le  rideau  du  silence  (9). 

L'ouvrage  dont  je  tire  ces  mor- 
ceaux n'a  pas  été  oublié  par  M.  Baillet 
dans  sa  curieuse  liste  des  Anti ,  non 
plus  que  I'Anti-Ermite,  et  I'Anti-Moi- 
ne  du  même  M.  Camus.  Il  dit  de  ces 
deux  derniers  qu'ils  se  sont  trouvés 
tellement  attachés  à  la  fortune  des  au- 
tres ouvrages  de  cet  auteur,  que  l'on 
ne  sait  presque  plus  s'ils  ont  jamais 
été  au  monde.  S'ils  continuent  avec 
la  même  précipitation  ,  qu'ils  ont  fait 
jusqu'ici  pour  courir  a  leur  anéantis- 
sement ,  soyez  assurés  que  la  mémoire 
en  sera  bientôt  effacée  ,  et  qu'il  sera 
difficile  d'en  sauver  même  les  noms 
dans  les  catalogues  de  librairie  (10). 
Cela  ne  convient  pas  moins  qu'aux 
autres  à  celui  qui  a  pour  titre  /.Anti- 
Basilic  pour  réponse  a  l' Anti-Camus  , 
par  Olenix  du  Bourg-l'Abbé.  J'ai 
donc  lieu  de  croire  qu'on  aimera 
mieux  que  j'aie  donné  de  longs  ex- 
traits de  cet  ouvrage,  que  si  je  m'é- 
tais servi  d'un  renvoi  qui  eût  été  inu- 
tile à  la  plupart  des  lecteurs. 

11  y  a  dans  le  récit  de  M.  Camus 
quelques  négligences  qu'il  est  bon  de 
remarquer.  i°.  11  ne  nomme  point 
l'abbé  huguenot ,  ni  la  citadelle  dont 
cet  abbé  était  gouverneur.  Je  supplée 
à  ce  défaut  ,  et  je  dis  qu'il  parle  de 
Pierre  d'Escodeça,  seigneur  de  Boesse, 
baron  de  Pardaillan,  maistre  de  camp 
du  régiment  de  Champagne,  et  gou- 
verneur de  la  citadelle  de  Bourg  en 
Bresse.  20.  il  était  de  Guienne,  et  non 
pas  de  Languedoc.  3°.  Le  désordre 
qu'il  commit  dura  si  l'on  veut  huit  ou 
neuf  ans,  mais  non  pas  à  la  vue  de 
M  de  Belley  qui  ne  fut  sacré  évêque 
qu'en  160g.  Or  la  citadelle  de  Bresse 
fut  rasée  l'an  161 1  (11).  4° •  Le  roi  n'a- 
vait donc  pas  ouvert  encore  le  pas  de 
sa  majorité  ;  5°.  et  l'on  ne  peut  pas 
dire  que  le  gouverneur  ait  commis 
toutes  ces  rages  sous  la  minorité  de 
Louis  XIII. 

(C)  La  fraude  pieuse  qui  a  été  pu- 
bliée touchant  la  fondation  de  ce  mo- 
nastère.'] «  La  vieille  chronique  deSa- 

(c|)  Anti-Basilic  ,  pag.  355. 
(io)  Ba.llet,  art.  CVI  des  Anti. 
(ii)  Voyez  le  IIe.  tome  du  Mercure  Fiaft- 
rais  ,  pai;,  m.  i33/ 


»  voye   MS porte  qu'Ame  II  du 

nom,  et  premier  comte  de  Savoye, 
seigneur  de  Bugey,  fit  vœu  de  fon- 
der une  abbaye  dans  ses  états  pour 
avoir  lignée  ;  et  qu'ensuite  il  eut 
un  fils  appelé  Humbert  ,  lequel 
étant  tombé  malade  ,  et  craignant 


BELOY.  293 

»  Pontigny ,  à  dessein  et  y  faire  péni- 
»  tence  et  d'y  mener  une  vie  austère  , 
«  et  qu'Ame  1er. ,  comte  de  Savoye 
»  étant  sur  le  point  de  faire  le  voyage 
y.  de  la  Terre  Sainte  ,  pour  les  y  re- 
»  tenir  ,  leur  donna  des  lettres  et  des 
x  privilèges 


de  le  perdre  faute  d'avoir  accompli     »   Quant  a  la  cause  de  la  fondation  , 


son  vœu  ,  il  fit  bâtir  et  fonda  l'ab- 
baye de  Saint-Sulpice  en  Bugey  à 
la  persuasion  de  la  comtesse  de  Sa- 
voye sa  femme.  Voici  les  mots  de 
la  Chronique  : 

»  De  nuit  nu  fit  par  plusieurs  fois 
sospirott  la  comtesse  ;  dont  l'y  de- 
manda le  comte  qu'elle  avoit.  Mon- 
sieur ,  dit-elle  ,  paour  que  ne  nous 
mesad  vienne  de  Humbert  nostre 
fils.  Powquoy  (dit- il  )  ?  Pour  cau- 
se ,  dit  la  dame ,  que  vous  avez 
voué  à  nostre  Seigneur  dejonder  un 
ordre  de  l'habit  au  saint prodomme, 
sire  Bernard,  abbe  de  Clerevaux , 
se  Dieu  nous  prestoit  lignée  ;  et 
vous  n'en  avez  encores  riens  Jait, 
ains  le  mettez  en  no/uhaloir.  Lors 
respond  le  comte  :  JVe  vous  doublez  , 
car  je    le  accompliray    au   plaisir 


il  est  certain  que  tes  historiens  de 
»  Savoye  ont  erré  d'avoir  publie  que 
»  ce  fut  après  la  naissance  du  jeune 
j)  comte  Humbert ,  fils  dudit  Amé...  ; 
»  car  les  concessions  du  comte  Amé 
»  portent  en  termes  exprès  te  con- 
»  traire  ,  la  première  desquelles  ,  qui 
»  est  datée  à  Yenne  ,  en  présence  de 
»  Ponce  ,  évéquede  Belley,  et  d'Hum- 
»  bert ,  évéque  de  Genève ,  dit  ainsi  : 
»  Igitur  quicumque  ista  iegerit  et  au- 
»  dierit,  hoc  donum  me  fecisse  cog- 
»  noscat,  tempore  quo  in  moutanis 
»  fiatres  hospitando  retinui ,  scilicet 
»  antequàmde  uxore  meâ  habuissem 
»  infantem  ;  et  la  seconde  :  Noverit 
»  omnis  tam  extraneus  quàm  propin- 
»  quus  hanc  meam  donationem  fe- 
»  cisse  antequàm  de  uxore  me;!  ,  Ma- 
libe 


tildi   nomine  ,  liberos  aliquos  pro- 

Dieu  brief  ■entent.  Si  eust  le  comte  »  crc.lssem  (i3).    » 

conseil  à  plusieurs  en  quel  lieu    il  Je  ne  saurais  me  persuader  que  ni 

foivleroit  l'abbaye    belle  ;   puis   in-  le  hasard   ni    l'ignorance   aient    pro- 

forme  du  lieu  se  transporta  sur  une  duit   le    mensonge  que   Guichenon  a 

montagne  située  en  Bugeys ,  oh  il  réfuté.  C'est  plutôt  l'effet  de  l'artifice 

fonda  une  abbaye    belle  et  sotem-  des  ecclésiastiques.  Ils  font  venir  1  eau 

nelle    sous   le    nom    du    confesseur  à  leur  moulin  autant  qu'ils  peuvent , 

monsieur  Saint-Sulpice ,  laquelle  il  et  pour  animer  les  grands  à  faire  des 

fournil    et   doct>i    convenablement;  fondations  ou  des  donations  pieuses  , 

et  y  mit  abbé  et  religieux  prodom-  ils  supposent  des  exemples  de  fécon- 

mes  it  louer  Dieu  de  la  lignée  qu'il  dite,  ou  de  guérison  ,   ou  de  quelque 

luy  avoit  prestée.  Paradin  en  son  autre  avantage  temporel  ,  qu'ils  at- 
histoire  de  Savoye  (*)  a  suivi  de 
point  en  point  la  chronique  Ms.  de 
Savoye,  et  ajoute  qu'après  que  l'ab- 
baye fut  achevée,  et  le  vœu  .iccom- 
plij  le  jeune  prince  de  Savoye  revint 
en  convalescence  ;  cotant  le  temps 


tribuent  à  la  piété  libérale. 

(i3)  Là  même,  pag.  10a. 

BELOY  (Pierre  de  (a)  ) ,   avo- 
cat   général   au     parlement    de 


de  cette  fondation  avant  l'an  in8  Toulouse,   n'avait  point    encore 
(,2).>>  Guichenon  réfute  cela  très-  t       charge,     lorsqu'il     écrivit 

hdement  :  il  dit  qu  il  a  trouve  dans  j       •       j  •  •■     « 

;  archives  de  Saint-Sulpice,  qu'en  Pour  les  droits  du  r 

m  n3o,  «  quinze  religieux  de  l'or-  contre  la  ligue.    S'i 

dre  de  Cileaux ,  et  un  nomme  Ber-  testant,    il    n'aurai 

,  nard  qui  était   leur  supérieur ,  allé-  ce,a         •   tfçfafâ 
>  rent  aux  montagnes  de  bugey  par  ,,  * 

)  la   permission  d? Hugues  ,    abbé  de  et    d  une    vertu    tr( 


solidement  :  il  «lit  qu  » 

les  archives  de  Saint-Sulpice,  qu'en    pour  les  droits  du  roi  de  Navarre 
an  n3o,  «  quinze  religieux  de  l'or-    contre  la  ligue.    S'il  eût  été  pro- 
dre  de  Cileaux , et  un  nomme  Ber-    testant,    il    n'aurait  rien  fait  en 

fort  naturel  , 

es- ordinaire  ; 

,   comme   il   était  catholi- 

(  )  Livre  3  ,  chap.  4i. 

{12)  Guiclienon,     Ili-ioire    Je    Bresse    et    de 
B.igey  ,  continuation  de    la   II',    p.irt. ,   pn;.*.         (a)  C  est  ainsi  qu'il  se  nomme  ,  et  non  pas 
101.  Pierre  Belloi. 


294 


BELOY. 


mie  (fr  ,  et  à  Paris  ,  lorsqu'il  pu-    traduite  en  latin.-]  J'en  ai  vu  deux  tra- 
?..    v    '  '  il-  durtions  en  cette  langue.    Lune,   si 

blia  un  ouvrage  contre  la  ligue  ,    Fon  sVn  rapporte  a(1  titre  ?  fut  impri_ 

on  le  doit  regarder  avec  quelque  me'e  a  paris,  chez  Jacques  Petit-Chou, 

sorte  d'admiration.  Cet  ouvrage  en   i586.  On  ne  voit  à  l'autre ,  ni  le 

est  intitulé  Apologie  catholique  «?«  de   l'impression  ,    ni  le   nom   de 

... -S,     °,,  7        ,.y  l'imprimeur:    mais    on    y   trouve    le 

contre  les  libelles ,  déclarations ,  ^  p]us  ,on'g  qu,,  poriginal  ?  et  UQ 

avis  et  consultations ,  faites  ,  e-  avertissement  du  traducteur. 
crites  et  publiées  par  les  ligués  (B)  Les  ligueurs  traitèrent  son  Apo- 
perturbateursdureposdurojau-  ^  de libelle  diffamatoire.-]  Voyez 
r  '  "  r.  \  ,j  le  livre  intitule  Réponse  des  vrais  ca- 
me de  France  ,  qui  se  sont  ele-  thofiques  jra„cais  a  l'Avertissement 
vés  depuis  le  décès  de  feu  mon-  des  catholiques  anglais ,  pour  l'exclu- 
seigneur  frère  unique  du  roi  ,  sion  du  roi  de  Navarre  de  la  couronne 
nai  E  D  L.  I.  C.  Il  parut  en  de  France.  L'édition  dont  je  me  sers 
1  ,'  -Cr;  T1  *.■£  -.„i,;+  est  de  l'an  )58q.  Vous  y  voyez  au  re- 
l'annee  i585.  Ilaete  traduit  vers  du  ti1re  ,*  catalogue &s/i*e//« 
en  latin  (A)  :  les  écrivains  de  la  diffamatoires  auxquels  on  prétend  ré- 
ligue le  traitèrent  de  libelle  dif-  pondre  :  l'Apologie  catholique  par 
famatoire  (B)  :  et  l'auteur  se  vit  ^°J  est  le  troisième  de  ces  libelles. 
,  ,  v  J  ,  r  .-  J'ai  vu  une  réponse  particulière  aux 
expose  a  une  rude    persécution  principaux  chefs  de  cet  ouvrage  de 

(C).  Il  était   un  docte  junscon-  Beloy ,    laquelle  passe   pour  être  de 

suite      et    il    avait  beaucoup   de  Bellarmin.  L'auteur  prend  le  titre  de 

lecture.  Il  avait  déjà  publié  quel-  Francisons  Romains.  11  n'attaque  son 

,.  >/Xi.    ^      A,  adversaire,  ni  sur  la  généalogie  delà 

ques  autres  livres  {V).  Du  Fies-  maison  de  Bourbon  ,  ni  sur  la  bâtar- 

sis-Mornai  le  reconnaît  pour  le  dise  qu'on  objectait  à   Henri  IV  ,    à 

vrai  auteur  de  Y  Apologie  catho-  cause  du  mariage  de  sa  mère  avec  le 

,.  ,  s  duc  de  Clèves,  ni  sur  la  dispute  de  la 

tique  [C).  préférence  de  l'oncle  au  neveu  :  il  rc- 

Je  produirai  un  fragment  de  *dui(.  tout  a  la  rejigion)  et  au  fonde. 

lettre ,   qui  sera  un  bon  supplé-  ment  de  la  bulle,  qui  ne  déclarait  le 

ment  à  cet  article  CE).  roi  de  Navarre  déchu  delà  succession, 

J'ajoute  à  ce  que  j'en  ai   déjà  et  incapable  de  régner     qu'à  cause  de 

o  ujuuic  i  ~c  H      ,J                     f  son  hérésie.  La  première  chose   que 

dit  la  véritable  durée  de  sa  de-  Franciscus   Romulus   entreprend    de 

tention.    Cayet  se   contente    de  faire  voir  est  que  l'auteur  de  l'Apologie 

dire   qu'elle  dura    plus    de    deux  nest  point  catholique,  comme  il  s'en 

?sl\        ,iiaic    T\f>]r.v     raconte  vante,   mais  un  frar.c  hérétique,   ou 

ans    (d);    mais    Beloy    raconte  t_ê'tre  même  un  atWe. /y05 /5l-tIir> 

qu'elle  dura  quatre  années    .Je  ul  ejus  „eitigiis  insistamus ,  demons- 

rapporterai    ses  paroles;  ce  qui  trabimus  primum  auctorem  A pologiœ 

servira  de  supplément  à  la   liste  falsb  sibi  catholici  nomen  assumere , 

•■>  ■    j         Â~    J„  ,.£,,    «,i,r.-o_  cù'ii  aut  hœreticus  ,  aut  fartasse  etiam 

que   jai   donnée    de  ses   ouvia-  ^^  ^   ^  J^  ^^ 

ges  (F).  l'entêtementpour  certains  dogmes  par- 


ti) Voyez,  la  Chronologie  uovennahe  de 
Cayet,  tout.  I .folio  17  verso. 

le)  Du  Pl'eSsis,  Mémoires,  tom.  I,  pag. 
65^.  Voyez  aussi  M.  de  Tliou  ,  liv.  CX, 
pag.  628. 

(d)  Voyez  la  remarque  (C). 

"  Les  paroles  de  Cayet  qui  fixent  à  deux 
ans  ou  un  peu  plus  la  durée  de  la  détention 
de  Beloy  ,  ne  regardent  que  la  détention 
dans  la  Bastille. 

h)  Son  Apologie  catholique  a  été 


..-tpour  certains  dogmes  pai 
ticuliers  ,  qui  au  fond  ne  sont  pas  de 
l'essence  d'une  religion.  Ceux  qui  se 
coiflènt  de  ces  dogmes  particuliers 
soutiennent  effrontément,  que  qui- 
conque les  combat  est  un  faux  frère  , 
un  prévaricateur  ,  un  espion  ,  un 
traître,  et  pour  tout  dire  en  un  mot, 
un  athée.   Il  se    trouve  de  ces  sortes 

(1)  Franciscus  Romulus  ,  Respons.  ad  pr»ci- 
pua  capila  Apologiae  qua;  falsô  Catbolica  inscribi- 
lur,  pag.  5. 


BELOY.  295 

dentelés  dans  toutes  les  communions,  monsieur  de  Vie  ,  gouverneur  pour  le 

sans  excepter   les  réformés  sortis  de  roi  ,  qui  le  reçut,   le  présenta  depuis  a 

Fiance.  Bellarmin  leur  doit  servir  de  sa  majesté  ,   et  pour    récompense   de 

miroir  pour  connaître   leur  illusion  ;  ses  peines   il  est  aujourd'hui    avocat 

car  celui  qu'il  accusait  d'hérésie ,  et  général  en  l'une  des  ours  souveraines 

qu'il  soupçonnait  d'athéisme,  a  tou-  de  ce  royaume  (7).  On  trouvait  donc 

jours  fait  profession  de  la  catlioli» ité  dans  la  destinée  de  ces  deux  auteurs 

en  fort  honnête  homme.  Voici  un  pas-  une  image  de   ce  qui  fut  dit  au  mau- 

sage  d'Antoine  Arnauld  :  Qui  fisteeste  vais  riche  (8)  :  mais  c'était  une  image 

réponse   sanglante  contre  C Apologie  défectueuse  ;  car  Louis  d'Orléans  pro- 

cathnlique  ,   sinon  les  jésuites  ,    qui  spéra  encore  après  avoir  essuyé  quel-' 

employèrent  toutes  leurs  estudes  pour  ques  fatigues  infiniment   (dus  légères 

dire  contre  la  personne  et  les  droits  de  que  ses  rébellions  furieuses  ne  liiéri- 

sa   majesté  régnante    ce   qui  se  peut  taient. 

excogiter  de  faux  et  de  calomnieux         (D)   Il Si  publié  quelques  au- 

au  monde (1)?  très   livres.]    La  Croix  du   Maine  fait 

(C)  Il  se  vit  exposé  à  une  rude  perse-  mention  des  quatre  suivans  :  Decla- 
culion.  ]  Cayet  raconte  qu'au  temps  ration  du  droit  de  légitime  succession 
qu'il  faisait  son  livre  (3)  l'on  mettait  sur  le  royaume  de  Portugal  apparie- 
en  parallèle  le  principal  écrivain  des  nant  a  la  reine,  mère  du  roi  très-ehi'é- 
royalistes  ,  et  le  principal  écrivain  des  tien,  à  Anvers  et  à  Paris,  en  i58a, 
ligueux  (4).  Il  veut  parler  de  Pierre  in-8°.  ;  Panégyric  ou  Remonslrance 
de  Beloy  et  de  Louis  d'Orléans.  Tous  pour  les  sénéchal ,  juges,  mage  et  cri- 
deux,  disait-on,  ont  fait  publier  leurs  minel de  Tolose  ,  contre  les  no- 
livres  sans  se  nommer  :  celui  de  la  ligue  taires  et  secrétaires  du  roi  de  ladite 
plus  éloquent  ,  mais  calomniateur  ;  ville,  à  Paris,  en  1682  ,  in-^° .  •  Requête 
celui  du  parti  du  roi  de  Navarre,  plus  verbale  pour  les  susdits  seigneurs  et 
docte  et  jrancais.  Celui  de  la  ligue ,  officiers  de  Tolose  ,  contenant  une 
au  contraire  du  royal,  a  eu  la  récorn-  Apologie  et  défense  à  l'advertisse- 
pense  de  ses  écrits  premièrement ,  cl  ment  publié  au  nom  des  docteurs  ré- 
futfa.it  avocat  général  en  la  cour  sou-  §ens  de  l'université  de  Tolose,  à  Pa- 
veraine  du  royaume  ,  durant  la  puis-  ris  >  en  '  533  ,  in  8°.  ;  firiève  explica- 
sance  de  la  ligue  ,  et  depuis  il  a  eu  tion  de  l'an  courant  1 583  ,  selon  le  ca- 
beaucoup  de  peine  et  de  mal....  Mais  lendrier  grégorien,  à  Paris,  en  1  583  , 
celui  qui.  a  écrit  pour  la  majesté  des  in  -  8°.  La  Croix  du  iMaine  ajoute 
roi*  a  eu  la  peine,  les  prisons  elles  qu'en  î  584  on  imprimait  à  Paris  un 
afflictions  au  commencement.  L'an  88  ouvrage  du  même  Beloy  ,  savoir  Sup- 
(5),  il  fut  enferme*  dans  laConcier-  pulation  des  temps  depuis  la  création 
gerie  (6).  Après  la  mort  du  duc  île  <!'*  monde  jusqu'en  i582,  séparée  en 
(.aise  ,  l'on  le  changea  de  logis  :  la  deux  colonnes  diverses,  et  qu'il  parle- 
Bastillejul  le  lieu  où  il  fut  très-étroi-  rait  ailleurs  des  écrits  latins  de  cet 
tentent  tenu  plus  de  deux  ans  ;  et  ayant  auteur.  Le  Catalogue  d'Oxford  con- 
trouvé  le  moyen  d  échapper ,  s'etant  tient ,  Pétri  Beloii  Variorum  juris  ci- 
sauve    a    S  ai  nt- Denis  ,    il   y    trouva  "Mis  libri  IV,  et  Dtsputatio  de  suc- 

cessionc  ab  intestato  ,  etc. ,  à  Paris,  eu 

(3)  Arnauld,  Plaidoyer  contre  les  jésuites,  en  '583;    plus,   la    O'njcrence   des    edits 

1394,  pag.  a3.  de  pacification  et  explication  desdits 

(S)  Cesl-a-dire  ,  Van  i6o5.  eiiUs  f  a  parjs  j  en    ,6oo  ,    l/J-80.  Beloy 

Jto  Lhronolog.e  oovennaire,  ton.  /,  folio  ,o  est  auieur  d'un  Commentaire  sur  le- 
iht  qui  ordonnait  L'union  du  patri- 
moine du  roi  au  domaine  de   la   cou- 


(5)  Voyez  la  remarque  (E)  ,  iinme'diateinent 
au-dessus  de  la  citation  (  10J. 

*  Le  livre  pour  lequel  il  fui  enfermé  et  dont 
de  Thou  parle  sans  le  désigner  autrement  que 
parles  mots  grandem  Ubrum,  est ,  dit  Leduchat, 
intitulé  :  Moyens  d'abus,  entreprises  et  nutlit/s 
du  rescri/it  et  bulle  de  Sixte  V,  contre  Henri  , 
roi  de  Navarre,  et  Henri,  prince  de  Condé , 
i586,  iu-8°.  (  Votez  Bayle  lui-même  dans  *a 
remarque  (T)  de  l'article  Hospital.  ) 

(fi)  M.  de  Thou.&V.  XCIII,  pag.  25i  ,  dit 
nue  ce  fut  par  ordre  du  roi. 


ronne ,  à  Toulouse,   en  1608,  in- 8". 

(E;  Voici  un  fragment  de  lettre  qui 
sera  un  bon  supplément  pour  cet  arli- 
cle.~\  Voici  c-*  que  l'auteur  des  Notes 
sur  la  Confession  de  Sanci   et  sur  le 

(7)  M.  de  Thou  en  parle,  lu:  LXXXTf  , 
pan.  M. 

(8)  Evangile  de  saint  Luc,  chip.  XVI,   v.  ai. 


296  BELOY. 

Catholicon  a  eu  la  bonté  de  ni'écrire.  »  i588.  M.  Ménage  a  cité  une  ouver- 

«  J'ai   un    livre    qui  aurait  pu   vous  »  ture  d'audience  de   Pierre   Belloy  , 

■»  donner  bien  des  lumière*  au   sujet  »  prononcée  l'an    \6<>g  (10).   »    L'au- 

i)  du  fameux  jurisconsulte  Pierre  Bel-  teur  de  cette  lettre  a  inséré  une  par- 

»  loy.  Le  titre  en  est ,  Réplique  faite  tie  de  ces  faits  dans  la  seconde  édition 

»   a  la  réponse  que  ceux  de  la  ligue  de  ses  Notes  sur  la  Confession  de  San- 

»  ont    publiée  contre    l'examen    qui  ci  (1 1)  ,  et  il  remarque  une  chose  que 

>)  avait  été  dressé  sur   leur   prétendu  je  ne  dois  pas  oublier  :  c'est  que  notre 

■»  discows  touchant  la  loi  Salique  de  Beloy  naquit  dans  la  ville  de  Montau- 

33  France,  1587.  On  y  voit  une  am-  ban  (12),  et  que  ses   trois    frères  aî- 

»  pie   et  belle   généalogie   de   Pierre  nés  furent  tués  au  service  du  roi  con- 

3»  Belloy,  qui  fait  honneur  à  cet  ha-  tre  les  huguenots. 

bile  homme ,  et  qui  le  prouve  bien  (F)  Cette  remarque  servira  de  sup- 


gentilhomme  d'une  maison  origi-    plément  a  la  liste....  de  ses  ouvrages.] 
naire  de  Bretagne  ,  transplantée  en     L'épître  dédicatoii  e(i3)de  son  Exposi- 


)>  déjà    prisonnier   en    i58},    et  que  j'ay  esté  presque    contraint   par  mes 

5)  par  conséquent  c'était  le  roi  Henri  amis  de  revoir  et  passer  les  yeux  sur 

»  III  qui  l'avait  fait  mettre  eu  prison,  une    partie    de    la    Supputation    des 

3)  par  complaisance  pour  les  Guises  ,  temps  (i4)>  que  j'ai  dressée  d'autie- 

■»  qui  l'accusaient  d'ailleurs  d'être  un  Jois  en  la  prison  de  la  Bastille  de  Pa- 

»  brouillon  et  un  hérétique,  et  qui  ris,  où  j'ay  esté  durant  quatre  ans  de 

3)  l'avaient   déjà    l'année    précédente  la  tyrannie  de  la  ligue,  pour  donner 

3>  fait  accuser   envers  le   roi  par  un  cest  échantillon  au  public.   Concluez 

3)  évêque ,  que  je  soupçonne  être  G.  de  ceci    qu'il    devait  donner    encore 

33  Roze,  d'avoir  fait  le  livre  pour  le-  d'autres    ouvrages   de  cette  nature  , 

»  quel  M.  de  Thou  nous  apprend  que  d'autant  plus  qu'il  appelle  cette  petite 

3)  François  le  Breton,  qui  en  était  l'au-  Dissertation  sur  les  Semaines  de  Da- 

3>  teur  ,  fut  pendu  en  t  586.  On  y  voit  mel  le  premier  Essai  de  ses  histori- 

3)  encore  que   Belloy  était  d'une   fa-  ques  discours.   Il  faut   donc   ajouter 

.)  mille  dont  tous  les  membres  avaient  cette   Dissertation   au    catalogue    des 

3)  toujours  été   bons  catholiques,   et  ouvrages  de  Beloy.  Elle  est  intitulée 

3)  lui  particulièrement  ;  qu'à  l'âge  de  Exposition  de  la  Prophétie  de  l'ange 

3)  vingt-un  ans  ,  il  avait  été  nommé  Gabriel  touchant  les  septante  Semai- 

3)  régent  en  l'université  de  Toulouse,  tics  descriles  par  le  prophète  Daniel 

3>  par  l'université   même  ,   et  par  le  au  chap.  IX  de  ses  P roplttlies  ,  par 

:»  parlement  ;  qu'ensuite,  après  avoir  M.  maislre  Pierre  de  Beloy  ,  etc. ,  à 

»  fait  la  fonction  d'avocat  àToulouse  Tolose ,   en  i6o5,    in-S°.  On    a   aussi 

3>  quatre  ou  cinq  ans,  il  fut  reçu  con-  oublié  les  suivans  :  De   l'Origine  et 

)>  seiller  au  présidial  de  cette  ville  ,  Institution  de  divers  ordres  de  cheva- 

3>  avec  des  marques  d'une  distinction  lerie,  tant  ecclésiastiques  que  proj'a- 

3)  très-honorable  par  le  parlement  de  nés,  dédié  a  monseigneur  le   dauphin 

■)>  Paris  ;    et  que    ce  qui    avait    don-  de    Viennois  ,   duc    de   Bretagne  ,   à 

3)  né  prise  sur  lui  dans  Paris  aux  11-  Montauban  ,   chez  Denis  Haultin  ,  en 

j)  gueurs    ses    ennemis  ,    c'était    que  1604  ,  in-8°.  ;  Arrest  de  la    cour    de 

3)  pendant  le   long  séjour  qu'il  avait  parlement    de    Tolose  ,    prononcé   en 

3>  été  obligé  d'y  faire  en  qualité  de  l'appellation    comme    d'abus    relevée 

3>  député  de  ses  confrères  en  cour  (qï,  par  f  1ère  Jean   Journé ,   religieux  de 

3)  son  zèle  pour  son  prince  et  pour  sa  l'ordre  de  saint  Dominique  ,  et  pro- 
3>  patrie  l'avait  porté  à  s'opposer  à 
»  plusieurs  mauvais  desseins  de  la  li- 
i>  gue.  Au  reste  ,  puisqu'il  est  con- 
3>  stant.  qu'il  était  déjà  prisonnier  en 
j>  1587  .  on  n'a  pas  raison  de  dire 
»  qu'il  ne   fut   mis    en  prison  qu'en 


(10)  Ménage,  Origines  de  la  Langue  française, 
au  mol  Chaperon. 

(11)  Pag.  20  et  21,   édition  de   169g. 

(12)  Je  Cavait  fait  natif   de    Toulouse,   nie 
fondant  sur  La  Croix  du  Maine. 

(i3)  Elle esladresse'e  a  M.  Bridait  de  SilleiJ, 

(0)  Pour  une  affaire  qu'ils  avaient,  coulre  les     Sarde  ,les  sceaux- 
notaires  de  Toulouse.  («4)  Voyei  ci-dessus  dans    a  remarque  (DJ. 


EELOT. 


vinciab  audit  ordre  en  la  province  de 
JTolose  ,  sur  la  procédure  contre  lui 
ordonnée  par  les  sieurs  évesques  de 
Candnn  et  d'Aure ,  contenant  le  plai- 
doyé  sur  ce  fait,  par  M.  maistre  Pierre 
de  Beloy ,  conseiller  et  avocat  général 
du  roi  audit  parlement,  à  Paris,  sui- 
vant la  copie  imprimée  à  Tolose  ,  en 
1612,  in-S°.  (i5). 

(i5)  Tiré  d'un  Mémoire  manuscrit ,  commu- 
nique par  M.  Lancelot,  de  la  Bibliothèque  ma- 
sarine  a  Paris. 

BELOT  *(N.),  avocat  au  con- 
seil privé  du  roi ,  sous  le  règne 
de  Louis  XIII,  publia  un  livre 
qui  le  fit  entrer  avec  peu  d'hon- 
neur dans  la  fameuse  Requête  des 
Dictionnaires  (A).  II  entreprit  de 
prouver  qu'il  ne  fallait  pas  se 
servir  de  notre  langue  dans  les 
ouvrages  savans  ,  et  il  allégua 
entre  autres  raisons  ,  qu'en  com- 
muniquant au  peuple  les  secrets 
des  sciences ,  on  a  produit  de 
grands  maux.  Il  promettait  un 
autre  ouvrage  (B) ,  où  il  devait 
faire  voir  le  détail  de  cette 
preuve. 

*  Leclerc  croit  que  ce  personnage  est 
Michel  Belot  ,  natif  de  lilois  ,  licencié  en 
droit  à  Orléans  m  i6'32.  vivant  encore  en 
lt>66,  et  neveu  de  G.  Rihiei  dont  il  fit  im- 
primer celle  même  année  les  Mémoires  en 
deux  volumes  in-folio. 

(A)  //  fît  un  livre  qui  le  fit  entrer. . . 
dans  la  fameuse  Requête  des  Diction- 
naires.] M,  Pellisson   en  paris  :  «  Le 

sieur  E 'lot ,  avocat ,  de'ilia  aussi  à 
»  l'acatlémie  en  ce  temps-là  ,  si  je  ne 
»  me  trompe,  un  livre  que  je  n'ai  pu 
»  trouver,  et  dont  il  n'est  point  fait 
■»  de  mention  dans  les  registres,  inti- 
»  tulé  Apologie  de  la  langue  latine  ; 
»  et  c'est  ce  qui  a  donné  occasion  à  ce 
i'  bel  endroit  de  la  Requête  des  Dic- 
»  tionnaires  : 

»   T. a  pauvre  langue  laliale 
»  allait  être  troussée  en  mate, 
»  Si  te  bel  avocat  Belot,  etc.  (1)  » 

Ce  que  M.  Pellisson  entend  par  et  ce- 
tera contient  onze  vers  que  voici  : 

(1)  Pellisson,   Hist.de   l'Académie  française 
pag.  irp ,  196. 


297 


Du  barreau  le  plus  çrand  falot, 

N'en  eusl  pris  en  main  la  défense  , 

Et  protégé  son  innocence. 

En  quoy  certes ,  ri  sa  bonté' , 

Et  son  zèle  ,  et  sa  charité , 

Se  firent  d'autant  plus  paroistre , 

Qu'd  n'a  l'honneur  de  la  connoislre; 

Semblable  à  ces  preux  chevaliers, 

Ces  paladins  aventuriers  , 

Qui,  deffendanl  des  inconnues , 

Ont  porté  leur  nom  jusqu'aux  nues. 

J'ai  ce  livre  que  M.  Pellisson  ne  put 
trouver  ,  et  j'en  vais  dire  quelque 
chose  ;  car  il  faut  qu'il  ne  soit  guère 
connu,  puisque  dès  l'an  i65o  (2)  il 
échappait  aux  recherches  des  plus  cu- 
rieux. 11  a  pour  titre  ,  Apologie  de  la 
langue  latine  ,  contre  la  préface  de 
monsieur  de  la  Chambre  en  son  livre 
des  nouvel/es  Conjectures  de  la  J)i- 
gestion  ,  dédiée  it  monseigneur  Se- 
guier,  chevalier,  chancelier  de  Fiance. 
Il  fut  imprimé  à  Paris,  l'an  1687, 
in  -  8°.  ,  et  contient  environ  80  pa- 
ges ,  y  compris  l'épître  dédicatoire  , 
la  préface,  etc.  L'auteur  expose  (3) 
qu'il  le  publie  par  contrainte,  et  en 
apprend  l'occasion.  Je  te  dirai  que 
monsieur  de  la  Chambre.  ...  m  ayant 
obligé  de  lui  dire  mes  sentimens  de  ses 
premiers  Traités  ,  ma  franchise  me 
porta  de  lui  en  reprocher  le  langage, 
etaynuf.  néanmoins  continué  d'écrire 
en  français  ,  il  a  pensé  qu'il  était  obli- 
gé de  faire  a  son  livre  des  nouvelles 
Conjectures  de  la  Digestion  ,  une  pré- 
face en  faveur  de  notre  langue  contre 
la  latine  ,  laquelle  m'étant  adressée 
sous  le  nom  du  lecteur,  je  me  suis 
trouvé  engagé  d'y  répondre  par  cette 
Apologie  ,  que  mes  amis  m'ont  tiêie 
des  mains  en  se  servant  de  l'autorité 
de  personnes  qui  ont  tout  pouvoir  sur 
moi ,  pour  m  obliger  de  la  donner  au 
public  (\\  Il  a  mis  à  la  fin  du  livre  la 
lettre  qu'il  écrivit  a  messieurs  de  l'a- 
cadémie française. 

(B)  Il  promettait  un  autre  ouvrage.  ] 
Notez  qu'il  voulait  que  M.  Seguier  s'in- 
téressAt  dans  cette  cause  par  des  rai- 
sons de  politique.  Il  y  va  du  bien  de 
l'état  ,  et  de  celui  de  la  religion  ,  di- 
sait-il. Les  anciens  Romains  ,  à  son 
compte  ,  se  trouvèrent  mal  d'avoir 
employé  à  tout  la  langue  vulgaire. 
Ce  sont  là  les  effets  que  les  secrets  des 

(ï)  C'est  en  ce  temps-là  que  M,  Ptllisson_/m- 
sail  /'Histoire  de  l'Académie. 
(3)  Dans  la  préface. 
(.'()  Rclot,  préface  ,  folio  Ai;. 


2Ç,8 


BEMBUS. 


savons  ,  mal  h  propos  découverts  aux    et  il  y  fut  heureux  :  car  Ses  Azo- 

lains  eurent  une  vogue  extraor- 
dinaire (b).  Il  parut  beaucoup  à 
la  cour  du  duc  de  Ferrare  ,  et 
à  celle  du  duc  d'Urbin  ,  qui 
étaient  alors  les  plus  polies  de  ce 
pays-là  ,  et  le  rendez-vous  des 
plus  beaux  esprits  (c).  Il  témoi- 
gna publiquement  sa  gratitude 
pour  l'estime  dont  le  duc  et  la 
duchesse  d'Urbin  l'honorèrent, 
car  il  fit  un  livre  à  leur  louange 
(d).  Il  était  bon  poëte ,  tant  en 
italien ,  qu'en  latin  ;  mais  on 
le  blâme  justement  d'avoir  pu- 
blié des  poésies  trop  libres  et 
trop  impures  (E).  Il  est  un  de 
ceux  qui  ont  été  accusés  d'avoir 
parlé  de  la  parole  de  Dieu  avec 
beaucoup  de  mépris  (F)  :  peut- 
être  n'en  blâmait-iï  que  le  style. 
On  n'est  pas  d'accord  sur  le  sexe 
de  ses  enfans  (G) ,  mais  on  s'ac- 
corde à  dire  qu'ils  étaient  illégi- 
times ,  et  au  nombre  de  trois. 
On  a  une  de  ses  lettres ,  qui  té- 
moigne que  ses  deux  aïeules  ont 
vécu  cent   ans  (H).   Il  mouiut 


peuples ,  ont  produits  chez  les  Ro- 
mains ,  et  dont  l'exemple  serait  aussi 
périlleux  a  notre  monarchie ,  qu'il  a 
été  dommageable  h  cet  empire.  Je 
laisse  à  part  les  belles  considérations 
qui  pourraient  être  tirées  de  chaque 
science  ,  et  qui  feraient  voir  plus  clai- 
rement ,  de  quelle  importance  il  est  de 
les  tenir  cachées  ,  ou  du  moins  ne  les 
déclarer  qu'à  des  personnes  qui  en  fus- 
sent capables.  Ce  sera  dans  un  traité 
de  Politique  a  qui  j'ay  donné  le  nom 
de\&  France  ,  ou  la  Monarchie  parfai- 
te ,  où  Von  trouvera  sujet  d'etonne- 
ment  et  d'admiration  ,  en  examinant 
combien  la  connaissance  qu'on  a  don- 
née de  la  philosophie  aux  peuples  ,  a 
fait  de  brouillons  et  de  sophistes  ;  com- 
bien celle  de  la  théologie  ,  d'héréti- 
ques et  d'athées  ;  la  morale  ,  de  faus- 
ses vertus  et  d'hypocrites  ;  et  combien 
la  médecine  que  l'on  professe  en  notre 
langue  a  fait  d'empiriques  et  d/homi- 
cides  ,  qui  tuent  plus  d'hommes  que  la 
peste  et  la  guerre  ensemble ,  et  qui 
n'ont  point  trouvé  d'autre  moyen  de 
vivre  que  celui  défaire  mourir  impu- 
nément tant  de  monde  (5).  Il  n'est  pas 
inutile  de  conserver  la  mémoire  de 
ces  sortes  de  faussetés  de  l'esprit  hu- 
main. Ce  sont  des  poisons  qui  peuvent 
servir  de  remède. 
(5)  Belot ,  Apologie  ,  etc. ,  pag.  28  et  suiv. 


BEMBUS  (Piekre)  ,  noble  vé-  l'an  1 547  ^  '  dans  sa  soixante- 
nitien  ,  secrétaire  de  Léon  X  dix-septième  année  (/).  Speron 
(A) ,  et  puis  cardinal ,  a  été  l'une  Sperone  lui  attribue  d'avoir  fait 
des  meilleures  plumes  du  XVIe.  grand  cas  de  la  connaissance  des 
siècle,  quoiqu'il  faille  convenir  langues  (I).  Si  cet  article  est 
qu'il  est  quelquefois  tombé  dans  court,  c'est  à  cause  que  M.  Mo- 
le ridicule ,  par  l'affectation  de  réri  a  parlé  fort  amplement  du 
des   termes  de  cardinal  Bembo. 


ne  se  servir  que 
l'ancienne  latinité  (B).  Son  His- 
toire de  Denise  a  été  par-là 
fort  exposée  aux  censures  de 
Juste  Lipse.  Elle  a  été  critiquée 
par  d'autres  à  l'égard  de  la  bonne 
foi  (a).  Ses  Lettres  n'ont  pas  été 


plus  épargnées  (C).  Il  commença    TeeqUp6ol 
àe  bonne  heure  à  courir  les  ris- 
ques de  la  qualité  d'auteur  (D) , 


Lorsque  sa  mère  fut  morte  ,  il 
écrivit  à  Bernard  Bembus ,  son 
père,  une  belle  lettre  de  consola- 

(b)  Voyez  la  remarque  (D). 
{c)  Job.  Casa  ,  in  Vitâ  Bembi. 
(d)  C'est  celui  de  Guido  Ubaldo  Feretrio 
deque   Elisabethâ   Gopzagiâ  ,    ad  Nicolaum 


(a)    Voyez  Boditt,Me'tbodehist.,  cap.  IVt 
pn«.  9H. 


(e)  TbuaD.  ,  Historiœ  lib.  III,  subfinem. 

(f)  Et  non  pas  dans  sa  soixante-hui- 
tième année,  comme  dit  Moréri ,  après  avoir 
remarqué  qu'il  naquU  en  1^70  ,  et  qu'il  mou- 
rut   en  l547- 


BEMBUS.  ?99 

tion.  Il   y   dit  que   cette  femme  les-ci  sont  divisées   en  VI  livres,  et 

avait    vécu     quarante-huit     ans  'es  autres  en  XVI.  Léon  X  avait  un 

•  j  autre  secrétaire,  qui  était  aussi  pu- 

avec  son  mari  dans  une  concor-  riste  queBembus  (,'.  Jl  lesavait  cffi- 

de  qu  aucune  plainte   n  avait  ja-  sis  avant  que  de  sortir  du  conclave  où 

mais  interrompue  (K)  ;   et  il  pa-  il  fut  promu  à  la  papauté  (a).  M.  Gra 


rait  fort  affligé  d'avoir  perdu 
cette  bonne  mère.  On  le  blâma 
d'avoir  suivi  la  coutume  des  flat- 
teurs, auprès  de  qui  le  mérite 
des  vivans  surpasse  toujours  celui 
des  morts  ;  car  il  publia  que  Paul 
III  était  plus  docte  que  Léon  X. 
Il  est  bon  de  voir  comment  il  se 
disculpa  (L).  Le  conseil  des  dix 
le  nomma  ,  en  1 53o ,  après  la 
mort  d'André  Navagiero  ,  pour 
écrire  l'Histoire  de  la  républi- 
que de  Venise  {g)  (M).  Son  âge 
de  soixante  ans  lui  eût  fait  fuir 
cette  peine ,  s'il  n'eût  mieux  ai- 
mé s'incommoder,  que  de  ne 
point  rendre  service  à  son  pays 
(h).  Il  faudra  que  je  dise  un  mot 
du  dessein  qu'on  prétend  qu'il 
eut  de  refuser  le  cardinalat  (N.) 
Son  historien  s'est  étendu  là- 
dessus  ,  et  n'a  pas  manqué  de 
dire  que  ce  récit  passerait  pour 
une  fable  auprès  d'une  infinité 
de  gens  qui  jugent  de  leur  pro- 
chain par  eux-mêmes.  Il  a  ex- 
primé noblement  ce  lieu  com- 
mun (0) ,  comme  ou  le  verra 
ci-dessous  (>i)  ;  et  je  l'examinerai 
plus  au  long  dans  la  dernière 
remarque  de  cet  article. 

P.embus,  Epist.  XXV.    lib.  III ,  pag. 
Soi. 

(A)  Bembus.  initioEisl.  Rerum  Venetarum. 
(t)  Citation    \  i  ' . 

(A)  Il  était  secrétaire  de  Léon  X.  ] 
11  écrivit  un  fort  grand  nombre  de 
Lettres  pour  ce  pape  :  la  façon  lui  en 
avait  été  payée  largement  ,  et  il  a  eu 
de  plus  toute  la  gloire  de  les  avoir 
composées  ;  car  elles  ont  paru  sous 
son  nom  ,  et  de  compagnie  avec  elles 
qu'il  avait  écrites  pour  lui-mècue.  Cel- 


verol  Favocat  aurait  publié  avec  des 
notes  les  Lettres  qu'ils  écrivirent  pour 
ce  pape  ,  si  une  mort  prématurée  n'eût 
arrêté  ce  travail. 

(B)  II  est  quelquefois  tombé  dans  le 
ridicule,  par  i affectation  de  ne  se  servir 
que  des  terme*  de  l'ancienne  latinité."] 
«  Combien  l'affectation  de  ne  se  ser- 
»  vir  que  de  mots  d.^  Cicéron ,  et  de 
»  ce  qu'on  appelle  la  pure  latinité  , 
»  a-t-elle  fait  écrire  de  sottises  à  cer- 
»  tains  auteurs  italiens  ?  Qui  ne  rirait 
»  d'entendre  dire  à  Bembe  ,  qu'un 
»  pape  avait  été  élu  par  la  faveur  des 
»  dieux  immortels  ,  deorum  irnmor- 
»  talium  bénéficias  ?  »  C'est  de  l'au- 
teur de  l'Art  de  penser  que  j'emprunte 
ces  paroles  (3).  Avant  lui ,  Juste  Lipse 
avait  critiqué  judicieusement  et  agréa- 
blement tout  ensemble  la  latinité  de 
Bembus  (4)  Il  le  blâme  ,  eutre  autres 
choses  ,  d'avoir  rapporté  que  le  sénat 
de  Venise  écrivit  au  pape  ,  «  Fiez- 
»  vous  aux  dieux  immortels  ,  dont 
»  vous  êtes  le  vicaire  sur  la  terre  j  » 
Uti  fidal  diis  imnmrtalibus  ,  quorum 
uicem  %erit  in  terris.  Après  cela  ,  on 
ne  doit  point  s'étonner  qu'il  se  soit 
Servi  du  mot  de  Déesse  ,  en  parlant 
de  la  Sainte  Vierge.  C'est  dans  une 
lettre  (5)  ,  où  Léon  X  reprnebe  aux 
babitans  de  Recanati  ,  d'avoir  donné 
de  mauvais  bois  pour  le  bâtiment  de 
Notre-Dame  de  Lorctte  ,  et  leur  com- 
mande d'en  donner  de  meilleur  :  «  de 
»  peur  ,  dit-il ,  qu'il  ne  semble  que 
)>  vous  vous  soyt  z  moqués,  de  nous, 
»  et  de  la  déesse  même  ;  »  JYe  lum 
nos  ,  lum  etiam  deant  ipsam  ,  inani 
lignorum  inutilium  donatiorie  lusisse 
videaniuù.  Les  termes  que  le  christia- 
nisme a  consacrés  ,  comme  fuies  ,  ex- 
commumeatin  ont  paru  barbares  à 
cet  écrivain  :  il  a  mieux  aimé  se  ser- 
vir de  persuasio  pour Jides ,  et  de  aquee 

(i)  C'était  Jacques  Sadolet,  ijvi  fut  ensuite 
eardmal. 

la)  Rimlius,  Hist.  Rerum  Venetar.  ,  infine. 

(3)  Art  de  penser,  III'.  part.  ,  chap.  XIX, 
pag-  36r>,  édition  d'Amsterdam,  en  iri85. 

(<j)  Lipsius,  Epist.  LVII,  cnitur.  II .  Mit- 
cellan. ,  pag.   i--. 

(5;  La  XVII*'.. lu,  VIII».  livre. 


3oo 


REMBUS. 


et  ignis  interdiclio  pour  excommunica-  grecque  à  Messine  ,  il  composa  un 
tio.  Lipse  lui  trouve  d'autres  défauts  ,  Traité  latin  de  Monte  .Etna  ,  qui  fut 
quelques  italicismes  ,  et  même  quel-  imprimé  l'an  i486  (9)-  Etant  retourné 
ques  solécismes.  Le  même  Lipse,  dans  chez  sou  père,  il  le  suivit  quelques 
ses  notes  sur  le  chapitre  IX  du  1er.  li-  années  après  à  la  cour  d  Hercule  d'Est 
vre  de  sa  Politique  ,  comprend  en  peu  duc  de  Ferrare.  Il  s'y  lit  aimer  et  con- 
de  mots  ce  qu'il  a  plus  amplement  sidérer  :  et  ce  fut  pendant  cette  vo 
montré  dans  la  lettre  ci-dessus  citée. 
Il  dit  ,  entre  autres  choses  ,  cùm  tant 
curinsè  h  verbis  sibi  cat'eril  ,  repetio 
alibi  quœ  non  dicant  Tulliana  non 
sint  ,  sed  vix  latina.  La  phrase  offerte 
naves ,  qu'il  lui  critiqua  ,  serait  plus 
pardonnable  à  un  Flamand  ;  parce 
que  le  même  mot  Flamand  ,  qui  si- 
gnifie mener,  signifie  aussi  porter, 
d'où  naissent  quelquefois  des  expres- 
sions bien  plaisantes  dans  la  bouche 
des  Flamands  qui  commencent  à  parler 
français.  L'Histoire  de  Venise  ,  que 
Lipse  a  tant  critiquée  par  rapport  au 
style  ,  a  paru  à  notre  M.  de  Baizac 
l'ouvrage  d'un  petit  esprit  ,  et  d'un 
auteur  sec  et  rampant  (6). 

(C)  S'<n  Histoire  a  été  critiquée...  ses 
Lettres  n'ont  pas  été  plus  épargnées.  ] 
On  a  défié  ses  amis  d'en  montrer  une 
qui  ne  pèche  lourdement  contre  la 
grammaire  ,  et  qui  ne  soit  remarqua- 
ble par  quelque  insigne  puérilité  ,  et 
d'ailleurs  vide  de  bonnes  choses.  Ut 
cœteram  carminum  ejus  nbscœnitatem 
iaceam  ,  quid  ejus  Epistolis  ineptius  , 
et  quidem  Mis  quas  ponli/icis  maximi 
nomine  et  de  rébus  maximis  scripsit  , 
et  ad  firos  maximos  ?  Mentiar  ego 
cum  Scipione  Gentili  (*),  et  luam  gra- 
vi poenâ ,  si  vel  unam  mihi  in  tôt  il- 
lis  voluminibus  Epislolam  ostendant 
amatores  ejus,  quœ  non  insigni  aliqun 
vitio  grammatico  laboret ,  autpuerili 
aliqud  ineptideonspicua  sit  et  démons 


gue  ,  qu'il  écrivit  ses  Azolains.  Ce 
sont  des  discours  d'amour,  ainsi  nom- 
més ,  parce  qu'on  suppose  qu'ils  fu- 
rent faits  dans  le  château  d'Azolo.  Il 
n'avait  alors  que  vingt  six  ans  (10). 
Ce  livre  italien  eut  un  grand  succès  , 
tant  parmi  les  hommes  ,  que  parmi 
les  femmes  :  on  aurait  passé  en  Italie 
pour  un  novice  ,  si  l'on  n'avait  pas 
eu  connaissance  de  cet  écrit,  Eos  li- 
bros  tantJ  hominum  ,  mulierum  eliam 
médius  Jidius  approbatione  ,  et  tan- 
quam  plausu  exceplos  récentes  esse 
meminimus  ,  ut  extemplb  cuncla  eos 
ludia  cupidissimè  lectvârit  ,  atque 
duliceiil  :  ut  non  satis  urbani  aut  élé- 
gantes ii  haberentur  ,  quitus  Aiulanœ 
illœ  Disputationes  essenl  incognito; 
(11).  11  a  été  imprimé  beaucoup  de 
fois.  Un  certain  Jean  Martin  ,  secré- 
taire du  cardinal  de  Lenoncount ,  en 
fit  une  traduction  française  ,  qu'il  pu- 
blia l'an  i545. 

Il  la  fit  sur  l'édition  italienne  de 
l'an  i54o  ,  qui  avait  été  précédée 
de  trois  ou  quatre  autres  depuis  celle 
de  l'an  i5i5;  et  il  observe  cela  ,  afin 
d'empêcher  qu'on  ne  s'étonne  des  dif- 
férences qui  se  trouvaient  entre  sa 
version  ,  et  l'original  imprimé  chez 
Aide  l'an  i5i5  (12).  S'il  leur  plaist 
considérer ,  dit-il  (i3),  que  depuis  ce 
temps  l'œuvre  de  M.  Bembo  a  esté 
trois  ou  quatre  fois  réimprimée  ,  et 
que  ledict  seigneur  Bembo    en    a   ex- 


trabilis.  Ne  quid  de  rébus  ipsis  atque    pressentent  nslé  plusieurs  choses  qui  lui 

semblaient  superflues  ;  mesmes  que  la 
dernière  impression  (  laquelle  j' af  suj 
vie  )  est  de  l'an  mil  cinq  cens  qnaran 
te  ,  fnicle  (  comme  il  est  à  présuppo- 
ser )   soubz  son  auctorité  et  licence  ; 


scienliis  dicam  sapientiœ  inanissimis 
et  miré  languidis  ,  et  (  repetendum  est 
enim  ,   quod   ejus   proprium  maxime 
est ,  )  ineptis  (^). 

(D)  //  commença  de  bonne  heure  à 
courir  les  risques'de  la  qualité  d'au-     mon  opinion  est  qu'Uz  ne  diront  que 
leur.  ]  Pendant  les  trois  ans  (8)  qu'il    j'ayeencest  endroict  faict  tort  à  lauc- 
passa  dans  la  Sic  le  ,  écolier  de  Con 


stantiu  Lascaris,  professeur  en  langue 

(6)  Voyez  sa  Dissertation  sur  une  harangue 
prononcée  à  Rome ,  pag-  973.  C'est  te  IXe; 
Discours  de  ses  Oliuvres  diverses. 

(*i  Comment,  in  Ep.  Paul,  ad  Philem. ,  cap. 
XVIII. 

(7)  Lanzius,    Oratione  contra    iuliam  ,  pag. 

(8)  C'esl-à'dire  ,  depuis  1482  ,  jusqu'en  i485. 


(r,)Berobus,  Epist.  VI,  lib.  11. 

(10)  Joli.  Casa  ,  in  Vitâ  Berabi  ,  pag.  i43. 

(n)  Idem,  ibidem. 

(12)  On  voit  au  Catalogue  de  la  Bibliothèque 
de  Nicolas  Heinsius,  h  la  page  i83  de  la  IIe. 
partie  ,  Gli  Asolani  di  Pii-tro  Bembo,  Aid.  i5o5. 
Il  est  sûr  qu'ils  furent  imprime'*  celte  année-là. 
Voyez  la  VHlOettre  du  IVe.  livre  de  Bembus. 

("1 3)  Jehan  Martin,  Avis  aux  lecteurs.  Oui.- 
trouve  à  la  fin  du  livre. 


BEMBUS. 


Soi 


teur.  Ceci  sert  de  quelque  chose  à 
Gafl'arel  ,  qui  ,  se  voyant  censuré 
d'employer  sa  plume  à  des  matières 
peu  convenables  à  un  ecclésiastique  , 
se  couvrit  de  L'autorité  de  plusieurs 
exemples  ,  et  nommément  des  Azo- 
lains  du  cardinal  Bembo  (i4)-  On  pou- 
vait lui  opposer  que  cet  ouvrage  fut 
composé  par  un  jeune  gentilhomme  , 
qui  n'avait  encore  nul  engagement  à 
l'état  ecclésiastique  ;  mais  il  eût  pu 
répliquer  que  l'auteur  en  fit  une  nou- 
velle édition  depuis  son  cardinalat. 

(E)  On  l'a  accuse  d'avoir  publié  des 
poésies  trop  libres  et  trop  impures.  ]  On 
a  déjà  vu  (i5)  ce  que  Lanzius  lui  re- 
proche ;  et  voici  un  passage  de  Scali- 
ger  :  Petrus  Bcmbus  elegiaco  (  car- 
miné )   eam  partent  corporis  huniani 


ami  de  ne  lire  point  les  Épîtres  de 
saint  Paul ,  de  peur  de  gâter  son  style. 
Adverlile  ,  atuhtores  ,  inepîi  honunis 
impietalem  cum  pari  stultiiid  conjunc- 
tani.  Is  siquideniEpistolas  omnes  Pauli 
palam  condenmaiil ,  easque  deflexo  in 
contuiueliam  ^ocrtèu/oEpistolaccias  est 
ausus  appellarc  ,  cum  amico  auctor  es- 
set  ne  illas  altingeret  ,  vel  si  cœpisset 
légère,  de  manibus  ejiceret,  si  elegan- 
tiani  scribendi  et  eloquentiam  adama- 
ret  (20).  D'autres  prétendent  qu'ayant 
su  que  Sadolet  expliquait  l'Ëpître  aux 
Romains ,  il  lui  dit.  :  «  Laissez  là  ces 
»  niaiseries  ;  elles  siéent  mal  à  un 
»  homme  grave.  »  Oniitte  has  nugas  j 
non  enim  décent  gravera  virum  taies 
ineptiœ  (21)  *.  Nous  verrons  ailleurs 
(22)  un  conte  qu'on  a  fait  courir ,  et 


celebravit ,  sine  quâ  nulïa  obscœnilas    qui  marquerait  qu'il  ne  croyait  pas 
foret.  Legalur  ejus  elegia  ,  cujus  ini-    l'immortalité  de  Pâme. 

(G)  On  ne  s'accorde  pas  sur  le  sexe 


liant  : 

Ante  alias   omnes,    meus     Lie    quas    educat 
liortus, 
L'n.i  puellares  allicit  berba  raanus. 

OuO'l  poëma  mérita  focare  possis  ob^ 
Scœnissiruam  eleganliam,  aut  eleganlis- 
simarn  nbscœnitatem-  Unius  etquadra- 
ginla  distichoru7iiest(\6).  M.  de  Thou 
et  M.  Ménage  vont  me  servir  de  nou- 
veaux témoins  :  celui-là  ,  par  ces  paro- 
les, Jllius  (Bembi)  multalicentiosius, 
ut  temporum  nequitia  et  donum  eue 
serviebat  mores  jérebaul ,  scripla  ex- 
stanl  (17)  ;  celui-ci,  par  cette  remar- 
que :  <(  S'il  était  vrai  que  le  (Jasa  eùl 
»  été  exclus  du  cardinalat  ,  à  cause 
m  de  ce  poème  ,  le  cardinal  Bembo 
»  aurait  été  plus  heureux  que  lui  ; 
»  car  les  vers  licencieux  qu'il  lit  dans 
»  sa  jeunesse  ,  et  qui  sont  encore  plus 
»  licencieux  que  ceux  du  Capitolpdel 
»  Forno  .  ne  l'empêchèrent  pas  cPêtre 
»  cardinal  \,i8)    » 

(F) et  d'avoir  parlé-de  la  parole 

de  Dieu  avec  beaucoup  de  mépris.  ]  Je 
n'ai  pu  remonter  que  jusques  à  un 
auteur  allemand  ,  nommé  Thomas 
Lanzius  ,  qui  a  publié  diverses  haran- 
gues pour  et  contre  les  nations  de 
l'Europe.  11  dit  ,  sans  citer  personne 
(19)  ,    que    Bembus   conseillait    à    un 

(i4)  Gafl'arel  ,  prrface  des  Curiosités  inouïes. 
(i5)  Ci-dessus,  citation  (7). 
(16     Scaliger,   Confut.it.    Fabulœ  Burdoouni , 
fit  :;  ■  iz'i. 

(i-;  Thum.  ,  lib.   III .  sub.  fin.pag.  66. 
(iS)  Menasse  ,  Anti-Baillet  ,  ckap.  CX  Y 
fig     Kortij;  cite   Scipio  Gentilis  ,  Couimentar 
;  dEpist.  Pauli  ail  Pbileiw. ,  pag.  i,o. 


de  ses  enj'ans.~\  M.  Moréri  lui  donn« 
deux  fils  et  une  bile  ;  mais  Imperialis 
observe  que  Bembus  garda  toute  sa 
vie  une  concubine  ,  de  laquelle  il  eut 
trois  tilles  (23).  Il  est  certain  que 
Bembus  avait  un  (ils  nommé  Torqua- 
to  ,  auquel  Manuce  a  dédié  son  Vir- 
gile. Je  ne  doute  point  qu'Imperialis 
ne  se  soit  trompé  ;  car  Jean  de  la  Casa, 
qui  a  écrit  la  vie  de  Bembe  avec 
beaucoup  d'application  ,  marque  ex- 
pressément que  sa  maîtresse  lui  don- 
na deux  fils  ,  savoir  Lucilio  et  Tor- 
qualo  ,  et  une  fille  nommée  Hélène  , 
qui  eut  pour  mari  Pierre  Gradeuigue. 
11  remarque  aussi  que  cette  maîtresse 
était  une  belle  femme  ,  et  que  Pierre 
Bembus  ,  bien  fait  de  sa  personne  , 
poli  ,  galant  ,  doux  et  honnête,  était 
fort  aimé  dans  les  compagnies.  Pen- 
dant son  séjour  à  Ferrare  ,  le  duc  Her- 
cule d'Est  ,  et.  Lucrèce  Borgia  ,  femme 
d'Alphonse  d'Esl  ,  lui  témoignèrent 
une  amitié  particulière  (24)- 

(H)  On  a  une  de  ses  leltrts  qui  té* 

(ao)  Laniius  ,  Oral,  contra  Ilaliam  ,  pag.  ^83. 

(ai)  Greg.  Micbacl,  Not.  in  Curiositates  Gafl'a- 
rclli  ,  pag.  m. 

*  Ces  paroles  que  s'est  appropriées  G.  Miclicl 
dans  sa  traduction  latine  des  Curiosités  inouï  . 
ctf  Gaffarrl  sont,  dit  Joly  ,  de  Victorin  Slri- 
gelius  ,  ué  en  ID24.  auteur  <l\.n  <  orumenlaire 
-m  les  psaume*.  <e^t  dans  son  i  implication  du 
psaume  1^   qu'on  les  trouve. 

(as)  /'h /if  la  remarque  (P)  de  l'article  Mt- 
lancbthon  ,  a  la  fin. 

(23,  imperialis  ,  in  Mus.-to  Lislorico- 

(a.'t)  Jobao.  Casa  ,  ir.  Visa  Bembi. 


3o2  BEMBUS. 

moiene  que  ses  deux  aïeules  ont  vécu  privari  lectissimâ  prudentissimâque 
cent  ans.  ]  Comme  cette  lettre  est  conjuge ,  cum  quâ  duodequinquaginla 
courte  ,  je  la  rapporte  toute  entière  annos  sine  clla  querela  concordissimè 
■  25)  :  on  y  verra  que  Benibus  aurait  vixisses  ,  ttbi  patn  meo  acerbissimum 
volontiers  sacrifié  ces  dei.x  vieilles  alque  luctuosissimum  pularem  futu- 
femmes  à  la  vie  de  feu  son  Irère.  rum  ,  hnrum  duarum  causarum  altéra 
Petrus  Bembus  HerculiSlroUo.  Avias  me  abs  te  levait  sentiebam  ,  etc.  (29). 
ambas  meas  ejfœtas  ,  deploratasque  Cette  lettre  ,  datée  d'Urbin  le  22  de 
feminas  ,  et  jam  propè  centum  anno-  novembre  i5og,  est  un  grand  éloge 
rum  muiieres  mihi  juin  reliquerunt  :  de  la  mère,  et  un  illustre  témoignage 
unicumfralrem  meumjuvenem  acfio-  de  la  tendresse  du  fils.  Elle  mérite 
rentem  abstulerunl ,  spem  et  solatia  d'être  lue  d'un  bout  à  l'autre.  Bernard 
mea.  Quamobrem  quo  in  mœrore  sim  Bembus  avait  déjà  des  petits-fils.  Sa 
ipse  facile  pnles  existimare.  Reliqua  femme  avait  vécu  près  de  soixante-dix 
ex  nieis  ïiitelliges.  Heu  me  misenun  !  ans.  11  y  a  une  autre  lettre  de  Pierre 
Vale  Id.  Jftn.  i5o4.  Kenetiis.  Il  fut  Bembus,  où  l'on  voit  sa  tendresse 
beaucoup  plus  sensible  à  la  mort  de  fraternelle  ;  car  il  y  représente  vive- 
sa  mère.  Voyez  la  remarque  (K).  ment  l'infortune   de  sa  sœur  ,    afin 

(l>  Speron  Sperone  lui  attribue  d'à-  d'obtenir  du  patriarche  de  Venise 
voir  fait  "rand  cas  de  la  connaissance  quelque  remède  aux  malheurs  de  cette 
des  langues  ]  C'est-a-dire  ,  de  l'avoir  femme.  Elle  était  mariée  à  un  homme 
préférée  au  marquisat  de  Mantoue.  abandonné  à  toutes  sortes  d'impure- 
Io  sa  nulla  per  rispetto  a  que'  gloriosi  :  tés,  et  qui  donnait  à  des  créatures 
ma  auel  p>>co  che  io  ne  so  délie  lin-  prostituées  toute  l'amitié  qu  il  devait 
«ne  non  lo  cangierei  al  marchesato  à  son  épouse.  Marcelti  ejus  manu  me- 
di  Mantoua  (26)  Comme  un  faiseur  de  retncio  amore  animus  lurpiter  abalie- 
dialogue  ne  se  fait  pas  une  religion  de  natus  (3o).  De  Marcello  etiam  spero 
ne  faire  dire  à  ses  personnages  que  ce  fore  ,  ut  cùm  se  ille  meretricid  consue- 
ciu'ils  ont  dit  enèctivement ,  je  n'ap-  tudine  plend  infamiœ  ,  plend  calanu- 
m-ouverais  pas  trop  que  l'on  soutînt  talis  ,  liberatum  per  te  solulumque  se- 
nne Pierre  Bembus  a  eu  réellement  et  dato  anima  alque  pacato  cognont ,  tibi 
d'effet  le  coût  que  Speron  Sperone  lui  gratins  agat  ,  qubd  illum  belluarum 
attribue  qu'on  le  soutint,  dis-je  ,  more  sine  pudore  ,  sine  lege  ,  sine  ullo 
sans  autre  preuve  que  le  dialogue  officia  degentem  ad  hominum vitam 
de  cet  auteur  Quelqu'un  a  cité  Spe-  ralionemque  traduxens  (il).  111a  mal- 
ron  Sperone  comme  si  Bembe  n'avait  traitait  horriblement  ,  sans  se  laisser 
uarlé  ciue  de  son  talent  d'écrire  en  attendrir  par  la  patience  ,  par  le  si- 
latin  (In)  ■  mais  il  est  sûr  ,  par  les  pa-  lence  ,  par  la  pudeur  ,  avec  quoi  elle 
rôles  aue'  l'ai  citées  ,  que  Bembe  a  tâchait  de  le  ramener  a  son  devoir, 
carié  en  -énéral  de  la  connaissance  Nolo  libi  commemoraie  quot  aut 
qu'il  avait  des  langues  :  et  il  ne  faut  quantas  indignitales  ,  Antonia  soror 
pas  s'imaginer  qu'il  ait  prétendu  ex-  universum  liennium  perlaient  ,  dum 
clure  la  grecque  ,  qu'il  avait  apprise  prudens  alque  oplima  mulier,  huma- 
en  Sicile  sous  Lascans  jusques  au  point  mtate  ,  pudore,  contuienlia  ,  labore 
d'écrire  très-bien  en  grec  (28).  etiam  summo  suo  ,  quodque  inhujus- 

(K)  Sa  mère  avait  vécu  quarante-  modi  rébus  solet  esse  difJiciUimum  , 
huit  ans  avec  son  mari  dans  une  con-  taciturmtate  ,  vin  improbitatem  ,  per- 
corde  qu'aucune  plainte  n'avait  jamais  ditissimosque  mores  placare  ,  ac  Jtec- 
interrompue  }  Voici  ses  termes  :  Cùm  tere  in  meliuscupit  O2).  C  est  une  let- 
duœ  essent  causœ  quibus  maxime  cotn-  tre  encore  plus  belle  que  1  autre.  Elle 
moveri  dtbui  ad  luclum,  una,  qubd  est  datée  d'Urbin  ,  le  7  de  juillet  ijio, 
vie  parente  optimd  meîque  amantissi-  et  cela  fait  naître  une  petite  difficulté  ; 
md  orbatum  viderem  :  altéra  ,  qubd  te  car  on  y  suppose  que  la  mère  de  Bem- 
bus était  vivante  :  Curandum  tibi  certe 

(25)  Cesl  la  XVI'.  du  III'.  IU>. ,  pag.  486. 

(26)  Speron  Speroue  ,  dans  le  dialogue  délie         (2gj  petlus  Bembus  ,  Epist.  VI ,  lib.  I,  pag. 
Lingue     fohu  i»7  verso.  /J26. 

f  2-ï  Teisner,  Addit.  à  M.  de  Thou,  loin.  I,         (3o)  Bembus  ,  Epist.  1  ,  Idt.  F,  pag.  55f>. 
„ae   11  (3l)  Ibidem->  PaS-  5tia- 

&)  Min.  Casa ,  m  Viti  Bembi.  P»)  ***"»  .  P<* •  *"• 


BEMBUS. 


3o3 


est  ne  soror  mea  ,  ne  pater  ,  ne  mater  , 
ne  universa  nostra  fami'ia...  securè 
tandem  ac  plane  libéré  irrideamur(S3): 
et  nous  avons  vu  qu'au  mois  de  no- 
vembre i5og  on  écrivit  à  son  mari 
une  lettre  de  consolation  sur  son  état 
de  viduite.  Il  est  fâcheux  que  tant  de 
lettres  de  grands  hommes  soient  mal 
datées  (34). 


On  voulut  qu'il  la  commençât  où  Sa- 
bellicus  l'avait  finie  (37) ,  et  qu'il  la 
continuât  jusques  à  son  temps.  Cet 
intervalle  comprenait  quarante-qua- 
tre années  (38).  Il  ne  le  remplit  point  • 
car  il  termina  son  ouvrage  à  la  mort 
de  Jules  II.  Cette  histoire  est  divisée 
en  XII  livres ,  et  fut  imprimée  à  Ve- 
nise ,  l'an  1 55i ,  et  contrefaite  la  mê- 


(L)  Unie  blâma  de  flatterie....  voici    me  année  à  Paris  ,  chez  Michel  Vas- 
cnmment    il  se   disculpa.  ]  Lorsqu'il    cosan,  in\°.  Elle  fut  ensuite  imprimée 

à  Bâle ,  avec  les  autres  oeuvres  de 
Bembus,  en  trois  volumes  in-8°. ,  l'an 
1567.  Ni  lui ,  ni  aucune  autre  person- 
ne ,  ne  put  tirer  nul  profit  du  travail 
d'André  Navagiero  ,  qui  avait  eu  une 
semblable  commission  ,  et  qui  ordon- 
na en  mourant  qu'on  brûlât  tous  ses 
écrits  (39).  On  a  vu  dans  la  remarque 
(B)  le  jugement  quia  été  fait  de  cette 
histoire  de  Bembus. 

(N)  On  prétend  qu  il  eut  dessein  de 
refuser  le  cardinalat.]  Moréri  en  parle 
assez  au  long  •  mais  il  n'a  point  fait 
connaître  les  beautés  que  Jean  de  la 
Casa  qu'il  copie  a  répandues  sur  ce 
récit.  Cet  historien  de  notre  Bembus 
déclare  qu'il  sait  bien  que  plusieurs 
personnes  rejetteront  cette  partie  de 
son  narré  ;  et  que  comme  la  plupart 
des  gens  jugent  d'aulrui  par  eux-mê- 
mes ,  on  ne  trouvera  point  croyable 
que  Pierre  Bembus  ait  sincèrement 
méprisé  un  grade  d'honneur  ,  que 
presque  tout  le  monde  juge  très-digne 
des  vœux  les  plus  passionnés  et  les 
plus  ardensj  mais  que  pour  lui,  qui 
écrit  pendant  que  les  choses  sont  en- 
core fraîches,  et  pendant  qu'une  par- 
tie des  acteurs  sont  encore  en  vie,  il 
fie  doit  pas  être  soupçonné  d'impos- 
ture; qu'après  tout,  il  n'a  pas  eu 
peur  des  apparences  de  mensonge  qui 
accompagnaient  la  vérité  qu'il  avait  â 
dire,  se  souvenant  bien  que  la  faute 
de  ceux  qui  osent  mentir  dans  une 
histoire  n'est  pas  moindre  que  la  faute 
de  ceux  qui  craignent  d'y  étaler  la 
vérité.  Non  plus  que  M.  Moréri  ,  je  ne 
représente  pas  les  beautés  de  l'origi- 
nal; c'est  pourquoi  je  les  ferai  voir 
elles-mêmes  à  ceux  qui  entendent  le 
latin.  JYon  sum  nescius  mutins  fnre. 
qui  nnstra;  oratinm  hw  ai  rc  parum 
Jiilei  hab'-ant  :  pterique  étant  omnes . 
quid  de  attend  volunlate    credendunt 

(37)  Environ  l'an  i486. 

(38;  Bembus  ,  inilio  Hist.  Rerum  Venetar. 

(iq)  Idem,  itid. 


mit  au  jour  ,  en  i535,  les  lettres  qu'il 
avait  écrites  au  nom  de  Léon  X ,  il  les 
dédia  à  Paul  III ,  et  le  déclara  beau- 
coup plus  savant  que  n'avait  été 
Léon  X.  Eas  aulem  ad  te,Paulc,  potis- 
simùm  lilteras  mitlo  ,  qui  et  ponlifex 
taux  anus  es  ,  ut  Léo  decimus  fuit  ,  et 
in  oplimarum  artium  disciplines  mullby 
quant  die  ,  habitas  doctinr.  Vera  enim 
Juleri  omnes  non  solum  honestè  possu- 
mus  ,  sed  etiam  debemus.  On  trouva 
que  cet  éloge  passait  les  bornes  :  on 
n'y  voyait  ni  le  caractère  de  Bembus  , 
ni  le  souvenir  des  grandes  obligations 
qu  il  avait  à  Léon  X  ,  ni  la  vérité. 
Esse  nnnnullos  qui  me  in  laudan- 
do  Paulo  Pont.  Max.  tnngiùs  pro- 
gressant esse  putenl  quant  aul  mei  ntn- 
res  ,  aul  summa  in  me  Leonis  JC  offi- 
cia ,  aul  verilas  omninb  ipsa  postula- 
nt (35).  Il  répondit  au  Molsa  ,  qui 
l'avait  averti  de  cette  critique  ,  qu'il 
n'avait  donné  la  préférence  a  Paul  111 
qu'à  l'égard  des  belles-lettres  ,  où  les 
malheurs  domestiques  avaient  empê- 
ché Léon  X  de  faire  de  grands  pro- 
grès ;  qu'il  s'était  bien  gardé  de  juger 
Lequel  des  deux  surpassait  1  autre  en 
prudence  ,  en  fermeté  ,  en  tempéran- 
ce ,  en  bonté  ,  en  libéralité  ;  qu'il 
n'était  pas  difficile  de  connaître  que 
le  pape  Paul  avait  plus  d'érudition  que 
l'autre  ;  qu'il  n'avait  jamais  manqué 
de  reconnaissance  pour  Léon  X  ,  quoi- 
qu'il lui  fût  moins  redevable  de  sa  for- 
tune qu'à  Jules  II  :  Tametsi  medtam 
plus  partent  earunt  quas  haben  fnrlu- 
narum  nninium  Julius  secundus  Pont. 
Max.  eut  nunquam  inser.'ivi  confie 
Ut  (36). 

(M)  Il  fut  nomme...  pour  écrire  /'His- 
toire   de   la  République    de  Venise.  ] 

(33)  Ibidem. 

(34)  rqjtêt,  tom.  I".,  la  remarque  (B)    Je 
l'article  (d'André)  Ahmomils. 

(Ï5)  Bembus,  Epist.  LXXXV  ,  Ub.  VI,  pag. 
-01. 

Ufi)  Id.  ,  ibid. ,  pag.  70a 


3t>4 


BEMBUS. 


sit ,  de  sud  conjecturant  faciunt  :  ila-  fait  la  même  remarque  ,  par  rapport  à 

que ,  incredibile  multis  uisuiu  iri  in-  ceux  qui  assistent  à  une  oraison   fu- 

telligo ,    Bembum   id  vere    atque  ex  nèbre.  «   La   louange,   disait-il,  que 

aninio  aspernaium  esse  ,  qund  omnes  ,  »  les  auditeurs  se  croient  capables  de 

Jerè  sumrnd  cupidilate ,  expetendum  «mériter,    n'est    point    sujette   à   la 

atque   optabde    esse    exisltment ,    ta-  »  critique  ;  mais  si  elle  surpasse  leurs 

metsi    scribtmus    hœc   revenu    hujus  »  forces,  elle  les  rend  envieux  et  in- 

j'acti    memorid  ,    multisque  ,    qui    in  »  crédules  :  ils  la  prennent  pour  une 

agendo  adfuerunt,  superslilibus ,  quos  »  fiction  et  pour  une  flatterie.  »  Ea- 

mendacii    atque   impudenitœ    nostrœ  tenus  tolerabiles  sunt  alienœ  laudes , 

conscios    ac    testes    habere    cur   veli-  qualenùs  seipsum  quisque  parent  ar- 

nius  causa  nulla  est.  Sed  quoniam  par  bilralur  alicui  illarunt   assequendœ  : 

eorum  peccalum  esse  censemus,   qui  quibus   verb   imparem  ,    iis    ini'idil , 

menliri  in  historié  audent,  atque  eo-  jîdemque  non  kabet  (4^).   Le  fonde- 

rum  ,  qui  dicere  verum  rcf'ormidant  ;  ment  de  tout  cela  est  que  chacun  s'ac- 

mendacii  specicm ,  verum  tùrn  dicturi  coutume  à  mesurer  à    son    aune   les 

essemus,  non  horruimus  (4o).   Je  me  actions    d'autrui.    Quœ   volumus    et 

sens  obligé  de  dire  ici  que  je  ne  suis  credimus  libenter ,  ce  sont  les  paroles 

point  de  ceux  dont  Jean  de   la  Casa  de  Jules  César  (43) ,  et  quœ  senlimus 

prévoyait  l'incrédulité  :  j'ai  vu  dans  ipsi,   reliquos  stniiie  speramus.  Rien 

les  lettres  de  Pierre  Benibus  tant  de  n'est  plus  facile  que  de  tromper  ceux 

caractères,  non-seulement  d'un  hon-  qui  n'ont  jamais  trompé  ,  et  rien  n'est 

nête  homme,  et  d'un  ami  généreux  et  plus    difficile  que    d'attirer  dans    un 

officieux,  mais  aussi  d'un  savant  qui  piège  ceux  qui  ont  toujours  agi  frau- 

préférait  aux  vanités  et  à  la  pompe  de  duleusement  (44)-  On  devine  bientôt 
la  cour  la  tranquillité  d'une  retraite    la  raison  de  cette  facilité,  et  de  cette 


qui  permet  de  se  consacrer  tout  entier 
aux  muses,  que  je  n'ai  aucune  peine 
à  m'imaginer  qu'il  souhaita  tout  de 
bon  de  n'être  point  cardinal. 


difficulté.  Une  bonne  âme  ,  simple  et 
sincère,  ne  soupçonne  pas  qu'on  soit 
enclin  à  la  fourberie;  et  la-dessus, 
elle   agit   sans    beaucoup  de   précau- 


(0).  .  ■  Son  historien.  .  .  a  dit  que  tion  ;  mais  un  fourbe  ,  se  persuadant 
cela  serait  regardé  comme  une  fable  que  les  autres  hommes  sont  faits  com- 
par  ceux  qui  jugent  de  leur  prochain  me  lui,  se  tient  en  garde  contre  tous 
par  eux-mêmes  ;  et  il  a  ea primé  noble-  les  artifices  qu'il  sait  bien  qu'il  em- 
menl  ce  lieu  commun.  ]  C'est  ce  que  ploierait  en  semblables  occasions.  On 
l'on  vient  de  voir  dans  ses  paroles  la-  a  de  coutume  déjuger  désavantageu- 
tines  •  et  par  conséquent  il  ne  me  reste  sèment  de  ceux  qui  se  défient  de  tout, 
à  pro'uver  si  <5e  n'est  qu'il  y  a  là  un  et  qui,  croyant  sans  aucune  peine  tous 
lieu  commun.  Je  le  ferai  voir  sans  les  mauvais  bruits  qui  courent  de  leur 
peine.  Il  y  a  long-temps  qu'on  a  mis  prochain  ,  nient  ou  révoquent  en 
entre  les  difficultés  du  métier  d'histo-  doute,  ou  interprètent  en  mal  les 
rieu.  la  coutume  qu'ont  les  lecteurs  plus  belles  et  les  plus  louables  actions 
de  prendre  pour  des  mensonges  les  dont  on  leur  parle.  On  leur  applique 
actions  sublimes  dont  ils  se  sentent  ce  que  Phèdre  a  dit  de  certaines  gens, 
incapables.  At  mihi  quidem  ,  disait  qui  prennent  pour  une  offense  per- 
Salluste  ....  in  primis  arduum  ui-  somielle  les  descriptions  ou  les  censu- 
re tur ,  res  gestas  scribere ,  primùm,  res  du  vice.  «  Est-ce  ainsi  ,  leur  a-t-il 
quodfactadiclis  exœquanda  sunt  :  de  dit,  que  vous  avez  l'imprudence  de 
hinc ,  quia  plerique  ,  quœ  deticta  re-  révéler  les  secrets  de  votre  cœur  ?  » 
prehenderis  ,  malevolentiâ  et  invidid 
dicta  putant  ,  ubi  de  magna  virtute 
atque  glorid  honorum  membres  ,  quœ 
sibi  quisque faciliafactu  putat ,  œquo 
animo  accipit ,  'supra,  uelulificlapro 
falsis  ducit  (40-  Pe'riclès  avait  déjà 


(4o)  Joannes  Casa,  in  Vitâ  Pétri  Bembi,ptf£ 
i5o  Colleclionis  Batesii. 
(4i)  Sallust.  ,   in   Proœm-  Belli  Catil.  .  pa$ 

lel". 


Suspicione  xi  quis  errabit  sud, 

El  rapiel  ad  se  quod  eril  commune  omnium, 

Stultè  nudaba  attirai  conscientiam   (45). 

f4?)  Thucydid.  ,  lib .  TI,pag.  100,  loi  ,  edit. 
lalinie  Franco/.,  an.   i58g. 

(43)  Cœsar.  ,   de   Bcllo   civili ,   hb.  Il,  pag. 

(44 1  Foyez   les  vers  fiançais  que  je  rapporte 
dans  la  remarque  (A)    de  l'article  d'Eva. 
(45)  Phœd.  ,  lib,  III,  m  prolo^o. 


BEMBUS. 


3o5 


D'autres  s'étaient  déjà  servis  de  cette  Ut  quisque  pessimus  est,  ita  de  aliis 
pensée.  Ciceron  a  dit  :  Neminem  no-  pessimè  suspicatur.  Qui  fastu  tumet , 
mino  ,  quare  irasci  mihi  ncmo  polerit,  supcrbos ;  qui  dii'itiis  inhiat,  avaros  , 
nisi  qui  anlè  de  se  voluerit  conjiteri  qui  sanctitatem  Jingit,  hypocritas  ; 
(46).  Saint  Jérôme  a  dit  depuis:  qui  dolos  versai,  proditores  ;  qui  nulld 
Quando  sine  nomine  contra  vitia  scri-  jide  et  conscientid  est,  conscientiam 
bilur  ,  qui  irascitur  accusalor  est  sut  pensi  non  haberc  una  secum  omnes 
(47  •  On  prétend  donc  que  ces  cré-  exislimat.  ■  .  .  (49J-  Si  figilantianis , 
dules  à  l'égard  de  la  médisance,  qui  qui  nullos  castos  ex  clero  ci  edebant , 
sont  d'ailleurs  incrédules  à  l'égard  de  benè  objicit  Hieronymus ,  satis  nsten- 
ce  qui  comble  de  gloire  leur  prochain,  dant  quant  sanctè  vivant ,  qui  malà  de 
témoignent  le  mauvais  état  de  leur  omnibus  susjjicantur  ;  certè  satis  con- 
âme  ,  leur  disposition  à  mal  faire,  scientiam  tuam  ,  quant  jaclas  puram  , 
leur  impuissance  par  rapport  au  bien,  quant  sit  tetra  et  impia  ostendis,  qui 
M.  le  Fèsre  se  servit  de  ce  lieu  com-  de  scriploiibus  romanis,  parisiensi- 
mun  contre  ceux  qui  voudraient  dire  bus  ,  modernis  ,  antiquis  ,  grœcis  , 
qu'il  avait  fait  une'  action  fort  con-  latinis  ,  imperatoribus  enristianis  , 
traire  à  la  piété  ,  en  soutenant  que  le  summis  pontificibus  anliquissimis  , 
passage  de  Josephe  touchant  Jésus-  conciliis  generalibus  plenissunis ,  sex 
Christ  est  une  pièce  supposée.  «  Ils  fe-  christanis  seculis  ,  tetra  et  impia  non 
»  ront  voir,  dit-il,  que  l'impiété  ne  suspicaris  modo,  sed  certissimè  ajjir— 
»  leur  paraît  qu'une  bagattlle  ,  s'ils  mas,ubinelei>issima  quidemjustasus- 
»  en  accusent  les  autres  sans  nulle  rai-  picionis  umbra  est  (5o). 
»  son.  »  Si  quis  tanten  aliter  judica-  Notez  qu'il  n'y  a  point  de  matière 
vent,  et  meunt  senbendi  consilium  in  sur  quoi  les  catholiques  romains  se 
crimen  detorscrit ,  is,  ut  ait  »iixa>Ta.TGç    soient  plus  servis  de  ce  lieu  commun  , 

que  sur  le  chapitre  de  la  continence- 
car  ils  ont  affecté  de  dire  que  ceux  qui 
accusent  les  ecclésiastiques  de  ne  la 
point  garder,  et  ceux  qui  en  jugent 
presque  impossible  l'observation,  sont 
des  impudiques  qui  jugent  d'autrui 
par  eux-mêmes  (5iJ.  Le  jésuite  qui , 
sous  le  faux  nom  de  Joannes  Baptista 
Gullus  ,  écrivit  contre  M.  de  Thou  , 


poêla  , 

Stultè  nmlabit  anirui  conscientiam. 

Q uemadmodltm  enim  et  rectè  et  verè 
olim  pronunciavil  Amphis  , 

cç-'Ç  c/xvt/ovri  y.viiiv  Trt&nsu  , 

ett/TOÇ   êfl-IOfJtfîv   foldYûJC  tTriçcttctt , 

Sic  non  minus  verè  dici  potest ,  qui 


ob  rem  nullam  alios  impietatis  insimu-  eut  l'audace  de  débiter  que  ce  grand 
lant ,  eos  satis  apertè  ostendere  quant  homme  ayant  la  réputation  d'aimer 
Levé  peccalum  e.tistiment  tant  dirum  les  femmes,  croyait  aisément  que  les 
scelus  (48).  Les  deux  vers  grecs  de  ce  autres  hommes  avaient  le  même  dé- 
passage ont  un  très-beau  sens;  ils  si-  faut,  et  lui  allégua  Néron.  ()u,  d  de 
gnifient  que  celui  qui  n'ajoute  point  de  IVerone  Jerunt ,  qui  cùm  perditissimè 
foi  aux  sermens  de  son  prochain  n'a  et  impurissimè  viveret ,  caslum  esse 
nulle  peine  à  commettre  des  parjures,  passe  neminem  censebat  (52).  Osten- 
Cela  ressemble  beaucoup  à  ces  paro-  dunt,  continue-til  ,  ajebat  S.  Hiero- 
les  de  Tertullien  contre  un  faiseur  de  nymus  de  hœrclicis  agens ,  quant  caste 
jugemens  téméraires  :  Si  potes  ista  de  vivant,  qui  benè  de  alits  senlire  aut 
aliis  credere ,  potes  et  facere.  Un  de  Loqui  nequeunt,  a-cjiîç  àTstç9*xi>tç  <f«t- 
ceux  qui  écrivirent  contre  Marc-An-  /AirpmuTt  aL-ra.vTx.ç.  Ce  grec  est  cité 
toine  de  Donnais  fit  bien  valoir  ce  comme  de  Grégoire  de  Nazianze. 
lieu  commun.  Hic  aliud  argumentum  Ce  qu'on  allègue  de  Néron  se  trouve 
adducam,  quo  ostendam,  conscientiam 

tuam  et  fidem  meritô  liobis  et  cordato  ,   (M),  r"M"  Aonosus  Vereraentanus  Tbeologns 

.    .        J                                     ,    ,              j\ta   .  •  (c  esl-a-dirt  ,  Jean  Flovd  ,  lesuite  «"«toi,)  ir. 

cuivis  suspectant  esse  debere.  IVostt,  ilypocrisl  Marci  Anionii  de  Domini»  detecti , 

Opinor,  oraiOlis  dictunt,   CUJUS  verita-  pas;.    116,    117.    Alegainbe    le   nomme   Aonosus 

lem  quotidiana  experientia  déclarât  :  Fidelis  Verimontanus. 

(5o)  Id. ,  ibid.  ,  pag.  134. 


(4<3)  Cicero  ,  pro  Lege  Maniliâ. 
(4-)  RuCn,  lib.  I ,  cap.  III. 
(4S)  Tanaquiltas  Faber ,  Epistol.  XLIY  ,  lit. 
I  .  pas-  "S- 

TOME   III. 


(5i)  Voj*%  les  Nouvelles  [.étires  contre  1« 
Calviniamc  de  Maimbourg  ,  pag.  681. 

(5j)  Jo. -Baptista  Gallus,  in  Notation,  in  Jac. 
Auausli  Tbuam  Hisloriaruiu  libros,  cap.  IX, 

20 


3o6  BÊMÈ. 

dans  Suétone ,  et  en  plus  forts  termes.  EÊME  ,  meurtrier  de  l'amiral 
L\  x  nonnuuis  comperi,  dit  1  historien  j„  ri  **n  •  1  c  -  ^ -m  i  '• 
(53),  persuasissimum  habms.se  eum  ^eChatillona  la  Samt-Barthele- 
neminem  hominum  pudicum  ,  aut  ulld  mi  »  ne  mériterait  point  de  place 
corporis  parte purum  esse  :  uerhm pie-  dans  ce  Dictionnaire,  si  ce  n'est 
rosque  dissimularevitium,  et  cal/idi-  qu'iJ  y  a  beaucoup  de  gens  qui 
taie  obtcsere  :  ideoque  professis  apud  ■  »  •  •  i  ■•»  ' 
*e  «focaS»***»,  ç*tera  7«o,/ue  co«-  aPreS  a.v01r  connu  ,  quelqu'un 
cessisse  delicta.  Si  je  joins  à  tout  ceci  Par  quelque  crime  Irès-énorme , 
une  cruelle  et  impudente  invective  de  souhaitent  de  savoir  ce  qu'il  de- 
Scioppius  contre  Théodore  de  Bèze ,  vint  après  cela  ,  et  de  quel  genre 
ce  n  est  qu  afin  de  Ja  réfuter.  Il  assure  i  ,  -i  •  -,  r\  -i  ° 
que  la  raison,  pour  laquelle  ce  mi-  de  mor\l1  pent.  Or  d*  "e  peu- 
nistre  soupçonne  de  fausseté  l'histoire  vent  guère  contenter  leur  Cli- 
que nous  lisons  dans  le  chapitre  VIII  riosité,  sans  chercher  beaucoup, 
de  saint  Jean ,  est  parce  qu'on  y  ra-  quand  il  s'aglt  d'un  homme  vul- 
conte  que  Jesus-Christ  demeura  seul         •            »     .° 

avec    la    femme    accusée    d'adultère  gaire  :  c  est  pourquoi  on  ne  peut 
(54).  Talis  Beza,  qui  in  octavum  ca-  que  leur  procurer  du  plaisir,  lors- 
pui  Johannis  affirmât ,  sibi  mulieris  qu'on  leur  met  en  main  un  livre 
in  adulterio  deprehensœ  historiam  sus-  ou  ils  yont  dans  un  moment  a  ]a 
pectœ  fidei  ac    veritatis  esse  ,    quod  -,  -,      -  .       _    .t  , . 
Christw  dicatur  solus  cum  solâjemi-  conclusion  du  fait.  Ceci  soit  dit 
nâ  remansisse  :  sibi  nempe  conscius  ,  mie  fois  pour  toutes  à  l'égard  de 
quid  solus  ipse  cum  candidâ  sud  sold  pareils  articles.  BÊME  donc  ,  allè- 
ge consuevent  :  qui  s, eut  Sparlani,  mand    de  „ation  (A)     éj      ^     hfiZ 
quod    martiales  ac  bellatores  essent ,  i      j          J       n     ■                          t       i 
omnes   deorum    dearumque,    imagines  le   duc    de    tmise  ,    se    rendit    le 
aique  statuas  hasiaiasfaciebant ,  tan-  principal  exécuteur  du  massacre 
quam  deos  omnes  virtute  bellicd  prœ-  que   l'on  avait    résolu  de   faire 
ditos   exisùmarent  ;  ita  ipse  propler  de    pamiral   tas      Ce    fut    Béme 
suam  hbidinem  et  impudicitiam,  Chris-                   j.                 ',                        , 
tum  quoque  sanclum  sanctarum   (55).  V11  '    deS     quer  la     porte    de    la 
Je  ne  puis  rapporter  la  suite  ;  car  on  chambre   eut   été  enfoncée  ,   lui 
a  coupé  dans  l'exemplaire  dont  je  me  demanda  ,    es-tu     l'amiral  ?    et 
sers  sept  feuillets  de  suite  :  j'attribue          ;               t   su            ga     , 
cela  au  zèle  de  quelque  bon  hueue-  *    ,-,    S             i    •           ,    •  l      r 
not.  Jamais  satire  ne  fut  aussi  mal  4U  l\    demandait   ,     lui    enfonça 
fondée   que  celle-là  ;   car  il  est  bien  l'épée  au    travers   du   corps ,    et 
vrai  que  l'histoire  de  cette  femme   a  puis    lui    donna  un   grand    coup 
paru  suspecte  à  Théodore  de  Bèze;  d'estramacon  sur  le    visage.    Ce 
mais  ce  n  est  nullement  par  la  raison  n      ,    .        .      ,          ,.              o 
que  Scioppius  rapporte.  On  en  donne  Iut .lui  qui  répondit  ,   au  duc  de 
plusieurs  raisons  ,  et  si  Ton  se  sert  de  Guise  demandant  si   la  besogne 
la  remarque  que  Jésus-Christ  demeura  était  faite  ?  que  oui ,  et  qui  exé- 
seul  avec  cette  femme  ,  ce  n'est  pas  à  cuta  Fordre  qui  fut  aussitôt  don- 
cause  qu  une  telle  circonstance  con-        ,    -,     .           , l                       ,      . 
tient  un  motif  de   quelque  soupçon  ne  de  leter  Je  corPs  Par  la  fene- 
déshonnête  ,  c'est  à  cause  que  le  fait  tre.  H  fut  pris  enXaintonge,  par 
même  ne  s'accorde ,   ni  avec  la  suite  la  garnison   de  Bouteville  ,    l'an 
du  texte  ,  ni  avec  les  apparences  (5G).  ,5^    H promit  une  grosse   ran- 

{53)  Suelon.,  in  Ver^e,  cap.  XXIX.  COU  ?    et    de     faire     SOrtirMont- 

(54)  Le  cordelier  Feuardent  avait  déjà  dit  ta  hl'UU  ,  que  leSCatlloliqiieS  avaient 
même  fausseté  dans  le  chapitre  XI  II  du  IV*.  1)rjs  pn  T)flimhiné  Ta  SPulppn- 
livre  ^.«iTheomaclnacalvinistica,^.  164.  P.S     en   .LMUpiline.    l^a    SCllie  en- 

(55)  Scioppius,  in Scaiigero hypobolim.  ,/o/io  vie  de  sauver  Montbrun  empê- 
i5«kTk      ;    vin,.* a  ti  ■  a     j  pi  chaque  l'on  ne  fit  mourir  Berne; 

(5b)  royezles  INotesrf^  Iheodorede  Bèze  sur  l 

te  VIIIe.  chapitre  de  saint  Jean.  (a)  M.  de  Thou,  lib,  LU  ,  png.  1075. 


BÊME. 


UEME.  3o7 

pourquoi  il  eut  belle  peur  Bèze  en  dit  a  peu  près  autant.]  Rap- 
pj'il  eut  sut  le  supplice  de  !,01'tons  ce  qu'il  en  dit  •  car  on  y  trou- 
ibrun.  Tl  rnrrmn,,//  un  W-    ™  ?.™tr*s,  circonstances.  Parlant  de 


c'est 
dès  qu 

Montbrun.  //  corrompit  un  sol-  ^Î^TaL  , 

,   .           -7                    J              ,  ,a  wraite  dès  reîtres  (3)  commandes 

dat,   qui  le  sauva  sur   un   bon  par  Thoré ,  fils  du  connétable  Aimé 

cheval,  un  pistolet  à  l'arçon  de  de  Montmorenci ,  il  dit  que  Clervanl 

la  selle.    Berlantville ,    gouver-  J  fut  an'êté  prisonnier,  et  n'enst  esté 

neur  de  ce  lieu ,  le  sentant  eschap-  %%**}  lJe  Plfusicurs  ^ghéufs  ses  pa- 

r  rens  ,   (  joint    qu  environ     ce    mesme 

pe  ,  saute  sur  un  courtaut  seul ,  temps  Besme  ,    lun   dés  principaux 

et  empoigne  Besme  avec  le  sol-  meurtriers  Je  t'admirai,  et  tant  pour 

dat,    et    n'ayant    armes    qu'une  cettecauseeIueP0'u  outres  grandement 

espée  donne  à  tous  les  deux  :  le  ?.„!'!  ""c;de_?""a'  "voit  est,- pris 
soldat  ne  l'attend  point  ;    mais 
Besme  se  mit  à    crier  ,    tu   sais 
que  je  suis  un  mauvais  garçon , 

et    tira   sou    coup   de    pistolet.  "'T  ZZ™"^1 

r,      ,                          }           .  L  ai'ec  Besme;    mais  quoiquil   fhst  en 

/>  autre  en  repondant ,  je  ne  veux  très-grand  danger  de  sa  vie ,   estant 

plus   que  tu  le    sois  ,   mit  V espée  sollicité  d'accorder  cet   eschànge,  il 

jusques  aux  gardes  dans  le  ven-  nVondlt  généreusement ,  que  jamais  il 

>r  Voilà  corn-  He  c0?sënti?°X  *«*£«  eschangé  avec 


par  ceux  de  la  religion  près  de  Ponts 
en  Poiclnu  (4)  ,  )  a  grand  peine  eust-il. 

eu  la  vie  sauve Peu  après  ?   i{ 

fut  conduit  a  Paris  ,  et  beaucoup  pro- 
mené pour  essayer  d'en  faire  eschànge 


tre  de  son  prisonnier.  Voilà  com 
ment  d'Aubigné  raconte  le  fait 
:ù).  Bèzeendità  peu  près  autant 
(c)  (B)  :  mais  nous  verrons  ci- 
dessous  que  M.  de  Tbou  rapporte 
la    ebose   revêtue    d'autres    cir- 


-  ange  „„ot, 
un  tel  et  si  détestable  meurtrier  •  et 
Dieu  le  favorisa  tellement,  qu'ayant 
esté  mis  a  rançon.  .  .  .  ,  il  fut  finale- 
ment délivré,  et  Besme  se  cuidant 
sauver  du  chasteau  où  il  estoit  pri- 
sonnier ,  fut  ratleint  et  mis  en  pièces 
tomme  il  méritait ,  horsmis  que  ce  ne 


--»'——     —  «^^.^^    v.i»        iwnrac  it  met  uuii ,  norsmis  que  ce  ne 

constances  (C).  Me'zerai  nomme  fol  pat  là  main  d'un  bourreau  (5).  Le 

cet  assassin  N.    Dianovitz   Bes-    Ça*rianà>  daJ»s  «es  discOnrs  sur  Ta 

me(d).  C,te'   ^'ant   \ht   ',1'"- .Wme  tua   d'un 


me  (d) 

[è]  D'Aubigné  ,  Hist.  ,  tom.  II,  liv.  II, 
c/iap.  XVI ,  pag.  -t\çt. 

(c)  Bèze,  Hist.  ceci. ,  liv.  XVI ,  pag.  ^79. 

(c/i  Me'zerai  ,  tom.  III in-folio,  pag.  38o  , 
edit.  de  l685. 

(A)  Il  était  Allemand  de  nation.  ] 
11  était  natif  du  pays  de  Wirtemberg, 
et  lils,  disait-on  ,  d'un  bomnie  qui 
avait  eu  la  charge  de  l'artillerie  (1;. 
L'auteur  du  livre  de  Furoribus  Gal- 
Ucis  (a)  remarque  qu'on  disait  que  le 
cardinal  de  Lorraine  avait  fait  épou- 
ser l'une  de  ses  bâtardes  à  BiW.  11  le 
nomme  toujours  Benvesius  :  c'esl  ap- 
paremment une  faute  d'impression 
pour  Bemesius.  Le  Cavriaua  ,  que  je 
citerai  ci-dessous,  dit  que  cet  homme 
avait  été  page  du  duc  de  Guise  le 
père. 

(B)  Il  fut  tué  par  Bertantville,  .  .  . 

'•)  Vie  de  l'amiral  de  Coligni  ,  pag.    iîç,. 
(2;  //  t  ni  déguise  sous  le  nom  de  Erucslus 
>  aramundus ,  Fri«' 


,■>      .  •         *-    ' l'"    «  1111 

coup  de  pistolet  1  amiral ,  ajoute  que 
ce  meurtrier  fut  tué  de  la  même  ma- 
nière quelque  temps  après  en  venant 
d'Espagne.  Fit  pochï  ahhi  dtzpoi  ve- 
nendo  d'Espagna  con  somigliunte  spe- 
zte  di  morte  del  suo  fatto  premiato. 
C'est  trop  envelopper  l'aventure  sous 
des  notions  peu  distinctes.  Mais  on 
ne  manque  pas  d'écrivains  qui  l'ont 
bien  développée. 

(C)  M.  de  T/wu  rapporte  la  chose 
revêtue  d'autres  circonstances.  ]  11  dit 
que  Bénie  rcvmanl  d  Espagne  ,  où  il 
avait  été  envoyé  par  le  duc  de  Guise, 
pour  acheter  des  chevaux  ,  ou  pour 
renouveler  sous  ce  prétexte  les  intel- 
ligences que  le  feu  cardinal  de  Lor- 
raine avait  entretenues  avec  Philippe 
11,  fut  pris  auprès  de  Jarnac  •  qu'il 
Offrit  ses  bons  offices  pouf  sâuvt  1 
Montbrun,  et  une  somme  rrèVcônsi- 
derable;   mais  qu'on   n'ecout.i    point 


(3)  F 

(4)  Jl  fallait  dire  Xaintongr. 

(5)  Be'ze,  Butoïre  ecclciiasl. ,  liv.  XJI   pag. 

4:9- 


3o8  BENCIUS. 

ses  propositions,  et  qu'au  contraire  heureusement  des  leçons  de  ce 
ceux  <jui  l'avaient  pris  sollicitèrent  „rand  rhétoricien ,  qu'il  devint 
les  RocheUois  de  le  leur  acheter  mille  f  d  ,  excellens  orateurs 
pistoles  ,  et  puis  de  le  punir  du  der-     _""  ""  r 

nier  supplice  pour  l'infâme  assassinat  de  ce  temps-la.  11  tut  aussi  un 
de  l'amiral;  que  les  RocheUois ,  de  très-bon  poëte  latin.  La  manie— 
crainte  de  représailles ,  et  par  le  con- 
seil de  la  Noue  ,  rejetèrent  ces  offres  ; 
que  Bretouville,  gouverneur  de  Bou- 
te ville  ,  ne  voulant  point  mettre  à 
rançon  un  tel  prisonnier,  et  craignant 
que  s'il  le  faisait  mourir  il  ne  donnât 
un  exemple  qui  aurait  de  fâcheuses  sui- 
tes, imagina  un  milieu  :  ce  fut  de  subor 
ner 


re  dont  on  conte  qu'il  se  déter- 
mina à  prendre  l'habit  de  jésuite 
tient  beaucoup  du  merveilleux 
(B).  Il  enseigna  la  rhétorique 
plusieurs  années  à  Rome  dans  le 
collège  de  la  (société  ,  et  il  y 
./ûnloVdar,lpour  fournir  à  Bême  les  mourut  le  6  de  mai  1 5g4  («)• 
moyens  de  s'évader.  Ce  soldat  et  Bême  \\  avait  trois  frères  ,  qui  étaient 
s'évadèrent  en  effet;  mais  ils  tombé-  augsi  ^suites  (&)  :  son  père  vivait 
rent  dans  les  embuscades  que  cretou-  '    „  e-        /   \    -\r         A 

ville  S  avait  dressées,  et  on  tua  Bê-  encore]  an  , ,  59o  (c).  Vous  trou- 
me  de  plusieurs  coups  de  poignard 
(6).  Mézerai  raconte  la  chose  à  peu 
près  de  la  même  façon  (7)  :  il  remar- 
que que  les  consistoriaux  de  la  Ro- 
chelle voulaient  donner  mille  écus  de 
ce  prisonnier,  pour  le  punir  solennel- 
lement ;  mais  que  les  plus  sages ,  et 
Bertoville  (8) ,  gouverneur  de  la  place 
(9) >  appréhendèrent  la  revanche. 

Pierre  de  Saint  -Romuald  rapporte 
que  les  RocheUois  désiraient  avoir  Bê- 
me ,  à  la  persuasion  de  la  Noue ,  qui 
le  voulait  faire  mourir  d'une  mort  éga- 
lement honteuse  et  sévère  ,  et  que  Bê- 
me ,  blessé  à  mort  par  Bertoville ,  et 
puis  achevé  par  les  soldats  ,  fut  enfin 
envoyé  au  baron  de  Rufec  a  sa  grande 
prière,  qui  le  fit  ensevelir  honorable- 
ment à  Éngolesme,  et  que  le  soldat 
qui  avait  lâché  de  le  sauver,  étant 
grièvement  blessé,  enfui  quitte  pour 
une  rançon,  et  pour  son  bannissement 
hors  la  place  (10). 

(6)Thuan.,  lib.  LX,  ad  ann.  i5^5,  pag. 
jî5,  126. 

(7)  Mézerai,  Histoire  de  France,  tom.  II I, 
in-folio ,  pag.  38o. 

(8)  C'est  ainsi  qu'il  nomme  celui  qui,  dans 
d'Aubigné  .  s'appelait  Bertantville ,  et  Breto- 
villa  dans  M.  .le  Thou. 

(9)  C  esl-'a-dire  ,  de  Bouleville. 
(\o)  Saint-Romuald  ,  Journal  chronologique, 

au  vl\  d'août,  pag,  214. 

BENCIUS  (  François  ),  jésuite 
italien,  naquit  à  Aquapendente, 
l'an  1642  (A).  Il  étudia  les  bel- 
les-lettres à  Rome  ,  sous  Marc- 
Antoine  Muret  *,  et  il  profita  si 

■*  Il  avait  ,  dit  Joly  ,  commence'  ses  e'tudes 
sous  son  père,  il  les  eontiuua  quelque  temps 


verez  dans  Moréri  les  titres  de 
quelques-uns  de  ses  ouvrages  : 
je  ne  m'arrêterai  qu'à  ses  Haran- 
gues (C). 

chez  les  je'suites  ;  et  ce  ne  fut  qu'en  l563 
qu'il  entra  à  l'e'cole  de  Muret.- 

(a)  Alegambe  ,  Biblioth.  societ.  Jes.  ,  pag-. 
Il5. 

{b)  Ibidem. 

(c)  Voyez  l'épîlre  dédicatoire  des  poe'sies 
de  Bencius. 

(A)  Il  naquit  h  Aquapendente  l'an 
i54^.  ]  Les  éloges  tirés  de  M.  de  Thou 
par  M.  Teissier ,  nous  apprennent  que 
Bencius  vint  au  monde  dans  un  vil- 
lage de  Toscane,  nommé  Aquapen- 
dente ,  qui  était  du  patrimoine  de  son 
père  (1).  Les  paroles  latines  de  M.  de 
Thou  sont  Palrimoniali  Etruriœ  op- 
pido  ,  cui  Aquœ-pendenli  nomen  ,  na- 
lus  (2).  Le  mot  oppidum  étant  équi- 
voque ,  et  signifiant  tantôt  une  ville  , 
tantôt  un  bourg ,  il  fallait  ne  le  pren- 
dre point  ici  pour  un  village,  mais 
pour  une  ville.  Je  ne  sais  pas  si  M.  de 
Thou  a  eu  raison  de  dire  que  le  père 
de  Bencius  en  était  seigneur  *.  Ale- 

(1)  Teissier,  Eloges  des  Hommes  savons,  tom. 
Il  ,  pag.  206,  édition  de  1696. 

(2)  Thuani  Historiar.    lib.  CIX  ,pag.  612. 
*  Joly  trouve  très-ridicule  que  Bayle  ait  fait  le 

père  de  Bencius  seigneur  d'Aquapendente.  Avant 
Joly  ,  Leduchat  avait  remarquéqu'e  Palrimoniali 
Elruriçe  oppido  veut  dire,  ville  située  dans  la 
partie  de  l'Etrurie  qui  dépend  du  patrimoine  de 
saint  Pierre.  L'article  Bencios  parut  pour  la 
première  fois  dans  l'édition  posthume  de  1720. 
«  Bayle,  ajoute  Leduchat,  remarque  dans  l'arti- 
»  clede  Chigi  (  à  la  Gu  du  texte;  que  la  prin- 
»  cipauté  de  Faroèse  est  située  dans  le  pain- 


BENCIUS.  3o:<y 

gambe  ne  le  dit  pas;  et  ce  n'est  point  loin  que  l'autre  auteur.  Celui-ci  se 

sa  coutume  de  supprimer  ce  qui  re-  contente  de  dire  que  depuis  que  Ben- 

lève  la  naissance  et  les  richesses  des  cius  se  fut  confesse  pour  la  première 

écrivains  de  son  ordre.  fois ,   ce  qu'il    fit    chez  les  jésuites  , 

Quand  j'ai  mis  la  naissance  de  Ben-  il  lui  monta  dans  l'esprit  qu'il  serait 

cius  à  l'an  i54'j  ,  je  me  suis  fondé  sur  un  jour  de  leur  ordre  (6)  ;  mais,  selon 

deux  raisons  :  l'une  est  qu'il  mourut  Nicius  Erythréus,  il  crut  entendre  , 

l'an  i5o4j  cela  ne  souffre  aucune  dit-  eu  se  confessant  dans  l'église  des  jé- 

ficulté  :   1  autre  est  qu'on  trouve  dans  suites  ,  une  voix  qui  prononça  ces  pa- 

Alegambe  qu'il  mourut  dans  sa  cin-  rôles  ,  Toi  aussi ,    tu  seras  aussi  un 

quante-deuxième    année.     Alegatnbe  jour  au  nombre  de  ces  religieux  (7). 

s'est  un  peu  brouillé  dans  ses  chiffres  ;  Alegamhe  ,  comme  je  l'ai  déjà  remar 


néanmoins  j'ai  cru  qu'il  n'y  avait 
point  d'erreur  dans  celui-là  ;  mais  je 
m'étonne ,  qu'en  faisant  l'errata  de 
son  ouvrage  ,  il  n'ait  pas  rectifié  ceux- 
ci.    Annos  natus  XX ,   in  societalem 


que  ,  n'exténue  point  ce  qui  relève, 
l'honneur  de  sa  compagnie.  11  est  donc 
à  croire  que  Nicius  Erythréus  a  usé 
ici  d'hyperbole:  le  fait,  en  passant 
de  bouche  en  bouche,  s'était  eu  Ile 
est  adscitus  xv  Cal.  Junii  anno  Chrisli    avant  que  de  parvenir  aux  oreilles  de 

MDLXX  (3) AnnoSalu-    cet  écrivain. 

tis  MDXCIV ' ,  migrant  è  vitd,  œta-  (C)  Je  ne  m'arrêterai  qu'a  ses  Ha- 
tis  suœ  LU,  postquam  venit  in  socie-  rangues.  ]  Quelques-unes  avaient  été 
talent  XXPin\).  Il  dit  que  Bencius  ,  imprimées  séparément,  et  il  courait, 
s'étant  fait  jésuite,  en  1S70,  ilgé  de  des  copies  manuscrites  de  quelques 
vingt  ans ,  courait  la  cinquante-  autres.  Ces  copies  devenaient  défec- 
deuxième  année  de  sa  vie,  et  la  vingt-  tueuses  à  proportion  qu'elles  se  mul- 
septième  de  sa  profession  de  jésuite  tipliaient.  Cela  fit  résoudre  l'auteur  à 
en  i5y4-  Ce  sont  des  calculs  qui  s'en-  donner  une  édition  de  ses  Harangues  , 
tre-réfutent.  Nicius  Erythréus  ne  s'est  en  i5go  (8).  Il  la  dédia  au  cardinal 
point   brouillé  de  même  ;    car  ayant    Ascagne  Colonna.  11  publia   aussi  la 


une  fois  dit  que  Bencius  se  fit  jésuite 
à  l'âge  de  vingt  ans  ,  il  lui  donne  cin- 
quante-deux ans  de  vie  ,  et  trente- 
deux  de  jésuitisme  (5)  *'. 

(B)  La  manière , dont   il  se 

détermina  h  prendre  l'habit  de  jé- 
suite ,  tient  beaucoup  du  merveilleux.] 
Ceux  qui  aimeront  le  détail  sur  cette 
aventure  prendront  ,  s'il  leur  plaît  , 
la  peine  de  consulter  Alegambe  et 
Nicius  Erythréus*2.  Ils  y  verront  des 
apparitions  nocturnes  du  crucifix, 
et  bien  d'autres  choses.  Je  dirai  seu- 
lement que  Nicius  Erythréus  va  plus 


»  moine.  Il  est  donc  a  présumer  que,  s'il  avait 
-  assez  vécu  pour  publier  lui-même  l'article 
»  Bencics  ,  il  se  serait  aperçu  que  patrimv- 
»  niale  oppidum  s'entend  d'une  ville  du  palri- 
.  moine.  - 

(i)  Alegambe  ,  Bibliotheca  societ.  Jes. ,  pag. 
114. 

(4)  Ibidem,  pag.  n5. 

(5)  Nicii  Erythrrei,  Pinacoth.  II,  pag.  Ii5. 

*'  Joly  dit  que  Bencius  n'entra  chez  les  jésui- 
tes qu'a  vingt-huit  ans  ;  il  n'avait  donc  que  vingt- 
quatre  ans  de  jésuitisme.  L'observation  de  Bayle 
sur  les  contradictions  d'Alegambe  et  de  Nicius 
Erythréus  (  dont  le  vrai  nom  est  J.-V.  Rossi  )  , 
n'en  existe  pas  inoins  dans  toute  sa  force. 

*'  Joly  ajoute  que  le  pire Jouvency  la  raconte 
aujsi  dans  son  Histoire  de  In  Société',  part.  V  , 
liv.XXIV,  sect.  iS 


même  année  un  recueil  de  Poésies 
latines  ,  et  le  dédia  au  cardinal 
François  Sforce.  Ses  Harangues  ,  au 
nombre  de  XXVI,  sont,  accompagnée!» 
d'une  petite  dissertation  de  Stylo  et 
Scriptione,  et  contiennent  entre  au- 
tres pièces  l'Oraison  funèbre  de  Mu- 
ret ,  celle  d'Alexandre  Farnèse,  duc  de 
Panne,  et  celle  du  cardinal  Alexan- 
dre Farnèse.  Les  poésies  sont  divisées 
en  IV  livres.  On  les  réimprima  ,  avec 
les  Harangues  ,  à  Ingolstad  ,  l'an 
1599  ,  et  l'on  y  joignit  deux  Poèmes 
dramatiques  du  même  auteur  (9)  , 
qui  avaient,  déjà  été  imprimés  à  part. 
L'édition  de  Cologne,  chez  Jean  Kin 
chius  .  en  1O17,  <>i-ia,  contient  ton  I 
cela.  Elle  est  assez  correcte;  mai>  L< 
papier  et  le  caractère  en  sont  très 
mauvais.  On  n'y  a  point  ajouté  le 
poème  en  vers  hexamètres ,  qui  a  pour 

(6)  Et  en  tenipore  subiit  animtnn  ea  rogiti- 
tio ,  et  tu  de  illin  eris.  Alegambe,  Bibliolb.  , 
societ.  Jes.  ,  pag.  n4,  ni. 

(7)  Visus  est  vocem  in  bac  verba  audire  :  Et 
tu  quoque  aliquando  reiigiosorum  istorum  nu- 
merum  augrbis.  Nicius  Erylhneus,  Pinacolb.  Il , 
pag.  i55. 

(8)  Voyei.  l'Épîlre  dedicaloire  de  cette  édi- 
tion. 

(9)  Inldule's  Ergastus   et  Philoiim-j- 


3,o  BÉNÉDICTIS. 

fifre   Quînque  Martyres ,  où  Bencius    tiers  du  cardinal  de  lui  faire  faire 
;i  célébré  le  martyre  cjue  cinq  jésuites    un  service  somptueux  dans  l'égli- 

ran    se  des  saints  Vincent  et  Anasta- 


i583.  Cet  ouvrage,  divisé  en  six  li- 
vres ,  fut  imprimé  à  Venise  Tan  i5o,i  , 
et  dédié  par  Benoit  George  au  cardi- 
nal Octavio  Aquaviva  ,  neveu  de 
Claude  Aquaviva  ,  général  des  jésui- 
tes. J'en  ai  l'édition  d'Anvers  ,  en 
1602  ,  ji-13.  L'auteur  relève  par  des 
fictions  poétiques  la  simplicité  de 
l'histoire ,.  et  en  avertit  les  lecteurs  : 
Si  qua  visa  ,  et  quœ  speciem  habent 
miraculi  inserta  sunt  ,  J'actum  est  ut 


se ,  qui  avait  été  la  paroisse  de 
cette  éminence.  Il  s'en  acquitta 
admirablement ,  et  publia  une 
description  de  cette  pompe  fu- 
nèbre (a).  On  lui  donna  ordre 
de  faire  faire  un  service  à  la  rei- 
ne-mère (b)  avec  toute  sorte  de 
pompe  dansl'église  de  Saint-Louis 


milUVUU     WWC/  lll    juin  ,    iHimnt     cji     «•»•»..-                 11         1         I  i'                   "1    1        12  t. 

poeticum  artificium  luslonœ    simpli-  qui  est  celle  de  la  nation  :  il  le  ht 

citati   mederelur.    Les    relations   en  en  homme  qui  entendait  parfai— 

prose  auraient  souvent  besoin  du  mê-  tement  ces  sortes  de  cérémonies, 

me  avertissement.  q             t        ;     j      description  de 

M.  Teissier  assure  que  IVicws  kry-  ¥     ,     ...       1                ,.r            ,., 

thréus  dit  que  ce  jésuite  a  fait  une  ces  funérailles  dans  un  livre  qu  il 

^i       i       ï.i j>  A.:. 


traduction  de  la  Hhttorique  d'Atis 
lote ,  si  belle,  qu'il  serait  difficile  de 
trouver  rien  de  plus  achevé  sur  cet  ou- 
vrage (10).  Je  n'ai  point  vu  cela  * 
dans    l'éloge    que    Nicins    Erythréus 


publia  (c).  Il  en  a  fait  un  autre, 
qui  est  un  monument  authenti- 
que de  son  zèle  pour  la  gloire 
de  son  bienfaiteur  :  car  ayant  su 


seulement  que  Muret  a  dédié  sa  ver-    ma]t    étrangement    lt 
sion  latine  de  la  Rhétorique  d  Anstotc    Mazarin     j,       bHa  un 
a  Bencius,    et  que  ce  dernier  ht  des  '      f  z 


leçons  sur  le  même  ouvrage  (n). 

(io)  Teissier,    IZIotfes   des   Hommes  savans, 


nous  a  donné  de  ce  jésuite  :  j'y  ai  vu    qu'il  courait    un  livre  qui  diffa- 

le    cardinal 
Recueil  de 
divers  Mémoires  qu'il  crut  pro- 
pres   à    réfuter  cette   satire.    Il 
/,  Pag.  207.  l'augmenta  peu  après  ,   et   l'ac- 

*  Joly  laisse  entendre  que  Bayle  s'en  rapporte  COmpafflia  de   réflexions    VOlilï— 
à  ce  que  dit  Teissier,   ce  qui  n  est  pa-i  ,  comme                  l     O  J. .  -.     1  •  1 

on  voit.  Joly  donne   un  catalogue  exact  des  ou-  qiieS .    11     a  traduit  eil     italien    le 

vrages  ou   opuscules   de   Bencius ,    au    nombre  {é  j  •  dg  £       j-  du  D(,_ 

'9-  I        T  J      • 

(11)  Nicins  Erythraus,  Pinacoth.  H,  pag.  voir  des  grands,  .le  ne  dois  pas  ou- 
l5'-  blier  les  Tables  chronologiques, 
BÉNÉDICTIS  (  Elpidio  de  )  a  qu'il  a  publiées.  Ceux  qui  auront 
eu  bonne  part  à  l'estime  et  aux  vu  la  maison  et  le  jardin  qu'il  a 
affaires  du  cardinal  Mazarin.  Il  fait  bâtir  auprès  de  Rome,  ou 
était  son  secrétaire  pendant  la  qui  auront  lu  la  description  qu'il 
nonciature  de  France,  et  il  fut  en  a  faite  sous  le  titre  de  Villa 
depuis  son  agent  à  Rome.  Il  s'ac-  Benedicla  Literaria  ,  convien- 
quitta  de  cet  emploi  de  telle  sor-  dront  qu'il  entendait  l'architec- 
te ,  que  le  cardinal  dans  son  tes-  ture  ,  et  que  son  goût  était  bon 
tament  donna  des  louanges  à  sa 
fidélité  et  à  sa  bonne  conduite  , 
et  le  recommanda  au  roi  très- 
chrétien.  Cette  recommandation 
ne  fut  pas  infructueuse,  car  l'abbé 


Ta)  En  voici  le  tilre  ,  Pompa  funèbre  nell' 
essequie  celebrate  in  Ronia  al  cardinal  Ma- 
zariui  ,  nella  cbieza  de'  Santi  Vincenzo  ed 
Anajtasio. 

{b)  Anne  d'Autriche  mère  de  Louis  XIV. 
(c)   Intitulé  il  Mondo  piangente  ,  ed  il  cie- 
Bénédictis    fut    déclaré    agent  de     lo  festeggiante  ,   nel   funerale  apparato  de.1T 

celebrate  in  Roma  nella  cbiesa  tli 
rancesi  ,  alla  gloriosa  memo- 
ustria  résina  dj  Frai) 


la  Fiance  à  Rome ,  et  comblé  de    ^Xigit^ 
biens.  Il  fut  charge  par  les  beri-    rw  di  Anna  d'.v 


BE 
rn  fait  d'ornemens,  et  de  jolies 
propretés.  C'est  lui  qui  est  l'au- 
teur des  décorations  qu'on  voit 
dans  une  chapelle  dédiée  à  saint 
Louis  dans  l'église  du  même  saint, 
laquelle  chapelle  il  a  fait  con- 
struire presque  dès  les  fonde- 
mens  (d). 

{d  )  Ex  BiMiolh.    ronianà  Prosperi   Man- 
dosii ,  cent.  IV  ,  mtm.  71, 

BENI  (  Paul  ) ,  professeur  en 
éloquence  dans  l'université  de 
Padoue,  depuis  l'an  i5qc),  jus- 
qu'à sa  mort  arrivée  l'an  i6a5  , 
a  été  un  des  plus  féconds  écri- 
vains qui  aient  fleuri  de  son  temps. 
Il  était  (irec  de  nation  (A) ,  com- 
me on  l'a  débité  depuis  peu  ,  et 
il  n'était  point  né  à  Eugubio  ,  au 
duché  d'Urbin ,  comme  quantité 
de  gens  l'assurent.  Il  vécut  long- 
temps chez  les  jésuites;  mais  il 
quitta  leur  société  ,  à  cause  qu'ils 
ne  voulurent  point  lui  permet- 
tre de  publier  un  Commentaire 
sur  le  Festin  de  Platon:  l'obscé- 
nité de  la  matière  les  obligea  à 
lui  refuser  la  permission  qu'il 
demandait.  La  réputation  que 
ses  ouvrages  lui  acquirent  porta 
le  sénat  de  Venise  à  le  choisir 
pour  successeur  de  Riccobon 
dans  la  chaire  d'éloquence  ;  mais 
il  remplit  mal  ce  poste  ,  et  trom- 
pa misérablement  les  espérances 
qu'on  avait  conçues  de  lui.  Il  dé- 
goûta ses  auditeurs  par  un  long 
verbiage  vide  de  choses  ,  et  dé- 
bité lauguissamment  :  ce  qui 
joint  à  d'autres  raisons  (a),  et  à 
la  manière  agréable  dont  Vin- 
cent Contarini  son  collègue  dé- 
bitait   sa  science  ,  fit  tellement 

(a)     Oderant    aulem    nniivrsi     morbosas 
tarn  nnimi  nngnstias  ,    quibiis  ipse  in- 
do/ts  haud   itu  libewalis  referebat    indicia. 
impérial  m  Museo  Hislorico  ,  pag.  10*0. 


NI.  3m 

déserter  ses  auditeurs  ,  que  quel- 
quefois il  n'y  avait  pas  dans  son 
école  autant  de  gens  qu'il  en 
faut  pour  la  signature  d'un  con- 
trat {b).  Cela  ne  le  découragea 
point  d'étudier,  et  ne  diminua 
point  son  application  extraordi- 
naire à  remuer  et  ses  livres  et  sa 
plume.  On  s'en  peut  aisément 
convraincre  par  le  grand  nom- 
bre d'ouvrages  qu'il  a  donnés  au 
public ,  où  il  y  a  sans  doute  beau- 
coup de  lecture  et  beaucoup 
d'érudition  ,  et  même  bien  du 
génie.  Il  soutint  lui  seul  glorieu- 
sement une  querelle  contre  l'aca- 
démie délia  Crusca  (B) ,  ce  qui 
le  rendit  très-formidable  à  bien 
des  auteurs  (C).  Le  respect  qu'on 
a  dans  Padoue  pour  la  mémoire 
de  Tite-Live  ,  n'empêcha  point 
notre  Paul  Béni  d'attaquer  à  tou- 
te outrance  cet  historien  (c).  Con- 
sultez le  Dictionnaire  de  Moréri  : 
je  n'ai  pris  que  ce  qu'il  avait 
laissé. 

[V  Tn  en  gymnasio  crebris  jaclaretur  ser- 
mombiis  mule  de  Benii  rebits  actum  fore, 
si  pactum  ei  aliquodfuissei  celebrandum  . 
quando    vel    duobus   eidtm    in    schold   suâ 

teslibus  contigitset  tgere.  impérial  tu  Mu- 
seo  liislorico,  pag.   irio. 

<  )  Tin-  de  l'diil  Frolier.  Theatri  Viror 
illustr.^«y.  i5li$. 

(A)  //  était  Grec  de  nation.  ]  Je  fus 
surpris  de  voir  aflirmer  cela  dans 
L'Histoire  des  ouvrages  des  savans  (i), 
et  pour  m  e'claircir  lequel  des  deux 
parlait  de  son  chef ,  ou  l'auteur  du 
livre  dont  on  donne  là  le  précis  ,  ou 
l'auteur  même  du  Journal ,  je  consul- 
tai la  Vie  du  Tasse,  et  j'y  trouvai  ces 
paroles  (a)  :  Toute  l'Italie  savante... 
a  suivi  unanimement  le  sentiment  de 
Paul  Béni.  Ce  savant  grec,  tr,ins- 
plantJ  en  Italie  ,  a  fait  voir  dans  une 
comparaison  fort  recherchée  des  poë- 

(i)  Mois  de  décembre  ir>go,  pag.  iG),  dan-s 
l'extrait  d*  ta  \  ie  du  Tasse  ,  compote*  par  l'ab- 
bé de  Cliarnes. 

(i)  Dans  la  préface. 


3i2 


BENNON. 


mes  d'Homère  ,  de  Virgile,  et  du 
Tasse  ,  que  le  moderne  avait  renfermé 
dans  son  ouvrage  toutes  les  beautés 
des  deux  anciens,  sans  tomber  dans 
leurs  défauts. 

Je  crus  que  c'e'tait  une  faute  :  car  je 
savais  que  le  Tomasini ,  et  Lorenzo 
Crasso,  assurent  qu'il  était  ne  à  Eu- 
gubio  ;  et  il  se  nomma  lui-même  Eu- 
gubinus  ,  dans  le  titre  de  quelques- 
uns  de  ses  livres  ,  et  dans  l'inscrip- 
tion qu'il  souhaita  que  l'on  mît  sur 
son  tombeau.  Je  me  réglai  donc  sur 


»  longue  et  la  plus  embarrassante, 
»  ne  réussit  pas  à  leur  honneur.  Car 
»  elle  leur  attira  une  furieuse  re'pli- 
»  que  de  la  part  du  Béni ,  qui  la  pro- 
»  duisit  comme  une  défense  de  l'Anti- 
»  Crusca.  Il  la  fit  imprimer  sous  le 
»  titre  d'il  Cavalcantt  ,  b  vero  ,  la 
»  difesa    del  paragone  délia   lingua 

■»  italiana  ,  elc (5).  La  fin  de  ce 

»  combat  a  été  si  glorieuse  pour  le 
»  Béni  (  au  sentiment  du  Tomasini  ,  ) 
)>  qu'il  remporta  le  triomphe  sur 
»  toute  l'académie  de  la  Crusca  ,  et 


cela  dans  la  première  édition  de  ce  »  fut  proclamé  défenseur  de  la  lan- 
Dictionnaire  ;  mais  j'ai  été  délivré  de  »  gue  italienne  (6).  »  Voyons  les  pa- 
mon  erreur  par  monsieur  l'abbé  de  rôles  du  Tomasini.  Advenus  acade- 
Charnes ,  et  cela  d'une  manière  qui  /nicos  cruscantes  et  Dictionarium  ita- 
m'engage  à  me  féliciter  d'avoir  dit  licum  ab  iisdem  editum  ,  Anti-Crus- 
que  je  l'estimais  et  que  je  l'hono-  cam  condidit.  Cui  cîun  respondissent 
rais  beaucoup.  Il  m'a  fourni  un  pas-  academici,  cumulatè  libro  iisdem  al- 
sage  qui  ne  permet  pas  de  douter  que  tero  sub  Cavalcantis  nomine  satisfecit, 
notre  Béni  ne  soit  né  en  Candie  (3).  seque  h  variis  eorumdem  jurgiis  validé 
Il  est  vrai  qu'il  était  encore  enfant  adeb  vindicavit ,  ut  loto  orbi  clarissi- 
lorsqu'il  vint  eu  Italie.  7nus  acerrimusque  ilalici  idiomatis  de- 
(B)  Il  soutint  seul  une  querelle  fensor  fuerit  acclamatus  (7).  On  pré- 
contre  l'académie  délia  Crusca.  ]  Tout  tend  qu'il  ne  remporta  pas  un  moin- 
le  monde  sait  que  le  Dictionnaire  dre  triomphe  sur  ces  messieurs  quel- 
italien  de  cette  fameuse  académie  de  que  temps  après ,  en  défendant  le 
Florence  est   un  ouvrage  important.  Tasse  contre  leurs  censures  (8). 

«   Ce    fut  sans  doute   la   cause    qu'il         (C) ce  qui  le  rendit  très-for- 

»  n'eut  pas  plus  tôt  vu  le  jour,  qu'il  se  midable  a   bien  des   auteurs.  ]  Il  fut. 

»  vit   remué  et  maltraité   entre    les  cité  à  Rome  au  sujet  du  livre   qu'il 

33  mains  de  presque   autant  de   cen-  publia  sur  les  matières  de  Auxiliis , 

■»  seurs  qu'il  rencontra  de   lecteurs,  sans  les  connaître.  «  Ce  qu'il  souffrit. 

3>  Mais  le  Béni,  entre  les  autres,  ne  »  de  la  part  des  juges  ecclésiastiques 

33  cessa  de  décrier   l'ouvrage,    et  de  »  ne  le  rendit  guère  plus  sage.    On  le 


»  vit  déchaîné  depuis  ce  temps- là 
»  contre  des  auteurs  de  mérite  diffé- 
»  rent ,  sans  épargner  même  la  per- 
»  sonne  de  Tite-Live.  De  sorte  qu'il 
h  était  devenu  la  terreur  des  écri- 
»  vains  de  son  temps ,  dont  plusieurs 
»  n'ont  osé  laisser  voir  le  jour  à  leurs 
»  compositions  ,  de  crainte  de  les 
»  exposer  à  sa  censure  impitoyable 
»  (9).  » 

(5)  Baillet,  là  même. 
(*>)  Là  même. 

(7)  Toaiasin.,  E)og.  ,  tom.  I  pag.  35i. 

(8)  Baillet,  art.  CLXII  des  Ant'i. 

(9)  Là  même. 

BENNON  ,   évêque   de  Misne 

3>  tre  lui  par  voie  de  tait.  Mais,  si  nous  j         1      VTe 

3.  en  croyons  le  Tomasini ,  cette  mé-    en  Allemagne,  dans  le  Al  .  sie- 

))  thode,  qui  était  d'ailleurs  la  plus    cle  ,  fut  canonisé  par  Hadrien  VI. 

„,  -  , ,.,  .  n.  La  bulle  de  la  canonisation  ,  en 

(3)  Ce  passage  est  tire  du  premier   Discours  ' 

rie  Paul  Béni  sur  la  Comparaison  d'Homère  ,  de     date  dll  3  I   de  mai    l5a3(A),    foit- 
Vireile  et  du  Tasse,  imprimée  l'an  1607,  ■.       ,  '    -,       1      T)  _"^ 

(|;  Baillet ,  art.  clxii  ,  des  Ami.  de  le  mente  de  Bennon,  premie- 


3>  déclamer  contre  ses  auteurs  ,  coin- 
3)  me  s'ils  eussent  été  autant  de  mo- 
3)  nopoleurs  de  la  langue  italienne  : 
3)  il  entreprit  de  leur  faire  voir  qu'ils 
3>  n'avaient  ni  la  suffisance  ,  ni  l'au- 
■»  torité  nécessaire  pour  décider.  Le 
3)  livre  qu'il  publia  dans  cette  vue  , 
3)  parut  à  Padoue  ,  dès  l'an  i6i3, 
3>  in  -  4°- ,  sous  le  titre  cYAnti-Crusca, 
3>  o  vero ,  il  paragone  délia  lingua 
3)  italiana  ,  nel  quai  si  monstra  chia- 
3)  ramente  que  Vantica  sia  inculta  e 
3>  rozza  a  la  moderna  regola  ,  etc.... 
3)  (4).  Messieurs  de  l'académie  voulu- 
»  rent  s'assujettir  à  lui  répondre  avec 
3)  la  plume  ,  au  lieu  de  procéder  con 


BEN 

rement,  sur  ce  que  lui  seul  de 
tous  les  évêques  d'Allemagne  fut 
fidèle  à  la  cour  de  Rome  dans 
les  démêlés  de  Grégoire  VII  et 
de  l'empereur  Henri  IV;  secon- 
dement ,  sur  les  miracles  qu'il 
avait  faits  (B) ,  et  pendant  sa  vie, 
et  depuis  sa  mort.  Il  y  avait 
long-temps  qu'on  sollicitait  à 
Borne  cette  canonisation,  et  peut- 
être  ne  l'aurait-on  jamais  obte- 
nue, si  Luther  n'avait  secoué  le 
joug  du  pape,  dans  le  pays  me» 
me  oii  était  le  corps  de  Bennon  : 
mais  la  cour  de  Rome  ,  s'imagi- 
nant  que  l'institution  d'un  nou- 
veau saint  soutiendrait  la  foi 
ébranlée  dans  ce  pays-là,  se  ren- 
dit enfin  aux  instances  de  l'évê- 
que  de  Misne  ,  qui  était  allé 
trouver  le  pape  avec  de  puissan- 
tes recommandations  de  Charles- 
Quint  ,  des  archevêques  de  Mag- 
debourg  et  de  Saltzbourg  ,  et 
des  marquis  de  Misnie.  Luther 
ne  se  tut  point  en  cette  rencon- 
tre :  il  publia  un  traité  en  alle- 
mand ,  qu'il  intitula  ,  Contre  la 
nouvelle  idole  et  le  vieux  démon 
de  Misne.  Emser  écrivit  contre 
ce  traité  de  Luther  avec  aigreur, 
et  se  glorifia  avec  insulte ,  de  ce 
que  ,  nonobstant  les  invectives 
de  cet  ennemi  de  l'Église ,  un 
merveilleux  concours  de  peuple 
avait  assisté  aux  cérémonies  de 
cette  nouvelle  solennité ,  et  il 
présagea  qu'elle  durerait  éter- 
nellement. Sa  prédiction  fut  con- 
vaincue bientôt  de  fausseté  (C)  : 
celle  de  Bennon  fut  réfutée  en 
même  temps  (a)  (D).  Emser  se 
trouva  intéressé  d'une  façon  par- 
ticulière à  écrire  là-dessus  con- 
tre Luther  ;  car   il   avait  publié 

[a)   Tiré  de  l'Histoire  du  luthéranisme  de 
St:ckendorf ,  &>,  /,  pag-,  285. 


NON.  3i3 

la  vie  de  Bennon  ,  l'an  i5i2, ou, 
entre  autres  choses,  il  allégua 
diverses  raisons  pourquoi  la  bulle 
de  la  canonisation  n'avait  pas  été 
encore  obtenue  après  tant  de 
frais  et  tant  de  sollicitations  (b). 
On  s'est  étrangement  abusé  dans 
le  Dictionnaire  de  Moréri  (c). 

f  b)  Ex  eodem  Seckendorfio ,  ibid.  ,  pa§  ■ 
286  in  additione. 

(c)  Voyez  la  remarque  (A.). 

(A)  La  huile  de  sa  canonisation  est 
datée  du  3i  du  mai  i5a3.  ]  On  trouve 
cette  même  date  dans  le  Diction- 
naire de  Moréri,  et  cela  ne  va  pas 
mal  ;  mais  on  y  trouve  aussi  que  ce 
fut  le  pape  Adrien  IV  ,  qui  expédia 
cette  bulle  :  c'est  une  fausseté  impar- 
donnable. Adrien  IV  vivait  au  XIIe. 
siècle. 

(B)  et  se  fonde  sur  quelques  mi- 
racles qu'il  avait  fait s. .]  Les  principaux 
sont,  i°.  que  les  clefs  de  sa  cathé- 
drale  ,  qu'il  avait  jetées  dans  l'Elbe  , 
après  avoir  fermé  cette  église  à  l'em- 
pereur et  à  ses  ambassadeurs  ,  furent 
trouvées  dans  le  ventre  d'un  poisson  , 
et  rapportées  au  prélat  ;  2°.  qu'il 
passa  l'Elbe  à  pied  sec  ;  3°.  qu'il  con- 
vertit de  l'eau  en  vin  ;  4°-  qu'avec  un 
coup  de  pied  il  fit  naître  une  fon- 
taine ;  et  voilà  de  quoi  se  vanter  dans 
la  communion  romaine  ,  que  la  fable 
de  Pégase  a  trouvé  son  accomplisse- 
ment parmi  les  chrétiens  ;  5°.  qu'il 
célébra  la  messe  en  deux  lieux  tout  ;'» 
la  fois  ;  6°.  qu'après  sa  mort  il  vint 
en  songe  crever  un  œil  à  Guillaume 
marquis  de  Misnie  (i).  On  se  figure 
aisément  la  manière  dont  Luther  ac- 
commoda ces  miracles. 

(C)  La  prédiction  d' Emser  louchant 
le  culte  de  Bennon ,  fut  convaincue 
bientôt  de  fausseté.  ]  En  effet ,  les 
inspecteurs  ou  les  visiteurs  qui  furent 
envoyés  en  Misnie  ,  l'an  i53ç),  ayant 
débuté  par  signifier  aux  prêtres  de  la 
campagne  qu'ils  eussent  à  se  confor- 
mer à  la  confession  d'Ausbourg,  al- 
lèrent peu  après  exhorter  à  la  même 
chose  les  chanoines  de  l'église  cathé- 
drale de  Misne.  Jules  Pflug  ,  leur 
doyen  ,  ayant  convoqué  le  chapitre  , 

(0  /tpudSecVtni.  Historié  lutheran.,  lib.  I. 
pag.  285. 


âUy 


BENSERADE. 


il  fut  résolu  de  laisser  les  choses  com- 
me elles  étaient.  Sur  cela  ,  on  leur  en- 
joignit de  ne  faire  aucun  acte  de  reli- 
gion dans  l'église  selon  l'ancien  rituel, 
et  on  démolit  le  tombeau  de  Eennon  , 
comme  un   objet,  d'idolâtrie    bahali- 


gion  *,  comme  son  nom  de  bap- 
tême le  fait  connaître  :  mais  il 
n'y  fut  pas  élevé  ;  car  il  était  fort 
petit  lorsque  son  père  se  fit  ca- 
tholique.   La    raison    pourquoi 

lique  (2).    Voila  donc  un   culte  qui,     \*â„A-.„~    ,     -    i„  c  1    ' 

,.,  i;„    Vf       »        1  v  1  eveque  qui  le  confirma  ne  lui 

au  lieu  d  être  éternel  ,  comme  r.mser     ,         *  .       | 

l'avait  auguré,  ne  dura  qu'une  quin-  ota  point  le  nom  d  Isaac  est  tres- 

zaine  d'années.  Un  homme  sage  doit  singulière  (A).    On   prétend  que 

être  extrêmement  réservé  sur  l'ave-  ses  ancêtres  ont  été   de  grande 

nir ,   lors   même  que  les  apparences  :~,~„w'+„„„„    m\       „  „v    +^  ,*    i„ 

c„_f  t         ui         *  •    »           •    1  •  importance  ( b)  ,    mais   tout    le 

sont  favorables  :  et  ie  trouve  a  plain-  *    ,         ,       %                          ,, 

dre  ceux  qui   sont   de   profession  à  monde   n  en  demeure  pas  d  ac- 

nourrir  les  espérances  des  peuples  ;  Cord.  Son  père  ,  en  mourant ,  le 

car    fort  souvent,  contre  leurs  pro-  laissa  fort  jeune,  avec  fort  peu 

Se'VlZths'. ^  S°nt  0bllg"  '  fairC    de  bi™ .  «  f°rt  ^barrasse;  de 

cm  t„       'j-    .       j»  n„.,„„„  f,.t    s°rte  ou  il  aima  mieux,   à  ce 
(D)  La  prédication  de  Jiennnn  Jut  ,       ?  . 

réfutée  en  même  temps.  ]  Sa  Vie  por-    9U  on  dlt  »  L  abandonner ,  que  de 

te,  qu'il  déclara  en  mourant,  qu'il   plaider  (c).  Il  se  fit    connaître  à 

avait  obtenu  par  ses  prières  que  le    ]a  cour  par  ses   vers      et  _  S(m 

service  établi  dans  sa  cathédrale  ne    „__;+     „+    ;i    „    .    111  j 

»  „  a.  ■        •      /  „   •    .    esprit;  et  il   eut  le  bonheur  de 

cessât  |amais.   In  eo  tamen   maxime       X.  •      _.  .      . 

fahum esse  apparet  quod  teste  F.msero  plaire  au   cardinal  de  Richelieu 

moritiuus   dixerit  ,  precibus   suis  ef-  (C)  ,  et  au  cardinal  Mazarin  (D): 

fectum  esse  ut  cultus  ecclesiœ  Misnen-  de  sorte  que,    non-seulement  il 

sis  perpetuus  sit  futurus  (3).  Ce  ser-  „k+:„*  J„    , :       „    1 

•    '   t1-.   ■       ,■  v     .  •.  en  obtint  de   quoi    rouler,  mais 

vice  était  singulier  ,  et  ne  se  trouvait  .         a      3 

pas  même  à  Rome.  On  avait  disposé  aussi  en»«  df  qu°i  mettre  en 
«le  telle  sorte  les  relais  de  psalmodie  lieu  de  sûreté  les  dernières  an- 
dans  la  cathédrale  de  Misne ,  qu'il  n'y  nt5es  de  sa  vie.  On  lui  donna  des 
avait  aucune  heure,  ni  du  lour,  ni  de  „  „:„„„  »  -<  z.  '  *  j 
1,  •*  «  n  1  .«il  î  pensions  sur  un  eveche  etsurdeux 
la  nuit,  ou  Ion  ne  chantât  les  louan-  r  .  ,-, 

ges  de  la  cour  céleste  ,  ut  nullum  dïei  abbayes   (d)   (E) ,    si    bien    qu  il 

aut  noctis  tempus  cantu  et  deorum  pouvait    être    considéré   comme 

hymnis  ac  laudibus  vacel  (4).  Ben-  facon    d'ecclésiastique    (e).     La 

non    mourut  en   faux  prophète,   s'il       „•*„..    _< „    1    •  K  3  > 

1-1                               t     s    j    '       ,  reine-mere  lui  avait  donne  une 
déclara  en  mourant  que  cela  durerait 

toujours. 

(2)  Ex  Seckendorfîo ,  ibidem,  lib.  lit  ,pag. 

'J2I. 

(3)  Secltendorf.  ,  lib.  1  ,  pag.  280,   litlera  a. 
4)  Emserus,  apud  Seclead.  ,   ibidem. 

BENSERADE  (a)  (  Isaac  de  ) , 
l'un  des  beaux  esprits  du  XVIIe. 


pension  de  trois  mille  livres  , 
après  que  la  mort  du  cardinal  de 
Richelieu  lui  eut  fait  perdre  la 
pension  de  cette  éminence  (f). 
Il  trouva  le  moyen  de  subsister 
à  la  cour  par  le  secours  des 
mille  écus  de  la  reine-mère ,  et 
siècle,  était  de  Lions,  proche  de  par  celui  de  quelques  dames  ri' 
Rouen  (b).    Il  naquit  de  la  reli-    .,  ,,  .-,  „        ,      .  „     .        ,. ■■    «. 

\    /  T.  L  abbe   lallemant    est  l  auteur  de  ce  JJis- 


(a)  C'est  ainsi  qu'il  signa  dans  une  lettre         *  Leclerc    et   Joly   conviennent   du    fait; 
qu'il  me fit  l'honneur  de  iri 'écrire  le  18  de  mai     mais  ont  le  plaisir  de  ne  pas  trouver  la  preu- 

"     ve  bonne. 

(r)  Tallemant,  Discours  sur  Bensserade. 


l665.  J'ai  trouvé  Bensseradde  ,  au  bas  de 
•.on  épilre  dédicatoire  de  la  Paraphrase  sur 
les  IX  leçons  de  Job.  M.  L'abbé  Tallemant 
le  nomme  toujours  Bensserade. 

(b)  Discours  touchant  la  vie  de  M.  Bens- 
serade ,  à  la  tête  de  ses  poésies  ,  édition  de 
Paris  en   1697,    et    de    HoUaiuh   en   1698. 


(d)  Ménage,  Anti-Baillet  chap.  CXLV. 
Voyez  aussi  la  remarque  (D)  ,  vers  la  fin. 

(<•)  l'oyez   /'Anti-Baillet,  chap.  CXLIV. 

if)  Forez  la  remarque  (E),  au  coni 
mencement. 


BENSERADE.  3i5 

ches  et  libérales  (g).  J'ai  lu  vingt-deuxième  année  (m);  d'au- 
quelque  part ,  que  la  cour  avait  très  disent  qu'il  n'a  vécu  que 
résolu  de  le  députer  à  la  reine  près  de  quatre-vingts  ans  (n)  *. 
de  Suède  ;  mais  cela  ne  fut  point  ]  1  avait  une  pension  du  duc  d'Or- 
exécuté  (F).  Son  sonnet  de  Job  ,  léans  ,  et  un  appartement  au 
mis  en  parallèle  avec  celui  d'C-  Palais-Royal  (o).  C'était  un  très- 
ranie ,  fit  extrêmement  parler  honnête  homme,  et  admirable 
de  lui  (G)  ;  car  quel  honneur  en  conversation,  réussissant  bien 
n'était-ce  point  que  d'être  chef  dans  les  bons  mots  (K) ,  et  disant 
«le  parti  contre  Voiture  (h)  ,  et  aux  gens  leurs  vérités  sans  qu'ils 
d'avoir  sur  le  Parnasse  la  faction  eussent  lieu  de  s'en  fâcher  (L). 
des  jobelins  ,  qui  disputait  le  II  avait  une  manière  d'agir  har- 
terrain  à  la  faction  des  uranistes?  die,  qui  V  obligeait  de  traiter 
il  est  certain  que  cette  dispute  familièrement  avec  les  gens  de 
partagea  toute  la  cour  ,  et  les  la  première  qualité  ;  de  sorte 
beaux  esprits,  et  qu'il  y  eu  eut  qu'il  faisait  passer  sans  qu'on 
de  fort  illustres  qui  se  déclaré-  osât  le  contredire  tout  ce  qu'il 
rent  contre  Voiture  pour  Ben-  lui  plaisait  d'avancer  :  et  il  sem- 
serade.  Celui-ci  réussissait  mer-  blaii  même  avoir  pris  un  ascen- 
veilleusement  aux  vers  qu'il  fai-  daut  sur  les  plus  considérables... 
sait  pour  les  ballets  (H)  ;  mais  il  Sa  familiarité  avait  même,  quel- 
échoua  dans  ses  rondeaux  sur  que  chose  d'impérieux  :  car  non- 
Oyide  (/)•  H  entra  dans  l'acadé-  seulement  il  voulait  qu'il  lui  fit. 
mie  française  assez  tard  ,  puis-  permis  de  trouver  à  redire  ain 
que  ce  fut  l'an  167 4  5  et  qu'il  autres;  mais  il  ne  pouvait  souf- 
avait  alors  plus  de  soixante  ans.  frir  qu'on  critiquai  ses  comj)osi~ 
II  succéda  à  Chapelain  dans  cette  lions,  qu'il  défendait  avec  un 
place  ,  et  lui  donna  des  éloges  ,  tel  entêtement ,  que  ceux-mémes 
qui  déplurent  au  comte  de  Ra-  qu'il  consultait  là-dessus  ne pou- 
butin(A),  et  qui  furent  plutôt  valent  lui  dire  leurs  pensées  sain 
un  hommage  fait  à  la  coutume  ,  s'exposer  à  essuyer  de  sa  pari 
qu'un  effet  de  sincérité.  //  s'ap-  d'étranges  emportemens  (p).  II 
pliqua  aux  ouvrages  de  piété  était  de  bonne  foi ,  et  très-ojji- 
quelques  années  avant  sa  mort ,  deux,  surtout  envers  les  dames; 
et  traduisit  presque  tous  les  car  son  carrosse  et  ses  gens 
psaumes  (/).  Autre  hommage  étaient  toujours  à  leur  service  (q). 
fait  à  la  coutume,  mais  qui  peut  H  n'était  pas  savant  (AI)  :  il  tirait 
aussi  venir  d'un  bon  fond  de  tout  de  son  génie  ;  mais  je  ne 
cœur  (I).  Il  mourut  au  mois  de  voudrais  point  prendre  pour  u:r 
novembre  ifigi  ,  dans  sa  quatre-       lm,  r        A,  Wercare  „,,,,  n  [UL.  ,/t,  n0. 

vembre  1691 ,  pag.  5'iy. 
Discours    touchant  la  vie  de  M.  Bens-         '"   Tallemaot,  Discours  sur  Bcnsseradc. 
serade.  *  L'abbé efOlivet,  comme  le  remarque  Le- 

{h)  Il  était  l'auteur  du   sonnet   d'Uranie.      c'erc  Je  fa.t   naître   en   1612    et   mourir   le 
r„  rez  le  Ménagiana  à  la  pag.  180  de      '9°^        \ r  ;,  U)Ju{'^  '  d^rès  d  °!l- 
la  2«.  édition  de  Hollande.        P  *  "   •  d"na    b  '"£  dcs':s  «""»§«;         „ 

,.,    v  .     T  .  (O)  Mercure  Historique  ,  novembre  IDQI 

(Al    *  oyez  les  Lettres  de  ce  comte  ,   part.     .Jll:r   5  ;- 

;.'  ,  leUreXÇI.  I  illemanl ,  Discours  sur  Benseradc. 

{I    lallemant,  Discours  sur  Bensserale  (7}  Là  même. 


3i6 


BENSERADE. 


preuve  d'ignorance   l'impossibi-   à  la  table  ,  je  n'y  ai  pas  rencon- 

lité  où  il  fut  un  jour  d'expliquer   tré  une  seule  ligne  d'histoire  *. 

la  différence  qu'il  y  a  entre  les 

Hamadryades  et  les  Dryades  (N). 

Il  commença  de  bonne  heure  à 

se  mettre  sous  la  presse  ;  car  on 

dit  que  sa  tragédie  de  Cléopâtre 

fut  imprimée  l'an  i63o  *-   C'est 

„„ ;  „f„;(j;„ .„„>;i  „'<„,•(  /,„/»7n.  que   sept  à  huit  ans  lorsque  l'évêque 

ce  qui  a  tait  dire  cru  il  était  auteur  i  .      *      „       .    .  .    ,  3       ,      i,., 

/!                ,           1   -       r          .,  qui   le  confirmait  lui  demanda,   su 

plus   que  jubile  [O).    J^uretiere  uouiait   bien  changer  son   nom  juif 

le  maltraite  trop  dans   ses    fac-  avec  un  nom  plus  chrétien  ?  jy  con- 


"  Joly  termine  ses  remarques  par  deux: 
pièces  de  vers  de  Benssérade,  qu'il  croit  n'a- 
voir jamais  été  imprimées. 

(A)  La  raison  pourquoi  l'évêque... 
ne  lui  ôta  point  le  nom  d'isaac  est 
très  -  singulière.  ]    Benserade   n'avait 


tums  (r).  Sarrazin  ,  dans  la  Pom- 
pe funèbre  de  Voiture  ,  lui  a 
donné  un  coup  de  dent  :  c'est 
lui  qu'il  appelle  Rousselin  de 
Grenade,  au  IIIe.  chapitre  de 
la  grand' chronique  du  noble 
Vetturius;  et  il  se  sert  de  ce 
nom  ,  à  cause  que  Benserade 
était  rousseau  (P)  ,  et  que  par 
plaisanterie,  et  pour  la  ressem- 
blance des  noms ,  il  se  disait  issu 
des  Abencerrages.  J'ai  trouvé 
cela  écrit  à  la  main  à  la  marge 
d'un  exemplaire  de  la  Pompe  fu- 
nèbre de  Voiture  ,  lequel  exem- 
plaire avait  appartenu  à  un  hom- 
me qui  savait  la  carte.  Jl  paraît 
par  ce  chapitre  de  Sarrazin  ,  que 
Benserade  avait  supplanté  Voi- 
ture chez  madame  de  Saintot  (Q). 
J'espérais  trouver  beaucoup  de 
choses  sur  la  vie  de  M.  de  Ben- 
serade dans  le  Recueil  des  plus 
belles  pièces  des  poètes  français 
(s)  :  le  titre  m'en  assurait  ;  mais 
quand  j'ai  été  à  la  page  marquée 


*  Le  Ménagiana  sur  qui  Bayle  s'appuie 
[t'oyez  les  remarques  (C)  et  (O)  )  ne  donne, 
dit  Lpclerc ,  la  date  de  l63o  que  comme 
douteuse.  La  Cléopâtre  ne  fut  imprimée  en 
effet  qu"en  i636.  Elle  avait  été  jouée  à  la  fin 
de  i635. 

(r)  Voyez  la  pag.  18  du  11'.  Factum, 
cl  la  27  du  III".,  de  l'édition  de  Hollande. 

(s)  Ce  Recueil  est  en  5  tomes.  L'auteur  des 
Mémoires  et  Voyages  d'Espagne  l'a  publié 
à  Paris  l'an  1692.  Il  fut  d'abord  contre- 
fait à  Amsterdam. 


sens  ,  répondit-il ,  pourvu  qu  on  me 
donne  du  retour.  Le  prélat  surpris  du 
génie  de  cet  enfant  ne  voulut  point 
lui  changer  le  nom  :  //  faut  le  lui 
laisser  ,  dit-il  ,  il  le  rendra  très  -  il- 
lustre +.  Cette  particularité  m'a  été 
communiquée  de  bon  lieu  ;  et  je 
pense  qu'elle  se  trouvera  dans  la  Vie 
de  M.  de  Benserade  ,  faite  par  mon- 
sieur l'abbé  Tallemant ,  si  jamais 
elle  s'imprime. 

Voilà  ce  que  je  disais  l'an  i6g4-  Ma 
conjecture  n'a  pas  été  fausse  :  ce  Dis- 
cours de  M.  l'ahbé  Tallemant  se  voit  à 
la  tête  des  œuvres  de  M.  de  Benserade , 
imprimées  à  Paris  l'an  1697,  et  en  Hol- 
lande l'an  1698.  On  y  trouve  la  parti- 
cularité que  j'ai  rapportée. 

(B)  On  prétend  que  ses  ancêtres  ont 
été  de  grande  importance.']  C'est  la  cou- 
tume, quand  on  est  reçu  dans  l'Acadé- 
mie Française  ,  de  faire  l'éloge  de  ce- 
lui auquel  on  succède.  M.  Pavillon  , 
successeur  de  M.  de  Benserade,  le 
loua  délicatement  :  voici  de  quelle 
manière  il  mania  le  chapitre  de 
l'extraction  :  «  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu 
»  où  l'on  doive  faire  valoir  la  noblesse 
»  du  sang  de  cet  illustre  mort.  Ici  le 
w  hasard  de  la  naissance  ne  fait  esti- 
»  mer  ni  mépriser  personne  :  aussi 
»  dans  la  pompe  funèbre  des  défunts, 
»  on  n'y  fait  point  marcher  devant 
»  les  images  de  leurs  ancêtres  ;  on 
»  n'y  expose  que  leurs  talens ,  on  n'y 
»  montre  que  leurs  ouvrages.  Que  pai- 
»  tout  ailleurs ,  on  pare  1  éloge  du  dé- 
»  funt  du  nom  des  anciens  seigneurs 
»  de  Maline  ,  que  l'on  compte  entre 
»  ses  aïeuls  celui  qui  dans  le  commen- 
»  cernent  du  siècle  passé  fut  grand- 

*  Joly  avance  que  cette  histoire  est  racontée 
un  peu  différemment  dans  les  Hommes  illustrer 
de  Perrault.  C'est ,  il  est  vrai  ,  dans  d'antres 
termes,  mais  le  fond  est  absolument  le  méiat. 


BENSERADE 

maître  Je  l'artillerie  :   on  ne  doit 
»  parler  ici  que  de  ce  qui  le  fit  admi- 


»  rer  pendant  sa  vie ,  et  de  ce  qui  le 
»  doit  faire  revivre  après  sa  mort  (i).  » 
Voici  ce  qu'on  trouve  dans  le  Dis- 
cours de  M.  l'abbé  Tallemant  :  Quoi- 
que M.  de  Benserade  ne  parldtguère  de 
son  père  ,  il  n  oubliait  pas  pour  cela 
ses  ancêtres  ,  dont  l'un  avait  été  cham- 
bellan d'un  de  nos  rois ,  et  châtelain 
du  château  de  Milan Du  côté  ma- 
ternel, il  elait  allié  des  J^ignancours 
et  de  ceux  de  la  Porte  :  sa  mère  por- 
tait ce  dernier  nom  ,  qui  était  celui  de 

la  mère  du   cardinal  de   Richelieu 

Elle  ne  consentait  pas  trop  volontiers 
a  la  parenté  du  cardinal ,  disant  sou- 
vent dans  sa  famille  quelle  n'était  pas 
île   la   Porte  dont  on   voulait  qu'elle 

fdt Monsieur  l'amiral  de   Brézé 

considérait  Benserade  comme  une  per- 
sonne qui  lui  appartenait.  On  affirme 
dans  l'Epître  dédicatoire  de  ses  œuvres 
(2),  qu'il  avait  l'honneur  d'appartenir 
an  grand  cardinal  de  Richelieu.  Com- 
parez ,  je  vous  prie,  tout  cela  avec  ce 
passage  du  Ménagiana.  «  31.  de  Ben- 
»  serade  ,  à  ce  que  j'ai  entendu  dire  , 
»  était  fils  d'un  procureur  de  Gisors  ; 
»  et  j'ai  été  fort,  surpris  ,  lorsque 
»  M.  l'abbé  Régnier  lut  ici  dernière- 
>j  ment  la  harangue  de  M.  Pavillon , 
i)  à  sa  réception  à  l'Académie  ,  dans 
»  laquelle  on  donne  à  M.  de  Benserade 
»  une  généalogie  magnifique.  Mais  je 
»  ne  l'en  estimerais  pas  moins  pour 
»  être  encore  de  plus  bas  lieu.  Les 
»  savans  doivent  se  piquer  d'être  les 
»  fils  de  leurs  propres  ouvrages.  M.  de 
»  Benserade  avait  une  assez  jolie  mai- 
»  son  à  Gentilli.  Au-dessus  de  la  porte 
«  de  cette  maison,  d  avait  fait  rnet- 
»  tre  des  armes  qu'il  s'était  données 
■»  avec  une  couronne  de  comte.  Un 
»  de  ses  amis  dit  un  jour  en  les  voyant: 
»  C'est  aux  poêles  à  en  faire  (3).  » 
Notez  que  M.  Pavillon  et  M.  l'abbé 
Tallemant  ne  disent  rien  l'un  de  ce 
que  l'autre  caractérise  touchant  les 
ancêtres  de  M.  de  Benserade.  Cela 
fait  soupçonner  qu'ils  ont  suivi  des 
notions  vagues  ;  car  on  ne  s'éloigne  pas 
si  étrangement  de  l'uniformité,  quand 

(1)  Voyez  les  Lettres  historiques  du  mois  de 
février  1692,  pag.  16g,  170. 

(2)  Imprimées  à  Paris  ,  chez  Charles  de  Ser- 
.1  ,  l'an  1697. 

'3)  Suite  du  Ménagiana  ,  pag,  53  ,  édition  de 
Me  llunde. 


on  se  règle  sur  des  titres  généalogiques 
bien  prouvés.  Quoi  qu'il  en  soit  des 
ancêtres  (*) ,  l'obscurité  du  père  ne 
peut  point  passer  pour  douteuse.  Les 
uns  avaient  ouï  dire  que  c'était  un 
procureur  de  Gisors  (4);  les  autres 
qu'il  avait  été  maître  des  eaux  et  fo- 
rêts (5).  Son  fils  ne  parlait  guère  de 
lui,  quoiqu'il  n'oubliitt  pas  ses  an- 
cêtres (6).  Voulez-vous  de  plus  grandes 
preuves  d'un  petit  état  ?  Prenez  garde 
à  une  autre  chose.  Une  infinité  de 
gens  prouvent  mieux  la  noblesse  de 
leur  père  ,  que  celle  de  leirr  aïeul  ;  et 
si  vous  les  obligiez  à  prouver  celle  de 
leur  bisaïeul  ,  vous  les  embarrasseriez 
davantage.  Perse  a  employé  celte  ob- 
servation (7).  Ici  c'est  tout  le  contraire. 
Il  faut  sauter  quelques  degrés  en  re- 
montant, si  l'on  veut  sortir  des  té- 
nèbres généalogiques.  Notre  M.  de 
Benserade  ne  trouve  rien  de  commode, 
ni  chez  son  père,  ni  chez  son  grand- 
père  :  il  ne  trouve  sa  noblesse  que 
dans  les  siècles  passés.  Il  est  sûr  que  le 
sang  noble  ressemble  quelquefois  à  ces 
fleuves,  qui  tombent  dans  un  préci- 
pice, et,  après  avoir  coulé  dans  des 
canaux  souterrains  pendant  quelques 
lieues  ,  reparaissent  tout  de  nouveau 
(8).  L'histoire  généalogique,  précédée 
presque  toujours  du  temps  fabuleux 
est  assez  souvent  entrecoupée  par  des 
périodes  de  temps  obscur.  C'est  une 
carte  géographique  ,  qui  a  ses  déserts, 
et  ses  terres  inconnues.  Voyez  M.  Pa- 
villon ,  qui  a  été  obligé  de  faire  un  saut 
de  cent  cinquante  ans  ,  pour  rejoindre 
deux  bouts  dlustres  dans  la  famille  de 
Benserade.  Je  ferai  ci-dessous  (g)  une 
antithèse  des  vers  de  Perse  dans  un 
autre  sens. 

Je  ne  sais  que  dire  d'un  Nicolas  Ben- 
serade, à  qui  Erasme  écrivait  des  let- 

(*)  Les  Mémoires  de  l'état  rlc  France  sous  le 
règne  de  Charles  (X,  tom.  I ,  feuill.  aqti  et  3g-  , 
tournés  de  l'édition  de  î57g,  parlent  d'un 
Clacpe  de  l'-i.vsuirn  ,  clerc  du  greffe  civil 
du  Palais  de  Rouen  ,  massacré  avec  sa  femme 
à  Rouen,  pour  la  religion,  en  l'année  i5-2. 
Rem.  crit. 

(4)  Ménagiana  ,  là  même. 

(5)  Tallemant,  Discours  sur  la  Vie  de  Bense- 
rade, au  commencement. 

(6)  Va  mime. 

(')  for"  la  remarque  (B)  de  l'article  de 
(Scipion)  Gurritu. 

(8;   Tel  esi  le  Guadiana  ,  en  E<pagne. 

(g)  Dans  la  remarque  '  B)  de  l'article  d* 
(Scipion)  Ctjnui 


3i8 


BENSERADE. 


très  (  10) ,  et  dont  il  parle  comme  d'un 
ti es- honnête  homme,  qui  lui  avait  fait 
du  bien,  et  qui  avait  de  l'érudition  (i  i). 
On  le  qualifie  jurisconsulte  (12).  Notre 
M.  de  Benserade  l'eût-il  voulu  mettre 
parmi  ses  ancêtres? 

(C)  H  eut  le  bonheur  de  plaire  au 
cardinal  de  Richelieu.  ]  Le  même 
M.  Pavillon  expose  que  ce  cardinal  lit 
élever  Benserade.  fous  avez  vu  dans 
<e  dtgne  confrère,  dit-il  (  1 3)  ,le  fruit 
des  soins  que  le  grand  cardinal  de  Ri- 
chelieu avait  pris  de  son  éducation  : 
celui  qui  Sonna  la  naissance  a  votre 
docte  compagnie  fit  élever  sa  jeunesse, 
et  comme  ce  n'est  que  du  côté  de  l'es- 
prit qu'on  regarde  If  s  hommes  parmi 
fous ,  avant  même  que  vous  l'eussiez 
associé,  il  pouvait  se  vanter  que  vous 
étiez  enfans  d'un  même  père.  On  pour- 
rait croire ,  si  Ton  ne  songeait  qu'à 
ces  paroles,  que  M.  de  Benserade  ne 
fut  connu  de  ce  cardinal  que  sur  le 
pied  d'un  jeune  homme  de  belle  espé- 
rance ,  qui  était  d'autant  plus  digne 
de  la  protection  du  premier  ministre, 
qu'il  était  fils  d'un  huguenot  converti  ; 
mais  quand  on  prend  garde  aux  cir- 
constances du  temps  ,  lors ,  dis-je ,  que 
Ton  considère,  que  dès  l'an  i63o  (*'), 
la  CléopdlreAe  Benserade  était  impri- 
mée^) ,  on  ne  peut  douter  qu'il  n'ait 
eu  part  à  l'estime  du  cardinal  de  Ri- 
chelieu en  qualité  d'auteur,  et  de  bel 
esprit  actuellement. 

(D) Et  au  cardinal  Mazarin.~] 

Ou'il  me  soit  permis  d'insérer  ici  un 
long  passage  d'une  pièce  d'un  titre  as- 
sez surprenant  (i5).  Plusieurs  de  mes 
lecteurs  seront  bien  aises  de  voir  ici  ce 
que  c'est,  sans  avoir  la  peine  de  chan- 
ger de  livre;  outre  que  quelques-uns 
pourraient  bien  n'avoir  pas  dans  leur 
cabinet  l' Adiquiniana.  (*»)  «    Votre 

(10)  Voyez  les  Lettres  XXI  et  XXIV  du 
IXe.  livre  d'Érasme.  Elles  sont  datées,  lune 
de  l'an  i499>  el  l'autre  de  l'an  ifa%. 

(11)  Érasme,  la  même.  Voyez  aus si  Z'Épître 
XXIV  du  livre  V ,  pag.  3s3. 

(12)  Dans  la  table  des  Lettres  d'Erasme. 
(i3)  Lettres  historiques  de  février  1692,  pag. 

171. 

"  Voyez  ma  note  pénultième  sur  le  texte, 
page  3i6,  colonne  iIe. 

('4)  Voyez  la  remarque  (O). 

(i5)  Jn«i«u!e  Arliquiuiana.  Je  ne  sais  pourquoi 
on  a  mieux  aimé  dire  Arliquiniana  qu'\r\ecim- 
niana,  puisqu'on  dit  Arlequin  et  non  Arliquin. 

*2  L'auteur  de  l  Arliquimana  est  Cotolendi. 
Le  passage  qu'en  cite  Bajle  est  traité  de  fable 
par  Leclerc  et  par  Jal)T 


histoire  me  fait  souvenir d  une  chose 
qui  a  fait  la  fortune  de  Benserade  : 
c'est  lui-même  qui  me  l'a  dit;  vous 
l'avez  connu  ?  Oui,  lui  répondis-je, 
je  l'ai  vu  jusqu'à  sa  mort  :  celait 
l'esprit  le  plus  vif,  et  l'ami  le  plus 
ardent  que  j'aie  jamais  vu;  il  était 
honnête  et  galant  homme,  et  je 
vous  dirai  quelque  jour  des  choses 
bien  particulières  de  lui.  Vous  savez 
donc  ,  reprit  Arlequin  ,  que  Bense- 
rade vint  à  la  cour ,  jeune  ,  agréable, 
et  plein  de  mérite.  11  s'attacha  au 
cardinal  Mazarin  qui  l'aimait,  mais 
d'une  amitié  qui  ne  lui  produisait 
rien.  Benserade,  suivant  toujours  son 
génie  ,  faisait  tous  les  jours  des  vers 
galans,  qui  lui  donnaient  beaucoup) 
de  réputation.  Un  soir  ,  le  cardinal, 
se  trouvant  chez  le  roi ,  parla  de  la 
manière  dont  il  avait  vécu  dans  la 
cour  du  pape  ,  où  il  avait'  passé  sa 
jeunesse.  11  dit  qu'il  aimait  les 
sciences;  mais  que  son  occupation 
principale  était  les  belles-lettres,  et 
surtout  la  poésie ,  où  il  réussissait 
assez  bien ,  et  qu'il  était  dans  la  cour 
de  ce  pape  ,  comme  Benserade  était 
en  celle  de  France.  Quelque  temps 
après  il  sortit,  et  alla  dans  son  ap- 
partement. Benserade  arriva  une 
heure  après  :  ses  amis  lui  dirent  ce 
qu'avait  dit  le  cardinal.  A  peine 
eurent-ils  fini,  que  Benserade,  tout 
pénétré  de  joie,  les  quitta  brusque 
ment  sans  leur  rien  dire.  11  couruti 
l'appartement  du  cardinal,  et  heurta 
de  toute  sa  force  pour  se  faire  en- 
tendre. Le  cardinal  venait  de  se 
coucher.  Benserade  pressa  si  fort , 
et  fit  tant  de  bruit ,  qu'on  fut  obligé 
de  le  laisser  entrer.  11  courut  se  je- 
ter à  genoux  au  chevet  du  lit  de  son 
éminence;  et  après  lui  avoir  de- 
mandé mille  pardons  de  son  effron- 
terie, il  lui  dit  ce  qu'il  venait  d'ap- 
prendre ,  et  le  remercia  avec  une 
ardeur  inexplicable  de  l'honneur 
qu'il  lui  avait  fait  de  se  comparer  à 
lui  pour  la  réputation  qu'il  avait 
dans  la  poésie.  Il  ajouta  qu'il  en 
était  si  glorieux  ,  qu'il  n'avait  pu  re- 
tenir sa  joie  ,  et  qu'il  serait  mort  à 
sa  porte  ,  si  on  l'eut  empêché  de  ve- 
nir lui  en  témoigner  sa  reconnais- 
sance. Cet  empressement  plut  beau- 
coup au  cardinal.  11  l'assura  de  sa 
protection  ,  et  lui  promit  qu'elle  ne 
lui  serait  pas  inutile  :  en  effet ,   six 


BENSERADE.  3io 

■>  jours  après  il  lui  envoya  une   petite    sinn  sur  l'évéché  de  Memle En- 

»  pension  Je  deux  mille  francs.  Quel-  fin   Bensetfade  eut  encore  une  pension 

»  que  temps   après   il  en  eut  d'autres  de  Jeux  mille  livres  sui  une  abbaye  de 

»  considérables  sur  des  abbayes  ;  et  il  monsieur  l'abbé  de  Fourilles ,  appelée 

»  aurait  été  e'vêque  ,  s'il  avait  voulu    Haut-Milliers Il  avait  outre  cela 

»  s'engager  à  l'église  (16).  »  M.  l'abbé  une  rente  de  cinq  cents  cens  sur  la  mai- 

Tallemant  ne  conviendrait  pas   de  ce  son  de  ville  de  Lyon  ,   et  beaucoup 

dernier  fait.   Voyez  la  remarque  sui-  d'argent  comptant    (i8j.    11    eût   bien 

vante.  voulu  avoir  un  titre,  et  peut-être  ne 

(E)  On  lui  donna  des  pensions  sur  un  lui  a-t-on  point  voulu  accorder  cette 

évéclié  etsurdeux  abbayes.^llca  obtint  grâce,  parce  quil  ne   s'était  pas  d'a- 

nne  du  cardinal  de  Richelieu,  dès  les  bord  destiné   entièrement    à   l'église. 

premiers  ouvrages  qu'on  vit  paraître  de  Mais  s'il  n'a  pas  obtenu  celle-ci ,  qu'il 

sa  façon:  elle  lui  fut  continuée  jusqu'à  avait  demandée  avec  instance  (19),  il  eu 

la  mort  de  celte  éminence  ,  et  il  aurait  a  eu  ou  il  ne  s' attendait  pas  (7.0).  ()n  nous 

peut-être  trouvé  la  même  protection  conte  ensuite  la  manière  dont  il  re- 

auprès  de  madame  la  duchesse  d' Ai-  eut  les  trois  cents   pistoles  que  le  roi 

guillon,  si  ces  quatre  vers  qu'il  fit  après  lui  lit  porter  un  matin  (21).  Ce  prince 

la  mort  du  cardinal  ne  l'eussent  extré-  donna  dix  mille  livres,  pour  les  figu- 

mement  offensée  :  res  dont  les   Rondeaux  de  Renserade 

Cy-Si6t,  oui  rist,  par  la  mort-bleu  ,  8ur  !es  Métamorphoses  d'Ovide  furent 

Le  cardinal  de  Richelieu  ;  Ornes. 

1 El ,  ce  qui  cause  mon  ennuy,  Qn   s'étonnera  peut-être  ,  ces    na- 

Ma  pension  avecque  luy.  „„1„„    ,-„„«.    J       \i       n    i  1    ■    'nu 

F  '  3  rôles  sont  de  M.  labbe  fallemant, 
La  pension  était  assez  considérable,  h  qu'étant  aussi  accommodé  qu'il  était 
c  qu'on  m'a  assuré;  ce  qui  fut  une  i-l  ait  tant  raillé  sur  sa  pauvreté  ;  mais 
terrible  perte  pour  lui ,  et  qui  l'aurait  pour  repondre  h  cela,  il  ne  faut  que  dh- 
exlrêmement  incommodé ,  si  elle  n'edt  tinguer les  temps  •■  c'était  au  commence- 
été  réparée  par  une  autre  de  trois  mille  ment  qu'il  vint  a  la  cour.  Si  l'on  cher- 
livres,que  la  reine  mère  lui  donna  (17)-  cn:,it  bien  les  dates,  on  trouverait 
Admirons  ici  la  force  de  l'habitude  de  peut-être  que  cette  apologie  n'estpoint 
plaisanter.  Un  poète ,  qui  s'est  tourné  jus'e,  et  que  M.  de  Renserade  s'est 
de  ce  coté-là  ,  aime  mieux  risquer  sa  plaint  de  la  pauvreté  ,  lors  même  qu'il 
fortune,  quede  perdre  l'occasion  d'une  uen  sentait  plus  l'embarras,  il  ne  se- 
raillerie  :  je  dis l'occasion  la  moins  na-  rait  pas  le  seul  poète  qui  serait  tom- 
turelle  ,  la  plus  opposée  aux  bienséan-  hé  danscette  faute:  etc'est  undc'sordn: 
ces  ;  car  que  peut-on  concevoir  de  beaucoup  plus  digne  de  censure  ,  que 
plus  éloigné  du  décorum  ,  que  de  ba-  celui  dont  on  a  blâmé  Sénéque ,'  d'a- 
diner  sur  la  mort  du  plus  grand  v0'r  loué  et  recommandé  la  pauvreté 
homme  qui  ait  été  dans  le  ministère  a"  milieu  d'une  opulence  excessive.  Il 
de  France  ?  Et  si,  par  cette  seule  rai-  va,lt  mieux  faire  cela,  que  de  se 
son  ,  la  plaisanterie  choque  les  règles  ,  plaindre  d'être  gueux  ,  quoiqu'on 
quel  nouveau  degré  de  bizarrerie  n'y  so''  fort  à  son  aise.  En  tous  cas,  notre 
a-t-il  pas  là-dedans  ,  lorsque  le  poète,  Renserade  est  un  exemple  à  opposeï  à 
qui  folâtre  sur  ce  sujet ,  avait  reçu  du  l'auteur  d'un  joli  rondeau  dontje  parle 
défunt  une  pension  considérable?  Je  ailleurs  (23),  et  qui  commence,  Le 
ue  saurais  trouver  mauvais  que  la  du-  bel-  esprit  au  siècle  de  Mnrot.  - 
cliesse  d'Aiguillon  l'ait  supprimée  :  vers  lui  firent  faire  une  assez  belle  for- 
elle  eut  en  cela  moins  de  tort  que  tu°e,et  le  mirent  en  état  de  pouvoir 
M.  de  Renserade.  Mais  passons  aux 
autres  bienfaits  dont  ce  bel  esprit  fut  (,8)  *fcwéW 

gratifié.   Le   cardinal  Mazarin  lui   fit  e  ^  **  «*t*caà  en  gnh  earoeûret,  afin  de 

avoir  une  pension  de  mille  écus  sur  •       .  "n.tir  VoPPosi*on,  enlr<-  -V.  l'abbé  Talle- 

labbayedeHSaint-L/,y....  el  lut  laissa  ™é££ttê2£g!?a&'&  l£ 

en  mourant  deux  mille  livres  de  peu-  **&***  a  l'*8«'".  Vojn  ci-dessus ,  tUaUan 

(iC) 

(16)  Arliquiniana,  pag.  235,  édition  de  Hol-  (-<>)  Tallcmant ,  Discours  sur  Bensscrade 

'""de  (21J  L'a  mime. 

Jitf  L  abbé  Tallemant,  Discours  Wr  Beosse-  C»J  Dans  le.  IWelI,,  Lî([res  contre  M.i«- 

bourg ,  pag.  5qo  el  suit: 


320 


BENSERADE. 


{•rêter  aux  dames  un  carrosse  et  des 
aquais.  Il  était  sans  doute  tris-digne 
de  récompense  ,  mais  on  aurait  dû  lui 
assigner  ses  pensions  sur  d'autres  biens 
que  sur  les  revenus  de  l'église,  non  hos 
qucesitum  munus  in  usus.  Voyez  la  re- 
marque (G)  de  l'article  Thomas.  Au 
reste,  il  ne  faut  point  douter  que  plu- 
sieurs autres  beaux  esprits  ne  lui  por- 
tassent envie,  tant  à  l'égarddu  carrosse 
qu'il  taisait  rouler ,  qu'à  l'égard  de  l'a- 
vantage dont  il  jouissait  de  dîner  sou- 
vent en  ville.  L'un  d'eux  (23)  composa 
un  sonnet ,  dont  voici  la  conclusion  : 

11  fréquente  les  bonnes  tables, 
El  je  ne  mange  que  chez  moi  : 
J'en  connais  de  plus  misérables  (l'\). 

Voilà  le  goû.t  des  parasites  de  l'anti- 
quité. 

Si  Iristi  domicœnio  laboras , 
Turani ,  potes  esurire  mecuin  h5). 

Observons  que  ce  sonnet  n'avait  plus 
de  lieu  il  y  avait  long-temps;  car  la 
mauvaise  santé  obligea  M.  de  Bense- 
rade  sur  la  fin  de  sa  vie  a  ne  manger 
guère  que  chez  lui:  et  non-seulement , 
il  ne  sortait  guère  pour  dîner  dehors  , 
mais  il  ne  sortait  guère  pour  faire  des 
visites  (26). 

(F)  On  avait  résolu  de  le  députer  a 
la  reine  de  Suède  ;  mais  cela  ne  fut 
point  exécuté.]  J'ai  lu  cela  dans  une 
lettre  de  Costar  à  madame  la  marquise 
de  Lavardin.  Les  paroles  de  Costar 
sont  dignes  d'être  rapportées,   puis- 
qu'elles   nous  font  savoir    qu'en    ce 
temps-là   Benserade  n'était  pas    trop 
bien  dans  ses  affaires.  C'est  une  mau- 
vaise coutume  à  messieurs  les  beaux 
esprits  de  ne  dater  point  leurs  lettres. 
Si  Costar  avait  daté  les  siennes ,  nous 
saurions  l'année  où  Benserade  devait 
avoir   cet  emploi.    «    On  vous   aura 
»  mandé    que    la    reine    l'envoie   en 
»  Suède,  et  qu'il  part  d'ici  dans  huit 
»  ou  dix  jours.  Il  se  morfondait  fort  à 
»  Paris  .  je  ne  sais  s'il  se  dégèlera  à 
»  Stockolm  ,  et  si  l'air  du  Nord  sera 
»  plus  favorable  à  sa  fortune ,  que  n'a 
»  été  celui  de  la  cour.  Je  m'assure  que 
»  tout  le  froid  du  septentrion  ,  et  que 

(23)  L'abbé  Esprit. 

(24)  Ce  sonnet  fut  fait  sur  Joli.  Talleuiant  , 
Discours  sur  Bensserade  ,  etc. 

(:5)  Martial.,  epigr.  LXXIX  libri  V.  Voyez 
aussi  les  épigramm.  LXXV11) ,  LXXIX  du 
livre  XII. 

(26)  Talleuiant,  Discours  tnr  Bensserade. 


)>  toute  la  neige  et  la  glace  du  pays  de 
»  Bise,  ne  seront  pas  capables  d'é- 
»  teindre  ce  beau  feu  qui  l'anime;  et 
»  que  la  présence  de  la  plus  brave  et 
»  de  la  plus  spirituelle  des  reines  lui 
»  inspirera  des  choses  dignes  d'être 
»  conçues  sous  un  meilleur  ciel ,  et 
»  sous  un  climat  plus  doux  (27).  » 
Voyez  dans  le  recueil  des  plus  belles 
pièces  des  poètes  français  (28;  les  plai- 
santeries que  fit  cet  ambassadeur  sur 
la  misère  de  son  équipage.  Scarron  ne 
put  se  taire  sur  ce  que'. a  députation 
n'eut  point  de  lieu  :  voici  comment 
il  date  une  épître  à  la  comtesse  de 
Fiesque  : 

L'an  que  le  sieur  de  Benserade 
N'alla  point  à  son  ambassade. 

On  n'en  sait  pas  mieux  quelle  est  cette 
année.  Je  ne  sais  pourquoi  M.  Talle- 
mant  assure  que  quelqu'un  fit  ces  deux 
vers  dans  ses  gazettes  ;  car  ce  n'est  pas 
ainsi  que  l'on  doit  nommer  les  épîtres 
de  Scarron. 

(G)   Son  Sonnet    de   Job fit 

beaucoup  parler  de  lui.~\  Ce  sonnet,  et 
celui  d'Uranie,  firent  éclorre  une  in- 
finité de  vers,  que  l'on  peut  voir  dans 
le  recueil  des  pièces  choisies.  Je  crois 
que  pendant  le  cours  de  cette  querelle 
il  ne  se  fit  rien  de  plus  spirituel ,  que 
la  Glose  à  M.  Esprit  (29).  Ce  fut  Sar- 
razin  qui  la  composa  :  il  s'était  décla- 
ré pour  le  sonnet  d'Uranie.  Balzac  fit 
une  censure  sévère  de  ces  deux  sonnets, 
qui  se  trouve  à  la  fin  de  son  Socrate 
chrétien.  Quand  on  examine  cette 
censure ,  on  ne  peut  s'empêcher  de 
dire  qu'il  y  a  d'excellentes  pièces  qui 
ont  de  fort  grands  défauts.  Il  y  a 
certaines  beautés,  et  certaines  grâces, 
qui  brillent  de  telle  sorte  au  milieu 
des  fautes  qui  sont  échappées  à  l'au- 
teur ,  qu'on  ne  prend  poiut  garde  à 
ces  fautes.  Mais  ,  après  tout,  je  ne  vois 
point  qu'aujourd'hui  ces  deux  sonnets 
passent  pour  les  meilleures  pièces  de 
leurs  auteurs.  Voici  ce  qu'un  fin  cri- 
tique (3o)  en  a  dit  :  Beaucoup  de  gens 
ont  pris  parti  dans  cette  contestation 

(27)  Costar,  Lettre  CLXV  du  J«.  volume, 
pag.  ijSo. 

(28)  Tom.  y,  pag.  a3i.  Je  parle  du  Recueil 
publié  par  l'auteur  du  Voyage  d'Espagne. 

(29)  Vous  la  trouverez  parmi  les  Poésies  de 
Sarr'axin ,  pag.  86  de  l'édition  de  i658  ,  in-12. 

(30)  M.  Sallo,  dans  le  Journal  des  Savans 
du  26  de  janvier  16(0 ,  pag.  48 ,  édition,  de 
Hollande. 


BENSERADE. 


32  1 


(3f)  :  et  elle  s'est  tellement  échauffée ,  porte  que  ce  prince  ne  croyait  pas 
quil  s'est  fait  des  gageures  considé-  avoir  jamais  vu  déplus  beau  sonnet 
râbles  en  faveur  de  l'un  et  de  l'autre,  que  celui  de  Job.  La  fin  ,  disait  cette 
Mais  il  est  à  craindre  qu'il  n'arrive  à  altesse,  en  est  la  plus  heureuse  du 
ces  deux  pièces  la  même  chose  qui  est  monde  ;  mais  les  autres  vers  .  quoique 
arrivée  à  ces  deux  sonnets  <jui  divi-  fort  galans  ,  semblent  être  plutôt  né- 
sèreut  le  Parnasse  en  deux  factions  si  gligés  ,  que  polis  et  achèves.  Madame 
célèbres,  sous  les  noms  de  jobe/ins  et  de  Longueville  se  déclara  pour  le  son- 
d'uranins.  Car  étant  examinés  déplus  net  de  Voiture  (34).  Note/,  que  Bense- 
près ,  ils  perdirent  beaucoup  de  leur  rade  fit  le  sien  en  envoyant  à  une  darne 
prix  et  de  leur  estime.  la  paraphrase  qu'il  avait  composée  sur 

L'auteur  de  l'Epître  qui  sert  de  pré-  Job  (35)  :  notez,  dis-je,  cela  comme 
face  à  la  traduction  nouvelle  de  Perse  une  preuve  de  la  licence  profane  que 
et  de  Juvéual  (3a)  débite  une  parti-  se  donnent  les  poètes  galans  *.  La 
cularité  curieuse,  que  je  ne  saurais  patience  de  Job  ,  cet  exemple  canoni- 
omettre.  «  C'est  ainsi  (33)  qu'un  grand  que,  divin,  sacré,  devait-elle  servie 
»  prince  qui  savait  beaucoup,  mais  d'introduction  où  <le  texte  à  une  dé- 
»  qui  avait  encore  plus  de  goût  pour  les  claration  d'amour  ?  Un  poète  chrétien 
»  bonnes  choses  que  de  capacité,  ju-  ne  devait-il  pas  avoir  plus  de  respect 
)>  gea  si  juste,  en  deux  petits  vers  des  pour  les  histoires  de  la  Bible?  devait-il 
»  deux  fameux  sonnets  qui  amusèrent  mettre  sa  patience  ,  et  sa  prétendue 
»  autrefois  toute  la  cour,  et  qui  la  misère,  au-dessus  de  celle  de  Job,  sous 
»  partagèrentendeux  cabalesde beaux  prétexte  qu'il  était  amoureux,  et  qu'il 
m  esprits,  dont  la  guerre  fut  fort  in-  n'osait  déclarer  sa  flamme? 
»  nocente.  Voiture  eut  pour  lui  de  re-  (H)  Il  réussissait  merveilleusement 
»  doulables  partisans,  et  Benserade  aux  vers  qu'il  faisait  pour  les  ballets.] 
»  aussi  :  mais  en  vérité ,  la  décision  H  y  avait  une  adresse  toute  nouvelle 
»  du  prince  de  Conti ,  que  lui  dicta  la  dans  ces  vers  :  ils  caractérisaient  en 
J>  nature  seule ,  donna  gain  de  cause  même  temps  les  divinités  poétiques  , 
»  aux  jobelins  ,  et  cela  sans  appel,  et  les  personnes  qui  représentaient  ces 
>»  Voici  l'arrêt  : 

»  L'un  est  plus  grand  ,  plus  achevé  ; 
»  Mais  je  voudrais  avoir  fail  Vautre  ". 

»  Le  premier  vers  regarde  Voiture  ,  et 
»  le  second  regarde  Benserade ,  qui 
»  fut ,  je  pense  ,  alors  bien  content  du 
»  souhait  qu'avait  formé  un  juge  d'au- 
to tant  plus  incorruptible,  que  tout  le 
»  monde  expérimente  ,  en  lisant  les 
m  termes  dont  il  S'est  servi,  qu'il  a  jugé 
»  sans  prévention,  m  M.  l'abbé  Talle- 
mant  n'a  rien  dit  de  ces  deux  vers  de 
M.  le  prince  de  Conti,   quoiqu'il  rap- 


i  s'éleva  sur  la  Jocondc  de 
rétaire  de  Jeu  M.    le   duc 


I 


(3i)  C'est  cell 
M.  de  Bouillon  , 

d'Orléans,    et    sur   la    Joconde    de    M.    de    la 
Fontaine. 

(3s)  Faite  par  le  jésuite  Iliérôme  Tarleron  ,  et 
imprimer  il  Paris,    l'an  i6Sg. 

(33)  C'est-à-dire ,  en  jugeant  par  ce  qui  se 
passe  en  nous-mêmes  lorsque  nous  lisons. 

*  Le  sonnet  qui  finit  par  ce1»  deux  vers  est  de 
P.  Corneille,  dit  Leclerc,  et  non  du  prince  de 
Conti.  Le  père  Tarleron  s'était  sans  doute  a- 
perçu  de  sa  faute  ;  car  dans  la  nouvelle  édition 
de  son  Perse  et  Juvénal,    en    170G,  il  supprima 

le  passage.  Un  prince  de  C .nue  I.eclerc  croit 

être  Comté el  non   Conti)  est  auteur  d'un  qua- 
train qui   finit  ainsi  : 

Le  grand  est  le  plus  admirable, 
Le  petit  est  le  plus  galant. 

TOME    III. 


divinités.  L'auteur  des  Nouvelles  de 
la  République  des  Lettres  a  parlé  en 
passant  de  cette  singularité.  «  M.  de 
»  Benserade  lut  (3t>)  une  pièce  de  sa 
»  façon,  qui  fut  extrêmement  applau- 
»  die.  C'est  le  portrait  en  raccourcides 
»  quarante  académiciens  par  rapport 
»  à  leurs  personnes,  à  leurs  talens  ,  à 
»  leurs  aventures,  et  à  leur  fortune. 
»  11  parle  avec  liberté  de  chacun 
»  d'eux  ;  mais  avec  ce  tour  tin  et  ini- 
»  mitable  dont  il  s'est  servi  tant  de 
»  fois  pour  faire  des   vers   de  ballet 

(34)  Tallemanl,  Discours  sur  Bensserade.  // 
rapporte  queL/ues  particularités  touchant  lu 
guerre  des  uranins  el  des  jobelins. 

(35)  La  même. 

*  Ces  Paraphrases  virent  le  jour  en  i638,  et 
cependant,  comme  le  remarque  Joly  ,  la  dis- 
pute ne  commença  qu'en  i65i.  -  Je  penserai) 
»  volontiers,  ajoute  Joly  ,  que  Benserade  at 
-  composa  le  sonnet  qu'après  1649  ,  année  iù 
I.  s  Paraphrases  sur  Job  parurent  pour  la  sc- 
»  conde  fois  a  Paris,  in-12.  J'ai  celle  seconde 
.-  édition ,  inconnue  à  ceux  qui  ont  parlé  de 
•  Benserade,  et  omise  dans  la  Bibholheca  sacra 
..  du  père  Lelong.  Peut-être  vers  1GÏ1  y  eut-il 
»  une  troisième  édition  au  sujet  de  laquelle 
m  Benserade  aura  pu  taire  le  sonnet  dont  il 
.    s'asit.   - 

(36)  Le  jour  qu'on  reçut  M.  Corneille  le  jeunt 
a  l'acaiWmie  fi  anraise . 

■3.1 


«)22 


BENSERADE. 


»  personnellement   propres   aux    da-  vent  leurs  inclinations,  leurs  attache- 

»  mes   et  aux   seigneurs   de   la  cour  mens  ,  et  jusqu'à  leurs  aventures  les 

»  qui  devaient  paraître  dans  les  en-  plus  secrètes;  mais  d'une  manière  si 

j)  trées  (37).  »  M.  Perrault  a  beaucoup  agréable,  si  fine,  et  si  détournée,  que 

mieux  expliqué  cela  :  voyons  un  peu  ceux  qui  Y  étaient  raillés  étaient  les 


ce  qu'il  en  dit.  Je  vais  vous  dire  enco- 
re une  sorte  de  poésie  qu'on  a  ajoutée 
aux  anciennes.  Ce  sont  les  vers  admira- 
bles que  M.  de  Benserade  faisait  pour 
les  ballets  du  roi.  vivant  lui,  quand  on 


premiers  à  s'en  réjouir,  et  que  ses  plai- 
santeries ne  leur  laissaient  dans  l'âme 
ni  ressentiment  ni  chagrin  :  ce  qui  est 
une  marque  essentielle  de  leur  perfec- 
tion. Voyez  aussi  la  première  lettre  de 


fusait  les  stances  sur  Jupiter,  par  exem-  )a  11e.  partie  de  M.  de  Râ  butin  ,  et  le 

pie,  qui  fait  une  entrée  où  il  foudroie  Discours  de  M.  l'abbé  Tallemant.  Vous 

lescyclopes  ,  ces  stances  ne  parlaient  trouverez  dans  ce  discours  que  Ben- 

que  de  Jupiter  comme  Jupiter,  et  point  serade  eut  une  querelle  avec  le  presi- 


du  tout  de  la  personne  qui  le  represen 
tait.  M.  de  Benserade  tourne  ses  vers 
de  manière  qu'ils  s'entendent  égale- 
ment de  l'un  et  de  l'autre  ;  et  comme 
c'était  ordinairement  le  roi  qui  repré- 
sentait Jupiter,  d'autres  fois  Neptu- 
ne ,  quelquej'ois  Murs  ou  le  Soleil  , 
rien  nen  est  plus  admirable  que  la  fi- 
nesse des  louanges  qu'il  lui  donne  sans 


dent  de  Périgni,  et  avec  Molière  ,  qui 
avaient  fait  des  vers  de  ballet.  C'est 
une  marque  qu'il  voulait  être  le  seul 
que  l'on  employât  à  cela. 

(1)  C'est  peut-être  pour  s' accommo- 
der a  la  coutume  qu'il  traduisit  les 
psaumes  dans  sa  vieillesse  ;  mais  cela 
peut  aussi  venir  d'un  bon  fond  de 
cœur.']  On  est   d'autant  plus  porté  à 


adresser  à  lui.  Le  coup  porte  sur  le    croire  que  cela  sortait  d'un  bon  prin 


personnage  ,  et  le  conlre-coup  sur  la 
personne  :  ce  qui  donne  un  double  plai- 
sir,  en  donnant  à  entendre  deux  cho- 
ses a  la  fois  ,  qui  ,  belles  séparément  , 
deviennent  encore  plus  belles  étant 
jointes  ensemble  (38).  J'ajoute  un  troi- 
sième témoin  à  ces  deux-là ,  parce 
qu'il  caractérise  d'une  manière  plus 
étendue  à  certains  égards  les  vers  en 
question,  et  qu'il  me  fournit  une  preu- 
ve de  deux  remarques  suivantes.  Nous 
venons  de  perdre  ,  dit-il  (39) ,  un  bel 
esprit,  qui  a  excellé  en  l'art  de  railler 
finement  et  agréablement,  tant  de  vive 
voix,  que  dans  ses  écrits,  surtout  dans 
les  ingénieux  vers  de  ballet  qu'il  a 
faits  pour  toute  la  cour ,  pendant  plu- 
sieurs années.    Il  est   original  en    ce 


cipe  dans  M.  de  Benserade,  que  sa 
soumission  à  Dieu  a  été  insigne  pen- 
dant sa  dernière  maladie.  Citons 
M.  l'abbé  Tallemant.  «  On  ne  pouvait 
»  commencer  sa  vie  avec  plus  de  ga- 
m  lanterie ,  ni  la  finir  avec  plus  de 
»  piété  ni  plus  de  soumission  à  la  vo- 
»  lonté  de  Dieu,  qu'a  fait  Bensserade. 
»  Il  a  souffert  de  si  grandes  douleurs, 
»  que  Job,  dont  il  a  vanté  la  patien- 
»  ce  ,  n'en  a  guère  pu  souffrir  de 
»  plus  aigres  :  elles  l'étaient  de  telle 
»  sorte,  que  des  gens  d'un  tempéra- 
»  ment  moins  vif,  et  beaucoup  moins 
»  sensible  que  le  sien,  n'eussent,  pas 
»  été  capables  de  les  supporter  (4<\).» 
(K)  //  réussissait  bien  dans  les  bons 
mots.  ]   Le   passage  que  je   viens    de 


genre:   les  anciens  ne  lui  ont  fourni     rapporter  (40  témoigne  qu'il    possé- 
aucun  modèle  de  celle  espèce  de  rail-    dait    ce    talent.  Voici   un    autre   té- 


lerie  ;  et  personne  n  a  jusqu  ici  réussi 
à  l'imiter.  Il  mêlait  aux  descriptions 
des  dieux  et  des  déesses  ,  et  des  autres 
personnages  qui  étaient  représentes 
dans  ces  ballets,  des  peintures  vives  et 
ressemblantes  des  gens  de  la  cour  qui 
les  représentaient:  il  y  découvrait  sou- 

(3-j)  Nouvelles  de  la  République  des  Lettres  , 
mois  de  janvier  iG85  ,  pag.  i-. 

(  38)  Parallèle  des  AnciL-ns  et  des  Modernes, 
iom.  Il  ,  pag.  2ïo,  édition  de  flullande. 

(2û  Recueil  des  bons  Contes,  ihtprimés  chez 
la  veuve  Cramoisi  ,  en  I&J3  ,  pag.  io!\  ,  édition 
de  Jlullande.  On  attribue  ce  livre  a  M.  de  Cal- 
lière,  de  l'académie  française,  et  pléikjidlen- 
ttaire  de  France  au  traite  de  paix  de  Rjrswîèlt' 


moignage  tiré  de  la  même  source. 
C'est  un  témoignage  qu'on  pourrait 
appeler  pratique;  car  il  consiste  en- 
exemple.  «  Un  homme  de  la  cour 
3>  était  soupçonné  d'être  impuissant , 
»  et  ne  voulait  pas  demeurer  d'ac- 
>>  cord  qu'il  le  fût:  il  rencontra  Ben* 
»  serade  ,  qui  l'avait  souvent  raillé 
j)  là-dessus.  Monsieur,  lui  dit-il',  non- 
»  obstant  toutes  vos  mauvaises  plai- 
■»  sauteries  ,  ma  femme  est  accouchée 
»  depuis  peu  de  jours,  lié  !  monsieur, 
«  lui   répliqua  Benserade,  on  n'aja- 

(4oJ  Tallemant,   Discours  sur  Bensserade. 
(40  Ci-dessus,  cilalwn  (3y  . 


BENSERADE. 


323 


»  mais  douté  de  madame  votre  fènï- 
»  me  (  43  )•  "  Vous  trouverez  < 1 1 1 <_•  I  — 
ques-ûns  de  ses  bons  mots  dans  la 
suite  du  Mériagiana,  et  dans  le  Dis- 
cours de  AI.  l'abbé  Tallemant. 

(L)  11  disait  aux  gens  leurs  véiïtés, 
sans  qu'ils  eussent  heu  de  s'en  plain- 
dre. ]  Rien  n'est  plus  certain  que  cet- 
te sentence  ,  Obsequium  amieos  ,  Ve- 
ritas odnini  pant:  c'est-à-dire,  On 
se  fait  des  amis  par  la  complaisance, 
et  des  ennemis  en  disant  la  vérité.  Il 
faut  donc  que  ceux  qui  savent  Ôter  à 
la  vérité  cet  air  odieux,  et  cette  mi- 
ne factieuse  qui  l'accompagnent  ordi- 
nairement ,    aient   une   adresse    bien 


5i  choquantes  et  si  outrageuses,  qu'el- 
les attirèrent  sur  lui  les  menaces  d'une 
personne  de  la  première  qualité ,  qui 
y  prenait  intérêt;  de  sorte  que  ,  non- 
obstant son  imprudence  ,  il  fut  obli- 
ge de  la  supprimer ,  pour  la  bonne 
amitié  qu'il  portait  à  ses  épaules 
(46). 

(M)  Il  n'était  pus  savant.  ]  Cela 
e'tait  si  connu,  qu'on  ne  (it  point  scru- 
pule de  l'avouer  quand  on  reçut 
AI.  Pavillon  à  l'académie  française  , 
jour  favorable  à  M.  de  rjenserade,  où 
l'on  était  bien  plus  disposé  à  lui  don- 
ner ce  qui  ne  lui  appartenait  pas  , 
qu'à   lui   ôter  ce  qui  lui  appartenait. 


particulière.  Voilà  le  talent  dont  Ben-  Voici  comment  M.  Charpentier  s'ex 
serade  fut  loué  par  son  successeur,  prime  dans  la  réponse  qu'il  fit  au  dis- 
Que/le    adresse    défaire    également    cours     du    nouvel    académicien.    La 


souffrir  des  railleries  aux  plus  impa 
tiens ,  des  louanges  aux  modestes ,  de 
dire  des  vérités  au  milieu  de  la  cour 
sans  nuire  a  sa  fortune  ,  et  de  diver- 
tir ceux  même  auxquels  il  reprochait 
quelque  défaut  !  Aimable  censeur  , 
dont    les   vers    ingénieux ,   purges   de 


compagnie  a  perdu  en  M.  de  Bensera- 
dc  un  de  ses  ornemens  :  c'était  un  es- 
prit  original ,  et  qui  ne  devait  qu'à 
lui  seul  toute  sa  réputation.  Sans  rien 
emprunter  des  anciens  ,  ni  même  les 
avoir  trop  bien  connus,  il  les  a  égales  ; 
et  si  l'on  aperçoit  dans  ses  écrits  quel- 


la  bile  et  du  fiel  de  la  satire  ,  ont  ques-unes  de  leurs  pensées,  c'est  un  ef 
trouvé  cet  art  admirable  de  reprem  Jet  du  hasard  ,  plutôt  que  de  l'imita- 
dre    tout  le   monde  ,  et  de   n'offenser    lion.  Il  à  montré  qu'il  se  pouvait  faire 


personne  (45)-  ^n  ne  pourrait  pas 
accuser  AI.  Pavillon  d'avoir  outré  la 
matière  ,  quand  même  ce  que  l'on 
trouve  dans  certains  factums  (4f)  sé- 
rail vrai  ;  car  il  n'est  point  de  règle 
si  générale  qui  ne  souffre  des  excep- 
tions :  c'est  l'auteur  des  factums  qu'il 


encore  que/que  chose  île  nouveau  sous 
le  soleil;  et  ce  caractère  de  nouveau- 
té lui  a  <te  si  naturel,    que  sitôt  qu'il 
l'a  voulu  abandonner ,  il  n'a  plus  été 
le  même  ;    et  le  commerce  qu'il  avait 
avec   les  grdees  demeurait  interrompu 
quand  il  travaillait  sur  d'autres  idées 
faut  soupçonner  d'outrer   les  choses,     que  les  siennes    Je  ne  m'étonne  point 
Il  dit    45)  que  Beûserade  s'était  érigé    de  voir  que1  l'on  ne  supprima  pa-,  ce 
en  galant  dans  la  vieille  cour,  pur  des     défaut  d'érudition-  car  on    en  tirait 


chansonnettes  et  des  vers*  de  ballet  , 
<pn  lui  avaient  acquis  quelque  repu- 
talion  peu  tant  le  règne  du  mauvais 
goiit  ,  des  équivoques,  et  des  pointes, 
qui  subsiste  encore  chez  lui.  Elles  lui 
ont  attire  d'autre  rote  ,  continue  l-il, 
quelques  menaces  et  aventures  Jacheu- 
ses  .  qui  ont  servi  de  date  h  des  ga- 
zelles burlesques.  A  la  page  28  du 
III1'.  factum  ,  il  dit  que  la  liste  scan- 
daleuse que  Bensérade  avait  faite  île 
l'académie,  et  qu'il  eut  la  témérité  de 
lue  publiquement  dans  une  des  assem- 
blées solennelles,  contenait  des  choses 

Cl?)  Rrciieil  ries  bon-  (.unies,  pag.  i!i  ,  ". 

(43.)  Pavillon  ,  Discours  prononcé  .1  l'acadé- 
mie tranraise.  rofezt'es  Lettres  liislor.,  mois  rie 
février  ioaa  .  pas.   170. 

(4',1  De  Furelière. 

(4ÔJ  PaS'  '9  de  i0n  "e"  factum. 


la  matière  d'un  éloge  rafliné. 

(Nj  11  ne  put  expliquer  la  différen- 
ce qu'il  Y  a  entre  tes  hàrriddryades  et 
les  dryades.  ]  Voici  le  fait  :  nous  > 
verrons  qu'il  pava  d'esprit  :  «  SYtant 
»  trouve  UTi  jour  à  I  opéra  dans  la 
»  loge  dé  Monsieur",  Madame  lui  de- 
»  manda  quelle  différence  il  y  avait 
»  entre  les  hamadrjades  et  les  drya- 
»  des.'  Il  se  trouva  fort  embarrassé  . 
»  mais,  ne  voulant  pas  demeurel 
»  court  ,  comme  il  s'aperçut  qu'un 
»  archevêque  et  un  évêque  atten- 
»  liaient  Madame  à  la  sortie,  n'ayant 
»  pas  \oulu  faire  paraître  leurs  croix 
»  dans  la  loger,  il  dit  qu'il y  avait  au- 
»  tant  de  différence  c/u  entre  les  r  vê- 
»   ques  et  les  archevêques.  Cela  fit  as- 

(4t';  Tjllcmnut,  Discours  suc  Censscrmls. 


3?4 


BENSERADE. 


»  sez  rire  sur-le-champ  ;  et  Madame  de  (52)  :  et  j'ai  connu  par  ce  moyeu 

»  le  redisant  le   lendemain  à  sa  toi-  que    cette  pièce  fut   imprimée  chez 

»  lette ,  quelqu'un  regardant  un   ec-  Antoine   de   Sommaville  ,  in-4°-  ,   et 

»  clésiaslique  de  ses  amis,  dit  en  le  achevée   d 'imprimer  le    29e.  jour  de 

»  montrant ,  Voila  de  quoi  faire  une  mars  i636. 


«  dryade  et  une  hamadryade,  quand 
«  votre  altesse  voudra  l'entreprendre 
»  sérieusement  (47)-  »  L'embarras  de 
M.  de  Beuserade  eu  cette  rencontre 
ne  me  paraît  pas  un  bon  signe  d'igno- 
rance :  car  je  suis  sur  que  la  question 
de  Madame  eût  mis  à  bout  plusieurs 
célèbres  docteurs  régens  (48).  On  sait 
mieux  ces  choses-là  à  la  sortie  du  col- 
lège, qu'après  avoir  blanchi  dans  dis 
études  plus  relevées. 

(0)  //  était  auteur  plus  que  jubilé.] 
Cette  expression  est  empruntée  des 
cloîtres.  Un  moine  qui  a  cinquante 
ans  de  profession,  est  un  religieux,  ju- 
bilé ,  que  l'on  dispense  de  matines  et 
des  rigueurs  de  la  règle  en  quelques 
endroits  (4ç^-  Les  couvens  ont  formé 
cette  expression  sur  la  durée  du  jubi- 
lé judaïque  ,  qui  était  de  cinquante 
ans  (5o).  Voici  comment  M.  Ménage 
prouve  que  M.  de  Benserade  était  au- 
teur plus  que  jubilé.  11  suppose  que  la 


Joignons  à  cela  ces  paroles  de  M. 
l'abbé  Tallemant  :  «  A  peine  était-il 
»  sorti  du  collège  qu'il  donna  deux 
»  ou  trois  pièces  de  théâtre  :  j'en  ai 
»  vu  deux  ,  dont  l'une  s'appelait 
»  lphis  et  Hiante  ,  et  l'autre  Marc 
»  Antoine  (53).  Elles  eurent  toutes 
y>  deux  assez  de  succès  :  mais  s'il  ai- 
)>  mait  la  comédie  ,  il  n'aimait  pas 
.■»  moins  les  comédiennes;  et  l'on  dit 
»  qu'avec  feu  le  marquis  d'Arman- 
»  tières  ,  pour  lors  abbé  ,  il  quittait 
»  la  Sorbonne  ,  où  leurs  parens  vou- 
»  laient  qu'ils  étudiassent  l'un  et  l'au- 
»  tre  ,  et  cela  pour  aller  presque  tous 
»  les  jours  à  l'hôtel  de  Bourgogne  , 
»  où  se  trouvaient  leurs  inclinations, 
»  qui  étaient  la  Valiote  et  la  Belle- 
■»  Boze  (54).  » 

(  P  )  Benserade  était  rousseau.  ] 
M.  l'abbé  Tallemant  a  cru  que  Bense- 
rade avait  aimé  la  Belle-Roze  à  cause 
de  leur  conformité  de  poil.  Elle  avait 


Cléopdtre  de  cet  auteur  fut  imprimée    lei  cheveux  d'un  blond  ardent  ;  et  pour 

l'an  i63o,  et  puis  il  continue  de  cette    [ui^  tf  avouait  franchement  qu'Hélait 

façon:  «   11  est  mort  en  1691  ,  âgé  de     rousseau,  se    donnait    lui-même    ce 

»  quatre  -  vingts  ans  :    ainsi  il  y   a 

»  soixante-un  ans  qu'il  a   fait   cette 

»  pièce  ;  et  je  suppose  qu'il  avait  du 

»  moins  vingt  ans  quand  il  la  lit.  De 

»  plus  ,  il   est  à   remarquer  qu'en  ce 

d  temps-là  on  n'imprimait  guère  une 

»  pièce  de    théâtre    qu'un  an    après 

3>  qu'elle  avait  été  jouée  pour  la  pre- 

»  mière  fois  (5 1  ) .  )> 

M.  Ménage  se  trompe  quand  il  sup- 
pose que  la  Cléopâtre  de  notre  au- 
teur fut  imprimée  l'an  i63o  ,  et  je 
m'étonne  qu'ayant  pu  trouver  à  Pa- 
ris tant  d'occasions  de  s'assurer  de  ce 
fait,  il  ait  négligé  de  s'en  informer  , 
ou  de  charger  de  cette  recherche  quel- 
qu'un de  ces  jeunes  hommes  qui  fré- 
quentaient sa  mercuriale.  Le  hasard 
m'a  fait  tomber  depuis  peu  entre  les 
mains  un  exemplaire  de  la  première 
édition  de  la  Cléopâtre  de  Benssera- 


(47)  Tallemant,  Discours  sur  Bensserarle. 

(48)  Voyez  l'article  Dryades. 

(49)  Voyez  Furetière  ,  au  mot  Jubilé. 

(50)  La  même. 

(5i)  Ménagiana,  pag,  335  de  la  première  édi- 
tion de  Hollande. 


nom  ,  et  s'associait  là-dessus  des  plus 
grands  seigneurs  de  la  cour  ,  sans  se 
mettre  en  peine  si  cette  société  leur 
plaisait  ou  non  (55). 

(Q)  Il  avait  supplanté  Voiture  chez 
madame  de  Sainiot.]  Sarrazin  s'expri- 
me ainsi  :  Comme  Vellurius  arriva  a 
la  cour  de  la  reine  Lionnelle  de  Gal- 
le :  comme  il  en  devint  amoureux  ;  et 
comme  il  en  fut  chassé  par  les  menées 
de  Hunault  d Armorique  et  de  Rousse- 
tin  de  Grenade.  Les  notes  manuscrites 
de  mon  exemplaire  (56)  m'apprennent 
que  madame  de  Saintot  fut  désignée 
sous  le  nom  de  Lionnelle  de  Galle,  à 
cause  de  Gaillonnet ,  maison  de  son 
père.  M.  de  la  Hunaudaye  ,  qui  était 
Breton,  fut  désigné  par  Hunault  d' Ar- 
morique. 

(5i)  C'est  l'orthographe  de  son  nom  ,  tant  au 
litre  qu'au  bas  de  l'e'pîlre  dédicatoire  et  dans  le. 
privilège  du  roi. 

(53)  C'est  apparemment  la  même  que  M.  Mé- 
nage nomme  Cléopâtre. 

(54)  Tallemant,  Discours  sur  Bensserade. 

(55)  1-a  même. 

(56)  Voyez  ci-dessus ,  vers  la  fin  dit  texte  de 
cet  article. 


gnait  à  Lausanne,  quand  Bèze  y 
alla  en  i54q  (c).  Il  y  enseignait 


BÉRAULD.  3s5 

BF.RAULD  (Nicolas)  ,  en  latin 
Beraldus  ,  doit  être  compté  par-  ana  en  1049  {c).  il  y 
mi  les  savans  du  XVIe.  siècle.  11  aussi  en  l'an  i55y  (d).  11  était  à 
fut  précepteur  de  l'amiral  de  Genève  l'an  i56i  (e\  Il  était 
Coligni  (À).  Érasme  le  loue  en  principal  du  collège  de  Montar- 
plus  d'un  endroit  (B),  et  con-  gis  l'an  i5yi  (f),  d'oii  il  alla  à 
fesse  que,  passant  par  Orléans  ,  la  Rochelle  ,  pour  y  exercer  un 
pour  aller  en  Italie  ,  il  logea  chez  semblable  emploi  (g).  Il  était 
lui  (C) ,  et  qu'il  en  reçut  mille  bon  poète  et  en  grec  et  en  latin 
marques  de  bonté.  Nous  appre-  (h).  Il  n'est  pas  besoin  de  dire 
nons  par  -  là  que  Bérauld  de-  qu'il  était  de  la  religion.  Il  a  tra- 
meurait  à  Orléans.  Quelques-  duitquelqueslivresd'Appien(K). 
uns  disent  qu'il  y  était  né  (D)  ;  (c)  Ant. Fayus  in  Vilâ  Bez;p  pag  ^ 
mais  d'autres  assurent  qu'il  était 
de  Languedoc  (E).  Il  a  travaillé 
sur  Pline  (F) ,  de  quoi  le  père 
TIardouin  n'a  point  parlé  dans 
son  excellent  catalogue  des  com- 
mentateurs de  cet  ancien  auteur. 


(d)  Melch.  Adjni.  ,  in  Vilâ  Stuckïi. 

(e)  Colomesii,  Gallia  orient. ,  pag.  55. 
if)Tbid.,pag.të. 
(g)  Ibid.  et  pag.  38.  Voyez  la  Lctlre  que. 

Bèze  lui  écrivit  :  c'est  la  LXXI'.  de  celles  de 
Bèze. 

{h)  Colomesii,  Gallia  orient.,  p.  22,  qo. 

(A)   //  fui  précepteur  de  V amiral 

Il  témoigna  dans   sa  préface  un    de  Coligni.]  En  voici  la  preuve.  Na- 

juste  chagrin  des  abus  de  l'impri-    <««  est  hic  Gaspar  anno  MDXVil, 

merie.   On  sera  sans  doute  bien    rttensis  feb    die  XF1 ,  tfuicUmpuev 

.    .  indolent  virtulis   alque   ingénu   miri- 

aise  que  je  rapporte  sa  plainte  jicam  os(emuret  t  màieT ,°eum  patrc 
(G)  ,  et  que  j'indique  quelques  mortuô  bonis  litteris  al>  ineunte  œta- 
autres    pièces    qu'il    publia  (H).    te  imbuendum  curait  s  ei   que  Ni- 

0.  '    j         •  „i„    l     colaum    lier alduni ,  qui  tum  erudilio- 

n   a   rapporte   depuis   quelque      •      ,     ,      .         .'  i  \    '.",,, 
H  r     .    „K        *  .       ttis    lande     in    prinns    totius    Galliœ 

temps  une  chose  qui  lait  voir  jiorebat  f  prœceptorem  attribua  (i). 
que  c'était  un  honnête  homme  L'ancienne  Vie  de  cet  amiral  ne  dit 
(I).  11  fut  fort  considéré  d'Étien-    'l'"' cela  ;  mais  celle  qui  fut  donnée 

au  public  l'an  168G  rapporte  plus  de 
circonstances  *.  Nous  y  apprenons 
que  lierauld  fut  mis  <1  abord  auprès  de 
l  aîné  qui  ,  ayant  infiniment  d'esprit, 
profita  beaucoup  sous  un  si  bon  maî- 
tre (a) D'Odet  ,  continue-t-on,  il 

passa  auprès  de  Gaspard ,  et  il  trouva 
en  lui ,  non  pas  un  esprit  plus  péné- 
trant ,  car  il  ne  s'en  trourait  guère  ; 
mais  un  esprit  plus  disposé  à  V obéis- 
sance ;  tellement  qu'il  lui  apprit  bien- 
tôt, non-seulement  le  latin  ,  mais  en- 
core la  philosophie.  Comme  M.  de 
Montmorency  ,   qui  venait  d'être  J  ait 

(1)  Vil*  Gasp.  Colinii, pag.  33,  3.J,  édition, 
tllrtij.  tiuni  164Î 

*  L'ancienne  Vie  de  Coli„-ni  ,  citée  par  Flavlr. 
c*t  écrite  en  latin  et  a  pour  auteur  Jean  de  Serres 
(Sertwnus),  ou,  suivant  d'autres,  Jean  de  Vil- 
liers  Hotman  11  en  existe  une  traduction  fran- 
r.n-r  ,  il">'(3  ,  in-4°.  et  in-ifi  F, a  Vie  de  l'amiral 
de  Coligni  ,  i(ï36  ,  in-12  ,  dont  Baylc  rapporte 
un  passage,  a  pour  auteur  le  fameux  Gatien 
Sandra;  de  r.ourtiU  ,   écrivain  justement  décrie 

•-)  v  ,e  de  Gaspar  de  Coligni,  pag 


ne  Poncher,  évèque  de  Paris  ,  et 
puis  archevêque  de  Sens  (a)*', 
prélat  d'une  grande  autorité 
dans  le  royaume  ,  et  le  protec- 
teur des  lettres  *2.  François  1!i  - 
ratjld,  son  fils,  fut  fort  docte. 
Il  entendait  bien  la  langue  grec- 
que ,  et  il  l'enseignait  dansMom- 
belliart,  l'an  1 554  (^0-  H  ensei- 


(«)  Cela  paraît  par  une  Lettre  de  Bude' 
à  Erasme.  C'est  la  LX'.  du  IIIe.  livre  de 
celles  (/'Erasme. 

*'  La  lettre  cile'e  dans  la  note  {a)  e'iant  de 
mars  1 5ip,  -  il  fallait  dire  (suivant  Joly  )  , 
»  auparavant  évèque  de  Paris  et  alors  ar- 
••  chevêque  de  Sens  »  :  critique  au  tnoius 
futile. 

°  lï.iyle  ne  parle  pas  de  la  mort  de  Be'- 
ranld    LeclerC  croit  qu'elle  arriva  eu  i5qo. 

(b)  Colonies.,  in  Gallia  orient. .  pag.  I-. 


3  a6 


BÉRAULD. 


connétable  *  ,  aimait  sa  sœur  et  ses 
enjans  ,  il  trouvait  le  temps  ,  parmi 
les  grandes  occupations  qu  il  avait  , 
de  vaquer  h  l'édu.calioh  de  ceux  -  ci  : 
c'est  pourquoi  il  oyait  commande  à 
Bérauld  de  le  venir  voir  règlement  une 
J'ois  là  semaine  ,  et  de  C  avertir  fidèle- 
ment de  tout  ce  qu'il  reconnaîtrait  en 
eur  de  bien  ou  de  ma!.  Or  ,  Bvrault 
l'étant  venu  trouver  selon  son  com- 
mandement, et  lui  ayant  dit  qu'il  était 
bien  plus  content  de  Gaspard  que 
tTOdet,  le  connétable  prit  l'un  p/our 
l'autre  ,  et  lui  Jît  réponse  qu'il  vil  a 
Y  remédier  ,  parce  qu'il  voulait  que 
Gaspard  f  Ut  d'église,  et  qu'Odet, 
comme  l'aîné,  soutint  l'honneur  de  sa 
maison.  Bérauld,  surpris  de  celle  ré- 
ponse ,  lui  demanda  si  c'est  quil fal- 
lait qu'un  ecclésiastique  f  lit  ignorant, 
et  un  homme  du  monde  plus  habile  ? 
Ce  discours  de  Bérauld  fit  connaître 
au  connétable  qu'il  s  était  mépris  ,  et 
il  fut  ravi  d'apprendre  que  Gaspard 
eût  tant  de  disposition  aux  sciences  , 
qu'il  y  avait  lieu  d'en  espérer  quelque 
chose  de  bon.  Mais  Bérauld  ayant  jait 
part  de  celte  conversation  a  son  éco- 
lier ,  d  eut  si  peur  qu'on  ne  le  fit  d'é- 
glise ,  qu'il  n'y  eut  plus  moyen  de  lui 
faire  regarder  un  livre. 

(B)  Erasme  le  loue  en  plus  d'un  en- 
droit.'] Ce  qui!  en  dit  dans  son  Cice- 
ronianus  est  un  mélange  de  bien  et  de 
mal  ,  puisqup  s'il  lui  don'  e  d'un  cote' 
le  talent  d  •  bien  parler  ,  il  lui  ôte  de 
l'autre  le  talent  de  bien  écrire  ;  et 
qu'il  le  représente  comme  un  pares- 
seux. j4^no.\co  dirlianis  illalmrato 
fluxu  Pino  n"ii  cftssimilei.it  :  veiitnt  is 
in  hoc  génère  nunquàm  nervos  inten- 
dit  suos  ,  d.icendo  quant  scripto  Jeh- 
cior.  Quid  possit  .salis  divino  ,  sed  est 
magni  laborn,  fugitanltor  (3).  Dans 
la  remarque  suivante  ,  il  lui  donnera 
des  éloges  plus  purs  et  en  plus  grand 
nombre.  ISotez  qu'il  lui  dédia  son 
livre  de  Conscribendis  Epislolis,  l'an 
i5a2. 

(C)  Erasme logea  chez  lui.  ] 

*  Montmorency  ,  (lit  Leclerc  ,  ne  devint  con- 
nétable qu'en  i538.  Odel,  déjà  cardinal,  était 
alors  âgé  de  yjngt-troïs  ans,  et  Gaspard  qui  en 
avait  un  peu  plus  de  vingt-un  portait  les  armes 
depuis  plusieurs  années.  De  Courtils  a  donc 
grand  tort  de  supposer  que  ce»  deuKfrères  étaient 
encore  sous  la  lerulé  ne  Bérauld  quand  Mont- 
morency fut  fait  connétable.  En  1 538  Bérauld 
ïi'éluit  plus  chargé  de  l'éducation  des  Coligni. 

(S)  Erasm.  ,  m  Ciceron.  ,  pag.  r^. 


Rapportons  le  passage  tout  entier  .  il 
nous  fournira  un  point  de  critique 
contre  l'historien  moderne  de  l'ami- 
ral de  Coligni.  Nicolaus  Beraldus  le- 
pidè  nimirîiqt  hospitalis  tesserœ  me- 
minit  in  subscriptione  sud.  IVani  me- 
mini  chm  ohm  essem  Aureliœ,  Ita- 
liam  aditurus  ,  me  hominis  hospitio 
usum  ,  atque  apud  eum  dies  aliquot 
sanè  quant  bénigne  comiterque  habi- 
tuai. Etiam  nunc  audire  mihi  vuleor 
linguam  illam  explanatam  ac  volubi- 
lem  ,  suaviterque  tinnientem  et  blan- 
dè  canoram  vocem  ,  oralionem  para- 
tam  ac  pure  Jluenlcm  :  videre  os  illud 
amicum  et  plurimiun  huntanitatis  prœ 
se  ferens  ,  supercilii  nihil  :  mores  ve- 
nu sto s  ,  commodoS ,  faciles  ,  minimè- 
que  molestas  :  qum  et  interulam  seri- 
catn  velut  apophorelum  obtulit  abilu- 
rp  ,  vixque  ab  /tontine  impetravi  ut 
liceret  recusare  (4).  Cette  lettre  est 
datée  du  21  de  février  i5it> ,  d'où  l'on 
peut  inférer  que  Bérauld  n'était  point 
jeune,  quand  il  fut  donné  pour  pré- 
cepteur aux  fils  du  maréchal  de  Clnl- 
tillon.  .Mais  cette  volubilité  de  langue 
qu  Erasme,  témoin  auriculaire,  lui 
attribue  ,  comment  l'accorderons- 
nous  avec  ce  que  l'on  va  lire  ?  L'a  - 
mirai  avait  en  lui  deux  choses  qui  pa- 
raissaient extrêmement  opposées  ,  sa- 
voir :  une  grande  vivacité  d'esprit,  et 
une  parole  fort  lente  ;  si  bien  que 
ion  eût  dit  qu'il  rêvait  à  ce  qu'il  al- 
lait dire.  Les  politiques  voulaient  que 
ce  fût  une  adresse  pour  avoir  le  temps 
d'observer  ceux  h  qui  il  avait  affai- 
re-. ..  Il  est  bien  plus  vraisemblable. 
de  croire  que  celait  un  défaut  qu'il 
avait  contracté  par  la  fréquentation 
de  Nicolas  Berauhl  ,  son  maître,  en. 
qui  l'on  remarquait  la  même  cho- 
se (5)  *. 

{D)   Quelques-uns  disent  qu'il  était 
né   à    Orléans.  ]   IVicolai  Beraldi  Ao- 

kelii Dia/ogus.    C'est  ainsi  que 

parle  Gesner  (6).  Voyez  aussi  Rocol- 
les,  à  la  page  2i4  de  l'Histoire  vé- 
ritable du  calvinisme.  Je  rapporte- 
rai ses  paroles  à  la  fin  de  la  remarque 
suivante. 

(4)  Erasmus ,  Epist.  XIV  libri  I ,  pag.  56. 

(5)  Vie  de  Gaspard  de  Coligni ,  pag.  18. 

*  Joly  prétend  que  Bayle  dit  que  Bérauld 
élait  bègue,  lîayle  ne  parle  que  de  sa  lenteur  â 
parler,  et  cela  sur  le  témoignage  de  Sandras  de' 
Courtils  qu'il  oppose  à  celui  u'Hrasme. 

(6;  Gesneri  Biblioth.  ,  folio  5t8. 


BERAULD. 


32' 


(&) {Vautres  fissurent  qu'il  était  au  livre  IX.  M.    Chevillier   va  clone, 

de  Languedoc]  «    Louise  de  iWontmo-  trop  loin  dans  ces  paroles  de  la  page 

»  renci,  leur  mère  ,  assistée  des  con-  191    de  son   Origine    de  l'impriment. 

»  seils  de  son  frère  ,  prit  soin  de  leur  de  Paris  :  j'ai  été  étonné.  ,  quand  {'ai 

»   éducation,  et  leur  donna  pour  pré-  vu,    qu'on   n'y  (10)  avait   rien  du   de 

»  cepteur  Nicolas   Bérauld  ,   natif  du  Jean  Caesarius ,  et   qu'il  n'y  était  fut 

»  Languedoc,  mais  qui  avait  appris  aucune    mention   de  son  ouvrage  ,  ni 

»  les  belles-lel  très  à  Paris,   où  il  était  dans  la  préface,    ni  dans  ta   liste  des 

»  venu  dès  sa  jeunesse.  >•  C'est  ainsi  principales  éditions  de  ce  fameux  au- 

qu'on  parle  dans  la  page  8  de  la  nou-  teur ,  qui  a  éternise  au  premier  tome. 

velle  Vie  de  l'amiral.  Gesner  aura  pu  Ceci  servira  de   note  ou  d'accessoire 

être  trompe'   par   le  long  séjour  que  à  ce  que  l'on  touche  de  l'omission  de 

Bérauld  lit  à  Orléans,  où  il  était  pro-  Bérauld  dans  le  texte  de  l'article, 
fesseur  en  droit ,  si   je    ne  me   trom-         (G)  Il    témoigna    son  chagrin   des 

pe.  Bocolles  en  parle  ainsi ,  à  la  page  abus  de  l  imprimerie.     On  sera  bien 

21  /j.  de  l'Histoire  véritable  du  Calvi-  aise  que  je  rapporte  sa  plainte.]  <c  Jac- 

nisme  :  Nicolas  Bérauld,  d'Orléans,  »  ques  Fontaine  ,  professeur  en  droit 


grand  Jurisconsulte.  Gesner  fait  men- 
tion d'une  harangue  de  Bérauld  de 
Jurisprudenlui  vetere  ac  novitid. 

(F)  //  a  travaillé  sur  Pline.]  Il  est 
le   troisième    des  commentateurs    de 


dans  l'université  de  Paris ,  ap- 
prouve fort  le  conseil  que  Nicolas 
Bérauld  donna  aux  souverains  d'ap- 
porter queîqu/î  remèdg  à  ce  mal  ,  et 
de  faire  des  édits   pour  éloigner  de 


cet  auteur  qu'Erasme  a  nommés,  lier-     »  ce  bel  arttous  ceux  qui  par  le  111:111- 


molaus  Uarbaru.s  est  le  premier  (7)  , 
Bude  le  second*,  et  Jean  Caesareus 
le  quatrième.  Pnst  hune  (Biuheum  ) 
JYicolaus  Beraldus  ,  homn  supra  pe- 
ritiam  hiimanarum  lillerarum  ,  ma- 
themalices  eliarn  pulchrè  caltens,  quod- 
que  hic  vel  prœcipuum  erat  sanijtt 


que  d'érudition  et  de  science  ,  se- 
raient juges  incapables  de  l'exercer. 
Quarè  prudenttssimc.  in  Prœfalione 
operis  sui  Pliniani  admonet  longe 
crudiiissimus  JYicolaus  Beraldus, 
ut  aliquo  puhlico  decrelo  insolen- 
te tissima   ista   ignora/ititin   impresso- 


dicii,  non  minore  studio  quant  reli-  »  rum  audacia  reprirnatur  ;  quibus  hoc 
gione  versalus  est  in  hoc  labore.  JYu-  »  debemus  sludiosi ,  quùd pro  undqud- 
per  omnium  postremus  Joanncs  Cœ-  »  que  litterd  inyenirnus  plagam ,  pro 
sareus  in  nmm  génère  lillerarum  exer-  „  $ylfaf>d  crueem  ,  pro  libro  lormen- 
ciïatissimus  ,  non  infelicem  opérant  „  tant.  Sri!  ici  indignitas ,  qupe loqui 
prœstitit  (S).  C'est  ainsi  qu'Érasme  a  „  compuJ.it,  etiam  lacère  cogit  (n).» 
parlé  dans  la  préface  du  Pline  çju'il  £os  paroles  de  Jacques  Fontaine  se 
tit  imprimera  Bâlé  ,  chez  Frobenius ,  trouvent  dans  l'éloge  qu'il  lit  de 
l'an  i5a5.  Il  assure  qu'il  avait  cor-  HerlhoMe  Kembolt ,  fameux  impri- 
rigé  beaucoup  de  passages,  et  que  meur.  On  le  lit  au  Sexte  des  IXécré- 
jamais  Pline  n'avait  paru  en  meilleur  talcs,  imprimé  par  Chei'alon  ,  l  année 
état.  In  cœleris  item  ita  vigilatum  est,     1020  (i*)- 

ut  meo  periculo  non  dubitem  pollicen         /[\\ e>   que  jindique   quelques 

niinqu'am  liactenit;  crisse  Plinium  je-  autres  pièces  qu'il  publia.]  Voici 
liciùstraclalum  (9).  Cependant  le  père  celles  dont  Gesner  a  fait  mention. 
Hardouin  ne  dit  rien  tle  cette  édition,  Dlalogus  quo  raliones  explicanlur 
et  il  ne  compte  Caesarius  (  c'est  ainsi  quibus  dieendi  ex  tempore  jacultas  pa- 
qu'il  le  nomme)  (pie  parmi  ceux  qui  rn,i  polest  :  deque  ipsâ  dieendi  ex 
n'ont  travaillé  que  sur  un  morceau  de  tempore  facultate ,  àLyon,  en  i:V!j. 
Pline.  Il  ne  lui,  attribue  que  des  Sco-  ])e  Jurisprudentid  Ùeïere  ac  novitid 
lies  sur  ce  qui  concerne  les  poissons     Oralio,  cum  cnidttd  ad  antiquorum 

leclioneni  ac  studuim  exJiortalione , 
à  Lyon,  en  K>.';.'{.  Des  notes  sur  le 
Rusticus  et  sur  le   JVutricia  de  Poli- 


(7)  Le  père  Tlarelouin  remarque  ,  et  nrec  rai- 
ton  ,  que  te  premier  qui  entreprit  VYmcJ'ul  Jean 
André  Valeriensis  antîstes  m  CoreicS.  Je  crois 
quil  fallait  dire  Meriensis. 

'    l.'rlil'.on  ,1e  BérauUÎ  est  rie  Pari.  ,  l5l6. 

(8)  Erasm.  ,  Priefai.  .  in  Plin.  Elle  est  im- 
primée parmi  set  Lellres  ,  au  livre  XX!  lit  . 
pag-  16 

(9)  IHd.  ,  pag.  iG33. 


(10)  C'est-  il-  dire  ,    dans    l'édition  du  pire 
Ilarilouin. 

(n)  Clicvillier,    Origine  de     L'imprimerie  de 
T.iris,  pa 

:        nfmf. 


Ô2Ï 

tien.  Il  est  vrai  que  quant  à  ce  dernier 
ouvrage,  Gesner  n'est  pas  hors  d'in- 
certitude. Ferlur  etiani  in  Politiani 
JYuiricia  scripsisse  ,  si  bcnè  memini 
(i3).  Josse  Badius  ,  dédiant  à  Louis 
de  Berquin  la  seconde  partie  des 
œuvres  de  Politien  ,  l'an  i5i2,  s'ex- 
cuse le  mieux  qu'il  peut  de  ce  qu'il 
n'a  point  encore  imprimé  la  très-docte 
et  très-solide  épitre  que  Bérauld  avait 


BÉRAULT. 


présenta  les  précipices  ,  et  lui  con- 
seilla de  ne  s'y  point  engager  contre 
son  inclination  (i5). 

(K)  //  a  traduit  quelques  livres 
d'Appien.]  Ce  fut  Henri  Etienne,  qui 
le  choisit  pour  traduire  les  guerres 
d'Annibal  et  celles  d'Espagne  :  Sicut 
hosce  duos  libellos  a  nie  ex  Italid  (  uti 
dixi  )  allatos  primus  edidi  ,  ita  eliam 
„  primus  latine  i>ertendos  curavi ,  etqui- 
comnosée  contre  Laurent  Valïa  ,  et  dé-    dem  delecto  ad  id  munus  viro  Grœcœ 


linguœ  non  pariun  perito  ,  Francisco 
Beraldo  Aurelianensi{\6)-\\  montre 
dans  ses  notes  pourquoi  il  a  préféré 
la  traduction  de  François  Be'rauld  à 
celle  de  Cœlius  Secundus  Curion  *. 


(i5)  Vie  de  l'amiral  de  Coligny  ,  imprimée  en 
1686  ,  pag.  10  ,  11. 

(16)  Henricus  Stepbanus  ,  in  Prcef-  Appiani. 

*  -  On  lit,  dit  Joly,  plusieurs  particularités 
»  curieuses  surN.  Bérauld  dans  les  Singularités 
»  historiques  et  littéraires  de  D.  Liron  ,  toin^. 
»  III,  pag.  J2f)  et  suiv.  ,  ou  il  dit  qu'il  ne  connaît 
»  que  Gessner  qui  ait  parlé  de  Bérauld.  Il 
»  pouvait  consulter  le  Dictionnaire  critique.  Du 
»  reste,  il  cite  un  grand  nombre  d'ouvrages  in- 
»  connus  à  Bayle.  • 

BÉRAULT  (Claude),  auteur 
du  Commentaire  sur  Stace  in 
usum  Delphini ,  mourut  à  Paris, 
au  mois  de  mars  1705.  Il  était 
professeur  royal  en  syriaque  , 
rt  de  M.    d'Her- 


diée  à  son  bon  ami  Louis  de  Berquin. 
Voyez  Bocolles,  Hist.  vérit.  du  Calv.. 
pag.  2i"4  ,  qui  dit  que  cet  ouvrage  de 
Bérauld  avait  pour  titre  ,  De  la  Ré- 
crimination contre  Laurens  Valla  , 
Antoine  de  Palerme ,  et  Barthélemi 
Facius  (t/j).  Le  Catalogue  d'Oxford 
contient  un  Dictionarium  Grœco-La- 
tinum  Nicolai  Beraldi ,  imprimé  à 
Paris  ,  l'an  i52i  **  ,  et  un  autre  livre 
intitulé  Syderalis  Abyssus ,  imprimé 
dans  la  même  ville  ,  en  i5i4*5- 

(I)  C'était  un  honnête  homme.  ] 
Madame  de  Châtillon  ,  et  le  conné- 
table de  Montmorency  son  frère,  vou- 
laient faire  de  Gaspard  de  Coligni  un 
homme  d'église  ;  et  ayant  su  de  lui- 
même  que  ce  n'était  pas  son  inclina- 
lion,  ils  donnèrent  ordre  à  Bérauld 
de  lui  insinuer  leur  volonté,  croyant 
que  comme  if  avait  toujours  manié  son 
esprit  de  jeunesse,    il  savait   mieux 

que  personne  le  moyen  de  le  réduire,     depuis    la    moi 
Ils  lui  représentèrent  que  son  disciple    j^elot 
pourrait  l'oublier  dans  la  profession 

des  armes  ;  mais  que  sous  l'état  ecclé-  HÉRAULT  (  MlCHEL  )  ,  minis- 
siastique ,  il    aurait    toujours  besoin  v     .  ' 

de  lui,  et  le  comblerait  de  bénéfices,  tre ,  et  puis  aussi  protesseui  en 
Ils  ne  s'y  pouvaient  prendre  plus  fi-  théologie  à  Montauban  ,  a  fleuri 
nement  pour  lui  faire  faire  ce  qu'ils    yers  ]a  fin  du  XVIe.  siècle  ,  et  au 

commencement  du  XVIIe.  Il  se 
fit  fort  considérer  dans  son  parti. 
Ilavaite'/e  moine  ,  si  l'on  en  croit 
Scaliger  ,  qui  lui  a  donné  la 
louange  de  docte  et  d'habile 
homme  (a).  Il  fut  choisi ,  en 
1 593  ,  pour  disputer  contre  du 
Perron  dans  la  conférence  de 
Mantes  ,  comme  je  l'ai  dit  en  un 
autre  endroit  (b)  ;  et  il  publia 
un  ouvrage   contre  le   même  du 

(à)  Scaligératia,  au  mot  Bérault,  pag.  20. 
(b)  Dans  la  remarque  (B)  de  l'article  Ro- 
ta N. 


pour  lui  Jaire  j 
voulaient  ;  mais  Bérauld 


,  qui  était 
plus  homme  de  bien  qu'intéressé ,  au 
lieu  de  faire  tous  les  efforts  qu'ils  es- 
péraient, se  contenta  de  lui  montrer 
les  avantages  de  la  dignité  de  cardi- 
nal ,   et  en  même  temps  il  lui  en  re- 

(i3)  Gesn.  Bibliolli.,  folio  5iS. 

(i4)  Bocolk's,  Histoire  vér.  du  Calvinisme, 
fia  g.  214. 

*'  Ce  Dictionnaire  ne  porte  aucun  nom  sur  le 
frontispice.  L'auteur  primitif  était ,  dit  Lcclerc, 
un  carme  italien  nommé  Jean  Craston  ou  Cras- 
toni.  Bérauld  ayant  revu  et  augmenté  cet  ou- 
vrage ,  l'appelle  dans  sa  préface  :  noslrum  hoc 
I.exicon. 

*2  Joly  remarque  que  Bayle  a  oublié  de  citer 
un  ouvrage  de  Bérauld ,  mentionné  dans  la 
iïibliolhrca  sacra  du  père  Lelong  et  intitulé: 
Nicolaus  Bcraldus  Aurelius  calholicus  :  Enar- 
■aliopsabnorum  71  et  i3o,  Paris  ,  i5?9,  in-4°. 


BÉRAULT.  3  29 

Perron,  l'an  l5g8  (A).  Il  favorisa  ranci  ,  il  fallut  l'entendre  (2).  Il 
beaucoup  au  temps  des  guerres  ai'oua  le  livre  :  il P'^ndit  n'y  avoir 
civiles,  les  intérêts  du  duc  de  pomt  °.™ei?™  la  àoctrine  qu'on  ha 
_  ..  ,  ,.  -  imputait,  et  excusa  sur  la  malice  des 
Rohan  ,  et  il  publia  dans  cette  temps  ce  qu'il  y  avait  de  suspect.  Il 
vue  quelques  écrits  qui  lui  fi—  dit  qu'il  s'y  trouvait  des  paroles  am- 
rent  des  affaires  (B).  11  avait  bri-  *'(?"«*  »  et  9ui1  détestait  la  consé- 
> .  quence  qu'on  en  avait  tirée.  Le  com- 
pile presque  ouvertement  ,  en  '  •  /  ,  ■  .  /  - 
°„    ff   .     ■*         .         .         3      \l        "  nussaire  ne  voulut  point  laisser  passer 

lbo5  ,  la  nomination  de   députe  cette  espèce  d'excuse  ,  et  il  convainquit 

aux  assemblées  générales  de  ceux  Béraud  d'avoir  écrit  formellement  , 

de  la  religion  (c).  Il  nous  a  an-  dfns  une  Préface  de  son  li"re,  les 

P.-      ,._-    £-.~~.,~       „,,;  „,*  choses  dont  on  l'accusait.  De  sorte  qu'il 

ris  une  époque  ,    qui  est  assez  e  *             ■  r   .   ■                   , 

i      1.     '      1  fut  censure  fort  vivement  par  le  syno- 

Cuneuse    (C)  ;    je    veux  dire,    ce  de  ,  qui  traita  les  expressions  de  son 

qui  porta  plusieurs  ministres  de  Uvrede termes  scandaleux,  qu'il  avait 

France  à  commencer  de  lire  les  employés  ma\  à  propos.  Cette  doctrine 

i"          /  j\  fut  condamnée  ,  et  iljut  défendu  aux 

"           />    '*  ministres   de   l'enseigner.    Cependant 

(c Hist.   de  l'cdit   de   Nantes,    tom.    I,  Béraud  demeura  exclus  du   synode  ; 

pag.  425.  (,t  ai,ant  qUf,  (jy  £lre  établi ,  il  essuya 

{d)   r  oyez  la  préface  de   son  livre  de  la  €ncore  line  nouvelle  censure  de  la  part 

Défense  de  la  Vocalion  des  m.n.stres.  du  commissaire. 

(A)  //  publia  un  ouvrage  contre  le  Après  que  les  députés  du    synode 

même  du  Perron ,  l'an  i5y8.]  Il  le  fit  eurent  harangue  le  roi,  on  permit  à 

imprimer  à   Montanban  ,    par  Denis  Be'rauld  de  prendre  séance  dans  l'as- 

II. mit  m  ,  et  le  dédia  aux  magistrats  et  semble'e  (3). 

aux  habitansde  la  ville  :  c'est  untVi-S°.  (C)  tlnous  a  appris  une  époque  qui  est 

de  498  pages  ,  intitulé  Briève  et  claire  assez  curieuse.]  11  dit  (4)  >  qu'en\iron 

défense  de   la  vocation  des  ministres  l'an  i585,  lorsque  ceux  de  la  religion 

de  l'Evangile   contre    la  réplique  de  réformée  étaient  occupés  à  repousser 

Messire  Jacques  Davy  ,    évéqued'E-  les  furieux  et  plus  que  gigantins  efforts 

vr 'eux , faite  article  par  article  sur  la  de  la    ligue,    on    reçut  de  surcharge 

même  réplique.  certain  avis  venant  de  Paris  et  de  la 

(B)...  et    quelques    écrits,   qui  lui  cour  d'Henri  III ,  que  quelques  jeunes 

firent  des  affaires.]  Le  commissaire  du  hommes    autrefois  sortis    d'entre    les 

roi  au  synode  national  de  Charenton  ,    réformés  préparaient   guerre 

en  i63i  ,  demanda  ,  entre  autres  cho- 

ses,  qu'il   fut  défendu  aux  ministres 

de  se  mêler  des  affaires  politiques  (1). 

Cet  article  regardait  Béraud ,  minis- - 

tre  de  Montauban  ,  homme  d'un  es- 

prit  un  peu  chaud,    et  qui  allait  vite 

Pendant  les  derniers  troubles  il  avait  à  l'imprimé  jusqu'à  cette  nouvelle  in- 
écrit un  livre ,  où,  non  content  de  jus-  clusivement 

tifer  la  prise  des  armes  ,    il  s'était  «   Comme  Dieu  ,  ajoute- 1- il,  donne 

avisé  de  soutenir    que   les    ministres  »  toujours  aux  siens  quelques  moyens 

même  ont   vocation  de  les  porter  ,   et  »  défaire  profit  des  plus  envenimés.- 

de  répandre  le  sang.    Le  commissaire 

exagéra  l'importance  de  cette  opinion, 

dangereuse  dans  un  homme  comme  Bé- 

raud,  qui ,  outre  la  qualité  de  ministre,     

ftvait  encore  celle  de  professeur  en  lluo- 

logic.  Il  prononça  le  premier  la  con- 

damnation  de  ce  coupable,  et  ordonna  ,  .    _. 

au  synode  de  le  censurer.  Avant  que  („    >t0,re  de  "*'  de  Nan,ï5'  """'  U< 

de  rien  répondre  sur   l'affaire  de  Bé-  (3)  j^^Sme.  pag.  5=3. 

(t)  Histoire  de   l'édil  de  Nantes,    lom.    II,  (4)  Bér-ault,  Préface  de  la  Défense  de  la  W 

pag.  5i8.  cation  des  ministres. 


33o 


BÉRENGER. 


à  H  mp  ri  me  jusqu'à  A  ceux  -  ci,  in- 
clusivement   .  » 

♦Cette  remarque  (C)  rejetée  dans  le  quatrième 
volume  dans  l'édition  de  1720  ,  a  été  totalement 
oubliée  dans  les  éditions  de  ir3o  ,  1734  , 
174°)  etc*  J'aurais  voulu,  comme  j'ai  déjà  eu 
le  bonheur  de  le  faire  en  d'autres  articles  ,  rem- 
plir les  citations  qui  ne  sont  qu'indiquées  ici. 
J'ai  vainement  cherché  dans  toutes  les  bibliothè- 
ques pi  bliqties  de  Paris  et  dans  plusieurs  des 
déparlemens  l'ouvrage  de  Bérauld  dont  Bayle 
donne  le  titre  dans  sa  remarque  (A).  Un  avis  in- 
séré dans  la  Btblif  graphie  de  ta  France  ,  deux 
lettres  écrites  à  Montauban,  n'ayant  rien  produit 
jusqu'à  présent,  je  fais  ici  un  nouvel  appel  aux 
amis  des  lettres;  et  dans  l'espoir  qu'il  produira 
tôt  ou  tard  quelqu'efi'et ,  j'ai  laissé  quelques  li- 
gnes en  blanc.  Aussitôt  que  j'aurai  trouvé  le  livre 
de  Bérautt  je  n'aurai  qu'a  faire  réimprimer  le 
présent  feudlet  ou  les  blancs  seront  alors  rem- 
plis. 

BÉRENGER*  (Piebre),  de  Poi- 
tiers, disciple  d' Abélard  ,  prit 
fort  à  cœur  les  intérêts  de  son 
maître  condamné  par  un  conci- 
le (a)  en  i  i  /, o  :  et  parce  qu'il 
regarda  saint  Bernard  comme  la 
principale  cause  de  cette  con- 
damnation ,  ce  fut  contre  lui 
qu'il  jeta  le  plus  grand  feu  de  sa 
colère.  Il  écrivit  une  Apologie 
pour  Abélard  {b) ,  ou  il  expose 
qu'on  prépara  le  jugement  du 
procès  parmi  les  verres  et  les 
pots  (A)  ;  et  que  l'accusé,  voyant 
la  mauvaise  disposition  de  ses 
juges  ,  demanda  que  la  cause  fût 
renvoyée  au  pape  (B)  ;  qu'on  ne 
laissa  point  de  le  condamner  ; 
et  que  saint  Bernard  prévint 
avec  tant  de  promptitude  l'esprit 
du  saint  père ,  qu' Abélard  fut 
bientôt  condamné  à  Rome,  sans 
avoir  été  ouï  (C),  et  sans  même 
qu'on  lui  eût  donné  le  temps  de 
se  présenter  au  tribunal  devant 

*  «  Article  purement  satirique,  dit  Le- 
»  clerc,  l'oyez  le  père  Mahillon  dans  son 
»  édition  de  saint  Bernard  ,  édition  de  1690. 
»  La  même  lecture  servira  pour  l'article  que 
»   Bayle  a  donné  à  saint  Bernard  ». 

(a)  Tenu  à  Sens. 

(J>)  Elle  est  imprimée  aree  les  OEuvres 
d'A  hélai  cl,  à  Pans  en  1616. 


lequel  il  avait  évoqué  sa  caus,e 
Là-dessus  ,  l'apologiste  rapporte 
les  raisons  qu'on  pouvait  allé- 
guer pour  saint  Bernard":  savoir 
que  le  zèle  de  la  maison  de 
Dieu  le  rongeait;  que  la  lèpre 
qui  défigurait  le  corps  de  l'église 
se  serait  répandue  au  long  et  au 
large ,  si  l'on  n'avait  étoiiffé  le 
mal  dans  sa  naissance  ;  et  que  , 
pour  épargner  aux  lecteurs  la 
peine  de  parcourir  plusieurs  vo- 
lumes ,  il  avait  été  à  propos  de 
donner  une  courte  liste  des  pro' 
positions  pernicieuses  d'Ahé- 
lard. On  ne  peut  tirer  d'affaire 
celui  qui  fut  le  faiseur  d'extraits 
en  cette  rencontre;  et  soit  que 
saint  Bernard  ait  pris  seul  toute 
cette  peine  ,  soit  qu'il  ait  pro- 
duit avec  ses  extraits  ceux  que 
d'autres  lui  fournirent  ,  il  est 
certain  que  cet  endroit  de  sa  vie 
ne  fait  pas  beaucoup  d'honneur 
à  sa  mémoire  (D).  La  liste  qu'il 
produisit  contenait  des  choses 
qu' Abélard  n'avait  jamais  dites 
ni  écrites  ,  et  des  choses  qu' Abé- 
lard n'avait  jamais  entendues  se- 
lon le  sens  qu'on  lui  imputait 
(c).  C'est  ce  que  l'apologiste  de- 
vait montrer  dans  la  IIe.  partie 
de  son  ouvrage;  mais  il  ne  la 
composa  point ,  et  pour  cause 
(E).  En  attendant  cette  seconde 
partie  ,  qui  ne  vint  jamais  ,  il  fit 
comprendre  à  saint  Bernard 
dans  la  première,  que  ce  n'était 
point  à  lui  à  persécuter  les  au- 
tres sur  leur  doctrine  ,  puisque 
ses  écrits  n'étaient  point  exempts 
d'erreur.  On  lui  soutint  qu'il 
avait  enseigné  une  chose  ,  qu'il 
n'aurait  pas  manqué  d'insérer 
comme  un  monstre  de  doctrine 
dans  ses  extraits   d' Abélard  ,    si 

(c)  Voyez  In  remarque  (Ï]P. 


BÉRENGER.  33» 

Abélard  l'avait  débitée  (d).  Cette  positions  erronées.  Je  ne  prétends 

récrimination   de   Bérenger   fut  pas  que  les  erreurs  imputées  à 

inutile  :  il  s'adressait  à  une  de  Aliélardaienttoutesunaussimau- 

ces  personnes  privilégiées,    qui  vais  fondement  que  celui-là  (H)  ; 

s'acquièrent  le  bénéfice  de  l'im-  mais  on  ne  le  saurait  nier  à  l'é- 

punité  ,  par    les  grands  services  gard  de  la  meilleure  partie  (I)  : 

qu'ils  prétendent  avoir  rendus  à  et  ainsi  les  amis  de  ->aint  Bernard 

la  cause  (F).  Il  ne  gagna  pas  da-  n'avaient  pas  un  juste  sujet  de  se 

vantage,   en    représentant  à   ce  plaindre  de  ce  qu'on  trouvait  des 

dénonciateur  l'indulgence  qu'on  erreurs  dans  ses  ouvrages  ,  en  se 

avait  eue    pour  les    erreurs    de  servant  contre  lui  de  sa  inétliode. 

quelques  pères  de  l'église.  Outre  II  est   de  l'utilité   publique   que 

cette    pièce  de   Bérenger ,    nous  certaines  gens  soient  obligés  de 

avons  deux  lettres  de  sa   façon  ,  s'écrier  , 

l'une  à  l'évêquede  Mende  ,  l'an-  Ehcu'. 

tre    contre    les    chartreux.    Elles  Quant  lem$rè  in  nosnuf legem  sancimus 

«.•_"'                        I                          -  inuiuam  (£■). 

sont  imprimées  avec  les  oeuvres  '        Sl 

d'Abélard.  Il  soutient  dans  tous    Le  mal  est  que    l'événement    ne 

ses  écrits  le  caractère  d'un  esprit    se  déclare   pas    toujours    contre 

ardent  et    aigre ,  que  Pétrarque    l'agresseur   ;    car    nous    voyons 

lui  a  donné  (G)  ;  mais  il  dit  que    encore    aujourd'hui   le   malheu- 

son   invective    contre    les   char-    reux  Abélard  couvert  de  honte  et 

treux    ne  tendait  qu'à   les  corri-    d'ignominie  (K) ,    pendant  que 

ger  de    leur  médisance  (e).  Ceux    son  adversaire  est  invoqué  com- 

qui  ont  dit  qu'il   était  de    petite    nie  un   saint.  Il  avait   été  con- 

taille    ont  mal  entendu  l'auteur    damné  à  Soissons  dans  un  concile 

qu'ils   citent    (/").  Au  fond,   les    présidé  par    le    légat    du    pape, 

reproches  d'hétérodoxie    qu'il  a    lequel    légat    n'entendait   rien  à 

faits   à   saint    Bernard    ne    sont    l'état  de  la  question   (L).  Gcrson 

que  de  vaines    chicanes,    et   ne    a  cru  que  le    fameux   Bérenger. 

doivent  servir  tout  au  plus   qu'a    qui  niait  la  réalité  ,   était   disci- 

faire  voir  ,  que  quand  on  appuie    pie  de  Pierre    Abélard  (/i)  :  i!  l'a 

trop   rigidement    sur   certaines    pris  peut-être  pour  celui  qui  fait 

expressions, sans  se  revêtir  decet    la  matière  de  cet  article;  et   en 

esprit   d'équité   qui    cherche    le    tout    cas,    il    s'est    trompé,    vu 

sens  d'un  auteur  dans  le  but    et    qu' Abélard  n'avait  pas  dix  ans, 

dans  les  principes  de  ses  ouvra-    lorsque  l'adversaire  de  la  réalité 

ges  ,  on  trouve  aisément  despro-    mourut. 

,,.  ,  Ceux  qui  voudront  s'informer 

(a)  Savoir  que  lame  e'tait  crce'e   au   ciel.         ,  i  •       -i        •     T>  '  » 

Dum  dignila/em  anima,  jacl.las  ,  originrm  et     P'US  dl  détail     SI     hereilger  avait 

sideréam  flore  jejuni  èloquii  nundinaris.    raison  de  prétendre    qu'Abélard 

Ouod  si  in  Pelri  Opusculis  hujus  vecprdiam  ?  t.    -.                    >    »    ».■                  •       *  «. 

^périsses,  non  Jt  dubn.m  ,,,„„  eam  Mer  n  *}*}\  Pas  un  hérétique  qui   eut 

illa  qnir  peperi.fi  capitulorum  monstra  lo-  mérité  les  persécutions  qu'on  lui 

casses.  hyei,,.  in  Oper.  .\!,,1,,  ai  pag.  3 ,5.  ^^^     fe      ^  bi         (,(1  consulter 

(e)  rolui  resecan:  in  ets  nnmoderalam  li- 
cenliam  iingnœ  ,  quà  peint,  quidam  geomelra 

tottun  orban  mensitrabanl   I3ereng.  in  Ojier.  ig]  Horat.,  Sat.  III,  vs.  66  .  lib.  '. 

■VLa-lanli  .  pv.  323.  h   Gerwm. ,  Oper  .   loin.   IV,  alphabeti 

I     y  oyez  la  remarque   Y  J.XIX ,  lit.  Q,  folio  212. 


332  BÉRE 

M.  du  Pin ,  qui  a  porté  un  juge- 
ment équitable  sur  la  doctrine 
de  cet  homme  ,  et  nommément 
sur  les  XIV  propositions  ex- 
traites de  ses  ouvrages , et  lues 
dans  le  concile  de  Sens.  On  ne 
peut  pas  nier,  dit-il  (i),  qu'il 
n'ait  eu  des  sentimens  catholi- 
ques sur  le  mystère  de  la  Trini- 
té ,  et  qu'il  nait  cru  les  trois 
personnes  divines  d'une  même 
nature.  Je  rapporterai  tout  ce 
qu'il  a  dit  sur  cette  proposition 
d'Abélard .  Dieu  ne  peut  faire 
que  ce  qu'il  fait  (M.).  C'est  une 
question  plus  importante  et 
plus  difficile  que  l'on  ne  saurait 
s'imaginer.  J'ajouterai  à  cela , 
que  les  protestans  sont  plus  en- 
clins que  beaucoup  de  catholiques 
à  condamner  Abélard  (N)  ;  et  je 
citerai  un  passage  de  M.  Joly  , 
chanoine  de  Notre-Dame  à  Pa- 
ris. 

(i  Du  Pin,Bibliot.  des  auteurs  eccle'siast., 
tom.  IX,  pag.  122 ,  édition  de  Hollande. 

(A)  //  exposa  dans  son  Apologie 
pour  Abélard  ,  qu'on  prépara  le  juge- 
ment de  son  procès  parmi  les  verres  et 
les  pots  ]  On  ne  peut  pas  faire  une  des- 
cription plus  satirique  ,  que  celle 
que  Rérenger  a  faite  des  préliminai- 
res de  ce  jugement  synodal.  Il  dit  que 
les  pères  du  concile,  après  avoir  bien 
bu  et  mangé ,  se  firent  lire  l'écrit  de 
Pierre  Abélard.  Ils  frappaient,  des 
pieds  pendant  la  lecture  ,  ils  riaient  , 
ils  badinaient ,  ils  buvaient  5  et  lors- 
qu'ils entendaient  quelque  chose  à 
quoi  leurs  oreilles  n'étaient  pas  ac- 
coutumées ,  ils  grinçaient  les  dents 
contre  cet  auteur,  et  se  demandaient 
s'ils  laisseraient  vivre  un  tel  monstre  ? 
Ils  avaient  tant  bu  qu'ils  s'endor- 
mirent ;  de  sorte  que  quand  leur  lec- 
teur rencontrait  quelqu'endroit  sca- 
breux ,  il  leur  demandait  s'ils  ne  le 
condamnaient  pas?  ils  se  réveillaient 
en  sursaut ,  et  disaient  à  moitié  en- 
dormis, les  uns  damntimus ,  les  au- 
tres seulement  namus.  Les  termes  de 
Bérenger  ont  plus  de  force  que  les 


NGER. 

miens  :  qu'il  me  soit  donc  permis  de 
les  rapporter.  Il  appliquait  fort  joli- 
ment les  pensées  des  anciens  poètes 
latins.  Posl  aliqua  pontijices  insul- 
tare ,  pedem  pedi  applodere  ,  ridere  , 
nugari  conspiceres  ,  ut  facile  quilibet 
judicaret  illos  non  Cliiislo  vola  per- 
solvere ,  sed  Baccho.  Inter  htec  salu- 
tantur  cyphi  ,  pocula  celebrantur  , 
laudantur  vina  ,    pontipeum    guttura 

irrigantur lelhœi  polio  succi  pon- 

tijicum  corda  jam  sepelierat.  Ecce, 
inquit  Satyricus , 

•   •   ■ Inter  pocula  quserunt 

Pontifices  saturi  quid  dia  poemata  narrent. 

Deniquc,  cùm  aliquid  subtile divinum 
que  sonabat  quod  auribus  ponliftcali- 
bus  erat  insolitum,  audientes  omnes 
dissecabantur  cordibus  suis  ,  et  siride- 
bant  dentibus  in  Petrum,  et  oculos 
talpœ  habenles  i/i  philosophum,  Hoc, 
inquiunt   ,     sinerernus    vivere    mon- 

slrum? Cujus  (vini)  caloritain- 

cesseral  cerebris  ,  nt  in  somni  lelhar- 
giam  oculi  omnium  soh'erenlur.  Inter 
liœc ,  sonal  leclor  ,  sterlit  auditor. 
Alius  cubilo  innililur ,  ut  det  oculis 
suis  somnum  ;  alius  super  molle  cer- 
vical dormitionem  palpebris  suis  mo- 
litur  ;  alius  super  genua  caput  recli- 
nans  dormilat.  Cùm  ilaque  leclor  in 
Pétri  salis  aliquo-lreperiret  sumetum, 
surdis  exclamabataurjbusponlijicum, 
Damnatis  ?  Tune  quidam  vix  ad  ex- 
t  renia  m  syltabam  expe.rgejacti ,  som- 
nolent a  voce,  capite  pendulo ,  Dam- 
namus  ajebant.  A  lu  ce,  ô  damnantium 
tumultu  excitati  ,  decapitatd  prima 
sylJabà 5  namus  inquiunt.  Je  ne  sau- 
rais m'empêcher  de  mettre  ici  ce  pe- 
tit conte.  Un  conseiller  s'endormait 
quelquefois  sur  les  fleurs  de  lis.  <c  Un 
»  jour ,  le  président  de  sa  chambre  re- 
»  cueillant  les  voix  de  la  compagnie, 
?  et  lui  ayant  demandé  la  sienne,  il 
»  lui  répondit  en  sursaut  ,  et  n'étant 
')  pas  encore  bien. réveillé  qu'il  était 
»  d'avis  qu'on  Jît  couper  le  cou  a  cet 
>'  homme-la.  Mais  c'est  un  pré  dont 
w  est  question ,  dit  le  président  :  (Ju'il 
»  soit  donc  fauché,  répliqua  le  con- 
»  seiller  (i).»  Balzac  avait  lu  cela 
peut-être  dans  l'écrit  burlesque  de 
François  Hotman .  déguisé  sous  le  nom 
de  Matago  de  M alagonibus  ,  contre 
iVîatharel.  D/ola  omnibus,  dit-il  est 
historia  de  eo   qui   cùm    dorniiens  a 

(1)  Balzac,   Aristipe ,  pag.  199. 


BÉRENGER. 

prœside  excitatus  et  senlenliant  inter-         (D) 


333 


ce  procédé  de  saint  Ber- 

ro-atns  esset,  semisomnis  dixit  Sus-  nardnej'ait  pas  beaucoup  d'honneur 

pendatur ,  suspendatur ,  credens  cri-  à  sa  mémoire.]  Le  zèle  et  la  solitude 

minaient  processum  esse.  Cui  prceses  ,  lui  communiquèrent  beaucoup  de  bile 

Quinimô,    i/iquit,    agitur  de   prato  :  et  beaucoup  de  crédulité,  si  nous  en 

ergodefalcetur,  responditebrius.  croyons   le    même   auteur  (6;.    Cette 

(B) que    voyant    la    mauvaise  remarque   vient  de  plus  haut,  quoi- 

dispusition  de  ses  juges,  il  demanda  qu'elle  n'ait  pas  retenu  toutes  les  im- 

que  la  cause  fût    renvoyée  au  pape.]  pressions    de    sa    source  :   car    voici 

Othon   de   Frisingen    dit  qu'Abélard  comme  parle    Othon   de  Frisingen   : 

appréhenda   d'être  accablé  par  quel-  JE  rat  aulem  Bernardus  Clancvallen- 

que  émotion  populaire ,  et  que,  pour  •»'•*  abbas  tant  ex   christianœ  relisio- 

éviter  ce    malheur,    il  demanda  son  nls  Jérvore  zclotypus ,  quinn  ex  habi- 

renvoi   en    cour   de  Rome.   Dunt   de  tudinali  mansuetudine   quodamruodo 

jïde  sud  discute retur ,  seditionem  po-  credulus ,    ut    et   magistros  ,  qui   hu- 

puli  timons  ,  apostolicœ  sedis  prcesen-  ntanis    rationibus    seculaiï     sapienlid 

liant  appellavil  (a).  Il  avait  raison  de  se  confisi  nimiùnt  inhœrebant ,  alhnire- 

déiier  d'une  populace  animée  par  les  rtt ,  et  si  quicquam  ei christianœ Jîdei 

déclamations   de   ses    dénonciateurs,  absonum  de  talibus  diceretur  ,  facile 

qui  le  taisaient  passer  pour  le  destruç-  au  rem  prœberet(y).   Voilà    comment 

teur  des  plus  saints  mystères  de  l'É-  la  providence   de  Dieu   dispense    les 

vangile.  biens  et  les  maux  :  la  plupart  de  ceux 

(C) et    qu'a    l'instigation    de  Hu)  ont  un    grand    zèle    deviennent 

saint  Bernard,  il  fut  condamné  sans  crédules  et  soupçonneux,  et  conçoi- 

avoir  été  ouï.]  On  lui  lit  la  même  in-  vent   aisément    une  extrême  animo- 

justice  au  concile  de  Soissons  ;  et  cela  s'*e    contre    les   personnes    qui    leur 

sur    un    fort   mauvais  prétexte  :  c'est  S0Dt  suspectes.  Us  écrivent  contre  ces 

qu'on    craignait  les    subtilités  de   sa  gens-là    lettres  sur  lettres  (8);   ils  a- 

dialectique,    et    les  adresses   de   son  larment  les  consciences ,    et  ils  ne  se 

éloquence.  Libros  quos  ediderat  pro-  donnent  point  de  repos  qu'ils  n'aient 

pi  id    manu  ab    Episcopis   igni   date  inspiré  à  tout  le  monde  leurs  préven- 

conclus   est  ,    nulld    sibi   respondendi  'ions.  S'il  s'agit  d'examiner  les  livres 

facultate  ,  eb  qubd  disceplandi   in  eo  d'un  homme  ,  Dieu  sait  la  peine  qu'on 

periliaab  omnibus  suspecta  haberetur  ,  :»  d'entrer   dans  le  véritable   sens  de 

concessd(3;.  Le  président  d'Argentré  Fauteur  ,  et  dans   l'interprétation    la 

a  raison  de  trouver  mauvais  que  ,  sur  p'us  équitable.    Voyez  ci-dessous  la 

un  tel  fondement,  on  ait  violé  l'une  remarque  (I). 

des  plus  saintes  lois  de  la    justice,  il  (F)  Berenger  ne  composa  point   la 

ne  Jaut     condamner    personne    sans  IIe .partie de  son  Apologie  pour  Abé- 

i entendre  :  audiatur  et  altéra    pars;  lard  ,  cl  pour  cause.]  11  pourrait  bien 

Qui  staluit  alitjvid,  parle  inauditd  allerâ , 
/Equum  Ucet  statuent,   haud  mauusfuil  (4). 

Voici  ce  que  dit   de  cet   auteur  celui 
qui  a  publié  les  œuvres  de  Pierre  Abé 


être  qu'il  n'a  point  dit  la  véritable- 
raison  de  son  silence.  Cetle  raison  fut 
apparemment  la  crainte  de  voir  sou- 
lever contre  lui    tous   les   moines  et 


lard.   Çuentur  eum  non  fuisse   audi-     Î?US  k's  ecclésiastiques,  et  d'être  par 


tant  m  concilia  contra  eum  coacto 
quod  omnes  quantumvis  docti  et  sub- 
tiles ejus  acumen  ingenii  ,  lingiuv 
fersalilis  volubilitatim  ,  eloquenliœ 
/lumen  aureuvt  ,  vel  potiùs  fulmen 
igneum  et  trisulcdm  ,  srllogismorum 
gryj'os  et  conlorla  enlhymemata  rc 
fnrmiddiint  (5). 

(î)  Oiho  Frising.,  de  Gestis  Frider.  ,  hb.  I, 
cap.  XLVIII. 

(3)  j~l<->  ,tb„i.,cap.XLVir. 

(4)  Seneia  ,  in  Medeâ  ,  act.  II  ,  se.  II. 

(5    Argentré  ,  apud  Franc.  AuiboeMum  ,  prief. 
Apotog.  ad  Opéra  Abâtardi. 


là  exposé  à  l'indignation  des  peupli  - 
et  à  mille  maux.  Il  avait  senti  com- 
bien il  s'était  rendu  odieux  par  la 
première  partie  de  son  livre;  mais 
la  seconde  eût  tout  autrement  aij;ri 
les  esprits.  La  première  ne  contenait 
que  des  lieux  communs  d'injures  et 

(G)  Argentré,  ibidem. 

•  -    Otljo  Frising.,  de  Gest.  Frid.,  hb.  I,  cap. 
XII  II 

;    (8)  D.  Bernardus  eum  eo  timuUates  gravùsf 
mas  eiercuil,   ita  ut  liUeras   acrimonia  p'.ei  as 
scnpsrrtlad varias.  Argentré  ,  ajmd  Ambo' 
pra:f.  Apolog.  ad  Opéra  Abxlardi. 


LÉRENGER. 


«le  reproches  ,  avec  quelques  récrimi- 
nations peu  capables  de  taire  du  tort 
à  saint  Bernard  ;  mais  la  seconde  l'eût 
convaincu  de  mauvaise  foi,  ou  d'i- 
gnorance ,  et  par  conséquent  d'avoir 
t  te  nu  injuste  persécuteur.  Plus  la 
chose  eût  été  notoire,  plus  se  serait- 
on  f;iché  contre  Bérenger ,  le  destruc- 
leur  d'une  sainte  réputation  si  utile- 
ment établie ifâns'lés  esprits:  Il  trouvai 
«loue  plus  à  propos  de  se  taire  ,  et  de 
justifier  son  silence  par  un  honteux 
galimatias.  Il  déclara  qu'il  était  de- 
venu sage  avec  le  temps  ,  et  qu'il 
avait  einioavé  l'opinion  de  saint  Ber- 
nard ,  et  refusé  sa  protection  à  des 
dogmes  qui  sonnaient  mal  ,  quoi- 
qu'ils ne  fussent  pas  mauvais  dans  le 
fond  :  enGn,  que  s'il  avait  dit  quel- 
nue  chose  contre  la  personne  de 
l'homme  de  Dieu,  il  voulait  que  cela 
passât  pour  une  plaisanterie  ,  et  non 
pas  pour  une  parole  sérieuse.  Proces- 
su  tëmporîi  trieum  sapere  crevit;  et  in 
senlentiam  àbbàlis  j>edibus  ,  ut  ilici- 
tnr,  ivi.  JYolui  esse  patïoriiïs  capitu- 
loriiin  objectorum  sibetardn  ,  quia 
etsi  sanum   sapèrent,  non  sanè   sona- 

bani Si   quiet  in  personam    ho- 

mïnis  Dei  dixi ,  fàco  legalur  ,  non 
senô  (9).  Et  néanmoins  ,  peu  aupa- 
rnant  ,  il  avait  dit  que  sa  critique 
tic  saint  Bernard  était  bien  fondée. 
C'est  le  sens  légitime  de  ces  paroles  : 
Legdht  erudili  inri  Apologeticum 
uûeni  eduli,  et  si  domiriùrri  abbatem 
juste  non  argui  ,  licen'er  nie  rèdà'r- 
guant.  N'est-ce  point  le  galimatias 
d'un  homme  qui  n'ose  dire  qu'il  ait 
raison  ,  et  qui  a  honte  d'avouer  qu'il 
iit  tort? 

(F)  1/  attaquait  une  de  ces  person- 
nes privilégiées  ,  qui  s'acquièrent  le 
bénéfice  de  l'impunité  par  les  grands 
services  qu'ils  prétendent  avoir  rendus 
a  la  cause.  ]  Saint  Bernard  avait  un 
m  vie  fort  agréable  :  toute  la  terre 
Liait  inondée  des  productions  de  sa 
,  iume  ;  ses  livres  volaient  partout  , 
t»  il  en  composait  un  grand  nombre. 
..,,,, mlur  hommes  in  te,  liberalium 
disciplinaruni  ignare  ,  tanlam  uberta- 
tum  facundice ,  quia  eniissiones  tuœjam 
cooperuerunt  univers'àm  superficiem 
léi'rœ  (10).  La  réputation  de  sa  sainteté, 
Lie  son  zèle,  de  ses  miracles  ,  n'était  pas 

(g)   Beiengar. ,     in   Oper.  Abœl. ,    pag.  33» , 

iii. 

(10)  Ibidem. 


moins  répandue ,  que  celle  de  sa  plume, 
Jamdudum  sanctitiulinis  tua-  odorem 
aies  per  orbe.m  fama  dispersit ,  prœco- 
nisavit  mérita  ,  miracula  declamavit 
(11).  Avec  cela,  il  n'y  avait  point 
d'homme  qu'il  ne  pût  ruiner  de  répu- 
tation ,  tant  s'en  faut  qu'un  grand 
philosophe  comme  Abélard  pût  passer 
en  dépit  de  lui  pour  orthodoxe.  Béren- 
ger a  représenté  fort  heureusement  le 
crédit  de  l'homme  de  Dieu  en  cette  ma- 
nière :  Damnatur ,  proh  dolor  !  absens, 
inauditus  ,  et  inconvictus.  Quid  di- 
cant  ,  quidve  non  dicam  ,  Bemarde  ? 

Ait  opus  est  bello.  veniantpacemque rogamus, 

Porrigimus  jtincias  ad  tua  lora  inanus. 
Jura  cadent  rerum  ,  verletur  sanetto  le^um, 
Si  t'i  s ,  si  mandas,  si  sic  decernis  agrndum, 
Quein  pênes  arbilrium  est  et  vis  cl  norma  lo- 
quendi  (12). 

Où  est  l'orthodoxie  ,  qui  puisse  te- 
nir contre  de  tels  accusateurs  ?  La 
foule  se  laisse  tellement  remplir  de 
préjugés  ,  qu'elle  a  de  la  peine  à  souf- 
frir qu'on  se  iléfende  :  on  ne  le  peut 
faire  sans  accuser  de  calomnie  le  pro- 
moteur lIu  procès  et  le  dénonciateur  ; 
et  ilès-là  ,  chacun  perd  patience. 
Quoi  !  nous  souffririons  qu'un  si  grand 
serviteur  de  Dieu  jiit  diffamé  comme 
un  insigne  calomniateur  ?  Qardons- 
nous  en  bien  :  l'honneur  de  l'église  y 
est  trop  intéressé.  Voilà  comment  un 
petit  particulier  a  raison  île  dire  :  Je 
serai  orthodoxe  ,  ou  hétérodoxe ,  se- 
lon qu'il  plaira  à  un  tel  ;  car  s'il  m'at- 
taque sur  ma  doctrine  ,  on  n'osera  ,  ou 
on  ne  saura  m'absoudre  :  ma  justifica- 
tion le  flétrirait ,  et  causerait  trop  de. 
joie  a  l  ennemi-  J'aurai  beau  ledéjérer 
à  mon  tour  ,  on  n'y  aura  nul  égard  : 
je  n'ai  pas  travaillé  comme  lui  au  bien 
de  l'église  ;  je  ne  mérite  pas  les  immu- 
nités qui  sont  dues  à  ses  veilles  et  h 
son  infatigable  vigilance.  Une  infinité 
de  gens  trouveront  mauvais  que  j'ose 
publier  des  apologies  ,  et  me  diraient 
Jorl  bien  ,  s'ils  osaient  déclarer  tout 
ce  qu  ils  pensent  ,  ce  que  Caligula 
disait  a  son  frère  ,  quoi  !  tu  prentls  un 
antidote  contre  César  ^i3j  ?  Je  leur 
paraîtrai  digne  d'une  nouvelle  accu- 
sation ,  par  cela  même  que  je  n'aurai 
pas  succombé  a  la  première.  C'est  ainsi 

(n)  Ibidem,  pag.  3o3. 

(12)   Ibidem,  pag.  3<*7, 

(i3)  Triieidaturus  fralrem,  quem  me.lu  vene- 
iwntm  prieiriunîri  medicatnenlis  susfjicabatur , 
Jnlidolum,  inquîl ,  advenus  Cœsarem?  Sue- 
tpn.,  in  Caligula,  cap.  XXIX. 


BÉREISGER. 


335 


qiie  fut  traite  Quintus  Scévola  ,  Puis 
des  plus  honnêtes  hommes  de  son  siè- 
cle. Diem  Sccefolœ  dixit  posteaqu'am 
campent  euntposse  vivere  :  cùm  ab  eo 
qucereretur  qiiid  tandem  accizsaturus 
esset  eum  i/uem  prodignitate  ne  /au  Jure 
quidem  quisquam  salis  commode  pôs- 
set ,  ajiuil  hominem  l  ut  eraljuriosus  ) 
respo/ultsse  ,  quod  u<>n  lutum  tetum 
corpore  vecepisset  (i4;- 

(G)  //  soutient  dans  tous  ses  écrits 
le  caractère  d'un  esprit  ardent  et  ai- 
gre ,  que  Pétrarque  lui  a  donlié.  } 
Voici  les  paroles  de  Pétrarque  dans 
son  apologie  :  Dantnavit  Bernardus 
Clarœvallensis  abbas  Peirum  Abœ- 
lanlum  litteratum  quondarn  t'irum. 
Huic  itatus  Berengarius  Piclaviensis 
vïr ,  et  ipse  non  injacundus  ac  disci- 
pulus  Petit,  contra  Bernurdum  librum 
mutin  scripsit  non  rrtagni  quidem  cor- 
poris  ,  sed  inoentis  acrimonie.  De  quo 
poslmodiini  à  mûltis  increpalus  se  ex- 
cusat'it  quod  adolescens  scripsissel ,  et 
quod  sibi  viri  sanctilas  nondum  peni- 
tùs  nota  esset.  François  d'Amboise  , 
ne  considérant  pas  avec  assez  d'atten- 
tion ce  passage  ,  a  cru  y  lire  que  Bé- 

renger  était  petit.  De  Berengario 

Petrarc/ia  in  Apnlogid  ait  ipsumj'uisse 
facundum  ,  non  màgni  eorporis  sed  m- 
gentis  acrimonies  (ï5).  Cela  doit  ap- 
prendre aux  auteurs  ,  et  à  moi  tout 
le  premier  ,  à  être  perpétuellement  en 
garde  contre  les  distractions  d'esprit  , 
qui  sont  cause  si  souvent  que  Ton  ap- 
plique à  une  chose  ce  que  ceux  que 
l'on  copie  ont  dit  d'une  autre. 

(H)  Les  reproches  d'hétérodoxie  qu'il 
a  faits  h  saint  Bernard,  ne  sont  que 
des  chicanes...  les  erreurs  imputées  à 
Abélard  n'ont  pas  toutes  un  aussi  mau- 
vais fondement  que  celui-là.  ]  Par 
exemple  ,  on  ne  lui  a  point  fait  dé 
tort  en  l'accusant  de  donner  trop  d'é- 
ti'iidhe  aux  forées  du  franc  arbitre  , 
et  trop  peu  à  la  nécessité  de  la  grilce. 
Il  s'est  exprimé  là-dessus  si  clairement 
(i6j,  que  qui  v  ouili  ait  le  justifier  ,  imi- 
terait la  mauvaise  foi  de  ceux  qui  sur 
d'autres  questions  soutiennent  qu'il  a 
été  hérétique.  11  ne  faut  point  non 
plus  chicaner  sur  certains  articles 
qu  il   est   diilicile    de   n'adopter  pas  , 

(i41  «".icero  ,  pro  Se*.  Roscio. 

(i5)  Amboesii  Praef.  apoloeet.  ad  Opéra  Aha:— 
Lrdi. 

(  161  Voyez  «on  Exposition  de  l'Epître  aux  lio- 
Éutrai  ,  pas-  65?  el  suiv. 


lorsqu'une  fois  ou  a  embrassé  le  dog- 
me du  franc  arbitre.  Disons  donc 
qu'il  est  fort  vrai  qu'Abélard  était  de 
bonne  composition  envers  lés  péchés 
d'ignorance  ,  et  qù  il  ne  damnait  per- 
sonne pour  le  péché  philosophique 
(17).  H  me  semble  aussi  qu'il  a  ensei- 
gné clairement  que  Jésus-Christ  n'est 
point  mort  ,  afin  de  nous  racheter  de 
la  tyrannie  du  diable  ,  mais  afin  que 
la  bonté  que  Dieu  témoignait  à  l'hom- 
me ,  par  l'incarnation  de  son  fils, 
nous  portât  à  l'aimer  réciproquement, 
et  à  suivre  les  instructions  et  les 
exemples  d'un  Dieu  incarné.  Ce  dogme 
ësl  à  moitié  socinien  ;  et  quiconque  le 
profère,  mérite  moins,  selon  saint 
Bernard,  d'être  réfuté, que  d'être  char- 
gé «le  coups  de  billon.  Annon  juslius 
os  loquens  talia  justibus  tunderetur  , 
tiua'ih  ralionibus  rej'elleretur  (i8j  ? 
Voici  un  autre  dogme  fort  chorpiant  : 
c'est  que  les  choses  ,  qui  n'ont  jamais 
été  ,  et  qui  ne  seront  jamais  ,  ne  sont 
point  possibles.  C'a  été  sans  doute  le 
sentiment  d'Abélard  (19)  ;  et  je  ne 
vois  pas  que  ceux  qui  disent  que- 
Dieu  est  déterminé  par  sa  sagesse  in- 
tinie  à  faire  ce  qui  est  le  plus  digne  de' 
lui  puissent  nier  sans  inconséquence 
la  doctrine  de  ce  philosophe.  Voyez 
ci-dessous  la  remarque  (M).  Je  laisse 
quelques  autres  senlimens  ,  qu'on 
peut  avoir  eu  raison  de  lui  imputer, 
et  qui  sont  ,  ou  véritables,  ou  indif- 
férensà  la  religion. 

(1  maïs  on  ne  le  saurait  nier  à 

l'égard  de  la  meilleure  partie.  ]  Ou 
lui  imputa  faussement  «elle  thèse, 
Deus  paler  Plena  est  pntenlia  ,  lùlius 
quœdam  potentia  ,  Sptrilus  Sanctus 
nul/il  potentia.  Ceux  qui  ont  le  plus 
de  partialité  pour  saint  Lernard  con- 
viennent qu'il  n'a  point  compris  le 
sentiment  de  l'auteur.  Abœlardi  men 
tem  assecuti  non  vid'éntur  S.  Beruar 
dus  ,  abbiis  S .    Theodàrtci  ,  et  Aiio- 

nymus,  qui  ipsi  tribuùnl,  ele 

IVon  ideô  in  Sabellianàrn  nul  Aria- 
iium  hcéresim  mtpëgil',  non  Trinita- 
trm  déstruxit  ,  non  blasphemiam  dix  il 
iri  Spirilum  Sahctum' ,  non  Deoritm 
iifii>i  uni  ûnnuntiatùr.  fuit ,  ut  maxiaii 
illi   viri  fervore  dispututipnis  àbrrpti 

11')  J'v-i  ri  ses  OEuvres  ,  A'«£    H11"  •  "i.1  1  $t% 
(18    JVroard.  ,   Enisl.  ad  Iddo<     1  .  1  .  ... 
11.     I  oir.    les    /"■•'•    i>'3   «■'«    ii»5  J*  ses 

01  •„;„- 

fîO)  Natalis    Alexnndir,    <<ec.    XI    el     XII 
part,   III ,  ;  ag.   19. 


336'  BÉRENGER. 

ipsi  intproperdtunt  (21).  ^a  c'I10Se  parle    menti  capitula  legimus Hœc  et  alla 

d'elle-même  ,  lorsqu'on  examine  tout    indiculus   luus  conlinet  quorum  quœ- 
le   passage  d'Abélurd.    On   le   trouva    clam  ,  fateor  ,  Petrus  et  dixit  et  scrip- 
liérétique  dans  ces  paroles  :  Spirilus    $it  ;  quœdam  verô  ,   neque  prolulit  , 
quamfHs  ejusdem  substantiœ   sil  cum    neque  scripsit.  Quœ  autem  dixerit  et 
paire  et  Jilio  ,    undè  etiam   Trimtas    qUœ  non  dixerit ,  et  qu'am   catholicd 
ÔmooÛ<tjoç  ,    id    est    unius    substantiœ    mente  ea  quœ  dixerit  senserit ,  secun- 
prœdicatur  ,  minime  tamen  ex    sub-    dUs   arrepti  operis  tractatus  chrislianâ 
slanlid  patris  aul  filii  si  propriè  loqui-    disputatione  ardenter  et  impigrè  de- 
mur  esse  dicendus  est ,  quod  oportet    clarabit  (26).  Quelques-uns  accusent 
ipsum  ex  pâtre  i-el  Jilio  gigni  ,  sed    Abélard  d'avoir  enseigné  qu'ily  avait 
magis  ex  ipsis  habet  procedere.  Mais    autant  de  cieux  que  de  jours  en  l'année, 
pour  peu  qu'on  eût  suivi  les  idées  de    et   ils  ajoutent    qu'on    lui  répondit , 
l'équité  ,  on  aurait  compris  qu'il  tom-    qU'H  en  mettait  si  grand  nombre  afin 
bait  d'accord  de  toute  la  substance  du    je  ne  faillir  d'en  trouver  quelqu'un  a 
dogme  ,  et  qu'il  n'avait  rien  de  parti-    sa  disposition   (27).  Mais  c'est  plutôt 
cuher  qu'une  de   ces  abstractions  de    un    badinage   qu'une  dispute.  Ce  fut 
logique  ,  qui  seront  toujours  inévita-    donc  une  oppression  tout-à-fait  crian- 
bles  à  ceux  qui    voudront  raisonner    fe  ;  que   <Je  donner   gain  de   cause   à 
sur  la  différence  des  trois  personnes,    l'accusateur  ,  sans  avoir  su  de  l'accu- 
On  lui  imputa  d'avoir  enseigné  que  le    s^  s';i  reconnaissait  pour  siens  les  ou- 
Saint-Esprit  est  l'âme  du  monde  (22)  ;     vragesdont  les  propositions  furent  ex- 
qu'il  n'y  a  point  de  péché  ,  ni  dans  l'ac-    traites ,  s'il  convenait  qu'elles  eussent 
tiou,  ni  dansla  volonté,  ni  dans  lacon-    e'(e'  extraites  fidèlement,  s'il  les  enten- 
cupiscence,  ni  dans  le  plaisir  qui  Texci-    Jait  au  sens  de  l'accusateur  ,  etc  ?  et 
te  ;  et  que  nous  ne  devons  pas  vouloir    ie  pape,  qui  ,  sur  les  mêmes  extraits  , 
éteindreces  choses.  Il  soutient  dans  son    condamna  les  livres  au  feu,  et  Abé- 
Apologie  ,  qu'il  n'a  jamais  dit  ni  écrit    iarc|  a  Ja  clôture  ,  sans  s'être  informé 
une  pareille  proposition  (23).  Ou  parle    s;  Abélard  enseignait  ces  choses  ,  fut 
d'une   Apologie   qu'il    publia,    où   il    encore  plus  inique  que  le  synode    de 
niait  en  partie  quant  aux  paroles,  et    Sens.  Les  lettres  de   l'accusateur,  et 
tout-à-fait  quant  au  sens  ,  les  propo-    ]e  messager  qu'il  envoya  à  la  cour  de 
sitions  qui  lui  étaient  objectées.  Ad    Pi0me  ,  et  qui  dit  tout  ce  qu'il  fallait 
Cluniacense    cœnobium     se  contulit.    p0ur  rendre  odieux  Abélard  (28)  ,  mi- 
ytpologeticum   scribens   prœdiclorum    rent  le  comble  à  l'oppression.  Le  sieur 
capilulorum   partim    verba  ,    ex  tolo    François  d'Amboise  a  fort  vivement 
autem  sensum  negans  (24).  Mais  on  a    décrit  le  personnage  que  saint  Bernard 
quelque  lieu  de  croire  que  cette  Apo-     joua  dans  tout  ce  procès.  Ce  fut  celui 
logie  s'est  perdue  (25).  llsoutient  dans    d'un  trompette  sonnant  la  charge  ,  et 
celle  que  nous  avons  ,  qu'il  n'a  jamais    celui  d'un  incendiaire  mettant  le  feu 
fait  l'un  des  livres  ,  dont  quelques-uns    aux  poudres  (29)  :  vu  qu'il  envoya  au 
des  dogmes  qu'on  lui  imputa   furent    pape  toutes  les  ordures  qu'il  avait  pu 
tirés;  et  qu'on  lui  attribue  cet  ouvra-     ramasser,  et  que  des   gens  malinten- 
He  ,  avec  la  même  malice  ,  ou  avec  la    tionnés   avaient    ramassées  ,    ou   des 
même  ignorance  ,  que  toutes  les  pro-    écrits  et  des   leçons  de   son  adverse 
positions  du  Catalogue  ,  sed  sicut  cœ-    partie  ,  ou  des  papiers  que  l'on  faisait 
ter  a  contra  me  capitula  ,  ita  et   hoc    courir  sous   son  nom.  Je  ne  m'étonne 
quoque  per  malitiam  vel  ignorantiam    donc  pas  que  Horstius  se  soit  un  peu 
prolatum  est.  Son  apologiste  Bérenger    emporté  contre  ce  François  d'Amboi- 
s'inscrivit  en  faux  avec  plus  de  res-    se  (3o)  ;  mais  je  ne  sais  s'il  le  censure 
triction.   Indiculum  vidimus  ,  in  quo  Bereni. ,  ,-„  Oper.  Ab*l. ,  pag.  3io. 

non  Pétri  dogmata  ,  sed  nejandi  corn-        (^  Garasse  ,  Somme  de  Théol. ,  pag.  3o4  , 

■vi          vn  et  Doctrine  curieuse  ,  ptf£.  266. 

(ai.)  Nalalis    Alexander  ,    scec.     XI    el  XII,  ,2%\  nuod  meluis  JSicotaus  if  le  meus,  imo  et 

part.  III,  Vaë-  "•  vester  ,  vivd   refit  el   voce.   Bernard.,  Epist.   ad 

(?î)    Rien    n'est   plus    mal  fonde'   que    cela.  |nnoc. 'il ,  in   Operib.  Abitl.  ,  pag.  2^5 

Votez  le  père  Alexandre,  là  même,  pag.  27.  /      \  jjoc  classico  multi  ad   arma  spirilualia 

(ï'S)  Opéra  Abâtardi,  pag.  333.  excùati  sunt Admovet  faces   incendii  ut 

(24)  Olho  Frising.,  lib.  I,  cap.  XLIX.  damnationem    ab    eu    (  Pontiiice  )    exlorqueal. 

r»Si  Voyez  les  Notes  d'André    du  Chêne  sur  Amboesii  prref.   Apol.  Oper.  Abâtardi. 

la  Kelation  d'Abélard,  pag.  11C1  ,  1162.  (3o)  In  Nous  in  Bernard.  ,/„J,o  3,. 


BÉRENGER. 


337 


dune  chose  qui  le  mérite:  c'est  d'à-  n'entendait  rienà  l'état  de  la  question*.} 

vancerque  Pierre  le  Vénérable  écrivit  Après  que  la  condamnation  fut  pro- 

à  Innocent  Jl  ,  qu'Abélard  ,  opprimé  noncée  ,  l'un  des  accusateurs  dit  entre 

par  les  vexations  de  quelques  person-  les  dents  ,  qu'il  avait  lu  dans  le  livre 

nés  qui  le  traitaient  d'hérétique  ,  en  de  l'accusé  ,  que  Dieu  le  père  est  seul 

appelait  au  s.iint  siège.   Ail  Abœlai-  tout-puissant  (35).   Le  légat  ayant  eu 

dum graratum  vexationibus  quo-  l'oreille    assez   bonne   pour   entendre 

rumdam  qui  illi nomen  hœretici  quod  cela  ,  se  mit  à  dire  ,  qu'il  ne  fallait 
ualdè  abominait  atur  imponere  vole-  pas  même  croire  qu'un  enfant  fût  ca- 
bant ,  majestatem  apostolicam  appel-  pable  de  tomber  dans  une  si  grande 
lasse.  Celui  qui  aurait  écrit  une  telle  erreur,  vu  que  ,  selon  la  foi  commu- 
chose  au  pape  aurait  donné  manifes-  ne  et  publique  ,  il  y  a  trois  tout-puis- 
tement  le  tort  à  saint  Bernard  ;  mais  sans.  Un  docteur  ne  put  s'empêclier 
ce  n'est  pas  ainsi  que  la  chose  se  passa,  en  se  moquant  du  légat ,  de  citer  ces 
Pierre  le  Vénérable  n'a  dit  sinon  paroles  de  saint  Athanase ,  et  tamen 
qu'Abélard  disait  qu'il  était  perse-  non  1res  omnipotentes  ,  sed  unus  omni- 
cuté,  etc.  Quœsivimus  quo  tenderet  :  potens.  Son  évêque  l'en  censura  ;  mais 
gravatum  se  vexationibus  ,  etc.  ,  ma-  on  lui  répondit  hardiment  par  un 
jeslatem  apostolicam  se  appelldsse  res-  passage  de  Daniel ,  qui  regarde  les  ju- 
pondtt.  ges  ignorans ,  et  plus  dignes  de  con- 
(K)  [Vous  voyons  encore  aujourd'hui  damnation  que  ceux  qu'ils  jugent.  Sic 
le  malheureux  Abèlard  couvert  de  fatuijilii  Israël ,  non  judicantes  neque 
honte  et  d'ignominie.']  Le  voilà  chargé  quod  verum  est  cognoscentes  ,  con- 
tour jusques  à  la  fin  du  monde  de  demndslis  filium  Israël.  Revertimini 
toutes  les  erreurs  qui  lui  furent  impu-  ad  judicium  ,  et  de  ipso  judice  judica- 
tées  dans  le  concile  de  Sens  ,  et  de  te  •'  il  ajouta  de  son  crû  ,  qui  talem  ju- 
plusieurs  autres.  Frère  Pierre  de  Per-  dicem  quasi  ad  instructionemjidei  et 
game  lui  attribue  d'avoirniéque  Dieu  correctinnem  erroris  instituistis  ,  qui 
fût  l'auteur  de  tous  les  biens  ,  qu'il  t"'"  judicare  deberet ,  ore  se  proprio 
fût  un  être  simple  ,  qu'il  fût  seul  éter-  condemnavit. 
nel ,  et  que  tout  fût  ou  créateur  ou         (M)  Voici  ce  que  M.  du  Pin  a  dit 


créature  (3 1 ).  FrèreBernardde  Luxem- 
bourg lui  attribue  ces  mêmes  choses  , 
sur  la  foi  de  l'autre.  Pratéolus  a  suivi 
frère  Bernard  (3-2  )  ,  et  a  été  copié  par 
le  jésuite  Gaultier  (33).  Belleforèt  et 
du  Haillan  ont  fait  comme  Pratéolus. 
Les  catalogistes  d'hérétiques  ,  nation 
moutonnière  s'il  en  fut  jamais  ,  les 
Sanderus  ,  les  Alphonse  de  Castro  , 
etc.  ,  n'ont  pas  manqué  d'adopter  les 
accusations  qui  tombèrent  sur  la  tête 
d'Abélard.  Mais  d'ailleurs  ceux  qui 
l'ont  mis    dans   le   catalogue  des    té- 


sur  cette  proposition  d'Abélard ,  Dieu 
ne  peut  faire  que  ce  qu'il  fait.  ]  «  11  ne 
»  nie  pas  non  plus  que  la  puissance, 
»  la  sagesse  et  l'amour  ne  soient  des 
»  attributs  communs  aux  trois  per- 
»  sonnes  divines  ;  il  déclare  même  le 
»  contraire  en  termes  formels  •  mais 
»  il  attribue  la  puissance  au  Père  ,  la 
»  sagesse  au  Fils  ,  et  l'amour  au  Saint- 
»  Esprit,  par  appropriation  :  en  quoi 
»  il  ne  semble  pas  s'éloigner  de  la 
»  doctrine  des  pères  et  des  théolo- 
»  giens.  Mais  il  ne  s'accorde  pas  avec 


moins   de   la   vérité  (34)   n'ont  su  ce     »  la  manière  de  penser  et  de  parlei 

»  des  autres  dans  la  troisième  propo- 
»  sition  ,  où  il  soutient  que  Dieu  ne 
»  peut  faire  que  ce  qu'il  fait ,  et  ne 
î>  peut  pas  faire  tout  ce  quil  ne  fait 
»  pas.  Ce  n'est  pasqu'il  ne  reconnaisse 
»  (pie  la  puissance  de  Dieu  en  elle- 
»  même  ne  pût  s'étendre  a  d'autres 
■»  objets  ;  mais  il  prétend  ,  qu'étant 
»  considérée  comme  jointe   à  la   sa- 

*  tes   Mémoire  de  Trévoux,  novembre  1-38. 


qu'ils  faisaient  :  il  a  bien  eu  quelque 
sentiment  partieulier  sur  les  acci- 
dens  eucharistiques  ;  mais  c'était  plu- 
tôt en  supposant  la  réalité  ,  qu'en  la 
niant. 

(L)....  Le  légat  ,  qui  le  condamna  , 

(3i)  Pelr.  Perg.im.  apud  Bern.  Lutzenburg. , 
m  Catalogo  Hrereticor. 

(3î)  Pratéolus,  ùi  Elencho  Hœreticor. 

(33)  Cault.  Tabut.  Chronol. 

(34)  VU.Y-  la  Vie  d'Abélard.  par  Thomasius, 
'tome  de  J'Hisloria  Sa- 

ffall ,  en  Allemagne  . 


imprimée  dans  le  prem 
pieDlisç  et  Stullitia:  , 
Van  iGy3. 


ml   l'apuloaie  de 


mars    et   août    i"3q, 

Connu  et  la  censure  de  Bavle.  Joly  en  transcrit 

coniula raniment  un  morceau. 

(35)  Oper.  Abjcl.  ,  pag.  i+. 

22 


335 


BÉRENGER. 


»  gesse  et  à  la  volonté  de  Dieu  ,  il  ne 
)>  se  peut  pas   faire  qu'il  veuille  ,  ni 
»  qu'il   fasse    autre  chose  ,  que     ce 
»  qu'il  veut  et  ce  qu'il  fait  actuelle- 
»  ment  (36).  »  Vous  verrez  ceci  plus 
au  long ,  dans  le  précis  que  M.  du  Pin 
a  donné  d'un  ouvrage  d' Abélard  (37). 
Dans  te  troisième  livre  ,  (/  traite  par- 
ticulièrement de  la  puissance  de  Dieu, 
et  il  soutient  que  Dieu  ne  peut  jaire 
que  ce  qu'il  fait  ,  et  ne  peut  pas  faire 
tout  ce  qu'il  ne  fait  pas  ;  parce  que  Dieu 
ne  peut  faire  que  ce  qu'il  veut  :  or  il  ne 
peut  pas  vouloir  faire  autre  chose  que  ce 
qu'il  fait  ,  parce  qu'il  est  nécessaire 
qu'il  veuille  tout  ce  qui  est  convenable  : 
d'où  il  s'ensuit  que  tout  ce  qu'il  ne  fait 
pas  n'est  pas  convenable  ;  qu'il  ne  peut 
pas  le   vouloir  faire  ;  et  ,  par  consé- 
quent ,  qu'il  ne  peut  pas  le  faire.  Il 
avoue  lui-même  que  celte  opinion  lui 
est  particulière  ;  que  presque  personne 
n'est  de  cet  avis  ■  qu'elle  semble  con- 
traire à  ta  doctrine  des  saints  et  à  la 
raison ,  et  déroger  a  la  grandeur  de 
Dieu.  Il  se  fait  là-dessus  une  objec- 
tion difficile  :  «  un  réprouvé ,  dit- il  , 
»  peut  être   sauvé  ;  mais  il  ne  saurait 
»  l'être  que  Dieu  ne  le  sauve  :  Dieu 
»  peut  donc  le  sauver ,  et  par  consé- 
»  quent  ,  faire  quelque  chose  qu'il  ne 
»  Jait   pas.  »  Il  y  répond,   que  l'on 
peut  bien    dire    que  cet    homme  peut 
être  sauvé  par  rapport  h  la  possibilité 
de  la  nature  humaine  ,  qui  est  capa- 
ble du  salut;  mais  que  l'on  ne  peut  pas 
dire  que  Dieu  peut  le  sauver  par  rap- 
port a  Dieu  même  ,  parce  qu'il  est  im- 
possible que  Dieu  fasse  ce  qu'il  ne  doit 
pas  jaire.    Il  explique  ceci  par  divers 
exemples  ;  un  homme   qui  parle  peut 
se  taire  ;  mais  il  ne  se  peut  pas  faire 
qu'un  parlant  soit  dans  le  silence  :  la 
voix  peut  être  entendue  ;  mais  le  sourd 
ne  la   peut  pas  entendre  :  un   champ 
peut  être  cultivé  ,  quoiqu'un  homme  ne 
puisse  pas  le  cultiver,  etc.  (38). 

J'examinerai  peut-être  ce  dogme 
dans  quelqu'une  des  remarques  de 
l'article  de  Wiclef 


damner  Abélard.  ]  «  Hoornbeeck ,  au 
»  commencement  de  son  Apparat  ad 
)'  Controversias  et  Disputationes  So- 
»  cinianas,  remarque  les  Hérésies  d'A  - 
»  bélard...Perizonius,  dans  son Speci- 
»  men  Apologelicum  Anti-Gualieria- 
»  num(Jig),accusationibusJacobiGual- 
»  leri  jesuitœ  oppositum  ,  dans  sa  dé- 
»  fense  cinquième  ,  de  Fide  ituplicitd. 
»  fait  aussi  une  description  assez  am 
»  pie  d'Abélard  et  de  ses  senti  mens  , 
»  et  s'étend  à  faire  voir  ,  ponlificios  , 
»  et  nominatim  jesuitas  ,  in  mullis 
r>  cuni  Abailardo  convenue  :  il  en  fait 
»  le  parallèle,  et  montredans  un  autre 
»  endroit  de  cette  même  défense  cin- 
»  quième  ,  que  ,  quant  pulchrè  soci- 
»  nianis  prœluxeril  ,  minime  obscu- 
»  rum  est  :  Becmann  ,  dans  ses  Exer- 
»  citations  théologiques ,  exercit.  H  . 
»  dit  que  ,  Socinus  hune  errorem  , 
»  Christum  pro  peccatis  nostris  non 
»  esse  mortuum  ,  è  lacunis  veterum 
»  hausit  ;  quippe  anno  Chrisli  1  i^o  in 
ji  Galliis  Peints  Abailardus  (  quem 
»  Bernardus  et  Otho  Frisingensis 
»  Abailardum  ,    Plalina  Baillardum 

»  vocant  )  idem  docuit  (4o) Joly  , 

»  chanoine  de  Notre-Dame  de  Paris... 
»  dit  dans  son  Traité  des  restitutions 
«  des  Grands ,  que  les  ennemis  d'A- 
»  bélard  ,  jaloux  de  sa  réputation ,  en 
»  firent  tellement  accroire  au  bon 
■a  saint  Bernard  ,  lequel  y  procédait 
■»  de  bonne  foi  ,  qu'il  se  trouve  que  le 
»  livre  des  Sentences  fut  condamné 
»  au  feu  sous  le  nom  d'Abélard ,  com- 
>}  me  en  étant  l'auteur,  quoiqu'il  fût 
»  de  Pierre  Lombard  ,  évéqite  de  Pa- 
ît ris:  ouvrage  néanmoins  ,  ajoute-t- 
»  il  ,  que  l'on  sait  être  canonisé  dans 
»  la  Sorbonne  .  et  sur  lequel  estfon- 
»  due  toute  la  théologie  scolastique. 
■»  11  dit  encore  ,  que  le  même  Abélard 
>,  fut  fort  maltraité  et  persécuté  par 
j)  les  moines  de  St.-Denys  en  France, 
»  et  par  St.  Gildas  (4 1  )  de  Ruys  ,  près 
)>  de  Cannes  en  Bretagne  ;  parce  qu'il 
■»  reprenait  leurs  vices  (42)- 


Je  remarquerai  deux  choses  sur  ce 
(N)  ' Us  protestant  sont  plus  enclins  passage  de  M.  Ancillon  :  l'une  ,  qu'en 
*   beaucoup  de  catholiques  à  con-    effet   Pierre    Abélard   est    assez  con- 


que   beaucoup 

(36)  Du  Pin  ,  Bibliothèque  des  Auteurs  ecclé- 
siastiques,  tom.  IX,  pag.  122,  édition  de 
Hollande. 

(37)  Le  III'.  livre  de  /'Introduction  à  la 
Théologie.  f 

(38)  Ou  Pin,  Bibliothèque  des  Auteurs  ecclé- 
siastiques ,  tum.  IX  ,  pag.  119,  130. 

*  Cet  article  n'existe  pas. 


(3q)   Voila  un  Anti  omis  par  M.  Baillet. 
(4o)  Ancillon  ,  Mélange  critique   de  Liltéra- 
re  ,  loin.   I ,  pag.  4- 
(4i)  Il  fallait  due,  et    par    ceux    de  Saint - 

/, 


Gilda 

(42)    Ancillon 
pag-  4- 


Mélange   critique  ,    tom. 


EÉRÉNICE.  339 

forme  dans  les  matières  de  la  grâce  porté  le  prix  aux  jeux  olympi- 

aux  opinions ;  que  les  jésuites  soutien-  ()      obtint ,  à    Cause  d'une 

mut  ;  mais  M.  du  Pin  observe  ,   que  . ',,        .          ,      -    ,      ,                 .     . 

si  la  doctrine  de  cet  auteur  n'«i  pas  ,      .  singulante ,   la  permission 

conforme  aux  principes  de   taint  Au-    d'assister  à  ces  jeux-là  ,  qui  avait 

gustùf  ,....  aussi  n'est-elle  pas  pela-    été  ôtée  aux  autres  femmes  par 
Sienne  ni  sànipébgienne  ,  pmsqvHl  d^cret  public  (A).  Quelques-uns 

■■<  connaît  la  nécessite  de  la  grave  pour  ,.  ;   n       V    -  *  .     ,  , 

le  commencement    du    bien,    et   qu'il  disent  qu  elle  obtint  ce  privilège 

soutient  seulement  que  Dieu  a  donné  avant  que    son  fils  eût  été    vain- 

une  grdce  égale  à  tous  les  hommes  queur   (B)  :   on  se  contenta  de 

dont   chacun  peut  faire  un  bon  usaiie  „_.„:___ 

ou  la  rejeter   (&/u   seconde    choie  f?0lT    W?    SOn  Pere    Ct   CIUe  s^ 

que  j'ai  à  dire  est  qu'il  faudra  exa-  ireres  avaient  remporte  cet  avan- 

miuer  en  quelqifautre  lieu   ,  si  le  li-  tage  ,  et  de  voirqu'accompagnée 

vre  des   Sentences  ,  condamné  au  jeu  de  ses  frères  victorieux  elle  pré- 

sous  le  nom   d  Abélard  ,   est  celui  de  co,,t„\.     „     c\    *  »,.  -     i- 

Pierre  Lombard.  SGntait  b0n  fils  tout  Pret  ?  &Spu- 

(43)  Du  Pin,   B.bliotbéque  des  Auteurs  ecclé-     teF  Cftte  SOrte  de  Couronnes.    Le 

siastiques,  paS.  122.  narré  de  Pausanias  diffère  de  ce- 

BÉRÉNICE  ,    nom   de   plu-  lui— là  ,  et  vaut  mieux  peut-être, 

sieurs   femmes   et    de   plusieurs  Pausanias  conte  que  les  habitans 

villes.  Nous  parlerons  ci-dessous  de  I'Élide  firent  une  loi ,  qui  con- 

de  quelques-unes  de    ces    fem-  damnait   à  être   précipitées  du 

mes;  et   quant  aux  villes,  nous  haut  d'un  rocher  toutes  les  fem- 

nous  contentons   de   remarquer  mes  qui  oseraient  se  couler  aux 

qu'Ortelius  en  compte  neuf,  et  jeux  olympiques,  ou  passer  l'Ai— 

que  les  deux  principales  étaient  phée  (b)  pour  quelque  sujet  que 

en  Afrique  ,  l'une  dans  la  Peu-  ce  ^ut  >  pendant  les  jours  que  cela 

tapole,  l'autre  sur  la  mer  Rou-  ne  leur  était  point  permis  (c).  Il 

ge.   Celle-ci    reçut  ce    nom   en  u'y  en  eut  qu'une  qui  contrevint 

l'honneur    de    Bérénice  ,   mère  a  cette  défense.  C'était  une  fem- 

de  Ptolomée  Philadelphe  (a),  et  me  nommée  Cattipatfra)  selon 

l'autre  en  l'honneur  de  Béréni-  quelques-uns  ,  Phérénicc   selon 

ce,  femme  de  Ptolomée  III    du  quelques  autres  (C).  Elle  fit  sem- 

nom    (b).   Bérénice  est  un   nom  blant  ,   après    la    mort    de   son 

grec  (A).  ma"  »  d'être  un  de  ceux  qui  dres- 

,«)  Pliu,  hb.  vi ,  cap.  xxix.  saient  les  jeunes  gens  aux  exer- 

(6)  Solinus,  cap.  xxvii.  cic.s    des  jeux  olympiques  ;  et, 

(A)  Bérénice  est  un  nom  grec.  ]  Il  a  SOUS  ce  déguisement ,  elle  se  pré- 

eté  forme  de  celui  de  $«,«,/*»      cVst-à-  senta  au   d             de  b    t   ;„      £ 

dire  ,  Porter ictoire  ,  par  le-  Macedo-  rl              ,  ..*                      .c  d  a 

mens  qui   changeaient  le    Ph  en    B.  s°n  Ulb  '  (IU  e"e  .v  amenait  com- 

Voyez  Plularque  (1)  ,  et  Etienne  de  me  un  athlète  qu'elle  avait  dres- 

Byzance  (2).  Aussi  tronve-t-on  des  au-  se,  et  qui  se  préparait  au  combat," 

teurs  qui   nomment    Phérénicc   celle  »„,„.  .,,  _.,„  .„„  fiu            . 

que  d-aut.es  nomment  Bérénice.   Il  y  A^a,,t  V"  4ue  ^n  fils  avait  rem- 

en  a  qui ,  au  lieu  de  Bérénice  ,  disent  (a    Vna  Bérénice,  quajîlia,  somr,  mater 

en  latin  Beronice.  Olympinmcarnm.  Plioius,   tib.    VII ,   iUp. 

(0  /"  Quaest.  Gr. ,  pag.  292  ,  E.  %LU  ex  édition* ,     Harduini,    qiixjuxta 

(2)  Voce  Bspoi*.  Mss-  omnes  habet  Bérénice  ,  ciirn  libri  edtU 

habeant  Plicrenice. 

BÉRÉNICE,     fille        Sœur      et  0:  C'est  le    nom  d'une  rivière,  auprès   de 

™i*_„  J~ •            ■  laquelle  se  célébraient' les  jeux  olympiques 

mère  de  gens  qui  avaient  rem-       'c)Paus«.,  l,b.  v.pa/.i53.  3   P1 


34o  BÉRÉNICE. 

porté  la  victoire  ,  elle  sauta  par- 
dessus une  barrière  qui  servait 
de  parquet  aux  maîtres  des  corn- 
battans  ,  et  fit  connaître  son 
sexe  par  cette  action.  On  aurait 
procédé  contre  elle  selon  les 
lois ,  si  les  juges  n'avaient  cru 
qu'ils  devaient  l'absoudre ,  à 
cause  qu'il  se  trouva  que  son 
père  et  que  ses  frères  avaient 
gagné  le  prix  de  ces  jeux ,  et  que 
son  fils  venait  de  le  remporter  : 
tant  de  gloire  dans  une  famille 
obtint  grâce  pour  cette  femme. 
Mais  on  fit  une  loi ,  qu'à  l'avenir 
les  maîtres  mêmes  des  atblètes 
viendraient  nus  à  ces  specta- 
cles. Il  ne  faut  pas  oublier  que 
la  Bérénice  dont  il  s'agit  était 
fille  de  ce  Diagoras  Rhodien , 
qui  fit  tant  parler  de  lui  dans  les 
jeux  publics  de  la  Grèce  (d).  Je 
ne  sais  si  aucun  commentateur 
tnoderne  remarque  cela.  Il  est 
aisé  de  trouver  en  quel  temps 
vivait  cette  Bérénice  (D). 

{d)  Voyez  la  remarque  (G). 


(A)  Elle  obtint  la  liberté  d'assister 
aux  jeux  olympiques  ,  qui  avait  été 
ôtée  aux  femmes  par  décret  public.  ] 
Cette  défense  suppose  que  l'on  ne 
se  fia  point  aux  suggestions  de  la 
bienséance  et  de  la  pudeur  naturelle. 
Les  athlètes  étaient  tout  nus  :  cela 
seul  devait  bannir  de  ces  sortes  de 
spectacles  le  beau  sexe.  Néanmoins  on 
ne  compta  point  là-dessus  :  on  fit  des 
lois  ,  et  on  les  notifia  ,  pour  interdire 
aux  femmes  la  vue  de  c<js  exercices. 
Passe  pour  cela  :  on  songeait  au  grand 
pouvoir  de  la  curiosité  •  mais  qui 
pourrait  ne  pas  condamner  la  rigueur 
extrême  et  cruelle  de  ces  nouveaux  lé- 
gislateurs ?  Ils  ordonnèrent  que  si 
quelque  femme  était  surprise  dans  ces 
assemblées  ,  ou  si  seulement  elle  passait 
la  rivière  en  ce  temps  -  là  ,  elle  se- 
rait précipitée  du  haut  d'une  monta- 
lagne   (i).    Il  ne  faut  pas   s'étonner 

(i)  Voyez  Paur.anias  ,  liv.  V ,  pag.  i53. 


qu'aucune  femme  n'ait  été  punie  de 
ce  terrible   supplice  (2).    La  vue   de 
quelques  hommes  nus   ne  devait  pas 
être  un  charme  ou  un  attrait  assez  fort 
pour  faire  négliger  un  si  grand  péril  : 
et  si  enfin  il  se  trouva  une  femme  qui 
n'observa  point  la  défense ,  c'est  qu'elle 
ne  crut  rien  risquer.  Elle  s'était  dé- 
guisée en  homme  ,  et  ne  songea  pas 
qu'un  simple  saut  la  trahirait.  Appa- 
remment  elle   fut  si    transportée  de 
joie  ,  en    voyant  que   son   fils  vain- 
quait ,  qu'elle   s'élança  un   peu  trop 
gaillardement  sur  la   barrière   :    que 
sait-on  même  si  ses  habits  ne  s'accro- 
chèrent pas  en  quelque  endroit  ,   par 
un  accident  imprévu  ?   quoi  qu'il  en 
soit ,  elle   donna  ,  sans  y  penser  ,   un 
nouveau    spectacle   ,    qui    troubla  la 
fête  ,  et  qui  fit  naître  un  procès  dont 
elle  sortit  victorieuse.   Je  dis  sans  y 
penser  ;  car  il  ne  faut  point  croire  ce 
que  dit  un  savant  critique  ,  qu'elle  se 
déshabilla  tout  exprès  ,    afin  de  faire 
montre  de  son  sexe  ,  en  voyant  la  vic- 
toire de  son  fils.  Scribit  autem  (  Pau- 
sariias  )  nemini  fuisse  suspectant  ,  do- 
nec  visojîlio  l'ictore  veslem  abjiceret 
niulieremque   se    ostenderet  (3).   Il  a 
tort  d'imputer  cela  à  Pausanias  ,  qui 
n'a  voulu  dire  autre  chose  ,  sinon  que 
cette  femme  ,  en  passant  par-dessus 
la  barrière  ,  découvrit  une  nudité  qu'il 
fallait  cacher.  Voici  son  grec  :  Ta  ipu- 
ulol,  sv  mTWiyvy.vtLÇ'à.S  '^oua-tv  ÀTruMift- 
f/.tvouç,  toSto  Ù7rtf7TYiiaiaa.»  Yia.KKiTra.'Tiipx 
iyvy.yâ>bn.  Sepimenlum  in  quo  magis- 
tros  seclusns  habent   transiliens  ,   nu- 
data  est  (4).  Romulus  Amasœus  a  mal 
traduit  ,  transiluit  veste  positd ,  com- 
me l'a  remarqué  Sylburgius. 

(B)  Quelques-uns  disent  qu'elle  ob- 
tint ce  privilège  avant  que  son  Jils 
eût  été  vainqueur.  ]  Valère  Maxime 
l'assure  ;  voici  ses  paroles  :  Pherenices 
quoque  non  vulgaris  honos  ,  cui  soli 
omnium  fœminarum  gymnico  specta- 
cula  interesse  permissum  est ,  cîan  ad 
Olympia  filium  Euclea  certamen  in- 
gressurum  adduxisset  ,  olympionico 
paire  genita  ,  fratribus  eamdem  pal- 
mam  asseculis  lalera  ejus  cingentibus 
(5).  Élien  raconte  la  même  chose  ,  et 
dit  que  la  cause  fut  plaidée  ,  et  que 

(2)  Idem  ,  ibid. 

(3J  Schcfferus  ,  in  iElian.,  lib.  X  ,  cap.  I. 

(4)  Pausao.,  lib.  V,  pag.  i53. 

(5)  Val.  Maxim.  ,  lib.  VIII ,  sub  fin. 


BÉRÉNICE. 


341 


E 


Phérénice  la  gagna  (6).  11  n'y  a  point 
lieu  tle  douter  qu' Euclea  ,  dans  Va- 
lère  Maxime  ,  ne  soit  le  nom  du  jeune 
athlète  qui  fut  mené  sur  les  rangs 
par  Bérénice.  Pausanias  ne  le  nomme 
point  ainsi  :  il  l'appelle  Pisidore  ou 
Pisirode('j).  On  ne  doit  pas  conjectu- 
rer qu' Euclea  ,  dans  les  auteurs  grecs 
qui  fournirent  à  Valère  Maxime  cet 
événement  ,  était  l'épithèle  des  jeux  , 
et  non  pas  le  nom  de  l'athlète  ;  mais 
que  l'écrivain  latin  ,  n'ayant  pas  été 
assez  attentif  ,  crut  trouver  un  nom 
propre  où  il  n'y  avait  qu'une  épi- 
thète  :  on  ne  doit  point ,  dis-je  ,  avan- 
cer cette  conjecture  ,  puisque  nous 
trouvons  un  athlète  nommé  Euclès  , 
qui  était  pour  le  moins  le  neveu  de 
Bérénice  (8).   Il  faut  donc  croire  qu'il 

a  des  auteurs  grecs  qui  ont  donné 
e  nom  d'Euclés  :'i  son  (ils  :  ce  sont 
ceux  que  Valère  Maxime  copia.  Voyez 
la  remarque  suivante. 

(C)  On  a  nommé  cette  femme  Calli- 
patira  selon  quelques-uns  ,  Phérénice 
selon  quelques  autres.  ]  C'est  ce  que 
Pausanias  remarque  dans  son  Ve.  li- 
vre (9)  ;  mais  dans  le  VIe.  (10)  ,  il  dit 
une  chose  qui  semble  prouver  mani- 
festement que  Callipatira  et  Phéré- 
nice étaient  deux  sœurs  ,  filles  du  fa- 
meux athlète  Diagoras.  Il  dit  que  Dia- 
goras  eut  le  bonheur  de  remporter  des 
victoires  et  d'avoir  trois  fils  qui  en 
remportèrent  ,  et  des  filles  dont  les  fils 
en  remportèrent  aussi.  11  dit  Filles  au 
nomhre  pluriel  ,  d'où  il  faut  conclure 
que  les  deux  petits-fils  de  Diagoras  , 
desquels  il  parle,  n'étaient  point  frères, 
mais  seulement  cousins  germains,  fils 
de  deux  sœurs.  11  nomme  l'un  de  ces 
deux  petits-fils  ,  Eudes  ,  et  l'autre 
Pisidore.  11  dit  qu'Eudes  était  fils  de 
Callianax  et  de  Callipatira  fille  de  Dia- 
goras. Il  ne  nomme  point  la  mère  de 
Pisidore  :  il  dit  seulement  que  sa 
mère  ,  déguisée  en  maître  des  jeunes 
athlètes  ,  le  mena  sur  la  lice  des  com- 
battais. Je  le  répète:  puisqu'il  a  par- 

(6)  ^Elian. ,  lib.  X,  cap.  I. 

(7)  Pausanias  ,  Uv.  V,pag.  i53,  du  Tlits-i- 
?o<Toç,  ût  Uv.  FI ,  pag.  184,  UuTiSa>f. oç  :  d 
faudrait  corriger  l'un  par  l'autre  ;  car  il  est  vi- 
sible qu'en  ces  deux  passages  il  s'agit  d'un  seul 
et  même  homme.  Il  vaut  mieux  mettre  partout 
Ptudore. 

(8)  Apud  Pausan. ,  lib.  VI ,  pag .  i83  ,  i^i. 

(9)  Pag.  153. 

fi»)  Pag.  184. 


lé  des  tilles  de  Diagoras  au  nombre 
pluriel  ,  puisqu'il  a  dit  que  les  deux 
petits-fils  de  Diagoras  du  côté  des  fil- 
les avaient  remporté  des  victoires  . 
il  faut  qu'il  ait  prétendu  que  la  mè- 
re d'Euclès  et  la  mère  de  Pisidore 
étaient  deux  sœurs.  Or  la  mère  d'Eu- 
clès se  nommait  Callipatira  :  il  est 
donc  juste  de  penser  que  la  mère  de 
Pisidore  ne  se  nommait  point  Callipa- 
tira ,  et  qu'elle  se  nommait  Phérénice; 
car  c'est  le  nom  que  plusieurs  lui  don- 
nent dans  le  Ve.  livre  de  Pausanias  :  et 
si  quelques-uns  ont  nommé  Callipatira 
celle  qui  sous  l'équipage  d'un  maître 
des  athlètes  mena  son  fils  Pisidore  au 
combat  des  jeux  olympiques ,  il  faut 
attribuer  cela  aux  mêmes  causes  qui 
font  que  tant  d'écrivains  peu  exacts 
confondent  les  actions  d'une  personne 
avec  les  actions  d'une  autre. 

(D)  //  est  aisé  de  trouver  en  quel 
temps  vivait  cette  Bérénice.']  Pausa- 
nias nous  apprend  qu'elle  était  fille  de 
Diagoras  ,  et  sœur  de  Dor ieùs  (  1 1  ) .  Or 
Dorieùs  se  battit  pour  les  Lacédémo- 
niens  contre  les  Athéniens  ,  au  temps 
que  Conon  était  général  de  ceux-ci 
(12)  :  il  florissait  donc  vers  la  95e. 
olympiade.  Consultez  la  remarque  (D) 
de  l'article  de  Diagoras  Rhodien  ,  où 
je  recherche  quel  est  le  temps  auquel 
il  vivait. 

(11)  Pausan. ,  lib  .  Pi,  pag.  184. 

(12)  Idem,  ibid.,  pag.  i85. 

BÉRÉNICE,  femme  coura- 
geuse et  vindicative  , ayant  perdu 
son  fils  par  le  complot  de  Lao- 
dice ,  monta  bien  armée  sur  un 
chariot ,  et  poursuivit  le  meur- 
trier si  vivement  qu'elle  le  tua. 
Il  s'appelait  Cœneûs.  Il  n'avait 
fait  qu'exécuter  un  ordre  royal. 
Elle  le  manqua  ,  en  lui  lançant 
son  javelot  :  mais  non  pas  ,  en 
lui  jetant  une  pierre;  car  du 
coup  de  cette  pierre  ,  elle  le  ren- 
versa raidemort.  Ensuite  elle  fit 
passer  sur  lui  son  chariot ,  et  se 
retira  à  travers  les  troupes  enne- 
mies dans  la  maison  où  elle 
croyait  qu'on  avait  caché  le  corps 
de  son  fiU.  Voilà  ce  qu'on  trouve 


342  BÉRÉNICE. 

dans  Valère  Maxime  (a).  11  ya 
quelque  apparence  que  cet  au- 
teur a  joint  pêle-mêle  ce  qui  ne 
convient  que  séparément  à  deux 


personnes.  Les  commentateurs 
s'y  trouvent  embarrassés  (A). 
Voyez  la  remarque. 

(a)     Valer.    Maxim.,   lib.  IX,   cap.    X, 
subjtn. 

(A)  falère  Maxime  lui  attribue  ap- 
paremment ce  qui  ne  convient  qu'a 
deux  personnes.  Les  commentateurs 
s'y  trouvent  embarrassés.  ]  Olivier  , 
qui  a  fait  de  longues  notes  sur  Valère 
Maxime  ,  pleines  d'une  érudition  tri- 
viale ,  prétend  que  la  Bérénice  dont  il 
est  ici  question  ,  s'appelait  aussi  Lao- 
dice  ,  et  qu'elle  était  sœur  de  ce  Mi- 
thridate  qui  fit  si  long-temps  la  guerre 
aux  Romains.  Là-dessus  ,  il  conte  que 
cette  dame  fut  mariée  en  premières 
noces  avec  Ariarathe  ,  roi  de  Cappa- 
doce  ,  et  en  secondes  avec  Kicomède  , 
roi  de  Bithynie  ;  et  que  les  deux  fils 
qu'elle  avait  eus  d'Ariarathe  ,  ayant 
été  tués  par  Mithridate  ,  l'un  immédia- 
tement ,  l'autre  médiatement  ,  elle 
s'arma  ,  et  poursuivit  Cœnetis  ,  qui 
avait  exécuté  les  ordres  de  Mithridate  , 
et  le  punit  de  la  manière  que  Valère 
Maxime  le  rapporte.  J'ai  à  dire  contre 
ce  récit  :  i°.  que  Valère  Maxime  a  été 
si  éloigné  de  vouloir  parler  d'une 
femme  qui  se  nommât  indifféremment 
Bérénice  ou  Laodiee  ,  qu'il  remarque 
queLaodice  fit  tuer  le  fils  de  Bérénice. 
a°.  La  première  partie  du  récit  de  notre 
commentateur  se  trouve  bien  dans  Jus- 
tin (i);  mais  on  n'y  trouve  pas  que 
la  sœur  de  Mithridate  ,  femme  d'Aria- 
rathe et  de  Kicomède ,  eût  d'autre 
nom  que  celui  de  Laodiee.  3°.  Ou  n'y 
trouve  pas  que  le  second  fils  d'Ariara- 
the et  de  Laodiee  ait  été  tué  par  ordre 
de  Mithridate  :  on  y  trouve  ,  au  con- 
traire, qu'il  mourut  de  maladie.  Nec 
multb  post  adolescens  ex  ύritudine 
collecta  ïnfirmitate  ,  decedit  (2).  4°.  La 
dernière  partie  de  ce  récit  est  contre- 
dite et  démentie  manifestement  par 
Justin  •  car  voici  de  quelle  manière  il 
rapporte  que  Laodiee  tâcha  de  se  ven- 
ger de  son  frère  ,  après  avoir  perdu 

(1)  Justinus ,  lib.  XXVI 11  ,  cap.  I  etll. 
(a)  Id.  ,  ibid.  ,  cap.  II 


ses  deux  fils.  Kicomède ,  son  second 
mari ,  suborna  un  très  -  beau  jeune 
garçon  ,  pour  faire  accroire  qu'd  res 
tait  un  troisième  fils  d'Ariarathe  ,  et 
il  envoya  Laodiee  à  Rome  ,  avec  or- 
dre de  témoigner  qu'Ariarathe  avait 
laissé  trois  garçons  ,  dont  le  dernier 
était  encore  vivant ,  et  demandait  au 
peuple  romain  le  royaume  de  son 
père.  5°.  C'est  une  chose  trop  hardie 
pour  mériter  d'être soufferte,  que  d'a- 
vancer plusieurs  faits  circonstanciés  , 
sans  en  pouvoir  citer  de  témoins.  Où 
est-ce  qu'Olivier  a  lu  que  !a  sœur  de 
Mithridate  monta  sur  un  chariot,  pour- 
suivit Cceneûs  ,  le  meurtrier  de  son  se- 
cond fils  ,  etc.  ?  Je  remarquerai ,  en 
passant ,  que  Freinshemius  n'a  pas  eu 
raison  d'accuser  Justin  de  se  contre- 
dire, ou  de  brouiller  prodigieusement 
l'histoire  (3).  Justin  a  parlé  de  deux 
Laodices  mariées  à  deux  Ariarathes. 
La  première  ,  après  la  mort  de  son 
mari ,  tua  cinq  de  sesenfans  ,  et  aurait 
tué  le  sixième,  le  seul  qui  lui  restât ,  si 
les  parens  ne  l'eussent  dérobé  à  sa  bar- 
barie (4).  Le  peuple  se  défit  de  cette  mé- 
gère. La  seconde  Laodiee  épousa  ce 
fils  d'Ariarathe  qui  était  seul  demeuré 
de  reste.  Ou  verra  ceci  amplement 
dans  un  autre  endroit  (5).  Plût  à  Dieu 
que  Justin  ne  fût  coupable  d'autres 
confusions  et  d'autres  contradictions 
que  de  celles-là  ! 

Le  père  Cantel  a  observé  qu'Olivier 
avait  eu  tort  de  donner  à  la  sœur  de 
Mithridate  l'action  que  Valère  Maxime 
rapporte.  Il  croit  ,  lui  ,  que  Valère 
Maxime  a  voulu  parler  de  Bérénice  et 
de  Laodiee  ,  femmes  d'Antiochus 
Theùs  ,  et  filles  toutes  deux  de  Ptolo- 
raée  Philadelphe.  Tout  le  monde  ne 
demeure  pas  d'accord  qu'elles  fussent 
sœurs.  Polyaentis,  cité  par  un  confrère 
du  père  Cantel  (6)  ,  assure  que  Lao- 
diee ,  femme  d'Antiochus  Theùs  ,  était 
sœur  de  son  mari ,  et  fille  d'Antiochus 
Soter.  Pour  Bérénice  ,  l'autre  femme 
d'Antiochus  Theùs  ,  on  convient  gé- 
néralement qu'elle  était  fille  de  Pto- 
lomée  Philadelphe.  Kéanmoins  on  ne 
saurait  condamner  le  père  Cantel  :  il 
a  pour  lui  l'autorité  d  Appien    («).  Il 

(3)  Voyez  le  Juslin  de  M.  Crœvius  ,  pag.  548. 

(4)  Justin.,    lib.  XXXVJI .  cap.  I. 

(5)  Dans  l'article  Cappadoce  ,  remarque  (I), 
nuin.   III  .  dans  /'alinéa. 

(6)  Par  le  père  Hardouin  sur  Pline,  liv.  VII, 
ckap.  XII ,  pag.  25 

(7)  Appian.  ,  in  Sytiacis  ,  cirea  finem. 


BÉRÉNICE. 


a  quelque  raison  de  croire  que  Valère 
Maxime  a  voulu  parler  des  femmes 
d'Antiochus  Theiis  ;  mais  il  devait  le 
•  censurer  d'avoir  mis  une  pièce  de  rap- 
port à  la  triste  destinée  de  Bérénice. 
La  vaillance  que  cet  auteur  attribue 
à  sa  Bérénice  ,  et  le  bon  succès  qu'il 
lui  fait  avoir  contre  l'assassin  de  son 
fils  ,  ne  conviennent  point  à  la  femme 
d'Anthiochus  ;  car,  bien  loin  qu'elle 
ait  pu  venger  la  mort  de  son  fils  ,  elle 
fut  cruellement  massacrée  avec  lui 
dans  le  lieu  où  elle  s'était  sauvée.  11  est 
vrai  d'ailleurs  que  ce  fut  une  Laodice 
qui  lui  procura  ce  malheur  (S).  Mais 
puisque  le  père  Cantel  a  cru  que  l'au- 
teur qu'il  commentait  avait  eu  en 
vue  l'histoire  des  femmes  d'Antiocbus 
Tbeiis ,  il  ne  devait  point  marquer  en 
marge  l'an  66$  de  Rome  :  cette  chro- 
nologie est  troj>  différente  de  celle  qui 
convient  à  ces  deux  princesses  (9). 

(8)  Voyez  Justio. ,  lib.  XXVII  ,  cap.  I. 

(!))  dntiochus  Theiis  commença  de  régner 
environ  Van  de  Rome  492.  Voyez  Calvisius ,  ad 
ann.  mundi  3689. 

BÉRÉNICE  ,  fille  de  Ptoloméc 
Aulètes  ,  roi  d'Egypte,  succéda  à 
son  père,  avant  qu'il  mourût. 
.Te  ne  trouve  pas  qu'elle  ait  exci- 
té les  Égyptiens  à  le  chasser  (a)  : 
et  il  y  a  quelque  apparence  qu'ils 
se  portèrent  d'eux-mêmes  a  se 
délivrer  d'un  joug  incommode, 
sans  qu'elle  les  y  animât  ;  mais 
il  est  sûr  qu'aussitôt  que  le 
père  fut  chassé  ,  la  fille  fut  cou- 
ronnée (A).  Ce  prince  banni  im- 
plora l'assistance  des  Romains,  et 
obtint  enfin  que  Gabinius  ,  gou- 
verneur de  la  Syrie,  travaillerait 
à  le  rétablir.  Pompée  fit  ce  coup- 
là  ;  car  le  peuple  romain ,  appuyé 
sur  quelque  vers  de  la  sibylle , 
ne  voulut  pas  qu'on  se  mêlât  de 
ce  rétablissement.  Bérénice  ,  de 
son  côté  ,  fit  toutes  les  diligences 
possibles  ,  pour  se  maintenir  sur 
le  trône;  et  quoiqu'elle  crai- 
gnit les   Romains ,  elle  ne  fit  à 

(a)  Voyez  la  remarque  (C). 


343 


son  père  aucune  proposition 
d'accommodement  ,  ni  aucune 
sorte  d'honnêteté  (b).  Comme 
elle  crut  qu'un  mari  lui  serait 
d'un  grand  usage,  elle  attira  un 
prince  nommé  Séleucus  ,  issu 
des  rois  de  Syrie,  et  l'associa  à 
son  lit  nuptial  et  à  son  sceptre. 
Elle  en  fut  bientôtdégoûtée  ,  ne 
trouvant  pas  que  ce  fut.  un  hom- 
me d'aucun  mérite  ,  et  le  fit 
mourir  (c)  :  après  quoi ,  elle  jeta 
la  vue  sur  Archélaiis  ,  fils  de  ce- 
lui qui  avait  quitté  le  parti  de 
Mithridate ,  pour  se  joindre  à 
Sylla.  Elle  s'offrit  à  lui  en  ma- 
riage (B),  et  lui  promit  de  lui 
faire  part  de  sa  royauté.  Il  était 
alors  dans  l'armée  de  Gabinius  , 
et  on  l'aurait  facilement  empê- 
ché d'aller  trouver  Bérénice  ,  si 
Gabinius  n'avait  mieux  aimé 
pour  ses  intérêts  particuliers  lui 
donner  la  liberté  d'épouser  cette 
princesse  (C).  Archélaiis  l'épousa 
effectivement ,  et  se  mit  à  la  tête 
de  ses  troupes  ,afin  de  repousser 
les  Romains,  qui  prétendaient 
rétablir  le  roi  Plolomée.  II  fut 
tué  dans  un  combat  (D).  Ptolo- 
mée  rentra  dans  Alexandrie  ,  et 
fit  mourir  sans  pitié  sa  fille  re- 
belle (d).  Voilà  quel  fut.  le  des- 
tin de  Bérénice.  Un  auteur  mo- 
derne a  très-bien  développé  tou- 
tes les  intrigues  qu'on  fit  à  Ro- 
me pour  le  rétablissement  de 
Ptolomée  ;  mais  il  s'est  trompé 
dans  les  circonstances  de  la  dé- 
tention d'Archélaus  (E). 

Eu  quamquam  Bomanos  metuebat  ,  mhil 
tamen  mansueti  Ptulemœo  exhibait.  D10, 
lit,.  XXXIX,  pag.  i3o. 

(c)  Voyez  la  rernart/ue    Ç). 

[d)  Ex   Dione     lib.  XXXIX ,   pag.  i3o . 
i3i. 


344 


BÉRÉNICE. 


(A)  Aussitôt  que  sonpère fut  chassé ,    pouser.  Je  ne  trouve  point  dans  Slra- 
elltfut  en u ronnre.~\  Strabon  remarque    bon  que  cette   princesse  ait  songe"  à 
que  ce  prince  avait  trois  filles  ,  et  que    Archélaùs  ;  je  n'y  trouve,  sinon  que  les 
l'aînée  ,  qui  était  légitime,  fut  placée    Egyptiens,  ayant  chassé  leur  roi  Pto- 
sur  le  trône    (i).  Ce  narré  n'est  point    lomée  ,  cherchaient  un  prince  de  sang 
exact  ,  si  l'on  suppose  que  Porphyre  a    royal  pour  le  marier  avec  Bérénice  , 
parlé  comme  il  fallait  de  celte  révolu-    et  qu'Archélaiis  ,  sachant  cela  ,  s'offrit 
tion  ;  car  il  assure  que   CléopîUre  ou    à  eux  sous  la  qualité  supposée  de   fils 
Tryphène  ,  et  Bérénice,    deux  filles    de  Mithridate  Eupator  et  fut  accepté, 
de   Ptolomée  ,  régnèrent  ensemble  la    et  régna  six   mois.   T«u/t>i    £»Tot>/uÉvGts 
première   année    de  la  fuite   de  leur    «v<fpàç  fia.a-i\uioû  yhouç  tvtXitptrtv  Iclwtov 
père  ,  et  que ,  Tryphène  étant  morte  ,    tois     a-uju.7rpâ,TT(iun  ,     ?rpo<r7rou\<râ:uivoç 
sa  sœur  Bérénice  régna  seule  pendant    Mi9piJa.Tou    toS    Et/Tro/ropoç    ùios    tiveti  , 
deux  ans  (2).  Cela  montre  que  Béré-    koli  -n-et.pa.S'ixQih  ,   i£a.o-lteuo-iv  t%  /*«v«ç. 
nice   n'était  point  l'aînée  ,   et  fortifie    Eicum  quœrerelur  maritus  regio  san- 
mou  opinion   qu'elle  ne  cabala  point    guine  nalus  ,  dédit  se  Archelaus  auxi- 
pour  chasser  le  roi  :  les  soupçons  tom-    liariis   suis  ,   simulavilque  se  jHiuni 
lieraient  plutôt  sur  sa  sœur  Tryphène.    esse  Milhridalis  Eupatoris  ,  itaque  re- 
3e  ne  prétends  pas  nier  qu'il  ne  soit    ceptus  ,   sex  menses  regno  politus  est 
possible  que  l'ambition  les  ait  portées    (5).  On   peut  voir  là    un  exemple  des 
à  favoriser  les  mécontens  ,  et  à  s'ou-    scrupules  que  l'on   doit  avoir  en  rap- 
vrir  le  chemin  du  trône  par  la  desti-    portant  ce  que  l'on  trouve  dans  un  au- 
tution  de  leur  père  :  je  prétends  seule-    teur.    La  moindre    licence    qu'on    se 
ment   que  les   anciens  livres   ne  con-    donne  est  capable  quelquefois  de  faire 
tiennent  point  ce  fait.   M.  Baudelot  a    tort    à    l'honneur   des    gens.    11   n'est 
soutenu  le  contraire  (3)  ;  mais  je  suis    point    de   la   bienséance  ,     ni    de   la 
sûr    qu'en    examinant    ce   qu'il    em-    dignité  d'une  reine  ,   de  s'offrir  pour 
prunte  ,  ou  de  Dion  ,  ou  de  Porphyre,     femme    et    d'attirer   un    jeune    hom- 
ou  de   Photius  ,  on  n'y  trouvera  au-    me  par    l'espérance  qu'il    l'épousera, 
cuue  preuve  de  son  opinion.  Ce  qu'il    C'est  à  ses  sujets  à  lui   procurer   un 
allègue  de  plus  fort  est  que  Ptolomée  ,    parti  sortable.  Strabon   met   les  cho- 
étoufl'ant  les  sentimens  paternels  ,  fit    ses   sur  ce  pied-là   par  rapport  à  Bé- 
niourir  sa  fille  Bérénice  ,  à  cause  de  ce    rénice  :  il  ne  fallait  donc   pas    rap- 
qu'elle  avait  commis.  11  est  clair  que  ,    porter  le  fait  de  la    manière  que  l'a 
sans  la  faire  complice  de  la  révolte    rapporté   le  père  Noris  ;  ou  bien    il 
des  Égyptiens  ,  on  la  jugera  assez  cri-    fallait  citer  d'autres  gens  que  Strabon. 
minelle  aux  yeux  de  son  père  ,  pourvu     Si  l'on  avait  cité  Dion  ,  rien  n'eût  em- 
seulemeut  que  l'on  songe  qu'elle  ac-    péché  de  décrier  Bérénice  comme  une 
cepta  la  couronne  ,  et  qu'elle  employa    princesse  qui  ,  après  avoir  usurpé  le 
toutes  sortes  de  moyens  pour  se  main-    trône  sur  celui  à  qui  elle  devait  la  vie  , 
tenir  dans  l'usurpation.  allait  à  la  quête  d'un  mari  et  s'offrait 

(B)  Elle  s'offrit  à  Archélaùs  en  ma-  elle-même  avec  sa  couronne  ,  pour  le 
riage.  ]  J'ai  raison  de  dire  cela  ;  mais  prix  de  la  protection  qui  lui  était  né- 
le  père  Noris  n'a  pas  eu  raison  de  le  cessaire.  Voyez  la  remarque  suivante, 
dire.  Archelaus  à  Bérénice  spe  nup-  (C)  ....  Gabinius  ,  qui  pouvait  l'em- 
tiarum  Alexandriam  evocatus  ,  eddesn  pêcher ,  aima  mieux  ....  laisser  à  Ar- 
uxore  ductâ  ,  copias  contra  Gabinium  chélaûs  la  liberté  d'épouser  cette  prin- 
ducens,  victus  prœlio  occubuit,  mense  cesse.']  Gabinius  découvrit  d'abord  les 
regni sexto.  Ex  Strabone,  lib.  12.  pag.  desseins  d'Archélaiis  et  le  mit  en  lieu 
385  '4).  Si  je  n'avais  eu  à  citer  que  de  sûreté.  Dèslors,  c'était  une  affaire 
Strabon  ,  je  n'aurais  pas  voulu  dire  ,  finie  ;  mais  ,  comme  il  craignit  de  ne 
comme  a  t'ait  le  père  Noris  ,  que  Béré-  trouver  pas  assez  de  difficultés  dans 
nice  l'attira  ,  en  lui  promettant  de  l'é-    le  rétablissement  de  Ptolomée  ,  pour 

avoir  lieu  d'exiger  toutes  les  sommes 

(1)  Strabo,  lib.  XV11 ,  pag.  547.  que   ce   prince  avait  promises  ,    il  fit 

(2)  Porphyr.  apud  Eusebmm,  in Chron.,  pag.  en  sorte  que  ce  rétablissement  fût  tra- 
60,  eda.  Scal.geii,  ann.  i658.  versé  de  quelques  obstacles.  Dans  cette 

Ci)  Baudelot  de  Doirval,  Histoire  de  Ptolemee  ^ 

Aulètes ,  pag.  i3i  ,  167  et  suiv.  (5)  Strabo  ,  lib.  XII ,  pag.  384-  Voyez  ausù 

(4)  Noris,  Cenotopb,  Pisan.,  pag,  22>.  Uv,  XVII ,  pag.  548. 


BÉÎIÉNTCE. 


345 


vue  ,  il  ne  trouva  point  de  meilleur 
expédient  que  de  laisser  mettre  Arché- 
laiis  à  la  tète  des  rebelles.  Archélaùs 
passait  pour  homme  de  main,  et  jouis- 
sait d'une  grande  réputation  :  le  chas- 
ser d'Alexandrie  parut  à  Gabinius  un 
grand  exploit ,  pour  lequel  on  pour- 
rait honnêtement  demander  à  Pto- 
lomée de  magnifiques  récompenses. 
Autre  source  de  profit  :  liabinius  ne 
donna  la  liberté  à  son  prisoumer , 
qu'après  l'avoir  bien  rançonné  (6j. 
Ainsi  il  en  prit  à  toutes  mains  :  il  tira 
de  l'argent  des  deuxpartis.  Belle  image 
des  supercheries  que  l'on  fait  aux  sou- 
verains. 11  y  a  telle  campagne  qui 
achèverait  une  guerre,  si  les  géne'raux, 
pour  leur  profit  particulier  ,  ne  four- 
nissaient adroitement  des  ressources  à 
l'ennemi.  Remarquons  bien  qu'il  fallut 
faire  courir  le  bruit  qu'Archélaùs  s'é- 
tait sauvé  (7).  Gabinius  ,  bien  payé  de 
la  permission  qu'il  lui  donna  de  s'en- 
fuir ,  se  mit  sans  doute  dans  une  feinte 
colère  contre  ceux  qui  le  gardaient. 
Nouvelle  scène  de  comédie.  Mais  je  re- 
marque que  Strabon  ne  savait  rien  de 
tout  ce  manège  de  Gabinius.  Ce  fut  à 
son  insu  ,  dit-il,  que  l'on  amena  Ar- 
cbélaiis  à  Bérénice.   AaSàv    Si    toc/tov 

KO/Jii^iTttl  (flATIVOÇ  (OU  TiVaiv)  SIC  THV  /ÎX- 

c-îkis-tclv  x.a.1  iva<fW*vc/Tst.i  fi&TiXiu;.  Ko 
(Gabinio)  nescienle ,  per  amicos  quos- 
dam  ad  reginam  deductus  rex  decla- 
ralusjuit  [8,.  C'est  ôter  un  grand  op- 
probre à  ce  général  romain.  Strabon 
décharge  beaucoup  Bérénice  ,  et  nous 
conduit  à  juger  qu'elle  ne  fut  point 
coupable  de  l'expulsion  de  son  père.  11 
dit  nettement  que  ce  prince  fut  chassé 
par  les  habitans  d'Alexandrie,  qui 
mirent  après  cela  sur  le  trône  l'aînée 
de  ses  trois  filles,  et  firent  venir  de  S)  rie 
un  certain  Cybiosacte,  qui  se  disait 
issu  des  rois  de  Syrie  ,  et  le  donnèrent 
pour  mari  à  la  reine.  Elle  le  fit  étran- 
gler dans  peu  de  jours ,  rebutée  des 
manières  basses  qu'elle  vit  en  lui.  On 
dit  qu'il  fit  mettre  le  corpsd'Alexandre 
dans  un  cercueil  de  verre,  afin  de 
s'approprier  celui  d'or  massif  d'où  il  le 
tira.  J'ai  lu  ce  fait  dans  un  moderne  , 
qui  cite  Strabon  et  Suétone  ,  deux  au- 
teurs qui  n'en  disent  mot  (g).  Le  der- 

(6)  Ex  Dione, Mb.  XXXIX,  pas.  i3i. 
(7,  Dio  ,  ,bul. 

(8)  Slrabo,  lib.  XVII  ,  pas.  548. 
i,i  L'abbé  de  Sainl-Kéal ,  dans  le  Ce'sarion, 
F.nlret.   II ,  pas.  78. 


nier  dit  en  général  que  ce  prince  avait 
été  d'une  avarice  sordide.  Alexandrini 
Cybiosacten  eum  (Vespasianum)  va- 
carc  perseierdrunt,  cognomint  unius  è 
regibus  suis  lui  pissimarum  sordiuni 
(10"  ;  et  voici  les  termes  de  Strabon  : 
ToôrTov//6V  oùv  oXtyav  H/Aipasv  a.7riÇftt,yax- 
Xio-«v  »  jÊcts-iXitr^a. ,  où  q'^WTO.  tû  fia.va.u- 
trov  clÙthZ  kcli  to  ÀvjXêiyâepov.  Hune  in~ 
Ira  pauens  dies  regina  slrangutavil, 
don  ejus  sardes  iltiberalitatemquc  pâli 
non  possel  hi). 

Vous  ra'allez  dire  que  cet  écrivain, 
dans  la  page  précédente,  avait  fait 
mention  d'un  Ptolomée  qui  ,  étant 
venu  de  Syrie  ,  avait  enlevé  le  sépul- 
cre d'or,  et  n'avait  tiré  aucun  profit 
de  cette  action ,  parce  qu'd  fut  ren- 
versé bientôt  ;  mais  qui  vous  a  dit  que 
cela  se  doit  entendre  du  mari  de  Béré- 
nice? Ne  voyez-vous  pas  que  Strabon 
donne  seulement  à  ce'ui-ci  le  titre  de 
Cybiosacte  ,  et  qu'il  donne  à  l'autre  le 
nom  de  Ptolomée,  et  le  surnom  de 
Coccus  ,  et  de  Pareisacte?  "EfuKiwt  d"' 
olÙtiiv  0  KÔkxhç  xa.1  riatfjiVaxToç  stixXM- 
6aç  nrohty.auj;  :  aureum  Plnlemœus 
cognomentn  Coccus  el  Sulditicius  ra- 
puit  (12).  Ne  savez-vons  pas  que  Dion 
nomme  Séleucus  celui  qui  fut  marié 
avec  Bérénice  (i3)?  Doit-on  croire 
(pie  si  Strabon  avait  prétendu  parler 
du  même  homme  dans  la  page  54^>  -  et 
dans  la  page  547  1  ''  se  serai!  exprimé 
comme  il  s'exprime  ?  On  ne  voit  dans 
son  narré  ,  ni  phrase  ,  ni  mot,  qui  in- 
sinue que  le  Syrien  qui  enleva  le  tom- 
beau d  or  est  le  même  Cybiosacte  que 
Bérénice  fit  mourir.  Lisez  néanmoins 
les  savantes  Réflexions  de  .M.  BaudelotJ 
qui  croit  avec  l'abbé  de  Saint-Réal , 
que  Cybiosacte  et  Ptolomée  Coccus 
sont  une  même  personne  d4)- 

(D)  Archelaûi  fut  tut  dans  un  com- 
bat ]  Ceci  ne  s'accorde  point  avec 
le  XVIIe.  livre  de  Strabon  ,  où  on  lit 
que  Ptolomée,  ayant  été  rétabli  dans 
son  royaume.  Ut  mourir  sa  fille  et 
son  beau-fils  Àrchélaiis.  K-j.-j :■'■; 

Ta.Civî'ili  Tlr'jX'.jU.*.:;  ,  TO»T«  A;  >=/*-,-. 
ctv&ifîi  x.z.1  T«v  huyctTicx.  l'tnlcm.rus  a 
Gabinio  reductus  Archelaum  affiliant 
interintit  (1 5).. Mais  j'aime  mieux  m'en 

(10)  Surtonins,  in  Vespas.  ,  cap.  XIX. 
(nj  Slrabo,  lib.  XVII  ,  pas.  548. 

(11)  Id. ,  ibid.,  pas.  546. 

(li)  Dio  ,  l.b.  XXXIX  ,  pas.  i3o. 
04)  l'auJelot  de  Dairval  ,  Hi.-l.  de  Ptoltn:.;* 
Anlèles,  pas.  170. 

05;  Slrabo,  l,b.  XVII,  pas.  54$. 


346  BÉRÉNICE. 

rapporter  au  XIIe.  iivre  de  Strabon  ,  BÉRÉNICE  ,  fille  de  Costoba- 
qu'au  XVIIe;  parce  que  Plutarque  con-  rus  etde  Salonié,  sœur  d'Hérode- 
urine  manifestement  ce  que  Strabon  a    ]e  Grjmd  ^  fut  mar;ée  en  pre_ 


raconte'  au  XIIe.  livre:  savoir,  qu'Ar 
cbélaûs  fut  tué  dans  un  combat.  Toùtov 
jxh  ouv  o  TstC/vioç  etveîxev  èv  Trxf.xtxçit , 

XXTXyOOV     TGV   TlTOXif/.XirjV .     Elilll    GiiOl- 

nius  Ptoltmœum  reducens  in  pugnâ 
occidil  (16).  Plutarque  débite  que  Marc 
Antoinefitplusieurs  actions  décourage 
dans  l'armée  de  Gabinius ,  quand  on  ré- 
tablit Ptolomée,  et  qu'il  fit  aussi  une  ac- 
tion d'bumani  té  qu'on  loua  beaucoup  : 


niières  noces  avec  Aristobule,  fils 
du  même  Hérode  et  deMariamne, 
et  vécut  en  assez  mauvaise  in- 
telligence avec  lui  :  car  à  cause 
qu'il  avait  un  frère  marié  à  la 
fille  d'Àrchélaùs,  roi  de  Cappa- 
doce  ,  il  reprochait  souvent  à 
Bérénice  qu'il  s'était  mésallié  en 


c'est  qu'il  fit  cliei  cher  le  corps  d'Arche-  "  ...    ,t.    . 

laus  so..  ami ,  et  qu'il  lui  fit  faire  des  1  épousant ,  et  qu  il  s  était  rendu 

funérailles  magnifiques.  N'est-ce  pas  très-inférieur  à  son  frère.  Bere- 

une  preuve  qu'Archélaùs  avait  été  tué  n;ce  a\\a[i  rapporter  en  pleurant 

en  combattant  ?  Ityo^syàp  «faf*vf-  tQUS  ces  discours  et plusieurs  au- 


»'9»s 


très  a  sa  mère ,  et  1  irritait  lu- 


£»vti  j   to  Sï    a-my.x    ttîctovtoç   tÇiuposv , 

xxi  iwwytowws  {ixTWixSùc.  ixi&i-jri.  JYam    rieusement  :  de  sorte  que  Salome, 
quant  jamiliaritas  ei  cum  Mo  et  jus    qUi  aVait  beaucoup  de  pouvoir  sur 


hospitii  intercessisset ,  bellum  cum  vi-    y         t  a'Hérode",  luf  rendit  sus- 
fecti  requisilum  regio  cultu  funeravit    pect  Aristobule ,  et  tut  la    prin- 


venle  gessit  necessario  ,  corpus  inler 

fecti  requisilum  regio  cultu  funeravi. 

(17).  Dion  raconte  la  chose  avec  un  tel    cipale  cause  qui  poussa  ce   cruel 

ordre  ,  qu'il  fait  clairement  entendre    pgre  a  se  défaire  de  lui  (a).  Béré- 

qu'Archélaiis  fut  tué  dans  le  combat    „,„„      ™k-Q  Ac,  n'ir.n  onfan«  (h\  . 

qui  décida  la  querelle  du  père  et  de  la 


fille  ,  et  qu'après  cette  victoire  de  Ga- 
binius  ,  les  Egyptiens  furent  obligés 
d'ouvrir  les  portes  d'Alexandrie  à  Pto- 
lomée ,  qui  fit  mourir  Bérénice ,  et 
plusieurs  autres  personnes. 

(E)     Un    moderne s'est  trompé 

dans  les  circonstances  de  la  détention 
d'Archélaùs.  ]  Le  moderne  dont  je 
parle  est  l'abbé  de  Saint-Réal.  Voyez 
le  IIe.  eutretien  du  Césaiion  qu'il  pu- 
blia Tan  i685.  La  méprise  que  je  veux 
marquer  consiste  en  ce  qu'il  suppose 
qu'Archélaiis  partit  en  secret  d'auprès 
de  Gabinius ,  pour  aller  épouser  la 
reine  d'Egypte  (18)  \  et  qu'ayant  été 
fait  prisonnier  dans  une  bataille,  après 
que  les  Romains  se  furent  rendus  les 
maîtres  de  Pelusium ,  Gabinius  lui 
donna  les  facilités  nécessaires  pour  s'é- 
chapper ,  moyennant  grosse  rançon 
(19).  Dion,  que  Ton  cite,  remarque 
très-expressément  que  Gabinius  laissa 
évader  Archélaùs  ,  avant  que  l'armée 
eût  pris  la  route  de  Pelusium  ,  et  qu'il 
y  eût  eu  aucun  combat  (20). 

(16)  Strabo,  lib.  XII ,  pag.  384. 

(in)  PluUrch.  ,  in  M..  Antonio,  pag.  917. 

(18)  Saint-Réal,  Césarioo  ,  pag.  80,   édition 
de  Hollande  en  iti85. 

(19)  Là  même,  pag-  82. 
(2o)Dio,  lib.  XXXIX,  pag.  i3l. 


nice ,  mère  de  cinq  enfans  [b) , 
ne  laissa  pas  de  convoler  en  se- 
condes noces  :  elle  se  remaria 
avec  un  frère  de  la  mère  d'An- 
tipater  ,  lequel  Antipater  était 
fils  d'Hérode.  Ayant  perdu  ce 
second  mari ,  elle  fit  un  voyage 
à  Rome  ,  et  s'y  fit  considérer  par 
Auguste  :  mais  surtout  elle  s'in- 
sinua dans  les  bonnes  grâces 
d'Antonia. femme  de  Drusus(B); 
ce  qui  dans  la  suite  servit  beau- 
coup à  son  fils  Agrippa.  Au  pre- 
mier voyage  que  celui-ci  fit  à 
Rome ,  sa  mère  Bérénice  vivait 
encore  (C)  ;  mais  au  second  ,  elle 
était  morte. 

(a)  Joseph  ,  de  Bell,  jud.,  lib.  I,  cap.  XVII. 

{b)  Trois  fis  et  deux  filles  ■  les  fils  furent 
Agrippa  T" .du  nom.  roi  de  Judée  Hérode, 
roi  de  Chalcide  ;  et  Aristobule  •  les  filles  fu- 
rent Hérodias  et  Mariamne.  Jos.  ,  de  Bell. 
,ud.,  lib.  1.  cap.  XVIII. 

(A)  Elle  était  fille  de  Costobarus  et 
de  Salomé  sœur  d'Hérode-le-Grand.  ] 
Josephe  le  dit  expressément  :  c'est  donc 


par  un  défaut  de  mémoire ,  que  Mon- 
taigu  doute  que  Ton  ait  jamais  déter- 
mine si  Bérénice  était  tille  de  Costo- 
barus  ,  ou  de  Joseph.  Quant  (Bereni- 
cen  filiam  Salomes)  vcl  è  Costoltaro 
vel  Josepho  ,  nam  non  memini  pro 
certn  tradilum ,  genuerat(i).  Le  jésuite 
Cornélius  à  Lapide  a  cru  faussement 
qu'Hérode  était  le  père  de  notre  Béré- 
nice (2). 

(B)  Elle  s'insinua  dans  les  bonnes 
grâces  d'Antonia.]  Il  y  a  un  passage 
dans  Strabon  qui  mérite  d'être  rap- 
porte. Y*.a.iva,p  y.d.i  touç  i/iot/ç  tripot  rt  rou 
H;a>tfoi/  ntti  rnv  it<TêX«j)»v  SAXay/Hv  ,  xcti 
rnv  Tait/Tue  ôuya.rtpa.  Bêfêv»'xnv  :  c'est-à- 
dire  ,  l'empereur  honora  lesjils  d'Hé- 
rode  ,  et  sa  sœur  Salomé ,  et  Bérénice , 
fille  de  Salomé  (3).  Apparemment  ces 
deux  femmes  allèrent  ensemble  à 
Rome  ,  lorsqu'il  fut  question  de  dis- 
puter à  Archélaiis,  fils  d'Hérode ,  le 
royaume  de  Judée;  car  ou  sait  que 
Salomé  3'    alla   alors  avec  sa  famille 

(4)- 

(C)  Au  premier  voyage  de  sonjîls 
Agrippa  a  Rome ,  elle  vivait  encore.^ 
Car  nous  lisons  dans  Joscphc ,  qu'A- 
grippa vivait  familièrement  avec 
Drusus,  fils  de  Tibère,  et  qu'il  ac- 
quit l'amitié  d'Antonia ,  femme  de 
Drusus ,  frère  de  Tibère  .  à  cause  de 
l'estime  qu'Antonia  avait  pour  Béré- 
nice ,  mère  d' A  grippa  (5).  Cet  histo- 
rien ajoute  qu'Agrippa  ,  pour  ne  point 
fâcher  sa  mère,  contraignait  son  na- 
turel, qui  le  portait  à  faire  beaucoup 
de  dépenses;  mais  que  ,  quand  elle  fut 
morte,  il  fut  si  prodigue,  qu'il  s'é- 
puisa. N'ayant  plus  d'argent ,  ni  de 
crédit,  il  s*en  retourna  en  Judée ,  d'où 
après  plusieurs  aventures  il  revint  à 
Rome,  et  fut  saluer  Tibère  dans  l'île 
de  Caprée.  Il  en  fut  d'abord  bien  reçu; 
mais  il  eut  ensuite  bon  besoin  de  la 
protection  d'Antonia.  Je  ne  sais  où 
Noldius  avait  lu  que  Bérénice  était 
morte  chez  Antonia  (6). 

(1)  Montacm. ,  m  Apparat.  V  ,  num.  '^.pag. 
191  ,  apud  Noldium  de  VitS  et  Gcstis  Herodum, 
pag.   297. 

(2;  C.  à  Lapide,  in  act.  XXV,  il.  apud 
rv'oldium  ,   ibid.  ,  pag.  296. 

(\)  Strabo,  lib.   XVI  ,    pag.   5i6. 

(4)  Joseph.,  Antiquit.  ,  lib.  XVII,  cap.  XI. 

(5;   Idem,  ,bul.,   hb.     XVIII ,   cap.  VIII. 

(6)  Noldins.de  Vitî  el  Gcstis  Herodum,  pmg. 
"97 

BÉRÉNICE  ,  petite-fille  de  la 


BÉRÉNICE  3,f7 

précédente  ,  et  filled'Agrippa  Ier. 
du  nom  ,  roi  de  Judée,  a  bien  fait 
parler  de  ses  amours.  Elle  fut 
fiancée  à  un  certain  Marc,  fils 
d'Alexandre  Lysimachus  ,  Ala- 
barche;  mais  il  mourut  avant  les 
noces.  Peu  après  elle  épousa  son 
oncle  Hérode  ,  qui  ,  à  la  prière 
d'Agrippa  son  frère  et  son  beau- 
pève  tout  ensemble  ,  fut  créé  roi 
de  Chalcide  par  l'empereur  Clau- 
de (a).  Elle  n'avait  que  seize  ans 
lorsque  son  père  mourut  {b). 
Elle  perdit  son  mari  la  huitième 
année  de  lVmpereur  Claude  (c) , 
et  se  comporta  fort  mal  durant 
sa  viduité;  car  l'opinion  com- 
mune fut  qu'elle  commettait  in- 
ceste avec  Agrippa ,  son  frère. 
Pour  faire  cesser  ces  bruits  ,  elle 
chercha  à  s 3  marier,  et  s'offrit  à 
Poléinon  ,  roi  de  Cilicie  ,  pourvu 
qu'il  voulût  changer  de  religion 
(d).  On  croira  facilement  qu'elle 
exigea  cette  condition ,  plutôt 
par  vanité,  ou  par  politique, 
que  par  zèle  ;  mais  ce  n'est  pas 
une  chose  rare  qu'une  convertis- 
seuse  zélée  et  galante.  Polémon, 
ayant  plu^  d'égard  aux  riches- 
ses qu'à  la  mauvaise  réputation  de 
la  dame  qui  le  recherchait ,  accep- 
ta ses  offres,  se  fit  circoncire  ,  et 
l'épousa;  et  s'il  ne  passa  point 
toute  sa  vie  dans  les  liens  de  ce 
mariage,  ce  ne  fut  point  sa  fau- 
te :  ce  fut  celle  de  Bérénice; 
puisque  cette  femme  déréglée  le 
planta  là,  et  s'en  retourna  ou  il 
lui  plut  (A:.  Tout  aussitôt  il 
abandonna  le  judaïsme  ,  pour 
reprendre  sa  première  religion 
(e)    La  mauvaise  vie  de  Béréui'  - 

(a   Joseph.,  Aotiq.,  lib.  XIX,  cap.  IV, 
Ibidem,  cap  J' 11. 

•    tbid  .  lib.  XX,  cap.  III. 
[d]  Ibid.,  cap.  V. 

e  Ibidem. 


348 


BÉRÉNICE. 


ne  l'empêchait  point  de  prati-   d'empereur.  Le  théâtre  français 


quer  les  observances  des  Juifs. 
Elle  avait  fait  un  vœu  ;  et  pour 
l'accomplir ,  elle  se  transporta  à 
Jérusalem ,  et  se  soumit  à  la 
coutume,  qui  portait  qu'avant 
que  d'offrir    ses   sacrifices  ,    on 


au  XVIIe.  siècle  a  retenti  des 
amours  de  Titus  et  de  Bérénice 
(D).  Elle  avait  une  sœur  trop 
belle  pour  qu'elles  s'aimassent 
(E).  L'Ecriture  a  fait  mention  de 
Bérénice  (F).  On  a  fait  de  lour- 


passât  trente  jours   en  prières  et   des  fautes  concernant  cette  prin- 
en  oraisons   sans  boire  du  vin,    cesse   (G).   Je  n'ai   pu  parler  de 


et  qu'on  se  fit  raser  la  tête. 
Pendant  qu'elle  observait  ces 
cérémonies  ,  elle  reçut  mille 
affronts  des  soldats  romains  ,  et 
fut  en  danger  de  sa  vie.  Elle 
eut  beau  s'en  aller  nu -pieds 
intercéder  pour  le  peuple  auprès 
du  gouverneur  Florus  :  elle 
n'obtint  rien;  non  pas  même  les 
civilités  que  sa  qualité  et  son  sexe 
rendaient  indispensables  (  f  ). 
Elle  était  toujours  fort  bien  avec 
Agrippa  son  frère ,  elle  le  secon- 
da dans  le  dessein  de  prévenir 
la  désolation  des  Juifs ,  en  les 
exhortantà  se  soumettre  aux  Ro- 
mains.   Toutes  ces    exhortations 


toutes  les  reines  qui  ont  porte  ce 
nom-là.  J'indique  quelques  fau- 
tes de  M.  Moréri  (H) ,  de  M. 
Hofman  ,  de  Charles  Etienne  ; 
etc.  (I). 

(A)  Elle  planta  Va  Polémon,  son 
mari  ,  et  s'en  retourna  où  il  lui  plut.] 
Je  Tais  copier  un  passage  qui  est  plein 
de  fautes.  Oeste  Bérénice,  de  laquelle 
nostre  Xiphiliny<7ic£  mention  ,  fut  fille 
d' ' Archélaùs  ,  et  femme  d'Herodes , 
après  la  mort  duquel  elle  se  maria  a. 
Polémon,  roy  de  Lycie,  lequel  elle 
quitta  propter  nimietatem  coifûs,  ut 
quidam  dixerunt,  dictJosephe,  lif.  20, 
chap.  2.  Voilà  ce  que  j'ai  trouve'  dans 
les  Annotations  du  sieur  de  Canque 
sur  l'Histoire  de  Dion  Cassius  abrégée 
par  Xiphilin  (i).  Observons   d'abord 


accompagnées  de  larmes  furent    rju'ijs'a8it  l*  de  Bérénice ,  maîtresse 
.,  y  p        ,  „  ,    ,      de   litus,  et  après  cela  comptons  les 

inutiles  {g)  :  de  sorte  que  Bere-   fautes.  ,o.  Elle  n'dtait  point  fi|le  d'Ar- 

nice ,  ou  pour  n'être  pas  enve- 
loppée dans  la  ruine  de  la  nation, 
ou  pour  exercer  son  savoir-faire  , 
alla  trouver  Vespasien  et  Titus, 
et  les  gagna  si  heureusement, 
l'un  par  ses  libéralités  ,  et  l'autre 
par  sa  beauté  (B) ,  qu'elle  se  mit 
en  passe  de  devenir  impératrice 
romaine.  Elle  mit  Titus  dans  ses 
filets  ,    et  vit    l'heure  que  ,   de 


chélaiis.  2°.  Pole'mon  n'e'tait  point  roi 
de  Lycie.  3°.  La  raison  pourquoi  elle 
le  quitta  ne  fut  point  qu'il  lui  rendît 
trop  souvent  ce  que  l'on  nomme  devoir 
conjugal.  Ce  fut  plutôt  une  raison 
toute  contraire.  Car  voici  comment 
s'exprime  l'historien  juif  cité  par  l'au- 
teur des  Annotations  :  où  juiiv  î7Ci  7ro\v 
0-uv'iy.iivtv  hya.f/.oç,  àxxa.  BêfviK»  <fi  a.x.o- 
\cL?ia,v  ,  à>S  iqa.?a.v  ,  KXTetKitTrtt  Tov  Ilo- 
hipaivu..  Itl  lumen  conjugium  diutur- 
num  non  fuit ,  propter  inlemperantiam, 


galant  favorisé  sans  nulle  excep-  f  Ar?ur'   discedenteab  eo  Bérénice 

o.          -î    j      -      j      •                     •   X  (2).  Si  cet  auteur  avait  consulte  la  ver- 

tion,il  deviendrait  son  mari  (C);  sion  de  Génebrard ,  il   ne  serait  pas 

mais    les    murmures    du   peuple  tombé  dans  la  bévue  qu'il  a  faite  :  il  y 

romain   frustrèrent    cette  espé-  aurait   lu  »  ce  mariage  ne  dura  pas 

■1   '      1    •                        1     .-.  fort  lons-temps  :  et  on  dit  que  ce  fut 

rauce  :  il  ne  lui  resta  que  le  titre  J        ,"°                „  a*  «^,J„,v^    7»,; 

,                                 i  pour  l  intempérance  de  tSeï emce ,    qui 

de   maîtresse   ou   de  concubine  „:,          ,  ,  „    .  ,       ,    .     - 

(1)  Elles  sont  a  la  fin  de  la  traduction  fran- 

,  „    T         .        .     p  ,1        i       7  /     rr  Saise  de  Xiphilin.  ,y«i«e  par  Anlhoine  de"  Ban- 

(f)   Joseph.,  de  Bell.  ]ud. ,  lib.  II,  cap.  ioie,  H  imprimée  a  Paris ,  l'an  1610,  in-/,0. 

X-XVI.  (2j  Joseph.  Antiquit.  Judaïc. ,  lib.  XX  ,  cap. 

;^)  Ibid,,  cap.  XXVIII ,  XXIX  V ,  (  et  non  pas  cap,  II  ,  )  pag.  693. 


BÉRÉNICE. 


349 


le  laissa-  Je  veux  que  les  paroles  de  Quelque  chicaneur  me  viendra  dire 

l'auteur    juif    considérées    en    elles-  quela  pensée  du  sieur  de  Canque  est  que 

mêmes  puissent  avoir  je  ne  sais  quelle  Bérénice  quitta  Polémon  ,  parce  qu'elle 

ambiguïté  ,  qui  fasse  douter  s'il  agit  là  avait  besoin  de   trop  de  caresses,  et 

du  dérèglement  de  l'époux,  ou  de  ce-  qu'il  ne  pouvait  fournir  à  l'appointe- 

lui  de   l'épouse  :    n'y  avait-il  pas  un  ment;  mais   je  soutiens  que    les  pa- 

bon    moyen   d'ôter   l'équivoque?   Ne  rôles  ne  sont  pas  rangées  d'une  manière 

suilîsait-il  pas  de  prendre  garde  aux  à  être  ainsi  entendues.  Quelle  qu'ait 

mauvaises  mœurs  de  Bérénice?  Tous  été  son  intention  ,  elles  signifient  clai- 

ceux  qui  savent  de  quelle  manière  elle  rement  ce  que  je  suppose  ;  et  par  con- 

vécut    lui   donneront    volontiers    un  séquent    elles    représentent    Bérénice 

tempérament  à  ne  se  pas  dégoûter  d'un  d'une  humeur    tout-à-fait  extraordi- 

homme  par  la  raison  qu'il  aurait  été  naire.     Voyez   ce    qui   sera    cité    des 

infatigable  dans  les  exercices  de  l'a*  Lettres    du  comte  de    Bussi  habutin 

mour.  Toutes  les  personnes  du  monde,  dans  la  remarque  (D)  de  l'article  Glei- 

Bérénice  comme  les  autres  ,  admettent  chen. 

cette  maxime  généralement  parlant,  (B)   Elle  gagna  Vespasien  par  ses 

De  rien  trop  (3J  ;  mais  les  variétés  sont  libéralités,    et  Titus  par  sa   beauté.] 

infinies,    quand    il    est    question    de  Tacite  nous  apprend  que  cette  dame 

mettre  des  bornes  entre  le  trop  et  la  s'intrigua  pour  mettre  la  couronne  sur 

suffisance.  Si  le  tempérament  de  Béré-  la  tête  de  Vespasien.  Je  ne  m'en  étonne 

nice  ne  dispute  point  contre  la  thèse  pas;  elle  avait  plus  à  espérer  de  lui, 

générale ,  il  se  soulève  contre  l'appli-  que  de  ses  compétiteurs  ,    s'il  parve- 

cation  ,  il  ne  croit  pas  être  dans  le  cas,  nait  à  l'empire.  Mox  peroccultos  suo- 

il  appelle  médiocrité  ce  que  d'autres  rum  nuntios  excitus  ab  urbe  Agrippa, 

nommeraient  excès.  Il  n'est  pas  tel ,  j'y  ignaro  adhuc  Vitellio ,  céleri  naviga- 

consens  ,  qu'il  remplisse  au  pied  de  la  tione  properauerat.  JVec  minore  animo 

lettre  la  sentence  du  XXXe.  chapitre  regina  Bérénice  partes  juuabatjlorens 

des  Proverbes  de  Salomon  :  Tria  sunt  œtate  formdque ,  et  seni  quoque  Ves- 

insaturabilia,   et  quartum  quod  nun-  pasiano  magnijïcentid  munerum  grata 

quant  dicit ,  sujjicit.   Infernus ,  et  os  (5).    Le   même   Tacite  nous  apprend 

vulvœ,  et  terra  quœ  non  saliatur  aqud,  qu'elle  était  aimée  de  Titus  ,  et  qu'on 

ignis  vero  nunquam  dicit,  sufficit ;  et  crut  qu'elle  fut  cause  qu'il  n'acheva 

qu'il  rende  fausse  celle  de  Pindare  :  point  son  voyage,  mais  retourna  en 

;  Judée ,   ayant    appris    à   Corinthe    la 

.    ....    A.«r««/«c  mort  de   Galba.    Fuére  qui  accensum 

E»  it*vti  yxvxu*  *n».  Ko/jov  <T  «i ,  desiderio  Bérénices  reginœ  sertisse  iter 

lU.yu.wx.uTiT.^,  *v8s   A^odW.  crederenu  Neque  abh°orrebat  àBere- 

Yn  omnt  duUis ' ^"adeUtUvunte  halet ,       «f  A-*""'--*   ""imus  '   ««*   gerendts 
Et  met  et  jucundtjlores  venerei  (4).  r^us  nullum  ex  eo  tmpedimentum  (6). 

En  deux  mots,  cet  historien  réfute  la 
Mais,  au  moins,  fait-il  mentir  cette  médisance  :  il  convient  que  cette  reine 
maxime,  de  peu  de  biens  nature  se  ava;t  touché  le  cœur  de  Titus;  mais 
contente.  En  un  mot ,  l'auteur  que  je  il  déclare  que  ce  n'était  qu'une  amou- 
réfute  devait  plutôt  mettre  le  péché  de  rette  d'amusement ,  qui  ne  le  détour- 
Polémondansledéfautquedansl'excès,  nait  point  des  affaires, 
et  comparer  ce  monarque  avec  le  pie-  (C)  File  i>il  l'heure  que.  .  .  .  Tilus 
mier  mari  de  Jeanne  reine  de  Naples.  deviendrait  son  mari.  ]  Agrippa  et  Be- 
ll est  vrai  que  Polemon  en  fut  quitte  r^nice  sa  sœur  firent  un  voyage  à  Ro- 
à  meilleur  marché  :  il  n'y  perdit  point  me  pendant  le  quatrième  consulat  de 
la  vie,  comme  l'autre  l'y  perdit.  Vespasien.  On  leur  fit  de  grands  hon- 

neurs :  elle  logea  au  palais,  ne  fit 
qu  un  lit  avec  Titus,  et  commença  à 
disposer  de  toutes  choses ,  comme 
une  femme  légitime  ;  mais  Titus  , 
ayant  appris  que  le  peuple  eu  était 
scandalisé,  la  renvoya    C'est  ce  qu<? 

(5)  Taeit..  Hl-lor  ,  l  h.   ff  .  cap.  LXXXI. 

[6)  Ibi<lem.  cap.  II 


(3)  Iil  arbilror  adprimè  m  vild  esse  utile,  ut 
ne  quid  nirnit.  Terentius  ,  in  Andri'i  ,  acl.  I,  se. 
I.  forez  dans  Érasme  ,  chil.  I  ,  cent.  VI, 
nuin.  nt>  ,  pas.  226  ,  plusieurs  sentences  sem- 
blables. 

(4)  Pindar.  Nemeor.  ,  Ode  VII,  pag.  fiSo. 
Vorez  une  semblable  sentence  <i'Homère  dans 
In  remarque  (E)  de  l'article  Xtaomsss, 
ayant  V  alinéa. 


BÉRÉNICE. 


:i 


Xiphilin  raconte  (7)  ;  et  il  remarque 
ne  Bérénice  était  alors  dans  sa  fleur, 
ans  son  grand  éclat  :  Bêpovi'x»  <f«  '""X"- 
pàiç  <rt  »v6êi.  Beronice  maxime  Jlorebat 
(S).  Elle  avait  néanmoins  quarante- 
quatre  bonnes  années  ;  car  le  quatriè- 
me consulat  de  Vespasien  tombe  sur 
l'un  'ji  de  Jésus-Christ  (g)  ;  et  elle 
avait  seize  ans,  lorsque  son  père  mou- 
rut (10),  c'est  à-dire  la  3e.  année  de 
l'empereur  Claude  (1 1) ,  qui  était  la 
44e-  de  Jésus-Christ.  Le  calcul  est  aisé 
;'i  faire.  D'ailleurs  ,  elle  était  entrée  de 
fort  bonne  heure  dans  la  carrière  ,  et 
avait  jouté  courageusement  sans  re- 
lâche. Elle  avait  un  mari,  et  peut-être 
çles  enfans,  la  «eizième  année  de  sa 
vie;  elle  avait  eu  un  second  mari  ;  elle 
avait  eu  des  galans  ;  et  néanmoins, 
la  voilà  dans  son  grand  éclat  à  l'à^ge 
de  quarante-quatre  ans.  C'était  de 
quoi  être  exposée  à  l'en  vie.  Suétone 
observe  que  la  séparation  se  fit  à  re- 
gret de  part  et  d'autre.  Nec  minus  li- 
bido (suspecta  erat  in  Tito)  pi  opter 
exolelorum  et  spadonum  grèges,  prop- 
terque  insignem  reginœ  Beronices  a- 
morem  ,  cui  etinm   nuplias  pollicitus 

ferebatur Beronicem  stalim  ab 

urbe  dimisil  iiwilus  invitam  (12).  Ti- 
tus se  fit  une  grande  violence ,  en 
renvoyant  Bérénice  ,  pour  calmer  les 
plaintes  des  médisans.  Bérénice  fut 
fort  fâchée  qu'on  la  renvoyât  :  elle 
eût  mieux  aimé  sans  doute  une  conti- 
nuation de  médisance  ;  et  s'il  est  vrai 
que  Titus  lui  eût  promis  mariage, 
comme  le  bruit  en  courait,  il  faut 
croire  qu'elle  pesta  contre  la  mauvaise 
foi  des  hommes.  Il  est  probable  que  , 
pour  adoucir  l'amertume  de  ce  ren- 
voi ,  Titus  lui  dit  que  c'était  un  sacri- 
fice qu'il  fallait  faire  aux  murmures 
de  toute  la  ville  ;  mais  qu'après  avoir 
cédé  à  ce  torrent ,  qui  ne  ferait  que 
passer,  on  se  reverrait.  Ce  qu'il  y  a 
de  certain  ,  c'est  que  Bérénice  se  con- 
duisit tout  comme  si  on  l'eût  congé- 
diée de  cette  façon.  Elle  revint  trou- 
ver Titus  quelque  temps  après ,  et  n'y 
gagna  rien  :  il  ne  voulut  plus  ouïr 
parler  d'elle.  Je  crois  que  Xiphilin  est 
le  seul  qui  ait  observé  ces  deux  ren- 

(■;)  In  Vespasiano. 

(8)  Xiphil.  ,  in  Vespas. ,  pag.  222. 

(g)  Voyez  Calvisiiis. 

(10)  Joseph.  ,  Antiq. ,  lib.  XIX,  cap-   VII. 

(11J  Ibid. 

(12)  Sueton.  ,  in  Tiio  ,  cri;}.  VIT. 


vois  de  Bérénice,  l'un  sous  l'empire 
de  Vespasien  ,  l'autre  sous  celui  de  Ti- 
tus. 'O  Je  £>)  Ti'toç  oùJiv  quti  ^jovikgv  qu- 

Xpil^OÇ  XAI7Ttp  Ï7n{ZtjLlKtl>QtlÇ  ,  KO.I  îrcé<()cû)V 
Xa.ÎT0(    KCtl  T«ç    BêpOVJKMÇ   êÇ    Pfty/MV     ClùQlÇ 

sxôciî-itç  ,  îyîvno.  Titus  ex  i/uo  lempore 
principatum  solus  obttnuit,  nec  cœdes 
Jecit  nec  amoribus  inseivivit ,  sed  co- 
mis  ,  (/uamt'is  insidiis  peteretur  ,  et 
continens  ,  Beronice  licet  in  urbem 
reversa  ,  fuit  (i3).  Il  est  assez  appa- 
rent que  Xiphilin  ne  se  trompe  pas, 
encore  qu'Aurélius  Victor  et  les  au- 
tres ne  parlent  que  d'un  seul  renvoi. 
Ut  subiit  pondus  regium  Berenïcen 
nuptias  suas  sperantem  regredi  do- 
mina. .• .  prœcepit  (i4)-  Ces  paroles 
d'Aurélius  Victor,  comparées  avec  ce 
qu'il  avait  dit  peu  auparavant,  le  con- 
vainquent d'une  extrême  négligence. 
H  dit  ici  que  Bérénice  espérait  d'é- 
pouser Titus  ;  et  il  venait  de  dire 
qu'elle  était  sa  femme.  Cœcinam  con- 
sulareiu  udliibitum  cœnœ  vix  dum  tri- 
clinio  egressum  ob  suspicioneni  stu- 
pralœ  Bérénices  cxoris  sUiE  jugulari 
jussit.  Recueillons  de  là ,  que  Béré- 
nice prêtait  l'oreille  à  d'autres  fleu- 
rettes qu'à  celles  de  l'empereur.  Cela 
est  assez  ordinaire  aux  maîtresses  des 
grands  princes.  Je  ne  puis  passer  sous 
silence  une  erreur  de  Noldius.  Il  dit , 
dans  la  page  400> ,  que  Dion  ou  Xiphi- 
lin se  sont  trompés  ,  quand  ils  ont 
mis  le  divorce  de  Bérénice  sous  Ves- 
pasien ,  puisqu'Aurélius  Victor  assure 
que  Titus  ne  la  renvoya  qu'après 
avoir  pris  possession  de  la  couronne  : 
ut  subiit  pondus  regiian  (i5).  Voilà 
ce  que  dit  Noldius  dans  la  page  4°8  j 
mais  dans  la  page  4°9>  il  assure  que 
Bérénice  revint  à  Rome ,  pour  faire 
un  nouvel  effort  sur  le  cœur  de  Titus, 
et  que  son  dessein  ne  réussit  pas.  Il 
cite  pour  cela  les  paroles  «le  Xiphilin. 
Quoi!  après  avoir  dit  qu'un  homme 
se  trompe ,  faut-il  affirmer  ce  qu'il 
avance,  faut-il  le  prouver  par  son  té- 
moignage ? 

(D)  Le  théâtre  français  au  XVIIe. 
siècle  a  retenti  des  amours  de  Titus  et 
de  Bérénice-  ]  On  joua  en  même  temps 
deux  pièces  intitulées  Bérénice.  L'une 
était  de  M.  Corneille ,  et  l'autre  de 
.VI.  Racine.   Chacune  avait  ses  parti- 

(i3)  Xipuilin. ,  in  Tito,  sub  inil. 

(i4)  Aurcl.  Victor,  in  Epilom. 

(i5)  Noldius,  de  Viiî  et  Gestis  Heiodum. 


critique  de  toutes  les  deux. 
rais   point  qu'il  est  l'auteur 


Je  ne  sau 
nus    point  qu'il  est  rameur  de  cette 
critique,   si  je  n'avais  lu  ces  paroles 
dans  les  Sentiraens  de  Cle'anthe  (16)  : 
En  eussiez-vous  douté ,  si  le  critique 


BÉRÉNICE.  35r 

l'abbé  de  Villars  publia   une    »  nice  ,  si  j'avais  été' à  sa  place,  j'au- 

»  rais  fait  ce  qu'elle  fit ,  c'est-à-dire  , 
»  que  je  serais  parti  de  Rome  la  rage 
»  dans  le  cœur  contre  Titus,  mais 
»  sans  qu'Antiochus  en  valût  mieux 
»  (19).  »  Voici  ce  qu'on  lui  répliqua. 
des  deux  Bérénices  vous  fût  venu  Votre  cœur  n'est  pas  aussi  indifférent 
dans  la  pensée?  .  .  .  Par  quelle  raison  que  je  le  croyais ,  puisqu'il  vous  sou- 
aurions-nous  échappé  au  censeur  de  vient  encore  que  vous  auriez  pu  donner 
deux  excellens  poètes,  dont  l'un  n'a  le  reste  à  Bérénice  en  fait  de  tendresse  • 
pas  daigné  lui  répondre,  et  l'autre  et  il  faut  l'avoir  poussée  bien  loin' 
n  a  dit  qu'en  deur  mots  pourquoi  il  ne  pour  trouver  qu'on  en  aurait  plus 
lui  répondait  pas  (17)  ?  quelle.  Je  vous  en  loue  et  révère.  Une 

Voici  des  extraits  qui  me  paraissent  faut  pas  aimer  a  demi,  quand  on  s'en 
fort  dignes  de   la  place  que   je   leur    mêle    (ao).    On   apprendra    dans    ces 
donne.  Je  suis  très  fichée  ,  c'est  une    trois  passages  le   jugement  qui  a   été 
dame  qui  écrit  cela  au  comte  de  Ka-    fait  de  la  Bérénice  de  M.   Racine ,  et 
butin  ,  de  ne  pouvoir  vous  envoyer  au-    combien  les  dames  sont  portées  natu- 
jourdhui  la  Bérénice  de   Racine  ■  je    Tellement  à  donner  leur  approbation 
l'attends   de  Paris.   Je   suis   assurée    aux  coeurs  qui  poussent  loin  la  len- 
qu'elle  vous  plaira;  mais  il  faut  pour    dresse.  Je  ne  trouve  point  que  la  criti- 
cela  que  vous  soyez  en  goût  de   ten-    que  du  comte  de  Rabutin  soit  juste  : 
dresse  :  je  dis  de  la  plus  fine  ;   car  ja-    car  il  eût  voulu  que  le  poète  eût  fal- 
mais  femme  n'a  poussé  si  loin  l'amour    sifié    un   événement  qui    devait    être 
et    la  délicatesse  qu'a  fait    celle-là.    conservé  sur  le  théâtre.  Le  renvoi  de 
Mon  Dieu!  la  jolie  maîtresse  !  et  que    Bérénice  est  si  connu   par  l'histoire  , 
c'est  grand  dommage  qu'un  seul  per-    que  ceux  qui  ne  l'eussent  pas  trouvé 
sonnage  ne  puisse  pas  faire  une  bonne    dans  la  tragédie,  eussent  crié  juste- 
pièce!  La   tragédie  de  Racine  serait    ment  contre  fauteur.  M.  Racine  pres- 
parf'aite  (18).  Le  comte  lui  répondit  :     sentit  cela  sans   doute  ;  et  ce  fut  ap- 
«  Je  viens  de  lire  Bérénice.  Vous  m'a-    paremment  la  raison   pourquoi  il  1  e- 
»  viezpréparé  à  tant  de  tendresse,  que    présenta  la  tendresse  de  l'amant  infé- 
»  je  n'en  ai  pas  tant  trouvé.  Du  temps    rieureà  la  tendresse  de  l'amante.  Cette 
»  que  je  me  mêlais  d'en  avoir ,  il  me    économie   pouvait   déplaire   au  beau 
»  souvient  que  j'eusse  donné  là-dessus    sexe;  mais  enfin  on  trouva  que  cet  in- 
»  le  reste  à  Bérénice.  Cependant  il  me    convénient  n'égalait  point  l'autre. 
»  paraît  que  Titus  ne  l'aime  pas  tant        (E)  Elle  avait  une  sœur  trop  belle 
»  qu'il  dit,    puisqu'il  ne  fait  aucuns    pour  qu'elles  s'aimassent.  ]  Josephe  re- 
»  efforts  en  sa  faveur  à  l'égard  du  se-    marque  que  Drusille,  sœur  de  Béré- 
»   nat  et  du  peuple  romain.  11  se  laisse     nice,  écouta  les  propositions  de  Félix, 
»  aller  d'abord  aux  remontrances  de    gouverneur  de  Judée  ,  pour  se  mettre 
»  Paulin  qui,  le  voyant  ébranlé,  lui    à  couvert  de  la  jalousie  de  sa  sœur, 
»  amène  le  peuple  et   le  sénat  pour    qui  ne  pouvaitsouH'rir  qu'elle  Drusille 

11     Vetei  Ofï  (Toi.  -on    lin iJîl    *Al  «ntiljj        «A» ~„: 1-1 lJ      T"V-*II        /.. 


»  madame  ;  et    ainsi  j'aurais  accordé 
»  la  gloire  avec  l'amour.  Pour  Béré- 

(16)  C'ettle  faux  nom  de  celui  qui  a  critique' 
.et  Entretiens  du  père  Bouliours.  I.'abbê  <le  Vil- 
lars, qu'il  désigne  ici .  avait  publie  pour  le  père 
Bouhuncs  contre  Cléantl.e  le  Traité  de  la  Déli- 
catesse. 

(17)  Sentimens de  t'iéanitie,  //e.  part.,  pa«. 
3,  édition  de  Hollande,  en  1672. 

fiS)  Lettre  CXXXI1I  de  /.,  III'.  parlie  de< 
LeUres  «lu  cnmte  rie  liiissi  Rabutin,  pag.  i!fi, 
édition  de  Hollan.U.  Celte  Lettre  est  datée  de 
Dijon  ,  le  2S  de  juillet  1671. 


cette  recberche  ,  et  devint  l'épouse 
de  Félix,  et  il  semble  même  qu'elle 
abjura  le  judaïsme  (21).  J'examinerai 
cela  dans  la  remarque  (A)  de  son  arti- 
cle. La  baine  fraternelle  est  grande 
on  peut  citer  des  maximes  I  i-dessus; 
mais,  si  je  ne  me  trompe,  la  baine  des 

(19)  Bu«5i.  lettre  CXLVNI  de  la  III'.  par- 
tie ,  pag.   a'i.t. 

(an'   La  même,  lettre   CLII  .  pag.  2-q  ,  »8t>. 
(ai;  Joseph.,  Ant.ci.  .   Ub     XXIX,  cap.    y, 


35s 


BÉRÉNICE. 


sœurs  va  plus  loin  que  celle-là.  Nous  pis  •  car ,  avec  un  peu  d'attention  ,  on 

pourrons  dire  un  mot  sur  ce  chapitre  voit  manifestement  que  Juvénal  parle 

en  quelque  autre  endroit  (m),  d'un  Agrippa  qui  demeurait  en  Judée; 

(F)  L'Écriture  a  fait  mention  de  Bé-  ce  qui  ne  peut  convenir  aucunement 
rénice  ]  L'on  trouve  dans  le  chapitre  au  fils  de  Julie.  Outre  que,  selon  la 
XXV  des  Actes ,  qu'Agrippa  et  Béré-  remarque  de  Noldius  (27),  personne 
nice  arrivèrent  à  Césarée  pour  saluer  n'a  jamais  dit  qu'Agrippa  et  son  im- 
Festus  ;  et  qu'ayant  ouï  parler  de  pudique  sœur  Julie  aient  été  accusés 
saint  Paul  ,  qui  était  alors  en  prison ,  d'inceste.  11  n'est  pas  si  aisé  de  relan- 
ils  le  voulurent  ouïr  ;  que  pour  cet  ef-  cer  le  scoliaste  sur  l'autre  point  , 
fet  ils  se  rendirent  au  lieu  de  Eau-  parce  que  la  répétition  du  mot  dédit 
dience  avec  une  grande  pompe  (23)  ,  a  fait  croire  à  d'habiles  gens ,  que  le 
et  entendirent  saint  Paul.  poète  suppose  ici  deux  personnes  qui 

(G)  On  a  fait  de  lourdes  fautes  ont  donné  à  leur  sœur  un  diamant  de 
concernant  cette  princesse.']  Sabellic  prix   :    i°_un   roi  d'Egypte  ;    20.   un 


a  cru  qu'elle  fut  femme  d'Aristobule  , 
et  ensuite  d'Antipater  (24)-  C'est  con- 
fondre ensemble  deux  Bérénices  , 
l'aïeule  et  la  petite-fille.  La  première 
fut  mariée  en  premières  noces  à  Aris- 
tobule  ,    et  en  secondes   à   un   oncle 


Agrippa.  Cette  explication  n'est  point 
la  bonne.  Tout  se  doit  rapporter  à 
Agrippa  ,  roi  des  Juifs  ,  et  à  sa  sœur 
Bérénice  ;  et  nous  apprenons  ici  une 
chose  que  Josephe  n'a  point  touchée  ; 
c'est  que  Bérénice  reçut  de  son  frère 


d'Antipater,   et  non  pas  à  Antipater  un  diamant    d'un   très-grand    prix 

même.  Voici  donc  une  nouvelle  me-  qu'elle  s'en  para  ,  et  que  leurs  amours 

prise  de  Sabellic.  Mais  pour  la  Béré-  incestueuses  firent  plus  de  bruit  par 

nice  dont  il  parle  (  c'est  la  maîtresse  ce  moyen.  Baronius  a  cru  que  Juvé- 

de Titus),  elle  n'a  eu  ni  l'un  ni  l'autre  nal   a  fait  allusion  à  une  pierre  pré- 

de  ces  deux  maris.  Je  m'en  vais  rap-  cieuse  dont  parle   Pline  ,  que  Ptolo- 

porter  un  passage  de  Juvénal,  qui  sans  mée,  roi  d'Egypte  ,  donna  à  sa  fem- 

doute  doit  être  entendu  de  la  dernière  me  ,  qui  était  aussi  sa  mère  ,  à  ce  que 

Bérénice ,   de  celle  qui  fut  aimée  de  prétend   Baronius.    Alludere  videtur 

Titus  ,  et  qui  fut  soupçonnée  d'inceste  pretioso  lapidi  quem  prias  dédit  Pto- 

avec  Agrippa  son  frère.  lomœus  jÈgypti   rex   uxori   sitnul  et 

malri.    Verwn  Plinius    tradit  fuisse 
topazion  (28,).    Un   auteur   moderne  , 

leindè   adamas    nolissimus  ,     et     que   j  ai  déjà    cité    plusieurs  fois  (29)  , 

trouve  bien  des  fautes  dans  cette  pen- 


Grandia  lollunlur  cryslallina ,  maxima  rur- 

s'us 
Mrrrh  nn , 

Bérénice 
In  digilo  J'actus  preliosior  :  hune  dédit  olitn 
Barbarus  incesiœ,  dédit  hune  Agrippa  sorori, 
Observant  ubi  (esta  tnero  pede  sabbata  reges, 
indulget 


El  velus 

cis  (25). 


senibus   cletnenùa  por- 


Le   scoliaste    de  Juvénal   entend  ici 


sée  de  l'annaliste.  i°.  Juvénal  parle 
d'un  diamant  enchâssé  dans  une  ba- 
gue ;  mais  la  pierre  précieuse  dont 
parle  Pline  était  une  topaze  brute  , 
dont  on  fit  ensuite  une  statue.  2°.  Ce 


par  Bérénice  une  sœur  de  Ptolomée  ,  ne  fut  point  Ptolomée  qui  donna  à  sa 
roi  d'Egypte  ,  et  par  Agrippa  un  fils  mère  cette  topaze,  ce  fut  Polémon, 
de  Juiie,  fille  d'Auguste  ,  ce  fils  de  Ju-  gouverneur  de  l'île  où  la  topaze  fut 
lie  et  d'Agrippa  ,  que  Tibère  fit  mou-  trouvée,  qui  la  donna  à  Bérénice, 
rir  aussitôt  qu'Auguste  fut  décédé  mère  du  roi  qui  succéda  à  relui  qui 
(26).  C'est  une  négligence  prodigieuse  régnait  alors.  3°.  Pline  ne  dit  point 
de  ce  scoliaste  pour  ne  rien  dire  de  que  Ptolomée  Philadelphe  ait  fait  pré- 
sent de  cette  topaze  à  sa  femme  Arsi- 
noé  ,  qui  était  aussi  sa  sœur  :  il  dit 
seulement  que  l'on  fit  de  cette  pierre 
une  statue  d'Arsinoé,  femme  de  Pto- 
lomée Philadelphe  ;  et  que  cette  statue 
était  de  quatre  coudées  ,  et  qu'elle  fut 


(22)  Dans  la  remarque  (B)  de  l'article  de 
Dbcsille. 

(q3)  Mira.  ttoXauç  Qct.vTdL(rieLÇ  ,  cuin  ,nulia 
ouentaiione  ,   seu  ambilione.   Actor.    Auostol 
cap.  XX y,  vs.  23. 

(2.4)  Sabellicns  ,  in  Paraphrasi  ad  Titum  Sue- 
tonii  ,  apud  Noldium  de  Vità  et  Gestis  Hero- 
dum  ,  pag.  4'4- 

(25)  Juven.  ,  Sat.  VI ,  vs.  154. 

(26)  Il  avait  été  relégué  par  Auguste  dans 
l'île  Planasia.  Tacit.  Ann.  ,  Ub.  I  ,  cap.  III  , 
et  non  pas  en  Sicile  ,  comme  dit  le  scoliaste- 


(27)  De  Vitâ  et  Gestis  Herodum,  pag.  4i2. 

(28)  Baron.    Anual.    ad   ann.  58,    num.  164. 
//  cite  Pliu.  ,  Lb.  XXXVII ,  cap.  VIII. 

(39)  \uldius,    de   Vitâ   et    Gestis    Herodum, 
pag.  412. 


BÉRÉNICE. 


353 


I 


consacrée  dans  un  temple  qu'on  nom- 
mait le  temple  d'or.  On  pourrait  ajou- 
ter cette  IVe.  censure  :  c'est  qu'on  ne 
trouve  pas  qu'aucun  roi  d'Egypte  ait 
été  le  mari  de  sa  propre  mère  ,  et  que 
cela  convient  moins  au  père  de  Ptnlo- 
rnée  Philadelphe  qu'à  tout  autre.  C'est 
de  la  femme  de  celui  -là  que  Pline 
parle,  quand  il  dit  que  la  topaze  en 
question  fut  apportée  à  la  reine  Béré- 
nice. J'ai  été  beaucoup  moins  surpris 
de  ces  fautes  de  Baronius ,  que  de 
voir  le  père  Hardouin  dans  cette  pen- 
sée :  c'est  que  les  paroles  de  Juvénal  se 
doivent  entendre  du  diamant  de  la 
même  Bérénice  dont  Pline  a  parlé, 
femme  de  Ptolomée  Lagus  ,  et  mère 
de  Ptolomée  Philadelphe  (3o).  Le  Ju- 
vénal P^ariorum  contient  bien  des 
fautes  touchant  Bérénice-  On  y  voit 
une  note  qui  porte  que  la  Bérénice 
dont  ce  poète  parle  ,  était  reine  de  Ju- 
dée, et  femme  d'Hérode;  que  d'au- 
tres veulent  qu'il  ait  parlé  de  Bérénice 
femme  d'Hérode  ,  et ,  après  la  mort  de 
son  mari ,  maîtresse  de  son  beau- 
frère ,  c'est-à-dire,  d'Agrippa  frère 
de  son  mari.  Tout  cela  ne  vaut  rien; 
car,  en  premier  lieu,  voilà  deux  Héro- 
des  diHérens ,  que  l'on  n'a  eu  soin  de 
distinguer  par  aucune  marque  ni  pe- 
tite ni  grande.  L'un  doit  être  celui 
qui  fit  mourir  les  enfans  de  Bethlé- 
hem  ;  l'autre  doit  être  le  roi  de  Chal- 
cide,  frère  d'Agrippa  Ier.  du  nom.  Or, 
le  premier  de  ces  deux  Hérodes  n'a 
point  eu  de  femme  qui  ait  eu  nom  Bé- 
rénice; et  il  n'y  a  point  eu  de  Béré- 
nice qui  ait  été  reine  de  Judée.  De 
plus,  il  n'y  a  point  eu  de  Bérénice 
en  Judée,  dont  l'inceste  ait  consisté 
dans  l'amour  de  son  beau-frère.  L'in- 
ceste ,  dont  Josephe  et  Juvénal  par- 
lent ,  consiste  dans  les  amours  d'A- 
grippa  II  du  nom  a\ec  Bérénice,  sa 
propre  sœur.  Ce  qui  a  trompé  l'auteur 
de  la  note  est  que  Bérénice  et. ut 
veine  d'Ilérode,  roi  de  Chalcide,  et 
frère  d'un  Agrippa,  lorsque  l'on  cau- 
sait de  ses  amours  pour  Agrippa; 
mais  l'Agrippa  ilu  frère  duquel  elle 
était  veuve  n'était  point  celui  avec 
lequel  elle  commettait  inceste.  Elle 
(tait  fille  de  cet  autre  Agrippa  ,  et 
sœur  de  celui-ci.  Il  y  a  uni'  autre  note 
dans  le  Juvénal  f^ariorum ,  de  la- 
quelle l'auteur  se  nomme  Lubin    Ce 

(3o)  Harduin.  in  Plin.,  l,b.  XXXFII ,  cap. 
V lit ,  pag.  ?t|3  ,  loin.  y.  - 


Lubin  se  sert  d'une  plaisante  manière 
de  raisonner.  Après  avoir  dit  qu'Hé- 
rode  Agrippa  était  frère  de  Bérénice, 
il  prouve  que  l'amour  de  cet  Agrippa 
pour  Bérénice  était  un  inceste,  par 
ia  raison  que  Bérénice  avait  été  ma- 
riée avec  son  oncle  Hérode.  Herodes 
Agrippa  dédit  incestœ  suœ  sorori  Be- 
renïcœ ,  cum  quâ  inceslum  commise- 
rat  ,  ut  pote  quœ  antè  nupta  eral  pa- 
truo  sud  Uerodi.  Noldius ,  qui  a  vu 
deux  fautes  dans  ce  Variorwn  ,  et  qui 
les  a  mises  sur  le  compte  de  Schrévé- 
lius  le  compilateur  de  ce  Commen- 
taire (3i  ),  n'a  point  remarqué  celle-ci» 
(H)  f^oici  quelques  fautes  de 
M.  Moréri.  ]  La  lre.  Bérénice  dont  il 
parle  est  la  mère  de  Ptolomée  Phila- 
delphe ,  roi  d'Egypte  :  ce  qu'il  en  dit 
ne  se  trouve  point  dans  l'auteur  qu'il 
cite  (3aj.  La  IIe.  est  fille  de  Ptolomée 
Philadelphe  ,  et  femme  de  Ptolomée 
Evergètes  ;  il  cite  Elien  et  Justin, 
qui  ne  disent  pas  ce  qu'il  raconte  II 
fallait  citer  Hyçin  (33),  qui  rapporte, 
ce  qui  concerne  la  chevelure  de  cette 
reine  Pour  ce  cpii  est  du  temple  de 
Bérénice  la  Gardienne  ,  j'avoue  que 
je  n'ai  pu  déterrer  la  source;  ainsi 
je  n'oserais  affirmer  que  M.  Moréri 
avance  là  quelque  fausseté.  J'ai  bien 
des  soupçons  contre  cela.  Il  aurait  du. 
se  souvenir  que  dans  l'article  d'-^r- 
sinoé,  fille  d  Antinchus  Saler,  il  avait 
dit  que  Bérénice ,  femme  de  Ptolo- 
mée Evergètes,  était  lillc  de  jl/agus 
"'  j  ,  roi  de  Cuène,  et  frère  de  Ptolo- 
mée Philadelphe  ,  et, par  conséquent 
oncle  de  Ptolmnée  Evergètes.  Alors 
Bérénice,  femme  de  Ptolomée  Ever  - 
gètes  ,  n'était  que  sa  cousine  germai- 
ne; présentement,  c'est  sa  propre 
sœur.  Chacun  voit  combien  ces  varia- 
tions brouillent  la  tête  aux  lecteurs, 
et  les  devraient  dégoûter  de  l'étude 
d'un  dictionnaire.  Il  faillirait  leur  dé- 
brouiller ces  chaos,  en  marquant  qui 
sont    ceux   qui    racontent    les  choses 

(3iï  Noldins,  de  Vilî  el  Geslij  Herudum, 
;)«;,•    4i  '  .  4,a 

(.lîj  II  cil*  Appien  :  il  put  mieux  fait  Je  citer 
Pau-ani.-»  ,  lib.  I,  pa^     I. 

(33)  AMronoDi.  ,  lib.   Il ',  cap.  XX  f  ■ 

(34)  "  /allait  due  Mapa*  :  il  'tait  roi  de 
Crrrnr,  ri.  il  eu  vrai ,  «elon  Justin  ,  Uv.  -VYK/', 
cha/>  Il  I .  qu'il  maria  Bérénice  -a  plie  uniqum 
au  fil  de  ton  frère;  je  veux  dur  a  Ptolomée 
surnommé  Evei  gèles.  Ce  Magas  riait  fil'  d'un 
Macédonien  de  petite  cundiuun ,  el  de  Bérénice 
qui  fut  depuis  femme  de  Ptolomée  Lagus.  Pau- 
san.as  .  lib.   I,  pag,  li 

23 


354 


BÉRÉNICE. 


d'une  façon  ,  et  qui  sont  ceux  qui  les 
racontent  d'une  autre.  La  IIIe.  Béré- 
nice ,  selon  M.  Moréri ,  est  sœur  de  la 
IIe. ,  et  femme  d'Antiochus  Soter ,  roi 
de   Svrie.    Jl    fallait   dire    Antiochus 


les  pieds  nuds.  Il  fallait  dire  que  , 
pour  accomplir  un  vœu  ,  elle  s'en  alla 
à  Jérusalem,  et  y  observa  les  cérémo- 
nies en  tels  cas  requises  :  c'est  qu'a- 
vant que   d'offrir  des  sacrifices ,    on 


Tlicûs,  et  non  pas  Antiochus  Soter  ;    faisait    des    prières    pendant    trente 

celui-là  était   fils  de  celui-ci ,  et  fut 

marié  avec  une  fille  de  Ptolomée  Phi- 

ladelphe  ,  nommée  Bérénice  (35).  La 

IVe.    est    fille    de   Ptolomée   Aulètes. 

J'en  ai  fait  un  article  :   voyez-en  les 

remarques.  La  Ve.  est  Bérénice  ,  sœur 

d' Agrippa   11    du    nom.    Ce    que    dit 

M.    Moréri,  que   cette  princesse  était 


jours ,  on  se  faisait  raser  la  tête  ,  et  on 
s'abstenait  du  vin.  Voilà  tout  ce  que 
Josephe  nous  apprend  de  ce  voyage 
de  Bérénice  (4o).  Il  est  vrai  qu'il  re- 
marque qu'elle  alla  à  l'audience  du 
gouverneur  à  pieds  nuds  j  mais  ce 
n'est  point  ce  qu'on  appelle  un  voyage 
de  Jérusalem.  IVe.  A  quoi  bon  citer 


aveeson  frère  Agrippa  en  55  ,  lorsque    les  chapitres  XXV  et  XXVI  du  livre 
saint  Paul  plaida  sa  cause  h  leur  pré-    des  Actes  ,  et  le  XVIe.  livre  de  Stra 


sente ,  et  à  celle  des  proconsuls  Félix 
et  Pontius  (36)  Festus ,  suppose  que 
ces  deux  proconsuls  commandaient 
dans  la  Judée  en  même  temps  ;  et  cela 
est  faux  (3^).  11  ne  fallait  point  citer 


bon,  immédiatement  après  avoir  dit 
que  Bérénice  alla  à  Jérusalem  la  tête 
rasée  et  les  pieds  nuds  ?  Est-il  parlé 
de  cela  au  livre  des  Actes?  Et  Strabon 
ne  parle-t-il  pas  d'une  Bérénice  qui 


de  Titus. 

(I)  .....  .    de   M.    Hofman  ,     de 

Charles  Julienne  ,  etc.  ]  La  lre.  faute 
(]<■  M.  HoiMAN  est  d'assurer  que  la  Bé- 
rénice dont  Juvénal  fait  mention  , 
était  fille  d'Uérode  l'Ascalonite  (38)  , 
et  femme  de  son  frère  Agrippa.  C'est 


a  copiées. 

Charles  Etienne  falsifie  le  témoi- 
gnage de  Pline  :  il  lui  attribue  d'avoir 
dit  que  Ptolomée  Philadelphe  bâtit 
une  belle  ville  sur  la  mer  Rouge  ,  et 
la  nomma  Bérénice,  du  nom  de  sa 
mère.  Pline  dit  seulement  que  cette 


un  double  ou  triple  mensonge  pour  le  yille  portait  le  nom  de  la  mère  de  Pto 
moins  j  car  cet  Hérode  n'a  point  eu  de 
tille  qui  s'appelât  Bérénice  ,  ni  de  fils 
qui  s'appelât  Agrippa.  Celle  dont 
parle  Juvénal,  était  fille  du  premier 
Agrippa  ,  et  ne  fut  jamais  mariée 
avec  son  frère  Agrippa  second  du 
nom  :  on  crut  seulement  qu'elle  eut 
avec  lui  un  commerce  incestueux. 
Saint  Cbrysostome  s'est  trompé  ,  ou  a 
parlé  figurément ,  lorsqu'il  l'a  nom- 
mée la  femme  d'Agrippa  (3()).  La  IIe. 
faute  est  de  dire,  que  la  Bérénice  que 
Titus  aima  est  différente  de  celle 
dont  Juvénal  fait  mention.  Hofman  les 
fait  différentes,  puisqu'il  traite  dans 
un  article  à  part  de  celle  qui  fut  maî- 
tresse de  Titus.  IIIe.  Il  n'est  pas  vrai 
que  la  Bérénice  de  Juvénal  ait  fait  un 
voyage  à  Jérusalem  la  tête    rasée  et 


(35)  Voyez  Justin. ,  lib.  LXVII ,  cap.  I. 

(3<>j  If  fallait  dire  Portius. 

(i-)  Voyez  les  Actes  des  Apôtres,  chap. 
XXIV, *s.  î8. 

(38)  C'est  le  même  que  le  grand  Hérode  ,  qui 
fil  mourir  les  en  fans  de  Belliléhem. 

(3<))  Ciirysostom.  apud  Cornet,  à  Lapide  in 
Act."XXV  ,  vs.  3  ,  citation  à  Noldio  de  "Vit*'  et 
6f  stis  Uerod. ,  pag.  4o4- 


lomée  Philadelphe.  Bérénice  oppidum 
matris  Philadelphi  nomine  (L\i).  Cela 
me  faitsouvenir  d'une  faute  de  M.  Hof- 
man ,  que  j'avais  laissée  à  quartier  : 
il  fait  dire  à  Pline  que  cette  Bérénice 
donna  son  nom  à  une  ville  qu'elle  fit 
bâtir.  Voilà  pour  ce  qui  regarde  la 
l'e.  faute  de  Charles  Etienne.  La  IIe. 
est  d'avoir  dit  qu'il  y  a  eu  une  Béré- 
nice fille  d'Hérode  l'Ascalonite,  la- 
quelle se  maria  avec  Agrippa  son 
frère.  Nous  avons  déjà  trouvé  cette 
faute  dans  Lloyd  et  dans  Hofman  : 
c'est  de  Charles  Etienne  que  Lloyd  l'a 
prise.  Quelqu'un  me  dira  peut-être  : 
«  Vous  entendez  mal  ces  paroles  :  Be- 
»  renice ,  Herodis  Ascalomtœ  filia  , 
j)  quœ  nupsit  etiam  Agrippœ  J'ratri 
»  (4^).  Vous  les  expliquez  comme  si 
»  elles  voulaient  dire  que  Bérénice 
»  épousa  son  propre  frère  ;  et  il  faut 
w  entendre  qu'elle  fut  mariée  avec  le 
»  frère  d'Agripp"  ■ 

(4°)  Josepl 
XXVI. 

(4i)  Plin.  ,  lib.   VI,  cap.  XXIX ,  pag.  -;33 
(4?)   Elles  sont  dans  Cli.irles  Llicnne. 


et   c'est  aussi  le 

de  Bello  judaïco,  lib.  II,  cap. 


BERG 

»  sensu-fles  paroles  de  MM.  Lloyd  et 
»  Hofman.  Bérénice,  Herodis  Ascalo- 
»  nitce  filia  ,  Agrippœ  fratris  tucor.  » 
Je  réponds  que  j'explique  le  latin  de 
ces  trois  auteurs  dans  le  sens  le  plus 
naturel,  et  que  puisque  les  deux  der- 
niers confirment  par  les  vers  de  Juve- 
nal  les  paroles  alléguées,  ils  ont  voulu 
dire  sans  doute  qu'Agrippa  était  le 
mari ,  et  non  pas  le  frère  du  mari.  Au 
pis  aller,  je  le  puis  convaincre  de  ce 
mensonge.  Ils  supposent  que  Bérénice, 
femme  du  frère  n'Agrippa  ,  était  fille 
d'Hérode  l'Ascalonite  :  cela  est  faux; 
elle  était  fille  d'Agrippa  1er.  du  nom  , 
qui  la  maria  à  llérode,  roi  de  Chal- 
cide  ,  son  frère.  La  IIIe.  faute  est  de 
citer  Strabon  pour  la  prétendue  fille 
d'Hérode  l'Ascalonite  :  c'est  n'avoir 
point  su  qu'il  n'a  parlé  que  de  la  fille 
de  Salomé.  Cette  fille  fait  un  article  à 
part  dans  Charles  Etienne,  ce  qui 
montre  qu'il  n'a  point  pris  lune  pour 
l'autre  ,  mais  qu'il  s'est  figuré  deux 
personnes  très  -  distinctes  ;  et  cela 
pourrait  passer  pour  une  IVe.  faute. 

BERGAME  (Jacques-Philippe 
de),  religieux  augustin  ,  naquit 
iBergame  ,  l'an  i434-  Il  composa 
en  latin  une  Chronique  depuis 
la  création  du  inonde  jusqu'à 
l'année  i5o3(A),elun  Traité 
des  Femmes  illustres  *.  Il  était 
d'une  famille  très-considérable 
(B) ,  et  il  se  fit  moine  l'an  i/j5i 
(C).  Il  avait  une  dévotion  parti— 

*  Ce  traité  des  Femmes  illustres  est  inti- 
tulé de  Plurimis  claris  selectisçue  /initieri- 
ons, Ferrare.  1 4ç>7-  itt-folio;  réimprimé  dans 
leRecucil  ilf  J.  Kavisius  Textor  ,  avani  (mur 
titre  :  De  Memorabilibus  et  claris  mulierihus 
aliqiwl  dwersorum  scriplorum  opéra  , 
Paris,  i:V.'.i  ,  m-lolio.  Ou  y  trouve  sur  la 
papesse  Jeanue  un  article  qui  fait  rechercher 
ce  livre  par  les  curieux  Pour  leur  épargner 
tics  recherches,  David  Clément  en  rapporte 
un  passage  dans  le  lom.  III  ,  p.ig.  i-'j  de  sa 
Bibliothèque  curieuse  C'est  a  tort  que  Nice- 
ron  intitule  l'ouvrage  de  J.  deBergame^ 
Traite  des  Femmes  illustres  chrétienne  <\ 
Bavle  avait  commis  cette  faute  dans  l'édi- 
tion de  1702,  et  on  la  lui  reproche  dans  le 
loniel"1. ,  nag.  202  des  Mémoires  de  littéra- 
ture de  Sallengre  .  La  faute  a  .  comme  ou 
voit ,  été  corrigée  d'après  cette  critique  ,  par 
P.  Marchand  ;  si  ce  n'est  pas  Ba\le  Lui-même 
qui  l'a  aperçue  et  fait  disparaître 


AME.  355 

culière  pour  Nicolas  Tollentin  *  , 
par  l'intercession  duquel  il  crut 
avoir  été  guéri  de  la  peste  l'an 
1 474  (a)-  Il  mourut  à  Bergame 
l'an  if)i8,  dans  le  couvent  de 
sou  ordre.  Il  en  avait  été  prieur, 
et  il  l'avait  fait  réparer  à  très- 
grands  frais  (b).  Consultez  le 
Dictionnaire  de  Moréri  sous  le 
mot  Foresta.  Ce  que  vous  y 
trouverez  de  fautif  se  pourra 
rectifier  par  un  parallèle  avec 
cet  article. 

*  «    Il  faut    de    Tolentin  ,    dit   Lcclerc 

»  autrement  ou  croira  que  Tollentin  est  un 
»  nom  propre    » 

(«)  Voyez  sa  Chronique  à  l'an  ll\l\Ç> ,  folia 
290. 

[b)  Titré  de  Phil.  Elsàus  in  Encomiast. 
Augustin,  pag.  5ll\  ,  3l5. 

(A)  //  composa  en  latin  une  Chroni- 
que depuis  le  commencement  du  mon- 
de jusqu'à  l'année  i5o3]  Vossius  ob- 
serve que  la  première  édition  est  de 
Bresce,  et  quelle  finit  à  l'an  1 485  ,  et 
non  pas  à  l'an  i436  ,  comme  Possevin 
1  assure  (n.  Beflarmin  a  commis  la 
même  faute  (2).  La  seconde  édition 
est  de  Venise,  et  s'étend  jusqu'à  l'an- 
née i5o3.  Vossius  dit  que  l'auteur 
marque  à  la  fin  <lu  livre  qu'il  avait 
alors  soixante-neuf  ans.  On  réimprima 
cet  ouvrage  à  Paris,  l'an  1 535  ,  avec 
une  continuation  jusqu'à  ce  temps-là. 
On  en  donna  une  traduction  italienne 
à  Venise,  l'an  i54o,  in-folio.  Elle 
contient  des  additions  à  l'ouviage  du 
premier  compilateur,  jusqu'à  l'année 
iSSg.  Celui  qui  a  fait  ces  additions 
était  de  Milan  ,  et  se  nommait  Ber- 
nanlino  Ilimloni.  Je  crois  que  Jacques 
Philippe  de  lin.;. un,-  continua  à  tra- 
vailler  depuis  Pan  i5o3,  et  qu'une 
partie  de  ce  qui  suit  est  de  lui;  mais 
on  a  m  îglieé  de  marquer  dans  cette 
version  italienne  où  commencent  les 
additions  qui  viennent  «l'une  autre 
main.  Je  n'y  ni  pjs  trouvé  à  la  Sn  de 
l'an  i5"3,  que  l'auteur  dise  touchant 
ce  que  Vossius  rapporte  *. 

(1)  Vossius,    dr    Historicis  latinis,    lit/.   III, 
cap.  XI  .  png.   66:1. 

(1)  Bellarm.,  de  Scripl.    er.  les    .  jiau,-  4'». 

*  (.V>id  la  lin  ue  la  version  italienne  que 
Bavle  dit  ne.  pas  avoir  trouve  l'âge  de  J.  de  lier- 


356 


BERGIER. 


Cette  Chronique  est  assez  bonne,  et 
surtout  à  l'égard  des  siècles  voisins  de 
hauteur..  Il  a  eu  soin  de  marquer  les 
hommes  illustres  qui  ont  vécu  dans 
chaque  siècle  ,  et  il  dit  touchant 
les  modernes  d'assez  bonnes  parti- 
cularités. Gesner ,  en  i544  ,  ne  con~ 
naissait  aucune  édition  de  ce  livre- 
là  (3). 

(B)  II  était  d'une  famille  tres-consi- 
dérable.  ]  C'était  celle  des  foresli. 
Matthieu  de  Berganio  ,  qui  était  de 
cette  noble  famille,  et  un  très-savant 
turisconsulte  ,  obtint  de  l'empereur 
Louis  de  Bavière  plusieurs  très-beaux 
privilèges  ,  tant  pour  lui  que  pour  sa 
postérité.  11  fut  créé  comte  palatin  , 
avec  le  droit  d'instituer  des  notaires, 
des  docteurs,  des  chevaliers  et  des  ju- 
ges par  toute  l'Italie  .  et  de  légitimer 
Ses  bâtards  ,  etc.  La  liste  de  tous  ces 
privilèges  se  trouve  dans  la  Chronique 
de  notre  auteur  (4).  Ils  ont  été  confir- 
més par  tousles  seigneurs  qui  ont  pos- 
sédé Bergame.  Les  lettres  patentes  de 
cette  concession  de  Louis  de  Bavière, 
furent  datées  à  Trente,  le  20  de  janvier 
>33o(5). 

(C)  //  se  fit  moine  Van  i45i.J  »  as- 
sure dans  un  endroit  de  sa  Chronique, 
selon  Vossius,  que  Jean  Rochus  *  le 
fit  entrer  dans  son  couvent  ,  avec 
quelques  autres  jeunes  hommes  ,  l'an 
i45i  ,  mais  je  trouve  dans  la  version 
italienne  de  cette  Chronique  que 
ce  fut  Jean  de  Novare ,  supérieur 
des  augustins  de  Bergame  ,  qui  l'as- 
socia à  son  ordre  le  iei.  de  mai 
?45i.  Il  avait  parlé  de  Jean  Roco,  ré- 
formateur des  augustins  et  leur  géné- 
ral, qui  mourut  à  Mantoue,  l'an  1 4^  •  ? 
à  l'âge  de  soixante  et  dix  ans.  Immé- 
diatement après  ,  il  parle  de  Jean  de 
Kovare  ,  qui  avait  fort  secondé  Jean 
Roco  dans  l'ouvrage  de  la  reformation 
de  l'ordre,  et  qui  lui  succéda  à  la  di- 
gnité de  prieur  du  couvent  de  Crè- 
me ;  en  suite  de  quoi  il  fut  promu  à 
la  même  charge  dans  le  couvent  de 
Bergame.  C'est  à  ceux  qui  ont  l'édi- 

^ame.Leclerc  assure  que  le  témoignage  de  Vossius 
est  cependant  véritable  :  ce  qu'il  dit  se  trouvant 
dans  I  édition  de  i5o(J  qu'il  a  citée. 

(3)  Gesneri  BibliolR.  ,  folio  3Go  verso. 

(4)  Phil.  Ber^om.  Chromca,  fuUo  249i  "^  "'"'• 
i33o. 

(5)  Idem  ,   ibid. 

*  Ce  ne  fut  pas  Jean  Hoclius ,  comme  le 
remarque  Leclerc.  L'auteur  lui-même  dit  que 
..;  fui  Jean  de  Novare. 


tion  latine  dont  Vossius  s'est  servi  , 
à  examiner  s'il  s'est  trompé.  L'ita- 
lienne ,  dont  je  me  sers  ,  a  été  faite 
sur  l'édition  de  Paris,  corrigée  de 
plusieurs  fautes. 

BERGIER  (  Nicolas  )  naquit 
à  Reims,  en  i55^+.  Il  y  étudia 
dans  la  nouvelle  université  que 
le  cardinal  de  Lorraine  venait 
d'y  établir,  et  il  y  régenta  aussi 
pendant  quelques  années.  Il 
passa  du  collège  chez  le  comte 
de  Saint -Soupplet ,  grand  bailli 
de  la  province  ,  pour  être  pré- 
cepteur de  ses  enfans  ,  et  il  em- 
brassa ensuite  la  profession  d'a- 
vocat ,  où  il  se  rendit  fort  habile. 
Les  habitans  de  la  ville  de  Reims, 
qui  connaissaient  son  mérite  et 
sa  capacité ,  le  firent  leur  syndic, 
et  le  députèrent  souvent  à  Paris, 
pour  les  affaires  de  la  ville.  Cela 
le  fit  connaître  de  plusieurs  sa- 
vans ,  et  entre  autres  de  MM. 
Peiresc  et  du  Puy ,  à  qui  il  com- 
muniqua le  dessein  de  son  livre 
des  Grands  Chemins  de  Vem- 
pire  ,  et  qui  l'encouragèrent 
beaucoup  à  l'exécuter.  M.  Pei- 
resc lui  communiqua  pour  ce  su- 
jet la  carte  de  Peutinger  (a). 
Mais  de  tous  les  amis  et  de  tous 
les  protecteurs  que  ses  bonnes 
qualités  lui  attirèrent ,  le  prin- 
cipal et  le  plus  illustre  fut  M. 
Nicolas  de  Bellièvre  ,  président  à 
mortier  au  parlement  de  Paris , 
qui  lui  procura  un  brevet  d'his- 
toriographe ,  avec  deux  cents 
écus  de  pension,  et  le  voulut 
avoir  chez  lui ,  oii  il  le  garda 
j  usqu'à  sa  mort.  Il  mourut  le  i5 
septembre  162  3  ,  dans  le  châ- 
teau de  Grignon  ,  appartenant  à 

*  Il  est  né  en  1667.  t ''oyez  la  Biographie 
universelle,  an  mot  Beiigier. 

(a)  Voyct,  Gassendi  ,  dans  la  Vie  de  Pei- 
resc. 


BÉRIGARDUS.  357 

M.  de  Bellicvre.  On  peut  voir  au  tation  dans  l'université  de  Paris , 
commencement  de  l'Histoire  de  que  le  grand-duc  de  Florence 
Reims,  imprimée  en  1629,  l'é-  l'attira  à  celle  de  Pise  (a).  Il  y 
pitaphe  que  fit  cet  illustre  pré-  enseigna  la  philosophie  pendant 
sident  à  la  mémoire  de  son  ami  douze  ans  (b),  après  quoi  on  l'ap- 
(b).  Je  parlerai  ci-dessous  des  pela  à  Padoue ,  pour  la  même 
ouvrages  de  Bergier  (A).  Voyez  profession.  Il  l'exerçait  glo- 
aussi  à  la  fin  de  ce  Dictionnaire*  rieusement ,  lorsqu'en  1643  il 
la  Dissertation  sur  le  Jour,  re-  fit  imprimer  à  Udine  un  ouvra- 
marque  (B).  ge  qui  déplaît  beaucoup  à  plu- 
sieurs théologiens  (A).  Cepen- 
dant il  est  muni  de  l'approbation 
du  saint-office.  Il  en  avait  publié 
un  autre  à  Florence,  l'an    i63a 

(A)  Je  parlerai des  ouvrages  de    (c).   Sa    taille  douce     au-devant 

Bergier.]  Outre  Y  Histoire  des  grands  du  livre  imprimé  l'an  16^3,  lui 
c/le™  nous  avons  de  lui  le  Boa-  donne  dnquante  et  un  ans  •  mais 
quel  îoyal,  qui  est  une  relation  du  sa-  ,  *  ■       i>  '     j 

cre  de  Louis  XIII  ,  imprimée  à  Reims,    on  n  y  marque  point  1  année  du 
Tan     16J7     *'  ;    un    Traité    de  point    siècle. 
du  jour,  imprime  à  Reims  en  162c). 


ÇA^  Me'moive  communiqué parM.  Ondinet, 
'unie  du  cabinet  des  médailles  du  roi  Louis 
XIV.  Je  le  donne  tout  tel  que  je  l'ai  reçu. 

*  Toril.  XV  de  la  présente  édition. 


Moulins,  le  l5  août  10-8  de  Pierre  Guil- 
lermet  sieur  deBeauregard  ;  il  mourut  à  Pa- 
doue en  i663. 

(a)  Vojra     la   préface    de    mn      Ci  indus 
pisanus,   lib.  VU!  Physic.  Aristot. 

(b)  Voyez  sa  première  épilre   dédicatoirc. 

(c)  Intitulé    Dulntationes    Gai.     Galihei 
Lyncci. 

(A)  il  /Il un  ouvrage  qui  déplaît 


et  qui  Pavait  été  ù  Paris  dès  l'année 
1617,  sous  le  titre  cY  A  rrhemeron  (1)  ; 
le  Dessein  de  i Histoire  de  Beims  , 
imprimé  eu  i(j3^.  Il  composa  la  fie 
de  s. uni  Albert,  a>'ec  l  histoire  de  la 
translation  de  son  corps  de  Beims  a 
Bruxelles  ,  qui  se  tit  en  1612  ,  à  la 
réquisition  de  l'archiduc  Albert.  Il 
reçut  pour  récompense  de  cet  ouvra- 
ge une  chaîne  d'or  ,  que  ce  prince  lui  beaucoup  à  plusieurs  théologiens .  |  Il 
enraya  ;  mais  l'ouvrage  n'a  point  été  a  pour  titre  :  Circulus  Pisanus.  Voici 
imprimé,  et  le  manuscrit  est  entre  le  jugement  ([n'en  a  fait  un  archi- 
les  mains  des  héritiers  de  l'auteur,  diacre  de  Cantorbéri.  Hune  (  Cœ- 
avec  quelques  aul res  cahiers  e'erits  de  salpinum  )  eàdem  impietatis  via  et 
sa  main  de  l'Excellence  des  bonnes  raûone  non  modo  seculus  est,  sed  supe- 
Leltres  de  l'antiquité ,  et  de  l'Excel-  ravit  Claudius  Berigardus  iVnlinen- 
lence  de  la  Poésie  et  de  la  Musique  sis,  qui  unacum  impid  Arislotelis  dis- 
speculalive  (2)  **.,  cipltnd  obsoletam  islam  quoque  vete- 

ruin   lonicorum   (   quemadmoduiu    de 
"  La  Relation  a  été  ,  dit  Leclerc,    imprimée      Us  ipse    censuit    ac  alii   platane    cru- 

suerunt  )  rcvocuint  ;  cunt  cnirn  dispu  - 


en  i635  et  noo  1637 

(1)  Consultez  notre  Dissertation  sur  le  Jour, 
tome,  XV ,    et  surtout   à  la   remarque  (B). 

(a)  Tire'  d'un  Mémoire  communiqué  par 
M.  Oudinet. 

*a  Joly  parle  du  manuscrit  sur  la  musique 
spéculative  comme  d'une  omission  de  Bjyle. 


taliones  suas  dialogorum  consuetudi- 
ne  perscripsit  ,  sermonem  in  duos 
perso/ias  Charilaum  cl  Artstivuni  dis- 
tribua ,  quorum  aller  Arist<  <■  lem 
quiprœter  materiam,  quendam  primum 
motorew  ,  providentice  tamen  expei  - 
lem  posuit  ,   aller  antiquos  islos  de-- 


BÉRIGARDUS  (Claude)  .  l'un 

*  '  ie/71   posait.  ,    aiter  anitqiK's    iuo>  uc-- 

des  plus  subtils    philosophe-»    du  fendit,  quos  omnia  corporea  esse  vel 

XVTTe.    siècle  ,    était    de    Mou-  le .  nullumque  primum   motorem  ab 


lins  *.  Il  s'acquit  une  telle  répu- 

*    Chanfepié  d'après  Niceroj»  dit  que  son 
nom    français     était.    Beauregard.      Né     a 


universo  corporen  distinxisse  putavil. 
A/que  adeb  uno  eodemque  opère  di- 
1  rsas  cùm  Epicureœtùmperipaieticœ 
impietatis   taliones  adornaeiX,  quaii-* 


358 


BERYTE. 


quant  Aristotelis  disciplinant  Jlisiits 
et  ardentiits  excoluit,  atque  eam  po- 
tissimùm  quant  libro  Physicorum  oc- 
taun  ,  librisque  de  Cœlo  et  rerurn  Gé- 
nérât ione  tradidit  ,  quibus  unu'ersam 
mundi  fabricant  sine  providcntiâ  ar- 


tinuà  impugnet  ac  subuertat;  an  quie* 
quant  in  rébus  physicis  stabile  et  im- 
motum  relinquil  ?  IVonne  contra  per- 
pétua sud  il/a  libratione  cunctas  sus- 
pendit ?  Deindè  quà  tendit  assumpta 
hœc  Anaximandri  hypothesis  ,  quant 


chitectncè  extruxisse   se  putat  philo-    Berigardus    Aristolelicœ  longe   prœ- 
sophus    Neque  nej'aria  sua   dogmala  fert ,  nisi  eo  ut  in  supremi  IVuminis  , 


dispersé  uno  aut  allero  capite  (  ut 
Cœsa'pinus  )  insinuavit ,  sed  apertè 
oni/tem  peripateticœ  irnpietatis  ratio- 
nent  secutus  est  ,  neque  numinis  pro- 
'videntiam  ut  ille  è  rerurn  naturd  tôl- 
ière satis  habuit  ,  nisi  et  salsè  dictis 
(  qua/ia  vir  non  admodum  Jacetus  po- 

tuit  )  increparet  (i) JJunc  auteni 

sicut  et  Cœsalpinunt  ,  quanquani  mili- 
ta uberihs  rem  traclavil  ,  et  qu'idem 
integrum  peripateticœ  impietatis  sys- 
terna  descripsil  ,  hoc  loco  redarguere 
Operœ  pretium  non  existimo ,  qubd  in 
uno  Aristol,  le  vincantur  qui  ab  eoste- 
terunt  omnes  (a).  M.  de  Villemandy  , 
ministre  français  (3)  ,  se  conforme  à 
ce  jugement  ;  car  il  considère  Beri- 
gardus comme  un  grand  fauteur  du 
pyrrhonisme  ,  et  comme  un  propaga- 


ejusque  providentiœ  locum  infini- 
tam  quandam  materiam ,  injinitis  cor- 
poribus  dissimilanbus  ,  ex  seipsis  mo- 
bilibus  ,  cmflatani  ,  hoc  est,  in  Ve- 
ri  Dei  locum  Csecam  Naturam  substi- 
tuât (  5  )  ?  Il  le  cite ,  à  la  page  100  , 
comme  ayant  dit  une  chose  qui  est 
pleine  de  libertinage  ;  mais  il  est 
bon  de  considérer  que  les  paroles 
qu'on  lui  attribue  ,  et  que  l'on  rap- 
porte en  caractère  italique  ,  ne  se 
trouvent  point  dans  son  écrit.  Les 
voici  :  Ex  Us  duci  quident  nolionem 
virtutis  cujusdam  ,  quœ  omnia  dispo- 
sueril  ,  ac  sapientissiniè  regat  ,  sed 
hanc  nihil  aliud  esse  ,  quant  universi 
totius  corporei  uigorem  ,  ab  ipso  so- 
Id  ratione  distinclum  ;  cujus  universi 
singulœ  partex  ditdnitatis  participes  se 


teur  de  l'impiété  :  ^estigiisejus  (Pom-  ipsis  misceantur  ad  omnia  componen- 
ponatii  )  mstilit  Berigardus  in  Circu-  da  ,  nullo  alio  intclleclu  ordinante  , 
lis  Pisanis  sub  sœculi  hujus  initiwu.  quant  sud  ipsarum  energiâ  ,  pertndè , 
Quanta  ab  his  ,  nonnullisque  aliis  ad  finent  optimum  tendente  ,  ac  si  ab 
ejusdent  ordinis  doctoribus  ,  malorum  aliqud  mente  dirigerentur  (6).  Il  eût 
seges  in  scientiis  ,  societate  civili,  et  donc  fallu  faire  savoir  aux  lecteurs 
religione  luxuriârit ,  nôrunl  erudili  que  l'on  citait,  non  le  texte  de  Beri- 
gardus, mais  la  paraphrase  de  sa  pen- 
sée. J'ai  cité  cet  auteur  dans  l'article 
de  Buiin,  remarque  (C). 

(5)  Idem  ,  ibid.  ,  pag.    28,  an. 

(6)  Villemandy,  Scept.  deuell.,  pag.  100.  Il 
cite  Berigard.  Circulor.  Pisanor.,  part.  II ,  cire. 
XIX. 

EERYTE ,  ville  maritime  de 
Fhénicie,  proche  du  mont  Liban, 
avait  aussi  nom.  Beroé  (A).  On  di- 
sait que  Saturne  l'avait  bâtie  (a). 
Elle  avait  un  bon  port ,  dont  on 
trouve  la  description  dans  l'iti- 
néraire de  Jean  Phocas  (b).  Stra- 
bon  dit  qu'elle  fut  ruinée  jïar 
Tryphon  ,  et  rétablie  par  les 
Romains  (c).  Ce  fut  Auguste  qui 

(a)  Stepliani  Byzanl.,  in  Bnpc/TÔç. 
(A)  Voyez  Berkelius  in    Steph.   Byzantin. 
Voce  Bwpt/TÔc. 
(.c)  5trabo,/j7>,  XVI,  pag.  Ô2o. 


(4)-  Il  s'explique  plus  fortement  en 
un  autre  lieu.  Ipsorum  quident  dubi- 
taliones  ,  contendendique  pruritus,  eo 
usque  non  evagantur ,  ut  vel  dwinant 
pros'identiam  ,  vel  eliam  exislentiam  , 
apcriè  suinmoveant  :  ita  lamen  pro- 
cedunt  eorunt  nonnulli ,  ut  summove- 
re  velle  videantur  :  utcunque  sit,  sus- 
pecta est  admodum  eorunt  religio  ac 
fides.  Ciim  ,  ex.  g.  Claudius  Berigar- 
dus ,  in  Circulis  suisPisanis,  res  on\- 
nes  physicas  ,  imo  et  diuinas  plcras- 
que  ,  ex  principiis  Aristotelis  ita  dé- 
clarai et  aslruil  ,  ut  easdem  illas  ex 
opposais  Anaximandri  hypothesibus, 
purum  atheismum  redolenlibus  ,    con- 

(1)  Samuel  ParVerus ,  Disputât,  de  Deo  et 
Proviilentia  divinS  ,  pag.  67. 

(2)  Samuel  Parkeius  ,  Disp.  de  Deo,  etc., 
pa^.  i">8. 

(i)  Il  était  professeur  en  philosophie  a  Sau- 
mur  lors  delà  révocation  de  Védit  de  Nantes; 
et  depuis,  il  a  été  recteur  du  collège  ÏValon  à 
Zeyde. 

i4)  Prtrus  de  Villemandy,  in  Scepticisme. 
to  .  yn™.  11. 


BÉRYTE.  359 

la  rétablit  (d) ,  et  qui  en  fit  une  son  le  mot  B«p&n  en  celui  de  Bup- 

colonie,    que  l'on  nomma  Julio,  ^i'vv .    .    „         ,               .„ 

y.  T.     ,   .       *          .  .       .        -     i      ■■      •.  (15)  G  était  lune  des  trois  utiles   ou 

fehx  (e) ,  et  qui  jouissait  du  droit  Von  enseignait  paMiquemmt  Lll  jlins_ 

italique  (f).  Agrippa  y  condui-  prudence.] [11  n'y  avait  dans  tout  lYm- 

sit  deux  légions  (g).  C'était  l'une  pire  romain    que   ces  trois  villes   qui 

des  trois  villes  ou  l'on  enseignait  ?ass«£*  \a  permission  d'avoir  des  éco- 

,,.                  ^    i       •      •           ?  les   de   droit.   Cela    est    surprenant  , 

publiquement   la   jurisprudence  quand  on  considere  l'étendue  de  cet 

(B)    :    les    deux     autres      étaient  empire  ,  et  plus  encore  quand  on  son- 

Rome  et    Constantinople.  On  a  ge  »  la  multitude  d'universités  qui 

lieu  de  croire  qu'il  y  avait  dans  s°nt  aui0l";d,'iui  <lans  l'Europe.  Quel 
-n  '  i  j  l  >  changement  de  coutumes!  Les  sept 
tieryte  plus  de  professeurs  que  pr0vinces-Unies ,  qui  ne  sont  qu'un 
dans  ebacune  des  deux  autres  point  sur  la  carte  en  comparaison 
(C).  Les  incendies  ,  les  inonda-  <le  la  monarchie  romaine  ,  ont  di  u\ 
lions,  et  les  tremblemens  de  ™  t™is  fois  plus  d'écoles  de  jur.sp.u- 
.  ....  ..  dence  qti  n  n  y  en  avait  dans  ce  vas- 
terre  ,  qui  la  ruinèrent  en  divers  tc  c:tat.  prouyons  ce  qu'il  faut  prou- 
temps  ,  n'empêchèrent  pas  que  ver  :  Hœc  autem  tria  uolumina ,  c'est 
les  écoles  de  droit  ne  s'y  rétablis-  J'»stinien  qui  parle  (8)  ,  a  nobis  corn- 

sent(D).  La  dignité    métropoli-  V°»ta  ,  lra<*1  e?  Mminregii*  u*bi- 

J?.    ,    ,          .      Tr  vus  (n)  ,  quant    in   fieryliensium  pul- 

taine  ,    que    Iheodose-le-Jeune  ekemmd  ciuitate  (  quam  et  legem  nu- 

accorda  à  l'évêque  de  Béryte,  tricem  benè  quis  appellet)  ,  tunium- 
ne  fut  que  titulaire  (E). 


(d)  EuwIj.   in  Chron.  ,  num.  20o3. 
(e    Plinius,  lib.  V,  cnp.  XX,  pag.  ^f]!\. 
(y*  "i  Ulpianus,  de  Censibus  ,  apud  Scalig 
Aiiidninclv.  in  Euseb. ,  num.  iuo3,  pag.  171 
(g)  Strabo  ,  lib.  XVI ,  pag.  520. 


modo  uolumus  :  quod  jam  et  a  rétro 
pri/iripibus  constitutum  est  ,  et  non 
m  aliis  lacis  quœ  a  majoribiis  taie  non 
meruerint  privilégiant.  Ces  paroles 
nous  apprennent  que  les  prédéces- 
seurs de  Justinieti  fixèrent  à  trois  le 
nombre  des  auditoires  de  jurispru- 
(A)  Elle  a  fait  aussi  nom  Beroé.  ]  dence  ;  mais  on  ne  sait  pas  en  quel 
Le  témoignage  d'Eusèbe  ,  allégué  par  temps  se  fit  cette  fixation.  Le  premier 
ii-  père  Hardouin  (1),  ni  celui  d'E-  qui,  au  sentiment  de  M.  Ménage  (10), 
tienne  de  Byzancc  ,  allégué  par  Guil-  ait  fait  mention  de  l'école  de  Béryte, 
laume  Grotins  (2),  ne  me  servent  est  Grégoire  Thaumaturge  (1 1)  ,  qui 
point  de  preuve-  car  je  n'ai  point  vivait  bous  Alexandre  Sévère.  L'ilis- 
trouvé  qu'Eusèbe,  ni  qu'Etienne  de  toire  ecclésiastique  d'Eusèbe  fait  men- 
Byzance  disent  cela.  Mes  preuves  sont  tion  d'un  pïune  martyr  ,  qui  souffrit 
celles  que  Scaliger  a  trouvées  dans  la  mort  sons  l'empire  de  Maximien  , 
les  Epigrammes  de  Jean  Barhucalles  et  qui  avait  fait  ses  études  à  Bër]  te 
sur  L'incendie  de  Béryte  ,  et  dans  le  (12).  Cette  école  était  alors  bien  ilo- 
XLI*-.  livre  des  Dionysiaques  de  Non-  rissante  (i3).  Elle  ne  l'était  pas  moins 
nus  (3)  ;  et  celles  que  M.  Ménage  a  lorsque  Zacharie  de  Mitylène  écrivit 
découvertes  dans  le  IIIe.  livre  des  mè-     contre  Ammonius  :   il   nomme  Béryte 


nies  Dionysiaques  (£)  ,  et  dans  une 
épigramme  de  l'Anthologie  (5)  où  Ber- 
trand (fi)  a  voulu  changer  ,   sans    rai- 

(1)  Nain  et  Berieam  appellalam  être  auctor 
est  Eusebiui  in  Chron.  Har.luin.,  in  Plin.  ,  lib. 
V ,  cap.  XX  ,  pag.  5-\. 

(a)  Guil  Grotius  ,  de  Vitis  jurisrons.  ,  lib. 
II,  cap.   VI ,  pag.   144. 

(3)  Scalig.  (  Auimadv.  in  ïïuseb.  ,  num.  1  -  1  ", 
pag.  i3o. 

'il    Meoaeiua,    Juris    Civil.   AmœnX ,    cap. 
XXIV,  pag.  i3j. 

(5)  Elle  en  au  litre  l'r.  du  livre  IV. 

(6)  Bertrand.  ,   de    >  iiis     Juriscousultorum  , 


pctiTifi*.    aœv  vop.o!v  ,   patentent    legwn. 

Il   tloiissait  au  \T'.   siècle.  Son  ti 

se  trouve  dans  le  onzième  tome  «le  la 

(7)  M.      Ménage    et   Guillaume     G  rôti  us  ,    /h 
rr'l'utent  dans  les  ouvrages  qu'on   rtenl  île  cuir. 

(8)  Jmlinian.,    l'rœf.  in   Digeslâ  de  Juris  do- 
cendi    Kalione. 

(j|)    ("■'■  .(-il-  lire  ,   Home  et   C«n<lanlinople. 

(10)  Menagii    Amœnit.  Juris,  pag.  i33. 

(11J    ïn  Oratione  Panegyricà  ad  Origenera. 
Ensebios  ,  de  Marivnb.  Palastinw,    cap. 
IV  .  pa 

fi3)  Voyez  Rerlrand  in  Vitis  Juri^cons. ,  yag. 
5,  qui  cite  L.  1.  C.  q'ii  art.  se  excus. 


36o  BERNARD. 

Bibliothèque  des  Pères,  de  l'édition  de  bus   coronatam.    Lgitur   hœc    quoque 

Paris    en  iC44-  metropolitanam    habeat    dignitalem  , 

(C)  Il  y  avait....  plus  de  pro-  Tyro  nihil  de  suo  jure  derogetur.  SU 

fesseurs ,    que  dans  chacune  des  deux  Ma  mater  pro\>inciœ  majorum  noslro- 

autres.  ]  Le  titre  de  Studiis  liberali-  rum  bénéficia  :  hœc  nostro.    L'empe- 

bus  Urbis  Romœ  et  Constantinnpoli-  reur  déclare  qu'il  ne  veut  diminuer 

tanœ ,   dans  le  Code  Théodosien  ,  et  en  nulle  manière  les  droits  de  la  nié- 

dans    celui    de    Justinien  ,    nous    ap-  tropole  de  Tyr  :  il  ne  prétendait  donc 

prend  qu'il  n'y  avait  que  deux  pro-  pas   que  l'èvèque   de   Béryte   donnât 

fesseurs  en  droit  à   Rome,  et  deux  à  atteinte  à   ces    droits-là.   Néanmoins 

Constantinople.  Or,  comme  Judinien  Eustathius  ,  poussé  d'ambition  ,  usur- 

adresse   à  huit  professeurs   en  juris-  pa  l'autorité  sur  plusieurs  églises  qui 

prudence  la  Constitution  de  Juris  do-  relevaient  de   la   métropole  de  Tyr. 

cendi  Ratinne,  il  faut  conclure  qu'il  y  On  en  fit  des    plaintes  an  concile  de 

en  avait   quatre  dans  l'école  de  Béry-  Chalcédoine  ,  qui  le  mit  à  la  raison  ; 

te.  Voyez  M.  Ménage  (i4)-  e*  Ie  privilège  que  Théodose  lui  avait 

(D)  Les    incendies  ,    les   inonda-  accordé  fut  comme  celui  que  Marcien 

lions, n'empêchèrent  pas   que  les  accorda    depuis  à   la  ville  de  Chalcé- 

écoles  de  droit   ne  s'y    rétablissent.  ]  doiue.    Chalcedonensem  cwitalem   in 

Je  vous  en  donnerai  pour  preuve  ces  quâ  sanctœ  fidei    concilium  gestum 

paroles  de  François  Baudouin.   liery-  est   metropolis  privilégia  habere  san- 

tum  Syriœ  urbem  fuisse  nutiicem  le-  cimus     nomine     tanlùm    ,    salva    vi- 

gum  Ro.  ail  noster  Just.  ut  et  matrem  delicet  Nicomediensium    civitali  pro- 

jurisprudentiœ  Eunapius  t'Ocat,  et  an-  pria  dignitate.  Consultez  le  père  No- 

le    utrumque    Nnnnus    multô    magis.  ris  (17). 

Quid  igitur  ?  Tempore  Constantii 
terras  motu  conduisant  fuisse  ait  Ce- 
drenus.  Sed  fuisse  restitutam  et  tem- 
pore Justiniani  noslrifloruisse  constat. 
Ciiin  verb  Justinianus  jam  Mi  suos 
juris  cirilis  libros  explicandos   tradi- 

disset ,  ecce  horribiliori  terrœ   motu  giècle.  Il  s'acquit    une  si  grande 

cum  auditortbus  et  doctoribus  absorp-  .  ,  ,        .      *              ,.,         °    ,  .    -. 

ta  est.  Tesns  est  Agathias.  Sed  idem  considération  ,      qu  il     semblait 

testis  est  eo  casu  mudmè  deterriium  que  toutes  les  affaires  de  1  église 

Justinianum  fuisse  qiiomuiiis  Mam  in-  reposassent  sur  ses  épaules  ,   et 

stauraret.  Ergb  rursùs  instauratam  es-  ,eg    roig  et  jes  prjnces  peus_ 

se.    auo    mnsis   semucr  exlarel  sedes  L          i     •   -               1»     1  ■.           >     •     1 

junsprudenttœ.   Mirum   verb,    ecce  sent  choisi  pour  1  arbitre  gênerai 

paulo  post   inundatione    et    incendio  de    leurs    differens    (A).     II    est 

iteriim  vaslalam  esse   lego.   Nam  id  certain  qu'il  avait  de  fort  gran— 

testatur  vêtus  liber  Grœcorum  Epi-  de§    qualjtés  ,    et   beaucoup     de 

esse-  T-                   '        ,                         x       ■  1 

zele  :   mais    quelques-uns   pre- 


(17)  Noris,  de  Antio  et  F.pochis  Syro  Macedo- 
num,  dissert.  IV ',  cap.  III  ,  pag.  4°°  ,  401  » 
edil.  Lips.  ,  ann.  itigt). 

BERNARD  (Saint)  ,   abbé    de 
Clairvaux  ,    florissait    au    XIIe 


giammatum  Necdum  tamen  cesse 
runt  talibus  tempeslalibus  qui  afflic- 
tœ  jurisprudentiœ  opem  ferre  debue- 
runt  (i5). 

(E)  La  dignité  métropolitaine 

de  son  évêque  ne  fut  que  titulaire.  ] 
Théodose-le-Jeune  ,  surpris  par  Eus- 
tathius ,   évêque    de    Béryte  ,    lui  ex- 


lendent  que  ce  zèle  lui  don- 
nait un  peu  trop  de  jalousie 
envers  ceux  qui  s'acquéraient  un 
grand  nom  par  l'étude  des  scien- 
ces humaines  ;  et  ils  ajoutent  que 


pedia  ce  décret  (i6j  :  l'ropter  multas  son  naturel  doux  et  facile  le  ren- 

justasque  causas  metrapolitànp  nomine  jaJl  un  trop  cn5dule  ,  quand 

et  dignitate  civilatem  Bcrylum  decer-  •       •.    jp  '         ^ 1^  mn\  „„rt 

0  j  J  •  *  *■  il  s  agissait  d  écouter  le  mal  que 

minus  exornandam,  jam  suis  virluti-  nadgroan  »>-^  1 

l'on  disait  de   ces  savans-la.    JJs 

(i4)  Menagii  Amœnit.  Juris ,  paS- 133.  croient  que  par  ces  principes  il  se 

(i5)  Franciscus  Balduinu;.  ad    L.   si  Pact.   C.  T-         A  .        *  * 

de  pan  ,  suhjin.  laissa    trop    préoccuper    contre 

cJde  tf/iS  &?xh°n*ième  ^  dU  Abélard  (B).  H  est  difficile  de  s> 


BERNARD.  36 1 
maginer  qu'il  ne  se  soit  pas  mêlé  traordinaires  de  la  prophétie.  Il 
beaucoup  de  passions  humaines  grossit  par  ce  moyen  les  troupes 
dans  les  mouvemens  perpétuels  de  la  croisade  plus  que  l'on  ne 
qu'il  se  donnait  pour  l'aire  acca-  saurait  dire;  mais  toutes  les  belles 
bler  d'anathèmes  tous  ceux  qui  promesses  dont  il  les  avait  re- 
lui paraissaient  hétérodoxes.  Mais  pus  s'en  allèrent  en  fumée  :  et 
il  est  fort  facile  de  comprendre  lorsqu'on  voulut  se  plaindre 
que  sa  bonne  réputation  ,  et  qu'il  avait  mené  à  la  boucherie 
l'ardeur  avec  laquelle  il  sollicitait  sans  sortir  de  son  pays  une  infi- 
la condamnation  de  ses  adversai-  nité  de  chrétiens  ,  il  en  fut  quitte 
res ,  surprenaient  les  juges,  et  pour  dire  que  les  péchés  des 
faisaient  succomber  sous  le  poids  croisés  avaient  empêché  l'effet  de 
des  préjugés  et  des  procédures  ses  prophéties  (F).  Il  n'y  a  point 
peu  régulières  les  personnes  d'imposteur  qui  ne  se  puisse  ca- 
accusées.  Quoiqu'il  en  soit,  il  cher  derrière  ce  retranchement, 
vérifia  l'interprétation  du  songe  Saint  Bernard  a  été  canonisé  : 
qu'avait  fait  sa  mère.  Elle  son-  c'est  un  des  grands  saints  de  la 
gea  ,  lorsqu'elle  était  grosse  de  communion  romaine  ;  et  l'on  pré- 
lui  ,  qu'elle  accoucherait  d'un  tend  qu'il  a  fait  une  infinité  de 
chien  blanc,  dont  l'aboi  serait  miracles,  soit  pendant  sa  vie, 
fort  sonore  (C).  Etonnée  de  ce  soit  après  sa  mort.  Notez  qu'il  se 
songe,  elle  consulta  un  bon  re-  mit  une  fois  dans  l'eau  jusqu'au 
ligieux,  qui  lui  dit,  ayez  bon  cou  pour  se  délivrer  de  la  tenta- 
courage  ,  vous  aurez  un  Jils  qui  tion  oii  la  vue  d'une  femme  l'avait 
gardera  la  maison  de  Dieu  ,  induit  (b).  La  meilleure  édition 
et  qui  aboiera  bien  contre  les  que  nous  ayons  de  ses  œuvres  est 
ennemis  de  lafoi  (D).  Saint  Ber-  celle  de  1690  :  c'est  la  seconde 
nard  fit  plus  que  ne  portait  la  que  le  savant  père  Mabillon  a 
prédiction  ;  car  il  aboya  quelque-  eu  soin  de  procurer.  Les  jour- 
lois  contre  des  ennemis  chimé-  nalistes  de  Leipsick  en  ont  parlé 
riques  ,  contre  des  erreurs  qui  fort  exactement  (c).  Elle  est  ac- 
hetaient ou  que  pures  bagatelles,  compagnée  de  plusieurs  doctes 
ou  qu'une  interprétation  inique  préfaces  :  il  y  en  a  une  oii  l'on 
desparoles  et  des  pensées  d'autrui  reconnaît  que  saint  Bernard  a 
(a)  :  et  soit  qu'il  eût  raison  ,  soit  enseigné  que  l'àme  des  bienheu- 
qu'il  eût  tort  ,  il  savait  admira-  reux  est  reçue  au  ciel ,  et  dans 
blement  donner  l'alarme  ,  et  la  société  des  anges  ,  dès  qu'elle 
faire  retentir  le  tonnerre  de  ses  est  séparée  du  corps  ;  mais  qu'elle 
triomphes  (E).  îl  fut  plus  heureux  jouit  seulement  de  la  vue  de  l'hu- 
à  exterminer  les  hétérodoxes  ,  inanité  de  Jésus-Christ ,  et  non 
qu'à  ruiner  les  infidèles  ;  et  ce-  de  la  vue  de  Dieu, 
pendant  il  attaqua  ces  derniers  ,  {o)  Viu  Bem.,  lib.  /,  cap.  m,  apud 
non-seulement    avec  les    armes  kyserum ,  tract,  de  Polygam.,  pag.  i3o. 

«-(î-rli'vioi'i.oc     A,.     ,.~          À\    _  (r)  I"    Xict-  XI    Supplenicnlorum  ,    loin. 

oicunanes   de    son    éloquence  ,  rtpag.  556. 

mais   aussi   avec  les  armes    ex-  ',.»  „  , 

(Aj  //  s  acquit  une  si  grande  consi- 

(aï  Voyez  la  remarque  (I),    de  l'article    Aération,    qu'il  semblait   que tes 

Bérenger.  princes  l'eussent  choisi  pour  Carbilre 


362 


BERNARD. 


de  leurs  àifférens.  ]  Il  ne  sera  pas 
hors  de  propos  d'écouter  là  -  dessus 
François  d'Amboise  :  voici  de  quelle 
manière  il  s'exprime.  Plus  favoris  in 
humilUate  adeptus  quant  Salomon  in 
ornai  glorid  sud,  ita  otnnes  in  sut  ad- 
mirationem....  adfamamsui  nominis, 
ad  sut  amorem  et  observantiam  rapuit, 
ut  ad  eum  totius  orbis  vota  concur- 
rerent ,  ut  ab  ejus  monitis  et  exem- 
plis  iota  res  monastica  et  ecclesiastica 
pendere  visa  sit ,  ut  ab  ejus  oraculis 
prœsules  ,  principes  ,  populi ,  consi- 
liurn  expeterent ,  eumque  induciarum 
ac  pacis  arbitrum  agnoscerent ,  et  se 
ejus  orationibus  omnes  ordines  cupi- 
verint  esse  commendalos  (i). 

(B)  Son  zèle  lui  donnait  de  la  ja- 
lousie , et  son  naturel  doux  le  ren- 
dait trop  crédule, à  l'égard  des 

savons ,  et  particulièrement  d'Abé- 
lard.  ]  J'ai  cité  un  long  passage  de 
François  d'Amboise  ,  dans  la  remar- 
que précédente  :  en  voici  un  encore 
plus  long.  Pace  igitur  sancti  abbatis 
liceat  dicere  quoddeeo  ausus  est  An- 
nalibus  mandare  ejus  discipulus  Cla- 
rœvallensis  quondam  monachus  ,  de- 
mùm  abbas  Morimontanus  Otho  epis- 
copus  Frisingensis  ,  Leopoldi  PU 
Marchionis  Austriœ  Jilius  ,  Frederi- 
ci  I  JEnobarbi ,  cujus  vilam  scripsil, 
patruus  ,  qui  quamvis  abbatem  suum 
in  magnd  habuerit  vencratione,  tamen 
scribit  eum  ex  religionis  chrislianœ 
fervore  zelotypum ,  et  ex  habitudinali 
(  sic  enim  loquitur  )  mansuetudine 
quodammodo  credulum  ,  ut  magistros 
qui  humanis  rationibus  et  sœculari 
sapientiœ  confidenter  nimiùm  inhœre- 
bant  abhorreret  ,  et  de  talibus  sinis- 
trum  quid  recitanti  facile  aurem  prœ- 
beret  juxta  illud  Festi  ,  va.  toKKÀ 
ypu.//./j.a,Ta.  iiç  //stvistv  irtfiTftTru.  \)uo 
Jieri  poluit  ut  sibi  in  animum  in- 
duxerit  quœdam.  esse  dicta  aut  scrip- 
ta  ab  Abœlardo  ,  quœ  non  essent,  aut 
quœ  in  pejorem  parlent  accipi  non  de- 
berent  (i). 

(G)  Sa  mère,...  grosse  de  lui,  son- 
gea quelle  accoucherait  d'un  chien 
blanc,  dont  l'aboi  serait  fort  sonore-~\ 
Elle  s'appelait  Aletiie  :  son  mari , 
père  de  sainl  Bernard,  portait  le  nom 
de  Tesselin.  Chm  mater  Aletha  uxor 

(i)  Franciscus  Ambnesim,  Pirefalione  Apo- 
Ingelicà  pro  Pelro  Abailardo,  prie/ixd  Opeiibus 
Ab.elardi. 

(t)   Idem  ,  ibid. 


Tesselini  in  utero  gestaret ,  somnin 
vidit  prœsagium  futuri  partûs  ,  catel- 
lum  scilicet  se  parituratn  totum  can- 
didum ,  in  dorso  subrufum  et  clarè 
latranlem  (3). 

(D)  ...  Un  bon  religieux  lui  dit... 
quelle  aurait  un  fils...  qui  aboierait 
bien  contre  les  ennemis  de  la  foi.  ] 
Continuons  à  citer  François  d'Am- 
boise. Cui  (Alethœ)  de  illo  terricula- 
menlo  anxiœ  et  sciscitanti  respondit 
religiosus  quidam  vaticinii  spiramine 
afflatus  :  «  Optimi  catuli  mater  eris , 
»  qui  ,  domûs  Dei  cuslos  futurus  , 
»  validos  pro  ed  contra  inimicos  fidei 
»  editurus  est  latratus  (4).  »H  ne  des- 
cend point  à  l'explication  particulière 
du  blanc  et  du  roux,  comme  font 
d'autres,  qui  disent  que  la  blancheur  de 
ce  chien  signifiait  que  saint  Bernard 
serait  doux  et  débonnaire  envers  les 
amis  de  la  maison,  c'est-à-dire  envers 
les  personnes  pieuses  ;  et  que  la  rous- 
seur du  dos  signifiait  qu'il  serait  sau- 
vage et  farouche  envers  les  impies  et 
les  étrangers,  et  qu'il  japerait  éter- 
nellement après  eux  (5)  :  car  c'est  le 
propre  d'un  bon  chien  de  caresser  les 
amis  et  les  domestiques  de  son  maître, 
et  de  s'élever  fièrement  contre  l'étran- 
ger ,  par  des  abois  continuels,  et 
même  par  des  morsures.  In  peregrinos 
férus  et  atrox  eos  caudd  erectd  con- 
tinuis  lalratibus  ,  imo  morsibus  inter- 
dum  insectetur  (6).  François  d'Am- 
boise, laissant  là  cette  distinction  des 
deux  couleurs,  observe  que  saint  Ber- 
nard confirma  la  prophétie,  et  n'é- 
pargna qui  que  ce  soit.  Firmavit  va- 
tidinium  eventus  ,  nec  enim  ulli  peper- 
cit  (7).  Il  s'éleva  contre  Abélard  , 
contre  Arnaud  de  Bresse  ,  contre 
Pierre  de  Bruys  ,  contre  Gilbert  Por- 
retan,  etc.  En  un  mot,  ce  n'est  point 
atteindre  à  son  mérite,  que  de  rappe- 
ler simplement  chien  de  meute,  chien 
au  grand  collier  :  il  faut,  en  un  cer- 
tain sens ,  le  comparer  à  Nimrod  ,  al 
dire  qu'il  était  un  grand  veneur  de- 
vant l'Eternel  (8J. 

[V  Idem,  ibid.,  ex  Wlllilmo  ,  Vilœ  Bernardi 
lib.  I. 

(4)  Ibidem  ,   ex    eodem. 

(5i   Voyez  PbilippusCa-sius  à  Zcsen,  in  Cœlo 
AstrononîicoPoelico  ,  pig.    î5S. 
(G)  Idem  ,  ibid. 

(7)  Fr.  Ambocsius,  j'/iPraîf.  Apologet .  ad  Abâ- 
tardi Opéra. 

(8)  Voyez  Genèse  ,  cliap.  X,  vs.  9. 


BERNARD. 


363 


Qu'il  me  soit  permis  fie  faire   une 
digression  sur  le  songe  de  la  mère  de 
saint  Bernard.  La  pensée  de  celui  qui 
l'expliqua    fut     heureuse  ;     car    entin 
quel  meilleur  symbole  de  la  vigilance 
peut-on  trouver  que  le  chien  ?  Quelle 
image  plus  heureuse  des  combats  li- 
vrés à  l'erreur  ,  tant  de  vive  voix  que 
par  e'erit ,    que  l'aboi  d'un  chien  ?  il 
faudrait  seulement  prendre  bien  garde 
de  ne  pousser  pas  trop   loin  la   com- 
paraison ,    vu  Qu'il  ne    se  trouve  que 
trop    de    gens  dans   tous  les  pays   et 
dans  tous  les  siècles  qui ,  pour  éviter 
le  blilme  de  chiens  muets  ,    aboient  à 
propos  et  hors  de  propos ,  et  mordent 
et  déchirent  tout  ce  qui  ne   leur  plaît 
pas.    Les  chiens    qu'on    entretenait  à 
Kome  pour  la  garde  du  Capitole  étaient 
destinés  à  faire  du  bruit  en   cas  qu'il 
vînt  des  voleurs  :  à  cause  de  cela  ,  ou 
ne  trouvait  pas  étrange  qu'ils  aboyas- 
sent   pendant   la    nuit  ,    qui   (pie   ce 
fût  qu'ils  entendissent;  car  c'est  une 
heure  indue  ,    qui  autorise-  les  soup- 
çons, et  qui  empêche  le  discernement. 
On  les  laissait  donc  aboyer,  soit  que 
ceux  qu'ils   entendaient  venir  fussent 
gens  de  bien  ,  soit  que   ce  fussent  des 
voleurs  ;   mais  si  en  plein  jour    ces 
chieus  eussent,  aboyé  contre  les  per- 
sonnes   qui  venaient  au  temple  pour 
faire   leurs    dévotions ,    on    leur   eût 
rompu   les    jambes.   J'emprunte    ceci 
d'un  ancien  Romain  :  il  est  aisé  d'en 
faire  l'application.  Anseribus  cibaria 
publiée  locantur  ,    et  canes  aluntur  in 
Capitolio ,  ul  significent  si  fures  ve- 
nerint.  Al  Jures  inlernoscere  non  pos- 
sunt ,  signifîcant  tamen,  si  qui  noctu 
in  Capitolium  venerinl  :  et  quia  id  est 
suspiciosum ,  lametsi  besliœ  sunt  ,  t<i- 
men  in  eam  partent  potih*  peccant  quœ 
est  cautior.  Quotl  si  Luce  quoque  canes 
lalrenl    quimi  Deos   salutnlum  atiqui 
venerint ,  opinor  Us  crura  suffHngan- 
tur ,  quôd  acres  sint  eliam  tum  quian 
suspicio  nulla  sil  (9).  Le  public,  vous 
entretient  pour  la  garde  de  la  vérité  : 
faites  donc  du  bruit  contre  tout   ve- 
nant ,  si  vous  êtes  assez  ingénu   pour 
vous  comparer    à  un    chien  (pu  dans 
les  ténèbres  de  la  nuit  ne  peut  discer- 
ner  personne.    Si  vous  êtes   dans  les 
ténèbres  ,  ou  à  cause  de  votre  incapa- 
cité ,  ou  à  cause  que  les  passions  vous 
offusquent   le  jugement,    et   si  vous 
avez   la    bonne  foi  de  reconnaître  la 
(g)  Cicero ,  pro  Roscio  Amcrino  ,  cap.  XX. 


nuit  qui  vous  environne ,  on  doit  \  ou  ■ 
faire  grâce   et  vous  excuser  :    mais  si 
vous  prétendez  à  la  qualité  d'un  grand 
docteur,  qui  n'agit  (pie  pour  la  gloire 
de   Dieu,  sans  aucun    motif  de   ven- 
geance personnelle,  et  que  néanmoins 
vous   enveloppiez  une  infinité  d'hon- 
nêtes gens  dans   vos   délations,    dans 
vos  libelles  ,  dans  vos  dénonciations  , 
vous  méritez  d'être  puni   :    \ous   êtes 
indigne  de  votre  poste  :  vous  (Mes  un 
chien  qui  se  rue  indifféremment   sur 
les  amis  et  sur  les  ennemis  de  la  mai- 
son ;  ce  qui  ne  peut  causer  que  mille 
désordres.    Vous  êtes  de  ces   do 
d'Angleterre  ,  dont  le   jésuite  Maim- 
bourg  ht  une   fois   l'une  des   quatre 
parties  de  son  sermon  (10).   On  a  vu 
en  Hollande ,  depuis  peu  d'années  ,  je 
ne  sais  combien  d'imprimés  farcis  de 
g.missemens  ,  et  d'extraits  de  lettres 
plaintives,  comme  si  une  très-consi- 
dérable partie  des  ministres  réfugiés 
avaient   conspiré    d'établir    les    plus 
abominables  erreurs,    partout  où  ils 
étaient  dispersés  (11).  Il  s'est  trouve  , 
qu'au  bout  du  compte,  ou  n'a  su  dé- 
couvrir un    seul    coupable ,    quelque 
peine   qu'on   se  soit  donnée.  De   tels 
chiens  destitués  de  discernement  de- 
vraient-ils demeurer  impunis  ? 

(E)  //  savait  admirablement  donner 
r  alarme  ,  et  faire  retentir  le  tonnerre 
de  ses  triomphes.]  Je  ne  fais  que  suivre 
pied  à  pied  le  sieur  d'Aïuboise,  auteur 
très-bon  catholique*.  11  remarque  (pie 
les  lettres,  écrites  par  saint  liernard 
aux  prélats  de  Kome  et  au  pape, 
étaient  les  plus  propres  du  monde  à 
les  prévenir,  et  à  les  irriter  contre 
Abélard  :  elles  ne  parlaient  que  de 
sacrilèges,  que  de  lions,  (pie  de  dra- 
gons. Legile  si  placet  F.ibrum  queni 
dicit  Theologire,  legile  et  alium  quem 
dicunt  Sententi.11  um  ejus,   neenon  et 

(10  Voyez  la  préface  de  la  Défense  de  la 
Ira  ludion   de   Mous ,  édition    de   Cologne,    en 

Î668. 

(11)  .1/.  l'e'vénue  de  Mcaux  en  a  lire'  de  grands 
avantages  dans  ses  Avcrlissemens.  Votez  /'His- 
toire des  Ouvrages  des  ^avans,  mois  de  mai 
1'  ■!•  ,  pag.  4°0  et  suiv. 

*  Jolv  reproche  à  Bayle  d'avoir  suivi  d'Am- 
boise  ,  éditeur  d'Abélard  ,  de  préférence  .■  M-i- 
billon  ,  c.lilrur  de  saint  Bernard.  Il  renvoie,  ou 
reste,  aux  Mémoires  de  Tr/lfOUX ,  mars  et  août 
i-3n,  qui  contiennent  l'Apologie  de  saint  Ber- 
nard ,  et  dit  que  dans  la  Bihliotheca  manuscrip- 
torum  nova  de  Bfontfaneon,  ptg.  1  si  .  on 
trouve  une  longue  et  curieuse  Icare  de  saint 
Bernard  en  français  et  eu  laén  qui  n'ai  ait  pas 
encore  c:c  impri 


364 


BÉROALDE. 


a 

<M1 


illum  qui  iVwcrièiWScito  teipsum,  et  natif  de  Paris  ¥  ,   enseignait   1 

animaduertite  quantœ  ibi   sibescant  j  hébraïque  à  Orléans  ,  ei 

segeles   sacrileçiorum  et  errorum...         tP  ~1  t.      î     n      1    • 

Leonem  evasimus ,    sed  incidimus  in  l5bp-    C'eux  de    Ja    Rochelle    lui 

J)raconem  (12).  Il  ne  se  contenta  pas  offrirent  de  l'emploi    dans  leur 


décrire  en  son  nom,  il  dicta  des  Jet 
très  à  l'archevêque  de  Reims  et  à  trois 
de  ses  suffi'agans ,  par  lesquelles  ils 
"demandaient  les  foudres  de  la  cour  de 
Rome  :  et  quand  ils  eurent  obtenu  la 
condamnation  des  propositions  qu'ils 
avaient  fournies  au  pape,  ils  firent 
sonner  cela  comme  un  plein  triomphe, 
quoiqu'au  fond  le  pape  n'eût  rien 
prononce'  contre  la  personne  d'Abé- 
lard.  Leurs  fanfares  et  leurs  vacarmes 
empêchèrent  que  la  cause  de  l'accusé 
n'eût  audience  nulle  part.  Ils  préoc- 
cupèrent les  esprits  partout.  Ce  sont 
les  artifices  ordinaires  des  cabalistes  : 
je  ne  dis  pas  que  d'autres  ne  s'en 
soient  jamais  servis,  sit  accusatores 
potenlissimi  tanquam  albis  equis  trium- 
fantes  lœtum  pœana  canlcirunt ,  vic- 
toriamque  suam  toto  orbe  dissemind- 
runt  ;  ila  ut  miser  Me  inauditus  apud 
probos  quamplurimos  malè  audirel ,  et 
ejus  exemplaria  quœ  Gallium  Ita- 
liamque  splendare  colluslrdrant ,  tan- 
quam horrendi  criminis  cm  mina  i>el 
voracibus  rogis  cremanda  traderentur, 
vel  in  situ  ,  squalore,  et  cinere  velerum 
bibliothecarum  latitanlia  putrescerent 
(i3). 

(F)  Lorsqu'on  lui  reprocha  le  mau- 
vais succès  de  sa  croisade,  il  en  fut 
quille  pour  dire  que  les  péchas  des 
croisés  avaient  empêché   l'zffel  de  ses 


collège,  l'an  i5ji  (a).  Je  crois 
qu'il  ne  l'accepta  point.  Il  était 
dans  Sancerre ,  lorsque  le  maré- 
chal de  la  Châtre  l'assiégea  peu 
après  la  Saint-Barthélemi  (b); 
et  il  rendit  de  grands  services 
auxhabitans  ,  par  ses  bons  et  cou- 
rageux conseils  (B).  Au  sortir  de 
Sancerre ,  il  se  retira  à  Sedan , 
et  y  fit  des  leçons  sur  l'histoire. 
Tout  le  monde  ne  fut  point  édi- 
fié de  la  manière  dont  on  pré- 
tend qu'il  parla  de  François  Ier. 
dans  ses  leçons  [G).  Je  ne  sais  pas 
bien  en  quel  temps  il  fut  minis- 
tre de  Genève  (Dj  ;  mais  on  ne 
peut  douter  qu'il  ne  l'ait  été  : 
et  puisqu'il  y  enseignait  la  phi- 
losophie l'an  1576  (c) ,  on  peut 
croire  qu'il  y  exerçait  alors  le 
ministère.  Il  publia  un  livre  de 
chronologie,  l'an  1  5^5  ,  où  il  y 
a  sans  doute  beaucoup  de  savoir, 
mais  au  fond  très-peu  de  solidi- 
té. A  force  de  vouloir  faire  hon- 
neur à  l'Écriture,  il  s'embarrasse 


mettre  à  couvert  sous  l'autorité  in- 
violable d'un  si  grand  nom  ,  c'est 
parce  qu'il  prétendait  que  les  mem- 
bres de  la  croisade  ne  s'étaient  pas 
moins  souillés  de  crimes  ,  que  les  en- 
fans  d'Israël;  et  qu'ainsi  les  uns  et  les 
autres  avaient  détourné  l'effet  des 
promesses.  Voyez  ce  qu'a  pensé  là- 
dessus  un  philosophe  moderne  (i5). 

(12)  Amboesius,  in  Pnefalione  Apolog.  ad 
Opéra  Abâtardi. 

(i3)  Idem  ,  ibidem. 

(i4)  Lisez  /'Histoire  des  Croisades,  parle 
père  Maimbourg  ,  tiv.  If,  P"S-  3g  el  suif,  du 
IIe.  tome  ,  édition  de  Hollande. 

(ij)  L'auteur  des  Pensées  diverses  sur  les 
comètes,  pag    779,  780. 

BÉROALDE   (Matthieu  (A)), 


la  doctrine  des  temps,  que  les 
écrits  inspirés  de  Dieu  (E).  Sca— 
ligera  montré  clairement  la  nul- 
lité de  celte  hypothèse  ;  mais  il 
s'est  trop  emporté  contre  l'au- 
teur. M.  Moréri  s'avance  trop, 
quand  il  assure  ,  qu'outre  la 
chronologie  latine  on  vit  divers 

*  La  lYTounoie  ,  dans  ses  notes  sur  La  Croix, 
du  Maine  ,  dit  que  Be'roalde  était  né  à 
Saint-Denis  près  Paris,  d'où  lui  est  venu  le 
nomMe  Dyonisianus. 

ya)  Colonnes.,  (rallia   oriental.  ,  pag.    l{5. 

{/))    Voyez   l'Histoire  de  Sancerre ,  pag. 

199- 

(c)  Voyez  la  remarque  (D). 


ewrages  de  la  façon  de  Béroal- 
de,  et  qu'il  mourut  vers  Van 
i5;5  ou  76.  La  Croix  du  Maine, 
qu'il  cite  ,  ne  lui  a  point  donné 
droit  d'assurer  cela  ;  mais  seule- 
ment que  Béroalde  n'était  plus  en 
vie  l'an  1 584,  et  qu'apparem- 
ment ses  autres  compositions  se- 
raient publiées  par  les  soins  du 
sieur  de  Verville  son  fils. 

(A)  //  s'appelait  Matthieu.]  Théo- 
phile Raynàud  lui  donne  mal  le  nom 
de  Michel  (1).  Je  trouve  que  Thoma- 
sius  doute  si  c'est  une  faute  (a)  :  il 
n'en  devait  pas  douter. 

(B)  Il  rendit  de  grands  services  aux 
habitons  de  Sancerre  ,  par  ses  bons  et 
courageux  conseils.  ]  D'Aubin-né  le 
remarque  en  deux  endroits.  Les  San- 
cerrois,  dit-il  (3) ,  composèrent  aussi 
un  conseil ,  où  surtout  ils  se  trouvè- 
rent très-bien  de  Béroalde,  autrefois 
lecteur  en  hébreu  à  Orléans.  Celui-là 
acaonipagna  de  courage  ses  conseils... 
Les  assiégés  fort  étonnés  de  ces  nou- 
velles eurent  besoin  de  leurs  pasteurs 
pour  les  soutenir  ;  mais  surtout  des 
sages  et  courageux  avis  de  Béroalde , 
selon  lesquels  ils  résolurent  en  leurs 
conseils  de  soutenir  toute  infirmité  ,  et 
que  ceux  qui  n'y  consentiraient  se- 
raient jetés  par-dessus  les  murailles 

(4)- 

(C)  Qp  ne  fut  point  édifié  de  la 
manière  dont  on  prétend  qu'il  parla 
de  François  /»"".  dans  ses  leçons.  ]  l'a 
ministre  ,  qui  était  alors  à  Sedan ,  et 
qui  depuis  abjura  sa  religion,  a  fait 
imprimer  ce  que  l'on  va  lire.  «  11  est 
»  à  notter  que  Matthieu  Béroald  , 
»  homme  docte  entre  eux  ,  et  de  leurs 
»  professeurs,  sorty  de  Saoxerre,  et 
»  retire'  à  Sedan,  fut  prié  par  le  pré- 
»  sident  la  Louètte  et  quelques  autres, 
»  défaire  quelques  leçons  :  ce  qu'il  fit 
»  au  lieu  même  où  on  presche  .  el 
»  exposa  une  chronologie  qu'il  disoit 
»  avoir  faicte.  Or  ,  venu  au  roV  Fran- 
»  cois  premier  de  ce  nom.  prince  de 
»  très  -  heureuse  et    louable  mémoi- 

(■)  Theoph.  Raynaud.,  De  malii  je  bonis  Li- 
bris,  pag.   1C6,  et  ,„  Theol.  \at.  ,  /. 

(2)    rtjomasiiis,  de  PIa«io  literar.  ,  pag.    i8ci. 

(3j  To,n  II,  i,V.  /,  chap.  IX,  pag  5-8  '„ 
lann.  i5-2. 

■ncme,  chap.  XII ,  pag.  5(}Ç) ,  600. 


BÉROALDE. 


365 


»  re,  et  lequel  à  bon  droict  nous  de- 
»  vons  nommer  père  des   lettres ,  et 
»  restaurateur  des  bonnes  sciences  en 
»  ce  royaume  de  France j  bien  qu'on 
»  ne    sçauroit   assez    priser  ,    duquel 
>'  puis  après   s'est   sentie   toute  l'Eu- 
»  rope  :  estant,  dis-je ,  venu  au  règne 
»  de  ce  grand  et  tant  vertueux  prince, 
»  et  il  parla  de  luy  et  de  sa  très-illustre 
»'  très-ebrestienne  postérité  tant  impu- 
»  demment,et  avec  telle  irrévérence, 
»  que   je    ne   sçache    cœur   respirant 
»  lair  de  la  France  ,  qui   ne  s'en  fust 
»  scandalizé.  Le  président,  lt  baillif 
»  et  autres  justiciers,  et  tous  les  mi- 
»  nistres    résidentz    lors     à    Sedan 
»  étoient  présens  :  que  s'ils  eussent  eu 
»  le  cœur  tant  soit  peu  chrestien    et 
»  françois  ,  et  non   ingrat    du    bien 
»  receu  par  le  moyen  des  lettres,  que 
»  ce  bon  prince  a  fait   revivre,   il  est 
»  certain  qu'ils  s'en  fussent  formalisés 
»  autant  que  moy  ,    et   n'eussent  tol- 
»  1ère  un  tel  homme.   Pour  le  moins  , 
»  le   président  et   antres  qui  avoient 
»  authorité  en  la  ville  en  eussent  ad- 
»  verty  le  seigneur   du  lieu  ,  lequel , 
»  (selon   qu'il   estoit     affectionné   au 
»  bien   de   cette  couronne    et  service 
»  du  roy ,  )  l'eust ,  je  m'asseure ,  clias- 
»  tié  selon  sou  mérite.  Mais  cela   fut 
»  couvert.  J'en  parlay  moy-mème  au 
»  président; luy  remontrant  quelques 
»  autres  fautes,  queledil  Beroaldavoit 
»  faictes  en   chronologie,  et   l'exhor» 
u  lay  par  l'obeyssance   que  nous  de- 
»  vons  tous   à  nos   princes,    et   pour 
»  l'honneur  de  nostre  nation  ,  et  pour 
»  leur  seureté  même,   d'en    taire  son 
»  devoir  :    lequel   me  répondit    assez 
»  froidement,  qu'il  eust   bien   voulu 
»  que   cela  n'eust  point   esté  dit  ,    et 
»  que  c'estoit  à  la  vérité  une  impru- 
»  dence.  Cependant  il  fit  son  rapport 
»  de  ma   remontrance  :  qui  fut  cause 
:>  d'asprir     davantage     leur    aigreur 
»  contre  moy,  sans  toutes  fois  en  rien 
»  manifester    en    apparence ,     sinon 
)>  quelques  œillades  de  travers;  mats 
»  ils    cherchoient   occasion  (5).   ■»   Je 
consens  qui'   l'on   tienne  ce  discours 
pour  suspect  de  fausseté  autant  qu'on 
voudra  ;  et  s'il  est  faux  ,    tant  mieni 
pour  ce  dictionnaire,  qui  doit  princi- 
palement contenir  les  mensonges  des 

(5)  Défense    de    Malihien     de     I.aunor       .| 
d'Henri    Pennelier  ,    naguère     ministres  ,' èlc. 
pag.  'il.    Ce  litre  fut   nnpnme    à    Paris ,  L'a' 


W: 


BÉROALDE. 


autres  livres  *.Ce  qui  soit  dit  à  l'égard  fait  mention.  Scaliger  traite  de  fana- 

de  cent  sortes  de  passages  qu'on  pour-  tique  et  de  prophétique  (en  prenant 

ra  citer.  ce  dernier  mot  dans  un  sens  odieux,) 

(D)Je  ne  sais  pas  bien  en  que!  temps  cette  manière  d'expliquer  tes   temps; 

il  fut  ministre  de  Genève.  ]  Théodore  et  il  soutient  que  ,  si  les  auteurs  pro- 

de  Bèze  ne  le  marque  pas  :  il  se  con-  fanes   n'eussent  point  fourni   de  lu- 


mières ,  on  n'eût  jamais  pu  débrouil- 
ler la  chronologie  de  l'Ecriture.  Ac- 
tum  de.  chronologie  sacra  absque  exo- 
tiris  monumends foret  (i  i).  11  appelle 
Pareiis  tlierophantam  Bsroaldinum. 

(il)  Scaliger ,  in  Elencho  chronol.  Prophétie», 
pag.  5  ,  apud  Vossium  ,  ibid. 

BÉROALDE  (François)  ,  sieur 
de  Verville ,  fils  du  précédent  , 
naquit  à  Paris  (A)  le  28  d'avril 
i558  («).  11  avait  de  l'érudition 


tente  de  donner  à  Béroalde  la  qualité 
d>ï  son  collègue  en  l'Eglise  ;  ce  qui 
emporte,  comme  le  remarque  très- 
hien  M.  Colomiés  (6)  ,  que  Béroalde  a 
exercé  le  ministère  à  Genève.  11  y  a 
enseigné  aussi  la  philosophie,  com- 
me l'observe  le  même  M.  Colomiés 
(7) ,  et  comme  on  le  peut  prouver  par 
l'épi"  tre  dédicatoire  que  Lambert  Da- 
neau  a  mise  au-devant  du  Traité  «les 
Hérésie/  :  elle  marque  ,  qu'en  1576  , 
Matthieu  Béroalde  enseignait  la  phi- 
losophie à  Genève.  Voici  les  propres 
termes  de  Théodore  de  Bèze.  Aliam 
isitur  rurshs  rationem  iniit  v'vr  beutœ    et  du  génie  ;  mais  il  ne  choisit  pas 


memotiœ,  et  meus  sttpcriortbus  anms 
in  hdc  ecclesid  collega ,  Beroaldus  (8). 
Je  crois  que  Béroalde  alla  professer  à 
Genève,  après  avoir  été  à  Sedan.  Il 
lisait   avec  grand   applaudissement  , 


des  matières  qui  fussent  propres 
à  perfectionner  ses  dons  naturels. 
Il  s'amusa  à  traduire  le  Songe  de 
Polyphile  (b)  *'  ,  et  puis  à  faire 


dit  Scaliger  (9) ,  et  était  admire  à  Se-    un  ouvrage  de  pareille  trempe*2: 


dan ,  et  a  Genève  ,    où  il  y  avait  de 
grands  personnages. 

(E)  Il  ne  veut  d'autre  guide  dans  la 
doctrine  des  temps  ,  que  les  écrits  in- 
spirés de  Dieu.  ]  En  conséquence  de 
cette  maxime,  il  a  effacé  du  Catalogue 
des  rois  de  Perse,  Cambyse, et  Darius 
lits  d'Hystaspe;  «  car,  dit-il  (10),  ces 
»  noms-là  ne  paraissent  nulle  part 
»  dans  l'Écriture  »  ;  quœ  nomina  , 
quia  nunquam  exslanl  in  Scripturd,  à 
nobis  sunt  prœlermissa.  Vossius  pré- 
tend qu'il  se  trompe  quant  au  fait  ;  et 
que  s'il  avait  raison  à  cet  égard  ,  il  ne 
laisserait  pas  d'être  très-blâmable  de 
nier  l'existence  de  ces  rois  ,  sous  pré- 
texte que  l'Écriture  n'en  aurait  point 

*  Leclerc,  dans  sa  Lettre  critique,  pas-  121  , 
relève  cette  phrase  de  Bavle  et  y  oppose  ce  que 
Bayle  lui-même  du  dans  la  remarque  (F)  de 
l'article  Goulu,  ton»  VII.  Joly  ,  suivant  son 
usa^e  ,  copie  ici  Leclerc  sans  le  citer;  mais  il 
renvoie  en  outre  au  tome  XXXIV  des  Me'moires 
Je  Niceron  et  au  Me'nagiana  (  Dissertation  mi- 
le livre  intitule'  :  le  Moyen  de  parvenir)  ou  il  e*t 
en  effet  question  de  Béroalde. 

(6>   Colome-ii  Gallia  orient.  ,  pag.  46. 

(r)   Ibidem  ,  pag.  45. 

(S)  Beza.  in  Acta  Apostol.,  cap.  XIII,  vs.  20, 
où  il  s'agit  des  4S0  ans  qui  s'écoulèrent  depuis 
Josué  jusqu'à  Samuel. 

(q,i  In   Scaligeranis. 

(10)  Beroaldus,  lit).  III  Chron.  ,  cap.  VIII, 
apud  Vossium  ,  de  Scientiis  mathem.  ,  p a^.  2'5'S. 


ce  fut  le  Voyage  des  princes 
fortunés  ;  il  l'appelle  stéganogra- 
pliique.    Il   fit   plusieurs   autres 

(a)   La  Croix  du  Maine  ,  Bibliotb.  franc., 
pag-.  4^0. 

(b  Sorel .  Bibl  franc.,  pag-.  173. 
**  Le  Songe  de  Polrphile  a  pour  auteur 
un  religieux,  dominicain  ,  nom  rué  François 
Culonna.  La  Monnoie  ,  dans  le  tom.  IV  du 
Ménagiana  ,  el  P.  Marchand  ,  dans  son  Dic- 
tionnaire ,  (  au  mot  CoLONNA^  ,  parlent  lon- 
guement de  ce  livre  et  de  l'auteur  ainsi <(iie 
des  traducteurs.  J.-G.  Lcgr.nd  ,  architecte, 
mort  le  7  novembre  1807.  a  donne'  une 
nouvelle  traduction  de  l 'ou.  ragede  Colonna. 
Elle  est  intitulée  :  Songe  de  Polyphile, 
traduction  libre  de  l'italien ,  1804,  2  vol. 
in-12,  qui  ne  lurent  publics  qu'après  la 
mort  de  l'auteur.  11  devait  y  avoir  un  atlas 
de  planches  qui  u'a  point  paru.  Cela  u'a  pas 
empêché  Bodoni  de  réimprimer  la  traduc- 
tion de  Legrand  ,  Parme,  1811,  2  vol  in-4°. 
Le  Songe  de  Polyphile  •  est ,  au  jugement 
»  de  Tiraboschi  ,  un  confus  mélange  de  fa- 
»  blés  ,  d'histoires  ,  d'architecture  ,  d'anti- 
»  qui  tés  ,'  de  mathématiques  et  de  mille  au- 
..  très  choses.  » 

*"  Le  Voyage  des  princes  fnrlune's  est  un 
livre  de  chimie  :  le  Songe  de.  Polyphile  est 
un  livre  d'alchimie.  «  11  ne  faut  pas  confon- 
..  die,  dit  Joly,  la  chimie  qui  est  une  science 
-  utile  et  licite  ,  avec  l'alchimie  qui  est  une 
folie  des  souffleurs.  - 


X. 


BERQUIN. 


367 


1 

manier 
pabl 

ue  valent  guère  mieux  que  les 
écrits  de  ]Nervèze  ,  et  du  sieur 
des  Escuteaux.  Il  eût  mieux  fait 
peut-être  de  continuer  à  s'exer- 
cer sur  les  matières  par  oii  il  se 
mit  au  monde.  Dès  l'âge  de  vingt 


»  mer  là-dedans ,  ce  sont  les  senti- 
»  mens  d'honneur  et  de  vertu  qui 
»  sont  les  pins  beaux  du  monde,  avec 
»  quantité  de  secrets  de  la  nature  et 
e  l'art ,  par  le  moyen  desquels  plu- 


::a 


»  font,    au  lieu  que  les   anciens  ro- 
mans rapportaient  tout  à  la  magie  , 


deux  ans  ,  il  publia  des  commen-    >}  faute  d'invention  et  de  doctrine(!).>» 
taires   sur   les    Mécaniques    de 

_  _  ...  -.-  (2)  aorel  ,   bibliotu.  française,  pag.  inr. 

Jacques  Besson  (d)  ;  mais  a  pei-  l  '  "  °  lj 
ne  eut-il  tenté  fortune  par  cette  BERQUIN  (  Louis  de  ) ,  gen- 
porte  ,  qu'il  courut  après  la  tilhomme  du  pays  d'Artois ,  fut 
pierre  pliilosophale.  On  vit  sor-  brûlé  pour  la  religion,  à  Paris, 
tir  de  dessous  la  presse,  en  je  a2  d'avril  1 529  (A).  Il  était 
l'année  1 583,  ses  Appréhensions  seigneur  d'un  village  dont  il 
spirituelles ,  Poèmes  ,  et  autres  portait  le  nom  (  a  ) ,  et  il  fut 
œuvres  philosophiques  ,  avec  considéré  à  la  cour  de  France , 
les  recherches  de  la  pierre  phi-  et  honoré  du  titre  de  conseiller 
losophale  (  e  ).  L'année  d'après  (]u  roi  (£).  C'était  un  homme 
il  fit  imprimer  un  poème  inti-  de  bonnes  mœurs,  et  qui  prati- 
tulé  Vidée  de  la  république  {f).  quait  régulièrement  les  précep- 
te) Là  même,  pag.  177  et  256.  tes  de  l'église  (c).  Il  était  laïque 
(rfi  imprimée  à  Lyon  en  \5$oet  i58r ,  et  garçon  :  néanmoins  il  ne  s'é- 

à  ce  nue  dit  La  Croix  <lu  Maine ,  p<ig.  QI.  1       '  1     •  „    „       .        j 

,,'t    n    ■     1    ai  S  leva  contre  lui  aucune  sorte   de 

(é)  La  Croix  du  Maine,  pag-.  92.  , 

(/)  Là  même,  Pag.  480.  médisance  par  rapport  a  la  chas- 

,v„  ,  _    .    _  „    ,    „  teté.    Erasme,    à  qui  des    gens 

(K)  Il  naquit  a  Paris.  1   M.   de  Ma-  ,  •      ,    „         ■ 

11 \'  1     1  -,    1         „       .  ,i„  i„  i;.t„  non  suspects  avaient  appris  ces 
rolles  le  doit  donc    rayer  de  la   liste  l  .  .    ,  JrJr. 

qu'il  a  donnée  des  illustres  Tourau-  sortes  de  particularités ,  ajoute  , 

geaux  (1).  qu'ils    lui   avaient  aussi    appris 

(B)  Il Jil  plusieurs  manières  de  roman  que  Berquin  abhorrait  le  lulhé- 

P.  >  f°rt  "F*1»  d'ennuyer,  j  Ç  est  ranisme  {dy  ei  que  le  grand  crj- 
lui  qui   a   lait  les  Aventures  de  clo-  ?  ■  1    -     «      • 

ride,  le  Cabinet  de  Minerve ,  la  Pu-  me   qu  on  trouvait   en  lui   était 

celle  d'Orléans  ,  l'Histoire  d'Bérodias,  qu'il  faisait  profession  ouverte  de 

«  et  d'autres  ouvrages  ,  où  il  intro-  haïr  ]es  théologiens  chagrins  et 

(0  Mémoires, paS.  tas.  bourrus  ,  et  les  moines  qui  n'a— 

O  Vervilleest  ans»!  auteur  au  fameux  Mojren  vajent  pas  moins  de  férocité    que 
rie  parvenir,  livre  que,  sur   la    loi    des  compila.  I  X 

teuradn  Ménag  iana,  bien  des  gens  croient  être  d'ignorance  (e).     Il    disait    beau  — 
«l'un  clianoine    de    Tours.  Voyez  la  page  ^Cn  cl  ° 

(a)   Erasmus,   Epist.    IV,    lib.    XXIT, 
pag,  1278. 

h)  Idem,  Epist.  XLIV,  lib.   XX 
1931. 

m     Episl    IV.  lib.  XXtV. 
J  rhi  l .  pag.  1279. 

(e)    //<>.-    a/fbanl    m    en   ennui,  eSSe  g ra- 
vissimum ,   i/und   ingénue   prœ    se  fertbat 
odium   m    morosns  Quosdam  tlic<-; 
monavhns   non  minus féroces  quàm  itoUJo*. 


Ifii  du  Palais  iie<  curieux  du  même  Verville 
impr.  1/1-12  a  Paris  eu  ilïi?.  (l'est  ee  même 
Mu^en  de  parvenir  que  Naudé,  pag.  579  .le  la 
seconde  édition  de  son  Mascural,  désigne  -<m, 
le  nom  de  bouffonneries  du  sieur  de  Vcrvillc. 
Kfm-  crit.  [Un  peut  voir  la  Dissertation  sur 
le  Moyen  de  parvenir ,  mise  par  la  Monnoie  a 
la  fin  dn  tome  IV  .lu  tlénagiana.  Mais  Joly 
remarque  que  la  Monnoie  et  le  père  Vnvion 
n'ont  point  connu  la  première  édition  du  Moren 
d>-  parvenir,  qui  fut  publiée  a  Pan*,  in-12,  sans 
date  ,  et  esl  antérieure  à  celle  des  Klievirs.  ] 


363  BERQUIN. 

coup  de  mal  d'eux  ,  tout  ouver-  l'excessive  animosité  des  déla~ 
tenient  et  sans  façon.  Ce  fut  l'a-  teurs,  firent  en  sorte  que  l'affaire 
cheminement  à  une  guerre  san—  fût  examinée  de  nouveau.  Plu- 
glante ,  qui  commença  par  le  sieurs  croient,  qu'à  la  recom- 
démêlé  qu'il  eut  avec  l'un  des  mandation  de  madame  la  ré- 
plus ardens  inquisiteurs  de  ce  gente,  mère  de  François  Ie'.,  on 
temps-là  (f)  (B).  On  ne  tarda  donna  ce  tour  à  la  cause  ,  afin  de 
guère  à  le  déférer  comme  héré-  sauver  Berquin.  Sur  ces  entre- 
tique :  on  tira  d'un  livre  qu'il  faites,  François  1er.  revint  d'Es- 
avait  donné  au  public  certaines  pagne  ,  et  sachant  le  péril  où 
propositions  ;  et  là-dessus ,  il  fut  était  son  conseiller  entre  les 
constitué  prisonnier:  mais  les  griffes  de  la  faction  de  Beda,  il 
juges  ne  trouvant  point  de  crime  écrivit  au  parlement  de  prendre 
en  lui,  le  renvoyèrent  absous  bien  garde  à  ce  qu'on  ferait  ,  et 
(C).  Les  délateurs  prétendirent  qu'il  voulait  connaître  lui-ruê- 
qu'il  n'avait  évité  la  peine,  que  me  de  la  cause  de  Louis  de  Ber- 
par  l'autorité  royale  :  pour  lui ,  quin.  Quelque  temps  après,  on 
il  prétendit  ne  devoir  rien  qu'à  élargit  ce  prisonnier.  Cela  lui 
la  justice  de  sa  cause,  et  ne  se  enfla  de  telle  sorte  le  courage, 
ménagea  pas  plus  qu'auparavant,  qu'il  eut  bien  la  hardiesse  de  se 
Il  mit  en  français  quelques-uns  porter  pour  accusateur  contre 
des  livres  d'Érasme  (D) ,  et  y  ses  propres  accusateurs  (g)  :  il 
ajouta  du  sien  quelque  chose,  leur  intenta  un  procès  d'irréli- 
Tout  aussitôt,  Noël  Beda  et  ses  gion  ,  et  il  se  flatta  de  remporter 
émissaires  se  remirent  en  cam-  pleine  victoire  (h).  S'il  avait  sui- 
pagne ,  firent  quantité  d'extraits  vi  les  conseils  judicieux  d'Éras- 
cle  ces  livres,  et  les  ayant  défé-  me,  il  aurait  compté  pour  un 
rés  comme  des  erreurs  perni-  grand  triomphe  de  n'être  pas 
cieuses  ,  furent  cause  que  l'au-  opprimé  par  ces  gens-là  (E)  ,  et 
teur  fut  renvoyé  en  prison.  La  n'eût  point  conçu  l'espérance  de 
cause  jugée,  il  y  eut  des  moines  les  mettre  à  la  raison.  Mais  ,  si 
qui  allèrent  lui  prononcer  la  sen-  d'un  côté  il  se  trouva  mal  d'oser 
tence  définitive  qu'on  avait  ren-  résister  en  face  à  ceux  avec  qui 
due  contre  lui.  Elle  portait  que  Erasme,  pour  de  très-bonnes 
ses  livres  seraient  brûlés,  qu'il  raisons  ,  lui  conseillait  de  n'avoir 
rétracterait  ses  erreurs,  qu'il  jamais  affaire  (F)  ,  ce  fut  de 
se  soumettrait  aux  satisfactions  l'autre  un  grand  avantage  pour 
qu'on  lui  prescrirait ,  et  que  s'il  lui ,  puisqu'en  devenant  la  vic- 
refusait  de  le  faire  il  serait  brûlé,  time  de  leur  haine,  il  se  pro- 
Comme  c'était  un  esprit  raide  et  cura  la  couronne  du  martyre, 
intrépide  ,  il  ne  se  soumit  à  rien  ;  Il  fut  mis  pour  la  troisième  fois 
et  apparemment  on  l'aurait  en- 
voyé au  feu ,  s'il  n'y  eût  eu  quel-  te)  V<V'*  les  remarques  (B)  et  CE). 

J       ■               '      •          i                      J  ,    ,  (h)    Tiré    de   ta   IV  .    lettre  du    XXIV*. 

ques  juges  qui  ,  s  apercevant  de  ^,re  d-Erasme.   Fojez  „„,  reiat>on  plus 

In  hos  palam  debacchubalur.  nec    stoma-  exacte  de  ce  procès   dans  une  lettre  de  Ber- 

clium  suum  dissimulare  poterat.   ErasiBus  ,  '["'"  à  Erasme  ,  datée  de  Paris  le  17  cl  avril 

Epist.  IV,  /(//.  XXIV  ,  pag.  I2-7Ç).  1^-26,  et  publiée  par  3 «-an  Feclitius  ,  in  Hia- 

(/)  Guill.elmusQue.ous,  ou  à  Ouereii.  to»la-  ecclesiast;  Supplemento,  pag.  874, 


BERQUIN.  36g 

l'arrêt  rendu  contre    cette    chronologie    dans    une   lettre 


en  prison 

lui  le  condamnait  à  faire  amende 


honorable  de  ses  erreurs  (i) ,  et 
à  une  prison  perpétuelle  (G). 
Il  ne  voulut  point  acquiescer  à  ce 
jugement  :  il  eût  reconnu  par- 
là  que  ses  sentimens  étaient  erro-  au"tre  lettre  d'Érasme  (■>.) ,  où  "le  sup- 
nés.  Il  fut  donc  condamné  ,  plice  de  Bcrquin  est  place  sous  le  17 
comme  un  hérétique  opiniâtre,  d'avril  ^.C^/e/id. iJ/a/a* (3). Cette 
,    „  ,  ,,        V-    <         ,,,         .     lettre  est  datée  duqde  mai  lûao.   tout 

a  être  étrangle  en  Grève  {k)  ,  et    ce  que   peut  fair*  Érasme,  c'est  de 


d'Érasme,  dalée  du  icr.  de  juillet 
i52g  (1)  :  elle  contient  une  relation 
assez  ample  de  la  vie  et  de  la  mort  de 
Louis  de  Berquin.  On  y  marque  expres- 
sément ,  qu'il  avait  été  brûlé  decimo 
Culeiid.  Majas.  Celte  preuve  fixerait 
le  jour  de  la  mort,  s'il  n'y  avait  pas  une 


puis  brûlé  {l).  Il  souffrit  la  mort 
avec  une  extrême  constance.  Il 
était  âgé  d'environ  quarante 
ans.    On  dit  que  le    moine  qui 


nous  fixer  au  mois  d'avril  i5aq  :  il 
faut  prendre  les  autres  variétés  pour 
des  méprises.  Me'zerai  se  trompe  à 
l'année  ,  et  peut-être  aussi  au  jour  :  il 
assure  qu'on  brûla  Berquin  le  21   d'a- 


l'accompagna  sur  l'échafaud,  dé-  vril  de  l'an  i5a8  (4).  Jean  Crêpin, 
clara  qu'il  avait  remarqué  en  lui  dans  ses  Actes  des  Martyrs ,  met  la 
quelques  signes  d'abjuration  (H);    mort  de  celui-ci  ; 


ru'Éi 


dit 


mais  voyez  ce  qu  Erasme   a 

là-dessus  (I).  Théodore  de  Bèze 

croyait   que  Berquin  eût  été  en 

France   ce    que   Luther   fut    en 

Allemagne, si  François  Ier.  avait 

fait  pour  lui  ce  que  fit  le  duc  de   f,igoieperustis,etgra^issimdtumfame 

Saxe  pour  Luther  (m).  Il  est  sûr    tum  etiam  peste  conse<]uutd(6).  Sponde 

que  c'était  un  habile  homme  ,  et    leconvaipcd'err^r  manifestement  par 

*      -  ,  m-      1         la  IVe. lettre  «lu XXIV c. livre d  Erasme, 


général  iSaq.  The'odore  de  Bèze  la 
met  au  10e.  de  novembre  de  la  même 
année  (5) ,  dans  son  Histoire  ecclé- 
siastique,  et  dans  un  autre  écrit.  Fru- 
gibus  nocte  post  interitum  illius  proxi- 
iikI  (  qui  J'uit  undecunus  dies  novem- 
bris  anno  Dontini  1 529  )  in  Iota  Gallid 


un  homme  de  courage.  .Nicolas 
Bérauld  était  un  de  ses  meilleurs 
amis,  comme  l'assure  Badius 
Ascensius ,  en  leur  dédiant  les 
œuvres  dePolitien. 

Depuis  la  première  impression 
de  cet  article,  il  a  paru  un  ou- 
vrage où  les  différentes  procé- 
dures que  Louis  de  Berquin  eutà 
essuyer  ont  été  bien  débrouillées 
(K).     J'en    donnerai    le    précis 


[ui,  étant  datée  du  Ier.  de  juillet  i5af), 
parle  du  supplice  de  Berquin;  mais 
il  se  trompe  ensuite  visiblement,  lors- 
qu'il donne  la  raison  pour  laquelle  il 
s  imagine  qui:  Théodore  de  Bèze  a  fal- 
sifié celte  date  (7).  Il  prétend  que  la 
falsification  a  été  faite  ,  afin  de  rendre 
plus  vraisemblable  ce  qu'on  voulait 
dire  sur  les  jugemens  de  Dieu.  Bèze 
débile  que  le  ciel  ,  se  déclarant  pour 
Berquin,  cassa  la  sentence  des  juges  , 
puisque  la  nuit  suivante  le  froid  gâta 
les  blés  par  tout  le  royaume,  d'où  sortit. 


dans  la  dernière  remarque  de  cet    lT  Ç»»*?  faminc  et  ,me  ?ra.nde  mo,r 

.    .  L  taille.  Jiidicium. ,  senientiaveluU  cœu- 


article 

(i)    Voyez   les  Acta  Marlyrum  ,  recueUlts 
par  Jean    Crépin  ,   pag.   211  ,   édition     de 

i55(i. 

{k  )  Bèze  ,  Hist.  eccl.  ,  pag.  7  ,    dit  à   la 
place  Maubert ,  et  se  trompe, 

I  à  même  ,  et  plus  au  long  dans  la 
IVs  lettre  du  XXIVe,  livre  de  celles  d'É- 
rasme, pag,  1278. 

m;  Beza  .  io  Iconibus. 

'.V  II  fut  brûlé  a  Paris,  le  M  d'a- 
vril i5ag  J  Nous  avons  une  preuve  de 

roME  m. 


tùs  rescissd,  triumphdrit  ,Jrugibus  noc- 

Ci)   La  IV".  du  XXIV'.   livre  ,  pag.   il",. 

(2)  C'e<t  la  XI.  VIII'.  du  XXX'.  Lire.  ' 

(3;   Bodin,  Demonom.  ,  chap.  dern.  du  IV'. 
livre,  pus-  ty5,  dit  le  17  d'avril. 

srai,  ilan<  le   Discours  louchant  l'É- 
glise, a  lajin  de  la  Vie  de  Henri  IN  . 

(5)    La  nuit  suivante  ,   qui  fut   la  vrille  de 
Saint  -  Varun  ,   les  blés   gelèrent   en    France  , 
duiit  s'ensuivit  famine  et  peste  en  plusieurs  en* 
Beze,  Hist  ecelés.  ,  liv .  I ,  pag.  8. 

(6;  Idem,  in  Iconibu». 

;;,  Spondani  Annal.,  ad  ami.  1529,  num.  \\ 


$7° 


BERQUIN. 


te,  etc.  (8).  Il  n'y  avait  rien  de  plus  plus  ardeiis  inquisiteurs  de  ce  temps- 
facile  que  de  bien  critiquer  Bèze  sur  /à.]  Berquin  n'était  nullement  pol- 
cet  article  ;  car  ,  i°. ,  c'est  disposer  de  tron  :  il  fallait  qu'il  eût  beaucoup  de 
!a  providence  particulière  de  Dieu  avec  courage  ,  puisqu'il  ne  craignait,  ni 
un  peu  trop  de  témérité,  que  de  dire  un  h  Quercu,  ni  un  Noël  Beda.  Il 
que  les  fléaux  qui  désolent  tout  un  osait,  et  se  défendre  contre  eus,  et 
grand  royaume  sont  la  vengeance  de  les  attaquer  :  Bèze  l'en  loue.  Adfuil 
la  mort  injuste  d'un  homme.  En  se-  autem  animi  lanta  generositas  ,  ut 
cond  lieu,  le  froid  ne  peut  guère  nuire  maxime  omnium  tune  meluendos  cra- 
aux  blés  le  10  ou  le  1 1  de  novembre,  brones  in  ipsis  eorum  cavis  ,  Bedam  vi' 
On  sème  alors  presque  dans  tout  le  delicel  et  h  Quercu  (de  quibus  scrip- 
royaume  5  et  pour  le  moins,  est-il  fort,  serai  procul  iltos  configens  Erasmus  , 
certain  qu'une  bonne  partie  de  ce  que  Luteliœ  Betam  sapere  et  Quercunt 
l'on  a  semé  est  hors  de  prise  en  ce  concionari)  Malœologorum  ejus  secidi 
temps-là  :  de  sorte  que  ,  si  Bèze  avait  principes ,  in  ipso  eorum  sterc/uilinio 
voulu  falsifier  de  dessein  prémédité,  sitausus  non  modo  ulcunque  lacessere, 
il  se  fût  bien  donné  garde  de  choisir  sed  impietatis  etiam  accusalos  non 
la  veille  ou  le  jour  de  Saint-Martin.  Le  unius  anni  calamine  tum  voce  lum 
temps  véritable  marqué  par  Erasme  scriptis  strenuè  exercere  (n).  Voici  ce 
était  mille  fois  plus  propre  à  sa  ré-  que  dit  Érasme  touchant  le  procès  où 
flexion  :  le  froid  peut  nuire  aux  biens  Berquin  fut  l'agresseur.  Non  enim  io- 
de la  terre  sur  la  fin  d'avril.  Voilà  par  liim  promitlebat  sibi  absolut ionern , 
où  M.  de  Sponde  pouvait  renverser  la  verumetiam  victoriam  esse  in  manibus, 
moralité  de  Théodore  de  Bèze.  S'il  sed  malle  seriùs  aliquanto  finiri  eau- 
l'avait  critiquée  par  ma  première  con-  sam  ,  quo  magnificentihs  triumpharet, 
sidération,  il  se  fût  désarmé  lui-même;  Jamque  mutatis  vicibus  ,  ipsam  facul- 
car  il  est  aussi  accoutumé  qu'un  autre  tatem  sacratissimam,  monachos  et  Bed* 
à  dire  que  tels  et  tels  maux  sont  arri-  daicos  reos  peragebat  impietatis.  JYam 
vés  en  punition  de  ceci  ou  de  cela.  Un  quœdam  arcana  deprehenderat  in  illo- 
de  ceux  qui  écrivirent  contre  le  Calvi-  rum  aclis  (12).  Voyez  la  remarque  (A) 
nisme  de  Maimbourg  (9)  remarque  que  de  l'article  Beda,  citation  (7). 
Berquin  fut.  exécuté  le  12  mars,  veille  (C)  Il  fut  déféré  comme  hérétique... 
de  saint  Martin  pape  ,  en  la  place  et  renvoyé  absous.]  On  l'accusait  de 
Maubert.  Ce  qu'il  ajoute  du  docteur  condamner  la  coutume  qu'ont  les  pré- 
Merlin ,  et  que  je  rapporterai  ci-des-  dicateurs  d'invoquer  la  Sainte-Vierge, 
sous  (10)  ,  me  persuade  qu'il  n'a  fait  au  lieu  d'invoquer  le  Saint-Esprit.  On 
que  copier  Bèze,  si  ce  n'est  qu'il  a  pris  disait  qu'il  n'approuvait  pas  que  la 
garde  ,  que  le  mois  de  novembre  n'é-  Sainte-Vierge  fût  appelée  Fontaine  de 
tant  pas  un  temps  où  les  blés  puissent  grâce,  et  que  dans  le  cantique  du  soir 
être  endommagés  du  froid  ,  il  a  cher-  on  la  nommât  notre  espérance  et  noire 
ché  une  autre  veille  de  Saint-Martin,  vie.  Cela,  disait-il,  convient  beaucoup 

Qu'on  ne  s'étonne  point  que  le  jour  mieux  a  Jésus-Christ  ;  et  l' Ecriture  ne 

d'un  tel  martyre  n'ait   pas   été   bien  favorise  point  l'usage  moderne.  Voilà 

connuaux  écrivains  protestans, et  qu'ils  les  vétilles  pour  lesquelles  il  fut  con- 

aient  varié  sur  cette  date.  La  bataille  duit  en  prison ,  et  mis  en  danger  d'être 

de   Cerisoles  ,    la   mort   d'Antoine   de  traité  comme  un  héi'étique.  Ob  hujus- 

Bourbon  ,  roi  de  Navarre  ,   les   barri-  modi  nenias  ductus  est  in  carcerem  , 

cades  de  Paris  sous  Henri  III ,    n'ont  reushœreseospericlitatusest.Atjudi- 

pas  été  mieux  datées  par  de  grands  ces,  ubi  viderunt  causam  esse  nullius 

auteurs.  Voyez  l'extrait  que  M.  Bernard  momenli ,  absolverunl  hominem  (i3). 

a  donné  d'un  livre  du  père  du  Londel,  Je  m'étonne  moins  qu'Erasme  appelle 

dans  ses  Nouvelles   de  la  République  cela  des  vétilles ,  que  de  voir  Berquin 

des  Lettres  ,  à  la  page  224  du  mois  de  renvoyé  absous  sur  de  telles  opinions, 

février  1699.  (D)  Il  mit  en  français  quelques-uns 

(B)  Il  eut  un  démêlé  avec  l'un  des  des  livres  d'Erasme.]  Entre  autres,  le 

(8)  Bcza,  in  Iconibus.  (11)  Beza  ,  in  Iconibus. 

(9)  Rocolles,    Hist.    vérit.    du    Calvinisme,  (12)  Erasm. ,  Epist.   IV ,  lib.   XXIF,  pa$. 
pag.  217.  1280. 

(10)  Dans  la  remarque  (H).  (i3)  Idem,  ibidem. 


BERQUIN. 


3^t 


Panégyrique  du  Mariage  (i.{) ,  le  Ma- 
nuel du  Soldat  Chrétien  (i5j  ,  /«  Com- 
plainte de  la  Paix.  Voyez  lu  remar- 
que (K). 

(V.)  S'il   avait  suivi  les  conseils 

d Érasme,  il  aurait  compté  pour  un 
grand  triomphe  de  n'être  pas  opprima 
par  ses  délateurs.]  Peu  de  gens  d'es- 
prit ,  peu  de  gens  accoutumés  à  réûé- 
cliir  sur  ce  qu'ils  voient,  et  sur  ce 
qu'ils  lisent,  penseraient  à  la  conduite 
de  Berquin  ,  sans  lui  appliquer  la  fable 
du  loup  et  de  la  grue.  Il  ne  se  conten- 
tait pas  d'être  échappe  des  mains  de 
ses  délateurs  :  il  voulait ,  pour  récom- 
pense de  ses  combats,  le  prix  et  l'hon- 
neur de  la  victoire.  N'est-ce  pas  imi- 
ter la  grue,  qui  demandait  récompense 
après  avoir  retiré  son  cou  sain  et  sauf 
d  ud  passage  très-dangereux? 

Ingrata  es  ,  inquit  ,  ore  quœ  nostrv  r.apul 
Incolume   nbsluleris ,     et    mercedem   postu- 
las (.6;. 

Ces  vers  d'Horace  sont  très-applicables 
à  Berquin  : 

Cervi  luporum  prœda  rapacium 
Sectamur  uUib  ,  quos  opiums 

Fallere  et  effugere  est   triumphus  (17). 

(F)  Avec  qui  Erasme  ,  pour  de 

très-bonnes  raisons  ,  lui  conseillait  de 
n'avoir  jamais  affaire.  ]  11  n'avait  ja- 
mais vu  Berquin  :  il  en  avait  seule- 
ment reçu  des  lettres;  et  comme  il 
craignait  d'être  mêlé  dans  les  procès 
qu'on  faisait  aux  novateurs,  il  n'était 
guère  content  de  voir  dans  un  même 
livre  ses  pensées  avec  celles  de  Berquin 
(18)  ,  et  il  exhortait  celui-ci  à  se  tenir 
en  repos,  ou  du  moins  à  ne  le  com- 
mettre pas.  «  Jamais  vos  adversaires 
»  lui  dit-il,  n'avoueront  le  crime  dont 
»  vous  les  accusez.  Songe/  que  Beda 
»  est  une  hydre  à  plusieurs  têtes  ; 
»  vous  avez  affaire  à  un  ennemi  im- 
»  mortel  ;  une  faculté  ,  une  cora- 
»  munauté  ,  ne  meurt  jamais.  I>e 
n  vous  fiez  point  à  la  protection  du 
»  prince.  La  faveur  des  rois  est  chan- 
;>  géant'  :  un  délateur  les  préoccupe j 
>  la  crainte  qu'ils  ont  des  gens  d'église, 
'•>  et  le  désir  de  n'être  plus  fatigués  de 
»  leurs  importunes  sollicitations ,  les 

1/1)  /<*<•»),  Epi-t.  XCI,  lib.   Xr\,  Fag.gii. 
(i5)  Idem,  KP,st.  IV,  U.  XXIV. 

i6i  Phaedr;  Frtml.  VIII  libri  I. 
(17)  llorat.  ,  Oiîe   IV   ,,    n    n 
<iS)  Brrquin   IraduKU  en   françaic  quelques 
ouvrages  tf  Erasme  ,   et  y  joignit  quelque  chose 
de  son  crû. 


»  contraint  à  leur  accorder  ce  qu'ils 
»  demandent.  »  Citons  son  latin  :  on 
y  verra  s'il  vient  d'un  bon  peintre. 
Crehris  Kpisto'is  hortalus  sum  ,  ut  vet 
arte  qudpiam  semel  extricaret  a  causd , 
puta  curarent  arnici ,  ut  prœlexlu  re- 
giœ  legationis  longihs  projiciscerelur  .- 
Jortassis  theologos  passuros  ut  causa 
tempore  evanescerel ,  nunquhm  passu- 
ros  ut  impietatis  crimen,  quod  illis  ob- 
jiciebat ,  agnoscerent.  Etiam  atque 
etiam  cogitaret  qualis  excetra  esset 
Bedda  ,  quoique  capilibus  efjlaret  ve- 
nenutn  :  tum  expendere  sibi  cum  im- 
mortali  adversario  rem  esse  ■  facultas 
enim  non  morilur :  simuf  illud  cogita- 
ret ,  qui  cum  tribus  monachis  bellige- 
ratur ,  eum  cum  multis  phalangtbus 
habere  rev/ ,  nom  soiiun  opulentts  ac 
polentibus,  verum  etiam  improbissimis, 
et  in  omni  malarum  arlium  génère  in- 
structis.  lllos  non  conquieluros,  donec 
ei  procurassent  exitium,  etiamsi  cau- 
sant haberel  meltorem  quarn  habuit 
Christ  us  :  neque  plus  satis  Jideret  ré- 
gis prœsidio.  Principum  entmfavores 
esse  temporarios  ,  ac  delatorum  artibus 
facile  in  diversum  trahi  illorum  ajffec- 
tits.  Poslremo  ,  ut  nihd  horum  accidat, 
ntagnos  etiam  principes  vel  delassari 
talium  improbitate ,  vel  metu  nonnun 
quant  cogi  ,   ut  cédant  (ig). 

(G)  L  arrêt  rendu  contre  lui  le  con- 
damnait a  faire  amende  honorable ,  et 
a  une  prison  perpétuelle.']  J'ai  suivi 
les  Acta  Mavtvriini  de  Jean  Crépin; 
mais  je  remarquerai  ici  les  différences 
des  relations.  Bèze  ne  parle  point  d'a- 
mende honorable  ,  et  il  dit.  que  les 
livres  de  Berquin  devaient  être  jetés 
au  feu  en  présence  de  l'auteur  j  ce  que 
Crépin  ne  remarque  pas.  Érasme  rap- 
porte quatre  chefs  de  peine:  les  li- 
vres devaient  être  bnllés  ;  l'auteui 
se  devait  rétracter;  on  lui  devait  per 
cer  la  langue;  et  le  laisser  en  prison 
toute  sa  vie  (20)  Bèze  et  Crépin  n'ont 
pas  oublié  ce  dernier  chef.  Erasme 
ajoute  que  la  cause  lui  jugée  par  douze 
commissaires ;  que  Bude ,  qui  étail 
l'un  d'eux  exhorta  fortement  Berquin, 
avant  la  condamnation  ,  à  se  rétractei 
(21);  (pie   berquin    ayant  oui    la    sen- 

Ciq)  Fra-m.,  F.pist.  IV,  Ub.  XXIV  ,  pas. 
1280. 

(ao)   T.ii  mrme. 

(ai)  Rocollct ,  Histoire  vérit.  Ju  C  Ivinmne  , 
■   fï  ,  d.t  qn?    Budf'r  .   grand  aini  d<t  Ber 
qutn,Jit  tout  son  possiblf  pour  te  ta 


372 


BERQUIN. 


tence  ,  en  appela  au  roi  et  au  pape; 
et  que  les  juges,  indignes  de  ce  terme 
d'appellation  ,  condamnèrent  l'appe- 
lant au  feu  dès  le  lendemain.  Erasme 
rapporte  tout  cela  sur  un  ouï-dire  (22). 
Voyez  la  remarque  (K). 

(H)  Le  moine  qui  l'accompagna  sur 
l'échafaud,  déclara  qu'il  avait  remar- 
qué en  lui  quelques  signes  d'abjura- 
tion.'] Un  homme  (23),  qu'Erasme  croit 
digne  de  foi ,  lui  écrivit  ,  qu'il  deman- 
da à  ce  moine  si  Berquin  avait  reconnu 
ses  erreurs  en  rendant  le  dernier  sou- 
pir? et  que  le  moine  lui  répondit  que 
oui,  et  témoigna  ne  faire  aucun  doute 
que  l'âme  de  Berquin  ne  fût  au  séjour 
des  bienheureux.  L'ami  d'Erasme  as- 
sista de  près  à  l'exécution ,  et  lui  en 
rendit  un  fidèle  compte.  Il  lui  apprit 
que  personne  n'avait  pu  entendre  le 
discours  que  Berquin  avait  fait  au 
peuple  :  le  bruit  que  les  archers  firent 
tout  exprès  en  fut  la  cause.  Personne 
ne  cria  Jésus ,  quand  on  étrangla  le 
patient ,  et  néanmoins,  cela  se  pratique 
envers  les  sacrilèges  et  les  parricides 
(a4).  Si  ce  que  Théodore  de  Bèze  rap- 
porte était  vrai ,  nous  le  verrions  in- 
failliblement dans  la  relationd'Erasme: 
son  ami  n'aurait  eu  garde  de  se  taire 
sur  cela.  Bèze  rapporte  que  le  docteur 
Merlin,  alors  pénitencier  de  Paris , 
qui  l'avait  conduit  au  supplice ,  fut 
contraint  de  dire  tout  haut  devant  le 
peuple  après  sa  mort ,  au  grand  regret 
de  ses  accusateurs  et  juges  ,  qu'il  y 
avait  peut  -  être  plus  de  cent  ans 
qu'homme  n'était  mort  meilleur  chré- 
tien que  Berquin  (25).  Il  y  a  quelque 
apparence  que  Bèze  apprit  ensuite  la 
fausseté  de  cela  ;  car,  s'il  avait  cru  le 
fait ,  pourquoi  ne  l'aurait-il  point  mis 
dans  ses  Icônes?  Il  est  certain  que, 
dans  ces  rencontres  ,  il  court  cent 
fraudes  pieuses,  dont  un  historien  se 
doit  défier. 

(1) Voyez    ce  qu'Erasme  a   dit 

la-dessus.  ]  Il  a  déclaré  tout  franc  qu'il 
croit  que  le  franciscain  qui  accom- 
pagna Berquin  sur  l'échafaud,  dit  un 
mensonge  :  «  C'est  toujours  ,  ajoute-t- 
»  il ,  leur  coutume  en  pareil  cas.  Ces 

f22)Erasni.,  Epist.  IV,  lib.  XXI F ,  pag. 
i2So  .  Epist.  XVII,  lib.  XXVII,  el  Epistol. 
XLVIII ,  lib.  XXX,  pag.  19^7. 

(23)  Nomme'  MoiUius. 

(24)  Ex  Erasmi  Epist.  IV,  Ub.  XXIV,  pag. 
:--n,  1278. 

.-5]  Bèze,  Hist.  ccclés.  ,  liv,  I  ,  pag,  8. 


»  fraudes  pieuses  leur  servent  à  se 
»  maintenir  dans  la  gloire  d'avoir 
»  vengé  la  religion ,  et  à  justifier  dans 
»  l'esprit  des  peuples  ceux  qui  ont  ac- 
j>  cusé  et  condamné  les  hérétiques 
»  brûlés,  w  Al  ego  franciscani  dictis 
nihil  habeofidei ,  prœsertim  quùm  hoc 
sit  istis  solemne ,  post  exslinctum  lio- 
minem  spargere  rumores  ,  quod  in  in- 
cendio  cecinerit  palinodiam ,  quo  simul 
et  vindicatœ  religionis  laudem  aufe- 
rant,  et  multiludinis  invidiam  calurn- 
niœque  suspicionem  effugiant  (26).  Il 
savait  d'original  quelques-unes  de  ces 
fraudes  pratiquées  à  Bruxelles,  et  il 
les  rapporte  en  peu  de  mots.  Si  les 
peuples  étaient  raisonnables,  ils  se- 
raient à  craindre  à  ces  sortes  de  déla- 
teurs et  déjuges  ;  car  enfin,  que  peut- 
on  concevoir  de  plus  affreux  ,  quand 
on  l'examine  sans  préjugé,  que  de  se 
représenter  un  homme  condamné  aux 
flammes  ,  parce  qu'il  ne  veut  pas  violer 
la  foi  qu'il  a  jurée  au  vrai  Dieu  ?  Mais 
bien  loin  que  cela  donnât  quelque 
crainte  aux  auteurs  de  ces  supplices  , 
qu'au  contraire  ils  en  devenaient  plus 
insolens;  car  ils  espéraient  de  se  rendre 
plus  redoutables.  Ce  fut  l'un  des  mau- 
vais endroits  qu'Érasme  trouva  dans  le 
supplicedu  pauvre  Berquin.  Periculum 
est  ne  Beâdis  sud  sponte  plus  satis 
insanienlibus  nimium  accédât  animo- 
rum  (27). 

(K)  Il  a  paru  un  ouvrage ,  où  les  pro- 
cédures qu'il  eut  à  essuyer  ,  ont  été  bien 
débrouillées.  ]  C'est  le  Traité  de  V  Ori- 
gine de  l'Imprimerie  de  Paris  ,  par  M, 
Chevillier.  Voici  de  quelle  manière  il 
rapporte  ces  procédures.  En  l'année 
i523,  le  i3  mai,  le  parlement  fit  saisit 
les  livres  de  Louis  de  Berquin,  et  ordon- 
na qu'ils  seraient  communiqués  à  [a 
faculté  de  théologie ,  pour  en  avoir  son 
avis.  On  lui  trouva  le  livre  De  abro- 
gandâ  Missâ  ,  avec  quelques  autres  de 
Luther  et  de  Mélanchthon  ;  et  sept  ou 
huit  traités  dont  il  était  auteur,  quel- 
ques -  uns  sous  ces  titres  :  Spéculum 
Theologastrorum,  De  Usu  et  OfEcio 
Missœ ,  etc.  ;  Rationes  Lutheri  quibus 
omnes  Christiauos  esseSacerdotes  mo- 
litur  suadere  ;  le  Débat  de  Piété  et  Su- 
perstition. On  trouva  aussi  quelques 
livres  qu'il  avait  traduits  en  français  , 
comme,  Raisons  pour  lesquelles  Luther 

(26)  Erasmus  ,  Epist.  IV  libri  XXIV,  pag. 
1278. 

(37)  Idem  ,  ibid.  ,  pag.  1282. 


a  fait  brûler  publiquement  les  Décré- 
tales  et  tous  les  livres  de  Droit  Cano- 
nique ,  la  Triade  Romaine,  et  autres. 
La  jaculic  ,  après  avoir  examiné  ces 
livres  ,  jugea  qu'ils  contenaient  expres- 
sément les  hérésies  et  les  blasphèmes 
de  Luther.  Son  Avis  est  date  du  ven- 
dredi 26  juillet  1Ô33,  et  adressé  h  la 
cour  du  parlement.  Après  avoir  porté 
sa  censure  sur  chaque  livre  en  particu- 
lier ,  elle  conclut  qu'on  les  doit  tous 
jeter  au  Jeu  ;  que  Berquin  s' étant  fait 
le  défenseur  des  hérésies  luthériennes , 
on  doit  l'obliger  à  une  abjuration  pu- 
blique, et  lui  défendre  de  composer  h 
.■'avenir  aucun   livre  ,  ni  faire  aucune 


BERQUIN.  3-3 

»  lettre  du  roi ,  qui  revenait  d?Es- 
»  pagne  ,  datée  du  premier  d'avril 
»  1526,  où  il  ordonnait  qu'on  arrêtât 
»  la  procédure.  Et  enfin,  après  plu- 
■»  sieurs  lettres  écrites ,  il  envoya  un 
u  lieutenant  de  ses  gardes,  avec  le 
»  prévôt  de  Paris,  qui  le  tirèrent  de 
»  la  Conciergerie,  le  gardèrent  quel- 
»  que  temps  au  Louvre  ,  et  lui  don- 
8  nèrent  la  liberté  (39).  »  La  faculté 
de  théologie  ayant  censuré  les  Collo- 
ques d'Erasme  ,  l'université  défendit 
de  les  lire  et  de  les  enseigner  dans  les 
collèges.  Alors  Berquin  fit  tertre  à 
Erasme,  qu'il  ne  fallait  plus  tarder, 
qu'il  devait  se  joindre  h  lui ,  qu'Hélait 


traduction  préjudiciable  à  la  foi temps  de  faire  perdre    aux  docteurs 

I28).  «  Le  parlement  ordonna  que  cet  toute  l'autorité  qu'ils  avaient  dans  lé- 
;>  avis  lui  serait  signifié.  11  y  répon-  élise ,  et  de  les  décrier  tout-à-fait, 
»  dit  par  écrit  et  de  vive  voix  en  l'occasion  étant  favorable.  Nunc  tem- 
»  présence  des  juges.  Sur  ses  réponses,  pus  esse  ut  theologis  omnis  in  poste- 
»  il  lut  arrêté  prisonnier  le  premier  rum  detralierctur  auctoritas.  Sa  cause 
»  jour  d'août;  et  quatre  jours  après  on  était  demeurée  en  suspens.  Elle  con- 
}>  lui  lut  son  arrêt  ,  qui  le  renvoyait  sislail  dans  une  sentence  portée  contre 
»  au  tribunal  de  l'e'vêque  de  Paris,  pour  lui  par  deux  conseillers  juges  délégués 
3)  être  jugé  par  lui  sur  les  cas  résultans  du  pape  (  laquelle  Erasme  attribue  au 
J)  du  procès.  Le  8e.  d'août,  le  roi  le  prieur  des  Chartreux  ,  à  celui  des  Ce- 
»  fit  tirer  des  prisons  de  l'oflicialilé  lestins ,  et  à  un  troisième  qu'il  ne 
»  par  le  capitaine  Frédéric  ,  et  évoqua  nomme  point).  Elle  consistait  aussi 
»  la  cause  à  son  conseil ,  où  il  fut  jugé  dans  un  reproche  qu'il  faisait  à  laja- 
«  par  M.  le  Chancelier  ,  et  condamné  culte  de  théologie  d'avoir  approuvé  la 
i>  à  abjurer  quelques  propositions  lie-  doctrine  impie  ,  comme  il  disait  Jaus- 
»  rétiques;  ce  qu'il  fit.  Ce  sont  les  sèment,  du  docteur  Beda....  enflé  par 
■>>  termes  des  registres  du  parlement,  la  protection  qu'il  avait  eue  de  la  cour  , 
■•  11  ne  fut  pas  sitôt  sorti  de  ce  dan-  flatte  d  une  vaine  espérance  d'abattre 
»  ger,  qu'il  recommença  à  débiter  des  la  faculté ,  débitant  toujours  des  er~ 
>'  hérésies  dans  ses  livres  et  dans  ses 
»  discours.  Pour  n'être  plus  si  obser- 
vé,  il  se  retira  dans  le  diocèse  d  A- 
•»  miens  ,  où  il  scandalisa  tellement  le 
y  peuple  et  le  clergé,  que  l'évêque  fut 
»  obligé  de  venir  à  Paris  se  plaindre 
»  au  parlement ,  qui  le  tit  prendre  ,  et 
»  fut  déclare-  hérétique  et  relaps  ,  par 
»  sentence  de  deux  conseillers  de  la 
»  cour  ,  choisis  pour  connaître  du  fait 
»  d'hérésie  ,  et  revêtus  de  l'autorité 
»  du  saint-siége  ,  par  un  bref  du  pape 
■»  Clément  Vil  ,  daté  du  20  mai  15^5, 
»  registre  en  la  cour  ,  que  la  reine 
»  régente  avait  obtenu  de  Rome  en 
>>  l'absence  du  roi  son  fils.  Il  fut  aban- 
»  donné  par  ces  juges  d'église  au  par- 
»  lement  comme  au  bras  séculier. 
»  Son  procès  avait  été  distribué  à  un 
»  conseiller.  Le  matin  qu'il  devait  être 
3>  rapporté  ,   le  parlement   reçut  une 

(28)  Chevillier ,  de  l'Origine  de  l'Imprimerie 
■le  Paris ,  pag.  176. 


reurs  ,  il  voulut  poursuivre  son  absolu- 
lion  contre  l'avis  d  Erasme  ,  qui  lui 
conseillait  fort  sagement  de  quitter 
cette  entreprise  ,  et  de  sortir  du  royau- 
me   Douze  commissaires  furent  dé- 

putt  s  pour  /<■  juger ,  qui  l'ayant  trouvé 
convaincu  d'hérésie,  lefrenl  prendre 
prisonnier.  Ils  étaient  convenus  en- 
semble qu'on  brûlerait  ses  livres,  qu'on 
lui  percerait  la  langue  ,  et  qu'il  ne  se- 
rait condamné  qu'à  la  prison  perpé- 
tuelle ,  pourvu  qu'il  voulût  abjurer  ses 
hérésies.  Le  savant  Guillaume  Budé  , 
qui  fut  un  de  ses  juges,  fil  tout  <e  qu'il 
put  pendant  trois  jours  pour  lui  persua- 
der de  sauver  sa  vie  par  la  rétractation 
de  ses  erreurs  ;  mais  n'ayant  pu  l'aincrt: 
son  opiniâtreté  ,  sou  arrêt  lui  jut  pro- 
noncé. Il  fut  brûlé  en  Grève  ,  au  mois 
d'avril  1539  (3o). 

(jq)  Oievillier,    de  l'Origine  de  l'Imprimcri- 
dc  Paris,  pag.  177. 

(?o)  Là  même  ,  pag.  177  , 


374  BERS 

BERSAL A  (A)  (  Anne  ) ,  fille  et 
principale  héritière  de  Wolfard 
de  Borselle  (a) ,  et  de  Charlotte 
de  Bourbon-Montpensier  {b  ) , 
qui  furent  mariés  ensemble  le 
17  de  juin  i/\68,  fut  femme  de 
Philippe  de  Bourgogne,  fils  d'An- 
toine de  Bourgogne,  seigneur 
de  Bèvres ,  l'un  des  bâtards  du 
duc  de  Bourgogne  Philippe-le- 
Bon  (c).  Elle  lui  apporta  en  dot 
la  seigneurie  de  "V  ère  (B) ,  celle 
de  Flessingue  ,  et  quelques  au- 
tres ,  et  eut  de  lui  un  fils  et  deux 
filles.  Son  père  et  ce'ui  de  son 
mari  ,  firent  une  très-grande  fi- 
gure (C).  Le  mérite  de  cette  da- 
me ,  et  quelques  endroits  de  sa 
conduite  el  de  ses  malheurs  ,  se- 
ront le  sujet  de  notre  dernière 
remarque  (D). 

On  y  verra  ,  entre  autres  cho- 
ses ,  qu'Érasme  l'estimait  singu- 
lièrement. 

(a)  Fabert  ,  Hist.  des  ducs  de  Bourgogne, 
iom.  I ,  pag.   162. 

(b)  Anselme ,  Hist.  de  la  maison  royale  , 
-pag.  272. 

(c)  Pontus  lleuterus,  Rerum  Burgundic. 
lïb.  VI  -,  pag.  7. 

(A)  Bersala.  ]  C'est  ainsi  qu'Érasme 
a  latinisé  le  nom  vulgaire  Borselle. 

(B)  Elle  apporta  h  son  mari  la  sei- 
gneurie de  Vère.  J  Elle  est  en  Zeelan- 
de,  dans  l'île  de  Walcheren  ,  et  a  été 
depuis  érigée  en  marquisat.  On  la 
nomme  vulgairement  Ter-Veer. 

(C)  Son  père  et  celui  de  son  mari  , 
jirent  une  très- grande  figure.  ]  Car  on 

dit  (  1  )  que  Wolfard  de  Borselle 
épousa  en  premières  noces  Marie,Jille 
de  Jacques  Ier. ,  roi  d'Ecosse  ,  qui  lui 
apporta  le  comté  de  Boncam  (2),  et 
qu'il  fut  maréchal  de  France  (3).  11 
est  plus  certain  qu'il  fut  créé  cheva- 
lier de  la  Toison  d  Or.  (4).  Louis  Gollut 

(1)  Fabert,  Histoire  des  ducs  de  Bourgogne  , 
lom.  I ,  pag.  162. 

(2)  Je  crois  qu'il  faudrait  dire  Bnchan. 

(3)  Anselme,  Histoire  des  grands  Officiers, 
pag.  i5î. 

(4)  Gollut ,  Mémoires  de  Bourgogne,  pag. 
<-AU. 


A  LA. 

le  met  dans  la  liste,  et  le  qualifie  comte 
de  Grand-Pré.  .M.  Fabert  fait  la  même 
chose;  mais  j'ai  de  la   peine  à  croire 
qu'ils  aient    raison  ;     car  je    trouve 
qu'Antoine  de  Bourgogne ,  bâtard  de 
Philippe-le-Bon  ,    fut    fait   comte  de 
Grand-Pré  et  de  Château-Thierri,  par 
Louis  XI,   Fan  1478  (5),   qui   est  le 
temps  à  peu  près  où  Wolfard  de  Bor- 
selle reçut  le  collier  de  l'ordre.  Quand 
nous  n'aurions   point   d'autre  preuve 
du  rang  qu'il  tenait,  que  son  mariage 
avec  une  fille  de  Louis  de   Bourbon , 
comte  de    Montpensier ,   et    dauphin 
d'Auvergne,  troisième  fils  de  Jean  1er., 
duc  de  Bourbon ,   nous  ne   pourrions 
douter  qu'il  ne  fît  beaucoup  de  figure 
dans  le  monde.  Voilà  pour  ce  qui  re- 
garde   le    père    d'Anne   de   Borselle. 
Disons  un  mot  de  son  beau-père  et  de 
sou  mari.  Antoine  de  Bourgogne,  sur- 
nommé le  grand  Bâtard,  fut  fait  che- 
valier de  la  Toison,   l'an  i456  (6)    Il 
fit  lever  le  siège  de  Ceute  aux  Mores , 
il  conduisit  l'avantgarde  à  la  bataille 
de  Grandson  (7)  ,    et  il  demeura  pri- 
sonnier à  celle  de  Nancy.  Il  entra  en- 
suite au  service  de  Louis  XI,  qui  lui 
donna  de  très-belles  terres,  comme  je 
l'ai  déjà  dit  (8).  Charles  VIII  lui   ac- 
corda des  lettres  de  légitimation  l'an 
i485,  et  le  fit  chevalier  de  l'ordre  de 
Saint-Michel. Du  mariage  de  ce  bâtard 
de  Bourgogne  avec  Marie   de  la  Vie- 
ville  ,  contracté  l'an  i4^9,  sortit  Phi- 
lippe de  Bourgogne,  seigneur  de  Bè- 
vres ,  qui  fut  établi  amiral  et  gouver- 
neur d' Artois  ,  el  créé  chevalier  de  la 
Toison,  a  Bruges,  l'an   1478-  Il  fut 
aussi     pourvu    du    gouvernement   du 
comté  de   Flandres  et  il  épousa  Anne 
de  Borselle  (9). 

(D)  Le  mérite  de  cette  dame ,  et  quel- 
ques endroits  de  sa  conduite,...  feront 
le  sujet  de  notre  dernière  remarque."]  Il 
n'y  avait  rien  de  plus  honnête  ni  de  plus 
généreux  qu'elle ,  si  nous  en  croyons 
Érasme,  fivi  pervenimus ,  dit-il  dans 
une  lettre  datée  du  mois  de  février 
1497,  ad  Annam  Principem  Veria- 
nam.  Quid  ego  tibi  de  hujus  mulieris 
comitatc ,    benignitate  ,    liberalitate  , 

(5)  Anselme,  Géuéalog.  de  la  maison  royale, 
pag.  211. 

(6)  Là  même,  pag.  220. 

(7)  L'an  1476. 

(8)  Ci-dessus ,  citation  (5). 

Iq)  Tire' du  père  Anselme,  Généalogie  de  la 
maison  royale,  pag.  220  ,  221. 


I5ERSALA. 


memorem  ?  Scio  rhetotum  antplijica- 
tiones  suspectai  haberi  solere  ,  prœser- 
tirri  iis  qui  ejus  arlificii  rudes  non  sunt. 
Al  hic  rue  nihil  allevare ,  iiuô  re  vinci 
artem    nostrarn  ,    mihi    credas  velim. 
Nihil  unquam  produxit  rerum  nalura, 
aut   pudentius ,   aut   prudentius ,   aut 
candidius ,   aut  benignius  (10).  11  ve- 
nait de  recevoir  d'elle  mille  marques 
de    bonté'   et  de   libéralité.  Tarn  Ma 
m  uni  benefica  fuit....  la/itis  Ma  me 
officiis  çumulavit  nullis  a  me  studiis 
prouoeala  (il).  O  te  beatum,  6 supe- 
ris  charum  ,  si  lu  istos  scopulos  enavi- 
gdris  :  sijelicitate  tud ,  quœ  mihi  qui- 
dem  summa  videtur ,  sine  im'idid  jrui 
possis.    Quod  utjore  confidam ,  </o- 
minœ  virtusfacit ,   cui  superos  onines 
propitios ,  benèque  volentes    esse  non 
dubilo.  Evenit  mihi  ,    mi  Batte  ,    in 
ista  ,  quod  in  te  sœpenumern  snlet ,  ut 
lum  ardenliits  amure  .  mirarique  inci- 
piam  ,  quiim  absum.   Boue  Deus ,  qui 
eandor ,  quœ   comitas  in  amplissimd 
fortuné,  quœ  animi  Icnilas  in  tantis 
injuriis  ,  quœ  hilaritas  in  tantis  curis  , 
tum  quœ  animi  constantia  ,  quœ  t'itœ 
innocentia,  quod  in  lilteralos  studium, 
quœ  in  nmnes  ajff'abilitas  (12)  !  Je  ne 
dirais  rien  de  la  lettre  qu'il  écrivit  à 
ce  même  ami  fan  i5oo,  si  elle  ne  té- 
moignait que    cette   dame  faisait  de 
grands    biens    aux   ecclésiastiques.  Il 
souhaite  qu'elle  le  choisisse  pour  un 
objet  de  ses  libéralités,  lui  dont    les 
travaux  de  plume  sont  plus  durables 
que  la  voix  des  prédicateurs  (i3) ,  et 
qui  voudrai!  aller  prendre  en  Italie  le 
bonnet  du  doctorat;  ce  qu'il   n  •  sau- 
rait taire  sans  des  dépenses  qu'il 
voit  point  en  état  de  soutenir,  si  elle 
n'ouvre  sa  bourse.    Ostendes   quanta 
ampliùs    ego  sim    meis   litleris  decus 
dnminœ    allalurus  ,    qu'uni  alii ,    quos 
alit ,  theologi.  Nam  Mi  uulgaria  con- 
cinttanlur  ,    ego  scribo  ,  qu<r    seniper 
sint   viclura.    ll/i    indoctè  misantes  , 
uno  aut  allero  in  lemplo  audiunlur  ; 
mei  libri ,  h  latinis,  à  grrecis  ,   ab  omni 
sente  toio   orbe   legenlur.    Ejusmodi 
indoctorum  theologorum  permagnam 
u/nque  esse  copiant ,  mcî  similern  uix 
multis  seculis  inveniri  ,  nisifor'.i 
iuperstitiosus  es  ,  ut  religio  tibi  sit ,  in 

do)  Erasm. ,  Epist.  XIV  ,  Ub.  IV,  pag.  186. 

fil)   Idem,  ibid 

(12)  Erasm.,  Epist.    XXIV,  Ub.    IV  ,  pag. 

(i3j  J'oret  /rtL«ltreXLVII  du  VIII*.  livre- 


\fo 


omit  i  negottu  mendaciolis  aliquot  abu- 
ti.  Deindè  ostendes  nihilo  illam  pau- 
periorem J'uturam  ,  si  ut  Hieronymus 
jam  deprai'iitus  ,  si  ut  fera  theotogia 
instauretur ,  aliquot  aureis  adjugent , 
cum  tanla  ex  itlius  opibus  lurpissimè 
pereant  (\\).  Elle  se  trouva  dans  l'em- 
barras l'an  1  \Ç)8 ,  et  même  dans  une 
espèce  de  détention.  Apud  dominant 
T^eriensis  oppidi  res  hoc  eram  loco  ut 
nec  colloqui  sine  summo  periculo  po- 
tuerim  ,  nec  abire  sine  gravi  suspi- 
cions. JYôsti  causant  prœpnsili  qui  ut 
nunc  in  vincuHs  est ,  ita  domina  in 
tutetd  (1 5).  Les  choses  n'allèrent  pas 
mieux  l'année  suivante.  Vcriana  durit 
salis  prerrtitur ,  ut  sublevanda  poliiir 
quant  oneranda  l'ideatur  (iG)  :  mais  la 
fermeté  de  son  courage  contre  la  mau- 
vaise fortune  fut  une  belle  matière 
d'éloge.  Voyez  la  lettre  qu'Erasme  lui 
écrivit  l'an  i5oo.  Je  n'en  tirerai  qu'un 
passage  :  il  nous  apprendra  qu'elle  fut 
mariée  très-jeune,  et  qu'étant,  passée 
d'un  mariage  peu  agréable  à  l'état  de 
viduité,  elle  ne  voulait  point  se  re- 
marier ,  quoique  les  soupirans  se  pré- 
sentassent avec  de  grandes  sollicita- 
tions. JYam  te  qiiulem  non  tant  in 
viiluis,  quant  in  virginibus  pono  :  siqui- 
dem  quod  olim  pue/la  admodùm  nup- 
sisti,  idquidem  partira  parentum  auc- 
torilali ,  partira  generi  propagando 
datum  :  et  ejusmodi  fuit  conjugium  , 
ut  non  tant  sit  imputanda  t'oluptas , 
quant  palientia  spcctula.  Quod  autern 
nunc  istii  adhue  œtate  virenti ,  et  penè 
puellari ,  nulld  procorum  inslanlid 
posais  à  continenlice proposito  diuelli, 
quod  m  foflund  tant  afflue  ni  i ,  tant 
nihil  indulgcs  tibi,  id  ego  non  mdui- 
latent ,  sed  virginitatem  exislimo  :  in 
quo  si  ,  ut  confido  ,  perseverabis ,  ego 
te,  mihi  crede  audacter ,  non  in  ado- 
lescentularum  chorn,  quarum,  ut  ail 
Scriptura ,  non  est  nurnerus,  non  in 
nctoginta  Salomonis  concubinis  ,  sed 
in  quinqungintii  Réglais,  et  Ilieronymo 
quittent,  ut  spero  ,  approbanle  annu- 
meravero  (17). 

Disons  aussi  quelque  chose  d'Adol- 
phe de  Bourgogne  son  £ds  unique.  11 

(i4)  /./.  .  ibid. ,  pag.  44o- 

(iS)fdem,  Epislol.  XXIH,  Ub.  IX.  pag. 
482  :  ell"  r't  datr'p  de  Pans,  en  i4o8-  Vojet 
awi   la  lettre  XXV  du  même  livre. 

16)  Idem,  Epist.  XX,  Ub.  IX,  pag.  4;8  : 
elle  est  dale'e  de  l'an  i4oo. 

(17)  Idem,  Epijt.  uluma  ,  Ub.  IX,  pag. 
5o3  ,  5<>4. 


376  BERTELIER. 

fut  amiral  de  Flandre,  ef  créé  chevà-  ligure   dans    les  écrits    d'impOr- 

lier  de  la  Toison  d'Or,  à  Bruxelles,  Unce   ,^_  Cette  action    fut        vj 
l'an  i5i6.  Il  est  loue  pour  ses  bonnes  .  .  ..        A    , 

qualités  par  Érasme,  qui  lui  dédia  supposa  que    la    république   de 

son  livre  de  la  Vertu.  Il  mourut  en  son  Genève  l'avait  envoyé  à  JNoyon  , 

château  de  lièvres    en  Flandre  ,   le  avec  ordre  d'y  faire  des  perquisi- 

7  décembre  i54o  (18).  Il  laissa  un  hls  tjons  esactes  touchant  les  mœurs 
et  des  filles  :  celles-ci  ont  laisse  pos-  .        .      ,      _  ,    .  , 

4'-»</     n         ■    k  nu     „■•;- cp'nnm  et  la  vie  de  Calvin  ;   et  qu  ayant 
tente  (19^  :  mais  le  lus ,   qui  se  nom-  f        f  »      _   n       J 

mait  Masimilien  ,   n'eut  point  d'en-  exécute     cette    commission  ,     il 

fans   de  Louise  de  Croï ,  sa  femme,  trouva  que  Jean  Calvin  avait  été 

qui  était  fille  de  Philippe  de  Croï,  convaincu   de  sodomie  ,  et   qu'à 

duc  d'Arsr.hot  (20).  Il  tut  fait  marquis  ,          -,         ,    „  ,•  A                           l 

Qucaanwnoi     ;                            1  ja  priere  <Je  Peveque  on  commua 

de    Vere  par   Charles-l^uint  (21;,    et  1                             1 

Fan  1 546  il  reçut  le  collier  de  l'ordre  la  peine  du  feu  en  celle  de    la 

delà  Toison  d'Or  (11).  Il  mourut  l'an  fleur    de  lis.  Il    se  vanta   d'avoir 

>558(a3).  La  XVK  lettre  du X«.  livre  un    acte   ${       •   de    notaire      qui 

d'Erasme    est  écrite    a    Adolphe    de  c  .     .    c  .    P                  .            -,       * 

"                    r>     „•„,-    is^rinnn     fI!p  faisait  foi  de  ce  procès  et  de  cet- 

Bourçogne  ,   Pnncipi    Veriann.     tue  .  r 

est  datée  de  Londres,  en  i5i2.  Il  lui  te  condamnation,  fjolsec  assure 
écrivit  de  Paris,  la  même  année,  une  (c)  que  lui  et  bien  d'autres  ont 
lattre  très-excellente,  qui  est  à  la  fin  yu  œt  acte  et  vôi|a  ]e  fonde_ 
de  VEnchiridion  Mdilis  Christiani, 
dans  quelques  éditions. 

(18)  Le  père  Anselme,  Génèalog.  de  la  mai- 
son royale,  pag.  221  ,  22a. 

(ig)  Voyez  le  père  Anselme  ,  la  menus 

(20)  La.  même  y  pa g.  222. 

\i\)  Pontus  Heuterus,  Reriim  Belgic.  lib. 
VI,pag.S. 

(11)  Anselme,  Généal.  de  la  ma/son  royale, 
peig*  222. 

(%'i)  Lud.    Guicciard.   Descript.  V.elgii,  pag. 

322. 


BERTELIER  (  Philibert  )  , 
greffier  de  la  justice  inférieure 
de  Genève    sa   patrie,    n'aurait 


ment  de  l'horrible  accusation 
qui  a  couru  par  tant  de  bouches, 
et  qui  à  été  insérée  dans  une  in- 
finité de  livres.  La  question  de 
fait ,  si  Calvin  a  été  puni  de  la 
peine  du  fer  chaud  pour  le  cri- 
me de  non-conformité  ,  se  ré- 
duit ,  de  la  part  de  ceux  qui 
affirment ,  à  la  seule  autorité  de 
Boisée ,  qui  assure  qu'il  a  vu 
l'acte  que  Bertelier  rapporta  de 
la  ville  de  Noyon.  On  verra  dans 


point  de  place  dans  ce  Diction-  Fartide  rfe  Bolsec  ,  que  son  té- 

naire,  si  son  article  n  était  pro-  mo{gna„e  ne  vaut  rien  dans  les 

pre    à   être  le  supplément  d  un  choses        •   sont  a  ]a  ch       e   de 

autre   {a),   et  une  décharge    de  Calvin*.    Celui  de    Bertelier  ne 

l'article  de  Calvin  ,  qui  apparem-  gaurait  »tre  meilleur .  car  ce  fut 
ment  sera  bien  long.   Ce  Berte 


un  homme  de  mauvaise  vie  ,  et 
contre  lequel  il  y  eut  sentence 
de  mort  (A)  ;  et  qui ,  après  tout  , 
n'avait    point    eu   à   Genève  de 


lier  vivait  au  milieu  du  XVIe. 
siècle.  Il  ne  s'est  fait  connaître 
que  par  de  mauvaises  actions  ; 
mais  comme  il  en  fit  une  qui 
donna  beaucoup  de  joie  aux  con- 
troversistes  ,  parce  qu'elle  leur 
fournissait  une  ample  matière 
de  déchirerla  mémoire  de  Calvin , 
il  se  mit  en  état  d'être  cité  corn-    de  la  rem'arf  ^^'"^"SÏIÏl'. 

,  1        r>  ■  comme    on  le  pense   bien  ,    il    u  est  pa< 

me    quelque  chose  ,  et  de   taire    ravis  de  Bayie.  Joly 


ta)  De  celui  de  (Jérôme)  BoLSEC. 


(b)  Voyez  la  remarque  (D). 

(c)  Dans    l'Histoire   de    Calvin  ,  publiée 
l'an  lb'jj. 

*   Sur  celte  circonstance  île  la  vie  de  Cal- 
vin ,   Joly  disserte   amplement   à  l'occasion 
nue  (0)  1  de  l'article  Cilvm  ,  et  , 
de 
au  reste  ,  en  partie   ne 
fait  que  re'péter  ce  que  Leclerc  avait  dit  dans 
ses  remarques  sur  l'aiiictc  Bolsec. 


plus  inexorable  partie  que  Calvin 
(B).  Mais  pour  détruire  cette  ac- 
cusation, il  n'est  nullement  né- 
cessaire de  se  servir  des  justes 
reproches  qui  rendent  nul  le  té- 
moignage de  ces  deux   person- 
nes  (d).    On   trouve  dans  l'acte 
même  une  marque  infaillible  de 
réprobation  (C) ,  et  rien  ne  me 
surprend    davantage  ,     que    de 
voir  un  aussi  grand  homme  que 
le  cardinal  de   Richelieu ,    faire 
fond  sur  cette  pièce  de  Bertelier 
(D) ,  et  s'appuyer  principalement 
sur  ce  que  la  république  de  Genè- 
ve ne  s'inscrivit  pas  en  faux  (E). 
Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'exami- 
ner si  elle  eut  raison  de  mépriser 
ce  mensonge  (F).  Il  n'y  a  point 
d'articles  de   Dictionnaire,    qui 
soient,    plus  capables  de   rpnclre 
service    au    lecteur  que    celui- 
'ci  (G). 

(d)  Voyez  Rivet ,  dans  son  Catliolicus 
ortliorloxus,  au  fom.  III  de  ses  œuvres, 
pag.  8,  etc.  ;  et  dans  son  Jisuil.i  Vapulans  , 
chap.  II,  pag.  4g5  ,  etc.,  du  même  tome  ,oh 
il  montre  à  Lessius  ,  par  ses  propres  règles  , 
i/ue  ni  Bertelier  ,  ni  Bolsec,  ne  peuvent  point 
rendre  témoignage  contre  Calvin. 

(A)  Ce  fut  un  homme  du  mauvaise 
vie ,  et  contre  lequel  il  y  eut  sen- 
tence de  mort.]  M.  Drelincourt ,  le 
ministre  de  Paris,  me  fournira  une 
preuve  de  ce  fait,  contre  laquelle  la 
chicane  des  plus  déterminés  sophistes 
qui  soient  au  monde  ne  ferait  que 
blanchir.  Il  a  inséré  dans  un  livre 
imprimé  à  Genève,  avec  le  privilège 
de  la  seigneurie  (i),  l'extrait  d'une 
lettre  qu'il  avait  reçue  de  M.  Lullin  , 
conseiller  et  ancien  syndic  de  Ge- 
nève .or  voici  ce  que  porte  cet  extrait. 

<c  Je  ne  veux  pas  cependant  refuser 
»  à  votre  contentement  particulier 
»  ce  que  j'ai  appris,  et  que  je  puis 
»  tous  assurer  que  j'ai  lu,  et  que  je 
»  viens  de  lire  dans  les  anciens  re- 
»  gistres  de  notre  conseil  ,  où  j'ai 
»  trouvé   que    le    nommé    Philibert 

(il  II  a  pour  titre  :  La  défense  de  Calvin,  et 
fui  imprimé  l'an  1(167  >  ««-8°. 


BERTELIER.  377 

»  Bertelier  était  de  cette  ville,  et  qu'il 
»  y  a  possède'  la  charge  de  Secrétaire, 
»  que  l'on  appelle  ailleurs  Greffier  de 
»  la  justice   inférieure  ,   qui  est  bien 
»  au-dessous   de    celle  de  Secrétaire 
»  d'état  qu'on  lui   attribue;   et  que 
»  cet  homme  étant  accusé  de  crimes 
»  de  sédition  et  de  conspiration  con- 
»  tre   cet  état,  et  cette  église ,  il  se 
»  rendit  fugitif,  et  n'ayant  pas  vou- 
»  lu  comparaître  pour  en  répondre, 
»  fut   condamné    comme   atteint   et 
«  convaincu  de  ces  crimes ,  à  avoir 
»  la  tète  tranchée,  par  sentence  ren- 
»  due   contre  lui  le  Ge.   d'août  i555. 
»  Et  même  ,  environ  deux  ans  après, 
»  ayant  un  procès  contre  un  particu- 
»  lier  de   cette   ville  en   une  justice 
»  étrangère  où  il  s'était  retiré  ,  et  au- 
»  quel  il  y  allait  de  l'honneur  et  de 
»  l'intérêt  de  notre  république  et  de 
»  ce  particulier  de  faire  connaître  ce 
»  perfide  ,    l'on   octroya  une  attesta- 
»   tion  du  jugement  rendu  contre  lui, 
»  aux   termes    que    vous   verrez   par 
»  la  copie  ci-jointe,  datée  du  5e.  de 
»  février  155^.  Voilà  les  qualités  vé- 
>>  ritables  de    celui   dont   on  relève 
)>  si  haut  le  témoignage  dans  le  livre 
»  de  feu  M.  le  cardinal  de  Richelieu. 
»  Pour   ce  qui  regarde  son  envoi  ou 
»  sa  députation  à  Noyon,  pour  faire 
»  une  information  de  la  vie  de  Mon- 
»  sieur  Calvin,  c'est  un  fait, qui  non- 
»  seulement  est  faussement  supposé, 
»  et  dont  il  n'est  fait  aucune  mention 
»   en  nos  registres;  mais  qui  est  contre 
»  toute   vraisemblance.     Car  ,    outre 
»  qu'il  c'est  jamais  sorti  envoyé  ou 
"député  de  notre  ville,  pour  affaire 
»  publique,     qui     n'ait    été    en    une 
»  charge  plus  haute  que  celle  de  Ler- 
»  telier ,   et  que   l'on  ne   donne   ces 
»  emplois  qu'à  des  conseillers  du  petit 
»  conseil ,  il  est  notoire,  comme  \<>us 
*  savez,   que   nous    a\ions   en   cette 
»   ville   des  personnes    remarquables 
»  de  Noyon,  qui  s'y  étaient   retirées 
»  avec  M.  Calvin  peu  de  temps  api  es 
»  lui  ,et  entre  autres,  un  chanoine, 
»  nommé  M.  Collemont  ,  et  Mgr.  de 
»  Normandie  ,  lieutenant  civil  de  la 
><  ville   de   Noyon  ,    dont    la  famille 
»  est   encore  des  plus   considérables 
»  parmi  nous,  et  duquel  je  suisdes- 
»  cendu  du   coté   maternel  ;    par  le 
»  moyen  desquels  il  était    bien  facile 
)>  de  prendre  toutes  le-;   informations 
))  que  l'on  aurait  pu  désirer,  sans  al- 


378 


BEKTELIER. 


5>  1er  plus  loin.  Joint  à  cela,  qu'il 
»  est  constant  que  ce  Bertelier  a 
»  toujours  été  ennemi  de  M.  Calvin  , 
»  parce  qu'il  l'avait  souvent  repris 
»  et  censure  de  ses  vices ,  et  de  ses 
»  scandales  ;  et  qu'il  s'était  oppo- 
»  se  de  tout  son  pouvoir  à  ses  nie- 
»  chans  et  pernicieux  desseins.  Ce 
»  qui  se  prouve  par  les  lettres  de  Cal- 
»  vin  à  Viret  et  à  Bullinger,  aux  mois 
»  de  septembre  et  de  novembre  i553  , 
»  par  lesquelles  il  le  décrit  comme 
»  un  homme  vicieux  et  audacieux. 
»  M.  de  Bèze  représente  aussi  en  la 
»  Vie  de  Calvin  les  méchantes  quali- 
»  tés  de  Bertelier  (2).  » 

Voici  la  copie  de  l'attestation  de  la 
seigneurie  de  Genève  contre  Philibert 
Bertelier  (3). 

«  Nous  syndics  et  conseil  de  Ge- 
»  néve,  à  tous  ceux  qui  ces  présen- 
»  tes  verront  ,  certifions  que  le  6e. 
«  d'août  de  l'an  i555  a  été  donné  et 
»  prononcé  publiquement,  à  son  de 
»  trompe, sentence  criminelle,  contre 
:»  Philibert  Bertelier,  et  complices 
»  nommés  en  ladite  sentence,  par 
3)  laquelle ,  pour  les  crimes  borribles 
»  et  détestables  de  conspiration  con- 
»  tre  la  sainte  institution  et  réforma- 
»  tion  chrétienne ,  et  contre  cette 
»  cité  ,  bien  public  et  tranquillité 
»  d'icelle,  a  été  ledit  Philibert  Ber- 
»  telier,  comme  des  auteurs  de  con- 
»  spiration  et  ennemis  de  cette  cité  , 
*  paix  et  union  et  tranquillité  d'icelle, 
»  condamné  à  devoir  être  lié  et  mené 
>»  au  lieu  de  Champel,  et  là  avoir  la 
M  tête  coupée ,  et  son  corps  mis  en 
»  quatre  quartiers ,  lesquels  seront 
»>  élevés  es  quatre  lieux  plus  éminens, 
»  à  l'entour  de  cette  cité  ,  pour  don- 
»  ner  exemple  aux  autres  ,  qui  tels 
»  crimes  voudraient  commettre  : 
»  comme  ainsi  l'attestons.  En  foi  de 
»  quoi  nous  avons  mandé  et  comman- 
»  dé  être  concédées  les  présentes  , 
»  sous  notre  sceau  en  ce  accoutumé, 
»  et  seing  de  notre  secrétaire.  Donné 
»  à  Genève,  ce  5  de  février  155^.  » 

(B)  Il  n'avait  point  eu  de  plus  inexo- 
rable partie  que  Calvin.  ]  Bertelier, 
ayant  été  excommunié  l'an  i55a  par 
le  consistoire  de  Genève  (4) ,  en  porta 

(2)  Drelincourt,  Défense  de  Calvin  ,  pag.  148. 

(3)  Elle  est  dans  le  livre  de  M.  Dielincourt , 
pag.  i5r. 

(4)  C'est  de  lui  qu'il  faut  entendre  ces  paro- 
les de  la  Lettre  de  Calvin  à  Bullinger  ,  {c'est  la 


ses  plaintes  au  sénat.  Les  ministres 
furent  mandés  pour  rendre  raison  de 
cette  affaire  :  le  sénat,  parties  ouïes , 
prononça  que  l'excommunicationétait 
juste.  Au  bout  de  dix-huit  mois,  Ber- 
telier eut  recours  encore  au  sénat , 
qui,  après  avoir  ouï  les  oppositions 
de  Calvin,  prononça  que  Bertelier  se- 
rait reçu  à  la  sainte  cène.  Dès  que 
Calvin  eut  appris  cette  nouvelle  ,  il 
pria  messieurs  les  syndics  de  convo- 
quer le  sénat;  et  lorsque  l'assemblée 
fut  formée,  il  représenta  ses  raisons, 
et  conclut  par  jurer  qu'il  perdrait 
plutôt  la  vie  ,  que  de  consentir  qu'un 
tel  homme  participât  à  la  cène  (5). 
Voilà  ce  que  Calvin  a  écrit  lui-même. 
Son  historien  nous  en  dira  davantage 
(6;.  Les  vacarmes  que  l'on  lit  contre 
les  ministres  ,  comme  si  à  certains 
égards  ils  se  fussent  emparés  des  droits 
delà  souveraineté,  furent  cause  que 
le  conseil  des  deux  cents  ordonna  que 
la  connaissance  des  causes  d'excom- 
munication appartiendrait  en  dernier 
ressort  a»  sénat, et  que  le  sénat  pour- 
rait absoudre  les  excommuniés  qu'il 
verrait  bon  être.  En  conséquence  de 
ce  décret,  le  sénat  accorda  des  lettres 
d'absolution  à  Bertelier,  qui  furent 
scellées  du  sceau  de  la  seigneurie.  On 
devait  célébrer  la  cène  dans  deux 
jours ,  lorsque  Calvin  fut  averti  de 
ce  qui  s'était  passé.  Il  prit  son  parti 
promptement  :  il  prêcha  sur  le  mépris 
de  la  cène, il  éleva  la  voix  et  la  main, 
il  dit  qu'il  imiterait  saint  Chryso- 
stome,  qu'il  n'opposerait  point  la  force 
à  la  force  ,  mais  qu'il  se  laisserait  plu- 
tôt massacrer,  que  d'employer  sa  main 
à  présenter  les  saints  mystères  à  ceux 
qui  en  avaient  été  jugés  indignes.  Ce 
fut  un  coup  de  foudre  qui  déconcerta 
la  faction  de  Bertelier  ;  de  sorte  qu'il 
fut  jugé  à  propos  qu'il  ne  se  présentât 
pas  à  la  communion.  Le  lendemain 
de  la  cène  ,  Calvin  ,  accompagné  de 
son  consistoire  ,  demanda  au  sénat , 
et  au  conseil  des  deux  cents  ,  la  per- 
mission de  parler  au  peuple  sur  cette 
affaire  ,  attendu  qu'il  s'agissait  de 
l'abrogation  d'une  loi  faite  par  le 
peuple.  Cela  fit  tant  d'impression  sur 

CLXII  :  )  Quidam  ,  ob  effrenes  suas  libidines 
et  niulla  ll.igilia,  mira  usu  privatus,  donee  resi- 
pisecret. 

(51  Ex  Epistolâ  Calvini  ad  Viretum.  C'est  la 
CTÂVe.  Elle  est  datée  du  4  'le  septembre 
t553. 

(6)  Beza  ,  in  Yitâ  Calvini  ,  ad  ann.  i553. 


BERTELIER. 


3n(^ 


les  esprits,  qu'il  fut  résolu  qu'on  con-  Je  pousse  cette  pense'e  dans  un  autre 

suit-,  rait  les  Cantons  Suisses,   et  que  lieu  (g),  laissons-la  donc  ici  comme 

le  décret  des  deux  cents  demeurerait  elle  est.   l'ajoute    que   si  l'exposé  de 

suspendu,  sans  que  l'on  pût  dire  que  Bertelier  était  véritable  ,  il  aurait  eu 

les  anciens  règlemens  eussent  reçu  la  son  papier  quand  il  s'enfuit  de  Genè- 

moindre  atteinte.   In  eam  senlenttam  ve,    c'est-à-dire,   que   sa    prétendue 

animis  non  mediocriter  immuta  lis  itum  commission    aurait  précédé    l'affaire 

est ,  ut  suspenso  Mo  Diacosiorum  de-  pour   laquelle  il  fut  condamné   à   la 

crelo  statueretur  petendum  esse  à  qua-  mort  par  contumace  l'an  1 555  ^  car, 

tuor  cit'itatif/us  Helvetuis  judicium,  depuis  ce  temps-là,  il  est  visible  qu'il 

nec  interca  prœjudicium  ullum  Jieri  n'a  point  eu  la  commission  dont  il  se 

receptis  legibus  oportere  (7).    Parce  vante.  Mais,   à  qui  persuadera-t-on  , 

moyen  ,    le  consistoire   remporta   un  qu'avant  l'année   i555,  lorsque  ceux 

plein  triomphe,  et  fit  bouquer,  pour  qu'on   appelait  hérétiques    n'osaient 

ainsi  dire,  et  le   sénat  et    le  conseil  se  montrer  de  peur  du  feu  ,  un  député 

des  deux  cents.  Qu'eussent-ils  fait  dans  de   Génère  alla    hardiment  à  Noyon 

un  pays  de   démocratie  ?  Peut-on  do-  pour  s'informer  de  la  vie  de  Calvin  ? 

miner  sur  des  personnes,  qui  du  haut  A  qui  pi'rsuadera-t-on  ,   que  si  Berte- 

d'une  chaire  disent  an  peuple  qu'ils  se  lier  avait  eu  un  acte  authentique  de 

laisseront  plutôt  tuer,  que  de  consen-  l'infamie  de  Calvin  l'an  i554,  il  l'au- 

tir  que  les  choses    saintes  soient  pro-  rait  si  bien  tenu  sous  la  clef,  que  le 

fautes  .J   L'exemple  de  saint  Chryso-  public  n'en    aurait   eu    connaissance 

stome,  allégué  bien  à  propos  ,  est  une  qu'en   l'année    1577?    ^'était-ce   pas 

très-fine   manière  de  menacer   d'une  une   pièce   que  le   clergé    de   France 

sédition   messieurs  du  gouvernement!  aurait  achetée  au  poids  de  l'or  ?  Hais 

(C)  Il  y  a  dans  Pacte  qu'il  produi-  à    quoi    m'amuse -je    de    réfuter    un 

sit  contre  Calvin  une  marque   infait-  roman  aussi  ridicule  que  celui-là? 
Cible  de  réprobation.]  On  ne  sait  ,  ni         (D)    //  est  surprenant  de  voir  le  car- 

en   quel   temps  il   fut  dressé,    ni  par  dinal  de  Richelieu  faire  fond  sur  cette 

qui,   ni  les  noms  des  témoins,   ni   en  pièce  de  Bertelier.  j  «  Ce  qui  doil  pas- 

général  aucune  des  circonstances  que  »  ser  ,  dit-  il  (  10  )  ,    pour    une  con- 

l'on  n'oublie  jamais  ,  si  ce  n'est  lors-  »  viction  indubitable  des  crimes  im- 

qu'on  a  peur  de  fournir  des  armes  à  »  pûtes  à  Calvin  est  que  depuis   qu'il 

ceux  qui  ont  intérêt  de  s  inscrire  en  »  a  été  chargé   de  cette  accusation  , 

faux.  Ce  que  je  vais  dire  est  t<>ut  au-  0  l'église  de  Genève  ,  non-seulement 

trement  décisif.  Si  l'acte  de  Bertelier  »  n'a  pas  justifié  le   contraire,    niais 

avait   été  légitime ,  il  y  aurait   eu   à  )>  même,   n'a   pas   nié  l'information 

a  des  doctimens  authentiques  et  »  que   Bertelier ,  envoyé  par  ceux  de 

publics  du  procès  et  de  la  fleur  de  lis  »  la  même  ville  ,  fit  à  Noyon.   Cette 

en  question 5    et    cela    étant,    on   les  »  information    était  signée    des  plus 

aurait  publiés  dès  qu'on  aurait  vu  les  »  apparens  de   la  ville  de   Noyon,  et 

ravages  que  soutirait   le  catholicisme  »  avait  été  faite  avec    toutes  les  for- 

par    le  moyen   de  Calvin.   A    moins  »  mes    ordinaires    de  la    justice  ;    et 

d'un  miracle  continuel ,  et  plus  inouï  »  dans  la  même  information  l'on  voit 

qu'aucun  miracle  que  l'on  connaisse ,  »  que  cet    hérésiarque  .   ayant    été 

tous  les  habitans  de  Noyon  n'auraient  »  convaincu  d'un  péché  abominable  , 

pas    gardé    le   secret  ,    et    n'auraient  »  que  l'on  ne    punit  que   par  le  feu  , 


point  épargné  la  réputation  d'un  com- 
patriote qui  leur  était  si  odieux  (8). 

(•;)  Beia.in  Vitî  Calvini,  ad  ann.  i553. 
(S)  L'an  i55i  ,  sur  une   fausse  nouvelle  de  la 
mort  de    C.itlviu  t  ou    fit  des   prière*  publiques  et 


»  la  peine  qu'il  avait  méritée  fut ,  à 
»  la  prière  de  son  e'vêque,  modérée 
»  à  la  fleur  de  lis.  Et  l'église  de 
»  Genève,  qui  ne  désavoue  pas  celte 
»  information  touchant  la  vie  de  Cal- 

ites  processions  à  Noyon,  pour  rendre   eràces  a  »    vin  ,  n'eut  pas  manqué  de     la    ilr-.i 

p.ende cette  mort. Non  d**M  oui*  i \amaudi+  „  j      ,|e       ^  ,      pouvoir 

ri*  me  patrtee  esse  superstitem.  lia  urbem  mor-  l 

tuant   lugere  coeor ,  (  c'est  à  l'occasion    de  l'in- 
cendie qui  fit  périr  cette   ville,  l'an    i55a  ,    que  (Q)   Pans  la  remarqu-  'K)    dr  V  article  Bol- 

Calvin  dit  cela,  )  qua>  superiore  anno ,  oh  f'al-  stc  i   et  p'<"  amplemei.l  dans  la  remarque  (L) 

tum  inortis  meœ  rumorem ,  solennrs  habuil  sup-  '^c  l'article  Uèie. 

plicationes  ,  ut  de  Christo  Iriumpharei.   Calvi-  (10)  Méthode  pour  convertir  ceux  qui  se  sont 

nus,  epist.  CXL,  datée  du  5  décembre  i55a.  séparés  de  l'EgKte  ,  Ur.  IF  .  chap.  X,  pag.  3 19. 


38o 


BERTELIER. 


-»  faire  sans  blesser  la  vérité.»  N'est-  vin.  Itane?  Ergb  quotiescunque  li- 
ce  pas  une  chose  étrange,  qu'un  pre-  buerit  infami  alicui  agyrtœ  crimina 
mier  ministre  ,  dont  le  crédit  n'était  confingere  in  viros  bonos  necessarium- 
pas  moins  grand  que  celui  du  roi,  se  ne erit  libellas  illosfamosos  discutere, 
fonde  sur  un  acte  borgne,  qu'un  pe-  ut  hnmines  isti ,  si  tamen  homines , 
fit  médecin  de  Lyon  s'était  vanté  quifamamaucupanturexadversario- 
d'avoir  vu  entre  lesmains  d'un  homme  rum  nomine  ,  applaudant  sibi  quôd 
vulgaire?  Un  petit  particulier  avait  tandem  repererint  qui  se  cum  illis 
donc  plus  de  crédit  que  le  cardinal  voluerint  componere ,  et  exislimârint 
de  Richelieu .  pour  déterrer  les  vieux  talia  esse  responsione  digna  ,  quee 
registres  de  Noyon  ?  La  vérité  est  que  contemplu  pottùs  erant  dihienda  (i4)? 
ce  cardinal  employa  toutes  les  per-  Nous  allons  entendre  un  jésuite  ,  qui 
quisitions  imaginables,  pour  chercher  s'accorde  parfaitement  avec  ces  mi- 
les  prétendues  procédures  de  Noyon  nistres  .  «  Depuis  quand  est-ce  qu'il 


contre  Jean  Calvin  ,  et  qu'il  ne  trouva 
rien  (n).  Cependant  il  ne  laissa  pas 
de  soutenir  l'affirmative  ,  sur  la  foi  de 
Jérôme  Bolsec.  Peut-on  excuser  une 
conduite  si  étrange  ?  M.  Drelincourt 
ne  saurait  croire  que  ce  grand  homme 
l'ait  tenue  :  il  en  jette  tout  le  blâme 
sur  ceux  qui  ont  publié  le  livre  inti- 
tulé Méthode  pour  convertir  ,  etc. 
(ia). 

(E) et  sur  ce  que  la  république 

de  Genève  ne  s'inscrivit  pas  enfaux.~\ 
Nousavons  rapporté  dans  la  remarque 
précédente  les  propres  paroles  du 
cardinal  de  Richelieu  :  elles  montrent 
qu'il  faisait  son  fort  du  silence  de  la 
république  de  Genève.  M.  Drelincourt 
lui  fait  voir  par  des  exemples  sensi- 
bles ,  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  faux ,  ni 
de  plus  absurde  ,  que  de  prétendre 
que  ceux  qui  laissent  courir  une  ac- 
cusation ,  donnentlieu  de  croire  qu'ils 
sont  convaincus  qu'elle  est  bien  fon- 
dée. Le  premier  de  ces  exemples  est 
M.  le  cardinal  de  Richelieu  lui-même  : 
Que  ceux  qui  ne  pouvaient  souffrir 
son  élévation  et  son  pouvoir ,  en  di- 
saient des  choses  étranges  ;  et  qu'il  y 
en  a  même  qui  ont  été  publiées  ,  et 
dont  on  a  rempli  des  livres.  Parce 
que  Von  n'a  pas  fait  d  information 
juridique  pour  justifier  le  contraire  , 
les  parens  de  cet  illustre  cardinal ,  et 
ceux  qui  honorent  sa  mémoire,  vou- 
draient-ils que  cela  passât  pour  des 
vérités  constantes  (i3)  ?  M.  Rivet  , 
professeur  en  théologie  à  Leyde  , 
s'était  servi  d'un  pareil  principe ,  en 
répondant  à  une  objection  de  Lessius 
tirée  du  silence  des  bons  amis  de  Cal- 

(n)  Voyez  la  Défense  de  Calvin,  par  M.  Dre- 
lincourt, pag.  g. 

(12)  L'a  même,  pag.  71.  Voyez  aussi  pag. 
l4o  ,  etc. 

(x'i)  Drelincourt,  Défense  de  Calvin,  pag.  84- 


n'est  point  permis  de  demeurer 
dans  le  silence ,  à  moins  de  vouloir 
passer  pour  convaincu  des  crimes 
qu'on  nous  aurait  imposés  ?  L'on  ne 
voit  pas  que  ce  soit  là  le  sentiment 
des  plus  sages ,  ni  de  ceux  dont 
l'exemple  peut  servir  de  règle  aux 
autres.  Qui  ne  sait  combien  de 
sottises  les  ennemis  de  la  France 
ont  accoutumé  de  publier  contre 
elle  dans  leurs  gazettes  et  dans 
leurs  libelles?  Qui  ne  sait  aussi  les 
infamies  et  les  abominations  que 
M.  Jurieu  a  répandues  contre  les 
papes  et  contre  l'église  romaine 
dans  son  Parallèle,  dans  ses  Préju- 
gés ,  et  en  tant  d'autres  livres  dont 
il  remplit  le  monde?  Si  donc  le  roi 
ne  tient  pas  des  gens  exprès  pour 
réfuter  ces  gazettes  étrangères  de 
point  en  point,  et  s'il  ne  se  trouve 
personne  parmi  les  catholiques  qui 
ait  assez  de  temps  à  perdre  pour 
s'amuser  à  prouver  sérieusement 
que  ce  sont  des  visions  de  M.  Ju- 
rieu, de  dire  que  les  papes  ont 
prétendu  à  la  monarchie  univer- 
selle ;  que  pour  cet  effet,  ils  ont 
suscité  exprès  le  schisme  entre  les 
Grecs  et  les  Latins  ;  qu'ensuite ,  afin 
de  vider  la  querelle  ,  ils  ont...  etc.; 
à  moins  ,  dis- je  ,  que  le  roi  ou  le 
pape  n'aient  soin  de  faire  réfuter 
ces  chimères  et  ces  médisances,  le 
gazetier  de  Hollande  et  M.  Jurieu 
ne  seront-ils  point  en  droit  d'in- 
sulter l'un  à  la  France,  l'autre  au 
saint-siége  ,  et  de  dire  :  Ils  n'ont 
osé  entreprendre  de  répondre ,  on  a 
sujet  de  croire  qu'ils  ne  l'ont  pu  ? 
Et  l'auteur  de  la  Morale  pratique 
ne  serait-il  point  d'avis  qu'on  leur 
passât  condamnation  là-dessus?  On 

d4)  Rivet,  Operum    lom-  III,  pag.    9    <H 
496. 


BERTRAM. 


38i 


»  veul  croire  qu'il  aurait  honte  de 
■»  l'accorder.  Pourquoi  donc  ne  vou- 
»  drait-il  pas  que  les  jésuites  eussent 
»  pu  négliger  de  répondre  à  des  li- 
»  belles  qui  ne  sont  à  leur  avis ,  ni 
j>  moins  fabuleux ,  ni  moins  mepri- 
»  sables ,  que  les  gazettes  d'Amster- 
5>  dam,  et  que  les  systèmes  histori- 
■»  ques  ou  prophétiques  de  M.  Jurieu  ? 
■»  Doivent-ils  être  plus  délicats  sur  le 
»  fait  de  leur  réputation,  que  ne  le 
»  sont  ceux  que  Dieu  a  mis  sur  nos 
»  têtes?  Ne  doivent-ils  pas,  ou  du 
»  moins  ne  leur  est-il  pas  permis  , 
»  après  ces  grands  exemples  ,  de  mé- 
>  priser  ce  qui  ne  touche  que  leur 
«  honneur  particulier  (1 5)  ?  » 

(F) Ce  n'est  pas  le  lieu  d'exa- 
miner si  elle  eut  raison  de  mépriser  ce 
mensonge.]  La  maxime  de  M.  Drelin- 
court  et  du  père  leTellier  est  belle  et 
bonne  ,  et   très-véritable  ,  générale- 
ment parlant-  mais  il  y  a  des   ren- 
contres particulières,  où  il  vaut  mieux 
ne  s'en  pas  servir  ,  que  de  s'en  servir. 
Je  ne   déciderai    point  si  la  républi- 
que  de    Genève    aurait    mieux    fait 
d'opposer  une   déclaration    publique 
à  l'exposé  de    Bolsec,   concernant  la 
prétendue  députation  de  Bertelier.  11 
semble  d'abord  que   l'avantage ,  que 
les    controversistes     catholitpies    ont 
prétendu    tirer    du    silence    qu'on   a 
tenu   à   cet  égard  ,    prouve  qu'on  n'a 
pas  bien  fait  de  se  taire  :  je  veux  dire, 
de  ne  démentir  pas  expressément  et 
par   un   acte  public  l'audace  de  ces 
gens-là  ;  mais  ceux  qui  font  réflexion 
que  rien   n'arrête  la  plume   de    ccv 
laines   gens ,    et   que  si  on  leur   op- 
pose des  diguesd'un  coté  ,  ilsse  jettent 
de    l'autre  à    l'infini  ,    voient     bien 
qu'un   acte  de   la  république   de  Ge- 
nève n'aurait  pas  terminé  celte  dis- 
pute. Je  conviens  de  la  maxime  ,  que 
la  meilleure  manière  de  se  venger  d'un 
impudent  calomniateur,  est  quelque- 
fois celle  de  ne  lui  répondre  rien  (16). 
Avec   tout  cela  ,    je    crois    que   Bèze 
n'appliqua  pas    bien   cette    maxime  , 

(i5)  Le  père  le  Tellier  ,  Défense  des  nou- 
veaux Chrétiens,  I" .  part.  ,  pag.  25  ,  26. 

(16)  Genus  ullionis  est  eripere  ei  qui  fecit 
contumeliîe  voluptateni.  Soient  dicere ,  miseram 
nie  ,  puto  non  intellexis>e  '.  Aileô  fruitus  cootu- 
melie  in  sensu  et  indi^natione  patieotis  est,  ut 
jplim'e  Seneca  ,  cap.  XVII  de  Cor.st.  Sapien- 
tis.  Hune frucuan  quœrebat  BoLecut  quem  et 
ademil  viventi  tapientum  pattentia.  Riveti  Ope- 
l'Iim  (OUI.  ///,  ya^.  iJyO. 


quand  il  s'en  servit  envers  Bolsec. 
Une  réponse  lui  aurait  donné  de  la 
vanité,  il  en  eût  conclu  que  ses  mé- 
disancesavaient  pénétré  jusqu'au  vif: 
cette  conclusion  l'eût  comblé  de  joie  : 
j'en  tombe  d'accord;  mais  il  valait 
mieux  le  laisser  jouir  de  cette  joie 
rabattue  par  la  note  infâme  de  ca- 
lomniateur public  ,  dont  une  bonne 
réponse  l'aurait  couvert ,  que  de 
fournir  un  prétexte  tant  à  lui  qu'à 
ses  copistes  de  se  vanter  qu'on  n'avait 
pu  se  défendre.  Qui  lacet  consenlire 
t'idetur.  Les  vérités,  qu'on  nomme 
maximes,  ne  se  battent  guère  moins 
entre  elles  ,  que  les  erreurs  et  les  vé- 
rités. 

(G)  Il  n'y  a  point  d'articles  de  dic- 
tionnaire plus  capables  de  rendre  ser- 
vice au  lecteur  que  celui-ci.]  Une  des 
plus  grandes  utilités  qu'on  puisse  ti- 
rer de  la  lecture  est  d'apprendre  les 
faiblesses  du  cœur  humain,  et  les 
mauvais  effets  des  préjugés  de  reli- 
gion. Or  où  peut-on  mieux  connaître 
cela  qu'ici  ?  Que  ne  faut-il  pas  que 
l'homme  soit  naturellement,  on  qu'il 
devienne  par  le  zèle  aveugle  et  furieux 
de  religion,  puisqu'un  moine,  devenu 
médecin  protestant,  et  puis  médecin 
papiste,  chassé  deux  ou  trois  fois  avec 
note  d'infamie  des  lieux  où  il  s'était 
établi  ,  ne  produit  pas  plus  tôt  une 
accusation  sur  la  foi  d'un  fugitif  con- 
damné à  la  mort  par  contumace  : 
une  accusation  ,  dis  je,  la  plus  mal 
bâtie,  et  la  plus  mal  prouvée  du 
monde,  qu'on  l'adopte  ,  qu'on  la  fait 
passer  de  livre  en  livre  ,  qu'on  en 
tire  mille  conséquences,  que  les  au- 
teurs de  la  première  volée,  le  grand 
cardinal  de  Richelieu  même,  la  propo- 
sent aux  hérétiques  comme  un  motif 
efficace  de  conversion  ;  et  tout  cela  , 
proplcr  majorent    Dei     gloriam  ?     (I 

QUANTUM  EST  IN  REBUS  INANtfj^)  ! 
(17)  Persius,   salir.  ï,  vi.  1. 

BERTRAM  (Corbeille  Bon-a- 
venture), nalifde  Thouars"  en 
Poitou  ,  se  rendit  recommanda- 
ble  dans  le  XVIe.  siècle  ,  parla 
connaissance  qu'il  s'acquit  des 
langues  orientales.  Il  avait  étu- 
dié l'hébreu  à  Paris,  s<>u-  \n 
Caninius  ,  et  ensuite  à  Cahors 
avec   le    jurisconsulte    François 


382  BERT 

Roaldes.  Il  eut  bien  de  la  peine 
à  éviter  les  massacreurs  de  Ca- 
hors,l'an  1572;  mais  enfin  il 
leur  échappa  ,  et  se  sauva  à  Ge- 
nève ,  ou  au  bout  de  deux  ans  il 
remplit  la  profession  en  hébreu 
que  Rodolphe  Cevalier  avait  oc- 
cupée. Il  travailla  à  divers  ou- 
vrages considérables  ,  pendant 
son  séjour  à  Genève  (A)  ,  et  il  ne 
discontinua  point  de  s'appliquer 
iil'étude,  lorsqu'il  se  fut  transpor- 
té à  Franckenthal  au  palatinat. 
Il  y  publia  un  livre  l'an  i586  , 
intitulé  Lucubrationes  Frcnc- 
kentalenses.  Il  quitta  ce  poste 
pour  s'en  aller  à  Lausanne ,  où 
MM.  de  Berne  lui  offrirent  une 
charge  de  professeur  qu'il  exerça 
jusques  à  sa  mort  arrivée  l'an 
1594.  Il  était  dans  son  année 
climatérique  lorsqu'il  mourut 
(a)  ,  d'où  l'on  peut  juger  qu'il 
naquit  l'an  1 5 ?»  1 .  Il  ne  faut  pas 
oublier  qu'il  était  ministre,  et 
qu'il  exerça  cette  charge  dans 
Genève  (b).  Il  y  épousa  Gene- 
viève Denosse ,  nièce  de  la  pre- 
mière femme  de  Théodore  de 
Bèze ,  chez  qui  elle  avait  été  éle- 
vée dès  son  enfance.  Elle  était 
aimée  de  sa  tante  fort  tendre- 
ment (c).  Bertram  était  bon  cri- 
tique ,  comme  Théodore  de  Bè- 
ze  ,  Casaubon  ,  et  plusieurs  au- 
tres savans  personnages  l'ont  re- 
connu publiquement  (d). 

'a)  Tiré  de  M.  de  Thou  ,  à  la  fin  du  livre 
CIX. 

(b)  Voyez  la  préface  de  Bèze  sur  Merce- 
rusinJobum,  imprimée  en  i5j3. 

'é\  Ant.  Fayus,  de  Vilâ  etolntu  Th.  Bezac, 
pag.  4§. 

(d)     Voyez   Colomesii  Gallia    orieutal.  , 

ras-  73  w4- 

(A)  Il  travailla  a  divers  ouvrages 
considérables  ,  pendant  son  séjour  a 
Genève.  ]  Il  publia  le  Trésor  de  Sanc- 
les   Pagninus ,    avec   des   augtneata- 


RAM. 

tions  dont  il  prit  une  partie  dans  les 
écrits  de  Merrerus  et  dans  ceux  de 
Cevalier  ,  et  il  fournit  1  autre  de  sou 
propre  fonds.  Il  publia  aussi  la  Com- 
paraison de  l'hébreu  et  de  l ' aramée  , 
et  un  traité  de  Pnlltiâ  Judàicâ.  M.  de 
Thou  n'en  savait  pas  davantage  :  il 
met  ce  dernier  traite'  au-dessus  des 
autres  livres  composés  par  cet.  auteur. 
Qui  ex  omnibus  ejus  operibus  maxime 
commendalur  (1).  Il  aurait  puajouter 
que  Bertram  contribua  autant  qu'au- 
cun autre  à  l'édition  du  Commen- 
taire de  Mercerus  sur  le  livre  de  Job. 
On  l'avoue  dans  la  préface  :  Cœteriim 
ne  sud  quidem  lande  J'raudandus  Cor- 
nélius noster  videlur ,  ejusdcm  Mer- 
ceri  quondam  discipu/us  et  mine  meus 
111  hdc  ecclesid  collega.  Huic  siqui- 
dem  non  parvd  ex  parte  debetur  istius 
libri  editio  ,  c  uni  vix  alius  reperiri  po- 
tuisse  videretur  qui  hœc  à  Mercero 
minutissimis  charavteribus  ac  J'ugien- 
îibus  penè  litteris  in  adversariis  des- 
criptnlegendo  consequeretur (3).  M.Si- 
mon a  parlé  d'un  autre  travail  de 
Bertram  :  il  dit  que  ce  professeur, 
aidé  par  Bèze  ,  la  Faye  ,  Rolan  , 
Jaquemot ,  et  Goularl ,  revit  la  ver- 
sion française  de  la  Bible  en  l'année 
1 588  ,  et  qu'étant  plus  savant  dans  la 
langue  hébraïque  que  tous  ceux  qui 
l'avaient  précédé ,  il  prit  beaucoup 
plus  de  liberté  dam  la  réjormalion 
qu  il  fit ,  tant  dans  les  versions  ,  que 
dans  les  notesÇS).  Les  autres  choses 
que  M.  Simon  a  dites  touchant  cette 
révision  se  voient  non-seulement  dans 
son  Histoire  critique,  mais  aussi  dans 
le  Supplément  de  Moréri.  Je  remar- 
que que  ,  selon  M.  de  Thou ,  l'ou- 
vrage ,  qui  a  pour  titre  Lucubratio- 
nes Franckenlalenses  (4)  ,  fut  publié 
l'an  i586,  et  intitulé  de  la  sorte  à 
cause  que  l'auteur  demeurait  à  Franc- 
kenthal. Comment  donc,  me  dira-t- 
on, a-t-il  travaillé  à  la  révision  que 
ceux  de  Genève  firent  l'an  1 538  ?  Cette 
difficulté  est.  vaine  :  quand  M.  Simon 
assure,  qu'en  l'année  i588,   il  se  fit, 

fi)  Thuan.,  lib.  CIX,  sub finem. 

(2)  Beza ,  in  prœfat.  Ulius  Commentarii. 

Ci)  Histoire  critique  du  Vieux  Testament, 
hv.  II,  chap.  XXIV,  pag-  S47- 

(4)  Pour  donner  le  titre  tout  entier  ,  il  fou', 
ajoutrr  ici  :  seu  Spécimen  exposiliouum  in  ciiili- 
ciliora  utriusque  Tcstamrnti  loca.  Dans  ta  Cri- 
tique de  M.  Simon  ,  et  dam  le  Supplément  de 
Moréri,  on  a  du  Fraucliellatenses,  au  lieu  de 
Frar.ckci. 'aliénées. 


BÉRULLE. 


383 


une  autre  reformation  de  la  version 
de  Genève  ,  il  ne  veut  sans  doute 
marquer  que  la  date  de  l'impression  : 
il  ne  prétend  pas  que  tout  ce  travail 
ait  e'té  fait  Pan  i588.  On  sait  assezque 
ces  sortes  de  révisions  durent  ordi- 
nairement plusieurs  années.  Ainsi 
Bertrarn  a  pu  être  le  principal  di- 
recteur de  celle-là  ,  quoiqu'elle  n'ait 
vu  le  jour  que  long-temps  après  qu'il 
fut  sorti  de  Genève.  J'ajoute  qu'il  fut 
en  particulier  Vauteur  des  figures  de 
cette  Bible  ,  et  de  leur  explication  (5). 
C'est  donc  de  lui  qu'il  faut  entendre 
ces  paroles  de  la  préface  qui  fut  mise 
au-devant  de  cette  Bible  :  Nous  avons 
aussi  ajouté  certaines  figures ,  mais  h 
la  fin  et  hors  du  corps  de  l'ouvrage  , 
qui  pourront  servir  h  l'intelligence  de 
certains  passages  ,  en  quoi  a  particu- 
lièrement travaillé  un  docte  person- 
nage de  notre  compagnie  grandement 
versé  en  la  langue  hébraïque  ,  et  en  la 
lecture  du  Piteux  Testament.  M.  Co- 
lomiés  les  a  appliquées  à  notre  Ber- 
trarn (6). 

(5)  Tcissier,    Addit.    aux    Éloges    de    M.    de 
Thou  ,  font.  II ,  pag.  202. 

(6)  Coloaiesiiis,  in  Galliâ  orientait,  pag.  ^3. 

BÉRULLE  (Pierre  de)  ,  cardi- 
nal et  fondateur  des  pères  de 
l'Oratoire  en  France,  naquit  le 
.  de  février  i5^5,  et  mourut 
le  2  d'octobre  iÔ2y  (a).  Vous 
trouverez  beaucoup  de  choses 
sur  son  chapitre  dans  le  Diction- 
naire de  Moréri  ,  et  dans  les 
Hommes  illustres  de  M.  Perrault; 
mais  vous  n'y  trouverez  pas  qu'il 
fut  exposé  à  la  satire  des  cannes 
(A),  qui  s'efforcèrent  de  le  dé- 
crier comme  un  très-malhon- 
nête homme  ;  ni  qu'il  s'opposa 
au  dessein  que  le  cardinal  de 
Richelieu  avait  formé  d'abaisser 
la  maison  d'Autriche  (B);  ni 
qu'on  voulut  faire  accroire  qu'il 
était  mort  de  poison  (C).  Ce  que 
je  dirai  de  l'édition  de  ses  œu- 
vres   rectifiera   une    négligence 

(a)  Perrault ,  Hommes  illust.  ,  Ire.  part., 
pag.  3o,  34. 


de  M.  Moréri  (D).  Je  réfuterai 
aussi  une  faute  de  M.  Perrault 
(E).  Le  cardinal  de  Bérulle  avait 
un  frère  conseiller  d'état  ,  et 
dont  l'un  des  petits-fils  a  été 
maître  des  requêtes,  intendant 
à  Lyon  ,  et  puis  premier  pré- 
sident  au  parlement  de  Grenoble 
(b).  Le  frère  de  celui-ci  se  nom- 
mait l'abbé  de  Bérulle,  et  fut 
maître  des  requêtes  ,  et  prieur 
de  Saint-Romain  du  Puy,  auprès 
de  Lyon,  et  mourut  sur  la  lin 
du  mois  de  juin  1704  (c). 

{ù)  Mercure  Galant  de  juillet  1704  , 
PaS-  99- 

«    I.à  même  ,  pag.  100. 

(A)  //  fut  exposé  a  la  satire  des 
carmes,  ]  Voici  ce  que  j'ai  lu  dans  un 
livre  de  l'évêque  de  Bellei  (1).  «  M.  de 
»  Bérulle,  encore  supérieur  de  l'ora- 

»  toire avait  été  fait    supérieur 

»  par  délégation  et  commission  du 
»  pape  ,  de  certaines  moniales  de 
»  grande  piété  et  édification  (2),  qu'il 
»  avait  amenées  d'Espagne  et  intro- 
»  duites  en  France.  Les  moines  du 
»  même  ordre ,  voulant  en  avoir  la 
»  direction  ,  remuèrent  ciel  et  terre 
»  à  Borne  et  en  France.  Et  ne  pouvant 
»  venir  à  bout  de  leurs  intentions 
»  (  parce  qu'en  cour  de  Rome  ils  ont 
»  en  horreur  la  conduite  des  moniales 
)>  par  des  moines  ,  pour  des  raisons 
»  que  L expérience  fait  assez  ennnaî- 
,-  Ire  .  )  ils  se  mirent  à  faire  des  li- 
»  belles  diffamatoires,  où  ils  l'appel- 
»  lent  anti-pape  ,  huguenot  couvert, 
»  impie  ,  libertin  ;  bref,  ils  vomis- 
»  sent  tout  ce  que  la  passion  peut 
)>  écumer  de  plus  odieux.  Ils  accu- 
»  sent  ses  mœurs,  censurent  sa  doc- 
»  trine  ;  que  ne  font-ils  pour  noircir 
«  sa  réputation  .'  A  la  .'in  ,  ces  contra- 
»  dictions  par  une  providence  admi- 
»  rabiedeDieu.  qui  sait  tirer  le  bien 
)j  du  mal  ,  et  la  lumière  des  ténèbres, 
»  ont  fait  naître  ces  exccllens  ou- 
)i  vraies  de  l'Etat  et  îles  Grandeurs 
).  de  Jésus  ,  et  celui  de  sa  Vie  ,  qui 
»  jetèrent  tout  le  soleil  dans  les  \ 

(1)  I/Aiili-Rasilic,  pour  rcpotiie  a  l'Aoti-Ca- 
mns,  pas;.  il\i. 

(2)  C'est-à-dire  ,  des  carmélites 


384 


BERULLE. 


;>  de  ses  adversaires ,  et  les  rendirent     »  phète  inspiré  du  ciel.   Bérulle  lui 


»  muets  comme  des  poissons.»  Quel 
ques-uus  d'eux  arrivèrent  à  tel  de- 
gré d'outrecuidance  et  d'aveugle- 
ment ,  de  soutenir  que  le  pape  ne 
pouvait  donner  le  gouvernement  des 
moniales  a  d'autres  qu'aux  moines  de 
leur  même  ordre  (3). 

Il  y  a  parmi  les  œuvres  du  cardi- 
nal de  Bérulle  un  narre'  de  la  querelle 
qui  lui  fut  faite  par  les  carmes.  Leur 


»  parlait  selon  son  cœur....  Cerlaines 
»  religieuses  carmélites  du  faubourg 
»  Saint  -Jacques  ,  grandes  visionnai  - 
»  res,  que  Bérulle  leur  directeur  ,  le 
»  garde  des  sceaux  ,  et  la  reine-mère, 
»  consultaient  comme  des  oracles  , 
)i  trouvaient  le  plan  admirable  (S). 
»  Dieu  leur  avait  révélé  dans  leurs 
»  oraisons  et  dans  leurs  extases  ,  que 
telle   était   sa   volonté  (9).  »     Nous 


prétexte  fut  un  certain  mémorial  qu'il  verrons  dans  la  remarque  suivante 
avait  dressé  pour  servir  de  formu-  comment  cet  historien  l'excuse  d'avoir 
laire  à  une  nouvelle  sorte  de  vœu  (4).  souhaité  qu'on  n'abaissât  point  la 
C'était  un  vœu  de  servitude  à  Jésus-  maison  d'Autriche. 
Christ  et  à  la  Vierge.  Cet  auteur  ne  Le  Testament  politique  du  cardinal 
répondit  point  à  leurs  écrits  :  mais  de  Richelieu  nous  apprend  la  partia- 
il  composa  un  Discours  de  l'état  et  des  lité  du  cardinal  de  Bérulle  pour TEs- 
grandeurs  de  Jésus  ,  pour  faire  l'apo-  pagne.  J'en  citerai  ce  morceau.  Zoo- 
logie du  mémorial.  Au  lieu  de  repli-  tre  majesté  {  c'est  le  cardinal  de  Ri- 
que  et  de  repartie ,  dit-il  (5) ,  après  chelieu  qui  parie  à  Louis  XIII  )  eut 
dix  ans  de  patience  et  de  silence;  par  ce  moyen  affranchi  pour  jamais 
après  trois  ans  de  tempêtes  et  orages  les  Grisons  de  la  tyrannie  de  la  mai- 
suscités  en  France  et  en  Italie ,  par  des  son  d'Autriche  ,  si  Fargis  ,  son  am- 
esprits  nés  à  cet  exercice  ;  avec  plu-  bassadeur  en  Espagne ,  n'eut ,  à  la 
sieurs  calomnies  et  six  libelles  inju-  sollicitation  du  cardinal  de  Bérulle  . 
rieux  et  diffamatoires  soigneusement  fait  (  ainsi  qu'il  l'a  confessé  depuis  } 
espandus  et  même  aux  province  s  élran-  sans  votre  su  ,  et  contre  les  ordres  ex- 
gères  ;  je  produis  ce  discours  en  évi-  près  de  votre  majesté,  un  traité  fort 
dence,  et  le  produis,  non  pas  pour  désavantageux,  auquel  vous  adherd- 
parler  de  leurs  personnes ,  de  leurs  tes  enfin  ,  pour  plaire  au  pape ,  qui 
desseins  ,  de  leur  conduite  ;  mais  ,  prétendait  être  aucunement  intéressé 
pour  parler  de  Jésus.  dans  cette  affaire  (10).  L'abbé  Ri- 

(B)  //  s'opposa  au  dessein d'à-  chard  cite  ces  paroles  dans    son  Ilis- 

baisser  la  maison  d'Autriche.']  Il  fut  toire  du  père  Joseph ,  après  avoir  dit 

secondé    par    Marillac   ,   garde    des  que  le  traité  fait  par  le  seigneur  du 

sceaux  ,  et   par  quelques  autres  gens    Fargis fut  désavoué ,   parce  qu'il 

du  conseil  secret  de  Marie  de  Médi-  n'avait  pas  suivi   les  instructions  du 

cis  (6).  Les  raisons  qu'ils  alléguèrent  ,  père  Joseph  (  1 1  ).  Il  ajoute  qu'il  fut, 

pour  empêcher  qu'on  ne  secourût  le  résolu  au  conseil  du  roi  de  dissimuler 

duc  de  Mantoue ,   se    trouvent   dans  cette  faute  de  du  Fargis  :  mais  qu'au 

M.  le  Vassor  (7) ,  qui  ajoute  «  Bérul-  lieu  de  ratifier  ce  qu'il  avait  Jait ,  ou 

«  le  ,  homme  d'état  à  révélations ,  se  lui  enverrait  un  autre  projet  ,  sur  le 

»  repaissait  de  sa  politique  dévote  :  quel  il  ferait  réformer  le  premier  ;  ce 


»  il  la  débitait  au  conseil  de  la  reine- 
»  mère  ,  et  l'appuyait  des  faux  rai- 
)>  sonnemens  que  sa  théologie  mysti- 
»  que  ,  et  son  imagination  naturel- 
»  lement  vive  et  féconde  lui  suggé- 
)>  raient  en  abondance.  Le  garde  des 
»  sceaux  l'écoulait   comme  un   pro- 

(3)  L'Auti-Basilic  ,  pour  répondre  à  l'Anti- 
Camus  ,  pag.   202. 

(4)  Ce  Mémorial  est  dans  les  OEuvres  du 
cardinal  de  Bérulle,  paç.  2-8  el  suiv.  ,  e'dil.  de 
Paris,  en  1637,  ia-Jolio. 

(5)  Bérulle,  pag.  III  d»  ses  OEuvres. 

(G)  Le  Vassor,  Histoire  de  Louis  XIII,  tom. 
VI, pag.  1. 
(7)  Là  même  ,  pag.  3- 


que    l'ambassadeur  exécuta  (12). 

(C)  On  voulut  faire  accroire  qu'U 
était  mort  de  poison.]  «  11  était  mort 
»  subitement,  en  disaut  la  messe 

(8)  C'est-à-dire ,  celui  que  le  garde  des 
sceaux  avait  formé ,  de  s'élever  sur  les  débits 
de  la  fortune  du  cardinal  de  Bichelieu. 

(9)  Le  Vassor,  Histoire  de  Louis  XIII,  tom. 
VI ,  pag.  1  el  S. 

(10)  Testament  politique  du  cardinal  de  Iii 
cVjèlieu,  chap.  I  ,  pag.  II. 

(11)  Richard,  Histoire  de  la  Vie  du  père 
Joseph  ,  tom.  1 ,  pag.  3i3.  Voyez  ausu  la  Vie 
du  véritable  père  Joseph.  ,  pag.  i32,  édition 
de  la  Haye,  en  1705,  iri-ia. 

1   lu  même. 


EEVERNINGK. 


385 


»  Un  pareil  accident  fit  croire  à  plu- 
»  sieurs  personnes  que  Richelieu  l'a- 
»  vait  empoisonne.  Le  duc  d  Orléans 
■»  l'insinue  dans  une  lettre  au  roi.  En 
»  me  réconciliant  avec  la  reine  muda- 
»  nie  ma  mère,  dit  Gaston,  mon  cou- 
rt sin  le  cardinal  de  Bérulle  me  >en- 
»  dit  un  fort  bon  office.  Mais  il  lui 
»  fut  funeste  ,  puisque  sa  mort  le  sui- 
»  vit  de  si  près  (*).  N'est-ce  point 
»  pousser  la  malignité  trop  loin?  Bé- 
j)  rulle  languissait  depuis  plus  d'un 
»  an.  On  lui  trouva  les  parties  nobles 
»  gâtées  et  corrompues.  Peut-être  que 
»  les  malins  s'imaginèrent  que  c'était 
v  un  eflet  du  poison  lent  que  Fuche- 
x  lieu  ,  qui  vit  l'élévation  de  Bérulle 
»  avec  chagrin  ,  lui  avait  fait  don- 
j)  ner.  Quoi  qu'il  en  soit,  tout  le  mon- 
■»  de  reconnaît  que  Bérulle  était  par- 
j>  faitement  homme  de  bien.  S'il  eut 
»  des  travers  dans  la  politique  ,  cela 
»  vint  de  la  tendresse  de  sa  conscien- 
»  ce,  et  de  ce  que,  trompé  par  un 
»  zèle  mal  entendu  de  religion,  et 
i>  par  certains  préjugés  de  dévotion, 
»  d  s'imagiuait  bonnement  que  son 
xi  opinion  était  plus  avantageuse  au 
m  bien  de  l'état,  et  au  rétablissement 
i.  du  culte  romain  en  France  et  ail- 
j)  leurs  (i3).  » 

Notez  que  .M.  le  Ya->sor  ne  rejet- 
te ,  ni  n'adopte  la  médisance  des 
ennemis  du  cardinal.  C'est  un  signe 
qu'd  ne  la  trouvait  guère  vraisem- 
blable. 

(D)  Ce  que  je  dirai  de  l'édition  de 
ses  œuvres  rectifiera  une  négligence 
de  M  Moréri.  J  Une  partie  des  œu- 
vres du  cardinal  de  Bérulle  avait  clé 
diversement  imprimée  de  son  vivant  : 
l'autre  partie  fut  trouvée  dans  ses 
manuscrits  04J-  François  Botirgoing  , 
sur  les  désirs  et  instances  des  pères 
de  l'Oratoire  ,  dont  il  a  été  général  , 
les  lit  ramasser  toutes,  et  recueillir 
en  un  corps  (l5).  Le  père  Gibieuf , 
qui  en  avait  une  plus  grande  connais- 
sance qu'aucun  autre  ,  les  disposa  , 
et  les  enrichit  d'argumens  et  de  som- 
maires (\6 .'.  Files  fuient  imprimées  à 
Paris  ,  l'an  1644  ,   in-folio,  et  l'on  en 

(")  Lettre  du  duc  d'Orléans  au  roi  ,  en 
i63i. 

(|3)  Hist.  de  Louis  XIII  ,  lom.  VI,  pag.  204, 
2o5- 

(i4)  François  Bourgoing,  préf.  des  OEurres 
du  cardinal  de  Bérulle. 

(i5)  L.à  même. 

(16)  Là  même . 

TOME   III. 


donna  une  seconde  édition  dans  la 
même  ville  ,  l'an  i65j  ,  in-folio.  Le 
père  Bourgoing  (  17  )  les  dédia  à  la 
reine  régente  Anne  d'Autriche  ,  et  y 
ajouta  une  préface  ,  qui  n'est  point, 
comme  le  prétend  M.  Moréri  ,  un 
abrège  de  la  fie  du  cardinal  de 
Bérulle  ,  mais  plutôt  l'éloge  de  sa 
dévotion  ,  et  l'idée  générale  de  ses 
écrits. 

(E)  Je  réfuterai  une  faute  de  M.  Per- 
rault. ]  11  affirme  que  le  cardinal  de 
Bérulle,  ayant  conduit  la  princesse 
Henriette-Marie  en  Angleterre  ,  s'y 
concilia  l'amour  et  la  vénération  de 
tout  le  monde  (18).  Cependant  voici 
ce  qu'on  trouve  dans  une  lettre  que 
ce  cardinal  écrivait  à  cette  princes- 
se ,  le  26  d'octobre  1625.  //  a  pieu 
h  M.  le  duc  de  Boukquingam  faire 
faire  de  grandes  plaintes  au  roy  ,  par 
un  sien  confident  ,  nommé  M.  de 
Gerbières  ,  arrive  dix  ou  douze  jours 
après  moy  ,  que  j'avois  conspire  et  at- 
tenté en  Angleterre  contre  sa  vie  et  sa 
fortuné  (19). 

(17)  Moréri  le  nomme  Bourgouin.  Cela  est 
blâmable  ;  il  faut  donner  les  noms  propres  sans 
altération. 

(18)  Perrault,  Hommes  illustres,  lom.  /, 
pag.   34. 

(19)  OKuvres  de  Bérulle,  pag.  86 1 ,  /dit.  de 
Paris,  en  1637. 

BEVERNINGK  (Jérôme)  a  été 
l'un  des  plus  habiles  hommes  du 
XVIIe.  siècle  pour  ce  qui  regar- 
de les  ambassades  ,  et  les  impor- 
tantes négociations.  Il  était  ori- 
ginaire d'une  maison  noble  de 
Prusse  (A);  mais  il  naquit  à  Ter- 
gou ,  dans  la  Hollande ,  le  2Ô> 
d'avril  i6i4-  Cette  ville,  qui  se 
glorifie  avec  raison  d'avoir  pro- 
duit un  si  grand  homme,  le  vit 
au  nombre  de  ses  conseillers 
l'an  1645,  et  au  nombre  de  ses 
bourgmestres  l'an  itij8.  Elle  le 
députa  l'an  i6,6aux  états  de  la 
province.  Il  y  donna  de  si  bon- 
nes preuve»  de  sa  capacité,  qu'on 
ne  tarda  guère  à  se  servir  de  lui 
pour  les  affaires  de  conséquence 
Les  états  de  Hollande  le  députè- 

25 


366  BEYERNINGK. 

rent  avec  M.  de  Brederode ,  l'an  par  le  grand  nombre  de  traités 
i65o  ,  aux  états  d'Utrecht,  pour  de  paix  ou  d'alliance  qu'il  a  cou- 
les prier  de  se  trouver  à  l'assem-  clus  (B).  Il  fut  envoyé  deux  fois 
blée  extraordinaire  des  Provin-  à  Clèves  l'an  1666.  La  première 
ces-Unies  qui  se  devait  tenir  à  la  fois,  il  conclut  une  alliance  très- 
Haye.  Les  mêmes  états  de  Hol-  étroite  avec  son  altesse  électorale 
lande  le  députèrent  en  i65i  ,  de  Brandebourg  (b)  :  la  seconde  , 
pour  assister  à  cette  grande  as-  il  conclut  la  paix  avec  l'évêque 
semblée  des  Provinces-Unies.  La  de  Munster  (c).  L'année  suivante, 
ville  de  Ter^ou  le  députa  en  1 653  revêtu  du  caractère  d'ambassa- 
à  l'assemblée  des  états  généraux,  deur  ,  il  conclut  avec  l'Angle- 
II  fut  envoyé  la  même  année  au  terre  le  traité  de  paix  de  Breda 
protecteur  et  à  la  république  (d).  Il  fut  envoyé  l'an  1668  en 
d'Angleterre ,  en  qualité  de  dé-  qualité  d'ambassadeur  extraor- 
puté  extraordinaire  :  cette  qua-  dinaire  à  Aix-la-Chapelle,  pour 
lité  fut  changée  l'année  d'après  le  traité  de  paix  entre  la  France 
en  celle  d'ambassadeur  extraor-  et  l'Espagne;  et  ce  traité  fut  con- 
dinaire.  Il  conclut  la  paix  entre  clu  le  2  de  mai.  On  le  nomma 
la  Hollande  et  l'Angleterre,  le  en  1668,  pour  aller  avec  le  prin- 
28  d'avril  i654.  Pendant  le  cours  ce  Maurice  de  Nassau  sous  la 
de  cette  ambassade  ,  on  lui  con-  qualité  d'ambassadeur  extraor- 
féra  la  charge  de  trésorier  gêné-  dinaire  vers  l'empereur  ;  mais 
rai  des  Provinces-Unies.  Il  la  les  états  généraux  se  ravisèrent 
posséda  jusqu'en  i665  ,  et  il  ne  à  l'égard  de  cette  ambassade.  Les 
tint  qu'à  lui  de  la  garder  plus  états  de  Hollande  donnèrent  des 
long-temps;  car  les  états  gêné-  marques  à  M.  de  Beverningk  de 
raux  le  prièrent  de  continuer  à  leur  considération  pour  ses  îm- 
êxercer  cet  emploi,  et  ne  con-  portans  services  (e).  Il  alla  à  la 
sentirent  àla démission  qu'il  leur  cour  d'Espagne  ,  l'an  1671,  en 
demandait,  qu'après  avoir  vu  qualité  d'ambassadeur  extraordi- 
que  ni  leurs  raisons  ,  ni  leurs  naire ,  pour  disposer  sa  majesté 
prières  n'étaient  point  persua-  catholique  à  mettre  en  négocia- 
sses. On  lui  donna  un  témoi-  tion  ses  différens  avec  la  Fran- 
enage  très-avantageux  que  l'on  ce  :  et  il  réussit  à  la  satisfaction 
était  parfaitement  satisfait  de  sa  de  ses  maîtres.  Il  suivit  en  1672 
conduite  ,  et  on  lui  marqua  en  M.  le  prince  d'Orange  à  l'armée 
particulier  l'estime  que  l'on  avait  comme  député  des  états.  Apres 
pour  sa  personne  (a).  Il  avait  eu  cela  ,  il  se  voulut  donner  du  re- 
le  bonheur,  l'an  i65c,,  de  con-  pos  :  il  crut  qu  il  se  devait  con- 
tribuer avec  d'autres  députés  à  tenter  de  la  gloire  qu  il  avait  ac- 
la  cessation  des  différens  qui  quise  ,  et  qu'il  s'était  acquitte  de 
s'étaient  élevés  dans  la  province  tout  ce  qu'un  bon  sujet  doit  a 
de  Groningue.  On  peut  dire  que  sa  patrie;  mais  on  avait  trop  de 
cette  sorte  de  bonheur  était  at-  ^  Le  &  de  février  1666. 
taché  à  son  étoile  ,  et  cela  paraît       M  *f  \9  d'a^a  1666. 

1  (d;  Le  Jl  /mt/el  1OO7. 

(a)  Ce  fut  par  le  présent  d'une  coupe  d'or         (e)  Us  lui  fient  présent  d'un  btau  servie, 
émailié,tfUe  le  conseil  d'état  lui  ft.  de  vaisselle  d'argent. 


BEVERININGK.  387 
besoin  de  ses  talens  ,  pour  le  cette  importante  et  laborieuse 
laisser  jouir  de  la  retraite  ou  il  commission.  Ou  ne  saurait  dire 
voulait  vivre.  Les  instances  re-  les  obstacles  qu'il  lui  fallut  vain- 
doiiblées  des  états  et  de  M.  le  cre  :  une  adresse  ,  une  expérience 
prince  d'Orange  l'obligèrent  en  moins  consommée  que  la  sienne 
it>7 3  à  s'engager  à  l'une  des  plus  n'en  seraient  jamais  venues  à 
importantes  négociations  qui  se  bout;  car,  excepté  les  ambassa- 
fussent  encore  présentées.  Je  par-  deurs  de  France,  presque  tous 
le  des  conférences  de  Cologne,  les  autres  travaillaient  incompa- 
On  avait  d'abord  choisi  la  ville  rablement  plus  à  éloigner  le  trai- 
d'Aix-la-Chapelle  ,  pour  y  négo-  té  de  paix,  qu'à  l'avancer.  Néan- 
cier  la  paix  entre  les  princes  qui  moins  ,  depuis  la  prise  de  Gand  , 
étaient  alors  en  guerre  ;  mais  il  semblait  que  la  paix  était  de- 
l'on  trouva  plus  à  propos  d'aller  venue  pour  le  moins  un  mal  né- 
à  Cologne.  M.  de  Beverningk  y  cessaire  à  la  Hollande ,  et  les 
parut  avec  le  caractère  d'ambas-  peuples  comprenaient  si  bien  les 
sadeur  extraordinaire.  L'enlève-  suites  funestes  que  la  prise  de 
ment  du  prince  de  Furstemberg  cette  place  pouvait  avoir,  qu'ils 
eut  tout  l'effet  que  l'on  avait  souhaitaient  ardemment  la  fin 
attendu  de  ce  coup  bardi  ;  savoir  de  la  guerre.  M.  de  Beverningk 
la  rupture  des  conférences  par  eut  ordre  d'aller  trouver  le  roi 
rapport  à  la  France.  On  ne  laissa  de  France  à  son  camp  de  Wette- 
pas  de  négocier  avec  les  alliés  de  ren  rg) ,  et  on  ne  douta  plus  , 
cette  couronne  ;  et  on  le  fit  avec  après  la  réception  qui  lui  fut  fai- 
toute  sorte  de  succès  ;  car  M.  de  te  (C) ,  que  la  paix  ne  se  conclût. 
Beverningk  ramena  dans  l'ai  tiaii-  Ellefuteneffetsignéele  lod'aoùt 
ce  des  états  généraux  l'électeur  1678  entre  la  France  et  la  îlol- 
de  Cologne,  et  l'évèque  de  Mun-  lande;  après  quoi ,  M.  de  Bever- 
ster  {f).  H  fut  fait  curateur  de  ningk  servit  efficacement  de  nié— 
l'académie  de  Leyde ,  l'an  1670.  diateur  pour  faire  conclure  celle 
C'est  une  charge  qui  ne  se  donne  de  la  France  avec  l'Espagne  le 
ordinairement  qu'à  ceux  qui  ont  11  septembre  de  la  même  année, 
servi  la  patrie  dans  de  grands  II  conclut  aussi  un  traité  de  paix 
emplois.  Lorsqu'il  crut  jouir  du  et  de  commerce  entre  la  Suède 
repos  qu'il  cherchait  depuis  long-  et  les  états  généraux  le  1  2  d'oc- 
temps  ,  il  se  vit  plongé  dans  la  tobre  1679.  Ce  fut  après  tant  de 
plus  pénible  de  toutes  les  négo-  glorieuses  et  tant  d'heureuses 
dations  :  on  le  sollicita  si  instam-  négociations,  qu'il  goûta  enfin 
ment  d'aller  à  Nimègue  comme  la  vie  tranquille  qu'il  avait  tant 
ambassadeur  plénipotentiaire  de  souhaitée.  J 1  se  retira  dans  une 
la  république  pour  la  paix  gêné-  belle  seigneurie  qu'il  avait  à  une 
raie,  qu'après  s'en  être  excusé  petite  lieue  de  Leyde  'h),  ou  il 
plus  d'une  fois,  il  ne  put  refuser  s'occupa  principalement  à  la  cul- 
ture de  toutes  sortes  de  plantes 
(,/)  Le  traité  de  paix  avec  l'évèque  de  qu'il  faisait  venir  de  tous  les.  eu- 

Munster ,  fut  signé  le  22  d'avril   167^1   el 

celui   avec   l' électeur  de  Cologne,  le  11  de  (g)  Il  y  arriva  le  3o  mai  1 1>"8. 

mai  suivant.  ''.  Elle  a  nom  Oud-Teiliogt». 


388  BEVERNINGK. 

droits    du    monde.     Mais    cette    rait    voir.    Il   a   toujours  réussi 
agréable  et  innocente  occupation,    dans  ses  négociations  :  c'est  une 
si  semblable  à  celle  que  de  grands    gloire  dont  on  ne  trouve  presque 
princes    ont    fait    succéder    aux    point  d'exemple  parmi  ceux  qui 
triomphes   et  au  gouvernement    ont  eu  tant  d'affaires  publiques 
de    l'état,   ne  l'empêchait  point    à  manier.    Il  était  laborieux  et 
de  travailler  pour  la  république    adroit,  et  ne  se  rebutait  de  rien 
des  lettres.    11   remplissait    avec    (/).  Les  écrivains   de  France ,  et 
beaucoup  de  vigilance  sa  fonction    ceux  de  Hollande  s'accordent  à 
de    curateur    de    l'académie.    Il    lui  donner  de  grands  éloges.  J'en 
sentit  les  commencemens  de  sa    pourrais   alléguer    beaucoup   de 
dernière  maladie  peu  après  avoir    preuves  ;  mais  il   suffira  de  pro- 
passé une  matinée  à  voir  les  ma-    duire  ce  qu'ont  dit  de  lui  M.  de 
nuscrits  de  la  fameuse  bibliothé-    Wicquefort  (E) ,  et  M.  de  Saint- 
qued'Isâc\ossius,  qui  avait  été    Didier  (F).  Pour  ce  qui   est  de 
achetée  depuis   peu  pour  l'uni-    M.  Temple,    il   fait  paraître  un 
versité  de  Hollande  (i).  Il  ne  fut   peu  de  chagrin   de  la  signature 
pas  plus  tôt  remonté  dans  son  car-    de    Nirnègue  ,  mais    il   ne  laisse 
rosse ,  qu'il  frissonna.  Ce  furent    pas  d'avouer  que  M.    de  Bever- 
les   commencemens  d'une  fièvre    ningk   apaisa  les  murmures    de 
qui  devint  plus  forte  de  jour  en    ses  ennemis  (m).  Il  aurait  pu  di- 
jour,  et  qui  l'emporta  le  ôo  d'oc-    re  que    messieurs  d'Amsterdam 
tobre  1690,  à  l'âge  de  soixante-    lui  écrivirent    une    lettre    très- 
seize  ans.  Madame  sa  femme  lui    obligeante  ,   pour    le    remercier 
a  survécu  (  k)  :  il  n'en  eut  jamais    de  la  conclusion   de  la  paix  (>?). 
d'enfans;  de  sorte  que  ,  comme    Ils  l'assurèrent  qu'ils  avaient  tra- 
il   était   fils   unique,  il  ne  reste    vaille  fortement  auprès  des  mem- 
personne  qui  porte  son  nom  en    bres  des  états  de  Hollande,  pour 
ce  pays-ci.    Il  fut  enterré  à  Ter-    qu'il  fût  employé  à   cette  négo- 
gou,  dans  une  chapelle  de  marbre    dation.    Ils   savaient   bien  qtï'il 
qu'il  avait  fait  faire.    Messieurs    fallait  un  homme  tel  que  lui  , 
ses  narens   y  ont  fait  graver  son    pour   la    faire    réussir.    La  ville 
épitaphe  sur  une  pierre  de  tou-    où  il   était  né   lui  témoigna  en 
che.  C'est  une  fort  belle  inscrip-    cette  rencontre  combien  ellel'es- 
tion  :  on  la  verra  toute  entière    timait.  Messieurs  de  Tergou  lui 
dans  les  remarques  CD).  Elle  con-    firent   présent  de  deux  chenets 
tient  en  abrégé  une  vie  qui  pour-   d'argent  l'année  1679  ,  en  consi- 
rait  remplir  un  juste  volume;  et   dération    du    dernier    traité    de 
si  M.    de  Beverningk  avait  pris   paix,    et  pour  d'autres   services 
la  peine  de  composer  des  mémoi-    importans   rendus  à  l'état  et  à  la 
res  touchant  ses  ambassades,  ce    ville. 

Serait    un   livre  le  plus  instructif        ,[^  Tiré  de  Mémoires  venus  et  ramassés  de 

et  le  plus  curieux  que  l'on  sau-    bon  heu. 

1                               x  (m)  Mémoires,  pag.  417,  édition   de  la 

(i)  C'est  celle  de  Ley de.  Haye,   en  1692. 

{k)  Elle  naquit  à  Amsterdam,    le    II  de  (n)  Elle  est  datée  du  \\  d'août  1678. 

mai  i(jj5  ,    et    s'appelle  Jeanne  le  Gillon.  '           .          .    . 

Elle  est  originaire  d'une  famille  noble  de  (A)  U  était  originaire  a  une  maison 

Picardie*  noble  de  Prusse.  ]   Jeaw   de    JJeVER- 


BEVERNINGK. 


38g 


singk  ,  son  aïeul,  gentilhomme  de 
Prusse  ,  vint  en  Hollande  l'an  1675  , 
avec  le  comle  de  Hohenlo.  Les  états 
lui  donnèrent  une  compagnie  d'in- 
fanterie. 11  devint  ensuite  lieutenant 
générai  de  l'artillerie.  11  épousa  la 
iille  de  Dirck  Loncq  ,  bourgmes- 
tre de  la  ville  de  Tcrgou  ,  et  tréso- 
rier général  de  la  province  de  Hollan- 
de. De  ce  mariage  sortit  Melchior  de 
Beverningk  ,  capitaine  d'infanterie  au 
service  des  états  généraux  ,  et  com- 
mandant aux  châteaux  d'Argenteau  et 
de  Dalem.  11  se  maria  avec  Sibylle 
Standert  ,    tille  de  Léonard  Standert, 


»  sotte  crainte  qu'il  a  pour  M.  Pa- 
»  tins  ,  quen  cas  qu'il  vienne  a  pas- 
»  ser  par  la  Suisse,  il  n  en  échappe 
»  pas  à  fort  bon  marché  Je  m'assure 
»  que  si  cela  arrivait  qu'il  passât  par 
»  ce  pays,  messieurs  les  Suisses  ,  tant 
»  des  cantons  protestante,  que  desca- 
»  tholiques  romains  ,  le  recevraient 
»  avec  leur  civilité  ordinaire,  et  avec 
»  le  respect  dû  à  son  caractère  et  à 
»  son  grand  mérite  ,  et  qu'ils  lui  fe- 
»  raient  des  remercîmens  solennels 
»  pour  avoir  tant  contribué  à  la  con- 
»  servation  de  la  religion  ,  et  pour 
»  la   liberf'é   de  l'Europe.  »  Voilà  ce 


écuyer  ,     capitaine   d'infanterie  ,    et  qu'on  trouve  dans   une   Réponse  qui 

gouverneur   de  Knodsenbourg  ,  vis-  fut  faite  aux  Lettres  de  M.  Stoupe  sur 

à-vis   de  Nimègue  ,  et   de   Catherine  la  religion  des  Hollandais  (2). 

Haussait,    iille  de  François  Haussait  ,  (C)  //  alla  trouver  le  roi  de  Fran- 

chambellan  de  la  reine    de  Hongrie,  ce,  et  l'on  ne  douta  plus  de  la  paix. 

Notre  M.  de  Beverningk  est  sorti  du  après  lu  réception  qui  lui  fut  faite.'] 

mariage  de   Melchior  de  Beverningk  Voyez  la  réponse  que  le  roi  de  Fran- 

et  de  Sibylle  Standert.  ce  ht  à  la  lettre  de  messieurs  les  états 

(B)  Le  bonheur  de  faire  cesser  les  généraux  ,  et  le  mémoire  qu'il  fit  li- 

dijjércris  était  attache  a  son  étoile  :  ce-  Vrer  à  M.  de  Beverningk   avec  la  mê- 

la    parait  par   le   grand  nombre  de  rne  réponse.  Tout  y  facilite  l'avance- 

traités  de  paix  ou  d'alliance   qu'il  a  ment  de  la  paix  :  le  style  en  est  doux 

conclus.  ]   Vous  allez  voir  un  passage  et  honnête  ,   et  l'on   y   fait   bien  des 

qui  ,    dans   une  longue    parenthèse  ,  avances.  Chacun  s'en    peut   convain- 

dous  commentera   ceci.   «   M.   Pari  us  cre  (3).   11  y   eut  dans  cette  ambas- 

}>  (1)  étant  ambassadeur  en  Espagne ,  sade    une    circonstance     particulière 

»  et  ayant  conservé  et  augmenté,  par  qui  n'est  point  connue  ,   et  qui  méii- 

»  sa    grande   capacité,    dans   l'esprit  te  de  l'être.   Elle  témoigne  d  un    côté 

«  de  la  reine  et  du  conseil  d'Espagne  la  distinction  avec  laquelle  le  roi  de 

v  lessalutairesimpressionsqueM.de  France    considérait    la   personne  qui 

h  Beverningk  (  homme  né  pour  faire  lui  avait  été  envoyée  :  et  de  l'autre  , 

»  la  paix  dans  le  monde,  l'ayant  don-  avec  quels  principes  d'honneur  et  de 

»  née  du  temps  de  Cromwel ,  et  puis  désintéressement  M.  de  Beverningk  se 

)>  après  à  Breda,  aux  Anglais  et  aux  conduisait.  Lorsqu'il   partit   de  Wet- 

j>  Hollandais;    à    Clèves  ,    à    l'evèque  teren  ,  le  roi  lui  voulut  faire  présent 

»  de    Munster  ;    à    Aix-la-Chapelle   ,  de  deux  portraits  de  sa  majesté  enri- 

}>  aux  Français  et   Espagnols;  et  tout  chis  de  pierreries»,   qui  valaient  cha- 

»  nouvellement    à   Cologne,    à  l'ar-  cun  environ  huit  mille  francs.  D'ordi- 

»  chevêque  de   Cologne   et    à   l'évè-  nairc,  on  ne  donne  pas  deux  portraits. 

»  que  de    Munster,   et    n'ayant   pas  mais  un.  Il    répondit  à  celui   qui  lui 

»  peu  contribué  à  la  paix  faite  depuis  voulait  donner  ce  présent  de  la  part 

v  peu  avec  l'Angleterre  ,  et  qui  pour  du  roi ,  qu'il  remerciait  sa  majesté  de 

»  ce  sujet  pourrait  porter  avec  justice  cet  honneur;   mais   qu'il  ne  trouvait 

»  le    nom  de  pacifique  )   leur   avait  pas  à  propos  de  1  accepter.  11  ne  lais- 

v  données  pour  s'opposer  de   bonne  sa  pas  de  faire  un  présent  au  porteur 

»  heure,  par    des  moyens   justes   et  des  deux    portraits,   connue   mI    les 

»  eflicacieux  ,  à  l'ambition  ue.s  Fran- 

»  cais  ,  Stoupe  ne  sait  comment    s  1  0 

»  venger  autrement  qu'en  le  calom- 

»  niant,  et  en  l'accusant  faussement 

m  d'être   arminien.   C'est  encore  une 


eût    acceptés.   La   lettre   du    roi  aux 


(1)  Il  fallait  dire  Paets.  C'est  cclu:  dont  je 
parle  dans  la  nols  (m)  de  l'article  Saijictes  , 
remarque  (F). 


(i)  Cell-  Réponse  a  pour  titre  :  la  Véritable 
Religion  des  Hollandais,  et  fui  imprimée  à  Am- 
sterdam, en  1675,  ùi-ia.  fujei-en  les  pages 
234  et  a35. 

(3)  Tout  cela  est  insère'  dans  la  II*,  parti-- 
du  II'.  tome  des  Actes  et  Mémoires  des  Réc  i 
ciattOQS  de  la  paix  de  Xtinègue,  petg.  t\i~  ,  c'dit. 

•i'  .-imiter  I.  en  1680. 


39° 


BEVERNINGK. 


c'tats  porte  que  la  conduite  et  la  per- 
sonne du  sieur  de  Beverningk  lui  ont, 
été  très-agréables. 

(Dj  On  verra  son  épitaphe  toute  en- 
tière dans  les  remarques.  ]  La  voici  : 
on  observe  la  même  situation  des  li- 
gnes qui  est  dans  l'original. 

Perillustris.  ac  generosus.    vir 
HIERONVMUS.  VAN.  BEVERNINGK. 

Theilingîe.    Toparcba 

Senator.  Judex.  Consul.  Goudanus 

In.  consessu.  pra'pot:  ord:  gen:  Assessor 

Idem,  aliquot-es.  extra,  ordio: 

Communi.  Bi-lgica-.  Fœd  :  œrario.    Praefectns 

Lycei     Batavorum.  Gurator. 
In.  Hispan:  et.   Fced:  Belg:  finibus.    regundis. 

Adjutor 

Legalus.  Willielmo    III.  in.   exercitu.  datus 

V>  e.stmonaslerimn.    Ciiviam.    II.    Bredam 

Aqui.'granum.  Bruxellas.  Madritum 

Coloniam    Agrippj'Noviomagum 

Ad.  Gall:  ittm.  Regern 

Wettera;.  Morinorum    castra   liabentem 

Cum   potestate.   res.  componendi.  mîssus 

Ad.  Caisarem.  vero.  designatus.  Orator. 

Re.  nisj.  perfectâ.  nunquàm.  reversus. 

De   maximi.  prœterca  momenti.   rébus-   domi. 

I>e     amici tus.  parandis 

Et.  feederibus.  pangrndis.  foris 

A.  Palri.-e.  Patribus.  passiru 

Féliciter    consultas,  et  adlubitus 

Natus.  Gouda;,  xxv.  April.  mdcxiv. 

Mortuus  The.lingse.  xxx    octob  :  mdcxc. 

Salur.  I  onoruni 

Hoc.    monumeuto.  condilur 

Cnm 

Optirûa.  vilae.  fnrhiuarnni    que.  socia 

Joanna.  Le.    Gillon 

Nata.    Amst.  xi.  maji.  mdcxxxv 

Mortua. 

0ANATn.   ETANTES.    O*EIAOME0A. 

(E)  Voici  ce  qu'ont  dit  de  lui  M .  de 

Wicquejort ]    «  Hiérome  Bever- 

j)  ningk  est  sans  doute  un  des  pre- 
i)  raiers  hommes  des  Provinces-Unies 
3)  pour  la  négociation.  La  ville  de 
j>  Goude  ,  qui  d'ailleurs  ne  manque 
■)>  pas  de  grands  sujets ,  l'a  députe 
}>  plus  d'une  fois  aux  assemblées  des 
3>  états  de  la  province  de  Hollande  , 
»  et  aux  collèges  de  la  généralité,  et 
3>  il  a  toujours  parfaitement  bien  ré- 
î)  pondu  à  ce  qu'on  pouvait  se  pro- 
i>  mettre  de  son  habileté.  Ce  fut  lui 
»  qui,  en  l'an  iG54,  fit,  avec  Olivier 
3)  Cromwel ,  le  traité  qui  donna  la 
i>  paix  aux  Provinces  Unies  ;  mais  qui 
3>  faillit  à  !es  jeter  dans  une  guerre 
v  civile,  à  cause  des  intérêts  du  prin- 
»  ce  d'Orange  qui  ,  selon  l'avis  de 
3>  quelques  uns^n'y  avaient pasété bien 
3)  ménagés.  La  Hollande,  en  son  par- 
»  ticulier,  fut  tellement  satisfaite  du 


service  qu'il  lui  rendit  en  cette  ren- 
contre ,  qu'elle  lui  fit  donner  la 
charge  de  trésorier  général  ,  c'est- 
à  dire  ,  de  premier  ministre  des 
Provinces-Unies.  H  n'y  a  point  d'af- 
faire si  difficile  qu'il  ne  démêle 
lorsqu'il  s'y  veut  appliquer  Si  on 
en  veut  des  preuves,  il  ne  faut  que 
voir  le  traité  qu'il  fit  conclure  à 
Clèves  avec  l'évêque  de  Munster  , 
en  l'an  1666  :  et  il  n'a  pas  moins 
heureusement  négocié  à  Madrid  , 
touchant  les  importans  intérêts  des 
provinces  de  Flandre.  S'il  n'a  pas 
réussi  à  Cologne  ,  il  s'en  faut  pren- 
dre à  la  mauvaise  disposition  des 
esprits  ,  et  à  la  méchante  conjonc- 
ture des  allaires,  plutôt  qu'à  sa  ma- 
nière d'agir  ,  qui  s'est  toujours  son- 
tenue  avec  la  même  force.  Aussi 
lui  a-t-on  confié  toute  la  négocia- 
tion qui  s'est  faite  à  Nimègue  ;  et 
c'est  lui  que  les  états  ont  choisi 
pour  l'aller  achever  avec  le  roi  très- 
chrétien  auprès  de  Cand.  11  se  trou- 
ve rebuté  des  emplois  :  de  sorte 
qu'au  lieu  que  les  antres  les  cher- 

>  client ,  il  les  fuit  ;   aimant  mieux  se 

>  posséder  dans  sa   solitude  champê- 

>  tre  ,  que  de  nourrir  le  chagrin  que 

>  les  allaires  lui  donnent,  et  qui  bien 

>  souvent  ne   lui  est  pas   moins   in- 

>  commode  qu'à  ceux  qui  ont  à  né- 

>  gocier  avec  lui.  Pour  faire  le  caraç- 

>  tère  de  M.  de  Beverningk  ,  il  fau- 
•>  drait  une  autre  plume  que  la  mien- 
ne ,  parce  qu'à  en  bien  examiner 
toutes  les  parties  ,  il  se  trouvera 
que,  sans  une  petite  inégalité  qui  se 
rencontre  en  son  humeur,  il  n'y  a 
rien  qui  ne  soit  achevé  (4).  » 

(F)  et  M.  de  Saint-Didier  ] 

De  tous  les  endroits  où  cet  auteur  par- 
le de  M.  de  Pieverningk  ,  je  n'en  choi- 
sirai que  ces  trois.  «  Le  prompt  re- 
»  tour  de  M.  de  Beverningk,  que  cette 
»  nouvelle  (5)  fit  partir  de  chez  lui 
»  pour  se  rendre  en  diligence  à  Ni- 
3)  mègue ,  confirmait  la  conjecture 
s»  qu'on  avait  d'un  accommodement 
j>  particulier  de  la  Hollande  avec  la 
»  Fiance.  Cet  ambassadeur  paraissait 
»  si  affectionné  aux  véritables  intérêts 
»  de  sa  patrie  ,  que  ,  s'il  y  avait  quel- 
3>  que  négociation  particulière  à  at- 
j>  tendre  ,  ce  ne  pouvait  être  que  par 

(4)  Wicquef. ,  Traité  de  l'Ambassadeur  ,  lom. 
II  ,  pag.  443. 

(5)  //  entend  celle  de  la  bataille  de  Cassel. 


BEZANITES.  3gi 

»  ce  moyen  (6)......  C'est  un  homme  s'il  faut  en  croire  Pratéolus  (b)  , 

3>  qui  a   lespnl  vit,  qui  connaît    le  :i  „»'i  •   „                                  1  •■ 

»  bien  ,  et  qui  y  va  toujours   par  la  lj  S  f  ev*  un<;  Secte  S0US    *  emP,re 

»  voie  la  plus  droite.  11  est  applique  de  Charles  V,  et  sous  le  pontifi- 

»  et  laborieux.  Il  a  été  employé  par  cat  de  Jules  III,   environ    l'an 

»  les  états  dans  plusieurs  ambassades,  ,  550  (c)    laquelle  on  nomma  les 

j>  et  dans  tous  les  traites   qui  se  sont  /  /         -,            x               ,  ,         . 

»  faits  depuis  i65o  ;  mais  il  aime  la  bezamtes  >  °u    le*    btzaniens  ,    a 

»  retraite,  et  ce  fut  avec  quelque  sor-  cause  de  Théodore  de  Bèze.  Tou- 

3>  te  de  chagrin  qu'il  quitta  la  mai-  te   la   preuve    qu'il    en    pourrait 

3,  son  de  campagne  qu'il  a  auprès  de  rapporter  serait  qu'on   a   lu  ce- 

3>  Leyde,  pour  aller  a  JNimegue  (7) 1    V              ,.          ,  \.     , 

»  M.  de  Deverningk   est  un  homme  |a  dans  un  livre  de  Lindanus  :  car 

»  qui  n'est  pas  moins  habile  qu'expé-  il  est  vrai  que  Lindanus  le  débi- 

»  ditif  (8).  3)  te  (d),  mais  sans  citer  qui  que  ce 

(6)  Histoire  des  Négociations  de  Nimèguc,  loin.  SOlt.    Ce  qu'il   y   a    de    fort  SUl"  est 

I ,  pag.  ni,  à  l'an   16-7.  >                          1               -i 

\y)  Zk'iièmg,  pag.  187.  quon  ne  hasarderait  pas  une 
(8)  ih  même,  tvm.n,Pag.  29.  maille,  si  l'on  consignait  cent 
BEZANITES,  ouBÉZA-  millions  pour  être  donnés  à  ceux 
N  I  E  N  S  ,  secte  imaginaire  ,  qui  <Iui  pourraient  prouver  qu'il  y  a 
n'a  jamais  subsisté  que  dans  la  eu  an  XVIe.  siècle  quelques  per- 
tête  de  quelques  faiseurs  de  cata-  sonnes  qui  ,  en  qualité  de  dia- 
logues d'hérétiques.  On  aurait  ciples  de  Théodore  de  Bèze  ,  ont 
lieu  de  s'étonner  que  des  écrits  fait  secte  à  part.  On  peut  faire  le 
aussi  absurdes  que  le  sont  ces  ca-  même  défi  à  l'égard  d'un  très- 
talogues  n'aient  pas  été  suppri-  grand  nombre  d'autres  sectes  qui 
mes  dès  leur  naissance  par  les  remplissent  l'alphabet  de  Pratéo- 
personnes  d'autorité  :  on  aurait  ms-  Peut-être  que  la  principale 
lieu  ,  dis-je ,  de  s'en  étonner ,  si  cause,  qui  le  porta  à  faire  men- 
l'on  ne  savait  que  ces  personnes  tlon  de  la  préfendue  secte  des 
d'autorité  sont  bien  souvent  les  bézanites ,  fut  l'envie  de  donner 
moins  éclairées  ,  et  les  plus  per-  pour  ornementa  son  ouvrage  les 
suadées  de  la  mauvaise  maxime  ,  médisancesque  l'on  publiait  con- 
qit  on  peut  se  servir  indifférent-  tre  Théodore  de  Bèze  (A).  Si, 
ment ,  ou  de  la  fraude  ,  ou  de  la  au  lieu  de  récompenser  Linda- 
bravoure,  contre  l'ennemi  ;  m,s>  on  l'avait  châtié  de  ses  inm- 

...Dolus  an  virtus  quis  in   hoste   requi-  SOnges  (B)  ,  il  n'eût  pas  été  copié 

iat  M  ?  par  tant  de  gens ,  dont  sans  dou- 

Ces   personnes  ne   voyaient  pas  te  le  plus   ridicule  est  un  char- 

que  ces    catalogues  ,    étant  rem-  treux  d'Allemagne  (C). 
plis    d'impertinences  et  de  faus- 

.'              .     •                    ,  >.    •  (b)  In  Elenclio  li<trclicorum ,  / ~oce  Bozani- 

setes    notoires  ,    n  étaient   pro-  (!E,  j,«».  93. 

près  qu'à  donner  aux  hérétiques  •  '  '"  '  temps-lit,  Bézc  n'était  point  mi- 
un  très-grand  mépris  pour  les  JJj»?  *'***  *'"  '*#"***  m  lmBut 
écrivains  du  gros  de  l'arbre  :  <l  Lindanus,  Dubitaotii  dialogo  H ,  pày. 
elles  ne  considéraient  que  le  pro- 

fit  qui  naîtrait  de  ce  que  les  hé-  (A)  Pratéolus  n'a  peut-être  parlé  da 

rétiques  seraient  crus  divisés  eu  bèzaniens  que  jour  ramasser  les  mé- 

mille  sectes.   Quoi  qu'il  en  soit  ,  ^TSf' \n &""""' c0.ntre  ''' "  " 

^           l                           '  dore  de  heze.  \   Jla  conjecture  paraî- 

«  Virg.  S.a. ,  hb.  il.  vs.  390.  tra  fort  vraisemblable  à  tous  ceux  qui 


392 


BÉZANITES. 


prendront  garde  que  Prateolus  n'ayant  sa  Table  Chronographique,  fonde' sur 
eu  que  cinq  ou  six  lignes  à  donner  à  le  témoignage  de  Prateolus.  Si  ce  n'est 
ses  prétendus  bézanites,  a  rempli  sept  pas  son  unique  auteur,  c'est  du  moins 
ou  huit  pages  de  tout  ce  qu'il  a  trou-  la  principale  et  la  capitale  de  ses  au- 
vé  de  pius  flétrissant  contre  ce  célè-  torités.  Cent  auteurs  ont  parlé  et  par- 
bre  ministre  ,  dans  les  écrits  de  Lin-  lent  de  ces  même»  sectes  sur  la  foi  de 
danus  ,  de  Claude  de  Saintes  et  de  ce  jésuite.  Voyez  l'immense  et  affreuse 
Jean  le  Vieil.  11  empoisonne  même  ce  propagation  du  péché  d'un  seul  écri- 
qu'il  prend  d'eux  ;  car  ii  le  rapporte  vain  ,  je  veux  dire  de  Lindanus.  Et, 
infidèlement.  J'en  vais  donner  un  quand  on  songe  que  cet  auteur,  par- 
exemple.  Lindanus  avait  cité  Pierre  venu  à  un  petit  évêché,  monta  ensuite 
Viret ,  qui  a  dit  que  certains  régens  à  un  plus  grand ,  et  reçut  à  Rome  de 
se  plaisaient  à  répéter  mille  fois  à  grands  honneurs  (4)  ;  et  qu'entre  tous 
leurs  écoliers,  que  celui-là  était  heu-  les  supérieurs  auxquels  il  devait  ren- 
reux  qui  avait  pu  mettre  sous  ses  dre  compte  de  sa  conduite ,  il  ne  s'en 
peids  la  crainte  même  de  la  mort  et  est  pas  trouvé  un  seul  qui  l'ait  censu- 
des  peines  infernales.  C'est  un  passage  ré  de  la  hardiesse  avec  laquelle  il  s'é- 
de  Virgile.  Testalur  P.  Virelus  lib.  2  tait  érigé  en  créateur  d'une  infinité 
de  miriist.  vetbi  esse  quosdam  ludi-  de  sectes  (5);  on  ne  s'étonne  plus  qu'il 
magislros  ex  Mo  fïpicuri  grege  pnreos,  y  ait  tant  de   menteurs  parmi   ceux 


qui  in  scholis  solcant  suis  sœpè  scho- 
lasticis  occinere  illum  t'erè  beatum  qui, 
uti  est  apud  Vtrgilium  , 

Metus  omtn's  et  inexorabile  fatum 

Subjecit  pedibus,  strepitumque  Acherontisava- 
ti  (1). 

(  Georg.  II ,  4f)i.  ) 


qui  se  mêlent  de  controverse.  Si  les 
supérieurs  de  Lindanus  avaieut  exigé 
de  lui  qu'il  prouvât  que  certains  dis- 
ciples de  Bèze  ,  distincts  de  ceux  de 
Calvin,  et  de  ceux  des  autres  réforma- 
teurs ,  avaient  formé  un  corps  petit 
ou  grand  qui  se  sépara  des  autres  sec- 
Lindanus  ajoute  que  Bèze  s'était  ren-  taires  ;  et  si ,  faute  d'en  donner  de 
du  suspect  d'un  semblable  épicuréis-  bonnes  preuves,  ils  l'avaient  condam- 
me  parmi  les  siens  ,  comme  ses  cou-  ne'  à  la  peiue  des  imposteurs  publics  , 
frères  de  Pans  et  d'Orléans  le  térnoi-  et  l'avaient  déclaré  inhabile  à  manier 
gnent.  Qu'a  fait  Prateolus?  lia  sou-  ]es  choses  saintes,  ils  auraient  établi 
tenu  que  Lindanus  dit  que  Théo-  mi  exemple  qui  aurait  fait  rentrer  en 
dore  de  Bèze  ,  lorsqu'il  était  maître  eux-mêmes  tous  les  écrivains  crédu- 
d'école,  répétait  souvent  à  ses  éco-  \es  ou  fourbes,  qui  débitent  tant  de 
hers  ce  passage  de  Virgile  (2).  N'est-ce  faussetés.  Mais  ,  bien  loin  de  lui  faire 
point  falsifier  un  auteur?  Aprèscela  ,  des  affaires,  ils  le  regardèrent  com- 
Lindanus  ,  qui  jusque-là  n'avait  rien  me  un  vaillant  champion  de  la  cause 
cité  contre  Théodore  de  Bèze  ,  cite  uu  catholique  ,  et  l'élevèrent  de  plus  en 
certain  Fabricius  (3)  ,  qui  accuse  ce  p|us.  Qui  se  ferait  après  cela  une  re- 
ministre  d'avoir  vendu  ses  bénéfices  ,  H^ion  Je  ne  point  calomnier  les  héré- 
et  d  aimer  excessivement  le  sexe.  Be-    tiques?  Peu  s'en  faut  qu'on  ne  puisse 

nejicia  ecctesuistica publiée  ven-    apostropher  cet  auteur  avec  ces  paro- 

deret ,   et   aliénas  uxores    perrnoleret     les  d'Horace  : 
tam familiarité/'  ut  publions  mnlrona- 
7'umhaberetur  maritus. Cela  est  bientôt 
dit  ;  mais  où  en  sont  les  preuves  ? 

(B)  Au  lieu  de  récompenser  Linda- 
nus ,  on  devait  le  châtier  de  ses  men- 
songes. ]  C'est  un  fait  constant  que 
Prateolus  a  rangé  selou  l'ordre  alpha- 
bétique un  très-grand  nombre  de  sec- 
tes qui  n'ont  jamais  existé  ,  et  qu'il 
n'a  point  eu  d  autre  garant  que  Lin- 
danus. Un  jésuite  ,  nommé  le  père 
Gaultier,  étala  ces  mêmes  sectes  dans 

(1)  Lindanus  ,  Dubitantii  dialogo  II  ,   p.  i!&. 

(2)  Piateol. ,  in  Elencbo  Majrelic. ,  pag.  94. 

(3)  MicU.  Fabricius  pro  Franc.  Balduino. 


Vlla  si  juris  libi  pejerati 

Pana  ,  Barine ,  nocuisset  unquhm  ; 

Dénie  si  nigro  fieres  ,  vel  uno 

Turpior  lingue  ; 
Crederem.  Sed  tu  sitnul  obligtîsli 
P^r/idutn  volts  capul ,  enitescis 
Pulchriur  multo  ,  juvenurnque  prodis 

Pubttca  cm  a. 
Expedit  mains  cineres  operlos 
Fallere  ,   et  tolo  lacilurna  noclis 
Signa  cum  cœlo  .  geliddque  divas 

Morte  carentes  [G). 


(4)  Valer.  Andréas  ,  Bibl.  bclg.  ,  pag.  323  , 
324. 

(5)  Il  les  tira  du  néant,  il  les  fil  de  rien  :  Es 
nibiio  sui  et  ex  nibilo  subjecti.  Cal  ce  qu'on 
appelle  créer. 

(6)Horat.,Od.  VIH  librill. 


BÈ 

îî  y  a  une  autre  réflexion  à  faire,  qui 
serait  bien  digne  d'être  pesée.  Je  crois 
aisément  que  s'il  eût  été  question  de 
diffamer  les  tailleurs  ,  ou  telle  autre 
brandie  du  corps  des  métiers  d'une 
ville  impériale,  Lindanus  n'aurait 
voulu  rien  affirmer  publiquement  , 
sans  être  certain  du  fait;  mais,  parce 
qu'il  s'agissait  de  la  religion  et  de  la 
gloire  de  Dieu,  il  publia  sans  examen, 
sans  remords,  tout  ce  qui  lui  monta  à 
la  tète.  De  sorte  qu'à  le  bien  prendre, 
le  zèle  des  controversistes  est  si  peu 
propre  à  augmenter  leur  vertu  ,  qu'il 
ne  fait  qu'étouffer  toutes  les  lumières 
et  tous  les  scrupules  ,  qui,  sur  des  su- 
jets purement  humains  ,  les  retien- 
draient dans  le  chemin  de  la  probité  : 

QDOD   NOTANnUM  (7). 

(C)  Le  plus  ridicule  des  copistes  de 
Lindanus  est  un  chartreux  d' Allema- 
gne. ]   Nommé  Théodore  Pétreius 

Son  Cata'ogus  Hœrclicnrum  fut  im- 
primé l'an  1638.  Voyez  ce  qn'Hoorn- 
beeck  en  a  dit  dans  sa  Summa  Contro- 
t'ers.,  pag.  3ai. 

6  (7)  To/e*  '«  remarque  (0)  de  l'article  Càtet. 

BÈZE*  (Théodore  de),  l'un  des 
principaux  piliers  de  l'église  ré- 
formée, était  de  Vezelai  en  Bour- 
gogne. Il  naquit  noble  de  père 
et  de  mère  (A)  ,  le  o.l\  de  juin 
1D19.  A  peine  fut-il  sevré,  que 
Nicolas  de  Bèze  son  oncle,  con- 
seiller au  parlement  de  Paris ,  le 
voulut  avoir  chez  lui.  Il  fut  élevé 
chez  cet.  oncle,  avec  toute  sorte 
de  tendresse  ,  jusques  au  com- 
mencement de  décembre  i528 
(a) ,  qu'on  l'envoya  à  Orléans 
auprès  de  Melchior  Wolmar,  qui 
avait  une  adresse  merveilleuse 
pour  instruire  la  jeunesse.  Il  lo- 

*  La  Monnoie  dans  le  Méiiagiana  de  17 1 5, 
IV,  232,  dit  que  l'ancienne  ortlioçra]ilic- 
dece  nom  e'tait  Besze,  et  non  Besj'e  ,  comme 
l'écrit  Ménage  dans  l'Anti-Badlct  ,  II  , 
114. 

{a)  Antoine  la  Faye,  de  Vità  et  OLitu  Th. 
Beza:,  pag.  9,  anticipe  ce  temps  et  se  trompe: 
il  dit  que  Bèze,  âge  de  Cinq  ans  .fut  donné 
à  élèvera  tfplmar  à  Orléans.  M.  Teissier, 
A  ! iiit.  aux  Eloges  de  M.  de  ïliou,  loin.  Il , 
pag.  3'J2  ,   dit  la  même  chose. 


ZE.  393 

gea  pendant  sept  ans  chez  ce 
Wolinar,  qui  lui  fit  faire  des  pro- 
grès extraordinaires  dans  les  hu- 
manités, et  qui  lui  fit  des  leçons 
sur  la  religion  prises  de  la  pure 
parole  de  Dieu  (b).  Cela  signifie 
qu'il  l'élevait  au  protestantisme. 
Wolmar  avait  été  appelé  à  Bour- 
ges par  la  reine  de  Navarre,  pour 
y  enseigner  la  langue  grecque. 
Il  quitta  cet  emploi,  et  s'en  re- 
tourna en  Allemagne  ,  sa  patrie  , 
l'an  1 535.  Alors  Bèze  fut  envoyé 
à  Orléans,  pour  étudier  en  droit. 
Cette  étude  ne  lui  plut  guère  ,  il 
donnait  son  meilleur  temps  à  la 
lecture  des  bons  auteurs  grecs  et 
latins  ,  et  à  composer  des  vers. 
Il  en  faisait  de  si  bons ,  qu'il  se 
distingua  par-là  d'une  façon  par- 
ticulière, de  sorte  qu'il  fut  aimé 
et  considéré  de  tout  ce  qu'il  y 
avait  de  plus  docte  dans  l'univer- 
sité d'Orléans.  Tl  y  prit  ses  li- 
cences, Tan  i53c)(c),  et  s'en  alla 
à  Paris  ,  oii  de  bons  revenus  l'at- 
tendaient (B),  qui  combattirent 
pendant  quelque  temps  la  réso- 
lution qu'il  avait  prise  d'aller  re- 
joindre Wolmar  ,  pour  faire  pro- 
fession ouverte  de  la  réforme. 
Les  plaisirs  de  Paris,  les  honneurs 
qu'on  lui  présentait,  et  une  in- 
finité d'autres  pièges  de  Satan  , 
dit-il,  n'étouffèrent  point  la  bon- 
ne semence  :  il  n'abandonna  ja- 
mais la  résolution  de  rompre 
avec  le  papisme  ,  quoique  lés 
tentations  du  monde  le  rendis- 
sent irrésolu  (C).    II  s'était   pré- 

(b)  Verâ  pietalis  cognitione  ,  ex  De, . 
tanquam  limpidtssimo  fonte  petitâ,    lu  me 
ila  imbuisti  ut.  etc.  Beza  Epistolâ  ad  M.  AVol- 
marum.  voycz  ci-dessous  la  caution  (c). 

(c)  Anno  domini  153g,  //  Cal.  âugusti  . 
qttum  unnum  œtalis  vicesimum  essem  in~ 
gressiis.  Beza  ,  Euist.  ad  Wolmar.  Il  comp- 
te mal  :  U  était  déjà  entre  dans  sa  vingt  et 
unième  année 


3g4  BÈZE. 

cautionné  contre  celles  de  la  chair  lemagne,  avec  le  caractère  de  dé- 

par  un    mariage   de  conscience  puté   (G).    Il  eut  alors  la  joie  de 

(d),  c'est-à-dire,  par  la  promes-  s'aboucher    avec    iViélanchthon. 

se  qu'il    fit   à  une  personne   de  S'étantétablià  Genève,  l'an  1 55g, 

l'autre  sexe  de   l'épouser   publi-  il  s'attacha  à  Calvin  d'une  façon 

quement,  dèsque  les  obstacles  qui  particulière,  et  devint  en  peu  de 

l'en   empêchaient  alors   seraient  temps  son  collègue  dans  l'église 

levés,   et  en  attendant  de  ne  se  et  dans  l'académie.  Il  fut  envoyé 

pas  engager  à  l'état  ecclésiastique,  à  Nérac  ,  à  l'instigation  de  quel— 

Il   exécuta  fidèlement   ces  deux  ques  grands  du  royaume ,  pour 

promesses,  mais  il  fallut  qu'une  convertir   le  roi  de  Navarre  ,  et 

dangereuse  maladie  l'arrachât  du  pour  conférer  avec  lui  sur  des 

milieu  despiéges  qui  l'attachaient  choses  d'importance  {f).  Ce  fut 

au   bourbier.    L'image    affreuse  lorsque  MM.    de  Guise  se  furent 

d'une  mort  prochaine  lui  fit  re-  emparés   de   l'autorité  ,    sous  le 

nouveler  avec  tant   de   force   le  règne  de  François  II  ,  au  préju- 

vceu  qu'il  avait  fait  autrefois  d'en-  dice  des  princes  du  sang.  Le  roi 

trer  dans  la  profession  de  l'égli-  de  Navarre  ayant  témoigné,  tant 

se  réformée  ,  que  ,   dès  qu'il  eut  par  lettres  ,  que  par  dis  députés, 

recouvré    assez    de    santé   pour  qu'il  souhaitait  que  Théodore  de 

cheminer,   il  se  sauva  à  Genève  Éeze  assistât  au  colloque  de  Pois- 

avec  cette  femme.    Il  y  arriva  le  sy ,  le  sénat  de  Genève  ne  inan- 

p.4  d'octobre  i548;  et  avant  que  qua  point  d'y  consentir.  Onn'au- 

de  fixer  à  quoi  il  se  destinerait  ,  rapt  pu  faire  choix  d'une  person- 

il  alla  voir  à  Tubinge  Melchior  ne  qui   fût  plus  capable  de  faire 

Wolmar.    L'année    suivante,    il  honneur  à  la  causn.  Bèze  parlait 

accepta  à  Lausanne  la  profession  bien,  il  savait  le  monde  ,  i!  avait 

en  langue  grecque;  et  après  l'a-  l'esprit  présent  et  beaucoup  d'é— 

voir  exercée  neuf  ou  dix  ans  ,  il  rudition.  On  écouta  sa  haiangue 

s'en  retourna  à  Genève  (D) ,  et  attentivement,   jusqu'à  ce  qu'il 

se  fit  recevoir  ministre  (e).  11  ne  eût  toucbé    à   la  matière  de  la 

se  borna  point  pendant  ces  neuf  présence  réelle.-  Une  expression 

ou  dix  ans  aux  leçons  grecques  :  qu'il  employa  fit  murmurer  (H). 

il  en  fit  aussi  en  français  sur  le  Dans  toute  lasuitede  ce  colloque, 

Nouveau  Testament  (E);  et  cela,  il    se    comporta    en    très-habile 

pour  l'instruction  et  pour  la  con-  homme;  et  il  ne  se  laissa  jamais 

solation  de  plusieurs  réfugiés  de  surprendre  aux  artifices  du  car- 

l'un  et  de  l'autre  sexe,  qui  de-  dinal  de  Lorraine.  Il  ne  retour- 

meuraient  à  Lausanne.  Il  publia  na  point  à  Genève,  après  la  clô- 

divers  livres  pendant  son  séjour  ture  du  colloque  :  Catherine  de 

dansxette  ville  (F)  ;  et,  avan  l  que  Médicis  voulut  qu'étant  Français 

de  quitter  la  profession  qu'il  y  il    demeurât   dans  sa  patrie.    Il 

exerçait ,  il  fit  un  voyage  en  Al-  prêcha  souvent  chez  la  reine  de 

(d    Voyez  les  remarques  (C)  et  (Y).  (/  )     Clinique    eo    de   relus  gravissimis 

{e)  Tiré  de  l'Épîlre  de'dicatûire    de  Rèze  à  communtcaret ,  scd  potissimum  ut  illius  ant- 

Melcliior  Wolmar  ,  à  la  tète  desa  Confession  iro   si  Detts  aspirarc  dignareiur ,  vercc  reli- 

defoi,  qui  estait  commencement  de  ses  reu-  gionis    gustum     aliquem     instillaret.     Ant. 

■vres  in-folio,  éditwndc  Genève  ,  en  l582.  tayus,  de  Vitâ  etObitu  Th.  BeZfe,  pag.  XI. 


BfcZE.     '  395 

Navarre,  chez  le  prince  de  Cou-    chaque    parti    se    vanta    d'avoir 
dé  ,  et  aux  faubourgs  de  Paris,    triomphé,  et  publia  des  relations 
Après  le  massacre  de  Vassi  (g)  ,    victorieuses,  l'èze  perdit  sa  fem- 
on   le    députa   au   roi,   pour  se    me  l'an  1 588  ;  mais  cette  afïlic- 
plaindre  de  cet  attentat  :  la  guer-    tion  domestique  ,  quelque  gran- 
re  civile  suivit  de  près  ,  pendant    de  qu'elle  fût ,  ne  l'empêcha  pas 
laquelle  le  prince  de  Condé  le  re-    de  se  trouver  au  synode  que  MM. 
tint  auprès  de  lui.  Bèze  se  trouva    de  Berne  avaient  convoqué.  On  y 
à   la  bataille    de  Dreux    comme    condamna  le  dogme  de  Samuel 
ministre   (I).   Pendant  la  prison    rluberus  *  touchant  notre  jus- 
du  prince,  il    se  tint  auprès  de    tification  devant  Dieu  ,    laquelle 
l'amiral  de   Coligni  ,   et  ne  re-    consistait,   selon   lui,   dans  une 
tourna  à  Genève  qu'après  la  paix    qualité  inhérente  (h).  Bèze  se  re- 
de  1 563.  Il   ne   revit   la  France    maria  la  même  année,  avec  une 
qu'en  i56S.  Ce  fut  pour  aller  à    veuve  qui   lui  survécut  (N).  Les 
Yezelai  ou  sa  présence  était  né-    incommodités    de    la    vieillesse 
cessaire(K).  Il  avait  fait  plusieurs    commencèrent  à  se  faire  sentir 
livres,   depuis  son  retour  à  Ge-    l'an  i5o->,  et  le    contraignirent 
nève,  et  il  continua  d'en  publier    de  ne  parler  en  public  que  ra- 
depuis  qu'il  fut  revenu  de  Veze-    rement;  et  enfin  ,  il  désista  tout- 
lai  (L).    Il   retourna    encore   en    à-fait  au  commencement  de  l'au- 
France   l'an    1 5^  i  ,  pour  assister    née  1600.  Sa  veine  poétique  n'e- 
au  synode  national  de  la  Rochel-    tait   point   tellement    tarie    l'an 
le,   dont  il  fut  élu  modérateur.     i5y7,  qu'il  ne  fit  des  vers  pleins 
L'année    suivante,    il    assista    à    de  feu  contre  les  jésuites,  à  l'oc— 
celui  de  Nîmes,  et  s'opposa  à  la    casion  du  bruit  que  l'on  fit  cou- 
faction  de  Jean  Morel ,  qui  pro-    rir  qu'il  était  mort ,  et  qu'avant 
posait  l'introduction  d'une  nou-    que  d'expirer  il  avait  faitprofes- 
velle   discipline.    Le    prince   de    sion  de  la  foi  romaine  (0).  Les 
Condé  le   fit  venir  auprès  de  lui    derniers  vers  qu'il    composa   fu- 
à  Strasbourg,   l'an    i5y4?  pour    rent   une    votiva    Gratulatio    à 
l'envoyer  au  prince  Jean  Casimir    Henri  IV,  après  l'accueil  qu'il  en 
administrateur  du  Palatiuat  ;  ce    reçut  auprès  de  Genève,  au  mois 
qui  montre  qu'on  n'ignorait  pas 

»*i  •«.  C  •  »        „1  „,.„  ,...^.         *  Joly  remarque  nue  cône  fut  pas  llube- 

qu  il  savait  faire  autre  chose  que    ?m    J^  cJdc  \lUri  ou  Aul)'ri  qui  ftll 

des  leCOllS  et  des  livres     La  COn-  condamné  à  Berne.  C'est  de  ce  dernier   que 

férence   de    Mombelliard     le     mil  jwle     Antome   La  Faye.    Joly   ajoute    que 

„  _  dans  r.irticle  Rotan  ,   remarque    H   .   Bayli 

aiixprises,   1  an   li>00,    avec  JaC—  nomme  Albe'ri   comme  condamne',   cl   qu'il 

gues  André  théologien  deTubiu-  renvoie  cependant 4 «on arlide,Bè«E  «  sans 

a      „,  i  i     j-  «voirquila  mal  entendu  le  passage   de  La 

ge.  Beze  demanda  que  la  dispute  ,  Faye  .    Ba>ie  donne  ,,,„!, .,,;,  ,ni 

Se  fit    par    des   argUmeilS  en   for-     Aubn     dans  la    remarque    (E)     de     l'article 

me  ;  mais  il  fallut  céder  aux  dé-  0("^e  noslrd  ad  tribunalDt,:  ,„,,,,„  ,„,, 
sirs  de  son  adversaire,  qui  ne  naperjîdem,  tanr/uam  instrumentant  tpto 
„.„l,  :..  „„,  », *  ,  '  _„_  i„,   1_:0     Chrislus  iustiiia nottra  apprehenditar ,  /<m 

voulait  pas  être  gène  parles  lois  /<wh<  J  M  pmUus  tiJ'lin<  çuum  ,/„,,,„ 
du  syllogisme.  Le  succès  de  cette  et  scripto  a  verbo  r/,.,»u.«r/  justiuam  nos 
dispute  fut  comme  touioursfM  :    ,ra"\  "i"'  '  D'""'  <—  guaUtatemquamtam 

1  f  K  pahhili-in   in   nobis   inhœrentcm.   rayus,   ir. 

/.   :  '■■    de  mars  i562.  Vitâ  Beue  ,  pag.  55. 


396  BÈZE. 

de  décembre  jGoo  (/*)  (P).  Il  vé-  Font  accusé  d'avoir  eu  part  à  l'as- 

eut  jusques  au  1 3  d'octobre  i6o5,  sassinat  du  duc  de  Guise  :  c'est 

et    conserva    toujours   son    bon  ce  que  nous  pourrons  examiner 

sens  (Q) ,  et  témoigna  de  beaux  dans  l'article  de  Poltrot*.  Ils  ont 

sentimens  de  piété  jusqu'au  der-  dit  qu'il  a  souhaité  de  retourner 

nier  soupir.   C'était    un  homme  dans    le    giron    du    catholicisme 

d'un    mérite  extraordinaire  ,  et  (Z).  Il  n'est  pas  vrai  qu'un  do- 

qui  rendit  de  très-grands  servi-  minicain  l'ait  confondu  dans  une 

ces  à  son  parti  (Pi).  Il  fut  exposé  dispute  (AA).    INous  verrons  ail- 

à  cent  sortes  de  médisances  et  de  leurs  (/)  si  Bolsec  mérite  quelque 

calomnies  :  mais  il  fît  voir  et  aux  croyance. 

catholiques  et  aux  luthériens  ,  Je  crois,  qu'après  avoir  fait  la 
qu'il  entendait  l'art  de  se  défen-  faute  de  publier  ses  Juvendia,  le 
dre,  et  qu'il  avait  bec  et  ongles,  seul  et  unique  moyen  qui  lui 
11  eut  beaucoup  de  part  à  l'es-  restât  de  n'en  point  porter  la 
time  de  Scaliger  (S).  Je  ne  criti-  peine,  était  de  vivre  dans  un  état 
que  M.  Moréri  qu'en  cinq  cho-  très-obscur  ,  ou  très-éloigné  des 
ses(T).  M.  de  Mézerai  traite  fort  disputes  de  théologie  ;  car  ,  sous 
mal  ce  ministre  :  il  adopte  com-  quelque  figure  qu'il  eût  brillé,  il 
me  certain  Je  conte  qui  avait  se  fût  fait  des  ennemis  qui  se  se- 
couru d'une  accusation  de  sodo-  raient  prévalus  de  cette  tache  , 
mie  intentée  à  Bèze  devant  le  afin  d'abaisser  sa  réputation.  11 
parlement  de  Paris  ,  et  un  autre  avait  principalement  à  craindre 
conte  de  l'enlèvement  de  Candi-  cela,  dans  quelque  parti  qu'il  se 
de  femme  d'un  tailleur.  Cela  ne  signalât  du  côté  de  la  controver- 
paraît  point  digne  d'un  historien  se  ,  et  il  ne  faut  poinldouter  que, 
judicieux  (V).  Les  poésies  ,  inti-  s'il  eût  tourné  contre  ceux  de  la 
tulées  Juvenilia ,  ont  donné  lieu  religion  l*es  mêmes  armes  qu'il  ern- 
à  de  grands  vacarmes  (X).  On  ne  ploya  contre  les  papistes,  il  ne  se 
peut  nier  qu'elles  ne  contien-  fût  trouvé  des  écrivains  réformés 
nent  des  vers  trop  libres,  et  peu  qui  l'auraient  terriblement  bar- 
conformes  à  la  chasteté  des  mu-  celé  sur  son  Audebert  et  sur  sa 
ses  chrétiennes  ;  mais  si  les  enne-  Candide  (PB).  On  indiquerait 
mis  de  l'auteur  avaient  été  rai-  plus  facilement  celui  des  catho- 
sonnables  ,  ils  auraient  pris  plu-  liques  romains  qui  l'a  traité  avec 
tôt  le  parti  de  le  louer  du  regret  *  le  plus  de  modération ,  que  celui 
qu'il  en  témoigna  (h) ,  que  le  qui  l'a  traité  avec  le  plus  de  co- 
parti  d'empoisonner  l'épigramme  1ère.  Ceux  qui  ont  marqué  pour 
de  Candide  et  d'Audebert  (Y).  Ils  lui  de  la  retenue  et  de  l'équité  , 
(i)  La  Faye,  pag.  6i ,  dit  en  1599  et  sont  en  petit  nombre  :  ceux  qui 
se  trompe.  ont  déchainé  contre  lui  toute  la 

*    Leducliat     croit    que    c'est    d'environ  c  il  ■         „'*,!  *. 

i553  (  Joly  dit .-  peu  après  i55o),que  da-  fureur  de  leur  animosite,   sont 

tent  le*  regrets  de  Bèze.  il  se  fonde  sur  Té-  innombrables;  mais   je  ne  crois 

ïflde!aSt  ses  f*T* ''-^ A°m~  Point  qu'il  y  en  ait    guère  dont 

menée   par   Fcttl  troupeau,  et  qui  est  de  ce  i  1  J  O     .    , 

temps-là.  Joly  dit  qu  ou  trouve  des  lettres  l'emportement  soit  aussi  énorme 

manuscrites  de   Bèze    dans    la    Ijibliolhe'que  ;. 

publique  de  Sainte-Élisauell.  à  Breslau.  *  BaJle  n  a  Pas  donne  cet  art,cle- 

(fi)  Voyez  la  remarque  \X).  (I)  Dans  fart,  de  Bolsec  ,  remarque  (L). 


BÈZE. 


39: 


que  celui  de  l'auteur  de  la  Doc-  pour  des  raisons  qu'il  n'était  pas 
trine  curieuse.  Je  rapporterai  nécessaire  de  rapporter, 
l'une  de  ses  calomnies  (CC)  :  elle  Le  feuillant  Pierre  de  Saint- 
est  si  étrange,  qu'à  peine  peut-  Roiuuald  lui  fait  un  procès  fort 
ou  ajouter  foi  à  ses  propres  yeux  ridicule,  en  l'accusant  de  rébel- 
sur  un  fait  de  cette  nature.  Il  en  lion  ,  pour  avoir  donné  le  titre 
fut  publiquement  censuré  par  un  de  reine  de  France  à  la  reine 
auteur  catholique (DD)  :  l'affront  Llizabeth  (GG).  Je  m'étonne  que 
lui  en  demeura  tout  entier;  mais  Balzac  fasse  la  même  querelle  à 
il  n'en  eut  point  de  honte  ,  et  il  des  gens  dont  il  ne  dit  point  le 
aima  mieux  se  servir  d'une  dé-  nom  (HH). 

faite  pitoyable,  que   de    donner  /a\    //                   >>      ,                  , 

.    .    l  ,     ,J        ,  '.  1    /rir,.      T,   -    ,  (A)    //   naquit  noble   de  père  et   de 

gloire  a  la  vente   (LL).   Jai    lu  mère.  ]  Son  père  ,  qui  était   bailli  de 

quelque  part  dans  ses  ouvrages  ,  Vezelai,  s'appelait  Pierre  de  Bèze  :  sa 

que  Sturmius  assurait  que  Théo-  meDre  avait  nom  Marie  Bourdclot.  P. 

dore  de  Bèze   pouvait  dire  véri-    SfSS  KiW^S'**"* 

.  i  ,  nurtlelotia ,  utroque  Uei  gratta  génère 

tablement  ,   je  ne  crois    qu  une  nobili  (  utinam  vero  potiùs  ueri  Dei 

chose ,  cest  que  je  ne  crois  rien  cognitione  imbuto  )  et  integrœ famee 

(m).    Quelle    calomnie!    il    faut  parente  natus.  Bèze ,  qui   parle  delà 

.¥).'i  ,        1  sorte  ilans    une   épître  dédicaloire    à 

compter  Prateolus  entre  les  au-  ™-ni'„  /tx    nn    '  ...       LU'1'"«"e  a 


Wolmar  (1) ,  nous  dit 


.  ailleurs  que  ses 
tcurs  qui  ont  ete  les  plus  dlligens    ancêtres   étaient    riches    depuis    plu- 


nt 

ise. 


copistes  d'injures  contre  ce  mi-  sieurs  générations,  et  qu'ils  avaie 

nistre  :  il  n'a  rien  perdu   de    ce  laisse'  beaucoup  de  biens  à   rÉsli«_ 

e       •  1111  '      ■  A  uni  enim  ego  (  ne  nescias  )  Dei  ara- 

que  Surius  et  semblables    ecn-  ud  non  ex^achiS}  non}ex  „££.. 

vains  ont  ramasse  (n).  Le  cardi-  rio  vel  stupro,  sedhoneslis  avis  etata- 

nal  de  Richelieu  employa  dans  sa  fis  prognatus;  et  ne  ad  allegorias  tuas 

Méthode  quelques-unes  de  leurs  eonfugias ,  scito  Bezarumjamiliam, 

1  •         v           r  sl  Jorte   quœcunque  ante  ducenlos  et 

rapsodies.  JNous   terons  une  re-  ..,,,,,/,,•.,  '     OI  ,„  mn„„  i,n 

ce      tvt»  umpuus  annos  111   monaclios  sttperstt- 

marque  contre  lui  (lr).  IN  OU-  tiosè  largita  est  reciperet,  tant  fore  lo- 
blions  pas  que  Théodore  de  Bèze  cupletem  quant  œgrè  hodiè  sese  in  sud 
fut  enterré  dans    le   cloître  de    inoPj*  !"el.fr  ('-»)•     . 

^     .    ,    r, .  ,  •  B    11  alla  a  lJai  is  ,  ou  de  bons  re- 

SaintrPierre ,   et  non  pas  au  a-   yenus  VaUendaienU^  u      ;ivait       t 

metière  de  Plein  Palaix  ,  parce     ans  que  son    oncle   le  conseiller  était 

mort  (3)  ;  mais  un  autre  oncle,  abbé 
de  Froidmond,  n'avait  pas  moins  d'a- 
mitié p  >ur  ce  neveu.  Il  songeait  ù  lui 
résigner  son  abbaye,  qui  valait  quin 
ze  nulle  livres  de  rente  :  cela,  joint 
à  deux  autres  bons  bénéfices  ,  dont 
Bèze  était  déjà  pourvu  ,  et.  qu'on  lui 
avait  procurés  ..ms  qu'il  en  sot  rien, 
l'eût  mis  en  fort  belle  passe.  Hue  ac- 
cedebat  quod  duobus  pinguibus  et  opi- 


que  les  Savoj  siens  s'étaient  van- 
tés qu  ils  le  viendroient  déterrer, 
pour  l'envoyer  à  Rome  (0).  La 
Faye  dit  que   l'on   eu  usa  ainsi 


(/n)  Notez  que  Bèze  ,  A  pot.  I  ad  Ciaudium 
de    Xaintrs,  Oper.    tom.  II,  pag.   2y^  ,  dit 

cela   de    François   Baudouin,    Vir sanè 

nullius  fidei ,  ut  tanquam  alter  Socrate;  verè 

possit  illud  usurpare ,  Mue  unum  credo  qitbd    "lls  beneficus  me  ultoqui  macrum  ado 

ni/ni  credo. 


(n)  Voyez  son  Elenrhus  alphabeticus  Hse- 
reticorum  ,  et  son  Hist.  de  l'elat  et  succès  de 
l'Eglise,  dressée  en  forme  de  chronique ,  et 
imprimée  à  Paris,  l'an  i583  ,  en  deux  volu- 
mes  m- folio. 

(o)  Spon,  Hist.  de  Genève,  pag.  357- 


(1)  C'est  celle  de  ta  Confe-sion  de  foi  ,  qu'il 
publia  en  latin  l'an  1SG0.  f\i  e:  la  ci.alion  (e) 
de  cet  article,  pa%.    3rj4- 

(2)  liera  ,  ad  Ciaudium  de  Saintes  Apolog.  al- 
téra, sitbjin. 

(S)  Vrrliriden  ,  qui  le  fait  encore  vivant. ,  paçt 
•joq,  se  h 


3gS  BÈ 

lescentem  et  prœtereh ,  quod  verè  tes- 
lor ,  istarum  rerum  prorsus  ignarum 
et  absentent  onerdt  ant ,  quorum  vecti- 
galia  aureos  coronatos  annuos  plus 
minus  septingentos  œquabunt  ($).  Ou- 
tre cela  ,  son  frèie  aîné  n'en  pouvait 
plus  :  c'était  un  homme  confisque':  la 
succession  à  ses  bénéfices  était  une 
espérance  prochaine.  Il  mourut  effec- 
tivement bientôt  après  ,  et  cette  mort 
augmenta  notablement  les  revenus  de 
Théodore  de  Bèze.  Ex  fralris  morte 
auctiores  mihi  reditus  essentjacti  (5). 
11  est  aisé  déjuger  qu'un  jeune  hom- 
me si  bien  établi  déjà  ,  et  qui  avait 
de  si  grands  dons,  beaucoup  d'amis 
et  de  parens  ,  et  une  réputation  peu 
commune,  bâtie  sur  le  succès  des  vers 
latins  que  le  public  avait  vus  de  lui, 
se  pouvait  promettre  toutes  sortes  d'a- 
vancemens.  Quumque  mihi  prœter  il- 
la  impedimenta  quœ  antè  commemo- 
ravi,  triplicem  laqueum  Satanas  cir- 
cumdedisset,  nenipe  uoluptatum  illece- 
bras  quœ  sunl  in  ed  civitate  maxintœ  : 
gloriolœ  dulcedinem  ,  quant  ego  non 
parlant ,  ex  meorum  prœsertim  epi- 
grammatum  editione ,  ipsius  quoque 
M.  Antonii  Flaminii  doclissimi  poë- 
tœ,  et  quidem  ftali,  judicio  eram  con- 
sequutus  :  spem  denique  maximorum 
honorum  mihi  propositam,  ad  quos  ex 
ipsis  aulicis  proceribus  aliquol  me  vo- 
cabant ,  incitabant  amici  ,  pater  et  pa- 
truus  hortari   non  desinebant  :  t'Omit 

Deus  Opt.  Max.  ut tandem  ex  his 

quoque  periculis  évadèrent  (6). 

(C)  Les  tentations  du  monde  le  ren- 
dirent irrésolu.  ]  Cela  ne  doit  pas  nous 
étonner.  A  cet  âge-là ,  un  bel  esprit  , 
bien  fait  de  corps,  et  qui  a  de  quoi  se 
bien  divertir,  résiste  avec  peine  aux 
tentations.  La  femme  que  Théodore 
de  Bèze  entretenait  sous  promesse  de 
mariage  avait  beau  lui  parler  de  no- 
ces, le  revenu  des  bénéfices,  auquel  il 
eût  fallu  renoncer,  réfutait  fortement 
toutes  ses  instances.  On  croit  facile- 
ment ce  que  Bèze  dit  là-dessus.  Mais  la 
force  qu'il  eut  enfin  de  rompre  cette 
ligature  ene.it  d'autant  plus  admira- 
ble. Quit.it  mihi  et  jwem  et  à  meis 
otio  ,  pétunia  ,  rébus  denique  omni- 
bus potiùs  quant  consilio  ,  abundanti , 
Satatias  omnia  illa  impedimenta  dere- 
peniè  objecisset ,  fateor  nie  inani  illa- 

(4)  Beza  ,  Epist.  ad  Melcliior.   Wolmar. 
(5/  Ibidem. 

\G)  Idem,   ibidem 


ZE. 

runt  rerum  splendore  et  yanis  blandi- 
tiis  ita  fuisse  pellectum  ,  ut  me  totum 

hue  et  illuc  abripi  facile  paierer 

Uxorem  mihi  despondi ,  sed  clam  ,  id 
tamen  fateor  et  uno  tanlùn  et  altero 
expiis  amicis  eonscio  ,  pariim  ne  cœte- 
ros  offenderem,  partim  quod adhuc  non 
satis  possem  a  sceleratd  illd  pecuniâ 
quant  ex  sacerdotiis ,  de  quibus  anle 
dix  i  ,  percipiebam  ut  impunis  canis  ab 

uncto  corio  absterreri Ego  tum  in- 

lertà  seniper  in  luto  hœrere  ,  instantt- 
bus  meis  ut  tandem  ce rlum  aliquod  vi- 
tœ  genus  amplecterer  ,  et  patruo  mihi 
omnia  dej trente ,  adeb  ut  quiint  unâ 
ex  parte  me  preineret  conscientia  ,  et 
cnnjux  de  promisso  appellaret  :  ex  al- 
téra veto  persontitus  Satan  mihi  placi- 
dissimo  vullu  blandiretur,  et  ex  f rat  ris 
morte  auctiores  mihi  reditus  essentfac- 
ti,  quasi  omnis  consilii  inops  interistas 
aninti  curas  jacerem  (7). 

(D)  Après  avoir  exercé  a  Lausanne 
neuf  ou  dix  ans  la  profession  en 
grec  ,  il  s'en  retourna  h  Genève.  ] 
Voici  ce  qu'il  dit  lui-même  dans  sa 
Réponse  à  Claude  de  Saintes  :  IVovem 
circàer  annos  grœcas  Ulleras  docuisse 
(8).  Antoine  la  Faye  s'est  servi  du 
nombre  rond  :  il  a  parlé  de  dix  ans 
entiers.  Inciderunt  postea  tempora 
quœ  Bezam  ad  migrandum  Lausannd, 
ubi  decem  annos  inlegros  hœserat 
grœca  docendi  munere  defungens  , 
induxerunt  (9).  Bèze,  dans  un  autre 
endroit  de  ses  livres ,  raconte  que  de 
Lausanne  il  retourna  à  Genève  au 
bout  de  dix  ans.  Inde  vero  tandem  , 
id  est  posl  annum  decimum...,  in  hanc 
urbem  ilerùnt  in  placidissimum  por- 
tum  redii  (10).  Ni  lui,  ni  la  Faye 
n'ont  pas  jugé  à  propos  de  nous  expli- 
quer toutes  les  raisons  de  cette  sortie 
de  Lausanne  :  ce  qu'ils  en  disent  ne 
laisse  pas  de  nons  faire  soupçonner 
qu'il  y  eut  là  je  ne  sais  quoi  qui  serait 
propre  à  des  anecdotes.  Inciderunt 
tempora  que  Bezam  ad  migrandum 
Lausannd .  .  .  induxerunt  (  1 1  ) .  Inde. . . 
pariim  quod  meipsum  cuperem  theo- 
logiœ  totum  consecrare  ,  pariim  alias 
ob  causas  quas  nihil  hic  atlinel  com- 
memorare  .  .  .  in  hanc  urbem  . .  .  redii 

(7)  Idem  ,  ibid. 

(8)  Beza  ,  Apologiâ  altéra  ,  pag.  35g. 

(9)  Ant.  Fayus,   in  Vitâ  Beza; ,  pag.  18. 

(10)  Beza,    E[)ist.    deilicator.    ad    Melchior 
Wolmar. 

(11)  Fayus  ,  in  Vilâ  Bcite,  pag.  18. 


BÈZE. 


399 


(E)  H  fit  des  leçons  en  français  sur 
le  Nouveau  Testament.  J  11  choisit 
d'abord  l'Epître  aux  Romains,  et  puis 
celles  de  saint  Pierre.  Ce  furent 
comme   les   semences   et    comme   les 


(11).  Ses  ennemis,  qui  faisaient  d'une 
mouche  un  éléphant,  publièrent  qu'il 
avait  été  chassé  de  cette  ville.  Voyez 
Lindanus  ,  à  la  page  i52  du  IIe.  dia- 
logue de  son  Oubitantius ,  et  Bau- 
douin dans  sa  IIIe.  réponse ,  folio  préparatifs  de  ce  grand  ouvrage  qu'il 
146  verso,  où  il  dit,  docuii  Lausannœ  publia  quelque  temps  après  je  veux 
mtiltis  annis  ....  Mine  turpiter  atque  dire  de  sa  traduction  latine  du  Nou- 
ignominiosè  pulsus.  Cela  était  faux;  veau  Testament  avec  des  Notes.  11  y  re- 
mais il  y  eut  quelque  chose  que  je  ne  toucha  plusieurs  fois  ;  il  y  fit  bien  des 
sais  point ,  qui  donna  lieu  à  ce  men-  corrections.  C'est  à  ceux  qui  ignorent 
songe  An  reste,  M.  Teissier  a  pris  la  difficulté  de  ce  travail  à  trouver 
l'un  pour  l'autre,  quand  il  a  dit  que  étrange  qu'à  chaque  édition  on  y  ait 
Bèze  exerça  pendant  dix  ans  à  Lau-  changé  quelque  chose,  lllas  tamen 
.unie  la  charge  de  professeur  en  phi-  aliquoties  emendalas  ah  ipso  miiabitur 
losophie  (i3).  nemo  qui  operis  dijfficultatem  cum 
Un  de  mes  amis  d4),  professeur  dignitate  conjunctam  ut  decet  perpen- 
celèbre  à  Lausanne,  ayant  lu  ce  qu'on  derit  (17).  Il  est  vrai  que  cela  faisait 


vient  de  lire,  prit  la  peine  de  recher- 
cher ce  qui  pourrait  me  fournir  quel- 
ques éclaircissemuus  ;  mais  ses  re- 
cherches   furent  inutiles  ,    et   ne'au- 


qiiclque  peine  à  ceux  qui  s'étaient 
servis  des  premières  éditions  :  ils 
craignaient  toujours  qu'il  n'en  vînt 
une  nouvelle,  qui  renversât  ce  qu'ils 


moins  l'extrait  que  je  vais  donner  île    avaient  regardé  comme  certain  •  mai 

se  fâcher  de  cela  ,  c'est  se  fAcher  con- 
tre la  nature,  qui  a  voulu  que  nos  lu- 
mières fussent  très-bornées  ,  et  qu'elles 
s'augmentassent  peu  à  peu.  On  lit  de 
cruels  reproches  à  Théodore  de  Bèze 
sur  ce  sujet.  Nisi  quis  septies  tuas 
Novi  Testamenti  edttiones  emal,  nés- 
ciet  quid  ajas  ,  aut  quid  neges.  Me- 
mini  lypographum  eruditum  Hiero- 
nymuni  Çomrnelimtm  hoc  nuhi  antè 
decennium  durisse,  quai  erebrd  mu- 
talinne  ennsilii  hoc  tanlitm  adeptus  es 
ut  plurinu  nihili  faciant  Pfovum  Tes- 
tament uni  titlerd  lœsum  atque  sensu 
»  honorable  du  souverain  ,  bond  cum  fUxiloquum.  Elolim  quidam  doctor 
»  veniâ  amplissimi  magislratûs  Ber-    Cantabr'igiensis    niihi    rrtu/u  ,    quôd 

Cantabrigiœ  plures  aversati  sunt  reli~ 
gionem  ducti  p<r  te  ad  credendum 
quod  Novum  Tcstamentum  deprava- 
lum  e>t ,  sicut  per  Edwardum  Livile- 


lettre  est  de  conséquence.  «  Je 
»  croyais  pouvoir  vous  envoyer  quel- 
»  que  éclaircissement  sur  la  vie  de 
«  M  de  Bèze ,  et  principalement  sur 
»  sa  sortie  de  cette  académie  pour 
»  aller  à  Genève.  Vous  laissez  sentir 
»  qu'il  y  a  là  quelque  chose  de  caché. 
»  Je  sais  bien  que  Ion  a  dit ,  et  même 
3)  un  auteur  dont  le  nom  m'est  écha- 
»  pé  a  écrit  que  c'était  pour  avoir 
»  fait  un  enfant  à  sa  servante.  Ce- 
»  pendant ,  si  cela  était ,  on  l'au- 
»  rait  su  à  Genève  comme  ici  ;  il 
ne  serait   pas  sorti  avec   un  congé 


»  nensis  ,  comme  il  le  dit  dans  son 
»  Epître  à  son  précepteur  Wolrnar  ; 
»  et  enfin  ,  il  ne  serait  pas  venu  com- 
»  me   il    faisait   toutes   les  années   à 


ausanne,  et  n'y  aurait  pas  été  si   jum  quod  foetus  ulceratum  (18). 


»  bien  reçu.  On  lui  faisait  tant  d'hon- 
»  neur  que  le  conseil  lui  allait  tou- 
»  jours  au-devant ,  comme  nos  mé- 
»  moires  en  font.  foi.  »  Je  ne  saurais 
dire  si  l'auteur  dont  on  ne  se  souvint 
pas  était  Rehoul  (i5),  cet  écrivain 
satirique,  rpii  fut  décapité  à  home  , 
pour  ses  pasquinades  (îGj. 

(ia)  Ben,  Epist.  dedicator.  ad  Wolraâr. 
Voyez  la  remarque  (FF)  île  l'article  de  Calvin. 

(i3)  Addit.  à  M.  de  Thou  ,  tout.  Il ,  pag.  3(53. 

('h)    Sf.   Constant  de  Bebecque. 

(là)  Voyez  la  satire  qu'il  intitula  :  Actes  du 
Synode  universeldelasainteRéformalion.  p  r,3. 

(iG)  Vore%  les  Note.»  sur  la  Confession  de 
S21-.C1  ,pag    436,  e'dition  de  îtxio 


Notez  que  la  première  édition  de 
cet  ouvrage  de  Théodore  de  Bèze  est 
de  l'an  1 55G.  H  en  fit  une  seconde  dix 
ans  après  ,  et  la  dédia  à  la  reine  d'An- 
gleterre. La  cinquième  édition  fut 
faite  l'an   i5g8  *.  il  la  dédia  tout  de 

(17)  Ant.  Fayns,  in  Vit»  Bei* ,  pag.  i5. 

(18)  Joh.  Drnsiu.  ,  fn  RpislolS  a  I  Tbeod.  Be- 
zam  MS. ,  apud  Colome-ium  in  Ii  ne  Presbv- 
terianorum  .pag.  utt.  ;  mais  Colomiés  se  trom- 
pe d'attribuer  celle  Lettre  a  Drusin.  :  VO/et  une 
Lettre  de  Si utiDus  Amam»  ,  au-devant  du  tare 
de  Oru>iu<  de  Hasidxis.  J'en  parle  dans  l'arti- 
de  Brodcbton  ,  citation     11). 

L'auteur   des    Obsen-ntiont  qui  sont  dansla 
Bibliothèque  française  ayant  dit  .  X\IX.   1S0, 


qoo  BÈZE. 

nouveau  à  la  même  reine  ,  je  veux    ce  conseil,  et  traduisit  en  vers  fran- 
tlire  par  une  nouvelle  épître,  et  en    çais  les  cent  Psaumes  qui  restaient  à 

traduire-  Ils  furent  imprimes  avec 
privilège  du  roi,  l'an  i56i  *'.  «  La 
»  traduction  du  demeurant  des  Psau- 
»  mes  de  David  montre  ce  qu'il  pou- 
»  voit  faire  ,  encore  qu'il  n'ait  si 
»  heureusement  rencontre  que  Clé- 
»  ment  Maroten  ses  cinquante  (20).  » 
Après  être  réchappé  de  la  peste  , il  fit 
une  Ode  *"  pour  en  rendre  grâces 
à  Dieu.  On  pre'tend  que  Jodelle  fit  ce 
quatrain  en  ce  temps-là  : 

fièze  fut  lors  de  la  peste  bccueiUi 
Qu'il  retouchait  celle  harpe  immortelle  ; 
Mais  pourquoi  fut  Bèze  d'elle  assailli? 
Bèze  assmillail  la  peste  à  tous  mortelle  (21). 

L'un  des  plus  remarquables  écrits  pu- 
bliés par  Bèze ,  pendant  son  séjour  à 
Lausanne ,  fut  le  traité  de  Hœreticis 


supprimant  la  première.  Il  ne  devait 
pas  la  supprimer  ;  car  elle  explique 
amplement  les  vues  ,  la  méthode  et 
le  dessein  de  l'auteur. 

(F)  //  publia  divers  livres  ,  pendant 
son  séjour  a  Lausanne.]  Le  premier 
fut  une  tragi-comédie  française  ,  in- 
titulée le  Sacrifice  d' Abraham  *.  Ja- 
comot  la  mit  en  latin,  l'an  1598. 
Presque  au  même  temps  ,  Jacques 
Brunon  la  traduisit  en  la  même  lan- 
gue à  Amsterdam.  tlle  a  été  réim- 
primée je  ne  sais  combien  de  fois. 
Voyous  ce  que  Pasquier  en  a  dit.  y  ers 
ce  mesme  lems  ,  estait  Théodore  de 
Bèze  ,  brave  poêle  latin  et  français.  Il 
composa en  ve/sfrancois  le  Sacri- 
fice d'Abraham,  si  Lien  retiré  au  vif , 


'que  le  lisant  il  me  fil  autrefois  tomber  «  magistratu  puntendis.  Il  le  publia 
des  larmes  des  yeux  (19).  Bèze  avait  po"r  répondre  au  livre  que  Castalion, 
accoutumé  daller  à   Genève  pendant    déguisé  sous  le  nom  de 


les  vacances ,  pour  y  voir  Calvin , 
qui  l'exhortait  à  consacrer  ses  talens 
au  service  de  l'Église  ,  et  qui  lui  con- 
seilla nommément  d'acheser  ce  que 
IVIarot  avait    commencé.  Bèze  suivit 

qu'il  possédait  une  édition  de  Zurich,  i55ç), 
et  que  cooséquemment  celle  de  i564  qui  est 
dédiée  a  la  reine  d'Angleterre  ne  peut  être  la 
seconde,  un  anonyme  prétendit  dans  cette  même 
Bibliothèque  française,  XXXIII,  'i'io ,  que 
cette  édition  de  1569  ne  différait  pas  de  la  pre- 
mière. L'auteur  des  Observations  répliqua  dans 
le  tome  XXXV  111,  198,  et  prouva  que  l'édition 
de  i559  ,  qui  est  •,ans  dédicace  ,  diffère  de  l'édi- 
tion de  i556.  11  ajouta  que  l'édition  de  i5t)8  n'é- 
tait pas  la  cinquième ,  mais  au  moins  la  septième, 
puisque,  outre  les  trois  éditions  précédemment 
citées,   il  existe    encore    celles    de    >565,   i5;9. 


lius  ,  avait  composé  sur  celte  impor- 
tante matière,  peu  après  le  supplice 
de  Servet  (22)  Castalion  traita  la 
thèse  générale  de  la  tolérance  :  Bèze 
lui  soutint  que  les  magistrats  doivent 
punir  les  hérétiques.  L'auteur  de  sa 
Vie  soutient  (pie  cet  ouvrage  fut  pu- 
blié très  à  propos ,  afin  de  réfréner 
les  esprits  flottans.  Scriptum  utriusque 
Beza  lurn  refutavil ,  tempnre  in  spe- 
ciem  importuna  :  sed  re  ipsâ  apporlu- 
nissima  ad  cohibendas  levium  homi- 
num  in  religinne  fiucluanlium  vagos 
et  incerl.os  œstus  (23).  On  ne  peut 
nier  que  la  crainte  du  dernier  sup- 
plice  n'ait  beaucoup  de   force  ,    pour 


e   j^oa,   io'9,  r -' —       .                         .1          .           1       *j 

.590.  Joly  qui  ne  paraît  pas  avoir  connu  toute  faire  taire  ceux  qui  auraient  des  CiOU- 
ceùe  discussion,  cite,  d'après  le  père  Lelong  ,  tes  à  proposer  Contre  la  religion  do- 
une  édition  de  .5S2  et  une  de  ,588.  minante  ,  et  pour  maintenir  l'unité  de 

*  Joly  dit  que  «  ce   fut  en  i55a ,  suivant  1  au-  .'        *        ,   .                        ... 

»  tcur  de  la  Bibliothèque  des  Théâtres.  .  Mau-  communion  extérieure;  mais  il  en  va 

point  se    contente  ,  pag.  321  ,  de  donner  à  cette  du  dogme  qui  autorise  cette  pratique, 

pièce  qu'il  intitule,  Abraham  sacrifiant,  la  date 

de    i5Ô2,  sans  dire  si  c'est  l'époque   de  sa  com-  *'    Leducliat    pense  qu'il    doit    y    avoir    une 


position  ,  représentation  ou  publication.  L'auteur 
de  la  Bibliothèque  du  Théâtre  français  (  connue 
sous  le  nom  de  Lavallière  et  composée  par  Ma- 
nn et  autres;  place  cet  ouvrage  dramatique  par- 
mi les  Mj  stères ,  etc.  et  en  cite  d'abord  une 
édition  de  Lyon  ,  Fr.  Dupré,  in-12  ,  sans  date, 
puis  une  édition  de  i552.  Les  frères  Parfaict  n'en 
parlent  pas  dans  leur  Histoire  du  Théâtre  fran- 
çais Le  Catalogue  des  livres  de  M.  le  comte 
de  Ponl-de-Vesle,  1 7 ■; 4 .  in  8°.  ,  en  cite  sous  le 
n°  164  "ne  édition  de  i55o  :  c'est  une  faute.  Le 
volume  qui  portait  ce  numéro  n'était  qu'un 
fragment  du  volume,  sans  date,  nom  de  ville  ni 
d'imprimeur,  intitulé,  Theod.  Beza?  poéma- 
la,  etc.,  et  qui  contient,  pag.  iS5  et  suiv. ,  la 
Tragédie française  du  sacrifice  il' Abraham. 
(19)  Recherches  de  la  Fiance,  Ut.  VII.  chap. 

FI,pag.6i5. 


édition  ,  antérieure  d'environ  dix  ans  ,  faite  a 
Genève. 

(20;  Kecbercliesde  la  France,  liv.  VII,  chap. 
VI,  pag.  6t5. 

*2  li  composa  ,  vingt-huit  ans  après  ,  un  traite 
sur  le  même  su  jet  ,  et  qui  ,  dit  Joly  ,  est  inti- 
tulé :  de  Peste  tiuœsliones  duœ  explicatœ  : 
tua  ,  situe  conlagiosa?  aller  a ,  an  et  qiiatenus 
sitchristianis  ptr sr.cessionem  vitanda?  (ienève, 
1579  ,  in-8°.  de  35  pages.  Goujel  croit  qu'il  y  a 
une  édition  de  i?>--. 

(21)  Nous  examinerons  dans  la  remarque  (E) 
de  V  article  Jodelle,  .11  ce  fut  lui  qui  composa 
ce  quatrain 

(22)  Servet  fui  brûlé  a   Genève,  l'an  i553. 
(î3J  Fayus  ',  in    Vit".    Beza;,   pag.    i5.  Notez 

que  par  uliiusque  il  entend  Lelms  Socin  et  Cas- 
talion. 


BÈZ 

comme  de  l'invention  des  bombes  et 
des  carcasses,  et  de  tontes  sortes  de 
machines  de  guerre.  Ceux  qui  s'en 
servent  les  premiers  en  retirent  de 
grands  avantages  ;  et  pendant  qu'ils 
sont  les  plus  forts ,  cela  va  le  mieux 
«lu  monde  ;  mais ,  quand  ils  sont  les 
plus  faibles,  on  les  accable  de  leurs 
propres  inventions.  Si  le  parti  de  Bèze 
avait  été  le  plus  fort  par  tout  le  mon- 
de ,  et  s'il  avait  été  assuré  de  se  main- 
tenir toujours  dans  sa  supériorité  ,  le 
dogme  de  puniendis  Hœrtlicis  aurait 
rendu  de  grands  ser\ices,  et  il  eut  ré- 
primé le  zèle  ou  l'humeur  brouillonne 
des  novateurs;  mais  comme,  à  un 
quart  de  lieue  de  Genève  ,  ou  était 
sous  le  caprice  du  plus  fort ,  et  qu'on 
ne  savait  pas  si  Dieu  permettrait  que 
la  secte  de  Socin  devînt  supérieure  , 
il  y  avait  beaucoup  d'imprudence  à 
soutenir  que  les  magistrats  doivent 
infliger  la  peine  de  mort  aux  héré- 
tiques. Le  profit  présent  ne  nous  doit 
pas  si  fort  éblouir  ,  qu'il  nous  em- 
pêche de  songer  aux  suites  :  il  faut  en 
et  te  rencontre  se  servir  de  la  maxime 
de  Régulus  : 

Hoc  caverat  tnens  provida  Reguli , 
Dissenlientiv  cunditiombus 
Fcetli*  f  et  exemylu  trnhentis 

Pernictem  veniens  in  œvum  (24V 

Je  ne  parle  pas  des  autres  raisons  qui 
pcuveut  combattre  ce  dogme  :  je 
ne  m'arrête  qu'à  elle  de  l'utilité  allé- 
guée par  l'historien  de  Théodore  de 
Bèze.  Cetle  utilité  est  bien  peu  1!,: 
chose  en  comparaison  du  mal  que  le 
livre  de  puniendis  Hœrelicis  produit 
tous  les  jours  ;  car  dès  que  les  pro- 
testans  se  veulent  plaindre  des  persé- 
cutions qu'ils  soutirent,  on  leur  allè- 
gue le  droit  que  Calvin  et  Bèze  ont 
reconnu  dans  les  magistrats.  Jusqu'ici 
on  n'a  vu  personne  qui  n'ait  échoué 
pitoyablement  à  cette  objection  ad 
hominem.  Mais  passons  aux  autres 
livres  publiés  par  Théodore  de  I 
avant  qu'il  quittât  Lausanne.  11  pu- 
blia une  courte  Explication  du  chris- 
tianisme ex  doctrimi  de  mternii  Dei 
pnedestinatinne  ;  une  Réponse  a  Jn,t- 
chim  ffestpha/e  ,  touchant  la  Cène 
du  Seigneur,  deux  Dialogues  sur  la 
même  matière  contre  Tillemannus 
lleshusius  (15),  et  une  Réponse  h  Cas 

(24)Uo«:.,  Od.  V,  lu.  m. 
(î5)  L'un   intitule'  :   Kfia>$a.yi& }    l'autre, 
')...-  Tt/XtoyiÇofAtioç. 

TOME    III. 


E.  401 

talion  louchant  le  dogme  de  la  prédes- 
tination. Bèze  n'avait  pas  encore  alors 
assez  tempéré  son  feu  et  son  humeur 
enjouée; c'est  pourquoi  il  lui  échappa 
dans  quelques-uns  de  ses  écrits  je  ne 
sais  quelles  railleries  ,  sur  lesquelles  il 
passa  l'éponge  quand  il  fit  de  nou- 
velles éditions.  In  his  quidem  (Dialo- 
gis  )  posle'a  quœdam  liberiore  calamo 
quant  rei  qudde  agebalur  majestati 
conveniebat  scripta  mutawil  ,  ut  et  in 
nonnullis  aliis  scriplis  c  quibus  jocos 
aliquot  (  ut'  eral  ingenio  lep'ulo  et  fa- 
ceto  dutn  tetate  adhuc  uigente  esset 
postquam  maturior  J'actus  est  ,  et 
SiVTîf,tnc  <ffovTi<Ta.ç  in  consilium  adhi- 
bttisset,  erusil  (26). 

Je  m'exprime  ainsi  comme  traduc- 
teur d'Antoine  la  Fayc  ;-car  si  je  vou- 
lais me  régler  sur  le  jugement  de  quel- 
ques auteurs  luthériens  ,  il  faudrait 
que  j'employasse  des  termes  qui  pas- 
sassent la  raillerie.  Conrad  Schlussel- 
burgius  prétend  qu'il  y  a  dans  ces 
ouvrages  de  Théodore  de  Bèze  une 
médisance  si  bouffonne  et  si  impure  , 
qu'elle  ne  peut  convenir  qu'à  ceux  qui 
n'ont  point  eu  d'autre  école  que  les 
lieux  de  prostitution.  Ce  qu'il  a  dit 
là-dessus  a  été  recueilli  comme  de  la 
manne  par  l'auteur  du  Calvino-Tur- 
cismus.  Je  ne  puis  citer  que  lui  ;  car 
je  n'ai  pas  le  livre  de  ce  fameux  lu- 
thérien. Omissis  aliis  ,  Theodorum 
Bezam  cxemp'i  gralid  proponit,  ex 
cujus  scriptis  non  tnodù  contra  papis- 
tas,  sed  etiam  Lutheranos  hoc  (inquit 
abundè  potest  demonstrari.  Et  ha-c 
adeô  suntvera,  ut  ipsos  sacramenta- 
rios  pigeât  et  pudeat  futilitatum  et. 
bla^phemiarum  ,  quas  Beza  sine  metu 
divinaa  majestatis  evomit,  sicut  ipse 
Lavatherus  fateri  cogitur,  et  aliquot 
nobiliores  Calviniste  apud  ipsum  Be- 
zam conquesli  sunt.  El  quanquani 
Beza  excuset  oninia  ,  vocans  sanctam 
urbanitatem  :  haec  tamen  urbanita- 
(  inqutt  isle  Patriarcha)  non  theolo- 
go-  in  pietatis scholâ  versantes,  sed 
I.  non.  s  effrontés  et  scurras  spurcilo- 
quofl  m  Indo  meretricio  à  Thaide  ve] 
Candide*  profugâ  ernditos  decet.Und< 
haud  dubiè  noster  i lie  Beza  dosculos 
suarum  elegantianmi  deci  rpsit.  Mox 
jnruits  urgens  atqne  probans  hoc  de 
Bezœ  maledico  et  elumbi  in  disputa- 
tionibus  et  scriptionibus  char ac  Ver  e. 
Si  qais( inquit)  de   bâc   re  ambigeie 

(26/  Ant.  Fayus,  in  Vilà  Kcza:,  pag.  17. 
26 


402 


BEZE. 


velit,  ille  duos  famosissimos  dialogos 
Bezœ  contra  D.  Heshusium  légat ,  qui 
cei  tè  non  ab  homine ,  sed  ab  ipso 
in.carn.ato  Beelzebub  exarati  esse  vi- 
dentur.  llorret  animus  blasphemias 
obscenas ,  et  diabolico  atramento 
tinctas  referre ,  quas  iste  impurus 
convitiator  et  Atheus  indialogis  illis  , 
in  articulo  gravissimo  blasphémé  , 
impie,  et  scurriliter  eructavit.  Certè 
adeô  sunt  fœdœ  ,  ut  ipse  Beza  pauld 
post  quo  specinsius  prièrent  editionem 
supprimera  ,  secundam  procurant,  in 
quA  septem   folia  intégra   omisit ,   et 


les  Vallées  de  Pie'mont ,  que  le  roi  de 
France  posse'dait  alors ,  c'est-à-dire 
Tan  1 557  (3o).ll  reconnaît  néanmoins 
dans  la  Vie  de  Calvin,  qu'on  demanda 
cette  intercession  pour  les  prisonniers 
de  Paris  ,  et  qu'elle  ne  fut  pas  inutile. 
Ptirlim  inlervenientium  Germanorum 
Piincipum  legatione  quant  summâ  ce- 
leritate  Calvinus  procuravit ,  tempes- 
tas  illa  nonnihil  conquievit  (3i).  Il 
reprend  Claude  de  Saintes,  qui  avait 
mis  ce  voyage  à  l'an  i556. 

(Hj  II  assista  au  colloque  de  Pois- 
Une  expression  qu'il  y  employa 


loca  pluiima  expunxit ,  quœ  erant  in  Jît  murmurer.  ]  La  voici  cette  expres- 

editione  priori.  Quanquam  iste  bonus  sion  :   IVous  disons  que    le   corps  de 

et  gravis  superintendens    hdc  quali-  Jésus-Christ  est  éloigné  du  pain  et  du 

cunque   castigalione  non    cnntenlus  ,  vin  ,  autant  que  le  plus  haut  ciel  est 

vptat  ut  non  modo  isti  dialogi  in  uni-  éloigné  de  la  terre  (3a).  Voyons  pré- 

versum  ,   sed  simul   alia  ejus   omnia  sentement  quel  en  fut  l'eflèt ,  et  ser- 

impia  et  blasphéma  scripta  quae  sunt  vons-nous  des  propres  termes  deThéo- 

plurima,  aboleientur,  ne  à  teneris,  dore    de  Bèze.     Cette  seule   parole, 

piis  ,    et  castis  liominibus  videreutur  (combien  qu'il  en  eût  bien  dit  d'autres 

in  œternum.  Sis  ille  (27).  Souvenez-  aussi   contraires  et  répugnantes  à  la 

vous  que  ce  Conrad  est  un  écrivain  doctrine    de    l'église  romaine  )    fut 

fort  emporté.  cause  que  les  prélats  commencèrent  a 

(G)  il  fit  un  voyage  en  Allemagne,  bruire  et  murmurer  ,   dont  les  uns  di- 

avec  le  caractère  de  député,]  Voici  le  saient    Blasphemavit  ,    les    autres   se 


sujet  de  ce  voyage.  On  surprit  une 
Assemblée  de  ceux  de  la  religion  à 
Paris  .  l'an  i557-  Elle  était  composée 
de  quatre  cents  personnes ,  dont  on 
brûla  sept,  les  autres  furent  mis  dans 
les  prisons  (28).  Les  églises  recouru- 
rent à  l'intercession  de  quelques  prin- 
ces d'Allemagne  ,  pour  tâcher  d'obte- 
nir de  Henri  II  la  vie  de  ces  pauvres 
prisonniers.  Farel ,  Bèze  et  JeanBudé, 
fils  du  grand  Guillaume  Budé  ,  furent 
les  trois  députés  qui  allèrent  à  la  cour 
de  l'électeur  palatin  ,  à  celle  du  land- 
grave de  Hesse ,  et  à  celle  do  duc  de 
Wirtemberg  ,    l'an    i558.    Ces    trois 


levaient  pour  s'en  aller,  ne  pouvant 
faire  pis  à  cause  de  la  présence  du 
roi  :  entre  autres  ,  le  cardinal  de  Tour- 
non  ,  doyen  des  cardinaux ,  qui  était 
assis  au  premier  lieu  ,  requit  au  roi  et 
à  la  reine  qu'on  imposât  silence  à  de 
Bèze  ,  ou  qu'il  lui  fut  permis  et  h  sa 
compagnie  de  se  retirer.  Le  roi  ne  bou- 
gea ,  ni  pas  un  des  princes ,  et  fut 
audience  donnée  pour  parachever.  Si- 
lence fait  ,  de  Bèze  dit ,  Messieurs  ,  je 
vous  prie  d'attendre  la  conclusion  qui 
vous    contentera    :    puis    retourna    à 


son  propos,  qu'il  poursuivit  jusques  à. 

la  fin  (33). .Catherine  de  Médicis,  dans 
princes  recommandèrent  fortement  la  sa  lettre  à  M.  de  Bennes,  ambassadeur 
cause  des  prisonniers;  mais  la  cour  de  de  France  à  la  cour  de  l'Empereur, 
France  eut  peu  d'égard  à  ces  recom-  dit  que  Bèze  ,  en  parlant  de  la  cène  , 
mandations.  En  passant  par  Francfort, 
Bèze  eut  le  plaisir  de  parler  à  Mélanch- 
thon  (29).  Voilà  ce  que  dit  Antoine  la 
Faye  ;  mais  ,  selon  Théodore  de  Bèze, 
le  motif  de  re  voyage  fut  de  deman- 
der l'intercession  de  ces  princes  pour 

(27)  Gnlielmiss  Reginaldas  ,  in  Calvino-Tur- 
c'isino,  lib.  III .  cap.  XIX,  pag.  671  ,  67a.  Il 
tile  Conrad.  Schlusselb.  in  Theoiog.  Calvinis.  , 
lib.  I,  folio  92,  inprcefai.  ,  lib.  III,  folio  34, 
35,   etlih.  ÏI ,  folio  77,  78,  127. 

(28)  Selon  Bèze,  in  Vità  Calvini ,  on  en  prit 
environ   quatre-vingts;  les  autres  se  sauvèrent. 

(29)  Fayus  ,  in  \itâ  fiez*  ,  pag.  37. 


s'oublia  en  une  comparaison  si  ab- 
surde, et  tant  offensive  des  oreilles  de 
toute  l'assistance,  que  peu  s'en  fallut 
qu'elle  ne  lui  imposât  silence,  et  qu'elle 
ne  renvoyât  tous  ces  ministres  sans  les 
laisser  passer  plus  avant  ;  mais  qu'elle 
s'en  abstint ,  de  peur  quon  ne  s'en  re- 

f  3o)  Bez* ,  ad  Cl.  de  Saintes  Apolog.  I ,  Oper., 
tom.  Il  ,  pag.   2g5. 

(3i)  Beza,  in  Vità  Calvini. 

(ii)Rèie,  Hist.  ecclésiast. ,  liv.  IV,  pag. 
5.0. 

(33)  Là  même  ,  pag.  52r. 


BÈZE. 


4o3 


tout  nul  imbu  de  sa  doctrine  ,  sans 
avoir  ouï  ce  qui  lui  sera  répondu  ;3.jJ. 
Remarquez  bien  la  parenthèse  dont 
l'historien  s'est  servi  (35)  :  rien  ne 
marque  mieux  la  faiblesse  de  l'esprit 
«le  riionnue.  Un  vieux  cardinal,  et 
plusieurs  évoques,  se  scandalisent, 
veulent  sortir,  crient  au  blasphème; 
et  pourquoi?  parce  qu'ils  ont  ouï  dire 
à  un  ministre,  que  Jésus  Christ  n'est 
point  sous  les  symboles  du  pain  et  du 
vin  de  l'Eucharistie  quant  à  son  corps; 
car  voilà  à  quoi  se  réduit  cette  expres- 
sion tant  ojfènsive  des  oreilles  de  toute 
l'assistance  :  peut-on  voir  un  scandale 
plus  mal  fondé,  ni  pins  pjjérilt-  ? 
Quand  on  enseigne  que  l'humanité  de 
Jésus-Christ  n'est  présente  qu'en  un 
seul  lieu  tout  à  la  fois  ,  et  qu  elle  est 
toujours  assise  en  paradis  à  la  main 
droite  de  Dieu  ,  il  est  évident  que  l'on 
soutient  qu'elle  est  aussi  éloignée  du 
sacrement  de  l'Eucharistie  ,  que  le 
paradis  est  éloigné  de  la  terre.  Or  les 
prélats  du  colloque  de  Poissi  ne  pou- 
vaient, pas  ignorer  cpie  les  ministres 
enseignent  que  l'humanité  de  Jésus- 
Christ  est  toujours  en  paradis  à  la 
main  droite  de  Dieu,  et  qu'elle  ne 
peut  point  être  présente  en  plus  d'un 
lieu  à  la  fois;  et  ils  ne  devaient  pas 
attendre  que  Théodore  de  Bèze  a  osât 
point  exposer  les  sentimens  de  son 
parti  :  ils  n'ont  donc  pas  dû  se  scan- 
daliser de  son  expression,  (car  encore 
un  coup,  elle  n ajoute  quoi  que  ce 
soit  à  la  simple  et  nue  doctrine  des 
ministres,)  ou  bien  ils  étaient  allés  à 
l'assemblée  avec  cette  persuasion  que 
les  ministres  trahiraient  leurs  senti- 
mens ,  et  ne  chercheraient  qu'à  trom- 
per le  roi.  Je  ne  vois  qu'une  chose  qui 
puisse  excuser  l'irritation  des  prélats. 
On  peut  dire  qu'il  y  a  des  expressions 
qui  nous  choquent,  encore  qu'elles  ne 
signifient  rien  cpii  ne  soit  signilié  par 
des  expressions  qui  ne  nous  offensent 
pas.  Par  exemple,  les  parties  (pie  la 
pudeur  défend  de  nommer  peuvent 
être  désignées  par  des  noms  honnê- 
tes ;  et  cependant  ces  noms  signifient 
la  même  chose  (pie  les  noms  qu'on 
appelle  sales.  Si    l'on  est  choqué  de 

(34)  foret.  Maimbonrg  ,  Histoire  du  Calvin., 
pag.  223,  224  Le  Laboureur,  Arllil  à  C.astel- 
naii ,  lum.  I ,  pag.  -63  ,  rapf/orle  toute  la  lettre 
de  la  reine- 

('■5     (  Combien  qu'il  en  eût    bien  dit  d'autre* 
au<*i    contraire*    et   répugnantes   a   la  <■' 
romaine.  )  Bèze,   Ilist.  ecclésiast.  ,  pag.  521. 


ceux-ci ,  ce  n'est  pas  à  cause  de  la 
chose  même  qu'ils  signifient  ;  mais  à 
cause  que  l'on  juge  que  celui  qtri  les 
emploie  contre  l'usage  ne  nous  porte 
pas  le  respect  (pie  la  bienséance  exige 
(36).  Sur  ce  pied-la  ,  le-;  é\êques  de 
Poissi  se  pouvaient  plus  offenser  de  la 
doctrine  des  ministres,  représentée 
par  une  comparaison,  que  de  la  même 
doctrine  représentée  nuement  et  sim- 
plement ;  mais  alors,  leur  scandale 
n'était  pas  fondé  sur  le  zèle  de  reli- 
gion ;  car  la  foi,  ni  la  divinité  ,  ne 
peuvent  pas  être  plus  blessées  par  la 
comparaison  que  Bèze  allégua,  que 
pai  l\-xposition  la  plus  simple  de  la 
doctrine  des  protestans.  Ce  n'est  donc 
point  pour  les  intérêts  de  Dieu  que 
l'on  se  pouvait  scandaliser  :  c'é.ait 
donc  uniquement  parce  que  l'on  sup- 
posait qu'un  petit  ministre  ne  respec- 
tait pas  assez  humblement  ses  audi- 
teurs, lorsqu'il  osait  se  servir  de  cer- 
tains firmes.  Ceux  qui  voudraient 
faire  ainsi  l'apologie  de  ces  prélats 
leur  attribueraient  une  vanité  très- 
crimineile.  Que  faire  donc?  Vaut-il 
mieux  dire  qu'ils  agissaient  comme 
des  enfans,  qu'ils  ne  s' offensaient  pas 
des  choses  ,  mais  des  mots  ?  Cela  ne 
leur  ferait  point  d'honneur.  Je  suis 
surpris  qu'un  historien  aussi  grave 
que  Mézerai  ose  dire  que  cette  pro- 
position de  Bèze  était  emportée  et 
choquante  ,  que  Bèze  en  cul  honte  lui- 
même  ,  qu'elle  blessa  horriblement 
les  oreilles  catholiques ,  que  les  pré- 
lats en  frémirent  d'horreur  (37).  il  est 
visible  que  Mézerai  trouve  raisonna- 
bles ces  frémissemens  d'horreurj  et  il 
se  rend  par-là  ridicule;  car  c'est  ioufe 
la  même  chose  de  dire  le  corps  de 
Jésus-Christ  n  est  point  présent  au 
saint  sacrement ,  et  dédire,  il  en  est 
éloigné  d'une  distance  infinie  *. 

(I)  //  se  trouva  n  ta  bataille  de 
Dreux  comme  ministre.]  J'ajoute  cet- 
te clause,  alin  qu'aucun  de  mes  lec- 
teurs ne  soupçonne  qu'il  y  assista  pour 
se  battre  ,  et  pour  jouer  dfl  l'épéi  . 
Claude  de  Saintes  lui  fit  des  repro- 
ches là-dessus:  voici  comment  on  lui 
répondit.  Interfui  sanè  pralio  ,  et  in- 
choanli  et  desinenti  (  quidm  enim  hoc 
facereni  ?  en  rili:  vocatus  )  et  quittent, 

(3fi)  Veye%  Z'Art  <lc  penser  ,  I".  part. ,  chap. 

(3:)  Mézerai  ,  Abrégé  chron.  a  l'ami.  i56i. 
*  Joly  contredit  celte  apologie  Je  liiîe. 


4°4 


BEZE. 


quod  magis  mireris ,  palliatus  ,  non  en  toutes  sortes  de  vers  latins.  11  pu- 
armatus  :  nec  rnihi  quisquam  ver'e  vel  blia  un  Traité  des  Sacremens  ,  et  un 
cœdem  cujusquam  vel  fugam  objece-  livre  contre  Hoffmannus  ,  quelques 
rit  (38).  Sermons  sur  la  Passion  de  Jésus-Christ 

(K)  //  alla  à  Kezelai,  où  sa  présen-  et  sur  le  Cantique  des  Cantiques  ;  une 
ce  était  nécessaire.  ~\  Nicolas  de  Bèze,  version  de  ce  Cantique  en  vers  fyri- 
bailli  de  Vczelai ,  se  réfugia  à  Genève  ques  ,  et  une  Réponse  à  Génebrard  ,  à 
pour  la  religion ,  et  y  mourut  peu  qui  cette  traduction  avait  donné  un 
après  de  peste  ,  dans  la  maison  de  nouveau  sujet  de  répéter  ses  médisan- 
Théodore,  son  frère  de  père.  Celui-ci,  ces.  Il  publia  ,  en  i5go,  son  Traité  de 
voulant  donner  ordre  à  la  famille  du  Excommunications  et  Presbylerio  , 
défunt,  et  tâcher  en  même  temps  de  contreThomasErastus.  Quelque  temps 
sauver  quelques  débris  de  son  patri-  après,  il  examina  le  livre  de  Saravia, 
moine,  lit  un  voyage  à  Vezelai.  Hœc  ds  Ministrorum  Evavgelii  Gradibus. 
fuit  occasio  Bezœ  yezelios  suos  revi-  .le  laisse  les  titres  de  quelques  autres 
sendi,partim  utfratris  defundiliberis  livres  :  «m  les  pourra  voir  dans  la  lis- 
prospiceret ,  partirh  ut  nonmdlas  patri-  te  qu'Antoine  la  Faye  mit  à  la  fin  de 
rnonii  sui  reliquias  dispersas  collige-  son  ouvrage  de  Vild  et  Obitu  Theo- 
ret ,  quod  et  fecit  quantum  locus,  teni-  dori  Bezœ,  dont  j'ai  tiré  ce  qu'on  vient 
pus  et  res  permiserunt  (3g).  11  tlîcha  de  de  lire.  Je  n'y  ai  point  vu  tout  ce 
persuader  à  une  sœur  qu'il  avait  dans  qui  partit  de  la  plume  de  Théodore 
un  couvent  de  quitter  l'église  romai-  de  Bèze  :  Y  Icônes  des  hommes  illus- 
ne.  C'était  une  vieille  nonne,  très-  très  qui  ont  mis  la  main  à  l'ouvrage 
obstinée  dans  sa  religion  ,  qui  n'é-  de  la  réformation  {^i)  n'y  est  point, 
coûta  point  les  remontrances  de  6on  L' 'Histoire  ecclésiastique  des  églises 
frère  (4o).  réformées  n'y  est  point  non  plus.  Ces» 

(L)  Il  avait  fait  plusieurs  livres  de-  un  ouvrage  très-curieux  *',  qui  s'é- 
puis  son  retour  à  Genève  ,  et  il  conti-  tend  depuis  l'an  i52i  jusqu'à  la  paix 
nua  d'en  publier  depuis  qu'il  fut  re-  du  l3  de  mars  i563.  Je  ne  m'étonne 
venu  de  f^ezelai.  ]  Peu  après  son  éta-  pas  que  l'on  n'ait  point  mis  dans  cet- 
blissement  dans  l'église  de  Genève,  il  te  liste  la  lettre  ingénieuse,  mais  trop 
mit  en  latin  une  Confession  de  foi  burlesque  de  Benedictus  Passavan- 
qu'il  avait  autrefois  écrite  en  français,  tius  au  président  Lizet  (43).  La  Faye 
pour  se  justifier  auprès  de  son  père  ,  n'en  parle  point  du  tout  ;  mais  pour 
et  pour  tacher  de  convertir  ce  bon  quelques  autres  écrits  satiriques  ou 
vieillard.  11  publia  cette  confession  en  burlesques  qu'on  attribuait  à  Bèze,  il 
latin,  dédiée  à  son-  bon  maître  Mel-  soutient  qu'on  se  trompait.  Dicteriis 
chior  Wolmar ,  l'an  i56o.  Sa  plume  plenos  libros  composuit  ,  haranguant 
se  reposa  pendant  qu'il  suivit  dans  les  ad  cardinalem  Lotharingum ,  de  furo- 
armées  ,  ou  le  prince  de  Condé  ,  ou  ribus  Galticis,  J^itam  Calharinœ  Me- 
l'amiral  de  Coligni  5  mais  ,  dès  qu'il  diceœ  et  similis  notee  charlas.  Jltqui 
se  revit  à  Genève ,  il  fit  deux  Répon-  tam  verum  est  libros  illos  fuisse  com- 
ses ,  l'une  à  Castalion  (40  ,  l'autre  à  positosa  Bezd,  quant  verum  est  (  quod 
François  Baudouin.  Ensuite  ,  il  atta-  isti  ignoranter  et  temerè  déblatérant  ) 
qua  Brentius  et  Jacques  André  sur  ab  Amirallii  ministro  scriptum  fuisse 
leur  dogme  de  l'ubiquité  :  puis  il  lit  librum  cui  nomen  est  Matagonis  de 
son  livre  de  Divortiis  et  Repudiis  con-  Matagonibus  (44) 
tre  Bernardin  Ochin,  qui  avait  écrit 
en  faveur  de  la  polygamie.  Il  attaqua 
aussi  les  erreurs  de  Flacius  Illyricus. 
11  répondit  à  Claude  de  Saintes,  à  Sel- 
neccerus,  à  Jacques  André,  à  Pappus, 
etc. ,   et  mit  les  Psaumes    de  David 


Garasse  soutient  que  Bèze  «  bouf- 
»  fonnement  se  qualifia  du  nom  de 
»  Frantopin  ,  écrivant  contre  le  doc- 


(38)  Beza  ,  ail  Claud.  de  Saintes  Apologià  ai- 
dera,   Oper.  loin.  1 1 ,  pag.  36î. 

(3g)  Fayus,  in  Vitâ  Bezœ  ,  pag.  48. 

(4o)   Idem,   ibidem. 

(4i)  Il  avait  critique'  Bèze  sur  lit  traduction 
àa  Nouveau  Testament. 


(4z)  Imprimé  h  Genève,    l'an  i58o  ,  i'h-4°. 

*  Joly  est  ,  comme  on  pense  bien,  d'un  autre 
avis  ;  et  développe  son  opinion  dans  ses  Bemar- 
ques  sur  l'article  de  FI.  de  Rémond.  Ces  remai- 
ques  appartiennent  à  Leclerc  qui ,  dans  sa  Lettre 
critique,  pag  410  ,  avait  dé[à  exposé  les  mêmes 
raisons  contre  le  jugement  de  Bayle. 

(43)  Voyez  les  nouvelles  Lettres  contre  le 
Calvinisme  de  Maimbourg  ,  Pag    *44 

(44)  Ant,   fayus ,  \n  Vitâ  Bezas ,  pag.  70,71. 


BÈZE. 


4o5 


■  lever  de  Saintes ,  en  ce  livret  maca-  vaincu  en  ces  rencontres  ,  pour- 
»  ionique  ,  qui  commence  par  ces  vu  qu'on  sache  jaser.  Les  parties 
m  mots  ,  Tufacis  benè  de  sujjiciente  ,  convinrent  de  ne  point  donner  au 
»  domine  magister  noster  ,  post  ha-  public  la  relation  de  la  conférence  ; 
»  bere  bihitum  quatuor  boitas  jîdes  de  mais,  comme  on  sut  qu'il  courait  des 
»  veslro  uino  Sorbonico  in  dejeunan-  lettres  par  toute  l'Allemagne ,  qui fn- 
i>  do  theologaliler ,  etc.  (^5).  Il  lui  reiït  lues  dans  les  cours  des  princes  , 
attribue  aussi  un  livre  intitule  Pa-  et  dans  les  ruelles ,  et  que  ces  lettres 
raltèles  de  Henri  H  avec  Pilate  (4^>).  chantaient  le  triomphe  de  Jacques 
.Notez  qu'il  y  a  un  grand  défaut  dans  André  ,  et  qu'enfin  les  théologiens 
la  liste  d'Antoine  la  Faye  :  on  n'y  de  Wirtemberg  publièrent  la  confé- 
trouve  ni  la  date  des  premières  édi-  rence  avec  des  notes  marginales  ,  il 
lions  ,  ni  quand  et  combien  de  fois  fallut  que  Bèze  publiât  une  Contre- 
les  Livres  de  Théodore  de  Bèze  furent    Relation. 

réimprimés.  J'ai  lu   depuis  ,    dans  un   ouvrage 

(M)    Le   succès   de   la   dispute    de    d'Abrabam  Scultet ,  que   les  raisons 
Mombelliard  fut   comme  toujours.  ]    politiques,  tant  delà  part  desFran- 
C'est    Antoine   la  Faye  qui   l'assure,     cais  réfugiés,  que  de  la  part  du  comte 
Utrinr/ue,  dit-il  (47) ,  placide  disces-    de  Mornbelliard ,  contribuèrent  beau- 
sum  est  sine  lite  aut  amarulenUÙ  :  sed    coup  plus  que  les  raisons  théologiques 
nulloj'ructu,ulferèsemperintalibus    à  nouer  cette  conférence.  Les  réfu- 
palœUris   publicis    contingere    solet.    giés  appelèrent  Bèze,  parce  qu'ils  cru- 
Quelques    gentilshommes ,    sortis   de    rent  que   s'il  conférait   amiablement 
France  pour  la  religion ,  et  réfugiés  à    avec  le  docteur  André  sur  les  matic- 
Mombelliard ,  donnèrent  lieu  à  cette    res    controversées  ,    ils    trouveraient 
dispute.  Le  comte  de  .Mombelliard  pria    plus  de  douceurs  à  la  cour  du  comte, 
le  canton  de  Cerne  de  nommer  quel-    et  que  peut-être  le  duc  de  Wirtem- 
ques  députés   pour  conférer  avec  des    berg  passerait  de  leur  côté.  Quant  au 
théologiens  de  Wirtemberg.   Il  pria    comte ,  il   avait  été  ubiquitaire  dans 
aussi  messieurs  de  Genève  d'envoyer    sa  jeunesse  ;  mais  ayant   oui  les  ser- 
Théodore  de  Iïéze  à  la  conférence  :  il    nions   et  les  leçons  de  Théodore  de 
le  fit,  pour  s'accommoder  au  désir  des     Bèze  ,  il  déclara  librement  qu'il  avait 
réfugiés.  Abraham  Musculus  ,  minis-    vu  à  Genève  et  dans  le  pays  des  Suis- 
tre  de  Berne,  et  Pierre  Huberus,  pro-    ses  beaucoup  de  choses  dont  Jacques 
fesseur  en  langue  grecque  dans  la  mè-    André  ne  lui  avait  rien  dit. ,   et  qu'il 
me  ville  ,   furent  les  députés  suisses,    n'y  avait  presque  rien  vu  de  ce  dont 
Bèze    et  Antoine  la   Faye  furent  les     le  même  docteur  lui  avait  parlé  sou- 
députés  de  Genève.  Jacques  André  et    vent.  Genevœet  in  Heluetid  vidi  mul- 
Luc    Osiander   furent  les   principaux     ta  de  quibus  nihil ,  pâma  eorum ,  de 
députés  de  Wirtemberg.  Ils   ne  ser-     quibus  sœpèaudivi  ex  D.  Jacobo{/\cj). 
virent  presque  tous  que  d'auditeurs  à     C'était   déclarer    que    ce    personnage 
Théodore  de  Bèze  et  à  Jacques  André,     faisait  peu  fidèlement  le  portrait  des 
et  ne   virent   guère  clair  dans   cette    calvinistes.  Depuis  ce   temps  -  là  ,  le 
dispute    de    plusieurs   jours  ,    parce     comte  fut  plus  bénin  à  l'égard  des  ré- 
qu'on  n'argumentait  point  en  forme,     formés,  et  il  donna  retraite  à   ceux 
et  que  ,  quand  deux  hommes  s'entre-    qui  sortaient  de  France  pour  la  reli- 
répondenl  par  de   longs  discours  ,   il     gion.  Mais  quand  on  lui  eut  représen- 
tai presque,  impossible  de  s'apercevoir     té  que  le  duc  de  Wirtemberg  n'avait 
s'ils lèventles  difficultés.  Jacobus  An-     point  de  iils  ,  et  que  la  maison  d'Ati- 
dreas  perpétua  et  declamatorid   ora-    triche  ne  souffrirait  pas  qu'un  fauteur 
tione   ulebatur.   Quare  illius  vesligiis     des  huguenots  recueillît  la  succession 
insistere  Beza  coactus  est.  Undè  non     de  ce  duc  :  quand  ,  dis  je  ,  on  lui   eut 
tam  facilis  ,  erpedita  ,    aut  perspicua     représenté  qu'il  s'était  rendu  suspect, 
fuit  tola  Ma.  dierum   aliquot  Discep-     et  par  son  voyage  de  Genève  ,  et  par 
tatio   (48)-   Ou  n'est  presque  jamais     ses    bienfaits  envers    les    réfugiés   de 

France  ,  il  consentit  à    la  dispute  en- 

(45)  Garasse,  Doctrine  curieuse  ,   pag.  1022.      tre  le    docteur  André  et  Théodore  d'. 

(46)  La  mr'mf ',  ]>a^.  1012. 

(47)  Fayus,  in  Vità  ïitzx  ,  pag.  53.  (4o)  Abrab.     Scultitus,    ITirral.    apr!og<-   , 

(48)  L'a  même.  P"S-  «6- 


4o6 


BÈZE. 


Bèze  ,  et  il  avait  moins  en  vue  de  tra- 
vailler pour  la  vérité  ,  que  de  se  pur- 
ger du  soupçon  de  calvinisme.  J\on 
tant  ut  ventât  i  consuletet,  quant  ut  se 
de  calvinismn  purgarel  (  5o  ).  Voilà 
ce  q:ie  Daniel  Tossan  répondit  à  Chris- 
tophle  Pe'zelius  ,  q>u"  lui  avait  deman- 
dé les  causes  d>'  la  conférence  de  Mom- 
belliard.  Scultet,  qui  le  rapporte  (5i), 
était  du  repas  où  cela  fut  dit  (5a).  Si 
nous  avions  un  recueil  de  semblables 
propos  de  table  aussi  gros  que  celui 
qu'on  trouve  dans  les  œmresde  Plu- 
tarq  te,  nous  y  apprendrions  bien  des 
curiosités. 

(N;  //  se  remaria,  en  1 588,  avec  une 
veuve  qui  lui  survécut.  ]  Sa  première 
femme  s'appelait  Claudine  Denosse  : 
voyez  ci  dessous  la  remarque  (  Y  ). 
Leur  mariage  dura  quarante  ans  :  la 
seconde  avait  nom  Catherine  de  la 
Plane,  et  eut  un  grand  soin  de  lui  tant 
qu'il  vécut.  Catharina  Planta,  Astetv 
sis  ,  Francisa  Turiiffi  Jaauensis  ci- 
dua  ,  quœ  et  usqite  ad  ultimum  spiri- 
tum  ma&nn  subsidio  fuit  (53).  Patin 
s'abuse  lorsqu'il  conte  qu'Etienne  Pas- 
quier  fit  des  vers  sur  les  trois  maria- 
ges de  Théodore  de  Bèze. 

Vxores  ego  très  vario  sum  tempore  nactus , 
Cum    juvenis,    tum    vir ,    factus    et    inde 
senex. 
Propler   opus   prima   est   validis  mihi  juncta 
sub  annis, 
Altéra  propler  opes,  lerliapropteroi  ein  (54). 

Voici  le  sens  de  ces  vers  :  J'ai  épousé 
trois  femmes  en  divers  temps  ,  dans 
ma  jeunesse .  dans  mon  âge  viril ,  et 
dans  ma  vieillesse.  J'ai  épousé  la  pre- 
mière femme  pour  le  plaisir  de  l'a- 
mour,  la  seconde  à  cause  qu'elle  était 
riche  ,  la  troisième  afin  qu'elle  eût 
soin  de  moi  dans  mes  infirmités.  Cela 
n'a  pu  convenir  à  Théodore  de  Bèze, 
puisqu'il  n'a  point  eu  trois  femmes. 
I!  y  en  a  qui  disent  que  Pasquier  ne  fit 
ces  vers  que  pour  lui-même  (55).  Ce- 
lui qui  remarque  cela  ne  laisse  pas 
d'être  dans  l'erreur  de  Guy  Patin  tou- 

(5o)  Abrab.  Scullelus,  Narrât,  apologet.  , 
pag.  26- 

(5i)  Idem,  ihid. ,  pag.  1$  et  seq. 

(5î)  Tossan,  professeur  a  Heidelberg  ,  avait 
prié  il  dîner,  eu  l5t)t ,  Christoplile  Péîelms  , 
théologien  de  Brème. 

(53)  Fayu'! ,  in  VUS  Rezn; ,  pag .  55. 

(54)  Patin,  lettre  DV1 ,  tom.  III ,  pag.  490; 
c'est  la  CKXXV1».  lettre  A>  la  première  édition. 

(55,  Saint-Romuald  ,  Abiégé  chronol.  il  l'an 
:6i5. 


chant  le9  trois  femmes  de  Bèze.  Il  s'é- 
tait marié  pour  la  troisième  j'ois  a 
l'âge  de  septante  ans,  et  en  m'ait  donné 
avis  a  son  intime  ami  Junius,  Hollan- 
dais (56) ,  en  ces  termes  :  Si  c'est  une 
folie  de  se  marier  à  septante  ans,  voi- 
là que  je  viens  de  la  faire.  C'était  un 
vieux  coq  qui  ne  pouvait  se  detacher 
du  char  de  fènus  ,  auquel  il  avait  été 
attelé  dès  sa  jeunesse  (5^).  Ces  paro- 
les sont  d'un  moine  crédule ,  et  qui 
rarement  est  bien  informé  de  ce  qu'il 
dit.  Si  lui  et  Patin  avaient  consulté  le 
XIXe.  livre  des  lettres  d'Etienne  Pas- 
quier ,  ils  auraient  parlé  avec  plus 
d'exactitude.  Pasquier  conte  qu'ayant 
ouï  dire  que  Théodore  de  Bèze  s'était 
remarié  ,  il  jeit  ce  quatrain  en  faveur 
de  celui  qui  aurait  espousé  trois  fem- 
mes (  58  ).  La  seconde  femme  de  Théo- 
dore de  Bèze  eut  un  soin  merveilleux 
de  lui  :  il  la  laissa  héritière  de  tous 
les  biens  qu'il  possédait  à  Genève  :  Fo- 
rum quœ  Genevœ  habebat  hœredem  ex 
asse  inslituil  Calharinam  Planiam  , 
conjugem  suant  ;  quâ  senectulevi  ip- 
sius  sustentante,  et  g lo riant  ex  ofjîais 
asstduis  erga  ipsum  annorum  seplen- 
dreim  spatto  quœrenle  vivebal  (  5ç)  ) . 
Bèze  n'eut  jamais  d'eufans  (Go). 

(0)  //  fit  des  vers à  l'occasion 

du  bruit  que  l'on  fit  courir  qu'il  était 

mort et  avait  fait  projession  de  la 

foi  romaine.  ]  Ceux  qui  inventèrent 
ce  conte,  et  ceux  qui  le  firent  courir, 
connaissaient  très-mal  le  véritable  in- 
térêt de  leur  église.  Ces  sortes  de  frau- 
des sont  bonnes  à  débiter  contre  une 
secte  qui  n'a  ni  auteurs  ni  impri- 
meurs ;  mais  elles  ne  peuvent  être 
que  préjudiciables  quand  on  ose  s'en 
servir  contre  une  église  qui  a  mille 
presses  et  milles  plumes  dans  son  sein, 
qui  ne  laissent  rien  tomber  à  terre,  et 
qui  prennent  la  balle  au  bond.  Ne  fal- 
lait-il pas  être  de  la  dernière  bêtise 
pour  s'imaginer  que  les  protestans 
laisseraient  perdre  une  si  belle  occa- 
sion de  crier  contre  l^s  impostures  et 
les  fourberies  monacales ,  et  de  tirer 
cent  conclusions  foudroyantes  de  la 
hardiesse  que  l'on  aurait  eue  de  débi- 

(56)  Il  n'était   pas   Hollandais  ,  ni  en  Hol- 
lande ,  quand  Bèze.  se  remaria. 

(57)  Sainl-Romuald  ,   Abrégé   cbronol.  ,  pag. 
3f)i ,  à  l'an  i6o5. 

(58)  Pasquier,  Lettres,   tom.  II ,  pag.  486. 
(5fj)  Fnyus,  in  Vitâ  Beza: ,  pag.  74. 

(60)  Idem  ,  ibid. 


BÈZE. 


4o; 


ter  une  fausseté  dont  la  conviction  té  de  la  monde  M.  de  Bèze ,  quant 
était  si  facile?  Les  ministres  de  Genè-  nondum  certô  accepi,  quanquam  jam 
ve  ne  se  turent  point  en  cette  rencon-  olim  aninio  prœoepi.  Et  trois  ou  qua- 
tre. Ils  publièrent  deux  écrits  revêtus  tre  esloiles  qui  nous  restent  couchées  , 
de  toute  l'authenticité  nécessaire  pour  je  ne  voi  qu'espaisses  ténèbres  parmi. 
réfuter  cette  sotte  raenterie  :  l'un  de  nous.  C'est  dans  les  pages  94  et  95 
ces  écrits  était  en  latin,  et  l'autre  en  du  11e.  volume  de  ses  Mémoires  qu'on 
français.   Editis  nomine  suo  publicis  trouve  cela. 

duobus  scriptis,  atlero  latine  (  cui  Be-         (P)  Il  fit  des  vers après  l'accueil 

za  redivivus  nomen  fecerunt  )  ,  altéra  qu'il  reçut  de  Henri  IV, au  mois 

gallicè  (61).  Une  lettre  de  Théodore  de  décembre  1600.  ]  M.  Spon  rappor- 

de  Bèze  à   Guillaume  Stuckius  réfuta  te  la  harangue  que  Bèze  lit  à  ce  prin- 

le  même  conte  (61)  :  et  le  jésuite  Clé-  ce,  et  la  réponse  du  roi  (65).  M.  de 

ment  du  Puy  ,  que  l'on  regarda  com-  Pérefixe  a    cru  faussement  que  Henri 

me  l'inventeur  de  la  fable,  attira  sur  IV  entra  dans   Genève,  et  qu'il  y  fut 

sa  personne  en  particulier,  et  sur  son  harangué  par  ce  ministre  (66).  Ce  fut 

ordre  en  général ,  une   grêle  de  vers  à  Luysel  (67)  qu'il  reçut  les  députés 

satiriques,  que  les  muses  de  Théodore  de  Genève  ,    à    un  quart  de  lieue  du 

de  Bèze,  toutes  vieilles  qu'ellesétaient,  fort    Sainte  -  Catherine  ,    lequel   fort 

ne  laissèrent  pas  de  rendre  bien  ter-  était  à  deux  lieues  de  Genève.  .M.  de 

lassante  (63).  Il  était  aisé  de  prévoir  Thon  dit  que  le  roi    fit  un    présent 

cela  :   ce  furent  donc  des  personnes  de   cinq   cents    écus   à   Théodore    de 


peu  éclairées  dans  leurs  propres  inté- 
rêts qui  s'avisèrent  d'un  tel  roman. 
11  y  a  des  étourdis  dans  toutes  les  com- 
munions: voyez  l'article  de  Bellakmin, 

remarque  (K). 


Bèze  (68). 

(Q)  Il  conserva  toujours  son  bon 
sens.  ]  Son  historien  n'a  rien  dit  de 
ce  que  M.  de  Thou  remarque  tou- 
chant la   mémoire   de    ce    vénérable 


Il  ne  faut  pas  que  j'omette  que  les  vieillard.  Prœsentium  memoriam  dc- 
jésuites  soutinrent  que  cette  fable  bilitutd  quippe  mente  evanidam  arni- 
avait  été  forgée  dans  le'parti  protes-  serai  ,  prœteritorum  ditm  ingenio  va- 
lant ,  afin  de  la  leur  imputer.  Voyez  lebal  impressam  servaverat.  Itaque  et 
lu  Scaligérana  sous  le  mot  f^elserus ,  lotos  Psalmos  hebraïcè ,  et  quodeun- 
et  les  Notes  sur  la  Confession  de  Sanci.  que  caput  ex  B.  Pauli  Epislolis  pro- 
EUes  donnent  un  extrait  de  la  lettre  pnsuisses  integrum  gra'cè  recitabat  , 
qu'ils  publièrent  en  iSgS,  sous  le  nom  nec  in  Us  quœ  olim  didiceral  judicio 
d'un  gentilhomme  savoysien  ,  où  ils  carebat  .  sed  quœ  dixerat  statim  obli- 
soulinrent  que  la  prétendue  lettre  a  viscebalur  (69).  Cela  veut  dire  qu'à 
eux  attribuée  sur  la  mort  et  conversion  divers  égards  la  mémoire  de  Théodo- 
re Théodore  ife  Bèze,  n'était  qu'une  re  de  Bèze  était  fort  bonne  et  fort 
pure  imposture  de  Bèze  lui-même  et  mauvaise  :  fort  bonne  à  l'égard  des 
des  Bézéens  de  Genève.  L'auteur  des  choses  qu'il  avait  apprises  pendant  la 
notes  remarque  qu'Etienne  Pasquier  force  de  son  esprit  (  car  il  pouvait  ré- 
n'eut  aucun  égard  à  cela,  et  que  le  je-  citer  par  cœur  tous  les  psaumes  en 
suite  hicheome  débita  comme  certain  hébreu  ,  et  tous  les  chapitres  de  saint 
le  conte  de  la  conversion  de  ce  mi-  Paul  en  grec  );  et  fort  mauvaise  à  IV- 
nistre  ,  dans  un  ouvrage  réimprimé  gard  des  choses  présentes  ;  car  peu 
l'an  1399  (64)-  après  qu'il  avait  dit  une  chose,  il  ne 
Notez  qu'en  1591  il  courut  un  bruit  se  souvenait  point  de  l'avoir  d>le.  Cet 
que  Bèze  était  mort.  Cette  fausse  non-  état  dura  près  de  deux  ans  ,  si  nous 
velle  fut  mandée  par  un  ministre  à  en  croyons  M.  de  Thou,  qui  paraît 
M.  du  Plessis  Montai  ,  qui  lui  répon-  sur  ce  point-là  avoir  été  muni  de  fort 
dit  en  ces  termes  :  fous  m'avez  atlrîs- 

(Gi)  Idem,  ibid.  ,  pag.  5g. 

(<>a)  Voyez  aussi  la  préface  de  son  Nouveau 
Testament  de  l'édition  de  i5()8. 

(63)  Antoine  la  Faye  rapporte  ces  vers  de 
Théodore  de  Bèze,  pag.  60  et  6t. 

(04)  Tué  des  Notes  sur  la  Confession  Je  San- 
•i  ,  pag.  4-'  ,  e'ditior.  de  îùç*). 


(65)  Spon.  ,  Histoirf  de  Genève,  liv.  III  , 
pag.  3>C),  édition  d'Vlrecht  ,  en  i685. 

(66)  Péreliie,  Vie  de  Henri  IV. 

(67J  Matthieu,  llist.  de  la  Paix,  liv.  IV  , 
pag  661.  I.a  Fave  nomme  Ce  lieu  Elucrluin. 
.1/.' de  Thou  ,  liv.'CLII,  Louellom. 

(68)  Tliuau.  ,  Ub.  CXXf .  pag.  9*». 
69   Idem  ,  I».  CXXXIV,  PaS.  1082. 


4o8  BÈZ] 

bons  mémoires.  En  effet ,    Casaubon 
assure  qu'en  matière  d'érudition  Bèze 


j  montrait  les  dernières  années  de  sa 
vie  tout  tel  qu'on  l'avait  vu  vingt  an- 
nées auparavant.  11  discourait  sui  l'an- 
cienne histoire  avec  tant  de  netteté  , 


nir  des  levées  ;  que  Bèze  Courut  de 
ville  en  ville  par  tous  les  cantons  de 
la  religion,  et  qu'il  anima  tellement 
les  Suisses ,  qu'il  fut  cause  qu'ils  four- 
nirent de  grandes  sommes  pour  le 
prince  Casimir;   que  les, cantons  ca- 


m  eût  dit  qu'il  venait  de  lire  Plu-  tholiques  voyant  cela  firent  savoir  a 
tarque  et  les  auteurs  de  cette  espèce  :  la  cour  de  home  le  grand  préjudice 
il   parlait,  latin  ,  et  quelquefois  grec    que  cet  homme  apportait  à  la  catho- 


comme  auparavant;  mais,  dans  la  mê- 
me conversation  ,  après  s'être  entre- 
tenu amplement  sur  le  sujet  du  nou- 
veau roi  d'Angleterre  ,  il  demandait 
de  temps  en  temps  s'il  était  vrai  que 
la  reine  Elisabeth  fût  morte.  Vene- 
ramlus  senex  Theodorus  Beza  cùm 
per  longinquilatem  cetalis  factus  sit 
ob/ii'iosus  ,  adeo  ut  posl  fréquentes  île 
noua  rege  Angliçe  sermones  subindè 


licite  ;  que  là-dessus  Sixte  V  fit  tenir 
deux  conférences  ,  dont  le  résultat  fut 
qu'il  fallait  employer  toute  sorte  de. 
moyens  pour  faire  sortir  de  Genève  ce 
ministre;  qu'après  cela  rien  ne  serait 
plus  aisé  que  la  conversion  de  cette 
ville  ,  et  que  la  conversion  de  Genè- 
ve serait  la  ruine  totale  de  l'hérésie  , 
tant  en  Suisse  qu'en  France;  que  M.  de 
Sales  ,    évêque  de  Genève  ,   se  trou- 


me  rogaret  deregind,  an  verum  esset  vant  alors  à  Rome  ,   fut  prié  de   dire 

quod  fama  jactaret ,  illam  fatis  con-  en  présence  de  sa  sainteté  par  quels 

cessisse  ;  idem  tamen  in  litleris  visus  moyens  il  croyait  que   l'on   pourrait 

nobis  is  esse  quem  ante  annos  uigin-  dénicher  de  son  poste  ce  vieux  minis- 

ti  rioveramus.   Loquilur  latine,   inler-  tre  ;  qu'il  déclara  que   le  seul  moyen 


dum  et  grœcè  ut  anteà  ■■  audiuimus  de 
historié  veleri  disserentem  è  re  nald  lu- 
culenlissimè,  ut  videretur  recens  esse  à 
iectione  Ptutarchi  et  id  genus  auclorum 
(70).  M.  de  Thon  fut  mal  informé  des 
circonstances  de  la  mort  de  Théodore 
de  Bèze  :  il  dit  que  ce  ministre  ,  prêt 
à  sortir  pour  aller  au  temple,  fut  saisi 
d'une  convulsion  subite  qui  l'empor- 
ta. La  vérité  est  que  depuis  quelques 
semaines  ses  forces  diminuaient  à  vue 


était  de  fournir  au  duc  de  Savoie  les 
forces  qui  lui  seraient  nécessaires  pour 
la  conquête  de  Genève  :  que  Beze  ne 
doutant  pas  qu'on  n'en  voulût  à  sa 
vie  ,  se  prerautionnaitde  telle  sorte  , 
qu'il  ne  fallait  point  espérer  qu'au- 
cune entreprise  contre  sa  personne 
pût  réussir;  qu'après  ce  discours  de 
M.  de  Sales ,  on  abandonna  le  dessein 
de  se  défaire  du  ministre ,  ou  par  l'as- 
sassinat ,   mi  par  le  poison  ,    d'autant 


d'ceil,  et  qu'il  n'y  eut  rien  de  subit  ni  plus  que  l'on  apprit  que  son  altesse  de 

d'imprévu  dans    sa   mort.   Voyez   la  Savoie  avait  inutilemeut  tenté  toutes 

Faye  aux  pages  G5  et  66.  sortes  d'expédiens  pour  cela  +. 

(R)  Il  rendu  de  très-grands  services'a         J'ai  trois  choses  à  remarquer  sur  ce 

sonparti.]  M.  Léti  rapporte  queSixteV  récit.  i°.  Antoine  la  Faye  ne  dit  point 

lit  tenir  deux  conférences  où  il  assista,  que  Théodore  de  Bèze  ait  fait  un  voya 


pour  délibérer  des  moyens  doter  au 
parti  des  protestans  l'appui  et  le  grand 
ressort  qu'ils  avaient  en  la  personne 
de  Théodore  de  Bèze  (71).  Que  peut- 
on  rien  dire  de  plus  glorieux  pour  ce 
ministre  que  de  le  représenter  com- 
me un  homme  qui  faisait  passer  de 
mauvaises  nuits  au  pape  et  aux  cardi- 


ge  en  Suisse  l'an  1687;  et  cependant, 
il  n'oublie  guère  ces  sortes  de  choses. 
Une  expédition  comme  celle-là,  dont 
les  effets  furent,  dit-on,  si  grands,  et 
d'une  influence  si  générale  pour  le 
bien  de  la  cause,  l'aurait-il  bien,  ou 
ignorée  ou  supprimée  ?  20.  François  de 
Sales  n'était  point  évêque  de  Genève 


1587  le  député  du  roi  de  Navarre  au-    ne  s'accorde  point  avec  ces  paroles  de 
près  des  cantons  se  servit  des  bons  of- 
fices de  Théodore  de  Bèze  pour  obte- 


(70)  Casaubon.  ,  Epist.  CCXCVH  ,  ad  Sca- 
liger. 

"(-1)  Lcti,  Vit?,   di  Sisto    V,    parle  II,    lib. 
III  .pag.  2G2  ,  ete.y  eda.  dsll'an<  1686. 


*  «  Bayle,  dit  Joly,  critique  avec  raison  G. 
»  Léti  ,  qui  raconte  d'une  manière  fabuleuse  les 
»  mesures  qu'on  prit  à  Komc  pour  faire  rentrer 
»  Bèze  dans  la  communion  catholique  par  l'en- 
»  tremise  de  saint  François  de  Sales.  »  Joiy 
entre  dans  quelques  détails  à  ce  sujet, 


BÈZE.  409 

M.  Moréri:  Bèze,  avec  qui  François  de  Scaliger  ait  reçu  la  moindre  con- 

de  Sales  asait eu  quelques  conférences  tirmation.   Ce  n'était  pas   un  de  ces 

U  Genève,  lui  avoua  que  la  religion  présages  poétiques  ,  qui  ne  tirent  pas 

catholique  était  la  seule  véritable  (72).  plus   à    conséquence    que  ceux 'd'un 

Sur  on  tel  aveu,  le  prélat  aurait  cou-  commentateur  fanatique  des  révéla- 

seillé  au  pape  d'ofl'rir  au  ministre  tou-  tions  de  saint  Jean.  Je   ne   crois  pa 

tes  sortes  de  dignités.  Il  y  avait  de  l'hy-  même  que  l'envie  de  comparer  Bèze  à 

perbole  dans  la  description   des  soins  saint  Augustin  ,   qui  aurait,  pu  enga- 

qu'on  disait  à  Rome  que  lièze  prenait  ger  cent  autres  poètes  à  hasarder  la 

de  sa  vie.  Non  faceva  passo ,  senza  prédiction,  ait  fait  parler  Scaliger.  11 

un  cumula  grande  di  precauzioni ,  e  y  a  beaucoup  d'apparence ,  qu'en  rai- 

senza   pigliar  cento  e  nulle  misure ,  sonnant  sur  l'état  des  choses,  il  crai- 

non  costumando  di  praticar  nissuno,  gnaitpour  la  ville  de  Genève  le  destin 

senza  esser  sicuro  d'una  inveterala  co-  de  celle  d'hippone  ,  qui  fut  prise  par 

noscenza,  ne  voleva  domestici  in  sua  les  Vandales  peu  après  la  mort  de  son 

casa,  délia  di  cuijede  nonne J'osse  si-  évêque.   C'était  donc  une  conjecture 

euro,  nltre  che  quei  suoi  perversi  sel-  politique  ,  plutôt  qu'un  enthousiasme 

tarii  lo  custodivano  corne  suoi  demoni  de  poète.    L'événement  s'en  est  mo- 

tutelari ,   ne  usciva  mai  da  casa  senza  que  :  ce  qui  montre  que  le  plus  sûr  est 

haverne  cinque  o  sei  a  lato ,  e  quel  che  de    ne  point  juger  de  l'avenir.  Voici 

importa,  che  per  maggior  sicurezza  ce  mauvais  augure  de  Scaliger. 
non  metteva  mai  li   ptedi    tuo'i  délia  . 

J  tijue  /).■:  fiitnnlo  non  Hippo  superslile  capta 

eut, 
Qu'um  quaterel   Liùycas    Vandatus   hosûs 


Induisit  tibi  sic  prœtentia  nutninit,  islo 
Cernere  ne  posscs  ulteriora  nialo. 

Âlque  ulinam  celeres    rapianl  procul  omi.x. 
venli , 
El  potiits  mendax  Jînxeril  ista  melus  '• 

Sed  lej'elicem  ,  etc. 

11  y  a  certaines  choses  dans  le  Scali- 
gérana ,  qui  ne  sont  pas  avantageuses 
à  Théodore  de  Bèze  ;  mais  quoi,  cesse- 


città  (73).  Mais  il  est.  vrai  qu'il  usait 
de  précaution.  Voyez  l'un  de  ses  ou- 
vrages contre  Claude  de  Saintes.  Vous 
y  trouverez  qu'un  lui  reprocha  qu'il 
n'osait  sortir  de  Genève  ,  de  peur, 
comme  un  autre  Cain,  d'être  tué  par 
le  premier  qui  le  trouverait.  Geneva 
pedem  non  audes  efferre  ,  ne  le  quis- 
quis  inveneiit  ut  alterum  Caïn  occi- 
dat.  Il  répondit ,  que  si  Dieu  l'y  ap- 
pelait,   il  irait  partout  sans  crainte, 

quoiqu'il  n'ignorât  pas  les  embûches  t.on  d'estimer  un  homme  ,  lorsque 
qu'on  lui  tendait  ,  et  qu'il  évitait  par  exemple  on  ne  fait  pas  difficulté 
aussiprudemment  qu'il  était  possible,  d'avouer  que  le  grand  nombre  d'af- 
Etst  mihi  apposilos  à  luis  Mis  et  ve-  faires  f]ont  j[  s\.;t  m,-.|,  ,.t  ]a  mu||j- 
ne/îcoj  et  ticarios  non  ignora  (  hœ  Uuie  (ll.  livres  dont  il  est  l'auteur, 
sunl  enim  artes  Romanœ  )  quorum  yQnt  enipêché  d'acquérir  beaucoup  de 
etiam  unusjam  h'tc  deprehensus  pœnas    scjt.nce? 

dédit Inlereh  me  sanè  libens         /j^  je  ne  critiqueM.  Moréri  qu'en 

domi  conttneo  ,  et  veslras  insidias  cin()  cnoses.  ]  i°.  Bèze  n'était  point 
qu'amprudentissimèpossumevito^j).  sorti  de  l'enfance  lorsqu'on  le  mena 
(S)  //  eut  beaucoup  de  part  a  Ces-  «  paris  .  sa  mere  y  y  mena  dès  ,,„  ,| 
time  de  Scaliger.  ]  Cela  paraît  par  son  ful  sevré.  Mater.  .  .  mariti  imperio  ob- 
Epicedium  SOT  la  mort  de  Théodore  secula  Luteliam  usque  me  recens  ablac- 
de  Bèze.  Il  y  fourra  un  mauvais  au-  TXTUM  perduxit.  C'est  Bèze  qui  écrit 
gure  qui  n'eut  point  de  suite.  Addito  ceja  .•  \v,,|m.ir.  a0.  Nous  verrons  ci- 
eliam  de  fat  o  urbis  in  qud  decessit  dessous  (7-)  s'il  faut  croire  qu'une 
omine,  quod  lamen   hactenùs   eventu    épigramme' scandaleuse   ait    attiré    h 


caruit  (^5).  Il  y  a  quatre-vingt-dix 
ans  plus  ou  moins ,  que  M.  de  Thou  a 
fait  cette  observation  ;  et  l'on  n'a 
point  vu  jusqu'ici  1 76)  ,  que  le  présage 

(72)    Dans   l'article  de  François   de   Sales. 
[  Cel  article  n'existe  pas.] 

(:3)  Lrti,  Vita  di  Sisto   V,  pag.  264. 
(-4)  Beza  ,  Oper.  tom.  If  ,  pag.  362. 
(:5)  Thi.anus,  lib.  CXXXIV ,Vag.  1082. 
(76}  On  e'cril  ceci  en  mai  1G99. 


Bèze  le  ressentiment  de  la  justice. 
et  qu'on  l'accusa  encore  d  un  crime 
plus  horrible  que  n'est  le  concubinage, 
etq>ie  ses  débauches  lui  causèrent  un  ■ 
maladie.  3°.  Il  n'est  pas  vrai  que  I  al 
vin  ait  fait  souvent  donner  des  com- 
missions d'éclat  à  Théodore  d 

(-')  Dansla  remar<;- 


4io 


BÈZE. 


pour  se  trouver  à  quelques  conférences 
contre  les  luthériens.  Je  ne  pense  pas 
que,  durant  la  vie  de  Calvin  ,  il  y  ait 
eu  de  ces  conférences  où  Bèze  se  soit 
trouvé  ;  car  il  ne  faut  point  mettre  en 
ligne  de  compte  la  dispute  de  l'an 
i557  :  le  hasard  la  fit  naître  (78).  Ce 
fut  peu  de  chose  :  on  était  allé  en  Al- 
lemagne pour  d'autres  desseins.  4°-  H 
n'est  point  vrai  que  Théodore  de 
Bèzc:  soit  l'auteur  de  la  Confession  de 
foi  des  églises  réformées.  La  Confession 
de  foi  qu'il  composa  premièrement  en 
français  ,  et  puis  en  latin  ,  est  une 
pièce  différente  de  la  Confession  des 
églises.  5°.  Bèze  ne  présida  point  au 
synode  de  Nimes  l'an  1572.  C'est  aux 
imprimeurs  de  Moréri  qu'il  faut  im- 
puter les  fautes  suivantes  :  ils  ont  mis 
la  naissance  de  Bèze  à  l'an  161g  ,  au 
lieu  de  i5i6  •  ils  ont  cité  Antoine  Pale 
De  Vild  et  Obitu  Theodor.  Beze  s  il 
fallait  citer  Antoine  la  Paye.,  et  met- 
tre Bezœ. 

(V)  Ce  qu'en  dit  Mézerai  ne  parait 
point  digne  d'un  historien  judicieux.  ] 
S'il  s'était  contenté  de  dire  qu'on  li- 
sait dans  plusieurs  écrits  imprimés , 
que  Théodore  de  Bèze  fut  accusé  de 
cette  abomination,  il  ne  faudrait  pas 
le  trouver  étrange  ;  car  il  n'avance- 
rait rien  qui  ne  soit  très-vrai.  On 
pourrait  citer  peut-être  deux  cents  au- 
teurs, qui,  se  copiant  les  uns  les  au- 
tres ,  ont  parlé  Je  ce  procès.  Mézerai 
va  beaucoup  plus  loin  :  il  soutient  la 
chose  ,  il  s'en  rend  caution  ,  et  il  n'en 
saurait  produire  nulle  preuve;  cVst  ce 
qu'on  peut  appeler  la  conduite  d'un 
historien  étourdi  *.  Rapportons  ses 
paroles  :  «  On  peut  bien  sans  préju- 
»  dice  d'aucune  religion  le  nommer 
}>  un  très-méchant  homme ,  et.  une 
j>  âme  entièrement  corrompue  qui , 
»  comme  une  vilaine  harpie,  gâtait 
»  le-,  choses  les  plus  saintes  avec  ses 
3)  railleries  malignes,  et  dont  le  cœur 
»  ne  couvait  que  des  desseins  san- 
j)  glans  et  tout-à-fait  exécrables  Aussi 
»  il  n'était  sorte  de  vilenie  dont  il 
»  n'eût  souillé  sa  jeunesse  ;  les  poé- 
»  mes,  dont  il  a  voulu  couvrir  ses  or- 
i)  dures  par  ce  titre  de  Juuenilia,  en 

(•-S)  Beza,  Apol.  ad  Claud.  de  Saintes,  pag. 
295. 

*  Joly  renvoie  à  Bayle  la  qualité  d'historien 
étourdi ,  qu'il  mérite,  dit-il,  pour  avoir  inséré 
dans  son  Dictionnaire  presque  tout  Brantôme  qui 
oe  cite  personne. 


»  font  assez  mention  ;  mais,  outre 
»  cela  ,  il  est  constant  qu'il  s'enfuit  à 
M  Genève  ,  pour  éviter  la  punition  des 
»  sodomies  dont  il  était  accusé  devant 
j>  le  parlement  de  Paris  ;  et  qu'il  em- 
»  mena  avec  lui  sa  Candide,  femme 
»  d'un  tailleur,  qui  vivait  encore  au 
»  commencement  de  ce  siècle  ,  après 
»  avoir  vendu  quelques  bénéfices  qu'il 
»  avait  eus  de  son  oncle ,  entre  autres 
»  le  prieuré  de  Longjumeau;  com- 
»  mençant  de  cette  sorte  la  réforme 
»  de  sa  vie  par  une  simonie ,  et  par 
»  un  adultère  (79).  »  M.  Maimbourg 
ne  fit  que  donner  la  paraphrase  de  ce 
texte  de  Mézerai ,  quand  il  voulut 
faire  un  portrait  horrible  de  Théo- 
dore de  Bèze  (80)  ;  mais  ,  au  lien  de 
suivre  l'exemple  de  Mézerai ,  qui  ne 
cite  rien,  il  cite  Bolsec,  de  Sponde  , 
Florimond  de  Remond  ,  Claude  de 
Saintes  ,  etc.  S'il  avait  eu  de  meilleurs 
témoins  à  donner  ,  il  les  eût  donnés 
sans  doute  ;  ainsi  l'on  peut  tenir  pour 
induhifuhlp  que  Mézerai  n'a  point  eu 
d'autres  garans  que  eux  que'  Maim- 
bourg a  cités.  Or,  encore  un  coup, 
c'est  la  conduite  la  plus  indigne  qui 
se  puisse  d'un  historiographe  aussi  cé- 
lèbre et  aussi  illustre  que  celui-là. 
Vraiment,  un  historien  débiterait  de 
beaux  contes,  s'il  s'amusait  à  rappor- 
ter toutes  les  injures  personnelles  que 
les  controversistes  se  chantent  ,  de 
quelque  religion  qu'ils  soient.  Ce  ne 
sont  point  des  gens  qu'il  faille  croire 
dans  les  faits  personnels  qu'ils  repro- 
chent à  leurs  adversaires,  à  moins 
qu'ils  ne  les  appuient  sur  des  actes  au- 
thentiques ;  de  sorte  que  M.  de  Méze- 
rai ,  n  ayant  fait  que  suivre  un  Clau- 
de de  Saintes ,  et  un  Florimond  de 
Remond  ,  qui  n'ont  apporté  aucune 
preuve  de  leurs  médisances  ,  s'est  fait 
un  grand  tort  auprès  des  personnes 
de  jugemrnt. 

Qu'il  me  soit  permis  de  faire  ici  une 
observation,  qui  peut  avoir  des  usa- 
ges dans  la  discussion  des  faits  per- 
sonnels. Plusieurs  auteurs  ont  soutenu: 
i°.  que  Bèze  sortit  de  France  pour 
éviter  les  suites  d'un  procès  de  sodo- 
mie,  qu'ils  disent  qu'on  lui  avait  in- 
tenté au  parlement  de  Paris  ;  20.  qu'il 
amena  avec  lui  la  femme  d'un  certain 

(*-q)  Mézerai,  Histoire  de  France,  lof.  III, 
pag.  r>4- 

(80)  Maimbourg  ,  Histoire  du  Calvinisme  , 
pag.  217. 


ïiÈZE. 


tailleur.  Bcze  a  soutenu  publique- 
ment que  c'étaient  deux  calomnies 
énormes,  et  qu'il  avait  vécu  à  Paris 
sans  reproche,  et  <|u'il  n'en  sortit,  ni 
par  crainte  ,  ni  pour  dettes,  mais  pour 
la  religion  ;  et  que  jamais  il  n'avait 
attente  à  la  femme  de  son  prochain 
plus  qu'au  royaume  des  Indes.  Lule- 
tiœ  inculpait  et  bond  integrdque  exis- 
timatione.  .  .  vixisse.  Inde  nonfugd, 
non  clam  ,  non  i>i ,  non  metu  ,  non  œre 
alieno  oppression  ,  (que:  tu  inihijalsis- 
simè  et  mendacissimè  impingis)  ,  sed 
iiiuus  reltgionis  studio...  ad  verant  ec- 
clesiam  justis  itineribus  ultra  conces- 
sisse....  Corant  Deojuratus  lestari pos- 
iitm  non  inagis  unquàm  milii  conti- 
gisse  ut  cujusquam  uxoris  pudicitiam 
attentarcm,  quant  ut  Jndorum  regnum 
iwaderem  (81 ,..  Jusque-là  ,  personne  , 
de  quelque  religion  qu'il  puisse  être  , 
n'est  obligé  de  juger ,  ai  que  Bèze  est 
innocent  ,  ni  qu'il  est  coupable;  per- 
sonne n'est  obligé  de  croire,  ou  que 
son  ministre  ne  nierait  point  un  crime 
infâme,  s'il  n'en  était  pas  innocent, 
ou  que  son  prêtre  n'avancerait  pas 
une  accusation  atroce  ,  si  elle  n'était 
véritable.  C'est  donc  aux  lecteurs  à  se 
tenir  dans  l'équilibre,  jusqu'à  ce  que 
l'accusât  ion  soit  prouvée  ;  mais  d'au- 
tre côté,  c'est  à  eux  à  prononcer  pour 
l'accusé  ,  dès  qu'ils  voient  que  l'aecu- 
sati  m  d-meure  sans  preuve  ,  et  prin- 
cipalement dans  les  circonstances  que 
je  m'en  vais  dire.  Si  le  fait  en  ques- 
tion est  de  nature  à  pouvoir  être 
prouvé  authentiquement  ,  et  si  les  ac- 
cusateurs ne  manquent  ni  de  bonne 
volonté,  ni  d'industrie,  il  faut  con- 
clure que,  lorsqu'ils  ne  prouvent  pas, 
ils  sont  calomniateurs.  Il  ne  faut  que 
cela  pour  convaincre  de  calomnie  les 
accusateurs  de  Théodore  de  Bèze.  Un 
procès,  intenté  à  un  prieur  de  Long- 
jumeau  devant  le  parlement  de  Paris, 
est  une  chose  qu'on  peut  avérer  faci- 
lement. Les  accusateurs  ,  leur  procu- 
reur ,  leur  requête  ,  la  commission 
d'informer  ,  les  procès  verbaux  des 
commissaires  sont ,  ou  des  gens  domi- 
ciliés ,  ou  des  pièces  qui  se  conservent 
sous  l'autorité  publique  ;  et  l'on  ne 
s'imaginera  jamais  qu'un  misérable , 
qui  se  sauve  le  plus  vite  qu'il  peut,  ait 
eu  le  crédit  d'anéantir  la  procédure, 
et  de  faire  perdre  la  parole  aux  corn- 
ai) Beza  ,  Apolog.  altéra  ad  Claud.  de  Sain- 
tes ,  Opcr. ,  loin.  II ,  pag.  35g. 


plaignans,  ou  à  ses  parties  adverses. 
Le  tailleur,  dont  on  avait  débauché 
la  femme,  a  vécu  autant  que.  le  pré- 
tendu séducteur  :  il  était  donc  facile 
de  fournir  sa  déposition  juridique. 
D'où  vient  donc  qu'un  Claude  de  Sain- 
tes, et  tant  d'autres  ecclésiastiques  , 
accusateurs  publics  de  Théodore  de 
Bèze,  n'ont  jamais  pu  fournir  les  do- 
cumens  de  ce  procès  ,  ni  la  déposition 
en  bonne  forme  de  ce  tailleur?  C'est 
peut-être  que  les  phrases  obligeantes 
de  Théodore  de  Bèzeles  désarmèrent; 
mais  au  contraire  il  les  traita  comme 
des  chiens  :  ses  railleries  et  ses  inju- 
res les  perçaient  de  part  en  part,  et 
tous  leurs  écrits  respirent  la  plus  vio- 
lente haine.  Ils  avaient  donc  d'un  côte! 
tous  les  moyens  imaginables  de  trou- 
ver les  preuves,  et  de  l'autre  l'envie 
la  plus  passionnée  de  les  trouver  :  ce- 
pendant ils  ne  les  ont  point  fournies. 
Dés-là,  tout  homme  équitable  doit 
conclure  qu'ils  sont  de  francs  calom- 
niateurs. 

Voici  le  précis  de  tout  mon  raison- 
nement. Le  fait  est  d'une  telle  nature 
que,  s'il  était  véritable,  les  preuves  ju- 
ridiques et  authentiques  ne  manque- 
raient pas.  Les  accusateurs  ont  toute 
l'adresse  et  toute  la  capacité  qui  sont 
nécessaires  pour  trouver  ces  preuves. 
Ils  ont  le  plus  grand  intérêt  du  mon- 
de de  les  trouver.  Ils  ne  les  ont  pas 
trouvées  :  c'est  parce  ,  faut-il  con- 
clure ,  qu'd  n'y  en  avait  pas.  Il  n'y  en 
av.nt  pas,  c'est  parce ,  faut-il  encore 
conclure,  que  le  fait  en  question  était 
chimérique. 

Je  me  suis  étendu  sur  cette  pensée , 
parce  qu'il  m'a  semblé  qu'elle  peut 
servir  de  clef  pour  débrouiller  les  in- 
certitudes où  nous  jettent  tant  d'écri- 
vains téméraires  ,  qui  copient  les  uns 
après  les  autres  les  accusations  les 
plus  atroces  ,  sans  se  soucîel'  d'en 
donner  des  preuves  ,  pendant  que 
d'autre  côté  les  accusés  et  leurs  amis 
ne  cessent  de  crier  à  la  calomnie. 

(X)  Ses  poésies,  intitulées  Juveni- 
lia,  ont  donne  lieu  a  de  grands  l'a- 
carmes.]  Elles  furent  imprimées  à  l'a- 
ris  l'an  iS'jS,  dans  l'imprimerie  de  Jo- 
docus  Badius  Ascensius,  par  Conrad 
Badins,  tant  pour  lui  que  pour  Robert 
Etienne,  avec  privilège  du  parlement 
pour  trois  ans.  La  faille  douce  de  l'au- 
teur y  paraît  à  la  seconde  page;  on  y 
marque  qu'il    avait  alors   vingt-ueuf 


412 


BEZE. 


ans.  Il  dédia  cet  ouvrage  à  Melchior 
Wolmar  son  professeur  (+).  Ces  poé- 
sies consistent  en  Silves  ,  en  Elégies, 
en  Épitaphes  ,  en  Tableaux  ,  Icônes  , 
et  en  Épi grammes.  C'est  en  vain  que 
l'on  répond  aux  controversistes  que 
Bèze  accoucha  de  ces  poésies  impures 
a\ant  que  d'être  de  la  religion;  car 
il  dément  lui-même  ceux  qui  s'érigent 
en  ses  apologistes  par  cet  endroit-là. 
11  reconnaît ,  que  dès  l'âge  de  seize 
ans,  il  était  imbu  des  lumières  du 
pur  évangile  ;  et  que  ,  lorsqu'il  abjura 
extérieurement  la  papauté ,  il  avait 
voué  à  Dieu  cette  abjuration  depuis 
long-temps  (8a).  La  première  chose, 
dont  il  rend  grâces  à  Dieu  dans  son 
testament,  est ,  quôd  anno  œtalis  suœ 
16  ,  verce  christianœ  religionis  cogni- 
lione  ac  luce  donalus  sit  (83).  Notez 
que  Morton ,  ayant  avoué  dans  la 
première  édition  de  son  Apologie  ca- 
tholique ,  que  Bèze  ,  pendant  qu'il 
était  papiste  ,  était  tel  qu'on  le  re- 
présente,  erat,  erat,  sed ilum  in  co- 
lutabro  veslro  miser  hœserat.  .  .   dum 


qui  causèrent  du  scandale.  Je  m'é- 
tonne qu'on  ait  cru  le  contraire  (88)  ; 
car  non-seulement  les  auteurs  qu'on 
cite  ne  disent  pas  que  Bèze  donna 
tocs  ses  vers  ,  pour  les  faire  imprimer 
avec  les  plus  beaux  caractères  que  l'on 
piit  trouver  chez  les  Etiennes  ;  mais 
il  est  certain  aussi  que  l'édition  qui 
se  lit  alors  ne  contient  point  les  vers 
libres  du  Juvenilia.  Considérez  bien 
ces  paroles  de  la  Faye  :  Accidit  ut  de 
Bezœ  poematis  ageretur  et  generosus 
D .  Zaslrizellus  peleret  à  Bezâsibi  do- 
nari  Ma  carmina  ,  quee  cùm  ipse  ,  tùm 
Paludius  (  c'était  le  précepteur  de 
Zastrizellus  )  vitd  digna  judicarenl.  Id 
quùm  impetrdssent ,  Bezd  concedente , 
curavit  Me  in  unum  colligi  Sylvas  , 
Elegias  ,  Epitaphia  ,  Epigrammata  , 
Icônes  ,  Emblemata  ,  Catonem  censo- 
riurn  ,  et  ut  elegantissimis  typographii 
Stephanianiformis  excuderenlur  effe- 
citanno  1597  (89).  M.  Baillet  a  fait 
voir  son  honnêteté  et  son  équité  (90). 
Vous  trouverez  une  bonne  justifica- 
tion de  Théodore  de  Bèze  dans  le  Mé- 


papista  hircusfuit,  etc.  (84),  a  corrigé  lange  critique  de  M.  Ancillon  (91).  Il 
cela  dans  la  seconde  édition,  etsoutenu 
que  Bèze  avait  toujours  vécu  en  hon- 
nête homme.  Brerleius  s'est  prévalu 
de  la  première  édition  (85).  C'est  en 
vain  aussi  que  l'on  recourt  à  la  récri- 


vain  aussi  que 
mination  ;  car  ni  Muret ,  ni  la  Casa  , 
ni  cent  autres  poètes  ,  qui  n'avaient 
aucuneréformation,niaucuneérection 
de  nouvelle  église  à  établir  ,  n'ont  pas 
dû  être  distingués  par  des  caractères 
singuliers  de  vertu  et  de  piété.  Le  plus 
court  est  de  mettre  cespoe'sies  de  Bèze 
parmi  les  péchés  de  sa  jeunesse  ,  dont 
il  demanda  pardon  à  Dieu  et  au  pu- 
blic (86}.  Il  est  certain  qu'il  travailla 
à  les  supprimer  (87)  ,  autant  que  ses 
ennemis  travaillèrent  à  les  faire  vi- 
vre; et  s'il  consentit  à  l'âge  de  soixan- 
te et  dix-huit  ans  que  l'on  fît  une 
nouvelle  édition  de  ses  vers  latins,  ce 
ne  fut  pas  pour  y  laisser  insérer  ceux 

(*)   Il  faut  précepteur.  Rem.  crit. 

(82)  Epist.  dedicator.  Confessionis  Eidei  ad 
Mel.  Wolmarura. 

(83)  Fayus,  in  Vitâ  Bezse,  pag.  ^Z. 

'84)  Morton  ,  Apolog.  cathol,  ,  part.  1 ,  lib. 
11,  cap.  XXI. 

(85)  Brerleii  Apolog.  Protest.,  pag.  55o/ 

(86)  Voyez  la  préface  de  ses  Poésies  à  André 
Dudithius ,  datée  du  14  de  mai  1569;  ses  Notes 
sur  le  chapitre  premier  de  saint  Matthieu  ,  vs.  19; 
tes  Réponses  à  Claude  de  Saintes  ,  etc. 

Fayus,  in  Vitâ  Bezœ,  pag.  9,  10. 


rapporte  un  beau  passage  de  M.  Daillé 
(92)  ,  où  l'on  apprend  que  les  infidè- 
les reprochaient  à  l'église  primitive  , 
qu'elle  donnait  ses  plus  beaux  em- 
plois à  des  gens  que  les  scandales  de 
leur  mauvaise  vie  avaient  rendus  odieux 
et  infâmes  parmi  les  païens  M.  An- 
cillon nous  renvoie  à  son  Apologie  de 
Calvin  ,  de  Luther  ,  de  Zuinçle  et  de 
Bèze  (93). 

(Y)  On  a  empoisonné  l'épigramme 
de  Candide  et  d' Audebert.  ]  Il  n'y  a 
rien  de  plus  mal  fondé  que  l'accusa- 
tion énorme  que  l'on  a  fondée  sur  celte 
épigramme.  Voyez  l'article  d'AuDE- 
bebt.  Ceux  qui  prétendent  que  la 
Candida  de  Bèze  était  sa  femme  se 
trompent  :  car  la  femme  de  Bèze  ne 
fut  jamais  grosse  ,  et  il  y  a  des  vers  sur 
la  grossesse  de  Candide  dans  le  Juve- 
nilia  de  l'auteur.  Quœnam  Ma  est 
Candida  ?  Uxor  mea  scilicel ,  quam 
in  meis  versiculis  prœgnantem  superi.% 
commendo  ,  quùm  uxor  mea  nunquaiu 

(88)  Jugem.  sur  les  Poètes  ,  num.  i366. 

(89)  Ant.  Fayus  ,  in  Vitâ  Bezs  ,  pag.  5g. 
(go)  Enfans  célèbres,  art.  56. 

(91)  Au  premier  tome  ,  pag.   386  et  suiv. 

(92)  Tiré  du  Sermon  XIX  sur  le  cliap.  III  de 
la  I™.  épître  de  saint  Paul  à  Timothée. 

(g3)  Ancillon ,  Mélange  critique  ,  tom.  I ,  pag 
398. 


BÈZE. 


4i3 


etiam  conceperit  (qj)-  Je  n'ai  pu  en-  comme  un  ange,  ne  manquant  point 
core  rien  déterrer  touchant  la  femme  d'argent  ,  se  mésallie  !  Un  de  ceux  qui 
de  Théodore  de  Bèze  ,  sinon  qu'elle  ont  répondu  au  Calvinisme  du  sieur 
n'était  pas  de  famille,  et  que  leur  corn-  Maimboarg,  nie  que  la  Candida  de 
merce  commença  quatre  ans  avant  Bèze  soit  une  certaine  dame  Claude  , 
qu'ils  sortissent  du  royaume  ,  et  qu'ils  Jtiiiiued'un  tailleur  ,  et  il  se  sert ,  en- 
se  mariassent  en  face  d'église.  Son  tre  autres  raisons,  de  celle-ci  :  Quand 
mari  lui  rend  un  bon  témoignage,  Bèze  parle  de  l'agrafe  ,  il  se  plaint 
Uxorem  mihied  quant  Ma  tempera  fe*    de  ce  que  ,  coërcet  globulos  duos ru- 

rebant  ratione quatuor  circiter  an-    bent.es,  intracaeca  jubet  manere  claus- 

nos   anlè  voluntarium   meum  exilium    tra  :  ces  expressions  d'un  sein  ,  dit  il , 

despondi  ,  génère  equidem  imparem  ,    ne  sont  pas  pour  la  femme  d'un  tail- 

sed  ed  virtute  prœditam  mulierem  eu-    leur  (99).  Qui  lui  a  dit  que  la  femme 

jus  me  pœnitere  ab  eo  tempore  minime    d'un  tailleur  de   Paris  ne   pût   porter 

oportuerit  (ç)5).  Scaliger  assure  qu'elle    en   c.P.  temps  -  là    une  agrafe  qui    ne 

était  fille  d'un  avocat ,  et  stérile  ;  et    permettait  pas  qu'on  lui   vît  à    son 

puis  il  s'écrie  :  ô  la  sotte  femme  (96)  /    aise  les    tétons  ?    Cet  apologiste  don- 

L'hislorien  du  mari  en  parle  bien  au-    ne  là    des   observation,   vétilleuses   , 

trement  :  il  la  loue  de  plusieurs  bon-    qu'il  aurait  mieux  fait  de  supprimer. 

□es qualités,  et  surtout  de  sa  tendresse        Je  ne  puis  ajouter  aucune  foi  à  une 

conjugale;  mais  c'est  le  style  ordinaire    chose  que  j'ai  lue  dans  un  ouvrage  de 

de  ceux  qui  écrivent  la  vie  d'un  boni-    M.  Ancillon  :  c'est  que  Théodore  de 

me  de  lettres  :  sa  femme,  s'il  en  a  eu  ,    Bèze  épousa  en  première  noces  denioi- 

\  toujours  été  d'un  grand  mérite,   et    selle  Françoise  de  Saint-Marcel  d'A- 

a  fait  régner  la  concorde  dans  la  mai-     ve/içon  ,  sœur  d'un  évesque  de  Greno- 

son.  Les  oraisons  funèbres  des  profes-     ble   ,    qui   es  toit    veujve    de  Nicolas 

seurs  n'oublient  jamais  ce  bel  endroit ,     Odeuoud  ,  frère  de   Jean  IV  ,  pre- 

encoreque  ceux  qui  les  récitent  n'aient     mier  consul  de  la  mesme  ville  de  Gre- 

que  trop  souvent  un  £ocrate  à  préco-    noble  son  premier  marj  ,  et  de  noble 

niser.  Quoi  qu'il  en  soit  ,  voyons  l'é-    Philippe  de  Poy,  seigneur  île  fiancé, 

loge   de  la  première  femme  de  Théo-    son  second  mary  (100).  Une  noblesse 

dore    de  Bèze.    Anno    1  588  ,     mense    si  distinguée  ne  peut  s'accorder  avec 

aprili,  è  vivis   excessit   Claudia  De-    la  mésalliance  que   le  prétendu  troi- 

nossa  Bezœ   conjux  ,  cum  qud   con-    sième  ruariavouesi  ingénument.  D'ail- 

junctissimè  et  honcslissimè  vixerat  an-     leurs  ,  M.  Ancillon  ne  s'était  pas  bien 

nos   quadraginta.  Fuit    illi  casus  hic    instruit  de  ce  qui  concerne  les  maria- 

gravissimus  :   erat  emm  Jœmina  mu!-     ges  de  Théodore  de  Bèze  :  il  en  admet 

titm  laudata  ,  sedula ,  Jrugi  et  viii  sui     trois  ,  et  il  leur  applique  (101)   l'épi  - 

in  primis  studiosa  (97)-  Pas  un  mot  de     gramme  de  Pasquier  ,  que  j'ai  rappor- 

.1  famille  :  cela  fait  que  je  doute  un    tée  dans  la  remarque  (N). 

peu  de  ce   que   dit   Scaliger  ,  qu'elle         (Z)   On  l'a  accusé  d'avoir  souhaité 

était  fille  d'un   avocat  :  et  d'ailleurs     de  retourner  tians  le  giron  du  catholi- 

Bèze  serait-il  convenu  si  bonnement    cisme.  ]    Voyez  dans  la  remarque  (<) 

qu'il   s'était  mésallié   ,   si  sa    femme    le  bruit  que  l'on  lit  courir  qu'il  étai( 

avait  été  611e  d'un  avocat  de  Paris  ?    mort  bon  catholique  l'an  1597.  Ici  j'ai 

Cette  mésalliance  a  quelque  chose  que    .1  citer  un  auteur  dont  le  nom  et  le 

je  ne  saurais  démêler,  et  qui  laisse  des    tempérament  étaient    de   fort    bonni 

soupçons.  Bèze ,  beau  comme  un  Ado-    intelligence  (  102).  A-il  pas  demie- 

nis  (98)  ,    poli  ,    savaut  ,   de    l'esprit     rement   supplie    très-humblement   par 

lettres  nostre  roi  très-chreslién,  qu'il  Im. 

(94)Apolog     altéra    ad    Claj.d.  de   Saintes,      oblin!tt  absolution  et  réconciliation  de 
Oper.  ,   loin.    II,  pa;.    35q ,    30o.    Vorei  aussi  ,   ,  . 

Vtpitre  dedicaioire  de  <■■<  Voésies.  nostre  saint  père  t  le  mesme  prince  I  ■ 

(95)  F.pisi.  dedicntor.  Poënutum.  Voyez  ainsi    dit  par  deux  diverses  fois  il  un  prélat  , 
'«  11e.  Réponse  a  Claude  de  Saintes  ,  pag.  3Go. 


(96)  In  scaligi-rams  .  au  mol  Bcz 

(y-)  Fayus  ,  in  V  il»  Bexte,  pag.    '4- 

(9S1    Voyez  son  portail  par  Maimbour^  ,  Bist. 

<ïu  l.alvinisme ,  pag.   217.  On  voit  dans  te  Sca- 

ligerana,   que   Beze  avait  ta  mine  it'un   prince. 

Vint  vaille  pulclier    senex...  fuit  valdè  prsstanli 

,  ut  judicarelur  aLquis  prince^. 


renie  livre  intitule  :   Histoire  vérita- 
1  1  inisme  ,  pa:;.   1-1. 
(100)  Ancillon,    Mélange   critique,    lom.    /, 

i"i    Là  marne  ,  pag.  .'(o5. 
(\oi)  Feuardent.  Entre-manjeriesministrale.-, 
.'1.     ///  ,  chap.  XXIV  ,pa3.  337. 


4>4 


BÈZE. 


et  masseure  qu'Une  le  révoquera  pour 
hugnostiquerie  du  monde.  Criez  et  mur- 
murez-en tant  que  vous  voudrez.  Le 
sieur  Corneille  ,  naguère*  ministre , 
m'a  dict  que  le  mesme  Bèze  lui  con- 
seillant laisser  tous  leurs  erreurs  ,  et 
se  rendre  à  la  foi  et  église  catholique  , 
iuy  protesta  qu'il  enjeroil  autant ,  s'il 
pouvoit  bien  aisément  sortir  de  Genève. 
Si  vous  voulez  vous  enquérir  davantage, 
il  vous  dira  le  jour  ,  le  lieu  et  les  pro- 
pos a^icelui ,  avec  tant  de  particulari- 
tés que  vous  n'en  pourrez  douter  ,  etc. 
Voilà  comme  le  corclelier  Feuardent 
parle  de  Théodore  de  Bèze.  On  est 
étonne  ,  quand  on  le  voit  citer  Henri 
ÎV  ,  avec  tant  de  confiance  :  car  ,  pour 
î'ex-ministre  Corneille  ,  sa  citation  ne 
dit  rien.  Comparez  ceci  avec  la  re- 
marque (ftj  vers  !a  fin. 

(AA)  //  n'est  pas  vrai  qu'un  domi- 
nicain l'ait  conjondu  dans  une  dis- 
pute.'] Aiplionse  Fernandez  ,  dans  ses 
Annales  des  Jacobins  ,  imprimées  à 
Salamanque  Tan  1617,  conte  que  le 
père  Sébastien  Michel  ,  religieux  de 
Tordre  de  saint  Dominique  ,  réprima 
dans  Montpellier  le  caquet  des  hugue- 
nots ,  et  principalement  celui  de  '1  héo- 
dore  de  Èèze  ,  qui  faisait  souvent  des 
voyages  de  Genève  à  Montpellier.  M 
Un  et  dit  là-dessus  ,  qu'au  temps  de 
ce  prétendu  triomphe  ,  Bèze  courait 
sa  quatre  -  vingt  -  unième  année  ,  et 
qu'il  était  hors  d'état  d'entreprendre 
de  longs  voyages  ,  et  qu'il  est  certain 
que  ni  cette  année  -  là  ,  ni  depuis  ,  il 
ne  mit  le  pied  hors  du  territoire  de 
Genève.  Cùni  tante n  certum  sit  Be- 
zam  tùm  octuagesimum  primum  an- 
nv.rn  agentem  ,  illo  anno  nec  potuis- 
set ,  si  voluisset  ,  JMontempessulanum 
adventare  ,  nec  ab  illo  tempore  Ge- 
nevâ  excessisse  ,  aut  saltem  fines  Ge- 
nevensium  (io3).  Je  ne  crois  pas  que 
ce  ministre  en  aucun  temps  de  sa  vie 
ait  fait  de  fréquens  voyages  de  Ge- 
nève à  Montpellier.  Nous  avons  vu 
(io4)  qu'on  lui  reprochait  qu'il  n'o- 
sait sortir  de  Genève.  M.  Rivet,  ne  sa- 
vait pas  qu'en  160J  Bèze  fit  un  tour 
à  Lausanne  f  io5)  :  il  dit  alors  le  der- 
nier adieu  à  cette  ville. 

(io3)  Rivetns,    in  Je-uit.î    vapulante  ,    Oper. 

tom.  III ,  pag-  %){)-  On  trouve  dans  ce  Trait? 

de  Rivet  plusieurs  re'ponses  aux  accusateurs  de 

Bèze. 

(io4'  Dans  la  remarque  (R)  ,  à  la  fin- 
(îo.ï;  Fsyus  ,  in  Yitû  Bezw ,  pag.   hj. 


(Y>?>)  S'il  eût.  été  du  parti  catholique 
il  sejdt  trouvé  des  écrivains  reformés 
qui  l'auraient  terriblement  harcelé  sur 
son  Audebert  et  sur  sa  Candide.  ]  Ce 
serait  trop  présumer  des  privilèges  de 
l'orthodoxie  et  démentir  l'expérience, 
que  de  croire  que  tous  ceux  qui  pren- 
nent la  plume  pour  le  soutien  de  la  vé- 
rité, résistent  de  telle  sorte  aux  impres- 
sions du  ressentiment,  qu'ils  ne  voient 
dans  les  écrits  de  leur  adversaire,  que 
l'état  le  plus  naturel  que  la  justice  vent 
qu'on  y  trouve.  L'épigramme  de  Théo- 
dore de  Bèze  sur  Audebert  n'est  au 
fond  qu'un  jeu  d'esprit  :  elle  est  pure 
et  nette  des  horreurs  que  les  mission- 
naires prétendent  y  découvrir  :  mais 
pour  y  voir  cette  pureté  ,  il  faut  être 
ou  des  amis  de  l'auteur  ,  ou  n'avoir 
aucun  préjugé  ni  pour  lui  ni  contre 
lui  :  car  dès  qu'on  est  bien  en  colère  , 
et  que  l'on  se  veut  venger  des  offenses 
que  l'on  a  reçues  de  cet  auteur,  on 
donne  un  tour  criminel  à  ses  paroles. 
Les  protestans  de  la  confession  de  Ge- 
nève ne  doutent  point  que  ceux  de  la 
confession  d'Augsbourg  ne  soient  une 
partie  de  cette  église  véritable  qui 
conduit  au  ciel  :  cependant  il  y  a  eu 
des  luthériens  si  choqués  de  ce  que 
Bèze  avait  écrit  contre  leur  parti, 
qu'ils  adoptèrent  les  médisances  des 
catholiques  romains  à  l'égard  de  ses 
Juveni/ia.  Voici  un  long  passage  du 
Calvino-Turcismus  ,  où  l'on  verra  les 
pensées  d'un  fameux  théologien  de  la 
confession  d'Augsbourg.  Et  quanquam 
Theodorus  Beza  aliter  de  vitd  mori- 
busque  Calt'ini  scribat  ,  tamtn  contra 
Thendorum  Bezam  isti  arguunt  hœc 
esse  verissima ,  nec  unquani  lucul en- 
ter et  solide  à  Calvinistis  refulata. 
D/am  quotl  ad  Bfzœ  teslimontum  at- 
tinet  ,  quùm  Theodorus  Beza  (  in- 
quiunt)  (*')  eâdem  ba?resi  ,  et  eodern 
fermé  peccato  nobilitaïus  sit  ,  ut  his- 
toria  de  Candi dâ  meretriculâ  (  et  Au- 
deberto  )  testatur  :  nemo  ipsi  hâc  in 
parte  fidem  habere  pottst.  JYihil  certè 
apud  homineru  moderatum  tt  œquum 
valere  polest  ejus  quœiunqve  vthe- 
mentissima  licel  conteslalin  ,  si  verum 
est  quod  juxla  istos  (").  Certè  constat 
Theodorum  Bezam  à  pueritiâ*  imbi- 
bisse  vatum  impudicitiam  ,  et  impu- 
dentiam  ,  totamquc  refateni  explendis 

(*')  Conrad.   Sclilusselb.,  Calvinist.  tbeolog., 
lib.  II ,  folio  72. 

'**)  Idem,  lib.  I ,  folio  92. 


BÈ 

suis  libidinibus  et  cupiditalibus  ,  ac 
describendis  suis  amoribus  ,  et  ulcis- 
cendis  suis  rivalibus  exercuisse  ,  at- 
que  in  meretricem  lenam  ,  et  cyne- 
dum  transformatum  esse.  De  que  item 
constat  et  hoc  (  +  )  quod  obcœnissi- 
mos  versus  scripsit  ad  Gerraanum  Au- 
debertum  Aureliœ  ,  et  eunderu  tan- 
quain  Adonidem  à  Theodoro  Bez;\  fac- 
tumesse  (106).  Le  même  aveuglement 

3ui  engagea  Schlusselburgius  à  écrire 
e  telles  choses,  se  serait  trouvé  dans 
quelques  auteurs  reformes  ,  si  Théo- 
dore de  Bèze  eût  suivi  les  traces  d'un 
Claude  de  Saintes  ,  ou  d'un  Ronsard 
(107)  ,  s'il  eût  été  à  la  bataille  de 
Dreux  aumônier  du  duc  de  Guise  , 
si  au  colloque  de  Poissi  il  eût  haran- 
gué contre  ceux  de  la  religion  ,  si  en 
un  mot  il  les  eût  persécutés  par  ses  li- 
vres ,  par  ses  intrigues  ,  par  ses  ser- 
mons ,  par  ses  voyages,  etc.  Disons 
donc  que  la  gloire  qu'il  acquit  ,  en 
soutenant  avec  un  grand  zèle  la  cause 
des  réformes  ,  ht  prendre  garde  à  des 
poésies  ,  qui  sans  cela  n'eussent  fait 
crier  personne  :  et  s'il  était  permis  de 
comparer  les  petites  fautes  aux  gran- 
des (108)  ,  on  se  souviendrait  ici  de 
ce  qu'on  dira  ailleurs  de  Jean  de  la 
Casa.  Son  Capitolo  del  Porno  serait 
demeuré  inconnu  ,  comme  tant  d'au- 
tres poésies  encore  plus  infâmes  ,  s'il 
n'eût  pas  été  élevé  à  la  fonction  d'in- 
quisiteur. Encore  un  petit  mot.  Si 
Théodore  de  Bèze,  grand  persécuteur 
des  huguenots,  avait  été  exposé  à  leurs 
libelles  à  cause  de  ses  Juvenilia  ,  les 
écrivains  de  l'autre  parti  eussent  sou- 
tenu qu'il  n'y  avait  nul  venin  dans 
l'épigramme  d'Audebert  et  de  Can- 
dide ,  et  qu'il  fallait  être  abandonné 
à  l'esprit  de  médisance,  caractère  per- 
pétuel de  l'hérésie  ,  pour,   etc. 

(CC)  Garasse  se  déchaîne  horrible- 
ment contre  Bèze.  Je  rapporterai  une 
de  ses  calomnies.]  «  Le  quatrième, 
»  qui  a  commis  une  signalée  beslise 
)>  en  matière  de  sacrement  ,  c'a  été 
»  Théodore  de  Bèze  j  car  cet  homme  , 
»  qui  avait  l'esprit  bon  pour  faire  une 
)>  épigramme  lascive  ,  quoi  qu'il  ait 
»  fait  des  fautes  puériles  en  la  quau- 

(*)  Folio  93. 

(106)  Gulielmus  Pvcginnljus,  in  C.alvino-Tur- 
cismo,  Uli.  //,  cap.  XF  ,  p.!*;.  ^74- 

(107)  frorez  les  remarques  (D)  el  VF.)  de  l'ar- 
ticle Kons.vrd. 

(108)  .    .   .  Si  parva  licet  componere  magnis. 
Virgil. ,  Georg   ,  Ub.  IV ,  vs.  176. 


ZE.  4,5 

tité  des  vers  latins  ,  ne  parlait  ja- 
mais des  choses  de  théologis  .  qu'il 
ne  s'expos.lt  à  la  moquerie  des  hom- 
mes savans.  George  Fabritius  ra- 
conte ,  in  Responsione  ad   Apolo- 

>  giam  Bezœ  ,  que  ledit  hérésiarque, 
1  étant  au  colloque  de  Poissy  ,  fit  un 
»  long   discours    en    forme  de   para- 

>  phrase,  sur  les  paroles  de  la  consé- 
cration ,  par  lequel  il  fil  voir  égale- 
ment sa   malice  et  sa  sottise.    Car, 

>  disait-il  ,  je  vous  avise  ,  messieurs , 
qu'ils' est  glissé  une.Jaule  essentielle 
dans  le  Nouveau  Testament  es  pa- 
roles de  la    consécration  :  car  ,    au 

>  lieu  que  nous    lisons  :  Hoc  est  cor- 

>  pus  racum  ,  hic  est  calix  mens  ,  il 
Jaul  lire    assurément  avec  une  né~ 

,  gative  :  Hoc  non  est  corpus  meura  , 
hic  non  est  calix  mens  ,  et  que  c'est 
ainsi  que  Jcsus  Christ  l'avait  pro- 
nonce en  termes  exprès  ;  mais  que 
les  évangelisles  el  saint  Poul  ,  qui 
ont  été  les  secrétaires  de  Notre- Sei- 
gneur Jésus-  Christ  ,  nnl  par  mal'" 
heur  ,  ou  par  trop  grande  précipi- 
tation ,  ouitfié  la  négative  ,  comme 
souvent  ,  dit-il ,  il  se   voit  dans   les 

)  Pandecles  de  Florence  ,  et  les  juris- 
consultes remarquent  ,  qu'assuré- 
ment ceux  qui  les  ont  transcrites 
ont  oublie  souvent  la  négative  ,  et 
ont  fait  par  ce  moyen  des  lois 
toutes  contraires  à  '  l'intention  du 
fondateur.  Ainsi  ,  disait  Uéze  ,  tes 
évangelisles  ,  pour  avoir  oublié  le 
HOB  )  sont  cause  que  nous  débat- 
tons aujourd'hui  une  vérité  très- 
claire  ;  car  que/le  apparence  y  a-l-il 
que  le  corps  de  Jésus  -  Christ  soit 
sous  une  petite  hostie  rondelette  ? 
Je  feins  ,  dit-il  ,  messieurs  ,  et  dis 
que  Non  plus  est  in  coena  ,  qnàm  in 
COERO  :  il  n'est  pas  plus  dans  un 
bourbier  que  dans  la  cène,  A  ces  dis- 
cours ,  les  docteurs,  et  particuliè- 
rement Claude  d'Espenses  et  Claude 
de  Saintes  ,  demeurèrent  comme 
étourdis  d'étonnetnent,  voyant  L'ion 
pudence  et  la  stolidité  du  person- 
nage :  et  comme  Claude  de  Sain- 
tes ,  pour  le  confondre  ,  eût  pro- 
duit la  confession  d'Angsbourg  ,  la- 
quelle les  calvinistes  de  France 
avaient  <  mhrassée  ,  qui  porte  en 
terme-;  exprès  ces  paroles  :  Chrisli 
corpus  in  Euekaristiâ  adesse  ,  Bèze 
npondit  qu'il  fallait  corrige!-  ,  e! 
qui!   y   avait   la    même   faute  que 


4i6 


BÈZE. 


■»  dans  les  évaogélistes;  et  que,  par  qu'une  masse  de  plomb,  pour  souffrir 
m  le  changement  d'une  lettre  ,  il  fal-  seulement,  cette  pensée  ,  que  Notre- 
»  lait  lire  abesse  ,  que  le  corps  de  Je-  Seigneur  Jésus-Christ  ait  dit  :  Hoc  non 
i>  sus-Christ  était  absent  dans  l'Eu-  est,  etc.  Car,  cni  bono  ?  Pourquoi 
7)  charistie  (109).»  Nous  allons  voir  faire  savoir  a  ses  disciples  ,  que  le 
comment  ce  discours  absurde  du  père  pain  n'était  pas  son  corps  ,  plus  tôt 
Garasse  fut  réfuté  par  un  homme  qu'une  autre  viande  qui  étoit  sur  la 
même  de  sa  communion.  table  ,    plutôt   que   la    table  même  ? 

(DD)  Il  en  fut  publiquement  cen-  Puis  ,  quelle  counexité  ,  quelle  suite  , 
sure  parun  auteur  catholique.}  Je  veux  quel  raisonnement  a  ce  discours  :  Ceci 
dire  par  le  même  M.  Ogier  ,  qui  écri-  n'est  pas  mon  corps  qui  est  livré  pour 
vit  pour  Balzac  quelque  temps  après  ,  vous  f  ceci  n'est  pas  mon  sang  ,  etc. 
et  qui  a  été  un  très-bon  prédicateur,  sans  ajouter  après  aucunes  paroles 
11  ne  se  nomma  point  à  la  tète  de  Té-  expositives  ,  par  lesquelles  il  fît  sa- 
crit  ,  qu'il  intitula  Jugement  et  cen-  ,/0j/-  quel  esloil  donc  ce  corps  et  ce 
sure  du  livre  de  la  Doctrine  curieuse  sang  qUl  devait  être  livré  et  répandu 
de  François  Garasse  ;  et  qu'il  publia  pour  le  salut  des  hommes  ?  Quant 
à  Paris  l'an  1623  ;  mais  on  ne  laisse  «  moi,  j'avoue,  quelque  contention 
pas  de  savoir  avec  une  pleine  certi-  d'esprit  que  fy  apporte  ,  que  je  n'y 
tude  qu'il  en  est  l'auteur.  Ou  n'a  ja-  peux  concevoir  aucune  raison  ny  aw 
mais  vu  d'écrivain  accablé  ou  écrasé  curie  suite,  et  crois  fermement  que  , 
par  son  adversaire  ,  comme  Garasse  pour  être  capable  d'y  en  trouver  , 
le  fut  par  M.  Ogier  à  l'égard  de  ce  il  faut  être  furieux  et  enragé.  Finale- 
beau  conte.  Le  censeur  fit  deux  cho-  ment  ,  qui  croira  que  Bèze  ait  fait 
ses  :  il  montra  premtèrementpar  trois  cette  belle  harangue  ,  que  Garasse  lui 
raisons  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  absurde  fait  tenir  au  colloque  de  Poissi ,  lui 
que  de  supposer  que  bf  ze  ait  parlé  qU[  présenta  de  sa  propre  main  aux 
ainsi  ;  et  puis,  il  prouva  que  le  témoin  évéques  assemblés  audit  lieu  cette  f 01- 
cité  par  Garasse  ne  disait  point  ce  mule  de  confession  touchant  C ' Eucha- 
qu'on  lui  attribuait.  ristie  :  Contiteinur  Christum  Jesum  in 

Voyons  ses  trois  raisons.  Quelle  ap-  Suâ  sanctâ"  cœnâ  nobis  ollerre  ,  dare 
parence  ,  je  vous  prie  ,  que  Bèze,  l'un  et  exhibere  veram  substantiamcorpo- 
des  principaux  ministres  du  colloque  ris  etsanguinis,  per  operationem  Spi- 
de  Poissi ,  ait  tenu  les  discours  que  lui  ritûs  Sancti  ,  et  le  reste  ,  qui  se  lit  en 
prête  Garasse  ,  et  dit  qu'il  faut  lire  :  la  Réponse  de  Cl.  de  Saintes  a  V A- 
Hoc  non  est  corpus  raeum  ;  vu  que  pologie  de  Bèze  ?  et  quoiqu  enfin  ces 
celle  maudite  corruption  ruine  ,  non-  belles  paroles  ,  si  orthodoxes  en  appa- 
seulement  la  créance  catholique  tou-  rence ,  s'évanouissent  en  des  idées  et 
ehant  le  saint  sacrement  de  l'Eucha-  des  figures  en  l'air  ,  si  est-ce  toutefois 
ristie  ,  mais  aussi  l'hérétique  ,  et  l'o-  qu'en  quelque  sorte  qu'on  les  prenne  , 
pinion  propre  de  Bèze  et  de  son  parti?  elles  ne  peuvent  subsister  avec  cette 
Certes  ,  Unie  semble  que  si  Notre-  prétendue  négative  (11  o). 
Seigneur  avait  dit:  Ceci  n'est  point  \\  nous  apprend  ensuite  la  compa- 
mon  corps  ,  comme  les  catholiques  raison  qu'il  fit  entre  le  narré  de  Ca- 
ne pourraient  conclure  la  réalité  du  rasse  ,  et  celui  du  jurisconsulte  Ga- 
corps  par  cette  énonciation  ,  aussi  briel  (111)  Fabricius  ,  que  Garasse 
les  zuingliens  n'en  pourraient  tirer  avait  donné  pour  garant  de  son  His- 
leur  signification  de  corps  ,  et  encore  toire.  11  raconte  que  François  Bau 
moins  les  calvinistes  leurs  découle-  dnuyn  ,  autrement  Baldum  ,  ayant 
mens,  irradiations  ,  participations  du  quitté  la  secte  des  calvinistes  ,  servit 
corps  de  Christ  ,  qu'ils  ajoustent  à  long-temps  de  butte  h  leurs  calomnies 
la  signification  ,  puisqu'il  aurait  dit  et  à  leurs  malédictions.  Joint...  qu'il 
absolument  :  Ceci  n'est  pas  mon  corps,  composa  de  fort  doctes  traités  contre 
ajoutez  a  celle  considération  ,  qu'il  la  doctrine  de  Calvin  ,  et  entre  autres 
faut  être ,  non  -  seulement  bêle,  com-  une  épître  qui  sert  de  préface  à  une 
me  dit  Garasse  ,  ains  pis  que  bêle,  plus 
insensible  qu'une  souche,  plus  slupide    J^^*C~g£  »— 

(109)  Garasse,  Doctrine  curieuse .   pag.  s83,  r,"]  Fi  "°n  ""'    George,   comme   Garas, 

»84- 


curieuse  ,  cliap.  V III  ,  pag.  89,  90. 
(m)  Et   non  pas    George,    comm 
rivait  du  .   de  quoi  le  prieur  Ogier  le  censure. 


BÈZ 

édition  quil  publia  d'Optalus  Mile- 

fit  anus  qui  porte  en  sa  superscription 

Joanni  Lucanio  (112).  <c  Si   les  minis- 

»  très  ,  ajoute-t-il  (1 13)  ,  haïssaient  ce 

)-  jurisconsulte   beaucoup  ,  ils  ne  le 

)>  craignaient  pas  moins  à  cause  de  sa 

»  suffisance  et    profonde  érudition    : 

»  tellement  que    tout   ce  qui   partait 

»  de  la  main  des  docteurs  catholiques, 

»  où  quelque  point  de  leur  doctrine 

»  était  solidement  réfuté  ,   ils  l'attri- 

»  huaient  à  Lalduin.  Étant  donc  ar- 

»-rivé  que  le  docteur  de  Saintes,  de- 

»  puis    évêque    d'Evreux  ,    eut  coiu- 

»  posé  un  livre  intitulé  Examen  doc- 

•»  trinœ  cah'inianœ  et  btznnœ  de  cœ- 

»  nd   Domini  (1 14)   ,   Bèze  composa 

»  une  apologie  pour  y  servir  de  ré- 

»  ponse  ,  où   il    fulmine  contre   Bal- 

»  duin   ,  comme  le  principal  auteur 

»  de  l'Examen.  De  Saintes  repart   par 

»  une  Réplique   qui   porte  ce    titre  , 

»  Responsio  ad  Apologtam    Tlieadori 

»  Bezœ  ,  etc.  ;  et  Gabriel  Fabricius  , 

»  d'un  autre  côté  ,  entreprit  la  cause 

»  de  son  maître  Balduin,  et  composa 

»  un  libelle  qui  porte  ce  titre  ,   Ga- 

»  brielts   Eabrictt    Responsio   ad  Be- 

j)  zam    fezeliam    l'.ceboliam  (1  1 5)   , 

»  qui  ,  à  parler  proprement  ,  est  une 

»  satire  ménippée  ,  où  il  dépeint  Bèze 

»  de  toutes  ses  couleurs  ,   ne   l'appe- 

»  lant  jamais  autrement  que  de  noms 

)>  féminins   ,    et    traitant   avec  lui    , 

»  comme  avec  une  femme  la  plusim- 

»  pudique   et  la  plus  abandonnée  du 

»  monde.  Là-dedans  ,  il  fait  des  fein- 

»  tes  ,  des  levées  de  bouclier  contre 

»  lui  :  il  lui  «liesse  un  mausolée   ma- 

»  gnifique  ;  bref ,  il  lui  fait    souffris 

»  toutes  les  pointes  plus   piquantes  , 

»  que  la  satire  puisse  aiguiser  contre 

»  son  ennemi.  C'est  de  ce  livret  que 

»  Garasse...  a  tiré  cette  belle  haran- 

»  211e    de  Bèze  faite  au  colloque    de 

»  Poissi  ,   qui  pourrait  encore   passer 

»  à  la  montre  ,  si  Fabricius  le  faisait 

»  haranguer  de  la  sorte  ,  et  en  même 

»  façon  que  Rapin  ,   dans  le  Catholi- 

»  cou  ,  fait   discourir  le   cardinal  de 

»  Pelvé.   Mais  tant  s'en  faut  que  cela 

»  soit ,  que  même  il  n'y  a  rien  d'ap- 

»  prochant  de  harangue  en  tout  le  li- 

(iiî)   Jugement   et   Censure    de    la  Doctrine 
curieuse,  paç.  91. 

(n  3)  Là  même  ,  pag.  <J2  et  mi». 
'n4)  Ce    livre  fut    imprimé  à    Paris,  fan 
067. 
(n5)  Imprimé  à  Paris  ,  t"ar»  I5C;  ,  in-8°. 

TOME    III. 


E.  4i7 

»  vre.  Fabrice  dit  seulement  que 
»  Bèze  ,  sans  se  rompre  la  tête  après 
»  tant  de  formules  de  confessions  , 
»  de  commentaires  ,  d'explications 
»  de  ce  passage  ,  Hoc  eu  corpus 
»  meum  ,  devait  dire  tout  efl'ronté- 
»  ment  ,  que  c'est  une  erreur  des 
»  scribes  et  copistes  qui  ,  au  lieu 
»  que  les  évangélistes  ont  écrit  Hoc 
»  non  est ,  ont  laissé  par  mégarde  en 
»  arrière  la  négation  ,  et  ont  écrit 
»  Hoc  est  ,  etc.  Voici  les  propres 
»  termes  de  Fabricius  ,  page  17  de 
»  mon  exemplaire.  Et  forçasse  ,  ut 
»  tandem  te  expédias  ,  et  tôt  corn- 
»  nienlariorum  plauslra  1  acessere  ju- 
»  béas  ,  reçûmes  nd  talcm  cmendatio- 
»  neni  ■  et  quia  nostri  correctores  di~ 
»  cunt  in  ipsis  etiam  Pandectis  Flo- 
»  renlinis  ,  sa-pè  déesse  negationem  , 
»  lu  ta/i  artificio  statim  te  libères  ,  et 
»  adversariis  os  obstruas  ,  prœserttm 
»  cùm  alins  ,nii/i us  evangeliorum  locos 
»  sirniliter  scilicet  ernendaris ,  parlim 
»  ex  conjectura  ,  parlim  ex  manuscrip- 
»  tis  ,  ut  ais  ,  exemplaribus.  Par  les- 
»  quelles  paroles  il  paraît  plus  clair 
■»  que  le  soleil  en  plein  midi  ,  que 
»  Fabricius  veut  dire  en  un  mot  à 
»  Bèze  ,  Eum  qui  semel  verecundiœ 
»  fines  transierit  ,  naviler  oportere 
»  esse  impudentem.  Que  puisqu'il  a 
■  été  si  impudent  de  corrompre  l'E- 
»  criture  en  divers  passages  moins 
»  imporfans  ,  il  pourra  bien  encore 
»  l'être  jusqu'au  bout  ,  et  corrom- 
»  pre  même  ce  passage  ,  Hoc  est  cor- 
»  pus  meum  ,  y  substituant,  Hoc  non 
»  est  ,  etc. 

»  De  même  étoffe  est  l'imposture 
»  suivante  de  Garasse  ,  quand  il  dit 
»  que  Claude  de  Saintes  ,  entendant 
a  parler  Bèze  de  la  sorte  ,  produisit , 
»  pour  le  confondre  ,  la  Confession 
»  d'Augsbonrg  ,  qui  porte  ces  mots  , 
»  Chnsti  corpus  in  Eucharistid  ades- 
»  se  ;  et  que  Bèze  répondit  qu'il  fal- 
»  lait,  lire  abesse.  Garasse  s'étonne 
)•  de  la  stolidité  de  Bèze  .  et  moi  j'ad- 
»  mire  la  stupidité  de  Garasse  ,  qui 
»  pense  faire  aerroire  ■';  suri  lecteur, 
»  tpie  Bèze  ,  qui  ne  voulut  jamais 
»  signer  la  confession  d'AugSOOurg  , 
»  quelque  instaneeque  lui  en  eut  faite 
»  le  cardinal  de  Lorraine  ,  ni  même 
»  dire  clairement  son  opinion  sur  la- 
»  dite  Confession  ,  ail  l'ait  cette  ^otte 
»  et  impertinente  repartie  au  docteur 
»  de  Saintes...      La   vérité  donc    est 

2" 


4i8 


BÈZE. 


»  que  Fabricius  se   moque  de  Bèze  à 

»  son  ordinaire  ,  et  poursuit  sa  pointe: 

a  Ubi  ici  eviceris,  dit-il  ,  facile  deindè 

3»  effîcies  quod  prceterea  suspicis  ,    ut 

3)  persuadeas ,  tam  fuisse  hacttnùs  te- 

)>  muteatos   ovines  protestantes ,    etc. 

3>  Et  peu   après  ,  Ingenua  profectb  et 

»  ingeniosafueril  Ma  tua  emendatio  , 

»  ut   ubi    in   eorum  de  cœnci   confes- 

sj  sione  scriplum  est  corpus  adesse  , 

3»  scribatur  abesse.  Facilem  enim  tap- 

»  sum  tbrii  scriptoris  fuisse  ,  in  tantâ 

'■>  affiniiate  unius  litterulce.  Certes  ,  ce 

»  serait  une  ingénue  correction   que 

3)  la  tienne  ,    si  ,  au  lieu  que  la  Con- 

t>  fession  d'Augsbourg  porte  adesse  , 

»  tu  mettais  abesse,  et  que  tu  vinsses 

J'  dire  que  c'est  une  erreur  qui  s'est 

)>  glissée  facilement  dans  le  corps  du 

»  texte,  par  la  faute  de  qutlque  ivro- 

»  gne  d'Allemand,  à  cause  de  l'affinité 

3>  et  ressemblance  de  ces  deux  lettres, 

»    d  L't  b  (i  l6y. 

Vous  pouvez  croire  que  ce  censeur 
n'oublie  point  d'insulter  Garasse  sur 
la  hardiesse  de  noter  cette  circon- 
stance, qu'à  ces  discours  les  docteurs, 
et  particulièrement  Claude  d' Espen- 
ses  ,  et  Claude  de  Saintes  ,  demeuré- 
rent  étourdis  d'etonnement.  11  finit 
par  une  très-bonne  réflexion.  Celte 
procédure,  dit-il  (117),  est  grande- 
ment nuisible  a  la  conversion  des  dmes 
errantes  ,  et  particulièrement  de  ceux 
(jue  Garasse  prétend  ds  ramener  h  l'é- 
glise par  le  moyen  de  son  livre.  Car  , 
degrâce  ,  quel  hérétique  ,  quel  athée  , 
voudrait  maintenant  se  Jier  a  lui  , 
ayant  été  surpris  en  une  si  manifes- 
te fausseté  ?  Qui  ne  présumera  que 
nulle  absurdités  qu'il  rapporte  de  di- 
vers auteurs  hérétiques  ne  soient  de 
même  aloi  ,  et  qu'il  cite  les  anciens 
avec  pareille  foi  que  les  modernes  ?..-. 
Je  sais  de  bonne  part  ,  que  la  princi- 
pale raison  qui  a  retenu  ce  grand  Ca- 
saubon  dans  l'erreur  où  il  avait  été 
nourri  ,  ce  fut  pour  avoir  aperçu  de 
pareils  traits  dans  quelques  docteurs 
modernes  ,  qui  luifrent  concevoir  une 
très-mauvaise  opinion  de  la  foi  de 
ceux  qui  veulent  triompher  de  leurs 
ennemis  à  fausses  enseignes. 

Notons  quelques  petites  méprises  de 
ce  judicieux  censeur.  La  cause  des  mé- 
disances que  les  proteslans  publièrent 

(116)  Jugement  et  Censure  de  la  Doctrine 
■curieuse,  pag.  (:5. 

(117)  Là  même,  pag-  96,  97. 


contre  Baudouin  ne  fut  pas  qu'il  eût 
quitté  leur  religion  ,  et  composé  de 
doctes  ouvrages  pour  les  réfuter. 
Voyez  la  remarque  (H)  de  son  article  : 
vous  y  trouverez  qu'il  s'attira  leur  in- 
dignation ,  pour  s'être  mêlé  de  quel- 
ques intrigues  où  ils  crurent  que  l'on 
cherchait  à  les  perdre  sous  prétexte 
d'accommodement  des  religions.  Vous 
y  trouverez  qu'ils  le  prirent  pour  l'au- 
teur d'un  petit  écrit  que  Cassander 
avait  fait ,  et  qui  u'était  pas  un  livre 
de  controverse  ,  mais  plutôt  une  ex- 
plication du  devoir  d'un  honnête 
homme  dans  l'état  où  était  alors  l'é- 
glise. Enfin  ,  vous  y  trouverez  que  la 
tempête  de  médisance  fut  antérieure 
à  la  préface  de  VOptatus  Milevita- 
nus.  Ce  sont  déjà  quelques  fautes  du 
prieur  Ogier.  En  voici  d'autres  :  les 
protestaus  n'attribuèrent  à  Baudouin 
que  le  seul  écrit  anonyme  de  George 
Cassander.  11  est  faux  que  Théodore 
de  Bèze  l'ait  regardé  comme  l'auteur 
principal  de  V Examen  Doctrines  cal- 
vinianœ  de  Claude  de  Saintes  :  il  se 
contenta  de  dire  que  Baudouin  avait 
fourni  à  ce  docteur  certaines  choses 
qui  consistaient  beaucoup  plus  en  faits 
qu'en  raisonnemens. 

(EE)  ....  Et  aima  mieux  se  servir 
d'une  défaite  pitoyable  ,  c/ne  de  don- 
ner gloire  à  la  vérité.  ]  D'abord ,  il 
suppose  qu'il  ne  s'agit  que  de  savoir 
si  Eabricius  a  dit  ces  paroles  sérieuse" 
ment,  ou  par  ironie  (118).  Il  avoue 
ensuite  que  son  adversaire  se  fonde 
sur  la  page  17  du  livre  de  Fabricius  , 
et  puis  il  s'exprime  ainsi  :  «  A  tout 
3)  cela  ,  pour  ne  multiplier  mal  à  pro- 
3)  pos  les  paroles  ,  je  réponds  que 
»  n'ayant  pour  cette  heure  le  livre 
»  de  Fabricius  en  ma  puissance,  pour 
3)  vérifier  le  passage ,  et  ne  l'ayant 
»  pu  recouvrer  quelque  ddigence 
»  que  j'aie  su  faire  ,  il  faut  que  je 
3>  m'en  rapporte  à  la  fidélité  de  mes 
33  extraits,  que  j'ai  faits  fort  ponc- 
3>  tuellement  il  y  a  plus  de  douze  ans , 
3>  par  lesquels  je  m'aperçois  ,  que 
»  M.  Ogier  a  fait  par  simplicité  , 
3)  ou  par  finesse  ,  ce  que  les  ministres 
3>  font  par  malice  es  livres  des  anciens 
»  pères  ;  car  il  a  pris  une  partie  du 
)>  passage  qui  lui  était  favorable,  et 
»  a  dissimulé  l'autre.....  Pour  mon- 
3)  tver  donc    que    Fabricius    ne    par- 

fit8)  Garasse,  Apologie  de  la  Doctrine  cu- 
rieuse, chap.  XXVI ,  p«g.  3.{g. 


BÈZE. 


4'Ô 


»  lait  pas  par  ironie  ,  et  qu'il  n'accu-  vince  la  plus  éloignée  de  la  capitale  , 

»  sait  pas  mal  à  propos  Théodore  de  et  dans  le  pays  le  plus  perdu  ,  les  bi- 

»  Bèze  d'avoir  substitué  une  négative  bliothéques     de    snn    ordre    peuvent 

»  aux  sacrées    paroles  des  évangélis-  fournir  en  cas   de  besoin  tout  ce  qui 

»  tes  ,  il  montre    évidemment  en  la  lui  est  nécessaire  ,  nous  viendra  dire 

»  suite  de  son  discours,  que  la  créan-  qu'il  n'a  pu  trouver  à  Paris  l'ouvrage 

»  ce  de  Bèze    était   telle  ,   et  qu'assu-  qu'il  avait  cité   ?    Votre   adversaire  , 


»  rement  il  avait  corrompu  les  pas- 
)>  sages  de  l'Evangile.  Voici  ses  paro- 
)>  les  ,  qui  sont  dignes  d'une  grande 
»  considération.  Ipse  lllyricus  de  illd 


lui  répondrons-nous  ,  l'y  a  bien  trou- 
vé ,  et  sans  qu'il  témoigne  qui!  ait  eu 
qutlque  besoin  de  diligence.    Que  ne 
recouriez-vous  à   cet   exemplaire  ,    si 
»  explicatione   et    Inventione   Bezand    toute  autre  ressource  vous  manquait  ? 
3)  loquens  ,  vocat  phantasticam  inven-    31.  Ogier  n'edt  pas  osé  vous  le  refu- 
»  tionem  ,  qualis  est  amantium  m  pic-     ser  ■  son  refus  aurait  été  une  preuve  de 
»  lurd  et  poësi ,  ut  ibi  suos  aniores  esse    votre  innocence.   Voici   bien    pis  :  ce 
)>  somnient  ,  ubi  non  sunt.  lllum  ab-    jésuite  a  tiré  de  ses  recueils  un  passa- 
3>  sens  absentent  audit  que  videtque  ,  et     ge  de  Fabricius,  et  l'a  donué  comme  la 
»  ita  ,   inquiebat   lllyricus,  se  cum    suite  de  celui  que  son  adversaire  avait 
»  Christo  in  Eucharistid  Beza  gessit  ,     rapporté;   comme  une  suite  ,  dis-je  , 
■»  ut  Phœdria  cum  Thaïde  apud  Te-    artificieasement    supprimée   par   cet 
»  renlium  ,  cum  ait,  volo  ut  cum  mi-    adversaire  :  mais  d  paraît  manifestc- 
»  lile  isto  prœsens  sics  ,  etmecum  to-     ment  que  M.  Ogier  ne  supprime  rien, 
»  ta  sis.  Ita  Beza,  sud  illd  phantas-    et  que   les  paroles  de   Fabricius,  que 
»  tied  et  imaginosd  invenlione  vult  ut     François  Garasse  a  citées  ,  concernent 
»   Christus  in  Eucharistid  prœsens  et     un  autre  fait.  Que  serait-il  devenu  ,  si 
»  absens  siet  ,  et  itasitut  non  essedi-    la  réplique  que  M.   Ogier  allait    faire 
)>  catur.  Par  ces    paroles  ,   M.  Ogier     n'eût  pas  été   arrêtée  par  la  réconci- 
»  pourra  voir  clairement  ,  que  Fabri-    liation  que  l'on   moyenna  entre  eux  ? 
»  cius,  lequel  il  nous  représente  com-     Eût-il  trouvé  de  nouveaux  moyens  de 
»  me    un   esprit  de    bateleur,  tout    se  dispenser  de  reconnaître  nettement 
«  exprès  pour    amoindrir  son    auto-    sa  calomnie  ,  sa  témérité  ,  son  impos- 
»  rite  ,  ne  parlait  pas  en  boull'onnant    ture  ,  son  impudence  ? 
»  comme  il  suppose  ,  mais  avec  toute         Je    le    dirai    plusieurs  fois,  je   ne 
»  la    sériosité    qu'on   doit    porter  en     m'en    lasserai  point  ,  il  est  très-utile 
■»  semblables  matières  (119  ■  »  de  recueillir  les  exemples  de  la  mau- 

On  11e  peut  représenter  dignement    vaise  foi  des  auteurs,  et  les  pièces  des 
la  mauvaise  foi  qui  règne  dans  ce  dis-     procès  qu'elle  a  fait  naître.  il  serait  à 


cours  du  père  Garasse.  Un  laïque  de 
peu  de  bien,  et  séjournant  dans  quel- 
que canton  éloigné  des  grandes  villes  , 
pourrait  se  servir  de  cette  excuse  ,  je 


souhaiter  que  les  Laugius  et  les  Gru- 
terus  eussent  destiné  à  île  telles  com- 
pilations uni;  partie  du  temps  qu'ils 
ont  donné  à  des  Polyanthca.  Garasse 


n'ai  pu  trouver  un  livre  ,  je  n'ai  pu  y  aurait   paru  souvent  :  c'était  un  es- 

vérifier  un  tel  passage  ;   mais  s'il  de-  prit  satirique  ,  étourdi  ,  bouffon  ,  té- 

meurait  dans  Paris  ,  et  que  son  bon-  méraire  ,  qui  avançait  hardiment  une 

neur  l'engageât  à  justifier    une    cita-  fausseté  ,    el    qui  ne    voulait  pas  con- 

tion  ,  011  serait  en  droit  de  se  moquer  venir  qu'il  l'eût   avancée.  11  a   été  de 

de  cette  excuse,  et  de    la    tr.dter  de  son  intérêt  que   la   doctrine  de   ceux 

fourberie.  Or  Garasse  était  alors  à  Pa-  qui  tiennent  qu'un  lionime  qui  meurt 

ris;  il  pouvait  donc  trouver  aisément  au  service  des  pestiférés  est  un  mar- 

l'ouv rage  de  Fabricius  ,  et  jamais  au-  tyr  fiïl   véritable.    Voyez    Théophile 

teur  n'eut  un  si  grand  intérêt  de  se  naynaud  .  au  Traité  de  Martyrïo  per 

purger  de  calomnie    Ce  fut  donc  une  Pestent.    Il  dit  que   la    lecture  de  ce 

hardiesse    prodigieuse    ,    ce   fut    une  livre  persuada  au  père  Garasse  qu  on 

obstination  iminrible  à  ne  démordre  pouvait    recueillir   ainsi   la   couronne 

de  rien .  que  .d'oser  dire,  je  n'ai  pu  du  martyre,  el   le  porta    1    s'exposer 


recouvrer  cet  ouvrage  ,  quelque  dili- 
gence que  j'aie  su  faire.  Quoi  !  un  jé- 
suite ,  à  qui  dans  le  fond  d'une   pro- 

(119)  Là  même  ,  pig.  35o. 


au  péril  de  la   peste   (120)    11  mourut 

(tao)  Vojre*  le  numéro  44  ''"  Tlicoln^i»  aotS- 
qua  Ue  vrrà  Martvrn  nolione  ,  aux  pa^r<  i63  ei 
it>4  <le  ''A[n.>poinpa:us  de  Théophile  l'.aj-oaud. 


420 


BÈZE. 


de  cette  manière  ,  et  il  avait  publié  tre    ministre   (i23).  A  l'égard  de  ce 
tant  de  calomnies  ,  et  s'était  servi  de  qu'il  dit  de  Costerus  ,  il  nous  renvoie 
tant  de  mauvaise  foi ,  qu'il  ne  fallait  au    chapitre  XXI   du  IIe.  livre  de   la 
guère    moins    qu'un    vrai    martyre  ,  I'e.  partie  de  l'Apologie  catholique  de 
pour  expier  de  telles    fautes.   Notez  Morton  ,  où  il  est  certain  que  les  pa- 
qu'il  y  a  des  gens  qui   sacrifient  plu-  rôles  latines  que  le  cardinal  a  citées 
tôt  leur  vie  ,  qu'un  faux  point  d'hon-  GalUœ  probrum  ,    etc. ,    se    trouvent 
neur.  Garasse  ,  pour  rien  du  monde  ,  comme  tirées  du  Ier.  chapitre  du  IIIe. 
n'eût  avoué  ses  calomnies  ,  et  il  ne  fit  livre  d'un  ouvrage  de  Costerus.  On  ne 
pas  difficulté  de  s'enfermer  avec  des  saurait  pardonner  à  cette  éminence  , 
pestiférés  (121).  ou  à  ceux  qui  ont  publié  sa  Méthode  , 
(FF)  Voici  une  remarque  contre  le  le  défaut  de  citation  :  il  fallait  néces- 
cardinal  de  Richelieu.  ]   Rapportons  sairement  faire  trouver  à  la  suite  du 
premièrement  ses  paroles.  Bèze   étant  Galliœ  probrum  ,  etc. ,   le  nom  d'un 
ecclésiastique,   et  possédant  quelques  écrivain  réformé  ;   car  quand    même 
bénéfices  ,   sortit  Je  l'église  romaine  on  prouverait  que  les  paroles  de  Cos  - 
en   même' temps  que  le  parlement  le  terus  se  lisent  dans  les  écrits  du  luthé- 
fit  assigner  pour  être  nui  sur  une  poé-  rien  Schlusselburgius,  on   ne  se  sail- 
le  (  *«  )    qu'il   avait   composée    ex-  verait  pas  ,  vu  qu'il  est  de  la  dernière 
traordinairement  impure  et  scandaleu-  évidence  que  ce  luthérien  ne   pourra 
se  ;  mais  ,   se  sentant  coupable  d'un  si  jamais  passer    pour    un  confrère   de 
grand  excès  ,  il  ne  répondit  à  cet  au-  Théodore  de  Bèze.  Quant  au  reste  ,  il 
guste  sénat  que  par  fuite  ,  et  se  retira  faut  avouer  qu'un  Flamand  de  nation , 
à   Genève  (+2).  Pour   apprendre  quel  et  jésuite  de  profession,  n'est  pas  le 
il  a     été       nous    n'avons   pas   besoin  premier  ,  qui  ait  répandu  ce  torrent  de 
d'autre  témoignage  que  le  sien  ,  ayant  bile,  etc.  Costerus  ne  pouvait  être  que 
publié  lui-même   par  les  vers  qu'il  a  le  copiste  de  plusieurs  Français  ,   et 
faits  à  l'imitation  de  Catulle  et  d'O-  nommément  de  Claude  de  Saintes.  On 
vide  ,  qu'il  s'était  abandonné    a   des  aurait  pu  relever  une  faute  chronolo- 
impùretés    énormes    et    monstrueuses  gique  du  cardinal.  Il  dit  dans  une  note 


rempli    de  tous   vices,  et    de  celui-    vingt-neuf  ans. 


même  qui  a  attiré  le  feu  du  ciel  (*3). 
Voilà  ce  que  dit  ce  cardinal  ,  dans  le 
chapitre  X  du  IIe.  livre  de  sa  Métho- 
de ,  aux  pages  32 1  ,  322  ,  de  l'édition 
de  Paris  ,  eîi  i663.  M.  Martel ,  profes- 
seur en  théologie  à  Montauban  et  à 
Puilaurens  ,  avant  la  révocation  de 
l'édit  de  Nantes  ,  et  à  Berne  depuis 
cette  révocation  ,  oppose  à  ces  paroles 
du  cardinal  le  témoignage  d'Etienne 


(GG)  Pierre  de  S aint-Rornuald  l'ac- 
cuse ridiculement  de  rébellion  ,  pour 
avoir  donné  le  titre  de  reine  de  France 
a  la  reine  Elisabeth.  «  Cette  même 
»  année  1 58 1 ,  dit-il  (ia5) ,  Théodore 
»  de  Bèze  ,  ministre  de  Genève  , 
»  donna  le  jour  à  son  livre  intitulé 
»  Icônes  Pirorum  illustriurn  pietale 
»  et  doctrind  ,  lequel  il  dédia  à  Elisa- 
»  beth  ,    reine  d'Angleterre  ,  la  qua- 


Pasquier  ;   et  il   ajoute  que   ce  n'est  i>  lifiant  reine  de  France.  Certes ,   un 

point  un  Français    qui  a  répandu   ce  »  Français  ne  peut,  user  de   ces  ter- 

torrent  de  bile  nù  Bèze  est  traité  de  si-  »  mes  ,  sans  se  déclarer  mauvais  su- 

moniaque,  aussi-bien  que  de  sodomie.  »  jet  ;    car  c'est  dire  que  le   roi  son 

C'est  Costerus  ,  Flamand  de  nation  ,  »  maître  est  un   usurpateur  ,  et  que 

et  jésuite  de  profession.  Je  ne  sais  par  »  la  couronne  ne   lui  appartient  pas  , 

quelle  figure  de  rhétorique  on  prétend  >j  mais   à    un  autre.   Cela  se    peut-il 
de  le  ranger  entre  les  confrères  de  no 


(121)   Voyez  son  article  à  la  remarque  (E). 

(")  C'était  une  épigramme  adressée  à  une 
femme  qui  s'appelait  Candida. 

(*2)  En  1 5 54 .  âgé  de  cinquante-cinq  ans. 

(123)  Le  cardinal  cite  ici  en  marge  quelques 
vers  de   l'épigramrne  de  Audfberto  et  Candida. 

(*3)  GalliiE  prubruui,  simoniacus  ,  sodoiaila, 
omnibus  viUis  coopertus. 


(iî3)  Martel.  ,  Réponse  à  la  Méthode  de  M.  le 
cardinal  de  Richelieu,  tiv  ■  II,  chap.  X,  pag. 
186,   187. 

(124)  C'est  sans  doute  une  faute  d'impression 
pour  trente-rinq  ;  car  dans  une  note  suivante, 
on  marque  la  naissance  de  Bèze  au  mois  de 
juin  .5  ii> 

(i25)  Pierre  de  Saint-Romuald ,  Abrégé  du 
Trésor  cliroDol.,  tom.  III,  pag-  36^. 


BÈZE. 


421 


»  faire  en  un  livre  imprime,  sans  cri-    fort     persuade    que  Charles   IX  ,    et 
»  me  de  félonie  et  de  trahison  ?  Mais     Henri  111  ,   possédaient  légitimement 
»  que  faut-il  attendre  d'un  hérétique,     la  Fiance,  ne  laissait  point  de  donner 
»  que  de  semblables  traits  ?  »  11  a  ré-    à  Elisabeth  les  titres  qu'elle  se  faisait 
pété  mot  à  mot  la  même  chose  dans    donner  en  Angleterre.  Il  est  donc  de 
un  autre  livre  (136);  ce  qui  prouve    la  dernière  impertinence  ,  de  conclure 
qu'il  se  savait    très-bon   gré  de  cette    qu'il   traitait   d'usurpateur  le  roi   de 
remarque,   qui  est  néanmoins  puéri-    France.  Enfin  ,  je  dis  en  4e.  lieu  ,  que 
le,  grossière   et   superstitieuse.  Je  lui    l'usage  ,  ou  que  la  coutume  ,  autorise 
passe  les  erreurs  de   lait  :  je  l'excuse    ceux  qui  donnent  les  mêmes  qualités 
d'avoir  dit  que  les  Icônes  de  Bèze  vi-    aux  possesseurs    et    aux   pre'tendans 
rent  le  jour  l'an  i58i  , et  qu'ils  furent    et  que,  jusques  à  ce  que  ceux-ci  aient 
dédiés  à  la  reine  d'Angleterre.  Ce  fut    renoncé  à  leurs  prétentions  et  à  leurs 
à   Jacques,    roi  d'Ecosse  ,    que    l'au-    titres  ,  on  les  appelle  rois  ou  seigneurs 
teur  les  dédia  ,  le  Ier.  de  mars  i58o  ;    d'un  tel  pays  ,  sans  cesser  de  recon- 
ct  c'est  l'an    i58o  que  je  vois  marqué    naître  pour  rois  ou  seigneurs  du  roê- 
au  titre  de  mon  exemplaire  ;  mais  si    me  pays  ceux  qui  le  possèdent  actuel- 
l'on  pardonne  cette  sorte  de  mépri&cs    leraent.  Nous  en  avons  ,  entre  autres 
au  feuillant,  on  ne  doit  point  lui  faire    exemples  ,  la   conduite  qu'on    tenait 
grâce  sur  l'erreur  de  droit  où   il  est    en  France   envers    Uladislas  ,   roi  de 
tombé.  J'avoue  que  Théodore  de  Bèze,    Pologne  ,   et  Gustave  Adolphe  ,  roi  de 
en  dédiant  ses  Remarques  sur  le  Nou-    Suéde.    On    avait   des    alliances  très- 
veau  Testament  à  la  reine  Elisabeth,    étroites  avec  celui-ci  et  comme  avec 
lui  donne  le  titre  de  Angliœ  ,  Fran-    un  roi  de  Suède  ,  et  on  ne  laissait  pas 
cice  ,  Hiberniœ  ,    et  circumjacentium    de  donner  à  l'autre  la  qualité  de  roi 
Insularum  Regina  :  mais  il  est  absur-    de  Suède.   M.   le   Laboureur  a  inséré 
de  de  prétendre  que  ce  fut  un  crime    dans  sa  Relation  de  Pologne  (127)  une 
de  félonie  et  de  trahison  ;  et  que  par-    lettre  ,    qui   fut  écrite  par  le  roi  de 
là  ,  l'on   décide  que  le  roi  de  France    France    au    roi  Uladislas  ,    le    24  de 
est  un  usurpateur.  Car,  en  1er.  lieu,    novembre    1645    ,   lorsqu'il    y    avait 
Bèze  ne  devait  point  être  considéré  en    tant  de  liaisons  entre  la  reine  Chris- 
ce  temps-là  comme  un  sujet  du  roi  de    tine  et  la  France.  La  suscription  de 
France  :  il  avait  renoncé  à  sa  patrie    cette  lettre  est  ,  a  très-haut  ,  irès-ex- 
pour  la  religion  ,  et  avait  cherché  un    cellent ,  et  très-puissant  prince  nostre 
refuge  dans  les  pays  étrangers  ;  il  était    très-cher  et  très-amé  bon  frère  et  cow 
devenu  bourgeois  de  la  ville  de  Ge-    sût  leroi  de  Poulogne  et  de  Suède.  Je 
nève  ,  et  y  exerçait  actuellement  la    ne  pense  pas  que  ,  dans  un  temps  de 
charge  de  professeur  et  de   ministre,    concorde  ,  on  fît  des  affaires  à  un  au- 
Jedis,  en  2e.  lieu  ,  qu'un  particulier,    teur   espagnol  ,    qui  ,   en  dédiant  un 
qui  donne  aux  princes  ,  dans  une  let-    livre   à    sa    majesté   très-chrétienne  , 
tre  ,  les   titres  qu'ils  prennent  ordi-    l'appellerait  roi  de  France  et  de  JVa~ 
nairement,    ne  s'érige  point  en  juge    «'«ire  ;  et  je  ne  sais  si  le  grand  seigneur 
de  leurs  prétentions  :  il  ne  fait  que    serait  assez  turc  ,  pour  punir  un  évè- 
suivre  l'usage  qu'il  trouve  établi  ;  de    <lue  grec  ,  qui  ,  en  écrivant  au  dur  de 
sorte  qu'en  se  conformant  au  formu-    Savoie  ,  l'appellerait  roi  de  Chypre  , 
laire  des  suscriptions  ,  il  ne  s'engage    °U  qui.  en  écrivant  au  roi  d'Espagne  , 
point  à  examiner  si  l'on  a  raison  ou    l'appellerait  roi  de  Jérusalem  ;  et  qui  , 
tort  de  se  donner  de  tels  ou  tels  titres,    en  cas  d'accusation  ,  répondrait  qu'il 
Je  passe  plus  avant,  et  je  dis,  en  3e.    avait  suivi  bonnement  le  formulaire 
lieu  ,  nue  lors  même  qu'on  ne  doute    des  inscriptions  ,  sans  vouloir  déroger 
pas  qu  un  royaume  n'appartienne  lé-    le  moins  du  monde  à  la  fidélité  qu'il 
gitimement    à    un    prince  ,    on    suit    devait  à  sa  hautesse.  Y  a-t-il  aoeon 
néanmoins    l'usage   des   suscriptions    prince  dans  la  chrétienté  ,  qui  ne  re- 
dans une  épître  dédicatoire  ,  ou  dans    connaisse  deux  rois  de  Navarre  :  l'un, 
une  autre  lettre.  Bèze  ,  par  exemple  ,    en  France  ,  l'autre  en  Espagne  •  l'un, 

qui  n'est  que  titulaire  ,  l'autre  qui  est 
(126)  Dans  son  Journal  chronologique,  sous    possesseur  ?  Cela  doune-t-il  lieu  à  des 

te  i.-)  de  janvier  (  i.Siii  ,  )  ;aur  natal  de  Théo-     _1    ■     «  *     J  >  i- 

dore  de  lièze  ,  prelend-U;  niatsTse   trompe  ,     P,aUlteS  >  OU    a   deS   menaces  ?  Ferait- 

«<  devait  dir*  le  24  de  juin.  d,7)  A  la  paee  i4  de  la  I".  partie. 


4^2  BIBLIANDER. 

on  des    affaires  à   un  Anglais    qui  ,  crois  qu'il  en  veut  à  Théodore  de  Bè- 

dans  une  épître  dédicatoire  à  Louis  ze  ,  et  que  Pierre  de   Saint-Romuald 

XIV,  1  appellerait   roi  de  France  ou  n'a  été  que  son  copiste. 

roi  des  Français  ,  ce  qui  est  la  même  I]  n'est  peut-être  pai 


conversation      mais  aussi,   dans  des    au  roi  d'Angleterre.  Voyez  la  remar- 
lustoires  ,  et  dans  des  actes  publics  ?    qUe(B)  de  l'article  Beda  ,  citation  (i  i). 

(HH)  Je  m'étonne  que  Balzac  fasse 
la  même  querelle  a  des  gens  dont  il  ne 
dit  point  le  nom.  ]  Je  la  rapporterai  , 
sans  la  réfuter  ;  car  je  l'ai  assez  dé- 
truite dans  la  remarque  précédente. 
«  Qu'il  soit  donc  permis  à  ceux  qui 
33  ont  perdu  des  états  de  se  flatter 
3>  avec  les  titres  qu'ils  se  réservent. 
»  Ce  peuvent  être  des  amusemens , 
33  et  des  jouets  formés  par  l'imagina- 
33  tion  ,  après  la  perte  des  choses  es 


)■ 

BIBLIANDER  *  (  Théodoef. ) , 
professeur  en  théologie  à  Zurich 
dans  le  XVIe.  siècle  ,  était  né  à 
Bischoffssel  (a),  près   de  Saint- 
Gai  en  Suisse.  C'était  un  hom- 
me fort  universel  (b),    mais   il 
excellait     principalement    dans 
l'exposition  de  l'Ecriture.  Il   fut 
»  sentielles.  Il  y  "aurait  de  la  cruauté    professeur  en  théologie  à  Zurich 
»  de  refusera  leur  douleur  cette  lé-    depuis  l'an  1 53?!  jusquesen  i56o, 
»  gère  consolation.  La  reine  Elisabeth    et   [[  m0urut    de    peste    dans    la 


»  d'Angleterre  a  donc  pu  se  nommer 
33  elle-même  reine  de  France  ,  et  les 
»  Anglais  pouvaient  parler  le  langage 
3)  de  leur  maîtresse.  Je  ne  veux  pas 
»  insister  là-dessus.  Mais  je  ne  saurais 
»  supporter  qu'il  se  soit  trouvé  des 
»  Français  qui  aient  osé  parler  ainsi. 
»  Cet    autre    Français     disait    bien 


même  ville  le  24  de  septembre 
i564  (c).  Si  l'on  me  demande 
pourquoi  sa  profession  finit  plus 
tôt  que  sa  vie,  je  répondrai  que 
ce  fut  à  cause  qu'il  remuait  cer- 
taines questions    qui    causaient 


»  mieux  ,  quand  il  disait  du  roi  Jac-  du  trouble  (A) ,  dans  lesquelles 
3.  ques,  successeur  d'Elisabeth  .Sans  y  Partait  trop  de  la  doctrine 
33  doute  ,  il  a  plus  d  un  nom  qu  il  ne  ,         l  , 

»  faut ,  ou  moins  d'un  royaume  qu'il  commune  des  protestans  sur  la 
3)  ne  croit  :  et  si  le  roi  de  France  est  prédestination.  Pour  aller  au- 
)>  a  Londres ,  à  qui  em>oie-t-il  des  am-    devant  des  schismes  qui  auraient 

■  pu  naître  d'une  trop  longue 
contestation  sur  ces  points-là  , 
il  fut  jugé  à  propos  de  déclarer 
Bibliander  emeritus  ,  je  veux 
dire  de  le  traiter  en  vétéran,  et 
de  lui  faire  entendre  que  son 
âge  et  ses  longs  services  deman- 


33  puisqu'on  parle   partout  impropre- 

33  ment,  et  que'  tout  est  comédie  dans 

3<  le  monde  ,  celle-ci    se  peut  souffrir 

33  comme  les  autres  5  mais  on  la  doit 

33  jouer  en  Angleterre  ,  et  non  pas  en 

»  France  ,  ni  aux  lieux  qui  sont  sous 

33  la  protection  de  la  France.  Un  Fran- 
33  çais  ne  peut  user  de   ces  termes  , 

■33  sans  oublier  qu'il  est  Français  ,  sans 

33  se  déclarer  mauvais  sujet ,  sans  dire 

3>  que  le  roi  son  maître  est  usurpateur. 

3)  Dégrader  son  prince  publiquement, 

33  donner  sa    couronne   à    un    autre 

))  prince  ,  par  un  aveu  solennel  et  im- 

33  primé ,  cela  se  peut-il  faire  ,   sans 

3)  crime  de  félonie?  Je  ne  le  pense  pas, 

33  monsieur  ;  et,  de  peur  de  me  mettre 

3)  davantage  en  colère  ,  je  suis  d'avis 

:>  de  changer  de  discours  (128).  3>  Je 

(128)  Balzac ,  entretien  XLI ,  pag.  384,   385. 


*  Son  véritable  nom  ,  dit  Joly ,  était 
Bouchman  ,  selon  A.  Rurliat ,  auteur  de 
l'Histoire  de  la  réformation  de  la  Suisse. 
Bibliander  n'est  donc  que  la  traduction  en 
grec  du  nom  allemand  Bouchman  ou  mieux 
Buchman  qui  signifie  l'homme  du  ou  des  livres. 

(a)  En  latin  Episcopi  Cella  ou  Episcopo- 
cella. 

{b)  Vir  fecundissimi  ingenii,  et  theologiae 
exegeticie  ,  communis  in  Helvetiâ  parens. 
Hotlinger.  in  Bibliolh.  Tigurinâ,  pag.  72. 

(e)  Hottinger.  in  Bibliotti.  Tigurinâ  ,  pag. 
72.  M.  de  Tliou  ,  Bucholcer,  Melcluor  Adam  , 
etc.,  mettent  sa  mort  au  2t>  de  novembre. 


RIRLIANDER.  ^3 

liaient  que  pour  récompense  on  «b  ipso  fuisse  quœstiones  quasdam  no- 

i    -  Jii.  J„     ..„,->^.       «*    „„a  vas  et  insolentes  ,undi;  auctoritali  ali- 

ui  accordât  du    repos  ,    et    une         .  ,    ,  .    '     ,         ,      ... 

,     .     ;  .\       '  quia  Jecesserit  :  sed  quales  illce  fue- 

demission   honorable,  .le  ne  sais  rint  quœsiObnes  non  addit  (  i  ).  Mais 

pas  s'il  comprit  le  fin  de  ce  com-  BenriAlling  nos  est  point  tenu  dans  le 

pliment ,  et  s'il  s'en  fâcha;  mais  général  :  il  a  dit  que  Bibliander  avait 

f        ■    ,  .  n      <  •  î  embrasse  les  erreurs  d  Erasme    ton- 

je  sais  bien  qu  il  n  enseigna  plus.  diant  ,a  pnklestination  .  et  qu  •  cause 

Comme  il  entendait  les    langues  de  cela  ,   messieurs  de  Zurich  le  dé- 

orieutales  ,     il     travailla     à    une  chargèrent  des  fonctions  de  sa  charge, 

nouvelle  édition  de   YAlcoran,  setus  prétexte  que sonextréme  vieillesse 

...  ,  ,  l  en  rendait  incapable  ,  et  mirent  en  sa 

dont  il  corrigea  le   texte   selon  piace  Pierre  Martyr  (2).  On  ne  pour- 

les  règles  de  la  critique  ,  en  cou-  rait  pas  contester  ce  dernier  fait,  sous 

férant  ensemble  les  exemplaires  prétexte  que  Pierre  Martyr  fut   appelé 

arabes  et  les  latins.  Il   y  joignit  *  Zu.ri^..dès  l'aia  1 556.  pour  succé- 

1      tjt.     j     m   1  «        77     j  Uer  a  Pélican,  il  pouvait  être  profes- 

la  Vie  de  Mahomet ,  et  celle  de  seur  a  Zurich  depuis  quelques  années, 

ses    successeurs  ,     et   une   pré-  et  succéder  néanmoins  à  Bibliandre  : 

face  apologétique  ,   contre    la-  (,ai"  tous  les  professeurs  en  théologie 

quelle  on  a  bien  crié  (R).   Il  pu-  "c  sont  Pas  affectés  aux  mêmes  fonc- 

A.       1     ■  i-  7n\  tions.   Voyez  ci-dessous  ta  remarque 

blia  plusieurs  autres  livres  (L) ,  rg\  a  ja  gn_  ^ 

et  il  en  composa  un  grand  nom-       (Li)  Il  joignit  a  la  version  de  Z'Alco- 

bre,  qui  n'ont  jamais  été  impri-  ran  une  préface  apologétique  contre 

mes  ,  et  dont  on  garde  les  ma-  {??uellf  °'1  a.  bie"  cvié-  3  7EUe  a  Pour 

,  1      imi-     1    ■  i  titre  si pologia  ad  reverendissimos  pa- 

nuscrits  dans  la  bibliothèque  de  lres  ac  dominos  episcopos  etdodores 

Zurich  (d).    Il    eut    part    à    une  Ecclesiœ  Christianœ ,  in  qud  rationes 

version   de    l'Écriture    (e).    J'ai  redduntur  editionis   voluminis    quod 

cherché  inutilement  l'âge    qu'il  ™"l'"et  f^0'",'  et  ejm  conJuta- 

...  D  .    ^  ,  tiones  ,  et  Imitas  Mahumelis  alque  suc- 

avait  quand   il  mourut  :  je  n  a-  cessorurn  ipsius.  Cet  ouvrage  fut  im- 

joute  jioint  de    foi  là-dessus   au  primé  chez  Oporin  ,  l'an   1 54"> ,  iv- 

bon  Melchior  Adam  ,  et  j'admire  foho  (3)-  Bibliander  corrigea  le  texte 

qu'il  n'ait  point  aperçu  sa  fau-  de  r^»™?  Part la  collation  des  ma- 

/t\      -\i    iTr      -   •  *  •  nuscrits   latins  et  arabes  ,  et  ni    des 

te  (D).  M.  Moren  rapporte  très-  notes   marginales,    qui  indiquent  ou 

mal  ce  qu'il  emprunte  de  M.  de  qui  réfutent  les  absurdités  de  ce  livre. 

Thou  touchant  Bibliander  (E).  Cela  n'a  pas  empêché  les  inquisiteurs 

Je  viens  d'être  averti  (  f)  que  '[tspagne  de  condamner  cette  édition 

.,  .  1     r>  "e  *  Alcoran  :  ils  ont  condamne  non- 

I  on  trouve  dans  la  Prosopogra-  seuiement   les   préfaces  ,  mais  aussi 

jihie  de   Pantaléou  ,    qu'il    vécut  YAlcoran   même  (4).    Cela  est  de  la 


soixante  ans   (F),    étant   né    en 
1 5o4  ,  et  mort  en  1 564  • 

d  Hottinger.  in  Bibliotliecâ  Tigurioà, 
pag-  72>  73- 

(e)  Voyez  la  remarque 'JE). 

(f)Par   AI.  Bresler. 

(A)  Il  remuait  certaines  questions 
qui  causaient  du  trouble.  ]  Pantaléos 
n'a  point  spécifié  ces  questions  :  il 
s'est  cimtenté  de  les  noter  comme  peu 
conformes  à  la  commune  traditive , 
et  de  dire  qu'elles  firent  perdre  à  Bi- 
bliander une  partie  de  son  autorité. 
Panlalcon  srribit  unie  obiluni  motas 


dernière  évidence  ,  et  néaumoins  il 
se  trouve  des  auteurs  qui  disent  qu'on 
n'a  condamné  que  les  préfaces  impies, 
et  les  notes  pernicieuses  qui  l'accom- 
pagnent dans  l'édition  de  Bibliander. 
Le  père  1  héophile  Raynaud  soutient 
que  l'Alcoran    même  est   très-digne 

(i)  Mrlchior  Adam,  in  Vit.  tlieol.  ,  pag.  'jo3. 

(l)  Allingii  throl.  Hislor. ,  toc.  If,  cUe' par 
Temier  ,  Addit.  à  M.  de  Thou  ,  loin.  I ,  pag. 
a55. 

(3)  Notez  que  la  préface  de  Bibliandi  r  a  éli 
imprimée  a  pari  l'an  i638,  par  les  rouit  Je  Jean 
Fabricioa  de  Vanlùck. 

(4)  ^°.rez  l'Index  f.ibroruin  proliibiloruin  , 
pag.  ^65 ,  e'dition  de  16G7. 


4^4 


BIBLIANDER. 


d'être  proscrit, et  il  montre  que  Sanc- 
tarellus,  qui  a  débité  que  Y  Index 
n'en  a  défendu  la  lecture  qu'à  cause 
des  pièces  que  Bibliander  y  a  cousues, 
a  raisonné  peu  solidement  (5).  Je  rap- 


tione  Israëlis  ,  de  inslaurandd  urbe 
Jérusalem  et  lempln  ,  terrdque  divi- 
dende rursùs  inter  tribus,  quod  ultimis 
octo  capitibus  Ezechielis  legilur.  Cet 
ouvrage  fut  inséré  dans  les  Coramen- 


a  raisonne  peu  sonaeiueui  \^/-  •"-  »«f      uuvm^t:  mi  imiic  uaus  ko  < 
porte  un  peu  au  long  la  remarque  de     taires  de  Pélican  sur  l'Écriture.  Pur- 
ce  jésuite,    afin   qu'on  ait   une   idée    gatio  scriptorum  Joannis  OU 


ds  générale  du  dessein  de  Biblian- 
der. On  verra  que  ce  ministre  ne  trou- 
ve pas  bon  que  les  livres  des  adversai- 
res soient  exterminés.  Tractans    hoc 
punctum  Antonius  Sanclarellus  tract, 
de  hœresi,  cap.  i\,  dub.  unico,  pro- 
positione  7  ,  ait  ,  Alcoranum  per  se 
nonprohiberi.,  sed  ratione  scholiorum 
impiorum  ,  notarumque  ac  pnvfalio- 
num  Lutheriac  Melanchlhonis,  quibus 
Basiliensis  editio  Alcorani  ,  per  Théo- 
dorum  Bibliandrum  damnatœ  mémo- 
rial scriptorem  adornata  ,  conlamina- 
tur   Une  verè  et  rectè  auctor  Me.  Et 
addere  œquè  pnterat ,  ipsius  BibUandn 
Apdogiam,  quà  Alcorano  patrocina- 
tus  est  ,  dignissimam  fuisse  quœ  con- 
figeretiir.    Omnium   quippe    librorum 
prohibitorum  indemmtali  studet  meri- 
bibulus  ille  ,  usque  adeb  ,  ut  non  eru- 
buerit  contra    Theodosii   et  ValerAv 
niani  Imper atorum  legem  de  combu- 
rendis  Nestor  11  libris  ,  grunnire.  Hœc 
igitur  concedo  Sanctarello.  Sed  addit 
quo  everli  videantur  quœ  sic  sunt  con- 
stitua ;  addit  enim  rationem  ,  cur  Al- 


galio  scriptorum  Joannis  OEcolampa- 
dii  et    Ulrici   Zuinglii ,    quâ  et  acla 
eorum   obiler  defendunlur  contra  ca- 
lumnïatores.  Cet  écrit  fut  imprimé  à 
la  tète  désœuvrés  de  Zuingle.  De  Fa- 
tis    Monarchiœ  Romance  Somnium  , 
Valicinium  Esrœ  prophetœ  explica- 
tum    non  conjectatione   privald ,    sed 
demonslratione  theologicâ ,    historicâ , 
et  mathematied  ;  Ad  Julium  II l  pa- 
pam  ,    et    cœteros  ecclesiœ   Romance 
preesides  ,  Consideratio  de  JuJœorum 
et  Christianorum  dejectione  a  Christo, 
et  Ecclesid,   et  fide  catholied  :  item- 
que  de   Judœorum  et  Christianorum 
conversione  ad  Christum  Jesum  ,    et 
Ecclesiam     Dei    sanctam    et     fidem 
catholicam  ,  à   Bâle  ,    en    i553  ;  De 
summâ   Trinitateetf.de  cathnlicâ,  à 
Bâle  en  i555;  De  Mysleriis  saluliferœ 
passionis  et  mortis  Jesu  Messiœ  Ex- 
positionis    Historirce    libri    très  ,    au 
même  lieu  ,  en  1 555. 

(D)  Je  n'ajoute  point  de  foi  h  Mel- 
chior  A  dam  touchant  l' âge  de  Biblian- 
der. J'admire   qu'il  n'ait  point  aperçu 


ta  enim  ranunei»  ,  v—  ■"*«-  5a  foule.}  11    assure   que   Bibliander 

coranùs  prohibeatur  ,  esse,    quia  in  naqUit  l'an  i5i4  (7).   et  qu'il  mou- 

eo  agitur  de  religione  nationis  ,  hoc  rut    enfin    pan    i564  ,    fort    vieux  , 

tempore  maxime  potentis  ,  et  ad  cor  ^aldè  senex.  Peut  -  on  dire  cela  d'un 

porum   uoluptatis    patentissimum  os-  nomme  de  cinquante  ans  *  ?  Il  ajou- 

tium  aperientis  ;  quœ  sunt  valida  cor-  te          je  trop  d'attachement  aux  h- 


ruplelœ  itlectamenta.  Hœc  ,  inquam  , 
ratio  monslrare  ridetur  ,  Alcoranum 
non  vetari  tantum  ratione  impiarum 
Bibliandri  Annotationum  ,  vel  ratione 
Prœjalinnum  Lutheri  ac  Melanchthn- 
nis  ,  sed  per  se  ac  ratione  contextus 
ipsiusmel   Alcorani,   quo   Apostasiœ 

hami  ,    quos   diximus  ,    apponunlur 

(6) 


vres  avait  tellement  atlaibli  la  vue 
à  Bibliander ,  que  dans  le  déclin  de 
l'âge  ,  entrant  un  matin  dans  son 
poêle  ,  et  voyant  sonebat  qui  folâtrait 
sur  une  table ,  le  prit  pour  sa  servante, 
et  lui  souhaita  le  bon  jour.  Ex  nimus 
studiis  œtate  declivi,  a,/x£xuce7ritLv  con- 
traxil.  Accula  ergo  ut  ahquandô  cùm 
diluculo  surrexissel,  hypocaustum  in- 


).  diluculo  surrexisseï ,  «y pwu»»">  *« 

(C)  Il  publia  plusieurs  autres  livres.]    gressus  1  feli  in  mensd  gesticulanti  , 
oici    les    titres    de    quelques-uns  :    ancu[am  Suam  esse   ratus  ,  jaustum 


Voici  les  titres  de  quelques-uns  :  ancMam  suam  esse  ratus  ,  jaustum 
Evangeiica  Hisloria  quant  scripsit  fuerfr  diem  precatus  ,  quemjclis ,  ut 
B.  Marcus,etc.  unàcum  TitâJohan- 

(r)   Si   cela  Hait,    on    remarquerait   comme 
queli,ue   chose  de  fort  exlraordmaoequdeû^ 


nis  Marci  evangelistœ  collecta  ex 
pmbatioribus  auctoribus  ,  à  Bâle ,  en 
! 55 1 .  Il  y  ajouta  le  Proievangelium 
Jacobi  ,  de  quoi  plusieurs  le  blâmè- 
rent. Expositio  raticinii  de  Reslitu- 

(5)  Theopb.  Raynandns,  Eroiem.  Hé  malis  et 
bonis  libris  ,  num.  34'  »  PaS-  ~°°- 

(6)  Idem,  num.  3/|î  ,  pag.  201. 


'été  professeur  en  théologie  Van  i532;  mats  c  est 
ce  que  Von  ne  remarque  pas. 

'  D'après  Kuchat ,  déjà  cité,  ce  serait  à  ye.ne 
SRé  rie  irenle-deux  ans ,  et  le  it  janvier  i53a  (]ue 
Bibliander  aura.l  pris  possession  de  la  cha.rc  de 
professeur.  .  B.bliander,  ajoute  Joly  ,  est  donc 
,  né  environ  l'an  i5oo;  ce  qui  détruit  toutes  les 
»  conjectures  de  Bayle.  » 


BIBLIANDER. 


4^5 


potuit  resalulavit.  Belle  particularité  , 
et  bien  digne  d'être  transmise  aux 
siècles  futurs  ! 

(E)  M.   Moréri  rapporte   très-mal 
ce    qu'il   emprunte   de    M.    de    Thou 
touchant  Bibliander.]    i°.  11  n'est  pas 
vrai  que    Al.  de  Thou   mette  la  mort 
de   Bibliander    au   2g  de  novembre  : 
il  se  sert  de   l'expression  V 1  Kulend. 
Decemb. ,  qui  veut  dire  le  26  de  no- 
vembre.  2°.  Il  n'est   pas   vrai  qu'il 
parle   de  Léon  Juif.  Il   s'est  servi  de 
ces  termes  Léo  Judœ  ,  qu'il  faut  tra- 
duire ,    ou   par   Léon   Juda,   ou  par 
Léon  de  Juda.  Quant  au  reste,   il  est 
très-vrai    que  Bibliander   fut    un  de 
ceux  qui  mirent  la  dernière  main  à 
la  Bible  de  Léon  Juda  ,  à  cette  Bible 
que  l'on  appelle  de  Zurich,    et  qu  on 
imprima   dans  cette  ville  l'an    1 543. 
Léon   Juda  avait  fort  avancé  la  ver- 
sion latine  de  l'Ecriture  quand  il  mou- 
rut ,  et  il  fit  promettre  à  ses  collègues 
qu'ils  achèveraient  cet  ouvrage,  Que  m 
Léo  Judœ  inchoai'eral  ,  et  mode n s  ut 
opus  persequerelur ,  collegis  in  fidëm 
religiosè    adactis  ,   transeripscrat  (8). 
e  Bibliander  traduisit   les    huit  der- 
"  niers  chapitres  d!  Ezéchiel ,  D  niel , 
»  Job ,  l' LUcclésiaste  ,   les  Cantiques  , 
»  et  les  ^8    derniers   psaumes  ,    qui 
i>  restaient  h  traduire.  Pierre  Cholin 
■»  Jit  la  traduction  des  Hures  grecs  que 
»  les   protestons    nomment    Apocry- 
■»  plies  (9).  »  C'est  de  Cholin  seul  que 
M.  de  Thou   assure   qu'il  entendait 
très -bien   la  langue  grecque»    Bibli- 
ander Ckunradi    Peliicani    et  Pétri 
Cholini  Tugiensis  gnvciu  linguœ  pe- 
ritissirm  operd  adjutus.   Al.  Moréri  ne 
traduit  pas  bien  cela  par  ces  paroles: 
Bibliander  aidé  par  Conrad  Pélican  et 
par  Pierre  Cholin  savuns  en  la  langue 
grecque.  C'est  sa  IIIe.  faute.  La  IVe. 
est  beaucoup  plus  considérable,  /long- 
temps après,  dit-il,  les  théologiens  es- 
pagnols Jirent  encore  imprimer  cette 
Bible  de  Zurich  à  Lyon,    ayant   été 
revue    par    Guillaume    Bouille  (10). 
Voici  le  latin  de  M.  de  Thou  :  His- 
puni  theologi   dUi    post    recognitam 
per  Gulielmum  Rouillium  denuo  Lug- 
duni   eacudendam    curavenuA.    Guil- 
laume   Boville    est    l'imprimeur    de 

(8)  Thuan.,  lib.  XXXVI,  pag.  736. 

(9)  Simon  ,  Hist. critique  du  Vieux  Testament, 
pag.  324. 

(10J  lhin<  les  Eloges  publiés  par  M.  Teissier, 
on  a  mis  K.-.uviUe. 


Lyon,  duquel  ces  théologiens  se  ser- 
virent; mais  ce  ne  fut  point  lui   qui 
retoucha  la  version  :  ce  furentles  théo 
logieiis  espagnols  eux-mêmes.  Le  père 
Simon  ne   parle   pas  de  cette  édition 
de   Lyon  :   il  dit  que   les   théologiens 
de  S alamanque  firent  réimprima  cette 
Bible  a  S  alamanque  ,  en  beaux  carac- 
tères ,  et  en  y   changeant  fort  peu  de 
chose  (1 1).  S'étonnera-t-on  que  le  bon 
M.  Du  Hier  ,  de  l'académie  française, 
ait  mal   traduit  les  Cicéron  ,    les  Sé- 
nèque,    et  les   Tite  Live  ,    lui    qui  a 
tant  fait  de  fautes  en  traduisant  AI.  de 
Thou  ?  car  AI.  Aloréri  n'est   ici  que  le 
copiste  de  la  traduction    de   Du  Rier. 
Quant  à  ce  que  AI.  de  Thou  rapporte, 
que  Jean  Stuckius   fut  mis  à  la  place 
de  Bibliander,   cela  ne  s'accorde  ,  ni 
avec  Alting  qui  a  dit  que  Pierre  Mar- 
tyr succéda  à  Bibliander,  ni  avecllot- 
tinger  qui  a  dit  que  Josias  Simler  lui 
succéda  par  intérim  (  12),   et  que  Stuc- 
kius ayant  été  quelque  temps  le  sub- 
stitut de  Jacques  Ammien  ,  professeur 
en  rhétorique  et  en  logique  ,  fut  pro- 
fesseur ordinaire  en  théologie  depuis 
l'an  i5^i  jusqu'en  1607(13).  Il  est  cer- 
tain que  quand   Bibliander  se  démit 
de  sa    profession  ,   Stuckius  ,     jeune 
homme    de    dix-huit   ans  ,    était  en 
France (1 4)-    H  était   à    Paris  l'année 
d'après,    et   il  y  reçut  la  commission 
de  se  joindre  à  Pierre  Alartyr  pour  le 
colloque  de  Poissi.  Il   demeura   long- 
temps   en   France  :  il  fut  depuis  en 
Italie,  et  il  ne  commença  d'avoir  ries 
(  barges  académiques  à  Zurich  ,  qu'en 
i568.   Cependant  on    assure   dans  sa 
vie,  qu'il   succéda  à  Bibliander  dan^ 
la  charge  de  professeur  du  Vieux  Tes- 
tament (i5).    Ce    fut  au    mois  de  fé- 
vrier 1 5^  1 .  Il  y  avait  longtemps  que 
Bibliander   était  mort.    Ce  n'est   pa< 
une  affaire  :  sa  charge   demeura  va- 
cante plusieurs  années  ;    on    a   cent 
exemples  de   pareilles  choses.    AI    dl 
Thou    ne   laisse    pas  d'avoir    négligé 
l'exactitude  ;    car   tous   ses  lecteurs 
sont   portés    à    croire    que   Stuckiui 
devint  professeur  en    théologie    l'an 
i5().|.  On  aurait  donc  dû  marquer  en 

(11)  Simon,  Hist.  critique  du  Vieux  Testament, 
pag 

(fi)  Hurle  donalur  lampadcm  ait  lempus  vi- 
canatn  Iradidii  D.  Josiœ  S'unlrrn.  Hotting. ,  in 
Bibliotli.  TigurinS  ,  pag.  72. 

(l31  /  '1  .  ih.,l.  ,  pag.  169- 

{  i4)  Melch.  Adam.,  in  Vitis  thcol.  pa£.  767. 

(i5j  Id'm  .  iliid.  .  pag.  --<?. 


426  BYBLIS. 

quelle  année  il   recueillit  cette  suc-    que    Byblis    fut    amoureuse   de 

cession.  r-  !. ■  >  . 

rv\  n      ■    t  i    ™        Caunus ,    mais   qu  au    contraire 

(t)  II    vécut  soixante  ans.  \    C  est    r  1»    ™      ,fv  i 

dans  l'édition  allemande  de  cette  Pro-  JaunUS  l  aima  ^  >  et  ne  But  Ia 
sopographie(i6),  qu'on  trouve  cela  ,  faire  consentira  le  contenter, 
et  non  pas  dans  l'éditon  latine  (17),  Us  la  dépouillent  un  peu  après 
rir?"ZoitA  r".0.0"*™!.^ T^  m0U1?t  de  l'honneur  de  cette  belle  résis- 
tance :  ils  supposent  qu'elle  se 
repentit  d'avoir  eu  pour  lui 
une  dureté  qui  l'engagea  à  s'exi- 
ler, et  qu'elle  courut  le  monde 
pour  retrouver  ce  cher  frère  ; 
et  que ,  n'ayant  pu  le  rencontrer, 

Ï3VBT  tc  e"e  se  Pendit  (d)'  D'autres  ra- 

BYBLIS,  fille  deMilet,  et  de    content  cette  aventure  d'une  ma- 
la  nymphe  Cyauée  (A),  devint    nière  qui  ne  déshonore,  ni  By- 


l'an  i56o,  à  l'âge  d'environ  cinquante 
ans.  Pantaléon  reconnut  sa  faute  ,  et 
la  corrigea  dans  l'édition  allemande. 

(16)  Imprimée  à  Bdle  chez  Léonard  Ossen, 
l'an  i5;8,  in-folio. 

(17)  Imprimée  à  Baie  chez  Nicolas,  Brylin- 
ger,  l'an  i566,  in-folio. 


amoureuse  de  Caunus  son  frère 
jumeau  ,  et  tâcha  de  lui  inspirer 
une  semblable  passion  ;  mais 
n'ayant  pu  réussir,  elle  en  fut 
si  affligée,  qu'elle  s'étrangla  (a). 
Ovide  ,    qui    nous   l'assure  dans 


blis  ni  Caunus  (E). 

(d)  Voyez  ce  qui   sera  cité  de  Conon  , 
dans  la  remarque  (D). 

(A)  Elle  était  fille  de  Milet ,  et  de 
la  nymphe  Cyanee.]  Cette  Cyanée 
était  fille  du  fleuve  Méandre  (1)  '■,  mais 
l'un  de  ses  poèmes  (b) ,  dit  dans  il  y  a  des  ailleurs  qui  disent  que  Milet 
un  autre  qu'elle  courut  après  se.mar£^yec  Eidothée  fille  d'Eurytus 
Cn-.-.mTv     i.,;:,  ,  „     •  >  11  roi  de  Carie,  et  que  Caunus  et  Byblis 

Caunu,  ,  jusques  a  ce  qu  elle  ne    naquirent  de'ce  ^ariage  (a).  D^tres 

put    plus    marcher.    Il    ajoute  ,  assurent  que  la  mère  de  ces  deux  en- 

qu'etant  tombée  par  épuisement  ^ns  s'appelait  Arie(3):  d'autres  la 

de  forces,  elle   s'opiniâtra  à  de-  nommenl  Tragasia(4).  11  y  a  aussi  des 

„.„„„„  1    '       1  .  variétés   sur  le   nom    de    leur  aïeule 

meurer  couchée  par    terre  ,   et  paternelle  ;  car  les  uns  disent  que  Mi- 

a  pleurer  abondamment ,   mal-  let  était  fils  de  Deione  (5)  :  d'autres 

gre  tous    les  soins    que    prirent  lu*  donnent  pour  mère  Àcaeallis  fille 

les  nymphes  de  la  consoler     et  deMinos  (6).  On  s'accorde  mieux  sur 

~„'«n„   JL  1  ce  point-ci  :  c'est  que  Miiet  se   retira 

quelle  se    consuma  en  larmes,  de  frle  de  Crète,  et  s'en  alla  fonder  en 

et    fut    convertie     en     fontaine  Asie  une  ville  qui  porta  son  nom.  Minos 

(c).    Il  a  décrit    admirablement  fut  la  cause  de  cette  retraite  :  on  vou- 

les    progrès    et    les    symptômes  lut  Prévenir  ,  ou  les  violences  de  son 

j       ■*..  °  ■/      1  ambition ,   ou   celles  de  son   amour. 

de  cette  passion  incestueuse  (B)  ;  Ovide  le  représente  fort  inquiet  de  se 

et  quand  il   n'aurait   point  fait  voir  vieux,  et  de  voir  Milet  à  la  Heur 

d'autres    vers  ,   il    aurait    suffi-  de  l  âSe  :  cette  inquiétude  trop  ordi- 

samment  témoigné    qu'il    était    ^  ic,T  ('ui  r<iSnent  flt  clu'011  re" 
»,°     1    *    •,,  -,       garda  iviilet  comme  une  personne  ca- 

un  savant  maître  dans  1  art   de    pable  de  détrôner, 
peindre  l'amour.  Antonin  Libe- 
ralis    raconte    l'issue    de    cette 
affaire   un   peu  autrement  (C). 
Quelques-uns  disent ,    non    pas 


(a)  Voyez  la  remarque  (D). 

iù)  Ovid.,  de  Arte  amaudi  ,  lib.  I. 

c  0\  \à  ,  Metam.,  lib.  IX,  fab.  XI. 


Tune  erai  invalidus ,  Deionidemquc  jurent 
Bobore  Milelum  t  Phœboqite   parente  supr 
bu  m 

(1)  Ovid.,  Metam.  ,  lib.  IX,  vs.  45o. 
(21  Anton.  Lîberalis,  cap.  XXX,  pag 
(3j  Sctioltast.  Theocriti  a,l  Idyll.  VII. 

(4)  Nicrenetus ,   npud   Parthca. ,   de  Amator 
Afl'ect. ,  cap   XI. 

(5)  Ovid.,  Metam.,  lib.  IX,  vs.  Wf 

(0)  Auton.  Liber.  ,  cap.  XXX,  p ag.  i55. 


5. 


Pertimuit,  credensque  Suis  iniurgere  regnis  , 
llaud    (amen    est   palriis     arcere    penatibus 

ausus. 
Sponle  fugis  ,  Milele ,  tua  (7). 

Vous  trouverez  sans  doute  dans  le  grec 
que  je  vais  citer  un  prince  amoureux 
(lui    se    lit    craindre  :  "ë.ttÙ    <Ts  ô  tt&Ïç 

ntlÇlTO,  KOÙ  iyiVîTO  KtLKOÇ  ,  X.CLI  (T/Jstç-itpiof, 
KHI  h  Ml'vûJÇ  KO.TCL  ÎTOÔOV  tVlX^P11  &*■'*<?- 
Sa»,  TOTê  VUKTOÇ  0  MlXSTOÇ  i/JtCÙc  ilÇ  O.H.3L- 
TOV,  @0VM     SstDTHlfÔvGÇ,   «iÇ    Kstp<0tV    StTO- 

(TiJfis-xêt  (8).  Puer  ut  adolevit ,  pul- 
cher  slrenuusque  evasit  :  M  masque 
desiderio  impulsas  eum  violare  inten- 
du  :  ibi  tum  Milelus  noctu  conscenso 
lembo  ,  consulente  Sarpedone ,  in  Ca- 
1  iam  projugit . 

(Bj Ovide  a  décrit  admirable- 
ment les  progrès  et  les  symptômes  de 
sa  passion  incestueuse.]  Byblis,  au 
commencement ,  ne  discerna  point 
ce  que  c'était ,  et  ne  sentit  point  son 
feu  :  baiser  son  frère  souvent ,  se  jeter 
souvent  à  son  cou  lui  paraissait  une 
bonne  action  ;  elle  confondait  cela 
avec  l'amitié  légitime  qu'on  doit  à 
un  frère.  Elle  demeura  dans  cet  état 
d'ignorance  ,  lors  même  qu'elle  a- 
perçut  le  soin  qu'elle  avait  de  se  pa- 
rer ,  et  l'envie  qu'elle  avait  de  paraî- 
tre belle  ,  quand  il  s'agissait  de  voir 
Caunus. 

Paulatim  déclinât  amor ,  visuraque  frairrm 
Culia  venit  ,  ntmiumque  cupit  formosa  videri* 
Et ,  si  qua  est  llltc  f.ifinostor ,  invidet  illi  ; 
Sed   nondurn    manifesta  sibi  est  :  nullumqiie 

sub  Mo 
Igné  facii  votum  ,    verumtamen   œslual  in- 

lus  (0). 

Cela  ,  ni  le  chagrin  qu'elle  concevait 
contre  les  belles  du  voisinage,  ne 
l'éc'.airait  point  encore  :  son  feu  brû- 
lait et  n'était  point  lumineux  ;  il  n'in- 
spirait pas  encore  de  souhaiter  le 
remède.  On  alla  jusqu'à  se  plaire  à 
donner  à  Caunus  le  titre  de  monsieur  : 
on  aimait  mieux  de  lui  le  nom  de 
liyblis  ,  que  celui  de  sœur, 

Jam  dominum  appellat ,  jam  nomma  sangui- 

nis   odit. 
Bjblida  jam  mavult  quant  se  vocel  ille  soro- 

rem  (10)  ; 

et  néanmoins,  pendant  qu'on  veillait, 
on  n'avait  pas  la  hardiesse  d'envisa- 
ger l'espe'rance.  Ce  fut  endormant, 
que  l'on  commença  à  s'apprivoiser  à 

(7)  Ovid.,  Melam.,  lib.  IX,  vs.  443. 

(8)  Anton.  ,  Libéral.,  cap.  XXX ,  pag.  i55. 
'0)  Ovid.,   Metam.,  lib.   IX,  vs.  460. 

10)  Idem,   iuid.  ,  lib.  IX,  vs.  4*35. 


BYBLIS.  427 

de  si  sales  imaginations.  Byblis  en- 
dormie songeait  souvent  à  son  frère  , 
et  «rut  une  fois  jouir  de  lui. 

Placido"  resoluta  quiète 

Sœpè   videl  quod  amal ,  visa  est  quoque  jttn- 

gere  fralri 
Corpus  ,    et   erubuit,   quamvis  sopita  jace- 

ret[ii). 

Elle  en  eut  honte  ,  quoique  ce  ne  fût 
qu'un  songe  ;  mais  le  lendemain  ,  elle 
fit  bien  des  reflexions,  et  souhaita,  non 
pas  de  veiller  de  cette  matière,  mais 
de  dormir  fort  souvent  comme  cela. 

Dummodb  taie  nihil  vigilans  commiitere  ten- 
tem  , 

Sœpè  licel  simili  redeal  sub  imagine  somnus, 

Teslis  abesl  somno  ,  nec  abesl  imitala  vulup- 
las. 

Proh  Venus,  et  tenerd  volucer  cum  maire 
Cupido  ! 

Gaudia  quanta  lulil  quàm  me  manifesta  li- 
bido 

Contigit  !  ut  jacui  lotis  resoluta  medullis  1 

Ul  meminisse  juvat  !  quamvis  brevis  Ma  vo- 
luptas , 

Noxquefuil  prœceps,  et  cœptis  infida  nos- 
tris  (12)  .' 

Un  peu  après,  elle  se  fâche  que  la 
qualité  de  sœur  lui  défende  d'espérer 
celle  d'épouse  :  elle  se  représente  les 
Dieux  qui  ont  épousé  leurs  sœurs ,  et 
ne  peut  croire  que  cette  prérogative 

{misse  tenir  lieu  de  règle  parmi  les 
îumains. 

Sunt  tuperis  sua  jura  :  quid  ad  cœlestia  ritus 
Exigere    humanos  ,  diversaque  ftedera  len- 
to (ii)  ? 

Elle  veut ,  ou  se  délivrer  de  sa  passion , 
ou  mourir  :  elle  sent  bien  que  si  son 
frère  l'avait  le  premier  aimée  ,  il  au- 
rait été  écouté  favorablement ,  d'où 
elle  conclut  qu'il  faut  qu'elle  risque 
de  s'ouvrir  à  lui  par  une  lettre,  si  la 
pudeur  ue  lui  permet  pas  de  se  ser- 
vir de  la  parole.  Elle  prend  la  plume, 
et  après  mille  agitations  d'esprit,  elle 
déclare  sa  passion.  Elle  représente  à 
son  frère  plusieurs  choses  qui  s'étaient 
passées ,  d'où  il  aurait  pu  deviner 
qu'il  était  aimé  :  elle  le  fait  souvenir 
de  certains  soupirs  qu'elle  avait  pous- 
sés ,  et  de  la  coutume  qu'elle  avait 
prise  de  l'embrasser  ,  et  d'un  je  ne  sais 
quoi  qui  pouvait  faire  connaître  que 
ses  baisers  n'étaient  pas  ceux  d'une 
sœur. 

Esse  quidem  lœsi  polerat  libi pecloris  index 
Et  color  ,   et  macies ,   et  vultus ,    cl   humtda 

sœpè 
Lumina  ,  nec  causa  swpiria  mota  patenù , 

(11)  Ilnd.,vs.  468. 
(n)  Ibid.  ,  vs.  4-S. 
(•i)Ibid.,  l'j.  599. 


4'i8 


BYBLIS. 


El  crehri  amplexus  ,  et  quœ,  si  forte  notd.ti, 
Oscula  seutiri  non  esse  sororia  postent  (14). 

Elle  proteste  qu'elle  a  fait  tout  ce 
qu'elle  a  pu  pour  éteindre  celte  flam- 
me, et  qu'elle  n'a  recours  à  lui  qu'après 
avoir  inutilement  tenté  tout  autre 
remède.  Elle  l'exhorte  à  laisser  exa- 
miner aux  vieillards  ce  qui  est  juste 
ou  injuste  ,  et  à  se  servir  des  privi- 
lèges de  la  jeunesse  dans  une  chose, 
où  les  plus  grands  dieux  servent 
d'exemple  , 

.  .  .  Etsequimurmagnorum  exempla Deorum 
(il). 

et  où  il  n'aura  à  craindre  ni  l'opposi- 
tion d'un  père ,  ni  le  qu'en  dira  t- 
on  ,  puisque  leur  commerce  pourra  se 
cacher  sous  les  familiarités  que  la 
bienséance  autorise  entre  uu  frère  et 
une  sœur.  Enfin  elle  implore  sa  pitié  , 
et  le  conjure  de  ne  vouloir  pas  être  la 
cause  de  sa  mort. 

Nec    nos    aut   durus   paler ,    nul    reverenlia 

Aut  timor  impedient  ;  lanlum  absil  causa  li- 

mendi. 
Dulcia  fralerno  sub  nomine  fur  ta  te  g  émus. 
Est  mihi  libertin  tecum  sécréta   loquendi  : 
Et   damut   amplexus  ,    et   jungimus    oscula 


Quantum  est  quod  desil  ?  miserere  fatentis 

ainorem , 
Et  nonfassuiœ  ,  nisi  cogerel  ultimus  ardor  : 
Neve    merere    meo    subscribi    causa    sepul- 

chro  (16). 

Le  porteur  de  cette  lettre  lui  vint 
rendre  compte  bientôt  de  l'indigna- 
tion de  Caunus.  Ce  coup  la  terrassa  , 
et  la  fit  évanouir  ;  mais  dès  qu'elle 
eut  recouvré  la  connaissance,  el!e  fit 
des  plaintes  qui  marquèrent  qu'elle 
ne  se  voulait  point  rebuter.  Elle  se 
blâma  de  s'être  servie  d'une  lettre 
et  se  figura  que  ses  discours  auraient 
pu  avoir  beaucoup  plus  de  force  ,  et 
que  peut-être  le  messager  n'ayant'pas 
bien  pris  son  temps,  avait  détourné 
le  bon  succès. 

Forsitan  et  missi  sil  quœdam  culpa  ministri  : 
JVon  adiil  apte,  nec  legil  idonea  ,  credo, 
Tempora  ,  nec  petiii  horamque ,   animmnqHe 
vacantem. 

Hœc  nocuêre  miki (17)- 

(i4)  Ibid.,  vs.  536.  L'Amarillis  du  Pastor 
tido  ,  sans  savoir  que  la  personne  de'guise'e  en 
file  fût  son  amant,  trouva  néanmoins  une 
grande  différence  entre  ses  baisers  et  ceux  des 
autres  filles  : 

Quando  la  leggia  drissima  Amarilli 
Oiudicando  i  miei  baci 
Piii  di  quell  d'oga'  ahia  saporiti  ,  etc. 
Voyez  la  I".  scène  de  l'acte  II  du  Pastor  fido. 
pag.  82,  e'dilion  de  Venise,  en  i6o5  ,  in-â°. 
(i5)  Ovid.,  Metam.,  Ub.  IX,  vs.  554. 

(16)  Ibid  ,  vs.  555. 

(17)  Ibid.  ,  vs.  60g. 


Elle  s  avisa  de  fout  ce  qui  la  pourrait 
excuser  dans  ses  nouvelles  tentatives  : 
tant  les  passions  sont  ingénieuses  à  se 
flatter,  tant  elles  mériteraient  qu'on 
les  prit  pour  des  animaux,  et  même 
pour  ces  sortes  d'animaux  qui  ont  le 
plus  d  industrie  à  chercher  leur  nour- 
riture !  Elle  résolut  de  se  déclarer  de 
vive  voix  :  elle  parla,  et  reparla  , 
sans  que  l'inutilité  de  ses  prières  la 
décourageât  jamais.  Caunus,  las  de  re- 
fuser avant  qu'elle  fut  lasse  d'être  re- 
fusée ,  abandonna  le  pays. 

Si  Ovide  n'avait  pas  mérité  en  cet 
endroit-ci,  autant  ou  plus  qu'en  mille 
autres,  la  censure  des  grammairiens, 
qui  ont  trouvé  qu'il  s'arrêtait  trop  sur 
les  détails,  il  aurait  fait  une  peinture 
achevée.  Lascivior  aliquanto  est  Ovi- 
dius,  inquit  Fabius  Ub.  10.  Inslitulio- 
num,cap.  2  et  nimius  amator  ingé- 
nu sui ,  etmox  :  Ovidii  Medea  videtur 
mihi  ostendere  ,  quantum  vir  ille 
prœstare  potuerit  ,  si  ingenio  suotem- 
perare,  quàm  indulgf  re  maluisset.  Et 
nicsanèjatendumest,  lascivire  ipsius 
ingenium  ,  nacturn  scil.  materiam  se- 
quacem  et  genio  suo  riffi/iem  (18). 
Notez  que  je  ne  marque  qu'une  partie 
des  traits  dont  il  s'est  servi. 

(C)  Antonin  Liberalis  raconte  l'is- 
sue de  la  passion  de  Byblis   un  peu 
autrement  qu'Ovide.}  \\   dit  que  By- 
blis ,  recherchée  en    mariage   par  de 
grands  partis  ,    les  méprisa   tous  ;   et 
que,  ne  pouvant  résistera  la  furieuse 
passion  qu'elle  avait  conçue  pour  son 
frère  ,  elle  résolut  de  se  jeter  du  haut 
en    bas    d'une   montagne.    Elle    était 
prête   d'exécuter  ce  dessein  ,   lorsque 
les  nymphes  touchées  de  compassion 
l'en  empêchèrent.   Elles  firent  plus  ; 
car  elles  l'endormirent  profondément, 
et  lui  changèrent  pendant  ce  sommeil 
sa  condition  humaine  en  la  condition 
des  immortels  :  elles  la  nommèrent  la 
nymphe  hamadryade  Byblis  ,  et  l'a- 
grégèrent à  leur  communauté.  L'eau  , 
qui  découlait   de  la   montagne  d'où 
elle  avait  voulu  se  précipiter,  fut  ap- 
pelée les  larmes  de  Byblis  (19).  D'au- 
tres prétendent  que  la  fontaine  qu'on 
appelait  Byblis  se  forma  où  cette  fille 
avait  pleuré  ,  et  s'était  pendue  (20). 

(18;  Farnab.  in  Ovidium,  Metam.,  Ub.  IX, 
vs.  5gi  ,pag.  225. 

(19)  Anton.    Liberalis,  Metam.  ,   cap.  XXX. 

(10)  Pliotiiis  et  Parthenius,  de  Amatonis Af- 
fect.,  cap.  XI. 


BYBLOS. 


429 


(D)   Quelques-uns  disent qne    Ilygin  se  contente    d'assurer  que    la 

Caunus  fuima.]  L'une  des  narrations    passion,  qu'elle  avait  conçue  pour  son 
de  Conon  ,  desquelles  Photius  nous  a    frère  ,  la  porta  à  se  luer  (26).  Eusta- 


thius  dit  la  même  chose (27)  ;  et  voici 
deux  vers  d'Ovide  conformes  à  la  même 
tradition  : 

Bjbl.da    quid    référant ,    vetito    qure  fratris 
ainore 
AriU,  et  est  laqueo  forùler  ulta  nefas  (28). 

(E)  ....    D'autres  en   parlent  d'une 


laissé  des  extraits  ,  porte  qne  Caunus, 
ayant  employé'  inutilement  plusieurs 
moyens  pour  obtenir  la  jouissance  de 
Byblis  sa  sœur,  s'exila  lui-même.  Ou 
ne  sut  point  ce  qu'il  était  devenu. 
Cela  fit  un  si  grand  chagrin  à  Byblis  , 
qu'elle  abandonna  sa  patrie ,  et  qu'elle 

se   mit  à  mener  une    vie   vagabonde;  manière ,  qui  ne  déshonore  ,  ni  liyblis, 

enlin,  elle  se  sentit  si  angoissée  ,  ITfiç  ni  Caunus.  ]  Considérez  bien  la  nar- 

toùç  ÀTiKitç  l/uépoi/ç  àLrcty^iiiùot/Tx,  Où  ration  de  Nicaenetus  rapportée  ci-des- 

J'rustr.Uos  arnores  aninio  J'racta  (21)  ,  sus  :  vous  y  trouverez  seulement  que 

en  considérant  le  mauvais  succès  des  Caunus,  à  son  grand  regret,  fut  amou- 

amours  de   Caunus,  qu'elle  lit  de  sa  reux  de  sa  sœur ,   et   qu'il  s'absenta: 

ceinture  un  licou  ,  et  se  pendit.  Cau-  et,   que  Byblis,   très-aflligée   de  cette 

nus  errantpar  le  monde,  vint  en  Lyde,  absence  ,  souhaita  qu'il  retournât ,  et 

où  la  naïade  Pronoé  lui  annonça  que  l'a-  pleura  beaucoup  sur  ce  sujet.  Toutes 

mouiTavait vengé, vucpieBybliss'était  ces   choses  sont   compatibles  avec  la 

pendue.  T*.  t«  <rvvivi'xJiïvra.  t»  BuCàicT»  vertu  la  plus  sévère;  car  on  peut  sup- 

>-=7s»,  kxi  ce;  è^fii^ATo  t»  ifcun  <Jix*ç-h  :  poser   que   Byblis    ne  souhaita    sinon 

c'est-à-dire,  selon  la  version  d'André  que  son  frère  se  délit  de  sa  passion  , 

Schot ,   Quœ  Bybluli  accidissent  nar-  qui   le   tenait   éloigné   de    la   paîrie. 

rat,    utque    aniore    sit   coacta   mort.  Sentir  une  passion   criminelle,    et   la 

«   .Mariez  -  vous  avec  moi,  ajouta  -  t-  combattre  jusqu'à  s'éloigner  de  l'objet 

»  elle,  vous  régnerez  sur  ce  pays  ci.»  que  l'on  aime   malgré  soi ,  n'est   pas 

La  proposition  fut  acceptée  (22 j.  Par-  un  crime.   C'est   un    sentiment  aussi 

thénius  raconte,  i°    que    Nicaenetus  involontaire  que  la  douleur:  on  n'en 

avait    débité    que    Caunus,    aimaut  est   pas    responsable,   à  moins  qu'on 

malgré  lui  sa   sœur,    sortit  du  pays  ,  B'y  acquiesce;  et  notez  que  Nicaenetus 

et  s'engagea  à    de  longs    voyages;  et  donne  à  Caunus  le  bel    éloge  d'avoir 

(pie  Byblis  fut    bien  ailligée    de   l'ab-  toujours  aimé  la  justice  :  Kat/vov  etix.- 

sence  de  son  frère  ;  2°.  que  la  plupart  Tev  dit  <j>ix=ovt*   écuiç-ctç.  Caunum  pe- 

des   auteurs    rapportent   que    ce    fut  péril  gaudenlem  legibus  œquis  (29). 
elle  qui  aima  Caunus,  t't   qui  le  pria 


(26)  Hygin.  ,  cap.  CCXLIII ,  pag.  29g. 
(2-)  Eusiath.,   in  Dionys.    Perieget.  ,  et.  533. 
(28J  Ovid.  ,  de  Artc  amand,  ,  Ub.  I ,  vs.  284. 
(îçlj  Parilien.   de  Amaloriis  AH'ect  ,    cap.  XI. 

BYBLOS,   ville    maritime  de 
durait  toujours  ,  et  de  l'antre  qu'elle    Phéilicie  ,    entre   Tripoli  et   Be- 
avait   contraint  son   frère  à  sortir   de    rvte  ,  était  située  Sur  un  coteau  , 
son  pays,  fut  accablée  de  tant  de  dou-        .  1     _i,,_  „„„;„.,„„  ,,"il„J 
,      '    J  ,' ..  ,..  .      ,    ,x      et  la  plus  ancienne  vil  e  du  mon- 

teur, qu  elle  se  pendit  a  unarbre  (2i;.     j    ,    *    •  ,, 

Le  scoliaste   de  Théocrite  a  suivi   la    de  W>  si  '  on  en  veut  croire  quel- 


de  ne  faire  pas  le  cruel;  qu'il  abhorra 
cette  vilaine  proposition,  et  se  retira 
chez  les  Leleges ,  et  y  bâtit  une  ville 
qui  fut  appelée  Caunus;  et  que  By- 
blis, voyant  d'un  côte  «pie  sa  passion 


amoureuse  de  son  frère  ,  s'étrangla   à 
cause  qu'il    avait   pris    la    fuite  (25). 

(21)  Pholius,  Bibl. ,  codice  CLXXXFIypag. 
423,  et  Narr.lt.  Il  Coqodls. 

(22)  Idem ,  ibid. 

123}  Partiien.,    de  Amaloriis    AiTeciionibns    , 
cap.  XI. 

(24)Schol.  Tbeocriti  ad  Idyll.  VU   k.  ii5. 
:  Sieph.   Byiaotin.  ,  in   K*!/Vi{   ex    edU. 
BerkeJii. 


candre  et  Astarté  son  épouse  , 
qui  y  régnaient,  y  firent  un 
bon  accueil  à  Isis  ,  lorsqu'elle 
y  alla  pour  chercher  le  corps 
d'Osiris  que  les  Ilots  de  la   mer 


(a   Stephan.  Bysant.  in  Bu£>.o;. 
(b)  Saoclioniatho,  apudSuieb. 
Bvang,  ,  lib.  I,  cap.  X.  pag.  3". 


Praepar 


43o  BYBI 

avaient  jeté   sur  cette  côte  (c). 
Les  grammairiens  ont  fondé  sur 
ce  voyage  l'une  de  leurs  obser- 
vations étymologiques  (A).  Quel- 
ques   habitans  de    Byblos   con- 
taient qu'Osiris  avait  été  enterré 
dans  leur  ville ,  et  que  c'était  en 
son  honneur  que  l'on  pratiquait 
les     cérémonies    qui    passaient 
pour    être  faites  en    l'honneur 
d'Adonis(^).  La  ville  de  Gobel , 
ou  Gebal  ,   dont  il  est  parlé  au 
verset  9  du  chapitre  XXVII  d'É- 
zéchiel ,  était  celle  de  Byblos , 
si  l'on  en  croit  saint  Jérôme  (e); 
ce  qui  se  peut  confirmer  par  la 
version   des   Septante.  On  croit 
aussi   que    les   Bybliens    furent 
employés  par  Hiram,  roi  de  Tyr, 
pour  préparer  les  matériaux  du 
temple  de  Salomon  (f).  Ils  se- 
couèrent le  joug  des  ïyriens  ,  et 
s'érigèrent  en  un  royaume  par- 
ticulier. Us  furent  ensuite  tribu- 
taires des  rois  de  Perse  (B).  Cette 
ville  ayant    été  subjuguée    par 
Alexandre  demeura  soumise  aux 
Ptolomées,  rois    d'Egypte,  jus- 
ques  à  ce  qu'Antiochus-le-Grand 
leur  eut  enlevé  laPhénicie,  dont 
il  fit  une   province  du  royau- 
me de  Syrie  ,  l'an  3  de  la  i4oe. 
olympiade  ,  le  536  de  Rome  (g). 
Les  guerres  civiles  ayant   ren- 
versé ce  royaume-là  ,  Tigranes  , 
roi  d'Arménie  ,  se  rendit  maître 
de   la  haute  Syrie  ;    et  alors    il 
s'éleva  un  tyran  qui  établit  son 
autorité  dans  Byblos.  Il  fut  dé- 
capité par  les  ordres  de  Pompée 
(h).  Strabon  ,  en  disant  cela  ,  re- 

(c)  Plut. ,  de  Iside  et  Osiride  ,  pag.  35j. 

(d)  Lucian.  ,   de  Deâ  Syriâ  ,  pag.    879, 
lom.  II. 

(e)  Hieron.  ,  de  Locis  liehraieis. 

Vf)  Voyez  le  IIIe.  livre  des 'Rois,  cliap. 
V ,  vers.  9. 
(g)  Voyez  Polylie  ,  au  liv.  V. 
[h)  Slrabo  ,  lib.  XVI,  pag.  521. 


,os. 

marque  que  Byblos  ,  le  siège 
royal  de  Cinyras  ,  était  consacrée 
à  Adonis  (C).  La  déesse  Vénus  y 
était  particulièrement  honorée 
(D).  Isis  y  avait  aussi  un  temple 
(i).  Byblos  fut  attribuée  à  la 
Phénicie  maritime  dans  la  divi- 
sion qui  fut  faite  des  provinces 
sous  les  empereurs  chrétiens. 
Ses  évêques  ont  paru  dans  le 
premier  concile  de  Constanti- 
nople  ,  et  dans  le  concile  de 
Chalcédoine.  Les  Génois  la  déli- 
vrèrent de  la  domination  des  Sar- 
rasins l'an  1106;  mais  elle  re- 
tomba sous  le  joug  des  infidèles 
après  la  victoire  que  Saladin 
remporta  sur  les  chrétiens  l'an 
11 87  (A:).  Il  y  avait  en  Egypte 
une  ville  nommée  Bïblos  ,  qui 
était  très-forte.  C'est  ce  que 
nous  apprenons  des  extraits  que 
Photius  nous  a  conservés  de  Cté- 
sias  (Z).  Voyez  aussi  le  Diction- 
naire de  Stephanus  Bjzantinus. 

(ï)  Plut.,  de  Iside  et  Osiride,  pag.  35y. 

(k)  Voyez  le  père  Noris  ,  de  Epochis  Sy- 
ro-Macedouum,  disserl.  IV,  cap.  ult.,  pag. 
466  et  seqq. 

(/)  Photius,  cap.  LXXII,pag.    120,  12!. 

(A)  Les  grammairiens  ont  fondé  sur 
le  voyage  d' Isis  à  Byblos  l'une  de 
leurs  observations  étymologiques .]  Re- 
marquons en  premier  lieu,  que  le  mot 
fiCCxoç  signifie  la  plante  qui  fournis- 
sait la  matière  dont  on  faisait  le 
papier,  et  rapportons  après  cela  ce 
qu'ont  dit  les  faiseurs  d'étymologie. 
Ils  ont  assuré  que  Byblos  fut  ainsi 
nommée  ,  parce  que  ce  fut  le  lieu  où 
Isis  pleurant  Osiris  posa  son  diadème, 
qui  était  fait  de  papier  (1).  D'autres 
veulent  que  ce  nom  vienne  de  ce  que 
le  papier  se  conservait  dans  cette 
ville  autant  de  temps  qu'on  voulait, 
sans  se  gâter  en  nulle  manière  (a). 
Consultez  Etienne  de  Bysance,  et  l'au- 
teur du  grand  Etymologicon. 


(1)  Steplian.  Byzant, 
<?)  Idem,  ibidem. 


BwbAo 


BYBLOS. 


43i 


(B)  Les  Byhliens  furent  tributaires 
des  rois  de  Perse,  j  Arrien  raconte 
qu'Enulus,  roi  des  Bybliens,  servait 
avec  ses  vaisseaux  dans  la  flotte  de 
Darius  j  mais  qu'ayant  appris  que 
Byblos  avait  capitule  avec  Alexandre  , 
il  abandouna  le  parti  des  Perses  ,  et 
fut  joindre  ses  vaisseaux  à  la  flotte 
macédonienne  (3). 

(C)  Strabon....  remarque  que  By- 
blos ,  le  siège  myal  de  Cinyras ,  était 
consacrée  à  Adonis.  ]  Je  m'en  vais 
copier  cet  endroit  de  Strabon,  pour 
faire  sentir  la  négligence  avec  laquelle 
les  anciens  auteurs  écrivaient. 'H  juh 
Oï/V    B!/ê\oÇ    TO    tou    K»vi/pof     /2<ts-iX«iov , 

UpÔ,  Sç-I  TO»  'AtrÉDVlJoC"     M V     TffîiVVOI/yivMV 

ÀKiudifiec-i  no//Tii(oç  7Tî>.(i(.)Ta.ç  ix.tivov 
(4),  c'est-à-dire,  Byblos,  la  rési- 
dence du  roi  Cinyras  ,  est  consacrée  à 
Adonis.  Pompée  la  délivra  de  la 
tyrannie  ,  en  lui  faisant  couper  la 
télé.  Voici  le  sens  le  plus  naturel  de 
cela.  Cinyras  avait  établi  le  siège  de 
sa  tyrannie  à  Byblos;  mais  Pompée 
lui  lit  trancher  la  tête  :  et  par  ce 
moyen  il  redonna  la  liberté  à  cette 
ville.  Or  il  n'y  a  nulle  apparence  que 
Strabon  ait  eu  cette  pensée  :  et  si 
c'était  son  sens  ,  il  serait  d'ailleurs 
coupable  d'une  extrême  négligence  , 
puisqu'il  nous  ferait  sortir  du  terre 
tout  d'un  coup  nu  tyran  nommé  Ci- 
nyras ,  et  qu'il  nous  laisserait  là,  sans 
nous  en  dire  quoi  que  ce  soit.  Il  n'a 
pas  été  obligé  d'être  plus  long,  si  l'on 
suppose  qu'il  parle  de  l'ancien  Ciny- 
ras ,  père  d'Adonis  ;  car  ce  nom  était 
assez  connu.  Je  crois  qu'il  parle  de 
lui;  et  sur  ce  pied-là,  que  ferons- 
nous  de  son  sasivov  ?  à  quoi  pouvons- 
nous  le  rapporter?  Notez  que  ^on  tra- 
ducteur latin  a  mal  rendu  le  uti.  sç-i 
'AJaiviJoç,  par  in  qud  sunt  Adonidis 
templa.  Pinedo  a  relevé  cette  faute 
(5).  Voyons  une  petite  négligence  du 
père  Noris  :  Adonis,  dit-d  (6j  ,  films 
fuerat  Cynerœ  (jf)  apud  Byb/um  régis, 
ut  ex  Plutarclio  et  Ovidio  prœnotavi. 
Or  il  est  certain  que  louchant  cela  il 
n'avait  point  allégué  Plutarque,  mais 
Strabon  jet  qu'Ovide,  qu'd  avait  allé- 
gué, ne  dit  point  que  le  père   d'Ado- 

(3)  Arrian .,  Fxpedit.  Alex.  ,  Ub.   II. 
(4)  Strabo,  Ub.  XVI ,  pag.   52i. 
(•i)  Pinedo,   in   Stepb.   Dyzanl. ,  pag.  186. 
(o;  Noris,  de  F.poch.  Syro-Maced.,   dissert. 
IV ,  pag.  469. 

(7)  Il  fallait  dire  Cinyraï. 


nis  fut  roi  de  Byblos  ,  ni  le  mari  de  la 
mère  de  cet  Adonis.  Il  suppose  que 
cette  mère  était  fille  du  père  d'Adonis, 
et  c'était  la  tradition  générale.  Néan- 
moins l'auteur  s'exprime  de  cette  ma- 
nière :  Cyneras  fuit  è  velustis  Bybli 
regibus,  qui  ex  Zmyrnâ  conjuge  Ado- 
nna puerum  formosissimum  suscepit 
(8). 

(D)  Vénus  y  était  particulièrement 
honorée.]  Elle  y  avait  un  temple  ,  dans 
lequel  on  célébrait  les  cérémonies  du 
culte  d'Adonis.  Lucien  en  parle  com- 
me témoin  oculaire  :  E7</oy  Ji  km  h 
Bu£>,a>  y.iycL  ifov  'A<ppo<f<TMc  /Si/Cà/mç"  ~tv 
t&>  x.a.1  ta.  hpyitt  èç'AJaiviv  MnTihiovet, 
failli  eliam  Bybli  magnum  Bibliœ 
Venais  templum  ,  in  quo  ritus  quos- 
dam  sacros  in  Adonidem  peragunt  (9). 
Il  parle  aussi  d'un  autre  temple  de 
Vénus,  consacré  par  Cinyras,  sur  le 
mont  Liban  ,  à  une  journée  de  Byblos 
(10).  Il  le  fut  voir.  Le  père  Noris 
estime  que  peut-être  c'est  le  même 
temple  que  Constantin  fit  démolir 
(  1 1  )  ,  et  qui  était  consacré  à  Vénus 
Aphacitide  proche  le  mont  Liban  et 
la  rivière  d'Adonis  (12).  Je  ne  crois 
pas  qu'il  faille  douter  de  cela  ,  puis- 
qu'Eusèbe  remarque  que  le  temple  de 
cette  Vénus  était  sur  le  mont  Liban. 
Au  reste  ,  le  surnom  d'Aphacitide 
était  pris  du  lieu  où  ce  temple  fut 
bâti  ,  comme  l'observe  Zosime  (i3)  ; 
et  apparemment  c'est  de  celte  Vénus 
que  Macrobe  parle  dans  le  chapitre 
XXI  du  Ier,  livredes  Saturnales,  et  non 
pas  de  Vénus  Architide  ,  comme  por- 
tent les  éditions  (i4)-  H  s'agit  là  du 
culte  de  Vénus  et  d'Adonis  parmi  les 
Assyriens  ,  et  l'auteur  dit  même  ,  que 
le  simulacre  de  cette  Vénus  étaitsur 
le  mont  Liban.  Eusèbe  remarque  qu'il 
se  commettait  une  infinité  d'infamies 
d'homme  à  homme,  et  d'homme  à 
femme,  dans  le  temple  que  Constat) 
tin  fit  détruire  (i5);  mais   Sozomène 

(8)  Noris,  de  F.poch.  Syro-Maced.,  pag  Ifi*,. 
rg)  I  m  mu.    de    Deâ   Sjrià  ,  pag.  87S  ,   toau 

(10)  Idem  ,  ibid.  ,  pag.  880  ,881. 

(11)  F.useb.  ,  de  VitS  Constant.,  Ub.  III , 
cap.  IV.  Sniomen.,   Ub.  II ,  cap.  V. 

(12J  Noris,  de  Epocli.  ,  Syro-Maced.  ,  pag. 
467. 

(i3)  Zosira.,  Hist.,  Ub.  I. 

(i4)  Voyez  Seldenus,  de  Diis  Syris  ,  irr.t.  II 1 
cap.  III  ,  pag.  204. 

(  i5)  Euseb..  de  Vit»  Constant. ,  Ub.  III ,  cep 
IV 


432 


BIGOIS. 


se  contente  d'observer  que  les  gentils 
assuraient  ,  qu'un  certain  jour  de 
l'année  ,  l'eflieace  des  invocations  fai- 
sait descendre  du  sommet  du  mont 
Liban  un  feu  en  forme  d'étoile ,  qui 
s'enfonçait  dans  la  rivière  voisine.  Ils 
prétendaient  que  ce  feu  était  Vénus 
même,  qu'ils  appelaient  Uranie  (16). 

(16;  Sozomen.,  kb.  lit,  cap.  V. 

BIGOIS  ,  nymphe  qui  avait 
écrit  dans  la  Toscane  un  livre 
louchant  V  Art  d'interpréter  les 
éclairs.  On  gardait  ce  livre  à 
Rome  ,  dans  le  temple  d'Apollon 
avec  quelques  autres  de  cette  na- 
ture (a). 

(«)  Servais  in  iEu.  lib.  VI ,  vers.  72. 

BIGOT*  (Émeric),  l'un  des 
plus  savans  et  des  plus  honnêtes 
hommes  du  XVIIe.  siècle  ,  était 
de  Rouen  (a) ,  et  d'une  famille 
très-illustre  dans  la  rohe  (A;.  Il 
naquit  l'an  1626  (b).  L'amour 
des  lettres  le  détourna  des  em- 
plois publics  :  il  ne  s'occupa  que 
de  livres  et  de  sciences  :  il  aug- 
menta merveilleusement  la  bi- 
bliothèque que  monsieur  son 
père  lui  avait  laissée  (B).  On  s'as- 
semblait une  fois  chez  lui  toutes 
les  semaines  ,  pour  des  conversa- 
tions d'érudition.  Il  entretenait 
commerce  de  lettres  avec  un 
grand  nombre  de  savans  :  ses 
conseils  et  ses  lumières  étaient 
utiles  à  beaucoup  d'auteurs;  et 
il  travaillait  de  son  chef  au  bien 
et  à  l'avantage  de  la  république 
des  lettres.  Il  n'a  publié  qu'un 
livre  (C)  ;  mais  apparemment   il 

*  Joly  rapporte  et  transcrit  l'éloge  que 
fait  de  cet  article  Fr.  Camusat,à  la  page  17 
«les  Mélanges  de  littérature  tirés  des  lettres 
de  M.  Chapelain ,  1726'  ,  in-12  dont  il  fut 
éditeur. 

(a)  Hist.  des  Ouv.des  Sav.  Vois  defévrier 
1690 ,  pag.  267. 

(i)  Là  même. 


BIGOT. 

en  aurait  publié  d'autres ,  s'il 
avait  assez  vécu  pour  y  mettre 
la  dernière  main.  M.  Ménage 
dans  le  royaume  ,  et  ^Nicolas 
Heinsius  dans  les  pays  étrangers 
étaient  ses  deux  plus  intimes 
amis  (D).  Il  n'avait  contracté 
aucun  des  défauts  que  la  science 
traîne  avec  soi  :  il  était  modeste 
et  ennemi  des  contestations. 
En  général ,  on  peut  dire  que 
c'était  le  meilleur  cœur  qu'il  y 
eût  au  monde  (E).  11  mourut  à 
Rouen  ,  le  ib  de  décembre  1689, 
âgé  d'environ  soixante-quatre 
ans  (c).  Il  a  témoigné  par  son 
testament  ,  qu'il  mourait  avec 
la  même  affection  pour  le  bien 
des  lettres  avec  laquelle  il  avait 
vécu  (F). 

(c)  Gazette  de  Paris  ,  du  2i  décembrt 
1689. 

(A)  II-  était  de  Rouen  ,  et  d'une  fa- 
mille très-illustre  dans  la  robe.}  Selon 
le  bel  éloge  que  M.  de  Beauval  lui  a 
consacré  dans  son  Histoire  des  Ou- 
vrages des  Savaus  (1) ,  il  était  fils  du 
doyen  de  la  cour  des  aides  ,  et  d'une 
fille  de  M.  Groulart ,  premier  prési- 
dent au  parlement  de  Normandie  ;  et 
il  comptait  parmi  ses  ancêtres  deux 
présidens  au  mortier ,  un  avocat  gé- 
néral, et  six  conseillers  au  parlementi 
Développons  un  peu  cela ,  selon  le  dé- 
tail que  M.  le  Laboureur  nous  fournit. 
Laurens  Bigot  ,  seigneur  de  Tiberme- 
nil,  était  avorat  général  au  parlement, 
lorsque  la  vill^  fut  prise  sur  ceux  de 
la  religion ,  l'an  i5Ô2.  Il  était  catbo- 
liquezélé,  et  il  contribua  de  toutes 
ses  forces  à  la  penderie  qui  se  fit  alors 
à  Rouen.  Les  historiens  huguenots  se 
sont  plaints  de  sa  rigueur.  Il  mourut, 
le  i3  de  juillet  \5no.  11  était  fils  d'Ati- 
toine  Bigot,  lieutenant  général  du 
bailli  de  Rouen  ,  et  il  fut  père  dllÉME- 
ry  Bigot  ,  seigneur  de  Tibermenil ,  qui 
fut  pourvu  en  survivance  de  la  charge 
de  son  père  ,  avec  dispense  d'âge  ,  par 
lettres  du  Ier.  novembre  i55i,  regis- 
trées  au  Parlement  le  21  août  i552,  et 

(1)  Au  mois  de  février  iOgo  ,pag.  266,  267 


BIGOT. 


433 


l'exerça  depuis  l'an  i5no  jusqu'en 
ïfJ^H ,  qu'il  fut  élevé  à  la  charge  de 
président  au  même  parlement-  Il  s'é- 
tait opposé  en  la  même  année  à  la  pro- 
position qni  fut  faite  aux  états  de 
Blois  ,  d'exclure  de  la  succession  à  la 
couronne  de  France,  le  roi  de  Navarre, 
comme  lla  remarqué  M.  de  Thou,  au 
Jivre  LX1II  de  son  Histoire.  On  a  im- 
primé plusieurs  de  ses  Lettres  avec 
celles  d'Etienne  fasquier  (2).  Il  ne 
laissa  point  d'enfans.Cel  te  famille  a  été 
continuée  par  Jean  et  Etienne  Bigot, 
frères  de  l'avocat  général.  Je  laisse  là 
les  descendans  du  Jean  Bigot  :  quant  à 
Etienne  ,  il  eut  douze  fils  et  six  filles. 
Laurens  Bigot  ,  sieur  de  la  Tur^ère  , 
l'un  de  ses  fils,  père  d'ÉTiEN.NE  Bigot, 
conseiller  en  la  cour  des  aides  de 
Rouen  ,  qui  transmit  sa  charge  à  Guil- 
laume Bigot,  son  tils ,  père  île  Guil- 
laume Bigot  ,  conseiller  au  parlement 
de  Rouen.  Jean  Bigot,  autre  fils  d  Ë- 
tienne ,  fut  lieutenant  du  bailli  de 
Rouen  ,  et  eut  pour  seul  héritier  Jean 
Bigot  ,  son  fils ,  sieur  de  Sommenil, 
conseiller  en  la  cour  des  aides  de 
Rouen,  qui,  dans  sa  riche  bibliothè- 
que, a  assemblé  les  vérités  en  oiiginal 
de  l'histoire  de  la  Province  de  Nor- 
mandie, et  qui  ,  de  Barbe  Groulart, 
sa  femme ,  fille  de  Claude  ,  premier 
président  au  parlement  de  Rouen,  a 
eu  dix-neuf  enfans,  entre  autres  Jean  , 
sieur  de  Sommenil,  conseiller  au  par- 
lement de  Normandie ,  Nicolas  ,  sieur 
de  Clettville,qui  a  succède  a  lu  charge 
de  son  père,  et  Hemery  Bigot  (3j,  qui 
est  le  sujet  de  cet  article. 

(B)  Il  augmenta  ...  la  bibliothèque 
que  monsieur  son  père  lui  avait  lais- 
sée.} J'ai  déjà  dit  (4)  quelque  chose 
touchant  cette  bibliothèque  de  M.  Bi- 
got le  père,  en  citant  M.  le  Laboureur: 
mais  voici  un  homme  qui  en  parle 
plus  amplement.  «  M.  Jean  Bigot  , 
»  écuver,  sieur  de  Sommeuil  (5)  et 
»  de  Cleuville ,  doyen  des  conseillers 
»  de  la  cour  des  aides  de  Normandie, 
m  a  une  grande  connaissance  des  bons 

(2)  L'épigramme  LX  an  livre  II  de  Pasquier 
est  adressée  ail  Edemericum  Bigolium  Tiber 
mt-muui  ,  iu  Senatu  Rotomagensi  président. 

('i)  Tiré  des  Additions  de  M.  le  Laboureur 
aux  Mémoires  de  Castelnau  ,  loin  I ,  pag.  884 
et  suiv. 

(41  Pars  la  remarque  précédente ,  vers  la  fin. 

(5)  IL  fallait  dire  Sommenil.  I. et  noms propres 
sont  étrangement  défigurés  dans  Us  livres  du 
p'eie  Jacob. 

T02IE   III. 


»  livres  ,  desquels  il  a  fait  une  magni- 
•»  tique  bibliothèque  ,  composée  de 
»  plus  de  6000  volumes,  entre  les- 
»  quels  il  y  a  plus  de  5oo  manuscrits 
»  très-bons  et  bien  rares  ,  lesquels  il 
>■>  communique  facilement  à  ceux  qui 
»  en  ont  besoin  pour  le  public,  en 
»  quoi  il  sera  à  jamais  louable  (G  .  » 

(Cj  II  n'a  publie  qu'un  livre.  ]  C'est 
la  fie  de  saint  Chrysostome.  compo- 
sée par  Palladius.  Ni  Fronton  du  Duc, 
ni  Henri  Savill ,  n'avaient  pu  venir  à 
bout  de  trouver  le  texte  grec  de  cet 
ouvrage  :  on  n'en  avait  qu'une  tra- 
duction latine  ,  composée  par  Am- 
broise  de  Camaldoli.  M.  Bigot  trouva 
le  grec  à  Florence,  dans  la  bibliothè- 
que du  grand -duc,  et  le  publia  à 
Paris,  l'an  1680.  H  y  joignit  la  nou- 
velle traduction  latine  qu'il  en  avait 
faite ,  et  quelques  autres  traités.  Le 
Journal  des  Savans  en  parla  dans  un 
assez  grand  détail;  mais  sans  rien  tou- 
cher  qui  concernât  urmLt.ttre  de  saint 
Chrysostome  *  au  moine  Césarius  (n). 
Consultez  les  journalistes  de  Hollande, 
qui  en  ont  parlé  souvent  (S).  Voici  de 
quelle  manière  ils  l'ont  fait  en  der- 
nier lieu  :  le  dessein  de  M.  Bigot  avait 
etè  de  joindre  à  la  Vie  de  saint  Chry- 
sostome rtpîlre  à  Ccsariits  ,  qu'il 
avait  déterrée  dans  une  bibliothèque 
de  Florence  ;  mais  elle  parut  si  for- 
melle contre  la  T"ranssubstanliation  , 
que  les  examinateurs  le  contraignirent 
a  la  supprimer  (9). 

(D)  Al.  Ménage...  était  de  ses  //lus 
intimes  amis.]  De  tous  les  endroits  du 

(6)  Le  père  Jacob,  dans  son  Traité  des  Bi- 
bliothèques, pag.  G81  ,   imprimé  l'an  1644. 

*  Dans  Ohaufepié  on  lit  des  détails  sur  la  sup- 
pression faite,  par  ordre  des  examinateurs,  de 
la  Lettre  de  saiiti  Chrysostome  uu  moine  Césa- 
rius. Cette  Lettre  parut  trop  formelle  contr"  le 
do^mc  de  la  transsubstantiation.  Chaufepié  est 
donc  ici  de  l'avis  adopté  par  Bavle  ;  mai*  Jolf 
soutient  qu  les  examinateurs  ue  regardèrent  pas 
comme  suffisantes  le*  preuves  sur  lesquelles  on 
s'appuyait  pour  attribuer  cette  pièce  à  saint  Cliri- 
sostome.  Jolj  s'appuie  sur  1rs  Mémoires  de  7V  - 
VOUX,  février  it  m.irs  1737,  ainsi  que  sur  Vffis* 
toire  générale  des  Ailleurs  sacrés  et  ecclésiastie* 
ques  parD.  Ceillier,  toni.  IX,  pa«.  a^ft. 

(7)  Journal  des  Savans  du  a5  mars  1680  ,  pag. 
io3  de  l'édition  d'  itnsterdam  :  voit,  r  trouvez 
cet  paroles  a  la  louange  de  fauteur  :  M.  Bigot, 
lameii^  par  -a  riche  bibliothèque  ,  et  qui  fait  de- 
puis loni;   temps   l'honneur   les  Lettres  a  Knuen. 

(8)  Nouvelles  de  la  République  les  Lettres  , 
juin  l685  ,  art  fil  ,  pag.  6o5:  filin  1686 ,  ,1,1. 
VII,  pag.  685  et  ailleurs. 

9)  Ili-toire  des  Ouvrages  ùes  Savani  ,  février 
iCg»  ,  pag.  ïC". 

28 


434 


BIGOT. 


Ménagiana  où  il  est  parlé  de  M.  Bigot, 
je  ne  copie  que  celui  de  là  page  75. 
«  Si  j'étais  à  l'âge  de  quarante  ans  , 
»  je  pleurerais  amèrement  la  mort  de 
»  M.  Bigot;  mais  je  suis  tellement  ac- 
v  cable  de  mes  maux,  que  je  ne  suis 
•»  plus  capable  d'être  sensible  aux 
)>  maux  étrangers.  Je  suis  aussi  mal- 
33  heureux  que  Priam,  qui  survécut 
»  à  tous  les  siens.  11  y  a  trente-cinq 
»  ans,  que  M.  Bigot  logeait  chez  moi 
»  toutes  les  fois  qu'il  venait  de  Rouen 
33  à  Paris,  sans  que  nous  ayons  jamais 
»  eu  le  moindre  différent  Pua  avec 
»  l'autre.  Il  était  singulier  en  une 
»  chose  :  comme  il  parlait  peu  ,  il  ne 
»  me  disait  jamais  rien  de  ce  qu'il 
)>  avait  dessein  de  faire,  nonobstant 
>.  la  familiarité  qui  était  entre  nous  5 
»  jusque-là  que ,  lorsqu'il  fit  le  voyage 
m  de  home  .  il  ne  m'en  dit  rien  qu'un 
«  jour  ou  deux  avant  de  partir.  Lors- 
•»  qu'il  prit  congé  de  moi,  il  me  de- 
»  manda  seulement  si  je  n'avais  rien 
»  à  lui  commander.  Je  perds  beau- 
»  coup  à  sa  mort.  Il  m'avait  écrit ,  il 
»  n'y  avait  pas  long-temps ,  qu'il  al- 
j»  lait  lire  tous  les  anciens  poètes  gau- 
3)  lois  pour  l'amour  de  moi ,  et  qu'il 
»  me  ferait  part  de  tout  ce  qu'iLtrou- 
»  verait  de  propre  pour  mes  Origines 
■»  de  la  langue  française.  La  biblio 
3)  théque  qu'il  a  laissée  vaut  au  moins 
-,>  quarante  mille  francs.  11  avait  une 
»  grande  littérature,  et  les  savans 
3)  de  Hollande  attendaient  ses  lettres 
d  comme  des  décisions  sur  les  diffi- 
33  cultes  qu'ils  lui  proposaient.»  C'est 
une  très-belle  amitié,  que  celle  qui  a 
duré  si  longtemps ,  sans  aucune  in- 
terruption ,  entre  ces  deux  hommes 
illustres.  Celui  qui  a  dit  que  ces  sortes 
d'amitiés  sont  heureuses  (  10  )   aurait 


pu  dire  avec  autant  de  raison  qu'elles 
étaient  rares.  M.  Ménage 
M.  Bigot  son  Anti-Baillet. 


qu  elles 
dédié  à 


(E)  C'était  le  meilleur  cœur  qu'il  y 
tût  au  monde.  ]  Je  ne  saurais  mieux 
commenter  ce  texte,  que  par  les  pa- 
roles de  M.  de  Beauval.  Jamais,  dit  il 
(11),  l'on  ne  fut  un  plus    sincère  ni 

(10)  Felices  ter  el  amplius 

Quas  irrupta  lenel  copula.  :  nec  malis 
Oivulsus  querimoniis  , 
Supremd  citius  solvel  amor  die. 
Horat.  ,  Od.  XIII  ,  lib.  I.  L'e'pilhète   rari  ne 

ferait   pas    un    sens    moins  vrai   que  l'épithèle 

l'elices. 

(11)  Histoire  des  Ouvrages  des  Savans  ,  février 
i6yo  ,  pag.  267. 


plus  fidèle  ami ,  el  il  avouait  lui-même 
que  c'était  la  louange  qui  le  touchait 
davantage.  Il  était  d'une  probité  peu 
commune  dans  ce  siècle  malheureux , 
et  tellement  ennemi  du  faste  ,  que  sa 
modestie  allait  jusqu'à  ta  simplicité 
dans  ses  ?nœurs.  Son  humeur  pacifique 
et  tranquille  le  rendait  incapable  des 
éclats  et  des  querelles,  que  la  jalousie 
cause  parmi  les  gens  de  lettres. 

(F)//  a  témoigné  par  son  testament, 
qu'il  mourait  avec  la  même  affection 
pour  les  lettres  avec  laquelle  il  avait 
vécu.~\  «  Il  a  substitué  sa  bibliotbéque 
3>  à  sa  famille  ,  pour  en  éviter  le  par- 
»  tage ,  et  il  en  a  confié  le  soin  à 
»  M.  Bigot  de  Monville  ,  conseiller  au 
3>  parlement  de  Paris ,  avec  un  legs 
»  considérable  pour  la  grossir  et 
»  l'augmenter  tous  les  ans  (12).  33 

(12)  Là  même. 

BIGOT  (Guillaume)  ,  natif 
de  Laval  au  pays  du  Maine  (a) , 
médecin  et  philosophe  ,  a  été  un 
savant  homme  ,  sous  le  règne  de 
François  Ier.  On  a  cru  que  le 
docte  Pierre  Castellan  conçut 
quelque  jalousie  contre  lui,  et 
que  par  la  crainte  de  souffrir 
éclipse,  il  l'empêcha  d'avoir  accès 
auprès  du  roi.  D'autres  disent 
que  ce  fut  une  calomnie ,  à  la- 
quelle Mélanchthon  ajouta  foi 
trop  légèrement  (A).  Il  est  sûr 
que  le  moyen  dont  on  prétend 
que  Castellan  se  servit  pour  ren- 
dre odieux  Guillaume  Bigot  à 
leur  commun  maître,  a  très-peu 
de  vraisemblance  (B).  Le  conte  , 
qui  en  a  été  inséré  dans  le  Mé- 
nagiana, n'est  point  exact  (C). 
Bigot  devait  être  un  grand 
philosophe  ,  puisqu'il  a  été  fort 
loué  par  Jules -César  Scaliger 
(b).  Il  publia  quelques  traités, 
les  uns  en  vers  ,  les  autres  en  pro- 
se (D).  On  se  trompe  ,  quand  oit 
dit  que  Calvin    lui    reprocha  la 

(a)  La  Croix,  du  Maine,  pag.  i'.\i. 
<!>  i   Voyez  la  remarque  (D) ,  à  la  fit: 


BIGOT.  435 

détention  de  la   vérité  en  injus-  faire  :  il  faut  montrer  ce  que Melanch- 

tice  (E).    Bongars   n'avait  point  !l,".'n  poM»3»**  ce  qui  fut  dit  contre 

i        j            •         r     "il  Melancuthon    sur  ce  suiet    Voici   Ip« 

oui  parler  de   notre    Guillaume  ___„iM   ,i ,  «..     o(  fi    J      /,          ts 

t,.      t                ,                    ,                    ,..  paroles    do  âleianchtlion  :  Duo   sunt 

Bigot  ;   car  dans  une  lettre  qu  il  in  Gallid  viri  excellenter  docti ,  Cas- 

écrivit  le   t>  d'août  iôgô,   il  de-  teUanus  et  Bigotius.  Et  quia  Castel- 

mande  qu'on  lui  apprenne  quel  lfm  disputaiiànes  crebrù  à  Rege  au- 

,                   *■.  ,           .^.   x  A                   *,  Uiuntur ,   liortiitur  auisniam  r-r     r,m 

homme  c'était  (F).  ceribus  m  Ri~o,,,Tj            iP  °~ 

.               v    J                      .  cet  tous    UL   Uigolius    etiam    audialur. 

J  ai  bien  des  choses  curieuses  Interrogat  rex  m  qun  doctrinœ  génère 

à  ajouter    à    cet   article.    Notre  versetur.  Cùmque alii  honorificn testi- 

Guillaume    BiSot    était   fils    de  ^ia  eum  ornarent ,  tandem  Castel 

1             r>                  .     -i                •»  laïuis,  qui  augert  ejus  opinionem  nole- 

Jean    Bigot,  et  il   naquit  vers  bal    ,,,/»„,„//;„, «    n«,\S        «««««e 

'  .  .  .1  "<">  inieipeitans  ,  \/uid  ,  inquii  ,  l un- 
is, hn  du  mois  de  juin  i5o2;  toperè  prœdicatis  ?  Est  Aristotelicus. 
car  il  dit  dans  une  lettre,  datée  Rex  interrogat  qualissii  en  descriptio' 
de  Bâle  le  27  de  décembre  1 536,  r^am'  "!<?""  ÇasteUanus.  Anstateles 
mi'il  sortit  dp  FrinrP  W  dp  *."ç'r>*f*T'*v.  adjïrmat  meliorem  sta- 
quil  sortit  de  1  rance  âge  de  tum  esse  quant  regnum.  Hoc  voce  apud 
Vingt-huit  ans,  et  qu  il  y  a  déjà  regem  sciebat  se  omnem  auctoritatem 
six  ans  et  demi  qu'il  est  exilé  de  eiAristotetiet  ejus  studiosis  detraxis- 
sa  patrie.  Il  avait   donc  trente-  se-  .Cùm<Iu*  rf*  interrogarei  an  hoc 

r.  „  .  1  11  scnpseril  Ai naaleles ,  et  céleri  id  ad- 
quatre  ans  et  demi ,  quand  il  jirmarent  ?  audivissètque  defendere 
écrivit  cette  lettre.  //  jr  a  peu  Bigotium  Aristotelicus  sententias  de- 
d'auteurs  qui  se  plaignent  tant  hrare  Arisiotelem  inquit ,  et  negavit 
de  leurs  ennemis,  que  fait  ce  **  defe™°rem  harum  ineptiarum  au- 
7  .j           7         ,                *        J  dilurum  esse,  taede  vicit  Castellanus 


* .  ,  j  •  ■  /->  •  quendam  m  vicis  et  quadriviis  profi 
nies  de  ses  adversaires.  Ce  qui  tente  ltu  prwaUm  et  publiée  latessOus 
l  a  obligé  de  nous  apprendre  convitiisque  appetitus  fierai ,  et  sain- 
bien  des  particularités  de  sa  vie  to  apud  exteros  traduelus,  ut  mérité 
(G)  ,  dont  même  quel, nus-unes  "'/"  °àioprosequi  poste  vukretur. 
4      tJV        t       '.'  J    n  Carnet    PhUippum    M  clan,  hthonem 

se  sentent  de  l  ingénuité  de  Car-  cabumniis  ita  dix  infestant  reddiderat 

dan  (c)  ,  tant  elles  sont  peu  judi-  ut  is  nimiùm  credului  et  facilis  ea  de 
cieusemenl  débitées  (d).  11  nous  V*0  scriberet  quee  nos,  propter  pu- 
fait  savoir ,  entre  autres  choses ,  btlcam  "™<™,nonsine gemitu  légère 

1  .    j  c  ri  poicramus.  JVempe  Lasiellanum  ex  eo 

que    le  galant  de  sa  femme  lut  calumnùuomm Le  génère  qui,  7ntl 

châtie     tout     comme     Abélard.  did concitali ,  menduciis  conjictis  bo- 

Voyez    ci-  dessous  la    remarque  '""  causas  apud  rt^a,  oppugnarent  et 

(j      e^#  détériores  redderenl.  Argumenta   esse 

Bigotium,  quem  Ule  philosophai  Am- 
ies   remarques    de    l'article  tolelicd prœstantem,  ni-  sibi  et  sua-  gru 


(c)    Voyez     . 
CabOAS  ,   et  particulièrement  la    remarque 

d     >~0j-e-  ci-dessous  citation  ^i.i 
.e   Entre  les  citations  j3    et    1  | 

(A)  On  a  dit  que  Castellan...  l'eni- 


tiœ  obesset,  eum  odiosum  régi  reddere 
meditaretur.  Arisiotelem,  quod  lau- 
duto  paucorum  et  populi  principalu 
unius  iniperium  ùnprobdsset,  apud 
regem  graviter  criminatusesset.  Quod 
trdum  ciun  esset  vanissitnum ,  et  aCas- 


ha  d  avoir  accès  auprès  du   roi...;  tellano  Arisiotelem  amante  et   adnii- 

et  que  ce  fut  une  calomnie  ,  a  laquelle  rante  alieniisimum,  ne,  minus  imi  ,■■ 

Mrlanchthon  ajouta    loi  trop  légère-       ,,,M.  „,,, 

ment.  J    JNous    avons  deux  choses  a  rum  Colonieasc  i  1543. 


436 

a  Bigotio  corifictum  quant  a  Melanch- 
ihone  leviter  litleris  mandalum  ,  Bigo- 
tiumtamenposteà  ingratiam  receptum 
régi  commendavil ,  atque  illi  quœ  a 
rege  petebat  apud  Wemausenses  im- 
pétrant (2).  On  voit  dans  ces  paroles, 
!°.queBigot,  à  l'imitation  des  anciens 
sophistes,  et  nommément  de  Gorgias, 
déclamait  et  faisait  leçon  à  tout  bout 
de  champ  ;  a0,  qu'il  avait  médit  de 
Castellanus,  et  en  particulier,  et  en 
public  ;  3°.  qu'il  fit  sa  paix  avec  Cas- 
tellanus ,  et  qu'à  la  recommandation 
de  cet  ennemi  re'concilié  ,  il  obtint  de 
François  1er. ,  ce  qu'il  souhaitait  d'a- 
voir à  Nîmes. 

(B)  Le  moyen  ,  dont  on  prétend  que 
Castellanseservitpour  nuire  a  Bigot..., 
a  très-peu  de  vraisemblance.'}  Je  ne  ré- 


BIGOT. 

quent  point  la  politique  ;  et  l'on  se  se- 
rait rendu  ridicule  en  ce  temps-là  ,  si 
l'on  avait  dit ,  je  m'en  vais  vous  expli- 
quer ce  que  c'est  qu'un  philosophe 
aristotélicien  :  c'est  un  homme ,  qui 
préfère  les  républiques  aux  monarchies. 
4°.  Il  est  très-certain  que  François  Ier. 
se  rendit  le  protecteur  d'Aristote  con- 
tre Ramus.  L'historien  de  Castellan 
conte  que  ce  priuce  pensa  condamner 
aux  galères  ce  rebelle  d'Aristote  (3). 
On  a  donc  quelque  sujet  de  penser  que 
Mélanchthon  ne  rapporta  pas  la  chose 
comme  il  fallait.  On  l'avait  mal  infor- 
mé :  il  s'était  laissé  prévenir  sans  en- 
tendre les  deux  parties.  Cependant  ses 
paroles  ont  porté  coup  :  je  ne  vois  per- 
sonne qui  parle  de  notre  Bigot,  sans 
donner  pour  un   fait  certain   ce  que 


péterai  point  les  remarques  de  Pierre    Mélanchthon  en  a  publié;  tant  l'étoil 

Galand  contre  le  narré  de  Mélanch-     : 

thon  :  j'en  ferai  qu'il  n'a  point  faites. 

x°.  Il  n'est  nullement   vraisemblable 

que  François  Ie'".  ait  demandé  ce  que 

c'était  qu'un  philosophe  aristotélicien. 

il  avait  trop  de  lumières  ;  et  il  se  fai- 
sait trop  exactement  rendre  compte 

de  l'état  où  était  l'université  de  Paris; 

en  un  mot,  il  avait  eu  trop  souvint 

des  conversations  avec  des  personnes 

doctes,  pour  ignorer  le  nom   d'Aris- 
tote, et  ce  que  c'était  qu'un  sectateur 

d'Aristote.  La   demande    qu'on  veut 

qu'il  ait    faite  serait  vraisemblable, 

nonobstant  l'érudition  de  ce  prince, 

si  c'eût  été  une  chose  rare  et  nouvelle 
en  France,  que  d'être  péripatéticien; 
mais  comme  il  n'y  avait  presque  per- 
sonne dans  les  chaires  de  philosophie, 
qui  ne  fît  profession  ouverte  de  suivre 
Aristote,  rien  n'est  plus  contraire  aux 
apparences,  que  de  supposer  que  ce 
prince  fut  si  étourdi  d'une  idée  de 
nouveauté  à  l'ouïe  de  philosophe  aris- 
totélicien ,  qu'il  voulut  tout  aussitôt 
qu'on  lui  expliquât  ces  termes.  20.  La 
prospérité  où  était  alors  la  secte  péri- 
patéticienne ,  et  le  respect  infini  qu'on 
portait  à  Aristote  ,  ne  permettent  pas 
de  croire  que  Castellanus  ait  cru  pou- 
voir nuire  à  la  gloire  d'un  rival,  en 
le  traitant  de  péripatéticien.  C'eût  été 
prendre  une  fausse  route,  pour  affai- 
blir les  éloges  qu'il  entendait  donner  à 
Bigot  en  présence  de  François  Ier. 
3°.  Les  professeurs  en  philosophie 
dans  les  universités  de  France  n'expli- 


(2)  Petru»  Gallandius  ,  in  Vit»  Pétri  Caslel- 
hsi,  num.  74i  PaS-  lio  1  *?*? 


de  certains  hommes  a  de  force  pour 
immortaliser  un  conte,  quel  qu'il  soil, 
vrai  ou  faux  ,  conforme  ou  contraire 
aux  apparences  ! 

Naudé  était  dans  Terreur  commune  : 
car  voici  ce  qu'il  a  dit  :  Entre  les  sa- 
vans  que  François  Ie'".  tira  à  sa  suite 
par  les  chaînons  de  sa  libéralité ,.... 
on  n'eut  pas  manqué  de  voir  Erasme , 
s'il  eût  voulu  accepter  la  principauté 
de  son  collège  royal ,  ou  une  chanoi- 
me  de  quinze  cents  livres  de  revenu  , 
qu'il  lui  offrit  plusieurs  Jnis(*')j  et  pa- 
reillement Guillaume  Bigot ,  qui  était 
le  premier  philosophe  de  son  temps , 
si  son  grand  aumônier ,  l  évéque  de 
Maçon ,  ne  l'eût  diverti  de  la  volonté 
qu'il  avait  de  i approcher  auprès  de  sa 
personne  (*2)  ,  afin  de  n'avoir  un  si 
docte  censeur  des  discours  qu'il Jaisaiî 
tous  les  jours  à  sa  table  (4). 

(C)  Le  conte  ,  qu'on  en  a  inséré  dans 
le  Ménagiana  ,  n'est  pointexact.~\  Voici 
ce  conte.  «  Petrus  Gallandius  avait 
»  des  envieux,  et  cesenvieux  voulaient 
»  faire  venir  de  Normandie  un  nomme 
»  Bigot ,  grand  philosophe  aristotéli- 
»  cien ,  pour  le  supplanter  par  son 
»  moyen.  François  1er. ,  à  qui  l'on  en 
)>  avait  parlé,  demanda  à  Petrus  Castel- 
))  lanus  quel  homme  c'était.  Petrus 
»  Castellanus  répondit  que    c'était  un 

(3)  Galland.  Vita  Castellani  ,  num.  45, 
pag.  -5. 

(*')  Erasmi  Epist.  ad  Cliristop.  Messiam  ; 
item  ad  <  jodenium  ,  item  ad  Jo.inueui  ftond. 

(*2)  Riclher.,  in  Axiomat.   Polit. 

(  ',)  Naudé  ,  Addit.  à  l'Histoire  de  Louis  XI , 
pag.  36ç),   370. 


BIGOT.  437 

»  philosophe  qui  suivait  les  sentiraens    valensis,  Cliristianœ  PhilosophiœPrœ- 
»  d'Aristote.  Et  quels  sont  les  senti-    ludium,  Opus  cum  aliorum  tum  homi- 
m  mens  d'Aristote?  ajoutaFrançoisl".    nis  suhstantinm  lurulentis  er  promens 
»  Sire,    repartit   Petrus   Castellanus,     rationibus  ;  Tolosœ  ,  4  >  apud  Guido- 
»  Aristole  préfère   les   républiques    h     ueiu   Boudevilleum ,    i5^9    (9).    C'est 
»  l'état  monarchique.  Cela  ht  une  telle    apparemment  à   ce  dernier  livre  que 
»  impression    sur    l'esprit    de    Fran-    Jules-César  Scaliger  avait  égard  ,  lors- 
»  cois  1er. ,   qu'il   ne  voulut   plus   en-    qu'il  disait  :  Sic  videmus  êjusdem  rei 
»  tendre  parler  de  ce  M.   Bigot.  Ainsi    diversas  esse  noliones  :  quas  barbare 
»  Petrus  Castellanus    servit   son   ami    quidein  barbaris  ,  sed  non  inscilè  apud 
»  fort  adroitement  (5).  »  J'aurais  quel-    dociosformalitatesappellabamus.Hœc 
ques  objections  à  faire  contre  ce  Eecit.    quidem    risui   sunt  atqne  contemptuï 
i°.  Notre  Guillaume  Bigot  n'était  point    novis  Lucianis  alquc  Diagoris  culina- 
Normand  ,    mais    Manceau.    2°.   Son     riis  :  sed  non  neglecta  sunt  a  niaximo 
habileté    dans    le    péripatétisme    n'é-    philosopha  Gulielmo  Bigotio,  qui  qui- 
tait  point  propre  à  supplanter  Pierre    dem  penè  solus  hoc  summum  jus  hodiè 
Galand   ,      qui    n'enseignait    que    les     tuetur  in  reconditd  philosophid  (10). 
belles  lettres.    3°.    Mélanchthon ,   qui         (E)  On  se  trompe,  en  disant  que  Cal- 
doit  passer  pour  l'écrivain  authentique     vin  lui  reprocha  ta  détention  de  la  vé- 
quant  à   ce  fait,  puisque  ce  n'est  que    rite en  injustice.']  Voici  ce  qu'on  trouve 
par   lui  que  l'on  l'a  su  ,  ne  dit   point    dans  les  Notes  d'un  très  savant  homme 
qu'il  fût  question  de  supplanter  quel-     sur  la  Vie  de  Caslellan.  Ad  quem  (Bi- 
que professeur  de   Paris  :  il  dit  qu'on     gotinm)  exlat  epislola  Joannis  Càlvi- 


ni,  data  IF  liai.  Januarii  MDLf^lI, 
in  quii  eum  increpat  quôd  à  supersii- 
tionibus  ,  '  id  est  a  projessione  fidei 
romanœ  non  recederct.  Cette  lettre  de 


que  p 

voulait  introduire  Bigot  auprès  de 
François  Ier. ,  a  tin  que  ce  monavque  , 
qui  avait  oui  tant,  discourir  Pierre 
Castellanus,  entendît  aussi  les  discours 
de  ce  Guillaume  Bigot.  Remarquez  Calvin  est  la  CCXLVI  (11)  :  elle  est 
bien,  que  lors  même  que  le  seul  et  écrite  à  un  Pierre  Bigot,  qui  ne  don- 
unique  auteur  qui  parle  de  quelque  nait  pas  gloire  à  Dieu  par  la  profession 
fait ,  s'abuse,  on  ne  peut  altérer  sa  nar-  de  la  vérité.  Calvin  avait  autrefois  lo- 
ration  sans  un  nouvel  égarement,  gé  avec  lui.  L'adversaire  de  Castellan 
J'excepte  les  cas  où  l'on  se  fonde  sur  la  s'appelait  Guillaume  Bigot  :  il  n'est 
véritable  découverte  du  fait.  4°-  Nous    donc  point  celui  à  qui  Calvin  écrivit. 

apprenons  de  la   vie  de  Castellanus,         (F)  Bongars demanda  qu'on  lui 

qu'à  sa  recommandation  François  1er.    apprit  quel  homme  c'était.']  11  demanda 

accorda  à  ce  Bigot  une  chose  qu'il  de-    cela  ,  après  avoir  lu  la  lettre  que  Joa- 

mundait.   Comment   donc    a-t-on    pu    ehim    Camerarius  avait    écrite    à    ce 

dire  que  ce  prince  ne  voulut  plus  en-    Guillaume  Bigot.  Elle   est  à   la  fin  du 

tendre  parler  de  ce  AI.  Bigot?  [IIe,  livre  du  11e.  tome  des  Lettres  de 

(D)  Il  publia   quelques  Traites,  les    ce  Joachim.  Slibarus  quis  fueril,  nisi 

uns  envers  ,  les  autres  en  prose.]    Ou    molestum  est,  explica,  et  quis  Vilel- 

imprima  quelques-uns  de  ses  vers  fran-    mus  Bigotius  Gallus,  ad  quem  exlat 

çais  ,  avec   les  poésies  de   Charles    de    Epislola  sub  finem  tertii  libri  (12). 

Sainte- RI arlhe  ,    oncle  de  Scévole  (6).         (ty  J^es  disputes  qu'il  a  eues...  l'ont 

Gesner  parle  d'un  Becueil  de  Poésies    obligé  de  nous  apprendre  bien  des  par- 

Guliclmi  Bigoiii  Lavallensis ,  imprimé     ticularités  de  sa  vie.  ]  «  A  peine  avait- 

à  Baie  ,  l'an  i536  (7).  lly  a  sept  ans  ,     »  il  un  an  ,  que  sa  nourrice  mourut  de 

ajonle-t-il,  que  j'ai  vu  l'auteur  à  Bdle.     „  peste.  Notez  en  passant,  qu'il  avait. 

Entre  autres  pièces  ,  il  y  avait  dans  ce     „  fallu  [ui  chercher  une  nourrice  aux 

Becueil,  Catoptron  ad  emendationem    „  champs,  aucune  femme  de  la  ville 

juventutis  J'actum  Carmen,  Epilhala- 

mium  quoddam  ,  et  epigramma  in  em- 

piricum  ;8).  Du  Verdier  Vau-Privas  a 

donné  ce  titre,  Gulielmi  Bigotii ,  La- 

[5)  Méoagiana  ,  pai;.  \^-. 

[6)  La  Croix  du  Maine,  pig.  i^i. 
(-)  Gesuer.  ,  in  Biblioth   ,  folio  287. 
[S)  llnd. 


>    ne  le  voulant  élever,  parce  qu'il  était 
né  avec  deux  dents.   La  mort  de  sa 

(ci)  In  Supplemrnto  Fpilomcs  Oesnerian*. 

(io  foL-Oeur.  Scal'ig. ,  Exercit.  CCCYII, 
nutn.  i5,  /'«s'-  g46,ad  Cirdanum. 

(ti)  In  ednwne  III ,  Hanov.  ,  ann.  i5$7. 

(iï)  Bongars.  ,  Epist.  CXXX  aj  Camerar.. 
f.-r-;.  433  >  *dit,  II<ij  ,  ann.  iCiuS. 


433 


BIGOT. 


»  nourrice,  précédée  de  celle  de  Ireize 
3J  antres  personnes  de  la  même  maison, 
»  fut  le  commencement  des  malheurs 
3>  de  notre  Bigot.  Aucun  des  voisins  ne 
»  voulut  s'en  charger,  pas  même  en 
3)  avertir  ses  parens  :  eh  un  mot  , 
»  on  l'exposa  sans  pitié  auprès  d'une 
a  haie,  sur  le  bord  d'un  grand  che- 
»  min.  Son  père,  que  d'autres  affaires 
»  particulières  avaient  appelé  de  ce 
»  côté-là,  le  trouva  en  cet  état.  De- 
y>  venu  plus  grand,  son  éducation  fut 
î>  confiée  à  des  gens  qui  n'en  eurent 
j>  pas  tout  le  soin  nécessaire  :  aussi  à 
»  peine  put-il  se  soustraire  à  leur  dis- 
3>  cipline,  qu'il  se  jeta  dans  la  débauche. 
»  S'étant  attiré  une  mauvaise  affaire  à 
j>  Angers,  il  fallut  se  retirer  à  la  cam- 
>>  pagne.  Celle  retraite  ne  lui  servit 
»  pas  peu  :  elle  le  remit  dans  le  goût 
»  de  l'élude;  il  s'appliqua  au  grec, 
»  qu'il  apprit  sans  maître  et  en  peu 
3>  de  temps.  Toutes  les  autres  sciences 
3)  ne  lui  contèrent  pas  davantage  :  il 
»  avoue  qu'il  ne  devait  à  ses  premiers 
3>  maîtres  qu'un  peu  de  latin  ;  et ,  pour 
3>  la  philosophie,  astronomie,  astrolo- 
v  gie  ,  médecine,  etc. ,  il  fut  o.ùto£i- 
j;  «TautToç.  Après  avoir  passé  quelque 
3>  temps  dans  cette  retraite,  il  résolut 
3>  de  passer  en  Allemagne  ,  pour  être 
3)  plus  en  liberté.  Il  fit  ce  voyage  avec 
3>  M.  du  Bellai  de  Langey  ,  que  le  roi 
3>  envoyait  auprès  des  princes  alle- 
3>  mands  ,  pour  les  informer  des  droits 
3)  de  sa  majesté;  laquelle  négociation 
»  se  faisait  secrètement  :  et  M.  de 
3)  Langey  ne  devait  paraître  dans 
3>  toutes  ces  cours  que  sous  l'habit 
3)  d'un  marchand  de  pierreries.  Notre 
j)  Bigot  vint  à  Tubinge,  el  y  fut  reçu 
»  professeur  en  philosophie.  S'étant 
3>  brouillé  avec  les  autres  suppôts  de 
5)  cette  université,  pour  avoir  voulu 
..  réfuter  le  système  philosophique  de 
3>  Mélanchthon,  il  lut  obligé  de  quitter 
3»  la  partie,  et  de  s'en  venir  à  Bille  , 
3>  en  1 536 ,  où  il  resta  quelque  temps. 
3>  Enfin ,  il  revint  en  France,  et  trouva 
)>  un  asile  assuré  chez  MM.  du  Bellai  ses 
3)  Mécènes.  Budé  voulut  le  retenir  ;'i 
j)  Paris ,  et  lui  faire  donner  slipendium 
3)  regium  philnsophi  ;  mais  Castellan 
s;  l'empêcha.  Voici  comme  parle  de 
;>  cette  affaire  un  Guillelmus  Figulus 
3>  Avenerus ,  qui  a  fait  des  notes  sur 
3>  un  poème  de  Bigot  à  Jésus-Christ  , 

»  dont  je  vous  parlerai  ci-après.  Bu- Denique. 

»  dœus  .     Bit/Otlunt  ,    è    Gerniarild    re-  Invilo  invita  est  mihi  clausa  Luletia  fatis- 


o  gressum,  rogai'U  slipendium  regium 
philosophi  prœferret  aulœ ,  quant 
sequi  parabat  :  quo  de  Bigotius  vi~ 
cissim  egit  cum  cardinale  Bellaic> 
Mecœnatesuo,  id  utferret;  sed  longé 
ûberat  ab  illo  sibi  desiderata  scopo 
Bigotius  ,  cum  id  apud  Franciscunt 
regem  tacitd  invidiâ  et  oblrectationc 
quidam  aulicus  interrupisset ,  non 
obscuriorecertè  Academiœ  Parisien- 
sis  quant  Bigotii  damno.  Qui  sit  au- 
tem  is  ,  in  responsione  Melanchlho- 
nis  ad  Colonienses  im-enies  :  idnunc 
Bigotius  insinuât ,  et  idquidem  miris 
Jalis,cumeoini>itoeainvilaclaudatar 
(i3j.  Etait-ce  d'une  place  de  profes- 
seur royal  en  philosophie,  dont  il 
s'agissait?  Quoi  qu'il  en  soit,  l'affaire 
ayant  manqué  ,  Bigot  songea  à  d'au- 
tres emplois.  On  lui  offrit  une  chaire 
dans  l'université  de  Padoue ,  avec 
de  bons  appointemens  :  il  la  refusa, 
et  aima  mieux  s'en  aller  à  Nîmes, 
où  il  était  appelé  ,  pour  remettre  sur 
pied  l'université  qu'un  nommé  Ba- 
duellus  y  avait  commencée.  Le  zèle , 
qu'il  témoigna  à  défendre  les  pré- 
tendus privilèges  de  cette  aradémie, 
lui  attira  plusieurs  ennemis,  qui 
rappelèrent  Baduellus.  Ce  fut  alors 
une  espèce  de  guerre  entre  les  deux 
maîtres  et  leurs  écoliers.  Bigot  eut 
quelques  arrêts  du  parlement  de 
Toulouse,  qui  confirmèrent  les  con- 
ventions qu'il  avait  faites  avec  la 
ville.  Il  vint  même  à  Paris;  et,  par 
le  moyeu  de  Ses  amis ,  particulière- 
ment du  cardinal  du  Bellai,  il  ob- 
tint quelques  lettres  du  roi,  et  d'au- 
tres personnes  de  la  cour  ,  adressées 
au  gouverneur  et  aux  premiers  de 
la  ville  de  Nîmes  :  mais  pensant 
venir  jouir  d'une  tranquillité  assurée 
dans  cette  ville ,  et  pour  cet  effet 
ayant  vendu  ce  qu'il  pouvait  avoir 
de  patrimoine  à  Laval ,  il  vint  pas- 
ser à  Toulouse ,  où  il  apprit  bien 
d'autres  affaires.  Sa  femme  de  qui  il 
avait  déjà  eu  deux  filles,  ne  lui 
ayant  point  gardé  la  foi  conjugale, 
et  s'étant  laissée  aller  aux  caresses 
d'un  certain  sien  compère ,  joueur 
d'instrumens  ,  qui  demeurait  dans 
la  maison  de  Bigot ,  il  arriva  que 
l'adultère,  nommé  Pefrus  Fontanus, 
se  trouva  puni  de  la  même  manière 

'\  <,)  Guil.  Figulus  in  liaec  Bigotii  verba. 


BÎLLAUT. 


43g 


qu'Abélard  le  fut  :  en  un  mot ,  qu'il 
»  perdit  les  vrais  témoins  de  sa  viri- 
»  lité  ;  mais  ce  qui  augmenta  encore 
»  le  malheur  de  notre  pauvre  époux, 
')  fut  qu'on   sut  que  le  principal  ac- 
»  teur  de  cetlè  tragédie  était  un  nom- 
»  mé  Antonius  Verdanus,  ancien  valet 
»  de  Bigot.  Il   n'en  fallut  pas  davan- 
»  tage  aux  ennemis  de  Bigot ,  et  l'oc- 
1  casion  leur  parut  trop  belle  d'inten- 
»  ter  de  mauvaises  affaires  à  leur  ad- 
»  versaire,  pour  la  manquer.  Sa  femme 
»  fut  enlevée.  On  l'accusa  du  crime  de 
>»  mutilation  ,    auquel   on    en  joignit 
»  plusieurs  autres,  qui    tous   ne   de- 
»  mandaient  que  sa  tète.  11  se  consti- 
»  tua  prisonnier  assez  imprudemment, 
»  et   y    resta   long-temps    :    il    pensa 
»  même  n'en  sortir ,   que  pour  finir 
»  malheureusement  sa  vie  sur  unécha- 
»  faud  ,  tant  était  grand  le  pouvoir  de 
»  ses  ennemis,  et  tant   ils  donnaient 
»  de  mauvais  tours  à  toutes  ses  actions. 
»  Enûn  les  grands  jours  qui  se  tinrent 
a  à  Poy  en  Vêla  y  le  tirèrent  bien  de  la 
»  prison,  mais  non  pas  de  la  misère  où 
»  l'avait  réduit  cette  affaire,  qui  même 
m  n'était  pas  encore  finie  quant  au  ci- 
»  vil  en    i549,  quand  il  fit  imprimer 
»  son  Christïanœ  Philosophiez  Prœlu- 
»  dium.  Lassé  de  tant  d'attaques,  il  dit 
»  en  plusieurs  endroits  de  ce  livre, 
»  que    les    astres    lui   promettent   de 
j>  mourir  vers  le  nord,  et  hors  de  sa 
»  patrie  ;  qu'ainsi,  il  souhaite  pouvoir 
)>  èlre  en  état  de  se  retirer   de  cette 
»  terre  ingrate,   et  d'aller  mourir   à 
»  Metz.  C'est  là  sa  ville  favorite  :  il  n'a 
)>  pu  s'empêcher  de  lui  adresser  plu- 
>>  sieurs  vers  dans  son  poème  à  Jesus- 
»  Christ,  et   de  la   prier  de  ne  pas  le 
»  rejeter  un  jour.  Tout  ceci  est  pris  en 
partie  d'une  épître  apologétique,  et 
■»  d'une  autre  épître  antilogique ,  etc. 
j)  L'épître  apologétique  se  trouve  dans 
»  un  recueil,  de  l'édition  duquel  vous 
»  n'avez  pas  parlé  :  le  voici ,  Guillel- 
i>  mi  Bigolii,   Lwallensis ,  S  omnium 
»  n,I  Cruillelinum  Bellaium  Langceum, 
>>  Mecœnatem  suum  ,  in  quo  cùm  alia 
;>  titnt   Imperaloris  Caroli   descnbitur 
»  au  regno  Galtiœ  depulsio .  Jijusdem 
■»  eicplanatrix  Somnii  Epistola,    qud 
»  se  item   et  Guillelmum    Budœum    a 
■>  quorundamdej'endu calumniU. Ejus- 
»  dem   Catoplron ,    et     alia    quœdam 
»  poemata  ,    cusa  priits   inentend  luit*. 
»  Paiisiis  ,  i537  ,  in-8°.   L'épître  an- 
"  Illogique  se  trouve  avec  le  Chrislia- 


»  na?  Phtlosophiœ  Prœludium ,  opus 
»  cùm  aliorum  tum  hominis  substan- 
»  liant  luculenlis  expromens  et  exem- 
»  plis  et  rationibus ,  G aille/ ino  Bigo- 
»  tio  Lavallensi ,  auctore.  Ejusdem  et 
»  ad'  Jesuni  Christum  Carmen  sup- 
»  plex  ,  et  antilogica  dedicatrixque 
»  /'.pistola  (i4),  peraptè  tant  Prœlu- 
»  dio  quant  reliquis  ipsius  Christianis 
»  Scriptis  prœlegenda  :  Tolosœ,Guid. 
»  Bottdeinllœi ,  i54<),  in-folio.  J'ai 
»  déjà  dit  que  le  Carmen  supplex  avait. 
»  été  commenté  par  Guill.  Figulus. 
»  Ses  notes  sont  insérées  dans  cette 
»  édition  ,  aussi  -  bien  que  d'autres 
»  qu'il  a  faites  sur  d'autres  vers  du 
»  même  Bigot ,  qui  sont  à  la  fin  du 
»  même  volume  (i5). 

Le  mémoire  ,  que  je  viens  d  em- 
ployer tout  tel  qu'on  me  l'avait  en- 
voyé ,  est  fort  propre  à  nous  apprendre 
deux  choses:  l'une,  que  M.  Lancelot 
se  s;lit  admirablement  servir  des  li- 
vres que  la  bibliothèque  Mazarine  lui 
met  en  main  ;  l'autre  ,  qu'il  n'y  aurait 
rien  de  plus  nécessaire  à  l'auteur  d'un 
livre  semblable  à  celui-ci,  que  de 
pouvoir  consulter  toutes  les  préfaces, 
toutes  les  épîtres  dédicatoires ,  les 
apologies,  et  tous  les  écrits  qu'on 
nomme  éristiques  ,  et  toutes  les  notes 
des  écrivains.  C'est  là  que  l'on  trouve 
une  infinité  de  particularités  de  leur 
vie. 

(14)  Ad  Joan.  cardinal  Bellaium. 
(i5)  Tiré  d'un  Mémoire  manuscrit  ,  commu- 
nii/uc  par  M.  Lancelot. 

BILLAUT  (Adam),  connu 
sous  le  nom  de  maître  Adam, 
était  un  menuisier  de  Nevers , 
qui  devint  assez  bon  poëte  fran- 
çais. Il  se  fit  connaître  première- 
ment dans  sa  patrie ,  et  aux 
princesses  de  Gonzague  {a  ) ,  qui 
demeuraient  quelquefois  dans 
leur  duché  de  Nevers  ,  et  puis, 
il  se  hasarda  d'aller  à  Paris,  ou 
il  trouva  des  patrons.  Ce  fut 
en  i63-  qu'il  fit  ce  voyage  (A). 
M.  le  duc  d'Orléans  l'honora 
d'une  pension   (b).    Ce   nouveau 

(a  La  princesse  Marie,  et  la  princesse 
Anne  ,  dont  la  première  a  été  reine  de 
Pologne. 

b    l'oyez  la  préface  des  Chevilles. 


44o 


EILLï. 


poète  publia  un  recueil  de  poé-  lorsqu'il  disait  (  2  )  que  sa  pension  ne 

sies  sous  le  titre  de  Chevilles  de  se.rvait  1U\U,  raiement  de  ses  créan- 

am  jj  ciers  :    ce   n  elait  donc  pas  le  moven 

maître    Adam  ,    et  ne   manqua  d'acquérir   à   ses  enfans  (3)    un  bon 

pas  d'y  joindre    les    vers    qu'un  patrimoine.  Il  avait  une  pension  du 

très-grand  nombre  des  poètes  du  cardinal  de  Richelieu,  comme   on  le 

temps  firent  à  sa  louange.  M.  l'ab-  Teut  i?,férer  r!e  ce  ^il  PVie  un  de*es 

i   »    j      ht       11        m  t  amis  d  en  solliciter  le  paiement  (4J- 

he  de  Marolles   1  honora  d  une       (C)  M   BaiUtt  ne  &  a  p0int  ^.0. 

préface  qui  sent  le  panégyrique,  digue  f  encens.]  «  Maître  Adam  ,  dit- 

et   oii  il    n'oublia    pas    de   nous  *  il   (5)  .   surnommé  Billaut,  appe- 

apprendreque  Pierre  Billaut   et  "  \?  communément    le    Virgile-  Au- 

-tl  *  -ht  •  i  "  Kabot,   nous  a  laisse  ses  Chevilles , 

Jeanne  More  ,   père  et  mère  du  „  son  vilebrequin ,  son  Rabot,  et  ses 

poëte  Aaam,    avaient    tiré   leur  »  autres  outils,   qu'il  s'est  avisé  de 

origine  du  village  de  Saint-Benin-  "  vouloir  immortaliser  ,  en  les  consa- 

des-Bois  au  pays  de  Nivernois.  Il  »' crant  aux  div,inités  du  Parnasse....  > 

«t  1,J  i       ht  a  -«  moins  que  de  savoir  que  c  était  un 

parait   par    les    vers    de    Maître  menuisier  sans  lettres  et  sans  étude,  on 

Adam,  qu'il  se  fourrait  chez  les  le  fera  passer  pour  un  poëte  médiocre, 

grands  ;    mais    je  ne   crois   pas  et  Peutélre  pou,   un  Goujat  du  Par- 

qu'il  se  soit  fort  enrichi  au   ,.V  """V";  ca'  d  J^t  tomber  d  accord 

\         ,  „,     T1  .     1  <]ue  c  est  aux  menuisiers  et  aux  autres 

lier  de  poète  (B).  Il   mourut    le  artisans  que  M.  Adam  fait  honneur, 

19  de  mai  1662    (c).    M.    Baillet  plutôt  qu'aux  poètes  et  aux  muses. 

lie  lui    a  point  prodigué  l'eilCenS  (l)   Dan,  VipUre  dédicaloire  de  ses  Chevilles 

(C).  J'ai  ouï  dire  une  chose  que  au  comte  d'Arpajon. 

•  •     *        „'„„«-     „„'„C„  (3)    Il   avait  femme    et   enfans.    Préface  de 

je   ne  croîs  point;   cest   qu  afin  m.  de  Marolles. 
d'avoir  de    quoi    vivre ,    d   fut 
obligé  de  reprendre  sou  métier 
de  menuisier. 


(c)    Saint-Romualc!  ,    Journal    histor-    et 
chron. ,  au  19  d'octobre,  pag.  Ifio. 

(A)    //  vint  a    Paris Ce  fut   en 


(4)  Chevilles ,  pag.    110,  e'dilion  de   Rouan, 
en  i654' 

(5)  Jugemens  sur  les  Poètes,  num.  1^58. 

BILLI  (Jacques  de  ),  abbé  de 
Saint-Michel  en  l'Herm ,  était 
un  des  savans  hommes  du  XVIe. 
siècle.  Il  a  traduit  en  latin  plu- 
1 637  qu'il  fit  ce  voyage.']  Toute  la  s l 'eu rs  ouvrages  des  pères  grecs  , 
preuve  que  j'en  ai  est  un  passage  de  et  nommément  Grégoire  de  Na- 
M.  l'abbé  de  Marolles,  où  il  dit  que-         •  j»  •> 

tant  à  Nevers ,  en  ,636,  il  fut  salué  un  ZlUn^ L»  d  Une  ma™ere  qui  a  con- 
matin  par  maître  Adam  Bilkut,  qui  ten|e  les  connaisseurs  (a).  Je  lui 
lui  récita  de  ses  vers,  et  lui  en  donna  avais  destiné  un  long  article  ; 
des  copies.  Cet  abbé  ajoute  qu'il  promit  mais  je  n'ai  pu  trouver  sa  vie  , 
a  la  princesse  Marie  de  faire  connaître  •  t         m     <       ,,.. 

.     ,',     ,j  --X        i  composée  par  Jean  C  h  atard  (  a)  : 

Je    talent  de    ce  rare    poète,    et  que  }  .         l         .  maïKx^j  . 

maître  Adam  vint  à  Paris  Tannée  d'à-  ainsi  ]e    renvoie    mes  lecteurs  à 

près.  Il  y  fut  connu,   poursuit -il,  M.  Moréri ,  et  me  contente  d'ob- 

des  grands ,  et  de  toute  la  cour  (1).  server   ici  quelques  méprises  du 

(B)Jenecroispasqu'ilsesoitmricni  savant    M     de    Launoi    (A) ,  qui 

au  métier  de  poète     11  ne  faut  pas  ton-  ,,.  ,    -,            ,                       /'   * 

jours  prendre  au  sens  littéral  ceque  les  a  publie  deux    lettres  ,   qui  nous 

poètes  représentent  sur  leurs  grands  apprennent  que  Jacques  de  Billi 

besoins  à  celui  dont  ils  veulent  obte-  se  plaignait  fort  d'être  à  Paris.  Il 
nir  quelques   pistoles  ;   mais  je  crois 

que    notre  Billaut   n'exagérait  point,  (a)  Voyez  M.  lïaillet,   Jugomens  sur  les 

traducteurs  ,   mon.  8^3. 

(1)  Mémoires   de    l'abbé   de   Marolles,    pag.  W  VojezTeissier  ,  Bibliolh  Bibliotbscar  . 

î"7>  P"ê-  '7° 


ETLLI.  44i 

sVn  plaignait ,  entre  autres  rai-  Luteiiœ  10  Calend.  Feb.  i58î  (a).  11 

sons,   à  cause  de   la  cherté  des  «»«»»«.  sans  doute  dans  longrna 

,                         ,.,  celle  du  lieu  et  du  |our,  et  il  y  a  joint 

vivres  ,  et  a  cause  du  temps  qu  il  ceile  de  v>année.  On  ne  sait  pas  sur 

lui  fallait  perdre  avec  les  dames  quoi  il  a  pu  fonder  ses  conjectures. 

(B).   Une  sœur  ,    qu'il  avait  chez  on  sait  seulement ,  ou  qu'il  n'a   fait 


madame  de  Moutmorenci ,  l'en 
gageait  à  celte  perte  de  temps. 
Tout  Te  monde  ne  demeure 
pas  d'accord  que  sa  traduction  de 
Grégoire  de  Nazianze  soit  bon- 
ne :  je  m'en  vais  rapporter  des 


lucune  attention  au  contenu  de  cette 
lettre,  ou  qu'il  n'était  guère  verse 
dans  notre  histoire  moderne.  D'ail- 
leurs la  publication  de  ces  lettres  té- 
moigne qu'il  n'entendait  rien  dans  le 
grec  ;  car  il  a  laissé  plusieurs  fautes 
que  les  imprimeurs  avaient  commises, 
sur    quelques   paroles  grecques  dont 


choses,  qui   feront  juger  qu'elle    notre  abbé  s'était  servi.  Par  exemple, 
ne  l'est  pas  (C).  ce  vers  d'Homère, 


(A)  J'observerai  touchant  de  Billi 
quelques  méprises  du  savant  M.  de 
Launoi.  ]  11  a  inséré  dans  son  Histoire 
du  collège  de  Navarre(i)  deux  lettres 
de  Jacques  de  Billi  à  Jacques  Pelletier, 
et  il  a  cru  qu'elles  ont  été  écrites  l'an 
1682  C'est  n'avoir  point  su  que  l'au- 
teur de  ces  deux  lettres  est  mort  l'an 
i58i.  La  Croix  du  .Maine  l'affirme. 
j\1.  Baillet  le  suppose  comme  certain 
en  divers  endroits  de  ses  jugemens.  Mo- 
réri  marque  le  11  de  novembre  i58o. 
Mais  Thevet ,  au  IIe.  tome  des  Eloges, 
pag.  392,  marque  le  a5  de  décembre 
i58i.  11  a  plus  de  raison  que  Morëri 


À^vt/^wevoi' «•«/>, 

Ili.,  Ub.  XVIII,  v.  ii2- 

a  été  imprimé  ainsi , 

'AKKÀ  t*  (MV   TTf&crSf  T6KV*   ii.oy.ti  , 

(B)  //  se  plaignait  du  temps  qu'il 
lui  fallait  perdre  avec  les  dames.] 
Pour  savoir  toutes  les  raisons  qui  l'en- 
gageaient à  regretter  le  séjour  de  la 
province.,  il  faut  l'entendre  lui-même: 
Hic  omniapertarbata  ,  morbis  infesta; 
hic  extrema  annonœ  caritas  ,  hic  meo 
sueco  victitandum  ,  hîc  cursitandum , 
litisandum  ,  et  sororis  causa  quœ  apud 


L'ignorance  de  semblables  choses  n'est  Magistri  Equitum  uxorem  educatur 

rien,   et    m-  peut  faire  aucun   tort  à  inter  puellas  ,    tenions   terendum    et 

un  habile  homme;   mais  je  ne  saurais  perdendum*.     Ce    dernier    point   ne 

comprendre  que  l'on  puisse  donner  à  sent  guère  son  abbé  :  aussi  ne  parlons- 

connaitre   que    Ton    ignore   d'autres  nous  pas  d'un   abbé   de  cour;   mai-. 


q 

faits  infiniment  plus  considérables  , 
sans  se  taire  quelque  tort.  M.  de  Lau- 
noi, en  publiant  ces  deux  lettres 
comme  écrites  l'an  i582,  a  du  croire 
que  le  prince  de  Condé  était  alors  en 

iirison  ;  que  l'amiral  ,  ayant  ramasse 
es  débris  de  l'armée  ,  avait  passé  la 
Loire ,  et  faisait  beaucoup  de  ravages  ; 
que  le  duc  de  Guise  le  poursuivait  à 
grandes  journées ,  etc.  Toutes  ces 
choses  sont  clairement  contenues  dans 
la  première  des  deux  lettres  de  Jac- 
ques de  Billi  ,  avec  cette  autre  circon- 
stance ,  qu'il  s'en  était  peu  fallu  que 
le  prince  de  Condé  ne  se  sauvât  de  la 
prison;  ce  qui  avait  obligé  la  reine  a 
le  faire  transporter  à  Cbartres.  Il  est 
\i-.ible  que  cette  lettre  fut  écrite  au 
«/ommeticement  de  l'année  i563.  La 
•  laie  ,  que  .M.  de  Launoi  produit ,  est 

(0  P"g-  '36o. 


d'un    abbé   qui    était  grand  grec ,   et 
qui  n'avait  que  ses  études  en  tète. 

(C)  Voici  des  choses  qui  feront 
juger  que  sa  traduction  de  Grégoire 
de  Nazianze  n'est  pas  bonne]  Elle 
fut  d'abord  imprimée  à  Paris,  en  i56g, 
et  à  Cologne  ,  en  1570  ,  et  puis  encore 
à  Paris  ,  l'an  i583.  Cette  dernière 
édition  fut  fait.-  par  les  soins  de  Géne- 
brard,  et  dédiée  au  pape  Grégoire 
XIII  :  elle  est  beaucoup  plus  ample  et 
plus  exacte.  C'est  celle  ver>v<n  que 
l'on  a  mise  à  cote  du  texte  grec  dans 
Vcdilion  de  Paris  en  deux    volumes  , 

(?)  C'est-à-dire,  le  î3  de  janvier, 
"  Pour  que  ce  passage  eût  le  sens  que  Bavle 
lui  donne  djns  le  texte  ,  il  faillirait  que  la  vir- 
gule fut  placée  apre,  edu,  alur  .  I  non  ap'  è*  pael- 
las. Aiusi  .  comme  le  remarqua  Leclerc  ,  ce  pu- 
sage  latin  de  Billi  ne  dit  pa-  ce  que  BaOr  lui  fait 
dire.  Joly  renvoie  au  re-te  pour  1  article  de  J. 
Billi  au  tome  XXU  ries  Mémoires  de  Riti 


442 


BILLI. 


faite  par  Morel  en  1609  (3).  Le  père  scril  grec  de  l'abbé  de  Billy  ,  il  n'y  en 

Louvart ,  bénédictin ,  qui  a  dessein  de  eut  jamais  en  état  d'être  imprimé.  On 

travailler  à  une  nouvelle  édition   de  sera  surpris  de  la  nouveauté  de  cette 

Grégoire  de  Nazianze  ,  compte  parmi  proposition  ,  après  ce  que  Chatard  en 

les  diflicultés   qui  retarderont  l'exé-  a  dit  dans  l'Eloge  de  l'abbé  de  Billy  , 

cution  de  cette  entreprise  ,   la  néces-  et  ce  que    Génebrard  en  écrivait   au 

-i te  de  retoucher  la  belle  version   de  pape  Grégoire  XIII ,  l'an  i582,    in- 

l  abbé   Billy  (4).    Quand   elle  répon-  continent   après  la   mort  de  cet  abbé, 

drait  encore  moins  au  texte,  dit-il  (5),  Cette   lettre  se  lit   encore  dans  trois 

que  ne  l'ont  remarqué  dans  leurs  pré-  éditions  de  Paris.  J'ai  entre  les  mains 

faces  les  éditeurs  même  de  Paris ,  en  ce   prétendu   MS .   grec    de  l'abbé  de 

610  et  1611,    « la  profonde  vé-  Billy,   l'original  même  qui  a  passé 

nération  qu'on  a  pour  la  me'moire  de    cet  abbé  a   Génebrard  ,    et    des 

et  l'érudition  de  ce  grand  homme  ,  mains  de  celui-ci  en  la  bibliothèque 

fera  toujours  qu'on  conservera  de  de  M.  Pétau ,  d'où  les    libraires  de 

la   version   tout   ce  qui    se  pourra.  Paris  le  tirèrent  pour  imprimer ,  di- 

Et   si  ce   que  remarque  le  savant  soient-  ils,  le  texte  grec  revu  par  l'abbé 

père    Pe'tau    sur    saint    Epiphane  ,  de  Billy.  Je  suis  prêt  de  le  montrer  à 

qu'il   est  plus  difficile  de    rajuster  tout  le  monde  ,  et  de  les  convaincre 

une   version,    que   d'eu  faire   une  au  doigt  et  h  l 'œil ,  qu'il  n'y  eut ja- 

nouvelle;  si  ,  dis-je,  cela  n'est  pas  mais  de  texte  grec  rétabli  par  l'abbé 

vrai  d'une  version  savante  et  polie,  de  Billy,  ni  par  aucun   autre.  Saint 

comme  celle  de  l'abbé  de  Billi ,  cela  Grégoire est.  ...  le  seul  des  quatre 

pourra  abréger  le  travail ,  au  moins  docteurs  de  l'église  grecque  ,  dont  le 

e'pargner  le  chagrin  de  relever  trop  texte   soit  resté  dans   la  corruption 

sensiblement  certaines    fautes    qui  de  sa  première  édition,  si  même  l'édi- 

ont  échappé   à  ce  savant  abbe',  qui  tion  de  Paris  n'y   a  beaucoup  ajouté 

posse'dait  d'ailleurs  si  parfaitement  (7).    //   est  certain  ,  de  l'aveu  même 

les  deux  langues.  Au  reste ,  le  père  des  éditeurs  de  Paris  ,  (  1  et  2  préface) 

Sirmond   n'est  pas   le  seul   qui   ait  que  cet  abbé   n'a  rien  laissé  quant  au 

corrigé  cette  version.  On  ne  la  re-  texte  grec  de   saint  Grégoire  qu'une 

connaît  presque  pas  dans  les  Dog-  édition  de  Bdle  chez  Hervagius ,  l'an 

mes  théologiques   du    père  Pétau  ,  i55o,    dans  laquelle ,  à  force  de  de- 

où  saint  Grégoire   est   cité  jusqu'à  viner ,  on  lit  a  la  marge  ,  quelquefois 

chaque    page.   Ce  qui   est  d'autant  entre  les  lignes  ,  tantôt  un  mot  latin , 

plus  considérable  ,  qu'outre  la  con-  tantôt  un  mol  grec C'estun  chaos, 

naissance    incomparable    qu'avait  que  je  ne  crois  pas  que  son  illustre 
des  deux  langues  ce  savant  jésuite,  auteur  pût  débrouiller  lui-même,  s'il  re- 
il  possédait  encore  en  perfection  la  venait  à  présent  aumonde...  M^rel ,  en 
théologie  des  pères  grecs.  »  sa  préface, parle  à  peu  près  de  même  de 
De  quelque  civilité  que  l'on  use  en  ce  manuscrit;  et  tous  ceux  qui  voudront 
parlant   ainsi,   on  ne    laisse    pas   de  peuvent  s'en  convaincre  par  leurs  pro- 
faire   entendre    bien  clairement  que  près  yeux.  Ce  fut  pourtant  cette  pré- 
cette  version  de   notre  abbé   de  Billi  tendue  correction  du  texte  grec  par 
est  fort  imparfaite.  l'abbé  de    Billy,  qu'on  abandonna  à 
Le  même  bénédictin  réfute  ce  qui  un  correcteur  d'imprimerie  ,  qui ,  n'y 
avait   été   avancé  dans   un   mémoire-  comprenant   rien  (  ce  n'était  pas  mer- 
fourni  aux  journalistes  de   Trévoux,  veille  ),  n'imprima    ni    l'édition   de 
que  l'abbé    de  Billi    abandonna    son  Bdle ,  ni  cette  prétendue  correction  ; 
manuscrit  aux  libraires.  Cet  illustre  mais  je  ne  sais  quel  composé  des  deux 

abbé,  dit-il  (6)  ,  a  fait  imprimer  de  h  sa  fantaisie Je  laisse  à  juger 

son  vivant  son  saint  Grégoire  latin  ,  après  cela  s'il  y  a  eu  de  la  bonne  foi 

pour  la  seconde  fois.    Pour  de  manu-  aux  libraires  à  tromper  le  public  par 

,-,\  rx     tv      it-i.1-    L  „  ce  titre  si  capable  d' imposer  par  le  seul 

(î)  Du   Pin,  Biblioth.,  tum.  Il  ,  pag.  22î,  ,     „    /,   -     >      z>/f       tu        tvi 

i  dition  d'Amsterdam.  nom  «e  l  ahbe  de  Billy  ,  Jacobus  Lll- 

(4'  Voyez  Us  Mémoires  de    Trévoux,    juill.  lius cum    MSS.    Regiis    contulit, 

1704  ,  pag.  1247  ,  édition  de  France.  emendavit     etc.  (8). 
(5)  L'a  même. 

(G)  Mémoires  de  Trévoux  ,  juillet  1704,  pag.  (7)  Là  même ,  pag.  nîln. 

iîïfo  elsuiv.  (8)  Efolei  que  le  Mémoire  du.  père   Louvart 


BILLON.  BION. 


44: 


Ceci  est  fort  capable  ,  i°.  de  de'sa- 
buser  ceux  qui  ont  une  fort  bonne 
opinion  du  travail  de  cet  abbe  ;  3°.  , 
de  rendre  suspectes  les  affirmations 
des  libraires. 

.<e  trouve  ausai  dans  les  Nouvelles  de  la  Répu- 
blique des  Lettres  ,  oct.  1704,  pag.  38i  et  suiv. 

BILLON  (François  de),  secré- 
taire ,  natif  de  Paris  ,  fit  un  livre 
intitulé  le  Fort  inexpugnable  de 
V Honneur  du  sexe  féminin,  qu'il 
dédia  à  Catherine  de  Médicis  ,  et 
à  quelques  autres  princesses  (a). 
Son  épitre  dédicatoire  est  datée 
de  Rome  ,  au  camp  antique  de 
Mars,  Van  i55o.  C'est  un  ou- 
vrage bizarrement  construit  (b), 
et  dans  lequel  Henri  Etienne  a 
trouvé  beaucoup  de  blasphèmes, 
qui  consistent  en  comparaisons 
entre  les  anciens  prophètes,  et 
Jes  secrétaires  du  roi  de  France 
(c).  Il  fut  imprimé  à  Paris  ,  Tan 
1 555 ,  in~4°.  Je  l'ai  cité  quelque- 
fois. L'auteur  était  neveu  d'un 
évêque  de  Senlis  (A).  Je  pense 
qu'il  avait  été  secrétaire  de  Guil- 
laume du  Bellay  ,  seigneur  de 
Langei. 

[a)  La  Croix  <lu  Maine  ,  pa?.  0,3. 

h  Voyez  la  Billiolli.  franc.  ,  de  du  Ver- 
dier ,  pag-.  3o5. 

(c)  Henri  Etienne,  Apologie  d'He'rodote  , 
rluip.  XI y ,  pag.  94. 

(A)  Il  était  neveu  d'un  évéque  de 
Senlis.  ]  Le  chapitre  XVI  de  son  li- 
vre contient  une  requête  que  la  plu- 
me fait  aux  dames  en  faveur  des  secré- 
taires. Ils  se  sont  seulement  saisyz  , 
repre'senle-t-on  clans  cette  requête  (1), 
des  fruicts  provenons  de  mes  lettres — 
ainsi  que  l'ingénieur  de  ce  fort,  qui 
tout  son  avoir  ou  Billon  n'a  non  plus 
<  pargné  au  bastimenl  di'icelluY  .  pour 
la  deffence  éternelle  de  vous  toutes, 
quemaistre  Arlus  Filfon{i)  n'a  pas 
long-temps  évesque  de  Senfys  son  on- 

(1)  P.  lion  ,  Fort  inexpugnable,  Julio  3->C|. 
{1)    C'fit  ptut-ftre  une  faute    d'impress.on  , 
peur  Billon. 


de*,  faisoit  en  Normandie  pour  la 
protection  du  pays  par  lui  deffendu  et 
soulagé  de  maintes  charges  dont  il 
emporta  de  son  vivant  le  nom  de  peu 
de  la  patrye  à  la  mode  antique. 

*  L'éïêque  de  Senlis  onele  de  Billon  se  nom- 
mait Artus  Fillon,  selon  son  épitaphe  et  le  né- 
crologe de  SenlW.  Bayle  s  est  donc  trompé,  dit  la 
Moanoie  {  dans  ses"  note-  sur  la  Bibliothèque 
français  de  Ouverdier)  ,  quand,  dans  sa  note 
'(»)  ,  il  croit  qu'il  y  a  taute  d'impression. 

BION,  poète  bucolique,  natif 
de  Smyrne  (A) ,  a  vécu  en  même 
temps  quePtoloniée  Philadelphe 
(B)  ,  dont  le  règne  s'est  étendu 
depuis  la  quatrième  année  de  la 
123e.  olympiade  ,  jusqu'à  la 
deuxième  année  de  la  1 33e.  Il  y 
a  quelque  apparence  qu'il  passa 
la  meilleure  partie  de  sa  vie  dans 
la  Sicile  (C) ,  ou  bien  dans  la 
Grande  Grèce  (a).  C'étaitun  poète 
incomparable  ,  si  l'on  s'en  rap- 
porte aux  regrets  de  Moschus  son 
disciple.  Le  peu  de  pièces  qui 
restent  de  lui  ne  s'opposent  point 
à  ce  témoignage  ,  si  nous  en 
crovons  des  gens  qui  sont  très- 
capables  de  juger  de  ces  matiè- 
res. Bion  mourut  empoisonné  , 
comme  Moschus  le  remarque 
très-clairement  (b).  On  a  plu- 
sieurs éditions  des  Idylles  qui 
nous  restent  de  ces  deux  poètes  ; 
mais  la  meilleure  de  toutes,  aussi- 
bien  que  la  plus  nouvelle,  est 
sans  doute  celle  de  Paris ,  en 
1686,  accompagnée  d'une  tra- 
duction en  vers  français  et  de  re- 
marques (c).  Voyez  ce  qu'en  ont 
dit  les  journalistes  des  savans 
(D).  On  la  contrefit  bientôt  après 
en  Hollande. 

'"est  ainsi  qu'on  appehvt  la  partit 
de  l'Italie,  que  nous  nommons  royaume  de 
ISaples. 

(I>  Tiré  de  la  Vie  de  Bion  ,  à  la  tétc  de 
la  traduction  de  ses  idylles  ,  publiée  par  H 
de  Longe-Pierre. 

(c)  M.  de  Longe -Pierre  est  Fauteur  de 
tout  cela. 


444 


BION. 


(A)  Il  était  natif  de  Smy  me. ]Vé\>\-  que  Bion  était  de  Sicile,  ou  qu'au 
thète  de  Ipv pv euos  ,  qui  l'accoinpa-  moins  il  y  a  fait  son  séjour  (4)  ;  mais 
gne  parlout,  en  est  une  bonne  preu-  il  y  a  beaucoup  d'apparence  que  ces 
•ve  :  on  la  peut  fortifier  par  les  vers  deux  vers  ont  été  principalement 
de  Moschus ,  où  il  est  parlé  des  regrets  considérés  , 
du  fleuve  Mélès  pour  la  mort  de  son 
fds  Bion.  Ce  fleuve  passe  auprès  de 
Smyrne. 

Toc/tÔ   toi,   ce  TTOTa.f/.ûv   "MyupanitTi  , 
itunpw  a.xyoç, 
Tc^to,  MéXM,  vsov  a.xy'jç'  À7ru>Xirr<i  -rrpâ.^ 

TOt'OjUtlpOÇ, 


'Ajuqorîpot  rrityctiç  7Ti^i\a.fji.îvct'  le  /ulv 


vt/v  ?rx>.iv  aAXov 

Tint  éaxpùuç  : 

Hic  tibi ,  o  Jluviorurn  maxime  canore ,  aller 

inaror  est , 
Hic  ,  S  Mêle  ,  novus  dolor  :  interiil  tibipri'us 

Homerus  , 

nunc  ilerhrn  ahum. 

Filium  déploras  (  i) 


ïlxyttni'oç  xpâv&ç,  ô  <T  t%tv  Trlua.  tÂç 

'ApiÙoî/0-a.Çy 
jimbo  fontibus  chari  erant,  aller  (5)  bibebal 
De  fonte  Pegaseo  :  aller  (6)  lenebal  poculum 
de  fonte  Aretkusir. 

Lorenzo  Crasso  remarque  que  Jean 
Lascaris  ,  dans  ses  Hommes  illustres 
de  Sicile,  cité  par  Maurolicus  (7), 
ne  parle  point  de  notreBion  poète  bu- 
colique mais  d'un  autre  Bion  qui  était 
de  Syracuse  ,  et  rhéteur  de  profession. 
Jérôme  Ragusa  ,  jésuite  sicilien  ,  ne 
parle  que  de  ce  rhéteur  (8).  Le  Bo- 
nanni    soutient   une   chose   qui  tient 

(B)  //  a  vécu  en  même  temps  que  un  peu  du  paradoxe.  Il  prétend  que 
Ptolomée  Philadelphe.  ]  Voici  la  Moschus  ne  parle  que  de  Théocrite. 
preuve  qu'on  en  donne.  Théocrite  Sappia  chi  legge ,  dit-il  (9) ,  che  nel 
fut  aftligé  de  la  mort  de  Bion,  et  il  sopradetto  Iddlio  non  si  pun  inlendere 
vivait  au  temps  de  ce  Ptolomée  :  il  Bione  poêla  bucolico,  perciochè  coslui 
faut  donc  que  Bion,  ait  vécu  aussi  en  non  jh  Siracusano  ,  ma  Smirneo  ,  e 
ce  même  temps.  Cette  preuve  aurait  fiori  dopo  Moscho.  Cosi  medesima- 
beaucoup  plus  de  force  qu'elle  n'en  a  ,  mente  per  nessuna  ragione  vi  puh 
si  les  six  vers  qui  précèdent  ces  mots  esser  inteso  un'  altro  Bione  il  quale  è 
de  Moschus  ,  h  Si  Suftcuta-Uio-t  QiLx.pi-  Siracusano  ,  perche  egli  nonju  poêla, 
toc,  interque  Syracusanos  Theocritus ,  ne  scrisse  cose  pastorali  ,majà  rheto- 
ne  passaient  pas  pour  un  supplément    rico. 

de  Musurus(a).  Cet  auteur,  trouvant  (D)  La  meilleure  édition  de  ce  poète 
là  une  lacune,  la  remplit ,  en  suppo-  est  celle  de  Paris  ,  en  1686....  Voyez 
sant  que  Moschus  avait  rapporté  les  ce  qu'en  ont  dit  les  journalistes  des 
plaintes  que  la  mort  de  Bion  avait  savons.]  Savoir  le  Journal  de  Paris  du 
excitées  parmi  les  poètes  en  divers  19  d'août  168C,  les  Nouvelles  delà 
pays  du  monde.  Cette  supposition  lie  République  des  Lettres  au  mois  de 
fort  bien  le  commencement  et  la  fin  septembre  1686  article  Ier.  ,  les  Acta 
de  la  lacune  :  mais  ,  comme  ce  n'est  Eruditorum  de  Leipsick  à  la  IIe.  sec- 
pas  le  seul  et  unique  expédient  de  tion  du  Ier.  tome  des  Supplémens.  Je 
trouver  cette  liaison  ,  il  y  a  lieu  de  ne  crois  pas  qu'on  en  ait  parlé  dans 
douter  que  Moschus  ait  eu  effective-  la  Bibliothèque  universelle, 
ment  la  pensée  que  Musurus  a  imagi-  Lor£nzo  Crass0  le  cite  dans  son  Histoire  da 
née  j  et  des  lors  on  ne  peut  plus  Poètes  grecs,  pag.  89. 
être  certain  que  Théocrite  soutînt  là  (4)  Sono  molle  alire  le  pruove 
un  personnage  vivant. 

(C)  //  passa  la  meilleure  partie  de 
sa  vie  dans  la  Sicile.]  C'est  encore 
Moschus  qui  fournit  les  preuves 
qu'on  a  de  ce  fait.  Je  n'ai  point  vu 
de  quelle  manière  Jean  Vintimiglia 
les   met  en  œuvre  (3)  ,   pour  soutenir 


(1)  Moschus  ,  in  Epiupiuo  Bionis. 

(2)  Vojes,  les  Remarques  de  M.   de   Longe- 
Pierre,  pag.  177,  180. 

(3)  Nel  libro  primo  de'  Poëti  Bucoli  Siçiliani. 


Ile  allre  le  pruove  e  l'autorità 
porlate  dal  Kintimiglia  che  almeno  crede  d'abi- 
lazione  Sicdiano  Bione.  Lorenzo  Crasso,  Hist. 
de'  Poëti  greci,  pag.  go. 

(5)  C'esl-à-due ,   Homère. 

(6)  Cesl-h-dire,  Bion. 

(7)  Nella  Storia  di  Sicilia. 

(8)  Kagnsa  ,   in  Elogiis   Siculorum   qui  yeteri 
memoriâ  liMeris  iloruerunl. 

(9)  NeW  Antica  Siracusa  ,  cile'e  par  Lorenzo 
Crasso  ,  Hist.  de'  Poëti  greci ,  pag.  90. 

BION,  surnommé    Borysthé- 
nite  ,   à  cause  qu'il  était  de  Bo- 


I 


BION.  /,45 

rysthène  (a),  a  été  un  pliiloso-  passa  dans  une  autre  extrémité 
phe  de  beaucoup  d'esprit ,  mais  (E).  11  devint  superstitieux  :  il 
de  fort  peu  de  religion.  Il  floris-  eut  recours  aux  ligatures  ,. et  à 
sait  environ  la  120e.  olympiade  cent  autres  choses,  qui,  au  ju- 
(b).  Il  fut  aimé  d'Antigonus  ,  gement  du  vulgaire  .  étaient 
roi  de  Macédoine  ;  et  comme  il  des  préservatifs  et  des  charmes, 
avait  une  hardiesse  cpii  tenait  un  Diogène  Laërce  s'est  moqué  de 
peu  de  l'effronterie  ,  il  ne  fit  nul  lui  comme  il  faut  à  ce  sujet  (F) . 
scrupule  de  lui  avouer  qu'il  était  Bion  souffrit  beaucoup  dans  sa 
fils  d'un  affranchi  qui  avait  fait  maladie,  n'étant  secouru  d'au- 
banqueroute  ,  et  d'une  putain  cun  de  ceux  qui  prenaient  soin 
(A).  Il  eut  beaucoup  de  mépris  des  malades  :  enfin  Antigonui 
pour  les  philosophes  platoni—  lui  envoya  deux  personnes  qui 
ciens  ,  pendant  qu'il  fut  auditeur  le  servirent  (c).  On  a  confondu 
de  Cratès;  ensuite  il  prit  l'habit  quelquefois  Bias  et  Bion  l'un  avec 
de  cynique,  puis  il  s'attacha  à  l'autre  (G).  Il  y  a  eu  dixperson- 
Théodore  qui  était  athée  de  pro-  nés  de  ce  dernier  nom,  desquels 
fession  ,  et  enfin  il  fut  disciple  Diogène  Laërce  a  parlé.  M.  Mo- 
de Théophraste,  qui  était  le  chef  réri  en  parle  après  lui;  mai-,  il 
de  la  secte  d'Aristote.  Il  aima  la  donne  le  premier  rang  à  celui 
pompe  et  le  faste  ,  et  il  se  fit  qui  fait  le  sujet  de  cet  article  , 
voir  en  diverses  villes.  Il  se  fit  et  il  ne  fallait  le  compter  que 
suivre  à  Rhodes  dans  le  lieu  des  pour  le  troisième  (d).  Diogène 
exercices  par  une  troupe  de  ma-  Laërce  n'a  point  parlé  de  tous 
telots,  qui  avaient  eu  la  comptai-  les  Bions  (e).  Les  traducteurs  de 
sance  de  s'habiller  en  écoliers  à  Plutarque  n'ont  pas  entendu  une 
sasollicitation.  Il  fallait  être  bien  pensée  de  Bion  qu'il  a  censurée 
éloquent,  pour  persuader  une  (H).  Le  sophisme  de  Bion,  auquel 
telle  chose  à  des  gens  de  mer.  Il  Sénèque  a  solidement  répondu  , 
avait  beaucoup  de  génie  pour  les  n'était,  cerne  semble  ,  qu'un  ar- 
bons  mots  (B)  :  on  en  peut  juger  guiuent  ad  hominem  ,  par  ou  il 
par  ceux  qui  restent  de  lui  (C).  voulait  conclure  que  la  doctrine 
Il  ne  réussissait  pas  moins  bien  touchant  l'empire  de  Dieu  sur 
dans  les  parodies.  C'est  apparem-  toutes  choses  enferme  des  con- 
ment  lui  qui,  sur  la  difficulté  tradictions  (I).  Je  n'ai  pu  trou- 
de  plaire  à  diverses  sortes  de  gens,  ver  d'où  le  sieur  Konig  a  puisé 
a  eu  la  pensée  que  Dion  Ch  rysos-  que  Bion  mourut  l'an  4  de  la 
Jome  réfute  (D).  Il  se  relira  à  1 34e-  olympiade  (K). 
Chalcis  ,  comme  avait  fait  Aris-  C'est  de  lui  sans  doute  que 
tote  ;  mais  on  ne  dit  pas  que  ce  Théon  parle ,  quand  il  dit  que  , 
fut  pour  un  semblable  sujet  :  et 

y  étant  tombé  malade,  ilfitCOlU-         (c    Tiré  de  Diogèoe  Laërce   dans    la  Vie 

me  presque  tous  les    impies,  il    àeBion.  ElU  est  au  lfairsect.xz.riet 

1  A  l  '  suivantes  ,    a     l  édition     d  Amsterdam      en 

(a,  Il  y  a  eu  une  ville  et  une  rivière  de  ce  1092- 
nom.  La  rivière  se  nomme  aujourd'hui Daie-  à     Ses    autres  fautes  ont    été  corrigées 

(ier  .-  elle  est  sur  les  frontières  de  la    Mosco-  dans  l'édition  de  Hollande, 
rie  et  de  la  Pologne.  e    t'oyez  les  noies  de  M.  Me'nagesur  Din- 

>  oyez  les  remarques  fi)  et  (K).  gèae  Laérce,  liv.  ft',  nu 


446 


BION. 


selon  le  sophiste  Bion  ,  l'avance 
est  la  métropole  de  toute  sorte 
de  méchancetés  (/)  :  sentence  , 
qui  a  été  canonisée  par  le  grand 
apôtre  des  nations.  Plutarque 
lui  attribue  une  maxime  qui 
ferait  honneur  aux  philosophes 
les  plus  orthodoxes  :  c'était  de 
dire  à  ses  écoliers ,  que  quand  ils 
auraient  acquis  assez  de  constan- 
ce ,  pour  supporter  avec  la  même 
tranquillité  ceux  qui  les  injurie-  du  Borysthé 
raient ,  que  ceux  qui  les  traite-  < 
raient  honnêtement  ,  ils  pour- 
raient croire  qu'ils  avaient  faitdes 
progrès  dans  la  vertu  (L).  Il  s'en 
faut  bien  que  sa  réponse  à  Théo- 
gnis  ait  autant  de  moralité  (M). 

(/)  Bjojv  ô  e-oqtç-tiç  t»v  qiKcLf.yvpi<i.v 
fxmpâffoMv  thtyi  na-cric  ko-mclç  tivctt. 
Bion  sophista  vitiorum  metropottn  dicebat 
avaritiam.  Theol.  Progymn.  ,  cap.  V  , 
pag.  72. 

(A)  //  ne  fit  nul  scrupule  d'avouer 
a  Antigonus,  qu'ilétaitjils  d'un  affran- 
chi  et  d'une  putain.]  La  manière, 

dont  Antigonus  le   questionna  , 

T/s,  wiâsv  «Te  «v<Tfwv  j  ?rô9i  tgj  a-ôms  « 

Odys.,  lib.  I,  v.  170. 
Qui  et  quel  homme  étes-vous  ,  quelle 
«*  untre  vatrie  et  voire  famille  ?  fit 


dans  Athénée  comment  s'appelait  la 
mère  de  Bion.  K<a.ii  Bi'aiv  <f'ô  Bopt/arÔsviTUi: 

<flAÔ3-0<j)OÇ  ,     (Tet.ipU.Ç     «V     t/JOC     'Oxu/umctç 

ha.x.a.ivnç,  S(  «f>n^t  NiKistç  0  Nix.a.tùç  sv 
Tatiç  tûiv  qiXo<rô<$a>v  Ant.S'oX^i ■  Bion 
Borysthenites  philosophus  Olympiœ 
Lacedœmoniœ  meretricis  films  fuit . 
ut  inquit  IVicias  Nicœensis  in  Sucr 
cessionibus  philosophoruni  (2).  Son 
nom  était,  beau  ,  et  sa  patrie  bien 
éloignée  du  lieu  où  elle  se  maria.  Ce 
serait  en  vain  qu'on  demanderait  si 
elle  s'était  prostituée  dans  sa  patrie  , 
et  si  elle  alla  se  dépayser  sur  les  bords 
ène  ,  afin  de  se  pouvoir 
îonneur  en  cas  de  besoin, 
ou  afin  de  faire  mieux  ses  affaires 
parmi  des  barbares  ,  infiniment  moins 
déficits  que  les  habitans  de  la  Grèce  : 
les  livres  ne  disent  rien  là-dessus  , 
mais  il  paraît  par  la  réponse  de  son 
fils,  qu'elle  fut  tirée  d'un  mauvais 
lieu  quand  elle  trouva  mari.  M»T»p  <Ts 
oïstv  0  toioÛtoç  <*v  yn/ucti ,  anr  oix.njua.rcr 
(3)  :  Ma  mère  fut  prise  au  bordel,  et 
un  homme  comme  mon  père  ne  pou- 
vait prétendre  qu'à  un  tel  parti. 

(B)  Il  avait  beaucoup  de  génie poui 
les  bons  mots.\  C'est  de  lui  qu'il  faut 
entendre  cet  endroit  d'Horace  : 


Cavmi 
Ille  Bi 


te  tu  gaudes  ,  hic  Jeleclalur  ianibis 
>neis  serrnonibus  ,  el  sale  nigro  (4). 


est  votre  patrie 


Chabot  remarque  sur  ce  passage ,  que 
la  plupart  des  interprètes  entendent 
par  sermones  Bioneos,  les  comédies. 
Leur  sens  est  qu'Aristophane  ayant 
excellé  dans  le  comique ,  et  le  père 
e  à  Bion  qu'on  avait  médit  de  d'Aristophane  ayant  eu  nom  Bion  (5), 
son  extraction  auprès  de  ce  roi.  Il  ne  oa  a  donné  aux  comédies  l'épithète 
crut  donc  point  qu'il  y  eût  meilleur  dont  il  s'agit  présentement.  Cette  pré- 
parti à  prendre ,  que  celui  d'avouer  tention  est  nulle  :  le  père  d'Jrislo- 
la  dette  \  et  en  effet  il  y  eût  eu  plus  phane  s'appelait  Philippe  (6)  ;  et  Ton 
perdre  qu'à  gagner  pour  lui    dans    ne  saurait   douter,  quand   on   prend 


un  désaveu.  11  dit  donc  de  son  père 
et  de  sa  mère  tout  le  mal  que  le  pu- 
blic en  savait,  et  il  finit  par  un  vers 
d'Homère  ,  pour  mieux  répondre  à 
Antigonus  qui  s'était  servi  d'un  vers 
de  ce  même  poète  en  l'interrogeant , 

T*I/TJ1Ç  TOI'J.SVêîïÇTê  KCLi  a.'iy.&'TOÇ  iU%,0- 
U.OLI  *îv*i  : 

r  Ili.,  lib-  VI,    V.    211. 

Voila  dequel  père  et  de  quelle  mère  je 
me  glorifie  d'être  sorti.  11  ajouta,  que 
Persée  et  Philonide  cessent  d'insérer 
ceci  dans  leurs  histoires ,  et  jugez  de 
moi  par  moi-même  (î).  Nous  trouvons 
(,)  Diog.  taërtîup.  hb.  IV,  in  Bione ,  init. 


arde  de  près  au  caractère  de  Bion  Bo 
rysthénite,  que  ce  ne  soit  lui  que 
l'on  doit  trouver  dans  ces  paroles 
d'Horace.  Un  ancien  scoliaste  de  ce 
poète  (7)  a  frappé  au  but;  car  il  ex- 
plique Bioneis  ,  par  satyncis  ,  lividis , 
amans  ,  carmme  maledico.  Bion  au- 
lem  ,  poursuit-il ,  Sophistes  cognomi- 

(2)  Athen.  ,  lib.  XIII,  cap.  VI, p.  591,59a. 

(3)  Oiog.  Laërtius  ,  lib.  IV ,  in  Bione. 

(4)  Hoiat.   epist.   II,  il*.  /,  W.  5g 

(5)  Porpbyrion,  ancien  interprète  d'Horace 
le  du.  Vuyez  Cruquius  sur  ces  paroles  d'Ha 
race. 

16)  Dacier  sur  ce  passage  d'Horace. 
(;)  C'est  Acron. 


BION.  447 

nalus  mnrdacissimis  versibus  est  usus ,  pour  avoir  la  tcle  chauve  on  en  sentait 

quibus    Un   omîtes    laceravtl ,    ut    ne  moins  sa  douleur.  Laërce  ne  rapporte 

Hnmero   quidem    parceret.    Pourquoi  pas  cela  :  c'est  Ciceron  qui  le  rapporte. 

aurait-il  épargné  Homère?  11  n'epar-  Oint   Me  Agamemno  Homericus  et 

gna  ni  Socrate  ,  ni  Jupiter  :  il  mordit  idem  Accianus  , 

indifféremment  et  les  hommes,  et  les  c  .    ,       ,  ,       .,     ., 

Acmclens  dolore  idenlidem  inlonsam  cornant. 


dieux.  Voyez  la  remarque  suivante. 
11  avail  l'art  de  faire  rire.  *H»  «fs  x*< 

BtCCTpHlOÇ  ,    KCtl    7T0KÙÇ  èv    fS   ythoieç    JW- 

4>c,f  »tsu  ,  qtprwdïi  ovôptcta-i  kxtoL  tûJv 
-rpa.yp.û.'TOùv  foûjuivoç.  Etal  autem  et 
spectatorum  studiosus  ,  risumque  mo- 
vere  auditoribus  maxime  pentus  , 
grafibus  nominibus  adversum  tes 
utens(8).  Il  avait  un  esprit  impétueux 
qui  outrait  les* choses.  C'est  ainsi  que 
je  traduis  <$op<rix.oïç  ôvéjuaa-i  ^pâ^svoç 


In  quofacetum  illud  Bionis ,  perindè 
stultissimum  regem  in   luctu  capillum 

sibi  evellere ,  quasi  calvitio  mœror 
levaretur{\i).  Ce  railleur  exprima 
fort  vivement  la  de'bauche  d'Alcibia- 
de  :  Pendant  l'enfance  ,  il  a  ôlé  aux 
femmes  leurs  maris;  quand  il  a  été 
grand,  il  a  ôté  aux  maris  leurs  fem- 
mes (i3). Le  plus  insupportable  et  le 
jt  uouum  Yuf,"lI"f  ovojMao-i  /jotfAiw  plus  criant  de  ses  railleries  était  qu'il 
et  il  ne  me  semble  pas  que  le  traduc-  attaqua  insolemment  la  morale  et  la 
teur  latin  de  Plutarque  ait  bien  en-  religion.  Si  Socrate,  disait-il,  a  eu 
tendu  l'endroit  où  il  est  dit  que  les  besoin  d'Alcibiade,  et  ne  s'en  est 
premiers  poils  de  la  barbe  des  beaux  point  servi,  il  a  été  un  grand  sot  : 
garçons  étaient,  au  dire  de  Bion ,  des  *'*'  nen  a  Pa*  eu  besoin,  sa  conti- 
llarmodius  et  des  Aristogitons,  parce  »e/,ce  n'est  pas  grand'  chose  (i4). 
que  dès  qu'ils  se  montrent  ils  font  Pour  se  moquer  de  ce  qu'on  disait 
cesser  la  tyrannie  de  l'amour.  Voilà  du  supplice  des  Danaïdes  ,  il  dit 
un  exemple  de  ces  expressions  fortes  ,  ou' on  les  punirait  bien  mieux  ,  si  on 
vives  et  outre'es,  qui  étaient  ordi-  ^es  condamnait  a  porter  de  l'eau  dans 
naires  à  notre  sophiste.  Plutarque  'JL'S  vases  qui  ne  fussent  pas  troués. 
/est  servi  du  mot  <$opTix.cérip ov ,  que  f-^yi  towç  èv  l$w  y.£.\>>ov  à\  hoxx- 
l'on  a  fort  mal  rendu,  ce  me  semble,  £«°^*'i  «'  oX'jKhnp'ac  xa.î  /*»  TtTp»juîvoir 
par  celui  d'importunius.  Mettons  ici  *»»'»«  ûfpoqopovv .  Dicebat  eos  qui 
tout  le  passage  : 'Eti  <Tf  qopTmm'rtpM  a  essenl  apud  inferos  magis  profeele, 
■roçiç-TiK  Biœv  <rà.ç  tTv  xstxôv  Tfi^stç  cruciandos  si  inlegris  ,  quàm  si  per- 
' ApfjLoSîouç  ikxku  titti  'Apiç-o'j/siTov*?,  céc  for<ilis  vasis  aquam  ferrent  (1 5)  :  et 
uy.ct  Ka.\yi;  rupxvvifoç  a.7ra.X\a.iTOfjt.îvouç  sur  'a  remarque  qu'on  fait  ordi- 
ù-ir  etùràv  raùç  \pa.çâ.ç.  Elquandb  Bin  nairement  que  la  justice  divine  punit 
sophista  importunius  nonnihil  formo-  quelquefois  sur  les  enfans  la  faute  des 
sorum  crines  Harmodios  t'ocavit  cl  l>('ies,  il  dit  que  cela  était  plus  ridi- 
Aristogitones  ,  quod  iisenatis  pulchrd  cu^e  aue  5*  un  médecin  faisait  pren- 
tyrannide  amatores  sese  abdicare  co-  ^re  ^es  remèdes  au  Jils  ou  au  petii- 
ganlur(g) .  fils  ,  afin  de  guérir  la  maladie  du  père, 

(C)  Il  avait  du  génie  pour  les  bons  ou  ^  maladie  du  grand  père.  'O  yàp 
mots  :  on  en  peut  juger  par  ceux  qui  Bicov,  tov  ètov  xohxÇovra.  toÙcttoaSo.^  tûv 
restent  de  lui.]  M.  Moréri  en  a  rap-  ^vxpœv,  yiKoitTipov  ihcti  qn<riv  ia.rpoZ , 
porte  quelques-uns;  mais  il  n'a  point  •*•*  v^trov  v<*-T?rou  kxi  i-a-rpo;,  «x^oyov 
choisi  les  plus  remarquables.'  Le  chc-  '"  fiif*  qxp/u&xiùïvTcç.  Etenim  Bio 
'■un  de  Vautre  monde,  disail-il (io")  Deum  qui  ma/orym  liberis  supplicia 
est  fort  aise  :  ony  i>a  tes  yeux  fermes.  infe"'el  i  magis  ajebat  ridiculum  <  sst 
Il  trouvait  quelque  chose  de  contra-  medicoqui  filmant  nepnti  ob  morbum 
dictoire  dans  les  funérailles:  Ony  P"lrisvelavimedicinanifid/iif>er(  t(\6). 
brûle  les  gens,  comme  s'ils  étaient  Phitarque  montre  très-solidement  la 
insensibles  ;  et  on  les  pleure ,  comme  f'u^ete  de  cette  comparaison.  11  est 
i'iia  étaient  sensibles  (i  i).    11  prenait    far''t-'  l'e  montrer  qu'il  y   a  du   faux 

nnnr   ii  n.-   criHic.  ,1.,  »V.«h„aI I _1_   .  i    .111^     ni-i'siiiit>     (,»ii.    I...      L   ...       ...     <        Jl  ~ 


pour  une  sottise  de  s'arracher  les  che 
veux  en  temps  d'affliction  ,  comme  si 

(8)  Diog.  Laërt.,    lib.  IV,  num.    5a. 

(9)  Plut.  ,   in  Amatorio,   pag.    1--. 
(xo)  Diog.  Lacrt.  ,  /,*.  IV     num'/'0 

11J  Ibià.  ,  num  48. 


tl.ms  presque  tous  les  bons  mots  de 

Bion.   Cela   n'empêche    pas    qu'ils  ne 

(13)  Ciccro,  T.uculan.,  Vb.  I II,  cap.  XXVI. 

(i'S)  I>iog.  Laèrt. ,  num.  ia. 

Mlbil 

(i5J  tbid.  ,  num.  5o. 

(iû)  Plut.,  de  Sera  .Vunjin.s  Vindicjâ,  p.  561 , 


443 


BION. 


soient    pour  la  plupart  l'effet   d'une  a  force  personnes  ,  qui  n'aiment  non 

vive  et  heureuse  imagination  ;  et  l'on  plus  l'argent  ni  l'or,   que   s'il  n'y  en 

peut    dire    en  général,    que    presque  avait  point    au    monde  :    et  partant  , 

tous  les  bons  mots  ont   un  faux  coté,  je  dis  que  ce  désir  est  un  désir  Junlas- 

L'impudence  qu'il  avait  de  tourner  en  que. 

ridicule  la  religion  devait  être  répri-  (E)  Etant    tombé  malade  ,     il  fit 

niée;  car  une  réfutation  sérieuse  ne  comme  presque   tous    les    impies,    il 

fait  pas  à  beaucoup  près  tant  de  mal ,  passa  dans  une  autre  extrémité.]  J'ai 

que  les  railleries  d'un  homme  d'esprit,  oui  dire  à  un  gentilhomme  ,  qui  avait 

Les  jeunes  gens  se  laissent   gâter  par  été  à   M.  le  comte  de   Soissons  (20) , 

ces  sortes  de  moqueurs  plus  qu'on  ne  que  Sainthibal,  fameux  esprit  fort,  se 

saurait  dire.    Bion  en  gâta  beaucoup  plaignait  de  ce  qu'aucun  homme  de 

(17).  Cela  était  inévitable  ,  vu  la  har-  leur  secte  n'avait  le  don   de  persévé- 

diesse  avec  laquelle  il  abusait  de  son  rance.  Ils  ne  nous  font   point  d'hon- 

esprit  contre  une  fausse  religion  ,  que  neur,    disait-il ,  quand  ils   se    voient 

l'ignorance   et    la    fourberie    avaient  au  lit  de  la  mort  ■  ils  se  déshonorent , 

rendue  cent  fois    plus  ridicule  que  la  ils    se    démentent  ,    ils   meurent    tout 

religion  en  elle-même  et  dans  son  véri-  comme   les    autres    bien  confessés  et 

table  état  n'est  une  chose  excellente,  communies.  11  pouvait  ajouter  qu'or- 

(D)  //  a  eu,    sur   la   difficulté    de  dinairement    ils     passent     jusqu'aux 

plaire  a  diverses  sortes  de  gens,  une  minuties  delà  superstition.  L'exemple 

pensée  que  Dion  Chrysoslome  réfute.]  de   Tullus    Hostilius  ,    rapporté    par 

Bion  disait  qu'à  moins  qu'on  fut  une  l'auteur   des   Pensées   sur   les    comt- 

tarte  ,  ou  du  vin  de  Thasos,  il  n'était  tes  (21),  est  admirable   sur    ce  sujet, 

pas  possible  de  plaire  à  plusieurs  per-  Une   longue    maladie    terrassa    telle- 

sonnes.  Dion  Chrysostome  a  trouvé  fa-  ment  ce  prince,  qu'il  passa  de  l'esprit 

de  cette  pensée  ;  «  car  il  est  arrivé  sou-  fort  à  l'esprit  superstitieux  et  propa- 

»  vent ,   dit-il,  qu'à  une  table  de  dix  gateur  des  superstitions,  lpse  quoque 

-»  personnes,  une  tarte  a  semblé  froide  longinquo  morbo  est  implicitus.  Tune 

»  à  quelques  -uns  ,  et  chaude  à  quel-  adeà  Jracti  simul  cum  corpore  sunt 

»  quesautres.  Peut-être  que  Bion, a/ou-  spiritus  illi  féroces ,  ut  qui  nihil  anlè 

»  te-t-il,  a  prétendu  parler  d'une  tarte  ratus  essel  minus  regium  quant  sacris 

»  qui  fût  chaude  et  froide  en  même  dedere  animum,  repente  omnibus  mag- 

î>  temps  (18).  »  Un  auteur  ,   quej'au-  nisparvisquesuperstitionibusobnoxius 

rai  assez  souvent  l'occasion  de  réfuter,  degeret ,  religionibusque  etiam  popu- 

a  falsifié  ceci.  On  rapporte,  dit-il  (19;,  htm    impleret    (   32).   11  ne   faut  pas 

de  Bion  le  philosophe,  que  pour  plaire  s'étonner  de  cette   conduite.   Presque 

a  tout  le  monde,  il  eût  désiré  de  se  faire  tous  ceux  qui  vivent  dans  l'irréligion 

tourteau,  d autant ,  disait-il,  que  tout  ne  font  que  douter  :  ils  ne  parviennent 

le  monde  l'aime  :  mais  Dion  Chrysos-  pas  à  la    certitude;   se    voyant  donc 

tome  lui  montre    en  l'oraison  lxiv  ,  dans  le  lit  d'infirmité  ,  où  l'irréligion 

qu'il  se  trompe  grossièrement ,   et  que  Iie    leur  est    plus  d'aucun  usage  ,   ils 

ton  souhait  est  un  vrai  souhait  de  f ré-  prennent  le  parti  le    plus  sûr,  celui 

nétique  ,  d'autant ,  disait-il,  que  tous  qui  promet  une    félicité   éternelle  en 

ri 'aiment  pas    les  tourteaux  de  même  cas    qu'il    soit   vrai  ,   et    qui   ne   fait 

façon  ;  car  l'unie  veut  chaud ,  l'autre  courir  alors  aucun  risque  en  cas  qu'il 

froid:  l  un  le  veutrond ,  l'autre  carré  :  soit  faux.    lisse  confessent,   ils  font 

l'un    le  veut  mollet ,   et    l'autre    dur;  tout  le   reste,  ad  majorent  caute/am. 

voilà   pourquoi,    disait  Dion   Ch<y-  Tous  les   lecteurs  ont  admiré    cette 

sostome ,   Bion  devait   désirer  d'être  pensée  de  M.  Despréaux  : 

or  ou  argent,    pour  plaire  a  tout  le  -  .,  rhomme  inlre>ide ,  et  tremblant  de 

monde   :  mais  encore  si  )  osais  tondre  faiblesse 

sur      l'avis    de      Dion    Chrysostome    ,  Attend  pour  croire  en   Dieu  que    la  fièvre  le 

comme  il  a  repassé  sur  celui  de  Bion,  _       presse; 

cumin*,  i«  •»       r                                                        >  El  toujours  dans  l  orage  ,  au  ciel   levant   les 

je  dirais   que    JJion  1  -my  sostome  se  mains, 

trompe  aussi-bien  que  Biun  ;  car  ily  _ 

(■xo)  C'est-à-dire,  h  celui   qui   fut  lue'  auprès 

(17)  Laërt.  ,  num.  53.  de  Sedan  ,  dans  une  bataille  l'an  îQ^i. 

(,8)  Dio  Clirysost.  ,  orat.    LXV ,  pag.  613.  (21)  Pag.  35$. 

(19)  Garaise,  Doctrine  curknse ,  pag.  704.  (aa)  Livius,  decad.  I  ,  lib.  I  ,  cap.  AAAi. 


Dès  que  l'air  est  calmé  rit  des  faibles   hu- 
mains (a3). 

A  cela  se  peut  rapporter  ce  passage  de 
Guy  Patin  :  <c  Feu  mon  père  m'a  ap- 
»  pris  que  le  gros  M.  du  Maine,  chef 
»  de  la  ligue,  disait  que  les  priu- 
»  ces  n'avaient  point  de  religion  qu'a- 
»  près  avoir  passe  l'a"ge  de  quarante 
»  ans,  quand  ils  deviennent  vieux  ; 

»   .    .   .    .    C'um  numina  nobis 

»    Mors  instans  majora  J'acil  (a4)- 

Touchant  ces  paroles  latines  ,  voyez 
Silins  Italicus  (-î5)  ;  et  quant  au  reste, 
je  vous  renvoie  à  la  remarque  (F)  de 
l'article  Des-Bakreaux. 

(F) Diogène  JLaërce  s'est  mo- 
qué de  lui  comme  il  faut  a  ce  sujet.~\ 
Les  vers  qu'il  fit  contre  lui  (26) ,  sont 
les  plus  jolis  du  monde  :  en  voici  une 
traduction  latine  : 

Sionem  Borrslhenitem  ,  quem.  Scjthica  lellus 

prod'uxil  , 
Dixisse audtvtmus ,  révéra  nihil  esse  deos. 
Ac  siquidem  id  dogma  tueri  perstilissel ,  me- 

ritb  dicendus  esset 
Sensisse  ut    visum  J~uissel ,   etsi   maté    visum 

esset. 
At  nunc  ,  qu'uni  in  longum  morbumincidissel, 

ac  mori  perlitnesceret, 
Qui  deos  non  esse  dixeral ,  qui  Janum  non 

viderai , 
Morlahbus   qui  illuscrat,   dum  diis   immola- 

rem, 
TVon  proj~oco  solum,  arisque  ac  mensd, 
Nidore  ,  adipe  ,    thureque  dcorum  nares  im- 

plevit  ; 
Nec  solitm  ,  peccavi,  dixit ,  delictit  parcite; 
Sed  et  anui  collum  facile  porrexil  excantan- 

du  m . 
Brachiaque  loris  prrsuasus  devinxit  (i~); 
Bhamnumque  et  lauri  ramum  jaunie  impuiuit: 
Cuncta  administrai  e    magis  quam  mori  pa- 
rafas. 
Stultus  qui  mercede  vohteril  Deos  esse  : 
Quasi  lune  essenl,   qu'um  illos    Dion   denium 
esse  arbttraretur. 

Voyez  l'usage  que  M.  du  Rondel  a  tait 
<le  ceci  dans  son  excellente  Vie  d'Epi- 
cure  (28).  Ce  qu'il  dit  que  Diogéne 
Laëi'cc  était  épicurien  est  remarqua- 
ble ;  car  ce  Diogène  insinue  claire- 
ment qu'il  ne  blitme  point  le  con/i- 
teor  de  Bion  ;  et  son  mecî  culpd  ,  med 
nia.ximd  culpd,  ou  son  peccavi 

(G)  On  acoitj'omhi  quelquefois. Bias 
et  Bion  l'un  avec  /autre.]  C'estce  qu'a 

(1?.)  Sat.  I  ,  9S.  i53. 

(ï.\)  Patin  ,  lellre  LXIV  de  la  première  édi- 
tion. 

16  Diog.  Laert. ,  in  Bione,  num.  5j  ,  lib. 
IV 

'■"<  t''on  s'était  moqué  de  cela  dans  un  de 
set  livret,  comme  on  t'infère  de  Plutarque  au 
Traité  de  Superstition* ,  pag.  1G8,  l>. 

(28)  Imprimée  à  Amsterdam,  en  160,3. 

TOME    III. 


bion.  449 

fait  Plutarque,  lorsqu'il  a  dit,  qu'Anti- 
gonus,  importune  par  les  sollicitations 
redoublées  de  Bias  ,  donna  ordre  qu'on 
lui  donnât  un  talent  (29).  11  désigne 
cet  Antigonus  par  l'épitiiète  de  ^Sfaiv  : 
c'est  un  signe  qu'il  parle  du  premier 
Antigonus,  de  celui  qui  lut  l'un  des 
capitaines  et  l'un  des  successeurs 
d'Alexandre.  Or  comme  Bias  a  pré- 
cédé pour  le  moins  de  deux  cents  ans 
la  mort  d'Alexandre,  il  est  manifeste, 
qu'il  n'a  pu  rien  demander  h  Antigo- 
nus ;  et.  puisque  Bion  a  élé  disciple 
deCratès  et  de  Théophraste,  il.esl  sût 
qu'il  a  pu  être  connu  d' Antigonus.  Il 
faut  donc  dire  ,  ou  que  Plutarque  s'est 
lourdement  abusé ,  ou  que  les  copistes 
de  son  livre  y  ont  changé  Vùtt»  Biaivoç. 
qu  il  avait  mis,  en  ôto  Bi'otyroç.  Poul- 
ie dire  en  passant,  je  ne  suis  pas  trop 
assuré  qu'Aldobrandin ail  raison  d'en- 
tendre Antigonus  Gonatas  ,  par  l'An- 
ligonus  qui  demanda  à  notre  Bion 
d'où  et  de  quelle  famille  il  était  (3o). 
J'avoue  qu'il  est  possible  que  ce 
philosophe  ait  vécu  jusqu'au  règne 
d'Antigonus  Gonatas  ;  mais  entin 
voilà  Plutarque  ,  qui  nettement  et 
précisément  le  fait  vivre  sous  le  vieux 
Antigonus  (  car  je  suppose  qu'il  a 
il  if  liion  et  non  Bias).  Cela  est  digne 
de  quelque  considération  ;  et  c'est 
pour  cela  que  je  n'ai  pas  voulu  dire 
avec  Moréri ,  que  Bion  n  vécu  en  la 
126e.  olympiade  ,  et  du  temps  d' An- 
tigonus surnommé  GrOnatas ,  roi  de 
Macédoine.  Voyez  ci-dessous  la  re- 
marque (K).  Au  reste  ,  si  ,  par  une 
illusion  de  mémoire,  Plutarque  avait 
pris  Bias  pour  Bion,  il  ne  serait  pas 
le  seul  à  qui  de  pareilles  méprises 
seraient  arrivées;  car  Eustathius  a 
donné  à  Antisthèncs  ce  qui  ne  con- 
vient qu'à  Bion  :  c'est  sur  le  vers  de 
riliade(3t)  employé  par  Bion  dans 
sa    réponse   à    Antigonus, 

TiKT»;      TOI      \t\int     Tï       KXI       «lysCTOC 
lù/j-p.u.1    i::xi. 

Fustathius  dit   nu'Antisthènes  le  cy- 
nique se  servit  de  ces  parole; ,    après 
avoir  repondu   à    celui  qui  le   qu 
tionnait  sur  sa  race:  Je  suis  fils  d'un 
homme  qui  se  mouchait  du  coude  (3%)  , 

(59)  Plut. ,  île  Yiùo-io  piidnre  ,  pag.  53i ,    E. 

(3o)  Aldobrand.  >ot.  ail  Diog.  Laërt.  ,  in  B.io- 
nis  init. 

(il)  Lib.   FI,  ...  2M. 

(3»J  C  est-à-aire ,  d'un  Satsamentarins ,  com- 
me   qui    dirait   aujourd'hui   d'un    revendeur  de 

29 


45o 


BION. 


etc.  Casaubon  a  remarqué  cette  mé- 
prise d'Eustathius.  Voyez  M.  Ménage 
sur  Diogène  Laè'rce,  au  paragraphe 
XLVIi  du  livre  IV. 

Je  remarquerai  que  le  sophisme 
contre  le  mariage,  le  sophisme,  dis-je, 
qui  dans  tous  les  compends  de  logique 
est  allégué  comme  un  exemple  d'un 
dilemme  vicieux,  est  attribué  à  Bion 
et  à  Antisthènes  par  Diogène  Laè'rce  , 
et  à  Bias  par  Aulu-Gelle.  Peut-être  y 
a-t-il  une  faute  de  copiste  dans  ce 
dernier,  un  changement  de  Bionisexx 
Biantis  ,  comme  Casaubon  le  conjec- 
ture (33).  Quoi  qu'il  en  soit,  voici  le 
dilemme  de  notre  Bion  :  Si  vous  pre- 
nez une  belle  femme  ,  elle  vous  sera 
commune  avec  plusieurs  autres;  et  si 
vous  en  prenez  une  laide  ,  ce  sera  pour 
vous  un  supplice-  'E*v  y.h  yriftyç    cticr- 

XpctV,    6Ç4IÇ     ■7T0IVMV  "     0.1     <fs    JC*ÂHV,     S^EIÇ 

xoiym'v.  Si  turpem  duxeris ,  pœnam  ha- 
bebis  ;  sin  aillent  Jormosam  ,  commu- 
nis  erit (34)-  Entre  autres  défauts,  ce 
raisonnement  a  celui  de  pouvoir  être 
rétorqué  :  Si  je  la  prends  laide ,  elle 
ne  sera  point  commune  ;  si  je  la  prends 
belle  ,  ce  ne  sera  point  un  supplice. 
Mais  cette  rétorsion  ne  va  pas  au  fait  : 
ce  n'est  qu'un  remède  palliatif;  de 
sorte  que  le  dilemme  de  Bion  ne  vaut 
rien,  ni  à. l'endroit ,  ni  à  l'envers. 
La  vraie  réponse  est  de  dire,  i°.  que 
la  plupart  des  femmes  ne  sont  ni  belles 
ni  laides  ;  et  qu'ainsi  son  raisonne- 
ment conclut  du  petit  nombre  à  toute 
la  généralité.  Voyez  Favorin  au  cha- 
pitre XI  du  Ve.  livre  des  Nuits  At- 
tiques  d'Aulu-Gelle  ;  2°.  Que  la  beauté 
d'une  femme  n'est  point  incompatible 
avec  la  vertu  ;  et  qu'une  laide  femme 
peut  d'ailleurs  se  rendre  très-chère  à 
son  époux  (35).  Il  y  a  un  commenta- 
teur d'Aulu-Gelle  (36)  ,  qui  réfute  le 
raisonnement  de  Bias  par  une  rai- 
son empruntée  des  Hébreux  :  C'est  , 
dit-il  ,  que  ceux  qui  auront  été  mal 
mariés ,  seront  absous  devant  Dieu 
sans  comparaître  devant  son  tribu- 
nal.   Cela   vaut   bien    la   peine   d'é- 

harengs  ou  de  morue ,  d'un  charcutier.  Bion, 
dans  Laërce,  fait  la  réponse  dont  Euslathius 
parle. 

(33)  Casaubonus  in  Diogenein  Laërt. ,  lib.  IV, 
num.  48. 

(34)  Diog.  Laërt.,  lib.  IV,  num.  48. 

(35)  Favorin  ne  se  sert  point  de  cette  raison  : 
il  semble  adopter  pat  son  silence  les  deux  con- 
séquences  particulières  du  d démine. 

(36)  //  s'appelle  Pbilippus  Carolus. 


pouser  une  laide  femme.  Si  saint  Chri- 
sostome  était  pris  pour  juge,  il  con- 
damnerait la  rétorsion  du  dilemme  : 
car  il  a  prêché  que  ceux  qui  ont  une 
belle  femme  ne  trouvent  rien  de  pire 
que  de  l'avoir;  tant  c'est  une  posses- 
sion pleine  de  soupçons  et  d'embû- 
ches :  et  que  ceux  qui  en  ont  une 
laide  ne  trouvent  rien  de  pire  que  de 
l'avoir;  tant  c'est  une  chose  pleine 
de  dégoût.  'O  xcthhv  s'^œv  yuva.7x.ct  &Jefsv 

X,i7pW     CpMfl      Tuù     XCtKïlV     ê^êlV      yVVCUXCt 

(  Ù7ro-\.ictc  10  7rpà.y/utct  yîy.u  x.a.1  iTrtCovKtiç). 
a  J't/s-ité»  ,  oôê'it  Xl'P'jV  4"10"'  q  ou"  à/u.cpqov 
'*Xi,v  yuva.7x.ct,  aùt<Ti«ç  ya\p  to  Trpa.yp.a. 
su7rt7rx>iç'ai.  Qui  pulchram  ha  bel  uxo- 
reni  nihtl  pejus  esse  ait  quant  pulchram 
habere  u.xoreni  (  rem  enim  esse  insidia- 
rum.  et  suspicionum  plénum  )  :  qui  de- 
jormem,  nihil  pejus  esse  dicit  quant 
turpem  habere  uxoreni,  rem  enim  esse 
acerbitalis  referlam  (37).  Voilà  un 
prédicateur  qui  ne  raisonne  point  en 
l'air  :  il  se  fonde  sur  l'autorité  ou  sur  le 
dire  d'experts  \  cependant  ses  conclu- 
sions ne  sont  pas  meilleures  que  celles 
de  Bion.  Il  suffirait ,  pour  condamner 
la  rétorsion  du  dilemme ,  de  dire 
qu'il  contient  deux  mauvaises  consé- 
quences. Si  je  la  prends  belle ,  ce  ne 
sera  point  un  supplice  :  nego  conse  ■ 
quenliam  ;  car  peut-être  que  si ,  peut- 
être  que  non.  Si  je  la  prends  laide , 
elle  ne  sera  pas  commune  :  nego  simi- 
liier  consequentiam  ;  car  peut-être  que 
si,  peut-être  que  non.  Mais  pour  arrê- 
ter toutes  ces  chicanes ,  on  n'a  qu'à 
dire  aux  Bias  ou  aux  Bions ,  j'en  veux 
courir  les  hasards. 

Je  n'ai  pas  dit  toutes  les  variations 
qui  concernent  ce  dilemme  :  il  est 
encore  temps  de  copier  là-dessus  ce 
qu'on  a  lu  dans  Tiraqueau  (38).  Ce 
raisonnement  cornu  est  attribué,  non- 
seulement  à  Bion  et  à  Antisthènes  par 
Diogène  Laërce,  et  à  Bias  par  Aulu- 
Gelle  ,  mais  aussi  à  Aristippe,  par  le 
moine  Antoine  (39) ,  et  à  Solon  par 
Maxime  de  Tyr  et  par  Pierre  Martyr 
(4o).  La  rétorsion  est  l'ouvrage  de  Pit- 
tacus,  si  nous  en  croyons  les  Commen- 
taires d'Ariston  cités  par  Stobée(4i). 

(37)  Chrysost.,  homil.  I,  in  Epist.  II  ad  Ti- 
motlieurn  ,  apud  Menagium,  Notis  in  Diogenem 
Laërt.,  lib.  IV,  num.  48. 

(iS)  Leg.  Connubial. ,  pag.  32. 

(3g)  In  Melissâ,  tom.  II ,  cap.  XXXIV. 

(4o)  In  Locis  cominunibus  ,  cap .  XXXIX. 

(40  Sermone  LXY. 


BION. 


45i 


(H)  Les  traducteurs  de  Plutarque  rapport  à  celui  qui  est  loue.  L'inter- 
n' ont  pas  entendu  une  pensée  dk  Bion  prête  latin  a  bronché  plus  lourde- 
qu'ila  censurée.]  Rapportons  d'abord  ment:  il  impute  à  Bion  la  sotte  et  ri- 
le  grec  de  Plutarque  :  EùnQn  toiv«v  xaù  dicule  pensée  d'avoir  cru  ,  qu'en 
a.C(\npat.  Tôt  Toô  Bi&jvgç,  tî  tov  etyfov  louant  un  champ  on  le  rendait  plus 
'îfAixXiv  iyx.ùùy.n*.Ç}a>v  sw^opov  ctgisjv  x*<  ferlile  qu'en  le  labourant  (44)-  Stultè 
tùx.a.frQV ,  oùk  ctv  ù.ua.{,TsLviu/  tfoxit  toi/to  itaque  ne  fatuè  Bio  ,  qui  agrum  lau- 
7roifflv  jMoÎXXov  ,  h  (rx.â.TT'raiv  ko.)  Trpa.yixa.Ta,  dando  pulabal  se  reddilururn Jertilem 
?^cov.  où  To/vfv  ût/eT'  a.v9pa>7roç  xt<ito(  «ïv  un  ac  frugiferum  ,  polihs  quant  fodiendo 
sTsuvôi',  ù  toÎs  î^-aivoy^/êvoiç  aù<t>6Xi/^tôç  èç-j  et  coleado.  JYon  larnen  (45)  nomo  ab- 
kcli  7ra.y.qopoç  (4U)-  Cela  veut  dire,  Za  surdè  facit  laudans  ,  ubiul  iis  qui  lau- 
pensée  de  Bion  est  donc  très-imperti-  danlur  est  utile.  Pour  excuser  Amyot, 
nente  :  il  croyait  que  si ,  e«  donnant  on  pourrait  dire  qu'il  a  songé  que 
des  louanges  a  un  champ  ,  il  le  pouvait  Dion  ,  étant  alliée,  ne  reconnaissait 
rendre  Jertile ,  il  ne  serait  point  bld-  point  d'autres  devoirs  que  ce  qui  est 
niable  d'aimer  mieux  lui  en  donner,  profitable  ;  et  qu'ainsi  sa  pensée  était 
que  de  prendre  la  peine  de  le  tabou-  qu'il  faut  répandre  les  louanges  par- 
rer.  Jl  ne  faut  donc  pas  traiter  d'ab-  tout,  où  elles  sont  bien  payées,  et  qu'il 
surdè  un  homme  qui  loue,  si  ses  ne  faudrait  pas  même  les  refuser  à 
louanges  sont  utiles  à  ceux  qu'il  loue ,  un  champ  ,  si  elles  le  pouvaient  ren- 
et  si  elles  leur  font  produire  de  bons  dre  fertile.  En  un  mot  ,  que  le  métier 
fruits.  L'impertinence  que  Plutarque  de  flatteur  n'est  point  blâmable  , 
trouve  dans  cette  pensée  est  qu'un  pourvu  qu'on  y  trouve  son  profit, 
champ  ,  à  qui  on  donnerait  des  louan-  Mais  cette  excuse  est  tout-à-fait  vai- 
ges,  n'en  deviendrait  pas  plus  mau-  ne  :  un  traducteur  doit  rendre  fidèle- 
vais  ,  au  lieu  que  les  louanges ,  qu'on  ment  ce  qu'il  trouve  dans  l'original, 
donne  à  un  homme  qui  ne  les  mérite  et  renvoyer  ses  conjectures  à  des  re- 
point,  le  remplissent  de  vanité  et  le  marques  particulières.  Si  l'on  croit 
perdent.  'O  //sv  yàp  iypbç  où  yiiitcu  que  Plutarque  n'a  pas  rapporté  exac- 
^si'paiv  êîra.ivot//c«vor  av9fa>Tov  i%ru^ou<ri  tetnent  une  chose,  il  faut  en  avertir 
Kni  à.Toxxûouj-iv  oî  ^tuiSt  K!ti?rstf  oîfïav  les  lecteurs  ;  mais  il  faut  traduire  ce 
i7ra.iv oi/vT-fç-   Atque  ager   quittent   /au-  qu'il  a  dit. 

dando    non  fil  deterior  :  liominem  in-         (I)  //  prétendait  que  la  doctrine  de 
fiant  ac  perdunt  qui  immérité  laudant  l'empire    de   Dieu   sur    tontes    choses 
(4^.  Cette  censure   de  Plutarque   est  renferme    des    contradictions.  ]    Bion 
un  coup  perdu;  car  Bion  ne  disait  pas  prétendait   prouver  deux  choses  très- 
simplement  et  absolument  qu'il  fallut  différentes  :  l'une,  que  tous  les  voleurs 
louer  :  il  faisait  dépendre  les  louan-  étaient   sacrilèges  ;    l'autre   qu'aucun 
ges  de  cette  condilion-ci ,  c'est  qu'elles  voleur    n'était  sacrilège -(46).  Il  tirait 
rendraient  meilleurs  ceux  qu'on  loue-  ces  deux  conséquences  du  même  pi  in- 
rait.Nous  allons  voir  comment  Amyot  cipe  ,  et  ce  principe  est  l'une  des  plus 
a  traduit  le  grec  de  Plutarque  :  «  Par  solides  vérités    que  la  bonne  philoso- 
»  quoi  le  dire  de  Bion  est  sot  et  lourd;     plue  nous  enseigne  touchant  la  nature 
»  car  il  disait   ainsi  :  si ,   à    force  de     de   Dieu.    Le   souverain  Etre,    l'Etre 
»  louer,  je    pouvais  rendre  une  terre     souverainement  parfait ,  doit    possé- 
»  bonne  ,    grasse     et    fertile  ,    je    ne    der  l'empire  absolu  de  tontes  choses  : 
»  ferais  point  de  faute  en  la   louant,     c'est  de  lui  que    tous   les  autres   êtres 
»  plutôt  que  de  me  travailler   le  cœur     dépendent  ;  c'est  à  lui ,  comme  à   leur 
»  et  le  corps  à  la  labourer  et  cultiver,     auteur  et  à  leur  conservateur  ,   qu  ils 
»  Celui  donc  ne  pèche  point    aussi  ,     appartiennent.    Bion  avait  sans  doute 
»  qui  loue  un  homme,  si  en  le  louant     pour  but   de   réfuter  cett«?  doctrine, 
»  il  le  rend  utile  et  fertile  à  celui  qui     par  deux  conséquences  contradictoi- 
»  le  loue."  On  a  pris  dans  cette  version 
l'actif  pour  le  passif  ;  car  Bion  ne  par- 
lait pas  de  l'utilité  des  louanges ,   par 
rapporta  celui   qui    loue,    mais    par 


(4^)  Plut.  ,  de  Adulai,  et  Amici  Discrim.  .  pa g. 

59- 

(43)  Idem  ,  ibid. 


44  Dans  la  table  det  matières  vous  tr.mvez 
Bion  ;i:;riuii  lautl.in^o   f.rlil  or.  m    lierl  pui.ibat. 

(45)  Q"<"  "OÎlà  un  lamen  Inr 

fZ6  /  01  n  Sénèqtie  au  chapitre  fil  du  livre 
VU  <le  Benedciia.  Aucun  commentateur  ne 
marque  f*  Sénèque  avau  trouve  ce  raisonnement 
de  Bion  dans  quelque  ancien  auteur  qui  nous 
reste. 


45c 


BION. 


res  et  pernicieuses,   qu'il   prétendait  nécessairement    convenir    que    Bion 

en  pouvoir    tirer.   Voici  Tune  :  Tous  parvint  pour  le  moins  jusqu  au  com- 

ctux  qui  dérobent  les  biens  de  Dieu  mencement  de  la  i3ie.;  car  au-dessous 

sont   sacrilèges  :   or   tous  les  voleurs  de  vingt   ans,    Ératosthène   n'aurait 

dérobent  t'es  biens  de  Dieu  ■  car  tou-  pas  lié  avec  lui  une  connaissance  qui 

tes  choses  lui  appartiennent  :   donc  ,  eût   valu   qu'on  en  parlât.  Je  ne  vois 

ions  les  voleurs  sorti  sacrilèges.  Voici  qu'une  difficulté  dans   cette  supposi- 

l'autre  :  Transporter  une    chose   d'un  tion  :  c'est  que  je   remarque    que    le 

lieu  qui  appartient  à  Dieu  en  un  au-  docte  M.   du  Rondel  insinue   qu'Epi- 

tre    qui    lui    appartient    aussi,   n'est  cure  survécut  à  Bion  (5i).  Or  Epicure 

point    commettre    un    sacrilège    :   or  mourut  l'an  2  de  la  127e.  olympiade. 

ceux   qui  pillent  les   temples  ne    font  Je  ne  propose  ce  nœud  ,  qu  afin  d'en- 

que  transporter   les    choses  d'un'  lieu  gager  AI.  duttondel  à  éclaircir  docte- 

qui  appartient  à  Dieu  en  un  autre  qui  ment  ce  point  de  chronologie. 
lui  appartient  aussi;  car  toutes  choses         (L)   Selon   lui,    supporter  avec   la 

appartiennent  h  Dieu  ■  donc,  ceux  qui  même  tranquillité  les  injures  et  les  hon- 


il  se  représente  Bion  comme  un  tyran, 
qui  en  certains  temps  veut  être  cruel, 
et  eu  un  autre  saccager  les  temples. 
Quand  il  veut  être  cruel  ,  il  se  sert  de 
son  premier  syllogisme  :  c'est  un 
arrêt  pour  précipiter  tous  les  voleurs  ; 
'et  il  se  sert  du  second  ,  lorsqu'il  sou- 
haite de  s'enrichir  des  dépouilles  des 
saints  lieux. 

(K)  Je  ne  sais  où  Konig  a  puisé  que 


»  profité  quand  ils  auroyent  aquis 
»  tant  de  constance  ,  qu'ils  enten- 
»  droyent  aussi  patiemment  ceux  qui 
»  les  outrageroyent  et  injurieroyent , 
»  que  ceux  qui  leur  diroyent  CO  : 

»  Ami  passant ,  certes  lu  n'as  point  chère  (52) 

»  D'eslre  homme  Jol,  ni  de  mauvais  affaire: 

»  A  Dieu  te  dis  ,  priant  la  dette' 

»  De  le  donner  toute  prospérité'  (53).  » 


Bion  mourut  tan  4  de  la  1 34e-  utym-  Cette  rJgJe  de  Bion  Cst  plutôl 
piade.\  J'ai  suppose  ci-dessus(47)  que  d'une  très  grande  et  très-pai 
Plutarque    a  fait   fleurir   notre    Bion    bitude  de  notre  âme  qu'un  s 


Plutarque  a  raison  de  remarquer  que 
tôt  un  signe 
arfaite  ha- 
__    que    a  ian    ucuiu    uuiig    mvu     mtude  ele  notre  ame  qu  un  simple  si- 
„ou8  le  règne  du  premier  Antigonus  ,     „ne  d'amendement.  C'est  en  vérité  un 
■si  je  n'ai  pas  trouvé  trop   sûre  l'opi-    caractère  de  perfection. 

:iion   d'Aldobrandin,  savoir    que  ce         q,\^  ga  réponse  à  Théognis  n'a 

philosophe  fut  questionné  sur  sa  nais-  j)ai  autant  de  moralité.  ]  Plutarque 
sauce  par  Antig  mus  Gouatas.  Je  dois  nous  pa  conservée  ,  et  il  en  dit  du 
dire  ici ,  pour  un  plus  grand  éclair-  bien.  Voici  ses  paroles,  selon  la  ver- 
cissement,  uu'Ératoslhèneavaitconnu  s[on  d'Ainyot  :  «  Aussi  fut-ce  bien 
Bion  dans  Athènes  ,  et  qu'il  le  comp-  „  gentiment  respondu  à  Bion  à  l'en- 
tait parmi  ses  héros.  On  ne  peut  dou-  „  contre  de  ces  vers  de  Théognis  , 
ter  raisonnablement  que  Strabon  ,  en 
nous  apprenant  cela  (48),  ne  veuille 
parler  de  Bion,  le  Borysthénite  ;  car 
ce  qu'il  dit  qu'Ératosthène  attribuait 
à  son  Bion  (49)  est  la  même  chose 
tm'Ératosthène    attribue  dans  Diogè- 

1!    Laërce    à    Bion    le    Borysthénite.     >>  la  teste  de  ton  caque   (  54  )?>-  On 

Puis  donc  qu'Ératosthène  naquit  l'an     voit  ici  1  esprit  insolent  et  insultant 

e'    delà  âv.  olympiade  (5o),  il  faut    de  ce  philosophe.  Ce  n'est   pas  ams, 

1  J     v         K     "  qu'il  faut  traiter  un  pauvre    poète. 

(47)  Dans  la  remarque  (G).  uj  se  pjaint  que  la  misère  lui  lie  la 

^^dWot^^p^mierquieùiha-    langue  ;    car     quoique     l'expérience 


JJhomme  ne  peut  faire  ne  dire  rien. 

Quand  povrelé  Veslraint  en  son  lien  , 

>  El  a  sa  langue  au  palais  alachée  : 

comment  donques  babilles-tu  tant, 
veu  que  tu  es  pauvre,  et  nous  romps 


biîle'ia  philosophie  d'unejobe  semée  de  fie 
<$>x<ri  Ktynv   S7T  o-Ùtov   tov   'kpcLTorèîvnv 
m;   ttiHt'^   Bia)V    thv    QitoroqicLV    ÀvÔiva. 
iviouciv.  D103.    Laërt. ,    lib.     IV ' ,    num.    52. 

Strabon.    corrigé  par    Casaubon  ,  dit  la  même 

chose  ,  liv.  1  ,  pag.  10. 

(5o)  Yobiius,  île  Hisl.  graec.  ,  pag.  108. 


(5i)  De  Vitâ  Epicuri ,  pag.   i33. 
(*)  RrOdyss.,  V  I  et  XXIV. 

(52)  C'esl-a-dire  ,  la  mine. 

(53)  Plutarcli.  ,  deProfeet.  virlut. ,  pag.    82, 
D.  Je  me  sers  de  ta  vision  ,1'Amjol. 

(54)  Plularch.,  de  Audiend.  Poétis,  pag.  8a. 


B1R0N.  BLANC.  BLANCHE.  BLANDRATA.      4$3 

montre  assez  souvent  que  le  manque  d'un  autre  Bion,  il  a  eu  grand  torl  d 

de  pain  et  d'habits  inspire  beaucoup  ne  pas  le  faire    savoir  à  ses  lecteurs. 

de  verbiage,  il  est  certain  qu'il  y  a  Je  ne  sais  si  quelqu'un  a  jamais  pris 

une   infinité  de  choses  que  l'on  n'ose  garde  à  cette  faute. 

BIRON  ,  maréchal  de  France. 
Cherchez  Gontaut. 


dire  quand  on  est  mal  habille  : 


Plurin 

Non  audenl  /tontine 


a  sitnl  qute 

pertusd  dtcere  lœnà (55). 


11  est  certain,  dis-je,  que  l'indigence 
engourdit   les  inains  à  plusieurs  per- 


BLANC  (André),  jésuite  de  Gê« 


sonnes,  et  qu'elle  leur  ferme  la  bou-  nes  »  écrivit  contre    le  probabi- 

che  comme  Theognis  le  remarquait,  lisme    un    ouvrage    qu'il    publia 

Et,  sur  ce  fondement,  son  avis  fm  qne  sous  ]e  nom  de  Candidus  Phila- 
l'on  se  défit  de  la  misère  avec  tous  W 


soins  imaginables  ,  et  qu'on  préférât 
même  la  mort  à  la  pauvreté. 

"AvtTo'   oLyxBh   înv!»   nxvrmv    $xu\*ti 
/utxhiç-X, 
K«t)  ynpeeç  TroAiot/,  Kt/pvs,  «ïi  hmx- 

xatf 


lelhus ,  l'an  1642.  Mercorus  et 
Gon^t ,  deux  fameux  thomistes  , 
ont  da  faussement  qu'il  fut  le 
premier  jésuite  qui  prit  la  plume 
en  Italie  contre  le  dogme  de  la 
probabilité;  car  dès  l'année  1600, 
Hv  A  xfn  ^«yovT*  KXi  BW«^f«    paul  Comitolus*   jésuite  italien, 

7T0VT0V  •.    c      t    1  »         '       1  ,t 

'p/m  ko.)  mrfSi ,  tip;  **<t'  *™lt  tait  la  mem*  chose,  \oyez. 

»xi£*tû)v.  YAnti  -Probabilismus    du   père 

rixç  yàp  à.inf  nw*  J'ify.ny.ivrjç  oiV*  t»  Gisbert ,  provincial  des  jésuites 

^•!'TS'i'      ^'                          «    ■  en  la  province  de  Toulouse,  pagre 

NJ&u.                                m  184,  1 85  (a.) 

Xf»  yxp  cy.cèç  'nri  yn\'  ts  kxi  iùpîx  vwrx 
Sxkxttïiç. 


Ai'^WSst»    XxKi7rîiç  ,    KCpt  ,    hî/Ttv 

TTiVInÇ. 

TêÔvi'.'îtl  ,  <tlAÉ   KlytVS,   7rtVl%pt6    /éikTi- 

pov  àvipi-, 

"H    ÇléitV   yx\l7C*    TêiptytSVOV   /TSVIVt. 
Virum  honiim  paupertas ,  quàm  aliar  res  om- 
nes  domat  magis . 
jc?t  quàm    seneclu.t  cana  ,    Cyrne  ,  et  quàm 
j*r«. 
Quant  quittât!   paupertatem  oporlet  Jugere  , 
et  in  immensum  mare 
Projicere  et  pelrat .  Ci  rtie  ,  conlrrt  aha*. 
Oinnit  enitn  vit  paupertate  domitut  ,    neque 
qmcquani  dicete  . 
Neque  facere  polett  :  lingua  verb  illi  ligata 
eu 
Oportet  tgilur  ximul  superlerram  et  lata  dorsa 
maris  , 
Quœrerr  gravis ,  Cyrne ,  liberalionem  pau- 
perlait  t  : 
Mort,  ,',  amire  Cyrne,  pauperi  meliut  ett  t/ro, 
Quàm  viveredurdajfltclum  pauperlale(bb). 

Les  paroles  de  Theognis,  rapporte'es 
par  Plutarque.  se  trouvent  dans  les 
vers  que  Ton  vient  de  lire.  Mais  com- 
me c'est  un  théologien  qui  a  vécn 
long-temps  avant  notre  Bion  ,  on  ne 
saurait  disculper  Plutarque  :  car  s'il 
a  parlé  de  ce   Bion  ,  il  a  été  un   Fort 


*  Avant  Coruitoltis  ,  ilit  Leclerc,  un  autre 
jésuite  nommé  Rehollus,  mort  dès  1608, 
s'était  déclaré  contre  la  probabilité.  Cet  ar- 
ticle d'André  Blanc  parut  pour  la  première 
fois  dans  l'édition  de  1720;  il  est  donc  post- 
hume ;  ce  qui  explique  pourquoi  il  est  si 
court  et  ians  remarque.  Joly  ,  pour  y  sup- 
pléer, dit  qu'André  Blanc  cuire  chez  les  jé- 
suites à  quinze  ans,  en  [002,  professa  d'abord, 
puis  devint  un  célèbre  prédicateur,  et  mou- 
rut le  29  mars  lb5^.  Joly  donne  la  liste  de 
ses  ouvrages  au  nombre  de  dix-  s  pi 

(a)  //  est  imprime  à  Paris ,  l'an  ijo.3  , 
in  !t°. 

BLANC  (Louis  le)  ,  professeur 
en  théologie  à  Sedan.  Cherchez 
Beaulieu. 

BLANCHE  de  Castille ,  mère 
de  saint  Louis,  roi  de  France 
Cherchez  Castille  (  Blanche  de 

BLANDRATA  (George),  mé- 
decin italien,  natif  du  marquisal 
de  Saluées  (A),  a  vécu  au  \\  i' . 
siècle.    11  se  sauva  de  Pavie  a 
ou  l'inquisition   lui  aurait  jou" 


mauvais  chronologue;  et  s'il  a  par!-    quelque  mauvais  tour,  et  se  n- 

(55)  Juvenal.  ,  sat.  V,  i\c.  i3o. 
(56;  Theognis,  vs.  17J,  pag.  1-. 


rt/  Biblioth.  antitrinit.,  pag.  28. 


454  BLANDRATA. 

tira  à  Genève  (B).  Il  y  embrassa  ta  qu'il  ne  serait  point  recherché 
la  religion  protestante,  et  d'abord  touchant  ses  fautes  passées  ;  mais 
il  édifia  l'Église  par  sa  conduite  Blandrata  ne  s'y  fia  point  ;  car 
et  sa  docilité  ;  mais  on  s'aper-  au  bout  de  quelques  jours,  ayant 
çut  dans  la  suite,  qu'il  attaquait  vu  entrer  l'un  des  syndics  de  la 
sourdement  la  divinité  de  Jésus-  république  dans  l'auditoire  de 
Christ.  Il  ne  se  contenta  pas  de  théologie  où  il  entendait  une 
répandre  ses  difficultés  parmi  les  leçon  de  Calvin  ,  il  feignit  de 
ignorans  :  il  les  proposa  aussi  saigner  du  nez ,  et  s'enfuit  au 
au  ministre  de  l'église  italienne,  plus  vite,  et  ne  rentra  plus  à 
Ce  ministre,  qui  était  de  la  mai-  Genève  (d)  (D).  Comme  il  avait 
son  des  comtes  de  Martineng^e  ,  autrefois  exercé  la  médecine  dans 
le  renvoya  bien  loin  ,  et  »e  vou-  la  Pologne  et  dans  la  Transilva- 
lut  pas  même  se  servir  de  lui  nie,  il  se  destina  ce  théâtre  pour 
dans  ses  maladies  ,  pi  dans  celles  y  dogmatiser  tout  à  son  aise  (e). 
de  sa  femme,  quoique  Blandra—  II  s'en  alla  donc  en  Pologne  l'an 
ta  lui  offrît  avec  une  grande  ar-  1 558  ,  et  y  fut  reçu  honorable- 
deur  tout  ce  qui  dépendait  de  ment  de  ceux  de  la  religion.  Cal- 
son  art.  Calvin  ,  auquel  les  me-  vin  lui  fit  voir  qu'un  théologien 
mes  difficultés  furent  proposées  de  sa  force  a  les  mains  longues 
cent  fois,  voyant,  qu'après  avoir  (E)  :  il  écrivit  plusieurs  lettres 
témoigné  qu'on  acquiesçait  à  ses  aux  fidèles  de  Pologne  ,  pour  les 
réponses  ,  on  revenait  le  lende-  exciter  à  chasser  du  milieu  d'eux 
main  à  la  charge ,  se  mit  enfin  ce  personnage  ,  qui  pouvait  in- 
en  colère  contre  Blandrata ,  et  le  fecter  de  ses  hérésies  la  pureté 
traita  durement  (C).  Il  continua  de  la  foi.  L'impression  que  firent 
néanmoins  de  le  saluer  et  de  lui  ces  lettres  traversa  beaucoup  les 
parler ,  et  il  eut  même  la  com-  desseins  de  George  Blandrata  ; 
plaisance  de  répondre  par  écrit  mais  rien  ne  lui  fut  plus  con- 
à  ses  objections  (b).  Mais  ayant  traire  que  les  discordes  qui  s'é- 
découvert  qu'on  lui  avait  tendu  levèrent  entre  ceux  qui  comme 
un  piège ,  en  demandant  une  ré-  lui  combattaient  le  mystère  de 
ponse  par  écrit  ,  il  ne  voulut  la  Trinité  :  et  néanmoins  ces  dis- 
plus écouter  Blandrata.  On  rap-  cordes  n'empêchèrent  pas  qu'on 
porte  que  cet  hérétique  accusa  ne  frayât  le  chemin  à  l'hérésie 
Calvin,  en  présence  de  tout  le  socinienne,  qui  s'établit  quelque 
peuple  ,  d'avoir  écrit  quelque  temps  après  en  ces  quartiers-là. 
chose,  et  que  cette  accusation  II  changea  de  scène  l'an  i563  , 
fut  convaincue  de  fausseté  par  ayant  été  appelé  en  Transilvanie 
l'exhibition  de  l'original.  Quel-  par  le  prince  Jean  Sigismond  (_/*). 
crue  temps  après,  on  fit  dans  le  N'oublions  pas  qu'à  son  arrivée 
consistoire   de   l'église   italienne 


de 
;édures  dont 


les  proceaures  aonx  je  parle  ail- 
leurs (c).  Calvin  assura  Blandra- 

(b)  Cet  écrit  est  imprimé  dans  le  volume 
des  Opuscules  deCalvin. 

(c  Dans  l'article  de  (Jean-Paul)  ALC1AT  , 
fl  dans  celui  de  (Yalentin)  Gkntilis. 


(diTiréde  la  CCCXXIR  Leltre  de  Calvin. 

(e  Post  varias  délibéra tiones  ita  fors  tu- 
Itt  ul  Blandrata ,  qui  medicinam  diit  in  Po- 
loniâ  primum,  deindè  in  Transy L>aniâ 
apud  reginarfectrat ,  eo  reverteretur.  Beza  . 
Epist.  LXXXl. 

(  /)  Biblioth,  antitrin..  pag-.  2&. 


BLANDRATÀ.  455 

en  Pologne  on  le  fit  ancien  des  patrons  :  il  fut  médecin  d'Étien- 
églises  qui  étaient  sous  le  ressort  ne  et  de  Christophle  Battori  , 
de  Cracovie  (g)  ;  et  qu'en  i56o  ,  princes  de  Transilvanie.  Il  le  fut 
au  synode  de  Xianz  ,  auquel  il  aussi  d'Etienne,  lorsque  ceprin- 
avait  apporté  la  somme  de  six  ce  jouissait  du  royaume  de  Polo- 
cents  écus  de  la  part  de  Nicolas  gne  ,  et  il  fut  même  de  son  con- 
Radzivil ,  grand  chancelier  de  Li-  seil  privé  (m).  Il  s'opposa  de  tou- 
thuanie ,  il  fut  donné  pour  asses-  tes  ses  forces  à  François  David  , 
seur  à  Cruciger  ,  avec  son  bon  qui ,  non  content  de  nier  avec  les 
ami  Lismanin  (h).  Ce  Cruciger  autres  unitaires  la  divinité  de  Jé- 
était  surintendant  des  églises;  et  sus -Christ,  soutenait  de  plus 
l'on  craignait  que,  s'il  n'avait  qu'il  ne  fallait  pas  l'adorer.  Blan- 
point  de  collègues  ,  le  gouverne-  drata  fit  venir  du  fond  delaSuis- 
ment  ecclésiastique  ne  ressentît  se  Fauste  Socin  à  son  secours  , 
trop  la  papauté  (/').  N'oublions  afin  de  l'opposer  à  ce  François 
pas  non  plus  qu'en  i56i  ,  Blan-  David  («)  :  il  le  fit,  dis-je,  venir 
drata  parut  au  synode  de  Pinc-  l'an  1 5^8,  en  Transilvanie,  où 
zovie,  avec  des  lettres  de  recom-  il  était  médecin  du  princeXhris- 
mandation  de  Nicolas  Radzivil  ,  tophle  Battori.  La  faveur  où  il 
et  qu'il  y  donna  une  confession  se  vit  auprès  du  roi  de  Pologne 
de  foi ,  en  vertu  de  laquelle  la  lui  fit  prendre  un  si  grand  plai- 
compaguie  lui  expédia  un  témoi-  sir  à  thésauriser  que  ,  de  peur 
gnage  honorable  (F).  S'étant  re-  de  refroidir  la  libéralité  de  ce 
tiré  en  Transilvanie  ,  appuyé  prince  ,  il  abandonna  les  intérêts 
qu'il  fut  de  la  faveur  de  Jean  Si-  des  unitaires,  et  se  mit  à  favo- 
gismond  ,  dont  il  était  médecin  ,  riser  les  jésuites  (G).  Il  vivait 
et  de  celle  de  Petrovits  premier  encore  environ  l'an  1 585  (o)  , 
ministre  d'état ,  il  fit  hautement  lorsque  Bellarmin  écrivait  son 
lever  la  tête  à  son  hérésie;  et  sur-  traité  de  Cfiristo  ;  mais  il  était 
tout ,  après  la  dispute  publique  mort  en  i5cp  ,  quand  Socin  écri- 
qu'il  soutint  avec  François  David  vait  contre  Wuiekus.  Le  père 
contre  quelques  docteur*  réfor-  Maimbourg débite  que  Blandiata 
mes,  en  présence  de  toute  la  cour  devint  furieux,  et  qu'il  fut  as- 
Van  i566  (k).  Le  prince  se  ran-  sommé  par  un  de  ses  neveux  qui 
gea  entièrement  au  parti  des  an-  enleva  tout  son  argent  (p).  Je  ne 
titrinitaires,  et  mourut  dans  cet-  sais  ce  que  l'on  doit  croire  tou- 
te foi ,  entre  les  mains  de  Blan-  chant  la  fureur;  mais  l'autre  fait 
drata,  l'an  i5^o  (l).  Cet  héréti-  est  certain,  et  n'a  pas  manqué 
que  ne  manqua  pas  de  nouveaux  d'être  attribué  à  un  jugement  de 

Dieu  ,  tant  par  les  orthodoxes  , 

la  CCCXXême'  V°ye"  a"",Calviai  Epiit0-  que  par  les   hétérodoxes  (H).  On 

(h)   Lstns,   Compendiam  Hbt.   univers.,  Peut  Voir  la  ,iste  deS  ouvrages  de 

'm"  «L ,  ma.  f71  \  "p-  Vvi'c  la  rcm"r,?'n: K  ■ , , 

,'  (n)  >Y  issowalii  .Narrât,  coinpend.  inlith] 

v.*)  royez  Maimbourg,  Hist.  de  l'Arijni-  autitnt.  ,  pag .  2l3 

Bme  ,  ton,.  III,  pag.  346,  édit.  de  Hollande,  (o}  BlU.  anlltri„.,  pag.  2g. 

(/)    Maimbourg,    là    même,    pag.     36l  ;  [p)  M.iimb..  Hirt.  4e  l.V.ianisme,  lom.  111 

mais  il  a  mis  i5ji  ,  au  tien  de  i5-]0.  pag.  3o'i  ,  ex  Rescid  de  Alheismo  evang. 


456  B  LAN  DR  ATA. 

Blandrata    dans    la  bibliothèque    réri  le  fait  aller  de  Pavie  en  Pologne, 

des  antitrimtaires  (I).  On  avait  à    **:fe  d«t  nen  du  voyage  de  Genève. 

,  .  v   /.  .    .  Cela  n  est  nullement  exact.  Blandrata 

Genève  une  si  mauvaise  opinion    m  pilis  $>ùûe  <ois  en  p0iogne .  et 

de  sa  plume  ,  qu'on  y  croyait  c'est  ce  qu'il  fallait  remarquer.  Il  y 
que  les  écrits  qui  paraissaient  sous    avait  exercé  la  médecine  avant  que 

'*   ■   „+  Lfmirlipcmrnn  d'aller  à  Genève.  Il  l'avait  aussi  exer- 

son  nom  étaient  rctoucncs  par  un  ,                    ... 

,  i  j  cee  en  Iransilvanie  avant  ce  même 
autre  (K).  Je  rapporterai  dans  VOyage  de  Genève  :  et  comme  il  avait 
!a  remarque  (D)  plusieurs  fausses  été  en  ces  pays-là  un  médecin  de  dis- 
dates concernant  ses  aventures  ,  tinction  ,  puisqu'il  avait  été  médecin 

et  dans  la  remarque  (K)  plusieurs    de  reincs  \Aaim?n(  '  >  m/eux  s>,re- 

.  ,       «.  tirer  "Iue  d  aller  ailleurs  ,  lorsqu  il  ne 

méprises  touchant   ses    erreurs.    cmt  point  pouvoir  demeurer  en  sû- 

Je  ne  dois  pas  finir  ,  sans  dire  reté,  ni  à  Genève,  ni  en  Suisse.  Voi- 
que  les  historiens  unitaires  par-  là  une  de  ces  combinaisons  du  moral 
lent  de  la  confession  de  foi  qu'il    fvec  ^  P^ique  dont  le  père  Malle- 

branche  a  parle  dans  son  traite  de  la 
nature  et  de  la  grâce.  Pourquoi  a-t-il 
fallu  cpie  la  Pologne  ,  que  la  Transil- 
vanie,  aient  été  plus  tôt  infectées  des 
erreurs  des  sociniens  qu'un  autre  pays? 
C'est  que  les  lois  générales,  qui  exci- 
tent nos  passions  naturelles  et  notre 
bon  sens  ,  ont  voulu  que  Georges 
Blandrata,  contraint  de  chercher  une 
retraite  ,  l'ait  plutôt  choisie  dans  un 


donna  aux  synodes  de  Pologne 
avec  tant  de  déguisemens  (q). 

Les  anachronismes  et  les  chi- 
mères de  M.  Varillas  sont  si 
étranges  ,  qu'on  ne  peut  se  dis- 
penser d'y  faire  quelques  ré- 
flexions (L). 

Depi 


mis  la  seconde  édition  ,  j'ai  ]ie„  ou  jj  avait  "beaucoup  d'habitudes, 

vu  un  livre  ,  oii  l'on  assure  qu'il  que  dans  un  pays  inconnu.  Voilà  pour- 

avait  bien  bu,    avant  que  de  se  quoi    sortant  de  Genève    il  s'en  alla 

,  i  •.        '-i  .  en  Pologne  :  et  quand  il  y  fut,  il  y  at- 

coucher ,  la  nuit  qu  il  mourut  ;  Ura  les*Alciat  e]  les  Socfn  .  u  sMntri. 

et  que  c  était    un    problème  ,    si  Kua   cnez  les  grands  ;  un   prince  de 

quelqu'un    de   ses  parens  ,  ou  le  Transilvanie,  dont  il  était  médecin  , 

diable  ,  l'avait  tué  (M).  f"t  son  prosélyte,  etc.  Quoi  qu'il  en 

soit ,   M.   Moréri  aurait   du  dire  que 

(7)  Vide  Histor.  reformat.  Pollon.  pag.  Blaudrata  avait  été  médecin  en  Polo- 

i3o,  e^Biblioth.  aniitrin.  pag.  i85,  18b'.  gne  et  en  Transilvanie  avant  que  l'in- 
quisition As   Pavie  mît  les  mains  sur 

(A)  II  était  natif  du  marquisat  de  lui  ;   que  ',  s'étant  sauvé  de  Pavie  ,  il 
Salaces.]  ()u\  n'admirerait  que  II.  Mo-  •  s'en  alla   à  Genève;  et  que,    sortant 

réri  se  soit  avisé  d'observer  une  gran-  de  Genève  ,   il  s'en  retourna  en    Po- 

de   différence  entre   le  Piémont  et  ce  logne. 

marquisat?  Blandrata,  dit-il,    était        (C)  Calvin le  traita  durement.] 

Piémonlais.  D'autres  disent  qu'il  était  Calvin  avoue  sans  façon  les  injures 

natif  du  marquisat  de  Salaces.  Ce  ne  qu'il  lui  dit.  Je  vois  à  votre  mine  le 

sont  nullement  deux  opinions  diifé-  détestable  monstre  que  vous  nourrissez 

rentes.  Ceux  qui  l'ont  fait  Piémontais  dans  votre  cœur.  Rapportons  le  passa- 

n'ont  pas  prétendu  mettre  ce  marqui-  ge  tout  entier.  Eodem  tempore  ,   suis 

sat  hors  du  Piémont:  ils  ont   pris  le  quœslionibus  fatigabat  Calvinum,  eo- 

Piémont  dans  sa  signification  généra-  que  inagis  quod  cùm  subindèjingeret 

le  ,  comme  l'on  fait  quand  on   ne  se  se  placalwn  esse  et  acquiescere  respon- 

propose  pas  d'expliquer  exactement  ,  sis,  postridiè  redibat  quasi  novus,  nec 

et  eu  géographe,  tous  les  états  du  duc  desinebat  ea  ipsa  de  quibus  sœpè  au- 

de  Savoie.  Or,  il  est  sur  qu'en  ce  sens-  dierat ,  sciscitari.  ltaque   coaclus  est 

là  le  marquisat  de  Saluées  est  une  par-  ei  Cab'inus  in  faciem  dicere  ,    rultus 

lie  du  Piémont.  Voyez  le  Dictionnaire  tuus  detestabile  monstrum  mihi  osten- 

de,Ë'  ?,aUdRIIÎA"     •    ,.        .  ,„     ,,  (1)  Fojet  dans  la  citation  (e) ,  le  passage  de 

(h)  Il  se  retira   a  Ixenevc.  \  M.  Mo-     U  Lettre  LXXXI  de  Théodore  de  Bèie. 


BLANDRATA.  /457 

dit  quod  in  corde  occultumfoves  ;  ac  supplice  de  Gentilis  est  une  affaire  de 
sœpiits  cum  asperè  objurgavit ,  ut  si  l'an  i56f>,  on  juge  sans  peine  s'il  put 
fiai  posset,  corrigeret  perfidiam  ,  et  être  cause  que  Blandrata  sortît  du 
fallacias  dolosque  tortuosos  ,  quorum  pays  des  Suisses,  et  se  réfugiât  en  Po- 
fastidio  eratquodammododefessus{i).  logne.  Si  ce  supplice  l'avait  détermi- 
(D)  //  s'enfuit  au  plus  vite  ,  et  ne  né  à  se  sauver  en  ce  pays  là  ,  aurnit- 
rentraplus  a  Genève.  ]  Plusieurs  au-  il  pu  en  être  chassé  Tan  i565  ?  Des 
teurs  se  trompent  sur  le  temps  auquel  gens  plus  croyables  que  Hornins  en 
Blandrata  sortit  de  Genève.  Ils  disent  ces  matières  assurent,  que  Jean  Sigis- 
qu'il  n'en  sortit  qu'après  que  Valentin  mond,  prince  de  Transilvanie,  (il  ve- 
Gentilis  se  fut  retiré  sur  les  terres  du  nir  auprès  de  lui  Blandrata  ,  environ 
canton  de  Berne  $  mais  cela  est  faux,  l'an  1 563  (8).  Ce  ne  fut  donc  pas  un 
Gentilis  ne  se  retira  ({d'après  l'amen-  arrêt  de  bannissement  qui  l'obligea 
de  honorable  qu'on  lui  lit  faire  par  de  s'enfuir  de  Pologne  en  Transilva- 
tous  les  carrefours  de  la  ville,  le  2  nie  l'an  i565.  Jean  Lretus  a  commis 
de  septembre  i558.  Abnegatione  per  une  bévue  surprenante  dans  son  Abré 
compita  civitatis  J'actd  ,  dtmittitur  gé  de  l'Histoire  universelle  (9).  Il  fait 
(  Gentilis  )  prœstito  jurejurando  sese  dans  trois  lignes  deux  personnes  du 
portas  urbis  non  excessurum  :  mor  ta-  médecin  Blandrata  ,  et  de  George 
nien  violalà  fide  ad  Matlhœum  Gri-  Blandrata  :  il  dit  du  premier  que  le 
baldum  in  Sabaudiam  profugit.  Se-  synode  de  Xianz  le  donna  pour  asses- 
quuti  sunt  aliquanlô  post  Alçialus  et  seur  au  surintendant  des  églises  ,  l'an 
Blandrata  (  3  ).  Primus  Calentinus  i56o;  et  il  suppose  que  le  second  alla 
Gentilis  in  judicium  vocatus ,  simula-  en  Pologne  lorsqu'à  peine  les  désor- 
tâ  pœnitentid  non  sine  insigni  perjuno  dres  de  Stancarus  étaient  cessés.  Nou- 
profugit.  Sequutus  est  Paulus  Alcia-  veau  mensonge  :  les  disputes  que  Stan- 
tus  ,  aut  etiam  prœcessit ,  solo  malœ  carus  avait  excitées,  eu  soutenant  que 
conscientia'  vulnere  adactus.  Blandra-  Jésus-Christ  n'était  point  notre  mé- 
ta  aliquanlà  post  (4).  Erat  ille  Blan-  diateur  selon  sa  nature  divine,  étaient 
drata  Saluriensis  ,  professione  medi-  dans  leur  plus  grande  force  à  l'arrivée 
eus  ,  qui  Gentilem  Genevâ  profugum  de  Blandrata.  Tum  aulem  forte,  Fran- 
paulb  post  sequutus  fuit  (5).  Or,  il  cisci  Stancari  Manluani  petulantissi- 
paraît  par  une  letlrede  Pierre  Martyr,  mi  hominis  importunitate  (  ut  sanèfa- 
datée  de  l'onzième  de  juillet  1 558,  talis  esse  ridetur  Polonis  Italia)  scis- 
que  Blandrata  et  Alciat  avaient  déjà  s<c  erant  Polonicœ  ecclesice  (to).  Mais 
été  à  Zurich  ,  et  qu'ils  n'en  étaient  tout  ceci  n'est  rien  en  comparaison 
partis  qu'après  que  Martyr  leur  eut  des  anachronismes  du  pète  Maim- 
donné  ce  conseil.  L'erreur  de  Hornius  bourg.  11  envoie  en  Transilvanie  no- 
est  infiniment  plus  grossière.  Il  dit  tre  Blandrata  dès  l'an  i553  fu).  Il 
3ue  Blandrata  et  Alciat  se  retirèrent  suppose  qu'en  la  même  année  le  prin- 
e  Suisse  en  Pologne,  épouvantés  du  ce  Jean  Sigistnond  prenait  plaisir  d'en- 
supplice  de  Servet  et  de  Gentilis  ,  et  tendre  son  médecin,  lorsque  ,  voulant 
qu'ayant  été  chassés  de  Pologne  l'an  faire  le  théologien,  il  parlait  en  phifo- 
i565,  Alciat  s'alla  faire  Turc  ,  et  sop/ie  de  la  Trinité  qu'il  traitait  de 
Blandrata  s'enfuit  en  Transilvanie  (6).  chimère.  Il  ajoute  (pièce  prince  n'osa 
Il  n'y  a  rien  de  vrai  là-dedans.  J'ai  pas  encore  se  déclarer  ,  tant  parce  que 
réfuté  ailleurs  (7)  le  prétendu  maho-  sa  mère  ,  la  reine  Isabelle  ,  princesse 
métisme  de/Jean-Paul  Alciat,  et  je  dis  très-catholique  ,  vivait  encore,  que 
ici  que  Blandrata  se  retira  en  Pologne  parce  que  Soliman  ne  souhaitait  pas 
la  même  année  qu'il  quitta   Genève,  qu'on  souffrît  la  diversité  des  sectes. 


c'est-à-dire  l'an  1 558.  Or,    comme  le 

(3)  Calvini  Epistola  CCCXXir. 
(1)   Beza  ,  in  Vilâ  Calvini. 
M)  Idem,  EpistoU  I.XXXI. 

(5)  Hoornbeek  ,  Apparalus   advers.  socinian.  . 
paç.  1$. 

(6)  Hornius,  Ilist.  reeles.,  pag.  35i,  édition. 
an.  168-, 

(7)  Ci-dessus  ,   remarque  (D)  de  l'article  de 
Jean-Paul)  Alciat. 


Cela  regarde  l'an  1 555.  Il  dit  que  .  par 
complaisance  pour  Soliman,  on  chas- 
sa tous   les    hérétiques  ;   mai-   que    la 

(8)  Biblinih.  anlitrin.,  pag.  =8-  Hi: tor.  Refor- 
mât. Potonicar ,  pag.   170. 

(9)  PaS-  4"- 

fioj  Rcm,  EpisinU  I.XXXI. 
fil*  Histoire  de  l'Ariani-me,  tom.  lit  ,    pag. 
?15,  édition  d-  ffdttande. 


458 


BLANDRATA. 


reine  et  Soliman  étant  niorfs  bientôt 
après,  en  i56"6,  les  novateurs  revin- 
rent et  jouirent  d'une  grande  liberté', 
et  que  ce  fut  pour  lors  que  Blandrata 
corrompit  la  plupart  de  la  cour.  Quel- 
le manière  de  narrer  les  choses  !  et 
combien  de  faussetés!  Nous  verrons 
ci-dessous  (12)  les  anachronismes  et 
les  visions  de  Varilîas. 

(E)  Calvin  luijit  voir  qu'un  théolo- 
gien de  sa  force  a  les  mains  longues 
(i3).  ]  Nous  voyons  par  les  lettres  de 
Calvin  que  les  églises  de  Pologne  con- 
çurent beaucoup  d'estime  et  d'amitié 
pour  Blandrata  ;  mais  nous  voyons 
aussi  par  les  histoires  sociniennes  que 
les  lettres  de  Calvin  furent  regardées 
comme  une  persécution  fâcheuse,  qui 
contraignit  Blandrata  de  se  retirer  ail- 
leurs. Voici  des  preuves  de  l'un  et  de 
l'autre  de  ces  deux  faits.  Valdb  miror 
hominem  quem  sola  ostenlatio  et  Jas- 
tuosus  vultus  commendat  tanli  apud 
vos  fieri ,  ut  quasi  novus  Allas  Eccle- 
siam  sustineat  suis  humeris.  Cette  tant 
inconsideralœ  creduhlalis  nisi  nie  pu- 
derel , gentem  l'eslram  non  aniarem.... 
(i4)-  Ununi  non  dissimula  ,  eos  qui 
tam  hunianiter  Geoigium  Blandratam 
exceperunl  parùm  fuisse  cautos  et  pro- 
vidos  ,  et  malè  consuluisse  vestrœ  exis- 
timationi.  Magis  eliam  miror  quosdam 
primante  auctoriiatis  viros  graviter 
ojfendi  qubd  libéré  hominem  detexe- 

rim(i5) Ergô  non  vulgare fecit 

operœ  pretium  longo  itinere  qubd  lan- 
tum  sibi  nomen  acquisierit.  JVullus  est 
apud  alias  génies  ,  vos  admiramini  non 
secùs  atque  Angelum  è  cœlo  delap- 
sum.  f^eslras  delicias  minime  vobis  in- 
video (16).  Vous  voyez  avec  quel  zèle 
on  se  fâche  de  ce  que  Blandrata  avait 
trouvé  tant  de  dupes  qui  l'admiraient, 
et  qui  s'étaient  scandalisées  d'un  écrit 
public  où  on  l'avait  tympanisé  (17). 
Voyons  présentement  les  preuves  de 
l'opération  de  ce  remède.  Calvinus , 
his  non  contentus ,  Blandratam,  qukm 
aliâ  ratione  non  possel ,  litteris  in  Po- 
loniam  missis  persequi ,  apud patronos 
et  fratres  acriler  criminari ,  ila  cuncta 

(ia)  Dans  la  remarque  (L). 
(i3)    yorez  la  remarque  (E)  de  l'article  de 
(Jean-Paul)  Alciat. 

(i4    Calvinu*,  F.pist.  CCCXIX. 
(i5)  Idem,  Epist.  CCCXX. 

(16)  Idem  ,  Epistolà  CCCXXI. 

(17)  C'est  la  préface  du   Commentaire    de 
Calvin  sur  les  Actes  des  apôtres. 


ad  eum  perdendum  agere lllœ  ejus 

lilterœjidem  in  multorum  animis  inve- 
nerant  (18) Quam  ille  (  Blandra- 
ta )  vocationem  tanlo  alacriùs  am- 
plexus  est ,  quàd  eum  Calvinus  missis 
per  Poloniam  et  Lituaniam  litteris  per- 
sequi non  destiterit ,  ita  ut  ei  tutam  in 
fus  oris  vilam  agere  per  ejus  cacoze- 
liam  non  licuerit ,  prout  in  superiori- 

bus  exposuimus  (19) Cùm  nec  hic 

quietè  degere  possel ,  Calvino  scriptis 
suis  eum  persequente ,  à  Johanne  Si- 
gismundo  principe  circa  an.  1 563  evo- 
catus  ,  concessit  in  Transylvaniam  ; 
atque  illic  egit  ipsius  ,  hinc  Stephani 
et  Chrislophori  Bathorcorum  Tran- 
sylvan'ue  principum  ,  immb  et  Stepha- 
ni ad  regnum  Polomœ  jam  evecti  ar- 
chiatrum  et  consiliarium  inlimum{ïo). 
Socin,  en  lui  dédiant  sa  IIe.  réponse 
à  Volanus  ,  le  traite  de  Stephani  ré- 
gis Polontœ  archiater  et  consiliarius  in- 
timus. 

(F)  //  parut  au  synode  de  Pinczovie 
en  i56i  avec  des  lettres  de  recomman- 
dation de  Nicolas  Badzivil,  et  il  y 
donna  une  confession  de  foi ,  en  vertu 
de  laquelle  il  obtint  un  témoignage 
honorable.']  Ce  que  Calvin  avait  écrit 
à  ce  grand  seigneur  polonais ,  pour 
l'avertir  que  George  Blandrata  cou- 
vait dans  son  sein  les  hérésies  de 
Servet,  n'avait  point  encore  produit 
l'effet  nécessaire  :  les  artifices  de 
Blandrata  avaient  éludé  le  coup  ;  car 
Nicolas  Radzivil  se  plaignit  très-forte- 
ment de  la  conduite  des  églises  envers 
Blandrata ,  et  déclara  que  Calvin  en 
avait  usé  injustement  et  étourdi- 
ment.  Homo  iste  facile  technis  suis 
fallacibus  optimo  principi  fucumfa- 
cit ,  adeb  ut  ille  iratus  Joh.  Calvino  , 
Blandratam  nomine  suo  ad  synodum 
Pinczoviensem,  an.  1 56 1  ,  i5  jun.ha- 
bitam ,  delegaret  eum  litteris,  quibus 
serib  expostulabat  in  causa  Blandralœ 
eum  ecclesid  ,  dicebalque  malè  et  prœ- 
cipitanter  egisse  J.  Calvinum ,  qubd 
Blandratam  traduceret ,  et  Servetismi 
notaret  (21).  Blandrata  plaida  sa  cause 
dans  le  synode ,  avec  beaucoup  de 
hardiesse,  et  fort  finement,  et  voici 
la   confession  qu'il  donna  :  elle  était 

(18)  Histor.  Reformat.  Polon.  ,  pag.  126. 

(19)  Là  même,  pag.  170. 

(20)  Bibl.  antitrinit. ,  pag.  28. 

(21)  Andréas  Wengerscius,  Slavnnia;  Refor- 
matx  Itb.  I,  eap.  XIII,  pag.  85  edttionis 
anni  1679. 


BLANDRATA. 


Irès-orthodoxe.  Fateor  me  credere  in 
unum  Deum  Patreni ,  inunum  Domi- 
nant Jcsum  Christuni  Filium  ejus  ,  et 
in  unum  Spirilum  Sanctum,  quorum 
quilibel  est  essentialiter  Deus.  Deo- 
rum  p.'uralitatem  detestor,  cùm  unus 
nobis  ut  tanlùni  Qeus  essentid  indivi- 
sibilis.  Fateor  très  esse  dislinclas  hy- 
postases  et  œternam  Christi  divini- 
latem  ac  generationem  ,  et  Spirilum 
Sanction  verum  et  œlernum  Deum  ab 
ut  roi]  ue  procedentem  (22).  L'effet  de 
cette  confession  fut  tel  que  le  synode 
munit  Blandruta  d'un  bon  témoigna- 
ge ;  ce  qui  parut  même  par  les  leitres 
que  la  Compagnie  écrivit  à  Nicolas 
Kadzivil ,  et  à  Jean  Calvin  (23). 

(G)  11  abandonna  les  intérêts  des 
unitaires  ,  et  favorisa  les  jésuites.  ] 
C'est  ce  que  nous  apprenons  deSocin, 
qui  en  fait  ses  doléances  dans  la  ré- 
ponse au  père  Wuiekus.  Il  avoue  que 
Blandrata  avait  rendu  beaucoup  de 
services  à  leur  secte  :  de  noslris  eccle- 
siis  aliquando  prœclarè  est  meritus  ; 
mais  il  se  relâcha ,  dit-il ,  sur  ses 
vieux  jours.  Haud  paulb  ante  mortem 
suam,  vivente  adhuc  Stephano  rege 
Poloniœ  ,  in  illiusgratiam  ,  et  quo  il- 
luni  erga  se  liberaliorem  {ut  J'ecit) 
redderet ,  plurimum  remisisse  de  stu- 
dio suo  in  ecclesiis  nostris  Transylva- 
niens nostrisque  hnminibus  juvandis  ; 
imô  eu  tandem  devenisse ,  ut  vix  exis- 
timaretur  priorem  quant  tanloperè  fo- 
veral  de  Deo  et  Christo  senlentiam 
retinere  ;  sed  potiiis  jesuitis  qui  in  eu 
provincid  tune  temporis  Stephani  régis 
et  ejusfratris  Chrisiophori ,  principes 
haud  multo  ante  vitd  Juncti  ,  ope  ac 
liberahtate  non  ntediocriler  jlorebanl , 
jam  adh,vrere  ,  aut  cer/è  cum  eis  quo- 
dammodo  colludere.  lllud  cerlissimum 
est  ,  eum  ab  eo  tempo re  quo  Itbcraltta- 
tem  quant  ambiebat  ,  régis  Slephani 
erga  se  est  c.rperlus  ,  cœpisse  quos- 
dam  ex  nostris  Itominibus  quos  carissi- 
mos  priùs  habebat  et  suis  opibusju- 
vabat  ,  spernere  ac  deserere  .  eliam 
contra  promissa  et  obligationem  suajn, 
et  tandem  illos  pemtus  dégarnisse,  ni- 
que omni  verœ  ac  sincerœ  pietatis 
studio  valedixisse ,  et  solis  pecuniis 
congerendis  intentant  fuisse  ,  quœ  for- 
tasse,  jusiissirno  Dti  judicio  ,  quod 
grarissimum  exercerc  solcl  contra  ta- 

(ii)  Idem  ,  ibid.  ,  pag.  86. 
(a3    M™,  ibid. 


459 


les  desertores ,  ei  necem  ab  eo  quem 
suum  hœredem  fecerat ,  concilidrunt 
{  i\  ).  La  manière  dont  le  Gis  de  son 
irère  se  défit  de  lui  fut  ,  dit  -  on  , 
de   l'étouffer   pendant  qu'il    dormait 

(25). 

(H)  Sa  mort  fut  attribuée  à  un  juge- 
ment de  Dieu,  tant  par  les  orthodoxes, 
que  par  les  hétérodoxes.  ]  Nous  avons 
vu  (26)  comment  Socin  lui  applique 
le  très-juste  jugement  que  Dieu  est  ac- 
coutumé d' exercer  avec  une  très-grande 
sévérité  contre  ceux  qui  abandonnent 
sa  cause  pour  des  intérêts  mondains. 
Si  le  père  Maimbourg  avait  eu  quel- 
que connaissance  des  bons  sentimens 
de  Blandrata  pour  les  jésuites  ,  il  n'eût 
point  jugé  de  sa  lin  comme  il  a  fait, 
et  il  n  y  aurait  pas  cousu  la  fureur. 
Mais  laissons  parler  un  docte  théolo- 
gien de  Leyde  :  A  fratris  sui  filio  in 
lecto  jacens  suffocatus  juit  :  sanè  non 
extra  juslam  Dei  ullionem  in  hominem 
quent  primum  in  istis  ecclesiis  exe- 
crandœ  hœresis  ,  mullarum  in  Dettnt 
et  ejus  verilalem  blasphemiarum  ,  h- 
brorunt  horrendissimorum  turbarum- 
que  gravi  ssimarum  auclorem  ,  non 
aliter  quant  singulari  diroque  morlis 
génère  octumbere  oporlail  (27).Konig 
s'est  trompé  quant  au  temps.  Periit  , 
dit-il,  in  lecto ,  strangulatus  perfra- 
truelern  quem  hœredem  constituerai 
an.  i56o. 

(I)  La  liste  des  ouvrages  de  Blan- 
drata se  trouve  dans  la  Bibliothèque 
des  antttrinitaires.  ]  Ils  sont  de  deux 
sortes  :  les  uns  ne  lui  appartiennent 
qu'en  partie  ,  les  autres  paraissent  lui 
appartenu-  en  propre.  De  ce  dernier 
ordre  sont  quelques  thèses  ,  quelques 
lettres  ,  et  quelques  observations  tou- 
chant l'invocation  de  Jésus-Christ,  qui 
n'ont  été  imprimées  que  dans  d'autres 
livres.  La  plupart  furent  insérées  dans 
un  écrit  que  Jacqui  s  Paléologue  publia 
en  i58o,  où  il  réfute  le  jugement  des 
églises  polonaises  sur  la  cause  de  Fran- 
çois David.  Quant  aux  ouvrages  où 
Blandrata  n'a  fait  que  contribuer  sa 
part  ,  les  principaux  sont  1rs  deux 
Conférences  tenues  à  Albe-Jule,  Tune 
en  làtifj,  l'autre  en  i568;  le  livre 
intitulé,   Dejalsâet  verâ  unius  Dei 

(a4)  Socïni  Rrspon?.  ad  Waieîmn  ,  cap.    XI, 
pag.  43-    Vojet  Hoornbeek,  Appar  ,pag.  sî. 
(2-5)  Voyez  ci-dessous  ,   citation  (-•;  . 
(16)   Dans  la  remarque  (G). 
(27)    flouinbcek,  Appar   ,  pa 


46c 


BLA1NDRATA. 


Patris  Fi/ii  et  Spiritds  Sancti  cogni-  ne  fit  que  passer  par  cette  opinion  :  il 
tione,  authoribus  ministris  ecclesia-  donna  dans  relie  île  Paul  de Samosate, 
rum  consentientium  in  Sarmatid  et  et  y  fut  plus  fixe  que  dans  aucune 
Transylvanie.,  imprimé  à  Albe-Jule,  autre.  C'est  donc  par  cet  endroit-là  , 
l'au  1567  (28);  et  celui  qui  a  pour  qu'il  doit  être  caractérisé  ,  et  non 
titre,  Réfutât io  Scripti  Georgii  Ma-  point  par  l'arianisme.  Considérez  la 
joris ,  in  quo  Deum  trinum  in  pvrsonis,  nature  de  la  lettre  dont  Bèze  parle 
et  unum  essentiel,  unicum  deindè  ejus  dans  le  commencement  de  celle  re- 
jftlium  in  persond,  et  duplicem  in  na-  marque.  De  plus,  il  est  certain  que 
turis  ,  ex  lacunis  Anlichristi  probare  Socin  ,  et  les  histoires  du  socinia- 
cnnalus  est,  imprimé  l'an  1 56g.  Hoorn-  nisme  ,  parlent  de  Blandrala  comme 
beek  se  plaint  justement  que  ces  hé-  d'un  socinien  ;  et  du  prince  Jean  Si- 
rétiques  aient  inséré  dans  ces  deux,  gismond ,  comme  d'un  homme ,  qui 
écrits  certaines  peintures  abomina-  après  les  conférences  que  l'on  tint  en 
blés ,  qui  avaient  servi  à  représenter  sa  présence,  embrassa  la  doctrine  des 
la  Trinité  ( 39)  :  Temeraria  et  horrenda  unitaires,  au  sens  que  les  sociniecs 
papistarwu  simulacra,  quœ  œternâ  se  donnent  ce  nom  (32).  M.  Maicn- 
oblivione  et  execratione  sepelienda  bourg  ne  donne  que  l'arianisme  à 
eranl  potiùs...  non  delegenda  Ma  pu-  Blandrata,  et  au  prince  Jean  Sigis- 
denda  et  proslituenda  coram  omni-  mond;  et  il  prétend  que  Blandrala 
bus,  etc.  (3o).  gagna  Ie  ministre  François  David, 
(K)  On  croyait  ses  écrits  retouches  qui ,  dit-il  (33) ,  de  protestant  qu'il 
par  un  autre.  ]  Bèze  le  déclare  assez  était ,  se  fît  arien.  Voilà  deux  nou- 
nettement  :  Exlat ,  dit-il  (3i),  apud  veaux  mensonges.  François  David  était 
me  ipsius  Blandratœ  epistola  (non  pis  que  socinien,  et  ce  fut  lui  qui 
lamen  scripta  sine  Theseo  ,  si  Blan-  rapprocha  de  ce  système  Blandrata. 
ilratam  benè  novi)  in  qud  Gregorium  Ecoutons  Théodore  de  Dèze.  Incidit 
suo  quodam  jure  non  lantiim  de  illd  Blandrata  in  Transylvaniam  rediens 
pœdobaptismi  controversid  non  salis  in  quemdam  Franciscum  Davidis  pau- 
opportune  niolâ  increpat,  uerùni  etiam  lô  magis  quàni  superiores  Mi  ,  ut 
aperlé  Muni  à  Trilheismo  ad  Sanio-  ajunt ,  providum ,  qui  cùm  nimiiim 
sateni  dogma  re.vocare  nititur.  Mais  ce  crassam  esse  illani  Trilheilarum  blas- 
qu'il  avait  déjà  dit  décide  plus  forte-  phemiam  simpliciter  propositam  ani- 
ment la  chose  ;  car  il  avait  nommé  la  madvertisset ,  maluit  omnia  involvere, 
personne  qui  ajustait  les  pensées  de  permixtis  omnium  pêne  hâc  in  re  hœ- 
Blandrata.  Pelro  quodam  Statorio  reseon  commentes,  quant  simpliciter 
jwene ,  alioqui  bono  ingenio  nec  con-  suant  senlenliam  projiieri  (3|).  La 
temnendd  doctrind  prœdito ,  operatn  vérité  est  que  Blandrata  ,  goûtant  les 
omnem  suam  fucandis  barbarissimi  hypothèses  samosaténiennes  de  Fran- 
scriptoris  Blandratœ  commentis  na-  cois  David  ,  et  les  trouvant  plus  unies 
vante.  J'auraispu  ne  rapporter  qu'une  que  le  galimatias  qu'il  a\ait  cru  jus- 
partie  du  premier  passage;  mais  j'ai  qu'alors,  abandonna  là  le  trithéisme  , 
eu  mes  raisons  pour  faire  ce  que  j'ai  et  devint  bon  unitaire.  Gentilis  n'en 
fait.  Les  paroles  que  j'ai  citées,  qui  fit  pas  autant j  et  ainsi  M.  Moréri  ne 
ne  servent  de  rien  à  la  preuve  de  la  devait  point  brouiller  ensemble  les 
question  ,  servent  à  réfuter  M.  Moréri  dogmes  de  ces  gens-là.  Ecoutons  en- 
sur  ce  qu'il  n'a  pas   bien   caractérisé  core  une  fois  Théodore  de  Bèze.  Inde 


l'hérésie  de  Blandrata.  Il  l'accusj 
d'avoir  enseigné  l'arianisme ,  et  les 
mêmes  dogmes  que  Valentin  Gen- 
tilis.  C'est   parler  d'une    façon    trop 


in  Moraviam  adBlandratam  tt  Alcin- 
lum  aliosque  nihilo  meliores  discedit 
(Gentilis;)  ubi  ciim  satis  inter  eo$ 
convenue  non  posset ,    qubd    a  tri- 


vague,  et  même  trompeuse.  Blandrata  theismo    ad     samosntenum    plerique 

fut  d'abord  arien  :  je  le  crois:  mais  il  transudssent...  inSabaudiam  adsuum 

Gribaldum  redit  (35).   De  Blandrata 

(2S)   Bellarmin  avait  vu   ce   livre,   et  Va  cite  .,   .  „..                   „                             ,      .     „.,  , 

plusieurs  fois.  K'"")  Wissowat.  ,   narrât,    compeud.    m  Bibl. 

,     •    TI         .      ,       .                                         ,.  Antilrinit.  ,  paj.  2i3. 

^q,  Hoorobeel  ,  Apparat.,  pag.    2?.   Voyez  m)  Mai1Tfbo           Hist.  de  l'Arianisrae ,  'on,. 

aass,  pag.  55.  I[f  '          3^ 

(3o)  Idem  ,  ibid. ,  pag.  i~.  ^^  Beza>  |.p;5toia  LXXXF. 

(3i)  Beza,  Epistola  LXXXI.  (35)  Bcza,  in  Vitâ  Calvini. 


BLANDRATA. 


46 1 


rogatus  (Gentilis,)  periit  etiam,  in- 
quit ,  ut  qui  in  Sabellii  et  Samosaleni 
aèlirium  incident  (36). 

(L)  Les  anachronismes  et  les   chi- 
mères  de    Al.    Parillas méritent 

quelques  réflexions.  ]  11  raconte  que 
Georges  Biandrat ,  persuadé  qu'un  bel 
esprit  ne  pouvait  demeurer  long- temps 

dans  la  religion  catholique ,  s'était 

donne  la  peine  de  chercher  entre  les 
hérésies  anciennes  celle  qui  fui  revien- 
drait le  mieux,  et  s'était  enfin  arrêté  h 
celle  des  ariens...  (  3^  )  ;  qu'il  l'avait 
enseignée  d'une  façon  toute  nouvelle 
dans  la  ville  de  Payia  (3$)  j  que  le 
magistral  l'avait  conjiné  dans  une 
prison  ,  d'où  il  ne  serait  jamais  sorti  , 
s'il  n'eût  trouvé  l'invention  de  cor- 
rompre un  concierge  qui  le  sauva  ; 
qu'il  se  réfugia  dans  Genève,  où  ne  se 
trouvant  pas  assez  libre  ,  il  voyagea 
jusqu'à  ce  qu'il  trouva  dans  la  Tran- 
silvanie  ce  qu  il  avait  inutilement 
clic r<  hé  partout  ailleurs.  «  Les  esprits 
»  y  étaient  extrêmement  aigris  contre 
»  la  maison  d'Autriche  ,  à  cause  du 
»  meurtre  du  cardinal  Martinusius... 
»  Ces  dispositions  parurent  si  belles  à 
•1  Biandrat  ,  qu'il  s'arrêta  dans  la 
»  Transilvanie,  à  dessein  de  s'en  pré» 
«  valoir.  »  11  se  fit  connaître  par  le 
talent  qu'il  avait  pour  la  médecine  :  il 
fut  élevé  a  la  dignité  de  médecin  du 
jeune  Jean  Sigismond.  «  Les  plus 
»>  grands  de  la  Transilvanie  se  tin- 
»  rent  honorés  après  le  choix  que 
»  leur  souverain  avait  fait  de  la 
»  personne  de  Biandrat,  qu'il  daignât 
»  les  visiter  dans  leurs  maladies  ,  et 
»  il  s'y  rendit  assidu.  Il  ne  leur  par- 
»  lait  durant  le  cours  île  leur  mal, 
»  que  des  choses  les  plus  divertissan- 
»  tes;  mais  après  qu'il  les  a\ait  guéris, 
»  ou  qu'il  les  avait  au  moins  persua- 
»  dés  qu'il  avait  beaucoup  contribué 
»  à  leur  guérison,  il  changeait  insen- 
»  siblement  de  discours,  et  leurpar- 
»  lait  de  politique.  H  leur  faisait  oh- 
)>  server  qu  il  fallait  bien  que  les  lla- 
>>  liens  qui  avaient  tué  le  cardinal 
»  Martinusius, et  que  la  maison  d'Au- 
»  triche  ,  qui  certainement  avait 
»  ordonné  ou  du  moins  approuvé  ce 
»  crime;,  ne  fussent  pas  persuadés  de 
»  la    religion    catholique;   puisqu'ils 

(y'i)  Idem,  EpistolS  LXXXI. 
(S-)  Var.ibs,  H, ,t.  dé  l'Hérésie,  /if.  XFIII, 
pag.  i4'),  r'dition  de  Hollande. 
f.ti  même,  pag.  i5o. 


n'avaient  point  fait  de  scrupule 
d'attenter  à  la  vie  d'un  homme  qui 
leur  devait  être  inviolable  par  ce 
qu'il  y  avait  de  plus  sacré  dans  la 
religion  catholique  ,  puisqu'il  était 
tout  ensemble  prêtre,  archevêque, 

>  et  cardinal.  Si  Biandrat  apercevait 
que  sa  proposition  ne  fût  pas  tout- 
a-fait  bien  reçue  ,  il  en  demeurait 

>  là  ;  mais  s'il  remarquait,  qu'on  l'eût 
écoutée  avec  avidité  ,  il  ajoutait, 
tout  bas,  et  comme  s'il  avail  voulu 
expliquer  un  grand  mystère ,  que  la 

>  religion  catholique  en  l'étal  d  :plo- 

>  rable    où   la     corruption    humaine 

>  l'avait  réduite  ,  n'était  plus  qu'un 
i  artifice  dont  la  cour  de  Rome  et  la 
1  maison  d'Autriche  se  serv  aient  pour 

>  partager  entre  elles  l'empire  de  tout 

>  le   monde;    que    la  cour  de   Borne 

>  usait  de  cette  illusion,  pour  se  main- 
;  tenir  et  s  accroître  dans  la  tyrannie 
)  qu'elle  avait   usurpée   sur  les  con- 

>  sciences;   et  que  la    maison    d  Au- 

>  triche   s'en  prévalait    aussi ,    pour 

>  établir  dans  l'Europe  une  seule  mo- 

>  narchie  ,  qui  serait   la  sienne;  que 

>  les   nouvelles    sectes    avaient   à    la 

>  vérité  reconnu  le  mal;  mais  qu'elles 

>  n"y  axaient  pas  apporté  de  remède, 
1  puisqu'en  recevant  la  Trinité  des 
1   personnes  divines  dans  la   manière 

>  que  les  papes  en  avaient  établi  la 
.  créance  ,  il  fallait  par  une  suite 
1  nécessaire  ajouter  foi  au  reste  de  la 

>  doctrine   des    mêmes     papes  ,   qui 

>  n'était  que  des  conséquences  tirées 

>  de  ce  principe.  Au  lien  qu'en  ne 
)  reconnaissant  point  en  Dieu  plus  de 

>  personnes  que  de   natures ,  on  ôte- 

>  rait  toutes  les  difficultés  formées 
)  durant  quinze  siècles  en  matière  de 

>  christianisme;  on    mettrait  l'Ecri- 

>  ture  Sainte  en  état  d'être  entendue 
par  elle-même;  on  n'aurait  plus 
besoin  de  concile  ;  et  les  papes  , 
n'étant  plus  consultés,  perdraient 
leur  autorité.  Ce  furent  là  les  voifs 
pur  où  l'arianisme  recommença 
dans  la  Transilvanie  (3g). 

l'eu  île  paroles  sulliront  p<nir  faire 
voir  les  impostures  de  cet  historien  , 
et  pour  le  convaincre  qu'il  a  débite 
comme  des  faits  historiques  les  i.na- 
ginatiooaqoia'éleTaieol  dans  son  es- 
prit. Considérez  seulement  qu'il  sup- 
pose que  tout  ceci  se  passa  l'an   i55a: 

(3q)  Maimbourg,  Histoire  de  l'Arinoisme  , 
pag.  01 ,  i5j. 


4g2  BLOMBERG. 

et  il  fallait  bien  qu'il  le  supposât ,  on  commençait  à  douter  que  la 
puisque  Martinusius  avait  été  massa-  <janie  qUi  passait  pour  la  mère 
cré  vers  la  fin  de  Tannée  précédente.      ,     ,  d'Autriche  le  fût  effecti- 


Notez  aussi  qu'il  suppose  que  Blandrat 


S'XfdrrSHv.^  vexent  (A).  0„  doutait  mom. 
d'aller  dogmatiser  en  Transilvame.  que  l'empereur  eut  joui  d  elle 
Que  penserez-vous  après  cela,  lorsque  /g^  .  et  uans  ]e  fon(J  }  il  n'y  avait 
vous  saurez  que  cet  hére'tique  ne  de  consë  ence  de  l'un  à 
.tnittn  fionève  au  en  i3i)o,et  au  il  ne  I  .1  •  i  • 
&tattir é  SrLilvauie/poJr  y  être  l'autre.  Ce  prince  auraitbien  pu  se 
médecin  de  Jean  Sigismond  ,  que  vers  divertir  avec  la  belle  Barbe  blom- 
l'an  i563?  Que  direz-vous  de  tant  de  ^  ^  qu'on  ne  lui  avait  d'abord 
raisonnemens  fondés  sur  le  meurtre  é  ,&ûn  >el]e  chantât 
•  lu  cardinal  Martinusius  •  vfue  aire^  1  f  -  j-  ■ 
vous  de  Sresse  avec  quoi  il  ménagea  devant  lui ,  pour  lui  dissiper  son 
les  dispositions  des  esprits  que  ce  chagrin;  il  aurait  bien  pu  ,  dis- 
meurtre venait  d'aigrir  ?  Prenez  bien  •  ^  passer  du  plaisir  de  l'oreille 
garde  que  personne  ne  l'accuse  d  avoir  J  autres  sans  ^^  un 
•loomatisé  en  Transilvanie  pendant  le  ,  ,  ^ 
sêlomqu'ily  fît  avant  que  d'avoir  été  fils  de  cette  maîtresse  (6).  Quoi 
emprisonné  à  Pavie.  qu'il  en  soit ,  Juan  d'Autriche 
(M)  J'ai  lu  qu'il  avait  bien  bu....  la  mourut  très-persuadé  que  Barbe 
nuit  qu'U  r«™«y\HflPf^  Blomberg  était  sa  mère,  et  il  la 

problème,  si..  .  te  diable  lavait  tue.  ]  &  . ' 

L'auteur   qui  m'apprend  cela ,  est  un  recommanda   sur    ce    pied-la   au 

moine,    dont  je   donnerai    l'article.  roi  d'Espagne.  Cette  recomman- 

Blandrata ,  dit-il  (4o) ,  cui  chm  sano  dation    fut   suivie  de   son    effet. 

anie  œdes    ejus   qffuissem      secunda  ^y  ]T     à         ;    k    veritable 

nocte  subito  extmctus    est,    utium  a  *■         J  t  .  »        1  . 

,S'afa/«2  ,  a«  «6  <#"«  ,  ">">  4uo  fi»  in  mere    n  etait   P3S  lnconnue  (c)  ' 

Transylvanie  tempore  sub  judice  lis  fit  tout  ce  qu'il  fallait  pour  trom- 
fuit.  Hoc  certum  ,  qubd  optimo,  pnùs  je  mon(Je>  H  fit  venir  en  Es- 

quamcubitum  concèdent ,  vina  mca-  j^^  ^^  Blomberg)  la  meme 

année  que  don  Juan  mourut  (d), 

(4„)  Leonardus  Rubeiius,  de  IdololatrU  ,  Ub.  j     j   fit  très-bon   aCCUeil.    Il 

lenvoya  quelque  temps  après  a 
BLOMBERG  (Barbe)  était  une  Mazote  ,  dans  le  monastère  royal 
fille  de  bonne  maison  à  Ratis-  de  Saint-Cyprien  ,  avec  un  bon 
bonne ,  au  temps  de  l'empereur  équipage.  Après  y  avoir  vécu 
Charles-Quint.  On  a  cru  pendant  qUatre  ans  ,  elle  s'en  alla  à  La- 
fort  long-temps  qu'elle  avait  reda ,  attirée  par  le  bon  air  du 
couché  avec  lui ,  et  qu'elle  lui  ]ieu ,  et  y  mourut.  Brantôme 
avait  donné  un  fils ,  qui  fut  le  nous  apprendra  avec  qui  elle 
célèbre  don  Juan  d'Autriche  ;  avait  été  mariée.  Elle  avait  un 
mais  présentement  la  plus  com-  fi[s?  qUe  don  Juan,  qui  le  croyait 
mune  opinion  est  qu'elle  ne  fit  son  frère  utérin  ,  recommanda 
que  servir  de  couverture  à  une  au  roi  d'Espagne  en  mourant,  et 
grande  princesse ,  dont  Charles- 

Oninl  put  rp  Mtai-d       l'en    Uarle         (b)  Barbara   Blomberg -a    ,  Ratisbonensis , 

Quint  eut  ce  bataid.  J  en  pane  ^  nWV  juxtà  nobilis_  Ex  quâ  ad 
plus  au  long  dans  un  autre  lieu  Caroium  inducià  ut  mœrarem  cantu  aile- 
(a)     Dès  le  temps  de  Brantôme  ,    wret,  etc.  Strada ,  Ub.  x ,  dec.  /,  pag.  611. 

v    ;  '  l  (C)   Voyez  la  remarque  (A)  de  l'article  de 

W    Dans  la  remarque  (A)  *  l'article  de     (don  Juan  d*)  Al^ica*.  tom.  II,  pag.  Sgtf. 
(don  Juan  d'j  AUTRICHE,  loin.  II ,  pag.  5g6.  (d)  En  l^O- 


BLOMBERG 

qui  s'appelait  Pyrame  Conrad 
(C).  II  servit  sous  le  duc  de  Par- 
me (e). 

(e)  Ex  Stradâ,  decad.  I,  lib.  X. 


463 


(A)  Elle  a  long-temps  passé  pour 
mère  de  don  Juan  d'Autriche.  Dès  le 
temps  de  Brantôme  ,  on  commençait  a 
douter  quelle  le  fût  effectivement.'] 
Je  m'en  vais  dire  uu  peu  au  long  ce 
qu'il  nous  apprenti  sur  cette  affaire. 
«  Juan  d'Autriche  fut  fils  naturel  du 
»  grand  empereur  Charles-Quint,  et 
»  d'une  grande  dame  et  comtesse  de 
»  Flandre  mère  d'un  grand  ,  dont 
»  nous  avons  parle  ,  ou  possible  en 
»  parlerons  ,  et  non  point  d'une  bou- 
»  langère  de  Bruxelles  ,  ou  d'une  la- 
»  vandière ,  comme  la  plupart  du 
»  commun  l'a  dit;  laquelle  était  belle 
»  en  toute  extrémité,  et  on  la  nom- 
»  mait  dame  Barbe  de  Plomberg  ,  qui 
»  fut  depuis  mariée  au  seigneur  Re- 
»  quel  ,  gentilhomme  du  pays  de 
»  Namur  ou  de  Luxembourg.  De  l'a- 
»  voir  bien  aimée  ,  et  joui  d'elle  ,  il  le 
»  faut  croire  :  mais  qu'elle  ait  été 
»  mère  de  doni  Jean  ,  ce  sont  abus  ; 
»  car  il  tenait  par  trop  du  noble,  et 
»  d'un  côté  et  de  l'autre.  Aussitôt 
»  qu'il  fut  né  ,  l'empereur ,  son  père  , 
»  envoya  quérir  un  ricbe  pasteur  des 
»  montagnes  de  Liège  ,  et  le  lui  don- 
»  na  à  nourrir  et  à  l'élever  fort  cu- 
»  rieusement,  sans  que  beaucoup  de 
»  personnes  le  sussent,  et  à  endurer 
»  et  s'endurcir  au  travail,  ui  plus  ni 
«  moins  qu'un  de  ses  enfans  ;  sans  le 
»  nourrir  mollement  ni  délicatement, 
»  et  sans  qu'il  dît  qu'il  fût  fils  de 
»  l'empereur;  sinon  au  bout  de  quel- 
»  que  temps,  qu'il  vint  à  se  faire 
»  grand  ,  et  que  l'empereur  voulut 
»  quitter  le  monde ,  et  se  retirer  en 
»  Espagne;  qu'il  commanda  au  roi 
»  son  fils  de  l'envoyer  quérir,  com- 
«  mandant  au  pasteur  pareillement 
»  de  l'amener  ,  et  qu'il  s'en  servit,  et 
»  lui  ordonna  une  pension  fort  belle 
»  et  grande  ;  et  le  lui  recommanda 
m  plusieurs  fois  comme  si  c'était  son 
»  propre  frère.  J'ai  appris  cela  en 
»  Espagne  de  quelques  grands  et  ha- 
»  biles  bommes,  qui  le  savaient  bien. 
»  Voilà  que  c'est  d'une  belle  et  géné- 
»  rtuse  naissance.  Celui  qui  avait  été 
»  nourri  en  maison  champêtre  ,  com- 
»  me  un  pasteur  ,  se  rendit  depuis  si 


»  gentil,  si  galant,  si  honnête,  et  si 
»  agréable  ,  comme  il  a  été,  et  sentant. 
»  si  peu  sa  nourriture  rurale ,  ainsi 
»  que  j'ai  vu  en  Espagne.  Car  il  était 
»  fort  beau,  de  fort  bonne  grâce  , 
»  comme  j'ai  dit  :  et  s'il  avait  été 
»  nourri  en  vie  rustique  ,  si  n'en 
»  tenait-il  rien  ;  car  il  avait  fort 
))  bonne  et  belle  façon  parmi  les  sol- 
»  dats  :  il  avait  bien  aussi  bonne  et 
»  belle  grâce  parmi  les  dames ,  des- 
»  quelles  il  était  fort  doucement  re- 
»  gardé,  et  bien  venu  auprès  d'elles 
»  (i)  ». 

Je  ferai  trois  remarques  sur  ce  dis- 
cours. i°.  Il  semble  que  Brantôme  ait 
cru  <pie  dame  Barbe  de  Blomberg  était 
une  boulangère  de  Bruxelles,  ou  une 
lavandière  ;  car  puisqu'il  ne  saurait 
croire  qu'elle  ait  été  la  mère  d'un 
prince  qui  tenait  par  trop  du  noble  et 
d'un  côté  et  de  l'autre,  il  faut  qu'il 
ait  distingué  de  la  grande  dame  et 
comtesse  de  Flandre  qu'il  reconnaît 
pour  la  mère  de  don  Juan  ;  il  faut , 
dis-je,  qu'il  ait  distingué  de  cette 
comtesse  la  dame  Barbe  de  Plom- 
bergh.  S'il  n'avait  pas  fait  cette  dis- 
tinction, il  faudrait  dire  qu'il  a  pris 
pour  une  seule  et  même  personne 
Barbe  de  Plombergh,  et  la  comtesse 
de  Flandre  ;  mais,  en  ce  cas,  eût-il 
pu  dire  que  don  Juan  tenait  trop  du 
noble  pour(étre  fils  de  Barbe  de  Plom- 
bergh ?  Il  s'est  donc  trompé  sur  la 
famille  et  sur  le  pays  de  cette  Barbe  : 
elle  était  une  demoiselle  de  Ratis- 
bonne ,  de  fort  bonne  condition,  et 
non  pas  une  boulangère  ou  une  lavan- 
dière de  Bruxelles.  ■?.".  Ce  serait  mal 
prouver  qu'un  grand  prince  n'aurait 
pas  eu  un  bâtard  d'une  fille  de  petite 
condition,  que  de  le  prouver  en  disant 
que  ce  bâtard  tient  par  trop  du  n^ble 
et  d'un  côte  et  de  l'autre  ;  car  si  l'on 
veut  dire  qu'il  est  de  grande  maison, 
tant  du  côté  paternel,  que  du  mater- 
nel, on  suppose  ce  qui  est  en  ques- 
tion, on  d  allègue  point  de  preuve  : 
on  dit  simplement ,  il  est  fils  d'une 
grande  dame, parce  qu'il  est  /ils  d'une 
grande  dame;  raisonnement  ridicule. 
Si  l'on  veut  dire  que  de  tous  côtés  on 
remarque  en  lui  des  inclinations  trop 
nobles,  trop  grandes,  pour  croire  que 
mi  naissance  ne  soit  point  noble  tant 
du  côté    maternel   que  du   paternel  , 

(i)  Bnntùme  ,  Vies  des  Capitaine*  étranger*, 
tom>  II,  pag.  49- 


,j64 


BLONDEL. 


c'est  encore  un  méchant  raisonne- 
ment ;  puisque  l'expérience  montre 
que  les  grands  seigneurs  qui  se  mésal- 
lient ont  des  enfans  aussi  tiers,  et  aussi 
entêtés  de  grandeur,  que  ceux  qui  ne 
se  mésallient  pas.  Je  suppose  que  d'ail- 
leurs l'éducation  soit  égale.  Trouve-t- 
on de  la  bassesse  dans  les  sultans  ,  qui 
sont  quelquefois  fils  d'une  misérable 
paysanne?  3°.  Cette  éducation  chez  un 
berger  du  pays  de  Liège  est  démentie 
par  les  bons  historiens,  comme  est 
Famianus  Strada.  Voyez  l'article  de 
Juan  d'AuTRiCHE  (î). 

(B)...on  doutait  mains  que  l'empereur 
eût  joui  d'elle.  ]  Nous  venons  d'enten- 
dre Brantôme  ,  qui  dit  de  l'avoir  bien 
aimée  et  joui  délie,  il  le  faut  croire. 
Il  y  a  fort  peu  d'apparence  que  Char- 
les-Quint ait  négocié  pour  cette  feinte 
auprès  de  la  demoiselle  de  Ratisbon- 
ne,  avant  que  d'avoir  lie  avec  elle  un 
commerce  très-étroit.  Il  n'y  a  pas  plus 
d'apparence  que  la  demoiselle  ait  été 
moins  facile  sur  l'être  ,  que  sur  le  pa- 
raître; car  ordinairement,  on  redoute 
plus  le  dernier  que  le  premier;  et  l'on 
s'estimerait  très-malheureuse  de  pas- 
ser par  le  dernier  ,  sans  avoir  passé 
par  le  premier  L'auteur  des  Nouveaux 
Dialogues  des  morts  pourrait  dire 
cent  folies  choses  selon  cette  idée  par- 
ticulière de  la  conduite  de  Barbe 
Blomberg.  11  en  a  dit  de  bonnes  selon 
l'idée  diflerente.de  celle-là  (3). 

(C)  Elle  avait  un  fils  qui  s'appe- 
lait Pyrame  Conrad.  ]  L'auteur  wal- 
lon ,  qui  a  publié  à  Amsterdam ,  en 
l'année  1690,  la  Vie  de  Juan  d'Autri- 
che, croit  que  Blombergue  était  veuve, 
quand  elle  souffrit  de  passer  pour  la 
maîtresse  de  Charles  -  Quint ,  et  que 
Pyrame  Conrad  était  son  fils  légitime 
(4).  S'il  avait  pris  garde  à  ce  qu'il 
rapporte  dans  la  page  279,  il  aurait 
vu  très-facilement  que  ce  Pyrame  était 
plus  jeune  que  Juan  d'Autriche.  Stra- 
da ,  qu'il  copie ,  rapporte  que  don 
Jean  avait  envoyé  en  Bourgogne  son 
prétendu  frère ,  pour  l'y  faire  étu- 
dier ;    et    qu'ayant  su    que    Pyrame 

avait  bientôt  jeté  bas  les  livres,  et 
s'était   plongé  dans   la   déhanche,   il 

l'avait    Fait   rostre  pn  prison.    Voilà 

son   état  à  la  mort  du  prince.  Le  roi 

1er;  le  commencement  du  texte. 
ans  le  Dialogue  Je  Lucrèce  et  Je  Barbe 
Jilomrierg. 

14)  Vie  de  dou  Juan  d'Autriche  .  pag.  '  '  ■ 


d'Espagne,  ayant  égard  à  la  recom- 
mandation de  don  Juan  ,  écrivit  au 
duc  de  Parme  de  savoir  i'inclination 
de  Pyrame.  Le  duc  lui  apprit  qu'il  en 
avait  reçu  une  lettre,  où  le  jeune  hom- 
me se  reconnaissait  mal  propre  et 
sans  inclination  aux  lettres  ,  et  qu'il 
souhaitait  de  porter  les  armes.  Le  roi 
ordonna  qu'il  fît  son  apprentissage  de 
guerre  sous  le  duc  de  Parme,  et  lui 
assigna  une  pension  de  trente  ecus  par 
mois.  Voilà  jusqu'où  le  père  Strada  le 
conduit  (5). 

(5)  Strada,  decad.  I ,  pag.  627. 

BLONDEL  (  David)  ,  ministre 
protestant  au  XVIIe.  siècle,  a 
passé  pour  un  des  hommes  du 
inonde  qui  avait  la  plus  grande 
connaissance  de  l'histoire  ecclé- 
siastique ,  et  de  l'histoire  civile. 
Il  était  de  Châlons  eu  Cham- 
pagne (a) ,  et  il  fut  reçu  minis- 
tre dans  un  synode  de  l'Ile-de- 
France  ,  l'an  161 4  (b).  Il  exerça 
son  ministère  à  Houdan,  au- 
près de  Paris.  Il  commença  d'é- 
crire peu  d'années  après  pour 
la  cause  de  ceux  de  la  religion  ; 
car  il  fit  imprimer  à  Sedan  , 
en  l'année  1619,  un  ouvrage 
intitulé,  Modeste  Déclaration  de 
la  sincérité  et  vérité  des  églises 
réformées  de  France.  C'était  une 
réponse  aux  invectives  de  trois 
ou  quatre  écrivains  du  parti  con- 
traire, et  en  particulier  à  celles 
de  M.  l'évêque  de  Luçon ,  qui  a 
été  si  connu  depuis  sous  le  nom. 
de  cardinal  de  Richelieu. Dès  lors, 
Blondel  fut  regardé  comme  un 
sujet  de  grande  espérance.  Aussi 
eut-il  toujours  des  emplois  d'hon- 
neur dans  les  synodes.  Il  fut 
secrétaire  plus  de  vingt  fois  dans 

(n)  Catalaunensis  ,  et  non  pas  Cabilonen- 
sis  ,  de  Châlons-sur-Saône ,  comme  on  l'as- 
sure,  dans  le  Diarium  de  Witte. 

(b)  Voyez  la  préface  qu'il  a  mise  au-de- 
vant d'un  livre  de  M.  DaiMé  intitulé,  A  polo  - 
giapro  duobus  synodis  nationalibus. 


BLONDEL.  465 
ceux  de  l'Ile-de-France  (c)  (A),  qua  beaucoup  plus  ù  d'autres 
On  le  députa  quatre  fois  de  choses.  11  fut  demandé  au  sy  no- 
suite  aux  synodes  nationaux  ''B;,  de  national  de  Charenton,  l'an 
où  il  ne  manquait  jamais  d'être  iOoi  ,  par  la  province  d'Anjou, 
choisi  pour  dresser  et  pour  pour  être  professeur  en  théolo- 
recueillir  les  actes.  Ce  fut  lui  ,  gie  à  Saumur  (f)  :  mais  cette  de- 
apparemment  ,  que  le  synode  mande  n'eut  point  de  suite;  soit 
national  de  Castres  députa  au  qu'on  crût  que,  comme  il  n'a- 
roi  l'an  1626,  et  qui  remercia  *  vait  aucun  talent  pour  la  chaire 
sa  majesté  ,  au  nom  de  la  com—  (F) ,  il  était  moins  propre  qu'un 
pagnie  (d).  Sa  Harangue  est  autre  à  l'instruction  des  éludians 
tout  du  long  au  XIIe.  tome  du  en  théologie  ,  soit  qu'on  crût 
Mercure  français.  Ce  même  sy-  que  ,  s'attachant  uniquement  à 
node  le  chargea  d'écrire  pour  la  l'histoire  qui  était  sou  fort ,  il 
défense  du  parti (e).  J'ai  ouï  dire  pourrait  se  mieux  signaler  pour 
qu'on  avait  principalement  en  le  parti.  Quoi  qu'il  en  soit,  il 
vue  les  Annales  de  Barouius  ,  et  demeura  attaché  à  la  province 
qu'on  ne  crut  pas  qu'aucun  pro-  de  l'Ile-de-France.  Le  synode 
testant  fût  plus  capable  que  national  de  Charenton  le  lit 
Blondel  de  les  détruire.  Elfccti-  professeur  honoraire,  l'an  îCLj5 
vement  il  avait  une  mémoire  (G) ,  avec  une  pension  convena— 
prodigieuse  (C),  et  une  lecture  bie;  ce  qui  ne  s'était  jamais  pra- 
tout-à-fait  vaste;  et  il  ne  man-  tiqué  envers  personne  (g)  (H). 
quait  pas  de  pénétration,  pour  Les  Eclaircissemens  sur  l'Huclia- 
faire  des  découvertes,  et  pour  ristie  {h)-,  un  gros  livre  Je  la 
tirer  des  conséquences  avanta-  Primauté  en  l'église  (/);  le 
geuses  d'un  fait.  Son  style  était  Pseudo - fsidorus  et  TuirianUB 
rude,  etemharrasséd'uu  peu  trop  validantes  k  ,  qui  est  ua  ouvra- 
de  parenthèses  (D  ;  maisqu'im-r  ge  contre  les  Epîtres  Décrétâtes  ; 
porte,  cela  l'eût— il  empêché  de  Je  Traité  des  Sibylles  (/)  ou  il 
réfuter  une  fausseté?  Il  a  paru  s'inscrit  en  faux  contre  les  ora- 
par  l'événement,  qu'il  ne  se  fit  des  qu'on  leur  attribue,  et  où 
pas  une  affaire  de  la  réfutation  ''  réfute  l'ancienne  pratique  de 
de  Baronius  (E) ,  et  qu'il  s'appli-  la  prière  pour  les  morts  ;  le  f  rai- 

té  de  Episcopis   et  Preshrteris 

VVojrez /«^préface.  (,7,;,  plurent  beaucoup  aux  pro- 

L,  auteur  des  Observations  insérées  dans  *  .  '  J 

la  Bibt./i  anç.  xxix,  190,  dit  que  dans  la    testans:  mais  quelques-uns  deux 

table  du  synode  de  Cadres,    il   n'y  a    qu'un  désapprouvèrent    qu'il     ne    s'at- 

dé(Hile  du   nom  de  Blondel.   Ce  synode   fît  .       i    •  .                               .           .    , 

deuxdéputaiions  au roî.D.  Blondel nefutque  ,acllil1  l>as  tout  entier  a  fa   con- 
de , la  seconde  dont  l'..l>jei  était  de  faire  au  roi 

des  repre'sentaiions,    sur  les  justes   et  réels  ',   (/      '■'.>'''-"    '  <l'"re   dedicaloirc   ■le    ses 

èkefs  des  reformés  ,  et    non  de  lui   adresser  Acles  ■«tb.iiUqw.. 

des  remercimens.  -     '  '     '''  "     âtpQci-dessui,  citation   i 

d  Si  /'e  ne  l'assure  pas.  C'est  parce  qu'il  *     4  ?<»<"'",  en  164 1  . 


n  en  dit  rien  lorsqu'il  parle  de  ce  synode. 
Outre  que  le  Mercure  Français  ne  dit  pas 
David  Blondel,  mais  simplement  Blondel. 
Or  ..'  y  avait  plus  d'un  ministre  de  ce 
nom  en  ce  temps-là. 

(e)  Voyez  la  préface  citée  ci-dessus. 


(i)  A  Genève,  en  164 1 ,  in-fol. 

1  ■  •    il      '  I      in-\  ' 


ojret 


touchant  ce    l'^-nHo-Isidorus,    la  remarou» 

l)A  Charenton,  en  16  j    .  in  4°. 
m   A  Jmslerdam  ,  en  \Cj6- 


/,66  BLONDEL. 

troverse ,  et  qu'il  se  mêlât  dans  inutiles  à  son  frère  (N).  Il  était 
les  disputes  de  l'histoire  civile,  encore  envie  l'an  1645  {p).  Ce 
comme  quand  il  fit  un  ouvrage  fut  lui  qui  fournit  le  manuscrit 
de  Formula  régnante  Christo  (ri),  sur  lequel  l'éclaircissement  de  la 
]1  y  en  eut  aussi  qui  furent  papesse  fut  imprimé  (q).  J'ai 
scandalisés  du  livre  qu'il  publia  oublié  de  dire  qu' Amand  Fla- 
pour  montrer  que  ce  qu'on  débi-  vien  est  un  faux  nom  ,  que  Da- 
te touchant  la  papesse  Jeanne  est  vid  Bloudel  se  donna  à  la  tète 
une  fable  ridicule  (J).  Après  la  d'un  petit  livre  de  la  Liberté  de 
mort  de  Vossius,  il  fut  appelé  conscience ,  qui  fut  opposé  à  la 
pour  lui  succéder  dans  la  profes-  bulle  d'Innocent  X  ,  contre  la 
sion  de  l'histoire,  par  les  cura-  paix  de  Munster.  Je  n'ai  point 
teurs  de  l'école  illustre  d'Amster-  parlé  non  plus  des  grands  efforts 
dam.  Il  s'y  transporta  l'an  i6:5o,  que  firent  les  catholiques  pour 
et  continua  ses  veilles  et  ses  tra-  attirer  notre  Blondel  dans  leur 
vaux  avec  son  application  ordiuai-  communion.  Un  de  ses  confrè- 
re, ce  qui ,  joint  au  changement  res  ,  qui  ne  l'aimait  pas  ,  a  pré- 
d'air,  lui  attira  beaucoup  d'in-  tendu  que  ce  n'était  point  une 
commodités,  et  lui  fit  perdre  la  chose  qui  lui  fît  honneur.  Sa 
vue.  On  assure  qu'en  cet  état  il  pensée  mérite  quelque  examen 
ne  laissa  pas  de  dicter  deux  volu-  (0).  Il  a  soutenu  aussi  que  Blon- 
mes  in-folio  sur  la  Généalogie  del  jouissait  d'une  pension  à  la 
des  rois  de  France  contre  Chif—  cour  de  France ,  et  que  cela  le 
jlet  (o).  On  prétend  qu'il  entre-  détournait  de  réfuter  Baronius 
prit  cet  ouvrage  à  la  prière  de  (P). 

M.  le  chancelier  Séguier.  Il  se  «  Il  avait  une  manière  detu- 
trouva  en  Hollande  des  esprits  »  dicr  toute  singulière  :  il  se  cou- 
chagrins,  qui  tachèrent  de  le  «  chait  par  terre  ,  et  avait  à  Pen- 
rendre  suspect  d'arminianisme  »  tour  de  lui  les  livres  dont  il 
(K),  et  qui  blâmèrent  les  Con-  »  avait  besoin  pour  l'ouvrage 
sidérations  religieuses  et politi-  »  qu'il  faisait  (r).  »  Celui  qui 
ques  qu'il  publia  durant  la  m'apprend  cela  le  donne  pour 
guerre  de  Cromwel  et  des  Hol—  une  chose  très-vraie  :  il  dit  aussi 
landais  (L).  Il  mourut  le  6  d'à-  que  l'anonyme,  qui  a  fait  des 
vril  i655,  âgé  de  soixante-qua-  Considérations  libres  et  chari— 
tre  ans.  Il  avait  deux  frères  plus  tables  sur  le  recueil  des  actes 
âgés  que  lui,  tous  deuxministr  s  :  authentiques  ramassés  par  M. 
l'un  s'appelait  Moïse,  et  l'autre  Blondel,  s'appelait  M.Gauthier, 
Aaron.  Moïse  Blondel  fut  mi-  et  était  ministre  aux  environs  de 
nistre  à  Meaux ,  et  puis  à  Lon—  la  Rochelle.  Ce  recueil  déplut 
dres  ,  et  publia  un  livre  de.  con-  beaucoup  aux  théologiens  qui 
troverse ,  qui  témoigne  qu'il  avait  (p)  Cela  paraîl  par  ,me  (ellrc  „ue  David 

de    l'érudition    (Mj     0:i    prétend  Blondel  lui  écrivit  le  2Q d'août   i6'j5-  On  ta 

que  Ses   lumières   ne  furent      pas  «ous,*  au  commencement  du  l„re  français 

I                                                                          I  sur  la  papesse 

(«y  La  même  Lettre  l'assure.  Voyez  la  ci- 

(n)  A  Amsterdam  ,  en  iG^ô,  in-fy>.  talion  précédente. 

o)Fls  sont  en  latin,    et  firent  imprimés  \r    Ancilloa  ,  Mélange  critique,    loin. 

h  Amsterdam  en  1654.  P"S-  4°7- 


ELONDEL.  467 

avaient  combattu  M.  Amyraut.  petit  en  soi  -  môme  ne  Test  plus  après 
J'ai  vu  une  lettre  toute  remplie  les  fausses  conséquences  et  les  fausses 
de  plaintes  à  ce   sujet  (Q).  J'en    *°P\™}}°™  M"  on  y  ajoute. 

.      1  i_  (w    ''    avait   une    mémoire    prodi- 

tirerai  quelque  chose.  gieuse.  ]  M.  Colomiés  en  dit  une  chose 

qui  en  peut  donner  une  grande  idée, 
(A)  Il  fut  secrétaire  plus  de  vingt  autant  que  quoi  que  ce  soit.  J'ai  ap» 
fois  dans  les  synodes  de  V  lie -de-  pris  de  Al.  fossius  ,  dit  il  (\<jj,  que 
Fiance.  ]  .M.  Desmarets,  le  proies-  A/.dc  Saumaise  étant  h  Paris  évitait 
seur  de  Groningue,  veut  qu'on  ait  autant  qu'il  pouvait  de  sa  rencontrer 
choisi  liloudel  pour  cette  fonction  ,  à  en  visite  avec  AI.  Blonde/, ,  parce  que 
cause  de  la  beauté  de  son  écriture.  In  celui-ci  était  un  grand  causeur,  et 
œslimio  fuit  apud  suos  fratres  a  que-  omnia  in  numerato  habebat,  ctiam 
lus  sœvc  propter  calligraphiant  jactus  locos  inlegros  auctorum  ,  au  lieu  que 
est  actuarius  synodorum  :  nunquam  l'autre  ,  quoiqu'il  eiil  une  prodigieuse 
tamen  in  ullâ  earum  vel  nationali  vel  mémoire  ,  sscpè  silebat.  Des  gens,  qui 
provinciale  prœsidts  aui  assessoris  gra-  avaient  ouï  lîloudel  en  conversation 
dum  oblinuit  (1).  On  ne  lui  donna  ja-  m'ont  assuré  que  sa  langue  allait  corn- 
mais,  ajoute-t-il,  la  charge  de  mode-  me  un  torrent ,  et  qu'il  parlait  de  tou- 
rateur  ,  ou  d'adjoint  au  modérateur,  tes  sortes  de  choses  avec  une  facilité 
dans  les  synodes.  J  ai  ouï  dire  que  surprenante,  sans  hésiter  jamais  sur 
récriture  de  Blondel était  la  plus  nette  les  noms  propres,  ni  sur  les  années  j 
et  la  plus  distincte  qui  s  pût  rair;  quelquefois  même,  il  savait  dire  en 
mais  extrêmement  menue,  de  sorte  quel  jour  du  mois  et  de  la  semaine 
qu'en  peu  de  lignes  il  pouvait  faire  tels  et  tels  faits  étaient  arrivés,  (eux 
de  longues  remarqu -s  à  la  marge  d'un  qui  ont  fait  l'Oraison  funèbre  de  Jean 
livre  imprimé  en  grand  papier.  Caspar   Leutzius  disent  que  Blondel, 

(B)  On  le  députa  quatre  fois  de  déjà  aveugle ,  l'entretint  pendant 
suite  aux  synodes  nationaux.]  L'un  quatre  heures  du  gros  livre  qu'il  mé- 
de  ces  quatre  synodes  ne  fut  pas  celui  ditait  contre  Chitllet;  qu'il  l'en  entre- 
d'Alez  en  i6ao  ,  comme  Ta  cru  .M.  tint ,  dis-je,  avec  des  effusions  de  mé- 
Desmarets  (1).  La  méprise  ne  serait  moire  quiépouvantèrent  lesauditeurs, 
qu'une  bagatelle,  s'il  n'avait  pas  Quo  (malo  excita  lis)  nonobs  tante  Àm- 
ajouté  que  du  Moulin,  modérateur  de  stelodami  eum  sal niantes  non  admisit 
ce  synode,  fut  extrêmement  traversé  modo,  sed pe  quatuor horas  operis sui 
par  Blondel  ,  secrétaire  de  la  compa-  qnod  proie  Callica  contra  Chillletium 
gnic  *  ,  et  s'il  n"t  ùt  débité  cette  mes-  Hispanica  causœ  patrocinantern  spis' 
intelligence  comme  la  cause  de  plu-  sum  moliebatur ,  summam  eis  expo- 
sieurs  autres  événemens.  Quantum  au-  suit,  qui  ad  prodigiosam  tanti  viri 
tem  Alolinœus  suos  alios  duos  ex  or-  mcmoriam  obstupuerunt  (5).  Nous  al- 
dine  ministerii  condeputatos  infensos  'ons  entendre  deux  hommes,  qui, 
habuerit  in  Uld  functione  m  qud  ipse  quoique  appointés  contraires  en  mille 
synodi  prœses  ,  B/ondellus  secretarius  choses,  et  nommément  sur  le  chapi- 
Juit ,  et  eum  sœpiùs  querentem  audivi,  tre  de  l'amitié  pour  David  Blondel, 
et  evenlus  ipse  docuil.  Ciim  enim,  etc.  s'accordent  sur  le  ]  rodige  de  sa  nié- 
(3).  Voilà  une  considération  qui  doit  moire.  Ils  s'accordent  aussi  sur  la  pau- 
ohliger  les  écrivains  à  éviter  jus-  vreté  de  son  style;  mais  l'un  d'eux 
qu'aux  plus  petites  fautes.  Ce  qui  est     prétend  que  Blondel  fut  si  estimé  en 

France  par  les  catholiques  romains, 
que  pour  le  tenter  on  employa  jus- 
qu'à la  promesse  d'une  mitre.  Je  rap- 
porterai tout  le  passage.  Vir exce/lens 
fuit  noster  Blondellus,  ....  nam  ut 
prcete.ream  ingnui  a<  1  imomnm  .  judi- 
cii  soltditatem ,   mcmoriam  ad  prodi' 


(1)  Mares.,  in  Refutatlone  Prcefat.  apologct. 
Curcellxana;  ,  pag.  3o4> 

i.)  Idem,  ibid.,pag.  543.  Vaynla  Répli- 
que de  Courcrlles  :  elle  est  à  la  léle  du  Qua- 
lernio  Dissertationum. 

*  I.  auteur  des  Observation*  insérées  dans  la 
Bibliothèque  française  pense  que  pour  mieux 
prouver  1  erreur  de  Desmarets,  Bavle  aunil  du 
Dommerles  deux  secrétaires ,  qui  étaient  Vieniec 
et  Papillon. 

(3)  Mansius,  in  RefutaUOuC  Prarfat.  apologct. 
Curcelta:au:e,  pag.  i\i. 


'4;  Colomiés,  Mélanges  historiques,  pag. 
14,    i5 

(5)  Apud  Paulum  Fretcrum,  Tbeatri  pag. 
1180. 


t68 


BLONDEL. 


gitan  usque  felicem,  eloquentiam  tem- 
peraneam,  (qttœ  lamen,  ut  nihil  est 
ab  omnï  parte  beatum  ,  non  ita  elucet 
in  scriptis  ,  projundce  quidem  ubique 
eruditinriii  ,  sed  quorum  gratiam  ob- 
scuritas  aliquandà  imminuit  )  ad  hœc 
natures  doua  indefaligabUis  diligen- 
tia  ,  quâ  non  vulgarem  linguarum  la 


et  ingratus  ubi  prœmedilatè  publiée 
docere  debebal;  prout  slylus  ejus  utrâ- 
que  linguâ  tant  intricatus  est  et  tôt 
hypcrbatis  scatet,  supra  diffusissimurn 
quemlibet  atticismum  (8),  ut  sinej'as- 
tidio  legi  non  possit ,  leclorque  atlen- 
tus  oblitus  sit  sœpè  quomodo  perio- 
dum  incœperit  ,  ubi  pervenit  ad  illius 


tinœ,  grœcœ ,  hebraicœ,  ut  et  ilalicœ  Jinem  (9).  Il  avait  dit  dans  la  préface 


quoque  et  luspanicœ ,  notiliam  sibi 
eompavavcrat  ,  omne  scriptorum  ge- 
nus  pervolverat ,  et  eorum  opes  in  di- 
l'ilem  illum  cordis  sut  thesaurum  re- 
condiderat.  Ade'o  ut  nihil  esset ,  sive 
magnum,  sii'e  parvum  ,  in  libris  pa- 
trum ,  actis  conciliorum  ,  disputalioni- 
bus  theologorum  ,  et  in  hislorid  vetere 
ac  recenti ,  tum  sacrd  tum  profana  , 
quod  ejus  cngnitionem  effugcret ,  et  de 
quo  ,  inlerroghniibus  ,  accuratè  illico 
non  responderet ,  mdlusque  cum  eo 
familîariiis  ùérsaretur,  qui  nonsemper 
do, -tinr  ab   ejus  colloquiis  discederel. 


de  ce  même  livre  :  Decennium  est 
prœter  propter ,  ciim  primum  ejus  ed 
de  re  Diatribe  prodiit.  Sed  ciim  gal~ 
licè  tantiim  scripta  esset ,  nec  eo  stylo 
qui  suum  lectorem  alliceret  (  nam 
qu'am  Juit  memoriosus  et  muhce  leclio- 
nis  ,  tum  J'u3-t_p/ji.Kviia.  laborauit,  parùm- 
que  Jbelix  juit  in  suis  conceplibus  , 
sive  patrid  sive  latind  linguâ  expri- 
mendis  )  ;  tandem  visus  est  uoluisse 
earn  sermone  erudilorum  extare. 

(Dj  Son  style  était  rude  ,  et  embar- 
rasse d'un  peu  trop  de  parenthèses.  ] 
Nous  avons  déjà  rapporté  le  jugement 


Quare  omnes  qui  noverant,  stupendœ  que  Desmarets  et  Courcelles  ont  pro- 

ejus  eruditioni  assurgebant ,  non  so-  nonce    là-dessus    :    joignons-y    celui 

lùni  protestantes  ,    sed  etiani  catholtci  d'un  jésuite.  Càm  B fonde/ lus  propter 

romani ,  qui  ipsum  vel  infulœ  epiico-  sinuosas  inconditœ  plerurnque  oratio- 

oalis    quamdik  cœlebs  l'ixit,  velmag-  nis  ambages  et  inexti  icabiles  Trapivôé- 

nœ  àlLcujiié  in  auld  ,  aut  in  curid  dig-  c-tuv  xct't  7ra.f,s{,ya)v   labyrinthes   minus 

nitalis  il/icio  in  partes  suas  pertrahere  gratus  po/ilis  tectoribus  esse  soleat ,  et 

parati  étant,  nisireligiosiorem  compe-  bonœ causœ  ojfusis  tenebiis  sœpiùs  in- 


rissent,  quant  ut  mundanarum  opum 
aut  honorum  splendore  caperetur, 
Ouid  dicam  de  morum  suavilale,  de 
modcstid  ,  de  candore  ,  et  aliis  virluti  ■ 
bus  quibus  omnes  honeslos  viros  ad 
sut  umorent  rapicbat  (6)?  Ecoutons 
maintenant  l'adverse  partie.  Laudi- 
bus  quas  hic,  Curcellœe  ,  in  B/ondel- 
lum  congeris  ,  calculum  meum  inte- 
grum  adjicio  :  Fuit  vît  mu/ti-jugœ 
lectionis  ,  porlenlosœ  memoriœ ,  ju- 
cundœ  admodum  conversationis  (^)  ; 
Us  prœsertim  ,  qui  in  aliorum  consor- 
tio  audire  malunt  qu'am  loqui ,  ut  tant 
paritm  tœdii  adferret  Us  apud  quos 
eruditissimos  suos  sermones ,  linguâ 
prcesertim  nostrâ  ,  torrenlis  instar  ad 
multas  horas  fundere  poterat  ,  de  quâ- 
cunque  materiâ  ex  improvisa  ciim  dis- 
seret'ë  oporteret  ;  qu'am  frigidus  erat 

(6)  Steph.  Ciircellaeus  ,  in  Prrefal.  apoloseti- 
câ.  <*/.  Daillé  exprime  en  beaux  le  unes  ,  et  plnf 
brièvement  ,,toul  cet  éloge  .  en  lui  de'dianl  Vh- 
pnloRie  des  Eglises  réformées.  Voyez  ilans  Pope 
lilount  plusieurs  autres  éludes,  semblables. 

(7)  Il  avait  dit  dans  son  Exercit.  llldeGra- 
ti'i  et  Kedempt.  ,  num.  22  ,  0  nru-tu  Blondellus 
Photius  ille  nostri  sa;culi,et  umms  anliijtutatis  , 
ifuoadvixit,  Bi£Vioâ>tx«  î{j.^,vfcjç. 


commodaverit ,  operœ  prelium  visum 
Juit  ennuient  reetprocare  serrant  (10). 
Il  veut  dire  qu'il  a  retouché  la  ques- 
tion de  la  papesse.  Chifllet  raconte 
qu'une  dame  de  Paris ,  à  laquelle 
ljlondel  avait  donné  son  volume  des 
Sibylles,  en  lut  quelques  pages  sans 
y  rien  entendre,  et  dit  à  l'auteur  , 
qu'il  serait  fort  à  propos  que  cet  ou- 
vrage fût  traduit  en  meilleur  français, 
et  qu'elle  était  bien  fâchée  et  bien 
surprise  qu'on  ne  l'eût  pas  fait  en- 
core (m). 

(E)  Il  ne  se  fil  pas  une  affaire  de  la 
réfutation  de  Baronius.  ]  On  n'a  trou- 
vé après  sa  mort  que  des  Notes  qu'il 
avait  écrites  sur  les  marges  de  son. 
Baronius.  Sa  manière  d'écrire  en  ca- 
ractères fort  serrés  et  fort  menus  fait 

(8)  N'aurait-il  pas  voulu  dire  aeiaticismum  ? 
car  c'est  te  style  asiatique  qui  passait  pour  trop 
diffus. 

(y)  Maresius ,  in  Refut.  Pnefat.  apologct. 
Curcellïeana*. 

(10)  Pliilippus  Labbe  ,  in  Joaan.-e  Papissre  Ce- 
nôlapb.  everso  ,  ad  calcem  primi  vol.  rie  Scnpt. 
ecclesiast  ,  pag.  84 1  - 

(11)  GUifflet.  ,  î'n  Imagine  Davidis  BIondelH  , 
paS.  0. 


bien  que  ces  notes-là  sont  plus  nom- 
breuses ;  mais  enfin  ,  ce  n'est  point  et: 
qu'on  appelle  la   réfutation  d'un    au- 
teur.   Les    magistrats    d'Amsterdam 
achetèrent  cet  exemplaire    de  Baro- 
nius,  et  le  donnèrent  à  la  bibliothè- 
que de    leur  ville.  C'est  là  que  ceux 
qui    veulent   connaître    ce   que    c'est 
que  le  travail  de  David  Blondel  con- 
tre les  Annales  de  Baronius  ,  peuvent 
contenter  leur  curiosité.  Un  ministre 
béarnais  (12),  réfugié  à  Amsterdam 
plusieurs  années  avant  la   révocation 
de  l'édit  de  Nantes,  dit  que  les  bourg- 
mestres de  cette  ville  l'ayant  chargé 
de  ruiner  de  fond  en  comble  les  XII 
tomes  de   Baronius ,   il   Ta   fait   sans 
peine,   par  l'assistance  de   Dieu;   et 
que  non-seulement  il  a  copié  les  no- 
tes de   David    Blondel  ,  selon  l'ordre 
qu'il  en  avait  reçu  de  ces  messieurs  , 
mais  aussi    qu'il    les   a    collationnées 
avec  les  Annales  de  Baronius,  livre 
qu'il   n'avait  jamais  vu   auparavant  ; 
et  que  ,  comme  il  a  découvert  des  fau- 
tes que  Blondel  n'a  point  marquées, 
il   a  cru  qu'il  commettrait  un  péché 
d'irréligion,   s'il   ne  les  publiait  pas. 
Quiim  tuihi  demandala  foret  ab  am- 
plissinis  Reip.  Amslelodamensis  con- 
sulibus  provincia  fundiliis  everlendo- 
rurn  Annalium  .17/  tnrnis  comprehen- 
sorum....  Den  coopérante  nil  arduunt. 
esse   comperl   (i3).   .    .    .    Ut   eorum 
(Consulum  Amstelodamensiumjjussu 
quœ    Blondellus.  .  .  .   animadverlciat 
non  tanlurn  exscripta  ,  sed  eliatn  cuni 
Baronianis  collata  ,  .  .  .  .  publico  da- 
tent (14) Non  politisent)  pos- 
thumas  animadsersiones  Blondelli-  .. 
cum  chronologicis  Baronii  narrationi- 
bus  nunqu'ani  ante'a  mihi  vi\is  conf er- 
re ,    quin   slatim ]  Hœc   aulcm 

(ex  aninto  fateor)  mini  reli^io  fuit 
impio  sepelire  silenlio  (i5).  11  publia 
donc  un  livre  l'an  i(i^5  ,  intitulé  : 
Anli-liaronius  JMagrnelis ,  qui  con- 
tient 140  pages  in-folio.  Dans  mon 
exemplaire  ,  le  titre  ne  fait  aucune 
mention  de  David  blondel  ;  mais,  dans 
le  Journal  des  Savans  (16),  le  titre 
contient  cette  queue  :  Quibus  acces- 
jerunt  quœdam  ad  Baroniunt  uniniad- 

(13)  Nomme  Maçenclie. 

(i3)  Majenclis   Anti-Baromos  ,    Epist.    déli- 
cat. 

fi  5)  Ibidem,  in  Praafa'.. 

(l5)  Ibidem. 

(i(î)  Du  in  juillet  16V9,  pa 


BLONDEL.  469 

uersiones  Dacidis  Blondelli.  D'ail 
leurs  le  titre  marque  l'an  1679.  K< 
doutez  pas  qu'il  n'y  ait  eu  là  un  tour 
de  supercherie  de  libraire.  Apparem- 
ment on  ne  vendait  point  le  livre  , 
et  on  s'avisa  au  bout  de  quatre  ans 
d'en  rafraîchir  le  frontispice  ,  et  d'y 
promettre  merveilles  sous  le  nom  cé- 
lèbre de  David  Blondel.  La  vérité  est 
que  Blondel  n'occupe  presque  point 
de  place  dans  ce  livre  ,  et  que  si  l'on 
jugeait  de  ses  notes  marginales  par  cet 
endroit-là  ,  on  les  mépriserait  extrê- 
mement (17). 

(F)  IL  n'avait  aucun  talent  pour  la 
chaire.  ]  Voyez  ce  qu'on  cite  de  Sa- 
muel Desmarets  à  la  fin  de  la  remar- 
que (C).  J'ai  ouï  dire  que  Blondel  ne 
prêchait  pas  par  méditation,  et  qu'il 
avait  une  extrême  peine  à  apprendre 
ses  sermons  mot  à  mot.  Ainsi  la  chaire 
n'était  nullement  son  fait. 

(G)  l.e  synode  national  de  Charen- 
ton  le  fit  professeur  honoraire.  ]  Dès 
lors,  il  fut  censé  libre  de  tout  engage- 
ment avec  un  troupeau;  il  ne  fut  plus 
obligé  à  la  résidence;  il  eut  pleine 
permission  de  se  fixer  à  Paris ,  pour 
être  à  portée  de  consulter  commodé- 
ment les  bibliothèques.  Ce  furent  les 
raisons  qui  obligèrent,  le  synode  à  lui 
conférer  ce  titre  :  voici  mon  garant. 
Posteriori synodus)  Blondello  hono- 
rarii  professons  nomen  et  stipf/idium 
assignaverat ,  solutn  i>incu!o  quo  suœ 
ecclesiœ  lenebatur ,  et  faatâ  ci  facul- 
tate  sedes  suas  oh  commoditalein  li- 
brorum  ipsi  necessanorum  ad  Baro- 
nii promissam  rejulalionem  Jigendi 
Luletiœ  (18)  *. 

(H)  Il  fit  un  gros  livre  de  la  Pri- 
mauté en  l'église.]  Cet  ouvrage  est 
fort  estimé,  et  réfute  savamment  le 
cardinal  du  Perron.  L'auteur  en  pré- 
parait une  seconde  partie  ,  commi 
nous  l'apprend   M.  Colonnes.  J'ai  ouï 

(17}  Voyez  M.  Baillct,  dans  le  num.  136  des 
Ami.' 

(18)  Samuel  Maresius  ,  Réfutai.  Curcell. , 
pag.   ïo\. 

*  Sur  tout  cria  l'auteur  déjà  rite  dei  l'oser- 
valions  remarque  i°.  que  ce  ne  fui  pas  !<•  synode 
national  île  O.arenliin  qui  .!e.l..u  401  D.  Blondel 
île  son  min. stère.  Cela  avait  déjà  été  fait  parle 
synode  provincial  ;  nais  le  synode  naMonaJ 
,!a  a  I>.  Blondel  une  pension  <!■■  uuV,-  ji ,v..  . 
outre  ee  qu'il  recevait  de  la  province  de  Vlle-de- 
Frnr.e;    1".     que   l'acte    pat 

nomme  etspécilie  plusieurs  ouvr.iges  de  Blondel 
mais  qu'il  n'y  <>t  nullement  question  de  la  refit1, 
m   de  Baronius 


470 


BLONDEL. 


dire  a  M.  D aillé  ,  dit-il  (19),  que  del  ;  et  au  lieu  de  croire  qu'un  homme 
M.  Blondel  avait  laissé  une  continua-  qui  avait  tant  lu  ,  et  dont  les  lumières 
tion  de  la  Primauté  en  l'église  ,  près-  étaient  si  vastes  ,  avait  pu  décou- 
sue aussi  grande  que  celle  qui  est  im-  vrir  le  faible  de  ce  beau  conte  ,  ils 
primée.  Elle  est  entre  les  mains  d'un  soutinrent  que  la  bonne  foi  n'avait 
ministre  qui  se  tient  auprès  de  J.ejde,  nulle  part  à  son  action  ;  qu'il  cher- 
nommé  Courcelles ,  jils  de  celui  qui  chait  un  bon  bénéiice  ,  et  qu'a  fin  de 
se  fit  arminien.  l'obtenir  il  avait  fait  sa  cour  au  pape 
(I)  Quelques-uns  furent  scandalisés  de  Rome,  Prœlereo  illos  quos  non  pu- 

du  livre  qu'il  publia pour  montrer  det  jaclare    Blondelium   in  fabulant 

que  cequon  débile  touchant  la  papesse  iransformare  molitum  esse  qund  certu 
Jeanne  est  une  fable  ridicule.  ]  Je  n'ai  plurium  historicorumfides  de  Johannd 
pas  voulu  me  servir  d'une  proposition  prodidit  ,  ut  ponti/ici  romano  gratiji- 
universelle  ,  quoiqu'un  fort  zélé  théo-  curelur  ,  et  ab  eo  pingue  aliqûod  be- 
logien  de  Groningue  s'en  soit  servi,  ncficium  ertorqueret  (22).  Celui  qui 
Aliis  quiritantibus  de  Joannœ  papissœ  rapporte  ce  jugement  téméraire  le  ré- 
Historid  per  ipsum  suggillald  ac  in  fute  tout  aussitôt  ,  par  une  raison  ti- 
fabulam  commutalâ  ,  non  sine  offen-  rée  des  choses  désobligeantes  pour  le 
sinne  omnium  protestantium  (20).  J'au-  papisme,  qui  sont  dans  ce  livre  de 
rais  craint  qu'on  n'eût  regardé  cela  Blondel.  Malignam  islam  suspicionem, 
comme  un  trait  de  médisance.  Je  me  scriptum  undè  ca/umniandi  ansam 
suis  donc  contenté  de  dire  que  cet  ou-  arripuerunt  ,  plané  jugulât  ,  in  quo 
vrage  de  Blondel  scandalisa  quelques  tantùm  abest  ut  partium  illarum  gra- 
protestans.  C'est  un  fait  incontesta-  tiam  ambiverit  ,  ut  contra  multis  in 
ble.  Les  raisons ,  que  je  m'en  vais  rap-  locis  acriler  eus pungerenon  dubitdrit. 
porter  de  ce  scandale  ,  sont  si  peu  II  ajoute  lire  antre  raison  prise  de  ce 
glorieuses  ,  ou  même  si  honteuses  ,  que  l'ouvrage  de  la  Primauté  en  l'église 
que  si  le  théologien  de  Groningue  ne  s'imprimait  lorsque  l'auteur  travail- 
les avait  avouées  ,  je  croirais  que  le  lait  à  celui  de  la  papesse.  D'autres  fn- 
professeur  arminien  d'Amsterdam  les  rent  moins  iniques  :  ils  avouèrent  que 
impute  aux  réformés  ,  pour  les  tour-  l'auteur  avait  réfuté  l'Histoire  de  la 
ner  en  ridicule  ,  ou  pour  les  rendre  papesse  par  des  raisons  si  puissantes  , 
suspects  d'un  énorme  entêtement,  qu'ils  ne  voyaient  pas  qu'on  pût  y  op- 
Courcelles  est  le  professeur*  arminien  poser  rien  de  bon  ;  mais  iis  trouvèrent 
dont  je  parle.  11  dit  qu'aussitôt  que  fort  mauvais  qu'il  eût  abusé  de  son 
l'ouvrage  de  Blondel  eut  vu  le  jour  ,  loisir  et  de  sa  science  pour  réfuter  une 
il  y  eut  des  gens  qui  le  condamnèrent  tradition  de  cette  nature.  L'intérêt 
sur  l'étiquette  du  sac.  Ils  n'attendirent  des  protestans  ,  disaienl-ils  ,  demande 
pas  qu'ils  l'eussent  lu  :  ce  leur  fut  as-  qu'elle  soit  vraie  .  pourquoi  faut-il 
sez  de  savoir  le  but  de  l'auteur  ,  pour  qu'un  ministre  en  montre  la  fausseté  ? 
dire  qu'il  en  avait  très-mal  usé,  et  Ne  valait-il  pas  mieux  laisser  aux  pa- 
pour  se  plaindre  violemment  qu'il  leur  pistes  le  soin  de  nettoyer  leurs  ordu- 
ôtât  un  sujet  d'insulter  les  catholiques  res  ?  méritaient -ils  qu'on  leur  rendit 
romains.  Non  defuerunt  qui audito  so-  en  cela  quelque  sorte  de  bon  iffice  ; 
liim  eius  argumenta  dajnnatoriam  con-  eux  qui  ne  cessent  de  déchirer  la  mé- 
feslim  sentenliam  ferrent,  indignali-  moire  des  réformateurs? Voilà  quel  était 
ijubdmateria sibieriperelur romano- ca-  le  langage  des  plus  modérés;  et  c'est 
lholicisposthacittsultandi,etmulierem  ainsi  que  l'on  parlera  toujours  lorsque 
Romœ  ponlificiam  sedem  aliquando  l'intérêt  de  parti  aura  plus  départ  à  ce 
lenuissenbjiciendi(-î\).  Ils  cherchèrent  qu'on  dira  ,  que  les  idées  de  l'ordre  , 
les  motifs  de  cette  conduite  de  Blon-  que  les  idées  de  l'honnête  ,  que  l'a- 
mour de  la  vérité  en  général.  Je  dis  en 

(19)  Colomes. ,  in  Opusculis ,  pag.  99.  géneral;el  ce  sont  deux  choses  biendif- 

(20)  Maresms,  exerdtat.  III  de  G»t.â ,  num  fé               qu'aimerla  vérité  en  elle-mê- 

32.   IL  dit  dans  sa  heponsc  a  l.ourrelles,  pag.  '  n  .                            . 

3i5 ,  qu'aucun  réforme  n'aurait  voulu  conseiller  me  ,  et  qu  aimer  le  parti  que  1  on  a  une 

la  composition  d'un  livre  si  scandaleux;  nemi-  f0Js  pris  pour  le  véritable  ,  et  que  l'on 

*em  reformatorum  reperies  qui  Uliauctorexùtc-  t  bien  réso\u    ,Je  ng    prenJre   jamais 

k  scriptioms.  L                    J 


rit  istius  scandalosa:  ! 

(21)   In  Pncfat.    npologct.   apud  Maresium , 


(22)  Idem,  il/id. 


BLONDEL, 


47* 


pour  faux.  Alii  erga  aurtorem  et  opus    entre  Léon  IVel  Benoit  III*  Après  sa 
paulo  œquiores,falentur  quidam  ipsum    mort ,  le  sieur  de  Courcelles  fit  împri- 
tam  efficacibus  opinionem  l'ulgarem  ar-    mer  en  latin  oe  même  ouvrage  ,  ruai» 
gumentis  impugnâsse,  ut  non  videant    beaucoup  plus  ample  ,  à  Amsterdam  , 
quid  ad  Ma  reponi  cum  specie  possit  :    Tan  i65y.  En  voici  le  titre  :  DeJoannd 
sed  tcimen  aiunt  non  debuisse  otio  suo    papissd  ,  sii'e  jamnsœ  quœstionis  ,  an 
et  eruditione  abuti  ,  in  conjutandd  fa-    Jemina  itlla  inter  LeoncmlP ,  et  Ue- 
buLi  quant  pro    vevâ    historié  liaberi    nediclum  III ,  romanos  ponlifices  me- 
proteslaiitiiim  inleiiit.  PrœUitisse  sor-    dia  sederit  ,   'Avaxpjs-iç.  Courcelles  as- 
des  suas  ponti  ficus  cluendasrelinquere:     sure  que   l'auteur  retint  chez  lui  son 
indignosenimessequibus noslrioperam    manuscrit  plus  de  neuf  ans  ;  et  qu'en 
gain  re suant  commodent  ;  chm Luthc-    commençant  à  y  travailler,  il  ne  son- 
runt  ,  Zuinglium  ,   Caluinum  ,  alios-    geait  à  rien  moins  qu'à   l'impression 
que    protestanliuni   doetnres  ,   s  oie  mit    (26).  Il    avait   seulement  la  complai- 
atrocibus  convitiis  proscindere ,  quitus    sance  d'examiner  une  matière  sur  la- 
illorum  memoriam ,  quantum  in  se  est  ;    quelle  l'un  de   ses  amis  l'avait   con- 
toti  mundo  odtosam  reddanl  (j3).  M.    suite;  mais  il  se  laissa  vaincre  enfin 
Desmarets  ,  qui  a  réfute  Courcelles,  ne    aux   pressantes    sollicitations    de   ses 
nie  point  qu'on  ne  fît  ces  jugemens  ,    amis,  qui  l'assurèrent  que  cet  ouvrage 
et  ne  dit  point  que  l'on   eût  tort  en    plairait  beaucoup  aux  curieux  de  l'his- 
cela.   Au   contraire   ,    il    confirme  le    toire  ecclésiastique.  M.  Desmarets  as- 
mieux  qu'il  lui   est  possible  la  pensée    sure  que  Blondel  nia  qu'il  eût  eu  au- 
de  ceux  qui  disaient  que  Blondel  com-    cime  part  à  l'impression  de  son  livre  , 
posa   ce  livre  pour  faire  sa   cour  aux    et  que  par  cette  protestation  il  tâchait 
catholiques   romains.     Nec   poluit   id    de  diminuer  le  scandale  ,   et  d'éviter 
consiliûm  BlondelL  non  displicere  bo-    la  censure  du    synode.    (Juam  (  pro- 
nis  inter  protestantes ,   quitus  monstri    mulgationem  )  t'uni  etiam  Blondellus 
quid  aie  re  visa  est  prœpostera  hœc  di-     ut  se  insciofactam  excusabat  ,  ad  of- 
ligentia  in   agenda  causa  adversario-    fensionem   elevandam   ,    et   censurant 
ruin  ,  ac  si  ip*imet  ei  pares  non  essent    synodwarn  cautiùs  declinandam  (27). 
(a{)  :  et  il  rapporte  (25)  un  passage    II  ajoute  que  le  manuscrit   ne  fut  pas 
du  sieur  Congnard  ,  avocat  de  Kouen  ,     envoyé  tout  droit  en   Hollande  ,   mais 
qui  avait  écrit  contre  Blondel,  et  qui    de   Paris  à   Londres,  et  de  Londres  à 
avait  dit  que  la  plupart  des  réformés     Amsterdam  :  tout  c. -la  par  précaution 
furent  étrangement  surpris  du  dessein    contre  les  censures  qu'on  avait  à  cr'ain- 
de  cel  auteur  ,  et  qu'ils  jugèrent  qu'il    dre  :  Ut  si  lis  ulla  super  ejus  editione 
avait  voulu  ,  ou   faire    montre  de   sa     suo  auctori  moverelur ,  eadem  preesto 
lecture,  ouse  mettre  bien  dansle  grand    esset  excusatio  qud  bodiè  utitur  D'al- 
monde.  Voyez  ci-dessous  la  remarque    lœus.  Franchement,  je  ne  crois  pas  que 
(Pj.  L'église  romaine  est  toute  remplie    cet   ouvrage  ait  été  mis  sous  la  presse 
de  gens  qui  jugent  la  même  chose  de    sans  le  su  et  le  consentement  de  l'au- 
ceux  qui  réfutent  1<  s  légendes  :  on  les     teur.  M.  Ménage  contait  une  chose  qui 
traite  d'hérétiques  ,    ou   de    fauteurs    fait   à   notre  sujet  ,  et   qui   témoigne 
d'hérétiques  ;  de  sorte  que  de  part  et     qu'il  n'avait  pas  bien  retenu  les  prin- 
d'autre  ,  un  homme  qui  n'a  point  pour    cipales  circonstances  ;  car  il  ignorait 
but  de  se  confirmer  par  ses  recher-    l'édition  française.  C  est  moi,   disait- 
ches   et    par  ses   études  dans  tous  les     il  (28; ,  qui  suis  cause  que  David  Bfan- 
préjugés  de  sa  communion  ,  s'expose    del  a  fait  imprimer  son  traité  de  la  pa- 
à  de  grands  inconvéniens.  pesse  Jeanne.  Il  n'avait  Jait  d'abord 

Au  reste  ce  que  Blondel  a  écrit  sur  la  qu'un  discours  en  français  ,  qu  il  ma 
papesse  a  paru  en  divers  temps  ,  et  en  prêta  ,  ei  que  je  gardai  quelque  temps. 
deux  langues.  On  imprima  à  Amster-  Je  le  prêtai  ensuite  a  M.  Nublé  ,  qui 
dam,  en  \G\~  ,  son  Familier  éclaircis- 
sement de  la  question  ,  si  une  femme 
a  ete  assise  au  siège  papal  de   Borne  , 


(25)  Idem,  ibid.y  pag.  3i4* 

(34)  Maxesius,  exercitat.  III  de  Gratià,    paf, 

(î5)  Ibidem,  pag.  3i?, 


+  L'auteur  des  Olxervaliom  cite  une  >econde 
édition  française  ,  Anlster.lani ,   Maew,  1649. 

(26)  Cureellreus  ,  in  PrxT.it-  apolog. ,  aputt 
Marcsium,  exercit.  III  de  G rati:î ,  pag-  3 14. 

(1-)    -Mare.,.,    in    Rcfutatione    Prarfat.  ,     pag. 

(38)  Ménagiana ,  pag.  344  ,  rdilion  dn  Hul- 
Inniie. 


4?: 


BLONDEL, 


le  garda  près  d'un  an.  David  Blondel 
vint  ensuite  nie.  le  demander  ,  el  je  ne 
coulais  pas  le  lui  donner  d  abord  , 
parce  (pue  je  craignais  qu'il  ne  voulût 
le  supprimer.  Je  lui  dis  que  c'était  un 
ouvrage  qui  méritait  d'être  imprimé  , 
et  qu'apparemment  il  voulait  en  frus- 
trer le  public  ;  mais  il  m'assura  si  fort 
qiCil  voulait  Y  travailler  et  le  faire  im- 
primer ,  que  je  le  lui  rendis.  En  effet , 
il  le  fil  imprimer  en  latin  ,  mais  tout 
autre  qu'il  n  était  auparavant.  On  dit 
que  M.  de  Saumaise  ,  sur  les  premiè- 
res nouvelles  de  ce  livre  de  Blondel, 
s'écria  :  Qu'on  me  l'apporte  ,  je  le  dis- 
siperai en  soufflant  une  J'ois  dessus. 
Cura  primùm  ejus  faraa  ad  Cl.  Sulma- 
sii  difïusissimœ  eruditionis  ,  ut  omnes 
sciunt  ,  ^iri  aurcs  pervenisset,  exeidit 
ipsi  ut  paru  m  consideratè  diceret  : 
tradatur  milii  liber  .  ego  illum  uno  ha- 
liludifflabn(2Ç)).h[onde\  lui  envoya  l'o- 
riginal de  son  ouvrage  latin  ,  et  n'exi- 
gea aucune  condition,  si  ce  n 'esl  qu'on 
le  publiât  tout  entier  ,  ou  à  la  tête  ou 
à  la  lin  de  la  réponse.  Saumaise  accepta 
cette  coudition  ,  el  vécut  encore  six 
ans  :  mais  ,  quoiqu'il  eût  promis  de  ré- 
pondre ,  il  ne  le  fit  pas  ,  et  l'on  ne 
trouva  quoi  que  ce  soit  parmi  ses  pa- 
niers qui  concernât  la  réfutation  de 
Blondel  (3o).  Le  même  Courcelles,  qui 
débite  tout  Cf  la ,  assure  que  Rivet  lui 
avait  écrit  qu'il  doutait  qu'on  put  ré- 
pondre solidement  à  Blondel ,  Plaidé 
se  dubitare  an  herà  ei  responderi  pos- 
set  ,  et  cum  lectoris  cordati  satisj'ac- 
tione.  Un  avocat  de  Rouen  nommé 
Congnard  ,  répondit  au  livre  fran- 
çais, justement  la  même  année  que 
Blondel  mourut.  Desruarets  répondit 
au  livre  latin  ,  un  au  après  qu'il  eut 
été  imprimé  ,  et  l'inséra  tout  entier 
dans  sa  réponse;  ce  qui  est  une  preuve 
évidente  qu'il  n'avait  point  aperçu 
les  grandes  difficultés  qui  mettaient 
en  peine  Rivet  ,  ou  qu'il  croyait  les 
avoir  pleinement  levées;  car  on  n'a 
jamais  l'imprudence  de  publier  tout 
enlier  l'ouvrage  auquel  on  répond  , 
lorsqu'on  est  persuadé  qu'on  n'a  pu 
répondre  à  plusieurs  difficultés  :  on 
prend  le  parti  en  ce  cas-là  de  choisir 

(29)  Curcell.  ,  in  Prtef.  apologet.  apud  Mare- 
s  ■  ■•■■i,  in  Kefut.  Pnefat.  ,  pag.  ^24. 

{?>o)Idrm,  ihid.  Desmarets  avoue  lot  pro- 
■  de  Saumaise  :  ici  non  promit  Salma»ins 
eujus  spem  fecerat  amicis  et  milii  sa-pè.  /«  t.e- 
i..t.  i\u:lat.  ,  pag.  326. 


ce  que  l'on  veut  dans  l'écrit  de  l'an- 
tagoniste, et  de  faire  semblantde  n'a- 
voir point  vu  ce  ?»  quoi  on  ne  sait  que 
répliquer.  Il  y  a  cent  livres  contre  les- 
quels on  ne  dirait  rien  ,  si  l'on  était 
obligé  de  Ls  insérer  tout  du  long  dans 
sa  réponse  (3i).  Il  n'y  a  pas  long- 
temps que  M.  Spanheira,  le  professeur 
en  théologie  ,  a  écrit  pour  rétablir  la 
papesse  Jeanne  (32).  11  n'a  pas  été  re- 
buté parles  embarras  qui  inquiétaient 
Rivet  et  Saumaise.  On  peut  dire  de 
son  livre  et  de  celui  de  Desmarets, 
due  s'ils  ne  peuvent  pas  convaincre 
toutes  sortes  de  lecteurs  que  l'histoire 
de  la  papesse  soit  véritable  ,  ils  les  peu- 
vent du  moins  convaincre  de  l'habi- 
leté et  de  la  science  de  leurs  auteurs. 
Une  lettre  de  M.  Sarrau  m'apprend 
que  Blondel  ,  à  la  prière  de  quelques 
personnes  ,  ayant  examiné  la  question 
de  la  papesse  ,  trouva  que  le  senti- 
ment commun  était  fabuleux  ,  et  com- 
posa sur  ce  sujet  un  livre  latin.  Les 
uns  approuvèrent  cela,  les  autres  le 
condamnèrent  :  ceux-ci  prétendirent 
qu'un  protestant  se  rendait  infâme, 
lorsqu'il  attaquait  les  sentimens  or- 
dinaires de  son  parti.  Quasi  probro- 
sum  foret  viro  protestantiu/n  parlibus 
addiclo  ,  quidquam  attulisse  ,  quod 
vulgatas  suorum  opiniones  convelte- 
ret  (33).  Blondel  eut  égard  aux  ter- 
reurs paniques  des  esprits  faibles  ,  et 
mit  son  ouvrage  entre  les  mains  de  M. 
Sarrau  ,  afin  de  pouvoir  le  refuser  à 
des  personnes  qui ,  contre  son  inten- 
tion ,  auraient  pu  le  publier.  Il  re- 
toucha cette  matière  l'an  i63q  ,  à 
cause  qu'il  se  répandit  un  bruit  qu'il 
détruisait  amplement,  l'histoire  de 
la  papesse,  dans  un  livre  qui  s'im- 
primait en  ce  temps -là.  C'était  ce- 
lui de  la  Primauté  du  pape.  Pour  n'a- 
voir pas  la  peine  de  feuilleter  tous  les 
cahiers  d'un  si  gros  livre  ,  on  s'in- 
forma dé  lui  touchant  ce  bruit  qui 
courait.  Il  répondit  qu'il  ne  parlait, 
point  de  cela  dans  l'ouvrage  qui  était 

(3i)  M.  Arnauld,  s'est  imaginé  que  son  livre 
du  Renversement  rie  la  Morale  ,  était  de  celle 
nature.  Voyez  les  Nouvelles  Je  la  Képublique 
des  Lettres,  mois  de  novembre  1684  ,  article  XI, 
pag.  975. 

|  .>2,  Cet  ouvrage,  mis  en  français  par  M.  Len* 
fant,  ministre  de  Berlin,  à  été  imprime  à  Am- 
sterdam, eu  i6ç)4-  [el  réimprimé  a  la  Haye  en 
1720  par  les  soins  de  M.  Des  Vignoles.  A»D. 
Je  l'édit.  J  Anist.  1 

(33}  Sarrav*.  ,  F.PI  !0la  CLXXVIII,  pag.  i8r 
edit.  Ultrajeçti 


alors  sous  la  presse;  mais  ,  afin  qu'on 
sû.t  quel  était  son  sentiment  ,  il  com- 
posa un  Traité  français  qui  était  plus 
court  que  le  latin  ,  et  qui  vint  bien- 
tôt entre  les  mains  de  beaucoup  de 
gens.  Saumaise  le  vit  à  Paris  ,  Tan 
iG-fi-  M.  Sarrau  ne  voulut  point  dire 
comment  cet  ouvrage  fut  envoyé  au 
libraire  Blaew  ,  qui  le  publia  à  Am- 
sterdam en  1647  i  mais  il  déclare  (pie 
l'auteur  disait  que  cette  affaire  avait 
c'té  ménagée  à  son  insu.  Cette  auctor 
affirmai  se  inconsullo  ,  quidquid  id  est 
procurutum  fuisse  (34j.  11  ajoute,  qu'a- 
près la  publication  de  ce  livre  ,  il  y 
eut  des  gens  qui  louèrent  l'ingénuité 
de  Blondel ,  et  qu'il  s'en  fallut  peu  que 
d'autres  ne  l'accablassent  d'injures 
(35j  :  les  plus  modérés  le  condamnaient 
d'imprudence.  Quelques  lettres  de  Sau- 
maise ,  où  il  promettait  de  s'ériger  en 
protecteur  de  la  tradition  que  Blon- 
del avait  rejetée  ,  et  de  la  rétablir 
bientôt  et  facilement  ,  consolèrent 
beaucoup  ceux  qui  regrettaient  la 
perte  d'un  argument  qui  ,  selon  eux , 
terrassait  l'église  romaine.  Recredsti 
aiiimos  corum  qui  bus  dolebat  eripi 
sibi  telum  ,  ut  arbitrantur  ,  aculissi- 
mum  ,  quo  Rctma  in  capite  Jertretur 
(36).  il.  Sarrau  fut  un  de  ceux  qui  ap- 
prirent avec  plaisir  ce  nouveau  des- 
sein de  Saumaise  ;  mais  il  l'avertit  de 
prendre  bien  garde  à  cette  entreprise. 
Notez  qu'il  lui  envoya  l'écrit  latin  de 
Blondel ,  et  qu'il  lui  marqua  que  Cha- 
rnier ,  Pierre  du  Moulin  et  M.  Bochart 
de  Caen  ,  trois  des  plus  doctes  minis- 
tres de  France  ,  croyaient  que  l'his- 
toire de  la  papesse  était  fabuleuse.  11 
n'oublie  pas  de  dire  que  du  Moulin  , 
qui  aurait  pu  plaisanter  admirable- 
ment sur  cette  histoire,  n'y  avait  ja- 
mais employé  le  sel  de  ses  railleries. 
fllulta  certè  cùni  scripserit  (  Petrus 
MoUnams  )  quibus  romanum  suggiUit- 
verit  pudorem  ,  ab  istd  tamenjenumi 
semper  manum  abstinuil  :  et  polerat 
tamen  i'ir  non  infacelus  alicujus  libe- 
ralis  joci  indè  caplare  occasinnem.  Je 
ne  crois  pas  que  l'on  se  trompât  ,  si 
l'on  ajoutait  H.  Basnage  à  ces  trois  il- 
lustres ministres  qui  tenaient  pour  fa- 
buleuse l'histoire  de  la  papesse  Jeanne. 
Voyez  ce  qu'il  a  écrit  là-dessus  dans 

(V,)  Sarrav. ,   Epistola  CLXXVIII,  pag.  181 
edit.   CUrajectinte. 

(35)  Alii  penè  optimo  viro  conviciari.  Ibid. 

(36)  IbUlem. 


BLONDEL.  473 

les  termes  d'Iiistorien  des  raisons  de 
chaque  parti  (3'j)  :  vous  n'aurez  pas 
de  peine  à  comprendre  quelle  est  sa 
pensée. 

(K)  Des  esprits  chagrins...  tachèrent 
de  le  rendre  suspect  cParminianisme.'] 
Il  y  a  beaucoup  de  gens  dans  les  pays 
étrangers  ,  qui  se  font,  une  fausse  idée 
de  la  liberté  hollandaise  et  de  la  ser- 
vitude française  (38;.  Ils  n'ont  pas  tort 
de  dire  que  le  tribunal  de  l'inquisition 
espagnole  est  abhorré  en  Hollande  ; 
mais  il  ne  laisse  pas  d'y  avoir  un  assez 
bon  nombre  d'esprits  soupçonneux  , 
ombrageux,  inquisiteurs,  qui  prennent 
garde  quels  amis  l'on  a  ,  et  qui  fon- 
dent là-dessus  mille  jugemens  témé- 
raires ,  dont  ils  font  part  à  beau- 
coup de  gens  de  maison  en  maison  , 
et  surtout  à  ceux  qui  peuvent  servir 
ou  nuire  selon  qu'ils  sont  prévenus  ou 
pour  ou  contre.  Le  pauvre  David 
Blondel  s'imaginait  qu'en  sortant  de 
France  ,  pour  aller  à  Amsterdam  ,  il 
passerait  de  la  servitude  à  la  liberté  , 
et  il  ne  savait  pas  qu'il  s'allait  mettre 
sous  les  yeux  de  certains  espions  ,  qui 
lui  feraient  un  crime  atroce  de  ce 
qu'il  aurait  des  liaisons  d'honnêteté 
avec  un  ancien  ami  (3g)  ,  qui  avait 
contribué  à  sa  vocation  ,  et  dont  la 
connaissance  lui  était  d'un  grand 
usage  dans  Ain  pays  inconnu.  Il  ne 
savait  pas  que  ces  espions  rapporte- 
raient tout  ce  qu'il  dirait  ,  et  qu'on 
donnerait  un  sens  sinistre  à  certaines 
choses  qui  lui  pourraient  échapper  en 
conversation  ;  si  bien  que  la  médi- 
sance fondrait  sur  lui  avec  toutes  ses 
horreurs  et  le  ferait  passer  pour  un 
homme  qni  conspirait  contre  l'état  et 
contre  l'Église.  Je  n'avance  rien  que 
je  n'aie  lu  dans  les  écrits  d'un  fameux 
théologien  ,  qui  a  pris  la  peine  d'ap- 
prendre au  public  ce  tissu  de  médi- 
sances. Quod  Uli  apohgiœ  (4o)  pro- 
logum    galealum     prœjixerit    a    'Tra.vu 

Ci')  Basnage  ,  Hist.  de  l'Église,  tom.  I ,  p"g- 
4o8  et  tuiv. 

(38)  Une  Infinité  de  gens  s'imaginent  que 
personne  n'ose  dire  en  France  ce  qu'il  pense  : 
cependant  on  le  dit  et  on  l'écrit  fort  librement. 
D'où  est-ce  que  nos  nouvellistes  apprendraient 
tout  ce  qu'ils  débitent  concernant  la  France, 
si  on  n'écrivait  ses  pensées  avec  la  dernier* 
franchise?  On  s'entretient  encore  plus  franche- 
ment de  ces  choses  qu'on  ne  les  écrit. 

(3$)  C'est-à-dire,  avec  Courcelles,  professeur 
arminien. 

(4")  Il  parlé  d^unouifrage  de  M.  Dailié  ,  tou- 
chant la  Grâce  universelle. 


474 


BLONDEL.   ^ 


Blondellus...  multùm  detrivit  de  ip-  magne  (4^)  déplore  le  malheur  de 
sius  existimatione  apud  plernsque  ,  ac  David  Blondel  qui,  quelque  doux  et 
si  medilatus Juisset  in  gratiam  remon-  pacifique  qu'il  fût  ,  et  quelques  ser- 
strantiurn  Eyersionem  doctrines  publi-  vices  qu'il  eût  rendus  à  la  cause  ,  ne 
cœ  in  his  ecclesiis  (40  :  aliis  observan-  laissa  pas  d'être  expose  à  mille  mor- 
tibus  intimant  illani  et  jugent  quant  sures  ,  et  pendant  sa  vie  ,  et  après  sa 
cum  D.  Curcellœo  familiaritatem  co-    mort. 

luit  ex  quo  vixit  in  Be^gio  :  aliis  ad         (L) et  blâmèrent  les  Considéra- 

animum  revocanlibus  liber iores  quas-    tions  religieuses  et  politiques  qu'il  pu- 
damvoccs  ipsius  in  sententiam  Augus-    b lia  durant  la  guerre  de  Crnmwel  et 
tini  et  synodum  Dordracenam...  Aliis    des  H  d  Landais.  ]  Nous  avons  vu  dans 
indignantibus  quod  justo   projundiùs    la  remarque  précédente  ,   que  ses  en- 
se   immiscuerit   negotiis   hujus  reipu-    nemis   tirèrent  de    là    Time  de    leurs 
blicœ  (42)   '"  <l"d  erat    recentior  hos-    preuves  de  sa  prétendue  conspiration 
pes  (43)-    Je    laisse    plusieurs    autres    contre  l'Église.  Son  apologiste  prétend 
mauvais  bruits    que    cet    auteur   ra-    que  c'était  par  haine  contre  les  états 
massa  à  son  grand  regret,  dit-il  (44)  >    de  Hollande,  que  l'on  blâmait  les  Con- 
et  néanmoins  ,  avec  un  soin  si  exact  ,    sidérations    de    Blondel  (  47  )   :  maiS 
que  M.  Daillé  lui  en   a   fait    un  très-    on  lui  réplique   que  cet  ouvrage  <  on- 
dur  reproche  ,  après  les  avoir  réfutés    tient  des  choses  qui  devaient  déplaire 
tous  l'un  après  l'autre.  Hœc  sunt  quœ    aux  états   de   cette  province  ,  ef  qui 
Epicrita  contra  clarissimam  optirui  et    déplurent  à  quantité  de  gens  de  bien  , 
eruditissimi  viri  fantani  ,    nul  finxit    et  qu'il  contient   d'ailleurs  beaucoup 
ipse  ,  aut  a  malevolis  plebeiisque  in-    d'invectives  contre  les -parlementaires 
gémis  ex cogitata    nwgno  studio  con-    d'Angleterre,   et   contre    les    princes 
quirenda  et  corradenda  et  in  pnblicam    qui  ,  au  lieu  de  venger  la  mort  du  roi 
hominum  lucem  edenda  putavit  ;  quœ    Charles,  se  hâtèrent  défaire  des  ligues 
quant  sint  putida  ,    et  ad  id  ,    quod    avec  Cromwel  (48)- Ola  veut  dire  que 
agit   ,   conficiendum    inepta  ,    omnes    si  Blonde!  avait  encore  vécu  deux  ou 
jam  intelligunt...   Nunc    quo  nomine    trois  ans,  il  eût  couru  risque  de  se  voir 
appellabo    illani    Epicritœ     diligen-    accusé  de  crime  d'état  ,  pour  avoir  fait 
tiam  ,   qud  is   quisquilias    et  nugas  ,    un  libelle  contre  la  république  d'An- 
parlim  futiles  ,  partim  falsas  ,  pleras-    gleterre  ;  un   libelle  ,  dis  je  ,  qui  était 
que  dubias  et  incertas ,  aut  ipse  corn-    une    censure  violente  de    l  union   qui 
mentus   est ,  aut  ex  otiosorunt  homi-    régnait  après  la  mort  de  ce  ministre 
num  circulis  ntque  rumusculis  studio-    entre  la  Hollande  et  l'Angleterre. 
sissimè  collegit  hoc  animo ,   ut  persua-        (M)    Moïse  Blondel  Jut  ministre  à 
deat  eximium  Dei   seri-um   ,    et  post    Meaux  ,...  et  publia  un  litre  de  con- 
immensos  in  Christi  vined  labores  ,  è    troverse   qui  témoigne  qu'il  avait    de 
terris  nuper  in   ccelos  receptunt ,   hoc    l' érudition.]  Ce  livre  est  intitule  :  Jé- 
antequant  moreretur  ,  egisse  ac  medi-    rusaient  au  secours  de  Genè^  e  ■"  il   fut 
tatunt  esse  ,  ut  pub'icam  ccclesiœ  ,   in    imprimé  à   Sedan,   en   l'année   1624. 
qud  degebat  ,  doctrinam  everieret(^5)?    L'auteur  justifie  le  sentiment  des  pro- 
Depuis  la  mort  de  Blondel ,   les  choses    testans  sur  les  livres  apocryphes  ,  par 
sont  bien  empilées,  et  principalement    ]e  suffrage  des  Juifs  et  des  pères.  Le 
depuis   que   certains  esprits   factieux    fameux  controversiste  Père  Veron  ac- 
et  superbes   sortis  de   France  se  veu-    Cuse  Blondel   de   plagiat.  Jean  Rai- 
lent    faire   redouter    par   des    coups    nold  Anglais  ,  dit-il,    a  composé  un 
d'essai  d'inquisition.  Voyez  ,  je  vous    gros  livre   in-quarto  ,    contenant  600 
prie  ,   comment   un  ministre    d'Aile-   yeuillets  ou  environ  4g)  •  intitulé  Cen- 
sure des  livres    apocryphes  du  Vieil 
(40  Voyez  ee  que  dit  ce  même  auteur  dans    Testament  ,  contre  les  papistes  ,  spé- 

ia  préface  des   Considération?    libres  tt  chari- 
tables snr  les  Actes  autheat.ques  de  Blondel.  '£6)  Spizelius       in    Infelice    LilteratO,   pag . 

(42)  flores  la  remarque  suivante.  g  V*  't  s^u/,nl     ' 

(4?)Maresius,exercu.llIdeCra,i5,nmn.22  9                      „,          ;„    prœrat.           ,0         pag. 

(44;  Quœ    omnia  dici  el  jaitan    m    illum    co  \4,J  x"u  "             ' 

mibi  œsrius  accidit,  quod  surama  mibi  cum  ipso  3og. 

necess.îudo  semper  iilercesserit.  Idem,  ibid.  (48)  Maresius  ,  m  Refutal.one  Prsfat. ,  pag. 

(45l   Dallceus  ,     m    Vindiciis    apoloe. ,    part.  30g,  3io,  3li. 

III,  \ao.   FUI ,  paS.  45! .  C49J  M  *«  contint  plus  de  8oo. 


BLONDEL. 


W 


cialoment  contre   Robert   Bellarmin. 
M.  DC.  XI...  Des  pièces  de  ce  gros 
volume    est  composé  ou   recueilli    le 
livre  de   Blondel  ,    lors   ministre   de 
Meaux  ,  sur  celte  matière  ,   intitulé  ■■ 
Hiérusalem  et  Rome  an  secours  de  Ge- 
nève (5o).  Je  ne  sais  point  si  Veron  a 
cru    que    ce    Blondel   ,     ministre     de 
Meaux  ,   était  David  Blondel  ;  mais  il 
a   été   cause  que   Chilllet  a  pris  l'un 
pour   l'autre.    Chilllet  ,  avant  de  pu- 
blier sa   réplique  au  gros  volume  de 
Blondel  ,  lâcha  un  petit  avant  -  cou- 
reur   de   trente  pages  ,  sous  le ,  titre 
de  Imago  Francisai  eeersoris  Davidis 
Blondelli ,  ministri  calvinislœ  ,  clypei 
austriaci  liber   prodmmus.    11   dit    là 
beaucoup  d'injures  à  Blondel  ,  qui  ne 
lui  en  avait  pas  été  chiche  ;  et  il  l'ac- 
cuse nommément  de  plagiat.  Il   pré- 
tend  que  c'était   un  vieux  péché  en 
lui ,  et  il  le  renvoie  aux  paroles  du  père 
Veron  que  l'on  vient  de  lire.  Blondel- 
lum  IVeoclide  furaciorem,  Boucheto  , 
Dominico .  ac    Tenneurio    totum  ine- 
quitare  nihil  novi  est ,  antiquum  obti- 
net  dum  plagiarium  agit ,  non  ignorât 
Itœc  Pilœa  ,  non  Tyltigias.  Recorde- 
lur  tymcinii  suijœdos  (lies  ciim  apud 
Meldenses  ministellum  agens  Oenevœ 
suce  ab  Uierosolymis    et   ipsd  Romd 
suppetias  frustra  quœsivit  ,  de  quibus 
Francisa  f^eronis  ,  etc.  (5i).  Le  voilà 
donc   persuadé    que    son    adversaire 
était   ce   même   ministre  de   Meaux  , 
qui  avait  fait  le  livre  de  Jérusalem  au 
secours  de  Genève;  mais   c'est   attri- 
buer à  David  Blondel  ce  qui  n'est  dû 
qu'à  son  frère  Moïse.  La  méprise  de  M. 
l'abbé  de  Marolles  est  moins  considé 
rable  que  celle-là.  il  donne  à  Blondel 
le  nom  de  Daniel   au  lieu  de  celui  de 
David.    C'est   dans  le   Dénombrement 
des  auteurs  qui  lui  ont  fait  présent  de 
leurs  ouvrages  ,   ou  qui  oui  parlé  ho- 
norablement de  lui.  Il  dit  que  Blon- 
del lui  lit    présent  de  son   livre  de  la 
papesse  Jeanne  ,  s'étant  serin  ,  ajoute- 
t-il,  d'une  observation  considérable  (pic 
je  lui  fis   un  jour   dans  le  cabinet  ds 
feu  M.  du    Puy  sur  ce  sujet.  11  dit  la 
même   chose    dans    son    Histoire   de 
France  ,  et  marque  en  quoi  consistait 
cette  observation. 

(N)  Ses  lumières  ne  furent  pas 

inutiles  à  son  frère.  ]  Voici  ce  que  je 

(5o)  Veron,    /7e.   partie,    Ve.    controverse, 
'rs  Livres  Canoniq.,  chap.  VI ,  num.  3. 
(5i)  ChilDetii,  Ima;o  Francisa  liversons. 


trouve  dans  le  professeur  de  Gronin- 
gue.  CœterU'ii  inde  apud  noslros ,  nos~ 
in  sœculi  Pkolius  dictus  est  B'ondel- 
lus  ,  quod  ex  suis  et  suifratris  ,  DIo- 
sis  Blondelli  ,  uiri  pientissimi  etdili- 
gentissimi  ,  laboribus  ,  velerum   pon- 
tificum    Epistolas    Décrétâtes  ,  quant 
jamdiil  tamen  nemo  sanus  volebat  ad- 
mittere  ,  in   suo   Pseudo  -  Isidoro    et 
Turriano  vapulantibus  ,  suam  in  vi  - 
terum  canonum  notilid  periliam  abun- 
dè   comprobdssel  ,  et  insuper  diligen- 
tissimè  evolviiset  canones  et  comtitu- 
tiones  synodorum  nalionalium  refor- 
malarum  ,   ejusdem  Mosis  fratris  sui 
adjutus  industrid  :  cui   comprobandœ 
id  proferre  possim   quod   habeam    in 
meo  musœo  ,   ex    manu  Mosis  Blon- 
delli ,   prreter   excerpta  qucvdam  pa- 
trum  grœcorum  et  latinorum  ,  et  Bel- 
larmini  opusculum  de  Scriptor.   Eccl. 
variis  notis  manuscriptis  elucidatum  , 
Disciplinant  ecclesiarum  Galluv  nili- 
dissimè   scriplam  ,   variis    si  holtis   ex 
synodorum    nationafium    decisionibus 
iltustratam  (  5ï  ).  Remarquez   que  ce 
professeur  insinue  qu'il  n'était  pas  né- 
cessaire de  faire    voir  la  fausseté  des 
Décrétales.   Rapportez   à    cela  ces  pa- 
roles   de  M.   Baillet   :  «  Au    sujet    du 
)>  faux   Isidore  ,     le     père     Sirmond 
»  appelait   M.    Blondel  un  enfonceur 
»  de  portes   ouvertes  ,  à  cause  de  la 
m  chaleur  et  des  efforts  avec  lesquels 
»  il   a    poursuivi    ces    deux    auteurs 
»  dont    la    défaite   n'était  ,    ni    dif- 
»  ficile  ,    ni  fort  considérable  ,  après 
»  que    tant  de  critiques    catholiques 
»  avaient  déjà   découvert  les   impos- 
»  tares  d'Lidore  ,  et  que  le  procédé 
»  de  Turrien  avait  été  silllé  et   cen- 
»  sure  par  les  plus  judicieux  d'entre 
»  nos  écrivains  avant  lui    (53).  »  Ri- 
vet parle  bien  plus  avantageusement 
de  ce  livre  de  Blondel  (54). 

(0)  Les  catholiques  le  voulurent 
avoir....  Un  de  ses  adversaires...  dit 
que  cela  ne  lui  fut  point  d"lionneur. 
Sa  pensée  mente  quelque  examen.  ] 
Courcelles  avait  entre  autres  louanges 
donné  celle-ci  à  David  Blondel,  que 
les  catholiques  admiraient  de  tell- 
sorte  son  érudition  ,  qu'ils  lui  oflri- 

(5a)  Mares.  ,  in  Refut.  Priefalionis  Curccll., 
pas.-  i53. 

(53)  Baillet ,  Jnjem.  des  Savans  ,  mm.  »55 
de<  Critiques  historiques. 

(54)  Voyez  Rivet,  Opcr.,  loin.  Il  ,  png 
1070. 


476 


BLONDEL. 


rent  la  mitre  *  pendant  qu'il  e'tait  à  luntate  esse  soleas  ,  eam  tamen  citm 
marier  ,  et  puis  une  belle  charge  ou  quid  momenti  majorU  pelere  institue- 
à  la  cour  ,  ou  au  parlement  ,  s'il  vou-  tint ,  religionem  adhibere  soles  ,  ut 
lait  abjurer  son  hérésie  (  55  ).  Desma-  non  temerè  eiiam  qui  te  caus^â  sud 
rets  répond  que  ce  n'est  pas  un  sujet  oninia  velle  sciât  ,  uel  sibi  quicquam  , 
de  louange,  tant  parce  que  les  papis-  vel  amicis  ausit  poslulare  quod  te  fri- 
tes tendent  le  hameçon  en  tout  temps  buere  \>el  indulgere  i?iinàs  dignum  fi- 
el en  tout  lieu,  que  parce  qu'une  hon-  deatur,  edquere  in  te  concernât  ,  quod 
nête  femme  ne  met  point  parmi  ses  de  Cato/ie  Tulliunt  dixisse  legimus  : 
éloges  d'avoir  résisté  à  des  proposi-  ô  te  feîicem ,  M.  Porci  ,  à  quo  rem 
tions  impudiques.  Sed  nec  ad  laudes  improbam  petere  nemo  audet  (5-j)  ! 
ipsius  pertinere  mihi  videlur  quod  eum  Mais  tournons  la  médaille  ,  nous  ver- 
libenter  corrupissent  pontificii  ,  cùrn  rons  que  le  professeur  de  Groningue 
hnnanhamus  ubique  pendeal ,  nec  so-  a  mal  censuré  Courcelles.  11  n'est  pas 
leat  honesta  mationa  suis  laudibus  ac-  vrai,  généralement  parlant,  qu'une 
censere  quod  impudicis  sotlicttationi-  honnête  femme  ne  doive  pas  s'estimer 
bus  quondam  restiteril  (56).  Cette  der-  digne  de  louange,  pour  avoir  souvent 
nière  maxime  n'est  pas  absolument  résisté  à  de  mauvaises  sollicitations, 
vraie  :  elle  a  besoin  d'être  vue  d'un  Toute  famille,  qui  peut  citer  une  telle 
certain  coté  ,  pour  ne  point  paraître  ou  une  telle  ,  qui  ont  résisté  aux  offres 
fausse.  Il  est  honteux  à  une  femme  d'un  grand  financier  ,  ou  d'un  grand 
qu'on  lui  ait  fait  des  propositions  d'à-  prince  ,  croit  se  couronner  de  gloire 
niour;  car  cela  fait  voir  qu'on  n'a  pas  (58).  Plus  les  tentations  ont  été  fortes 
eu  trop  bonne  opinion  de  sa  vertu  ;  et  et  fréquentes  ,  plus  s'est-on  assuré  paî 
ainsi ,  toute  femme  ,  qui  se  vante  d'à-  de  bonnes  preuves  que  l'on  aime  l'hon- 
voir  résisté  à  des  sollicitations  impu-  neuret  la  vertu,  et  que  l'on  est  digne 
res,  fait  savoir  en  même  temps  qu'elle  d'être  estimée  et  louée.  Il  y  a  des  rela- 
n'avait  pas  su  mettre  sa  réputation  tions  qui  portent  que  les  plus  hon- 
sur  le  bon  pied  qu'il  fallait,  ou  inspi-  nêtes  femmes  en  Espagne  sont  bien 
rer  tout  le  respect  qu'une  femme  ver-  aises  ,  quand  elles  sont  seules  avec  un 
tueuse  mérite.  En  ce  sens-là  ,  on  doit  homme  ,  qu'il  leur  demande  jusqu'à 
admettre  la  maxime  du  censeur  de  la  dernière  faveur  ,  et  qu'elles  trou- 
David  Blondel.  On  m'accordera  sans  vent  fort  mauvais  s'il  ne  le  fait  point, 
doute  que ,  de  deux  femmes  également  Ce  n'est  pas  qu'elles  veuillent  l'accor- 
belles  et  charmantes,  et  engagées  dans  der  ;  mais  elles  se  font  un  plaisir  de 
le  monde  ,  celle  qui  n'aurait  jamais  ne  l'avoir  pas  accordée  à  des  prières 
essuyé  aucune  proposition  malhon-  ardentes.  Après  tout  ,  on  a  eu  raison 
nête  aurait  plus  de  lieu  de  se  vanter  ,  de  louer  Blondel  par  l'endroit  que  Des- 
que  celle  qui  aurait  souvent  repoussé  marets  a  critiqué.  Les  catholiques  de 
le  tentateur;  car  ce  serait  une  preuve  France  n'auraient  point  employé  tant 
que  celle-ci  n'aurait  pas  imprimé  de  promesses  ,  s'ils  ne  l'eussent  consi- 
comme  l'autre  sur  sa  conduite  ce  ca-  déré  comme  une  personne  de  grand 
ractère  de  sagesse,  qui  persuade  qu'on  mérite.  11  y  a  beaucoup  de  différence 
serait  très-mal  reçu  ,  et  qu'à  coup  siir  entre  un  ministre  à  qui  Ton  offre  des 
ce  serait  peine  perdue  que  de  faire  le  honneurs  s'il  change  de  religion  ,  et 
soupirant  ,  et  ce  qui  s'ensuit.  Il  n'y  a  une  femme  que  l'on  cajole  avec  des 
point  de  louange  plus  délicate  ,  que  présens.  L'action  qu'on  propose  au 
de  dire  à  un  ministre  d'état ,  qu'il  est  ministre  n'est  point  mau  ,  aise  dans  les 
semblable  à  Caton  ,  à  qui  personne  principes  de  ceux  èjtri  en  font  la  pfo- 
u'osait  demander  une  chose  injuste,  position  ,  et.  l'on  n'exige  point  qu  il 
Scioppius  s'est  servi  de  cette  pensée  la  fasse  pendant  qu'il  la  croira  niau- 
cn  louant  un  cardinal  :  Erga  amicos  vaise  (5g;  :  on  l'exhorte  à  s'instruire  , 
porro  quanwïs  exinud  et  constanti  vo-  et  on  lui  promet  que  s'il  peut  se  desa- 

._   .,  .    ,        .  .       .     _  ,  (5n)  Scionpius,  Epia,  dedicator.  Elementor. 

*  Leclerc  ne  voit  dans  les  paroles  de  Courcel-  p],;)  '       illa!  flojca,  Moralis  ,  ad  Cjrnthmm  cardi- 

les  ,  qui  sont  rapportées  dans  la  remarque  (C)  ,  nalem     sanctl    èekrÀi.    Celle    exclamation   de 

qu'une  simple  imagination  du  panégyriste.  Cicéron  se  trouve  dans  la  préface  de   Pline. 

(55)  Curcellteus  ,  in  Pra;f.  apolog. ,  pag.  338.  (58)  Voyez  le  George  Dahuin  de  Molière. 

Voyez  ci-dessus  la  remarque  (C).  (5,()  On  ne  parle  ainsi  que  des  honnêtes  cen- 

(56i  Mares. ,  in  Uefutat.  Pisefat.  ,  pag.  338.        vertîfieWJ. 


BLONDEL. 


477 


buser  ,  on  récompensera  largement  la 
peine  qu'il  aura  prise  à  chercher  et  à 
trouver  la  vérité.  Mai?  ce  qu'on  pro- 
pose à  une  femme  est  une  mauvaise 
action  ,  et  selon  ses  principes  ,  et  se- 
lon les  principes  du  tentateur.. On  ne 
peut  donc  la  tenter  sans  lui  faire  af- 
front ,  c'est-à-dire,  sans  la  croire  très- 
capable  de  faire  une  chose  dont  elle 
connaît  la  saleté  :  ainsi  la  comparai- 
son de  Desmarets  n'est  point  juste  ; 
car  on  ne  fait  pas  d'injure  à  un  hom- 
me ,  lorsqu'on  croit  qu'il  sera  capa- 
ble de  connaître  ses  erreurs ,  et  de 
donner  gloire  à  la  vérité  ,  ou  ,  ce  qui 
est  la  même  chose  ,  lorsqu'ou  le  sol- 
licite à  changer  de  religion.  Je  suis 
bien  assuré  ,  que  si  M.  Desmarets 
avait  en  à  faire  le  panégyrique  d'un 
ministre  qui  eût  refusé  cent  beaux 
avantages  que  les  catholiques  lui  au- 
raient offerts  ,  il  en  aurait  tiré  la  ma- 
tière d'un  bel  éloge  ,  et  qu'il  n'aurait 
pas  fait  scrupule  d'avouer  lui-même  , 
comme  un  exploit  remarquable  ,  la 
force  qu'il  aurait  eue  de  résister  aux 
tentations  de  celte  nature.  Admirez 
en  passant  le  pyrrhonisme  qui  règne  , 
sans  qu'on  le  sache  ,  dans  la  plupart 
des  disputes.  11  y  a  cent  maximes  qui 
sont  vraies  d'un  coté  ,  et  fausses  de 
l'autre.  Ou  s'en  sert  tour  à  tour  ,  ou 
pour  sa  cause  ,  ou  contre  ses  adver- 
saires :  mais  est-ce  le  moyen  de  par- 
venir à  une  légitime  certitude?  Voyez, 
outre  ceci , touchant  les  louanges  que 
mérite  une  honnête  femme  ,  ou  pour 
n'avoir  point  été  sollicitée  ,  ou  pour 
avoir  souvent  résiste  à  do  mauvaises 
sollicitations,  toute  la  remarque  (D) 
de  l'article  de  Judith. 

(P;  On  n  dit  qu'il  jouissait  d'une 
pension  à  la  cour  de  France  ,  ei  (pie. 
cela  le  détournait  de  réfuter  Baro- 
nius.  ]  Desmarets  déclare  que  Blondi  1 
lui  avait  dit  qu'il  se  trouvait  impor- 
tuné dflS  atl laits  du  monde  (C>*)-  II 
ajoute  que  d'Emeri ,  surintendant  des 
finances,  pavait  une  pensiou  à  ce  mi- 
nistre ,  el  que  celle  pension  l'obligea 
à  publier  sa  papesse  Jeanne.  JPfec  <lu- 
î'iuni  (juin  Blondellus  in  sud  papissâ 
motteratioiiis  laudem  sibi  comparare 
^■tducrit,  preesertim  quo  tempore  eum 
m  suis  slipendiis  ex  annud  pensione 
habeuat   supremus    cerario    prœjectus 

(Cm)  Maicsius,  in  Relu:.  Prîefat.  Curcellxan., 
pas.  3o5, 


(6i).  XJbi  (  Lutetia:  )  tamen  nihil  mi- 
nus quitta  Baronio  i>acavii  ■  sed  con- 
juncld  I).  d'ICmeri  ,  summi  prœfccti 
œrario  regio  ,  pensione  ,  cum  eccle- 
siarum  stipendio  ,  animum  appulit  ad 
eaquœab  illd professione  honorarid,in- 
ter  reformatas ,  satis  remotaerant.  Onœ 
etiam  offensioni  fuisse  multis  piis  et 
bonis  viris  ,  mihi  abundè  constittt  cum 
essem  Lutetiœ.  Undè  nalum  consilium, 
de  ipso  in  Betgium,  si  pote  foret,  trans- 
mittendt),  quo  sic  et  Mis sumptibui  sibi 
inutitibus  ecclesiœ liberurenlv.r,  et  ipse 
expediretur  ex  aulœ  et  sœculi  inesca- 
tionibus ,  quas  et  sibi  graves  et  impor- 
tunas esse  ,  apud  me  tum  satis  apertè 
piofessus  est.  Si  l'on  eût  demandé  à 
cet  auteur  d'où  il  savait  que  d'Emeri 
faisait  pension  à  Blondel  ,  il  aurait 
pavé  d'un  ouï-dire  **, 

M,  Ancillon  nous  apprend  un  fait 
assez  étrange  :  «  Je  scay  deluy  ,  que 
))  M.  le  président  de  Mesmes  ,  très- 
»  cath.  rom.  pourtant  ,  luy  donnoit 
»  douze  cens  livres  de  pansion  par 
»  an  ,  afin  qu'il  écrivist  contre  la  pri- 
»  mauté  du  pape  ;  et  qu'un  conseiller 
»  du  parlement  de  Paris  ,  aussi  très- 
»  cathol.  rom.  ,  qu'il  m'a  nommé  , 
»  mais  dont  j'ay  oublié  le  nom  ,  luy 
»  donnoit  six  cents  livres  de  pension 
»  pour  le  mesme  sujet  :  el  que  ,  pour 
»  satisfaire  à  ces  deux  messieurs  ,  il 
»  avoit  lait  ce  gros  volume  in-folio  , 
»  de  la  Primauté  du  Pape  ,  (pie  nous 
»  avons  de  luy  ,  qui  sert  de  réponse 
»  au  livre  que  le  cardinal  du  Perron 
»  a  écrit  contre  Jacques  1'1 .  ,  roi  de 
»  la  Grande-Bretagne  (  63  ).  »  Il  fal- 
lait ,  ou  que  ces  deux  magistrats  n'eu-- 
sent  que  le  nom  et  l'extérieur  de  ca- 
tholiques romains  ,  ou  que  leur  peu  - 
sionnaire  les  trahît  ;  car  on  ne  peut  pas 
soutenir  plus  fortement  les  intérêts 
du  calvinisme,  que  Blondel  les  a  soute- 
nus danssonouvragede  la  Primauté  *'  . 

(Gt)  Tbid. ,  pas-  3i3.  Voyez  ainsi  la  prélat  t 
dr  ton  Epicrisis  tlicoloijica  adversin  Job.  Dal- 
lai  Apologiam. 

*'  Ia4*erc  trouve  celle  remarque  Irès-jusle  et 
•lit  que  fiavle,  ..(•  r.'- ^  l'avoir  faite,  aurait  .  1  Cl 
moins  se  fier  à  Desmarets ,  qu'il  a  ln.p  copié 
dans   cri  article. 

(6a)  Mélange  critique  de  Littérature,  loin.  I , 
pas-  4''" 

*a  Leclerc  «lit  que  si  le  récit  d'Anrillon  est  w..i 
(ce  dont  il  «Imite  ; ,  I).  Blondel   serait    un   urand 
fourbe,   puisque    dan*   s.i    préface    il   dit    n'avoir 
écril  ce  livre  qu'a  la  pneie  .les  calvinistes 
confrères. 

O.  Traité  tir  la  Primauté  du  Pape  est  daté 
•le    Kouci.    Blondel  élaii  en  ell'et  ministre    liant 


BLONDEL. 


est  dès  son  entrée  rendu 
sa  façon  de  vivre  n'était 


m  \vqj  a  en  ici  uuinc     i  cj trtivuguMG    K«/tnc    wc    sa  jerrune. 
de  m'en  communiquer  l'original  :  elle    Après  cela  ,  on  s'étend  sur  les  éloges 
est  datée  de  Delft ,  le  24  de  juin  1 655.     de   M.    Kivet ,  et   Ton  assure  que  les 
On  y  voit  que  les   deux    personnes ,     mémoires    qu'il    a   laissés  de  sa   vie 
que  M.  Blondel  avait  le  plus  maltrai-    contiennent  un   véritable  récit  de  ce 
tées     étaient  M.  du  Moulin  et  M.  Ri-    qui  s'est  passé  en  ces  matières  de  con- 
vet ,  avec  lesquels  pourtant  il  faisait    troverse  ,  depuis  le  synode   national 
profession  d'une  singulière  amitié  ,  et    de  Tonneins  en  l6i4  ,  où  il  fut  secré- 
desquels  il  était   sincèrement    aimé  ,     taire  ;    et  que  par  -  là    il  est  aisé  de 
comme  il  se  peut  prouver  par  les  bons    connaître  sa  modération.  Je  souhaite , 
offices  qu'il  en  a  reçus  ,  et  par  les  re-    c'est  mademoiselle  du  Moulin  qui  par- 
connaissances  qu'il  en  a  témoignées,     le  ,  que  cette  piquante  pièce  ne  tombe 
On  pourrait  produire  des  lettres  de  lui    point  entre  les  mains  de  mun  père  ;  car 
par  tlouzaines  ,  écrites  à  M.    Rivet  ;    je  craindrais  qu'en  son  âge  infirme  il 
par  lesquelles  il  le  traite  de  père  ,  d'à-    ne  fut  trop  rudement  frappé  de  coups 
mi  fidèle  ,  de  protecteur  ,  et  de  bien-     qui  ne  peuvent  être  reçus  comme  bau- 
faiteur  ;  et  était  aise  à  croire  qu'il  par-     me  ,  et  qu:  n'ont  rien  de  la  fidélité  de 
lait  selon  le  sentiment  de  son  cœur;     l'amitié.  Ne    doutons  nullement   que 
car  il  devait  à  lui  seul  la  charge  qui     M.   Rivet  n'ait  employé  tous  ses  bons 
l'avait  tiré  d'incommodité  i  etdu  péril    offices  ,  pour  attirer  en    Hollande  M. 
où  les  plus  judicieux  le  croyaient  en-     Blonde!  ;  car  il  paraît  par  les  lettres 
ferré,  lorsqu'il  était  a  Paris  entouré    de  M.  Sarrau  ,  qu'on  le  pria  de  se  mê- 
des  grands  ,  et  occupe  a  leur  généalo-    1er  de  celte  afiaire  ,  et.  qu'on  lui  en  fit 
gie.  Cette  bonne  âme,  qui  veillait  sans    voir  l'importance.  Utinam  vero  cogi- 
cesse  a  prévenir  les  scandales  ,  crut    tare  vellelis  de  Blondcllo  nostro  ,  qui 
qu'il  le  fallait  tirer  de  ces  pièges,  afin     hic  plané  ad  alienum  scribil  et  vivit 
aussi  que  ses  dons  fussent  employés    arbilrium.    Posset    islic   ,    honorariœ 
en  choses  plus  utiles.  Il  employa  tout   fungens  professionis  munere,  singulis 
son  crédit  pour  parvenir  ason  but(65),    unms  singulos  Annalislœ  tomos  con- 
a  quoi  se  rencontrait  tant  d'obstacles ,    fodere  et  alla  ,  quœ  mortalium  nemo 
qu'un  ami  moins  constant  se  fût  rébu-    qUeat  prœstare  ,   ad  Historiœ  Eccle- 
té  ;  et  je  suis  témoin  des  peines  et  ja-    Siaslicœ  purissimum  intctlectum.  Idem 


ligues  qu'il  a  souffertes  a  ce  sujet  :  et 
combien  qu'il  fût  trop  accoutumé  a 
être  paye  d'ingratitude,  il  n'a  jamais 
appréhendé  cela  de  celui-ci  ,  qui  lui 
témoignait  des  reconnaissantes  si  vi- 
ves ,  et  qui  avait  besoin  de  son  sup 


„.*.„ — —. , — 

senbo  Hivelo  •  hoc  agite  :  nos  adjuto- 
rein  habebitis  (66). 

Notez  que  M.  Ancillon  observe  que 
l'auteur  des  Considérations  libres  et 
charitables  sur  les  Actes  authentiques, 
...  — r  tj,u  fuient  imprimées  à  Groningne  , 
port  continuel  en  un  lieu  où  il  n'eut  pati  1668,  avec  une  préface  deM  Des- 
pas  le  bonheur  d'agréer  d'abord  ;  et  niants ,  traite  très-mal  31.  Blondel 
le  tout  se  pourrait  voir  par  ses  lettres  (67).  Cela  ,  quoiqu'assez  ordinaire  , 
qui  sont  entre  les  mains  de  M-  Rivet  est  srandaleux  dans  le  fond;  mais  le 
le  fils.  Un  peu  plus  bas  ,  dans  la  mê-  pis  est  que  cet  auteur  et  Blondel  ne 
me  lettre  de  Marie  du  Moulin  ,011  lit  s'accordent  pas  sur  la  narration  des 
ces  paroles  :  //  avait  fort  peu  a  amis  faits.  On  a  vu  la  même  discorde  entre 
en  ce  pays,  sinon  entre  les  arminiens,    la  narration  de  M.  Bivet  ,  et  celle  de 

M.  Amyraut.   On    pardonnerait  à  ces 
messieurs  de  n'avoir  pas    les  mêmes 

66  Sarr;,vius,  Epist.  CL*\'I  ad  Salmas.  , 
paB.  .70.  Voyel  aussi  la  Lettre  CXC1V  ,  qui 
n'est  pas  de  Saumaise  a  Sarrau,  comme  on  le 
marqué  au  commencement,  mais  de  Sarrau  a 
Sanmaise.  _. 

(6n)  A ncillon  ,  Mélanges  critiques,  tom.  J, 
paç.  408» 


cette  ville,  et  cependant,  ajoute  Leclerc,    Bayle 
n'a  pas  fait  mention  de  ce  poste  de  Blondel. 

(63)  EVe  est  morte  a  la  Haye,  au  mois  de 
février  1G99. 

(64)  Dont  je  parle  dans  la  remarque  (L)  de 
l'article  Bore  ,  et  plus  amplement  dans  la  re- 
marque (F)  de  l'article  Wilhem. 

(65)  C'est-à-dire  ,  pour  le  faire  appeler  a 
Amsterdam. 


BLONDEL.  ,                        47î) 

pensées  sur  des  matières  difficiles  .  et  ni   n'adoucit    la    flétrissure    que 
d'expliquer  diŒremment  je  système  pOIl  imprime  sur  ]a  mémoire  <]u 
de  la  Grare  ;  mais  quand   il  s  agit  de  ï  t      *     I                   •        •    i         i- 
narrer  des  faits  ,  ne  devraient-ils  pas  dehint.  Je  ne    sais  Si    les     livres 
être  uniformes  ?  Que  peut  on  penser  ,  qu'il    promettait  au   public  sont 
quand  on  voit  qu  ils   s'entre-réfutent  imprimés    (E).    Il    ne    faut    pas 
sur  les  narrés  historiques  de  ce  qui  omettre  que  le  grand   soin  qu'il 
S es!   liasse  sous   leurs  veux  .    Feut-on  .          .  x3            °          ,.      ,        Tl 
bien  s'imaginer  qu'il  n'y  a  là  qu'im-  avait  Pris  de  se  remplir  degram- 
bée.illité  de  mémoire  ?  N'est-on  pas  maire   et  de  critique  ,   et  de  se 
tenté  de  dire  que  l'un  ou  l'autre  parti  charger  d'une  érudition  sauvage, 
agit  de  mauvaise  foi  ;   ou  plutôt     que  ne  pavait           empêché  de  se  mu- 
de  part  et  d  autre ,  il  y  a  de  1  artifice  •      j        /•               i         i               - 
et  de  la  ruse  ,  et  que  chacun  narre  ce  nir  des   finesses  les  plus  profon- 
qui  lui  est  avantageux  ,  et  supprime  des  d'un  malin  persécuteur  (F), 
le  reste  ?  Cette  contrariété  sur  les  faits  et  de  savoir  cacher  sous  cette  en- 
règne  partout    Nous  en  vîmes inn ,  fa-  veloppe    la    violence  du    tempe- 
meux  exemple  1  année  passée  001  dans  l  l         T1               ,               .       l 
les  relations  sur  le  quiétisme.  rament.     11     ne    s  opposait    aux 

nouveautés  ,  disait-il  ,    nue  par 

(fiS)  C'est-à-dire ,  l'an  ifkfl.  ji                        ,           t    ..  ,        '      *           l. 

zèle  pour   la  vente   et    pour   la 

BLONDEL    (Fraxçois),    pro-  gloire  de  Dieu.  Il  ne  faut  pas  le 

fesseur  en  médecine  dans  l'uni—  confondre  avec    un  autre  Fkax- 

versité  de  Paris  ,    était  un  fort  cois  Blovdel  ,   médecin  ,    qui  a 

savant  homme  ;  mais  sa  science  fait  un  livre  sur  les  bains  d'Aix- 

était  indigeste  (A);  et  d'ailleurs  la-Chapelle:  Thermarum  Aquis- 

son  entêtement  contre  la   chi-  granensium     et     Porcelanai  unt 

mie  et  contre  l'antimoine  rem-  DcscrijJlio  :  eongruorum  quoaue. 

plit   de  troubles  et  de  divisions  ac  salubrium  usuum  balneatio- 

la  faculté.  Guy  Patin  ,  quoiqu'il  nis  et polalionis  Elucidatio.  \  oi- 

fùt  de  son  sentiment  sur  l'anti-  là  le  titre  du  livre.  Il  fut  impri- 

moine,  ne  laissa  pas  de  parler  de  nié  à  Aix  ,  l'an  1671  ,  in-12. 

lui  comme  d'un  grand  chicaneur  /A,    ^                  ,    .    .   ,.           -, 

L     ,,                .    ,       0t     ,                    -t,,  (A)    fia    science    citai   tndisreste.    \ 

et  dun    méchant   ecnvain    (B).  «  Notre  M.  Blondel  est  uu  homme  fort 

Personne  peut-être  n'a  caracté-  »  savant;  mais  qui  écrit  d'un  style  ob- 

risé  d'une  manière    plus    ingé—  »  scur  et  embarrassé».  C'est  ainsi  que 

nieuse  ni  plus  agréable  ce  mede-  p"*  P:îHtl  f,D  »,arle  ,lans  sa  CCCCVe- 

r,       .  °       T         .               .  lettre  (1).  11  dit  en  un  autre  lien  ,  que 

cm  ,    que  le  sieur    Lami  ;  _  mais  le  sty\e  Au  pere  Théophile  Raynaud 

comme  il  en  avait  été  persécuté,  est  pire  que  celui  de  Lipse  .  li  Jolet 

il  faut  prendre  garde  si  la  pas-  Lipsianum ,  quo  tamen  est  mûllb  de- 

sion  n'a  point  trop  de  part  au  ^r^^)^\"  q»''l »J  ?  aujourd'hui 

..1,1           1       ,  »  aucun  auteur  qui  ccnve  de  même , 

tour  malin  qu  on  remarque  dans  „  si  ,.,.  „,.,,  pent-étrè  M.  Blondel  no- 

sou  portrait  de  Blondel  (C ,.  Rien  »   tre  doyen  ,  qui  ,  bien  qu'il  soit  un 

ne  témoigne  avec  plus  de  force  »  des  plus  savans  hommes  du  monde, 

le  peu  d'estime  et  d'amitié  qu'on  "  ■fe?5   cette  espèce  de   barbarie, 

1.                            ,                           1       -  >;   et  edilem  scabie  litborat  cum  1  crlul- 

avait  pour  ce  docteur,   que  de  „  Liann  (3).  „  Voyez  d'autres  tëmoi- 
voir  de  quelle  manière  sa  mort  a 

,     ?              x       ,      -,           1     ai                    /->  (1)  Pac.too  du  tfl*.  tome,  rdu.  de  Genève. 

ete  annoncée  dans  le  Mercure  Lira-  (-.,  p.tin,  Lettre  clxxhi ,  pa^.  es  du  w. 

lant  du  mois  de  septembre  1682  t0'"r:  T      -             1  .      ,  r>  .       ,  1  . 

1                           A          f  (i)  La  me, ne ,  crue  leltre  de  P.itm  e<t  datée 

(D).     Pas   llll    terme    d'honnêteté  du  an  avril  .1660.  Blondel  fut  fait  doyen  de  la 

j                                                                               11  facuhe'  de  médecine   le    i    de    novembre    i658. 

n  accompagne    cette    nouvelle,  Wun.ieureCXXiv,  u>m.  i.r«s  48* 


4&>  BLONDEL. 

gnages  de  ses  études  indigestes  ,  dans  connaît  comme   les  jardiniers.   Il   en 

la  remarque  (C).  sait  des  vertus  à  la  manière  galénique. 

(B)  Patin....  parle  de  lui  comme  11  en  mesure  les  degrés  de  froid  et  de 
d' un  grand  chicaneur,  et  d'un  méchant  chaleur,  avec  une  justesse  qui  sur- 
ecrtvain.J  «  Notre  M.  Blondel....  est  prend  tout  le  monde.  Il  en  cultive  plu- 
»  plaideur  et  chicaueur  ,  et  aime  les  sieurs  avec  beaucoup  de  soin.  Il  a 
»  procès  :  il  aime  mieux  plaider  qu'ac-  tant  d'aversion  pour  la  chimie ,  qu'il 
n  corder  et  terminer  les  querelles.  Il  ne  saurait  en  ouïr  un  seul  terme  sans 
»  a  un  procès  contre  Tlievart  le  Ca-  se  récrier.  Il  a  une  très-grande  incli- 
»  mus  ,  qui  est  un  autre  méchant  nation  pour  enseigner  sans  aucun  in~ 
»  chicaneur.  Il  a  fait  un  grand  fac-  térét,  et  sans  qu'il  y  soit  obligé.  Je 
»  tum  pour  sa  défense  ;  mais  il  n'y  en  vous  assure  que  je  l'ai  vu  se  donner  la 
»  a  encore  que  deux  feuilles  impri-  peine  de  venir  tous  les  jours  de  la  porte 

>  niées  :  ilm'adit  qu'il  y  en  aura  huit,  de  Saint-Denis  à  nos  écoles  ,  pour  un 

»  lise  plaint  fort  de  monsieur  le  pre-  seul  écolier  ,  qui  le  quitta  enfin,  par- 

»  mier  président  ,  qu'il  pensait ,  à  ce  ce  qu'il  n'était  pas  assez  savant  pour 

»  qu'il  dit ,  être  son  ami  :  je  ne  sais  Ventendre  ,  et  que  l  hébreu  et  le  grec 

»  ce  que  c'est  que  tout  ce  galimatias  dont   ses   discours    étaient    remplis  , 

»  de  gens  chicaneurs.  Dès  que  le  fac-  étaient  pour  lui  des  langages  point  ou 

y  tum  sera  achevé,  je  vous  le  ferai  peu  connus.  Il  est  vrai  que  ce  monsieur 

»  tenir  ,  comme  aussi  un  livre  qu'il  est   très-curieux  des  étymologies  ,    et 

»  promet  de  f^omitu  ,  Stibiique  vene-  tâche  de  ramasser  dans  ses  traites  tout 

»  no  ,  par  lequel  il  veut  prouver  que  ce  qu'il  a  lu  autrefois.  De  façon  que 

»  l'antimoine    est   poison  ,    puisqu'il  dans  un  livre  qu'il  voulait  faire  du 

»  fait  vomir  (4) Cet  homme  aime  vomissement  ,  et  des  remèdes  éméti- 

»  trop  à  plaider:  c'est  pourtant  grand  ques  ,  il  donna  une  préface  de  la  chi- 

»  dommage  ;  car  c'est  un  très-savant  nue  ;  et ,  pour  en  trouver  l'auteur  ,   il 

»  homme  (5).  »  remonta  jusqu'au  delà  du  déluge  ,  et 

(C)  Il  faut  prendre  garde  si  la  pas-  fît  une  question  ,  savoir  si  Tubalcaïn 
sion  n'a  point  trop  de  part  au  tour  ma-  en  avait  été  l'inventeur  ;  parce  qu'il  est 
lin  qu'on  remarque  dans  le  portrait  dit  de  lui  au  4e.  chap.  de  la  Genèse  , 
que  le  sieur  Lami  a  fait  de  Blondel.  ]  qu'il  faisait  des  ouvrages  de  cuivre  et 
Comme  il  y  a  beaucoup  de  lecteurs  de  fer.  M.  Lami  ajoute  que  M.  Blondel 
qui  veulent  trouver  dans  un  diction-  l'accusa  en  plein  auditoire  d'avancer 
naire  ,  non-seulement  un  abrégé  de  la  une  hérésie,  parce  qu  en  disputant 
vie  des  personnes  ,  mais  aussi  ce  que  contre  une  thèse  ou  l'on  s  était  déclare 
Ton  a  dit  des  mœurs  et  du  caractère  pour  le  mouvement  des  cieux  ,  il  ob- 
des  gens  ,  je  ne  pense  pas  que  l'on  me  jecta  que  la  rapidité  du  premier  mo- 
blâme  de  transcrire  quelques  mor-  bile  serait  incroyable  ,  puisque,  selon 
ceauxdu  livre  de  M.  Lami.  C'est  un  le  système  de  Copernic  %1  equateur  de 
denos  plus  anciens  docteurs,  dit-il  (G),  la  terre  va  aussi  vite  qn  un  boulet  de 
en  parlant  de  M.  Blondel,  qui  passe  canon.  L'accuse  reponditçw  dpouvail 
pour  savant  chez  quelques-uns.  Il  a  J  avoir  de  l'erreur  dans  la  supputation 
beaucoup  lu,  et  sa  mémoire  est  fort  qu'il  faisait  ;  mais  qu'on  ne  pouvait 
heureuse.  Usait  fort  bien  décider  s'il  jamais  dire  qu'il  y  eût  de  l  hérésie  , 
faut  lue  un  mot  grec  ,  ou  un  autre  ,  puisque  ce  nest  pas  un  point  de  reh- 
dans  Hippocrate  et  dans  Galien.  Il  les  gion  de  savoir  bien  compter.  M.  Blondel 
idolâtre  en  telle  sorte  ,  qu'il  ne  veut  repartit  que  ce  n  était  pas  la  unfait  de 
entendre  parler  que  de  ce  qu'ils  ont  dit;  médecine.  J  en  demeurai  d  accord  , 
et  les  vieilles  erreurs  sont  plus  de  son  dit  M.  Lami ,  et  la-dessus,  un  docteur, 
sont  ,  que  les  ventes  nouvelles.  Il  sait  prenant  mon  parti ,  lui  du  que  puis- 
fort  bien  les  noms  des  plantes  ,  et  les  qu'on  avait  mis  la  proposition  dans  la 

thèse,  je  pouvais  disputer  contre.  lit 

(4)  C'en  Patin  qui  parle  dam  sa  CCCCV.  bien,  répliqua  M.  Blonde/.  ,  qu'il 
Lettre,  pag.  îoo  du  III'.  tome.  prouve  que  la  terre  tourne  ,  mais  qu'il 

(5)  Là  même,  pag.  2o3.  Voyez  aussi  la  le  prouve  médiciiu dément.  Je  vous 
Lettre  CCXC  ,  au  IIe.  tume  ,  pag.  545.  avoue  que  je  ne  pus  le  faire  ,  et  qu'il 

(6)  VoreilaWc.  Lettre  quiest  au-devant  de  fauut  cn  demeurer  là.  Un  écolier  de 

ses   Discours    anatoiniqucs  ,    impr:mes  a  lioueti  J                                 .               .                                .     , 

„  ,5,5.  médecine  ,  qui  a  de  l  esprit ,  et  qui  n  a 


BLOJNDEL,  481 

rien  à  démêler  avec  M.  Bloudel ,  ni  nous  avons  fait  un  doyen  nouveau  : 
aucunsujet  de  lui  imposer ,  m'a  assuré  ■  c'est  AI.  Blnndel,  dont  le  troupeau 
que  dans  nos  écoles  il  avait  dit  une  antim  mial  est  fort  étonné  et  fort 
fois  que  tous  ceux  qui  emploient  te  muni.  On  croit  que  c'est  lui  qui  est 
chincliina  pèchent  mortellement  ,  et  l'auteur  de  V Aletophanes ,  pièce  cu- 
qu'ils  /ont  un  pacte  implicite  avec  le  rieuse  comme  vous  savez  contre  l' an- 
diable.  Et,  pour  montrer  que  la  guéri-  timoine  et  les  principaux  antimo- 
son  qu'on  obtient  pur  ce  remède  est  niaux ,  et  principalement  Guer.aut  , 
magique  ,  c'est ,  disait-il  ,  qu'il  agit  des  Faugerais  ,  Rainssanl  ,  JYlauvi- 
sur  toutes  sortes  de  tempérament,  et  lain,  Saint-Jacques  et  Thevarl  (g). 
qu'après  un  certain  temps  la  maladie  Touchant  le  Traite  de  Vamiiu  , 
revient  ;  ce  qui  a  clé  reconnu  de  tous  voyez  les  remarques  (R)  et  (C). 
ceux  qui  ont  écrit  contre  les  magi-  \F)  I!  s'était  muni  des  finesses  d'un 
ciens  ,  pour  le  véritable  caractère  malin  persécuteur.']  Si  quelqu'un  ne 
d'une  gtu  rison  diabolique.  s'en  veut  pas  rapporter  au  témoignage 

(D)  Sa  mort  a  été  annoncée  dans  le  que  Ion  va  lire,  à  lui  permis.  Pour 
Mercure  Galant  du  mois  de  septem-  achever  ma  première  peinture  ,  c'est 
bre  1682.  ]  Voici  les  paroles  de  M.  de  M.  La  mi  qui  parle  (10),  je  vous  dirai 
Vizé.  Lu  faculté  de  médecine  de  Paris  qu'il  se  pique  de  beaucoup  d'intégrité , 
jouit  a  présent  d' un  grand  repos  par  la  qu'il  semble  Jouler  aux  pieds  tous  les 
monde  M.  Bloudel.  //  demeurait  seul  intérêts  mondains ,  pour  maintenir  nos 
obstinément  opposé  à  l'approbation  statuts  dans  leur  vigueur  •  que  tout  ce- 
générale  de  l'antimoine  ,  dont  il  corn-  qu'il  dit ,  ou  ce  qu'il  fait ,  est  toujours 
battait  l<  s  bons  (Jj.ts  ,  ayant  telle-  appuyé  d'un  motif  jorl  louable  ,  et 
ment  trouble  depuis  trente  ans  cette  qu il  ne  fait  jamais  île  mal  a  personne 
d>iete  compagnie  ,  qu'elle  a  paru  que  par  charité,  M.  Bloudel  était  l'un 
toujours  divisée.  Comme  apparemment  des  huit  examinateurs  qu'on  avait 
ses  opinions  mourront  avec  lui ,  il  y  a  donnés  à  M.  Lami  ,  et  il  pria  l'un 
lieu  d'espérer  que  la  concorde  et  la  d'eux  d'avoir  des  njj'aires  tt  de  ne  se 
paix  ne  manqueront  pas  à  s'établir  point  trouver  à  l'assemblée  ;  et  puis, 
parmi  tant  d'honnêtes  gens  (7).  11  sous  prétexte  qu'ils  n'étaient  que  sept, 
est  certain  qu'en  plusieurs  lieux  la  il  empêcha  qu  ou  oe  décidât.  Il  mou- 
mort  d'un  seul  professeur  est  plus  effi-  tra  des  remarques  beaucoup  plus 
cace  pour  le  rétablissement  de  la  grosses  que  le  livre  de  M.  Lami,  qui 
paix  ,  (pie  les  médiations  de  cent  as-  tendaient  à  empêcher  l'impression. 
semblées  :  mais  est  on  assure  que  ce  11  disait  que  les  sentirai  us  de  .M.  Lami 
grand  perturbateur  du  repos  public  étaient  contre  Galicn  ,  contre  les  sta- 
n'aura  pas  bieutôt  des  successeurs  ?  tuis  ,  contre  la  Suinte  Ecriture.  L'exa- 
Cette  espèce  de  gens  ne  tinit  point,  minateur  absent  fut  tant  prié  de  se 
uno  avutso  non  déficit  aller.  Puisqu'il  rendre  à  rassemblée  un  jour  qu'un 
faut  que  le  genre  humain  soit  maltieu-  avait  marqué  ,  qu'il  s'y  serait  rendu 
reux  en  ce  monde  ,  ces  geus-là  sont  effectivement,  si  M,  Biondel  ne  lui  eût 
nécessaires  :  ce  sont  des  parties  essen-  fait  dire  que  la  conférence  ne  se  ferait 
tielles  à  la  société  civile.  pas.  M    Lami  s'était  rendu   de  bonne 

(E)  Je  ne  sais  si  les  livres  qu'il  pro-  heure  au  lieu  de  la  conférence:  c'était 
mettait  au  public  sont  imprimes.]  Dès  chez  M.  Bloudel.  Il  avait  attendu  deux 
le  mois  d'avril  1657,  son  Traité  île  heures,  et  s'était  bien  ennuyé  à  ne  lui 
Pleuritide  ne  demandait  que  trois  entendre  rien  dire  de  si  trivial ,  qui 
mois  pour  être  achevé  (8;.  L'auteur  ne  fût  tout  aussitôt  appuyé  du  téinoi- 
en  était  au  chapitre  de  Purgatione ,  gnage  d'Hippncrale,  de  Platon  et 
qui  devait  être  une  méthode  gêné-  a'Aristote.  On  vint  avertir  .M.  Bloudel 
raie,  et  contenir  de  belles  choses  non  qu'on  le  demandait  :  il  sortit  de  sa 
communes  de  orgasmo  Hipp.  et  sur  chambre,  et  y  rentra  peu  après  poui 
l'explication  de  l aphorisme  22  ,  sect,  dire  a  M  Lami,  que  le  docteur  que 
t.  Voici  ce  que  .M.  Patiu  rapporte  en  Ion  attendait  faisait  dire  qu'il  ne 
un  autre  lieu  :  Le  matin,  2  novembre, 


(7)  Mercure  Galant  de  septembre   i68a  ,  pag- 
(S    l'jtin,  lettre  CXtU  ,  loin.  I,pag.  436. 
TOMfc    lit. 


(9!  Lettre  CXXIV,  dale'e  du  S  novembre  i653, 
loin.  I ,  pag.  483. 

(  10)  Lami ,  lettre  IV  au-devant  de  ses  Discours 
aoatomiqaes. 

3. 


48a 


BLONDEL. 


a 

sur 


pouvait  point  venir.  Il  blâma  extra-  des  charges    considérables   à 

memenl  la  négligence  de  ce  monsieur ,  gUerre ,    tant    sur   mer   que 
continue  M.  Lami ,  qui  manquait  tou-  {[   g    conduit  quelques 

inurs    aux  assignations  ,    et   qui   me  '.      .  •      i  • 

donnait  tant  de  peine Voyez  la  négociations    auprès  des  princes 

bonne  foi  et  l'intégrité  de  ce  monsieur,  étrangers  ;    de    sorte    qu  il    était 

qui  a  toujours  Dieu  et  les  lois  dans  la  parvenu  jusques  à  la  dignité  de 
Louche  ,  pour  justifier  ce  qu'il  fait.  é  j    ,  d  t  à       u      j^ 

Lorsqu'on  crut  avoir  mis  a  bout  toutes  luc"  1  ' 

ses  chicaneries,  il  se  servit  de  celle-  conseiller  d'état.  Il  eut  1  honneur 

ci  :  il  présenta  ses  remarques,  et,  par  d'être   choisi   pour  montrer   les 

Ull  artifice  qu'on  ne  peut  assez  détes-  mathématiques  .à  M.  le  dau- 
ter,  il  apporte  dés  propositions  sépa-  ,        {  j        ■       d        é 

,ee*  Je*  «ufres  guf   les  rectifient,  et  F"1"  »   .       j  1., 

<W  véritablement  seules  ne  pouvaient  le    dessin    des     nouvelles    portes 

pas  passer.  On  contesta ,  on  lut  les  qUi  ont  été  faites    à  Paris  depuis 

endroits  du  livre,  et  après  bien  du  ia  guerre  de  Hollande  de  1672, 

bruit  on  résolut  ££&£  Çgg.  et  |e  tous  les  embellissemens  qui 
pourvu  que  la    jaculte   de    tneoiogie  ,    ,      .  .      .  -, '1 

vouldt  l'approuver.  Cela  suffit  à  Blon-  ont  ete  ajoutes  a  cette  capitale 
del  pour  parvenir  à  ses  fins  ;  car  les  du  royaume  (a).  Il  a  même  fait 
théologiens  ,  qui  lurent  le  livre  ,   rae    que]qUes_unes    des    inscriptions 

qui  se  voient  à  ces  nouvel  les  por- 
tes ;  car  il  n'était  pas  moins  ver- 
sé dans  la  connaissance  des  belles- 
lettres  ,    que   dans    celle   de   la 


voulurent  signer  ni  pour  ni  contre,  et 
M.  Lami  ne  voulut  pas  s'engager  à 
leur  prouver  que  son  livre  ne  con- 
tenait aucune  hérésie.  Dans  quelle 
mer  serait-ce  m  embarquer  ?  dit-il  : 
j'irriterais   contre  moi  ses  flots  en  si 


i'irritprais   contre   moi  ses  fiots  en  si        ,         ,     ■    *  "1  1»     a  ' 

j  irriterais  curui*  1    i        j  géométrie  ,  comme  il  1  a  temoi- 

«rand  nombre  qu  ils  m  enseveliraient  5     ,  '  .  ,., 

Infailliblement,  quoiqu  avec  injustice,  gne  par   la   comparaison  qu  il  a 

La  multitude,  qui  n'a  point  de  dis-  publiée  de  Pindare  et  d'Horace. 


cernement  ,  s'imaginerait  qu'ils  com 
battraient  pour   l'intérêt   du  ciel ,  et 
croirait  faire   a    Dieu    un    sacrifice 
agréable,  si  elle  m'en  faisait  la  vic- 
time. 

BLONDEL  (François)  ,  pro- 
fesseur royal  en  mathématiques  mourut  le  1 
et  en  architecture  ,  a  été  fort  es-  1686  (b). 
timé  pour  l'intelligence  qu'il  s'é- 
tait acquise  dans  tout  ce  qui  re- 
garde celte  profession.  Il  avait 
été  gouverneur  de  Louis-Henri 
de  Loménie ,  comte  de  Brienne  , 
et  il  accompagna  ce  jeune  sei- 
gneur ,  déjà  reçu  en  survivance 
de  la  charge  de  ministre  et  se- 
crétaire d'état  :  il  l'accompagna, 
dis-je  ,  dans  le  voyage  qu'on  lui 
fit  faire,  et  qui  commença  au 
mois  de  juillet  i65ï  ,  et  finit  au 
mois  de  novembre  i655.  La  Re- 


II  a  été  directeur  de  l'académie 
d'architecture,  et  membre  de 
l'académie  royale  des  sciences. 
Nous  avons  un  grand  nombre 
de  livres  de  sa  façon  (B).  11 
jour  de  février 


(a)  Voyez  la   Description   de  la  ville  de 
Paris,  imprimée  en  i6b^- 

(b)  De  Witte,  in  Diario  Biograpl). 

(A)  La  Relation  latine  du  voyage 
qu'il  fit  avec  le  comte  de  Brienne  a 
été  imprimée  deux  fois.  ]  La  première 
édition  est  de  Tan  i6Go,  et  ne  con- 
tient, que  39  pages  in-12.  La  seconde 
fut  procurée  par  Charles  Patin  ,  deux 
ans  après  ,  et  contient  96  pages  in-h0., 
y  compris  Y  Index  geographicus  (1), 
qu'on  y  ajouta  ,  et  sans  compter  plu 
sieurs  vers  latins  que  les  plus  excel- 
lens  poètes  composèrent  à  la  louange 


du   jeune   seigneur  qui  avait    iait  ce 
lation  latine  en  a   été  imprimée    voyage.   Mais  si  d'un  côté  on  ajouta 

ileUX    fois   (A).   Il  a    eu    d'ailleurs         (,)  Fait  par  Nicolas  Sanson. 


BLONDEL. 


483 


beaucoup  de  choses  à  la  seconde  édi-  fait  l'histoire  d'un  pays,  ou  la  relation 
tion  ,  on  en  retrancha  de  l'autre  un  d'un  voyage,  soit  obligé  de  se  taire  à 
endroit  fort  singulier.  C'est  celui  l'égard  d'une  coutume  publique ,  sous 
où  l'auteur  raconte,  qu'en  traversant  prétexte  qu'elle  est  ridicule,  sale  ,  et 
à  cheval  les  forêts  de  Westrogothie  ,  de  fort  mauvais  exemple.  Établissez 
ils  s'arrêtèrent  un  peu  à  Lincope  ,  une  maxime  contraire,  vous  verre/, 
pour  y  contempler  une  colonne  de  qu'on  en  conclura  nécessairement ,  et 
pierre,  où  il  y  avait  un  trou  destiné  sans  beaucoup  de  gradations  de  con- 
à  des  usages  qu'on  ne  peut  exprimer  séquences  ,  que  le  travail  des  histo- 
honnêtement  en  français.  Voici  donc  riens  est  mauvais,  et  que  leur  pro- 
ie latin  :  Festrogoticis  silvis  equitnn-  fession  doit  être  rangée  au  catalogue 
tes  inducti,  Lincopiœ ,  ob  loci  reli-  des  arts  illicites  et  pernicieux;  car 
gionem  non  omittendœ  ,  tantilliim  il  est  impossible  d'écrire  l'histoire  , 
substitimus  :  ibi  cippus  lapideus  ,  per- 
tusus  ,  explorandœ  maritorum  mem- 
brositati;  qui  pares  j'nramini ,  appro- 


liantur ,  impares  excludu/itur  connu- 
biali  loro ,  indè  malrimonia  aut  stant 
nul  cadunt ,  pro  modulo  peculti  (a), 
La  préface  de  la  seconde  édition  nous 


sans  rapporter  des  actions  infilmes 
et  abominables.  Souvenons-nous  que 
les  censeurs  les  plus  rigides  ne  blâ- 
ment pas  les  historiens  qui  expo- 
sent tout  le  détail  d'un  vilain  assas- 
sinat ,  ou  d'une  noire  trahison  ;  ou 
qu'ils  ne  blâmeraient  pas   ceux  qui 


apprend  pourquoi   on    supprima  cet  diraient  véritablement,  qu'il  y  a  des 

endroit:  Unum  te  moneo ,  huic  edi-  villes     qui    choisissent     pour    leurs 

tioni ,  cui /lihil  deest,  vnluisse  Lomé-  bourgmestres   les  bourgeois  qui   ont 

nium  aliquid  déesse  ;  quod  scilicel  in  pratiqué  telles  et  telles  manières  tout- 

festrngoticis  silvis  ,     per  errabunda  à-lait    brutales    de    s'enivrer  ;     qu'à 

i'estigia,   morosœ  viœ  pellendis  Uediis  moins  d'avoir  résisté  à  cette  épreuve 

juvénilités  luserat ,  sapientinrem  œta-  on  n'est  point  admis  au  consulat,  etc. 


tem  et  pudorem  suppressisse  (3).  La 
cause  de  la  suppression  est  très-légi- 
time ,  puisqu'on  n'avait  point  rap- 
porté la  chose,  parce  qu'en  effet  cette 
coutume  était  observée  en  ce  lieu-là  , 
mais  parce  qu'on  avait  inventé  ce  jeu 
d'esprit  ,  afin  de  se  désennuyer  dans 
les  fatigues  d'un  fâcheux  voyage.  On 
avait  donc  trompé  les  lecteurs  ,  et 
outre  cela  ,  on  leur  avait  présenté  des 
images  très-obscènes,  et  qui  étaient 
fort  injurieuses  aux  habitans  du  pays; 
et  par  conséquent ,  toutes  sortes  de 
raisons  demandaient  que  l'on  effaçât 
cette  partie  de  la  relation.  Si  quel- 
qu'un me  demandait ,  Eût-il  fallu  re- 
trancher cela  ,  au  cas  même  que  la 
chose  eut  étf  très-véritable?  je  répon- 
drais franchement  ,  qu'il  faut  dis- 
tinguer livres  et  livres  ,  auteurs  et 
auteur'!.  Il  y  a  des  personnes  ,  dont  le 
caractère  exige  une  gravité  extraor- 
dinaire ,  et  qu'il  faudrait  louer  des 
scrupules  qu'elles  auraient  par  rap- 
port à  la  narration  d'une  vérité  his- 
torique de  cette  nature  ;  et  il  y  a  des 
ouvrages,  où  il  ne   serait   nullement    toute  sorte  de  droit  de  l'apprendre  .1 


Ils  ne  condamnent  que  les  relations 
qui  contiennent  des  pratiques  mal- 
honnêtes par  rapport  à  la  chasteté 
ils  condamneraient,  par  exemple,  sans 
rémission  un  écrivain  qui  donnerait, 
le  détail  de  la  pratique  du  congrès  si 
sagement  abolie  entin  par  le  parle- 
ment de  Paris;  et  ils  ne  considèrent 
pa-  que  leur  critique  condamne  les 
anciens  pères,  qui  ont  représenté  fort 
naïvement  les  impuretés  effroyable 
de  plusieurs  coutumes  des  païens  et 
des  hérétiques.  Quoi  qu'il  en  soit  ,  je 
ne  craindrai  point  d'assurer  que  si 
la  colonne  de  pierre,  dont  le  voyage 
de  M.  de  Loménie  fait  mention,  avait 
effectivement  servi  de  règle  pour  la 
validité  ou  pour  l'invalidité  des  ma- 
riages ,  on  eût  pu  rapporter  cela  ,  non- 
seulement  dan^  |a  première  édition  , 
mais  aussi  dans  la  seconde  ;et  qu'ainsi 
la  vraie  raison  pourquoi  on  a  dû  le 
supprimer  dans  la  seconde,  est  que 
c'était  une  fable.  Je  soutiens,  qu  en 
supposant  que  cela  se  pratiquait  pai 
l'autorité  publique,  M.   Blondel  a  eu 


1  propos  de  faire  entrer  de  tels  faits  ; 
mais  je  ne  crois  pas  qu'un  laïque  ,  qui 

(2)  T.udovici  tlenrici  Lomeoii  Itincrir.  ,  pa£. 
S,  edit.  mm.  îtWo. 
'3)  Ibid--n  ,  in  jirscfat. ,  edit.  ami.  1G62. 


9  is  lecteurs.  Je  soutiens  même  ,  qu'on 

aurait    pu    faire   des    recherches    .-nr 
l'origine  de  cette  coutume,  et  les  in- 
sérer dans  une  histoire  :  rerber<  h  1 
dis-|e  ,  quels  avaient  pu  être  les  in- 


484 


BLONDUS. 


convéniens  qui  avaient  fait  introduire  cette  vieille  colonne,  les  uns  aient 
cette  manière  de  discerner  ceux  qui  recherché  sérieusement  la  raison  pour- 
étaient  inhabiles  au  mariage  ,  et  ceux  quoi  elle  fut  percée  (7),  et  que  d'autres 
qui  y  étaient  propres  ;  quels  procès  voulant  boutlbnner  sur  tout  aient 
on  voyait  régner  auparavant  entre  les  inventé  ce  qu'il  a  dit.  On  sait  que  les 
maris  et  les  femmes  ;  quelles  consul-  mauvais  plaisans  débitent  dans  leurs 
tations  furent  faites  pour  y  obvier,  et  convei  salions  libres  je  ne  sais  com- 
pourinventer  ce  sot  remède;  car  enfin  bien  de  contes  touchant  des  plaintes 
l'histoire  de  l'esprit  humain,  de  ses  de  disproportion  portées  devant  les 
sottises  et  de  ses  extravagances,  et  tribunaux  par  des  personnes  mariées, 
l'histoire  des  variétés  infinies  qui  se  et  qu'ils  supposent  faussement  que  les 
trouvent  dans  les  lois  et  dans  les  avocats  qui  piaillaient  de  telles  eau- 
usages  des  nations ,  ne  sont  pas  des  ses  pendant  les  jours  gras  ne  Diaient 
choses  dont  on  doive  frustrer  les  lec-  point  la  disproportion  ,  et  se  conten- 
teurs,  et  dont  on  ne  doive  pas  espérer  taient  de  soutenir  réciproquement 
des  utilités.  Il  est  bon  de  voir  si  ce  qu'il  n'en  fallait  pas  imputer  la  faute 
qu'on  a  dit  des  philosophes  convient  à  leur  partie  ,  mais  à  la  partie  ad- 
aussi  aux  législateurs.  On  a  dit  qu'il  verse  ,  et  employaient  les  gestes  ou 
n'y  a  rien  de  si  absurde  ,  qui  n'ait  été  signes,  lorsque  les  paroles  eussent  pu 
soutenu  par  des  philosophes.  JYescio  paraître  trop  impudentes.  La  Suède  a 
quomodo  niliil  tant  absurde  dicipotest,  pu  avoir  de  tels  bouffons  ,  qui  ont 
quod  non  dicatur  ab  aliquo  ph'doso-  donné  lieu  au  conte  que  M.  Blondel 
pfwrum  (t\).  Nento  œgrolus  quictfuam    avait  rapporté. 

iomnial  tain  infandum  ,  quod  non  ali-  (B)  Nous  avons  un  grand  nombre 
quis  dicat  plulosophus  (5).  M.  Huet  a  de  livres -de  sa  façon.  ]  Des  Notes  sur 
inséré  dans  la  relation  de  son  voyage  l'architecture  deSavot;  un  Cours  d  ai- 
de Stockholm  la  manière  ridicule  chitecture  ,  en  trois  volumes  in-folio  ; 
dont  on  élit  le  bourgmestre  d'un  cer-  un  Cours  de  mathématiques  ;  l  Aride 
tain  lieu  qu'il  nomme  Hardenberg.  Il  jeter  les  bombes;  l'Histoire  du  Calen- 
rapporte  que,  le  jour  de  l'élection,  drier  romain;  Nouvelle  manière  de 
les  bourgeois  se  mettent  autour  d'une  fortifier  les  places  ,  etc.  11  ne  faut  pas 
table,  et  y  appuient  leur  menton  oublier,  à  l'égard  de  ce  dernier  ou- 
garni  d'une  longue  barbe,  après  quoi,  vragc  ,  que  l'auteur  l'ayant  présenté 
on  met  un  pou  au  beau  milieu  de  la  au  roi  son  maître, sa  majesté  ne  voulut 
table,  et  l'on  choisit  pour  bourg-  pas  qu'on  le  mît  au  jour  avant  que 
mestre  celui  à  la  barbe  duquel  le  pou  les  fortifications  qu'elle  faisait  faire 
s'arrête.  Ma  traduction  est  si  négligée,  en  plusieurs  places  ,  selon  cette  nou- 
qu'il  faut  que  je  mette  ici  les  excel-    velle    méthode,    fussent    achevées; 

n'étant  pas  juste  que  les  étrangers  en 
profitassent  avant  ce  temps-là.  Une 
semblable  raison  fut  cause  que  l'im- 
pression de  l'Art  de  jeter  les  bombes 
fut.  renvoyée  à  un  autre  temps,  lors- 
que l'auteur  en  montra  le  manuscrit 
à  sa  majesté  en  1675  (,8).  Cette  pré- 
caution n'a  de  rien  servi  auxDieppois 
la  présente  année  1694. 

(-)  Le  docle  Suarès  ,  évéque  de  Vaison  ,  a  fait 
une  Dissertation  très-docte  de  Foraminibus  La- 
pidiim* 

(8)  Voyez  ,  tant  pour  ceci  que  pour  le  corps, 
V  article  ,'  les  livret  de  M.  Bloodel ,  ouïes  ex- 
trait' que  les  journalistes  en  ont  donnés;  ceux 
dr  Lrip<ic  ,  en  iGS/j ,  pag.  225,  en  i685,  pag. 
164,  4i8.  NouvelKes  de  la  F.épubl.  de»  Lettres, 
se  peut  faire  ,  qu'en  Voyant  le  trou  de      iCSj  ,  pag.  427  et  745  de  la  seconde  édition. 

BLONDUS  *  (  Flavius  ) ,  né  à 


lens  vers  de  cet  auteur 

Mox  Ilardenbergarn  sera  suh  nocte  vrnimus: 
Bidelur  nubis  veleri  mos  ductus  ab  œvo. 
Quippe  ubi  deligilur  revolulo  lempore  consul, 
Harbati  circa  inensam  statuunlur  acemani , 
Hispulaque  nnponunl  altérai  menla  Quintes: 
Pomgtlur  séries  barbarum  desuper  ingens. 
Bestia,    pes  ,  murdax ,  suela    tnler   crescere 

sordes 
Ponititr  m  medio  ;  tum  cujus  ,  nurnine  Divwn, 
Barbant  ailiil,  feslo  huic  graiantur  murmure 

patres , 
Âlque   cetebralur   subjecla  per   oppida   con- 
sul (6;. 

Je  ne  sais  si  le  jeu  d'esprit  que 
M.  Blondel  inséra  dans  sa  première 
édition  ne  fut  pas  fondé  sur  quelque 
plaisanterie  des   habitans  du  pays.  Il 


(4)  Cicero  ,  de  Divinat.,  lib.  II,  cap.  LVÎÎI. 

(5)  Varro,    in    Eumcned.  ,    apud   JNonium, 
Voce  Infans,  pag.  56. 

(6)  Huet.us.mltioereSuecico.p^.  ■} ,  edtt.  *  J»'y   seconlente  de   renvoyer  pour  cet 
ann.  1662.                                                                    article,  1°.  au  tome  XII  du  Journal  de  Ve- 


BLONDUS. 

Forli,  en  Italie  ,  l'an  1 388  (A) , 
s'attacha  aux  belles-lettres  avec 
tant  d'application,  et  avec  tant 
de  succès ,  qu'étant  allé  à  Rome 
dans  un  temps  où  les  hommes 
doctes  étaient  plus    rares  qu'ils 
ne  le  furent  depuis  ,  il  y  trouva 
bientôt  des  patrons  parmi  même 
les  cardinaux  ,  qui  le  recomman- 
dèrent au  pape  Eugène   IV;  et 
lui  firent  obtenir  auprès  de   lui 
la  charge  de  secrétaire  (a).  Il  fut 
continué  dans    cet   emploi   par 
les  successeurs  d'Eugène  ,  jusques 
à  Pie  II,  sous  le  pontificat  du- 
quel il    mourut  ,  le  4  de    jum 
1 463.  Il  composa  beaucoup    de 
livres   (b),  et   entre   autres  une 
Histoire  depuis  l'an  4«o  jusques 
à   l'an   <44o    (c).    Il    n'approche 
pas  de  la  pureté  de  style  ,  qui  a 
paru   dans    quelques   historiens 
du  XVIe.  siècle ,  et  il  ne  faut  pas 
même  trop  se  fier  à  tout  ce  qu'il 
dit;    car,    quand  même  l'on  se 
persuaderait    qu'il    agissait    de 
bonne   foi ,   on  devrait   considé- 
rer qu'il  suivait  des  guides  trom- 
peurs (d)  ,  et  qu'il  avait  plus  en 
vue  de  rassembler  beaucoup  de 
choses,  que  d'examiner  si  elles 
étaient  véritables  (B).  On  serait 
néanmoins   ingrat  et  injuste,  si 
l'on  ne  reconnaissait  que  ses  tra- 
vaux ont  été  utiles  à  la  républi- 
que des  lettres  ,  et  si  l'on  n'avait 

nise;  2°.  au  XVIe.  volume  des  Mémoires  de 

Niceron  ;  3°.  au  tome  Ier.  de  la  Bibliot/ieea 
média  et  infimœ  tatinitatis,  de  Fabricius; 
t\D.  à  la  Bibliotheca  manuscriptorum  noua, 
de  Montfaucon.  Le  nom  de  Blondus  est  la 
traduction  latine  du  nom  italien  Biondo. 

(a)  Boissard  ,  in  Icooib.  apud  Pope  Blount , 
Censura  celebr.  auclor.,  />«;■ .  327. 

(b)  Voyez-en  les  titres  dans  le  Moreri. 

(c)  Voyez  Vossius ,  de  Histor.  lalin. ,  pag. 
535. 

(d)  Voyez  dans  Pope  Blount,  Censura 
celebr.  auctor.,  pag.  32b,  le  passage  de  Gi- 
fanius. 


435 


égard  aux  difficultés  qu'il  ren- 
contrait, étant  presque  le  pre- 
mier qui  eût  entrepris  la  restau- 
ration des  antiquités  romaines. 
Quoiqu'il  fût  chargé  de  famille , 
il  se  comporta  en  bon  philosophe 
à  l'égard  des  richesses  :  il  ne  tâ- 
cha point  d'en  acquérir,  et  il  ne 
voulut  pas  même  laisser  à  ses 
fils  (e)  une  portion  de  l'héritage 
(C)  ;  car  les  voyant  bien  élevés  et 
assez  âgés  pour  qu'ils  pussent 
travailler  à  leur  fortune  ,  il  lais- 
sa à  ses  filles  tout  son  bien.  Ceux 
qui  voudront  connaître  les  di- 
vers jugemens  que  l'on  a  faits  de 
ses  livres  ,  pourront  consulter 
V Eponymologium  de  Magirus 
{f)i  Hankius  de  Scriploribus 
Renan  Romanarum  (g)  ,  et  la 
Censura  celebriorum  ttuctorum 
de  Pope  Blount  (/*).  Quelques- 
uns  soutiennent  qu'il  le  faut 
nommer  Blondus  Flavius ,  et 
non  pas  Flavius  Blondus.  Ces 
deux  noms  signifient  la  même 
chose. 

(c^  Il  en  laissa  cinq,  qui  furent  tous  doctes 
à  ce  que  dit  Léandru  Alberti,  Descript.  liai.' 
pag.  478. 

W)  P"ff-  »34- 

{g)  Tom.  I,  pag.  202,  et  tom.  If ,  p.  3\j. 
I,    fag.  327,  328. 

(A)  1/  est  ne...  l'an  i388.]  Ces!  ce 
que  |  mine  de  ce  qu'on  lit  dans  son 
épitaphe  qu'il  vécut  soixante-quinze 
ans,  et  qu'il  mourut  le  4  de  juin  t  j<~>  >. 
Vossius  la  rapporte  ,  comme  tire'e  de 
la  Description  de  Rome  de  George 
Fabricius  (  1).  Le  père  Labbe,  dans 
son  Trésor  d'Epi  ta  phes  (a  ,  et  Schra- 
derus,  dans  ses  Monomens  d'Italie 
(3),  la  rapportent  de  la  même  façon. 
Quelques  autres  la  rapportent  comme 
si  elle  ne  donnait  à  Blondus  que 
soixante  -  onze  ans  de  vie  (4)  }  mais  je 

(1)  Vossius  ,  de  rlist.  lat  .  paç.  580. 

(a)  Voret  Pope  Blount,  Censura  celebr.  Auc- 
tor. ,  pag.  3a8. 

(3)fo_re;Hanlius,  de  Fierum  Roman.  Script., 
tom.  //,  pag.  34i. 

(4)  Voyez  Maoklus  ,  la.  même,  et  tom.  ï,  petg, 
202 ,  et  Uagiras  in  Epoi  ■■?*   i35. 


486  BOCCACE. 

crois  que  cela  vient  d'une  faute  d'im- 
pression copiée  plusieurs  fois  ,  et  dont 
il  ne  faut  pas  se  prévaloir  pour  sou- 
tenir ce  qu'a  dit  Paul  Jove  ,  que  Blon- 
dus mourut  à  l';1ge  de  soixante-dix  ans 
(5  ).  Je  remarquerai  par  occasion  une 
méprise  semblable ,  qui  se  trouve  dans 
Vossius  :  les  imprimeurs  ont  mis 
cIoccclviii  au  lieu  de  ctocccci/vm  (6) ; 
car  il  s'agit  de  Tannée  que  Jean  (io- 
belin  désigne,  en  parlant  de  la  mort 
de  Flavius  Blondus.  Or  Vossius  savait 
très-bien  que  cette  année  est  la  63  du 
XVe.  siècle.  Sandius  n'a  pas  observé 
cette  faute  (7).  Magirus,  en  rappor- 
tant l'épitaphe  ,  et  partout  ailleurs  où 
il  marque  l'année  mortuaire  de  Blon- 
dus, met  i363  ,  au  lieu  de  i463  (8). 

(B)  //  avait  plus  en  vue  de  rassem- 
bler beaucoup  de  choses  ,  que  d'exa- 
miner si  elles  étaient  véritables.]  Voilà 
le  jugement  que  fait  de  lui  l'auteur 
de  l'Histoire  des  choses  qui  se  sont 
passées  au  temps  de  Pie  H  Blondus 
Flavius....  ab  Honono  Arcadioaue 
Cœsaribus  (quo  tempore  inclinasse 
ramanum  imperiurn  memorant  )  usque 
nd  œtattm  suam  universalem  scripsit 
historiam  ,  opus  cerlè  laboriosum  et 
utile  ;  verùrn  expolitore  emendatore- 
que  dignum.  Procut  Blondus  ab  elo- 
quentid  priscdfuit,  neque  satis  dili- 
genler  quœ  scripsit  examinavit  .  non 
qu'am  vera  ,  sed  quàm  multa  scriberet 
curant  habuit  (9)—.  Exstanl  et  a/ia 
Blondi  opéra  non  parvœ  utilitatis  , 
quamvis  cautè  legenda  sunt ,  nefalsa 
pro  veris  accipias  ;  in  pluribus  enun 
errasse  deprehenditur  (10). 

(C)  II  ne  tâcha  point  de  s'enrichir  , 
et  il  ne  voulut  pas  même  laisser  a  ses 
fils  la  portion  de  son  héritage.  ]  Con- 
tinuons de  faire  parler  l'auteur  que  je 
cite  dans  la  remarque  précédente. 
.  Mortuus  est  Homœ  pauper  ut  philo- 
sophum  decuit ,  J'amiliam  benè  instilu- 
tam  reliquit  utriusque  sexds.  Patri- 
monium  quod  habuit  tenue  dotium 
,:ausd  inter  feminas  divisil ,  masculis 
prœler  doclrinam  bonosque  mores  nihil 

(5)  II  semble  que  Sandius  le  fasse  dans  ses 
Nota;  in  Vossium  de  Histor.  lat. ,  pag.  2JQ. 

(<>)  Vossius,  de  Hist.  latinis  ,  pag.  585. 

(n)  Sandius,  dans  ses  Notae  in  Vossium  de 
Hisloricis  latinis. 

(8)  Magiri  Eponymolog. ,  pag.  1 35. 

(9)  Jo.  Gobelinus  ,  Comment.  Pli  H,  lib.  XI , 
pag.  3 10. 

(10)  Idem,  ibid. 


reliquit.  Id  marient i  s at  fuit  e) us  asla- 
tis  filios  dimisisse  ,  qui  sibi  ipsis  con- 
sidère possent  (11). 

(11)  Idem,  ibid. 

BOCCACE  (Jean),  l'un  des  plus 
polis  et  des  plus  doctes  écrivains 
de  son  siècle ,  naquit  à  Certaldo 
(A),  dans  la  Toscane,  l'an  i3i3. 
Son  père ,  quoique  pauvre  paysan 
chargé  de  famille  ,   ne  laissa  pas 
de  le   destiner   à  quelque  chose 
qui  fût  au-dessus  de  sa  naissance. 
11  se  résolut  à  cela,  après  avoir 
observé  que  la  gentillesse,  la  phy- 
sionomie ,  et  les  inclinations  de 
cet  enfant  promettaient    beau- 
coup. Il  le  destina  au  négoce,  et 
le  mit  chez  un  marchand    flo- 
rentin,  qui  l'amena  à  Paris.  Boc- 
cace   servit   ce   maître   pendant 
six  ans ,  et  s'en  fit  aimer  ;  car  il 
savait  bien    tenir    les    livres    de 
compte  (B)  :  mais    il  s'ennuyait 
beaucoup  de  cet  emploi ,  et  com- 
me il   donnait  à  connaître  qu'il 
serait  propre  à  l'étude ,  on  le  fit 
changer  d'occupation.  On  lui  fit 
apprendre   le   droit  canonique  , 
comme  une  chose  qui  le  pourrait 
enrichir.  Il  perdit  presque  autant 
de  temps  à  cette  seconde  fonction 
qu'à  la  première  :  il  s'y  déplai- 
sait ,  il  ne  songeait  qu'à  la  poé- 
sie ;  les  ordres  de  son   père  ,    les 
censures-,  les  exhortations  de  ses 
amis  ,   n'arrêtaient  point  l'incli- 
nation naturelle  à  versifier   et  à 
philosopher  (C).    On  avait  beau 
lui  dire  que  ce  n'était  pas  le  che- 
min de  la  fortune,  et  qu'il  trom- 
perait les  espérances  que  son  bon 
homme   de  père   avait   conçues 
de  se  voir  un  jour  à  son  aise  par 
le    moyen  d'un    tel  fils  ;  rien  de 
tout  cela  ne  diminuait  son  aver- 
sion  pour  le  métier  de  légiste. 
Il    ne  put  néanmoins  se  débar- 


BOCCACE.  487 

rasser   de  cette  étude  désagréa-    dans  une  ville  divisée  ,  quand  on 
ble  ,  qu'après  la  mort  de  son  pè-    est  de  ce  naturel.  Ayant  quitté 
re  :  il  fallut  qu'il  se  contraignît    Florence,  il  rôda  en  divers  cn- 
jusqu'à  ce    temps-là  ;  mais  ,  dès    droits  de  l'Italie ,    et    il   s'arrêta 
qu'il  fut  parvenu    à    l'indépen-    enfin  à  la  cour  de  Naples  ,  où  le 
dance,   il  renonça  pleinement  à    roi  Robert  lui  fit  un  très-bon  ac- 
ses    anciennes    occupations  ,    et    cueil.   ïl  devint   fort  amoureux 
s'abandonna  tout  entier  à  la  lec-    de  la  fille  naturelle  de  ce  prince 
ture  des  poètes.  Il  se  mit  sous  la    (b)  ;  ce  qui  fit  qu'il  séjourna  un 
discipline  de  Pétrarque  :  il  cher-    assez  long  temps  à  Naples.    11  fit 
cha  partout  d'autres  maîtres  ;  et    aussi  un  long  séjour  dans  la  Si- 
n'ayant   point    un    revenu    qui    cile,  où  il  eut  beaucoup  de  part 
pût  suffire  à  ses  dépenses ,  il  se    à  la  faveur  de  la  reine  Jeanne, 
jeta  sur  son  capital,  il  vendit  son    II  retourna  à  Florence  ,  lorsque 
patrimoine  ,  et  il  s'épuisa  de  tel-    les  troubles  y  eurent  été  un  peu 
le  sorte  qu'il   eut  besoin    de    la    apaisés;  mais  il  ne  s'accommo- 
charité  d'autrui  (D).  Il  se  fit  tra-    da  guère  du  train  de  vie  qu'il  y 
duire    Homère    en    latin  ;    et  il    aurait  fallu  suivre.    C'est  pour— 
procura   à   un  homme  grec  une    quoi  il  se  retira  à  Certaldo  ,  où 
chaire  de  professeur  à  Florence,    loin  du  bruit  des  affaires  il  don- 
pour  l'explication  de  ce  poëte(E).    nait  son   temps   à   l'étude  selon 
Il  ne  s'attacha  pas  tellement  à  la    sa  fantaisie.  Il  avait  toujours  ai- 
poésie,  qu'il  négligeât  les  autres    mé   la   liberté;  passion  qui  fut 
études;  il  entreprit  même  la  lec-    cause  qu'il   ne  voulut   point  se 
ture  de  la  Bible  :  mais  comme  il    mettre  au  service  d'aucun  gr;m<i 
était  déjà    vieux,   il   ne  fit  que    seigneur,   quoiqu'on    l'en    priât 
l'effleurer  ;    et  il  crut ,  qu'ayant    de  divers  endroits.  Sa  trop  forte 
été  appelé  de  Dieu  à   la  culture    application   à  l'étude   lui    attira 
de   l'art  poétique  ,  c'était  à  cela    un  mal  d'estomac,  qui  le  fit  mon- 
qu'il  se  devait  arrêter  (F).  La  ré-    rir  à  Certaldo  l'an  1  3>j5.  11  y  fut 
publique    de    Florence    l'honora    enterré,    dans  l'église  de  Saint- 
du  droit   de  bourgeoisie  (a),  et    Jacques  et  Saint-Philippe.  Il  avait 
l'employa  à   des   affaires  publi—    été  d'une  complexion  amoureuse; 
ques ,  et  nommément  à  négocier    et  néanmoins  il  ne  se  voulut  ja- 
le  retour  de   Pétrarque.   Elle  le    mais  marier  ,  et  il  ne  laissa  qu'un 
députa  vers  lui  ;  mais  Pétrarque,    bâtard  (c)  (G).  Il  composa  plu- 
non-seulement  ne  retourna  point    sieurs  livres  (H),   les  uns  doctes 
à  Florence  ,  mais  aussi  il  déter-    et   sérieux  ,  les   autres  galans  et 
mina  Boccace  à  s'en  retirer,  vu    pleins  de  contes.  C'est  par  ceux- 
les   factions  qui  la  partageaient,    ci  principalement  qu'il  s'est  im- 
11  n'eut  pas  ,  je  pense,  beaucoup    mortalisé  (I).    On  lui  impute  le 
de  peine  à  lui  inspirer  ce  dessein  ; 
car  Boccace  était  un  homme  qui        '•'   v°xc'  lu  remarque  (H)  de  l'article 

•     ,      ,  -.1    .  1  •  l  jSaples    ;  Jeanne  lrc.,  reine  de). 

aimait  la  tranquillité  ,  et  qui  ne        e)  yw  >u  sa  Vie  composée  par  Mcssei. 

VOlllait  Se  joindre  à  nulle  faction.      Giuseppe    Betussi  da  Bessauo.   Elle  est  à  la 

On  joue  un  assez  méchant  rôle    £■  **  1"  traduction  italienne  dutim  <u 

>  boccace  de  Crunealogia  U'ioruna  ,jaite  par  (i 

(o]  Kojrea  la  remarque  (A)  même  BeJ 


488 


BOCCACE. 


péché  de  plagiaire  (K).  Je  ferai 
une  remarcpie  sur  le  soin  qu'ont 
pris  les  inquisiteurs  de  mettre 
son  Décaméron  dans  la  liste  des 
ouvrages  défendus  (L).  On  vient 
de  traduire  son  Labyrinthe  d'a- 
mour (M)  ,  qui  est  une  preuve 
de  ses  engagemens  dérég'és  avec 
le  sexe ,  et  des  chagrins  qu'il  y 
trouva.  Je  ne  doute  point  qu'il 
n'y  ait  une  infinité  de  choses 
particulières  et  très  -  curieuses 
touchant  Boccace,  et  touchant  ses 
livres  ,  dans  VIstoria  délia  vol- 
gar  Poesia ,  publiée  l'an  1698, 
in-l\°.  par  l'abbé  Giovanni  Mario 
de'  Crescembeni.  Je  n'ai  point 
ce  livre-là ,  qui  me  serait  très- 
nécessaire,  et  je  ne  connais  per- 
sonne qui  l'ait.  Quelques-uns 
disent  que  Boccace  a  été  ou  l'au- 
teur ou  l'approbateur  du  livre 
de  Tribus  Impostoribus  (dj  *. 

L'une  des  omissions  que  je 
veux  ici  réparer  est  qu'on  se 
tromperait  fort ,  si  l'on  prenait 
pour  des  aventures  véritables 
celles  qu'il  raconte  dans  son  Dé- 
caméron .  Il  y  en  a  quelques-unes, 
qui  peuvent  avoir  été  bâties  sur 
des  réalités,  dont  il  avait  con- 
naissance ,  et  où  il  n'a  fait  que 
joindre  des  ornemens  ;  mais  la 
plupart  des  autres  sont  des  jeux 
d'esprit,  inventésendivers  temps. 
L'un  de  ses  meilleurs  contes  se 
trouve  dans  Apulée  (N). 

({/)  Maresius ,  de  Joannâ  papissâ ,  pag. 
196. 

*  Leclerc  dit  qu'il  fjllait  ajouter  que  «  ce 
»  fait  est  faux  et  que  ce  livre  n'est  qu'une 
«  chimère  ,  comme  le  fait  voir  La  Monnoie 
•-  dans  sa  Dissertation  dans  le  lome  IV  du 
»  Menagiana.  »  Iles!  bon,  sur  ce  livre  de  Tri- 
bus impostoribus  dont  La  Monuoie  révo- 
quait eu  doute  l'existence,  de  consulter  le 
Catalogue  de  la  bibliothèque  d'un  amateur 
(M.  Renouard  ) ,  tom-  Ier.  pag.  119,  et  la 
troisième  édition  du  Manuel  du  libraire  de 
M.  Brunet,  UI  ,  479- 


(A)  //  naquit  a  CertaIJo.  ]  Le  Ee- 
tussi,  qui  est  ici  mon  auteur  ,  l'assu- 
re (1)  :  plusieurs  autres  le  disent  aus- 
si; mais  je  ne  sais  comment  accorder 
cela  avec  un  passage  de  B  ccace.  C'est 
celui  où  il  fait  mention  de  la  rivière 
qui  coule  proche  le  château  de  Certal- 
do (2).  «  Je  célèbre  volontiers  ,  dit- 
»  il  (3)  ,  la  mémoire  de  ce  château  , 
»  qui  a  été  le  pays  natal  et  la  demeu- 
)>  re  de  mes  ancêtres  avant  que  la  vil- 
»  le  de  Florence  les  reçût  au  nombre 
»  de  ses  citoyens.  »  Parlerait-il  de  la 
sorte  s'il  y  était  né?  N'alléguerait-il 
point  pour  motif  la  qualité  de  patrie? 
Le  Behissi  n'a  pu  ignorer  ce  passage  ; 
car  il  a  traduit  en  italien  le  traité 
d'où  je  le  tire.  Peut-être  que  s'il  y  eût 
fait  attention  ,  il  n'aurait  point  dit 
que  la  ville  de  Florence  donna  à  Boc- 
cace la  bourgeoisie.  Quello  ,  per  le 
sue  degne  virtù,Ju  jalto  citadino  Fio- 
rentino  ^).  Ce  présent  n'eùt-il  pas  été 
superflu  à  l'égard  d'un  homme  dont 
les  ancêtres  étaient  Florentins?  Sabel- 
lic  prétend  que  Boccace  était  de  Flo- 
rence, et  de  la  famille  de  Certaldo, 
Floreiitinus  Certaldd  domo  (  5  ).  Que 
ces  difficultés  ne  vous  fassent  point 
de  peine  ,  puisque  Boccace  assure  , 
dans  l'épitaphe  qu'il  se  composa  ,  et 
qui  est  sur  son  tombeau,  que  Certaldo 
est  sa  patrie. 

(B)  Boccace se  fit  aimer  de  son 

maître;  car  il  savait  bien  tenir  les  li- 
vres de  compte.  ]  Cette  amitié  ne  du- 
ra pas  jusqu'à  la  fin.  Boccace  ,  beau- 
coup plus  propre  à  être  garçon  de  bel 
esprit,  qu'à  être  garçon  de  comptoir, 
se  dégoûta  du  négoce,  et  négligea  les 
affaires  de  sod  maître.  Celui-ci ,  s'ac- 
commodant  peu  de  cette  conduite,  le 
congédia,  et  le  renvoya  en  son  pays. 
Egli  odiando  taie  essercilio ,  et  poco 
curando  i   negotii  del  padrone  ,  da  lui 

J'u  hcenlialo  ,  erimandato  alla  patria 
(6).  Je  m'étonne  plus  de  la  patience 
de  ce  marchand  ,  aue  du  congé  qu'il 
donna  :  je  m'étonne,  dis-je,  qu'il  ait 
pu  garder  six  ans  un  garçon  qui  n'as- 
pirait qu'à   la  poésie ,  inclination  in- 

(1)  Cinseppe  Betussi,  dans  ta  Vie  de  Boccace. 

(2)  Elle  se  nomme  El* a 

(i)  Boccace,  au  Trailè  de*  Fleuves,  au  mot 
Eisa. 

(4)  Betussi,  nella  Vita  di  Boccaccio. 

(i)  Sabellicus,  lib.  IX,  cite' par  Betussi,  Vie 
de  Boccace. 

(6)  Benvenuto  da  Iiaola  ,  cite  par  le  même. 


BOCCACE. 


489 


Uniment  moins  convenable  aux.  in- 
térêts d  •  ce  maître  « { 1 1 0  la  lecture  du 
Parlait  Négociant,  et  la  connaissance 
du  change. 

Cent  francs  au  denier  cinq,  combien  Jonl-ih  ? 
vingt  livres. 

Cinq  et  quatre  font  neuf,  ôlez  deux  ,    reste 
sept  {-). 

Voilà  les  sciences  pour  lesquelles  le 
jeune  Boccace  eût  dû  être  passionné, 
s'il  eût  voulu  se  conserver  les  bonnes 
grâces  du  patron.  Mais  d'ailleurs,  c'é- 
tait  un  bon  signe  qu'il  pourrait  deve- 
nir poète  ,  que  de  voir  son  aversion 
pour  ces  calculs. 

Hamani  pueri  longis  ralionibus  assem 
Diseunt  in  part/--  centum  diducere.  Dicat 
Filtus  Albmi ,  si  de  quint  unce  retnota  est 
Vncia  ,  quul  superal  ?  paieras  dixisse,  Trient: 

heur, 
Rern  potrrit  servare  tuain  ;  redit,   unrin  •  nuid 

fi* 
Semit.    ld  ha>t-  animas  a>rugo  et    cura  peculi 
C'uin  seinel  imbuerii ,  tperamiis  caraimnjingi 
Passe  Uuenda  cedro  ,  et  levi  servanda  cupres- 
so  (»)  ? 

(C)  Les  ordres  de  son  père...  n'ar- 
rêtaient /joint  l'inclination  naturelle  à 
versifier  et  a  philosotiher.}  Consultez- 
le  au  XVe.  livre  de  la  Généalogie  des 
Dieus  :  Faslvdiebat hœc  animus,  dit- 
il  (9)  ,  tidco  ut  in  neutrum  horum  of- 
ficiorum,  a  ut  prœ/eptoris  doctrine,  aut 
genitoris  auclortlale  ,  qud  novis  îiian- 
datis  angebar  continué,  aut  amicorum 
precibus  sen  objurgationtbus  inctinnri 
posset  ,  in  tantum  illtim  pnë'ica  trahe- 
bat  affectin.  Ce  qu'il  ajoute  du  pen- 
chant qu'il  avait  eu  dès  L'enfance  à 
la  fiction  est  curieux  :  Nec  ex  novo 
sumpto  consilio  in  poësim  animus  to- 
tis  tendebat  pe  Itbus,  quinimà  à  velus- 
tissimd  dtsposilione  ibat  impulsas  , 
nain  satis  memor  sum,  nondum  adsep- 
timum  œtatis  annum  devencram ,  nec 
dum  fictiones  videram,  nondum  doc- 
tores  aliquos  adiveram,  vix  prima  lit- 
terarwn  eUmenta  cognoveram,  et  ecce 
ipsd  impellente  nature  fingendi  desi- 
derium  affuil  ,  et  si  nullius  essenl  mo- 
ment!, tamen  aUquas  ficliunculas  edi- 
di,  non  enim  suppelebanl  lenellœ  œta- 
tis r>ffl,i\  tanti  vires  ingenii  (10).  Il 
observe  qu'il  acquit  bientôt  la  répu- 
tation de  poète  ,  et  avant  même  qu'il 
connût  les  règles  de   l'art  ;    et  il   se 

(-)  Dr^préaux  ,  sat.  VIII  ,  vs.  184  ,  214. 

(8    lloral.  ,  de  Ane  port.,   v<.  3a5. 

((,)  Boccacms  ,  île  GenealogiS  Deorum  ,  lib. 
X.V ,  apud  Papyr.  Massoneui ,  Elogior.  tom. 
II,  pag.   188. 

(10J  Idem ,  ibid. 


plaint  de  son  père  qui,  ne  songeant 
qu'à  l'utile,  ne  lui  permit  pas  de  s'ap- 
pliquera cette  élude.  <c  Il  a  été  cause, 
»  dit-il ,  que  je  ne  suis  ni  marchand 
»  ni  canoni9te,  comme  il  l'avait,  sou- 
»   hailé  ;  et  que  j'ai  perdu  l'avantage 
»   de  me  signaler  dans    la   poésie.   » 
Mirabile  diclu  .  cùm  nondum  novis- 
sem  ,  quibus  seu  quoi  pedibus  curmen 
incederet ,  nie  eliam  pro  vin  bas  reni- 
tente  ,  quoi]  nondum  sum,  poêla  fera 
a  notis  omnibus  vocatus  fui  :  nec  du- 
bito  dum  œlas   in  hoc  aptior  crat  ,    si 
œquo  çenilor  tulisset  animo  ,  quin  in- 
ler  célèbres  poëtas  unus  evasissetn  ■■  ve- 
rùm  dum  in  lucrosas  arles  primo  ,  m- 
dè  in  lucrosam  facultatem  ingeniutn 
flectere  conarer  meuni ,  faclum    est  ut 
nec  nesrociator  sim  ,  nec  évadèrent  ca- 
n  iittsta  ,  et  perderem  poelam  esse  con- 
spicuum  (il).  On   peut  facilement  se 
représenter  les  déplaisirs  du  vieillard  : 
il    n'était  pas    à   son   aise  ,    et   il  se 
voyait  un  fils  capable  de  s'avancer  ; 
mais  ,  au  lieu  de  lui  trouver  quelque 
inclination  pour  les  emplois  lucratifs, 
il  ne  le  voyait  porté  que  vers  l'esprit 
philosophe  et  la  poésie,  qui  sont  des 
choses  ordinairement  opposées  à  l'ac- 
quisition des   richesses.   Piacendogli 
sommamente  leggeree  intenderc  i  buo- 
ni  poett,  a  quali  era  molto  inchinato  , 
e  in  tulle  le  sue  altioni  la  vila  philo- 
sopluca  imitando.  JYondimeno  questn 
suo  proposito  glt  era  non  impedUo,  ma 
quasi  vietato  dal  padre ,  il  quale   si 
perché  era  maie  agiato ,  corne  ancho 
perche  giudicat'a  gli  sludi  délia  huma- 
nitit  c  philosophia   congiunli   cou  la 
poesia  potergli  dan  poco  utile  ,  desi- 
derata e  valeva  che  si  mellesse  ad  al- 
tra  prqfessione ,    per   lo    mezzo  de! la 
quale  potesse  sostentar  se  e  dare  aju- 
to  a  lui  (  12  ).  Ceci  me  remet  en  mé- 
moire un  passage  de  M.  Boileau  : 

Fils,  frire,    oncle,   cousin,     beau-frère   de 

greffier , 
Pouvant  charger  mon  bras  d'une  utde  Ua<sr, 
J'allai  loin  du  Palais  errer  sur  le  Parnasse. 
I>a  famille  eu  pdlit,  et  vit  en  frémissant 
Dans  la  poudre  du  greffe  un  poète  naissant. 
On  vit  avec  horreur  une  muse  effrénée 
Dormir  chez  un  greffier  la  grasse  matinée. 
Dès  lors  à  la  richesse  il  fallut  renoncer  (i3). 

(D)  Il  chercha  partout  d  autres  maî- 
tres que  Pctrarque  ; et  il  s'épuisa 

de  telle  sorte  ,    qu'il  eut  besoin    de  la 
charité  d  autrui.  ]  Il  passa  en  Sicile  , 

(11    Idem  ,  ibid.  ,  pag.   iSc). 
(12)  Betusfi  ,  Vita  di   Boccaccio. 
(i3;  Despréanx,  r;  itr<-  V  ,  ex.  111. 


49e 


BOCCACE. 


pour  y  entendre  les  leçons  d'un  Ca- 
labrois  (i4)  ,  qui  avait  la  réputation 
d'être  très-docte  dans  la  langue  grec- 
que (i5).  Il  loue  beaucoup  Andalus 
de  Nigro ,  natif  de  Gêues ,  qui  lui 
avait  enseigoé  l'astronomie  (i6)Nous 
verrons  ci-dessous  ses  liaisons  avec 
un  savant  personnage  de  Thessaloni- 


turi.  Nec  in  Hetruriam  tantiim ,  sed  in 
palriam  deduxi.  Ipse  ego  fui  qui  pri- 
mas ex  Latinis  a  Leontio  Pylato  in  pii- 
vato  Iliadem  audivi.  Ipse  insuper  fui, 
qui  ut  legerentur  pubhcè  libri  Homeri 
operatus  sum  :  et  esto  non  satis  plenè 
perceperim  ,  percepi  tamen  quantum 
potui  :  nec  dubium  si  permansisset  ho- 


jue  ;  mais  voici  l'épuisement  de  ses  fi-    mo  Me  vagus  diutiùs  pênes  nos  ,  quin 


;<iances  :  Ma,  non  posendo  il  povero 
poeta  col  débile  palrimonio,  che  quasi 
gia  se  n'era  andato  lungamente  piu 
negli  studi  conlinuare,  corne  dispera- 
to  se  ne  stava  quasi  per  pigliare  novo 
riarilto  ,  e  sema  dnbbio  sarebbe  stalo 


pleniùs  percepissem  ,  sed  quantulum- 
cunique  ex  multis  didicerim  ,  nonnul- 
los  tamen  prœceploris  demonstralione 
crebrd  intégré  intellexi ,  eosque  prout 
oportunum  visum  est  ,  huic  operi  mis- 
cui  (19).  11  le  cite  en  divers  endroits 


a  cio  constretto  dalla  nécessita  :  ma    de  son  ouvrage  de  la   Généalogie  des 


il  divino  Pelrarcha,  che  molto  l'ama- 
fa,  incomincio  sovenirlo  in  diverse  co- 
se,  ajutandolo  secondo  i  bisogni  di  de- 
nari,  e  provedendogli  di  libri,  ed  altre 
necessarie  cose  ;  onde  sempre  egli  lo 
chiamô  padre  e  benefatlor  suo  (17). 
Vous  voyez  là  que  si  Pétrarque  n'avait 
fourni,  et  de  l'argent,  et  des  livres,  et 
et  telles  autres  assistances  au  pauvre 
Boccace,  celui-ci  eût  été  contraint 
par  la  misère  à  quitter  l'étude ,  et  à 
chercher  un  autre  parti.  Notez  que 
Pétrarque  lui  légua  par  son  testament 
cinquante  florins  ,  pour  se  faire  faire 
un  habit  d'hiver ,  afin  de  pouvoir  étu- 
dier plus  commodément  (18). 

(E)  Il  procura  a  un  homme  grec  une 


Dieux  :  ce  n'est  pas  que  ce  Pylate  eût 
écrit  des  livres:  mais  Boccace  lui  avait 
oui  dire  plusieurs  choses  qu'il  conser- 
va dans  ses  recueils.  Nous  verrons  , 
dans  les  paroles  qui  le  témoignent  , 
une  partie  du  portrait  de  ce  docteur 
grec.  On  en  conclura  sans  peine  qu'il 
était  pédant  :  Leonlium  Pylalum 
Thessalonicensem  virum,  et  ut  ipse  ab- 
sent Barlaœ  auditorem  ,  persœpè  de- 
duco  :  speilu  horridus  horno  est ,  tur- 
pifacie,  barbd  prolixd  ,  et  capillitio 
nigro  ,  et  meditatione  occupants  assi- 
dud  ,  moribus  incullus  ,  nec  satis  ur- 
banus  homo  ,  veràm  uti  expenentia 
notumfecit,  litterarum  greecarum  doc- 
tissimus  ,   et  quodamruodo  grœiarum 


chaire  de  professeur  à  Florence,  pour    historiarum  atque  fabularum  artium- 


l  explication  d'Homère.  ]  Cet  homme 
était  de  Thessalonique,  et  se  nommait 
Léonce  Pylate.  Voyons  ce  que  Boccace 
nous  en  apprend.  Ego  Leontium  Py- 
lalum a  Venetiis  occiduamBabylonem 
quœrenlem     à    longd    peregnnatione 


que  inexhaustum,  esto  lalinarum  non 
satis  adhuc  instructus  sit.  Hujus  ego 
nidlum  uidi  opus,  sanè  quicquid  ex  eo 
recito  ab  eo  vivâ  voce  referenle  perce- 
pi.  JYam  eum  legentem  Homerum ,  et 
mecum  singuld  amicilid  conversanlem 


meisflexi  consiliis,  in  patrid  tenui,  il-   ferè  tribus  annis  audivi  ,    nec  injinitis 

ab  eo  recitatis  urgente  etiam  alid  cura 
animum  ,  acrior  suffecisset  memoria  , 
nisi  in  schedulis  commenddssem  (20). 
(F)  Il  entreprit  la  lecture  de  la  Bi- 
ble   déjà  vieux  ;  mais se  sentant 

attaché  à  l'art  poétique  ,  il  crut  qu'il 
s'y  devait  arrêter.]  Rapportons  un  pas- 
sage du  Betussi  :  «  Diede  quell'  opra 
»  maggiore  che  per  lui  si  potesse  alla 
»  poesia  ,  ed  ancho  si  pose  a  studiare 
»  nelle  sacre  lettere  :  ma  ,  essendo 
»  hoggimai  quasi  vecchio ,  si  corne 
»  testimonia  egli  stesso  nell'  ultimo  d'i 

(in)  Boccacins,  de  Genealogiâ  Deoriim  ,  hb , 
XV,  cap.  VII ,  apud  Papynum  Massonem, 
Elogior.    loin.   // ,  pag.   191,    iga. 

(20)  Idem,  ibid.  ,  cap.  VI,  apitd  cumdem  , 
pag.  19I. 


lum  in  propriam  domum  suscepi ,  et 
diù  hospitem  habui  :  et  maximo  labo- 
re  meo  curavi ,  ut  inter  doclores  Flo- 
lentini  sludii  susciperetur,  ei  ex  publi- 
co  mercede  appositâ.  Fui  equidem  ip- 
se insuper,  qui  primus  meis  sumptibus 
Homeri  libros  et  alios  quosdam  Grœ- 
cos  in  Hetruriam  revocavi  ,  ex  qud 
multis  antè  sœculis  abieranl  non  redi- 

(i4)  C'eiait  sans  duute  le  moine  Barlaam. 

(i5)  Betussi,  Vita  di  Boccaccio. 

(t6)  Boccacius,  de  Genealogiâ  Dcorum  ,  lib. 
XV,  cap.  VI.  Voyez  Papyre  Masson  ,  Elogior. 
tom.  II ,  pag.  ig5. 

(17)  Betussi,  Vitadi  Boccaccio. 

(18)  Don  Eugenio  Gamuirioi ,  abbale  Casi- 
nese ,  Istoria  genealogica  délie  Famiglie  nobili 
Toscane  e  Urabre ,  dans  le  Journal  des  Savans 
du  7  de  février  1678 ,  pag.  58 ,  édition  de 
Hollande. 


BOCCACE.  49, 

3>  presentilibri  (ai)  ,  dicendo  :  Cœle-  des  notes  de  Jacques  Micyllus.  De 
j>  rafacultatumstudia, et  si  placèrent,  Casibus  Virorum  illuslrium  :  cet  ou- 
vrage commence  à  Adam  ,  et  finit  à 
Jean  ,  roi  de  France  ,  pris  par  les  An- 
glais l'an  i35G.  11  fut  imprimé  à  Pa- 
ris ,  in-folio  ,  par  les  soins  de  Jean 
Thierri,  de  Beauvais  :  je  ne  sais  point 
en  quelle  année  ;  et ,  par  conséquent, 
j'ignore  si  cette  édition  est  postérieure 
à  celle  d'Augsbourg  ,  de  i544-  Ce  li- 
vre a  été  traduit  en  italien  ,  en  espa- 
gnol, en  anglais,  et  en  français,  sous 
le  titre  de  Traite  des  Mésaventures 
des  personnages  signalé*  ,  à  Paris,  en 
1 5^8,  in  8°.  :  le  traducteur  se  nomme 
Claude  Vitart.  Je  m'étonnequeVossius 
ait  parlé  de  presque  tous  ces  ouvrages 
comme  s'ils  ne  se  trouvaient  qu'en 
manuscrit  (a^)-  Quant  aux  livres  que 
l'on  attribue  à  Boccace  *  de  Victoria 
Sigismundi  imperatoris  in  Turchas  ; 
de  Hœresibus  Boemoruni  ;  de  capta 
Conslantinopoli  ;  de  Tartarorum  rie* 
torid  in  Turchas  (  a5  )  ;  ils  me  sem- 
blent chimériques  :  cela  est  certain  à 
l'égard  de  quelques-uns.  Disons  quel- 
que chose  des  compositions  italiennes 
de  Boccace.  Il  (it  il  Philocolo  ,  la 
Fiammetta  ,  l'Ameto  ,  il  Labirinto 
d Amore  ,  la  Fila  di  Dante  (a6)  ,  il 
Decamerone,  dont  je  vais  parler,  etc. 
Tous  ces  écrits-là  ,  et  la  plupart  des 
latins,  ont  été  traduits  en  français  de- 
puis long- temps  (37).  Quant  à  ses  vers 
italiens  ,    il   me  suffira  de   dire  qu'il 


»  quoniam  non  sic  impellerent,  mini 
»  mè  secutus  sum.  Vidi  tamen  sacra 
»  uolumina  a  quibus, quoniam  annosa 
5)  et  œtas ,  et  tenuitas  ingenii  dissua- 
»  sére  ,  destiti ,  turpissimum  ratus  se- 
»  nem  ,  ut  ita  loquar  ,  elemenlarium 
»  noua  inchoare  studia,  et  cunctos  in- 
3)  decenlissimuni  esse  ni  attentasse  , 
»  quod  minime  arbitreras  perfirere 
»  po*se.  Cosi ,  non  molto  in  questi 
»  studi  si  fermé,  anzi  lasciandogli  da 
»  parte  attese  alla  sua  cara  poesia,  al- 
»  la  qualc  da  i  cieli  era  chiamato ,  si 
»  corne  continuando  segue  dicendo  : 
i)  Et  ideo  cùm  e.xistimeni  Dei  benepla- 
»  cilo  me  in  hdc  vocatione  vocatum  , 
»  in  eâdem  consistere  mens  est  (aa).  » 
Ceci  est  notable.  Il  croyait  que ,  mê- 
me dans  sa  \ieillesse  ,  il  se  devait  ar- 
rêter à  la  culture  de  la  poésie,  et  que 
c'était  le  talent  que  Dieu  lui  avait 
confié,  et  le  ministère  à  quoi  le  ciel 
Pavait  appelé.  Il  suivit  la  maxime  . 
Quam  quisque  noverit  arteni  in  hdc 
se  exerceat.  Il  faut  se  mêler  du  métier 
que  Pon  entend. 

(G)  Quoiqu'il  fût  d'une  cnmp/e.rinn 
amoureuse ,  il  ne  se  voulut  jamais  ma- 
rier ,  et  ne  laissa  qu'un  bâtard.  J  Ci- 
tons encore  le  Betussi.  Fu  medesima- 
mente  molto  inchinato  ail'  amore  e  li- 
bidinoso  ,  e  non  poco  gli  piacquero  le 
donne ,  como  che  di  loro  in  molli  luo- 


ghi    deli    Opère  sue  ne  dicesse  quel    en  fit  beaucoup  ,  et  qu'il  n'y  fit  point 


peggio  che  due  si  potesse  ,  tuttavia  di 
alquanta  nellc  scrittur*  sue  sottojinto 

nome  ne  fa  honorato  ricordo N<~>n 

lascià  di  se  heredi  legitimi  ,  perche 
non  hebbe  mai  moglie  ,  solamente  di 
lui  rimuse  unjigliuolo  naturale  senza 
più  (a3> 


paraître  un  talent  fort  relevé.  Per di- 
re  il  uern  ,   lo  stilo   volgare  in   1 
non  gli  fu  troppo  amico(i$).  Cepen- 
dant il  fut  un  des  triumvirs,   ou  du 
trois  princes  des  poètes   de  ce  siècle- 
là.  Il  est  vrai  qu'on  s'accorda  à  ne  lui 
donner  que  le  dernier  rang  du  Iniu. 
(H)  //  composa   plusieurs   Hures.  ]    virât  poétique.  Le  premier  fut  donne 
Un  Abrégé  de  l'Histoire   Romaine  ,    à  Dante,  et  Le  second  à  Pc  Irarque 


depuis  Bomulus  jusqu'à  Pan  de  Borne 
724;  avec  un  Parallèle  des  sept  rois 
de  Borne  et  des  empereurs  ,  jusqu'à 
Néron  inclusivement  :  cet  ouvrage  fut 
imprimé  à  Cologne,  Pan  i534  ,  in-8°. 
Y? Histoire  des  Femmes  illustres  ,  im- 
primée à  Berné,  Pan  i53g,  in-folio. 
La  Généalogie  des  Dieux  ,  avec  un 
Traité  des  Montagnes  ,  Mers  ,  Fleu- 
res ,  Lacs  ,  etc.  :  cet  ouvrage  fut  im- 
primé à  Bàle,  Pan  i53a,  in-folio,  avec 

(21)  C'est-à-dire,    de  Genealoglâ  Dcorum. 
{n)  Betussi  ,   \'i(a  ,lel  Boccaccio. 
(i?)  Th  même. 


(an- 
notez que  la  Theséidc  de  Boccace  fut 


(?4)  VoflïlM,  de  Ilislor.  latinis  ,  pag.  5?". 
'*  Pour  le  catalogue  des  ouvrais  de  Boc- 
cace,  Joly  renvoie  au  tome  X.WIII  àea  Mé- 
moires de  Nice'ron  ,  a  la  Bibl.  mediœ  ri  infinie 
liilinitatis  de  Fabricius ,  et  à  la  Bihl.  manus. 
nova  de  "Ion t faucon. 

(a5;  Pocciantius,  de  Script.  Florentinis,  pag. 
ç)q.  Betussi,  m  Vîtâ  Boccacji.  Voye* aussi Ge». 
ner,   in   Biblioth.,/0/,0  390. 

(16)  Elle  a  e'ié  imprimée  à  Rome  ,  en  i5.$.'|  , 
in-16,  cl  à  Florence,  en   iï-'i.   w-8°. 

l'uiez  la   Bibliotli«':quc  française    de   Du 
\  au-Privas  ,  an  nwi  Jean  L'occacc. 

(28)  Betussi,  Vita  di  Boccaccio. 

(?oj  Là  même. 


49" 


BOCCÂCE. 


un  poème  d'une  nouvelle  invention, 
et  c'est  toujours  un  relief  ;  car  il  n'ap- 
partient qu'aux  grands  esprits  de  tra- 
cer des  routes  inconnues  auparavant. 
Scrisse  la  Theseïde ,  opéra  in  ottava 
rima  ,  nella  cui  si  conlengono  i  fatti 
di  Thcseo ,  efu  il  primo  inventore  di 
taie  testera  :  perciochè  per  inanzi  non 
mi  ricordo  io  haver  trovala  cli  allri  la 
usasse  (  3o  ).  N'oublions  pas  qu'il  re- 
connut son  infériorité  ;  car ,  ayant  vu 
les  sonnets  et  les  chansons  de  Pétrar- 
que ,  il  résolut  de  jeter  au  feu  ses 
poésies.  Pétrarque  lui  écrivit  une  let- 
tre pourledétournerdecedessein  (3  i). 
Le  Betussi  s'arrête  là  j  ruais  il  devait 
dire  aussi  que  Boccace  brûla  actuel- 
lement ses  vers  italiens  ,  après  avoir 
vu  qu'ils  n'approchaient  pas  de  ceux 
de  Pétrarque.  Voyez  l'auteur  que  je 
cite  (32). 

(I)   Cest  par  ses   ouvrages  galans 
principalement  qu'il  s'est  immortali- 
sé,] Cela  doit  surtout  s'entendre  du 
Décaméron  ,   qui  est   un  recueil    de 
cent  nouvelles,  où  l'on  voit  des  aven- 
tures  d'amour   bien    récréatives  ,   et 
beaucoup    de    tours    de    friponnerie 
joués  aux  maris.   Cet  ouvrage  a  été 
traduit  en  plusieurs  langues  ,  et  réim- 
primé cent  et  cent  fois.  C'est  par-là 
qu'une  infinité  de  gens,  à  qui  les  au- 
tres écrits   de  l'auteur  n'auraient  ja- 
mais révélé  son  existence,  savent  que 
Boccace   a  été    un    ornement  de  son 
siècle,  un  bel  esprit,  une  belle  plume, 
un    virtuoso ,   et  tout    ce    qu'il  vous 
plaira.  Paul  Jovefait  cette  remarque  : 
Obsolescunt  et  œgrè  quidem  l'ilœ  spi- 
ritum    relinent    libri    de    Genealogiâ 
Deorum,  varielateque  fortunœ,  et  de 
fontibus  ,  accuratè    potius  quam  féli- 
citer elaborati ,  quando  jam  illœ  de- 
cem  dierum  Fabulœ,  Milesiarum  imi- 
tatione    in   gratiam   oblectandi    otii  , 
admirabili  jucunditate  compositœ ,  in 
omnium  nalionum  linguas  adoptentur, 
et  sine  ullâ  suspicione  inleritds  ,  ap- 
plaudente  populo  ,  cunctorum  operum 
gratiam  antecedant  (33).  Il  y  a  des 
protestans   à    qui    le   Décaméron    de 
Boccace  ne  déplaît  point  :  ils  y  trou- 
vent des  railleries  contre  les  moines  , 

(3o)  Betussi ,  Vita  di  Boccaccio. 
(3i)  Là  même. 

(32)  Petrarcha  ,  Epist.  ad  Boccacium,  lib.  V 
Kerum  senilinm  ,  apud  Papyr.  Massonem ,  Elo- 
gior.  tom.  II ,  pag.  191. 

(33)  Paulos  Jovius,  Elog.  cap.  VI ,  pag.  23. 


et  contre  les  dévotions  papales.  In  en- 
fabulis  et  hisloriis  centum  papale  reg- 
num,  confessionem  auricularcm,  sanc- 
tos  ,  lipsanolalriam  ,  purgatorium  , 
etc.,  acerrimè  perstrin.rit,  perversita- 
tis  papœœ  non  ignarus  (34).  De  là 
vient  sans  doute  que  des  auteurs  ca- 
tholiques l'ont  traité  d'impie  :  Bocca- 
cius  Hclruscorum  Cicero  ,  fabulator 
jucundus,  et  eloquens  sermone  patrio, 
sed  lalini  parùm  peritus ,  theogoniœ 
non  admodum  uccuratus  ,  et  mytholo- 
giœ  non  salis  idoueus  enarrator  ,  in 
omnibus  obscœnus  ,  impius  ,  et  versi* 
Jicator  ineptissimus  (35;.  Vous  voyez 
qu'on  le  traite  aussi  d'obscène.  Mes- 
sieurs de  Port-Royal  lui  fout  le  même 
reproche.  «  Il  faut  prendre  garde  , 
■»  disent-ils  (  36  )  ,  qu'il  y  a  des  en- 
»  droits  clans  cet  auteur  qui  font  bien 
»  voir  qu'il  a  été  moins  scrupuleux 
»  à  violer  les  règles  de  la  pureté  des 
»  moeurs  ,  que  nous  avons  reçues  de 
»  Dieu  même  ,  qu'à  choquer  celles  de 
»  la  pureté  du  langage  ,  qui  ne  sont 
»  nées  que  du  caprice  ou  de  la  vo- 
»  lonté  des  hommes.  »  Voyons  ce  que 
M.  Bullart  observe  touchant  cet  écrit. 
La  plus  considérable  de  ses  composi- 
tions, dit-il  (3^) ,  est  le  Décaméron  : 
ayant  été  reçu  avec  applaudissement 
de  toute  i  Italie  ,  il  fut  encore  accueil- 
li si  favorablement  des  nations  étran- 
gères, que  chacune  le  voulut  avoir  en 
sa  langue  ;  et  on  le  rechercha  avec 
d'autant  plus  d'empressement  qu'on 
travailla  h  le  supprimer  ,  et  qu'il  fut 
censuré  à  cause  de  ses  discours  trop 
libres  et  trop  satiriques  contre  les 
moines.  Boccace  le  donna  au  public 
l'un  1 348  ,  en  un  temps  que  la  ville  de 
Florence,  était  désolée  et  presque  dé- 
serte par  une  cruelle  contagion.  Il 
peut  être  compté  entre  les  plus  beaux 
de  ses  écrits,  qui  sont  faits  pour  le  di- 
vertissement, etqui  joignent  en  quelque 
façon  rutile  et  le  délectable  ensemble; 
aussi  Pétrarque  l'ayant  parcouru,  il  y 
trouva  tant  d'agrémens  ,  qu'il  prit  lu 
peine  de  mettre  en  latin  ,  pour  sa  pro- 

(34)  Bernegger.  Idol.  Lauret. ,  pag.  128  et  seq. 
apud  Pope  Blount  ,  Censura;  Auctor.  pag. 
3o8. 

(35)  Baltliasar  Booifacius  ,   Histor.  Ludicrx  , 

lib.  XV,  cap.  III ,  pag.  432 ,  433. 

(36)  Baillct  ,  Jugem.  des  Savans  ,  num.  içfl 
des  Critiques  grammairiens.  Il  a  cite  la  préface 
de  /«Grammaire  italienne  de  MM-  deVon-Woyxï . 

(37)  Bullarl,  Académie  des  Sciences,  loin.  I, 
pag.  2G3. 


pie  satisfaction  ,  un  échantillon  de  ce 
bel  ouvrage  ,  qui  jut  la  patience  in- 
croyable de  Griselide  ,  à  l'endroit  du 
marquis  de  Saluées,  son  mari.  Pétrar- 
que dédia  à  Boccace  la  version  latine 
qu'il  avait  faite  du  conte  de  Griseli- 
dis,  et  lui  marqua  qu'en  parcourant 
le  Décaméron  il  avait  pris  garde  que 
l'auteur  avait  été  obligé  de  repousser 
certains  satiriques  ,  qui  ne  savaient 
faire  autre  chose  que  reprendre  ce 
qu'ils  ne  voulaient ,  ou  ne  pouvaient 
faire.  Animadverti  alicubi  Ubruni  ip- 
sum  canuni  denlibus  lacessitum  ,  luo 
tamen  baculo  egregiè,  tudquB  voce  de- 
Jensum.  JVec  rnirat  us  sum  :  nam  et  vi- 
res ingenii  lui  novi ,  et  scio  erpertus 
esse  hominum  genus  ,  et  insolens  et 
ignavum,  qui  quicquid  ipsi  vel  no- 
lunt ,  i>el  nesciunt  ,  vel  non  possunl  , 
in  aliis  reprehendunt  ,  ad  hoc  unum 
doeti  et  arguli.  Sed  elingues  ad  rtli- 
qua  (38j.  Il  ajoute  qu'il  excusait  les 
endroits  lascifs  sur  Fà"ge  de  l'écrivain, 
et  sur  la  nature  des  matières  ,  et  sur 
le  caractère  des  personnes  qui  liraient 
un  tel  ouvrage.  Si  quid  lascivité  libé- 
rions occurreret,  excusabal  œlas  tune 
tua  duni  al  scriberes ,  stylus,  idioma  , 
ipsa  quoque  rerum  levitas  ,  et  eurum 
qui  lecturi  talia  videbantur  :  refert 
enim  largiter  quibus  scribus  ,  morum- 
que  varielate  styli  varietas  excusatur 
(3g).  On  ne  peut  rien  voir  de  plus 
équitable  que  cela.  Tous  ceux  qui  se 
mêlent  de  jug.rd'un  livre  se  devraient 
régler  sur  ce  modèle  :  ils  devraient 
considérer  l'âge  et  la  profession  de 
L'auteur  ,  la  nature  du  sujet,  et  pour 
quelles  gens  il  écrit  ;  car  ce  qui  serait 
insupportable  dans  un  ouvrage  dog- 
matique ne  l'e^t  pas  dans  un  ouvra- 
ge destiné  à  divertir.  Quoi  qu'il  en 
soit  ,  les  obscénités  du  Décaméron 
n'empêchèrent  pas  la  plus  sage  et  la 
plus  vertueuse  princesse  de  France 
de  donner  ordre  qu'on  le  traduisît  en 
français  .  puisque  ce  fut  pour  obéir  à 
la  très-illustre  -Marguerite  de  Valois  , 
reine  de  Navarre  ,  qu'Antoine  le  Ma- 
çon '4°)  'e  traduisit  eu  notre  langue. 
Du  Verdier   Vau-Privas  cote  jusqu'à 

(38)  Petrarctia  ,apud  Papyr.  Maçsonem  ,  Elo- 
gior.  lom.  //,  pag.  198,  igg. 
k)     l <tetn  ,  ibidem. 

1'.'"     Il    elail    de    Dauphiné  ,    tre'sorier     de 
l'extraordinaire    des  guerres  ,    et    secrétaire  de 

treine  de  Aavarre,  saur  unique  Je  François 


BOCCACE.  493 

cinq  éditions  de  cette  version  (40  j 
et  néanmoins  il  ne  parle  pas  de  celle 
dont  je  me  sers  :  c'est  celle  de  Paris  , 
chez  Martin  le  Jeune,  en  i55g,  in-8°.  ; 
ni  de  celle  de  Paris,  chez  Olivier  de 
Harsy,  en  i56g.  Il  observe  que  ce  mê- 
me livre  avoit  este  traduit  long-temps 
auparavant  par  un  nommé  Laurent  , 
de  premier  Jaict.  Notez  qu'il  y  a  une 
édition  italienne  du  Décaméron  (4^), 
où  François  Sansovin  ajouta  une  pré- 
face et  la  Vie  de  l'auteur.  On  a  publié 
à  Amsterdam  une  nouvelle  traduc- 
tion française,  de  cet  ouvrage  ,  avec 
des  Figures,  l'an  1697.  Celui  qui  a  fait 
cette  traduction  avoue  dans  la  préfa- 
ce qu'il  a  développé  les  gnïces  de  l'o- 
riginal,  qu'il  les  a  habillées  à  nos 
manières,  qu'il  a  abrégé  ,  qu'il  a  évi- 
té les  redites  ;  qu'il  a  change  assez 
souvent  non- seulement  des  périodes 
entières  ,  mais  même  le  plan  de  l'ou- 
vrage; qu'il  n'a  pris  que  l'essentiel  de 
la  nouvelle  ,  et  que  ,  pour  éviter  les 
préambules  qui  sont  a  la  tête  de  cha- 
que conte  ,  il  a  juge  à  propos  de  ne 
point  nommer  les  interlocuteurs,  et  de 
retrancher  la  distinction  des  journées  ; 
que,  quand  il  a  trouvé  des  endroits 
trop  libres,  il  a  pris  un  soin  tout  parti- 
culier de  ménager  les  expressions,  et 
d'envelopper  les  choses  de  manière  que 
le  beau  sexe  puisse  en  rire  sans  rou- 
gir. 11  ose  espérer  qu'on  n'aura  pas  su- 
jet de  se  plaindre  qu'il  ait  g;Hé  quel- 
que chose  par  une  circonspection  trop 
scrupuleuse.  Mais  bien  des  gens  se 
persuadent  que  tous  ceux  qui  peuvent 
lire  le  Décaméron  en  italien  auront 
du  dégoût  pour  une  version  si  peu 
conforme  à  l'original  ;  et  qu'ils  aime- 
raient encore  mieux  se  servir  des  vieil- 
les versions  que  de  celle-ci  j  et,  quand, 
au  lieu  de  traduire  littéralement  ,  ou 
se  donnela  libertéde  retrancher  et  de 
changer  tout  ce  qu'on  juge  à  propos  . 
on  s'attire  de  la  part  de  ces  geni-là 
les  mêmes  reproche*  que  les  bous  bu- 
veurs font  tous  les  jours  aux  mar- 
chands de  vin  ,  qui  n'ont  presque  ja- 
mais dans  leurs  caves  que  des  mélan- 
ges d'où  l'art  chasse  la  nature. 

Personne  peut-être  n'a  plus  crié 
contre  Boccace,  que  le  Vannozzi.  Il 
prétend  que  la  lecture  du  Décamei  >n 
a  produit  tant  de  courtisanes  que,  si 

(4>)  Du  Verdier  ,  Bibliothèque  française. 
pag.  72. 

(4a)  A  Venise  ,   en  ià4o  ,    m-4*- 


494 


BOCCACE. 


l'on  en  savait  le  nombre,  on  serait 
épouvante'.  Al  fuoco  ,  al  fuoco ,  s'é- 
crie- t-il  (43) ,  si  fatli  volumi  ;  spen- 
gasi  il  sente  una  voila  di  cosi  maligna 
zizania,  chi  polesse  conlare  quante 
puttane  ha  fatlo  il  Decameron  del 
Boccaccio  ,  rimarrebbe  stupido  ,  e 
senza  senso.  Che  cose  dicano  di  lui 
due  Fiorentini  savi,  e  lellerati  amen- 
due  ,  leggasi  in  due  letlere ,  una  di 
Francesco  Petrarca  tra  le  laltine  ,  ed 
una  di  Bartolomeo  Cavalcanli  ira  le 
vulgari,  ed  intenderallo.  Ma  che  oc- 
corre  cercar  piii  ollre  di  quello  ,  che 
n'habbia  giudicato  In  santa  inquisi- 
tione  dannandoln  ?  Non  si  pub  negare, 
che  l'opéra  del  Decameron  non  sià  sta- 
ta  di  nolabil  giovamento  alla  lingua 
Tosca,  délia  quale  egli  è  veramenle 
maestro  ;  ma  ,  per  conto  délie  materie , 
e  délie  cose  narrate  da  esso  ,  in  quel 
suo  novel/iere  ,  non  si  puo  dire ,  quan- 
to ,  e  quale  sia  stato  ,  e  perseveri  tut- 
lavia,  ildanno,  che  se  ne  sente.  11  y  a 
dans  cette  lettre  du  Vannozzi  plu- 
sieurs témoignages  de  zèle  contre  les 
livres  d'amour. 

(K)  On  lui  impute  le  péché  de  pla- 
giaire. ]  On  (44)  prétend  que  son  livre 
de  Genealogid  Deorum  fut  tiré  d'un 
pareil  ouvrage  du  jurisconsulte  Paid 
de  Pérouse  ,  bibliothécaire  du  roi  Ro- 
bert (45)-  Mais  puisqu'il  avoue  qu'il  en 
tira  plusieurs  choses,  et  surtout  celles 
qu'il  a  débitées  sous  le  nom  de  Théo- 
donce  (46) ,  il  ne  faut  pas  qu'on  lui 
fasse  un  crime  de  ses  emprunts.  11 
n'est  pas  si  excusable  à  l'égard  de  ce 
qu'il  a  pris  d'un  autre  auteur,  et  du 
livre  de  Vibius  Sequeste  de  IVomini- 
ô'is  Fluminum,  Fontiuvn  ,  Lacuum  , 
JVemorum,  Paludumet  Gentium (47)  ; 
car  il  ne  le  cite  jamais.  Boccacius  in 
opère  de  Genealogid  Deorum  Fulgen- 
lii  Mythologiam ,  etiam  citrn  non  ci- 
tât, graviter  exscripsil  :  adeb  ut  ex 
Boccacio  in  non  paucis  emendari 
Fulgenlius  potuerit  (48)-  C'est  une 
question  s'il  est  l'auteur  véritable  de 

(43)  Bonifacio  Vannozzi ,  délie  Lettere  Miscel- 
ïanee  vol.  I  ,  pag.  58o. 

(44)  Lcand.  Alberlus  ,  Descript.  Italiœ ,  pag. 
101. 

(45)  Il  était  roi  de  Naples. 

(46)  Boccic.  ,  de  Genealogiâ  Deor.,  lit.  XV , 
cap.  VI.  Voyez  Vossius  ,  de  Histor.  latin.  , 
pag.  525  ,  5î6. 

(47)  Voyez  Vossius,  de  Philologiâ ,  cap.  XI , 
num.  10  ,  pag.  5^. 

(îfS)   Faber.  ,  in  Decad.  ,  num.  t)5. 


VAmeto  et  de  l'A/natona  Visionc 
(49).  Thomasius  ne  l'a  point  mis 
dans  la  liste  des  plagiaires. 

Le  Vannozzi  remarque  que  le  De- 
cameron même  est  parsemé  de  lar- 
cins. In  un  libro  di  novelle ,  e  di  bel 
parlare  gentile  ,  anleriore  al  Boccac- 
cio ,  e  di  doue  egli  cavô  alcune  délie 
risposte  da  lui  nel  suo  Decameron,  6 
principe  goleotlo  ,  che  uuol  dire  prin- 
cipe de'  rujjiani ,  si  legge  questa  cosi 
puntalmente  ,  e  de  verbo  ad  verbum 
descrilta  (5o).  Ayant  rapporté  les  pa- 
roles de  l'écrivain  antérieur  à  Boc- 
cace  ,  il  observe  que  le  copiste  avait 
corrompu  d'une  manière  scandaleuse 
son  original.  Les  personnages  de  la 
copie  sont  ecclésiastiques  ,  et  de  bons 
deviennent  médians  ;  ceux  de  l'autre 
auteur  étaient  laïques ,  et  avaient 
quitté  leur  mauvais  train.  Io  ho  co- 
piato  qui  questa  novellelta  ,  dal  suso 
delto  libro  ,  accib  si  noti  il  peggiora- 
tuento  ,  che  n'ha  falto  il  Boccaccio  , 
trasferendola  tra  le  sue,  che  è  quel/a 
à  punto  di  Masetto  da  Lamporecchio 
tanto  peggiorata  ,  e  cosi  scandalosa  ■ 
mente  alterala,  corne  giudichera  chiun- 
que  la  sapia  :  altribuendo  a  persone 
sacre  il  Boccaccio  quella  colpa,  che 
dal  suo  anleriore  fit  ascritta  a  persone 
profane  ;  e  dove  quelii  fa  di  cultive 
doventar  buone  le  sue,  il  Boccaccio 
fa  di  buone  doventar  cultive  le  nos- 
ire  (5i). 

(L)  Les  inquisiteurs  ont  pris  soin 
de  mettre  son  Decameron  dans  la  liste 
des  ouvrages  défendus.  ]  M.  Arnauld 
observe  que  les  livres  des  poêles 
païens  ,  remplis  de  tant  de  vilenies , 
qui  peuvent  beaucoup  porter  au  pèche, 
n'ont  pas  été  défendus,  par  cette  seule 
raison ,  qu'ils  sont  nécessaires  à  quel- 
ques personnes  pour  apprendre  la  lan- 
gue latine Ceux  donc  qui  ont  fait 

les  règles  de  /'Index  n'ont  pas  cru 
qu'on  dût  défendre  par  aucune  loi  po- 
sitive ,  que  de  jeunes  gens,  qui  son/ 
maîtres  de  leurs  lectures  ,  à  qui  ces 
sortes  de  livres  sont  beaucoup  plus 
dangereux  qu'aux  enfans ,  lussent  les 
infamies  de  Martial,  de  Juvenal  , 
d'Horace,  de  Pétrone,  d'Apulée  ,  etc. 
Ce  n'est  pas  qu'ils  n'aient  cru  que  la 
plupart  de  ceux  qui  les  lisaient ,  fai- 

(49)  Leand.  Alber!.,  Desciipl.  hal.,  pag.  76. 
(5oJ  Vannozzi    ,    délie     Lettere    Miscellanec 
vol.  /,  pag.  5So. 
(5l)  ià  même. 


salent  mal  ;  mais  c'est  que  d'autres  as- 
sez affermis  dans  la  vertu  pour  n'être 
pas  touches  de  ces  images  fâcheuses, 
et  pour  n'y  chercher  que  la  propriété  et 
l  élégance  de  la  langue  grect/ue  ou  la- 
tine ,  les  pouvant  lire  innocemment , 
on  a  jugé  qu'on  pouvait  sén  tenir  au 
droit  naturel,  et  en  laisser  le  discerne- 
ment a  la  conscience  de  chacun  ,  et  au 
jugement  des  directeurs  et  des  confes- 
seurs. Ils  ont  Jait  la  même  chose  h 
l'égard  du  Decaméron  de  Boccace. 
Parce  que  les  Italiens  y  trouvent  la 
plus  grande  délicatesse  de  leur  langue, 
la  licence  de  ses  contes  n'a  pas  empê- 
ché qu'on  ne  l'ait  laissé  entre  les 
mains  de  tout  le  monde ,  pourvu  qu'il 
fut  corrigé.  El  cette  correction  ,  h  ce 
qu'on  m'a  dit,  consiste  seulement  à 
changer  dans  des  contes  scandaleux, 
les  mots  de  moines  et  de  religieuses  , 
en  d'autres.  Cependant  plus  les  mau- 
vaises choses,  et  qui  peuvt-nt  être  un 
sujet  de  tentation  à  l'égard  de  l'impu- 
reté,  sont  contées  agréablement ,  plus 
il  y  a  de  danger  qu'on  ne  s'empoisonne 
en  les  lisant.  Ce  n'est  donc  pas  une 
chose  qui  fasse  beaucoup  d'honneur  a 
la  religion  chrétienne  ,  d'avoir  laisse 
un  livre  si  dangereux  de  ce  côté- là  en- 
tre les  mains  de  tout  le  monde,  par 
cette  raison  qu'il  est  écrit  fort  poli- 
ment ,  pendant  qu'on  en  défend  une 
infinité  d'autres  ,  où  il  y  a  plus  à  ap- 
prendre ,  et  où  les  dangers  de  se  nuire 
sont  infiniment  moindres.  Ce  que  j'en 
dis  n'est  qu'en  comparant  tant  de  li- 
vres défendus  avec  celui  de  Boccace 
non  défendu  (Sa).  Tout  ce  discours 
est  fort  judicieux  ,  et  il  contient  une 
chose  bien  capable  de  faire  penser  que, 
pourvu  que  les  gens  d'église  soient 
hors  d'intérêt,  on  ne  se  soucie  pas 
beaucoup  du  mal  que  la  lecture  de 
Borcace  pourrait  produire. 

(II)  On  vient  de  traduire  son  Laby- 
rinthe d'Amour,  qui  est  une  preuve 
de  ses  déréglemens  avec  le  sexe,  et 
des  chagrins  qu'il  y  trouva.  ]  Cette 
traduction  française  ,  imprimée  à  l'a- 
ris  eu  it>99  ,  a  été  tout  aussitôt  contre- 
faite à  Amsterdam.  Elle  a  pour  titre 
le  Songe  de  Boccace.  C'est  une  in\  ec- 
tive  contre  les  femmes  :  l'auteur  l'é- 
crivit pendant  la  colère  où  il  était 
contre  une  veuve  qu'il  avait  aimée  , 
»  I  qui  lui  avait  joué  un  mauvais  tour. 

1    Difficultés  proposées  *  M.  Steyaert,  /.\"e. 


BOCCACE.  495 

Celui  qui  a  traduit  cet  ouvrage  s'est 
donné  encore  plus  de  liberté  que  le 
nouveau  traducteur  du  Decaméron. 
Il  en  a  retranché  beaucoup  de  choses, 
qu'il  a  remplacées  de  contes  ,  defrag- 
mens  et  devers,  composés,  ou  par 
ses  amis,  ou  par  d'autres  écrivains 
de  notre  temps.  M.  de  Beauval  assure 
que  ce  n'est  nullement  une  traduction 
régulière  du  Songe  de  Boccace,  mais 
un  assemblage  assez  mal  assorti  du 
Songe  de  Boccace,  et  de  tout  ce  que 
les  modernes  ont  dit  longtemps  après 
Boccace  sur  le  chapitre  des  femmes 
(5.Î).  Un  autre  journaliste  est  encore 
plus  sévère  :  il  dit  que  les  supplé- 
mens  font  de  toute  la  pièce  quelque 
chose  de  monstrueux ,  et  en  ruinent  en- 
tièrement l'économie.  Rien  ne  paraît 
plus  hors  d'oeuvre  dans  un  ouvrage  de. 
Boccace,  qui  vivait  ily  a  plus  de  trois 
cents  ans,  que  des  vers  de  mademoi- 
selle de  Scudéri,  des  pensées  de  M.  de 
la  Bruyère,  des  maximes  de  la  Roche- 
foucauld ,  et  des  pièces  encore  plus 
nouvelles  (54).  Notez  que  le  traduc- 
teur nous  avertit  qu'il  a  retranché 

bien  des  choses  que  la  pudeur  ne  souf- 
fre point  ;  mais  qu'il  a  conservé  à  Boc- 
cace sa  dévotion,  parce  qu'il  a  cru 
qu'il  aurait  trop  défiguré  son  ouvra- 
ge ,  s'il  la  lui  avait  ôtée ,  après  lui 
avoir  ôté  ses  saletés.  Il  remarque  que 
la  manière  ordinaire  de  cet  auteur  est 
de  mêler  de  la  morale  et  des  senti- 
mens  pieux  parmi  des  bagatelles. 

Observons  que,  généralement  par- 
lant ,  il  n'y  a  point  d'écrivains  qui 
médisent  du  beau  sexe  autant  que 
ceux  qui  l'ont  le  plus  fréquenté,  ai- 
mé et  idolâtre  \  et  ainsi  les  femmes  se 
doivent  fort  peu  soucier  de  ces  mé- 
disances :  ce  sont  des  preuves  de  leur 
empire,  ce  sont  des  murmures  d'un 
esclave  qui  sent  le  poids  de  ses  chaî- 
nes ,  ou  qui,  dans  sa  liberté  ,  voit  en- 
core sur  son  corps  les  marques  de  sa 
servitude. 

(N)  L'un  de  ses  meilleurs  contes  est 
dans  Apulée.  ]  C'est  celui  de  la  fem- 
me qui  cacha  son  galant  sous  au  ton- 
neau. Béroaldc  l'a  remarqué.  Joannes 
Boccacius  ,  dit-il  (55)  ,  eloquio  verna- 

(53)  Histoire  des  Ouvrages  des  Savans,  mars 
1699  ,  pag.    128. 

,5^)  Bernard,  Nouvelles  de  la  Républ.  des 
Lettres  .   moit  d'a.rit  it'iÇKj  ,  pag     ')"'' 

IMiilipi>i  licroaIJi  .Voix  m  M.  fX  Asini 
Aurei  Apuleii ,  pa£.  29-  .  ayS.  rdd.  Baiitase-.nj 
atmi  1397  ,   j'n-8°. 


496  BOCCALIN. 

culo  disertissimus  ,  condidit  centum  saper  la  force  par  certains  expé- 
fabulas  trgumenlQ  et  stylo  lepidissi-  A[em  vj  in(Jjqlia  rfo  On  a  cm 
mo  festivissinwque ,  inter  quas  si  vu-  r  .  1  j  „  * 
Teiaiam  hanc  iZerÙit,  transposuitque  que  ce  fut  la  cause  de  sa  mort. 
commodissimè ,  non  ut  interpres ,  sed  Les  Espagnols  se  plaignent  beau- 
ut  condilor  ;  quant  fœminœ  nostrates  coup  deses  médisances  (A).  Voyez 
«o/z  surdis  auribus  audiunl ,  neque  in-  jang  ]y[oreVi  comment   on    le   fit 

uitœ  lesunt.  M.  delà  Fontaine  a  don-  r^t  l,nmmp     fm;  rpntl1 

,       »?  i    ...  .„  j„  /-»..     mourir.  L.et  nomme  ,  qui  censu- 

né  aussi  ce  conte,  sous  le  titre  du  Lu-    muu.ii*.  i    j 

uier  (56)  ;  mais  on  n'a  point  averti  rait  toute  la  terre  ,  et  qui  trou- 
qu'il  Tait  tiré  d'un  autre  auteur.  Il  vait  tant  à  redire  au  gouverne- 
marque  quelquefois  la  source  où  il  a  ment  fjt  v(Hr  C[ue  sa  théorie  et 
puisé.  Je  m'étonne  quu  ne  lait  pas  t;  s'acCordaient    fort 

touiours  lait.  i  *    ,  .       _  , 

mal    ensemble  (n);  car  la  juri- 

(56)  Au  II'.  tome  de  ses  Contes  ,    pag.  ,90     diction         vj  exerca  dans  quelqueS 
de  l'édition  d'Amsterdam,  en  i685 ,  1/1-8°.  S*  *         ,         ~1.        J 

lieux  de  1  état  ecclésiastique  ne 
BOCCALIN  (TraJan)  ,  natif  de  fut  nullement  conforme  aux  rè- 
Rome,  a  élé  un  fort  bel  esprit  gles.  On  s'allait  plaindre  éternel- 
au  commencement  du  XVIIe.  lement  de  lui  à  Rome;  ce  qui 
siècle.  Il  aimait  trop  la  raillerie  fit  faire  des  réflexions  bien  mali- 
et  la  médisance ,  et  il  prit  un  gnes  ,  tant  contre  les  avocats  et 
tour  assez  nouveau  et  assez  plai-  les  médecins  ,  que  contre  les 
sant,  pour  critiquer  tout  ce  qu'il  théologiens  (C).  Ceux  qui  se  sont 
voulait.  Ce  fut  de  feindre  qu'A-  contentés  de  dire  qu'il  méditait 
pollon,  tenant  ses  grands  jours  des  discours  politiques  sur  Ta- 
sur  le  Parnasse,  écoutait  les  plain-  cite  (c)  ,  lorsqu'il  fut  assassiné 
tes  de  tout  le  monde ,  et  faisait  (D)  ,  n'étaient  guère  instruits 
droit  selon  l'exigence  des  cas.  des  choses.  Il  laissa  des  enfans 
De  là  sortirent  les  Ragguagli  di  (E).  On  l'a  mis  au  nombre  des 
Parnasso,  qui  ont  été  traduits  plagiaires  (F),  et  l'on  a  fait  des 
en  diverses  langues  (a),  et  fort  fautes  sur  ce  chapitre,  comme 
goûtés  du  public.  Il  tomba  dans  je  l'ai  montré  dans  l'une  de  mes 
le  défaut  ordinaire  de  ceux  qui  remarques  (d). 
se  plaisent  trop  à  la  satire  ;  c'est       (b)  ^.^  ErylhraîUS<  pinacoUl.riT , pag. 

qu'il  voulait  élever  Sa   médisance     223,  en  parlant  du  livre  intitulé  Pietra  del 

iusque  sur  les  trônes,  et  sur  leste-   pmagone  politico. 

>        *■  t       .    .  ■_  (c)  Moréri  est  de  ceux-là. 

tes  couronnées ,  et  attaquer  pri n-  j  '  ^^  u  nmarqm  (F) §  vers  lafin. 
cipalement   celles   qui    faisaient 

alors  le  plus  de  bruit  dans  l'Eu-  (A)    Les    Espagnols   se  plaignent 

rope.  11  attaqua  la  cour  d'Espa-  beaucoup  de  ses  médisances .1  Ëcou- 

l               î    i      £      j>                    ■>  tons  ce  que  dit  a  ce  siqet  un  de  leurs 

gne;et  il   le  ht  d  une  manière  auteurs.  jye  nuestros  tièmpos  ser  nota- 

d'autant  plus  piquante  qu'il  pré-  ,}os  por  de  çenio  critico  y  matdtctente, 

tendait  faire  voir  que  la  monar-  Francisco  Berna,  poeta,  conirajos  de 
i  -      i                         t 'i   ■.»         •    i            'su  nacioii  llultanos  :  1  rajann  Bocalt, 

clne  de  ce  nom  n  était  point  aussi  ■"  """  "  J""     ,            '       .    ,„  ,' 

,          ,.        *  .  discursisla   paradoxo   couira   toda  la 

puissante  qu  on  s  imaginait  ,  et  nacion  espariola.  C'est  ainsi  que  s'ex- 

qu'au  contraire  il  était  facile  d'en  prime  Juan  Vitrian  ,  dans  ses  Notes 

sur  Philippe  de  Comines  (i). 

la)  J'ai  vu  une  traduction  française  de  la  f  B)  iS'a   théorie  et  sa  pratique  s'ac- 
/re.   centurie  imprimée  à  Paris,    l'an  ib'l5  , 

(«-8J.  dont  l'auteur  s'appelle  Fougasse.  (1)  Ckap.  T  ,  lettre  F,  ?'<§■  3- 


r.OCCALIN. 


497 


cnnhùenl  fort  mal  ensemble.  ]  Voici 
ce  que  Nicius  Erythréus  en  a  dit.  At 
qui  se  aîiis  Reip.  benè  gerendœ  tluceni 
ac  magistrum  projitetur  ac  prœstut  , 
in  us  oppidis,  quorum  illi  administia- 
lio  eninniissa  Jiieral  ,  regendis  ,  suis 
ipse  prœceptis  non  paruil ,  sed  inullu  , 
ut  aiuut,  commisil,  quœ  ab  illnrum 
rationibus  esseni  aliéna.  Quamobrent 
Jiebal,  ut  Romani  crebrœ  de  ipsius  i/i- 
ju.  lis  querimonuv  dejerrentur  {?).  11 
n'est  que  trop  ordinaire  que  ceux  qui 
composent  des  ii\res  de  politique,  je 
dis  île  bons  livres,  fassent  voir  très- 
peu  de  capacité,  lorsqu'il  leur  arrive 
d'être  promus  à  de  grandes  charges  ; 
tant  il  est  vrai  que  l'application  des 
règles  est  plus  malaisée  que  l'art  d'en 
bien  discourir  ! 

(C) ce  qui  fit  faire  dfs  ré- 
flexions bien  malignes  ,  tant  contre 
les  avocats  et  les  médecins  .  que  con- 
tre les  théologiens  *.]  Nicius  Erythréus 
prétend  que  cela  lit  naître  un  pro- 
verbe qui  portait  qu'il  y  a  trois  sortes 
de  gens  ,  qui  ne  font  presque  aucun 
usage  des  lois  qu'ils  prescrivent  aux 
autres.  Personne  ne  s'écarte  plus  du 
droit  dans  les  affaires,  qu'un  juris- 
consulte; personne  n'observe  moins 
le  régime  de  san'é,  qu'un  médecin; 
personne  n'a  moins  de  crainte  des  re- 
mords de  la  conscience,  qu'un  théo- 
logien. On  verra  dans  l'original,  dont 
je  viens  de  rapporter  le  précis,  l'ex- 
ception que  l'auteur  a  faite.  Il  ne 
conte  point  la  ebose  comme  les  rail- 
leurs la  content  ordinairement.  Ils  di- 
sent (pie  les  avocats  ,  qui  conseillent 
tant  aux  autres  de  plaider  ,  n'ont 
presque  jamais  de  procès;  que  les 
médecins  ,  qui  ordonnent  tant  de  re- 
mèdes à  leurs  malades,  en  prennent 
très-peu  dans  leurs  maladies  \  et  que 
les  théologiens,  qui  marquent  aux  au- 
tres un  si  grand  nombre  d'articles  de 
foi  ,  ne  croient  que  peu  de  choses  (3). 
Voici  le  latin  de  Nicius  Erythréus. 
Qituinobrcm  Jiebal .  ut  Romani  cre- 
brœ de  p>ius  (Boccalini)  injuriis  que- 
rimoniœ dtfrrentur ,  ac  bu-us  prover- 
bioferet,  quo  dicilur ,   tria  rsse  hn- 

(2)  Nicius  F.nrllirnîus,  P  nacotn.  I,  pflj,'.  172. 
(*)  Sur  celle  réllixion  ,    laquelle,    so.t   Hit  en 


e,t  de  P 


L.  3    cli 


'•'.> 


de  R.l 


bêlais     Benjamin  Priolo  avait  formé  une  de 
maximes,  rapportée  |)ar  M    Bavlc,  remarque    K) 
de  l'article  Priolo.  Hlm.  cuit 

(3)   Voyez  li-  Courtisan  de  Ballhas.  de  Castil- 
lon  ,  pag.    -M)"'. 

TOME    III. 


m inum  gênera  ,  qui  nihil  ferc  legibus, 
quas  ipsi  altis  iiponunl,  utantur , 
mmiriim  jurisconsu/tos ,  medicos  ,  ni- 
que theo/ngos  :  nulli  enim  inagis  in 
negoliis  ah  jure  ,  ab  œquitate,  ttîsçe- 
dunt  qu'uni  ./.  C,  ;  null  tuendœ  1  aie- 
ludinis  rationem  minus  servant  quant 
medici  ;  nulti  conscientiœ  aculeos  mi- 
nus metiiunt  quain  theologi.  Itaque 
qui  juslitiam  ,  valeludinem  ,  et  enn- 
scienliam  amitié re  sataeunt7juris  doc- 
torum,  medicorum  ,  tneologorumque 
anùcitias  cotant  :  qund  tamen  de  lis 
lantiim  intelligendum  ,  qui  eu  sludia 
non  serio  av  sedulà,  verhm  in  speciem 
et  duis  causa  ,  projitentur  (4). 

(D)  On  a  dit  qu'il  méditait  des  dis- 
cours politiques  sur  Tacite  ,  lorsqu'il 
Jut  assassine  ]  11  fallait  dire,  non-seu- 
lt  ment  que  ces  discours  étaient  com- 
posés  ,  mais  aussi  qu'on  en  avait  fait 
à  Genè\e  deux  éditions  différentes. 
Pour  relever  le  prix  de  ces  éditions, 
on  a  fait  accroire  au  monde,  1°.  que 
le  manuscrit  de  cet  ouvrage  était 
une  pièce  très  rare;  i°.  que  le  sénat 
de  Venise  avait  gardé  soigneusement 
l'original  ,  jusqu'il  ce  qu'il  en  lit  pré- 
sent à  la  reine  de  Suède  ;  3°.  qu'on 
avait  trouvé  moyen,  a\ec  mille  frais 
et  mille  peines,  de  recouvrer  une  co- 
pie du  manuscrit  donné  à  rette  prin- 
cesse par  le  sénat  de  Venise.  Pure 
forfanterie.  Vingt  ans  avant  l'arri\ée 
de  cette  reine  en  Italie  ,  ce  manuscrit 
courait  partout  II  y  en  a  bien  trente 
copies  en  diverses  bibliothèques  de 
delà  les  monts.  L'auteur  avait  lui- 
même  fait  présent  de  son  ouvrage  à 
plusieurs  personnes,  .1  nommément 
au  cardinal  Barberin  à  liorue  ,  et  .m 
procurateur  Morosini  à  Venise.  Le 
cardinal  lit  présent  de  son  exemplaire 
à  l  académie  des  humoristes,  et  on  en 
tira  plusieurs  copies.  L'exemplaire  de 
Morosini  n'a  pas  été  moins  copié  : 
ainsi  il  n'était  pas  difficile  d'en  ache- 
ter «les  copies.  I.e  gouverneur  A'wn 
milord  en  acheta  une,  dont  il  s'ac- 
commoda à  Genève  avec  un  libraire 
qui  l'imprima  (5).  Un  gentilhomme 
allemand  en  apporta  d'Italie  uo  autre 
exemplaire  environ  le  même  temps 
et  le  donna  à  un  professeur  de  'I  u- 
binge.  nommé  M.  du  May,  qui  y 
joignit  des  remarques,  et  l'envoya  à 
M.   I.i-ti  a  Genève.   AI.    lelile   fit  im- 

(4    Nicius  Erythrcas ,  Pinaoo'h.  I ,  pag,    -. 

(5)  Ce  fui  le  sieur  de  Tournes. 

32 


498  BOCCALIN. 

primer  chez  le  sieur  Widerhol  ,  et  pourquoi  le  cardinal  Cajetan  se  dé- 
l'intitula  Bdancia  Politica ,  et  y  joi-  pouilla  de  son  droit  en  faveur  d'un 
enit  un  troisième  volume,  auquel  il  autre,  on  vous  répondra  que  ce  fut 
mit  son  nom  (6).  Cet  ouvrage  de  Boc-  afin  d'avoir  le  plaisir  de  censurer  et 
câlin  n'a  pas  été  estimé  :  M.  Amelot  de  mordre  sans  faire  t<|rt  à  sa  dignité, 
de  laHoussayeen  parle  avecbeaucoup  ni  sans  se  faire  des  ennemis.  Je  ne 
de  mépris  (7).  saurais  croire  que  cela  soit  vrai  5  je 
(E)  //  laissa  des  enfans.~\  J'ai  sa  crois  seulement  que  Boccalin  fit  comme 
Pietra  del  Paragone  Politico  ,impri-  Térence  :  il  communiquait  ses  pen- 
mée  à  Paris  l'an  1626,  in-80.,  et  dédiée  sées  aux  cardinaux  qui  le  protégeaient 
au  cardinal  de  la  Valette.  Ce  fut  le  (10),  et  il  profitait  de leuis  avis  et  des 
fils  de  Boccalin  qui  la  dédia  à  ce  car-  pensées  qu'ils  lui  suggéraient.  Il  se 
dinal  :  l'épître  dédicatoire  est  datée  faisait  un  honneur  de  l'opinion  qu'on 
de  Paris,  le  10  d'avril  1626.  Ce  qui  aurait  qu'il  était  aidé  par  de  telles 
me  surprend  est  d'y  voir  traité  de  gens  :  c'était  suivre  le  goût  de  Té- 
posthume  cet  ouvrage  -  là  ;  car  j'ai  vu  rence.  Quemadmodum  Jerentio  maie- 
une  édition  de  l'an  i6i5  du  livre  de  voli  objiciebant ,  ipsum,  in  fahulis 
Boccalin  ,  qui  porte  le  titre  de  Pietra  faciendis ,  Scipionis  Ajricani ,  Lœlii 
del  Paragone  Politico.  Cela  me  ferait  qui.  dictus  est.  sapiens ,  et  Furii  Pii 
conjecturer  que  l'ouvrage,  qu'onde-  opéra  uti,  assiduèque  cum  illis  unà 
dia'au  cardinal  de  la  Valette,  était  scribere ;  ita  etiam  de  Trajano  fuma 
une  suite,   ou  une  seconde  partie  de  distulerat ,  in  his  actis  rejerendis  ho- 


là Pietra  del  Paragone  Politico.  Je 
prie  ceux  qui  auront  du  loisir,  et 
plusieurs  éditions  en  main  ,  de  véri- 
iier  ce  qui  en  est.  M  Giri  avait  publié 
sa  version  française  de  cet  ouvrage  de 


mines  nobilissimos  socios  et  adjutores 
habere.  P^eriim  id  sibi  non  minus  lau- 
di  ducebat ,  quant  Terentius ,  qui 
gloriosum  sibi  putabat ,  idquod  maie- 
voli  quasi  malediclum  vehemens  exis- 


Boccalin  ,  avant  que  le  fils  de  l'auteur  timabant ,  ac.Jit  verisimile  hœc  cum 
le  publiât  en  italien  ,  l'an  1626  (8).  La  illis  eum  communicâsse ,  quibus  ,  ad 
version  latine  du  même  ouvrage  ,  faite  notanda  et  animadvertenda  aliorum 
par  Ernest-Jean  Creutz  ,  fut  imprimée  vilia ,  eadcm  esset  wolunlas  alque  pro- 
à  Amsterdam,  l'an  1641,  in-12,  sous  pensio  (11).  Quelques-uns,  pour  n'a- 
ie titre  de  Lapis  Lydius  Politicus.  voir  pas  assez  pris  garde  à  l'ordre  du 
(F)  On  l'a  mis  au  nombre  des  pla-  temps,  ontditque  le  cardinalCajetan, 
siaires.']  Ce  terme  me  paraît  impropre,  qui  disputa  contre  Luther  ,  a  fait  les 
parce  qu'on  n'impute  pas  à  BoCcalin  Ragguagli  du  Parnasse  ,  et  la  Pietra 
d'avoir  dérobé  le  travail  d'autrui  ,  del  Paragone.  M.  Chevreau  attribue 
mais  d'avoir  prêté  son  nom  pour  cette  faute  à  Jean  Rhodius  ,  médecin 
mettre  à  couvert  l'auteur  véritable.  Il  danois,  et  à  Pierre  Scavenius  :  il  se 
a  imité  ,  dit  -  on  ,  certaines  personnes  trompe  ;  car  ils  prétendent  parler  d'un 
qui,  pour  épargner  à  leur  patron  ecclé-  autre  cardinal  Cajetan  ,  et  il  les  réfute 
siastique  la  honte  d'avoir  engrossé  par  une  mauvaise  raison.  Boccalin, 
quelques  servantes,  disent  que  ce  sont  dit-il  (11) ,  qui  était  Jils  d'un  archi- 
eux  qui  l'ont  fait,  et  se  marient  avec  tecte  de  Rome ,  fut  saquetté  à  fenise 
la  servante ,  résolus  à  l'adoption  de  par  l'ordre  de  l'ambassadeur  d'Es- 
tous  les  enfans  qui  pourront  venir  de  pagne.  Est-ce  une  preuve  qu'il  n'a  pu 
la  même  main.  On  veut  que  le  cardi-  prêter  son  nom  à  un  ouvrage  du  car- 
nal  Cajetan  soit  le  véritable  auteur  dinal  Thomas  de  Vio,  qui  disputa 
des  livres  qui  ont  paru  sous  le  nom 

de  Boccalin  (9)  ;    et  si  VOUS  demandez  rholius  ,    Polyhist.,  pag.  81,  rapporte  ce   sen- 
timent. Voyez    Placcius    de    Pseudonym.  ,  pag 
(6)  Toutes  ces  particularile's   sont   tire'es  d'un 
Mémoire  venu  de  bon  lieu.   On  en  garde   l'ori- 


ginal. 

(")  Dans  le  Discours  critique  qui  est  au-de- 
vant de  sa  Morale  de  Tacite  ,  et  de  sa  traduc- 
tion des  six  premiers  livres  des  Annales  de 
Tacite. 

(8)  Cela  paraît  par  V e'pîlre  de'dicatoire. 

(g)  Scavenius,  num.  89,  V affirme,  apud  Rtio- 
«liuîa  de  Auctoribus  supposititiis,  pag.  ^1.  Mo- 


timent.  Voyez   Placcius   de 

i65  ,  et  Deckherrus  de  Scriptis  Adesp.  ,  pag.  253, 

254. 

(10)  Il  dédia  la  première  centurie  des  Rag- 
guagli, l'an  1612  ,  au  cardinal  Borgkèse ,  et 
la  seconde  ,  l'an  i6i3  ,  au  cardinal  Cajetan. 

(11)  [Nicius  ErylUrseus,  Pinacoth.  III,  pag. 
222. 

(12)  Chevreau,  Histoire  du  Monde,  liv.  V, 
chap.  IV,  pfl£.  i85,  édition  de  Hollande,  en 
1687. 


EOCHART. 


contre  Luther  ?  Notez  que  Nîcius 
Erythréus  assure  que  Pereiula  ,  qui 
avait  été  secrétaire  du  cardinal  Henri 
Cajelan,  aida  Boccalin  à  composer  les 
Jiugguagli  (l3). 

(i3)  Nicius  Erythr.  ,  Pinacoth.  III,  pag.  i3i. 

BOCHART  (Matthieu),  minis- 
tre du  saint  Evangile,  à  Alençon, 
dans  le  XVIIe.  siècle,  a  publié 
quelques  livres  (A)  qui  l'ont  fait 
passer  pour  un  savant  homme. 
Celui  qu'il  composa  contre  le  sa- 
crifice de  la  messe  lui  fit  des 
affaires,  comme  le  remarque  M. 
Daillé  :  un  missionnaire  ,  ayant 
trouvé  plus  à  propos  de  le  tradui- 
re devant  les  juges  séculiers,  que 
de  répondre  à  ses  raisons  ,  s'avi- 
sa de  lui  faire  une  querelle  juri- 
dique, sur  ce  qu'il  avait  donné 
aux  ministres  la  qualité  de  pas- 
teurs (<?).  Il  n'y  a  point  lieu  de 
douter  du  fait  ;  mais  il  est  fort 
apparent  que  M.  Daillé  ne  s'est 
pas  bien  souvenu  des  circonstan- 
ces (B).  On  a  quelquefois  con- 
fondu Matthieu  Bochart  avec  son 
cousin  Samuel  Bochart  (C),  dont 
je  vais  parler. 

(a)  Daillé,  Réplique  à  Adam  et  Cottihy  , 
//''.  part. ,  pag.  io3. 

(A)  Il  a  publié  quelques  livres]  Les 
principaux  de  ses  ouvrages  sont  un 
Traité  contre  les  Reliques,  et  un  Traité 
contre  le  Sacrifice  île  la  Messe.  Il  a 
fait  aussi  un  Dialogue  sur  les  difficul- 
te's  que  les  missionnaires  faisaient 
perpétuellement  aux  protestans  de 
France  ,  en  vertu  de  ce  qui  s'était 
passé  au  synode  national  de  Charen- 
ton,  touchant  la  tolérance  des  erreurs 
luthériennes.  Ce  dialogue,  étant  tom- 
bé entre  les  mains  de  l'électeur  pa- 
latin, lui  parut  propre  à  porter  les 
princes  de  la  confession  d'Augsbourg  , 
à  travailler  à  la  réunion  des  deux 
églises  protestantes  (i)  ;  ainsi  il  le  leur 
fit  voir  pendant  rassemblée  de  Franc- 
fort. Cette  bonne  nouvelle  étant  venue 

(i)  Epist.  dedicat.  Diallact.  Mattb.  Boctiarti. 


499 


à  la  connaissance  de  l'auteur,  lui  Ut 
enfanter  un  livre  latin  intitulé  Dial- 
lacticon,  qu'il  dédia  à  celte  altesse 
électoiale.  Il  fut  imprimé  à  Sedan  ,  en 
l'année  1GG2  ,  el  contient  un  projet 
de  réunion  entre  les  luthériens  et  les 
calv  inistes. 

(B)  On  lui  fit  une  querelle  juridique, 
sur  te  qu'il  avait  donne  aux   ministres 

la  qualité   de  pasteurs M.    Daillé 

ne  s'e.it  pas  bien  soutenu  des   circon- 
stances.] Je  n'ai  besoin  pour  le  prou- 
ver,  qi.e  de  M.  Daillé  lui-même.  11 
veut  que  le  missionnaire ,  embarrassé 
par  le  livre  de  Matthieu  Bocharl  con- 
tre le  sacrifice  de  la  messe  ,    ait  mis 
l'auteur  en  justice  l'an  1657;  mais  il 
convient  dans  l'une  des  tables  de  son 
livre,  cpie  le  traité  contre  le  sacrifice 
de  la  messe  fut  imprimé  à  Genève,  l'an 
iG58.  11   remarque  daus  la  page    4'7 
de  la  première  partie  de  sa  réplique  , 
que  cet  excellent  traite  du  sacrifice  de 
la  messe  (a)  fut  mis  en  lumière  il  n'y 
avait  que   trois  ans.  Ce  qu'il  dit  vers 
la  tin  de  sa  préface  est  une  preuve  cer- 
taine  qu'il   composait  sa  réplique  en 
1GG1.  Il   ne  peut  donc  pas  être   vrai, 
que  le  missionnaire,  qui  fit  un  procès 
à  Matthieu  Bochart  en  1657,    trouva 
cela    plus  à   propos  que  de  réfuter  le 
livre    du    sacrifice    de    la    messe.     De 
plus,  M.   Daillé    déclare  qu'il  11e  sait 
point,   qu'avant  le  procès   intenté  à 
01.    Bochart  en   1657,  on    eût  jamais 
porté  plainte  contre  les  minisires  de 
ce  qu'ils  se  qualifiaient  pasteurs.  Mais 
il  ne  laisse  pas  de  faire  mention  tout 
aussitôt   d'un   arrêt  du   parlement  de 
Rouen  ,  tendu  22  ou  23  ans  depuis  l'art 
iG.!3  ,  (pie  les  minisires  de  Cliarenton 
se  donnèrent  la  qualité  de  pasteurs  de 
l'église  réformée  de  Paris,   dans  l'ap- 
probation d'un  livre  (3).  Cet  arrêt  du 
parlement   de   Houen   fut   rendu  sans 
doute  sur   la  plainte  portée  contre  le 
ministre  Bocharl  ^  car  autrement   M. 
Daillé   se   contredirait  lui-même   :    i) 
n'est  donc  point  vrai  que  le  procès  fait 
à  ce  ministre  tombe  sur  l'année  1657. 
Il  faut  donc  (pie  M.  Daillé  se  soit  mé- 
pris, et  quant  au  temps  que  ce  procès 
fut  intenté,  et  quant  au   livre  qui  en 
fournit  l'occasion     II  s'est  mépris  en- 
core par  un  autre  endroit  ,    puisqu'il 
est   certain    qu'en    l'année    i633     les 
agens  généraux  du  clergé   de  France 

(1)  Il  te   loue  beaucoup  eu  c*l  endroit. 
(3;  C'est  /"Apologie  de  M.  Daillé. 


5oo 


BOCHART. 


se  peignirent  de  ce  que  M.  Aubertin 
avait  fait  imprimer  un  livre,  où  il 
prenait  </ua!ité  de  pasteur  de  l'église 
réformée  de  Paris,  et  où  ses  collègues 
Mestrezat ,  Drelincourt  et  Daillé,  si- 
gnaient dans  l'approbation  ,  les  deux 
premiers  ,  pasteurs  de  l'église  réfor- 
mée de  Paris,  et  le  dernier,  ministre 
du  Saint  Évangile  de  ladite  église  (4)- 
Sur  cette  plainte ,  le  conseil  prive 
donna  un  arrêt  le  i4  juillet  i633, 
portant  prise  de  corps  contre  M.  Au- 
bertin ,  et  ajournement  personnel 
contre  ses  collègues ,  avec  injonction 
aux  ministres  de  prendre  la  qualité  a 
eux  attribuée  par  les  édits  ,  et  non 
autre  (5). 

(C)    On    l'a   quelquefois    confondu 

avec    son    cousin    Samuel    P>ocliail.~\ 

M.  le  Fèvre  ,    docteur  rie    Sorbonne  , 

dans  sa  réplique  à  M.  Arnauld  pour  la 

défense   de   ses  motifs  invincibles,  a 

cité  le  Diallacticon  de  notre  Bocbart. 

Je  ne  pense  pas  qu'il  puisse   trouver 

mauvais    qu'on  croie  qu'il  l'a  cru  un 

ouvrage  de  M.  Lochart  de  Caen.  S'il 

avait  su  que  deux  ministres  de  ce  nom 

ont  écrit  des  ouvrages  de  controverse , 

ou  du  moins  s'il  avait  su  que  l'auteur 

du  Diallacticon  n'est  pas  le  même  Dn- 

chart  qui  s'est  rendu  l'admiration  de 

la  république  des  lettres  par  son  Pha- 

le%  etc.,  il  n'eût  jamais  cité,  comme 

il  a'fait  plus  d'une  fois  (6) ,  l'auteur  du 

Diallacticon  avec  cet  éloge  ,  le  savent 

Bochart.  Qu'on  dise  tant  qu'on  voudra 

que  le  ministre  d'Alençon  était  savant, 

et  que  M.  le  Fèvre  a  pu  l'appeler  ainsi 

sans   hyperbole,  ni   flatterie- je  suis 

jftr  qu'on   ne  persuadera  jamais  aux 

lecteurs  intelligens  que  j'aie  tort  dans 

cette  remarque. 

(4)  Vœfei  le  Recueil  des  Édits  pour  le  clergé. 

(5)  t'oyez  lu  remarque  (B)  de  L'article  Ao- 
bertin,  lutn.  II,pa£.  5i4- 

(6;  Pag.  27,  129. 


BOCHART  (Samuel)  ,  ministre 
de  la  parole  de  Dieu  à  Caen,  a  été 
un  des  plus  savans  hommes  du 
monde.  Il  était  de  Rouen ,  et  de 
fort  bonne  maison  (A),  et  naquit 
l'an  i5qq.  La  prématurité  de  ses 
progrès  lut  très-grande  :  on  en 
peut  juger  par  les  quarante-qua- 
tre vers  grecs  qu'il   composa  à 


la  louange  de  Thomas  Dempster 
(a),   qui   les  publia  en    1612  ,  à 
la  tête  de  ses  Antiquités   romai- 
nes. Il  étudiait  alors  sous  ce  sa- 
vant Écossais  ;  et  apparemment  il 
était  logé  chez  son  oncle  mater- 
nel,  le  fameux  Pierre  du  Moulin, 
ministre  de  l'église  de  Paris  (i>). 
Il  fit  sa  philosophie  à  Sedan  ,   et 
il  y  soutint  des  thèses  publiques, 
l'an  i(5i5,    qui  lui  firent  beau- 
coup d'honneur,  non-seulement 
à   cause  qu'il  répondit  bien   aux 
argumens  ,  mais  aussi  à  cause  de 
certains  vers   dont  il  les  accom- 
pagna ,    accommodés  à  la  figure 
d'un  cercle  avec  beaucoup  d'ar- 
tifice (c).  On  croit  qu'il  a  étudié 
en  théologie  à  Saumur,  sous  Ca- 
méron   {d)  ;  et  l'on   sait   qu'il  le 
suivit    à    Londres  ,    lorsque    la 
guerre   civile    eut   dissipé   cette 
académie.  Il  ne  fit  pas  beaucoup 
de  séjour   en    Angleterre  >  puis- 
qu'on sait  que  vers  la  fin  de  l'an 
1621  il  était  à  Leyde ,  ou  il  s'at- 
tacha  ardemment   à    l'étude  de 
l'arabe  sous  Erpénius.  Il  trouva 
dans  Ta  même  université  un  pro- 
fesseur en  théologie  ,  qui  conçut 
pour  lui  une  estime  très-parti- 
culière ,  et  qui  lui  en  donna  des 
marques  publiques  l'an  1 629,  en 
lui   dédiant  son  Calholictis  Or- 
thodoxus  (B).  Je  parle  de  M.  Ri- 
vet, qui  était   alors  marié  avec 
une  sœur  de  la  mère  de  notre 
Bochart.  Celui-ci,  étant  en  Fran- 


(a)  Ils  sont  dans  la  nouvelle  édition  des 
OEuvies  de  Bochart  ,  en  1692. 

(b)  Tune,  nisi  memoria  me  fallu,  hospita- 
batur  Pansiis  apud  avunculum  Pelrum  Mo- 
linœum.  Stepli.  Moiin.  de  Bocharto  ,  et  ejus 
scriptis. 

ie  Ils  sent  dans  la  susdite  édition  de  ses 
œuvres  ,  en  1692. 

(/  Pulo  me  didicisse  r/nod  Salmurii  au- 
diverit  Çameronèm,  et  eo  prwside  thèses 
théologiens  défendent.  Moïinus,  de  Bochar- 
to ,  ei  ejus  scriptis. 


BOCHART.  Soi 

ce,  fut  bientôt  reçu  ministre,  et  de  bataille  (•»).  La  réputation  de 

donné  à  l'église  de  Caen.  La  pre-  ce    ministre  ,  laquelle  jeta   dès 

mière  cbose  de  grand  éclat  qu'il  lors  ses   fondemens,  s'augmenta 

y  fit ,  fut  de  soutenir  une  longue  beaucoup  en  i(ijG,  par  la  publi- 

conférence  avec  le  père  Véron  ,  cation  du  Phalcg  et  du  Chanaan 

et  d'en  sortir  pleinement  victo-  (C).    Il  y  traite,  i«.  ,  de  la  dis- 

rieux  *.  Cet  homme,  muni  d'une  persion  des  peuples  causée  par  la 

mission    spéciale   émanée   de  la  confusion  des  langues  :  ?.°.  ,  des 

cour  pour  disputer  ,  et   revêtu  colonies  et  de  la  langue  des  Phé- 

en  quelque  manière  de  la  charge  niciens.  Les  recherches  qu'il  lui 

de  controversiste  exploitant  par  fallut  faire  pour  travailler  à  ces 

tout  le  royaume ,  défia  M.  Bo-  ouvrages  et  à  quelques  autres  , 

chart  le  quatrième  jour  de  sep-  et  qui  l'obligèrent  à  fouiller  dans 

tembre    1628  ,    et    ne  cessa   de  tous  les  anciens  auteurs,  et  dans 

criailler  qu'il  n'eût  obtenu  jour  les  trésors  les  plus  cachés  des  lan- 

et  lieu  pour  entrer  publiquement  gués  orientales,  ont  cette  relation 

en  lice  avec  lui.  La  dispute  se  lit  à  sa  qualité  deministre,  qu'il  ne 

au  château  de  Caen  ,  en  présence  s'y  engagea  peu  à  peu  qu'à  cau- 

d'un  grand  nombre  de  personnes  se  qu'il   avait  entrepris  de  pi  è- 

de  l'une  et  de   l'autre  religion,  cher  sur  la  Genèse;  car  dès  qu'il 

Le  duc  de  Longueville,  gouver-  en  fut  au  second  chapitre,  il  fal- 

neur  de  la  province ,  s'y  trouva  lut  qu'il    expliquât    la   situation 

aussi  souvent  que  ses  affaires  le  du  paradis  terrestre.    Les  chapi- 

lui  permirent ,   et   il    y  eut  des  très  suivans  l'engagèrent  à  exa- 

commissaires  nommés  de  part  et  miner  l'origine  des  nations,  et  il 

d'autre  pour  y  assister.    On  dis-  y  eut  cent  autres   passages  qui 

pu  ta  depuis  le  ?.?.  de  septembre  l'appliquèrent  à  travailler  sur  les 

iusqa.es  au  3    d'octobre,  et  l'on  animaux,  sur  les  piaules.  <•;  sur 

battit  presque  tout  le  grand  pays  les  pierres  précieuses  de  la  Bible, 
des   controverses    dans  les  neuf   S'il  avait  assez    vécu,    il    aurait 

séances  consécutives  que  l'action  donné  des  traités  completssur  ces 

contint.  Les  actes  bien  signés  et  matières;  mais  il  n'a  pu  achever 

collationnés    eu     furent    rendus  que  ce  qui  regarde  les  animaux, 

publics  de  chaque  côté  :  mais  M.  Onl'imprima  à  Londres,  en  i663, 

Bochart  ajouta  du  sien  plusieurs  sous  le   litre  à? Hicrozoïcan.  Ses 

choses,    que    l'humeur    tumul-  recueils  sur  le  paradis  terrestre, 

tueuse  de  son  antagoniste  avait  sur  les  plantes  et  sur  les  pierres 

empêché  qu'on  ne  mit  en  ordre  précieuses,  n'ont  point  été  trou- 

sur-le-champ;  et   il  y  joignit  la  tes  en  état  après  sa  mort  qu'on 

dispute  de  l'eucharistie,  et  celle  en  put  faire  quelque  choses  'fout 

du  célibat ,  que  l'on  était  couve-  le   monde   sait    que  la   reii 

nu  d'examiner,  mais   que    l'on  Suède  l'attira  à  sa  gouf(D),  et 

n'avait  pas  approfondies ,  à  cause  qu'il  y  alla  en  i65i.  Il  n'est  pas 

que  Véron  avait  quitté  le  champ  besoin   «le  parler  eu  partiel 

•  Joly  demande  de  quel  droil  Bayle  assure     de     quelques    écrits    qu'il    publia 
n  1e  li  vicloire  resta  h  Bocliaxl  ;  mais  il  n'es- 

.,    .  ersarùis    vadimonium    deseruit. 

M  s  inns.  ibid. 


5o: 


BOCH 


en  divers  temps,  et  qui  lui  fi- 
rent honneur.  Par  exemple ,  il 
publia  une  Lettre,  en  i65o,  sur 
l'autorité  des  rois  ,  et  sur  l'insti- 
tution des  évéqueset  des  prêtres  : 
il  en  publia  une  ,  en  ibbi  ,  con- 
tre le  jésuite  la  Barre,  touchant 
la  tolérance  du  luthéranisme  , 
décidée  dans  le  synode  national 
de  Charenton;  et  il  en  publia 
une,  en  ib63  ,  oii  il  montre  par 
plusieurs  savantes  raisons  ,  quY/ 
n'y  a  point  d'apparence  qu  Enée 
soit  jamais  venu  en  Italie.  Il 
mourut  à  Caen  ,  le  i(i  de  mai 
1667  ,  ayant  perdu  tout  d'un 
coup  la  parole  et  la  connaissance, 
dans  l'académie  qui  s'assemblait 
chez  M.  de  Brieux.  Ses  papiers 
sont  entre  les  mains  de  M.  de 
Colleville,  fils  de  sa  fille  unique 
(f) ,  et  ci-devant  conseiller  au 
parlement  de  Normandie.  Il  y  a 
parmi  ces  papiers  un  grand  nom- 
bre de  sermons ,  écrits  de  la  pro- 
pre main  de  M.  Bochart.  Ce  sont 
ceux  qu'il  a  prêches  sur  la  Genè- 
se ,  depuis  le  premier  chapitre 
iusques  au  verset  18  du  chapitre 
XIX.  On  a  ramassé  autant  qu'on  a 
pu  les  Dissertations  manuscrites 
de  ce  grand  homme ,  et  on  les  a 
jointes  à  la  nouvelle  édition  que 
l'on  a  faite  de  toutes  ses  œuvres 
en  Hollande,  l'an  1692  (E).  M. 
Morin  ,  autrefois  collègue  de  M. 
Bochart ,  et  à  présent  ministre 
de  l'église  française  d'Amster- 
dam ,  et  professeur  aux  langues 
orientales  dans  l'école  illustre  de 
la  même  ville  ,  a  joint  à  cette 
édition  un  discours  (g),  duquel 

if)  Elle  fut  mariée  avec  un  conseiller  au 
parlement  de  Normandie  ,  nomme  M-  de  Col- 
leville. Celait  un  nom  de  seigneurie  ■  celui 
de  famille  était  Le  Sueur. 

{g)  De  clarissimo  Bocharto,  et  omnibus 
<~jus  scriplis. 


ART. 

je  me  suis  servi  pour  la  compo- 
sition de  cet  article.  Ceux  qui 
voudront  voir  les  éloges  qui  ont 
été  donnés  à  M.  Bochart  feront 
bien  de  s'adresser  aux  auteurs  que 
je  leur  indique  (h).  Sa  science  , 
quelque  vaste  qu'elle  fût,  n'était 
pas  sa  principale  qualité  :  il  avait 
une  modestie  infiniment  plus 
estimable  en  lui  que  toute  sa 
science.  Aussi  a-t-il  possédé  sa 
gloire  avec  beaucoup  de  tran- 
quillité ,  et  à  couvert  de  ces 
malheureuses  querelles  que  tant 
d'autres  savans s'attirent  parleur 
orgueil  ,  et  par  l'emportement 
de  leur  style  Je  n'ai  jamais  ouï 
parler  d'un  certain  traité  que  M. 
Ménage  lui  attribue  (F). 

(h)  Colonnes ,  dans  la  Gailia  orienlalis  , 
qu'il  lui  dédia  ;  Pope  Blount ,  Ct-nsur.  celeb. 
auclorum;  Spizelius,  in  Iufel.  Literal.  pag. 
916  et  seq. 

(A)  //  était  de  fort  bonne  maison.  ] 
Son  père,  René  Bochart  du  Ménillet, 
ministre  de  l'église  réformée  de  Rouen, 
était  arrière-petit-fils  de  Jean  Bochart, 
conseiller  au  parlement  de  Paris,  en 
1490,  et  petit-  fils  de  Jean  Bochart, 
qui  plaida  avec  tant  de  force  pour  la 
Pragmatique  Sanction  (1),  et  fils  d'E- 
tienne  Bochart  ,  qui  fit  la  branche  du 
Ménillet.  On  peut  voir  dans  le  Diction- 
naire de  Moréri  la  parenté  qui  était 
entre  notre  Samuel  Bochart ,  et  les  Bo- 
chart Champigni ,  qui  ont  exercé  tant 
de  belles  charges  dans  la  robe. 

(B)  Rivet....  lui  dédia  son  Catholi- 
cus  Orthodoxus.]  M.  Rivet  dédia  ce 
livre  à  quatre  personnes  :  savoir,  à 
Pierre  du  Moulin  ,  ministre  et  profes- 
seur à  Sedan;  à  Guillaume  Rivet,  mi- 
nistre de  Taillebourg  ;  à  Jean  Maximi- 
lien  de  Langle ,  ministre  de  Rouen  ;  et 
à  Samuel  Bochart ,  ministre  de  Caen. 
Il  loue  ce  dernier  de  sa  dispute  contre 
Véron ,  dans  laquelle  ,  lui  dit-il ,  vous 
lui  montrâtes  qu'il  ne  savait  rien ,  ni 
en  grec,  ni  en  hébreu,  et  vous  mîtes 
un  frein  à  son  impudente  sophistique - 
rie ,    lequel  il  a  taché   de  secouer  en 

(1)  Ce  fut  en  présence  de  François  I".  :  il 
combattit  le  concordat. 


BOCIÏART. 


5o3 


débitant  bien  des  fables  ,  selon  sa  cou- 
tume ,  sur  ses  victoires  imaginaires  ; 
mais  les  gens  sages  n'y  ont  pas  été 
trompés  ,  et  vous  avez  découvert  sa  va- 
nité par  votre  réponse.  Ceci  peut  servir 
de  supplément  au  narré  que  j'ai  fait 
de  cette  dispute  tiré  de  M.  Morin.  On 
voit  par-là  que  Véron  s'attribuait  la 
victoire.  Au  reste,  en  la  même  année 
1629,  M.  du  Moulin  dédia  son  Anti- 
Barbare  (2)  à  M.  Bocliart.  Ce  dernier 
l'avait  averti  d'une  méprise  ,  c'est  que 
du  Moulin  ayant  promis  ce  traité  de 
controverse  ,  dans  la  table  de  la  Nou- 
veauté du  papisme  ,  avait  oublié  de  le 
donner. 

(C)  Sa  réputation  s'augmenta  beau- 
coup en  1C4G,  par  la  publication  du 
Phaleg  et  du  Cbanaan.]  Ce  sont  les 
titres  des  deux  parties  de  la  Geogra- 
phia  Sacra  de  M.  Bocbart.  On  fit  ve- 
nir à  Caen  un  imprimeur  de  réputa- 
tion (3),  afin  que  cet  ouvrage  fût  plus 
correct,  et  qu'il  sortît  plus  tôt  de  des- 
sous la  presse.  S'il  en  faut  croire  ceux 
qui  l'ont  fait  réimprimer  à  Francfort, 
m-4°.  en  1681,  l'édition  de  Caen  est 
toute  pleine  de  fautes,  dont  ils  se 
vantent  d'avoir  repurgé  la  leur  :  Ab 
in  finit  is  trtpa.\uix.^i ,  quibus  exemplar 
Cadomi  impressum  referlum  erat ,  pur- 
gatum.  Ils  joignirent  à  leur  édition 
deux  lettres  de  M.  Bocliart,  l'une  tou- 
chant l'épiscopat  et  le  droit  des  rois  , 
écrite  à  M.  Morley ,  chapelain  du  roi 
d'Angleterre  Charles  II  ;  l'autre  écrite 
à  M.  de  Segrais,  sur  la  question  si 
Enée  est  venu  en  Italie  (4>.  La  pre- 
mière de  ces  deux  lettres  avait  été  im- 
primée en  i65o,  comme  je  l'ai  déjà 
dit.  Spizélius  n'en  savait  rien;  car, 
après  avoir  cité  une  lettre  de  M.  Sar- 
rau, qui  témoignait  qu'il  serait  injuste 
de  ne  point  rendre  publique  cette 
belle  production  de  M.  Bocliart ,  il 
ajoute  qu'elle  est  néanmoins  demeurée 
dans  les  ténèbres  (5).  Je  n'ai  point  de 
connaissance  de  l'édition  de  la  Geo- 
graphia  Sacra,  marquée  par  M.  Pope 

(2)  C'est  ainsi  que  le  livre  esl  intitule  ,  et 
non  pas  l'Anti  barbarie,  comme  le  disent  te 
Catalogue  d'Oxford,  yag.  462,  et  M.  Baillet  , 
num.   176.  §  G  des  Anti. 

(3)  Il  s'appelait  Jean  Jannon.  Voyez  Stcph. 
florin,  in  Dissert.  de  IWtiarto,  et  «j u s  Siiipti.-. 

(4)  Forez  les  Nouvelles  de  la  République  des 
Lettres  ,  mois  de  juillet  1684,  art.  IF. 

(5)  Spiieliui,  in  tnlel.  Littéral.  ,  pas;.  923. 
iVotei  qu»  dans  ferrât»  il  fiait  savoir  qu'il  a  vu 
qu'elle  a  été  jointe  a  l'édition  de  la  Geogrnpb. 
sacra  ,  à  Francfort ,  en  1G-4- 


Blount  comme  faite  à  Caen,  in-folio, 
l'an  i65i  ;  et  je  ne  crois  pas  qu'il  y  en 
ait  eu  de  telle.  Quant  à  V Hierozoïcon 
(  c'est  le  titre  du  volume  de  Anima- 
libus  Sacrœ  Scriplurœ) ,  il  fut  réim- 
primé à  Francfort ,  l'an  i6^5  ,  et  l'on 
en  fit  un  abrégé  l'an  1690,  qui  fut  im- 
primé à  Franeker.  L'auteur  de  cet 
abrégé  est  un  Hongrois  nommé  Vec- 
seùs. 

(D)  La  reine  de  Suède  l'attira  h  sa 
Cour.]  J'ai  ouï  faire  mille  sots  contes 
de  ce  voyage  de  M.  Bochart  ;  par 
csemple,  qu  on  lui  fit  un  jour  fort 
brusquement  cette  question  dans  la 
bibliothèque  de  la  reine  ,  que  pensez- 
vous  d'un  certain  livre  ,  qu'on  nomme 
la  Bible?  On  prétend  qu'il  prit  la 
chose  d'un  ton  aussi  sérieux  qu'il  le 
devait,  et  qu'il  fit.  un  grand  discours 
sur  les  caractères  de  divinité  qui 
brillent  dans  l'Écriture;  mais  que  les 
assistans  ne  firent  que  s'en  moquer. 
On  ajoute  que  l'abbé  Bourdelot  avait 
fait  accroire  à  la  reine,  que  M.  lio- 
chart  jouait  admirablement  delà  flûte: 
mais  qu  a  moins  d  un  commandement 
absolu  de  sa  majesté,  il  n'en  jouerait 
pas  devant  elle;  et  que  là  -dessus  , 
la  reine  ,  sans  écouter  les  protesta- 
tions d'ignorance  qu'il  lui  redoublait, 
voulut  absolument  qu'il  en  jouilt;  à 
quoi  il  obéit.  J'ai  oui  dire  ces  choses 
et  quelques  autres  de  même  nature 
à  une  infinité  de  gens;  mais,  quand 
j'ai  voulu  les  examiner  de  prés,  je 
n'ai  rien  trouvé  qui  les  doive  rendre 
croyables.  J'en  parle  néanmoins  ici, 
afin  d'empêcher  autant  qu'il  me  sera 
possible ,  que  ceux  qui  entendront 
parler  de  ces  sornettes  n'y  ajoutent 
point  de  foi.  M.  Huèt,  à  présent  évéque 
d'Avraaches,  qui  alla  avec  M.  Bocbart 
en  Suède  ,  a  fait  une  relation  fort  gen- 
tille de  ce  voyage  (6).  Je  l'ai  citée  dans 
la  remarque  (A)  ,  citation  (6)  ,  de  l'ar- 
ticle de  (François)  Blondêl  le  mathé- 
maticien. 

Cette  remarque  était  achevée  ,  lors- 
que le  Ménagiana  m'est  tombé  entre 
les  mains  :  j'y  ai  trouvé  ces  paroles  : 
«  C'était  une  belle  chose  à  voir ,  que 
de  voir  jouer  M.  Bocbart  au  volant 
»  avec  la  reine  de  Suède!  La  reine 
»  l'ayant  pressé  un  jour  d'y  jouer  avec 
»  elle,  il  mit  manteau  bas ,  cl  joua. 
»  Ses  amis  lui  en  firent  la  gu^iii"  ,  et 
;>  lui  dirent  qu'absolument  il  devait 

(6;  Elle  en  en  vers  latins. 


5o[  BOCHIUS 

»  refuser  delefaire  (7).  »  J'y  ai  trouvé    M.  Bochart  eût  publié  ses  recueils  sur 


aussi  que  la  reine  avait  résolu  de  se 
trouver  à  une  assemblée  où  il  devait 
lire  quelque  chose  de  son  Phategj 
mais  que  SI.  Bourdelot ,  pour  le  pu- 
ver  de  cet  honneur,  tàta  le  pouls  à  la 
reine,  et  lui  dit  qu'elle  avait  de  Té- 
motion  ,  et  qu'il  fallait  qu'elle  prit  un 
remède.  Elle  demeura  donc  au  ht  ce 
jour-là.  Si  le  conte  de  la  QiUe  avait  eu 
quelque  fondement ,  on  le  verrait  dans 
le  livre  que  je  viens  de  citer. 

(E)   On  à  joint   des   dissertations  a 

la  nouvelle  édition de  toutes   ses 

autres en  1692."!   M.  Morén  n  a- 

vait  pas  tout-à-fait  tort  de  donner 
quelque  espérance  -Mie  .M  le  Moyne 
publierait  le>  manuscrits  de  M,  Bç- 
chart  ;  car  il  est  certain  qu  il  songeait 
à  cette  nouvelle  édition  ,  et  que 
n'ayant  pas  tout  le  loisir  qu'il  fallait 
pour  entrer  dans  le  détail  de  cette 
entreprise,  il  en  commit  les  soins  a 
M.  de  VillAnandv  ,  en  lui  promettant 
de  l'aider  de  ses  conseils,  et  de  lui 
fournir  plusieurs  lettres  et  plusieurs 
dissertations  de  M.  Bochart.  La  mort 
l'a  empêché  de  s'acquitter  de  cette 
promesse.  Mais ,  d'ailleurs  ,  il  est  cer- 
tain que  M  Moréri  s'est  trompé  lour- 
dement dans  cet  article,  soit  quand 
il  a  dit  que  tous  les  traités  manuscrits 
de  M.  Bochart   étaient    tombés'entre 


une  matière  aussi  curieuse  que  1  est 
celle  dont  M.  Ménage  fait  mention. 
File  roule  sur  certaines  choses  que  l'on 
ne  trouve  qu'une  fois  dans  les  écri- 
vains Mut  ta  esse  in  libris  juris,  ut 
libios  cœteros  taceani,  singularia  ut  que 
ut  grammatici  greeci  loqui  amant  //.o- 
vh'cîi  ,  sive  o-ttcl'C  t*if,xy.hct.  [quo  titn/o  li- 
brum  audio  scripsisse  Samuelem  Bo- 
charlum  )  quis  nescit  [S  ? 

(8)  Menag.  Juris  civilis   Amœnit.  ,   cap   XX, 
pag.çg,  ioo. 

BOCHJUS  (  Jean),  bon  poëte 
latin  ,  et  secrétaire  de  la  ville 
d'Anvers  ,  naquit  à  Bruxelles, 
le  27  de  juillet  1  55  (a).  Il  fit 
ses  premières  études  à  Lire  et 
dans  Aeth,  et  se  distingua  de  ses 
camarades.  Il  «scella  principale- 
ment clans  la  poésie  ;  de  sorte 
qu'on  pourrait  le  nommer  le 
Virgile  du  Pays-Bas  (A)  Il  en- 
tra chez  le  cardinal  George  Rad- 
zivil  ,  et  par  ce  moyen  ,  il  eut 
occasion  d'étudier  en  théologie  à 
Rome  ,  lorsque  Bellarmin  y  ex- 
pliquait les  controverses.  Bo- 
chius  assistait  à    ses  leçons  avec 

en- 


les  mains  de  M.  le  Moyne    soit  quand    beaucoup   d'assiduité.    Il    fit  < 

il  a  dit  qu'une  affaire  ja,  lieuse  avait  1  .,       . 

obligé  M.  le  MovTie  h  sortir  duroyau-    suite  divers    voyages  :  il    vit 


me.  Il  est  de  notoriété  publique,  qu'il 
ne  sortit  de  France,  qu'avec  la  per- 
mission de  la  cour,  et  qu'il  ne  te 
naît  qu'à  lui  de  demeurer  dans  son 
église  de  Rouen  ,  qui  faisait  tout  ce 
qu'elle  pouvait  pour  le  retenir.  Il  ne 
sortit  du  royaume,  que  pour  venir 
prendre  possession  d'une  chaire  de 
théologie  qu'on  lui  offrait  a  Leyde 
depuis  long-temps.  Il  est  vrai ,  qu'en 
ifir4   on  'u'   "'  ""  rnéchant  procès  à 


Pologne 


la 
la  Lithuanie  et  la 
Moscovie.  Ce  ne  fut  point  sans 
de  fâcheuses  incommodités  et 
de  grands  périls  {b)  ;  car  en  pas- 
sant de  Smolensko  à  Moscou  ,  il 
fut  si  maltraité  du  froid,  que 
ses  pieds  se  gelèrent  entièrement. 
On  parlait  déjà  de  les  lui  cou~ 
per,    lorsqu'un    chirurgien    du 


l'occasion  d'une  demoiselle  délaie-     czar  trouva  qu'il  n'en  fallait  pas 

venir  à  ce  remède  :  celui  dont  il 
se  servit  n'aurait  peut-être  point 
procuré  la  guérison  ,  si  un  au- 
tre accident  ne  fût  survenu.  Bo- 
chius  s'était  fait  porter  au  quar- 
tier des  Livoniens  ,    et  il  y  était 

(a)  Valerii  Andréa'  BiM.  belg.,   pag.  i\(jl. 
\b.  Il  enfuit  le  récit  dans  ses  notes  sur  i« 
psaume  CXLYII. 


li<>ion,  qui  ,  étant  sortie  de  chez  son 
père  ,  conseiller  catholique  au  paie- 
ment, s'était  sauvée  en  Angleterre; 
niais  il  est  vrai  aussi  qu'après  quel- 
ques mois  de  prison,  il  fut  remis  plei- 
nement au  premier  état. 

(F)  Je  n'ai  jamais  ouï  parler  d'un 
certain  traite,  que  M.  Ménage  lui 
attribue]  h    serait    à    souhaiter    que 

(-)  Ménagiana,  pag.  34'.)  de  lu  première  e'di- 
fiuit  de  Hollande, 


BOCHIUS.  505 

encore,    lorsque    le    grand-duc  (A)  On  pourrait  te nommer  le  Vir 

Basilides  y  entra   en  armes  pour  Sde  du  Pays-Bas.]  11  faut  que  je  rap- 

le  piller  (B).   Bochius  ,    saisi  de  *?¥)**  P/opres  paroles  de  Valère 

1         ,      ,-   •.     .    -i         '                .  André,     atin    que    Ion     voie   mieux 

peur  ,  s  enfuit  ou  il  put  ;  et  après  avec  quelle  précipitation  Môréricom- 

avoir    été     dépouillé    et    battu  ,  pilait    son   Dictionnaire.    In  poeticd 

s'échappa  des  mains  du  soldat  ,  palmam    cœteris    facile   prœripuit  , 

et  regagna  son  gite  le  lendemain.  adeb  ut  alteru"r  Be¥\  ™stri  f1*™- 
r  t  •  i  »*  j  i  nem  nominare  liceat  (i).  Dans  l'exem- 
Cet  exercice  hâta  de  beaucoup  plaire  dont  je  me  sers,  la  première  let- 
l'effet  des  remèdes.  Etant  retour-  tredu  motirfarônemn'a  pas  bien  mar- 
né en  son  pays,  il  fit  un  poëme  <ïué;à,esorteque,siï,onn!,yregardepas 
qui  plut  tellement  au  duc  de  de  b\en  Pr&.  °nk  peut  facilement 
■A  r  c.  ,  prendre  pour  un  V:  ]emiuaa«me  mie 
Parme  ,  que  ce  prince  ht  donner  ['exemplaire  de  M.  Moreri  a  éulemême 
à  Bochius  la  charge  de  secrétaire  défaut  -}  et  qu'ainsi  ila  été  cause  qu'on 
d'Anvers.  Ce  poëme  était  un  a  lu  raronem  au  lieu  de  Maronem. 
Panégyrique  du  duc  de  Parme,  U"l,essus  on  s'est  souvenu  que  Vairon 
fJ  ?  t  ...  ,.  '  a  passe  pour  le  plus  savant  des  Ro- 
sur  la  prise  de  cette  ville.  Il  a  mains ,  d'où  l'on  a  conclu ,  que  puis- 
depuis  composé  plusieurs  poésies  que  Bochius  a  été  surnommé  le  fanon 
de   COUr  (C)    :    et   enfin,    il    prit  du  Pays-Bas,  il   fallait    le   déclarer 

les  Psaumes    de  David  pour  le  f.è.bre  par  son .fi***0» .  j™  faire 

,         .    .    -,                 ,r            -,  Jane    un    merveilleux    progrès    dans 

principal   sujet  de    sa  plume.  Il  C  intelligence  des  langues  savantes  et 

mourut    avant  que    l'impression  dans  toute  sorte  de  doctrine,  et  ajoti- 

de   ce  qu'il   avait    fait  là-dessus  ter  1U**'  se  forma  très-bien  dans  tou- 

fût  achevée   (c)   (D).     Ce    fut   le  '"  ies  "fc"*»."***"  de  la  contro- 

o  •        •         à        ,  ,\     r?          \  i  verse  »  de  la  jurisprudence  civile  et 

ad  janvier  ibog  irf).    Quant  a  la  canonique  ,  et  de  la  théologie  scoîas- 

P^ie  de  David ,  qu'il  avait  écrite,  tique.    François   Swert ,  qui   l'aimait 

il  la  publia  en    i(io8.  Il  ne  laissa  ef  flni  le  connaissait  trés-partiçulié- 

qu'une   fille.    On  fit  imprimer  à  "j?^*'  T  V'  donne„a"T   W 

A    ,                            r    _           *    _  qui  nous  conduise  a  cette    idée.  Mel- 

Udogne,   en   ibi5,   un  Recueil  chiorAdam,  et   Valère  André,   qui 

de    ses     E pi grammes  ,     de   ses  le  louent  un  peu  plus  ,  ne  nous  y  con- 

Élégies ,  et  de  ses  attires  poèmes  Nuisent  pas   pourtant;    il  s'en    faut 

dispersés;  et  l'on  y  joignit  tout  h^\   .^.  der™'"   "e  dit  pas  même 

r                '                        ;  jv^m.    wui  (ju  ,|   ;ut  elt,  SIlrnomrne    le    Vlrt,,lt.   <J„ 

ce    que    Ion    put     trouver     des  Pays-Bas,  mais  seulement  qu'on  lui 

Vers  de  Jean  Ascagne  Bochius  ,  pourrait  donner  ce  titre. 

son  fils  ,   qui  était  mort  en  Italie  ,  (B),  U  s'etait  /«*  porter  au  quartier 

à  la  fleur   de  sa  jeunesse.  Fran-  tlf^TL   ^"ï  ****?/ 

■    c                      .    '           .  enlia   en   armes  pour   le    piller       La 

çois  Swert ,  qui  eut  soin  de  cette  raison  ou  le  prétexte  de  cette  violence 

édition  ,  nous  apprend  que  Jean  fut  que  le  patriarche  des  Moscovite 

Bochius,  son  bon  ami    avait  été  ^plaignît  au  czar  que  les  Allemands, 

malheureux  en  femme  ;    ce  qui,  ( 
dit-il  ,    est  assez   la    destinée  des 
grands  hommes  (e). 


(c)  Melcluor  Adam,  in  Vilâ  pbilosoph., 
pag.  \ç$. 

d  liUbus  januar.  Idem.,  ibid.  Val.  Audi-., 
Bil.l.  Belg.  ,  pag.  ^6l  Moreri  a  mal  traduit 
cela  parle  i5  de  janvier. 

(e    Mairimonin  implicHus fuit  non  usque-     masculos  animos  enervarent(i) 
aua,,„efclui  ac  concardi     auod  fera    viris         (l)  V«l.  Andrew,  Bibl.  belg.,  pag.  461. 
magms  commune.  Swerlu  Ath.  Belg.,p.3o8.         (a    Mclcl,.  Al,m.  in  Vit,  ,-bilos  ,  pag.  498. 


ceux  «le  Livonie)  ,  efléminaient  le 
courage  des  Moscovites,  et  leur  fai- 
saient dépenser  beaucoup  d'argent 
pour  diverses  sortes  de  breuvagef 
qu  ils  leur  vendaient.  Quasi  Germa- 
nt, in quibus  iÂvones ,  deliciu  Mos- 
chos  corramperent ,  coctUquevariis po- 
ids  generibus  pecunid  emungerent ,  et 


5o6 


BODEGRAVE.  BODIN. 


(C)  //  a  composé  diverses  poésies 
de  cour.']  C'est  ainsi  que  j'appelle  , 
par  exemple  ,  la  Description  des  hon- 
neurs faits  aux  gouverneurs  du  Pays- 
Bas  ,  lors  de  la  prise  de  possession. 
Celle  qu'il  fit  du  voyage  et  de  l'in- 
stallation d'Albert  d'Autriche,  et  de 
son  épouse  l'infante  Isabelle- Claire- 
Eugénie  ,  ne  peut  pas  avoir  été  im- 
primée l'an  ï5g5  ,  comme  l'assure 
Valère  André  ;  car  ils  ne  firent  leur 
entrée  qu'en  i5gg. 

(D)  Il  mourut  avant  que  l'impres- 
sion de  ce  qu'il  avait  fait  sur  les  Psau- 
mes fût  achevée.  ]  C'est  Melchior 
Adam  qui  l'assure  eu  termes  précis 
deux  fois  de  suite  (3).  On  en  pourrait 
néanmoins  douter ,  si  l'on  s'en  rap- 
portait à  François  Swert ,  qui  ne  fait 
nulle  mention  d'aucun  livre  de  Bo- 
chius  imprimé  depuis  sa  mort ,  ex- 
cepté d'un  recueil  de  poésies  diverses. 
Outre  qu'il  remarque  que  les  Obser- 
vations physiques  ,  morales  ,  politi- 
ques et  historiques  de  Bochius  ,  qui 
sont  sans  doute  l'ouvrage  sur  le  Psau- 
tier, furent  imprimées  l'an  1608.  Mais 
quand  on  considère  que  Valère  André, 
dont  l'ouvrage  est  sans  comparaison 
moins  fautif  que  celui  de  François 
Swert ,  donne  à  Bochius  un  ouvrage 
intitulé,  Observalinnes pliysicœ ,  ethi- 
cœ ,  politicœ  et  historicœ  in  Psalmos, 
è  grœcis  latinisque  auctoribus ,  sans 
marquer  l'année  de  l'impression ,  on 
ne  saurait  se  persuader  que  l'année 
1608,  marquée  par  François  Swert, 
soit  bien  marquée;  et  par  conséquent, 
on  s'imagine  qu'il  s'en  faut  tenir  au 
narré  deMelchior  Adam,  tout  comme 
si  l'auteur  des  Alhenœ  Belgicœ  n'a- 
vait rien  dit. 

(3)  Melch.  Adam,  in  Vitâ  philos.,  pag.  498. 

BODEGRAVE ,  village  de  Hol- 
lande sur  le  Rhin.  Je  n'en  parle 
que  pour  corriger  le  Diction- 
naire de  Moréri ,  où  l'on  trouve 
que  c'est  un  bourg  célèbre  par 
la  bataille  que  les  Français  y 
gagnèrent  contre  les  Hollandais 
l'an  1672.  C'est  une  fausseté 
(A).  On  cite  Baudrand  :  c'est 
une  autre  fausseté  (B). 

(A)  Moréri  dit  que  c'est  un  bourg 
célèbre  par  une  bataille c'est  une 


fausseté.]  Il  n'y  a  jamais  eu  ,  ni  ba- 
taille ,  ni  combat ,  à  Bodegrave ,  entre 
les  Français  et  les  Hollandais.  Tout 
ce  qu'on  peut  dire  est  que  sur  la  fin 
de  décembre  16-2,  les  Français  as- 
semblèrent une  armée  considérable 
pour  pénétrer  jusqu'au  cœur  de  la 
Hollande,  à  la  laveur  des  glaces  ; 
mais  qu'un  grand  dégel  ,  qui  survint 
subitement ,  Ips  contraignit  de  renon- 
cer à  leur  entreprise.  Le  dépit  qu'ils 
eurent  de  ce  contretemps  les  porta 
à  des  cruautés  extrêmes  sur  les  ha- 
bitans  de  Bodegrave,  l'un  des  postes 
qu'ils  avaient  occupés-,  et  qu'il  leur 
fallut  abandoner.  On  trouve  le  détail 
de  leurs  barbaries  dans  un  livre  que 
M.  de  Wicqueiort  publia  sur  ce  sujet(i). 

(Bj Moréri   cite   Baudrand. 

C'est  une  autre  fausseté.]  Car  M.  Bau- 
drand ne  dit  pas  que  les  Français  aient 
gagné  une  bataille  sur  les  Hollandais 
en  ce  lieu-là  :  il  dit  seulement  que 
les  Hollandais  y  furent  maltraités 
par  les  Français,  ubi  Belgce  uniti 
maie  habili  f'uéreà  Froncis  anno  16-2. 
On  ne  l'a  peut-être  déjà  dit  que  trop 
de  fois  :  un  traducteur  ,  qui  se  ha- 
sarde de  paraphraser  ,  ou  d'abandon- 
ner tant  soit  peu  son  original  ,  doit 
savoir  à  fond  la  matière  dont  il  s'agit. 
Sans  cela,  il  s'expose  à  des  méprises 
d'autaut  plus  blâmables  ,  qu'il  est 
cause  qu'une  infinité  de  gens  les  im- 
putent à  ceux  qui  en  sont  très-inno- 
cens  ,  je  veux  dire  aux  auteurs  tra- 
duits. Cent  exemples  de  ce  désordre 
pourraient   être  facilement  indiqués. 

(1)  Il  a  pour  litre  :  Avis  fidèle  aux  véritables 
Hollandais. 

BODIN  (Jean),  natif  d'Angers, 
l'un  des  plus  habiles  hommes  qui 
fussent  en  France  au  XVIe.  siè- 
cle, fit  ses  études  de  droit  à 
Toulouse  (a)  ;  et  après  y  avoir 
pris  ses  degrés  ,  il  y  fit  des  leçons 
de   droit,   avec  grand   applau-r 

dis  sèment  de  ses  auditeurs 

(b).  Il  avait  dessein  en  ce  temps- 
là  de  s'établir  à  Toulouse  en 
qualitéde  professeur  en  droit  :  et 
dans  ce  dessein  ,  pour  captiver 

(a)  Ménage,  Remarques  sur  la  Vie  de  P. 
Ayrault,  pag.  <4'- 

,  b)  l'oyez  sa  lettre  latine  à  Pibrac ,  au  de- 
vant de  su  République. 


EOD 

la  bienveillance  des  Toulousains 
il  fit  son  oraison  de  Instituendâ 
in    republicâ   juventute  ,    qu'il 
adressa  au  peuple  et  au  sénat  de 
Toulouse,  et  qu'il  récita  publi- 
quement dans  les  écoles  de  Tou- 
louse. On  a  dit  aussi  que  ,   dans 
ce    même   dessein,  il   fit  l'épi- 
taphe  de   Clémence  Isaure  (c) , 
gravée  à  Toulouse  en  1 55y  ,  sous 
la  statue  de  cette  Clémence  (A). 
Mais  il  préféra  enfin  la  plaidoi- 
rie à  la  jurisprudence  ,  et  quitta 
l'école  de  Toulouse, pour  le  bar- 
reau de  Paris.  Loysel  et  Sainte- 
Marthedisentque  la  plaidoirie  ne 
lui  fut   pas    glorieuse    (B)  ;    et 
c'est  sans  doute  ce  qui  l'obligea 
de  quitter  le  barreau .  pour  s'a- 
donner à  la  composition  des  li- 
vres ,  où  //  réussit   admirable- 
ment.  Il  commença  par  faire 
imprimer  son  Commentaire  sur 
les  livres  de  la  chasse  d'Oppian , 
et  sa  traduction  en  vers  latins  de 
ces   mêmes    livres.   On  l'accuse 
d'y  avoir  été    plagiaire  (C).   Je 
donnerai  dans  une  remarque  la 
liste  de  ses  autres  livres  (D) ,  et 
n'oublierai  point  ce  qui  concerne 
son  Heptaplombres  ,  qui  n'a  ja- 
mais été  imprimée,  et  où    l'on 
prétend  qu'il  débita  beaucoup  de 
choses   impies.   «  Sa    réputation 
>>   d'homme  sasant ,  et  de  bel  es- 
»   prit  le  fit  souhaiter  par  Henri 
»    III  (E) ,    qui    aimait   les  gens 
»   de  lettres,    et  qui  se  plaisait 
»  dans  leur  entretien  (d).  Hen- 
»   ri  III    appela  donc  Bodin  au- 
»   près  de  lui  :  et  comme  Bodin 
»   avait   la   conversation  agréa- 
»  ble;    car  il   avait  une   grande 
»   lecture,    et   il    se    souvenait 

(c)  Institutrice  des  jeux  floraux  de  Tou- 
louse   à  ce  qu'on  prétend  faussement . 

(d  Ménage  ,  remarques  sur  la  Vie  de  P. 
Ayianlt ,  pa j  .   i  |  > 


IN.  5o; 

»  de  tout  ce  qu'il  avait  lu  ;  1  len- 
»    ri  III  se  plaisait  dans  sa  con- 
»   versation.  11  eut  d'abord  tant 
»   de    considération   pour    lui  , 
»   qu'il  fit  emprisonner  Jean  de 
»  Serre  *,  qui  avait  fait  contre 
»   Bodin  un   écrit  injurieux ,    et 
»   qu'il  lui  fit  défense  sur  peine 
»   de  la  vie  de  publier  cet  écrit 
»  (eV  Mais  sa  faveur  ne  fut  pas 
»   de   long,*»  durée.  Ses  envieux 
»   lui   rendirent  aussitôt  auprès 
»   du  roi  de  mauvais  offices  ,  qui 
»   firent    que  le  roi  cessa  de  le 
»   considérer.  Ce  fut  en  ce  ternps- 
>»  là  que ,  se  voyant  caressé  de 
»   François  de  France  ,  duc  d'A- 
»   lençon  et  d'Anjou  ,  frère  des 
»    rois  François  II  ,  Charles  IX  et 
»  Henri  III  ,  il  prit  parti  avec 
»  lui.  Le  duc  d'Alençon  le  fit  son 
»  secrétaire  des  commandemens, 
»   un  des  maîtres  des  requêtes  de 
»  son  hôtel ,  et  son  grand  maître 
»   des    eaux  et  forêts  (*).   Et  il 
»    le  mena  avec  lui  en  Angleter- 
»   re  et  en  Flandres  comme  un 
»   de  ses  principaux  conseillers. 
»  Étant  en  Angleterre ,   il   eut 
»   le  plaisir  et  la  gloire   de    voir 
»   lire  publiquement  dans  l'uni- 
»   versité  de  Cambridge  ses  livres 
»  de  la  République  (Fj,  traduits 
»   en  latin  par  les  Anglais  ;   car 
»   il    les   avait  faits  en   français. 
»   Ce  qui  l'obligea  de  les  traduire 

»   ensuite  lui-même  en  latin 

..  L'Histoire  de  Flandre  remar— 
»  que  que  ce  fut  lui  qui  ron- 
»  seillaau  duc  d'Alençon   de  se 

*  T.eclerc  remarque  que  ['adversaire  rie 
Bodin,  qui  écrivit  contre  sj  République,  et 
fut  emprisonné,  n'est  pas  Jean  de  Serre. 
mais  Michel  de  Serre,  que  Bodin  lui-même 
appelle  pourtant  en  latin  Serranus  qui  est 
le  nom  que  J.de  Serre  a  mis  à  ses  ouvrages. 
(r  Voyez  la  remarque  (0\  cJatïon  69V 
(*  Voyez  l'abné  le  Laboureur,  pag.  385 
de  son  If-   volume  de  Caslclnaa. 


5o8  BODIN. 

)>  saisir  d'Anvers  *•.  Après  la  par  un  aveuglement  du  roi  et 
»  mort  du  duc  d'Alençon ,  arri-  des  conseillers  du  roi ,  ceux  qui 
»  vée  peu  de  temps  après  l'en-  eussent  pu  détourner  cette  mau- 
»  treprise  d'Anvers  ,  Bodin  se  vaise  résolution  n'osaient  rien 
»  voyant  déchu  de  ses  espéran-  dire  ,  il  s'abstint  de  proposer 
»  ces,  songea  à  sa  retraite.  Il  se  son  sentiment,  qui  lui  était  en 
»  retirai  Laon ,  où  il  épousa  »  particulier  préjudiciable,  sans 
une  femme  qui  était  sœur  d'un  servir  de  rien  au  public  (h).  Il  y 
magistrat  (G).  Il  eut  une  charge  eut  des  villes  qui  se  plaignirent 
dans  leprésidial  de  la  même  vil-  qu'il  avait  passé  sa  commission , 
le  (H);  et  ce  fut  apparemment  à  en  s'opposant  à  la  demande; 
cause  de  cette  charge  ■>  qu'il  fut  mais  le  conseil  du  roi ,  qui  exa- 
député  en  \5j6  par  le  tiers  état  mina  ces  plaintes,  le  disculpa 
de  Vermandois  aux  états  de  (i).  Chacun  sait  que  dans  les 
Blois  ;  quoique  dans  la  relation  Ragguagli  du  Boccalin  il  fut 
quil  a  faite  de  ces  états ,  il  ne  condamné  au  feu  comme  un 
prenne  d'autre  qualité  que  celle  athée  ,  notorio  atheista  ,  pour 
de  député  du  tiers  état  de  Ver-  avoir  dit  dans  ses  livres  de  la  Ré- 
mandois  (f).  Il  s'y  montra  bien  publique  ,  qu'il  faut  accorder 
intentionné  pour  les  droits  du  aux  sectes  la  liberté  de  conscien- 
peuple(I),  et  il  a  cru  que  cela  ce  (k).  L'abbé  le  Laboureur,  it 
fut  cause  qu'il  n'obtint  point  une  »  la  page  385  du  IIe.  volume 
charge  de  maître  des  requêtes  ,     »   de  son  Castelnau  ,  a  écrit  qu'il 

»  avait  été  lieutenant  général 
»  de  la  table  de  marbre  (/).  Il 
»  est  constant  que  ,  du  temps  de 
»  Charles  IX  ,  il  lut  procureur 
»  du  roi  *  d'une  commission 
»  pour  les  forêts  de  Normandie 
»  (K).  »  11  avait  été  de  la  reli- 
gion :  cependant ,    en    1 58c)  ,   il 


charge 

qui  lui  avait  été  destinée.  Il  eut 
le  courage  de  s'opposer  forte- 
ment à  ceux  qui  voulaient  que 
tous  les  sujets  du  roi  fussent 
contraints  à  professer  la  religion 
catholique  (g).  Il  représenta  vi- 
vement, que  cette  demande  était 
une    infraction    des    édits  ,    et 

qu'une  telle  infraction  exciterait  persuada  aux  habitons  de  Laon 
nécessairement  la  guerre  qui  de  se  déclarer  pour  le  duc  de 
avait  été  si  souvent  funeste  à 
tout  le  royaume.  La  liberté 
avec  laquelle  il  représentait  ce- 
la ,  lui  fit  beaucoup  d'ennemis  ; 
c'est  pourquoi  ,  ayant  aperçu 
qu'il  y  avait  complot  pour  faire 
passer   cette  demande  ,    et  que 

*  Leclerc  dit  qu'au  contraire  Fodin  n'avait 
pas  été  de  l'avis  du  voyage  en  Flandre;  mais 
il  conjecture  cependant  que  voyant  le  voyage 
entrepris  il  aura  conseillé  l'occupatiou  d'An- 
vers. 

(f)  Ménage  ,  Remarques  sur  la  Vie  de  P. 
Ayrault,  pag.  i/|6. 

(g)  Tluian.,  lil>.  LXIII ,  pag.  i83,  ad 
ann.  1576'.  Voyez  la  remorque  (I). 


Maine  (  L  )  ,  leur  remontrant 
que  le  soulèvement  de  tant  de 
villes  et  de  tant  de  parlemens  , 
en  faveur  de  MM.  de  Guise  ,  ne 

(/;!  M.  de  Thou  s'est  contredit,  et  a  réfuté 
ceci  lui-même.  Voyez  la  remarque  (I),  à  la 
fin. 

{1)  Ex  Thuani  lib-  LXIII.  Voyez  la  re- 
marque (I),  citation  (3iK 

(h)  Ragguagli  di  Paruasso,  cent.  I,  cap. 
LXIV,  pag-.   iq5. 

(Z)  Ménage,  Remarques  sur  la  Vie  de  P. 
Ayrault,  pag-.  Iq6. 

"  Il  lit  à  cette  occasion,  dit  Joly,  un  ma- 
nuscrit cilé  par  M  ont  faucon  et  intitulé  : 
Avertissement  aux  commissaires  pour  la  re- 
formation des  eaux  et  forêts  de  Normandie. 


BODIN.  5o9 

devait  pas  être  appelé  rébellion  que  l'autorité  des  monarques  est 

mais  révolution  (m)  •  et  il fit  im-  illimitée  (P)  ;    mais   il   ne   laissa 

primer  en  ce  temps-là  une  lel-  pas  de   déplaire  aux  esprits   ré- 

tre  sur  ce  sujet  (n) //  mourut  publicains.  Je  crois  que  ce  fut  , 

de  peste  ¥ ,  à  Laon  en  iSçô entre  autres  raisons  ,  parcequ'il 

dans,  sa  soixante-septième  an-  soutint  d'un  côté,  qu'il  y  avait 
née  (M),  et  fut  enterré  aux  Cor—  dans  l'Europe  quelques  monar— 
deliers  de  la  même  ville  ,  comme  ques  absolus ,  et  de  l'autre,  qu'il 
il  l'avait  ordonné  par  son  testa-  n'appartient  à  pas  un  des  sujets 
ment  (o).  Il  avait  été  carme  dans  en  particulier ,  ni  à  tous  en  gé- 
sa  jeunesse,  si  l'on  en  croit  M.  néral,  d'attenter  à  l'honneur  ni 
de  Thou;  mais  M.  Baudri  ,avo-  à  la  vie  de  tels  monarques  ,  soit 
cat  au  grand  conseil ,  et  petit-  par  voie  de  fait,  soit  par  voie  de 
neveu  de  Bodin,  a  dit  plusieurs  justice,  quand  même  ils  auraient. 
fois  affirmativement  à  M.  Mé-  commis  toutes  les  méchancetés , 
nage  ,  que  M.  de  Thou  avait  été  impiétés  et  cruautés  qu'on  pour- 
mal  informé  de  cette  particula-  voit  dire  (s).  Ce  sentiment  ne 
rite  (p).  Il  me  semble  qu'il  y  a  paraît  pas  bien  lié  avec  le  dog- 
autant  d'hyperbole,  dans  les  me  qu'il  avait  aussi  soutenu  ,  que 
louanges  que  Gabriel  Naudé  a  la  puissance  de  ces  monarques  a 
données  h  Bodin,  que  d'injustice  des  bornes  ,  et  qu'ils  sont  obli- 
dans  le  mépris  que  Cujas  ,  Scali-  gés  de  régner  selon  les  lois  :  mais 
ger  et  quelques  autres  lui  ont  après  tout,  on  peut  connaître 
témoigné  (M).  Possevin  n'est  pas  dans  l'une  et  dans  l'autre  de  ces 
le  seul  qui  l'accuse  d'avoir  écrit  doctrines  ,  qu'il  avait  à  cœur  le 
bien  des  choses  qui  sont  con-  bien  public,  la  paix  et  la  tran- 
traires  à  la  religion  (0)  ;  et  il  y  quillité  de  l'état  (Q).  Les  Alle- 
eut  des  gens  qui  le  soupçonné-  mands  se  plaignent  beaucoup 
rent  de  magie  (q),  et  qui  assure-  de  lui  ,  et  le  maltraitent.  Voyez 
rent  qu'il  était  mort  juif  (r).  No-  sur  cela  plusieurs  passages  dans 
tez  qu'il  se  déclara  assez  libre-  les  recueils  de  Magirus  (/),  et 
ment  contre  ceuxqui  soutenaient  dans  ceux  de  Pope  Blount  (y). 
'.,.  m;„,„„  Tf„mi     „.       i«v-j   n  Consultez  aussi  la  Harangue  de 

yin    Menace,  nemarques  sur  la  Vie  de  1J.  .  D 

Ayrauit,  pag.  1 17.  Thomas  Bansius  coutrela  France 

n)  Datée  de  Laon,  du  29  de  janvier  i5go.    rx^  I)  y   a  néanmoins  des  Alle- 

Là  même.  -,  •      l     •         . .    "i  , 

,  c  ,,      •         ,  T  ,  mands     nui     lui     attribuent    1111 

Sur   cette  circonstance,  Joly   rapporte  1 

un  passage  tronqué  par  1m,  d'un  Borbonia-      esprit  et  1111  jugement  SUblimeS  - 

p,«alo«aia0usCnt,etqaiadepuis  été  im-    et   une    tares-grande    érudition. 

prime  dans  le  tome  H  des  mémoires  liislori-        .  i  â  -i 

t/ues,  critiques  et  littéraires  def eu  M.Bruys,      >  oyez    les    mêmes  recueils.      Les 

i7.m,  deux  v,,ium,s  in  12.  Voici  ce  qu'on     Italiens  se  sont  aussi  appliuii  (S  .1 

lit  à  la  page   230  :   •  J.  Bodin   mourut  de  la  ,  -    .  XT  1 

.   pe«e,  à  Laon  enrôlasse»  vieux,  et  ne  le  critiquer.    iNous    en  avons   des 

-  dit  pus    un  mot  de  Jésus-Christ.    Il   avait 

-  écrit  et  croyait  que  ceux,  qui  avaient  passé         (s)  Bodin.de  la  République,  lU>.  II,  <7,<//>. 

-  soixante  ans  ne  pouvaient  plus  mourir  de  V ,  pas;.  3o2 

•   la  p.  sic.  Celte  opinion  est  bien  fausse.  -  ,,   •]  -0t.ias  Magirus,  Eponjna  t.,  pag.   i3; 

(o)  Là  même,  pag.  Iq8.  et  seqq . 

interne,  pag.  ll{l.  .     Pope  Blount ,  Cens,  auctor.  .  ; 

'  oyez  tu  remarque    0),  à  la  fin.  et  scq. 
■    Voyez  ci-dessous  la  citation  (66).  •<■'   Pag.  3oi,  3o2 


5io 


BODIN. 

preuves  dans  les  Discours  politi-       (B)  Loyselet  Sainte-Marthe  ontdit 
ques   de  Fabio  Albergati ,  dont    <P"  <*  plaidoirie  ne  La  fut  pasJo 
(a  méthode  ne  plaisait  pas  trop    ri,ense)  Voyez  ci-dessus  les  paroles 
à  Bonifacio  Vannozzi.  Yovez  le       Antoin*  tqrfel  (3j,  et  joignez-y  ce 
premier  volume  de  ses  Lettres      P    '^         bai"te-Marfh«  =  WeQm 


(jr).  On  fit  à  Bodin  en  Angleterre 
une  réponse  très-ingénieuse  (R), 
qui  pouvait  lui  faire  connaître 
qu'il  n'avait  pas  eu  assez  de  pru- 
dence dans  ses  discours.  Il  avait 
l'estomac  si  bon ,  qu'il  ne  fut  ja- 


passagc  uc  oaiiue-njarriie  :  LSeque 
veroquamscriptis  comparm-eral  exis- 
timationem  prœsentia  sua  minuebat , 
si  quando  infamiliari  hominum  con- 
grtssu  de  qudcunque  re  propositâ  di- 
serte copiosèquedispularet.  Quô  magis 
mirandum  est ,  hominem  eâ  Jacuttate 
prœdilum  inter  nobt.'iores  Curiœ  Pa- 
ri siensis  ndvucatos  locum  oblinere  non 

mais  incommodé  dans  les  vovâees    L°S  •  Prœ?erti%  cùm.  œ9^les  ha- 
«i,M  fit   ~„  ,c\      c         J    o.       bti,el  "lïssonios,  Pascasios,  Pnhœ>s 

quilfit  par  mer  (S).   Son  senti-    et    altos    comptes,  ingènii    lauie 
meut  sur  les  comètes  était  un  peu    Postantes   uiros  ,   qui   amœnioribus 
étrange.  Voyez  la  remarque  (0)     etiam  disc>pt'"is  incumberent ,  nec  eo 
.  .  „      '   ,  i      v    y      minus  cetebriler  infori  luce  versaren- 

(y)  l'ope  BJounr,  Cens.  Auclor.,pae-.iQo    turfi).  enaren 

\\j)  Il  fit  un  Commentaire  sur  Op- 

Plan On  t'accuse  d'y  avoir  été 

plagiaire.]  «  Jacques  Bongars  ,  dans 
»  une  de  ses  lettres  à  Conrad  Ritter- 
»  shusius  ,  commentateur  et   traduc- 
»  teur  d'Oppian  ,  prétend   que  Bodin 
»  avait  compose  cet  ouvrage  des  écrits 
»  deTurnèbe  :  ce  qui  paraît  peu  vrai- 
»  semblable  ,  Bodin  n'étant  pas  moins 
»  savant  que  Turnèbe  :  et.  en    i555 
»  que   Bodin    fit  imprimer   son   Op- 
»  pian,    dont  il  avait  obtenu  le  pri- 
»  vilége    dès    i553  ,    Turnèbe   étant 
»  encore  en    vie  ;  car   il  ne   mourut 
»  ou  eu    i565.    Cependant    Turnèbe 
»  lui-même,    à   la  fin  de  son  édition 
»  d  Oppian  de   1 555 ,  se  plaint  qu'on 
«  lui  a  volé  ses   corrections  sur   cet 
»  auteur.  Septem  ab  hinc  annis  levi- 
»  ter  emendaveram  Oppianum  de  Ve- 
»  nalione  ,  partim  animi   conjectura, 
,     »  partim  libri  veleris  ope.  Eus  emen- 
^      «  dationes  quidam  usurpavit  ,    et  sibi 
»  donavit  :  quas  tamen   non  pulabam 
»  tanti ,  ut  infurtivU  rébus  esse  de- 
»  berent.    Eus  a  nnbis  vindicatas  et 
»  recuperatas  esse  nemo  conqueri  de- 
»  bebit  ;   nain  rerum  jurtïn arum  ,  le- 
»  ge  ,   œlerna    est  auctoritas.   Ce  qui 
»  apparemment    doit    s'entendre    de 
»  Bodin.  Bodin,  de  son  côté  ,  se  plaint 
»  dans  sa  Méthode  de  l'Histoire,  qu'on 
»  s'est  servi  avec  ingratitude  de  son 
»  travail  sur  Oppian.    Quos  ego    de 
»   Kenatione  libros ,  cùm  latinn  versu 
»  et  commentants    illuslrâssem  ,  qui- 


et sui 

(A)  On  a  dit qu'il  fit  l'épita- 

pne  de  Clémence  Jsaure  ,  gravée  sous 
la  statue  de  cette  Clémence]  M.    Me- 
nard  l'assure  dans  ses  Hommes  illus- 
tres d'Anjou  (i)j    mais   Cutel  ,    dans 
ses  Mémoires  de  l'histoire  de  tangue- 
doc,   a  écrit  que  Bodin  ,   estimé  l'au- 
teur de  cette  épitaphe  ,    n'en  était  pas 
l'auteur,  et  que  c'était  Martin  Gascon. 
C'est  ainsi  que  M.  Ménage  s'est  expri- 
mé :  voyons  les  paroles  de  Catel    «   H 
»  n'y  a  personne  qui  doute  que  l'in- 
»  scription  qui  a  été  apposée  au  pié- 
■»  destal  de  ladite  statue  ne  soit  nou- 
»  velle  ,    et   faite    en  l'année    i55^  3 
»  bien  que  l'on   doute  qui  est   celui 
)>  qui  l'a   faite  j  car  quelques-uns  di- 
j>  sent  que  ce  fut    Bodin ,  qui  a  écrit 
3>  le  livre  de  la  République  ,  étudiant 
»  à  Tolose;  les  autres  ,  que  ce  fut  un 
»  nommé     Dutil    avocat    :   mais 
>>  crois  que  ce  fut   un    avocat  no... 
»  mé    maître    Martin  Gascon ,  natif 
»  de  l'île  de  Rhodes,    qui  était  capi- 
»  toul  en  ladite  année,  homme  fort 
j)  bien  disant  en  latin,  suivant  le  té- 
»  moignage  du   docte  médecin  Fer- 
»  lier,   lequel  dans  un    petit  poème 
w  qu'il  a  fait  imprimer  des  excellens 
»  hommes   de   Tolose,     parle  dudit 
»  Gascon  en  cette  façon  : 

»  Ipsaque  de  longis  reçionibus  incfyta  fama 
-  Gasconum   adduxii  Rhodium,    Cicsronii 
alumnum  {2). 

(1)  Ménage,  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Ayiault,  pag.  1^1. 

(2)  Catel  ,  Mémoires  de  l'Histoire  du  Langue- 
doc ,  pag.  4oo. 


(3)  Dans    la    remarque  (\)   de   l'article   de 
(Pierre)  As* av lt  .  citation  (1),  tom.   I. 

(4)  Samniarth. ,  Elog.  ,  Ub.  IF.  pag.  92  ,  93. 


BODIN. 


5n 


j)  dam  grammaticus ,  quantum  libuit 
»  de  meo  labore  detrahcns  ,  iterùm 
■»  pervtdgavil.  Guillaume  Morel  im- 
»  prima  en  la  même  aunée  ■  555  la 
v  traduction  en  vers  latins  des  livres 
«  d'Oppian  de  la  Pêche  ,  et  les  livres 
>;  d'Oppian  de  la  Chasse,  en  prose 
»  latine.  Et  c'est  apparemment  aussi 
v  de  cette  version  des  livres  de  la 
»  Chasse  d'Oppian,  dont  a  voulu  par- 
»  1er  Bodin  (5).  »  Notez  que  la  let- 
tre de  Bongars,  citée  par  AL  Ména- 
ge, se  trouve  aux  pages  8a  et  83  du 
Gallia  Orienlalis.  Elle  est  datée  de 
Francfort,  le  4  d'avril  iGoo.  Le  père 
de  SI.  Colomiés  en  avait  reçu  une 
copie  l'an  1648.  Celui  qui  la  lui  avait 
envoyée  la  tenait  de  M.  Gronovius  le 
père  ,  qui  avait  copié  l'original  à  Nu- 
remberg ,  l'an  iG3a,  chez  Nicolas  Rit- 
tershusius  ,  tils  de  Conrad.  On  voit 
dans  cette  lettre  plusieurs  choses  dés- 
avantageuses à  Bodin.  Ce  qui  con- 
cerne le  plagiarisme  est  conçu  en  ces 
termes  :  Jam  edidisse  illum  lectiones 
Turnebi  in  (Jppianum  pro  suis,  nemo 
noslrorum  ignorât  (6).  Notez  aussi  que 
M.  Ménage  a  donné  pour  le  justifier 
une  raison  qui  n'est  pas  solide.  C'est 
celle  qu'il  fonde  sur  ce  que  Bodin 
n'était  pas  moins  savant  que  Turnèbe. 
Je  crois  qu'à  tout  prendre  il  a  raison  ; 
car  Bodin  sans  doute  était  plus  habile 

3 ue  Turnèbe  dans  la  jurisprudence, 
ans  la  politique,  et  dans  l'histoire 
moderne;  mais  il  lui  était  inférieur 
dans  la  critique  ,  et  dans  tout  ce  qui 
s'appelle  les  humanités;  or  le  livre 
dont  il  s'agit  appartient  à  cette  espèce 
de  science. 

(D) Voici  la  liste  de  ses  autres 

livres.]  il  publia  sa  Méthode  de  l  His- 
toire ,  l'an  i566,  et  son  Discours  sur 
le  fait  des  monnaies  ,  et  Réponse  aux 
paradoxes  de  Malcstroit  touchant  ren- 
chérissement de  toutes  choses  ,  et  le 
moyen  d'y  remédier,  l'an  1 568.  Sa 
République  fut  imprimée  in-Jolio  , 
l'an  1 5^6  ^  ,   et  ensuite  plusieurs  fois 

(5)  Ménage,  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Ayrault  ,  pag.  1^1. 

(6)  Voyez  la  Gaule  orientale  de  Colomiés, 
pag.  83.  Voyez  aussi  les  Lettres  de  Ricluerus, 
pa.<.  2o5. 

*  Joly  meotionne  l'Abrégé  qui  en  fut  publié 
sous  ce  titre  :  Johannis  Aneelii  rf'erdenhagen 
J.  C.  C.  synopsis  .«Ve  medutla  in  sejr  lihros 
Johan.,  Sodini,  Andegavensis,  de  Republicd  , 
ulii  per  quœsttones  otnnta  succincte  et  nervosè 
explicanlur.  Amsterdam,  1.  Jausson  ,  i635, 
in- 12. 


irt-S".  (7),  et  lui  donna  une  très-grande 
réputation.  «  Mornac  en  parle  en  ces 
»  termes  : 

•  Jani  Bodini  gallicam  Bempublicam. 
»    Qui  viderit ,  majus  nihil  f'atebitur 
»   In  erudild  luce  prisci  sœculi. 
-    Galtis  hic  ,  ohm  quod  Quirili  Tullius. 

»  Le  président  de  Thou  ne  parle 
pas  moins  avantageusement  de  cet 
ouvrage  ;  quoiqu'il  parle  de  l'auteur 
moins  avantageusement  :  l'accusant 
de  vanité  ,  qu'il  appelle  le  vice  des 
Angevins  (8).  Opus  magnum  de  Re- 
publicd gallicè  publicavit ,  in  quo  , 
ut  omni  scienliarum  génère ,  non 
tincti ,  sed  imbuti  ingcnii  fidem  fe- 
cit ,  sic  nonnullis  ,  qui  rectè  judi- 
cant ,  non  omnino  ab  oslentationis 
innalo  genli  l'itio  vacuvan  se  proba- 
vit.  Ces  grands  éloges  de  la  Républi- 
que de  Bodin  me  font  souvenir  de 
faire  part  en  cet  endroit  à  nies  lec- 
teurs de  ce  que  j'ai  ouï  dire  autre- 
fois à  M.  Naudé  ,  que  la  Rhétorique 
d'Aristote  ,  la  Poétique  de  Scaliger  , 
la  Sagesse  de  Charron  ,  et  la  Répu- 
blique de  Bodin  ,  étaient  de  tous 
les  livres  ceux  qui  étaient  faits  avec 
le  plus  d'art.  En  i5y8,  Bodin  pu- 
blia ses  Tables  de  droit ,  intitulées  : 
Jurisuniversi  Distributio.  Elles  sont 
imprimées  à  Lyon  ,  par  Jean  de 
Tournes  ,  pour  Jacques  Dupuy  ,  li- 
braire de  Paris.  Dans  la  Dédicace 
de  la  Méthode  de  l'Histoire  il  fait 
mention  de  cet  ouvrage  de  droit  eu 
ces  termes  :  Juris  unifersi  formant 
sic  adiunbrai'imus  in  tabula  quant 
tibi  cxhibuimus  speclandam  ,  ut  ab 
ipsis  caussis  summa  gênera  ,  gene- 
rumque  partitionem  ad  infima  de- 
duceremus  :  ed  tamen  ratio  ne  ,  ut 
omnia  membra  inter  se  apta  cohœ- 
rerenl.  In  quo  verissimè  à  Platane 
diclum  iniellexi  ,  tuhil  dijficilius  ac 
divinius  ,  quant  rectè  partiri.  11  fit 
ensuite  ,  en  1  579  ,  sa  Demcnoma  ■ 
nie  îles  sorciers  ,  qu'il  adressa  à 
Christophle  de  Thou,  premier  pré- 
sident du  parlement  de  Paris  :  à  la 
>  lin  de  laquelle  il  ajouta  une  Réfii- 
i  ttition  du  livre  de  Lamiis  de  Jean 
IVier ,  médecin  du  duc  de  Clèves  *. 

(7)  Voyez  la  remarque  (X) ,  citation  (48). 

(8)  M.  Ménage  se  trompe  ,  car  M .  de  Tbon 
veut  parler  des  Français  en  général,  et  non  pas 
des  Angevins  en  particulier. 

*  L'épîlre  dédicatoire  étant  datée  du  20  dé- 
cembre >'~Ç).  le  livre  ne  peut  guère    avoir  été 


5l2 


BODIN. 


»  Il  avait  fait,  en  15^6,  une  Relation 
»  des  états  de  Blois.  Cette  relation 
»  a  été  imprimée  ,  mais  sans  le  nom 
»  de  son  auteur.  Et  il  fit  peu  de  temps 
»  avant  sa  mort  son  Théâtre  de  la 
»  nature  universelle.  O.utre  tous  ces 
»  livres  ,  il  a  fait  un  Dialogue  des 
»  religions  ,  qui  n'a  point  encore  été 
»  imprimé  ,  intitulé  Heptaplomer/tn  , 
»  su>e  de  abdilis  rerum  sublimium  ar- 
»  canis.  11  donne  dans  ce  Dialogue  l'a- 
»  vantage  à  la  religion  juive  ;  ce  qui 
»  a  fait  croire  à  plusieurs  personnes 
»  qu'il  était  juif...  Dans  sa  Méthode 
»  de  l'Histoire  ,  au  chap.  6  ,  il  fait 
»  mention  de  son  livre  de  Decretis. 
»  Sed  hœc  uberiùs  in  libro  de  De- 
3>  cretis  disscruimus.  Ce  livre  n'est 
»  pas  imprimé.  Il  ordonna  par  son 
»  testament  ,  dont  j'ai  vu  l'original  , 
»  ipie  ses  livres  de  hnperio  ,  et  Juris- 
»  dictione  ,  et  Lcgis  actiombus  ,  et 
»  Decretis ,  et  Judtciis  ,  seraient  brû- 
»  lés  :  ce  qui  fut  fait  avant  sa  mort 
»  eu  sa  présence.  Auger  Ferrier  ,  de 
»  Toulouse  ,  médecin  et  astronome  , 
«  et  Jean  de  Serre  de  Montpellier  , 
»  et  Pierre  de  l'Hostail  ,  écrivirent 
»  contre  lui.  11  leur  répondit  sous  le 
»  nom  de  René  Herpin  ,  qui  était  un 
»  homme  de  la  ville  d'.Angers  (  9  ).  » 
M.  Teissier  lui  attribue  la  version  fran- 
çaise de  la  Harangue  latine  ,  que 
Charles  des  Cars ,  évêque  de  Langres 
fit  aux  ambassadeurs  de  Pologne  , 
dans  la  ville  de  Metz,  l'an  i^fi  (10)  , 
et.  Consilium  de  principe  rectè  insli- 
tuendo  ,  et  Paradoxon  quod  nec  vir- 
tus  ulla  in  mediacritute  ,  nec  sum- 
mum hominis  bonum  in  virlulis  nr- 
tione  consistere  possit  ,  et  Historica 
narratio  projectionis  et  inauguratinnis 
Alberti  et  Isabellœ  Auslriœ  archidu- 
cum  ,  et  eorum  in  Belgio  adventiis 
(11).  Il  se  trompe  ,  à  l'égard  de  ce 
dernier  livre  5  car  Bodin  mourut 
avant  ce  voyage  de  l'archiduc  Albert , 
et  de  l'infante  Isabelle-Claire-Eugénie. 
Quant  au  manuscrit  que  M.  Ménage 
nomme  Heplaplomeron ,  etc.,  et  du- 
quel M.  Huet  a  parlé  dans  sa  Démon- 

publié  que  l'année  suivante  ,  dit  Daviil  Clément. 
L'édition  de  1578,  cilée  par  Nice ron  ,  est  doue 
imaginaire. 

(i)|  Ménage,  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Ayrault ,   pag.   \\i  ,  \l(i. 

(10)  Du   Verdier  Vau-Piivas   en  fait  mention 
a  tapage  654  ''e  *a  Bibliothèque  française. 

(11)  Teissier,    Addil.    aux  Eloges ,  lom.  II, 
pag.  aaj9' 


stratio  evangelica  comme  d'un  livre 
abominable  (12) ,  je  vous  renvoie  aux 
Nouvelles  de  la  République  des  Lettres 
(i3)  ,  et  je  fais  cela  pour  éviter  les  re- 
dites. M.  Teissier  s'abuse  quand  il 
dit  que  M.  Diecman  a  publié  cet  ou- 
vrage de  Bodin  à  l.eipsic  (  >4  )  H  fal- 
lait dire  que  l'on  trouve  beaucoup  de 
particularités  concernant  ce  livredans 
un  Schtdiasma  inaugurale  de  Natu- 
ra/ismo  ,  lùm  aliorum  ,  tùm  maxmc 
Joannis  Bodini  ,  que  M.  Diecman  fit 
imprimer  l'jjn  i683  a  Kiel  ,  et  qui  fut 
réimprimé  à  I  eipsic  l'année  suivante, 
1/2-12  :  on  l'a  réimprimé  à  Iene,  in-^°., 
l'an  1700  (*). 

(E)  Sa  réputation  d'homme  savant 
et  de  bel  esprit  le  Jit  souhaiter  par 
Henri  III  ]  M.  de  Thou  rapporte  cela 
d'une  manière  qui  est  fort  glorieuse  à 
Rodin.  Dùm  hœc  scriberet  ,  à  rege 
Henrico  11/  ,  qui  litteratis  descrip* 
tionibus  pe.r  olium  oblectabalur  ,  ad 
Jamiliare  secrelum  cum  plcrisque  aliis 
viris  doctis  sœpiùs  est  admissus ,  mag- 
namqne  laudem  ex  iis  repnrtavit  , 
quippè  qui  ingenium  in  numeralo  ha- 
berel  ,  et  paratam  ad  omnia  ,  quœ 
proponerenlur,  pulcherrunarum  rerum 
copiant  qud  pollebat  acri  memor'ul ej- 
Junderet  (i5).  CYst-à-dire  ,  selon  la 
version  de  M.  Teissier  :  <c  Pendant 
»  qu'il  travaillait  à  ce  livre  ,  le  roi 
»  Henri  III ,  lequel  aux  heures  de  son 
m  loisir ,  prenait  plaisir  dans  la  con- 
»  versation  des  savans  ,  s'entretint 
»  diverses  fois  avec  lui  en  présence  de 
»  quelques  hommes  doctes,  et  ces  con- 
»  férences  lui  acquirent  beaucoup  de 
»  gloire  ;  car  comme  il  avait  l'esprit 
»  présent  ,  et  que  ,  s'il  faut  ainsi  dire  , 
»  il  avait  en  argent  comptant  toutes 
}>  les  richesses  de  son  esprit  ,  il  éta- 
»  lait  une  incroyable  abondance  de 
»  choses  curieuses  ,  que  son  excellente 
»  mémoire     lui    fournissait     sur    le 

(12)  M.  Ménage  en  cite  trois  passages  dans 
ses  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre  Ayrault, 
pag.  i43. 

(i3)  Mois  de  juin  1684. 

(»4)  Teissier,  Addit.  ans  Éloges,  lom.  II, 
pag.  25o  ,  édition  de  l6qtï. 

(*)  Bodin  ,  comme  on  sait  ,  avait  suivi  le  duc 
d'Anjou  dans  les  P.iys-Bas.  Busbeck  ,  lpît.  XV 
de  son  Ambassade  de  I  rance .  dit  que  des  trois 
diverses  Relations  qui,  en  i583,  parurent  pres- 
que en  même  temps  de  l'entreprise  de  ce  duc 
sur  Anvers,  la  seconde  qui  était  en  français,  et 
en  forme  de  lettre,  passait  pour  être  de  Bodin. 
Rem-  crit. 

(i5)  Tbuan.,  lib.  CXVII,paS.  771. 


BODIN. 


5i3 


»  champ.  »  Cette  narration  de  M.  de 
Thon  renferme  un  anachronisme,  que 
RI.    Ménage    aurait  dû    rectifier  ,    et 

qu'au  contraire  il  a  adopté.  M.  de  Thon 
prétend  que  la  laveur  de  liodin  au- 
près d'Henri  JII  durait  encore,  quand 
cet  auteur  composait  la  Démonoma- 
nie. Il  suppose  aussi  que  Bodin  ,  se 
sentant  disgracié  ,  s'attacha  au  duc 
d'Alençon  ,  et  obtint  chez  lui  un  rang 
honorable.  C'est  confondre  les  temps. 
Il  n'entreprit  le  livre  intitulé  de  la 
Démonomanie  des  sorciers  ,  qu'en  con- 
séquence d'un  jugement  qui  avait  été 
conclu  contre  une  sorcière  ,  et  auquel 
il  avait  été  appelé  le  3o  d'avril  1578 
(16)  ,  et  il  était  maître  des  requêtes 
et  conseiller  du  duc  d'Alençon  dès  Tan 
1571  (17).  Nous  verrons  ci-dessous (i  8) 
un  passage  de  M.  de  Thou  ,  qui  nous 
apprendra  que  la  conduite  de  Bodin 
aux  états  de  Blois  ,  l'an  1576  ,  lui  lit 
perdre  les  bonnes  grâces  du  roi. 

(F)  II  eut  le  plaisir  et  la  gloire  de 
voir  lire  publii/uemeiit  dans  l  univer- 
sité de  Cambridge  ses  libres  de  la  Ré- 
publique. ]  J'ai  observé  bien  des  fois 
que,  pour  réduire  à  leursjustes  bornes 
les  idées  que  les  auteurs  nous  inspi- 
rent touchant  la  prospérité  glorieuse 
des  gens  dont  ils  parlent  ,  il  faut  con- 
sulter la  personne  même  qu'ils  ornent 
avec  tant  d  éclat  :  il  arrive  ,  qu'encore 
qu'elle  se  soit  fait  bonne  mesure  , 
elle  fournit  de  quoi  redresser  les  hy- 
perboles de  ses  historiens.  Bodin  n'en 
sera  pas  ici  un  exemple  aussi  clair 
que  je  voudrais  ;  mais  cependant  je 
puis  dire  que  ses  expressions  ne  sont 
pas  aussi  précises  que  celles  de  Sainte- 
Marthe.  Voici  ce  qu'il  dit  :  Tamelsi 
nova  occasione  ad  id  (19)  maiimè  im- 
jtulsus  essem  ,  cura  Londini  Olybium 
gallum  hominent  in  privalis  illustrium 
virorum  œdibus  ;  alium  item  apud 
Cantabriges  in  ipsd  acadeimd  dtjjicili 
ac  mnlesld  ratione  singlis  lltmpubli- 
cam  noslram  interprelari  comperissent 
(30).  Ceux  qui  savent  que  ,  dans  les 
collèges  des  universités  d'Angleterre  , 
il  y  a  des  leçons  de  chambre  ,  et  des 

(16)  Bodin,  préface  de  la  Démonomanie. 

(17)  JUem,  île  Rep.iblicâ,  lib.  I  ,  cap.  X, 
pa±,.  255,  edit.  Vrsell. ,  ann.  1601. 

(18)  Pan<  la  re'naraue  (l). 

(if))  C'est-à-dire ,  à  mettre  en  latin  ton  ou- 
vrage de  la  République. 

(20)  BoJinus  ,  epist.  dedical.  libroi  ■  de  Repu- 
blicâ  edilionis  laltnce. 

TOME  in. 


leçons  publiques  ,  trouveront  que 
Sainte-Marthe  s'est  plus  avancé  que 
Bodin  ;  car  il  décide  que  la  Républi- 
que de  Bodin  était  expliquée  à  Cam- 
bridge dans  ks  auditoires  publics  : 
Quem  (  Andium  ducem  )  in  Angliam 
secutus  ,  cùm  illic  e  suggkstu  publico 
sua  scripta  jwenibus  enarrari  compe- 
risset  ,  ex  hoc  inusilatcv  i^lnriola;  pro- 
venlu  non  mediocrem  figiliarum  sua- 
ittm  jructum  sibi  visas  est  collegisse 
(•21).  M.  Ménage  a  suivi  la  même  idée. 

(G)  //  se  retira  h  Laon  ,  où  il  épou- 
sa la  sœur  d'un  magistrat.^  «  II  épou- 
»  sa  Françoise  Trouilliart,  veuve  de 
»  Claude  Guyart,  contrôleur  du  do- 
»  maine  du  roi  en  Vermandois  ,  et 
»  sœur  de  Nicolas  Trouilliart,  procu- 
»  reur  du  roi  au  bailliage  et  siège 
»  présidial  de  Laon.  Les  articles  de 
»  son  mariage  sont  du  25  février 
»  ^76  (22  ).  »  Cette  date  montre 
qu'il  est  nécessaire  de  rectitier  la 
récit  de  RI.  Ménage.  Je  m'y  suis  ac- 
commodé ;  mais  c'était  dans  la  pen- 
sée d'en  faire  voir  ici  le  défaut.  M. 
Rlénage  suppose  que  l'an  1576  est  pos- 
térieur aux  voyages  que  tit  Liodin  avec 
le  duc  d'Alençon  en  Angleterre  et  au 
Pays-Bas  :  il  prétend  même  que  cette 
année-là  est  postérieure  à  la  mort  du 
duc  d'Alençon  -  mais  c'est  une  grande 
fausseté.  Ce  duc  alla  en  Angleterre  l'an 
1579.  N  y  retourna  l'an  i582.  Il  entre- 
prit de  se  rendre  maître  d'Anvers  l'an 
i583  ,  et  il  mourut  l'année  suivante. 
Il  fallait  donc  dire  ,  non  pas  que  Bo- 
din ,  déchu  de  ses  espérances  après  la 
mort  de  ce  prince  ,  se  retira  à  Laon  , 
et  s'y  maria  ;  mais  qu'il  retourna  chez 
Lui  à  Laon  ,  où  il  s'était  marié  l'an 
1576.  Notez  qu'il  eut  trois  enfans  de 
son  mariage,  deux  garçons,  Élie  et 
Jean  ,  et  une  fille.  Il  survécut  à  Élie  , 
et  Jean  mourut  jeune,  sans  avoir  été 
marié.  La  fille  tomba  en  démence  ,  ne 
lut  jamais  mariée  ,  et  vécut  plus  de 
quai  ie- vingts  ans  (33). 

(II)  Il  eut  une  charge  dans  le  j<r,- 
sidtal  de  Laon.  ]  «  Le  présidi  nt  d.- 
»   Thou  dit  qu'il  y  fut    ]i,ii<,  i,,n  ' 

nei  al.  C'est  auliv.  CXVN  de  son  \\\,- 
»  toire.  M.  .Menard  .  dans  ses  llom- 
»  mes  illustres  d'Anjou  ,  dit  qu'il  y 
»  fut  procureur  du  roi.  M.  Joly,  dans 

(21)  Sammartb.,  Elog.  ,  lib.  IK,  pag.  g3. 
(aa;  Ménage,  Remarques  sur  la  Vjerle    PïrrrL- 
Ayrauli  ,  pag.  i.'('l 

(ii)  Idem,  ibid.,  paç.   \\-  ,  i  js'. 

33 


54 


EODIN. 


j>  ses  Notes  sur  le  Dialogue  des  avo-  tamen    a    populL     commuais     oaldc 

»  cats  de  Paris  de  Loysel  ,  et  M.    de  aliéna  :  ego  ad  collegium  pontificùm 

»  Mézerai    ,    dans    son    Histoire    de  et  patrilios  ire  jus sus ,  ordinis  nostri 

»  France  ,  disent  qu'il  y  fut  avocat  du  decreto  ,  illos    a  propositd  suscepld- 

»   roi.  Sainte-Marthe  ,  dans  l'Eloge  de  que  scntentid  deduxi.  Cùm  verb  prœ- 

}>   Bodin  ,    dit,    en  général,   qu'il  y  dia  publica  sub  hastd  vendere  ,  el  qui- 

»  exerça  une  charge  de  magistrature,  dem  alienatione  sempiternâ  ,    ac  tri- 

»  li  est  certain  qu'il  y  fut  procureur  buta  duplicare  specie  levandœ  plebis 

»  du  roi,  en  la  place  du  sieur  Troail-  propositumessel,  idque  modis  omnibus 


■»  liait  son  beau-frère.  11  dit  dans  son 
»  testament ,  qu'il  est  un  des  plus 
■»  pauvres  procureurs  du  roi  de 
»  France  (i^)-»  Notez  que  M.  de  Thou 
suppose  qu  il  n'eut  la  charge  de  lieu- 
tenant général ,  qu'après  la  mort  du 
duc  d'Alençon. 

(1)  Aux  états  de  Blois  ,  il  se  montra 
bien  intentionné  pour  les  droits  du 
peuple.  ]  «  Il  y  remontra  avec  une  li- 
ai berté  gauloise  ,  pour  user  des  ter- 
»  mes  de  M.  de  Mézerai  ,  que  le 
»  fonds  du  domaine  royal  apparte- 
»  nait  aux  provinces  ,  et  que  le  roi 
«  n'en  était  que  le  simple  usager.  Ce 
»  que  le  roi  Henri  111  ne  trouva  point 
v  mauvais  ,  disant  que  Bodin  était 
»  homme  de  bien.  Voyez  la  relation 
»  de  Bodin.  11  y  remontra  autsi  que 
»  les  députés  de  deux  corps  ne  pou- 
»  vaient  rien  décider  au  préjudice  du 
»  troisième  ,  et  sur  sa  remontrance 
»  les  députés  de  l'ordre  ecclésiastique 
»  et  les  députés  de  la  noblesse  ,  qui 
«  avaient  été  d'avis  contraire  ,  chan- 
»  gèrent  de  sentiment  ;  ce  qui  fit  dire 
»  au  roi  Henri  III  ,  que  Bodin  avait 
»  été  ce  jour-là  le  maître  des  états. 
5>  Voyez  le  chap.  7  du  liv.  III  de  la  Ré- 
»  publique  de  Bodin  (a5).  »  Voyez 
aussi  la  lettre  latine  qu'il  écrivit  à  Pi- 


brac  ,  et  qui  se  trouve  au-devant  des    antea  fuisse 

.-,■.■  r    ■ J 13  ' ui: .  J 


tentaretur ,  nos  tanto  studio  intercessi- 
mus  ut  cùm  nihil  obtineri  potuisset ,  rex 
ipse  ,  Homaro  Burdegalensiùm  prœ- 
side ,  Dureto  prœside  Molineorum  , 
Jiipuarir,  Aquilaniœ  sindyco  ,  ac  ple- 
risque  aliis  nudieniibus  dixerU  ,  Bo- 
dinum  ab  ejus  commodis  non  modo 
dissentire  ,  verhm  etiam  collegaruin 
l'oluntates  ac  studia  à  se  avertere  con- 
suésse.S'i  tamen  procurator  regius  tune 
fuissent  ,  non  aliter  sentirent  ;  quia 
necesse  est  si  lien  intumescal  ,  ut  ca- 
put  ipsum  ,  ac  caetera  membra  conta- 
bescant.  Quid igitur  facere  decuil  ple- 
bis legatum  r  Cùm  aillent  nullis  ille- 
cebris  Jlecti  poluissem  ,  omnes  penè 
firomunduorum  limitâtes  ,  quœ  me 
absentent  ,  et  certc  repugnantem  cnm- 
munibus  sufftagiis  elegeranl  ,  litle- 
ris  quorumdam  persuasœ  ,  procurato- 
res  ad  com'enlus  miserunt  ,  ut  JJodi- 
num  ,  sijieri  posset ,  a  susceptd  lega- 
lione  revocarent  ,  quasi  qui  duplices 
in  republied  religiones  lueretur  :  sed 
non  priits  procuralorias  tabulas  in  co- 
mitio  aperueranl  ,  quant  sumnid  cum 
ignominiâ  explosij'uére.  Ex  eo  tamen 
quantum  delrimenti  meis  rationibus 
allatum  sit ,  satis  intell igunt ,  qui  sœ- 
piùs  audierunt  libelloram  in  regid 
inagistrum  me  designatum  h  principe 


éditions  françaises  de  sa  République  : 
vous  y  trouverez  ce  qui  suit.  lies  ipsa 
planum  fecit  ,  me  in  legatione  ad 
Galliœ  comentus  pro  populi  commo- 
dis advenus  polenliorum  opes  ,  non 
sine  capilis  mei  periculo ,  dimicavisse  : 
ac  primùm  omnium  ne  bella  civilta  , 
popului'is  fundi  calamilas  ,  renovaren- 
tur  ,  acerrimè  reslitisse  .'  deindè  auc- 
torem  fuisse  ne  quis  è  numéro  legalo- 
rum  cooptaretur  ,  qui  populi  rogatio- 
nibus  judicandis  mteresset  :  contra 
quant  ab  omnibus  ordinibus  und  om- 
nium t'oce  decrelum  erat,  cùm  rcs  ipsa 
popularis  ac  speciosa  viderctur  ,  esset 

(24)  Ménage  ,    Remarques   sur   la  Vie   de   P. 
Ayrault  ,  pag.  147  ,  i4". 
•(25)  LU  mtu.e. 


Ce  que  M.  de  Thou  narre  touchant, 
ces  mêmes  choses  est  très-glorieux  à 
Bodin.  11  dit  que  les  cahiers  des 
états  ayant  été  présentés  au  roi  ,  on 
proposa  au  tiers  état  de  nommer 
douze  commissaires  qui  assisteraient 
à  l'examen  qui  serait  fait  de  ces 
cahiers  au  conseil  du  roi  (26 ).  On 
avait  agréé  cela  au  commencement  ; 
mais  la  chose  ayant  été  de  nouveau 
examinée  ,  Bodin  opina  qu'il  ne  fal- 
lait point  en  user  ainsi  ,  et  conseilla 
à  ses  collègues  de  ne  nommer  aucun 
député  ,  et  de  s'opposer  aux  députa- 
tions  que  le  clergé  et  la  noblesse  vou- 
draient faire.  Il  fut  envoyé  aux   deux 

(2G)  Tluiar..  ,  lib.  LXUI  ,  yag.  187. 


BODIN.  5i5 

autres  chambres  ,  et  leur  fit  voir  par  conseil  du  roi  ,  quand  quelques  villes 

plusieurs  raisons  le  péril  qu'il  y  avait  se  plaignirent  île  ce  qu'il  avait  com- 

à  commettre  à  un  petit  nombre  deper-  battu  la  proposition  de  ne  point  souf- 

sonnes  la  décision  de  ce  qui  avait  été  frir  deux  religions  dans  le  royaume- 

demandé  par  tous  les  trois  ordres  du  Homines  à  Jactiosis  sitbornali  vene- 

royaume  ;  que  quand  même  les  corn-  runl  ,  qui  Bodinum    contra    mandata 

raissaires  qu'on  nommerait  seraient  à  sua  intercessisse  dicerent  ,   quibus  in 


l'épreuve  de  la  corruption  ,  la  pré- 
sence du  roi  pourrait  les  intimider  , 
les  brigues  et  les  instances  des  courti- 
sans  pourraient  les  séduire.  On  lui  ré- 
pondit ,  il  répliqua  ,  et  enfin  il  gagna 
sa  cause  par  la  fermeté  avec  laquelle 
il  fit  entendre  que  le  tiers  état  s'oppo- 
serait aux  de'pïitations.  Henri  III  fut 


consislorio  regin  uuditis  nihilominiis 
pronuncialum  est ,  Bodinum  nihil  nisi 
rectè  fecissti  (3i).  Cela  fut  antérieur 
aux  deux  affaires  dont  M.  de  Thon 
vient  de  nous  parler  ,  et  qui  firent 
perdre  à  Bodin  les  bonnes  grâces  de 
Henri  III.  Remarquons  aussi  une  con- 
tradiction de  M.  de  Tbou.  Il  dit  dans 


fort  fâché  de  cela  ,   et  en   voulut  du    la  page  1 83,  que  Bodin  ayant  aperçu 


mal  à  Bodin.  Itaque  rex  Bodinum  , 
<juem  unicè  diligebat  ,  et  ob  tarant 
eruditionem  ac  multamvariarum  rerum 
experientiam  ,  dum  cibuni  caperet ,  li- 
benter  audiebat  ,  ab  eo  tempore  non 
tant  benigno  vullu  dignatus  al  ,  quôd 
ordinibus  prions  sententiœ  mutandœ 
auctor  extitisset  ,  et  eâ  in  re  quantum 
<id  circumagenda  ordinum  ingénia  mo- 
menti  haberet  ,  minus  grato  régi  ei  pe 


(pie  ses  remontrances  contre  les  com- 
plot s  de  ceux  qui  voulaient  enfreindre 
les  édits  de  pacification  seraient  inu- 
tiles ,  s'abstint  de  parler  sur  cette  ma- 
tière. Ciini  l'ideret  homo  futuri  provi* 
dus  ,  conjuratione  factd  eô  animos  in- 
clinare  ,  et  fatali  régis  ac  consiliario- 
runt  ejus  cœciiale  ejjici ,  ut  ab  Mis  , 
qui  prohibera  polerant  ,  prœposterd 
prudenlid  in  eâ  re  dissimutarelur ,  hu- 


rimenlo   docuisset    (27).  Ce  prince  lit    jusmodi  publicis  sibi  pemiciosis  et  in 

publicum  nihil  proj'uluris  admonition^ 
bus  deinceps  abstinuit  (3a).  Mais  dans 
la  page  188  ,  il  nous  apprend  que  ce 
même  jurisconsulte  s'opposa  vigou- 
reusement  à    la    faction    de   .MM.  de 


représenter  aux  états  la  nécessité  ou 
il  était  d'aliéner  une  partie  de  son  do- 
maine :  Necessitate  ,  quœ  potentissi- 
mum  telum  est  ,  urgente  ,  id  licere 
contenderet  ,    quippè  <  um   constet  sa- 


lutem  populi  supremam  legem  esse  de-    Guise ,  lors  même  que  les  cahiers  des 

iiere  (a8)  ;    mais  ils    rejetèrent    cette     états  avant   été  présentés  au   roi,   il 

imposition  :   et  ce  fut  Bodin  qui  les    semblait  que  la  commission  des  dépi 


v  détermina  principalement  ;  car  les 
plus  considérables  députés  ,  corrom- 
pus par  îles  promesses  ,  chancelaient 
déjà.  Pessimum  de  domanio  affectake 

necessilatis  obtentu  alienando  com- 
mentuni  ,  Bodino  prœcipuè  auctore 
(  nam  prœcipui  jaiu  promissis  corrupli 
nutabant ,  )  évanuit  ,    qund ,  si  locum 


tés  était  expirée.  L  opposition  roulait 
sur  le  dessein  de  renouveler  la  guerre 
contre  ceux  de  la  religion.  Les  parti- 
sans du  duc  de  Guise  avaient  gagné  le 
clergé  et  la  noblesse  :  ces  deux  corps 
formaient  souvent  des  conventicules 
pour  éloigner  les  proposi fions  de  paix. 
Bodin  ,   qui  ,  à  cause  que  les  deput.  s 


tune  habuisset ,  sub  principe  profuso  ,     de  Paris  étaient  absens,  se  voyait  alor 
_    ■ .     >      /  /      -  1  .  r  •     _.    t \      ï  _     -\  1..   ».A.»rt  .1.,  *;^...-  .a..f      o'«..« — «  


misère  dilapidatum  fuisset  (29).  Le 
même  Bodin  résista  courageusement 
aux  cabales  des  partisans  de  MM.  de 
Guise  ,  qui  voulaient  faire  conclure 
la  guerre  contre  les  huguenots  (3o). 
Inférons  de  ceci  que  M.  de  Mézerai 
se  trompe  ,  quand  il  assure  que  le  roi 
loua  les  oppositions  de  Bodin  à  l'alié- 
nation du  domaine.  Il  confond  deux 
choses  qu'il  aurait  du.  distinguer.  La 
conduite  de    Bodin  fut  approuvée  au 

an)  Idem  ,   ibid. 
(s8)  Idem  ,  Ibidem. 

Tdem,  ibidem,  pag.  188,  col.  1. 
io)Idemt  ibidem  ,  col.  2. 


à  la  tète  du  tiers  état  ,  s'opposa  avei 
beaucoup  de  courage  à  ces  pratique 
(33)  ;  et  quand  on  lui  dit  que  la  chose 
avait  été  ainsi  résolue  dans  les  états 
et  que  l'assemblée  n'avait  plus  d'au- 
torité ,  •'  Vous  êtes  donc  des  rebelles  , 
leur  répondit-il  hardiment,  «  puisque 
»  vous  reconnaissez  que  vitre  dé- 
m  putation  est  liuie  ,  et  que  tous 
m  ne  laissez  pas  de  von-,  assembler; 
»  mais  je  suis  d'un  autre  avis  :  nous 
■  pouvons    encore   présenter    au  roi 

(30  Idem  ,  ihidun  ,  ptig.  iS3. 

•     X >i>'in  ,  ibidem. 
(33)  Summàjidunid  intercesn  ,  ibid.  ,  p.  18?. 


5i6  BOD 

»  une  requête  :  les  assemblées  où 
j>  l'on  traitait  de  la  paix  à  Rome  pou- 
»  yaient.  être  moins  solennelles  que 
»  celles  où  il  s'agissait  de  commencer 
»  une  guerre  .  »  El  cùm  illi  ita  in  co- 
miliis  conventunt  dicerent ,  et  postula- 
tis  semel  régi  oblatis  nullas  nrdinum 
partes  esse  ,  quippè  extinclis  manda- 
lis  ,  audacter  respondit  ,  in  perduel- 
lionis  crirnen  ipsos  incurrere  ,  qui  cùm 
potestatem  agendi  vel  propriâ  conjes- 
sione  non  habeanl,  lamen  quotidiè  con- 
venticula  célèbrent  :  verùm  se  aliter 
censere  ,  et  licere  adhuc  régi  supplicare. 
JVam  ut,etc.('i^).  Jl  était  nécessaire  que 
je  fisse  voir  la  contradiction  de  M.  de 
Thou  :  il  avait  diminue' notablement, 
et  sans  sujet  ,  l'honneur  de  Bodin. 

(K)  Il  fut  procureur  du  roi  d'une 
commission  pour  les  foiéls  de  Nor- 
mandie. ]  «  Maître  Jean  Bodin  ,  avo- 
»  cat  au  parlement  de  Paris ,  persua- 
»  da  au  roi  Charles  IX  ,  que  le  droit 
j>  de  Tiers  et  Danger  était  un  droit 
«  général  sur  tous  les  bois  de  Kor- 
»  mandie  ,  et  se  chargea  des  soins  de 
«  cette  recherche,  en  qualité  de  pro- 
)>  cureur  de  la  réformation.  Il  n'y 
3>  eut  presque  point  de  famille  dans  la 
»  province  qu'il  n'attaquât.  11  in- 
j)  struisit ,  comme  il  le  dit  lui-même 
3)  dans  ses  écrits  ,  jusqu'à  quatre  cents 
3>  procès;  et  il  poussa  l'artàire  jus- 
3)  qu'au  point  qu'il  ne  manquait  plus 
33  à  l'exécution  de  son  dessein  ,  que  la 
)>  dépossession  actuelle  de  tous  ceux 
33  qui  avaient  des  bois.  Toute  la  Nor- 
3>  mandie  fut  émue  de  son  entre- 
3>  prise.  Le  parlement  s'assembla  plu- 
33  sieurs  fois  sur  ce  sujet.  11  nomma 
3)  des  députés  ,  et  la  noblesse  suivit 
3>  son  exemple.  Enfin  ,  le  roi  fut  tou- 
3>  ché  de  leurs  plaintes  ,  et  convaincu 
»  par  les  raisons  qui  lui  furent  re  • 
3>  présentées.  Et ,  pour  finir  cette  re- 
»  cherche  ,  qui  avait  duré  plusieurs 
3)  années ,  il  fit  un  édit  en  l'année 
33  1571 ,  par  lequel  il  ordonna  l'alié- 
3>  nation  des  droits  de  Tiers  et  Dan- 
33  ger  qui  lui  appartenaient  sur  les 
33  bois  de  Normandie.  Et,  par  ce  mê- 
3)  me  édit,  il  reconnut  que  ces  bois 
s»  étaient  en  petit  nombre  ,  et  que  le 
)3  revenu  qu'il  en  tirait  n'était  pas 
3)  considérable.  Bodin  ,  qui  ne  se  pou- 
3)  vait  rendre  ,  s'opposa  à  l'enregis- 
3  trement.  Mais  le  roi  donna  une  dé- 

:34J  Thuan.,  lib.LXJJI,  pag.  188. 


IN. 

33  claration  ,  par  laquelle ,  sans  avoir 
33  égard  à  son  opposition  et  à  ses  pro- 
33  testations  qu'il  déclara  nulles ,  il 
33  ordonna  qu'il  serait  passé  outre  à 
33  l'exécution  (35).  3>  Ce  passage  m'a 
paru  digne  d'être  rapporté  tout  en- 
tier,  i°.  parce  qu'il  contient  un  fait 
curieux  et  peu  connu  ;  2°.  parce  qu'il 
est  propre  à  faire  connaître  le  naturel 
de  Bodin  ,  je  veux  dire  son  ardeur  , 
son  activité,  sa  vigilance  et  sa  fer- 
meté. Il  va  nous  dire  lui-même  quel- 
ques circonstances  de  sa  procédure, 
qui  confirmeront  la  chose.  Et  me 
souvient  que  le  roi  Charles  IX  , 
ayant  décerné  ses  lettres  patentes  l'art 
M.  D.  LXX pour  la  réfnrmat'mn  gé- 
nérale des  eaux  et  forêts  de  Norman- 
die ,  qui  tirait  après  soi  la  connais- 
sance du  plus  beau  de  son  domaine  , 
les  présidents  et  conseillers  du  parle- 
ment de  Rouen  Jurent  interdits  d^en 
connaître  :  et  combien  qu'ils  eussent 
remué  ciel  et  terre  pour  empêcher  l'in- 
terdiction, si  est-ce  qu'enfin  ils  l'accor- 
dèrent après  que  je  leur  eus  présente 
les  jussions  réitérées  ,  et  que  je  te- 
nais en  procès  vingt-deux  conseillers, 
et  le  premier  président  a  partie  ,  pour 
les  cas  resultans  de  la  commission  :  et 
tout  le  corps  de  la  ville  de  Rouen , 
pour  les  droits  qu'ils  prétendaient 
contre  le  roi ,  et  que  c'était  la  cause 
pour  laquelle  j'avais  obtenu  l'inter- 
diction (36). 

(L)  //  avait  été  de  la  religion  :  ce- 
pendant ,  en  1589,  il  persuada  aux 
habilans  de  Laon  de  se  déclarer  pour 
le  duc  de  Maine.  ]  M.  Ménage  dit 
qu'il  a  su  le  protestantisme  de  Bodin 
par  une  de  ses  lettres  a  Jean  Baulru 
des  Matras  ,  avocat  célèbre  du  parle- 
ment de  Paris  (3^).  M.  Colomiés  a 
publié  une  partie  de  cette  lettre  dans 
sa  Gallia  Orientalis  (38).  Il  est  clair 
comme  le  jour  que  c'est  la  lettre  d'un 
bon  huguenot.  Elle  n'est  point  datée  : 
on  y  peut  connaître  seulement  qu'elle 
fut   écrite  après  la  première  guerre 

(35)  Gréard,  Défenses  pour  les  particuliers 
qui  possèdent  des  bois  en  Normandie,  contre  la 
prétention  des  Droits  de  Tiers  et  Danger  ,  cite 
par  Ménage,  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Ayrault,pag.  146,    147. 

(3G)  Bodin  ,  de  la  République,  Uv.  III ,chap. 
II,  pus-  38i.  FoyesAe  aussi  au chap.  FI  du 
iiire  FI, pag.  io3i. 

(37  Ménage,  sur  la  Vie  de  Pierre  Ayrault, 
pag-  '4r- 

(38;  Pag.  76  et  seqq. 


civile  ;  j'entends  celle  qui  fut  termi- 
née au  mois  de  mars  i563.  RI.de  Tliou 
raconte  que  la  ligue  ayant  envoyé  à 
Laon  l'ordre  de  ne  plus  reconnaître  le 
roi  Henri  111 ,  Bodin  ,  qui  avait  été  au- 
trefois de  la  religion  ,  et  qui  depuis 
n'eu  avait  jamais  été  guère  éloigné  , 
loua  la  conduite  de  la  ligue  ,  et  par  le 
conseil  de  l'évêque  harangua  le  peuple, 
et  dissipa  les  scrupules  et  les  craintes 
des  habitans  (3g).  Il  n'épargna  point 
au  roi  les  noms  de  perfide  et  d'hypo- 
crite ,  ni  les  mauvais  augures.  C^est, 
disait-il,  le  roi  LXIIIe.  de  France  :  il 
sera  le  dernier  ,  comme  l'an  climaté- 
rique  LX11I  est  ordinairement  le  der- 
nier de  la  fie  humaine.  C'est  ainsi 
qu'il  poussa  la  ville  de  Laon  à  s'asso- 
cier avec  les  ligueurs:  il  écrivit  sur  ce 
sujet  (4o)  une  lettre  qui  fut  impri- 
mée (4i).  Voilà  comment  les  Nicodé- 
mites  font  quelquefois  plus  de  mal 
qu'un  ennemi  déclaré.  Ils  savent  qu'ils 
sont  suspects  :  cela  fait  que  ,  dans  la 
crainte  d'être  perdus  sans  ressource  , 
s'ils  n 'effacent  les  soupçons  ,  ils  té- 
moignent plus  de  zèle  pour  le  parti 
3ui  prévaut ,  que  ceux  qui  ont  déjà 
onné  assez  de  preuves  de  ce  même 
zèle.  Notez  bien  ces  paroles  de  M.  de 
Thou.  videri  regeni  liuic  regno  Fran- 
cico  fttalem  ,  et  ullimwn  ex  eâ  fa- 
milid  fore.  Que  voulait  dire  Bodin 
parce  présage  ?  Prétendait-il  qu'Henri 
Il  serait  le  dernier  roi  de  la  brandie 
de  Valois?  H  ne  fallait  pas  être  grand 
prophète  pour  deviner  cela  à  l'égard 
d'un  prince  qui  était  le  seul  de  reste 
de  cette  branche ,  et  qui  était  marié  à 
une  jeune  femme  stérile.  Prétendait- 
il  qu'aucun  prince  de  la  troisième 
race  ne  monterait  sur  le  trône  après 
Henri  III  ?  En  ce  cas  ,  l'événement  l'a 
démenti.  Cependant  ML  de  Thou  fait 
un  grand  cas  des  prédictions  de  Bo- 
din. ic  II  répara  cette  faute  (\i)  par 
»  l'admirable  prédiction  qu'il  fit  de 
»  l'issue  inespérée  de  ces  troubles  : 
»  car  quoiqu'il  n'y  eût  point  d'appa- 

»  rence  de  paix  ,  il  publia  par  avan- 
»  ce  l'année  et  le  mois  qu'elle  devait 

3>  être  conclue,  et  l'événement  fut  con- 

(3g)  Thuan.,  lib.  XC1V ,  pag.  262  ,  ad  ann. 
15*9. 

(4o)  Au  président  Brisson. 

(40  Thuan. ,  lib.  XCIF,  pag.  262. 

(42)  C'est  celle  d'avoir  dit  beaucoup  de  cho- 
ses injurieuses  au  roi  Henri  III  H  au  roi  de 
Jffat  nire. 


BODIN.  5.7 

»  forme  à  ce  qu'il  avait  prédit  (43).  a 

(M)  Il  mourut en  i5gG dans 

la  soixante- septième,  année.  ]  11  té- 
moigne dans  son  testament ,  daté  du 
7  de  juin  1596,  qu'il  passe  l'âge  de 
soixante-six  ans  (44).  Cela  réfute  ceux 
qui  disent  qu'il  mourut  l'an  i585  (45), 
et  ceux  qui  assurent  qu'il  vécut  plus 
de  soixante-dix  ans  (46),  ou  qu'il  n'en 
vécut  que  cinquante-cinq  (4?).  Notez 
que  l'épître  dédicatoirede  son  Univer- 
sœ  jyaturœ  Theatrum  est  datée  de 
Laon,  le  a5  de  février  i5g6.  Cela  est 
un  peu  mortifiant  pour  ceux  qui  met- 
tent sa  mort  à  l'année  i585. 

(N)  Il  y  a  autant  d'hyperbole  dans 
les  louanges  que  Gabriel  IVaude  lui  a 

données, que  d'injustice  dans  le 

mépris  que  Cujas  ,  Scaliger ,  et  quel 
ques  autres  lui  ont  témoigné.  ]  Voici 
le  jugement  que  Naudé  faisait  de  Bo- 
din dans  un  ouvrage  qu'il  publia  en 
i6i5.  Ce  premier  homme  de  la  Fran- 
ce y  Jean  Bodin ,  après   avoir  par 

une  merveilleuse  vivacité  d'esprit,  ac-- 
compagnée  d'un  jugement  solide,  trai- 
té toutes  les  clioses  divines  ,  naturelles 
et  civiles ,  se  fût  peut-être  méconnu 
pour  homme,  et  eiil  été  pris  infaillible- 
ment de  nous  pour  quelque  intelligence, 
s'il  neùt  laissé  des  marques  et  vesti- 
ges de  son  humanité  dans  cette  Demo- 
nomanie,  qui  a  été  fort  bien  jugée  par 
le  défunt  sérénissime  roi  de  la  Gran- 
de-Bretagne ,  majori  collecta  studio 
quàra  scripta  judicio  (*')  :  ce  qui  peut 
être  arrivé  parce  que  ce  grand  esprit, 
qui  entendait  fort  bien  la  langue  sain- 
te, s'est  amusé  plus  qu'il  n'était  à  pro- 
pos à  la  doctrine  des  rabbins  et  thal- 
mudistes,  quibus  ,  comme  remarque 
le  jésuite  Possevin  (**)  ,  hoc  libro 
tam  videtur  addictus  ,  ut  ad  eos 
saepiùs  recurrat  quàm  ad  Evange- 
lium    (48).   Naudé    publia   en  1627 

(43)  Thuan.  ,   lib.    CXVII ,    pag.    -r,    cité 
par  Teissier  ,    Ad  lit.  ,  tom.  II ,  pag-  2^7- 

(44)  Ménage  ,  Remarques  sur  la  Vie  rie  Pierre 
Ayrault,  pag.   147. 

(45)  Moreri,    Hofman,  Burbolcer  ,  in   Indice 
cbronol.,  pag.  682  ;  Poul  Frelier  ,  in   1  bealro  , 

pag.  8f|5;  Saldenus,  in  Ot.  theol  .  pag,  -'>-  . 
(oit  il  ignore  qi.e  notre  Bodin  suit  rauleur  des 
Dialosues  de  Abditis  rerum  >ubliinium  Arcanis,) 
sont  de  ceux-là. 

(46)  Thuan.,  lib  CXVII ,  pag.  771. 

(47)  Ménard,  cite'  par   Ménage,  Remarques 
sur  la   Vie  de  Pierre  Ayrault,  pag.  147- 

(*')   In  libro  de  Slrigilib. 
(*')  In  Judicio  libr.  Bodini. 

(48)  Naudé ,    Apolog.    des    grands    Homme', 
chap.  VII  ,  pag.  127. 


5i8  BODIN. 

son  j4vi&  pour  dresser  une  bibliolhé-  altéra,  edilione  nec  volam  reliquit  nec 

que;  et  observa  que,  s'il  est  question  l'estigium   (53).  Cujas  répondit  dans 

de  la  République  de  Bodin,  il  faut  in-  le   chapitre   XXXVIII   du   livre  VIII 

férer  qu'on  la  doit  prendre  ,  parce  que  de  ses  Observations,   et  se  servit  de 

l'auteur  a  été  des  plus  fameux  et  re-  l'anagramme  Andius  sine  bono,  pour 

nommes  de  son  siècle ,  et  quia  lèpre-  désigner  son   antagoniste.  Voyez  M. 


niier  entre  les  modernes  traité  de  ce  su 
jet,  que  la  matière  en  est  grandement 
nécessaire  et  recherchée  au  temps  où 
nous  sommes,  que  le  livre  est  commun, 
traduit  en  plusieurs  langues,  et  im- 
primé presque  tous  les  cinq  ou  six  ans 
(4o)-  Joignez  à  cela  ce  qu'il  disait  à  M. 
Ménage  (5o)  ,  et  ce  qu'il  a  publié  dans 
sa  Bibliographie  politique  (5r),  où  il 
ne  paraît  pas  être  de  sang  -  froid  en 
louant  Bodin  ,  mais  plutôt  saisi  du 
plus  violent  enthousiasme  qui  ait  fait 
voler  jusqu'aux  nues  les  hyperboles 
des  poètes.  Comme  c'est  un  livre  aise' 
à  trouver  ,  et  que  le  passage  qui  con- 
cerne notre  Bodin  contient  plusieurs 
lignes,  j'y  renvoie  mon  lecteur,  et  n'eu 
copierai  rien. 

Parlons  du  mépris  de  Cujas  *.  On 


Ménage  ,  qui  observe  outre  cela  que 
Bodin  avait  maltraité  Cujas  sans  le 
nommer,  dans  ces  paroles  de  la  pré- 
face de  sa  Méthode  de  l'Histoire  : 
Ilostium  aspectum  ferre  non  magis 
possunt,  quant  is  qui  in  scholis  Bilurt- 
gum  tantâ  cum  glorid  florebat  :  id  est, 
slrabo  inter  cœcos  acutissimè  cerne- 
bal.  Citm  in  forum  uenisset ,  de,  levis- 
simâ  qurestione  consultus  obmutuit  : 
non  sine  acerbd  Riandi  reprehensio- 
ne  (54).  Notez  en  passant  que  Moréri, 
et  plusieurs  antres,  qui  disent  que  Bo- 
din fut  nommé  Andius  sine  bono  ,  à 
cause  de  sa  pauvreté,  se  trompent.  Cu- 
jas, dans  celte  anagramme  ,  ne  faisait 
aucune  allusion  à  la  fortune  de  Bodin, 
il  considérait  seulement  les  disposi- 
tions de  l'Ame.  Quelqu'un  débite   que 


apprend  par  une  lettre  de  Bongars  la  reine  Elisabeth  employa  cette  ex- 
que  Cujas  ayant  ouï  dire  qu'il  avait  pression  en  parlant  à  notre  Bodin  ;  et 
été  censuré  dans  la  République  de  Bo-  il  cite  Burgoldensis  (55).  Il  se  trompe 
din,  et  n'ayant  pu  trouver  cet  ouvra-  dans  sa  citation  ;  car  ce  Burgoldensis 
v;e  chez  les  libraires  ,  l'emprunta  de  dit  seulement  que  cette  reine  l'appela 
Bongars  (5a),  et  déclama  quelques  Badin.  Homo  iste  sine  bono,  sive  Ba- 
jours  après  contre  Bodin  pendant  plus  din  (uti  illum  Elizàbetha  Angl.  rc- 
de  deux  heures.  Cette  leçon  de  Cujas  gina  appellavit  )  ,  licitum  esse  putat 
fut  envoyée  à  Bodin  ,  et  l'obligea  de  suorum  popularium  dignitatem  hones- 
mettre  au-devant  de  la  seconde  édi-  to   mendacio    tueri   in    sud  Methodo 


tion  de  sa  République  une  épître  la- 
tine où  il  maltraita  Cujas.  Il  profita 
des  remarques  de  celui-ci  ;  car  il  ef- 
faça dans  cette  seconde  édition  tontes 
les  ciioses  que  Cujas  avait  censurées  , 
eorum  quœ  Cujacius  notai'erat  in  isld 

(4çi)  Nantie,  Avis  pour  dresser  une  bibliothè- 
que, pag.  96. 

(5o)  Ci-dessus ,  citation  (Ç)). 
(5i)  Pag.   5i3  et  seq.   in  edil.  Botlerodam.  , 
ann.  i6ga  ,  irt-lf. 

*  Joly  reproche  a  Bayle  de  n'avoir  pas  bien 
détaillé  la  dispute  de  Bodin  avec  Cujas,  en  com- 
paraison de  qui  Bodin  n'est  qu'un  aventurier. 
-fol;/  donne  à  ce  sujet  quelques  explications  et 
linit  ses  remarques  par  traiter  de  la  religion  de 
fiodin.  C'était  un  hérétique,  dit-il,  qui  n'avait 
«'■ch.-ippé  au  massacre  de  la  Saint-lïarthélemi 
qu'en  se  jetant  du  haut  d'une  fenêtre.  «  Per- 
»  sonne  n'ignore,  ajoute-t-il  ,  que  Bodin  a  été 
»  accusé  de  judaïsme;  ce  fait  est  éclairci  dans 
»  les  Mélanges  de  Chapelain  ,  depuis  la  page 
»  167  jusqu'à  la  page  180.  •>  Les  pièces  qu'on 
ironve  dans  ces  Mélanges  consistent  en  trois 
lettres  de  Chapelain  et  deux  de  H.  Conringius. 
(5î)  Ce  fut  en  i5";6.  Bongars  était  venu  d'Al- 
lemagne depuis  peu  ,  puur  étudier  en  droit  sous 
Cujas. 


Hislor.  c.  4  (56  ).  Un  autre  prétend 
que  la  manière  peu  avantageuse  dont 
Bodin  a  parlé  des  femmes  au  chapitre 
V  du  VIe.  livre  de  la  République,  lui 
attira  <t  une  raillerie  fort  piquante.... 
»  La  reine  Elisabeth,  qui  en  faisait 
»  d  ailleurs  pourtant  assez  de  cas,  prit 
»  plaisir  à  le  faire  passer  exprès  en 
»  Angleterre  ,  pour  le  renvoyer  froi- 
»  dément  avec  ces  mots  :  Bodin  ,  ap- 
»  prenez  en  me  voyant  que  vous  n'ê- 
»  tes  qu'un  badin  (57).  »  Un  docteur 
de  Louvain  remarque  que  lorsque  Bo- 
din était  à  Londres,  pour  négocier  le 
mariage  de  son  maître  Hercule  ,  duc 

(53)  Tiré  de  la  Lettre  de  Bongars  à  Conrad 
Ritlershusius,  que  Colomiés  a  publiée  dans  sa 
Gallia  Orientalis. 

(54)  Ménage  ,  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Ayrault,  pag.   i44- 

(55)  Diecman.  ,  de  Naluralismo,  pag.  2. 

(56)  Burgold.  ,  Notitia  Berum  jlmperii  Roma- 
no-Gcrmanici,  part.   I,  pag.  33. 

(57)  Ancillon,  Mélange  critique,  loin.  II  , 
pa£.  5. 


liODIN. 


«VAlpncon  (5S),  la  reine  avait  accou- 
tume de  l'appeler  maître  Jean  Badin  : 
Pro  Bodino  solebat  eurn  résina  mu- 
gistruvt  Jaannem  Badinum  appella- 
re  (  5g  ).  Rien  n'empêche  de  croire 
qu'elle  n'ait  parle  ainsi  ;  car  la  cour 
alors  n'était  guère  moins  dans  le  goût 
des  pointes  que  le  peuple  ;  mais  il  est 
Taux  que  cette  princesse  ait  fait  venir 
tout  exprès  cet  écrivain,  afin  de  le 
mortifier  par  cette  turlupinade.  11  fut 
à  Londres  à  la  suite  du  duc  d'Aleu- 
ron  ,  Bon  maître.  11  y  fut  aussi  en 
qualité  d'envoyé  de  ce  même  duc. 

Ce   que   Scaliger    disait    de    Bodin 
était  bien  désobligeant.    Bndinus  pa- 
trem  Jul.  Scaligcrum  falsb  ignoran- 
tice  matheseos  argua,  ipse  indoclissi- 
mus  valdèque  jejunus  ,  cùm  quicquid 
a  multis   annis  doctrines  conseauutus 
est,   transcripserit  ex  aliorum  labori- 
hus  ,  imà  et  ex  meo  libello  in  Vairo- 
nciu  de  lineuâ  latinâ  ,    cujus  paginas 
intégras  suas  fecit   fur  impudentissi- 
mus ,  et  in  unum  velut  chaos  congés- 
sit .  plurima  scribens  quœ  ipse  non  in- 
te/ligit.  Denique   librum  de  ]\lethodo 
legendœ  Historiée  inscripsit ,    in  qim 
nihil  minus  qnàm  eà  de  re  tractât,  ut  If 
tulo  suonullo  modo  respnndcato  ratio, 
quod  quidem  P'errius  Flaccus  notavit 
in  (Jhginibas  Catonis  quœ  nihil  minus 
inquirunt  quant  Italiie  Origines.  Por- 
ro ,  si  quis  velit  in   illum  scribere,  je 
lui    dresserai    tout    son   fait  :    neque 
enim  mihi  honoris  loco  ducam  aliquid 
pro  ferre  quod  meo   nomine  circunje- 
rnliir  (6o).  Vous  voyez  qu'il  le  nom- 
me très-ignorant  ,  et  qu'il  tiendrait  à 
déshonneur  de   le  réfuter.  Quelle  ar- 
rogance !    et  qu'elle  sied  mal  aux  gens 
de  lettres  ,  quoiqu'elle  soit  fort  com- 
mune parmi  eux!  Appelons  de  ce  ju- 
gement de  Scaliger  à  celui  de  M.  de 
Tbou  ;  et  si  nous  voulons  disputer  à 
Jean  Bodin  la  qualité  d'écrivain  exact 
et  judicieux,  laissons-lui  sans  contro- 
verse un  grand  génie  ,    un  vaste  sa- 
voir, une  mémoire  et  une  lecture  pro- 
digieuses. Les  ouvrages  d'où  il  a  tiré 
sa  gloire  n'ont  pas  eu  besoin  des  em- 
prunts   d'un    commentaire  sur  Var- 
ron.  Ils  n'étaient  pas  d'une  espèce  à  ti- 

(58)  1/.  C.rcnitis,  Animadv.  ,  part.  I  ,  pag. 
i)3  ,  n'a  pas  raison  de  critiquer  ce  nom  et  ce 
titre. 

(5t))  Libcrt.  Fromond.  Meteurolog. ,  tib.  V  , 
cap.  /,  art.  IV ,  pag.  i^a. 

(6oj  Scalijcrana  prima,  pag.  3o  ,  3i. 


rer  de  là  quelque  éclat  ;  et  il  y  a  lieu 
de  croire  que  Scaliger  et  Cujas  n'eus- 
sent pas  été  capables  de  produire  ce 
qu'il  (it  avec  tant  de  force  aux  étals 
de  Blois. 

(O)  Possevin  riest  pas  le  seul  qui 
l'accuse  d'avoir  écrit  bien  des  choses 
contraires  h  la  religion.']  Allé- 
guons d'abord  son  panégyriste  Naude, 
qui  observe  que  ceux  qui  ont  écrit 
contre  la  République  de  Bodin  n'ont 
ét«  que  despygmées  attaquant  Hercu- 
le ;  de  sorte  que  cet  auteur,  hors  de 
crainte  de  ce  côté-là  ,  ne  doit  redou- 
ter que  les  censures  de  l'Église.  Scio- 
equidem  ,  Fabium  Albergalum  honti- 
nern  Italuni,  et  Serrium,  ac  Augeriuiu 
Ferrerittm,  Gallos  [6i),  magnis  cona- 
tibus,  et  libris  ad  idconsequendiim  edi 
lis  ,  periculum  illi  ac  ruinant  intentas- 
se :  sed  eventus  docuil  cundem  fuisse 
istius  pugnœ  eventum,  quetn  Pygmœo- 
rum  cuni  Hercule  :  ut  nonjam  admi- 
niatas  alicujus  Atlici  aut  Hyperattici 
ceras  trepidare  debeat ,  sed  ad  Eccle- 
siee  soltus  judicium  ;  cujus  censuris 
quoniam  vehemenliiis  urgelur ,  quant 
inimicorum  argumentis,  hinc  est,  quùd 
ipsius  libii  evolvi  minime  debeant,  ni- 
si  obtentd  prias  et  hune  et  quoslibet 
anctores  po/iticos  legendi  facultate 
(Ça).  Un  peu  plus  bas,  il  le  bhlme 
d'avoir  trop  commis  les  intérêts  de  la 
vraie  foi,  et  il  approuve  à  cet  égard- 
là  les  plaintes  de  Possevin.  Ouihus 
(  qusstionibus  )  certè  compescendis  <li- 
rigentlisque  ad  finem  religionis  chris- 
tianœ  prœceptis  ac  instttuto  consen- 
taneum  .  sunè  haud  necesse  erit  ,  Jt- 
versas  inter  se  religiones  commiltere  • 
quemadmodum  non  sine  dispendio  ve* 
rœ  pielalis  supertoribus  annis  fecére  , 
Petrus  de  Alliaco  cardtnalts  et  epis- 
copus  Cameracensis ,  in  opusculo  quo- 
dam  astrologicn  de  tribus  sectis;  Hiero- 
nymus  Cardanus  m  libris  suis  de  Sub- 
tilitate ,  et  Joanncs  Bodinus  .  compo- 
sito  ,  sed  nondum  edito  (  atque  ultnam 
nunquam  edatur  !  )  de  rerum  subli- 
mium  arcanis  ingenti  volumine;  tpiod 
equidem  ,  jesuitam  Possei'inunt  non 
perperam  de  ipso  judicium  tulisse,  ar- 

fGi)  Aïotez  que  Bodin  ,  au  commencement  île 
l'Apologie  de  René  Herpin  ,  J'ail  mention,  non- 
■i.enl  d'un  Oslalus  Vasco ,  c'est  celui  que 
H  Ménage,  ci-dessus,  citation  (i)  ,  nomme 
Pierre  L'Hostajl ,  )  mais  aussi  d'un  Andréas 
Franlebergcrus  Saxo  ,  qui  avaient  e'eril  contre 
sa  République. 

bliogr.  Pcl,:. .  ; 


5a  o 


BODIN. 


gumenlo  esse  potest  validissimo  cerl'e 
manifestissimoque  (63).  L'auteur  du 
\i\redeJustd  rcip.  Christïanœ  in  reges 
impios  et  hœrelicos  aucloritate  accuse 
Bodin  d'indifférence  sur  le  chapitre 
de  la  religion  ,  et  de  n'être  pas  con- 
traire aux  protestans.  Unius  fin  in- 
differenlis  ,  et  proiestantibus  non  ini- 
qui ,  testimnnio  comparatlonem  hanc 
transigam  (64)-  Le  jésuite  Martin  del 
Rio  soutient  que  la  Démonomanie  de 
Bodin  est  pleine  d'erreurs  ,  et  que 
dans  l'édition  même  d'Anvers,  que  l'on 
donna  comme  corrigée,  il  reste  beau- 
coup de  choses  dangereuses  ,   et  qui 


Diecman  a  trouvé  dans  un  manuscrit, 
et  qu'il  a  inséré  dans  son  ouvrage  de 
Naluralismo  ,  est  encore  plus  terri- 
ble. IVaudœus  in  d.7rocr7ra.rfjittria>  Gal- 
lico  ex  MScto  laudati  Patini  mecum 
bénévole  à  f^iro  Nnb.  communicalo  , 
de  hoc  opère,  «  C'est  un  livre  bien 
»  fait  ,  inquit  ,  mais  fort  dangereux  ; 
»  parce  qu'il  se  moque  de  toutes  les 
»  religions  ,  et  enfin  conclut  qu'il 
»  n'y  en  a  point.  Aussi  n'en  avait- 
»  il  point  lui-même  :  il  mourut  com- 
»  me  un  chien,  sine  ullo  sensu  pie- 
»  talis ,  n'étant  ni  juif ,  ni  chrétien  , 
»  ni  turc.  Alius  oiJso-w&Toç    itidem  in 


marquent  la  religion  amphibie  de  l'au-     »  MSC.  Patini  .Bodin  était  un  étran- 


teur.  Manent  multa  noxia,  et  quœ  am 
liguant  auctoris  fident  salis  contes- 
tantur ,  nocereque  legentibus  pnssunl 
(65).  C'est  pourquoi ,  ajoute-t-il ,  cet 
ouvrage-là  a  été  justement  mis  par 
l'inquisition  de  Rome  dans  le  catalo- 
gue des  livres  défendus.  Il  promet  de 


»  ge  compagnon  en  fait  de  religion. 
»  Il  mourut  de  la  peste  ,  à  Laon  ,  en 
»  i5g6  ,  assez  vieil,  et  ne  dit  pas  un 
»  mot  de  Jésus-Christ  (68).  »  Je  ne 
sais  si  ceux  qui  prêchaient  contre  Bo- 
din dans  les  chaires  de  Paris  ,  l'an 
1607,  avaient  ouï  dire  quelque  chose 


faire  voir  que  le  Thealrwn  universœ  des  dispositions  qu'il  témoigna  en 
Naturœ  du  même  auteur  contient  des 
dogmes  si  contraires  à  la  théologie  , 
que  ,  pour  le  moins ,  on  peut  les  qua- 
lifier erronés  et  entièrement  témérai- 
res. Notons  que  l'ouvrage  de  la  Répu- 
blique eut  le  même  sort  à  Rome  que 
celui  de  la  Démonomanie  ,  quoique 
l'on  eût  inséré  dans  la  traduction  ita- 
lienne certaines  choses  que  des  amis 
officieux  jugèrent  capables  de  conser- 
ver à  Bodin  la  réputation  de  bon  ca- 
tholique (66).  Sa  Méthode  de  l'Histoi- 
re, et  son  Théâtre  de  la  Nature  n'eu- 
rent pas  un  meilleur  sort  auprès  des 
inquisiteurs.  Voici  quelque  chose  de 
terrible  :  Ceux  qui   montent  en  chaire 


mourant,  ou  des  doctrines  pernicieu- 
ses de  1  ' Hi-piapLomères.  Scaliger  ne 
pouvait  comprendre  d'où  venait  leur 
déchaînement,  lllud  velim  ex  te  sci- 
re ,  écrivait-il  à  Charles  Labbé  ,  vers 
la  fin  du  mois  de  février  1607,  quare 
ponlifteii  tant  acerbe  quotidiè  in  Bo- 
dinum  déclament.  Certè  quod  manci- 
piumambitionis  fuerit,  proptere'a  odio 
illii  esse  euni  non  crediderim.  Aliam 
subesse  causant  necesse  est  ,  quam  ex 
te  scire  veliru.  Hujus  igitur  tam  inopi- 
nali  odii  causant ,  et  quare  hominem 
pridem  mortuum  canes  ex  tumulo 
entant,  neque  ejus  mânes  quiescere  si- 
nant ,  a  i>nbis  expecto  (69).  11  ne  faut 


ici  font  des  contes ,   déclament  contre  pas  oublier   qu'aussitôt  que  la  Répu- 

Bodin  tout  un  sermon,  et  le  déchirent,  blique  de  Bodin   eut   paru  ,  il  y    eut 

sans  se  souvenir  que  le  vilain  a  été  de  des  prédicateurs  qui  déclamèrent  con- 

la  ligue ,  et  est  mort  juif  ',  sans  parler  tre  lui.  Lisez  sa  leltre  latine  du  i3  de 

de  Jésus-Christ  parles  dernières  paro-  mars  i58i  ,  au  commencement  de  l'A- 

les  que  j'ai  en  vers  de  lui  (67).    Voilà  pologie  de  René  Herpin.  Vous  verrez 

ce  qu'on   trouve  dans    une  lettre  de  qu'il  y  remarque  deux  choses  :  l'une, 

Jacques  Gillot  à  Scaliger,  datée  de  Pa-  que  de  Serres  ,  qui  avait  publié  con- 


ris  le  9  de  février  1607.  Ce  que  M. 

(63)  N"audîeus,  BiMiogr.  Polit. ,  pag.  33. 

(64)  G.  Guillelmus  Rossœus  ,  de  juslâ  Reip. 
Auctoril.,  cap.  IV,  nom.  3  ,  pag.  194  ,  edil. 
Aulverp.  ,  ami.  iS()2. 

(65)  Del  Rio,  Disq.  magie,  Itb.  T,  cap.  HT, 
pag.  23. 

(66)  Losclier,  de  Latrocinio  in  Script,  pub!., 
png.  41  i  apud  Diecraannum,  de  IVaturalismo  , 
V"S-   4-  . 

'67)  Épîtrcs  françaises  écrites  à  Scaliger, 
pag.  439. 


tre  lui  un  million  d'injures,  en  avait 
été  châtié  sévèrement;  l'autre,  qu'en- 
core que  ceux  qui  médisent  de  quel- 
qu'un en  chaire  soient  aussi  coupables 
que  ceux  qui  l'offensent  par  écrit , 
il  y  a  néanmoins  des  prédicateurs  qui 
ternissent  impunément  sa  réputation 
et   celle  de   plusieurs  autres  gens  de 

(68)  Diecmannus,  de  JVaturali.smo ,  pag.  13. 
{fy.))   Voyez  la  Gallia  Orientalis  de  Colomiés, 
pag^  86. 


BODIN. 


5a  i 


bien,  Serranus  Me  *,  qui  inaudito  gé- 
nère scribendi,  ac  probris  inusitatis  li- 
bellum  complevit ,  ipsius  pruicipis  jus- 
su  pœnas  graviores  dédit ,  quam  opla- 
re  potuissem.  Ac  tametsi  eodem  scele- 
re  obligantur ,  qui  pubUcis  in  concio- 
nibus  nomen  cujusquam  lœserunt ,  vi- 
demus  tamcn  legibus  solutos,  non  mo- 
do meam  ,  sed  etiam  oplimi  cujusque 
existimalionem  impunè  violare  ,  qui 
pi  udenter  ferendum  putat  ,  quod  au- 
ferri  non  polesl  (70). 

Mais  il  n'y  eut  personne  parmi  les 
catholiques  romains  qui  témoignât 
plus  de  chaleur  contre  ce  jurisconsul- 
te que  le  jésuite  Possevin.  Voyez  avec 
quelle  envie  de  censurer  il  épluche  la 
Méthode  de  l'Histoire  ,  et  avec  quels 
tours  de  sophiste  il  empoisonne  des 
propositions  qui  peuvent  avoir  un  bon 
sens.  Son  grand  grief  est  que  Bodin 
parle  de  Luther,  de  Calvin,  et  de  Mé- 
lanchthon  en  termes  honnêtes;  et  qu'il 
voudrait  que  l'on  mit  des  bornes  à  la 

fmissance  papale  (71).  Voyez  surtout 
e  petit  livre  où  Possevin  a  donné  son 
jugement  de  quatuor  Scriptoribus  , 
Philippo  la  IVua,  Jo.  Bodino,  Phi- 
lippo  Mornœo  ,  et  Nie.  IVLachiavello 
(72).  Il  a  prétendu  que  les  ouvrages 
de  Bodin  étaient  remplis  d'un  très- 
grand  nombre  d'erreurs,  d'hérésies  et 
d'impiétés  (73). 

Les  protestans  n'ont  point  gardé  le 
silence  sur  les  erreurs  de  cet  écri- 
vain ;  car ,  pour  ne  rien  dire  de  Gro- 
tius  ,  qui  déclare  que  bodin  avait  fait 
de  grandes  brèches  à  sa  foi  par  ses  ha- 
bitudes avec  les  juifs  (74)  ,  nous  pou- 
vons citer  Méric  Casaubon,  qui  avoue 
qu'il  ne  sait  que  croire  de  la  religion 
de  ce  personnage,  s'il  se  doit  comp- 
ter, ou  parmi  les  catholiques,  ou 
parmi  les  protestans  (75).  Le  ministre 
luthérien  qui  m'apprend  cela  étend 
beaucoup  plus  ses  doutes,  et  paraît 
fort  disposé  à  croire  qu'enfin  cet  au- 
teur se  dépouilla  de  tout  sentiment 

*  Voyez  ma  note  sur  le  teste,  pag.  507. 
(70)  Apologie  de  René  Ilerpin,  folio  i  verso. 
(-1)    Possevin.,    in    BiLlioth.    Selectâ  ,     Ub. 
Xrl  ,  cap.  IX,  pag.  îb'<) ,  Î70,  lom.  II. 

(72)  Il  fui  imprimé  à  Rome,  l'an  l5gî  ,  et  à 
I.ron,   l'an  i5q3. 

(73)  Teissier,  Additions  aux  Kloges  de  M.  de 
Tbou  ,  loin.  Il ,  pag.  24S. 

(rA)  Grotius,  Rpist.  ad  Cordesium,  apud  Co- 
lonies. ,  in  Galli'i  Oi-ienuli  ,  pag.  85. 

(75)  Meric.  Casaub.  apud  L>iecmann.  de  Na- 
turalismo  ,  pag.  5. 


de  christianisme  (76).  Il  s'attache 
particulièrement  à  le  convaincre  d'a- 
voir tout  réduit  à  la  religion  naturel- 
le. Un  autre  docteur  luthérien  a  re- 
marqué qu'il  y  a  dans  les  discours 
physiques  de  Jean  Bodin  plusieurs 
choses  qui  doivent  être  en  abomina- 
tion aux  chrétiens  (77).  Il  observe 
aussi  qu'on  les  débite  sous  le  person- 
nage de  Théodore  ,  et  qu'un  autre 
personnage  ,  sous  le  nom  de  Mysta- 
gogue,  répond  assez  froidement  :  // 
ne  faut  rien  prononcer  h  la  légère  sui- 
des sujets  si  difficiles  ,  De  rebus  tant 
arduis  niltemerè  esse  affirmandum.  Je 
trouve  en  effet  que  le  Myslagogue  de 
Bodin,  à  la  page  22a  du  Théâtre  de 
la  Nature,  édition  de  Hanaw,  en  i6o5, 
emploie  cette  réponse  :  De  rebus  tant 
arduis  ,  et  à  communi  sensu  remotis  , 
nec  temerè  quicquam  ajjlrmare  ,  nec 
leuiter  cuiquum  assentiri  velim  ;  mihi 
satis  est  certissimis  argumentis  et  ad 
assenliendum  necessariis  demonstra- 
visse  cometas  non  esse  incendia  ab 
exhalationibus  concepla.  Cette  ré- 
ponse se  rapporte  à  un  sentiment  fort 
étrange  que  Bodin  venait  d'exposer 
sous  le  nom  de  Théodore  :  c'est  que 
les  comètes  sont  des  esprits  qui,  ayant 
vécu  sur  la  terre  pendant  des  siècles 
innombrables,  et  étant  enfin  parve- 
nus au  voisinage  de  la  mort ,  célè- 
brent leur  dernier  triomphe  ,  ou  sont 
rappelés  au  firmament  comme  des 
étoiles  brillantes.  Cela  est  suivi  de  fa- 
mine et  de  peste  ,  etc. ,  parce  que  les 
villes  et  les  peuples  perdent  les  gou- 
verneurs et  les  chefs  qui  apaisaient 
le  courroux  de  Dieu.  Il  est  nécessaire 
que  je  mette  ici  ses  parole.  Democriti 
sententia  in  mentem  nuhi  recuira  ,  ut 
exisiimem  cometas  esse  illusinum  vi- 
rorum  mentes  ,  quœ  posleaquàm  uinu- 
merabilibus  seculis  vigutrunt  in  ter- 
ris ,  tandem  obilurœ ,  ut  oninia  quœ 
oriuntur  occantiii  muumtur  ,  exlremos 
peragunt  triumphos  ,  aut  in  catum 
stclLilum  quasi  splendida  sydera  revo- 
cantur  :  ac  propterea  seijuuntur  fa- 
més ,  morbi  populares  ,  civilia  bella  , 
quasi  cu'ilates  ac  pnpuli  ducibus  illi^ 
optimis  et  gubernatoribus,  qui  divinos 

(76)  Dieemann.,  de  Naturalisai»,  pag.  G. 

(77 ,'  Joli.  Ilenricus  Drainai,  in  sancli  Jere- 
iui;e  Virgà  vigilante  et  Ollâ  surrensâ,  pag.  4°, 
apud  Th,  Crenium,  Aoimadv.  Philolog.  et  Hist., 
part     II,    pag.   17K. 


522 


BODIN. 


furores  placabant ,  desererentur  (78). 
11  est  visible  qu'il  y  a  une  faute  à  tl- 
lustrium  virorum  ,  ou  que  Bodin  don- 
ne à  ces  mots-là  un  sens  tout  parti- 
culier ;  car  le  sens  ordinaire  d'hom- 
mes illustres  ne  convient  point  à  ce 
qui  suit ,  c'est-à-dire  ,  à  ces  siècles 
innombrables  de  vie  passés  sur  la 
terre  ,  que  Bodin  accorde  aux  esprits 
«lont  il  fait  mention.  Disons  donc  qu'il 
veut  parler  des  génies  ou  des  anges  , 
et  qu'il  suppose  qu'ils  sont  sujets  à  la 
mort.  Vossius  ,  en  rapportant  ce  pas- 
sage ,  a  sauté  deux  ou  trois  mots 
ires-essentiels  ,  viguerunt  in  terris.  Il 
n'a  pas  laissé  d'y  trouver  une  impié- 
té :  Ubi  quod  animas  mori  ait  ,  dit- 
il  (79!  ,  id  si  non  aliiui  voluit  dicere 
quant,  verba  videntur  sonare  ,  sanè  im- 
pietate  summd  non  vacat.  Tolerabi- 
Lius  quod  ait  heroum  animas  in  sidé- 
ra revocari.  Cette  omission  est  dans 
l'édition  dont  je  me  sers ,  qui  est 
*^elle  d'Allemagne,  in-^°.  Elle  est  aussi 
dans  celie  d'Amsterdam,  in-folio,  en 
166S;  car  M.  Crenius,  qui  rapporte  ce 
passage  de  Vossius  (80) ,  avec  l'omis- 
sion du  viguerunt  in  terris  ,  cite  cette 
édition  d'Amsterdam. 

Finissons  par  des  paroles  de  M.  de 
Thou  ,  qui  nous  apprennent  que  l'on 
crut  que  Jean  Bodin  était  magicien  : 
JPostea ,  et  Dœmonomaniam  gallicè 
itidem  scripsit,  in  quâ  dum  materiam 
ab  aliis  tantoperè  agitatam  advenus 
Joannis  Wieri  plerumque  senlenliam, 
enucleatiùs  rétractât  ,  maçicœ  rei  ac 
vetilarum  isliusmodi  artiurn  crime n 
minime  effugil  (81). 

(P)  //  se  déclara  assez  librement 
contre  ceux  qui  soutenaient  que  l'auto- 
rité des  monarques  est  illimitée.]  Il 
soutint  que  les  monarques  ne  peuvent 
imposer  des  tributs  sans  le  consente- 
ment du  peuple;  et  qu'ils  sont  plus 
obligés  à  observer  les  lois  de  Dieu , 
et  celles  de  la  nature  ,  que  leurs  su- 
jets ;  et  que  les  conventions  qu'ils 
passent  leur  imposent  la  même  obli- 
gation qu'aux  sujets.  Il  dit  que  la  plu- 
part des  jurisconsultes  avaient  ensei- 
gué  le  contraire ,    et  qu'il  fut  le  pre- 

(78)  Bodin.,  in  Tlieatro  N'attira:,  lib.  II ,  pag. 
221  ,  222. 

(79)  Vossius  ,  de  Orli;.  et  Prog.  Idol. ,  lib. 
JII,  cap.  IX,  pag.  77/}. 

(80)  Crenii  Animadv.  Philolog.  et  Histor.  , 
part.   Il  ,  pag.  175. 

l8j)  Thuan. ,  lib.  CXVll,pag.  ::i, 


mier  qui  osa  combattre  l'opinion  de 
ceux  qui  écrivirent  sur  les  moyens 
d'étendre  les  droits  du  roi.  Voici  ses 
paroles  :  Miror  tamen  esse  qui  pute  ni 
unius  polestati  tribuere  me  plus  ali- 
quantum ,  quant  deceat  forlem  in  re- 
publicâ  civem  :  ciim  alibi  sœpè  ,  tiim 
verb  libro  primo,  capile  octavo  ,  nos- 
trœ  Reipublicœ  ,  eos  ego  qui  de  jure 
Jisci  ac  fi-galihus  amplificandis  scrip- 
sêre ,  senlentias  primus  omnium  ,  et 
quidem  periculosissimis  temporibus 
refellere  non  dubitârim ,  quod  regi- 
btts  infini  tant  supraque  divinas  et  na- 
turœ  leges  Iribuerent  poleslatem  :  quid 
autem  magis  populare  quant  quod 
scribere  ausus  sum  ,  ne  regibus  qui- 
dem licere  ,  sine  summd  civium  con- 
sensione,  imperare  tribut  a?  Aul  illud 
quanti  est  quod  item  tradidi,  principes 
arctiori  vmculo  divinis  ac  naturœ  le- 
gibus  teneri ,  quant  qui  sub  unperium 
subjecli  sunt  ?  lllos  eliam  paclis  con- 
venus p&rindh  ut  alios  cives  obligari? 
Contra  quant  tamen  omnes  penè  juris 
scientiœ  magistri  docuére  (82).  S'il 
n'avait  fait  que  cela,  il  n'aurait  pas 
offensé  les  esprits  républicains;  mais 
comme  il  soutint  d'autre  côté  que 
les  sujets  ne  pouvaient  entreprendre 
de  déposer  un  monarque  légitime , 
qui  gouvernait  tyranniquement ,  il 
y  eut  beaucoup  de  personnes  qui 
furent  choquées  de  sa  doctrine.  Il 
nous  apprend  la  raison  qui  le  porta  à 
soutenir  ce  sentiment  :  c'est  qu'il 
voyait  presque  partout  les  peuples 
en  guerre  contre  leurs  princes  :  c'est 
qu'on  répandait  de  toutes  parts  une 
infinité  d'écrits  qui ,  en  soutenant 
qu'on  peut  déposer  les  rois  ,  et  régler 
la  succession  des  couronnes  comme  il 
plaît  aux  peuples  ,  n'étaient  propres 
qu'à  ébranler  tous  les  fondemens  des 
sociétés.  Il  crut  donc  que  son  devoir 
l'appelait  à  s'opposer  à  des  maximes 
qu'il  jugeait  si  pernicieuses.  Sedciun 
vidèrent  ubique  subdttosin  principes  ar- 
mari,  libros  eliam,  veluti  faces  ad 
rerum  publicarum  incendia ,  palam 
proj'erri  ,  quibus  docemur  principes 
divinitùs  hominum  generi  tributos  , 
tyrannidis  objecta  specie  de  imperio 
deturbare ,  reges  item  non  h  slirpe  ,  sed 
a  popult  arbitrio  peu  oportere  :  eas- 
que  disciplinas  ,  non  solàm  huju.% 
imperii  ,  verùm  eliam   rerum   omnium. 

(83)  Bodin. ,  Epist.  ad   Vidura  Fabrum,  in  U- 
mine  operis  gallici  de  Bepublkâ, 


BODJN. 


523 


piibllcaritmfundamenta  labefactare  : 
ego  boni  uiriaut  boni  ciuis  esse  negaui 
niumprincipem  quanlumvis  tyrunnum 
ulld  ratio  ne  violare  :  hanc  denique 
ultionem  immoriali  Deo  aliisque  prin- 
eipibus  relmqui  oportere  :  idque  lùm 
dwinis  et  fiumanis  legibus  ac  testimo- 
niis  ,  tùm  etiam  rationibus  ad  assen- 
tiendum  necessariis  cqnfirmavi  (83). 
Notez  qu'ayant  voulu  dire  que  les 
protestans  avaient  bonne  part  à  cette 
espèce  d'écrits-là  .  il  le  fait  crime  raa- 
nière  fort  mode're'e ,  et  en  discul- 
pant Luther  et  Calvin.  Voici  ses  pa- 
roles :  «  De  re'pondre  aux  objections 
»  et  argumens  frivoles  de  ceux  qui 
i  tiennent  le  contraire ,  ce  serait 
»  temps  perdu  :  mais  tout  ainsi  que 
»  celui  qui  doute  s'il  y  a  un  Dieu  raé- 
»  rite  qu'on  lui  fasse  sentir  la  peine 
«  des  lois,  sans  user  cTarguiueus  ; 
»  aussi  font  ceux-là  ,  qui  ont  révo- 
J>  que  en  doute  une  chose  si  claire, 
3>  voire  publiée  par  livres  imprimés  , 
3>  que  les  sujets  peuvent  justement 
})  prendre  les  armes  contre  leur  prince 
3'  tyran,  et  le  faire  mourir  en  quel- 
3>  que  sorte  que  ce  soit  :  combien 
m  que  leurs  plus  apparens  et  savans 
3>  théologiens  (*')  tiennent  qu'il  n'est 
3)  jamais  licite  ,  non  pas  seulement 
3>  de  tuer,  ains  de  se  rebeller  contre 
3>  son  prince  souverain ,  si  ce  n'est 
j)  qu'il  y  eût  mandement  spécial  de 
»  Dieu  ,  et  indubitable  ;  comme 
si  nous  avons  de  Jéhu  (**) ,  Lequel  fut 
3>  élu  de  Dieu  ,  et  sacré  roi  par  le 
3>  prophète,  avec  mandement  exprès 
j)  de  faire  mourir  la  race  d'Achab 
)>  (84)"  H  témoigne  ailleurs  assez 
de  modération  envers  MM.  de  Genève, 
quoiqu'il  crût  avoir  sujet  de  se  plain- 
dre de  l'édition  qui  s'était  faite  de  son 
ouvrage  dans  leur  ville.  Il  ne  descend 
pas  dans  le  détail  :  il  ne  dit  point  , 
comme  Possevin. que  les  Genevois  chan- 
gèrent beaucoup  de  choses  dans  cet 
ouvrage  (85)  i  il  se  tient  dans  une 
assez  grande  généralité.  Vous  allez 
vous  en  convaincre  ,  si  vous  entendez 

(8?.)   Idem  ,  ibtd. 

(*')  Mart.  Luth.  Calvinns  in  Jnamirm,  rt 
in  Instit.  ,  cap.  ullim.  ,  Ub.  IV,  icct.    XXXI. 

l")iy«.  Rcg.,  cap.  VI  H  X. 

(84)  Bodin,  de  la  République  ,  liv.  // ,  chap. 
V,  pag.  3o5. 

,'85)  Genrvates  Podinum  reprehend entes  in 
libru  ejusdem  de  Bepublicdpleraque'inunuU&m 
rtml.    Possevinus  ,    Bibliolh.  ,   loin.    II,  paz- 


le  latin.  Alterum  reprehensionis  gê- 
nas est  eorum  qui  apud  Genevalcs 
secundam  editionem  Reipublicœ  nos- 
trœ  promulgârunt  :  quant  vel  lypis 
mandate  ,  suisque  civibus  ad  intuen- 
dum  proponere  minime  débiteront,  ve! 
auclorem  a  calumniâ  vindicare  :  si 
meminissent  legis  illius  quœ  a  S .  P.  Q. 
Genevate  tata  est  nonis  jun.  mi>.  ux. 
qud  sanctissimè  veiitum  est  secundo 
capite ,  in  eos  scriptores  iiwehi  quos 
interpretére.  Ç)uid  autem  a  me  scrip- 
tttm  est  quod  vcl  a  privait  cujusquam 
dignitate  ,  vel  ab  illius  reipubticœ 
majestate  sit  alienum  ?  sll  etiam  Lnr 
davi  quœ  ab  Mis  sunt  laudabiliter 
instiluta.  Quœ  verb  reprehensione  dtg- 
na  putdrunt ,  abundè,  ut  nobts  qui- 
dem  videmur ,  et  suo  quisque  loco  et 
ordine  rej'utauimus ,  cum  ed  qud  de- 
cuit  aninti  temperantid ,  quant  in  illius 
civitalis  scriptoribtts  pleric/ue  populi 
des iderare  soient  (86).  Prenons  garde 
qu'il  fait  une  grande  distinction  entre 
les  sujets  d'un  tyran  d'administration, 
et  les  princes  étrangers  :  car  il  dés- 
approuve que  les  sujets  preunent  les 
armes  pour  se  délivrer  de  la  tyrannie; 
mais  il  approuve  que  leurs  voisins 
viennent  les  en  délivrer.  «  11  y  a  bien 
»  différence  de  dire  que  le  tyran 
3)  peut  être  licitement  tué  par  un 
»  prince  étranger ,  ou  parle  sujet. 
3>  Et  tout  ainsi  qu'il  est  très-beau  et 
3)  convenable  à  qui  que  ce  soit  ,  de 
»  défendre  par  voie  de  fait  les  biens, 
»  l'honneur  et  la  vie  de  ceux  qui 
»  sont  injustement  allli^és  ,  quand  la 
»  porte  de  justice  est  close  ;  ainsi  que 
»  lit  Moïse,  voyant  battre  et  forcer 
»  son  fière  ,  et  qu'il  n'y  avait  moyen 
3>  d'en  avoir  la  raison  :  aussi  est-ce 
»  chose  très-belle  et  magnifique  à  un 
»  prince  ,  de  prendre  les  armes  pour 
><  venger  tout  un  peuple  injustement 
)>  opprimé  par  la  cruauté  d'un  tyran, 
3>  comme  (it  le  grand  Hercule  ,  qui 
3>  allait  exterminant  par  tout  le  monde 
3>  ces  monstres  tic  tyrans  .  et  pour  ses 
»  hauts  exploits  a  étédéi!'u:  :  ainsi  lit 
3>  Dion  ,  Timoléon  ,  Aratus ,  et  autres 
3>  princes  généreux  ,  qui  ont  emporté 
»  le  titre  de  châtieurs  et  correcteurs 
3>  des  tyrans  (87). 3>  Richeomefait  bien 
des  réflexions  sur  ce  passade  de  Bodiu. 

(86)  Bodin  ,  Episl.   ad  Vidnm   Fabrura. 

(87)  Idem,  de  Repnblii  S  .  Ub,    ! 


5s4 


BODIN. 


dans  le  chapitre  XIII  de  son  examen 
catégorique  de  l'Anti-Coton  (88). 

(Q)  On  peut  connaître  dans  l'une 
et  dans  l'autre  de  ses  doctrines  sur  la 
puissance  des  monarques,  qu'il  avait 
a  cœur  le  bien  public]  Il  soutint  la 
première, lorsqu'il  vit  que  les  flatteurs, 
ou  les  créatures  d'Henri  III,  propo- 
saient des  chosesd'où  pouvaient  naître 
de  grands  abus,  à  la  charge  et  à  l'op- 
pression du  peuple  \  et  il  soutint  la  se- 
conde ,  lorsqu'il  vit  la  France  pleine 
de  factions  ,  et  déchirée  par  des  guer- 
res civiles,  qui  firent  éclore  une  infi- 
nité de  manifestes  et  d'autres  livres  où 
l'on  sapait  les  lois  les  plus  essentiel- 
les et  les  plus  fondamentales  du  gou- 
vernement. On  parlait ,  et  l'on  écri- 
vait touchant  le  pouvoir  des  peuples 
aussi  librement  que  si  l'on  eût  vécu 
dans  un  état  démocratique  ,  et  l'on 
travaillait  à  réduire  en  acte  ce  pou- 
voir-là :  on  machinait  la  translation 
de  la  couronne.  On  approuvait  même 
les  assassins  qui,  sous  prétexte  de 
tyrannie,  attentent  à  la  vie  des  mo- 
narques. Cela  ne  pouvait  être  suivi 
que  des  plusaftreusesdésolations.  C'est 
pourquoi  Bodin  ,  en  s'opposant  à  une 
telle  licence,  se  montra  très-affection- 
né au  bien  public.  Qui  regias  opes  et 
honores  popularibus  commodis  post- 
habui  ,  idem  sciiptis  ac  sei  nionibus 
execratus  sum  eos  qui  tyrannidis  spe- 
cie  suo  principi  manus  offerte ,  deque 
regibus  populi  suffi  agio  creandis  ro- 
galiones  promu/gare  ,  et  è  manibus 
legilimoruin  principum  sceplra  violen- 
ter extorquere  conantur  (89)  ■  Il  eut  le 
malheur  de  démentir  ses  principes 
après  la  mort  d'Henri  III  ;  car  il  entra 
dans  le  parti  de  la  ligue  :  mais  la 
chute  d'un  pécheur  n'empêche  pas 
que  les  bonnes  actions  qu'il  avait  fai- 
tes ne  soient  bonnes. 

(R)  On  lui  Jît  en  Angleterre  une 
réponse  très-ingénieuse.']  <e  Bodin  , 
»  étant  en  Angleterre  au  voyage  de 
)>  M.  deMompensier,  se  rendit  odieux 
»  aux  Anglais,  et  indiscret  auxFran- 
»  çais ,  pour  sa  curiosité.  Dînant  en 
»  la  maison  d'un  seigneur  du  pays  , 
J)  il  se  jeta  sur  les  prétentions  des 
»  princes  à  la  couronne  d'Angleterre, 
»  et  dit  qu'une  princesse  en  était  l'hé- 
»  ritière  présomptive,  sinon  qu'elle  en 

(88)  Bodinus  ,  de  Republicâ  ,  lib.  Il,  cap.  V, 
pag.  11  3  et  suivantes. 

(89)  Bodini  Epist.  ad  Vidum  Fabrum. 


»>  fût  excluse  ,  comme  née  hors  le 
»  pays(*),  par  une  une  loi  dont  il 
»  n'avait  jamais  su  l'auteur  ni  Tori- 
»  gine  ,  et  n'avait  pu  apprendre  où 
»  elle  se  trouverait,  fous  la  trouve- 
nt rez  ,  répond  le  seigneur  anglais  , 
»  au  dos  de  la  Salique  ■  repartie 
m  qui  mit  à  rouet  ce  discoureur,  et 
»  lui  fit  connaître  qu'il  n'était  pas 
»  beau  aux  étrangers  d'épluclier  les 
»  secrets  d'un  état.»  Voilà  ce  qu'on 
lit  dans  la  page  82  du  Gallia  Orienta- 
lis  de  M.  Coloiniés.  Il  cite  ces  paroles 
comme  tirées  de  la  page  "î^  du  11e. 
tome  de  l'histoire  de  Henri  IV  ,  com- 
posée par  Pierre  Matthieu.  J'ai  con- 
sulté mon  édition  (90) ,  et  j'y  ai  trou- 
vé ,  non  pas  Bodtn  étant  en  Angle- 
terre au  voyage  de  M.  de  Mompensier; 
mais  ,  un  homme  docte  qui  avait  suivi 
Jeu  Monsieur  au  voyage  d'Angle- 
terre (91).  Je  suis  sur  que  cet  homme 
docte  est  notre  Bodin  ;  mais  l'on  au- 
rait tort  de  dire  qu'il  alla  en  Angle- 
terre avec  M.  de  Mompensier  :  il  y  alla 
avec  le  duc  d'Alençon  qui,  au  temps 
de  Pierre  Matthieu  ,  pouvait  être  qua- 
lifié Jeu  Monsieur.  M.  Ménage  ne 
s'accorde  pas  quant  aux  circonstan- 
ces avec,  cet  historien.  Le  sujet  ,  dit- 
il  (92)  ,  du  voyage  du  duc  d'Alençon 
en  Angleterre  était  son  mariage  avec 
la  reine  Elisabeth.  Bodin  ,  s'entrete- 
nant  un  jour  de  ce  mariage  avec  un 
Anglais ,  cet  Anglais  lui  dit  que  ce 
mariage  ne  se  ferait  point,  les  étran- 
gers par  une  loi  d'Angleterre  étant, 
exclus  de  la  royauté  d'Angleterre. 
Bodin  ,  qui  était  très-informé  de  tou- 
tes les  lois  d'Angleterre,  comme  de 
celles  de  tous  les  autres  royaumes  , 
noyant  point  de  connaissance  de  cette 
loi1  demanda  brusquement  a  l' Anglais, 
où  elle  se  trouvait  :  a  quoi  l'Anglais 
lui  répondit  brusquement  aussi,  qu'elle 
se  trouvait  au  dos  de  la  loi  Salique  : 
ce  qui  depuis  a  passé  parmi  nous  en 
proverbe.  Je  tiens  celte  particularité 
de  M.  du  Puy.  Notez  qu'il  y  a  dans 
Pierre  Matthieu  deux  citations,  et  que 
M.  Colomiés  n'en  rapporte  qu'une  (g3). 

(*)  Quiconque  est  ne' hors  de  l'Angleterre  ne 
peut  rien  prétendre  à  la  couronne,  forez  /'Hist. 
deM.deThou. 

(00)  C'est   celle  de  Genève  ,  en  1620  ,  in-&°. 

('i)l)  Matthieu  ,  Hist.  de  Henri  IV  ,  à  ta  II'. 
Narration  du  livre  VI ,  pag.  5-2n. 

Iqi)  Ménage  ,  Remarques  sur  la  Vie  de  Pierre 
Ayrault,  pag.  i45. 

(p3j  Vautre  e-s^Voy.  l'ArabassadenrdeM.  Hot- 


BOI. 


525 


Bodin  nous  apprend,  qu'il  fut  en- 
voyé en  Angleterre  l'an  i58i  ,  par  le 
duc  d'Anjou,  son  maître  (94)  ,  pen- 
dant la  séance  du  parlement  où  l'on 
défendit  de  parler  du  successeur  de 
la  reine  ,  sous  peine  de  lèse-majesté  ; 
qu'il  harangua  la  reine  ;  et  qu'il  lui 
proposa  l'adoption  du  roi  d'Ecosse, 
et  puis  un  mariage.  Deindc   Lenoxiœ 


principis  connubio  et  arclissimdjosde- 

ris   conjuncliane.    Hœc  mat  Juil    ad 

résinant  nralio  (q5). 

/c\  11  À .  »  j     toute  rançon  que  les  leçons  nu  il 

(3)  II    ne   Jut  jamais     incommode    ,  ,         3     ,    t 


d'église.  Ayant  eu  le  malheur 
d'être  pris  par  des  corsaires  ,  et 
de  se  voir  réduit  à  l'esclavage  , 
il  trouva  le  moyen  d'apprivoiser 
par  son  intelligence  du  jeu  des 
échecs  ces  esprits  turcs  et  fa- 
rouches. Ils  l'admirèrent  là- 
dessus  ,  le  traitèrent  humaine- 
ment, et  n'exigèrent  de  lui  pour 


dans  les  voyages  qu'il  fît  par  mer]    leur  donna  durant  quelques  mois 
11  narre  cela  lui-même  dans  son  Théâ-    sur    ce  jeu  (b).    Nous    parlerons 

d'un  autre  excellent  joueur  d'é- 
checs dans  l'article  Gioachino 
Greco.  Il  eût  été  à  souhaiter  que 
ces  deux  grands  maîtres  nous 
céan,  et  même  qu'il  y  a  essuyé  une  »em-  eussent  donné  quelque  traité  ré- 
pète furieuse,  sans  éprouver  rien  de  _,i*  „,„„„„  •  •  » 
1  , 1  1 1  1,  1  ■  ,  gulier  sur  ce  ieu  :  mais  nous  n  a- 
semblahlc.    la  qutdem  insuelis  navi-     ©                            >       '       ",        >  ^ 

vons  que  quelques  fragrnens  de 


tre  de  la  Nature.  «  Pourquoi  est-ce  , 
»  demande-t-il ,  que  la  mer  excite  le 
»  vomissement,  et  le  flux  de  ventre?» 
11  répond  que  cela  n'est  pas  général  , 
et  qu'il  s'est  trouvé  sept  fois  sur  l'O- 


gare  ,  nec  lamen  omnibus  contingit  : 
seplies  mari  Oceano  reclus  ,  nihil  la- 
men ejusniodi  passus  sum ,  eliamsi 
sœvissimd  procelld  jactatus  ,  ac  ruplis 
vêtis  extrema  pericula  subierim  :  vidi 
tamen  qui  sanguinem  cornèrent  (96) 


l'un  ,  et  des  manières  de  jouer  de 
l'autre ,  qui  ne  suffisent  pas  pour 
faire  une  étude  dans  les  for- 
mes   On  en  a  pourtant  re- 

II  n'est  pas  nécessaire  de  rapporter  la     Cueilli  ce  qui  s'est  trouvé  le  plus 
raison  physique  qu'il  donne;  mais  le   propre  à   être   mis  à  profit ,    et 

l'on  s'en  est  prévalu  pour  faire 
un   livre  sur    celte   matière  (c) 


fait  personnel  qu'il  nous  apprend 
m'a  paru  digne  d'être  allégué.  C'e;>t 
une  partie  de  son  histoire. 

(9^)  Le  même  que  le  duc  (V Alençon. 
(95)  Bodin. ,  de  Kepub.,  lib.  VI ,  pag.  u3s. 
(<i(j,  lîojin.,    in    Tliealro   Nature,    hb.    II, 
pag.  196  ,  ig;. 


(A) 

ib)  D'une  lettre  insérée  dans  le  Mercure 
Galant ,  au  mois  d'août  1688  ,  et  au  mois  ,lr 
décembre  i6g3. 

■  Mercure  Galant ,  du  mois  de  décembre 
169.Î,  pag.  109. 

Julv  croit   que  Vouvrasje  (le    F>oi    n    ele 


BOI  ,   communément    appelé 
il  SlRACUSANO ,  le  Sjracusain  ,  a 

été   un    fameux  joueur  d'échecs  traduit  ouata  que  Bayle  composât  son  D 

qui  fut   fort  considéré  à    la  cour  **°nn*ire;  mais  il  a'en  peut dire  l'a.née 

d'Espagne,  sous  le  roi  Philippe 
II.  Il  reçut  de  ce  monarque 
plusieurs  beaux  présens.  Il  en 
reçut  aussi  beaucoup  du  pape 
Urbain  VIII  ,  et  il  ne  tint  qu'à 
lui  d'en  recevoir  un  bon  évêché; 
car  on  le  lui  fit  offrir*  [a)  :  mais 
il    ne    voulut   pas    être  homme 


*  Lecleic  et  Joly ,  contestent  le  f.iit  de 
l'offre  de  l'c'vêche'  et  de  la  cause  qui  l'aurait 
fail  offrir. 

la)  Quel  abus  !  et  que  voilà  une  belle 
porte  pour  entrer  dans  l'épiscopat. 


et 

n'en  donne  pas  même  le  titre.  I5oi  n'a  pas 
place  dans  la  Biblwtheca  SiCuta  de  Mongi 
tore. 

(A)  On  a  recueilli  de  ses  leçons  et 
de  celles  de  Gioachino  (îreco  sur  les 
échecs  de  quoi  /mur  faire  un  lifre  sur 
cette  matière.']  L'auteur  que  je  cite  eu 
parle  comme  d'un  ouvrage  prêt  à  pa- 
raître F.u  joignant  .  dit-il(i),  avec 
ce  qu'on  a  recueilli  de  ces  deux  célè- 
bres joueurs,  les  lumières  qn  on  a 
eues  d'autre  part,  et  les  observations 
qu'on  a  faites,  soit  en  y  jouant,  soit  en  y 

(1)    I.cllre    insére'e    dae.t   /*■   Mercure   G 
il'iiviil  1CSS  el  de  décembre  •' 


Ï2Ô 


BOISSARD. 


t'oulantjouer,  il  s'est  composé  de  toute 
cette  mature  un  corps  régulier,  qui 
contient  la  science  pratique  du  jeu  des 
échecs.  Je  vous  apprends  qu'on  va 
le  donner  au  public  comme  un  ouvrage 
singulier ,  et  unique  dans  son  espèce , 
et  dont  le  manuscrit,  avant  que  de 
paraître  au  jour ,  a  été  long- temps 
entre  les  mains  d'un  des  premiers 
joueurs  d'échecs  de   France  ,    qu 


ner  au  public  un  gros  recueil  sur 
cette  belle  partie  de  la  littératu- 
re ,  on  lui  envoya  de  toutes  parts 
plusieurs  dessins  et  plusieurs 
crayons  des  vieux  monumens.  Il 
s'était  établi  à  Metz  ,  et  il  y  mou- 
rut le  3o  d'octobre  1602  (a).  Les 
ouvrages  qu'on  a  de  lui  sont  es- 


toril/.  Rerum  Roruanarum  ,  tom.  I,  cap. 
LXXVI.  Il  dit  qu'il  a  tiré  cela  en  partit 
de  deux  Lettres  de  Boissard  ,  qui  sont  à  le. 
tête  de  ses  Antiquite's. 

*  Leduchat ,  à  qui  Bayle  avait  écrit  le  5 
janvier  1697  pour  lui  demander  quelle  e'tait 
la  religion    de  Boissard,   conjecture    que   le 


l'honneur  d'y  jduer  avec  son  altesse    timés  des  antiquaires  (B),  et  sont 
myale  monsieur  le  duc  de  Chartres.     <Jevenus  fort  rares.    Il  se  mêlait 

de  la  poésie  latine  (C).  Par  un 
BOISSARD    (  Jean-Jacques  ) ,    passage  *  que  je  citerai  ailleurs 
né  à  Besançon  l'an  1 528  ,  a  coin-    (£)  ?  on  apprendra  qu'il   fut  au 
posé  plusieurs  gros  recueils  qui    service  du  cardinal  Caraffe. 
servent  à  l'intelligence  des  anti-       (a)  Tircde  Martious  Hankius,  de  Scrip- 
quités    romaines.    Il    leva    lui- 
même  le  plan  de  toutee  qu'il  put 
trouver  d'anciens  monumens  en 
Italie,  et  il  eut  pour  cette  étude 
une  passion  incroyable.  Ce  qui 

lui  arriva  dans  le  iardill  du  Car-     passage  que  Bayle  avait  en  vue  ,  est  celui  qui 
,    _         .     ,  ,  '  -se  trouve  à  la  uag.  621   de    la  seconde  edi- 

dinal  Carpi   le  témoigne  mani- 
festement   (A).     Il    eut   dessein 
d'aller  en  Syrie  ;   mais   une  fiè- 
vre violente  ,  qui  le  saisit  à  Mé- 
thone ,    l'en  empêcha.    Il  avait 
déjà  satisfait  sa  curiosité  d'anti- 
quaire dans  les  îles  de  Corfou  , 
de  Cépbalonie  et  de   Zante  ,   et 
dans  la  Morée  ;  et ,  après  sa  gué- 
rison ,  il  continua  de  visiter  les 
lieux  voisins  de  Méthone.  Étant 
retourné  en  son  pays  ,  il  fut  gou- 
verneur   des   fils    d'Antoine    de 
Vienne  ,  baron  de  Clervant ,  et 
il  voyagea  avec  eux  en  France  , 
en    Allemagne    et   en    Italie.  Il 
avait  laissé  chez  sa  sœur  à  Mom- 
béliard  les  antiquités  qu'il  avait 
rassemblées  avec  tant  de  peine  , 
et  il  eut  le  chagrin  de  les  perdre 
presque  toutes  ,  lorsque  les  Lor- 
rains   ravagèrent    la    Franche  - 
Comté.  Il  n'eut  de  reste  que  cel- 
les qu'il  avait  fait  transporter  à 
Metz  avant  l'invasion  ;  mais  com- 
me on  savait  qu'il  voulait  don- 


Pag- 

tion  du  Mascural  deNaude'.  D'après  ce  passa- 
geon  voit  qu'à  trenteans  Boissardétait  encore 
catholique  puisqu'à  cet  âge  (en  l55o.),  il 
e'iait  encore  au  service  de  Carafï'a. 

(b)  Dans  l'une  des  remarques  de  l'article 
Paul  IV.  [Cet  article  n'existe  pas.] 

(A)  Il  aimait  avec  passion  l'étude 
des  antiquités.  Ce  qui  lui  arriva  dans 
le  jardin  du  cardinal  Carpi  le  prouve 
manifestement.]  Ce  jardin  était  rem- 
pli d'anciens  marbres ,  et  situé  au 
mont  Quirinal.  Boissard  y  entra  un 
jour  avec  ses  amis,  et  s'y  égara  tout, 
exprès  :  il  les  laissa  retourner  chez 
eux,  et  se  tint  caché  dans  quelques 
allées.  11  employa  le  reste  du  jour  à 
copier  des  inscriptions ,  et  à  crayonner 
des  monumens  ;  et  comme  les  portes 
du  jardin  furent  fermées  il  passa  là 
toute  la  nuit.  Le  lendemain  matin  , 
le  cardinal  le  rencontrant  occupé  à  ce 
travail  ne  pouvait  comprendre  de 
quelle  manière  un  étranger  était  en- 
tré dans  son  jardin  à  une  heure  indue; 
mais  quand  il  eut  su  pourquoi  Bois- 
sard avait  passé  là  toute  la  nuit,  il 
donna  ordre  qu'on  le  fît  bien  déjeu- 
ner, et  il  lui  permit  de  copier  et  de 
crayonner  tout  ce  qui  se  trouverait 
de  rare  dans  son  palais  (1). 

(i)  Martinus  HarAius,  de  Rernin  Romanaium 
Scriptorihus  ,    tom.    I,     cap.    LXX.VI ,  pag 

25-,    2D». 


BOLEYN. 

(E)  Les   ouvrages  qu'on  a  de   lui    XII. 


sont  fort  estimes  des  antiquaires.]  Ses 
Antiquités  Romaines  ,  divisées  en  sis 
parues  ,  font  IV  volumes  in-folin. 
Elles  contiennent  plusieurs  estampes, 
qui  furent  gravées,  celles  des  deux 
premiers  tomes  par  The'odore  de  Bry 
(2)  ,  et  celles  des  autres  volumes  pâl- 
ies deux  fils  de  ce  Théodore  (3).  De 
plus,  Boissard  publia  la  fie  de  cent 
ijuatre-vingt-dix-liuU  personnes  illus- 
tres ,  avec  leur  taille-douce.  Cet  ou- 
vrage est  divisé  en  quatre  parties  in- 
j  '.  ,  qui  furent  imprimées  à  Franc- 
fort, la  Ire.  Tan  1597,  la  IIe.  et  la  III1. 
Tan  i5t,8,  et  la  IVe.  l'an  i5<w  (4). 
Son  traité  de  Du'inatione  et  Magicis 
Prœstigiis  fut  imprimé  après  sa  mort. 
Je  laisse  là  ses  Emblèmes  ,  etc. 

(C)  //  se  mêlait  de  la  poésie  latine.  ] 
Je  n'ai  point  l'édition  de  Metz  ,  en 
i53g,  («8°.  ,  qui  est  dans  le  Catalo- 
gue d'Oxford  :  je  n'ai  que  celle  de 
Bâle,  en  iS^i.i  m  12.  Elle  contient 
tro\,S  livres  drEpigramm.es,  trois  livres 
&  Elégies,  et  trois  livres  de  Lettres. 

Si  ces  vers-là  ne  méritent  point  tou- 
tes les  louanges  que  Borrichius  leur 
donne,  ils  ne  méritent  pas  non  plus 
le  mépris  que  quelques-uns  ont  pour 
les  vers  que  Jacques  Boissard  a  mis 
au-dessous  de  la  taille-douce  des  hom- 
mes illustres  (5).  Gruterus  a  donné 
place  aux  poésies  de  cet  auteur 
«.lans  les  Délices  des  poètes  français. 

(2)  Il  elail  de  Liège  ,  et  demeurait  à  Franc- 
fort. Hanliius,  de  Script.  Rer.  Rom.,  pag.  a5y. 

(3)  Idem  ,  ibidem. 

(4)  Idem,  ibid.,  loin.   II,  pag.  3t)î. 

(51  Votei  Baillet,  Jugemcru  sur  les  Poètes , 
..uni.  i35g. 

BOLEYN  (  Anne  ) ,  femme  de 
Henni  VIII  ,  roi  d'Angleterre  , 
était  de  meilleure  maison  du  côté 
de  sa  mère,  que  du  côté  de  son 
père  ,  puisqu'elle  était  fille  de 
Thomas  Boleyn,  qui  n'était  que 
chevalier,  et  d'une  fille  du  duc 
de  Norfolc  (a).    Elle  naquit  l'an 


527 
Elle  ne  repassa  point  en 
Angleterre  ,  lorsque  cette  reine 
s'y  retira  après  la  mort  de  son 
mari  :  elle  s'arrêta  au  service  de 
la  reine  Claude,  femme  de  Fran- 
çois Ier.  ;  et  après  la  mort  de  cel- 
te princesse,  elle  entra  chez  la 
duchesse  d'Alençon  (b).  On  ne 
sait  pas  bien  l'année  de  son  re- 
tour en  Angleterre  :  quelques- 
uns  veulent  que  ce  soit  l'an  i5?-7 
(c);  d'autres  l'an  i5:a5  (d).  Ce 
qu'il  y  .i  de  certain  ,  c'est  qu'elle 
entra  fille  d'honneur  chez  la  rei- 
ne Catherine,  et  qu'elle  donna 
de  l'amour  au  roi.  Elle  se  con- 
duisit avec  tant  d'adresse,  qu'en 
refusant  de  contenter  la  passion 
de  ce  monarque  ,  elle  s'en  fit  ai- 
mer pour  le  sacrement.  Ce  prin- 
ce ,  trompé  par  les  artifices  de 
cette  fille,  crut  qu'il  ne  jouirait. 
d'elle  que  sous  le  bénéfice  du  ma- 
riage; et  c'est  ce  qui  l'engagea  à 
pousser  l'affaire  du  divorce,  et  à 
l'exécuter  enfin  avec  tout  l'éclat 
que  chacun  sait.  Ce  qui  ,  dans 
une  autre  rencontre,  serait  fort 
louable,  est  le  principal  crime 
d'Anne  Boleyn  :  avoir  refusé  de 
complaire  à  un  monarque  amou- 
reux ,  à  moins  qu'il  ne  répudiât 
sa  femme,  est  une  faute  bien 
plus  énorme  que  n'aurait  H  • 
de  devenir  sa  concubine.  Une 
concubine  n'aurait  pas  détrôn 
une  reine,  et  ne  lui  aurait  ôté  , 
ni  sa  couronne,  ni  son  mari;  au 
lieu  que  l'artificieuse  Anne  Bo- 
leyn ,  en  faisant  la  chaste  et  la 
scrupuleuse  ,    ne    songeait    qu'à 


iSo'j  ,  et   fut  amenée  en  France    l'usurpation  du  trône  sur  Cathe 
à  l'âge  de  sept  ans ,  par  la  sœur 
de  Henri  YIII  ,  femme  de  Louis 


(a    M.  I.eli,  Hist.    d'Elisabetli ,   tom.  1. 
\j  ,  se   trompe  donc,   qui  la  fait  fdle. 
du  baron  de  Clinslon. 


rine  d'Aragon,  et  à  l'exclure  elle 

{b  Burnet ,  Hist.  de  la  Réformation  dWr.-r 
gletcrre ,  hit.  ff,  pag:  108  etsuif. 

I  à  même  .  pag.  1  io- 

I  Grand  Hi  du  Divorce  de  Henri 
YIII,  tom.  II .  pus.  3l. 


328  BOLEYN. 

et  sa  fille  de  tous   les  honneurs  que  par  l'envie  de  faire  tomber 

qui  leur  étaient  dus.  Quoi  qu'il  son  déshonneur  sur  la  reine  Éli- 

en  soit ,  Henri  VJII  l'épousa  se-  sabeth.  Ils  ont  été  de  ces  satiri- 

crètement   le    14    de   novembre  ques  étourdis,  dont  j'ai  déjà  eu 

i53a    (e),  sans  attendre   qu'il  y  occasion  de  parler,  qui  ,  au  lieu 

eût  sentence  contre  son  mariage  de  ne   faire   ferme    que   sur  les 

avec  Catherine  d'Aragon  ;  et  dès  faits  véritables  ,  se  sont  engagés 

qu'il    s'aperçut    de    la  grossesse  à  des  médisances   très-faciles  à 

de  sa  nouvelle  femme  ,  il  rendit  réfuter  (D).    Leur  aveuglement 

public  son  mariage,  et  fit  décla-  est   d'autant    plus    inexcusable, 

rer  reine  d'Angleterre  Anne  Bo-  qu'ils  pouvaient  assez  médire  sans 

leyn  ,  la  veille  de   Pâques   1  533  passer  les  bornes  d'un  fidèle  his- 

(f) ,  et  couronner  le  itr.  de  juin  torien  (E).    C'est  dommage  que 

suivant    {g).    Elle  accoucha  Je  7  la  bonne  fortune  qu'ils  ont  eue , 

de  septembre  (h) ,   et  continua  de  trouver  une  infinité  de  copis- 

d'être  fort  aimée  du  roi ,  jusques  tes  et  de  lecteurs  complaisans  , 

à  ce  que  les  charmes  de  Jeanne  inspireà  tantd'autres  la  hardiesse 

Seymour  eurent  embrasé  le  cœur  de  les  imiter.  Sanderus  est  l'uni- 

de  ce  prince  l'an  i536  (e).  Alors  que  source  de  tous  les  auteurs 

il  passa  de  l'amour  jusqu'à  une  qui  ont  déchiré  Anne  Boleyn  , 

haine  violente  pour  sa  femme,  et  nommément  de  M.  Moréri. 

Il   la  crut  impudique  :   il  la  fit  Ceux  qui   disent  que  les  protes— 

emprisonner;  et  lui  fit  faire  son  tansdevraient  rougir  d'avoir  tant 

procès  (A).    On  la  condamna  à  d'obligation    à   cette    reine    qui 

être  ou  brûlée,  ou  décapitée  (k):  était  de  leur    religion,  feraient 

son  mariage  fut  déclaré  nul  (B) ,  bien  de  déclarer  ,  avant   toutes 

à    cause    qu'elle    avoua    qu'elle  choses ,  qu'ils    sont   bien    fâchés 

avait  épousé  le  roi  dans  un  temps  des    services    que    l'impératrice 

ou  elle  était  engagée  par  contrat  Irène  rendit  à  la  cause  des  ima- 

au  comte  de  Perci  (/).  Elle  fut  dé-  ges  (n). 

capitée  le  19e.  jour  de  mai  i53t>         Consultez  sur  tout  ceci  M.  de 

(m) ,  et  ne  perdit  point  sa  belle  Larrey ,  au  premier  volume  de 

humeur  dans  cette  rencontre  (C).  son  Histoire  d'Angleterre  :  vous 

Quelques   historiens  catholiques  y   trouverez  les  raisons  du  pour 

se  sont  donné  une  licence  prodi-  et  du  contre  rapportées  nette- 

gieusede  mentir  contre  elle;  tant  ment,    et  notre   Anne  justifiée 

par  le  chagrin  qu'ils  avaient  du  autant  que  les  lois  de   l'histoire 
schisme  dont  elle  avait  été  cause, 

(e)  Burnet,  Hist.  de  la  Réformalion  d'An- 
glul.  ,  Iw.  II.  pag   295. 

{f  )  Là  même  ,  pag.  3o5. 

(g)  Là  même,  pag.  .^07. 

(h)  D'une  fille,  qui  a  été  la  reine  Elisa- 
beth. 

(i)  Burnet,  Hist.   de  U  Réformat.   d'An- 
glet.,  /»'.  III,  pag-  455. 

(k)  Là  même ,  pag.  4^9- 
l  Là  même  ,  pag.  4"2- 
m)  Là  même,  pag.  !\"]5. 


l'ont  pvi  souffrir. 

(n)  Là  même  ,  pag.  479- 

(A)  Henri  VIII  lui  fit  faire  son. 
procès*.]  Sanderus  a  débite  que  le 
propre  père  d'Anne  fu*  'le  ceux  qui 
la  condamnèrent.  Le  docteur  Burnet, 
sur  la    foi  d'Heilin  ,    avait  débité   la 

*  CViaufepié  transcrit  copie  d'une  partie  dc> 
informations  contre  Anne  r>oleyn,et  une  lettre  <!« 
celte  teainie  à  Henri  Vllt. 


BOLEYN. 


b?x 


même  chose;  mais  il  s'en  rétracta  dans  pitre  V  du  XVIe.  livre  de  sa  Cosmo- 
les  additions  (i).  11  avait  trouve  le  graphie  universelle  ,  que  plusieurs 
registre   du  procès  ,   et  n'avait  point    gentilshommes   anglais    l'aboient    as 


vu  entre  les  juges  le  comte  de  \Vilt 
shire.  C'est  ainsi  que  s'appelait  en  ce 
temps-là  le  père  d'Anne  Boleyn.  11 
est  remarquable  que  cette  reine  fut 
accusée  du  crime  de  lèse-majesté,  pour 
avoir  couché  plusieurs  j'ois  avec  son 
frère  ,  et  avec  quatre  hommes  ;  pour 
leur  avoir  déclaré  a  tons  que  jamais 
le  roi  n'avait  eu  son  cœur;  pour  avoir 
dit  à  chacun  d'eux  qu'elle  l'aimait 
plus  qu'aucune  autre  personne  ;  et  pour 
avoir  traité  i/ijurieusement  le  sang 
royal.  Or ,  c'était  là  ,  suivant  la  loi 
faite  peu  auparavant,  un  crime  de  lè- 
se-majesté ;  et  on  se  servit  ainsi  contre 
cette  malheureuse  princesse  de  la  mé- 
rite loi  qui  avait  d'abord  ete  faite  en 
sa  faveur,  et  en  faveur  de  ses  enfans 
(a).  L'évèque  d'Amèlia  est  allé    plus 


seuré  que  le  musicien  Smeton  s'était 
dédit  ,  et  repenti  d'avoir  perdu  la 
reine  far  une  fausse  accusation.  J'ai 
voulu  vérifier  la  chose  ,  quoique  je 
susse  que  l'autorité  de  ce  moine  est 
immédiatement  au-dessus  de  rien;  car 
c'est  un  homme  dont  les  livres  sont 
remplis  de  fables  et  d'ignorance  :  c'est 
un  menteur  sans  jugement  et  sans  es- 
prit. Mais  néanmoins  j'ai  voulu  être 
témoin  oculaire  de  ce  qu'il  a  écrit 
là-dessus  ,  et  voici  ce  que  j'ai  trouvé 
dans  son  ouvrage  :  Plusieurs  gentils- 
hommes anglois  m'ont  asseuré  qu'Hen 
ri  VIII  eut  belle  repentance  des  offen- 
ses par  luy  commises  ,  estant  à  {arti- 
cle de  la  mort  ;  et  entre  les  autres 
choses  ,  de  l'injure  et  crime  commise 
contre  ladite  Toyne  Anne  de  Boulan 


loin   que  Sanderus;   car  il  a  dit  que    Jaulsement   vaincue  et  accusée   de  ce 


qu'on  lui  imposait  (  7  ).  11  n'y  a  dit 
quoi  que  ce  fût  de  la  repentance  ,  ou 
de  la  rétractation  du  musicien  ;  et 
Ion  ne  saurait  la  recueillir  de  son  dis- 
cours par  la  voie  des  conséquences  , 
vu  qu'il  serait  très-possible  que  cet 
homme  eût  persévéré  jusqu'à  la  fin 
dans  sa  première  déposition  ou  dan- 
son  aveu ,  et    que    néanmoins    Henri 


Thomas  Boleyn  présida  au  jugement 
de  sa  fille.  Poenœ  ministrumjittœ  far- 
tima  pntiem  dédit ,  qui  joriè  capila- 
Uum  rerum  judex  adversùs  eam  capi- 
iis  senlentiam  tulit  (  3  ).  Ce  qu'il  dit  , 
que  tous  ceux  que  l'on  accusa  d'avoir 
eu  commerce  avec  elle  l'avouèrent  à 
la  question,  est  démenti  par  M.  iJur- 
net ,  qui  observe  qu'il  n'y  en  eut  qu'un 

qui  avoua.  Ce  fut  un  musicien  nom-  VIII  tût  opprimé  par  de  faux  témoin 
me  Smeton  :  il  convint  qu'il  avait  l'innocence  de  la  reine.  Au  fond  le 
couche  trois  fois  avec  la  reine  (4).  11  témoignage  de  Thevet  n'a  point  de 
est  remarquable  que  sous  le  long  rè-  force,  puisqu'il  ne  nomme  pou;: 
gne  d'Elisabeth  on  n'a  point  tâché  de  les  gentilshommes  qui  lui  avaient  dit 
justifier  sa  mère.  Les  catholiques  s'en    cela  ;   et  qu'en  cas  qu'ils  fussent  amis 

1  de  la  reine  Elisabeth  ,  il  faudrait  les 
soupçonner  de  prévention  ,  et  d'avoir 
avancé  des  choses  sur  des  bruits  va- 
gues ,  auxquels  ils  n'auraient  ajoute 
foi  qu'à  cause  qu'ils  les  auraient  trou- 
vés conformes  à  leurs  désirs.  Il  y  a 
une  autre  circonstance  qui  énerve  ici 
l'autorité  de  ce  moine  :  c'est  qu'il  par- 
le de  l,i  reine  Elisabeth  comme  un 
homme  qui  espérait  d'en  recevoir  un 
I  résent.  Princesse,  dit-il  (8),  autan', 
généreuse  ,  libérale  h  l'endroit  des 
hommes  de  scavoir ,  et  en  toutes  se 
ai  tmns  chaste  ,  avant  eu  de  tout 
temps  les  bons  esprits  en  singulière 
recommandation  ,  autant  que  nui 
autre  de  ses  devanciers.  Il  l'excuse  nu' 


J 

sont  prévalus  5  mais  on  leur  répond 
qu'ils  feraient  mieux  de  louer  et  d'ad- 
mirer la  prudence  d'Elisabeth  et  cel- 
lf  «le  ses  ministres  (5)  Elle  eût  cru 
affaiblir  ses  droits  en  tâchant  de  les 
défendre;  et  il  eût  fallu  avouer  cer- 
taines choses  d'Anne  Boleyn  ,  qui  au- 
raient tait  quelque  préjudice. 

Je  pourrais  nommer  un  histo- 
rien qui  rapporte  que  Thevet  .  capu- 
cin français  (6),  débite  ,  dans  le  cha- 

(1)  Voyei  les  Additions  et  Corrections  de  la 
F",  partie  de  i'Ili>t.  de  la  Reformalion  d'An- 
gleterre, num.  i. 

(2)  Burnet,  tlist.  de  la  \\ < ''formation  d'Angle- 
terre, /re.  parue  ,  liv.  III ,  pag.  46S- 

(3)  Gratian.  ,  de  Casibns  Viror,  illustrium  , 
pag.  îfig 

,4)  Bnrnet,    Hist.  de  la  Reformalion  d'Angle- 
terre ,  I".  partie,  liv.  III ,  pag.  467. 
(5)  l'a  même,  pag.  480. 

('1)  Il  avait  e'te'  coril elier  et  non  capucin.  Il  se 
ua  fort  jeune. 

TOME  m. 


'-     Thevet,    Cosmographie    universelle,   /.. 
Xf'I,  cliap.  V,  folio  6S-]  verso. 
(8)  Là  même,  folio   o5g 

o  t 


53o 


BOLEYN. 


me  de  ce  qu'elle   avait  introduit  dans 
son  royaume  le  calvinisme. 

(B)  Son  mariage  fut  déclaré  nul.  ] 
L'auteur  de  l'Histoire  de  la  Reforma tion 
d'Angleterre  nous  apprend,  i°.  Que 
milord  Perci  avait  dit  au  cardinal 
Volsey  ,  qu'il  avait  donné  sa  parole 
à  Anne  devant  des  témoins  ,  et  que  sa 
conscience  ne  permettait  point  qu'il  se 
dégageât  (g).  2°.  Que  lorsqu'on  pressa 
ce  seigneur  ,  pendant  le  procès  de  la 
reine  ,  de  déclarer  qu'il  y  avait  eu  en 
ce  temps- la  un  contrat  entre  lui  et 
Anne  Boulen  ,  il  fit  serment ,  en  pré- 
sence de  deux  archevêques  ,  qu'il  n'y 
avait  jamais  eu  de  contrat  ni  de  pro- 
messe de  mariage  entre  lui  et  celte  fil- 
le ;  et  pour  rendre  ce  serment  plus  so- 
lennel, ii  reçut  la  communion  en  pré- 
sence de  plusieurs  conseillers  d'état , 
et  souhaita  que  la  réception  de  ce  sa- 
crement fût  suivie  de  sa  damnation 
s'il  avait  été  dans  un  engagement  de 
cette  nature.  3°.  Que  la  reine  ,  pen- 
dant sou  procès ,  n'avoua  rien  tou- 
chant son  engagement  prétendu  avec 
ce  milord;  mais,  quand  on  l'eut  con- 
damnée ,  elle  confessa  qu'il  y  avait 
eu  un  contrat  entre  elle  et  Perci  ,  et 
ayant  été  amenée  devant  la  cour  ec- 
clésiastique ,  le  17  de  mai  ,  elle  dé- 
clara qu'il  y  avait  eu  de  justes  empé- 
chemens  h  son  mariage  avec  le  roi,  et 
qu'ainsi  ce  mariage-là  ne  pouvait  pas 
être  valable  (10).  4°-  Que  sur  sa  con- 
fession la  sentence  de  divorce  fut  pro- 
noncée (il)-  5°.  Que  l'original  de  cet- 
te sentence  a  été  brûlé  ;  mais  ce  qu'on 
vient  d'en  dire  est  répété  dans  une 
loi  que  le  parlement  fit  peu  après  pour 
régler  la  succession.  6°.  Que  les  deux 
sentences  que  l'on  prononça  contre  la 
reine  sont  tellement  opposées  l'une  a 
l'autre  ,  qu'il  faut  au  moins  que  l'une 
des  deux  ait  été  injuste.  Car  si  le  ma- 
riage de  cette  princesse  avec  le  roi  était 
nul  dès  le  commencement ,  elle  n'a  été 
aucunement  coupable  d'adultère;  puis- 
que cette  invalidité  empêchait  qu'elle 
ne  fut  femme  légitime  de  Henri.  Si 
ce  mariage  était  bon  ,  il  y  a  eu  de 
l'injustice  à  le  casser  :  et  s'il  n'était 
pas  valable  ,  la  condamnation  de  la 
reine  a  blessé  manifestement  l'équité  ; 
et  on  ne  saurait  soutenir  que  celte  pnn- 

(9)  Eiirnct  ,  Histoire  de  la  Réformation  d'An- 
gleterre, lin.  III  ,  pag.  47°- 

(10)  Là  même  ,  pag.  471. 
(u)  La  même,  pag.  1-2. 


cesse  ait  manqué  de  fidélité  pour  le 
roi ,  puisqu  alors  elle  n'était  point 
obligée  de  lui  garder  la  foi.  11  y  au- 
rait bien  des  remarques  à  faire  sur 
tout  ceci  :  je  me  contenterai  de  ces 
trois  :  i°.  Le  milord  qui  ,  avec  ser- 
ment et  la  communion  à  la  main,  nia 
qu'il  y  eût  eu  quelque  engagement 
entre  lui  et  Anne  ,  était  un  grand 
fourbe  ,  ou  alors  ,  ou  quand  il  dé- 
clara qu'il  avait  donné  sa  foi  à  cette 
fdle  (12).  Si  l'on  préfère  son  serment 
à  l'autre  déclaration,  il  faudra  dire 
que  la  reine,  prête  à  mourir,  a  dé- 
posé faussement  qu'elle  avait  été  en- 
gagée avec  ce  milord.  Si  elle  a  été 
capable  de  mentir  eu  cette  rencontre, 
il  ne  faut  plus  alléguer  pour  sa  justi- 
fication qu'elle  protesta  toujours  de 
son  innocence  ,  et  même  sur  Técha- 
iaud  ;  car  une  femme  qui  ,  sur  le 
point  de  comparaître  devant  Dieu  , 
est  capable  d'avouer  une  fausseté  qui 
rend  ses  enfans  illégitimes  ,  est  bien 
capable  de  nier  une  vérité  qui  la  cou- 
vre de  déshonneur.  Et  nous  avons  ici 
un  fait  choisi  entre  plusieurs  autres 
de  même  espèce  ,  qui  montre  que  le 
pyrrhonisme  historique  peut  se  bat- 
tre sans  désavantage  contre  les  ser- 
mens  et  contre  les  protestations  des 
mourans.  2°.  L'adresse  des  historiens 
est  remarquable  :  ils  se  servent  d'un 
fait  lorsqu  ils  en  peuvent  tirer  quel- 
que utilité,  et  ils  le  nient  lorsqu'ils 
s'en  trouvent  incommodés.  11  est  uti- 
le ,  quand  on  veut  prouver  qu'Anne 
Boleyn  ne  poussait  point  Henri  VIII 
à  répudier  la  reine,  de  montrer  qu'el- 
le songeait  tout  de  bon  à  se  marier  à 
milord  Perci  :  il  est  bon  alors  d'a- 
vouer son  engagement.  Mais  si ,  d'un 
autre  côté,  quelqu'un  nous  vient  dire 
que  par  cet  engagement  son  mariage 
avec  Henri  VIII  devient  nul,  et  qu'ain- 
si la  reine  Elisabeth  eût  été  bâtarde  , 
quand  même  le  divorce  de  Catherine 
eût  été  juste;  alors  il  faut  dire  que 
cet  engagement  est  un  conte  ,  et  se 
servir  dessermens  et  des  communions 
de  Perci.  3°.  Il  n'y  eut  jamais  pou- 
voir arbitraire  qui  surpasse  celui  que 
les  parlemcns  d'Angleterre  exercèrent 
au  XVIe.  siècle.  Tout  ce  que  la  nation 
pouvait  faire  de  plus  authentique  pour 
déclarer  nul  le  mariage  de  Henri  VIII 

(12)  Voyez  le  docteur  Bnrnet,  Histoire  <le 
la  Kéïurniation  d'Angleterre  ,  llv.  II ,  pag.  m, 
112. 


BOLEYN.  53i 

avec  Catherine  d'Aragon  fut  employé:  ne'e  au  lieu  du  supplice  (17)  elle 
Marie,  leur  fille,  était  donc  bâtarde  j  s'emporta  extrêmement  contre  le  peu- 
et  cependant  on  la  reconnut  pour  rei-  pie,  qui  ne  lui  faisait  aucun  honneur, 
ne,  en  qualité  d'enfant  légitime  de  et  leur  déclara  que  ,  quand  ils  en  de- 
Henri.  Tout  ce  qui  e'tait  nécessaire  vraient  crever  de  dépit  ,  elle  était 
pour  déclarer  nul  le  mariage  du  mê-  et  mourrait  leur  reine.  (  Uni  è  carce- 
me  prince  avec  Anne  fut  employé  :  ribus  in  aream  ,  quœ  peiampla  est 
Elisabeth,  leur  tille,  était  doue  bâ-  ante  Arcem  ,  producerelur  ,  qub  om- 
tarde  ;  et  néanmoins  on  la  reconnut  nis  mulliludo  concurrerat  ad  spectan- 
pour  reine,  en  qualité  déniant  légi-  dum  necem  ejus  ,  quant  nuper  demis- 
tiiue  de  Henri.  On  brilla  l'original  de  se  adorare  consueverant ,  nec  trans- 
la  sentence  de  divorce  :  c'es{  qu'on  ne  euntem  ulln  honnie  dignarentur;  Ma, 
voulait  pas  laisser  subsister  un  titre  ne  tum  quidem  oblita  superbiœ ,  con- 
si  désavantageux  à  la  reine  Elisabeth,  tumeliosissimè  e->s  compe liant  ennvi- 
Remarquez  bien  que  dans  les  royau-  cio  increpuit ,  esse  morituramque  se 
mes  héréditaires  c'est  une  loi  fonda-  reginam eorumferens,  disrumperentur 
mentale  que  les  biltards  soient  postpo-    omnes  licet  (18). 

ses  à  tous  les  païens  légitimes  de  la  (D)  Les  catholiques  en  ont  dit  des 
famille  royale.  médisances*  très-faciles  a  réfuter.  ] 
(C)  Elle  fut  décapitée  y  ..  ..  et  ne  Qu'y  a-t-il,  par  exemple,  de  plus  aisé 
perdit  point  sa  belle  humeur  dans  cet-  à  détruire  que  le  conte  que  tant  de 
le  rencontre.]  Pendant  sa  prison,  elle  gens  ont  copié  de  Sanderus  ;  savoir  : 
jouait  des  personnages  bien  différons.  qu'Anne  était  fille  de  Henri  VIII  ;  que 
Quelquefois  elle  paraissait  dévote  et  sa  mère  la  mit  au  monde  deux  ans 
Misait  des  pleurs  en  abondance  ,  et  après  le  départ  de  Thomas  Boleyn 
tout  d'un  coup  elle  passait  à  de  grands  pour  l'ambassade  de  France,  à  la- 
éclats   de    rire  (  i3) Aussitôt  que    quelle  le  roi  ne  l'avait  nommé  qu'afin 

les  juges  qui  étaient  venus  l'examiner  de  jouir  plus  librement  de  la  femme 
furent  partis  elle  se  mit  à  genoux  ,  en  l'absence  du  mari  ;  que  Thomas 
et ,  fondant  en  larmes,  cria  plusieurs  Boleyn  apprenant  ,  à  son  retour  en 
fois,  Seigneur  Jésus,  ayez  pitié  de  Angleterre,  la  mauvaise  conduite  de 
moi  ;  et  au  même  temps  on  la  vit  sa  femme ,  la  fit  appeler  par-devant 
éclater  de  rire  (1  \  ■  Quelques  heures  l'njjïcial  de  Cantorbéri,  pour  cause 
avant  sa  mort,  elle  dit  que  l'exécuteur  d'adultère  ,  et  demanda  la  séparation 
était  fort  habile,  et  que  d'ailleurs  (19);  qu'il  reçut  ordre  du  roi  de  ces- 
elle  avait  le  cou  assez  petit  (  i5  ).  Au  ser  toutes  ses  poursuites,  et  de  reniet- 
mème  temps  elle,  y  porta  la  main,  et  tre  son  épouse  en  ses  bonnes  gi3ces  ; 
se  mit  à  rire  de  tout  son  cœur.  Le  qu'il  obéit ,  mais  (pie  ce  ne  fut  qu'a- 
Gratiani,  quelque  peu  favorable  qu'il  près  qu'elle  lui  eut  avoué  que  le  roi 
lui  soit ,  avoue  qu'elle  mourut  avec  était  père  de  la  dernière  fille  dont  elle 
beaucoup  de  résolution  ,  et  qu'elle  eut  était  accouchée  (20)  ;  qu'Anne  Boleyn, 
soin  de  bien  étendre  sa  robe  sur  ses  à  quinze  ans,  fut  débauchée  par  le 
pieds,  atin  de  tomber  honnêtement,  maître  d'hôtel  et  par  l'aumônier  de 
Postremb  genibus  positts  ultimos  quo-  son  père;  qu'ensuite  on  l'envoya  en 
que  pedes  qub  honestihs  pmeumberet  France  cbez  un  seigneur  qui  la  nour- 
veste  contexil  (16).  Les  poètes  remar-  (  ,  Ta  p[ace  )  $elon  lm<  qui  M  au.dtvanl 
quent  cela  de  Pol yxène  :  les  historiens    je  i,'t  Tour. 

le  remarquent  de  Jules-César  Voyez  la       '18   Gratianus ,  de  Casibus  v;ror.  uiustr., 
remarque  (H)  de  l'article  Oiympus.  Je   W- «%•     ., 

,  3      .     .  1  •.  ('.»:>  Chaufcuie    en    indique   et  relève   quelques- 

doute  fort  de  Ce  que  le  même   Oiatia-     un£5  de  Var.llas,    dont  Bavle  „',v,i«  FaS  parlé. 

ni  rapporte,  que  lorsqu'elle  fut  me-        fig  Sander. ,  Scbiime  d'Angleterre ,  liv.  I  , 

pag    17  de  ta  traduction  de  Mau croix,  édition 
d'Amsterdam,  en  i6Si. 
(i3)  Burnet,  Histoire  de  la  Réfomiaiion  d'An-  (in)  Ce  r-cil    de    Sanderus    a   été  altéré  par 

gleterre,  liv.  1 1  ,pag.  ^5q  quel  jues-uns.  I.e  Gratiani    t'ait  durer  trois  anr 

.    .,    T  1            -,     .           „    /c,  l'absence  de    Thomas  Boleyn.  D'autre 

(ij)  Idem,  ibtd.,  pas.  àoo.  .                     -'. 

•■..,,             'roT  qu  a  ion  retour  il  trouva  sa  femme   enceinte,  et 

(ij)  Là  même,  pag.  ^-5  d'une   lettre  du  lieu-     aue  le  roilui  avoua  que  céta'it  de  son  fait.  Voje% 

tenant  de  la  Tour.  }a    Kéforuiation    d'Angleterre    par  M     Bornet, 

(16)  Gratianus  ,    de    Casibii»  Yiror.    illustr.  ,     pag.  102;  Vaijllas  ,  Hisl.  de  l'Hérésie  ,  liv.  IX, 

pag.  270.  pag.  16t. 


532 


BOLEYN. 


rit.  en  fille  de  grande  qualité'  ;  qu'elle 
se  gouverna  à  la  cour  de  France  avec 
si  peu  de  pudeur,  qu'on  l'appelait 
ordinairement  la  haquenée  d'Angle- 
terre ;  et  qu'à  cause  que  François  1er. 
eut  part  à  ses  bonnes  grâces,  on  la 
nomma  la  mule  du  roi  ;  que  pendant 
les  amours  de  Henri  VIII  pour  cette 
iille  ,  Thomas  v'ial ,  un  des  princi- 
paux seigneurs  de  la  cour,  se  présen- 
ta au  conseil ,  pour  déposer  qu'il 
avait  eu  affaire  avec  elle  en  un  temps 
où  il  ne  croyait  pas  que  le  roi  son- 
geât à  lui  faire  l'honneur  de  l'épouser; 
et  qu'Henri  n'ayant  point  ajouté  foi 
à  cette  déposition  ,    Viat  offrit  de  ren 


»  semblable  aux  poursuites  dont  a 
»  parlé  Sanderus.  Enfin  tous  les  écri- 
»  vains  de  ce  temps-là ,  soit  du  côté 
»  du  pape  ,  ou  du  coté  de  l'empereur, 
»  gardent  un  profond  silence  sur  ces 
»  choses,  qu'ils  n'auraient  jamais  man- 
»  que  de  publier  ,  si  elles  eussent  été 
»  vraies  ,  ou  si  elles  fussent  venues  à 
»  leur  connaissance.  Mais  au  bout  de 
»  quatre-vingts  ans  (21),  on  s'avise 
»  de  forger  une  histoire  pleine  d'im- 
»  postures  ,  ou  du  moins  on  la  publie, 
»  à  cause  qu'alors  il  y  a  plus  de  sûreté 
»  à  mentir;  tous  ceux  qui  auraient 
»  été  capables  défaire  connaître  la  vé- 
rité étant   morts  (22).  »  Quant  à  la 


dre  le  roi  même  spectateur  des  faveurs  troisième  raison,  je  ne  la  rapporte 
qu il  recevrait  de  cette  impudique;  que  qu'en  raccourci.  Thomas  Boleyn  na 
Viat  fut  appelé  impudent,  et  qu'on  le  pu  être  envoyé  ambassadeur  parle  roi 
chassa  de  la  cour.  Henri  VIII ,  avant  l'année  i5og  :  il  fau- 
Le  docteur  Burnet  emploie  contre  lirait  donc  qu'Anne  fut  née  l'an  i5i  1 , 
cela  trois  moyens.  i°.  Sanderus  n'a-  et  qu'en  l'année  i5aG,  on  l'eût  de- 
vance ces  choses,  que  sur  la  foi  d'un  bauchée  dans  sa  maison.  Où  prendra- 
ouvrage  que  personne  ne  vit  jamais  :  t-on  donc  le  temps  qu'elle  fut  en 
c'est  la  vie   de   Thomas   Morus  ,    par  France    chez    un    grand  seigneur ,  et 


Rastal.  2°.  On  a  commencé  trop  tard 
à  les  objecter.  3°.  Il  y  a  des  im- 
possibilités dans  ce  récit.  Voici  la  se- 
conde de  ces  trois  raisons  dans  toute 
son  étendue.  «  Si  ces  choses  ont  été 
);  telles  que  le  rapporte  Sanderus, 
3>  comment,  à  la  mort  d'Anne  de  Bou- 
«  len  ,  n'a-t-on  point  vu  des  personnes 
»  assez  complaisantes  envers  le  roi  , 
3)  ou  assez  ennemies  de  cette  malheu- 
»  reuse  princesse ,  pour  rendre  pu- 
3)  blique  son  infamie  ,  qui  d'ailleurs 
»  ne  pouvait  être  secrète?  Car,  qu'une 
5>  femme  ,  comme  la  mère  d'Anne  de 
»  Boulen  ,  soit  grosse  deux  ans  aprè 


puis  à  la  cour?  Où  trouvera-t-ou  cette 
vie  licencieuse ,  qui  la  tit  nommer  la 
haquenée  d'  Angleterre  ?  Où  trouvera- 
t-on,  dis  -je,  ce  temps  ,  puisqu'elle 
était  de  retour  en  Angleterre  l'an 
i5a6?  On  ne  tirera  jamais  Sanderus  de 
ce  mauvais  pas.  M.  le  Grand,  son 
meilleur  apologiste  ,  l'abandonne  ici. 
Comme  je  ne  prétends  point  déguiser 
ses  fautes  ,  dit  -  il  (l'i)  ,  j'avoue  de 
bonne  foi  quil  est  trop  emporté  contre 
Anne  de  Boulen  ;  qu'aucun  auteur  de 
ma  connaissance ,  hors  lui  ,  n'a  dit 
qu'elle  fût  fille  de  Henri  FUI,  ou 
qu'elle  eût   mené  une   vie  si  d.  réglée. 


3>  le  départ  de  son  mari ,  envoyé  en    Sanderus  affirme  qu'elle  fut  aimée  du 

3)  une  ambassade    considérable;  que    roi  dès  l'an  1 526.  Or,  avant  que  d'être 

3>  ce  mari  sollicite  le  divorce  à  la  cour 

3>  de  l'archevêque  de  Cantorbéri  ;    et 

3>  qu'il  y  fasse  appeler  sa  femme  :  ce 

3>  sont  là   des  circonstances  ,   que   le 

3)  monde  n'oublie  pas  sitôt.  D'autre 

3)  côté  ,  qu'Anne  de  Boulen  ait  été  en 

3>  si  mauvaise  réputation  ;   qu'elle  se 

»  soit  laissée  débaucher  d'abord  chez 

si  son   père  :  qu'ensuite   elle  ait    mal 

)>  vécu  en  France  ;  qu'elle   ait  été  en- 

»  tretenue  par  deux  rois  :  voilà  d'au- 

33  très  circonstances,  qui  ne  peuvent 

31  être  fort  secrètes.  Outre  cela  ,   lors- 

»  que  les  registres  de  la  cour  de  l'ar- 

»  chevêque  subsistaient  encore  ,  on  a 

3)  offert  au  public  de  faire  voir  qu'il 

:>  n'y  avait  dans  ces  registres  rien  de 


aimée  de  ce  monarque  ,  elle  avait  été 
débauchée  chez  son  père  putatif  à 
quinze  ans  ,  elle  avait  fait  du  séjour  en 
Fiance,  elle  était   revenue  en  Angle- 

(21)  Les  fins  de  non-recevoir  doivent  avoir 
liea  ,  dans  ces  sortes  de  procès  ,  toutes  les  fois 
que  l'accusation  est  de  nature  à  être  aisément 
connue  ,  et  que  les  occasions  de  la  produire  se 
sont  présentées ,  sans  que  personne  en  ait  parlé. 
Voyez  ci-dessous  la  remarque  (Kj  de  l'article 
Bolsec. 

(22)  Burnet,  Hist.  de  la  Réform.  d'Anglet., 
pag.  io5.  Voyez  à  la  fin  du  Ier.  volume  dt 
M.  Burnet  ,  la  Réfutation  de  Sanderus  ,  nutn. 
31.  Vous  y  trouverez  toute  celle  seconde  raison 
plus  amplement ,  avec  l'inclusion  particulière 
des  offres  de   Viat  ,  etc. 

(î3)  Le  Grand,  Histoire  du  Divorce  de  Hriwi 
VIII  ,  tom.  II ,  pag.  /,'. 


BOLEYN. 


terre  ,  elle  était  entrée  fille  d'honneur 
chez  la  reine  Catherine.  Elle  avait  donc 
pour  le  moins  près  de  vingt  ans  en 
i5a6:  elle  était  donc  née  Tan  i5o6, 
trois  ans  avant  que  le  roi  Henri  Vi  11 
montât  sur  le  trône,  et  cinq  ans  avant 
qu'aucun  ambassadeur  de  ce  prince 
pût  avoir  mis  deux  ans  à  son  ambas- 
sade. On  a  trouve  qu'Anne  était  née 
l'an  i5o7  :  il  faudrait  donc,  selon 
Sanderus,  qu'Henri  VIII  eût  envoyé  en 
ambassade  Thomas  Boleyn  l'an  i5o5, 
et  qu'il  eût  été  dès  lors  en  plein  com- 
merce d'adultère.  Or  le  premier  de 
ces  faits  est  faux ,  puisqu'Henri  n'était 
point  encore  roi  ;  et  l'autre  n'est  point 
croyable  d'un  garçon  qui  n'avait  que 
quatorze  ans.  Ajoutez  à  cela  (pie  Tho- 
mas Boleyn  ne  fut  nommé  à  l'ambas- 
sade qu'en  l'année  i5i5:  et  remarquez 
bien  que  M.  Burnet  ayant  remis  toutes 
ces  raisons  sur  le  tapis ,  en  réfutant 
M.  Varillas  (24) ,  on  n'a  vu  dans  la  ré- 
plique de  ce  dernier  aucune  preuve, 
ni  aucune  solide  remarque,  en  faveur 
de  Sanderus.  Je  ne  dois  point  passer 
sous  silence  ce  qui  regarde  la  déposi- 
tion de  Viat.  M.  Burnet  en  a  parlé  plus 
amplement  dans  un  ouvrage  posté- 
rieur à  son  Histoire  de  la  Réformation. 
Il  a  d'abord  représenté  combien  une 
telle  déposition  est  contraire  à  la  vrai- 
semblance ;  et  puis  il  a  soutenu  que 
Viat  n'a  jamais  été  disgracié  ;  mais 
qu'il  a  été  employé  en  d>:s  ambassades 
étrangères  jusqu'à  lajinde  sa  fie  (25). 


vain.  «  Sanderus  raconte  des  cho- 
»  ses  de  la  naissance  et  de  la  conduite 
»  d  Anne  avant  qu'Henri  l'eût  aimée, 
»  qui  ne  sont  pas  faciles  à  croire ,  et 
»  dont  les  preuves  ne  persuadent  pas. 
»  Qu'elle  fût  tille  d'Henri;  qu'elle  eût 
»  une  sœur  dont  ce  monarque  eût 
»  abusé  ;  qu'elle  se  fût  prostituée  , 
»  presque  dès  l'enfance  ,  au  maître 
»  d'hôtel  et  à  l'aumônier  de  Thomas 
J>  de  Boulen  ,  qui  passait  pour  son 
»  père;  qu'étant  allée  à  la  cour  de 
»  France,  François  1er.  et  ses  courli- 
>'  sans  l'eussent  tellement  déshonorée, 
»  qu'on  lui  donnât  assez  publiquement 
»  des  noms  infâmes:  ce  sont  des  choses 
»  contre  lesquelles  les  écrivains  pro- 
»  testans  se  récrient ,  et  ont  quelque 
»  droit  de  s'inscrire  en  faux.  Mais  de 
»  quoi  on  ne  la  peut  justifier,  est  d'a- 
»  voirdonné  à  Henri,  en  contrefaisant 
»  la  femme  de  bien  ,  des  espérances 
»  de  l'épouser,  s'il  venait  à  bout  du 
»  divorce  monstrueux  que  VVolsey 
)>  lui  proposait ,  et  d'avoir  contribue 
»  par-là  à  l'injustice  que  ce  prince  fil. 
»  à  sa  femme  légitime  ,  et  à  tous  les 
»  maux  qui  s'en  sont  suivis.  La  fin 
»  tragique,  que  lui  causa  une  incon- 
»  tinenee  prouvée  par  un  jugement 
»  juridique,  fit  voir  que  les  écrivains 
»  catholiques  ont  pu  dire  d'elle  ,  sans 
»  en  juger  témérairement  ,  qu'elle 
»  n'avait  été  chaste  que  quand  elle 
»  avait  été  ambitieuse  (37). 

(E)   On  pouvait  assez  médire  d'elle, 


Il  cite  une  pièce  originale  ,  où  le  fils  de    sans  passer  les  bonus  d'un  fidèle  his 
Viat  atteste,  que.   soupire  était  gea-     Corien.1  M.   de  Idéaux  ne  s  est   servi, 


ti /homme  de  la  chambre  du  r^i  IL  un  , 
pendant  tout  le  temps  que  son  mariage 
a:  ec  Anne  Boleyn  subsista  ;  que  ja- 
mais il  ne  se  retira  de  ta  cour  par 
discrétion;  que  le  roi  ne  parut  point 


pour  diffamer  cette  reine,  que  des 
propres  faits  que  les  protestans  a- 
vouent.  Il  la  convainc  par-là  d'un  en- 
jouement immodeste ,  de  libertés  in- 
discrètes ,   d'une  conduite  irrégulière 


jaloux,   et  que  la  reine  ne  fut  point    et  licencieuse.  On  ne  vit  jamais ,  dit-il 


offensée  de  sa  conduite  ;  ...  que  son 
père  fut  ensuite  ambassadeur  pendant 
plusieurs  années  a  la  cour  de  Charles- 
Quint  (26). 

Le  jésuite  qui  a  publié  trois  tomes 
des  Révolutions  d'Angleterre  ,  me  pa- 


(28),  une  honnête  femme ,  pour  ne  pas 
dire  une  reine,  se  laisser  manquer  de. 
respect  jusqu'à  souffrirdes  déclarations 
telles  que  les  gens  de  toute  qualiti  1 1 
même  de  la  plus  basse  ,  en  firent  U 
cette  princesse.    Que  dis-je.  les  SOUJ- 


raît  fort   raisonnable   sur  le  chapitre   frir?  s'y  plaire,   et  non-seulement  jr 
d'Anne  Bolevn.  Je  rapporte  ce  qu'il  en    entrer ,  mais  encore  se  les  attirer  elle 


dit  :  on  y  verra  que  ceux  qui  ont  re- 
futé Sanderus  n'ont  pas    travaillé  en 

(?4)  forez  M.  Burnet  dans  la  Réfutation  de 
Sanderus,    mim.   21. 

.Vlîurnrt.  Critique  du  \\<-  livre  de  l'His- 
toire de  l'Hérésie  par  31.  Varillas  ,  pag.  8^. 

(î6)  Défense  de  la  Crit'.nue  de  V»rilla». 


même  ,  et  ne  rougir  pas  </••  dire  a  un  de 

ses    gnlans  .   qu'elle     voyait     hienqiiil 

di Itérait  de  se  marier  dans  l'espérance 

(ï-)  Le  père  d'Orléans .  Hist.  des  dévolutions 
d'Angleterre,  foin.   If,  piç. 

(a8)  Histoire  des  Variation»,  h".    VII  ,  «•    " 


53-2 


BOLEYN. 


rit  en  fille  de  grande  qualité;  qu'elle  »  semblable  aux  poursuites  dont  a 
se  gouverna  à  la  cour  de  France  avec  »  parlé  Sanderus.  Enfin  tous  les  e'cri- 
si  peu  de  pudeur,  qu'on  l'appelait  »  vains  de  ce  temps-là ,  soit  du  coté 
ordinairement  la  hnquenée  d'Angle-  »  du  pape  ,  ou  du  côté  de  l'empereur, 
terre  ;  et  qu'à  cause  que  François  1er.  »  gardent  un  profond  silence  sur  ces 
eut  part  à  ses  bonnes  grâces,  on  la  »  choses,  qu'ils  n'auraient  jamais  man- 
nomma  la  mule  du  roi  ;  que  pendant  »  que  de  publier  ,  si  elles  eussent  été 
les  amours  de  Henri  VJli  pour  cette  »  vraies  ,  ou  si  elles  fussent  venues  à 
fille  ,  Thomas  Kial ,  un  des  princi-  »  leur  connaissance.  Mais  au  bout  de 
paux  seigneurs  de  la  cour,  se  présen-  »  quatre-vingts  ans  (21),  on  s'avise 
ta  au  conseil ,  pour  déposer  qu'il  »  de  forger  une  histoire  pleine  d'im- 
avait  eu  affaire  avec  elle  en  un  temps  »  postures  ,  ou  du  moins  on  la  publie, 
où  il  ne  croyait  pas  que  le  roi  son-  »  à  cause  qu'alors  il  y  a  plus  de  sûreté 
gedt  a  lui  faire  l'honneur  de  l'épouser  ;  »  à  mentir;  tous  ceux  qui  auraient 
et  qu'Henri  n'ayant  point  ajouté  foi  »  été  capables  défaire  connaître  la  vé- 
à  cette  déposition,  Viat  offrit  de  ren-  »  rite  étant  morts  (22).  »  Quant  à  la 
dre  le  roi  mè'me  spectateur  des  faveurs  troisième  raison,  je  ne  la  rapporte 
qu il  recevrait  de  cette  impudique;  que  qu'en  raccourci.  Thomas  Boleyn  na 
Viat  fut  appelé  impudent,  et  qu'on  le  pu  être  envoyé  ambassadeur  parle  roi 
chassa  de  la  cour.  Henri  VIII  ,  avant  l'année  1 5og  :  il  fau- 

Le  docteur  Burnet  emploie    contre    drait  donc  qu'Anne  fut  née  l'an  i5i  1 , 
cela   trois  moyens.  i°.   Sanderus  n'a-    et  qu'en    l'année   i5aG,  on    l'eût  de- 
vance ces  choses,  que  sur  la  foi  d'un    bauchée  dans  sa  maison.  Où  prendra- 
ouvrage  que  personne  ne  vit  jamais  :    t-on   donc    le    temps    qu'elle    fut   eu 
c'est  la  vie   de  Thomas   Morus  ,    par    France    chez    un    grand  seigneur ,  et 
Kastal.  20.  On  a  commencé   trop  tard    puisa  la  cour  ?  Où  trouvera-t-ou  cette 
à  les   objecter.    3°.    Il    y    a   des    im-    vie  licencieuse,  qui  la  fît  nommer   la 
possibilités  dans  ce  récit.  Voici  la  se-    haquenée  d' Angleterre  ?  Où  trouvera- 
conde  de  ces  trois  raisons  dans  toute    t-on,  dis  -je,  ce  temps  ,    puisqu'elle 
son  étendue.  «  Si  ces  choses   ont  été    était   de    retour    en    Angleterre   l'an 
»  telles   que    le    rapporte   Sanderus,     1 526?  On  ne  tirera  jamais  Sanderus  de 
3>  comment,  à  la  mort  d'Anne  de  Bon-    ce    mau\ais   pas.    M.   le  Grand,    son 
«  len,  n'a-t-on  point  vu  des  personnes    meilleur  apologiste  ,  l'abandonne  ici. 
»  assez  complaisantes  envers  le  roi  ,     Comme  je  ne  prétends  point  déguiser 
»  ou  assez  ennemies  de  cette  malheu-    sus  fautes  ,    dit  -  il    (i'5)  ,  j'avoue  de 
3>  reuse   princesse,    pour   rendre  pu-    bonne  foi  qu il  est  trop  emporté  contre 
3>  blique    son  infamie  ,  qui  d'ailleurs    Anne  de  Boulen  ;  qu'aucun  auteur  de 
3>  ne  pouvait  être  secrète?  Car,  qu'une    ma  connaissance,    hors   lui,    n'a    dit 
j>  femme,  comme  la  mère  d'Anne  de    qu'elle  fût  fille  de  Henri    PIIl,   ou 
;>  Boulen ,  soit  grosse  deux  ans  après    qu'elle  eût  mené  une  vie  si  d>  réglée. 
3)  le  départ  de  son  mari ,  envoyé  en    Sanderus  affirme  qu'elle  fut  aimée  du 
»  une  ambassade    considérable;  que    roi  dès  l'an  i526.  Or,  avant  que  d'être 
3>  ce  mari  sollicite  le  divorce  à  la  cour    aimée  de  ce  monarque  ,  elle  avait  été 
j>  de  l'archevêque  de  Cantorbéri  ;    et    débauchée   chez    son   père   putatif    à 
3)  qu'il  y  fasse  appeler  sa  femme  :  ce    quinze  ans  ,  elle  avait  fait  du  séjour  en 
3>  sont  là   des   circonstances,   que   le    France,  elle  était   revenue  en  Angle- 
3)  monde   n'oublie  pas  sitôt.   D'autre 
3>  côté ,  qu'Anne  de  Boulen  ait  été  en 
3>  si  mauvaise  réputation  ;   qu'elle  se 
»  soit  laissée  débaucher  d'abord  chez 
3>  son   père  :  qu'ensuite   elle  ait    mal 
j>  vécu  en  France  ;  qu'elle   ait  été  en- 
))  tretenue  par  deux  rois  :  voilà  d'au- 
3>  très  circonstances,  qui  ne  peuvent 
3>  être  fort  secrètes.  Outre  cela  ,   lors- 
;>  que  les  registres  de  la  cour  de  l'ar- 
3>  chevêque  subsistaient  encore  ,  on  a 
3'  offert   au  public  de  faire  voir  qu'il 
■»  n'y  avait  dans  ces  registres  rien  de 


(21)  Les  fins  de  non-recevoir  doivent  avoir 
lien  ,  dans  ces  sortes  de  procès  ,  toutes  les  fois 
que  l'accusation  est  de  nature  à  être  aisément 
connue  ,  et  que  les  occasions  de  la  produire  se 
sont  présentées ,  sans  que  personne  en  ait  parlé. 
Voyez  ct-dessous  la  remarque  (K)  de  l'article 
Bolsec. 

(22)  Burnet ,  Hist.  de  la  Réform.  d'Anglet. , 
pag.  io5.  t'oyez  à  la  fin  du  /".  volume  dt 
M.  Burnet  ,  la  Réfutation  de  Sanderus  ,  num. 
21.  Vous  y  trouverez  toute  cette  seconde  raison 
plus  amplement,  avec  l'inclusion  particulière 
des  offres  de   Viat ,  etc. 

(î3)  Le  Grand,  Histoire  du  Divorce  de  Henri 
VIII  ,  lo m.  Il  ,  pa^.  /,-. 


BOLEYN. 


terre  ,  elle  était  entrée  fille  d'honneur 
chez  la  reine  Catherine .  Elle  avait  donc 
pour  le  moins  près  de  vingt  ans  en 
i5a6:  elle  était  donc  née  Fan  i5o6, 
trois  ans  avant  que  le  roi  Henri  VIII 
montât  sur  le  troue  ,  et  cinq  ans  avant. 
qu'aucun  ambassadeur  de  ce  prince 
put  avoir  mis  deux  ans  à  son  ambas- 
sade. On  a  trouvé  qu'Anne  était  née 
l'an    i5o7   :   il    faudrait    donc,   selon 


vain.  «  Sandcrus  raconte  des  cho- 
»  ses  de  la  naissance  et  de  la  conduite 
»  d'Aune  avant  qu'Henri  l'eût  aimée, 
»  qui  ne  sont  pas  faciles  à  croire ,  et 
»  dont  les  preuves  ne  persuadent  pas. 
»  Qu'elle  fut  fille  d'Henri;  qu'elle  eut 
»  une  sœur  dont  ce  monarque  eût 
»  abusé-  qu'elle  se  fi\l  prostituée, 
»  presque  dès  l'enfance  ,  au  maître 
»  d'hôtel  et  à  l'aumônier  de  Thomas 


Sanderus,  qu'Henri  VIII  eut  envoyé  en    »  de   Boulen  ,   qui   passait   pour    son 


ambassade  Thomas  Boleyn  l'an  i5o5, 
et  qu'il  eut  été  dès  lors  en  plein  com- 
merce d'adultère.  Or  le  premier  de 
ces  faits  est  faux  ,  puisqu'Henri  n'était 
point  encore  roi  ;  et  l'autre  n'est  point 
croyable  d'un  «arçon  qui  n'avait  que 
quatorze  ans.  Ajoutez  à  cela  que  Tho- 
mas Boleyn  ne  fut  nommé  à  l'ambas- 
sade qu'en  l'année  i5i5:  et  remarquez 
bien  que  M.  Burnet  ayant  remis  toutes 
ces  raisons  sur  le  tapis ,  en  réfutant 
M.  Varillas  (24) ,  on  n'a  vu  dans  la  ré- 
plique de  ce  dernier  aucune  preuve, 
ni  aucune  solide  remarque,  en  faveur 
de  Sanderus.  Je  ne  dois  point  passer 
s  >iis  silence  ce  qui  regarde  la  déposi- 
tion de  Viat.  M.  Burnet  en  a  parlé  plus 
amplement  dans  un  ouvrage  posté- 
rieur à  son  Histoire  de  la  Réformation. 
Il  a  d'abord  représenté  combien  une 
telle  déposition  est  contraire  à  la  vrai- 
semblance ;  et  puis  il  a  soutenu  que 
Viat  n'a  jamais  été  disgracie  ;  mais 
qu'il  a  été  employé  en  des  ambassades 
étrangères  jusqu'à  ta  fin  de  sa  vie  (25). 
Il  cite  une  pièce  originale  ,  où  le  fils  de 
Viat  atteste  ,  (jue  son  pire  était  gen- 
tilhomme de  la  chambre  du  r^i  IL  nri , 
pendant  tout  le  temps  que  son  mariage 
avec  .Anne  Boleyn  subsista  ;  que  ja- 


»  père;  qu'étant  allée  à  la  cour  de 
»  France,  François  Ier.  et  sescourli- 
>'  sans  l'eussent  tellement  déshonorée, 
»  qu'on  lui  donnât  assez  publiquement 
»  des  noms  infâmes  :  ce  sont  des  choses 
»  contre  lesquelles  les  écrivains  pro- 
»  testans  se  récrient ,  et  ont  quelque 
»  droit  de  s'inscrire  en  faux.  Mais  de 
»  quoi  on  ne  la  peut  justifier,  est  d'a- 
»  voirdonné  à  Henri,  en  contrefaisant 
»  la  femme  de  bien  ,  des  espérances 
»  de  l'épouser,  s'il  venait  à  bout  du 
»  divorce  monstrueux  que  Wolsey 
»  lui  proposait,  et  d'avoir  contribue 
»  par-là  à  l'injustice  que  ce  prince  fil. 
»  à  sa  femme  légitime  ,  et  à  tous  les 
»  maux  qui  s'en  sont  suivis.  La  fin 
»  tragique,  que  lui  causa  une  incon- 
»  tinence  prouvée  par  un  jugement 
»  juridique,  fit  voir  que  les  écrivains 
»  catholiques  ont  pu  dire  d'elle  ,  sans 
»  en  juger  témérairement ,  qu'elle 
»  n'avait  été  chaste  que  quand  elle 
»  avait  été  ambitieuse  (27). 

(E)  On  pouvait  assez  médire  d'aile, 
sans  passer  les  bornes  d  un  fidèle  his- 
torien.^ M.  de  Heaux  ne  s'est  servi', 
pour  diffamer  cette  reine,  que  îles 
propres  faits  que  les  protestans  a- 
vouent.  Il  la  convainc  par-là  d'un  en- 


viais il  ne  se    retira  de  la   cour  par    jouement   immodeste ,  de   libertés  in 

discrétion  ;  que  le  roi  ne  parut  point    discrètes,   d'une  conduite  irrégulière 

jaloux,   et  que  la  reine  ne  fut  point    et  licencieuse.  On  ne  vit  jamais ,  dit-il 

(28),  une  honnête  femme ,  pour  ne  pas 
dire  une  reine,  se  laisser  manque»  d 
respect  jusqu'à  souffrir  des  déclaration* 
telles  que  les  gens  de  toute  qualiti  <  ( 
même  de  la  plus  basse  ,  en  firent  a 
cette  princesse.    Que  dis-je .  les  souj- 


ojjénsce  de  sa  conduite  ;  ...  que  son 
père  fut  ensuite  ambassadeur  pendant 
plusieurs  années  a  la  cour  de  Charles- 
Quint  (26). 

Le  jésuite  qui  a  publié  trois  tomes 
des  Révolutions  d'Angleterre  ,  me  pa- 


raît fort   raisonnable   sur  le  chapitre    frir?  s'y  plaire,   et  non-seulement    ) 
,,   ,  1  .  _„É1  -_    J     .         J       •  l_     _... 11' 


d'Anne  Boleyn.  Je  rapporte  ce  qu'il  en 
dit  :  on  y  verra  que  ceux  qui  ont  ré- 
futé Sanderus  n'ont  pas    travaillé  en 

(a4)  Voyez  M.  Rurnet  dans  la  Réfutation  de 
Sanderus,  num.  21. 

(î3)  Burnet.  Critique  du  IXe.  livre  de  l'His- 
toire de  rilérésie  par  M.  Varillas  ,  pag.  8-. 

(26)  Défense  de  la  Critique  de  V»rilia». 


entrer,  mais  encore  se  les  attirer  elle- 
même  .  et  ne  rougir  pas  d--  due  a  un  de 
ses    gnlans  .   qu'elle     voyait     lii  -Il  qil  il 

différait  île  se  marier  dans  l'espérance 

(27)  Le  père  d'Orléans,  Hist.  des  liés  ululions 
d'Angleterre,  (oui.  If,  pag. 

(28)  HUloire  des  Yanaùoo«.  h».    VII ,  num 
2".  pa0 


536 


BOLSEC. 


il  eut  la  hardiesse  de   faire  un 
discours  public  coutre  le  senti- 
ment    reçu    *.    Dès    qu'on    eut 
appris    les     conversations    qu'il 
avait   eues   avec  certaines   gens 
pour  les  infecter  de  son  pélagia- 
nistne,  Calvin  l'alla  voir,  et  le 
censura  doucement;  ensuite  il  le 
fit  venir  chez  lui,  et  tâcha  de  le 
tirer  d'erreur;  mais  cela  n'em- 
pêcha point   Bolsec  de  se   pro- 
duire en  public  avec  un  discours 
rempli  d'insultes  contre  le  dé- 
cret de  la   prédestination   éter- 
nelle. On  croit  que  sa  hardiesse 
fut  d'autant  plus  grande,  qu'il 
s'imagina  que  Calvin  n'était  point 
du  nombre  de  ses  auditeurs.  Il 
eut  cette  pensée  ,  parce  qu'il  ne 
le    voyait  pas   à   sa  place.   C'est 
que  Calvin  n'étant  venu  qu'après 
le  commencement  du  sermon  , 
se  tint  caché  dans  la  foule  der- 
rière les  autres.  Mais  il  se  mon- 
tra tout  d'un  coup,  dès  que  Bol- 
sec  eut  fini ,  et  le  réfuta  si  forte- 
ment par  l'Écriture  ,  par   saint 
Augustin,  et  par  la  raison,  que 
lui  Bolsec  fut  le  seul  qui  n'eut 
point   de  honte   d'être    terrassé 
de  la  sorte  (B).  Ce  ne   fut   pas 
tout.  L'un  des  magistrats  qui  ont 
droit  de  mettre  les  gens  en  pri- 
son était  présent  à  cette  assem- 
blée;   il  ne  manqua  pas  sur-le- 
champ    d'user  de  son    droit  ;  il 
traita  Bolsec  de  séditieux ,  et  le 
fit    emprisonner.   La   cause    fut 
discutée  fort  amplement  ;  et  en- 
fin, de  l'avis  des  églises  suisses 
(C) ,  le  sénat  de  Genève  déclara 
Bolsec.  convaincu  de  sédition  et 
de  pélagianisme  (D) ,  et  comme 

distingue  pas,  dit  Joly,  ce  que  dans  les  opi- 
nions des  Pélagiens  il  y  avait  de  catholique  , 
d'avec  ce  qu'il  y  avait  d'Iierélriu-. 

*  Il  fallait,  dit  Leolerc  ,  dire,  reçu  à  Ge- 
nève. 


tel  le  bannit  des  terres  de  la  ré- 
publique ,  à  peine  du  fouet  s'il  y 
revenait.  Voilà  ce  qu'on  fit  le  23 
de  décembre   i55t.  Il  se  retira 
dans  un   lieu   du  voisinage   qui 
dépendait  du  canton  de  Berne, 
et    y   causa  tant   de    troubles  , 
qu'on    le   bannit    de   toutes    les 
terres  de  ce  canton  (E)     Il  s'en 
retourna  en  France  ,  s'adressa  à 
ceux   de  la   religion ,  première- 
ment à  Paris  ,  ensuite  à  Orléans 
(F) ,  et  témoigna  un  grand  désir 
d'être  promu  à  la  charge  de  mi- 
nistre,  et  de   rentrer  en  grâce 
avec  l'église  de  Genève;  mais  la 
persécution  qui  s'éleva  contre  le 
parti ,   lui    fit    naître    un    autre- 
dessein  :  ce  fut  celui  de  repren- 
dre sa  première   religion,   et  la 
pratique  de  la  médecine.  Il  fut 
s'établir  à  Autuu  :  il  fit  le  mari 
commode  en  faveur  des  chanoines 
du  lieu ,   et  témoigna  une  pas- 
sion très-violente  contre  l'église 
réformée  (c)  (G).   Cette  compa- 
gne ,  dont  il  était  si  peu  jaloux  , 
était    sa   seconde  femme   (d).  Il 
changea  de  demeure  plus  d'une 
fois  (e)  :  il  demeurait  à  Lyon  l'an 
1 582  ,   comme  il   paraît  par  le 
titre  d'un  ouvrage  qu'il  fit  im- 
primer alors  à  Paris  contre  Théo- 
dore deBèze.  Il  mourut  quelque 
temps  après;  car  il   n'était  plus 
en  vie  l'an  i5H5  (H).  L'ouvrage, 
dont  je  viens  de  parler  ,  a  pour 
titre,     Histoire,    de.     la     Vie, 
Mœurs  ,  Doctrine ,  et  Déporle- 
mens  de  Théodore  de  Bèze  ,  dit 

,'ct  Beza  ,  in  Yitâ  Calvini,  Oper.  ,  lom. 
TII,pag.  3;4. 

Kd)  Idem,  ad  Claud.  de  Xainles,  Apolog. 
allerâ ,  pag.  3^5. 

(e)  Mcdicinain  Calipoli  ad  Ararim  tant 
féliciter  facer  e  quant  ohm  llieolugiam  e.tcr- 
cuit.  Bt-za  ,  Apolog.  altéra  ad  Claud.  de 
Xainles  ,  pag.  '3^'t.  Je.  pense  que  ce  Cdipolis, 
est  BellcvilLe  en  Beaujolais. 


BOLSEC. 


53  7 


le  Spectable ,  grand  ministre  de  et  ils  n'en  avaient  aucune  autre  preuve 
Genève  (f).  Il  avait  été  précédé  qu,e  le  témoignage  de  Bolsec.  Je  ne 
de  Y  Histoire  de  la  Fie,  Mœurs,    "tfT/T.f  sl  ^T?  V^?-* 

.  '  »     avaient  tait   1  honneur  a  cet  écrivain 

.•fCes ,  Doctrine  ,  Constance,  et  de  le  comparer  à  Homère  :  c'est-à-dire, 
Mort  de  Jean  Calvin  ,  jadis  mi-  de  faire  un  tableau,  où  Bolsec  aurait 
nislre  de  Genève,  qui  fut  im-  Paru  vomissant ,  et  entouré  d'un  nom- 
primée  à  Lyon  ,  l'an  i5y7  (g). 
Ces  deux  Histoires  sont  entière- 
ment indignes  de  foi  * ,  tant  à 
cause  que  l'auteur  les  a  écrites 
rempli  de  ressentiment  pour  les 
affronts  qu'il  avait  reçus  (I) ,  que  après  Homère' firci 
parce  qu'il  se  trouve  manifeste-  (i). 
ment  convaincu  de  calomnie  sur 
les  points  les  plus  atroces  (K).  On 
ne  voit  presque  plus  d'écrivain 
de  réputation  qui  n'avoue  que 
cet  auteur  est  suspect  (L).  La 
Croix  du  Maine  le  fait  auteur  de 
quelques  livres,  qui  sont  sortis 
d'une  autre  plume  (M)  ,  et  il    se    rende  a,,x  sottises  les  plus  brutales  le 


rare  iniini  de  prêtres  et  de  moines, 
et  de  laïques  controversistes  ,  affamés 
des  crudités  qu'il  vomissait ,  et  les 
avalant  avec  une  avidité  extrême , 
jusqu'à  lécher  le  plancher;  car  il  est 
certain  qu'on  a  fait  le  même  usage  de 
ces  ordures  ,  que  les  poètes  qui  vinrent 


Cujusque  ex  ore  profusos 
Omnis  posteritas  latices  in  cartnina  duxit , 
Amnemquc  in  tenues  ausa  est  diducere  rivos, 
Unius Jecunda   bonis  (i) 

Voilà  comment  la  fortune  se  joue  des 
choses  :  il  ne  faut  qu'un  certain  amas 
de  circonstances,  pour  faire  que  le 
sort  d'un  faquin  soit  conforme  à  celui 
des  plus  grands  hommes,    et  que  l'on 


même  honneur  qu'aux  plus  belles  pro- 
ductions de  l'esprit  humain.  Quelie 
indignité  !  On  a  pu  appliquer  à  Bolsec 
ce  qu'Ovide  avait  dit  d'Homère  : 

Atljice  Mreoniden  ,  a  quo  ceu  fonte  pe remit 
ValumPienis  ora  nganlur  aquis  (3). 

(B)  11.  fil  un  discours  sur  la  prédes- 
tination,  que  Calvin  réfuta  si  jor- 

temenl  ...   qu'il  fut  le   seul  qui  n'eut 

point  de  honte  de.  se  voir  terrassé  de  la 

sorte.]  De  la  manière  que  Béze  raconte 

ment  fait  par  Salomon   en  son    '*  cl»°se .  il  semble  que  Bolsec  fit   un 

bas  dge  au  commencement  de  son  serm™  '.ma,s  la  Jettre  9™  fut  ëcn,e 

,       °      .     j                     ,si      ■        j  par  Calvin  aux  églises  suisses,  au  nom 

règne,  du  lustre  et  réflexion  du-  de  l'église  de  Genève,  éclaircit  Le  fait, 

quel    Miroir    apparaît   le    vrai  et   montre  que  ce  personnage  ne  lit 

moyen  d 'apaiser  les  troubles  et  autre  chose  qne  censurer,  et  que  réfu- 

séditions  du  royaume  de  France.  ter  un  sermon  ï™  v7ai!-  ?é*r  pl 


munit  à  faux  du  témoignage  de 
Théodore  de  Bèze.  Du  Merdier 
Vau-Privas  savait  de  meilleures 
nouvelles  que  lui  des  écrits  de 
noire  Bolsec.  Outre  les  deux  His- 
toires dont  j'ai  parlé  ,  il  lui  attri- 
bue le  Miroir  de  Vérité ,  au  roi 
Charles  IX ,  aux  princes  et  sei- 
gneurs de  son  conseil ,  du  juge- 


Il  Sut  imprimé  l'an  i5Ô2. 

[f)  Du  VerJier,  Bibliothèque  française, 
pag.  566. 

g)  Là  même. 

*  Leclcrc  et  Joly  devaient  être  «l'un  autre 
avis.  Ils  n'y  manquent  pas. 

(A)  //  s'est  rendu  fumeur  par  des 
ouvrages  satiriques  ,  que  les  moines  et 
les  missionnaires  citent  encore.]  Une 
iniinité  de  gens  ont  débité,  et  d.ins 
leurs  sermons,  et  dans  leurs  livres, 
que  Calvin  avait  eu  la  fleur  des  lis ,  etc. 


noucé  sur  la  grâce  du  Saint  Esprit. 
Tandem  virus  suum  nuper  (4),  aperto 
guitare,  écornait.  SYnm,  cùmpro  more 
nostro  unus  c  fi  alribus  illum  Joanais 
locum  exponeret,  ubi pronunlial  Chi  is- 
lus  ex  Deo  non  esse ,  qui  verba  Det 
non  audiunt  ,  dixissetque  quotqw't 
Spiritu  Dci  renatiaen  sunt,  pe/vica- 

(i)  Voret  m\im.  Var.    Historiar.  lib-  XIII. 
cap.  XXII. 

(2)  Maoilius,  lib.  II,  v.  8  ,  en  parlant  d'Ho- 
mère. 

(3)  Ovid.,  Amor. ,  lit.  III,  elrg.  IX,  vs.  a5. 
f4)  Le  if)  d'octobre  ij5i,  selon  TbéoJ.- 

Beze  ,  in  \iiâ  Cal  fini. 


538 


BOLSEC. 


citer usque in  Jînem  Deo  resistere:  quia  nisjne.~\  M.   Drelincourt   a   publie  (7) 

peculiare  sit  obedientiœ  tlonuni ,  quo  l'exl rai  t  d'une   lettre  que  M.    Lulliu  , 

Deus  suos  electos  dignalur ;  surrexit  conseiller,  et  ancien  syndic  de  la  ré- 

nebulo  Me,  ac  dix it  faisant  et  impiam  publique  de  Genève,  lui  avait  écrite. 

opinionem ,  cujus  auclor  fuit  Lauren-  il  paraît  par  cette  lettre,  que  les  mau- 

tins  Valla,  nostro  seculo  txortamesse:  vaises  mœurs  de  Bolsec  contribuèrent 


quôd  Dei  voluntas  rerurn  omnium  sit 
caussa.  Hoc  autant  modo  peccata  ,  et 
malorum  omnium  culpam  in  Deum 
transcribi,  et  Mi  ajjingi  tyrannicam 
libidinem ,  qualem  poëtœ  veteres  in 
suo  Joi'e  commenli sunt.  Posie'a  ad al- 
lerum  caput  descendit ,  non  ideb  satu- 
tem  consequi  homines,  quia  electi  sint, 
sed  ideb  eligi ,  quia  credant  :  nec  re- 
probari  quemquam  nudo  Dei  placito  , 
sed  eos  tantùm  ,  qui  se  commuai  elec- 
tione  privant.  In  hdc  quœstione  agi- 
tandd  multis  et  atrocibus  convitiis  in 
nos  invectus  càt.  PruJ'eclus  urbis  re 
auditâ  cum  duxil  in  carcerem ,  prœser- 
lint  quia  tumultuosè  plebem  hortalus 
fuerat,  ne  se  decipi  à  nobis  sineret. 
JVunc   ad  senalum   delata  est    causai 


à  son  exil  .Voici  ce  que  porte  cet  extrait  : 
«  Par  sentence  rendue  sur  ses  réponses 
»  et  ses  confessions  dans  les  prisons 
i>  de  cette  ville  le  22  décembre  1 55 1 , 
»  et  publiée  à  son  de  trompe  ,  et  que 
»  j'ai  lue  sur  nos  registres  ,  il  fut  con- 
»  damné  à  un  bannissement  perpé- 
»  tuel ,  à  peine  du  fouet,  pour  ses 
»  scandales  ,  ses  impiétés,  et  sa  mau- 
»  vaise  vie.  »  Voici  "les  termes  dont 
Théodore  de  Bèze  s'est  servi.  Causa 
multis  dispulatiorubus  agitata,  sena- 
tus  helveticarum  eliam  ecclesiarum 
sententiam  percontatus  illum  tum  ut  se- 
diliosum,  tum  ut  merè  pelagianum  , 
a3  decembris  publiée  damnatum  urbe 
expulit  ,  fustuariam  pœnam  minatus  , 
si  vel  in  urbe   vel  in  urbis  terrilorio 


cognitio  ;  ubi  errorem  suum  non  minori    esset  deprehensus  (8). 


obstinatione  quant  audacid  tueri  per 
rexit  (5).  Quant  à  la  manière  dont 
Calvin  le  réfuta ,  lisez  ces  paroles  de 
Théodore  de  Bèze  :  Illum  toi  uerbi 
divini  testimoniis  ,  lot  Auguslini  prœ- 
sertim  locis  ,  lot  denique  tunique  gra- 
vibus  argumenlis  confutauit ,  perculit, 
obruit ,  ut  omnesprœler  ipsummet  per- 
f ridas  front is  monachum  ipsius  vehz- 
menter  puderet  (6). 

(C)  De  l'avis  des  églises  suisses,...  ] 
J'ai  déjà  rapporté  un  long  passage  de 
la  lettre  qu'on  leur  écrivit  pour  les 
consulter. Voicile  début  de  cette  lettre: 
Est  hic  Uieronymus  quidam  ,  qui  ab- 
jecte monachi  cuculld,  unus  ex  circum- 


(E)  Il  causa  tant  de  troubles  dans 
le  canton  de  Berne ,  qu'on  le  bannit 
de  toutes  les  terres  de  ce  canton.  ]  Il 
était  un  de  ceux  qui  accusaient  hau- 
tement Calvin  de  faire  Dieu  l'auteur 
du  péché.  +  Calvin,  pour  prévenir 
les  impressions  que  de  telles  plaintes 
eussent  pu  faire  sur  MM.  de  Berne  ,  se 
fit  députer  vers  eux ,  et  plaida  sa 
cause  en  leur  présence.  Il  fut  si  heu- 
reux ,  qu'encore  que  l'on  ne  voulût 
point  prononcer  sur  sa  doctrine,  ni 
définir  si  elle  était  vraie  ou  fausse ,  on 
ordonna  à  Bolsec  de  se  retirer  hors 
du  pays  (9). 

(F)  Il  retourna  en  France  ,  et  s'a- 


foraneis  medicis  faclus  est ,    qui  f al-  dressa —  a   ceux  de  la  religion 

lendo  et  frustrando,  tantùm  sibi  im-  Orléans.]  Ce  fut  au  synode  national, 

pudentiœ    acquirunt ,   ut   ad    quiduis  qui  se  tint  dans  cette  ville  l'an  i562. 

audendum  prompti  sint ,  ac  parati.  Is  On  voit  dans  les  actes  du  synode  na- 

jam  anle  octo  menses  in  publico  eccle-  tional ,  qui  fut  assemblé  à  Lyon  l'an- 

siœ  nostrœ  cœtu  doclrinam  de  gratuitd  née  suivante  :  on  y  voit ,  dis-je  ,  Bolsec 

Dei  electione ,  quam  ex  verbo  Dei  ac-  parmi    les  ministres  déposés.  11  y  est 

ceptam  uobiscum  docemus ,    labefac-  appelé    infâme,  faussaire  et  apnstat 

tare  conatus  est.  Ac  lune  quidem ,  qi*â  (10).  Cela  montre  que  le  synode  d'Or- 

fieri  poluit  moderalione,   sedala  fuit  léans  ,   trompé  par  l'extérieur  de  sa 

kominis  protervia.  Poslea  non  deslilit  fausse  repentance  ,   l'admit  au   saint 
locis  omnibus  obstrepere ,  ut  simplivi 


bus  hocfîdei  caput  excuteret. 

(D) ....  le  sénat  de  Genève  le  déclara 
convaincu  de  sédition  et  de  pélagia- 

(5)  Vide,  ppiflolam  CXXXII1  Calvini. 
(6;  Bcia  .  :i  Vitî  Calviai  ,  Oper. ,  lom.  III, 
pas-    3^4. 


(•;)  Dam  sa  Défense  de  Calvin,  imprimée  a 
Genève,  Van   1667,  pag.  i5o  ,  i5i. 

(8)  Beza,  in  Vilâ  Calvini  ,  pag.  373. 

*  L'accusalion  n'était  pas  injuste  ,  dit    Leclcrc. 

(g)  lieza  ,  in  Vit'i  Calvini,  ad  ann.  i555. 

(10)  Voyez  1\I.  Quiet,  Synodicon  in  Gallià 
F.efonnatâ,  lom.  I,  pagl\-,. 


EOLSEC. 


ministère  *.  Cependant  il  ne  paraît 
point  par  les  récits  de  Tlie'odore  de 
Bèze ,  répétés  en  divers  endroits  de 
ses  ouvrages,  que  Bnlsec  eût  jamais 
été  ministre.  Voyez  son  Histoire  ecclé- 
siastique ,  au  livre  VI ,  pages  3  f  et  35  : 
mais  corrigez-y  Le  mot  Boliselqae  les 
imprimeurs  y  mirent  au  Hou  de  Bnl- 
sec. Voyez-le  aussi  dans  la  Vie  de  Cal- 
vin eu  français  (i  i). 

(G)  Il  fut  s'établir  a  Aulun  ,  Y  fit 
le  mari  commode  en  faveur  des  cha- 
noines ,  et  témoigna  une  passion  très- 
violente  contre  l  église  reformée.  ]  Je 
rac  sers  d'une  expression  beaucoup 
moins  dure  que  celle  de  Théodore  de 
Bèze  :  aussi  écrivait-il  en  latin.  Ubi 
contra  quant  sperârat  ecclesias  affligi 
animadiertit  ,  rrpetuâ  medicinâ  a<l 
hostes  Evangelii  manifesta  defeclione 
(uxnre  quo  pie  canonicis  Augustndu- 
nensibtis  proslitutd)  transivit.  Undc 
mine  eliam  quibus  potest  maledictis 
verilatem  proscindit  (12).  Quelle  bas- 
sesse  !  quelle  lâcheté  !  Moralement 
parlant ,  il  vaudrait  mieux  être  sujet 
aux  inquiétudes  de  la  jalousie  :  le 
jugement  même  du  public  ,  quelque 
corrompu  qu'il  soit,  tombe  beaucoup 
plus  rudement  sur  le  cocuage  volon- 
taire ,  que  sur  les  infirmités  d'un  mari 
jaloux.  L'indigence  de  liolsec  ,  ni  l'u- 
tilité qu'il  pouvait  tirer  de  son  indul- 
gence pour  les  chanoines  d'Autun  , 
n'auraient  pas  été  capables  de  l'excu- 
ser auprès  des  personnes  mêmes  qui 
font  profession  de  plaisanter  sur  toutes 
choses.  On  rira,  ou  boullbiinera  éga- 
lement ,  soit  qu'il  s'agisse  d'un  mari 
qui  ne  donne  nulle  liberté  à  sa  femme, 
soit  qu'd  s'agisse  d'un  mari  qui  prête 
la  main  aux  plaisirs  qu'elle  veut  pren- 
dre ;  mais  ,  au  fond  ,  on  sentira  pour 
ce  dernier  autant  de  mépris  et  d'in- 
dignation ,  que  Juvénal  : 

Citm  leno  accipial  mœchi buna  ,  si  capiendi 
Jus  nullum  uxori ,  doclus  speclare  lacunar , 


*  On  lit  dans  la  Bibliothèque  française, 
XXIX  ,  ipt  ,  que  tes  actes  du  synode  national 
d'Orléans  ne  parlent  ,1e  Rolsec  en  aucune  ma- 
nière. Quant  aux  actes  Hu  synode  national  <lc 
Lyon,  le  nom  de  Rolsec  n'y  est  tout  an  plu 
que  rirai  lo.s  ;  car  dans  le  second  endroit  on  lit 
Bulsac ,  qui  pourrait  être  un  autre  personnage, 
et  cVat  à  Bu' tac  que  se  donnent  les  qualifications 
répétées  par  Bayle.  Il  n'est  pas  certain  que  ions 
ceux  d  mt  les  noms  sont  accolés  à  ceux  de  liolsec 
eussent  été  admis  au  saint  ministère. 

(i  i)  Paç.  20. 

(la)  Beza,  in  Vilâ  Calvini ,  pag.  3;5  ,  37G. 


»39 


Doclus  h  ad.  calïcem  vigilanli   sterlere  11a  ■ 

SO(lS). 

(H)  //  n'était  plus  en  vie  l'an  1585.] 
«  De  Bèze,  en  sa  réponse  à  Génebranl, 
)>  imprimée  à  Genève  l'an  1 585 ,  dit 
»  de  ce  Bolsec,  en  la  page  ^5  :  Ajoute 
»  toutes  les  fables  que  tu  voudras  , 
»  tirées  de  ce  carme  défroqué,  qui  est 
»  un  homme  infâme  ,  ayant  été  banni 
3>  trois  fois,  et  s'étant  révolté  quatre 
»  fois  ;  et  qui ,  après  avoir  jeté  l'é- 
»  cume  de  son  venin  sur  les  morts  et 
»  sur  les  vivons  ,  est  mort  désespéré.» 
C'est  ce  que  vous  pouvez  lire  dans  la 
Défense  de  Calvin,  faite  par  M.  Dre- 
lincourt  (i4).  Mais  j'ai  lu  tout  le 
contraire  dans  le  livre  d'un  autre 
ministre.  Ces  témoins,  dit-il  ('5), 
sont  plus  croyables  et  dignes  de  foi 
que  ceux  que  produit  l'évéque  ,  qui 
sont  Bolsec  et  Arenius  ,  desquels  le 
premier  a  gémi  et  pleuré  grandement , 
en  plein  synode  ,  d'avoir  chargé  si 
méchamment  de  calomnies  et  d'op- 
probres la  mémoire  d'un  si  grand 
personnage,  et  fidèle  serviteur  de 
Dieu.  Mais  il  ne  faut  pas  que  ceci 
empêche  personne  d'ajouter  foi  au 
passage  que  M  Drelincourt  rapporte; 
car ,  apparemment ,  le  ministre  de 
Fontenai  n'a  voulu  parler  que  des 
démarches  que  fit  Bolsec  au  synode 
d  Orléans  ,  avec  beaucoup  d'humilia- 
tions ,  en  l'année  i56"2.  S'il  n'a  voulu 
dire  que  cela  ,  il  réfute  très-mal  l'ob- 
jection :  vu  que  la  Vie  de  Calvin, 
publiée  par  Bolsec  ,  est  postérieure  de 
quinze  années  à  ce  synode  d'Orléans. 
(1)  Ses  deux  Histoires  de  Calvin  et 
de  Bèze.  sont  indignes  de  foi ,  tant  a 
cause  du  ressentiment  de  l'auteur  pour 

les    affronts  qu'il    avait    reçus ] 

M.  Drelincourt  a  fait  bien  valoir  cet 
argument.  11  étale  les  raisons  que 
Bolsec  avait  de  haïr  Calvin.  Il  dit  que 
Calvin,  avant  convaincu  Bolsec  de 
ses  erreurs  en  pli  ine  assemblée,  l'ex- 
communia ensuite  par  l'avis  de  tout 
le  consistoire  :  il  ajoute  ,  que  Cilvin 
fut  député  avec  quelques  autres  de 
(,■  //■  ce,  pour  aller  informer  la  puis 
sanle  république  de  Berne ,  de  la 

(i3)  Juven.  ,  satirâ  I  ,  vs.  55. 

(>',)    Pag.    107. 

(i5J  Pierre  de  la  Vallale,  ministre  à  h'ontr- 
nai-le-Comle ,  dans  /'jXpolojie  de  l'Epitre  des 
ministres  de  Cbarenton  ,    <>;  ;  •  qu'a 

produit  contre  eni  Armand- Jean  du  PlesaU,  eve- 
que  de  Lue.on  ,  chap    XXI J  ■  pag.  Mj8. 


54o 


BOLSEC. 


et  des  mœurs  de  ce  misérable  Bolsec  »  donné  gloire  a  Dieu,  reconnaissant 
(16).  Ainsi  Ton  peut  regarder  Calvin  »  ses  fautes  ,  et  surtout  sa  mauvaise 
comme  le  principal  promoteur  des  »  conscience,  à  Orléans  ,  en  plein 
deux  arrêts  de  bannissement  qui  tom-  »  synode  général  des  églises  fran- 
hèrent  sur  la  tête  de  Bolsec  ,  l'un  à  »  çaises  ,  l'an  i5Gï  :  tellement  que  l'on 
Genève ,  l'autre  à  Berne.  Pour  cp  qui  »  en  espérait  quelque  chose.  Mais 
est  de  The'odore  de  Bèze  ,  il  s'était  »  depuis  ,  étant  derechef  saisi  d'un 
attire'  l'indignation  de  Bolsec  par  les  »  même  mauvais  esprit. ,  est  retourné 
choses  infamantes  qu'il  avait  publie'es  »  à  ses  premières  erres,  et  déchassé 
contre  lui  en  termes  fort  durs.  M.  Dre-  »  de  tous  ,  comme  il  en  est  digne  ,  sert. 
lincourt  en  donne  des  preuves.  Voici  »  encore  en  tous  les  lieux  où  il  se 
in  passage  qu  il  rapporte  :  «  En  l'an  »>  pourmène  ,  de  témoignage  de  l'ire 
i55i  ,  vint  en  cette  ville  un  certain  »  de  Dieu  contre  ceux  qui  résistent  a 
nomme  Jérôme  Bolsec,  un  peu  »  la  vérité  (17).  »  M.  Drelincourt  rap- 
auparavant  carme  de  Paris,  et  puis  porte  deux  antres  passages  de  Théo- 
soudain devenu  de  théologien  mé-  dore  de  Bèze  (18).  J'ajouterai  à  tout 
decin  ,  ou  plutôt  triacleur,  lequel ,  cela  ,  que  ce  fut  Bèze  qui  fit  impri- 
pour  se  faire  valoir  ,  pensant  être  mer  les  lettres  de  Calvin  ,  l'an  1575  , 
arrivé  en  son  cloître  ,et  non  en  une  parmi  lesquels  il  y  en  a  une  qui  est 
église  de  Dieu  ,  de  laquelle  il  n'a-  foudroyante  contre  Bolsec  (19).  Voilà 
vait  jamais  rien  su  que  par  ouïr  comment  toutes  choses  ont  leur  usage 
dire  ,  commença  à  tenir  par-ri  par-  en  ce  monde.  Le  style  mordant  de  ces 
là  ,  et  aussi  en  pleine  congrégation,  deux  réformateurs  leur  rend  ici  un 
de  mauvais  propos  touchant  la  doc-  grand  service.  11  montre  que  Bolsec  a 
trine  de  la  providence  et  de  la  pré-  du  être  fort  en  colère  de  voir  qu'on 
destination  éternelle  de  Dieu.  De  faisait  des  relations  si  piquantes  des 
Bèze  traite  ce  Bolsec  de  vilain  ,  maux  qu'on  lui  avait  faits  ;  et  qu'ainsi 
d'effronté,  de  loup  déguisé;  et  après  ce  qu'il  publia  l'an  1577  ,  et  l'an  i582, 
avoir  représenté  de  quelle  façon  doit  être  rempli  d'un  esprit  de  ressen- 
Calvin  le  convainquit  de  ses  erreurs,  timent ,  qui  nous  doit  rendre  suspec- 
il  dit  que  monsieur  le  moine  ne  sut  tes  de  fausseté  toutes  ses  historiettes. 
que  répliquer,  et  qu'il  ne  lui  resta  Jamais  homme  n'eut  plus  de  besoin 
qu'une  impudence  monacale.  A  quoi  que  lui  de  procès  verbaux  confirma- 
il  ajoute  :  Laquelle  il  montra  même  tifs  juridiquement  de  ce  qu'il  avance. 

devant  le  siège  judicial,   le    a3  de        (K)  que  parce   qu'il  se   trouve 

décembre  ,  quand  sentence  de  ban-  manifestement  convaincu  de  calomnie 

nissement  lui  fut  prononcée,  a  son  sur  [es  points  les  plus  atroces.']   Il  a 

détrompe,   a  la  manière   accoutu-  débité    que    Calvin  fut    convaincu   à 

Noyon  du  péché  contre  nature,  et 
condamné  seulement  à  la  fleur  de  lis  , 
son  évêque  ayant,  intercédé  pour  lui  , 
afin  que  l'on  modérât  la  peine.  Or  il 
n'y  eut  jamais  de  roman  plus  fabu- 
leux que  celui-là  :  et  il  fallait  être 
d'une  impudence  inouïe ,  pour  oser 
produire  de  tels  contes  ,  l'an    1677  , 

Car  ce  malheureux,  qui  avait  mérité  c'est-à-dire  quarante-trois  ans  depuis 

punition  pour  un   acte  séditieux,  qUe  Calvin  était  sorti  de  Noyon  (20). 
étant  traité  par   le  magistrat  avec 

douceur,  a  cause  qu'on  estimait  qu'il  (,7)  ta  même  ,  pag.   i35.  Il  tire  cela  de  la 

y  aurait  ci-après  quelque   remède    h.  préface  que  Théodore    de    Rèze   mil    au-devant 

SOI!     ignorance    sophistique  ,     après  d"  Commentaires  de  Calvin  sur  Josué  ,   impri- 


mée. Mais  ce  ti est  pas  de  merveilles: 
car  toujours  depuis  elle  Va  rendu  et 
le  rend  encore  aujourd'hui  puant  a 
tout  homme  qui  a  quelque  bon  sen- 
timent :  vu  qu'il  est  condamné  par 
son  propre  jugement ,  comme  il  sera 
montré  par  témoignage  de  sa  main  , 
toutefois  et  quantes  que  besoin  sera. 


avoir  fait  tant  de  scandales  et  de 
maux  aux  églises  circonvoisines , 
se  voyant  par  trois  fois  déchassé  des 
terres  des  seigneurs  de  Berne  ;  à  la 
fin  étant  intolérable    a   chacun  ,   a 


(iG)  Drelincourt,  Défense   de  Calvin 
01. 


P"S- 


Commentaires 
niés  l'an  i5(Ï4. 

(18)  La  même,  pag.  137  ,  i38  :  il  les  tire  de 
la   Vie  de  Calvin. 

(if|)  C'est  la  CXXXIIIe.  J'en  ai  rapporte' 
deux  morceaux  ,  l'un  dans  la  remarque  (  B)  , 
Vautre  dans  la  remarque  (C). 

(ao)  Il  en  sortit  Van  i534,  pour  la  dernière 
fois,  selon  M.  Drelincourt,  Défense  de  Calvin, 


BOLSEC. 


54, 


Jamais  les  fins  Je  non-recevoir  n'ont  Bertelier,ou   qu'il  savait    que   celui 

été  aussi  valables  qu'en  cette  rencon-  qui  montrait  cet  acte  n'osait  pas  cou- 

tre  :  la  prescription,  qui   ailleurs  ne  vir    le   risque  d'un    démenti   public 

fait    qu'arrêter  les    procédures  ,  sans  Voyez  l'article  de    Berteuer   :    lui  et 

décider  absolument  sur  le  fond  ,  est  Bolsec  avaient  été  de  même  faction  à 


ici  une  preuve  très-invincible.  L'accu 
sateur  institue  son  action  après  que 
quarante-trois  ans  se  sont  écoules  :  il 
n'est  plus  recevable.  La  prescription 
lui  ferme  la  porte,  et  de  plus,  elle  le 
convainc  de  calomnie  ;  car  si  le 
trime  dont  il  accuse  était  véritable  , 
on  n'aurait  pas  tant  attendu  à  le  prô- 
ner. Calvin  ,  en  guerre  ouverte  avec 


Genève  contre  Calvin. 

Lorsque  j'ai  parlé  ci-dessus  (?.a)  de 
la  prétendue  commission  de  ce  Berte- 
lier  ,  j'ai  omis  une  réflexion  qui  me 
vient  présentement  dans  l'esprit.  S'il 
avait  été  envoyé  à  Noyon  par  la  sei- 
gneurie ,  c'eut  été  avant  Tannée  i55a; 
car  il  fut  excommunié  cette  année-là. 
Il  tâcha  au  bout  de  dix-huit  mois  de 


mis  les  moines  et  tous  les  ecclésias-  se  faire  réhabiliter,  et  n'y  put  point 
tiques,  les  armes  toujours  à  la  main,  réussir,  à  cause  des  oppositions  de 
oit  pour  leur  porter  de  rudes  coups ,    Calvin  :  il  s'embarrassa  peu  après  dans 


soit  pour  repousser  leurs  rudes  at- 
taques (  car  c'étaient  des  combats  à 
1er  émoulu  et  à  toute  outrance  )  ;  Cal- 
vin, dis-je,  causant  à  l'église  romaine 
des  pertes  irréparables,  n'était  pas  un 
homme  en  faveur  de  qui  l'on  eût  sup- 
primé quarante- trois  ans  de  suite  la 
sentence  de  la  fleur  de  lis.  Dès  le 
commencement  de  son  ministère  de 
Genève  ,  on  l'eût  publiée  avec  les 
formes  les  plus  authentiques  et  les 
plus  juridiques  :  on  l'eût  traduite  en 
toutes  langues  :  on  l'eût  affichée  par 
toutes  les  rues.  Cela  est  évident  à 
quiconque  sait  appliquer  les  lu- 
mières du  sens  commun  ;  et,  quoi 
qu'il  en  soit ,  la  fausseté  de  ce  conte 
a  été  prouvée  si  démonstrativement 
par  .M.  Drelincourt ,  que  jamais  peut- 
être  sur  des  questions  de  fait  on  n'était 
venu  à  une  plus  grande  évidence. 
Bolsec  est  donc  très-évidemment  ca- 
lomniateur quant  à  la  plus  atroce  de 
ses  injures.  Il  ne  peut  donc  plus  pas 


d'autres  mauvaises  affaires  ,  dont  l'is- 
sue fut  qu'il  prit  la  fuite ,  et  que 
n'ayant  point  comparu  aux  ajourne- 
mens,  il  fut  condamné  par  contumace 
à  la  mort,  le  6  d'août  i555.  Avec  tou- 
tes les  chicaneries  imaginables  ,  on  ne 
saurait  trouver  un  temps  propre  à  sa 
prétendue  dépu'ation  entre  le  jour 
qu'il  fut  excommunié,  et  celui  où  on 
le  condamna  à  la  mort  ;  et  ,  par  con- 
séquent ,  il  n'a  jamais  été  à  Noyon 
avec  ordre  de  s'informer  de  la  vie  de 
Jean  Calvin  .  s'il  n'y  a  pas  été  avant 
l'année  i552.  Or,  voici  une  preuve 
qui  me  semble  convaincante  contre 
une  dépntation  antérieure  à  l'an  i55a. 
S'il  eût  été  à  Noyon  avant  cette  an- 
née,  il  aurait  eu  les  documens  de  la 
fleur  de  lis  de  Calvin  ,  lorsque  ce  mi- 
nistre l'excommunia  ,  et  travailla  si 
fortement  à  le  laisser  sous  cette  note 
d'infamie.  Eût-il  été  assez  simple , 
pour  ne  pas  apprendre  à  toute  la 
ville  ,    que    ce    £iand   zélateur  ,    qui 


ver  pour  croyable  sur  le  reste.  Semel     excommuniait  les  autres,  portait  sm 


malus  semper  prœsumitur  mciltts  in 
eotlem  génère  mali.  Je  n'ignore  pas 
qu'il  se  fonde  sur  un  acte  qu'il  dit 
avoir  vu  entre  les  mains  de  Bertelier  ; 
niais  cela  ne  le  disculpe  point.  C'était 
uue  pièce  supposée;  et  celui  qui  dé- 
bite de  telles  pièces,  ou  qui  les  pu- 
blie, n'est   pas  moins  calomniateur 


son  dos  l'infamie  d'un  fer  chaud  ?  Ne 
l'aurait-il  pas  défié  en  face  d'oser 
montrer  ses  épaules  ?  N'eût-il  point 
par-là  ,  ou  triomphé  de  son  ennemi , 
ou  ralenti  sa  persécution  ?  Que  cha- 
cun se  mette  à  la  place  de  Bertelier  . 
il  a  vouera  qu'en  cette  rencontre  la 
découverte    de    l'infamie    de    Calvin 


que  celui  qui  les  fabrique.  On  prétend  aura  été  inévitable.  Si  l'on  me  dit  que 
qu'il  attendit  à  en  parler,  que  Berte-  Bertelier  ne  manqua  pas  de  découvrir 
lier  ne   fût  plus  en  vie  (31)  :  marque    le  mystère,    mais  qu  on   n'eut   aucun 


évidente  *,  ou   qu'il  se  vantait  à  faux 
d'avoir  vu  l'acte  entre  les  mains  de  ce 

(ail  Rivet,  Oper.  ,  loin.  III ,  pag    (j  et  '\r\- . 

*  Leclerc  blâme  le  raisonnement  <\e  l'ayle  qui, 
après  avoir  employé  les  mots  ,  on  prétend,  en 
r«al  tirer  uni'  prenne  évidente. 


ird  à  sa  récrimination,  à  cause  du 
grand  crédit  de  Calvin;  on  me  dira 
une  chose  très-incroyable.  Quoi  Idans 
une  démocratie,  les  juges  oseraient  ne 

(■22)  Dans  la  remarque  (C)  de  l'article  Bta- 
T  F  l  1  e  r  . 


5-|2 


BOLSEC. 


faiie  aucune  démarche ,  lorsqu'un 
accusé,  qui  a  une  charge  publique, 
quelques  parens,  quelques  amis,  som- 
me son  accusateur  et  sa  partie  de 
montrer  ses  épaules  nues,  et  lui  sou- 
tient que  Ton  y  verra  la  marque  des 
Heurs  de  lis ,  et  qu'il  en  a  porté  les 
preuves  à  la  république  en  consé- 
quence d'une  commission  qui  lui  en 
avait  été  expédiée  ?  Les  juges  ,  bien 
loin  d'éclaircir  cela  ,  étoufferont  la 
chose,  et  feront  défendre  d'en  par- 
ler ?  Ils  ne  sont  pas  assez  fous  dans 
une  démocratie ,  pour  opprimer  si 
grossièrement  un  de  leurs  sujets-  Mais 


sans  faire  semblant  de  savoir  qu'il  y 
eût  jamais  eu  un  Bolsec  au  monde 
{"i\).  Il  n'affirme  rien  sur  la  fleur  de 
lis  :  il  dit  seulement  qu'on  voit  quel- 
que chose  dans  les  registres  deNoyon, 
qui  vraisemblablement  a  donne  lieu  a 
Conrad  de  Slusembourg  ,  ministre  lu- 
thérien ,  d'écrire  qu'il  avait  eu  dans 
sa  patrie  le  Jouet  et  la  fleur  de  lis  ,  et 
au  célèbre  jésuite  Léonard  Lessius  de 
composer  une  apologie  ,  à  dessein  de 
justifier  Slusembourg  en  ce  poinl(p.5). 
Voilà  un  tour  d'adresse  :  on  se  donne 
bien  de  garde  de  citer  Bolsec,  auteur 
décrié;  on  aime  mieux  citer  un  mi- 


je  veux  que  les  magistrats  aient  c'par-     nistre  luthérien.  Cela  est  moins  éton- 

gné  à  Calvin  toute  la  honte  qu'il  avait     nant,  que  de  voir  un  Florimond  de 
.  •__.!_._      -i »:i_  _: i 'i.„     v> î •   m.  ...    __■..._     -   î ■         i 


à  craindre,  et  qu'ils  aient  menacé  les 
particuliers  qui  oseraient  murmurer. 
On  m'avouera ,  je  m'assure  ,  qu'ils 
n'auront  pas  empêché  que  la  mémoire 
de  cet  incident  ne  se  conservât  dans 
les  familles  ,  et  ne  parvînt  aux  oreilles 
des  ennemis  de  Calvin.  D'où  vient 
donc  que  Blandrata,  Jean-Paul  Alciat, 
Gentilis  ,  Gribaldus  ,  et  tant  d'autres 
hérétiques,  que  Calvin  chassa  de  Ge- 
nève, et  qu'il  persécuta  sans  rémis- 
sion partout  où  ils  se  réfugièrent,  ne 
dirent  jamais  un  mot  de  ces  récrimi- 
nations de  Bertelier  ?  On  ne  saurait 
parer  ce  coup.  Je  ne  sais  si  jamais  on 
l'a  porté  aux  promoteurs  de  la  calom- 
nie que  Bolsec  a  le  premier  publiée. 

(L)  11  n'y  a  presque  plus  d'auteur 
de  réputation ,  qui  n'avoue  que  cet 
auteur  est  suspect.  ]  Il  me  suffirait 
d'alléguer  M.  Maimbourg,  qui  n'était 
pas  d'un  tempérament  à  lâcher  prise 
qu'à  bonnes  enseignes  ;  cependant , 
après  avoir  rapporté  quelque-unes  des 
raisons  que  les  protestans  allèguent 
pour  réfuter  l'accusation  de  Bolsec, 
concernant  la  prétendue  fleur  de  lis 
de  Calvin ,  il  se  sert  de  ces  paroles  : 
Je  veux  donc  bien ,  puisqu'il  plaît 
ainsi  a  messieurs  nos  protestans  ,  ne 
pas  croire  cette  infamie  de  l'auteur  de 
leur  secte  (23).  Il  avait  déjà  avoué 
que  Bolsec  fait  plutôt  une  satire  et 
une  invective  continuelle  ,  qu'une  his- 
toire. Voilà  un  témoin  qui  en  vaut 
mille ,  ututs  instar  omnium  ,  et  je  pour- 
rais m'en  contenter;  mais,  pour  sur- 
abondance de  droit ,  je  lui  associe 
M.  Varillas  ,  qui  fait  un  ample  récit 
des  mœurs  et  des  actions  de  Calvin  , 

(23)  Maimbourg  Histoire  Ju  Calvinisme,  fie. 
JV,  paS       6 


Remond  rejeter  cette  calomnie  de 
Bolsec  ,  et  avouer  que  c'est  un  auteur 
trop  passionné.  J'en  laisse  à  dessein 
beaucoup  de  choses  ,  dit-il  ('iG) ,  pour 
la  crainte  que  j'ai  que  quelque/ois  la 
haine  ait  eu  plus  de  pouvoir  sur  eux 
que  la  vérité  ;  car  ils  l'ont  horrible- 
ment flétri  (27).  Le  feuillant  Pierre  de 
Saint-Romuald,  reconnaît  la  même 
vérité  :  il  avoue  que  tout  ce  quer  Jé- 
rôme Bolsec,  et  Jacques  Lingei ,  Ecos- 
sais ,  ont  écrit  de  Calvin ,  est  suspect 
de  trop  grande  aigreur  contre  lui  (28). 
Dès  l'an  (583,  Papyre  Masson  écri- 
vant la  vie  de  Jean  Calvin  ,  et  en  di- 
sant beaucoup  de  mal,  ne  daigna  faire 
mention  du  conte  de  la  fleur  de  lis  , 
et  traita  de  petits  auteurs  populaires 
ceux  qui  reprochaient  à  ce  ministre  la 
débauche  d'impudicité.  N'est-il  pas 
étrangf,  que  le  grand  cardinal  Cu: 
Richelieu ,  dans  l'un  des  meilleurs 
livres  de  controverse  que  le  parti  ro- 
main ait  produits,  soit  moins  scru- 
puleux et  moins  délicat  que  ce  bon 
feuillant ,  que  Florimond  de  Remond, 
et  que  Papyre  Masson  ;  et  qu'il  adopte 
comme  un  fait  certain  le  conte  de 
Jérôme  Bolsec  ,  qui  commençait  à  de- 
venir le  rebut  des  missionnaires  ? 
Voyez  l'article  de  Bertelier  ,  [  re- 
marque (D)  ]. 

Je  ne  saurais  finir  cette  remarque  , 

(?4)  Varillas  ,  Histoire  de  l'.Hérésie  ,  Uv.  X. 

(25)  Là  même  ,  pag.  332  ,  e'ililion  de  Hol- 
lande. 

(26)  Histoire  rie  la  Naissance  et  Progrès  de 
l'Hérésie  ,  Uv.  VU,  ehap.  VIII . 

(27)  II  cite  en  marge,  entre  autres ,  Bolsec  et 
Surius.  Venez  Ht.  Drelincourt,  Délense  de  Cal- 
vin ,  pag.  126. 

(28)  Trésor  cbronolosi.jue,  à  l'ann.  i5og,  cité 
par  Drelincourt ,  Défense  r!e  Calvin  ,  pug.   12S. 


BOMBASIUS.  5/,3 

sans     relever    quelques   méprises    de  Homme ,  premièrement  écrit  en  latin 

Varillas.    i°.    Le    ministre    luthérien  sous  le  nom  de  Théophile,  lequel  il  a 

s'appelle  Conrad  Schlusselburg.  i°.  11  intitulé   Theologia     Germanica  ;     un 

ne  fait  que  rapporter  ce  qu'il  avait  lu  Traite  sous  le  nom  de  Martin  Bellie , 

dans  des  livres  imprimes.  Hœc  publi-  lequel  il  a  fait  imprimer  en  latin  et  en 

<is  scriptis   Calvino  objiciuntur  (29).  français,  auquel  Théodore  de  Bèze  a 

3".  Léonard  Lessius  n'a  point  compose  fait  réponse  ;  et  une  traduction  de  la 

d'apologie  pour  justifier  ce  ministre  :  Bible  de  latin  en  français.  Théodore 

il  s'est  justifie  lui-même  comme  il   a  de  Bèze  (c'est  la  Croix  du  Maine  qui 

pu  (3o)  ,   voyant   que   l'on   l'accusait  parle  ,  )  raconte  ceci  en  la  Pie  qu  il  a 

d'avoir   avancé  (3i)   deux  calomnies  écrite  de  Calvin   (33).    La  Croix   du 

contre  Calvin  ,   dont   l'une  regardait  Maiue    se    trompe  doublement.     Ces 

la  fleur  de  lis.   J'ajoute  encore  ceci  :  livres  n'ont  point  Bolsec  pour  auteur, 

31.   Varillas   n'ignorait  point  ce    que  et  ce  n'est  point  à  lui,  mais  à  Sébas- 

liolsec  avait  publié  ;  mais  il  s'est  fait  tien  Castalion  ,  que  Bèze  les  attribue. 

un  scrupule  de  le  citer  :  voyons  com-  11  faudrait  faire  plusieurs  remarques, 

ment  il  en  parle.    «  Celle  de  Jérôme  pour  ramener  tout  ceci  à  l'exactitude. 

»  Bolsec  ,  médecin  de  Lyon  ,  est  d'un 

»  style  tellement  emporté  que,  pour  (33)  La  Croii  du  Maine,   Bibliothèque  fran- 

»  peu  que  le  lecteur  ait  de  modéra-  faise  '  p"e'     9- 

»  tion  ,  il  y  trouvera  à  redire  dés  les 

»  premières  pages.  Elle  est  remplie  de  BOMBASIUS     (Paul)  ,     natif 

»  plusieurs  mauvaises   actions,   qui  de  Bologne  en  Italie,  se  fit  es- 

»  ne  sont  appuyées  que  sur  l'autorité  limer            k  profession  des  bel- 

»  de  ce  médecin  ,  et  ie  ne  1  ai  pas  crue  ,        ,   ,f             1         , 

»  suffisante.  Les  calvinistes,   en  lui  les-lettres  ,  vers  le  conmience- 

»  répondant,  l'accusent  d'une  extrême  ment  du  XVIe.  siècle.    11   ensei- 

1  n -ratitude,  fondée  sur  ce  que  Cal-  gna  la  langue  latine    et    la   lan- 

»  vin  l'avait  reçu  dans  sa  maison  ,  et  greCque  à  Naples  (A),  et  il  v 

»   tenu   durant  plusieurs     années    en  w               1  V.    11                           i 

«  qualité  de  secrétaire  ;  et  que  nonob-  donna  de  lelles  preuves  de  capa- 

»  stant  il  devint  son  plus  grand  enne-  cité  ,  que    le    cardinal   Pucci    le 

»   mi,    par    principe  de  pure    incon-  voulut    avoir   chez    lui,  et  le    fit 

»  stauce  ,  ou  par  dépit  de  ce  que  Bèze  SQn  secrtftaire     avec  <}e  bons  ap- 

»   s  était   insinue   plus   avant  (tue   lui  .                        J.        T.                        l. 

»  dans  l'amitié  de  Calvin  (32j.  »  Je  pomtemens   (B).    Il    se    trouvait 

ne  doute  point  que  nous  n'ayons  ici  fort  à  son  aise   à  la  cour  de  Ro- 

une  nouvelle  méprise  de  cet  auteur.  me  ?  sous  Ja  protection  et  par  les 

Personne    que  je  sache  ,  n'a  reproché  ]lbëraHtës  de  ce  cardinal  ;  et  il  se 

sur  ce  tondement   le  crime  d  ingrati-  ,           .,     . 

tudeà  Bolsec.  C'est  au  jurisconsulte  voyait  en  état   d  achever   sa   vie 

Baudouin  qu'on  a  fait  un  tel   repro-  dans  l'abondance,  lorsque  la  vil- 

che  :  c'est  lui  qui  avait  servi  de  secré-  \e  <Je  Rome  fut  saccagée    sous  le 

taire  à  Jean  Calvin:  mais  jamais  Bol- „/<!'„    .  vu    ti  **i,„  4«  ,-« 

,                  r      .            •          »  1  pape  Clément  \  11.  11  tacha  de  se 

sec   n  eut  cette   lonction  ,    ni    un  tel  r   r                                       . 

hôte.  Je  serais  fort  surpris  si  l'on  me  sauver  au  château  baint-Ange  ,  a 


montrait  le  contraire. 

(M)  La  Croix  du  Maine  le  fait 
auteur  de  quelques  livres  qui  sont 
sortis  d'une  autre  plurne.  ]  Ces  livres 
sont,  un  Traité  de  la  Providence  de 


la  suite  de  son  maître;  mais  il 
ne  put  courir  assez  vite  ,  pour 
n'être  pas  enveloppé  d'une  trou- 
pe de  soldats ,  qui  le  tuèrent  m- 


Dieu  ;  un  Traité  du  vieil  et  nouvel    humainement  [a).    Il  avait    ete 

grand  ami  d'Érasme. 

(a    Tiré  de  Pierius  Valerianus,  de  Litte- 
ratorum  Infelicilate,  lib.  I ,  p"g-  22. 

(A)  //  enseigna à  Naples.  ]  J'ai 

suivi  l'auteur  que  j'ai  cité  ;   mais  je 


(39)  Sehlasselburg.  ,  Theolog.  calviuist. ,  lib. 
II,  folio  *i. 

(3o)  Dans  i'Appeniix  du  Traité  de  Ami- 
Ckrislo. 

(il)  Dans  la  Consultatio  qiia:  Fides  et  Religio 
silcape*senda- 

(S?)  Varillas,  préface  du  I".  fine  de  Mlis- 
toirc  de  l'Hérésie. 


544 


BOMBER  G. 


ne  suis  pas  sans  crainte  qu'il  ne  s'a-  craindre  de  se  voir  jamais  réduit  à  la 

buse  ;   car   je  vois   qu'Érasme   ne  dit  nécessite   de  reprendre    son  premier 

mot  de   la   profession   de  Kaples  ,   et  métier.    Quamquaiu   non   ita   niecum 

qu'il  ne  parle  que  de  celle   de  Bolo-  maligne   agitur    ut  ad   professoriam 

gne.  Je  rapporterai  tout  ce  qu'il  dit  ,  linguam  redeundianforctimeam.  ]\[am 

parce  que  l'on  y  verra  quelques  traits  reditus  annuos  ad  CCCC ducatos  nul- 

du   portrait   de  Bombasius.  Equidem  lis  sacris  addiclos  ,   nec  forlunœ  sed 

exosculor  Paidum Bombasium  prorsus  industriœ  meœ  acceptns  ferendos  auxi, 

aurei  pectoris  hominem  ,  quo  vix  alius  quos  nunquàm  ex  litterario  Mo  olio 

unquam  vixit  amico  amicior ,  sed  va-  sperare  ac  ne  sontniare  quidam  mihi 

Ittudini  parcens  non  admodum  indul-  licuisset. 


sit  stylo.  Mox  ut  erat  animi  minime 
abjecli ,  sordidorum  competitorum  im- 
prnbis  contentionibus  ojfensus  (  nam 
Bononiœ  publico  salario  grcecè  proji- 
tebalur)  adreip.  negolia  sese  conîulit  : 


BOMBERG  (  Daniel  ) ,  fameux 
imprimeur  ,  natif  d'Anvers. 
Son  article  est  fort  curieux  dans 


tandem  accitus   Romani  augere  rem  le  Supplément  de  Moréri.  Je  n'y 

maluit,  quant  litleris  insenescere  (i).  ajoute    que    deux    choses  :  l'une 
Ces  paroles  d'trasme  nous  apprennent,  ,{]  f      j     prernier  qui  impr 

1°.  que  Bombasius  était  bon  ami  ;  2° 


que  ,  pour  ménager  sa  santé  .  il  ne 
composa  que  peu  de  choses  ;  3°. 
qu'ayant  le  cœur  noble  et  bien  placé  , 
il  se  dégoûta  de  la  vie  professorale  , 
à  cause  des  querelles  que  la  jalousie 
sordide  de  ses  rivaux  lui  attirait  ; 
4°.  qu'il  se  mêlait  des  affaires  de  sa 


qu  il  lut  le  premier  qui  imprima 
des  livres  hébreux  dans  Venise  , 
et  qu'il  commença  de  le  faire  l'an 
1 5 1  i  *  (A)  ;  l'autre  ,  qu'il  porta 
son  art  à  la  perfection  ,  quant 
aux  impressions  hébraïques  : 
de  sorte   que  les   juifs  avouenl 


patrie,  quand  il  fut  attiré  à  Rome,    que,  depuis  sa  mort,  l'imprimerie 
11  dit  lui  que  le  hasard    plutôt  que  sa    hëbra  st  toujours   allée   en 

volonté  ,   ou  loltre   d  une  meilleure  .    a  J 

fortune,  le  tira  de  sa  profession.  Me    empirant(a).  Vous  trouverez  dans 
a  litlerarid  professione  non  tam  mea    M.   Simon   l'Histoire  critique  de 
voluntas  ,  uel  (  ut  tu  suspicans  )for-    ses  éditions  de  la  Bible  [b). 
tuna  melior  avocavi.t ,   quam  incertus 
ille  cui  pleraque  tam  mala  quam  bona 
debentur,  casus  eripuit  (2).  M.  Moréri 

le  fait  professeur  dans  Naples  et  dans 

Bologne. 

(B)  Le  cardinal  Pucci le  fit  son 

secrétaire  avec  de  bons  appointemens.]     Testament,  pag.  5i2,  5kJ. 

Bombasius  le  nomme  le  cardinal   des 

quatre  saints.  Il  écrivit  à  Erasme  ,  l'an 

1D17  ,  que   contre    son  inclination    il 

avait  fallu  qu'il  se  privât  des  plaisirs 

de  Rome,  pour  accompagner  le  neveu 

de  ce  cardinal  dans  la  nonciature  de 

Suisse  (3).  Dans  une  autre  lettre  (4)  , 

il  dit  à  Érasme  qu'il  ne  se  trouve  pas 

fort   riche  ;  mais  qu'il  a  quatre  cents 


*  Ce  ne  fut  qu'en  i5i5,  dit  Leclerc. 

(a)  Tiré  de  la  Bibliothèque  ranbinique 
de  Bartolocci,  tom.  I,  pag:  3q.  :  on  cite 
Ganz. 

(b)  Simon,   Histoire    critique   du  Vieux 


(A)  //  commença  a  imprimer  en  hé- 
breu ,  a  Denise  ,  l'an  1 5 1 1 .  ]  Il  com- 
mença par  une  édition  de  la  Bible 
in  4°-  Il  en  fit  dans  la  suite  beaucoup 
d'autres  impressions  ,  in-folio  ,  in-4°- 
et  in-8°.  //  avait  appris  l'hébreu  de  Fé- 
lix Pratensis ,  Italien,  qui  lui  fit  entre- 
prendre une  édition  de  la  Bible  rabbi- 

écus   de   rente  ,    qui    l'empêchent  de  ™<!ue  ,/^-dire  avec  les  commen- 

'     '  taires   des  rabbins  ,    que   Bombergue 

(1)  Erasm.,  in  Ciceroniano ,  pag.  72.  Voyez  imprima  in  folio  en  i5i 7  ,  et  qui  fut 

aussi  /'adage  Ier.    de  la  VIe.  centurie  de  la  I'e.  dédiée  au  pape  LéonX.  Mais  les  juifs 

chitiade  ,  pag.  193.  n'estimèrent  point  cette  édition  ;  et  le 

(»)  Bombasius,  epist.  IV,   lib.  XI,  pag.  548  i&        j        b   ^^   g|J    fa   imprimei 

inter  1  la-mun.  .           A-,          . 

(3)  Cette  lettre  est  la  XXIII'.  du  II*  livre    une  autre  par  le  même  Bombergue  , 

des   Lettres   d'Érasme,  pag.    129.   Voyez  aussi     en  1  volumes  in-folio  ,  l'an  l5l5(l)... 
la  IV'.  du  IIe.  livre. 

(1)   Cbevillier,   Origine  Je   l'imprimerie    de 


(4)  Cesl  U  XIIIe.  du    XVIIe    livre,  pag. 
756. 


Paris,  pu  g.  2O-. 


BONCIARIUS.  545 

Cestlui qui  commençai 'impressiondu         (A)    //  était  d'une  très-basse  condi- 

Talniud,  l'année  i5io  ,  qu'il  n'acheva  tion.'}   11   apprend  lui-même  au    pu 

que  quelques  années  après —  en  onze  hlic  ,  qu'il  était  Gis  d'un  cordonnier  , 

volumes  in-folio  (a).  Il  imprima  trois  et  petit  fils  d'un  corroyeur.   liic  Pe- 

fois   le  Talmad  ,   et   chacune  de    ces  rusii  ,  à  vulgmibus  ,  ut  i/uc  de  sefa- 

impressions  lui    coûtait    cent    mille  tetur  ,  opijicibus  orlus  ,  «  uju.<  quippè 

écas  (3).  Il  a  imprimé  des  livres  pour  avus   coriariam   ,    palet  sutoriam   in 

plus  de  4  millions  d'or  fâ).  adolescentiâ  fecerat  ,  generis  oùscu- 

,,,,,,.  <.„  ritatem  sut  littcrarum  sulendore  Ulus- 

(?j  La  même,  pag.  20».  .  •     /    \  ' 

(3)  S.ali3érana,  <i»  moi  Bombrrgus  ,  pnç.  34.      ™'"  l'J1 

(4)  Là  même ,  au  mol  Imprimerie,  pag.  lai.  (B)   On  a  divers  livres  de  sa  façon  , 

T>/~kATr>T  IPiriC      ^AT  *  t""t  ''"    VerS  ,,Ue'1  PrnSe-   ^   J1    "   ,;1''1    "" 

BOrvCIAJULJS    (Marc  -ANTOI-  Traité  de  ArteGrammalicd;  un  poème 

ne)*,   disciple  de  Muret ,  a  écrit  intitulé,  Triumphus  Augustus  ,  sive 

fort  poliment   en  latin.    Jl   était  ^  ^anctis  Psrusii  translatis ,  qui  con- 

,,        r,    .       ,                    j-.-       ,.N       .  tient  IV  livres:   derapiudos   hbii   1res 

d  une  très-basse  condition(A),  et  (2)  Je  ne  lrou;.e  poi£  qu,y  aU  puMW 
il  régenta  tonte  sa  vie  àPerouse.  aucune  grammaire  grecque  ,  et  je  ne 
Il  était  né  à  six  milles  de  cette  vil-  sais  d'où  M.  Môréri  a  tiré  cette  prè- 
le .  le  0  de  février  i555  (a).  Il  tendue  grammaire.  Il  eût  eu  plus  de 
.  j-  •  1  '  raison  de  lui  donner  un  traite  de  Rhc- 
eut  pour  disciple  son  propre  père,  tnorique}  encore que NiciusÉrythréus, 
qui,  voulant  devenir  jésuite  à  l'âge  le  seul  auteur  qu'il  ait  cité,  n'en  parle 
de  quarante-sept  ans  ,  fut  obligé  point.  Voyez  la  remarque  suivante. 

d'acquérir  quelque  érudition  ,  ue        ffi)"«  U  *'a  Pnin\  !}ul'!';:  tous  «'"•-' 

/     .  *x     L    ■        1     c  .        ,    •       qu  il  avait  dessein  devublirr    |  Jl  dit 

voulant  pas  être  simple  frère  lai.    ^ans  ses  ,ettrps  >  ((uif  sV|ait  J™J 

Bonciarius  devint    aveugle     (b) ,  de  la  commission  d'écrire  la  vie  de 

et  fut  fort  tourmenté  de  la  gou-  tous  ceux  qui  depuis  quatre  cents  ans 

te  Ce).  H  mourut  le  ode  janvier  a™ient  fleuri  à  Pérouse,  ou  dans  les 

c    r  ,  js     ti  •*         1  j-      1  armes,  ou  dans  les  sciences  (3).  Dans 

l6lb(rf).   Il  avait  eu  le   cardinal  le   Catalogue  de  sesOEuvrJ,  à    la 

Ubaldin  pour  patron (e).  Ses  let-  fin  de  sa  Rhétorique ,  il  témoigne  qu'il 

très  furent    imprimées   à   Mar-  a  fait  un  livre   intitule,   Epicurus , 

pourg,   l'an     1604.  On  y  trouve  sweDialogus  de  anliqud  Philosophid, 

1  'ii     j     J       *    1  •*  ou  u  montrait  qu  aucun  ancien  pliilo. 

la  méthode  dont  il  se  servit  pour  sophe  ne  s-tait«  plua  approch/de  fa 

instruire  son    père    en    peu   de  vérité  qu'Épicure,  ni  moins  que  les 

temps  {/)•    On  a  d'autres  livres  stoïciens.  Gassendi  et  Naudé  n'avaient 

de  sa  façon,  tant  en  vers    qu'en  iamais,v"  ce  livre  là  ,  ce  qui  faisait 

.  ',,.,  croire  a  Oassendi  que  peut-être  il  nV- 

Oint    publie  f.if  „Q0  :m„^m«i  W    j .-...  »    ' 


prose    (B).   Il  na    point   put 
tous  ceux  qu'il  avait  dessein   de 
publier  (C). 

*  Joly  renvoie  pour  cet  article  au  tome 
XXXII  des  Mémoires  de  Niceron  .■  mais  il 
pense  que  cet  auteur  a  tort  de  fixer    à    i6o5 


tait  pas  imprimé.  M.  Antonius  Bon- 
ciarius Parisiensis  Proj essor  (4), 

in  Calalogo  Operum  suorunt  (5)  se 
compostasse  librum  testatur ,  cui  ti- 
tulum  fecerit  Epicurus  ,  sive  Dial 

de  antiqua"  Philosophie  ,   in  <iuo  e/R- 
pense  que  cet  auteur  a  tort  de  fixer    A    iOo3  »  .         .    ,  lu/ 

I  .  a  a    n„  j  ■  cacibiis  areumentis  et  doctoium  *  u  ■,- 

ta  mort  du  père  de  Bonciarius,  dans  ?a  soix.iu-  .  °  *vuium  firo 

mm  tcstimonus  prooatur  ,  nemiaem 
ex  priscis  philosophis  accessisse  pro- 
piùs  ad  veritatem  ,  quàra  Epicurum  ; 
contra,  nullos  ah  ph  longiùs  reoessis- 

se  ,  quàm  stoïcos.  Tametsi  iste  quoque 
liber   nunquàm  for  ta  sus  editus  ,  nec 

(i)  Nicius  Erylbrxu*,    Pinacoth.    I  ,  pag.  cfi. 

(a)  Idem  ,  ibidem,  pag.  yo, ,  100. 

(  S)  Là  même,  pag.  i|f). 

Cl)  rOje%  la  fin  de  celte  remarque . 

(5)  Gassendi  met  en  marge  in  fine  Rh 

35 


le-cinquieme  année  ;  il  n  aurait  eu  que  qua- 
torze ans  lors  de  la  naissance  de  sim  liis. 

(«)  Oldoïu. ,  in  Atben.  Augusto,  pag. 
225. 

(b)  Voyez  Lancelol  de  Pe'rouse  Hogg.  , 
pari.  II ,  pag.  q5t,  et  Oldoini  in  Allicu. 
Augusto,  pag.  22j. 

(r'  N.  Eritli.  Pinacotli.  /,  pag.  98.  99. 

U   Oldoini,  Atlien.  Aug.  .  pag.  22^. 

(é)  Du  Sauss.  cont.  Bellarm.,  de  Script, 
eccl.  ,  pag.  78 

f  !  Murliof.,  Poljlnstor.  ,  pag.  287. 

TOME    III. 


(G)  Gasscndns,    de  Vitâ  et  Moribus  Epicu 
lib.  Fil,  cap.  Fil  ,p,,g.  224. 


546  BONFADIUS. 

nobis  est  insus  nec  amico  nostro ,  quem  premiers  livres*1.  Il  y  parla  trop 

vue  tamenulli  rarissimifugiunt  (6).  ]ibrement  ettrop  satiriquement 

Gassendi    lait    la    une   lourde  laute.  ,             .             „      »..           /*■             ., 

Bonciarius  a  toute  sa  vie  enseigné  à  «e  quelques  familles;  et  par  -  la 

Pérouse.  11  était  donc  Perusinus  Pro-  il   se   fit   des  ennemis  qui  réso- 

fessor  :  de  Perusinus  on  a  fait  facile-  lurent  sa  perte.  Us  le  firent  ac- 

ment  Parisinus  ;  et  de  Parisinus     en-  cuser  dépêcher  contre  nature  ;  et 

core  plus  iacilevaeni r'ansie/isa.Uu  on  * 

aille  dire,  après  cela,  que  les  fautes  comme  il  se  trouva  des  témoins 
d'impression  ne  sont  pas  de  cotisé-  pour  l'en  convaincre  ,  il  fut  coni- 
quence  par  rapport  aux  habiles  gens,  damné  à  être  brûlé  (a)  (B).  Quel- 
ques auteurs  disent  que  la  sen- 
tence fut  exécutée  selon  sa  forme 
et  teneur  ;  mais  d'autres  assurent 
BONFADIUS  (Jacques);  l'un  que  les  sollicitations  de  ses  amis 
des  plus  polis  écrivains  du XVIe.  firent  commuer  la  peine,  et 
siècle ,  était  né  en  Italie  ,  pro-  qu'il  fut  décapité  (C).  Ceci  ar- 
che le  lac  de  Garde  (A).  Il  fut  rival'an  1660  **(b).  Ceux  quiblâ- 
secrétaire  du  cardinal  de  Bari  ,  ment  son  imprudence  n'ont  pas 
à  Rome  ,  pendant  trois  ans ,  tort ,  et  se  sont  mal  trouvés  de 
après  quoi ,  ayant  perdu  tout  le  l'avoir  copiée  (D).  On  a  de  lui 
fruit  de  ses  services  par  la  mort  quelques  harangues  ,  quelques 
de  son  maître  ,  il  entra  chez  le  lettres  ,  et  des  poésies  latines  et 
cardinal  Ghinucci  ,  et  lui  servit  italiennes  *3.  Il  écrivit  un  billet 
de  secrétaire,  jusques  à  ce  qu'une  à  Jean  -  Baptista  Grimaldi  le 
longue  maladie  le  tira  de  cet  jour  de  l'exécution  ,  afin  de  té- 
emploi.  Lorsqu'il  fut  guéri  ,  il  moigner  sa  reconnaissance  aux 
se  trouva  si  dégoûté  de  la  cour,  personnes  qui  avaient  tâché  de 
qu'il    résolut  de   chercher    for- 

T-                                                                  ii  *'  Les  Annales  Genuenses  sont ,  comme  le 

tUlie  par     Une    autre  VOie.    Jl    ne  dit  Joly,  réimprimées  dans  le  tome  I".   du 

trouva  rien  datlS  le    royaume  de  Thésaurus  antiquitatum  et  historiarum  Ita- 

Naples,    où  il    erra    assez  long-  ^f^-^ Ghili«âf  Teatrc  d'Huomini  U- 

temps  :  il  alla  ensuite  à  Padoue,  lusiri,  tom.  t,  pag.  70. 

.          •      >    /*"*_,,         '     ,"1  fit  Joe    10_  *3  Leclerc  blâmeBayle  d'avoir  adopté  cette 

et  nuis  a  L»enes,  ou  il  ut  oes  te—  j*    -~    ,       ,_/         ,      ..  r      rK 

CM                   .                          1      n    i*   •  date  de  i5oo  de  préférence   a   celle  de  VMl 

ÇOnS  publiques     Sur   la   Politique  donnée  parle  Ghilini  qu'il  cite  à  la  noie  [b)t 

d'Aristote.    On    le   chargea    d'en  il  dit  à  l'appui,  que  la  lettre  e'erite  par  Bon- 

.                j      tj.    1°  fadius,  peu  avant  son  supplice,  est  imprimée 

faire    aussi  sur   la  Rhétorique  ;  dans  un  recueii  jc  lettres  qui  parut  à  Ve- 

et  comme     il    V    réussissait    bien  nise  chez  Giolito  de'Ferranen  i55o,. 

,                                 i               i           J      J-  (*)Tliuan.,/i/y.  XXVI,  pa?.  52».  Mais  le 

il  eut  an  grand   nombre  de  dis-  Glnlim    tom  r    pag.  ?Q  rmel  la  morl  de 

ciplesqui  allaient  apprendre  chez  sonfadwà  l'an  i55i. 

i     •    1        Y.    il        1„**    „„     C„  „'    „t„  '^Jolv,  dans  ses  additions,  note  que  le  Jour- 

lui  les  belles-lettre*,  ba  reputa-  ^  dJ'Sai>attS  annonce  'récJ,ment    ua 

tion  s'augmenta  de  jour  en  jour  ,  nouveau  recueil  d'ouvrages  de  Bunfadius   :  il 

de  sorte  que  la  république  de  Gê-  l«  donne  la  date   de  1.744  ,  et   leUtre  de 

Ti                    1        .     *         ,  T.ellere  fami<*hari  di  Jacnpo  Bonjadio,    etc. 

lies  le    fit  SOll  historiographe  ,  et  Ginguené,    qui   date   l'ouvrage,   de    1746, 

lui  assigna  pour  cette  charge  une  ajoute.-.    43  lettres  familières,  ttet» 

O         1               .             11       >          1"  -  dm: lion    italienne    du  discours  rie    (.iceron 

fort   bonne    pension.     II    S  appll-  m  pn)  Milone,   et  un    petil    nombre  de    vers 

qua  de  toutes  Ses  forces  à  la  COm-  -  italiens  et    latins  composent  ce   petit  volu- 

*      .    .           1                      ;         1             .     ',    4  -  me  ;  mais  il  a  un  mérite   qui  manque  à  la 

position  des  annales  ae   Cet  état-  >  plupart  des  gros   recueils;  il  ne    renferme 

là    et  en  mit  au   jour    les    cinq  »  rien  que  d'exquis . 


BONFA 

le  servir.  Il  s'engagea  à  leur 
apprendre  comment  il  se  trouve- 
rait dans  l'autre  monde  ,  si  cela 
se  pouvait  faire  sans  les  épou- 
vanter. 11  n'est  pas  le  seul  qui  ait 
fait  de  telles  promesses  (E)  Il 
leur  recommanda  Houfadino  ,  son 
neveu  ,  cpii  est  peut-être  le  Pierre 
BoNFADIUS  dont  on  voit  des  vers 
dans  le  Garcggiamento  poetico 
del  confuso  accademico  ordito. 
C'est  un  recueil  de  vers  ,  divisé 
en  VIII  parties,  et  imprimé  à 
Venise  l'an  161  i. 

(A)  //  était  né  en  Italie  proche  le 
lac  île  Garde.  ]  Les  auteurs  ne  sont 
pas  d'accord  sur  la  patrie  de  Bonfa- 
di us.  Les  uns  disent  cpi  il  naquit  à  Sa- 
lone  *  sur  ce  lac  ;  Salonce  ail  liena- 
cum  nalus  (i)  •  Ses  autres  nomment  sa 
patrie  Gazani  ,  luogo  picciolo  délia 
Riuiera  di  B rescia  (a)  :  je  crois  qu'ils 
ont  raison;  cardans  une  lettre,  où 
il  décrit  ce  beau  lac  ,  et.  qui  est  datée 
di  Gazano  ,  vous  rencontrez  ces  paro- 
les ,  hbero  mi  stnro  nel  min  Gazano. 
Cette  lettre  fut  écrite  à  l'linio  Toma- 
cello  :  elle  est  au  11e.  livre  (3;  des  Let- 
tere  volgari  ,  imprimé  à  Venise  ,  l'an 
i5f»8.  Konig  a  tort  de  le  faire  de  Vé- 
rone. 

(U)  On  l'accusa  du  péché  contre  na- 
ture ,  et  ...  il  fut  condamné  à  être 
brillé.  ]  On  l'accusa  d'assouvir  cette 
brutale  passion  avec  un  de  ses  disci- 
ples. Fu  calunnialo ,  che  indotto  d,i 
sinisuralo  e  pazzo  amore  ,  chu  ad  un 
bellissimo  giovanetto  suo  scolare  por- 
tava  ,  con  esso  le  sozze  e  impudiche 
sue  voglie  sfogasse  ;  sopra  di  questa 
imputazione  fu  subito  carcei  alo  ;  e  da 
testimonii  di  si  grave  e  énorme  eccesso 
convint^  ,  fu  condamnOlo  al  fuoeo  , 
nel  quale  fini  i  suoi  giorni  l'anno 
1 55 1  .j  Voilà  le  Gliilini  qui  recon- 
naît la  justice  de  l'accusation.  Le  Ca- 
valier Marin  ne  l'a  pas  moins  recon- 
nue  :  voyez  Les  deux  madrigaux  de 

*  Min.,  dans  son  Ânti-BaiUel.  n«.  LWXIX, 
aïonl  aussi  tlit  S  alo  ne ,  la  MonDOie  dit  qu'il 
J'allait  dire  Salo. 

(,)  Tlman    ,  lib.    XXVI.  paS.  «S. 

(i)  <, hilini  ,  Tratr.  ,  loin.  I ,  pag.  70. 

(3)  Folio  3  verso. 

,-j;  G  hilini,  Teatro  d'Huomini  illuslri ,  pag.  4- 


DIUS. 


547 


ses  Riiratti,  que  M.  Ménage  rapporte 
(5).  Paul  Manuce  la  reconnaît  pareil- 
lement dans  le  poè'me  qu'il  adresse 
ad  eos  qui  labordrunl  pr-->  sa  Iule  Bon- 
f'adii  (6j.  Voici  comment  il  parle  : 

Lapsus  erat  miser  in  culpam  Bonfadius,  in- 
dex 
Peluterat  pairihu< ,  nec  inani  leste  probdral. 
Çitid  facerenl  legum  custodes  ?  le^ibus  uti 
Coguntur.    .       

Mais  d'autres  prétendent  que  fton- 
fadius  fut  opprimé  par  la  calomnie. 
C'est  le  sentiment  de  Giovanni  Matleo 
Toscano  dans  son  Peplus  Italiœ  (j)  , 
où  nous  trouvons  ce  qui  suit  : 

I/aud  minus  inUunuit  nuper  Benarut  alumni 

Bonfadu  .  ac  Vii'ii ,  docte  Catulle,   luis. 
Bis  lameii  h.  f élu. •  ;  rapuit   nain  Ruina  Calul- 
luin  , 

Bonfadium  lelho  das  scélérate  Ligur. 
Hisloria  œlerimm  cujusfera  Genua  vivis, 

Iiianrrititin  sœva  lege  necare potes  ? 
Milius  est  ijtiod  le  spu  •  auli  verlice  mannor 

Tundu;  et  es  scopulis  dunor  ipsa  luis  ■ 

Scipione  Ammirato  ne  prononce  ni 
pour  ni  contre  ,  et  paraît  néanmoins 
plus  disposé  à  douter  de  l'innocence 
de  Bonfadius.  Vous  verrez  dans  les 
paroles  qu'on  va  citer ,  que  la  vraie 
cause  des  persécutions  qui  furent  fai- 
tes à  ce  misérable  ,  fut  qu'il  portait 
la  jeunesse  à  désapprouver  le  gouver- 
nement qui  était  alors  établi.  Trovulo 
cheeg'i  ûrava  la  gio*  r/itii  a  governo 
contrario  di  quullo  che  allnra  si  era 
mdiritto,  sotto  colore  d'inipudici  amo- 
ri  gli  poser  le  muni  adilosso  :  e  perav- 
wentura  non  trouatitlo  àtrnza  1  o  pu  ,  il 
condennaro'n  al Juoro.  Del  catlivello, 
per  che  fosse  mtno  scusabile  ,  si  leg- 
gono  ancor  ime  ,  letfual  par  che  ren- 
dan  leslimonianza  di  ootesta  sua  incli- 
nazione  (8).  Il  y  a  beaucoup  d'appa- 
rence qu'il  était  coupable  du  crime 
énorme  dont  on  l'accusait  ;  et  qu'il 
n'en  eût  pas  été  puni  ,  s'il  n'eût  fait 
quelque  autre  chose  qui  L'exposa  à  la 
baine   de  certaines  gens. 

(C)  d'autres  disent  qu'il  fut  dé- 
capite. ]  Boccalin  ,  le  Gliilini  ,  le  Ca- 
v.iiier  Marin,  et  quelques  autres,  as- 
surent qu'il  fut  brûle  :  Scipione  Am- 

(5)  Ménage,  Anti-Raillrt ,  chap.  I.XXMX. 
(G;  Vous  le  trouvères,  dans  le<  fieliciac  Poela- 
rum  ilalorum. 

-  1  Vojet  C.hilini  ,  pa^.  71  ,  et  V.  Tfi«jier, 
Elu*    .  io»i     /  ,  pa^     iSi  ,  riitiivn  de  1696. 

(8)  Scipionr  Ammiratu,  dani  ton  Ritralio  del 
Bonladio.  ciV  par  Ménage,  Anii-Badlet,  chap. 
LXXXIX 


548 


BONFADIUS. 


mirato  le  dit  aussi.  Quesiomisero  col 
fuoco  in  Genova...  vedemmo  terminale 
t'infelice  vita  (9).  Mais  M.  deThou  est 
plus  croyable  quand  il  dit  qu'on  tran- 
cha la  tète  à  Ëonfadius.  Ob  rem  ta- 

cendam    Genuœ securi  percussus 

(  io).  Lisez  ces  paroles  de  M.  Ménage 
(11)  :  «  Il  est  vrai  qu'il  fut  condamné  à 
j)  être  brûlé  ;  mais  ,  à  la  sollicitation 
»  de  ses  amis  ,  et  particulièrement  du 
v  jeune  Grimaldi  ,  son  supplice  fut 
»  changé ,  et  il  ne  fut  que  décapité, 
j;  C'est  ce  que  nous  avons  appris  du 
»  poème  latin  de  Paul  Manuce ,  inti- 
■»  tulé  ;4d  eos  qui  labordrunl  pro  sa- 
3)  lute  Bonfadii  ,  imprimé  dans  le 
»  Delir.iœ  Poèlarum  ilalorum.  Voici 
»  l'endroit  de  ce  poème  qui  regarde 
3)  ce  changement  de  supplice  : 

»  Exprimilur  tandem   hoc  invito  a  judice  , 
vivus 

•  Ne  comburatur  crepitanli  drditus  igni  : 
»    Tum  se  carnifici  sce^o  Bonfadius  ullrô  , 

»  Mente   Deuin    epectant ,  a'nuno   imperlerri- 
tus  offert. 

•  Ille  ministerio  properi  functurus  iniquo  , 

•  Terribilis  rigidam  suspendit  ad  alla  secu- 

rim  *. 

(D)  Ceux  qui  blâment  son  impru- 
dence n'ont  pas  tort ,  et  se  sont  mal 
trouvés  de  l'avoir  copiée.  ]  J'ai  en  vue 
Boccalin  ,  qui  suppose  que  les  plain- 
tes de  Loufadio  sortant  des  flammes 
(12)  ,  furent  rejetées  par  Apollon  ; 
et  que  cette  divinité  du  Parnasse  lui 
déclara  que  ,  quand  même  il  aurait 
été  innocent  du  crime  qu'on  lui  im- 
putait ,  il  aurait  été  puni  justement  , 
pour  avoir  eu  la  folie  de  flétrir  l'hon- 
neur de  quelques  familles  puissantes. 
On  lui  représenta  qu'un  historien  ju- 
dicieux imite  les  vendangeurs  et  les 
jardiniers  :  il  attend  à  parler  des  faits, 
que  le  temps  les  ait  mûris,  c'est-à-di- 
re ,  que  les  personnes  qui  ont  commis 
une  action  mauvaise  soient  mortes , 

(q)  Le  même  ,  cite  là  même. 

('io)Tbuan.,  lib.  XXVI,  pag.  538.  Notez 
nue  Konig  ,  au  lieu  de  GenuK,  a  mis  Genevœ  ; 
ce  qui  fait  un  gros  mensonge. 

(11)  Ménage,  Anti-Baillet,  chap.  LXXX1X. 

*  La  Monnoie,  dans  ses  Remarquas  sur  l' Anti- 
Baillet,  conclut  de  ces  -vers  que  Bonfadius  fut 
d'abord  décapité  ,  puis  ensuite  brûlé.  Leclerc 
croit  qu'il  n'a  été  brûlé  ni  mort  ni  vif.  Il  ne  de- 
vait pas,  ou  du  moins  ne  savait  pas  devoir  l'être 
puisque  ,  dans  sa  lettre  rapportée  par  Ménage 
dans  VJnli-Baillel,  il  prie  qu'on  l'enterre  dans 
l'église  de  Saint-Laurent. 

(12)  Dal  fuoco  lullo  brustolilo  comparue 
Ciacomo  Bonfadio.  Boccalini  ,  Ragguagli  di 
farnasso,  centur.  I,  cap.  XXXV ,  pag.  108. 


et  que  leurs  enfans  ne  puissent  pas  se 
venger  de  celui  qui  la  publie.  C/ie  i 
saggi  virluosi  nello  scriver  le  Historié 
molto  prudenternente  si  consigliavano, 
ail'  hora  che  imilavano  i  vendemialo- 
ri ,  e  gl  allri  accorti  de'Jrulli,  i  quali 
percioche  conoscevano  ,  che  cosa  poco 
grala  havrebbono  j'utto  a  gli  huomini, 
se  dalle  viti  tagliundo  Vuva  immatura, 
e  da  glialbtri  slaccando  ipomi  acerbi 
gli  huvessero  portait  al  mercalo  ,  quel- 
la  necessaria  paùenza  havevano  ,  che 
si  conveniva  anco  gli  Hislorici  di  las- 
ciar  che  il  tempo  conducesse  i  Jalti  , 
e  le  cose  passate  alla  perjèttione  loro 
(i3).  On  lui  allégua  Tacite,  qui  eut 
citte  précaution  ,  et  qui  aima  mieux 
oHènser  les  lois  de  l'histoire  ,  que  de 
s'exposer  au  péril.  Che  lo  slesso  gran 
3Iaestro  de  gl'  Historici  saggi  Tacito, 
ail'  hora  <rhe  ne  gli  scrttti  suoi  faceua 
mentione  di  quei  Senatori  grandi  ,  che 
Tiberio régnante  pœnamvel  infamiam 
subiêre  ,  ait  hora  ,  che  posteri  mane- 
bant,  Tac.  lib.  4  Ann.,  saggiamente 
alzava  la  penna  délia  carta  ,  più  toslo 
eleggendosi  di  offender  le  legt^i  histo- 
riche  ,  che  pregiudicare  alla  riputalio- 
ne  di  quelle  jamiglie  ,  che  non  di  al- 
ira  cosa  erano  conosciule  J'ar  capital 
maggiore  ,  che  del l'honore  ,  stimando 
quell'  huonto  singolare  ad  un  Hislo 
rico  esser  cosa  di  troppo  évidente  peri- 
colo ,  nimis  ex  propinquo  diversa  ar- 
guere.  Tac.  lib.  4  Ann.  (i4)-  Voilà 
comment  l'homme  sait  mieux  connaî- 
tre les  maximes  de  la  prudence  ,  que 
les  pratiquer  ;  car  nous  avons  vu  que 
lïoccalin  perdit  la  vie  ,  pour  avoir 
parlé  trop  librement  contre  l'Espagne 
(i5).  Les  conseils  qu'il  fait  donner  par 
Apollon  sont  sans  doute  judicieux. 
Rien  n'est  plus  beau  dans  la  théorie 
que  les  idées  du  législateur  des  histo- 
riens :  il  leur  commande  de  n'oser  di- 
re rien  qui  soit  faux  ,  et  d'oser  dire 
tout  ce  qui  est  vrai  (16)  ;  mais  ce  sont 
des  lois  impraticables  ,  tout  comme 
celles  du  Décalogue  dans  l'état  où  le 
genre  humain  se  trouve.  S'il  était  per- 
mis de  comparer  les  choses  humaines 

(i3)   Là  même  ,  pag.  108  ,  109. 

(i4)   Là  même,  pag.  109. 

(i5)  Voyez  Boccalin  ,  immédiatement  après 
la  citation  (b)  et  la  citation  (c). 

(iC)  Quis  nescit  primam.  esse  historiœ  legem, 
ne  quid  falsi  dicere  audeal  ,  deindè  ne  quid 
veri  non  audeal?  t'icero,  de  Oratore,  lib.  II, 
cap.  XV.  Voyez  la  préface  de  In  première  édi- 
tion Ue  ce  Dictionnaire',  ««  IVe.  paragraphe. 


BONFADIUS. 


'.9 


avec  les  choses  divines  ,  Ton  dirait  que 
le  législateur  des  historiens  a  imite  le 
législateur  des  Juifs  :  il  s'est  régie  sur 
l'état  de  l'homme  innocent ,  et  non 
pas  sur  l'état  de  l'homme  pécheur  :  il 
a  supposé  ce  franc-arbitre  perdu,  et 
ces  grandes  forces  que  l'homme  aurait 
eues,  s'il  eût  persévère  dans  son  in- 
nocence originelle.  Remarquons  d'ail- 
leurs une  grande  différence  entre  des 
lois  si  semblables.  Il  n'y  a  qu'une  par- 
faite sagesse  qui  puisse  accomplir  le 
Décalogue;  etd  faudrait  être  d'une  fo- 
lie achevée ,  pour  accomplir  les  lois  de 
l'histoire.  La  vie  éternelle  est  le  fruit 
de  l'obéissance  au  Décalogue  ;  mais  la 
mort  temporelle  est  la  suite  presque 
inévitable  de  l'obéissance  au  législa- 
teur des  historiens. 

(E)  II  s'engagea  a  leur    apprendre 
comment  il  se  trouverait   d.ms   l'autre 

monde Il  n'est  pas  le  seul  qui  ait 

fait  de  telles  promesses.  ]  Voici  ses 
paroles  :  Se  da  quel  mondo  di  la  si 
poli  h  dar  qualche  segno  senza  spaven- 
to  ,  lofaro.  Elles  sont  tirées  du  billet, 
qu'il  écrivit  à  Giovan-Battista  Grinial- 
di  :  vous  le  trouverez  tout  entier  dans 
lAnti-Baillet  (17)  :  M.  Ménage  l'a  pris 
d'un  Recueil  de  Lettres  Italiennes  , 
intitulé,  Lettere  di  diversi  Uomini 
illustri  raccolte  da  diversi  libri ,  im- 
primé in-S  ,  in  Treviso  ,  appresso  ra- 
bricio  Zanetti  ,  en  i6o3.  Le  Barnabite 
Baranzanus  avait  fait  la  même  pro- 
messe ,  et  ne  l'exécuta  point.  J'en 
parle  dans  son  article.  On  prétend 
que  Marsile  Ficin  ,  s'étaut  engagé  à  la 
même  chose  ,  tint  sa  parole  :  lisez  ce 
passage  de  Pierre  de  Saint-Komuald. 
«  Mareille  Ficin  ,  prêtre  Je  Florence, 
»  grand  philosophe  platonicien  ,  et 
»  grand  théologien  ,  mourut  ,  et  aus- 
si sitôt  son  esprit ,  sous  la  forme  d'un 
j>  cavalier  vêtu  de  blanc,  monté  sur 
»  un  cheval  Je  même  couleur  ,  cou- 
»  rut  à  toute  bride  vers  la  porte  du 
»  logis  de  Michel  Mercat  son  intime  , 
»  aussi  grand  philosophe  platonicien  , 
»  qui  étudiait  lorssurl'aube  du  jour  en 
a  son  cabinet  en  une  ville  assez  éloignée 
J>  de  Florence, etlui  cria  que  les  discours 
)>  qu'ils  avaient  tenus  ensemble  tou- 
»  chant  l'autre  vie  étaient  véritables  ; 
.)  et,  cela  dit,  il  retourna  courant  «l'on 
i>  il  était  venu  ,  et  se  déroba  promp- 
■    leinent  aux  jeu*,  de   sou   ami  ,  qui 

(17)  Ménage  ,  Anti-Raillel,  chap.  LXXXIX. 


»  lui  criait  qu'il  l'attendit.   C'est  ce 
»  qui    lui  advint,   à  cause  du  pacte 
»  qu'ils  avaient  fait  ensemble  sous  le 
»  bon  plaisir  de  Dieu  ,  que  le  premier 
»  mourant  viendrait  dire  au   survi- 
»  vant  si  les  choses  se  passaient  en 
»  l'autre    vie    comme    Platon    l'avait 
»  écrit  en  son  livre  de  I  immortalité 
»  de  l'âme.  Le  cardinal   Baronius  as- 
»  sure  avoir  ouï  raconter  celte  his- 
»  toire  au  petit-tils  de  Mercat  (18).  » 
Notez  que  Baronius,  rapportant  cela 
dans  le   Ve.  volume   des   Annales   de 
l'Église  (19) ,  observe  que  Michel  Mer  . 
cat  ,  qui  avait  toujours  vécu  exemplai- 
rement ,  et    comme  un   bon  philoso- 
phe ,  poussa  plus  loin  sa  vertu  depuis 
cette  apparition  ;  car  il  renonça  à  l'é- 
tude de  la  philosophie  ,  et  s'ap|  liqua 
tout  entier  à   l'affaire  du  salut.  L'an- 
naliste ajoute  que  ce  qui  concerne  la 
promesse  réciproque  que  Marcile  Fi- 
cin et  Michel  Mercat  se  ûrent,  de  s'a- 
vertir de  l'état  des  choses  après  cette 
vie  ,  etc. ,  était  atteste  par   plusieurs 
savans  ,  et  avait  été  souvent  raconté 
an  peuple  par  les  prédicateurs.  Haud 
inexplorata   referam  ,   sed  quœ   cttm- 
plurium  eruditorum   virorum  scimus 
assertione  jirmata,  immo  et  h  religiosis 
l'iris  ad   popu/um  pin  contione  swpè 
narrata  (20).  C'est  dommage  que  Mi- 
chel Mercat  n'en  ait  point    laissé  une 
attestation   juridique    sous   serment  , 
et  enregistrée  dans  les  archives  de  Flo- 
rence.  11  eut  grand  tort  de  ne  le  pas 
faire.    Son  petit-fils    Michel    Mercat , 
qui  fit  ce  conte  à  Baronius  ,  était  pro- 
lonotaire  de  l'église  ,  et  recommanda- 
ble  par   sa  probité  et  par  son  savoir 

L'endroit  où  Sénèque  îaconte  la 
tranquillité  d'esprit  avec  laquelle  Ca- 
nins Julius  alla  au  dernier  supplice  , 
est  admirable.  Cet  honnête  homme  fut 
condamné  à  la  mort  par  Caligula  ,  et 
ne  fut  exécuté  que  dix  jours  après  sa 
condamnation.  Il  les  passa  sans  nulle 
inquiétude;  et,  lorsqu'il  fut  averti 
qu  il  fallait  aller  au  lieu  de  l'exécu  • 
tion,  il  ne  perdit  rien  de  sa  gaieté 
Pourquoi  vous  affligez-cous  ?  disait-il 
à  ses  amis,    fous    cherche.:   si    l'âme 

(18)  Pierre  Se  Saint-lininuald,  Abrégé  chrono- 
logique el  historique,  loin.  III  ,  pag.  2Îi  ,  25a, 
ad  ann.  1490. 

(iç)    Rnronius  ,  ad  ann.  411!   '"'"'•  &)• 

(  20)  Idem  ,  ibidem. 

(31)  Idem  ,  ibidem. 


55o 


BONFADIUS. 


subsiste  après  notre  mort ,  je  le  saurai  une  preuve  démonstrative ,  que  lors- 

bientôl.   Le    philosophe  qui   l'accom-  que  les  hypothèses  différentes  de  celle 

pygnait  lui  deuianda  :  A  quoi pensez-  que    Ton    emploie   sont,  ou    impos- 

vous   maintenant?  Je    me   propose,  sibles  ,  ou  manifestement  fausses.  Puis 

répondit  Canius  ,  Je  bien  observer  si  donc,  qu'en  supposant  l'immortalité 

mon  dme  s'apercevra,  de  sa  sortie.  11  de  l'âme,   on  peut  donner  de  bonnes 

promit    que  ,  s'il    apprenait  quelque  raisons    pourquoi     Julius    ne    revint 

chose  ,  il  viendrait  voir  ses  amis  pour  point  dire    à  ses    amis  en   quel    état 

leur   déclarer  son  état.  Tristes  erant  il   était ,    on    peut    fort    bien   rejeter 

amici  ,  lalem   amissuri   virum.    Quid  l'hypothèse  de  la  mortalité  de  l'âme , 

mœsti  ,  inquit ,   estis  ?  Vos   quaeritis  ,  encore  qu'elle  soit  très-propre  à  expîi- 

an  immortales  animœ  sint  :  ego  jam  quer  cet  événement.  On  peut  supposer 

sciam.  IVec  desiit ,    m  ipso  veritatem  avec  beaucoup  de  raison  ,    ou   qu'une 

fine  scrutari ,  et  ex  more  suo  quœtio-  âme  séparée  de   son   corps  ne  se  sou- 

nem  habere.  Prosequebutur  illum  phi-  vient  point  de  la   promesse  qu'elle   a 

losophus  suus  :  nec  jam  procul  erat  faite  pendant  cette  vie  ;  ou  que,  si  elle 

tuntulus  ,   in  quo    desari  Deo  nostro  s'en    souvient,    elle  ignore  les   expé- 

jiebat    quotidianum    sacrum.     Quid  ,  diens  de   l'accomplir  ,    ou   n'a   pas  la 

inquit ,  Cani,  nunc  ,  cogitas?  Autquœ  liberté  de  les  mettre  en   œuvre,    soit 

tibi  mens  est  ?  '.'bservare  ,  inquit  Ca-  qu'elle  n'ose,   soit  qu'elle   ne   veuille 

nius ,  proposui    illo   velocissimo  mo-  désobéir    aux    volontés    de     quelque 

mento  ,     an    sensurus    sit     animus  ,  cause  supérieure  qui  lui   défend  tout 

exire  se.  Promisitque  ,  si  quid  eiplo-  commerce  avec  les    humains.  Disons 

rdsset  ,  cir<  umiturum  amicos  ,  et  indi-  donc  que  les  amis  de  Uonfadius  eussent 

caturum,  quis    esset  animarum  status  été  de  très-mauvais  raisonneurs ,  s'ils 

(22).  Séuèque   ne   nous   dit    point  si  eussent  voulu  inférer  la   mortalité  de 

l'on   apprit  quelques   nouvelles  de  ce  l'âme,  de  ce  qu'il  n'eût  point  tenu  la 

Julius  en  conséquence  de  cette   pro-  parole  qu'il  leur  donna, 

messe.  II.  Le  second  point  est  plus  délicat , 

On   sera    peut-être    bien    aise    que  et  .Ie  ^a's  d'abord  une  distinction.  Si 

j'examine   ici   deux   questions  qui   se  quelque  fantôme,   soi-disant  l'âme  de 

présentent    naturellement.     La     pre-  Julius,  se  fût  montré  aux   amis  de  ce 


mière  est ,  si  les  amis  de  ce  Julius 
eurent  quelque  bon  prétexte  de  dou- 
ter   de  l'immortalité   de    l'âme  ,    en 


Romain  ,  et  leur  eût  appris  des  nou- 
velles de  l'autre  monde,  ils  eussent  pu 
regarder,  en   conséquence   de    cela. 


n  apprenant    pas   les   nouvelles    qu'il    comme  une  hypothèse  très-probable  , 
leur  avait  fait   espérer  ?  la  seconde  ,  c,el'e  de  l'immortalité  de  l'âme  :  mais 
s'ils  eussent  eu  un  bon  fondement  de  si,s  avaient  pris  cette  apparition  pour 
croire  l'immortalité  de  l'âme  ,  en  cas  une  preuve  démonstrative  que  l'âme 
qu'ils  eussent  appris  de  ses  nouvelles  de  Julius  subsistait  encore,   ils  n'eus- 
par  quelque  fantôme  ?  sent   Pas  bien  jugé  j  car  ,    comme  je 
I.   Je  réponds,    quant   au  premier  lai  déjà  dit  ,  une  hypothèse  ne  four- 
point ,  qu'un  tel  prétexte  de    mettre  nlt  Pomt  de  preuves   démonstratives 
en  doute  l'immortalité  de  l'âme  serait  lorSflue  le  fait   qu'elle  explique   peut 
très-mauvais;   car   encore  qu'on   eût  être  expliqué  par  des  hypothèses  dif- 
pu  donner  une  fort   bonne  raison   de  ferentps-  il  faut  qu'une  preuve,  pour 
la  nullité  des  promesses  de  Julius  ,  en  êire  démonstrative  >  fasse  voir  que  le 
supposant  que  son  âme  ne  subsistait  contraire  est  impossible,  on  manifes- 
plus   ,    il   ne  s'ensuit    pas   qu'on    ait  *ement  faux-  Puis  donc  que  l'on  peut 
droit  de  se  servir  de  cette  hypothèse  ,  donner  des  causes  possibles  de  l'appa- 
pour  marquer  les  causes  de   l'inexé-  "tlon  d  un  fan,ôme  s°»- disant  l'âme 
cution  de  sa  parole.    Quand   on   peut  d'un  tel  homme  »  accomplissant  cer- 
expliquer  un  phénomène  par  trois  ou  taines  promesses  que  cet  homme  aurait 
quatre  suppositions  probables,  il  n'y  faltes  a  ses  amis'  Pms  '  d,s.le'    qu  on 
en  a  aucune   qui  puisse  former  une  peut  expliquer  cela  par  des  hypothèses 
juste  conviction.   On  ne  peut  donner  Posslbles>  'ans  supposer  que  l'âme  de 

1  homme  soit  immortelle  ,  il  est  clair 

(2a)Seaeca,<3eTranquillit.  Animi,  cap.  XIV,  que  les  amis   de    Julius    n'eussent  pas 

pag.  671.  philosophé  avec    la  dernière   exacti- 


BONFINIUS. 


55i 


tudc  ,  s'ils  eussent  pris  une  semblable    nécromancc    leur   attribue  ,     quand 
apparition  pour  une  preuve   démon-    même  ils  seraient  mortels.  11  suiiirail 
strative  que  l'âme  de  leur  ami  vivait,    que  leur  espèce  se  conservât   maigre 
«   Il  est   possible,    leur   pouvait -on    la   mort   successive  de   tous  les  indi- 
»  dire,  qu'encore  que  l'âme  de  votre     vulus,    comme   notre  espèce  se  con- 
w  ami  soit  morte ,    vous  ayez  vu  un    serve  quoique  tous  les  hommes   meu- 
»  fantôme  qui    vous   a    dit   ce   qu'il     rent.  Dire  que  la  génération  des  indi- 
«  s'était  engagé  à  vous  venir  annon-    vidas  est  impossible  parmi  les  génies, 
»  cer.  Il  y  a  dans  l'univers  plusieurs    c'est  décider  témérairement  de  ce  que 
)>  génies,  qui  connaissent  ce  que  nous    l'on  ne  sait  pas,  et  que  l'on  ne  peut 
»  faisons,  et  qui  peuvent  agir  sur  nos    savoir.  L'infinité   de  la  nature   peut 
»  organes.  Quelqu'un  d'eux  s'est  di-    contenir  mille  inauières  de  propaga- 
»  verti  à  vous  tromper:  il  vous  a  fait    tion  qui   ne   nous  sont  pas  connues. 
5)  croire  qu'il  était  Filme   de  Julius.     Notez  qu'il  y  a  eu  des  païens,  qui  ont 
»  Par  des   raisons  naturelles   et  con-    cru  la  mortalité  des  génies. 
»  vaincantes  ,  nous  ne  saurions  vous        Concluons  de  tout  ceci,  que  ce  que 
m  prouver  que  cela  soit  vrai ,  ni  vous    l'on     nomme   retour    on     apparition 
»  nous   prouver  que  cela  soit  faux,    d'esprits,  n'est  point  rigoureusement 
»  N'allez  donc  pas   si  vite,    ne  con-    parlant   une  preuve   nécessaire  (a3)  , 
»  cluez  rien  certainement ,  contentez-    ou  de  l'immortalité  de  notre  âme,  ou 
»  vous  de  prendre  cela  pour  une  by-    de  l'immortalité  des  démous.  Je  ne  nie 
»  pothèse  bien   probable.  »  Les  amis    point  que  ce  n'en  soit  une  preuve  ,  à 
de  Julius   répliqueraient  que   l'exis-    laquelle  on  peut  acquiescer  prudem- 
tence    même  de    ces   génies  est    une    ment,  raisonnablement;  mais  je  parle 
preuve  de  l'immortalité  de  notre  âme;     ici  de    preuves  démonstratives    :    je 
car  si  ces  génies  sont  immortels,  pour-    parle  de  preuves  qui  ne  puissent  être 
quoi  notre  âme  ne  le  serait-elle  pas  ?    éludées  que  par  des  chicanes  dont  on 
On  pourrait  leur  repartir  que  ces  gé-    peut  réduire  bientôt  les  défenseurs  à 
nies  auraient  la    force   de  faire  cent    l'absurdité, 
choses ,  à  la  place  et  sous   le  nom  de 
Pâme  morte  de  Julius,  quand  même 
ils   seraient   mortels.    Les  borames  ne 


(ï3)  II  faut  qu'on  prenne  bien  garde  h  cet 
deux  c  tau  set ,  la  première,  rigoureusement  par- 
lant; lu  .seconde  ,  preuve  nécessaire. 

]; ON  FI  VICS  {a)   (Antoine), 


sont-ils  pas  tous  mortels? Ne  meurent- 
ils   pas   tous  effectivement,  les    uns 

plus  tôt  ,  les  autres  plus  tard?Cela  les  natif  d'Ascoli  ,  en  Italie  ,  dans'la 
empccbfiait-d  de  tromper  les  betes ,  ,         i>  A  a        • 

dans  la  supposition  que  je  m'en  vais  mnrruo  d  Ancone  ,  a  fleuri  an 
faire.  Supposons  que  l'âme  des  cbiens  X\  ' .  siècle.  Il  s  attacha  a  l'etll- 
se  persuadât  quelle  subsiste  après  de  des  belles-lettres,  et  y  réus- 
s'ètre  séparée  du  corps  ;  supposons  sjt  Matthias  Corvin  ,  roi  de 
qu  un  chien  en    particulier  eut    pro-     TT  ■  1  î 

mis  aux  autres  de  leur  venirdirecom-  Hongrie,  ayant  oui  parler  de 
ment  il  se  trouverait  après  la  mort,  sa  science,  le  fit  venir  auprès  de 
Supposons  enBn  qu'un  homme  connût  lui.  Bonfinius  eut  l'honneur  de 
cette  promesse,  et  la  manière  dont  le  luj  fajre  la  révérence  k  Reez  , 
chirn  serait  convenu   de    I  exécuter.  i     • 

R'est-il  pasvrai  que  cet  homme  ferait  Peu  de  JourS  aVant  (IUC  Ce  Pn,UC 
aisément  ce  qui  serai!  nécessaire  pour  fît  son  entrée  publique  dans  la 
tromperies  autres  chiens  Pilleur  mon-  vJUe  de  Vienne  qu'il  avait  con- 
trera.t  des  fantômes  :  il  ferait  aboyer  ;se  ,«  Dfes  colle  pivm,j,re  au. 
des  marionnettes   etc.  Si  les  chiens  en      ï.  -,  ,    I  .  .- 

concluaient,  donc  notre  dme  est  immor-    «ence,iJ  présenta  plusieurs  ,:- 
telle  ,  pour  h  moins  les  hommes  sont     vres  qu'il  venait  de  faire  impri- 
immortels,  ne  se  tromperaient-ils  pas?    raer   (A),   et    qu'il  avait     d 
Il  est  aise   de  comprendre  ,  pour   peu     QU  à  ce  roi    QU  j,  ]a  reine  son  ^         _ 
qu  on  y  tasse  réflexion  ,  que  les  esprits  A 

invisibles    de    l'univers,    ce    que    les        (rt   n  se  ^  u  nnm  dc  Dorjfir,;s  dans 
platoniciens  appelaient   génies,  pour-    so„  n js .0i r,.  de  Hongrie. 
raient   faire  tout   ce    que   l'art  de    la        (b)  En  ilfi5,  selon  Cdrisïus. 


Ô5a  BONFINIUS. 

se  Béatrix  d'Aragon.  Le  roi  lut  ne  saurais  dire,  ni  où;  ni  quand 
ces  livres  ,  avec  beaucoup  d'avi-  Bonfinius  sortit  de  ce  inonde  ; 
dite  ,  dans  son  camp  ,  et  assista  ,  mais  je  crois  qu'il  ne  retourna 
accompagné  de  toute  sa  cour,. ;i  point  chez  lui,  comme  firent 
une  harangue  que  Bonfinius  ré-  plusieurs  savans  d'Italie  que 
cita  dans  Vienne  le  Ier.  jour  de  Matthias  Corvin  avait  fait  venir 
janvier  ;  et  s'étant  fait  porter  les  dans  son  royaume  (C).  On  accuse 
livres  de  cet  auteur  ,  il  les  dis-  cet  historien  d'avoir  été  médisant 
tiïbua  aux  prélats  et  aux  cour- 
tisans ,  et  leur  recommanda  de 
les  lire  :  et  bien  loin  d'accorder 
à  Bonfinius  la  permission  de 
s'en  retourner  en  Italie ,  il  le  re- 
tint avec  une  bonne  pension ,  et  que  considérables  (F). 
lui  donna  plusieurs  choses  àcom- 
poser  ,  et  voulut  même  qu'il  le 
suivît  dans  ses  armées  (c).  Il  le 
chargea  de  composer  l'histoire 
des  Huns  :  Bonfinius  commença 
d'y  travailler  avant  la  mort  de 
ce  prince  (d)  ;  mais  ce  fut  par 
ordre  du  roi  Uladislas  ,  qu'il 
écrivit  toute  l'Histoire  de  Hon- 
grie. S'il  n'y  a  pas  réussi  d'une 


(D) ,  et  d'avoir  mis  trop  de  pa- 
ganisme dans  son  style  (E).  Ses 
Notes  sur  Horace  ne  sont  point 
bonnes  {/)■  Les  fautes  de  M. 
Moréri  sont  ici  plus  nombreuses 


[f  )  Bonfinio  nul  lus  ineptil  magis  ,  et  dum 
ab  a/iis  dissentire  studiosè  geslit,  siculis 
gerris  vaniora  comminiscilur.  Hadrian.  Ju- 
nius  ,  Epist.  I,  où  il  donne  son  jugement 
des  commentaires  s«r  Horace. 


(A)  Il  présenta  au  roi  de  Hongrie 
plusieurs  livres  qu'il  venait  de  faire 
imprimer.]  C'est  lui-même  qui  nous 
l'apprend  :  il  nous  dit  que  trois  de 
ces  livres  avaient  été  dédiés  au  roi 
Matthias,     savoir   :     la     Traduction 

dd '  Hermoiiène  ,  et  celle  cYHérodien  ,  et 
oive  taire  regarder    1 ,  r  „  ■?/„„, 1  t     r>  ..  •        .  >;i  J 
i.  ©  la  Lrenealogie  des  Corvins  ;  qu  il  y  en 

son    travail   comme  un  ouvrage    avait  deux  qui  avaient  été  dédiés  à  la 


achevé ,  il  est  sûr  qu'il  s'est  ren- 
du digne  d'avoir  place  parmi  les 
bons  historiens  (B).  Il  a  conduit 
<  etîe   Histoire  jusques  à  l'année 


reine,    l'un    desquels   traitait    de    la 

Virginité  et  de  la  Chasteté  conjugale. 

et  l'antre  était  une  Histoire  d  Ascoli; 

qu'outre  cela,  il  avait  dédié  un  petit 

Recueil  d' Epigrammes  au  jeune  prince 

i5f)4:  elle  contient  IV  décades  et    Jean  Corvin,    où  il  avait    joint  une 

demie  c'est-à-d ire XLV  livres.  L'o-    préface  qui  traitait    de  l'Education 

,  />   .       •    j         i     i  -il-         d  un  prince  (i).    11  aioute,   qu  ayant 

j-iginal  en  fut  mis  dans  la  bibho-    suivi^ontre  \Jn  %ré  Matlhïas  Corvin 

theque  de  Rude,  et  le  publ  ic  n  en  à  l'armée ,  il  avait  traduit  Philostrale, 
vit  rien  qu'après  la  mort  de  l'an-  pourse  désennuyer.  Castra  sequiprœ- 
teur.  Un   Transylvain,  nommé    ceperatscriptoribus  et  philosophanti 


Martin  Brenner,  recouvra  une 
copie  imparfaite  de  cet  ouvrage, 
et  en  publia  XXX  livres  l'an 
1 543.  Sambucus  trouva  les  XV 
autres  ;  et  publia  tout  l'ouvrage 
l'an  i568,  revu  et  collationné 
sur  de  meilleures  copies  (e).  Je 

(c)E.vBon(iD'iidecad.ir.  lib.  Vil, p. ^63. 

(d)  Bonfinius,    in  Epist.  «leilic.at. 

(e  )  II  en  donna  une  édition  encore  meil- 
leure l'an  i57Q,  à  Francfort,  chez  André 
Wiehel.  Vautre  était  de  Baie,  clic:  Oporin. 


bus  inimica.  Quod  chin  Me  invitus 
Jacere  cogeretur ,  ne  ingrato  in  cas- 
trensi  tumullu  molestidque  otio  utere- 
tur,  oblatum  sibi  Philostratum  tribus 
mensibus  in  latinum  transtulit  (i) . 
Disons  un  mot  en  particulier  du  livre 
de  la  Virginité  et  de  la  Pudicité  con- 
jugale. Ce  sont  des  dialogues,  dont 
Sambucus  procura  une  édition  l'an 
1572.  On  leur  donne  le  titre  de  Sjm- 
posion  Beatricis.   Matthias  Corvin  et 

(1)  Bonfin. ,     Rerum    Ungaric.    decad.   IV , 
lib.  VII ,  pag.  l\(\ï  ,  eilit.  fl/i/i.  1C90. 

(2)  là  même. 


BONFINIUS, 


Beatrix  d'Aragon,  sa  femme,  y  sont 
fort  Loués  :  ou  y  trouve  la  considéra- 
tion qu'ils  avaient  pour  Bonûnius  (3). 
La  congrégation  de  l'index  a  con- 
damne cet  ouvrage. 

(B)  //  s'est  rendu  cligne  if  avoir  place 
■parmi  les  bons  historiens.  ]  Voici  ce 
«pie  Sambucus  a  dit  à  la  louange  de 
Bonfinius  :  Quantum  ingenio  non  ad 
hoc  argumentum  modo,  sed  ad  omnem 
omnino  philosophiam  excelluerit,  Dia- 
logi  cjus  de  Pudicitid  conjugali  vulgb 
testanlur ,  Herodianus  ,  Hermogenes 
lalini  :  nec  t'ino  huic  opus  est  hedera. 
Prœlerire  taineii  nequeo  paucarum 
esse  gentium  historias  copia  et  stylo 
fuites  (4j-  H  ajoute  que  Seldius  disait 
souvent,  IVullo  se  in  scriptnre  post 
Livium  et  œquales  ejus  qu'am  ipso  hoc 
lionfinio  i<acuas  horas  libentiùs  ponere 
solilum.  La  préface  des  Dialogues  ne 
contient  pas  nu  jugement  moins  favo- 
rable. Sambuci  in  Oialogorurn  prœfa- 
tione  taie  de  Bonfinio  judicium  est , 
ingenio  ad  omnes  res  arduas  et  lauda- 
biles  excelluisse  ,  styloque  ut  inidoneo 
non  ad  hisloriam  minus  quant  philoso- 
vhiam  vel  oraliones  (5). 

(C)  Je  crois  qu'il  ne  retourna  pas 
chez  lui ,  comme  firent  plusieurs  sa- 
vans  d'Italie  ,  que  M.    Corvin  avait 

fait  venir  dans  son  royaume.  ]  Douli- 
nius  nous  apprend  qu'ils  s'en  retour- 
nèrent plus  misérables  qu'ils  n'étaient 
venus.  Invitati  etiam  muneribus  pnë- 
tee,  rhetores  ,  et  grammatici,  quifalsi 
opinione  sud  miseriores  longe  musas 
qu'am  adduxcri.nl  in  Italiam  reduxe- 
runt  (6). 

(D)  On  l'accuse  d'avoir  été  trop 
médisant.  ]  Sambucus  s'est  déclaré  en 
cela  l'accusateur  de  Bonfinius,  dont  il 
s'imagiue  que  la  plume  fut  peut-être 
souvent  dirige'e  par  la  complaisance 
pour  Matthias  qui  l'avait  pris  à  ses 
gages; mais  il  remarque  que  ce  prince 
ne  fut  pas  Lui-même  trop  épargne. 
Civterùm  ,  ut  Bon/imi  Liudes  non  surit 
obscurœ  ,  ila  dissimulare  nequeo  non- 
nihil  ipsum  qfficii  tui  inlerdum  obli- 
tum  in  mores  privatos  et  vitam  calum- 
niosè  impotcuttùiqui?  effusum  .  secits 
quant  Livium,  Salustium  ,  Tacitum  , 
Suetonium ,  in  romanos  orbis  dominos 

Ci)  Vossius  ,  de  Histor.  latinis  ,  pag.  65g. 
(4)  Sambuc.,  in  Epist.  dedicator. 
(î)  Vossus,  de  Hist.  latin.  ,  pag.  65g. 
(6J  Boulin.  ,  decad.  IV,  hb.  VU  ,  pag.  45g. 


gentemque  togalamfecisse  constat  (7): 
id./ue  fartasse  redempto  à  Mallh'ui 
judicio  et  calamo  ejus,  quœ  rerum 
seriei  nihil  detrahunt.  Nec  Matthiœ 
tamen  pepercit  i/uem  impudentem,  vo- 
luptuosum,  theatris  deditwn ,  ambi- 
liosum ,  fervent ,  in  adjungendis  amicis 
prœcipitem,  in  relinquendis  facilem, 
adulatoribus  benignum,  immemorem 
beneficiorum ,  ausus  sit  dicere  (S).  On 
pouvait  ajouter  qu'il  a  dit  que  Mat- 
thias attira  auprès  de  lui  toutes  sortes 
de  gens  doctes,  sans  en  excepter  les 
magiciens,  f^iros  quâque  arte  prœstan- 
tissimos  undique  disquisivit,  conduxit- 
que.  sîstronomos ,  medicos  ,  mathe- 
rnaticos  ,  jurisque  consu'l>s  dilexit. 
Ne  magos  quidem  et  ngrontanles 
abominatus  est  :  nullam  arlem  con- 
tenait wiqu'am  [C)  iJn  Allemand, 
nommé  Zeillerus,  a  observé  qu'on  se 
plaint  entre  autres  choses  de  ce  que 
Bonfinius  a  dit  delà  malheureuse  reine 
Gertrude.  Taxatur  etiam  à  quibus- 
dam  ejus  Hisloria  Ungarica  ,  imprimis 
nar ratio  de  morte  innocentis  reginœ 
Gertrudis.  l^id.  lirunncrus ,  part.  3 
Annal.  Boic,  pag.  603  (10). 

(t)  ...  Et  d'avoir  mis  trop  de  paga- 
nisme dans  son  style.]  Le  jésuite  Ra- 
derus  est  ici  1  accusateur  ,  comme  le 
même  Zeillerus  le  rapporte.  J/ntbœus 
Jiaderus  ,  volum.  2  Bavariœ  sanctœ  , 
pag.  191  ,  hœc  de  eo  scribit  :  Bonfi- 
nius profanas  minium  et  paganus 
scriplor ,  cùrn  sanclos  appel  lai  Deos 
et  Numina  ;  Dei  matrem  Numen  et 
Dcant.  Calholicœ  religionis  disciplina 
non  novit  nec  colit  msi  unum  Deum  et 
unum  Numen.  Bonfinius  dum  vult 
latine  quod  ipsum  sincère  non  polest 
scribere ,  superstiliosè  et  profane ,  ne 
quid  dicam  gravais  ,  loquitur.  11  faut 
avouer  que  quelques  auteurs  italiens 
se  sont  rendus  ridicules  ,  pour  n'avoir 
osé  employer ,  en  parlant  du  christia- 
nisme ,  les  termes  qu'ils  ne  trouvaient 
pas  dans  les  écrivains  de  la  bonne 
latinité  (il)  ;  mais  je  ne  saurais  goûter 
la  délicatesse  de  Raderus ,  ou  plutôt 
son  acception  de  personne.  Il   trouve 

(-)  //  est  pourtant  vrai  que  la  plupart  de  ce: 
quatre  historiens  frondent  d'une  terrible  force 
les  vices  et  les  désordres  de  Rome. 

(S)  Sambuc,  m  Epist.  dedical.  Hist.  t'ncaric 
(qj  BonCn.  ,   Hist.  Uogaric,  .  decad.  IV,  lih. 
VII ,  pag.  45g. 

(10)  Zcillcr,  de  Hislor.  fpag'  M- 

(11)  Voyez  ci-dessus  la  remarque  (B)  de  l'ar- 
ticle Bembcs. 


554 


change  que  Bonfinius  ait  donne  à  la 
Sainte  Vierge  le  nom  de  JVumen  ;  et 
n'est-ce  pas  le  style  d'une  infinité  de 
dévots,  comme  M.  Drelincourt  l'a 
prouve  de'monstrativement  (12)  ? 

(F;  Les  fautes  de  M.   Moréri  sont 
ici  plus  nombreuses  que  considérables.] 
Il  dit  que  Sambuc  ajouta  V  livres  qui 
n'e'faient  point  dans  la  première  édi- 
tion  :    il  fallait  dire   XV.   J|    dit   que 
Bonfinius  traduisit  URhétoiïqued'Her- 
magène  :  il  fallait  dire   d'Hermogène. 
11  cite  Vossius  lib.  /,  de  Uistor   lai.  : 
il  fallait  citer  lib.  II/.  ]]  cite  le  Mire, 
in  Aust.  :  il  fallait  citer  in  Auctario. 
Jl  cite  Raderus  tom.  Ill  Havar  Sanc- 
tœ,pug.  191,  et  tout  aussitôt  Zeiller: 
ou  peut  assurer  qu'il  ne  cite  que  sur 
la   bonne  foi  de  Zeiller.    Or,    celui-ci 
marque   le    2e.    volume  de   Raderus, 
pag.  191 ,  et  ne  dit  point  que  Raderus 
blAme  autre  chose  que  le    paganisme 
du  style  de  Bonfinius.  Cependant  ,  si 
Ion   en   croit  M.    Moréri,    ce  jésuite 
trouve  bien  des  choses  à  reprendre  dans 
son  Histoire  de  Hongrie.  La  faute  qui 
suit  est   plus    mauvaise.    M.     Moréri 
prend  Bonfinius  pour  un  bon  homme , 
qui    disait   les   choses    simplement  et 
sans  dessein.  Jamais  critique   ne   fut 
plus   fausse   que     celle-là.     Bonfinius 
n'était  pas  un  niais:  il  était  fin,  dé- 
lié, et  digne  de  son  pays;  et  quand  il 
a  médit   des  gens  ,    ou  employé  cer- 
tains termes ,  ce  n'a   pas  été   sans  le 
vouloir  bien.  Si  je  marque  des  fautes 
qui  sont    visiblement    d'impression  , 
c  est  en  faveur  de  tantde  gens  qui  ont 
acheté    le  grand    nombre    d'éditions 
qu'on  a  du  Moréri.   Peut-être  y  a-t-il 
cinq  cents  personnes  qui  croient  fort 
bonnement  que  M.  Moréri  a  cité  une 
Histoire  d'Autriche  ,  d'Aubert  le  Mire. 


BONGARS. 


(12)  Voyez  ses   Demandes  à   M.    l'évêque  de 
tieilai.  * 

BONGARS  (Jacques),  en  la- 
tin Bongarsius  ,  natif  d'Orléans, 
a  été  un  des  savans  hommes  du 
XVIe.  siècle.  Il  suivit  le  goût 
dominant  de  ces  temps-là  ,  je 
veux  dire  qu'il  s'attacha  à  l'é- 
tude de  la  critique  ,  et  s'il  n'alla 
pas  aussi  loin  que  les  Lipse  et 
les  Casaubon,  il  ne  laissa  pas 
d'y  acquérir  beaucoup  de  gloire, 


et  peut-être  qu'il  les  eût  atteints 
dans   ce  genre  d'érudition,  s'il 
avait  pu   y   appliquer  tout    son 
temps  comme  eux  ;  mais  les  affai- 
res d'état    ne    le  lui    permirent 
point.  II  fut   employé   près   de 
trente  années  dans  les  plus  im- 
portantes   négociations    du    roi 
Henri  IV  {a)  (A) ,  pour  lequel  il 
lut  résident  diverses  fois  vers  les 
princes  d'Allemagne,  et  ensuite 
ambassadeur.    Les    lettres    qu'il 
écrivit  pendant  ses  emplois  sont 
fort  estimées  (B).  Mais  pour  re- 
venir à  ses   études  de  critique, 
je   dois   observer    qu'il    procura 
une   édition  de  Juslin ,  qui    est 
fort  bonne   (C)  :  il  rétablit  plu- 
sieurs passages  corrompus,  et  il 
éclaircit  par  ses  notes  beaucoup 
de  difficultés  ,  et  en    tout  cela  il 
fit  paraître  sa  pénétration  ,   son 
érudition  ,  et  la  peine  qu'il  avait 
prise  de  consulter  les  bons  ma- 
nuscrits. 11  se   connaissait  mer- 
veilleusement en  livres  ,  soit  ma- 
nuscrits,  soit  imprimés  ,  et  il  en 
ramassa  un  très-grand  nombre. 
Il  acheta  en    il5o3  ,    conjointe- 
ment avec  Paul  Petau  ,    les  ma- 
nuscrits de    Pierre    Daniel.    La 
portion  qui  lui  échut  est  tombée 
enfin    dans    la   bibliothèque  du 
Vatican  (D).  La  bibliothèque  de 
Berne  profita  beaucoup  de  celle 
de  Jacques    Bongars    (b) ,    qu'il 
avait  bien  augmentée,  en  1604  , 
des  débris   de  la  bibliothèque  de 
Cujas  (E).  Il  mourut  l'an  1612  , 
âgé  de  cinquante-huit  ans    (c). 
Ce  fut  à  Paris  ,  et  cela  donna  un 
nouveau  chagrin  à  Casaubon  (F). 
J-ies  partisans  de  l'empereur  tâ- 

(tf>  Voyez   la  préface  de    ses    lettres   au- 
devant  de  la  traitai  lion  française. 

(b)  Voyez  le  père  Jaeoh,  traite'  des  Bil.î.. 
^«,^.226. 

(c)  Wilte  ,  Di;ir.  Liograph. 


BONfxARS 

chèrent  de  nuire  à  la  France  , 
en  faisant  courir  certains  bruits 
contre  cet  agent  (G).  Il  était 
bien  de  la  religion  ;  maison  trou- 
ve dans  ses  lettres  de  quoi  soup- 
çonner qu'il  se  faisait  des  scru- 
pules par  rapport  aux  guerres  ci- 
viles des  protestans  (H).  Le  pu- 
blic lui  est  redevable  de  l'édition 
de  plusieurs  auteurs  qui  ont  fait 
l'Histoire  des  Expéditions  de  la 
Palestine  (d).  Je  ne  pense  pas 
qu'il  ait  jamais  été  marié  :  une 
demoiselle  française,  qu'il  devait 
épouser  ,  mourut  le  jour  même 
qu'on  avait  destiné  aux  noces , 
l'an  1597  (I). 

Il  étudiait  à  Strasbourg  l'an 
i5^i  ,  et  avait  pour  précepteur 
un  anabaptiste  (e).  Il  étudiait 
sous  Cujas  en  i5y6  {/)•  La  ré- 
ponse qu'il  publia  en  Allemagne 
à  un  écrit,  dans  lequel  on  im- 
putait aux  Français  qui  accompa- 
gnaient les  Allemands  le  mauvais 
succès  de  l'expédition  de  l'an 
1 587 ,  a  été  louée  par  M.  de 
Thou  (K).  Mais  cette  réponse  , 
quelque  glorieuse  qu'elle  puisse 
être  à  l'auteur  ,  n'est  rien  ,  si  on 
la  compare  à  celle  qu'il  avait 
faite  à  une  bulle  du  pape  Sixte  , 
et  qu'il  avait  eu  le  courage  d'af- 
ficher dans  Rome.  Je  n'ai  lu  ce- 
la que  dans  M.  Varillas  dont  je 
rapporterai  les  paroles  (L) ,  non 
sans  les  accompagner  de  quelques 
notes  critiques  (M).  Au  reste,  ce 
fut  Bongars  qui  fit  imprimer 
les  questions  que  le  jésuite  Coton 
avait  dressées  pour  être  faites  au 
diable  (N). 


(d)  Cet  ouvrage  est  intitule  Gesta  Dei  per 
Fr.incos.  Il  fut  imprimé  à  Hanaw,  l'an  1O1 ., 
en  2  volumes  in-folio 

(e)  Colonnes,  Biblioth.  choisie,  pag.  189. 
if)  fojres  ci-dessus  la  citation  (52     de 

l'article  Boni*. 


(A)  //  fut  employé'  pendant  trente 
ans  dans  les  plus  importantes  négocia 
lions  du  roi  Henri  lf-~\  11  est  bien 
vrai  que  Bongars  négocia  en  Alle- 
magne ,  sous  le  règne  de  Henri  III  ; 
mais  c'était  pour  le  roi  de  Navarre, 
et  non  pas  pour  Henri  III.  M.  More'ri 
n  a  point  distingué  cela. 

(B)  Les  lettres  qu'il  écrivit  pendant 
ses  emplois  sont  fort  estimées  1  II  ne 
s'amusa  point,  comme  les  Bembes  et 
les  Manuces  ,  à  rejeter  tous  les  termes 
qui  ne  sont  point  de  la  belle  latinité; 
mais  son  style  ne  laisse  pas  d'être 
beau,  pur,  clair,  poli,  et  plein 
d'agrémens  naturels.  On  fit  une  tra- 
duction de  ses  lettres,  lorsque  Mon- 
sieur le  dauphin  commença  d'appren- 
dre la  langue  latine  ,  et  il  paraît  par 
l'épître  dédicatoire  à  ce  jeune  prince, 
et  par  la  préface  du  traducteur,  qu'on 
jugea  que  rien  ne  serait  plus  propre 
pour  un  écolier  de  qualité,  que  la  lec- 
ture de  cet  ouvrage  de  Bongars.  C'est 
parce  qu'en  le  lisant  on  peut  appren 
dre  tout  à  la  fois,  et  à  s'exprimer  en 
beaux  termes  sur  les  affaires  d'état, 
et  à  bien  juger  de  la  conduite  d'un 
ambassadeur.  On  peut  apprendre  , 
non -seulement  des  mots  et  des  phra- 
ses ,  mais  aussi  le  cours  des  affaires 
de  ce  temps-là  ,  et  plusieurs  faits  par- 
ticuliers qui  ont  encore  quelque  rela- 
tion au  temps  présent  ,  et  qui  peu- 
vent être  d'un  plus  grand  usage  que 
ce  qu'on  trouve  dans  les  lettres  île  Ci- 
céron.  On  s'intéresse  plus  aux  affaires 
limitrophes  de  notre  pays  et  de  notre 
siècle  ,  qu'à  celles  des  anciens  Ro- 
main-. :  celles-ci  d'ailleurs  se  maniaient 
d'une  raanièrequiesl  infiniment  moins 
conforme  au  temps  présent  que  la 
manière  dont  on  négociait  au  siècle 
passé  ,  et  au  commencement  de  ce- 
lui-ci. Toutes  ces  pensées  ,  et  plu- 
sieurs autres  à  la  louange  des  lettrée 
de  Jacques  Bongars  ,  .sont  toiit-à-fait 
bien  expliquées  dans  la  préface  du 
traducteur.  M.  Morhouus  observe 
qu'on  avait  publie  depuis  peu  à  Paris 
les  lettres  françaises  de  Bongars.  Post 
mortern  ejus  editœ fuerunl  turn  lue  la 
tinœ  epistolœ  ,  tum  aliœ  gal'ied  Itn- 
çuii  ,  quœ  nuper  admndum  Ptinsiis 
lucem  viderunt  (1).  11  a  raison  ,  s'il  ne 
veut  parier  d'autre  chose  que  d  un 
petit  livre  intitulé  :  le  Secrétaire  sans 


(0    Morhof.  ,   in    Polylv 
ouvrage  du  Morhotîu.  fui  é 


st.,    pni.    3o6.    Cet 
■nprimé  Pan  i«33S. 


556  BON  G 

Jard  ,  ou  Recueil  de  diverses  lettres 
du  sieur  Jacques  Bongars  ,  etc. ,  avec 
une  instruction  à  lui  donnée  par  Jeu 
M.  le  maréchal  de  Bouillon.  Ce  Re- 
cueil comprend  XXXJV  lettres  ,  qui 
ont  élé  insére'es  dans  l'édition  de  la 
Haye  ,  en  1695.  Je  ne  dois  pas  oublier 
qu'il  règne  dans  les  lettres  de  Bongars 
un  certain  caractère  d  honnête  homme 
qui  prévient  beaucoup  les  lecteurs. 

Notez  que  la  traduction  française 
dont  j'ai  parle  fut  imprimée  à  Paris 
l'an  1G68,  et  réimprimée  en  Hollande 
bientôt  après.  On  en  îit  une  nouvelle 
édition  Pan  «694  ,  et  l'on  marqua  au 
titre  qu'elle  était  corrigée  et  augmen- 
tée. C'était  tromper  les  lecteurs  :  il 
n'y  a  que  l'édition  de  la  Haye  en 
1690  ,  qui  mérite  que  l'on  y  marque 
cela.  On  y  a  corrigé  plusieurs  bévues 
du  traducteur  ,  et  rétabli  plusieurs 
choses  qu'il  avait  osé  retrancher  par 
un  esprit  de  bigoterie  (2).  Notez  aussi 
que  M.  Spanheim ,  professeur  en  théo- 
logie à  Leyde,  y  fit  imprimer  en  1647 
un  Recueil  des  lettres  latines  de  noire 
Bongars  :  il  y  joignit  une  lettre  qui 
sert  de  préface  ,  et  qui  a  été  insérée 
dans  l'édition  de  la  Haye  en  1695. 

(C)  //  procura  une  édition  de  Justin 
qui  est  fort  bonne. 1  Je  ne  m'arrête 
point  au  Scaligérana  ,  où  l'on  trouve 
qu'il  disait  qu'un  autre  Jacques  Bon- 
gars ,  et  non  pas  lui ,  avait  publié  cet 
auteur.  Je  ne  vois  personne  qui  n'at- 
tribue cet  ouvrage  au  même  Bongars 
qui  négocia  en  Allemagne  pour  Henri 
IV  (3) ,  et  de  plus  ,  Scaliger  en  cet  en- 
droit parle  si  peu  exactement  ,  qu'on 
doit  croire  qu'il  n'avait  que  des  idées 
confuses  de  ce  qu'il  disait.  «  Il  y  a 
»  vingt  ans  ,  dit-il ,  que  cet  autre  Ja- 
»  cobus  Bongarsius  donna  son  Justin 
■»  à  31.  de  l'Escale  a  Bordeaux.  » 
11  aurait  donc  fallu  qu'il  l'eût  donné 
pour  le  plus  tard  en  l'année  i558  (4), 
et  que  les  frères  Vassan  eussent  ouï 
dire  ceci  à  Scaliger  l'an  1 5^8.  Ces  deux 
faits  sont  impossibles  :  la  première 
édition  du  Justin  de  Jacques  Bongars 
est  de  Paris  ,  en  i58i  ,  i7i-8°.  Les  frè- 
res Vassan  ne  furent  auprès  de  Scali- 

(2)  Voyez  l'avertissement  au  lecteur ,  à  Ve'di- 
tion  de  la  Haye  en  i6g5. 

(3)  Voyez  f'épître  dédiealoire  du  Justin  de 
M.  Gitevius,  et  une  lettre  de  Fridéric  Span- 
heim au-devant  de  celles  de  Bongars. 

(i))   C'est  celle  de  la  mort  de  Jules-César  Sca- 


AUS. 

ger  que  depuis  qu'il    se  fut   établi  à 
Leyde,  l'an  i593. 

(D)  Ses  manuscrits sont  tombé.* 

dans  la  bibliothèque  du  V atican.~\  Les 
curieux  seront  bien  aises  de  trouver 
ici  un   morceau  de  l'Histoire  des  Bi- 
bliothèques ,  tiré  d'un  ouvrage  du  sa- 
vant père  Mabillon.    Lorsqu'en    i56a 
les  protestans  saccagèrent  l'abbaye  de 
Fleuri  ,  ils  y  trouvèrent  quantité  de 
bons  manuscrits.  Pierre  Daniel  (5),  se 
servant  adroitement  de  la  faveur  où 
il  était  auprès  du  cardinal  de  Châtil- 
lon  ,    abbé  comraendataire   de   cette 
abbaye  ,   retira  d'entre  les  mains  des 
soldats  plusieurs   de  ces  manuscrits  , 
et  entre  autres  un  Servius   sur  Vir- 
gile qu'il  publia  l'an   1600.    Après  sa 
mort  (6)  ,   ses  héritiers  vendirent  les 
manuscrits  ,   pour  la  somme  de  i5oo 
livres  ,  à  Paul  Petau  et  à  Bongars.  La 
portion  de  Paul  Petau   fut    laissée  à 
Alexandre  Petau  son  fils,  qui  la  ven- 
dit à  la  reine  de  Suède.  Celle  de  Bon- 
gars fut  portée  à    Strasbourg  ,  où  il 
faisait  sa  résidence  :  il  la  laissa  pat- 
son  testament  à  un  nommé  Granicet 
(7)  ,   qui  était  fils  de  son  hôtesse  (8). 
Gruterus  ,  bibliothécaire  de  l'électeur 
palatin  ,  persuada  à  ce  prince  d'ache- 
ter les  manuscrits  que  Bongars  avait 
laissés  à  Granicet  :  et  ainsi  ils  furent 
transportés  à   Heidelberg  ,  et  de  là  à 
Rome  (9). 

(E)  //  avait  bien  augmenté  sa  bi- 
bliothèque des  débris  de  celle  de  Cu- 
jas.~]  Ce  qu'il  raconte  là-dessus  ,  dans 
une  lettre  du  19  de  janvier  1604  >  *e~ 
moigne  si  clairement  la  passion  extrême 
qu'il  avait  pour  les  études  et  pour  les 
livres  ,  que  je  ne  saurais  m'empêcher 
de  le  mettre  ici  selon  la  version  fran- 
çaise. <c  Tant  que  j'ai  été  dans  ce  voya- 
»  ge  ,  je  n'ai  pas  pu  vous  écrire  ,  par- 
3)  ce  que  j'étais  tout  appliqué  à  mes 
»  affaires  domestiques  ,  auxquelles  je 
»  devais  tâcher  de  mettre  quelque 
»  ordre  avant  mon  départ.  Dans  celte 
»  occupation  même,  le  plus  grand  de 
»  mes  soins  a  été  de   chercher   quel- 

(5)  Avocat  a  Orléans ,  et  badli  de  Vabbaje  de 
Fleuri. 

(6)  Il  mourut  l'an  i6o3. 

'    (•;)  Je  crois  qu'il  eût  fallu   dire  Gravicet  ,  ou 
plutôt  Gravisset. 

(8)  Elle  e'iait  de  Lyon  et  femme  d'un  joail- 
lier. Mabillon  :  voyez  la  citation  suivante. 

(9)  Mabillon  ,  prœfat.  Ubri  de  Liturgiâ  Galli- 
cans ,  publie'  h  Paris  l'an  i685. 


LONGARS. 


5:~7 


»  ques  restes  tle  la   bibliothèque    de  gé  d'opinion  en  son  cceur  ,  mais  que 

»  M.  Cujas.  Vous  niez  sans  doute  de  pour  jouir  paisiblement  de  son  royau- 

»  bon  coeur ,  lorsque  vous  vous  repré-  me  il  a  façonne  son  extérieur,    s'ac- 

u  senterez  cette  foule  de   monde  qui  commodant  au  temps  et  a  ce  que  son 

va  à  la  cour  comme  à    une   foire  ,  profit  réouvrait.  Je  ne  peux  croire  que 


v  pour  y  faire  ses  affaires ,  et  pour  tâ- 
»  cher  de  tirer  du  roi  quelque  ar- 
»  gent  ;  et  qu'en  même  temps  ,  un 
»  homme  de  cour  comme  moi ,  et  qui 
»  n'est  pas  extrêmement  accommode 


ledit  Bongars   tienne    ce   langage  si 

contraire  h  la  vérité  et  a  la  bonne  foi 
dont  le  roi  doit  être  recommandé,  non- 
seulement  envers  les  catholiques,  mais 
aussi  envers  les    protestons   mêmes  , 
s'enfuie  en  des  lieux  écartés  ,  pour    qui  autrement  ne  s'y  pourraient  fier  , 
employer  une  partie  de  son  bien  à    et  ne  voudraient  s'employer  pour  lui  : 
acheter  des  livres  et  des  papiers  en    mais  je  tiens  que  c'est  une  invention 

savoyarde  et  espagnole  (  i3).  Ce,  car- 
dinal était  trop  habile  pour  ne  pas 
comprendre  le  toit  que  cela  pouvait 
faire  au  roi  à  la  cour  de  Rome  ■  c'est 
pourquoi  il  prit  le  parti  de  nier  que 
Bongars  eût.  tenu  de  tels  discours.  On 
s'offrit  à  le   lui  prouver  :   voyons    les 


»  désordre,  et  à  demi  rongés  des  vers. 
»  Vous  voyez  par-là  si  je  suis  un  hom- 
»  me  fort  avare.  Lorsqu'il  s'agit  d'a- 
»  voir  des  livres  ,  ni  la  peine  ,  ni  la 
»  dépense  ,  ne  m'est  rien,  l'iût-à- 
»  Dieu  que  je  fusse  libre  et  en  repos 
»  pour  pouvoir  les  lire.  Je  n'envierais 
»  point  alors  ,  ni  les  richesses  de  M. 
»  de  Rosny  ,  ni  les  montagnes  d'or 
>>  des  Perses  (10).» 

(F)  Sa  mort  donna  un  nouveau  cha- 
<i>ln  a    Casaubon.  ]   Les  lettres  de  ce 


suites  qu'eurent  ces  offres.  Me  furent 
mises  en  main  ,  dit-il,  plusieurs  let- 
tres en  latin  ,  écrites  h  un  homme  de 
lettres  allemand  ,  appelé  Ga spart 
Scboppius  quiest  ici,  les  unes  par  ledit 


grand  critique  témoignent  qu'il  a\ ait  Bongars  ,  et  d'autres  par  un  appelé 
mille  obligations  à  Jacques  Bongars  , 
et  qu'il  l'estimait  beaucoup.  Voyez  en 
particulier  la  DCXCVIII  et  laDCXCIX 
où  il  parle  de  sa  mort.  C'estlà  qu'il  re- 
grette que  cet  honnête  homme  n'eût 
point  reçu  à  Paris  les  honneur-*  funè- 
bre» qui  lui  étaient  dus,  et  qu'infail- 
liblement on  lui  aurait  faits  en  Alle- 
magne. Qui  si  in  Germanid dtemutti- 
mum  obiisset  ,  habuissent  docti  viri 
rationem  funeris  ejus  ,  et  ornandœ  il- 


felser  ,  qui  demeure à  Âusbourg.  Par 

toutes  ces  lettres  j'appris  que  ce  Schop- 
pius  avait  été  huguenot  ,  et  qu'après 
s'être  converti  en  celle  ville  ,  U  écri- 
vit a  de  ses  amis  huguenots  ,  et  en- 
tre autres  audit  Bongars,  des  lettres 
âpres  et  injurieuses  ,  et  plus  propres  a 
les  irriter  et  endurcir  en  leur  opinion  , 
qu'à  1rs  gagner  et  convertir  ,  dont  le- 
dit bongars  se  piqua  aucunement  ,  et 
lui  répondit  brusquement  ,   mais  non 


lias  memoriœ  pro   meritis   ingentibus    sans  beaucoup  de  respect  et  de  modes 


tou  /uxKxpnou  (11).  M.  Coloraiés  se 
trompe  ,  quand  il  dit  que  Bongars 
mourut  à  Berne  (12). 

(G)  On  fit  courir  certains  bruits  con- 
tre cet  agent.]  Les  lettres  du  cardinal 
d'Ossat  nous  apprennent  ce  que  c  é- 
tait.  On  fait  dire  ici  (  voilà  ce  qu'il 
écrivait  de  Rome  à  M.  de  Villeroi  le  2 
de  décembre  1600,  )  que  le  roi  tient 
un  gentilhomme  en  Allemagne  près 
les  princes  proteslans,  appelé  Bongars , 
lequel    dit    auxdits    princes    protes- 


tie  :  et  entre  toutes  ces  lettres  il  ne  se 
trouve  un  seul  mot  tout  haut  le  susdit 
langage  ,  ni  qui  en  approche  :  de  façon 
que  la  production  de  ces  lettres  a  été 
sa  justification  envers  moi  pour  ce  re- 
gard. Mais  parmi  les  lettres dudil  Inci- 
ser ,  je  trouve  que  celles  que  ledit  Bon- 
gars écrivait  auht  Schoppius  ,  pas- 
saient par  les  mains  dudit  f^efser  qui 
les  ouvrait  et  lisait  ,  et  puis  les  en- 
voyait audit  Schoppius  ;  et  y  en  a  une 
dudit  fclser  autlit  Schoppius  .  p<ir  la- 


tans  ,  et  h  ceux  de  leur  secte  ,   que  le    quelle  il  suggère  audit  Schoppius  que  , 

en  répliquant  audit  Bongars  .  il  lui 
reproche  la  conversion  de  sr>n  roi  ,  et 
que  sur  ice.lle  il  a  tenu  tel  et  tel  1,/a- 
gnçe  aux  princes  protestons  d'Allema- 
gne. 3Iais  il  se  voit  que  ce  /  elser  e*t 
ennemi  dudit   Bongars  ,  et  partial   de 

(i'S)  D'Ossat,  lettre  CCXL!  ,    &V.    ''/ 

5ij". 


roi  pour  sa  conversion  n'a  point  chan- 

(10)  Bongars ,  lettre  XXXV  ,  pag.  QÇ)  ,  e',li- 
lionde  la  Haye  en  i6g5.  forez  aussi  lu  \  i .  \  II". 
lettre  de  Lingelslieim. 

(11)  Casaiibou. ,  epist.  DCXCVIII,  pag.  882, 
cdtl.  ann.  i656. 

(13)  Coloiuié.-,  Bibliothèque  choisie  ,  pas;. 
189. 


558 


BONGARS. 


la  maison  d'Autriche  ,  comme  ledit 
Schoppius  éloit  entretenu  par  feu  M. 
le  cardinal  Madruccio  ,  qui  était  si 
fort  de  ladite  maison  ,  que  le  roi  d'Es- 
pagne lui  au  ait  fié  le  secret  du  con- 
clave plutôt  qu'à  ses  ambassadeurs 
propres  ,  ni  aux  cardinaux  espagnols 


contre  les  devoirs  d'un  homme  d'hon- 
neur ,  en  rendant  de  bons  services  à 
son  maître  par  les  insinuations  dont 
il  s'agit.  L'importance  était  de  pren- 
dre bien  garde  que  les  Espagnols  n'en 
sussent  rien. 

(H)  Il  se  faisait  quelques  scrupules 


naturels.  De  façon  que  je  tiens  que  par  rapport  aux  guerres  civiles  des  pro- 
celle  imputation  et  charge  mise  sur  le-  testons  ]  C'est  M.  Colomiës  qui  a  fait 
dit  Bongars  est  une  pure  calomnie  ,  cette  remarque  ,  et  qui  l'a  insérée  à  la 
conlrouvée  pour  nuire  au  roi  principa-  page  1 15  de  ses  Observaliones  sacrœ  , 
lement  (i4)-  Pour  moi  ,  je  trouve  as-  imprimées  à  la  Rochelle  l'an  1679  ,  et 
iez  vraisemblable  ce  que  Velser  vou-  à  la  page  226  d'un  Recueil  qu'il  pu- 
lait  que  Ton  reprochât  à  Jacques  Bon-  blia  en  Angleterre  l'an  1687.  Chris- 
"ars.  11  n'y  avait  presque  personne  tianissimè  in  hanc  rem  Jacobus  Bon- 
parmi  ceux  de  la  religion  ,  qui  ,  pen 
dant  les  premières  années  du  catholi 


cisme  de  Henri  IV  ,  fût  persuadé  que 
ce  prince  eût  changé  de  sentiment. 
Son  envoyé  en  Allemagne  n'était  pas 
hop  homme  à  s'imaginer  qu'à  l'Age 
qu'avait  Henri  IV  ,  on  puisse  commen- 
cer à  croire  la  transsubstantiation  ,  et 
ce  qui  s'ensuit.  Il  est  donc  probable 
qu'il  n'aurait  pas  cru  mentir,  en  di- 
sant que  la  conversion  de  son  maître 
avait  été  un  ouvrage  de  pure  néces- 
sité ,  et  semblable  au  risus  sardonius 


garsius  ,  Aurelianensis  ,  Henrici  IV 
ad  Germaniœ  principes  olim  legatus  , 
vir  pietale  ac  erudilione  illustris  ,  in 
quddam  ad  Joachimum  Camerarium 
Joachimi  F.  epistold :  Hic  ,  clarissime 
et  prudentissime  Domine  ,  eflundam 
in  sinum  tuum  amicum  et  candidum 
quœ  me  sœpè  agitant  ,  nec  turbant 
tamen.  Répète  et  nostros  duces  qui 
armis  suis  religionem  prœtulerunt. 
Videbis  victos  vestros  à  Carolo  V  , 
captosqueet  affectoscontumeliis,  pri- 
vatos  etiam  bonis.  In  Galliâ    capturn 


qui  ne  passe  pas  les  lèvres.  Mais  sup-  primo  bello  Condœum  ,  tertio  occi- 
posons  qu'il  en  jugeât  autrement  ,  sum  :  amiralium  semper  victum  ,  tan- 
doit-on  croire  qu'il  eût  fait  difficulté  dem  trucidatumeum  magnâ  procerum 
de  recourir  à  un  mensonge  officieux  ,  turbâ.  In  Belgio,  Aurangium  itidem 
pour  empêcher  que  les  protestans  globo  prostratum.Certèjudicare  aliud 
d'Allemagne  ne  se  refroidissent,  entiè-  non  possum  ,  quàm  ingrata  illorum 
rement  envers  Henri  IV?  Doit  -  on  arma  Deo  fuisse  (16)  Ce  passage  de 
croire  que  pour  les  tenir  attachés  aux  Bongars  se  trouve  dans  sa  XIXe.  lettre 
intérêts  de  la  France  ,  il  eût  fait  diffi-     à  Joachim  Camerarius.  On  l'a  un  peu 

mutilé  dans  l'édition  de  Paris.  Voyez 
l'avertissement  de  l'édition  de  la  Haye 
en   160,5. 

(I)  Une  demoiselle  française  qu'il 
devait  épouser  mourut  le  jour  même 
quon  avait  destiné  aux  noces  ,  l'an 
1597  ]  Elle  s'appelait  Odette  Spifame 
de  Chalonge.  Ils  s'étaient  aimés  près 
de  six  ans  ,  et  avaient  souhaité  de  se 
marier  ensemble  ;  mais  les  voyages 
qu'il  fut  obligé  de  faire  pour  le  ser- 
vice  du  roi  s'opposèrent  pendant  ce 


cultédeleur  dire  confidemment,  quoi 
qu'il  n'en  crût  rien  ,  que  le  roi  était 
toujours  dans  le  fond  de  l'âme  bon 
huguenot  ?  C'est  comme  quand  du 
Bellai  faisait  accroire  aux  mêmes  prin- 
ces que  François  Ie'.  ne  s'éloignait  pas 
de  la  réforme  (i5).  Fort  bien,  me  di- 
ra-t-on  ;  mais  du  Bellai  était  papiste, 
et  Bongars  était  de  la  religion.  Tant 
qu'il  vous  plaira,  répoadvni-je;mais  un 
ambassadeur  protestant  est  fuit  comme 
an  autre  ■'  il  se  sert  comme  les  autres 


des  adresses  de  la  politique  ;  et  s'il  se     temps-là  à  leurs  désirs  mutuels.  Nup- 


laisse  duper  ,  ce  n'est  pas  par  zèle  ou 
par  scrupule  de  conscience.  Prenez  bien 
garde  ,  que  de  la  manière  qu'on  juge 
des   choses  ,  Bongars   n'eût   rien  fait 

(i4)  L'a  même,  lettre  CCXLIV  ,  liv.  VII  , 
pag.  G02  ,  dale'e  de  Rome,  te  2  de  janvier 
i6oi. 

(i!>)  Voyez  ci-dessus  la  remarque  (B)  de  l'ar- 
ticle .te  f  Ciiillaume  du)  Bfllai. 


tias  ulrinque  optatas  peregrmationes 
meœ  et  regia  negotia  hactenùs  impedi- 
verunt  (17).  Le  roi  ne  permettant  pas> 
à  Bongars  de  la  venir  épouser  ,  elle 
eut  la  complaisance  d'aller  trouver  son 

(  16)  Colonies. ,  Observât,  sacra:,  ]>ag.  u5, 
116. 

(17)  Bongarsins,  Epistol.,  f">i'«  7,  'dit.  Ar- 
gentin. ,  an,  îfi'io. 


EONGARS.  559 

menant,  accompagnée  de  son  père.  On  sciïpti  cxemplo  ab  amicis  accepta  7ex- 
était  convenu  de  se  marier  à  Bàle.  Elle  lemporaneo  ,  sed  aculeato  sciiptn  coti- 
se rendit  à  Momlséliard  au  cœur  de  tr/irio  ,  quoi!  et  eâdem  festinatione  ty- 
l'hiver ,  et  à  travers  mille  périls,  et  pis  piandari  curavit  r  antequàm  nundi- 
avanl  su  que  Bongars  ne  pourrait  lui  nœ  exirent  ,  respondit ,  et  omnem  rei 
venir  au-devant  qu'au  bout  de  huit  malègestœ  culpamprimiim...rejicit... 
jours,  elle  l'alla  trouver  jusqu'à  Stras-  deindè  in,  etc.  (19).  Notez  (pie  es  pa- 
hourg.  Ce  fut  là  qu'on  résolut  de  faire  rôles  ne  se  trouvent  point  dans  It  s  édi- 
les  noces  :  mais  la  pauvre  demoiselle  tions  de  M.  de  Thou  5  mais  elles  étaient 
tomba  malade  au  bout  de  huit  jours  ,  dans  son  manuscrit.  Voyez  le  1  hua 
et  mourut,    le  quatrième  jour  de    sa    nus  restitulus. 

maladie.  Bongars  en  fut  extrêmement  (L)  //  eut  le  courage  d'afficher  dans 
allligé  ,  comme  il  paraît  par  ses  let-  Rome  une  réponse  qu'il.  Jit  il  une.  huile 
très.  J'ai  tiré  ces  particularités  de  la  de  Sixte  y.  Je  n'ai  lu  cela  que  dans 
lettre  qu'il  écrivit  à  Jean -Guillaume  M.  Parillas,  dont  je  rapporterai  les 
Stuckius  ,  le  8  de  février  i5y7  :  elle  paroles.']  Ayant  raconté  la  procédure 
est  à  la  page  7  de  l'édition  de  Stras-  violente  de  Sixte  V  contre  le  roi  de 
bourg  en  1660  ,  et  à  la  page  66  de  Té-  Navarre  ,  et  contre  le  prince  de  Con- 
dition de  la  Haye  en  1695.  Cette  édi-  dé  ,  il  ajoute  que  la  bulle  de  ce  pape 
tion  de  Strasbourg  ne  contient  qu'une  demeura  long-temps  affichée  au  Champ 
petite  partie  des  lettres  «le  Jacques  de  Flore  ,  et  jusqu'à  ce  que  Jacques 
Bongars  :  mais  on  y  a  joint  celles  que  Bongars  ,  calviniste  .  bourgeois  d'Or- 
Lingelsheim  lui  avait  écrites ,  que  j'au-  léans  ,  qui  se  trouvait  alors  à  Home  , 
rais  trouvées  meilleures  que  je  n  ai  fait,  quoiqu'il  n'eût  que  dix-sept  ans  ,  se 
si  elles  n'avaient  pas  été  tronquées  proposa  de  venger  l'honneur  de  la 
d'un  grand  nombre  de  noms  propres.  Fiance,  noirci  dans  les  deux  premiers 
Ces  mutilations  empêchent  qu'on  ne  princes  du  sang  ,  et  s'en  acquitta  d'une 
connaisse    de  quelles  sortes  d'affaires    manière  si  intrépide  ,    qu'elle   mérite 

Lingelsheim    entretenait  son   ami  en    d'avoir  place  dans    l'histoire  (ao 

ces  endroits-là  ,  et  font  croire  (pie  ces  Comme  il  était  déjà  fort  savant;  il  corn- 
endroits  étaient  curieux.  Je  ne  crois  posa  une  réponse  tout-à-fait  forte  et 
point  que  M.  Morhof  ait  rien  compris  satirique  à  la  balle  du  pape  II  la 
dans  l'avertissement  au  lecteur,  qui  transcrivit  lui-même  en  forme  de  pla- 
est  à  la  tête  des  Lettres  de  Bongars  et  card  ;  il  choisit  une  nuit  tout-afait 
de  Lingelsheim  (18).  obscure,  et  il  afficha  ce  placard  au- 

(K)  Sa  réponse...  touchant  l'expédi-  près  de  la  balle  dans  le  Champ  de 
tion  de  1687  ,  a  cté  louée  par  M.  de  Flore.  Il  fut  si  heureux  ,  que  non-seu- 
Thou.~]  Voici  les  paroles  de  ce  grand  lement  on  ne  l'aperçut  point,  mais  en- 
historien  ••  Donavius  anno  insequenti...  core  on  ne  se  douta  point  que  c'eut  été 
librum  germanicà  linguâ  edit  ,  <7(jo  lui  ;  et  on  l'ignorerait  encore ,  s'il  ne 
facti  invidiam  omnemà  se  amolieba-  s'en  était  depuis  expliqué  ,  et  s'il  n'en 
tur  .  eam  \ue  in  Navarri  tardilatem  ,  eutdonnedespreuuesconvaincantes.il 
Rullionii  imperiliam  ,  et  Gaf/orum  du-  appelait  au  nom  des  tleiu  princes  de 
cum  imprudenliam , sive  in  distribuen-  la  bulle  de  Sixte-Quint  ,  quise  disait 
dis  mansionibus  malignitatem  ,  quœ  pape  de  Rome,  à  la  cour  des  pairs  de 
Germanis  tumultuandi  occasionem  île-  France  :  il  donnait  un  démenti  a  sa 
disset  ,  relorquebal  ;  idque  caplato  sainteté  ,  sur  le  crime  d'hérésie  dont 
tempore  fecerat  Donavius ,  cùmJrran-  elle  les  accusait  ,  et  il  offrait  île  leur 
cofurtensis  propediem  nundinœ  exilu-  part  de  prouver  dans  un  concile 
rœ  essent,  ne  ad  scriptum  respondi eri  tintement  assemblé,  que  le  pape  était 
posset  ,  intereà  volitare  illud  per  ma-  lui-même  hérétique.  Il  le  traitait 
nus  Gcrmanarum  ,  et  mmme  contra-  d  Antéchrist  ,  s'il  ne  s'y  soumettait  , 
dicente  impom  ret  ca  menti  bus  ,  quœ  et  H  lui  déclarait  en  leur  nom  une 
haud  facile  posteà  eximi  possent.  re-  guerre  perpétuelle  et  irréconciliable. 
rkm  aslu  cognito  Jacob.  Bongarsius  //  protestait  que  l'on  vengerait  sur  la 
juvems  ingénia  et  eruditione  pru'itans,  cour  de  Rome  le  tort  qu'on  venait  de 
et  eallici  decotis  perauam  studiosus  ,  .  . 

*?     nr  .  "      "    .  ,  (10)  Tlm.ioin  restl  lotus ,  paç.  -o,  -i. 

qui    l\avam      res     istic    pracurabal,         j ■/„    \  ;lrii|.,<.    Histoire    de    Henri    III.    /,►. 
(i3)  VoyaVarl.  Lincllsoeim,  remarque^).      IX  ,  u  l'an  i58.".,  fJah-.  10  ,  édiL  dé  " 


56o  BONGARS. 

faire  au  roi  très-chrétien  ,  a  la  maison  cette  action.  Il  ne  pouvait  pas  ignorer 

royale,  et  aux  trois  étals  du  royaume  :  que  nos  plus  célèbres  historiens  (24) 

il  implorait  dans  celte  vue  l'assistance  ne  marquent  pas  cette  circonstance  : 

de  tous  les  princes  véritablement  chré-  il  fallait  donc  qu'elle  fût  des  plus  ca- 

tiens  ,  et  il  conjurait  tous  les  alliés  de  che'es  ;    il  était  donc  à  propos  de  dé- 

la  monarchie  française  de  s'opposer  a  couvrir  comment  on  avait    été    plus 

la   tyrannie  du  pipe  et  aux  Junestes  heureux  que  tant  d'autres  écrivains. 

desseins  de  la  ligue  (21).  M.  Vaiillas  20.  J'ose  bien  défier  toute  la  terre  ,  de 

affirme  ,    qu'encore  que  toutes  les  re-  nommer  aucun  bon  auteur  qui  ait  dit 

lations   qu'il   a  vues  de  cette   action  que  Bongars  n'avait  que  dix-sept  ans  , 

supposent    que   Bongars   n'avait  alors  lorsque  Sixte-Quint  fulmina    sa   bulle 

que  dix-sept  ans  ,  il  ne  peut  se  per-  contre  le  roi  de  Navarre  en  1 585.   Je 

suader  qu'un  écrit  de  cette  force  ait  doute  même  qu'il  y  ait  de  mauvais  au- 

été  le  cou|>  d'essai  d'un  si  jeune  hom-  leurs  qui  l'aient    dit  avant    M.    Va- 

me  (22).    J'ai   longtemps  cherché  la  rillas.  Il  est  certain  que  Bongars  cou- 

cause  de  cette  erreur ,  ajoute-t-il  (23),  rait  alors  sa'trente-unième  année.  3°. 

«  et  ce  que  j'ai  trouvé  de  plus  vrai-  Il  fallait  dire  Etienne  de  laBoêtie,  et 

j»  semblable  est  qu'Etienne  de  la  Bois-  non  pas  Etienne  de  la  Boissie.  \°.  Le 

»  sie  avait  écrit,  au  même  âge  de  dix-  Contre-un  est  mal  défini  une  fameuse 

„  sept  ans  ,   la  fameuse  satire  contre  satire  contre   tous  les   monarques  du 

»   tous  les  monarques  du  monde,  qu'il  monde.  5°.  La  Boè'tie  avait  plus  de  dix- 

j,  avait  nommée  le  Contre-un ,  et  que  sept  ans  ,  lorsqu'il  fit  cet  écrit-là   M. 

»  cet-e  satire  avait  été  pour  le  moins  de  Thou  observe  qu'il  le  fit  l'an  1 548  , 

)>  autant  admirée  pour  la  force  ,  que  ayant  à  peine   dix-neuf  ans   (25)  ,  et 

)>  blâmée   pour   la  témérité;   que  la  qu'il  mourut  l'an  1 563  ,  n'ayant  guère 

«  Boissie  était  catholique  ,  et  que  les  plus    de    trente-trois  ans   (26).  6°.   Il 

»  calvinistes  ,    pour   lui    opposer    un  n'y   eut  jamais  de   vision  plus  creu- 

»  homme  qui  approchât  de  son  style ,  se  ,  que  de  s'imaginer  que  ceux  de 

»  avaient  feint  que  Bongars  ,  qui  était  la  religion  diminuèrent  l'âge  de  Bon- 

.>  de    leur  communion  ,    n'avait  pas  gars  ,  afin  d'avoir    lieu  de   se  vanter 

»  plus  d'âge  que  lui,  lorsqu'il  avait  dé-  qu'ils    avaient    produit    un    homme 

»  fendu  dans  Rome,  avec  un  extrême  aussi  admirable  que  celui  que  les  ca- 

)>  danger  de   sa   vie  ,    la  dignité  des  tholiques  avaient  eu  en  la  personne 

»  deux  premiers  princes  du  sang  de  de  la  Boè'tie.  70.  Il  y  a  beaucoup  d'hy- 

»  France.  Quoi  qu'il  en  soit,  Bongars  perbole  dans  les  onze  solennelles  am- 

»  n'en  demeura  pas  là ,  et  après  qu'il  bassades  que  M.  Varilias  assure  que  la 

»  eut  repassé  les  Alpes   ,  sans  que  le  cour  de  France  donna  à  Bongars.  Ce 

»  pape  Sixte-Quint  eût  pu  découvrir  ne    furent    presque   toujours   que  de 

»  que  c'était  lui  qui  l'avait  si  mal-  simples députations  ,  sous  le  caractère 

»  traité  ,  la  cour  de  France  lui  donna  d'envoyé  ou  de  résident  ;   et  il   faut 

»  successivement  onze  solennelles  am-  même   se  souvenir  que  les  premières 

»  bassades  ,    dont  il  s'acquitta  avec  n'émanaient  pas  de  la  cour  de  France  , 

3)  beaucoup  d'honneur.  Je  n'ai  vu  que  mais  du  seul  roi  de  Navarre.  Ab  eo 

»  la  dernière  ,  qui  se   trouve  dans  la  (  Henrico  IV  ,  )    etiam  ad  Germaniœ 

»  Bibliothèque  du  roi ,  entre  les  ma-  principes  creperis  rébus  sœpiiismissus  , 

»  nuscrits  de  Lomenie  ,  et  qui  regarde  suamregifidem,  candoremet  integrita- 

»  les  traites  de  Henri -le-Grand  pour  temomnibusprobavit,prolegatimunere 

»  la  succession   de    Clèves   et  de  Ju-  aliquoties  ,  legali  sernel  et  quidem  pro 

»  liers  ,    et   j'estime  qu'elle  suffit  en  dignitate  functus  (27). 
»  quelque  manière   pour  consoler  le         (N)   Ce  fut  lui  qui  fit  imprimer  les 

»  public  de  la  perte  des  autres.»  questions  que   le  jésuite   Coton  avait 

(M)  non  sans  les  accompagner  dressées  pour  être  faites  au  diable.] 

de  quelques  notes  critiques.  ]    i°.  Il  est  Bénédict  Turretin  ,  pasteur  et  profes- 

blâmable   de  n'avoir   pas   indiqué  la  seur  en  théologie  à  Genève,  exami- 
source  d'où  il  a  pris  que  Bongars  fit        {a4)  De  Tbo- ,  Mé«rai ,  Pfaéfa»,  «le. 

(21)  Varilias  Histoire  Je  Henri  III,  liv.  IX,  (î5    TbuaQ->  Histor.  ,  lib.  V,  pag.  io5. 

à  Van  i585  ,  prt«    3o,  édit.  rie  Hollande.  (2°)  Idem,  lib.  XXXF ,  cucajin. 

(22    La  même  ,  àniu  la  préface.  (271  Frid.  Spanhem.    epiist.  Litteris  Cougaisi 

(23)  La  même,  foho  **•)  verso.  prtujixa. 


BONONIA.  5bi 

nant  les   raisons  que  ce  jésuite   em-  mission  *.  Bononia  était  des  p'us 

ployait  pom-  justifie?  sa  conduite  à  échauffés  contre  les  versions   de 

I  égard  île  ces  interrogations  ,  eut    a  »■*      -,  ,  ,      . 

répondre* ceci.  Quelques-uns  1rs  lai-  l*«nture    en    langue    vulgaire, 

saient  monter  jusqu'à  trente,  d'autres  et  il   soupçonnait  d'hérésie  ceux. 

jusqu'à  quarante, cinquante, soixante,  qui  les  autorisaient  (c.  llhtim- 

etc.  On  y  procédait  donc  de  mauvaise  prjIH(.,.  lul  |ivre  à  Louvain  ,    l'an 


foi  ;  etcetaitïow  rage  de  laoalomnie, 
concluait  le  père  Coton.  Jl  se  peut 
faire ,  répondit  M.  Turretin  (18)  , 
que  tous  ne  décrivaient  pas  toutes  les 
questions  ;  car  tous  ne  sont  pas  si  cu- 
rieux ; mais  le  papier  original, 

dont  est  pro\>enue  cette   troupe  et  ctt 


1 555 ,  sur  les  matières  de  la 
prédestination.  .1»-  rapporterai  ci- 
dessous  le  jugement  qu'en  a  fait 

un  janséniste  (A). 

*  Ge'ry  (qui  n'est  autre  que  le  père  Ques- 
essaim  d'interrogations,  a  bien  le  nom-  "'''  i  n'avait  pas,  dit  Leclerc ,  assez  de  sin- 
bre  qui  est  imprimé  en  latin  cl  en  ce'"é  l,our,doun"  une  idée  exacte  d'un  où- 
j:..„'  ,      i     .  ti-         i-  vrage  qui  n  elail  pas  de  suu  iioùt. 

fiançais ,  et  n  est  pas  oublie  au  livre  ,    /        ,•         v      ,    -     3 

j      m'        ■  at         •    •     >       ^>        .  \C;  Lu  merne,  lias?,  liai. 

de  Physiognomomâ  Jesutticâ.    Or  le  iy 

susdit  original  a  été  vu  par   un  grand         (-'^)  H  flL  an  livre Voici  le  ju- 

nombre    de   personnes    illustres  ,    qui  gement    qu'en  a   fait   un   ju/iseniste.] 

vivent,  et  en  peuvent  témoigner;  et,  Cet  ouvrage  ,    dédie'  à    Charles  V,   a 

qui  plus  est ,  celui  qui  le  fit  imprimer  pour  titre  ,  De  eeternâ  Dei  Prœdesti- 

avec  la  préface,  était  officier  du  roi  nalione  et  Heprobalione ,  etc.  «.    L'au- 

en  charge  fort  honorable ,  à  savoir  feu  "  leur  y  fait  voir   quelque  subtilité 

M.  Bongars,   auquel  père  Colon  s'é-  "  d'esprit,  mais    une  solidité   médio- 

tant  plaint  de  l'édition  de  l  Anti  Co-  "  cr,'>  et  il  se  forme  sur  la  grâce  et  sur 

ton  ,    il  lui  répondit    qu'il  n'eu   était  "  'a  prédestination    un    système    tout 


point  l'auteur  ,  mais  qu'il  avait  bien 
fait  imprimer  ses  questions  au  dia- 
ble. 

(18)  Bénédict  Turrelin,    Hcchute    du    Jé-uite 
Plagiaire,  p"g.  61. 

BONONIA  (Jean  de  ) ,  Sicilien 
de  nation  ,  archidiacre  de  Paler- 


particulier  ,  dont  il  se  vante  d'a- 
»  voirpour garant  saint  Chrysostome, 
»  sans  paraître  faire  grand  fond  sur 
»  la  doctrine  île  saint  Augustin  ,  ni 
»  comprendre  les  sentimens  de  ces 
»  deui  saints.  Je  ne  sais  même  s'il 
»  entendait  bien  les  su-us  propres  : 
»  car  on  y  trouve  des  contradictions 
»  assez,  grossières.  Il  a  des  expressions 


me  (a),  bachelier  de  la  l'acuité  "  1ui  semblent  donner  à  !..  grâce  un 
de  Paris  ,  et  chapelain  de  l'em- 
pereur Charles  Y  ,  fut  profes- 
seur à  Louvain,  au XVIe. siècle. 
Il  se  trouva  l'an  i55i  à  l'assem- 
blée des  théologiens  ,  qui ,  à 
l'instance  de  cet  empereur  ,  exa- 
minèrent si  un  certain  pays  qu'il 
ne  nomme  pas  ,  et  eu  faveur  du- 
quel on  avait  fait  une  version  de 
l'Ecriture  ,  devait  jouir  de  la 
permission  de  la  lire  (à).  Us  dé- 
cidèrent unanimement  qu'il  ne 
fallait  point  continuer  cette  per- 


(a)  Voyez  le  sieur  Ge'ry,  Apologie  des 
Cens ure j  de  Louvain  et  île  Douai  ,  pa^. 
5o , 5 1 . 

/',!  '  oyez  M.  Simon,  Nouvelles  Observa- 
lous,^flS.  ^95,496. 

TOME    III. 


>'  pouvoir    souverain    sur  le  cœur  de 

>•  l'homme,  et  lui  attribue,  une  opé- 

»  ration  efficace  et  déterminante:  et 

»  une  page  ou  deux  après,  vous  trou - 

»  vez  qu  il  donne  tant  à  la    volonté, 

»  qu  il    la  croit    capable    de    rendre 

»  inutiles    toutes  les  opérations  de  la 

»  grâce  sur  elle  Enfin  c'est  un  homme 
»  qui  brouille  toul  ,  qui  croit  quel- 
»  quefois  combattre  le  sentiment  des 
»  catholiques  ,  lorsqu  il  n'attaque  que 

»  celui  des   hérétiques  (  1  j Il 

»  a  cru  que  1  opinion  qui  tonde  la 
»  prévision  <lu  bon  ou  >lu  mauvais 
v  usage  du  libre  arbitre  el  de  la 
»  grâce  (  car  il  distmgui  ces  deux 
n  opinions  sont  1  intraires  -i  I  .i|  ô 
»  Ire,  a  saint  Augustin  .  et  à  la  toi 
)>  même,  n'étant  autre  chose  qu 
>>  pur    pélagianisme  (  j    .'-Ha  ir- 

(1)  Céry,  Apologie  de.  Censures,  tic,  p 
(i)  LU  même,  i>a$.  02. 

36 


562  EORE. 

connu  que  les  idées,  sur  quoi  il  fonde  Ce  qu'au  bout  de  deux  ans  Mai- 
son système  particulier,  sont  nou-  +-  \  tl  ,, ,  iuai- 
velles,  et  si  éloignées  de  la  doctrine  ,  ljUther  '  épousa  ;  mais  les  lu- 
commune  des  écoles ,  qu'il  a  presque  thériens  soutiennent  qu'elle  se 
désespéré  de  pouvoir  faire  tomber  d'à-  Comporta  honnêtement  ,  et  qu'el- 
bord  un  seul  théologien  dans  son  sen-  le  PhitUn  f,™<:0n  r 
liment  (3).  Je  etaît  bien  lamee  (<?)•  Ceux  qui 

disent  que  Luther ,  revêtu  enco- 

(3)  Géry ,  Apologie  des  Censures  ,  Pag.  53.        re  de  l'habit  de  l'ordre,   ayant  VU 

BORE  (Catherine  de  ) ,  femme    les  "euf  religieusesquiavaient  dé- 
de  Martin  Luther  ,  était  fille  d'un    Serle  Ie  couvent  de  Nimptschen, 
simple   gentilhomme   (a).    Elle    trouva  celle-ci  fort  à  son  gré  ,  à 
sortit  du  monastère  de  Nirnpt-    cause(ïu'el,e  était  très-belle  (A), 
schen,    où  elle  était   religieuse      e' se  la   destina    pour  femme, 
l'an    i523.    Ce    fut   un   certain    nont  Suere  consulté  ses  lettres.  . 
Léonard    Coppe,     sénateur    de    y?  7  eussent  vu  que  la  pensée  de 
Torga,qui  l'en  fit  sortir  elle  et     ,ePouser  lui  vint  tout  à  coup, 
huit  autres  religieuses.  Cette  ac-      an  l5:?'5  (**)  '  et  «P1'*'  l'exécuta 
tion  ,    commise  pendant  la  se-    avec  une  extrênie  promptitude  , 
maine   sainte,  ayant  fait  crier,    Pour  faire  Plaisir  a  son  père  ,  et 
et    causant   beaucoup   de  scan-   J.our  fermer  la  bouche  à  la  mé- 
dale,  l'électeur  de  Saxe  ne  jugea    disance   (C)-    H  est  même   vrai 
point  à  propos    de    l'approuver    ^Uli  se  aata  '  Parce  que  croyant 
hautement:    il   se  contenta    de    mounr  bientôt  ,    et  ne  voulant 
pourvoir  par  des   gratifications    Pas  mourir  garçon  ,  de  peur  de 
secrètes  à  la  subsistance  de   ces    vloler  un  précepte  ,  et  de  rete- 
religieuses  dévoilées  ;  mais  Lu-    mr  queï<lue  chose  du  papisme , 
ther  publia  une  apologie  pour    et   de  flustrer  les  désirs  de  son 
ces    nonnes ,    et   pour   Léonard    j°.n  nomme  de  père ,  qui  aurait 
Coppe  ,    qui   les   avait   si  bien    deïa    vou,u    étre    aïeul  >    il    "e 
assistées  dans  le  dessein  qu'elles    Çrovait  Pas  T*'*!  J  eût  du  temps 
avaient   pris   de    sortir  de  leur    a  Perdre    (D)-    Qui  plus  est,    il 
couvent  (b).  On  a  dit  que  Cathe-   eAn,tra  un  Peu   d'envie    de  faire 
rine  de  Bore  ,  ayant  été  menée  à        .P1*  aux  PaPistes  dans  le  des- 
Wittemberg,  y  vécut  avec  toute    f™  de  son  mariage  (/).    Cette 
sorte  de  libertés  parmi  les  jeunes  refusa   l'homme   qu'il     lui 

étudians  de  l'académie  (c)  ,  et  conseillait  d'épouser ,  et  alla  di- 
qu'elle  leur  accorda  des  baisers  re  a  Amsdorf ,  qu'un  tel  mariage 
avec  profusion   (d)  ,    jusques   à    ne  Iui  Plaisait  Pas ,  mais  que  si 

Luther  ,    ou    lui    Amsdorf ,   la 

paf.  ^ÏÎ^  "^  Lu,l'eran-  "■  r'    voulaient  pour  femme ,  elle  était 

{b)  hl.  ibid. ,  pas.  272.  prête  à  accepter  l'un  ou  l'autre 

(c)  Maimbourg,  Hist.  du  Luthe'r. ,  fo.  //,  (E)     Le    bruit  COUrilt  rm'pllp   fur 

paS.  120.  Postbienniumin'seculo,  vagâin-  \.>      ,                      COUrUt  qu  elle  tut 

ter  scholares  acaclemicos  conversatione  Wit-  bientôt  en    COUClie  ajîres  Ses  IIO- 

lembergœ   exaction fada    est  Lulhero  Ces  (F);  mais  Érasme  ,    qui    avait 

{si   Dus  placetMixor.    Cochteus ,   de    Act.  '      \    '    ..                     ,        .      4    ,        , 

et  Script.  Latheti,pag.  102.  ecrit  cette  nouvelle  a  quelqu  un 

(d.  Bellam  illam   Catharinam  jam  annos  de     Ses     amis  ,     en     reconnut     la 
aliquot  WUiembergœ  varia  per  sLudiosorum 

oscula  volulatam,  sibi  Hxorem  duxit.  Lia-  (c)  Seckendorf,  lib.IT   pa«    i5 

danus ,  Dubilantii  dial.  I,  pag.  104.  (/)  Voyez  la  remarque  \e). 


BORE.  563 

fausseté  dans  peu  de  temps.  Lu-  de  Mansfeld.  Enfin  elle  se  retira 

ther  ,    quelque    intrépide    qu'il  de   Wittemberg  à   Torga,    et  y 

fût,  se   laissa  d'abord  déconte-  mourut  le  20  de  décembre  i55iî 

nancer  par  les   murmures   que  {l).    Si    Erasme    ne   se    trompe 

son  mariage  excita  au  dedans  et  point,  lorsqu'il  dit  qu'elle  se  ma- 

au  dehors  (G).  Il  reprit  courage  ria  à  l'âge  de  vingt-six  ans  (m), 

dans    la   suite  ,    et    même    assez  elle  en  devait   avoir  cinquante- 

promptement ,  et  parut  fort  sa-  trois  quand  elle  mourut.  M.  Va- 

tistait  de  son  marché;  de  sorte  rillas  a   commis  un   prodigieux 

que  peu  après  que  sa  femme  lui  nombre  de  fautes  en  parlant  de 

eut   donné  un  fils,  il    témoigna  cette  femme  (I). 

qu'il  ne  changerait  point  sa  con-  M.   Mayer  (n) ,    à  qui  je  dois 

dition  avec  celle  de  Crésus  ,  tant  témoigner  ici  ma  reconnaissance 

il   éprouvait  que  Dieu  lui  avait  de   la   faveur  qu'il  m'a  faite  de 

donné   une    bonne   femme    (H),  marquer      publiquement      qu'il 

11  pensa  mourir  d'une  rétention  m'honore  de  son  amitié  ,  a  fait 

d'urine  l'an  1 53^  ;  et  en  cet  état ,  \w\e  dissertation  qui  me  fournira 

il  se  loua  beaucoup  de  son  épouse  des  supplémeus  très-curieux  (K). 

(g).  Dans  le   testament  qu'il  fit  Je    ne  pense  pas  que    personne 

en  i54"î,    il  lui  témoigna  beau-  puisse  me  blâmer,  si  je    publie 

coup  d'amitié,  et  fit  des  dispo-  dans  cet   endroit   de  mon  Dic- 

sitions    avantageuses    pour    elle  tionnaire  une  lettre  qui  n'a  ja- 

(h).  Il   ne  prétendait  pas  qu'elle  mais  vu  le  jour,  et  qui  avait  été 

n'eût  point  de  défauts;    mais   il  écrite  par   Érasme,  avant  qu'il 

croyait    qu'elle   en    avait  moins  fût    désabusé  du  faux  bruit  qui 

que  les  autres  (/).  On  a  remarqué  avait   couru    que    Catherine    de 

qu'elle  s'en  faisait  un  peu  trop  Bore    était     accouchée    peu    de 

accroire,    et   qu'elle   était    trop  temps  après  ses  noces  (L). 

impérieuse  (k);   ruais   cela  était  ,,N   _    .     .    .     ...     ._             c. 

1                               il-                 •  (0    Seckeudorf  ,    hb.     III  ,    pag.    DJI   , 

excusable,  vu  la   gloire  qui  en-  m  0. 

"vironnait   son    mari.    Elle    était  »<   Voyez  la  remarque  (F),  citation  22. 

d'un  côté  trop  ménagère  ,  et  de  M  D°"' {'"',  Parl.e  «'-<'«■«'"  ''<"«  '"  * 

.,                              r                 O          »     ,  talion   3j)  de  l  article  de  Blllak.mi.v 

l  autre  trop  prodigue  :  elle  épar- 
gnait quant  à  l'intérieur  de  son  (A)   On  a  dit  qu'elle  était  très-belle.] 
domestique ,    et    faisait   trop  de  Écoutons  le  père   Maimbourg.    Entre 

1  '               l          1  ».-                   r>     t-    1„  ces   neuf  religieuses  libertines    et  de- 

depense  en    biitimens.    Lest   le  .,,    *       P  .,„,•„,   ,„„,„,.  /;//„„  j„ 

1                                                                 .  voilées,    qui  étaient    toutes  plies   de 

propre   d  une  habile  femme  qui  quaiaè,ilY  en  avait  une  nommée  Ca- 

aime  le  faste.  Après  la  mort  de  therinedeBore,  que  Luther,  qui > 

Luther,  elle  s'entretint  bonne-  encore  en  habit  religieux ,  trouuamvs 

c       -n       •    •       „    »  belle,  et  dont   ensuite  il    devint  jorl 

tement  avec  sa  famille    joignant  amou].eux  ,     Érasme  ,,lU(.  ,a  beauté 

aux  biens  médiocres   du  detunt  de  cette  fille.   Lulherus ,   dit- il  (a), 

les  assistances  qu'elle  recevait  de  duxituxorcm ,puellamvmi.  veotostam, 

l'électeur  de  Saxe  ,  et  des  comtes  ex  dura  familid  Bornœ(3]  ,   sed  ut 

narrant   indolatam ,  quai  unie   annos 

(s    Seckendorf .  lib.  III, pag.  ltij,  num.  (\. 

•h    Td.  ibid.  ,  pag.  65l.  (■)  Maimlourg,  Hirt.  du  Lulbérao.  ,  U*.  Il, 

(0  Voyez  la  remarque   H  .  P"S-  12°- 

[k)  Seckendorf,  lib.  III ,  pag.  65i  ,  lit.  n.  (2)  Ewm.  ,  epist.  XI  .  lib.  \'  111 

Voyez    la   remarque   IK) ,  citation  (4g).  (3J  II  fallait  dire  ,  ou  Bon*  eu  a  Bore 


564 


BORE. 


complûtes  (4)  vestalis  esse  desietat. 
M.  Seckendorf  trouve  là  beaucoup 
d'exagération  à  l'égard  de  la  beauté 
(5).  Personne  n'est  plus  croyable  que 
lui  la-dessus  *.  Disons  donc  que  la 
femme  de  Luther  n'était  pas  fort 
belle.  Mais  faisons  une  réflexion  sur 
les  vues  artificieuses  et  malignes  de 
ceux  qui  affectent  de  représenter  cette 
religieuse  comme  une  très-belle  fille. 
Ils  ont  pour  but ,  la  plupart  du  temps, 
de  critiquer  le  choix  de  Luther ,  et 
d'en  conclure  qu'il  était  trop  adonné 
à  ses  plaisirs;  et  qu'il  ne  s'engagea 
point  dans  le  mariage  ,  par  le  seul 
motif  de  refréner  son  incontinence , 
mais  afin  de  satisfaire  la  nature  dans 
le  souverain  degré  de  la  convoitise. 
Ils  empoisonnent  une  chose  qui  peut 
être  fort  innocente  :  il  n'est  défendu 
à  personne,  en  cherchant  à  se  marier, 
de  choisir  plutôt  une  belle  femme 
qu'une  femme  qui  n'est  pas  belle;  et 
l'on  peut  même  avoir  un  très-bon 
motif  dans  cette  sorte  de  préférence. 
On  peut  craindre  un  fâcheux  refroi- 
dissement de  l'amitié  conjugale  ,  très- 
opposé  aux  devoirs  d'un  mari  chré- 
tien ;  on  peut ,  dis-je ,  craindre  cela  , 
en  ras  qu'on  choisisse  une  femme  peu 
agréable  :  si  donc  ,  afin  de  se  flatter 
raisonnablement  qu'on  sera  toujours 
un  bon  et  tendre  mari,  comme  la 
raison  et  la  religion  le  veulent ,  on 
choisit  une  belle  femme  préférable- 
ment  à  toute  autre,  n'est-il  pas  vrai 
qu'on  se  propose  une  fin  honnête  ?  Et 
qui  nous  a  dit,  que  si  Catherine  de 
Bore  eût  eu  beaucoup  de  beauté  , 
Luther  ne  l'eut  pas  choisie  entre  les 
neuf  religieuses  par  ce  louable  motif? 
Je  pourrais  di  re  ,  que  plus  l'objet  e'tait 
beau  ,  plus  Luther  était  excusable  de 
n'avoir  pu  résister  à  la  tentation  ; 
et  il  est  fort  apparent  que  ,  s'il  avait 
épousé  une  laide  fille ,  ses  ennemis 
auraient  crié  que  la  corruption  de 
l'incontinence  était  en  lui  si  outrée  , 
qu'elle  n'avait  nul  besoin  d'amorce 
pour  s'embraser.  En  un  mot ,  je  pour- 
rais dire  qu'on  pardonnerait  plutôt  à 
ceux  qui  rompraient  un  jeûne  d'obli- 

(4)  II  ny  avait  que  deux  ans. 

(5)  Histor.  Lutheran.  ,  ïib.  I  ,  pag.  18  ,  num. 
ii. 

*  Leclerc  observe  que  Sect-endori ,  né  en 
1626,  c'est-à-dire,  soixante-quatorze  ans  après 
L  mort  Je  Catherine  de  Bore  ,  ne  peut  pas 
être  plus croyable.  qu'Érasme ,  contemporain  Je 
Luther.  Cette  observation  est  juste. 


gation  à  la  vue  d'une  perdrix  bien 
apprêtée ,  qu'à  ceux  qui  feraient  la 
même  chose  à  la  vue  d'un  morceau 
de  lard  bien  rance.  Mais  franchement, 
ce  moyen  d'apologie  ne  me  paraît  pas 
trop  sur  :  il  a  deux  faces  ;  il  vaut 
donc  mieux  le  laisser  :  car  on  pour- 
rait soutenir  ,  toutes  choses  étant 
égales  d'ailleurs  ,  que  de  deux  hom- 
mes, qui  auraient  la  liberté  de  choi- 
sir ou  des  ragoûts  fort  délicats,  ou 
un  simple  morceau  de  bœuf,  celui 
qui  se  contenterait  du  morceau  de 
bœuf,  ferait  un  acte  de  sobriété,  et 
montrerait  qu'il  ne  mange  qu'afin  de 
vivre  ,  et  par  des  raisons  de  nécessité 
naturelle  ;  au  lieu  que  celui  qui  choi- 
sirait les  ragoûts  ferait  un  acte  de 
gourmandise  et  de  friandise  ,  et  mon- 
trerait qu'il  ne  cherche  qu'à  conten- 
ter son  appétit  voluptueux.  L'appli- 
cation est  aisée  :  si  Luther  n'avait 
pour  but  que  de  trouver  simplement 
un  remède  d'incontinence  ,  qui  lui 
donnât  lieu  de  procurer  des  enfans  à 
l'église  et  à  la  patrie  ,  il  aurait  imité 
celui  qui  préfère  le  morceau  de  bœuf 
aux  mets  les  plus  délicats.  On  ne 
gagnerait  donc  rien  à  mesurer  ces 
sortes  de  choses  sur  le  parallèle  du 
manger.  Mais  outre  la  raison  de  fait  , 
je  veux  dire  outre  que  Catherine  de 
Bore  n'était  point  fort  belle,  on  aurait 
des  raisons  de  droit  à  alléguer  en  fa- 
veur de  Martin  Luther  *. 

(B)  La  pensée  de  l'épouser  fini  a 
Lulher  tout  a  coup  l'an  i5î5.]  Huit 
jours  avant  ses  fiançailles  (6) ,  il  écri- 
vait à  Ruhélius  ,  que  si  son  exemple 
était  nécessaire  au  cardinal  de  Bran- 
debourg ,  archevêque  de  Mayence  , 
il  se  marierait  bientôt,  quoiqu'il  eût 
douté  jusque-là  s'il  était  propre  au 
mariage  :  que  d'ailleurs,  c'est  sa  pen- 
sée de  se  marier  avant  que  de  quitter 
la  terre  ;  ce  qui  ne  serait  peut-être 
<|ifun  engagement  semblable  à  celui 
de  saint  Joseph.  Sieleclor  Jorlè  dtcet, 
cuv  ego  ipse  non  dncam  uxorem  ,  qui 
omnes  ad  nubendum  incito  ,  respon- 
delns  ,  me  setnper  adhuc  duùitdsse  an 
idoneus  ad  id  sùn.  slttamen  ,  si  meo 
matrimonio  elector  conjirrnari  posset , 
piopediem pai'atus  essein  ad  exemplum 

*  Jolv  blâme  Bavle  d'avoir  défendu  le  mariage 
de  Luther. 

(fjj  Le  i  de  juin  i5a5  :  le  jour  de'  fiançailles 
futle  onzième  de  juin,  yoyet  Seckend.  ,  liv.  Il, 
pag.  i(i,  num.  i. 


BORE.  565 

ci  prœbendum.   Nam  et  alias  cogito  ,  il  l'exécuta   aussitôt   qu'il  le  forma; 

antequàm  ex  hdc  uitd  discedam  ,    ut  tuais  nous    connaissons    par   d'autres 

matrimonium  contraham,   quia   id  a  endroits  de  ses  lettres,    qu'il  y  avait 

Deo  exigi  puto ,  licet  forte  fut  ura  une  autre  sorte  de  bruits  à  faire  cesser. 

essct  desponsatio  Joseph'ica  (7).    C'est  Os  obstruxi ,    dit-il     à  son    ami  Spa- 

le   langage  d'un  homme  qui  regarde  latinus  ,    injamantibus    me   cum    Ca- 

encore  le  mariage  en  éloignement.  Il  tharinâ  Borand (11).   Vira  est  itaque 

faut  donc  que  Luther  ait  changé  d'à-  fama,  dit-il  à    un  autre  (12),  me  esse 

■vis    à  l'improviste.    Il   crut    que   son  cum    Catharind    subito    copulation  , 

changement  fut  un  coup   du  ciel  ,  et  antequàm    ora  cogérer  audire  lumul- 

il  dit  que  les  sages  de   son   parti,  qui  tuosa    in   me,    sicut  sol  t  jieri.    Il  y  a 

blâmaient  tant   son  mariage,    étaient  toutes  les   apparence^   du  monde  que 

contraints    d'y    reconnaître    le  doigt  l'on    parlait  mal  de   lui  et   d'elle,  à 

deDieu.  Fehemenler  irrilantursapien-  cause  sans  doute  qu'il  la  voyait  fami- 

tes  inler  nostros  :  rem  coguntur    Dei  lièrement.    11  l'aimait ,  et  il  l'appelait 

faleri  ,  sed   personœ  larva    tara,  meœ  sa  Catherine.  Fortasse  etiam  rumnri- 

qu'am  puellœ  'illos    demenlat ,   impia  bus  mot  1  de  quibus   Lutherus  epistold 

cogitare  et  dicere  facit(S).   Ailleurs  il  supra  allegatd  querilur ,    quibus   ta- 

parle  de  cette  manière  :  Dominus  me  nien  ipse  caiquam  occasionem  dédisse 

subito     aliaque    engitantem     conjecit  videtur  ,optimè  enitu  cupiibal  i-irgun, 

miré   in    conjugium    cum     Catharind  et    suam  rocare  solebat    Catharinam 

Borcnsi  moniali   illd(g).    Remarquez  (i3).    M.   Seckendorf  conjecture  que 

néanmoins  que,    dans   une  lettre  du  ces    causeries  furent  une    des   raisons 

5  mai  de  la  même  année,  il  témoigne  qui  la  portèrent  à  déclarer  qu'elle  ne 

avoir  dessein  d'épouser  sa  Catherine,  voulait    pas  épouser  le   docteur  Gla- 

(C) pour  fermer  la  bouche  à  la  cius  ,  mais  que  volontiers  elle  se  ma- 

mt:iHsance.~\  Voici    ce  qu'il    écrivit   à  lierait ,  ou  avec  Luther,  on  avec  Ams- 

Ruhélius,  le  i5  de  juin  i5a5.    Posta-  dort.  Joignons  à  tout  cela  ce  que  .M<: 

tante  pâtre  meo  ,  conjugium  uni ,  et  ut  lanchthon  écrivit  sur  ce  mariage  :  Si 

linguas  maledicorum  et  impedimenta  quid  vulgb  fertur  aliud   indeeentius  , 

i'itarem  ,  congressum  nuptialem    pro-  id  mendacium  et  calumniant  esse  per- 

peranter  institui  (10).    Si    l'on  n'avait  spicuumest(i^.). 

que  ce  passage,  l'on  ne  connaîtrait  (D)  Il  se  hâta  ,  parce  que  ,  croyant 
pas  bien  certainement,  la  nature  des  mourir  bientôt  ,  il  ne  croyait  pas 
médisances  qu'il  se  proposait  d'éviter:  qu'il  y  eût  du  temps  h  perdre.}  La 
on  pourrait  croire  qu'il  n'avait  pour  preuve  des  deux  ou  trois  faits,  conte- 
but  que  de  couper  cours  à  mille  sots  nus  dans  la  période  qui  commence 
contes  ,  qui  se  débitent  dans  les  villes  par  le  texte  de  celle-  remarque  \.i 
pendant  les  recherches  de  mariage,  être  donnée.  Ecce ,  quia  sic  huaniunt. 
Chacun  se  mêle  alors  de  dire  tout  ce  c'est  Luther  qui  parle  (1 5) ,  et  il  a  en 
qu'il  sait,  et  tout  ce  qu'il  ne  sait  pas;  vue  ceux  qui  niaient  contre  lui  à 
et  il  n'arrive  que  trop  souvent  que  les  cause  de  la  guerre  des  paysans,  ita 
brodeurs  de  nouvelles  empêchent  la  me  paravi ,  ut  ante  mortem  menai .  in 
conclusion  :  mais  quand  l'affaire  est  statu,  quo  creatus  sum .  a  Deo  ime- 
conclue,  elle  ne  sert  guère  d'entre-  niar ,  et  quantum  patent,  ni/ul  ex 
tien  aux  compagnies.  On  pourrait  priori  vite  meâ  paptsded  rétine. im. 
donc  dire  que  Luther  ne  voulut  pas  Furanl  itaque  tanin  aeritu  ,  et  hœc 
que  ces  brodeurs  eussent  le  temps  de  ultima  et  valedicloria  erunt.  Mens 
faire  courir  par  la  ville  les  nouvelles 
de  son  dessein,  et  que,  pour  cet  effet  , 


(7)  Lulherus,  Operum  loin.  III,  .folio  \^o  , 
apud  Seclrndorf,  /i7>.  // ,  num.  2. 

(»)  Lmlieri  Epist  ad  MicWI.  St'uelinm  ( 
pag  2f)4  :  datée  du  in  de  juin  1Ï25,  citée  par 
Seckendorf,  tiv.  II,  num.  3. 

(9)  Lutlierus  ,  in  Epist.  ad  Wcncesljum  Lin- 
e1u.11.  datée  le  20  juin,  citée  par  Seckendorf, 
lin     H  ,  num.  6. 

(10)  Lntherus  ,  lom.  III ,  folio  130,  cile'e par 
Seckendorf  ,  liv.  II ,  num.  4- 


(11)  T  oiheri  Epitt.  .  Iib.  II  ,  pag.  :<h,  citer 
par  Seckendorf  ,  til>.  II ,  num.  5. 

r  13)  Epist.  ad  Amsitorfium ,  lib.  II,  pas- 
?OÏ  :  datée  du  22  juin,  citée  par  Seckendorf.  liv. 
II,  num.  ~. 

(i3)  Seckend.  ,  Hist.  Lullicr.111.  ,  lib.  II. 
,-,„,.,„.  8. 

(i.'i)  Itfrlanrlu. ,  apud  Seckend.,  Ub.  Il, 
num.  10. 

(l5)  Epist.  ad  Riilielmm,  ton.  /// ,  folio 
i.lo  :  datée  du  i5  juin  ,  citée  par  Seckendorf,  liv. 
II .  num.  4. 


566 


BORE. 


enïm  mihi  prœsagil,  me  h  Deo  ad 
gratiam  sucim  ev  oc  aluni  iri.  Ilaque  , 
postulante  pâtre  meo  ,  conjugium  inii. 
Il  parle  ainsi  dans  une  autre  lettre  : 
Spero  enim  me  brève  lempus  adhuc 
inclurum ,  et  hoc  novissimum  obse- 
quium  parenli  meo  postulant i  nolui 
denegare  spe  prolis,  simul  ut  confir- 
ment facta  quœdocui  (\6).  Et  ailleurs, 
voici  ce  qu'il  dit,  Alias  cogito  ante- 
qu'am  ex  hdc  vitd  discedam  ut  matri- 
moniuni  conlraham  qui  id  a  Deo  exigi 
puto(i'j). 

(Ej  Elle    refusa     d'épouser    Gla- 

cius  ; mais  pour  Luther,  ou  /1ms- 

dorf,  elle  était  prête  a  accepter  l'un 
ou  l'autre]  Nous  pavons  cela  par  un 
mémoire  manuscrit  ,  qu'Abraham 
Scultet  a  inséré  dans  ses  Annales  (18). 
L'homme,  qu'on  voulait  marier  avec 
Catherine,  était  un  ministre  d'Orla- 
mund,  nommé  le  docteur  Glacius.  Peut- 
être  pourrait-on  dire  en  français  le 
docteur  la  Glace!*).  La  fille  ne  vou- 
lut point  de  ce  docteur.  f^e'Ut  Lu- 
therus ,  uellet  Amsdmjffius  se  paratam 
cumalterutro  honeslum  inire  matrimo- 
inuni  :  cumD.  Gfacio  nullo  modo.  Lu- 
ther, ayant  su  cela  d'un  côté,  et  ayant 
ouï  dire  de  Vautre  que  ,  s'il  s'engageait 
au  mariage,  il  ferait  rire  tout  le 
monde  et  le  diable  même,  résolut 
d'épouser  la  religieuse  Catherine  , 
pour  faire  dépit  au  monde  et  au  dia- 
ble. Hoc  ubi  Lulherus  intellexil  au- 
disselque  ex  D.  Hieronymi  Schurfii 
ore  ••  Si  mnnachus  isle  uxorem  duce- 
ret ,  risuros  mundum  unwersunt  et 
dinbolum  ipsum  ,  facturumque  ipsum 
irritas  actiones  suas  uniuersas  :  ut 
œgrè  facerct  mundo  et  diabolo  ,  ut 
parenli  etiam  hoc  suadenti  gralifica- 
relur  Catharinam  sibi  uxorem  ducen- 
dam  censuit  (19).  A  cela  s'accorde  ce 
qu'il  écrivit  le  i5  mai  i525  à  Ruhé- 
lius.  Si  dnmum  venero  ,  ad  nmrtem 
me  Deo  jurante  prœparabo  ,  et  novos 
istos  dominos  et  latrones  expectabo... 

(îfi)  Lutheri  Kpibt.  ad  Amsdorf,  citée  par 
Seckendorf,  li*.  II  ,num,  7. 

(17)  Lutheri  F.pist.  ad  Rubeliuru  ,  apud 
Seckend.,  lib.  II ,  num.  2. 

(18)  Ad  ann.  i5î5,  pag.  2-/j,  apud  Seckend., 
pag-   17  ,  num.  8. 

(*;  Glacius,  de  l'allemand  glats,  qui  signi- 
fie, ou  un  verre  à  boire  .  ousimplementfiu  verre, 
n'a  pas  dû  être  rendu  en  français  par  la  glace. 
Ejrss  est  le  mot  allemand  qui  répond  à  ce  mot 
français.  Rem.  crit. 

(19)  Ad  ann.  i5a5  ,  pag.  274  >  apud  Sec- 
lend.  pag.  17,  num.  8. 


Illis  autan  ni  œgrè  faciam  ,  si  fîeii 
potest ,  Catharinam  meam  uxorem 
ducam  ,  anlequam  moriar,  si  pergere 
eos  intellexero  :  neque  enim  os  mihi 
obstruent ,  nec gaudium  adiment  (10). 
Quand  je  cherche  les  raisons  qui  ont 
pu  lui  persuader  qu'il  chagrinerait 
les  papistes  en  se  mariant,  je  n'en 
trouve  point  de  plus  vraisemblable  , 
que  de  dire  qu'il  s'imaginait  qu'il 
leur  restait  une  espèce  de  consolation, 
dans  la  pensée  qu'il  avait  encore  quel- 
ques égards  pour  le  dogme  des  vœux 
monastiques. 

(F)  Le  bruit  courut  qu'elle  fut  bien- 
tôt en  couche  après  ses  noces.}  Voici 
ce  qu'Erasme  en  écrivit  :  Lulherus, 
quod  felix  fauslumque  sit  ,  deposilo 
philosophi  pallio  duxit  uxorem  ex 
dard  f ami  lia  Borna;  (21)  ,  puellam 
efeganli  forma  nalam  annos  wiginti- 
se.x  ,  sed  indotatam  et  quœ  pridem  de- 
sierat  esse  uestalis.  Atque  ut  scias 
auspicatas  fuisse  nuptias ,  pauculis 
diebus  post  decantntum  Irymenœum 
nova  nupta  peperit(ii).  C'était  une 
insigne  fausseté  :  Érasme  le  connut 
par  l'événement ,  et  il  avoua  que  c'a- 
vait été  un  faux  bruit.  La  lettreoù 
il  fait  cette  confession  ,  est  datée  du 
i3  de  mars  1 526.  Il  se  contente  de 
dire  que  la  femme  de  Luther  était 
grosse  ,  et  qu'elle  n'avait  point  dompté 
les  esprits  féroces  de  son  mari,  puis- 
que le  livre  ,  que  Luther  avait  com- 
posé contre  lui  Erasme  ,  depuis  ses 
noces  ,  était  le  plus  furieux  livre  qui 
fût  jamais  sorti  de  sa  plume  De  con- 
jugio  Lutheri  certum  est ,  de  partit 
maluro  sponsœ  uanus  crat  rumor  , 
mine  tamen  gravida  esse  dieitur.  Si 
vera  est  vulgi  fabu'a  Anlichristum 
nasciturum  ex  monacho  et  monuchâ , 
quemadmodùm  isti  jactitant  ,  quot 
Antichristorum  mil  lia  jam  oltm  habet 
mundus  ?  At  ego  sperabam  fore ,  ut 
Lutherum  uxor  redderet  magis  cicu- 
rem.  ferùm  il  le  prœter  omnem  ex- 
pectntionem  emisit  librum  in  me  sum- 
mâ  quidem  cura  elaboratum  ,  sed  adeo 
firulentuni ,  ut  hactenùs  in  neminem 
scrinseril  hostiliùs  (23). 

(G)  Luther  fut  décontenancé  par 

(20)  Ibid. ,  num.  g. 

(21)  y<iyei  ci-dessus  la  citation  (3). 

(22)  Erasraus,  apud  Scnltctum  ,  Annal.,  ad 
ann.  i525  ,  pag.  278  ,  citalum  a  SeckendorGo, 
pag.  18,  num.  11. 

(23)  Era<m.  ,  Epistolâ  XXII  ,  lib.  XFIII 


les  murmures  que  son  mariage  excita 
au   dedans   et   au   dehors.~\  Il   avoue 
lui-même  que  son  mariage  le  rendait 
si  méprisable  ,  qu'il  espérait  que  cette 
humiliation  donnerait  de  la  joie  aux 
anges,  et  du  chagrin  aux  diables.  Sic 
me  vilem  et  contemptum  his  nuptiis 
feci ,  ut  ange/os  ridere  et  omnes  dœ- 
mones  flere  sperem  (i\).  Me'lanchthon 
le  trouvait  si  affligé  de  ce  changement 
de  vie  ,    qu'il   lui  écrivait  des   lettres 
de  consolation.   Quoniam  verb  ipsum 
Lulherum  quodammodo  tristiorem  esse 
cerno  ,    et  perturlatum  ob  viiae  mula- 
lionem,  omni   studio   et    benevolenlid 
consolarieum  conor  {■!§).  Il  ajoute  que 
le   tort  que  faisait  ce   mariage  à    la 
grande  réputation  de  Luther  produi- 
rait apparemment   un    bon   effet:    il 
voulait  dire  que  cela  préviendrait  la 
vanité  dont  les  têtes  les  plus  sages  ne 
se    remplissent  que  trop   dans  l'éclat 
d'une  grande  gloire.  Erit  etiam,  meo 
qmdem  judicio  ,    nec  inulilis  quidem 
casus  iste  ad  demissionem  quandam 
pertinens ,   c'um  allé  sustolliet  ejferri 
semper  sit  periculosum ,    non    solùm 
sacerdotio  j'ungenlibiis  ,    sed   cunctis 
mortalibus.    IVam    aclionum  félicitas 
occasioncm  dat  praritatis  elati  animi, 
non  modo  ,  quemadmadùm  orator  in- 
quit ,  demeniibus  ,  sed  interditm  etiam 
sapienlibus.    Ce    n'était   pas    tant    le 
mariage  ,  que    les   circonstances    du 
temps,   et  la    précipitation    qu'on  y 
avait    apportée,   qui  faisaient  bl;l mer 
Luther.  11  se  maria  tout    d'un  coup, 
et   dans   le    temps    que    l'Allemagne 
était  la  plus  désolée  parla  guerre  des 
paysans;  guerre  que  l'on  mettait  sur 
le    compte    du  luthéranisme.   On    ne 
pouvait  rien  comprendre  à  cette  pré- 
cipitation.   Luther   avait    alors  qua- 
rante-deux   ans   :   il  avait  gardé  jus- 
que-là   un    célibat   chaste,    pendant 
les  plus  chauds  bouillons  de  la  jeunes- 
se ;    on  ne  peut  donc   point  dire  que 
l'incapacité  de  se  contenir  l'ait  obligé 
à  conclure  du  soir  au  matin  son  ma- 
riage.  Je  veux  ,  comme  l'insinue  Me- 
lanchthon  ,  que  la  vie  un  peu  relâchée 
que  Luther  menait ,   se  plaisant  trop 
aux  compagnies ,  ait  réveillé  la  nature 
que  la   retraite    claustrale    avait    en 

(:>4)  Louieri  F.pist.  ad  Spalalinuin.  apud  Sec- 
kenlorf. ,  pag.    18,  num.   i. 

(a5)  Extal  hœc  Fpislol.i  fqnte  in  editione 
Londmensi  est  XXIV,  lib.  IV,)  è  Grœco 
versa,  apud  Seckendorf.  ,  pag.  1-  ,  num.  10. 


ïiORE.  567 

quelque  façon  fait  dormir  :  en  un 
mot ,  je  veux  qu'il  ait  été  nécessité 
au  mariage  par  les  brûlures  de  la 
chair;  fallait-il  pour  cela  que  l'on 
passât  par-dessus  les  formes  ?  N'aurait- 
on  pas  pu  différer  pendant  quelques 
mois,  afin  de  communiquer  la  chose 
à  ses  amis,  et  de  préparer  le  public 
aux  nouvelles  de  l'hymen  par  cer- 
taines recherches  préliminaires  ?  Je 
ne  m'étonne  point  (pie  ,  faute  de  bon- 
nes raisons  pour  expliquer  ces  difficul- 
tés ,  Luther  et  d'autres  aient  reconnu 
dans  ce  mariage  quelque  chose  de 
divin  ,  flsîov  t),  comme  dans  certaines 
maladies  (26).  Quod  autem  in  re  in- 
tempestivum  et  inconsultum  inest  , 
(  in  quo  maxime  delicias  oblrectandi 
et  accusandi  studiurn  adversariorum 
J'aciet)  l'idendum ,  ne  nos  conturbet. 
Isto  enim  sub  negotio  forlasse  ali- 
quid  occulli ,  et  quiddam  divinius  su- 
best,  de  quo  nos  curiosè  quœrere  non 
decet  ne  que  curare  nugas  deridenlium, 
et  concilia Jacicntium  quorumdam  ,  à 
quibus  neque  pielas  ad  Deum  ,  neque 
ad  homines  t'irlus  exerceretur{'î'f). 

(H)  —  mais  ensuite,  il  n'aurait 
point  changé  sa  condition  avec  celle 
de  Crésus  ,  tant  il  trouva  qu'il  avait... 
une  bonne  femme .  ]  Voici  un  morceau 
de  la  lettre  qu'il  écrivit  l'onzième 
d'août  i5'26  à  Michel  Stifelius.  Salu- 
tat  le  Kelha  costa  mea  ,  et  gratias  agit 
quôd  eam  litleris  luis  lam  suavibus 
dignatus  es.  Ipsa  belle  habet  Dei  dono, 
mUlique  morigera  et  in  omnibus  obse- 
quens  est, et  commoda  plusquàni  ausus 
j'uissem  sperare  (  Deo  gralia  ,  )  ita  ut 
paupertatem  menm  nouent  cum  Crcesi 
divitiis  commutare  (28).  On  lui  a  ouï 
dire  qu'il  ne  troquerait  point  sa  femme 
contre  le  royaume  de  France  ,  ni  con- 
tre les  richesses  des  Vénitiens  (29)  ;  et 
cela  pour  trois  raisons  :  i°.  parce 
qu'elle  lui  avait  été"  donnée  de  Dieu  , 
dans  le  temps  qu'il  Implorait  l'assis- 
tance du  Saint-Ksprit  touchant  la  ren- 
contre d'une  bonne  femme  ;  2°-  parce 
qu'encore   qu'elle   ne  fut  point   sans 

(36)  Ci-dessus  dans  la  remarque  (B)  ,  cita- 
tion (S). 

(57)  Melancht.  ,  Epist.  ad  Camenr.  apud 
Seckead.  ,  pag.  17,  num.  10.  Voj*%  aus*t  lu 
remarque  (B!  ,  citation  (9). 

(»8)  Lmhcr.  Epiai.,  pag.  3i8,  apud  Secltaà. , 
pag.  18,  num.  10. 

(jg)  Cela  est  rapport  par  P.iv.iruS  ,tom.  I  , 
pag.  239,  apud  Seckcnd. ,  '1*.  ///  ,  pag.  6.Ï1  , 
lit.  11. 


568 


BORE. 


défauts  ,  elle  en  avait  moins  que  les 
autres  femmes  ;  3°.  parce  qu'elle  lui 
gaulait  la  fidélité  conjugale  qu'elle 
lui  devait.  Il  lui  rendit  dans  son  tes- 
tament un  bon  témoignage  de  pro- 
bité ,  de  fidélité' ,  d'honnêteté  ;  il  re- 
connut qu'elle  l'avait  constamment 
aimé  et  servi ,  qu'elle  avait  été  fécon- 
de, etc.  (3o).  Jl  n'entend  point  qu'on 
la  soupçonne  d'avoir  fait  sa  bourse, 
et  il  lui  laisse  une  pleine  liberté  de 
convoler  en  secondes  noces  (3i). 

(I)  M.  Fonllas  a  commis  un  très- 
grand  nombre  de  fautes  en  parlant  de. 
cette  femme,  j  11  dit  que  Catherine  de 
Bore,  et  huit  de  ses  compagnes,  furent 
tirées  d'un  monastère  qui  était  dans 
une  petite  ville  appelé  Vimigue  ,  à 
deux  lieues  deAVittemberg(32).  Mais, 
i°.  Il  n'y  a  jamais  eu  de  monastère 
qui  ait  porté  ce  nom-là  ,  ni  au  voi- 
sinage deWitlemberg,  ni  ailleurs.  2°. 
Le  couvent  qui  était  proche  de  Wit- 
fernberg  ,  et  qui  se  nommait  Niémec, 
était  de  chanoines  réguliers  de  saint 
Augustin  ,  et  ne  doit  pas  être  con- 
fondu ,  comme  il  l'a  été  par  quelques 
auteurs,  avec  le  couvent  de  Nimpt- 
schen.  3°.  Ce  fut  de  Nimptschen  sur  la 
Mulde,  proche  de  Grimma,  à  deux 
journées  de  Wit  temberg,  que  les  neuf 
nonnes  furent  tirées.  4°-  Léonard  Cop- 
pe,  qui  les  en  tira,  n'était  point, 
comme  Varillas  l'assure,  prévôt  des 
écoliers  à  Wittemberg  :  on  ne  connaît 
point  dans  les  universités  d'Allemagne 
celtesorte  de  caractère  ou  de  fonction. 
Il  était  conseiller  de  la  ville  de  Torga, 
*a  patrie.  5°.  Il  n'est  pas  vrai  que 
Catherine  de  Bore  ,  la  mieux  faite  de 
toutes,  ait  été  dès  lors  destinée  pour 
femme  du  docteur  Luther.  Il  ne  son- 
geait à  rien  moins  qu'à  se  marier  en 
ce  temps-là.  Une  lettre  ,  qu'il  écrivit 
•ers  la  tin  de  l'an  i5s4,  certifie  que 
Dieu  pouvait  le  changer  ;  mais  que 
pendant  qu'il  aurait  le  cœur  disposé 
comme  il  l'avait  tou  jours  eu,  et  comme 
il  l'avait  encore,  il  ne  se  marierait 
jamais.  Ce  n'est  pas  ,  ajoute-t-il  ,  que 
je  ne  sente  ma  choir  et  mon  sexe  :  je 
ne  suis  ni  du  bois  ,  ni  une  pierre  ; 
mais  j'ai  de  l'éloignemcnt  du  mariage, 

(3o)  Son  trttamenl  erl  date  </u  16  septembre 
.  i/j->  :  il  nvail  alors  cinq  enfant  divans. 

(3i)  forez  Settcnilorf,  lit:  III ,  pag.   65i» 

II.     H. 

Varillas  ,  Histoire  de  l'Hérésie  ,  Uv.  VI , 
pag.  6. 


à  cause  que  je  me  prépare  au  supplice 
dont  on  punit  les  hérétiques  (33). 
Voyez  ce  qui  a  été  touché  ci-dessus 
(34)  de  la  précipitation  a\ec  laquelle 
il  conclut  son  mariage  avec  Catherine 
de  Bore,  au  mois  de  juin  i525.  6°.  Il 
ne  fallait  point  parler  du  mariage 
de  Luther  sous  l'année  i5a6,  mais 
sous  l'année  précédente.  70.  Il  n'y  a 
jamais  eu  aucune  abbesse  de  Misnie. 
8°.  Et  en  tout  cas ,  cette  dignité  n'a 
jamais  appartenu  à  Catherine  de  Bore. 
M.  Varillas,  qui  la  lui  donne  dans  la 
page  86  ,  avait  dit  dans  la  page  7  t 
qu  elle  était  simple  religieuse  ,  et 
qu'elle  se. sauva  avec  huit  autres,  le 
Vendredi  Saint ,  pendant  que  les  Su- 
périeures étaient  extrêmement  occu- 
pées. Ou  par  Misnie  il  entend  une 
ville,  ou  une  province.  S'il  entend 
une  province ,  il  tombe  dans  une 
grande  absurdité  $  il  suppose  qu'il  n'y 
avait  qu'un  monastère  dans  un  pays 
où  il  y  en  avait  jusqu'à  trente.  S'il 
entend  une  ville,  il  la  nomme  mal  : 
il  la  devait  nommer  Misne.  90.  Il  est 
faux  que  Catherine  de  Bore  fût  d'une 
illustre  maison,  et  qu'elle  eût  des 
parens  qui  eussent  un  grand  pouvoir 
à  la  cour  de  Saxe.  Elle  avait  un  frère, 
qui  eut  bon  besoin  que  Luther  le 
recommanda"!  au  nouvel  électeur  de 
Saxe,  l'an  i5$2  (35;.  Luther  supplia 
qu'on  lui  donnât  quelque  office  à  la 
place  de  celui  qui  lui  avait  été  ôte  5 
ainsi  les  parens  de  sa  femme  avaient 
plus  de  besoin  de  son  crédit,  que  lui 
du  leur.  Quelle  protection  peut-on 
attendre  d'une  famille  qui  ne  peut 
doter  une  fille  ?  Voilà  le  cas  où  se 
trouvait  le  père  de  notre  religieuse  , 
selon  le  récit  de  l'auteur  que  nous 
critiquons  (36).  io°.  Les  fréquentes 
visites  que  l'on  assure  que  Luther 
rendit  à  Catherine  dans  le  monastère 
de  Misnie  (37) ,  sont  des  chimères.  Par 
Misnie,  il  entend  sans  doute  la  ville 
de  Misne.  Accordons  -  lui  pour  un 
temps  la  fausseté  qu'il  suppose,  savoir 
que  Catherine  était  abbesse  de  Misne, 
il  ne  laissera  pas  d'avoir  supposé  très- 

(33)  Lutherns,    Epist.  ,  lier.  II  ,  pag.  3i4, 
nitin.  i. 

(34)  CiMtion  (6). 

(35)  Voyez  Seckendoif ,  liv.  III,  pag.  38i  , 
nttm.  1?  ■ 

(36)  Varillas,  Histoire  <3e  l'Hérésie,  Uv,  VII, 
pag.  86. 

(37)  Là  même,  pag.  87. 


BORE. 


56q 


faussement  que  Luther  faisait  beau- 
coup de  visites  à  celte  abbessc  ;  car 
comme  la  ville  de  Misne  appartenait 
en  partie  à  l'évêque ,  et  en  partie  à 
George,  duc  de  Saxe,  grand  ennemi 
de  la  reforme,  Luther  eût  couru  de 
très-grands  périls  dans  Misne.  Ajoutez 
que  si  l'abbesse  avait  reçu  ses  visi- 
tes si  facilement ,  il  n'eût  pas  été  be- 
soin d'enlever  Catherine  de  Bore  par 
adresse  ,  pendant  que  les  supérieures 
n'y  pouvaient  pas  prendre  garde. 
Ainsi  l'on  trouve  quantité  de  contra- 
dictions entre  la  page  7  et  la  page  86 
deVarillas.  Enfin  ces  visites  fréquentes 
sont  fortement  réfutées  par  les  deux 
journées  de  chemin  qui  se  trouvent 
entre  le  couvent  de  Catherine  de  Bore, 
et  la  ville  de  Wittemberg.  11".  Il 
parait  par  les  premières  lettres  de 
Luther  ,  qui  ont  été  données  au  pu- 
blic .  qu'il  avait  pensé  h  se  marier  dès 
le  temps  qu'il  s'était  si  paré  de  la  cnm- 
munion  de  l'Église.  C'est  M.  Varillas 
qui  l'assure  ;  mais  c'est  une  marque 
qu'il  n'a  jamais  mis  le  nez  dans  ces 
lettres-là.  On  y  trouve  manifestement, 
que  Luther  ne  songeait  à  rien  moins 
qu'au  mariage  durant  les  premières 
années  de  sa  réforme  ,  et  qu'il  s'y 
détermina  tout  d'un  coup  l'an  i5?.5. 
N'ai-je  pas  montré  qu'il  voulait  marier 
à  un  autre  sa  Catherine?  120.  Les  pre- 
mières mesures  qu'il  prit  avec  Jean 
Fridrric  ,  frère  et  successeur  de  l'élec 
teur  décédé  (38)  .  furent  qu'il  lui  per- 
mettrait d'épouser  l'abbesse.  Nouvelle 
bévue  de  M.  Varillas.  Je, m  Frédéric 
n'était  point  frère  de  l'électeur  décé- 
dé,  et  ne  lui  succéda  point.  Celui  qui 
lui  succéda  se  nommait  Jean,  et  était 
son  frère  :  il  fut  père  de  Jean  Frédé- 
ric, qui  ne  parvint  à  l'électoral  qu'en 
t5j2.  Il  ne  paraît  point  que  Luther 
ait  communiqué  son  mariage  à  l'élec- 
teur Jean,  occupé  à  la  guerre  des 
paysans  ;  qu'il  le  lui  ait,  dis-je,  com- 
muniqué avant  que  de  le  conclure. 
i3°.  Enfin  ces  noces  ne  furent  point 
si  magnifiques  ,  qu'elles  ne  différaient 
en  rien  de  celles  des  personnes  les  plus 
qualifiées  de  l'empire  (3r)).  Qui  peut 
comprendre  qu'un  historien  si  célèbre 
entasse  un  si  grand  nombre  de  telles 
fautes  en  si  peu  de  mots  ?  A  peine  y 

(33)  II  s'appelait  Frédéric. 

(?g)  Presque  toute  cette  critique  de  M.  Varil- 
las e<t  empruntée  de  M.  de  Seckendorf,  Hislor- 
I.uilicran-,  lib.  I ,  pag.  2-3,  2-4. 


pourrait-on  réussir,   si  on  le   faisait 
exprès  et  à  gages. 

(K  Sf.  Mayer  ..  a  fait  une  disser- 
tation ,  qui  me  fournira  des  .?»/>/i  lé 
mens  très-curieux.  ]  (".'est  \m  écrit  de 
■•i  pages  (/j-4°  ,  intitulé  De  Cathari- 
nd,  Lutheri  conjuge ,  Dissertatio,  et 
imprimé  à  Hambourg  .  l'an  1698. 
L'auteur  n'a  rien  oublié  de  ce  qui 
pouvait  servir  à  une  pleine  instruc- 
tion touchant  l'histoire  de  Catherine 
de  Bore  ,  et  il  rapporte  un  détail  exact, 
et  curieux  des  enfans  qu'elle  donna  à 
Luther.  11  marche  toujours  muni  de 
très-bonnes  preuves  ,  et  qui  réfutent 
solidement  les  faussetés  de  Cochions  , 
de  Maimbonrg ,  de  Varillas,  et  do 
plusieurs  autres  écrivains.  11  fait  voir 
que  l'exemple  des  huit  religieuses, 
qui  sortirent  avec  elle  du  couvent  de 
Nimptschrn  (4o),  fut  suivi  bientôt 
après  par  seize  nonnes  du  monastère 
de  Widersteten ,  dans  le  comté  de 
Mansfeld  ,  et  que  ce  fut  le  fruit  de  la 
bonne  et  saine  doctrine  que  Luther 
avait  enseignée  sur  l'honnêteté  du 
mariage,  et  sur  l'iniquité  des  vœux 
monastiques  (4T)  ;  qu'il  n'y  eut  dans 
tout  cela  aucune  sorte  d'enlèvement, 
vu  que  ces  filles  étaient  bien  persua- 
dé.•>  qu'elles  pouvaient  retourner  au 
monde,  et  le  voulaient  bien  (4^)  ;  que 
Maimbourg  a  tort  de  prétendre  que 
Luther  n'osa  épouser  Catherine,  pen- 
dant que  l'électeur  Fridéric  vécut,  rar 
pourquoi  ce  prince  eut-il  condam- 
ne' le  mariage  de  Luther  ,  après  avoir 
bien  permis  que  Veltkirrhius  ,  Carlo- 
Stad,  et  quelques  autres  ministres, 
se  mariassent  (4  V  ?  '''  M'"'  ,on  a  Par- 
le  avec  hyperbole  de  la  beauté  de  Ca- 
therine. Luther  était  devenu  amoureux 
d'une  religieuse  de  qualité  ,  et  d'une 
beauté  rare,  qu'il  avait  tirée  de  son  cou- 
(/ent. Ce  sont  des  paroles  de  M -de  Meaux, 
que  M.  Mayer  rapporte  (  j  ■  .et,  afin  d< 
faire  voir  qu'elles  s, ml  outrées  ,  il  pro- 
duit la  taille-douce  de    cette    femme. 

11  l'a  fait  tirer  sur  trois  portraits  com- 
parés ensemble ,  qui  furent  faits  du 
vivant  de  Catherine  ,  par  Luc  Crana- 

(4n)  lïimiuchense  Cisterciênsium  (de  l'ordre 

je  (îiraux)  Monaslerium  ,  Mayer,  Diss.de  Lu- 
theri  Cnnjuqe.  par;,   n. 

f 'il)  Idef.  ,  ibid.  ,  par;.   Ij. 

(4j)  Ibidem  .  pag.  \!\. 

(43)  Ibidem,  pag.  19. 

(44  Mayer.  Dis*.  r)e  Lutheri  Coojoge  ,  pag. 
ai.  Il  eue  PHistoire  des  Variation»,  tcm.  I, 
P"g.  49. 


5-jO 


BORE. 


chius ,  excellent  peintre  (45) ,  et  l'un 
de  ceux  qui  assistèrent  au  festin  nup- 
tial de  Martin  Luther  (46)  ,  c'est-à- 
dire  au  repas  qui  fut  donné  à  petit 
bruit  le  jour  des  noces  ;  car  au  bout 
de  quelques  semaines,  on  fit  un  festin 
plus  solennel  et  plus  pompeux  ,  aux 
frais  duquel  le  sénat  de  Wittemberg 
contribua  quelque  chose.  Senatus 
iVitebergensis  nonnulla  ex  publico 
œrario  suppeditavit ,  ut  uidere  est  in 
consiliis  Witebergensibus ,  parte  IV, 
VaS-  9-  M-  Mayer  nous  renvoie  à  la 
page  ii  de  la  IVe.  partie  du  Consilia 
Wile'uergensia  et  au  VIe.  chapitre  du 
Defensio  Luther i  defensi  de  Jean 
Molérus  contre  Charles  de  Creusen  , 
jésuite  de  Prusse;  il  nous  y  renvoie, 
dis-je  ,  pour  y  voir  la  réfutation  de 
la  calomnie  qui  avait  couru ,  et  les 
excuses  de  ce  que  Luther  s'était  marié 


seigneur.  M.  Mayer  avoue  qu'il  a  va 
de  telles  lettres;  mais  il  soutient  que 
ce  n'était  qu'un  jeu  d'esprit  (5o)  ,  et 
que  Luther,  qui  avait  laissé  à  son 
épouse  une  pleine  autorité  de  con- 
duire le  ménage  ,  se  réserva  toujours 
les  droits  de  mari.  Tu  mihi  persuades 
quief/uid  fis,  totum  habes  Dominium, 
In  œconomid  quidem  tibi  concéda  Do- 
minium  ,  salvo  jure  meo.  Mulierum 
enim  Dominium  nïhil  boni  unquam 
effecit  (5r).  Il  a  l'original  d'une  lettre 
où  Luther  se  déclara  fortement  contre 
l'infirmité  de  ces  maris  qui  se  laissent 
maîtriser  par  leurs  épouses  ,  et  anima 
l'un  d'eux  à  réprimer  l'insolence  de 
sa  femme  (52).  Voici  un  fait  qui  té- 
moigne l'amitié  conjugale  de  Cathe- 
rine de  Bore.  Luther,  voulant  faire 
l'exposition  du  psaume  XXII ,  prit  du 
pain  et  du  sel,  et  s'enferma  dans  son 


sans  avoir  fait  publier  dans  une  église    cabinet,  et  y  demeura   pendant  trois 


les  annonces  de  son  mariage.  Ses  en 
nemis  divulguèrent  qu'il  n'avait  agi 
avec  cette  précipitation  ,  qu'à  cause 
que  Catherine  se  trouvait  grosse  (47)- 
Cela  était  faux  (48).  On  voit  ensuite 
dans  la  Dissertation  de  M.  Mayer  plu- 
sieurs preuves  de  l'amitié  et  de  l'es- 
time que  Luther  avait  pour  son  épou- 
Be.  Elles  sont  tirées  de  ses  lettres ,  et 
l'on  nous  avertit  d'y  ajouter  plus  de 
foi  qu'à  une  lettre  de  Pontanus,  écrite 
à  l'électeur  de  Saxe  après  la  mort  de 
Luther.  Ce  Pontanus  accusait  d'orgueil 
Catherine  de  Bore  ,  et  d'avoir  trop 
dépensé  en  bâtimens,  et  surtout  dans 
une  métairie  où  son  douaire  lui  avait 
été  assigné.  Huic  itaque  (  Luthero  )  , 
potiùs  testi  credamus  quant.  Pontano  , 
apud Sechendorfium ,  lib.3,  pag,  65 1  , 
qui  in  litteris  post  niortem  Lutheri  ad 
electorem  Sax.  scriptis  arguit  eam 
animo  fuisse  elatiore  et  imperioso  , 
tenaceraque  in  victu  domestico  ,  etsi 
sumptuosam  in  œdificia,  imprimis  in 
prœdium  Zeulsdorf ,  quod  ei  in  testa- 
mento  dotalitii  nomine  Lutherus  as- 
signavit  (49)-  Quelques-uns  ont  pré- 
tendu que  Luther  s'était  soumis  à 
l'empire  de  son  épouse,  et  ils  ont 
cité  les  lettres  où  il  la  nommait  son 

(45)  Mayer,    Dissert.    de  Lutheri    Coojuge  , 
pag.  22- 

(46)  1bid.,pag.  24- 

(47)  Voyez  Lindauus,    de  Veto   Virginitatis, 
pag.  i3. 

(48)  Voyez  la  remarque  (F). 
(4g)  Mayer  ,  pag.  55. 


jours.  Sa  femme  le  cherchait  partout, 
et  se  désolait  ;  elle  frappait  à  la  porte, 
elle  l'appelait;  et  enfin  ,  ne  pouvant 
résister  à  sa  douleur,  elle  fit  enfoncer 
la  porte  ,  et  le  trouva  méditant.  11  se 
fâcha  de  ce  qu'on  interrompait  ses 
méditations  sur  un  sujet  si  sacré,  et 
d'une  telle  importance  ;  mais  enfin  il 
ne  put  désapprouver  les  soins  et  les 
inquiétudes  de  sa  femme  (53).  *Elle 
témoigna  sa  tendresse  et  sa  constance 
en  même  temps,  avec  un  très-grand 
éclat,  dans  une  maladie  qu'il  eut  l'an 
1527,  qui  fut  si  grande  et  si  dange- 
reuse, qu'il  fit  son  testament,  et  qu'il 
dit  adieu  à  sa  femme  et  à  son  fils  (54). 
Notre  Catherine  passa  la  première 
année  de  son  veuvage  à  Wittemberg, 
quoique  son  mari  lui  eût  conseillé 
d'aller  ailleurs.  M.  Mayer  la  justifie 
de  cette  désobéissance  (55).  Elle  sortit 
de  Wittemberg  l'an  1 547  »  lorsque  la 
ville  se  fut  rendue  à  Charles-Quint. 
Elle  avait  reçu  avant  cela  un  présent 
de  cinquante  écus  de  Christien  III  , 
roi  de  Danemarck  ;  et  comme  l'élec- 

(5o)  Quis  non  videt,  genii  prtesertim  beau 
v'iri  non  ignarus  ,  hoc  innoxio  joco  ab  illofao- 
tum?  Mayer,  Dissert,  de  Lutheri  Conjuge, 
pag.  56. 

(5i)  Luther.,  apud  Mayer,  ibid. ,  pag.  5'y. 

(52)  M.  Mayer  la  rapporte  celte  Lettre ,  la 
même,  pag.  5y  ,  58. 

(53)  Là  même  ,  pag.  59.  //  cite  Reinhard 
Bakius  ad  Psal.  XXLI. 

(54)  Mayer,  de  Lutheri  Corjjiigc,  pag.  5g 
et  seq. 

(55)  Ibid. ,  pag.  66. 


BORE.  071 

leur  Je  Saxe  et  les  comtes  deMansfeld    ne  sciait  pas  fâche  Je  la  trouver  im- 
lui firent  sentir  de  bonnes  marques  de     primée  dans  cet  endroit  de  mon  Die 


leur  libéralité,  elle  eut  le  moyen  de 
s'entretenir  commodément  avec  sa 
famille,  ces  assistances  étant  jointes 
aux  biens  que  Luther  lui  avait  iaissés. 
Elle    retourna  à   Wittemberg,    après 


tionnaire  ,  puisque  personne  ne  l'avait 
encore  donnée  au  public. 

S.  P.  Ornatissime  prœscs ,  Soient 
comici  tumultus  ferè  in  mairimonium 
exire,    atque  Jùnc  sul>ita  rerum  om- 


la    ville  eut  été  rendue  à  l'élec-    nium   tranquillUas.  Ferum  hanc  ta 


que 

teur,  et  y  vécut  pieusement,  jusques 
à  ce  cpic  la  pesle  rayant  fait  résoudre 
d'en  sortir  Tan  1 55a ,  elle  vendit  ce 
qu'elle  y  avait ,  et  se  retira  à  Torga  , 
bien  résolue  d'y  finir  ses  jours.  Un 
accident  du  voyage  lui  fut  funeste  : 
les  chevaux  s'étant  cabrés,  elle  sauta 
du  chariot ,  et  tomba  ,  et  se  fit  beau- 
coup de  mal;  de  sorte  qu'elle  mourut 
peu  après  56)  à  Torga ,  le  20  de  dé- 
cembre i55a.  Elle  y  fut  enterrée  dans 
la  principale  église,  où  l'on  voit  en- 
core aujourd'hui  son  tombeau  et  son 
épitaphe.  L'académie  de  Wittemberg, 
qui  était  alors  à  Torga  (57) ,  fit  un 
programme  public  concernant  la  pom- 


tastrophen  pleriwique  mine  habent 
principum  tragoediœ ,  non  admoditm 
lœtam  populo  ,  sed  lamen  bellis  polio- 
rem.  Malebat  Me  compilait  quant 
venire.  Similem  exituni  habitura  vi- 
detur  Tjudieiana  tragœdia.  Duxit  uxo- 
rem  monachus  monacham  ;  et  ut  scias 
ntiptiasprosperis  avibus  initas  ,  diebus 
à  decantato  hymeneo  fermé  quatuor- 
decim  enixa  est  nova  nupta.  Lulherus 
nunc  mitior  esse  incipit ,  nec  perinde 
sœvit  catamo.  Nilnl  est  loin  ferum 
qund  non  cicuret  uxor.  Ego  sedulo 
hortor  utramque  partent,  ut  tequis  con- 
ditionibus  jungant  feedus  ,  et  insana 
prœlia  dirimant.  Vis  scire  quantum 
pe    funèbre  (581.   On  le  trouve  tout    proficiamus  Quantum  soient  ii,  qui  in 


entier  dans  l'écrit  de  M.   Mayer  ,  et  il 

avait  été  imprimé  l'an  1 553  ,   inlnti- 

mtlionibus  fVitebergmsibus    (5c)V  Je 

l'avais  lu  au  feuillet  !\'\\   et  !\\i  d'un 

livre   imprimé   à    Wittemberg,    l'an 

i56> ,  in-8". ,  et  intitulé  :  Scriptorum 

publi'è  propositorum  à   pmfessoribus    menhoc portenlum  habetlhcdogos  np 

in  academid  fP'ilebrr^ensi ,    ab    anno    plaudentes.  Si  vendunlur  isihic  desul 


ter  duos  armatos  ira  vinoque  j urentes 
intercédant  direnipturi  ,  et  utrimque 
vulnerantur.  Opinor  te  legisse  Apolo 
giam  meam  advenus  Sutorem.  Quis 
credidisset  tant  stupiduui  animal  latere 
inter  theologos  et  rartusianos  ?  Et  ,ta- 


i54o,  usque  ad  annum  1 553.   Tjmus 
primas. 

(Ll  Je  rapporterai  une  lettre,  écrite 
par  Erasme,  avant  qu'il  fut  désabusé 
du  faux  bruit  des  couchas  de  Cathe- 
rine de  Bire  peu  après  ses  noces.  ] 
Elle  fut  écrite  à  un  homme  illustre, 
savoir  à  Nicolas  Everard  ,  président 
du  haut  conseil  de  Hollande  â  la  Haye. 
J'en  ai  vu  l'original  ,  qui  est  en  très- 
bon  état  :  le  cachet  d'Erasme,  avec  le 
Drus  Tt-rminus  ,  et  le  Nulli  cedo  ,  y 
paraissent  dans  leur  entier.  M.  de 
Wilhem,  conseiller  à  la  cour  de  Bra- 
bant  (60) ,  a  eu  la  bonté  de  me  mon- 
trer cette  lettre  originale,  et  de  m'en 
donner  une  copie,  que  j'ai  moi  même 
collationnéeà  l'original.  J'ai  cru  qu'on 

(56)  Au  bout  d'un  peu  p'us  de  trois  mois. 
Voyet  le  Programme  fuoèbre. 

(S^)  l.a  pesle  de  WiUemberg  en  e'tail  cause. 

(58 1  Mayer  ,  Dissert,  de  Lutheri  Coojuge  , 
pag-  66    et  seij. 

(5q1  Idem,  pag.  69. 

(60)  Je  parle  amplement  de  lui  dans  la  re- 
nia que  (G)  de  l'article  Vv  iLaix. 


pli 

torii  (61)  libri  Jodoci  Clilhovci,  quœ- 
so  ut  legas  in  Anti-Lnlhero  3  libri  cap 
primum ,  num.  3  ;  nain  Bcda  lilleris 
indicai'it ,  eum  locum  ad  me  perlinere; 
quod  si  verum  ,  quis  non  intelligit  in 
Mo  pediculoso  cajnte  nullam  ei.se  mi- 
cam  sanœ  mentis  ?  Et  tamen  litijus- 
modi  nebulones  Lutherus  armavil  in 
nos.  Nullum  video  fînem  nisi  si  quis 
Deus  a  machina,  quod  aiunl  ,  appa- 
rens,  fabulant  explicet.  Lutheranajac- 
tio  nunqu'am  sustulil  majores  spirilus. 
Et  altéra  pars  adeô  mhil  remitltt  .  ut 
in  dies  astiingat  priora  vincula.  liaient 
noi'itm  digma  ,  sed  simplicitcr  insa- 
num  :  tOtOS  hos  tumultus  crortos  ex 
linguis  et  bonis  litleiis.  lln<  ja'm  prin- 
cipibus  atii/unt  persuaseiiint.Quoniani 
te  videra  aliter  non  licet ,  per  lilteras 
saluto.  Dorpiiim  amistinus  ante  aient. 
Hic   loiigt-  supra  centum  millia  rusli- 

(6.)    Il  >  a  begultarii  dans   la  copie.    M    ! 
W,lli«-m  m'a  dit  qu'aucun  de  ceux  qui  ont  aide 
à  déchiffrer  l'original,  n'a  pu  venir  •'  bout  de 

ee  mot.  Je  conjecture  ,  i:  COU 
lire  dcsultorii 


cere 

cm 


572  BORÉE. 

corum  interfecta  sunt ,  et  quotidiè  sa-  point    de    la    froideur    d'un    tel 

cerdotes  capiuntur,  torquentur ,  sus-  marj  rjy\  .  ma;s   cette  remarque 

penduntur,   decollantur ,    exuruntur.  ^       ^  Bq_ 

JYon    nego    necessanum    remedium ,  ,    r        J           r     -j       »       i    c 

quamfis  immite,  sed  Germani  magis  ree,  quelque  troid  qu  on  le  tassel 

novimus  malefacta  punire  quant  exclu-  était  fort  ardent  en  fait  d'amour 

tJere-  ,  ,     .  (E).  Il  eut  un  assez  bon  nombre 

Tib^uxorituœ^tuisquekbenspre.  d>      f  et  entre   autres  Zétfes 

cor  omnia  Iceta.  '  ,  .  ,,,  - 

Qui  has  reddet  est  Francisais  Dilft,  et  Calais  ,  dont  je  donnerai  1  his- 

qunndam  convictor  meus  ,  jugeais  ho-  toire    (F).     Les     Mégalopolitains 

nesto  Inco  natus ,  moribus  miré  ciuili-  l'honoraient   comme  leur  prin- 

hus.   Quemcupio  ut  digneris  cognas-  ^^    ^^    (Jj     j,^    ^ 

rDatum.  Ras.  pruhe  Natal.  Domini,  dans  les  remarques  ,  comme  aussi 

i.  i525.  du  culte  que  les  Athéniens  lui 

Erasmus  Rot.  verè  tuus.  rendaient  (e).   Il    y   a   quelques 

Ex  tempore  manu  proprid.  variations   sur   les  circonstances 

IVon  vacabat  relegere  ,  ignosce.  de    penlevement   d'Orithye   (G). 

BORÉE  ,    en    latin   Boreas  ,  L'anonyme ,  qui  publia  une  tra- 

l'un  des  quatre  vents  cardinaux  duction  française  de  l'Aristée  de 

(a) ,  et  l'une  des  divinités  dupa-  Virgile  (  /  )  avec  des  notes  ,  l'an 

ganisme,  était  fils  d'Astraeus  et  1668,  débita  beaucoup  de   re- 

de  l'Aurore  (A) ,  et  avait  son  sié-  cueils   touchant  l'histoire  et  les 

ge  dans  la  Thrace  (B).  Pindare  le  qualités  de  ce  vent ,  et  en  par- 

nomme  le  roi  des  vents  (6).  «  Je  ticulier  sur  la   violence  qui  lui 

»   pense  avoir  lu  qu'on  lui  don-  est  propre ,  et  qu'Ovide  décrit  si 

»   na  droit  de  bourgeoisie  en  une  bien   (g).   Celui    qui    le  nomme 

»   ville  de  Grèce.  J'ai  encore  lu  artisan  des  naufrages  (h),  gar- 

»  qu'on  lui  bâtit  des  temples  ,  et  derait  cette  épithète  pour  d'au- 

«   qu'on  lui  ordonna  des  sacri-  1res  vents ,  s'il  voulait  s'accom- 

»  fices  en  une   autre  ville  :  une  moder  à  ce  qui  se  passe  dans  la 

»   fois ,  pour  avoir  coulé  à  fond  Manche ,    et   sur    les   côtes   du 

»   une    Hotte    des   ennemis  ;    et  Pays-Bas.  Ce  n'est  point  le  vent 

»   une  autre  fois ,  pour  avoir  jeté  Borée  que  l'on  y  craint ,  mais  le 

»   de    la    poussière  aux  yeux  à  Nord-ouest,  ouïe  Sud-ouest  :  ce 

»  une  armée   de    terre   de    ces  SOnt    là    les    deux    artisans    des 

»  mêmes  ennemis.  Si  je  ne  me  naufrages.  Je  fais  celte  observa- 

»   trompe ,   il  fut  appelé  solen-  tion  ,  afin   de  montrer  que  les 

»  nellement ,  et  par  décret  pu-  poètes  ,    imitateurs  trop  serviles 

»  blic,  le  gendre  des  Athéniens,  de    l'antiquité  ,    nous    donnent 

»  à  cause  de  sa  femme  Orithye ,  souvent     des    descriptions    peu 

»  qui   était    Athénienne    (c).    »  convenables  à  leur  pays. 

L'auteur,    dont   j'emprunte   ces  Je  dois  ajouter  à  ce  que  j'ai 

paroles  ,  et  dont  j'indiquerai  les  déjà  dit  une  observation  sur  un 

sources  (C) ,  fait  une  remarque  fa  remarqw:  (c)i„aOT.  „. 

sur  ce  qu'Orithye    ne  se  plaignit         ^  Voyez  la  même  remarque  ,  mon.  ni. 

(f)  C'est  un  épisode  des  Ge'orgifjues. 

(a  |  Celui  qui  souffle  du  septentrion.  {g )  Ovid. ,  MeUm.  ,  fi*    VI,  fnjgjfc. 

!/,   Pin<l  J.,  o.I.IV  Pylhior.  W>  oyez   Balzac,    entretien  XKXVt  , 

(c)'  Balzac  ,  enlrct.  V  ,  rhnp.  Il ,  png .  80.  pâg.  35 1 . 


BORÉE.  5„3 

passage  de  Natalis  Cornes  (H)  ,    thèse  est  que  les  poètes  qui  ont  parlé 

de  ce  vent  demeuraient  dans  un  pays 
qui  avait  la  Thrace  au  septentrion.  Je 
parle  des  poètes  grecs.  Les  Latins , 
grands  imitateurs  des  phrases  et  des 
épithètes  de  ceux-là  ,  ont  donne  au 
vent  Borée  la  même  patrie  ,  quoiqu'ils 
n'en  eussent  pas  la  même  raison.  Lisez 
ces  paroles 


que  j'ai  rapporté  à  la  fin  de  la 
remarque  (F)  de  cet  article. 

(A)  //  était  fils  d'Astrœus  et  de 
VÂurore.~\  Natalis  Cornes  avoue  qu'il 
n'a  jamais  lu  que  les  inventeurs  des 
labiés  aient  dit  quels  furent  le  père  et 
la  mère  de  Borée,  Boreas  è  quibus 
parentibus  ortus  sit  fabularum  inven- 
tons non  tradiderunt  ,  quod  ego  lege- 
nm  (i),  et  cependant  il  avait  cité 
Hésiode,  qui  raconte  que  le  dieu 
Astraeus,  ayant  couché  avec  la  déesse 
Aurore,  engendra  les  quatre  vents  (2). 
Voici  les  trois  vers  qu'il  rapporte  : 

Aç-pttice   eT  H'cèç  ivi/uouç  rîxi  nctpripo- 

6ÛJU.0UÇ, 

'A/jyiç-dv,  Zs>t/pov,  Bopiïiv  <r  eti^,npox.i- 

Kxi  NÔtov,  Êv  ^iâotmti  ôià  Six  iùvn- 

Bas-x. 
Aslrœu  vi-rù  Aurora  venlos  peperit  magnani- 

Argeuen  ,  Zepkyntm  ,    Boreamque  rapitlum  , 
£.1  ISutum  .  m  amure  cum  deo  dea    conara- 
•<«  (3;. 


'X 


e  M.  Dacier  :  elles  sont 
tirées    de    son    Commentaire    sur    le 

Thracia    bacchante    magU    sub    inlerlunia. 
venlo    (n). 

«  Horace  parle  à  la  manière  des  Grecs, 
»  qui  appellent  le  L'orée  ou  l'Aqui- 
»  Ion  ,  T/hracien,  parce  qu'il  leur  \i  ■- 
»  naît  de  Thrace.  »  Je  crois  que  l'on 
élit  bien  fait  de  commenter  de  la  sorte 
cet  endroit  du  même  poète  , 

Aune  mare,    nunc   sykœ 
Tftreîcio  Ai/utlone  sonant....  (8), 

sans  prétendre  que  «  le  Borée  ,  ou  l'A- 
»  quilon,  c'est-à-dire  ,  le  Nord-ÏWd- 
"  tu'  etait  ▼entablement  vent  de 
»  Ihrace  pour  les  Romains  comme 
»  [.ourles  Grecs,  caria  Thrace  s'é- 
»  tendait  fort  loin  (g),  »  Je  ne  saurais 
croire  qu  Horace  ait  eu  en  vue,  ni  la 
grandeur  de  ce  pays-là  ,  ni  la  subdivi- 
»™  de-  - 


mer  j  il  fallait  dire  qu'il  y  a  des  gens 

(pu  ont  soutenu  que  le  ravisseur  d'O-  r      "17"  '"'"""  >.l"œ  mare  tempérant, 

rithye    n'était    pis   le    vint  Borée         '*****? - '»>' "  TkracZ  (l0, 

mais  le  61s  de  Strymon.  'H*wyhf*t  À  ,J™  "'?*»  P,as   devoir   "">««*«  ce 

r«wr«  B^«,  ù,01  2VfUfAm  ^  '(.'^    «    Cet  Aquilon    originaire   d 

«»  A  «1  injny.  Uesagoras  in  Mesà-  .tde?  C0Urs,'s  "•  <les  *W 

icisBoream  à  quo  rapta  On  diva  fi-  "  f*  l>ai"  •l°Ute  la  terre»   •»■»        !  ' 


CM  aoream  a  quo  rapta  (Jntliyaji- 
ttum  Juisse  ait  Strymanis,  non  vero 
venlum  (4). 

(B)  //  avait  son  siège  dans  la  Thra- 
ce ]  Une  infinité  d'auteurs  ont  dit 
cela  :  vous  trouverez  là-dessus  quan- 
tité d  autorités  dans  le  Dictionnaire 
de  Lloyd  (5)  ,  et  dans  le  docte  Com- 
mentaire de  M.  Spanheim  sur  Calli- 
maque  (6).  L'origine  de  cette  bypo- 

(1)  \alal.  Coracs,  Mylliol.  ,  l,b.  FUI ,  cap 
XI,  pag.  8bi.  r 

M  Idem  ,  ibidem  ,  W.  VI  ,    Cap.  II  ,  pag. 


('&)  Hesiodus  , 
ag.  126. 


Deor.    GeDerat. 


3;8, 


(-0  Scliol.  Apollonii  inlib.  I ,  vs.  au. 
(5j  Au  mot  lîoreas. 

(6)  E»ech.  Spanl.emius  in  Callimachum,  pfl< 
:ia,  ai.}  ,  0^4,  30(j  K   « 


»  faut  croire  notre  homme  d'Afrique, 
qui  parle  des  pierres  etdufer,  tant 

»  son  style  est  raboteux  et  dur,  il  fait 
»  particulièrement  sa  demeure  au 
»  Pont-Euxin.  A  combien  de  lieu 
»  la  Thrace?  Je  vais  présentement  le 
m  demander  à  lu  carte  tant  y  a  que 
»  l'Aquilon  habitera  pour  cette  heure 
»  le  Pont-Euxin  :  VU  dus  nusquam 
»  pulais,  sol  ntinquàm  liber,  unus 
»  aer  nebula  ,  lotus  annus  hibernum. 
»  omne  quod  /?averit  Aquilo  est.  Ou 
»  en  passant  prenez  gardi 
"  prie,  s'il  n'y  a  poini   une  1 

(:)  Borat.,  od.  XXV.  /  /,.   /. 

(S;  Idem,  od.   Mil  Epod. 

(9)  Dacier,  >ilr  Horace,   tom.    V ,  P„^.  ,60 
2(j!  .  édition    i      \ 

M   |»>  l  "•-   fépîlrc  XXO    du  II'.   /,,.,.  de 
M.  Je  leur. 


574  BORÉE 

»  contradiction  en  ces  mois  de  IVe- 
«  bula  et  à  Aquilo  ;  car,  à  mon  avis, 
»  ils  ne  peuvent  pas  bien  compatir 
»  ensemble  (i  ')•  " 

(C)  J'emprunte  ces  paroles  de  Bal- 
zac :  j'en  indiquerai  les  sources.  ]  Il  y 
a  des  livres  où  il  est  permis ,    et  mê 
me 


doute  la  brèche  eût  été  fort  grande  le 
lendemain  ;  mais  il  s'éleva  un  vent 
septentrional,  qui  renversa  cette  ma- 
chine. C'est  ce  que  Pausanias  ra- 
conte (i5). 

III.  Hérodote  nous  apprend  qu'un 
oracle  ayant   ordonné  aux  Athéniens 


.„ —  „„  — — „  rv.u,u,    »,,,  ii,^-  «.«v.»*,  Ujaui   muuuuc  aux  .mneniens 

„.„  louable  ,  de  ne  nommer  point  les  d'appeler  leur  gendre  à  leur  secours , 

auteurs  de  qui  l'on  a  pris  ce  que  l'on  ils  invoquèrent"  Borée  ;  car  comme  il 

allègue.  Cela  est  fort  commode  pour  elait  marié  avec  Orithye ,    fille   d'É- 

fin      *ïr>i*l  VQin     /-mi       i     i\a     lo       «nnîl^  . 


un  écrivain  qui  a  de  la   vanité  ;   car 
ces   termes   vagues ,  j'ai   lu  quelque 
part ,  un  certain  auteur  rapporte    etc. 
donnent  une  idée  avantageuse  :  on  s'i 


rechthée,  leur  roi,  ils  le  prirent  pour 
leur  gendre.  C'est  pourquoi ,  la  flotte 
de  Xerxès  étant  abordée  à  la  côte  de 
Magnésie,  ils  implorèrent  par  des  vic- 
magine  que  celui  qui  parle  de  la  sorte  times  et  Par  des  prières  l'assistance  de 
ue  le  ferait  point  s'il  s'agissait  d'un  ce  vent,  et  celle  de  son  épouse;  et 
ouvrage  connu  des  autres  savans.  On  comme  ils  se  persuadèrent  que  la  tem 
croit  donc  qu'il  a  trouvé  ce  trésor  Pe'e  clui  maltraita  cette  flotte  fut  m 
dans  un  manuscrit  très-rare.  En  un  ' 
mot ,  si  Balzac  eut  dit ,  j'ai  lu  dans 
Pausanias  ,  ou  dans  Hérodote ,  il  ne 
se  fût  point  rendu  si  recommandable 
à  ses  lecteurs.  Pour  moi ,  qui  cherche 
principalement  à  satisfaire  la  curiosité 
de  ceux  qui  me  lisent,  je  nomme  tou- 
jours les  auteurs  de  qui  je  prends  ce 
que  je  rapporte,  et  je  tâche  même  de 
découvrir  d'où  les  modernes  ont  tiré 
ce  qu'ils  allèguent.  J'ai  pu  en  venir  à 
bout  à  l'égard  de  ce  passage  des  En- 
tretiens de  Balzac  (12). 

I.  Elien  observe  que  les  habitans 
de  Thurium  ,  ayant  été  délivrés  d'un 
grand  péril  par  une  tempête  qui  rui- 
na la  flotte  de  leur  ennemi  (i3) ,  of- 
frirent des  sacrifices  au  vent  Borée  , 
qui  avait  fait  ce  ravage  ,  et  lui  confé- 
rèrent la  bourgeoisie  de  leur  ville.  Ils 
lui  assignèrent  une  maison  ,  avec  un 
revenu  fixe,  et  célébrèrent  tous  les 
ans  un  jour  de  culte  en  son  hon- 
neur (14). 

H.  Les  Mégalopolitains  lui  consacrè- 
rent un  temple,  où  ils  lui  offraient  des 


sacrifices  un  certain  jour  de  l'année  ; 
et  il  n'y  avait  point  de  divinité  qu'ils 
honorassent  pl„s  que  celle-là.  C'était 
en  reconnaissance  d'un  grand  secours 
qu'ils  en  reçurent,  lorsqu'Agis ,  roi 
de  Lacédémone  ,  assiégeait  leur  ville. 
La  machine  des  ass^geans  battait  la 
muraille  avec  tant  de  force,  que  sans 

(n)  Balzac,  Entretiens  ,  chap.  II,  pag.  80, 

(12)  Celui  que  j'ai  rapporte' dans  le  corps  de 
<  et  article.    Voyez  ci-dessus  ,  citation  (c). 
(i3)  Celait  Denjs  le  tyran. 
04)  SMan.  ,  Diveisst.  H)slor.  ,  Ub.  XII.  cap. 


effet  de  ce   culte,   ils  -firent  bâtir  un 
temple   à  Borée  sur  les  bords  de  II- 
lisse  (16J.   Ils  crurent  que  les  mêmes 
divinités   avaient  déjà    fait    périr  la 
flotte  des  Perses  proche  le  mont  Athos 
(17).  Je  n'ai  pu  encore  trouver  l'au- 
teur qui  parle  du  grand  service  que 
ce  vent  rendit  aux  Grecs,   en  jetant 
de  la  poussière  aux  yeux  d'une  armée 
des   Perses.   J'ai   bien  lu   dans  Xéno- 
phon,  que  les  Grecs,  qui  repassèrent 
l'Euphrate   après  la  défaite  du  jeune 
Cyrus,   souffrirent  beaucoup  de  froid 
à  cause  que  le  vent  Borée  leur  donnait 
sur    le    visage  ■     mais    qu'il    s'apaisa 
dès  qu'on  lui  eut  fait  un  sacrifice  se- 
lon le  conseil  d'un  devin  (18).  Notez 
qu'Apollonius    représenta   aux   Athé- 
niens ,    que   Borée   était  leur  proche 
parent  (19)5  Balzac  eût  pu  ajouter  que 
l'on  jurait  à  Atliènes  par  la   divinité 
de  Borée  ,  et  que  l'on  y  célébrait  sa 
fête  avec  beaucoup  de  solennité,  et  en 
faisant  bonne  chère  (20).  Casaubon  va 
nous  l'apprendre  dans  son  Commen- 
taire sur  ces  paroles  de  Matron  , 
Taœv  x.a.1  Bofénç  Mpi.T3-a.ro  TS^-TO/^svaaiv, 
Çuarum  durn  cot/uerenlur,    sive   recens   coc- 
tarum  ,  vel  Boreas  poteral  affici  desiderio  (21). 

<c  Sensus  aulem  est  :  adeo  bonos  pa- 
ît nés  illos  aul  placentas  fuisse  ,  ut 
»   etiam  Borealia  celebranlibus  appo- 

(i5)  Pansan.  .  Ub.  VIII  ,  pag.  266  et  259. 

(16)  Rivière  d'Athènes 

(17)  Herodot.,  Ub.    VII  ,    cap.   CLXXXIX. 

(18)  Xenopbon  ,   Je  Cyri    Expedit. ,  Ub.  IV, 
pag,  143. 

(19)  Pliilostrat.  ,  in   Vitâ  Apollonii  ,  Ub.  IV, 
pag.  167. 

(?o)  Libanius,  Declam.  XX. 
(ai)  Matron  ,  apud  AlUenrcum,  Ub.  IV ,  cap. 
1  ,  pag.  254. 


BORÉE.  5:5 

d'amour.  ]  Qu'il  soit  permis  à  Balzac 
de  faire  (Tes  railleries  sur  l'impatience 
des  femmes  modernes ,  on  ne  s'y  op- 
pose pas  j  mais  on  demande  qu  il  ne 
prenne  point  la  liberté'  de  fortifier  ses 
hoc  dicebant  et  BopuLc-fAov  supersti-  observations  par  les  éloges  de  la  pa- 
tionis  liujus  rilum.  Hesychius  ,   Bo-    tience  d'Orithye;  car  cette  dame  n'a- 

pl&TJUrjl  ,  'AÔ«V>13-|V   01    à.'1}  OVTêC  TW  /iopîd. 

topra.ç  x.a.i  9'j/vstc  «va.  *vo<roi  (niaïim 
avoo-oi)  *véa><nv.  ikukoZto  tfs  fiopocur/uoi. 
fidetur  dicere  thiasotas  liorum  sa- 
crorum  fuisse  appellatos  Bttpia.o-fju>vç. 


»  ni  potuerint.  Morts  fuit  Alhenis 
»  Boreœ  sacra  facere  ,  demerendi  il- 
»  lius  gratiâ.  Magna  solemnitate  is 
J>  dies  celebrabatur ,  atque  in  prbuis 
»  lautis  opiparisque  epulis.   Bopix^fii 


vait  nul  sujet  de  faire  valoir  cette  qua- 
lité. Personne  ,  non  pas  même  Jupi- 
ter ,  ne  surpassait  le  vent  Borée  en 
cbaleur  de  tempérament.  La  pauvre 
Europe  enlevée  ne  l'eut  pas  plus  tôt  in- 
Ego  arbttror  Bopixa/nov  id  esse  quod  voqué  pour  en  être  secourue  qu'elle 
»  jam  diximus  :  at  qui  super slilionis  rétracta  ses  prières;  elle  fit  réflexion 
»  hujus  sacra  concelebrarent,  eos  esse  que  l'un  valait  l'autre,  et  qu'elle  ne 
»  diclos  Bopizç-x; ,  ut  ax.xS'içxç ,  Ttrpx-  gagnerait  rien  au  change.  «  Voici  sa 
»  Siç-àç,  et  simileis  (22).  Castellan  n'a  plainte  :  Au  milieu  des  flots ,  sur  te 
point  parlé  de  cette  fête  (a3)j  mais  dos  de  son  amant,  ainsi  que  Nonne  le 
Fazoldus  ne  Ta  pas  oubliée  (24).  Je  fi-  rapporte  dans  le  premier  livre  de  ses 
nis  par  dire  qu'il  est  fait  mention  de    Dionysiaques  s  0    undce ,   ô  littora  , 


l'autel  du  dieu  Borée  dans  un  dialogue 
de  Platon  (a5)  :  on  y  trouve  même 
qu'il  fut  bâti  où  l'on  croyait  qu'Ori- 
thye  avait  été  enlevée.  Nous  ferons  ci- 
dessous(2G)  une  réflexion  sur  cette  sot- 
tise des  Athéniens. 

(D)  Orithye  ne  se  plaignit  point  de 
la  froideur  d'un  tel  rnari.  ]  Balzac, 
après  les  paroles  que  j'ai  rapportées 
dans  le  corps  de  cet  article,  continue 
de  cette  façon  :  «  Sur  quoi  un  Seignor 


mutaj  undie,  surdaque  littora,  meas 
audite  preces  ,  meque  huic  subtrahite 
Tauro.  Tuque ,  Borea  ,  pennis  me 
subleva  tuis.  At  verô  misera  ,  quem 
appellas,  cujus  imploras  auxilium  ,  ad 
quem  confugis?  nempè  ad  eum  qui 
nympbain  Orithyiam  rapuit,  qui  sic 
eil'usus  est  in  Venerem,  ut  magis  nemo. 
Et  certes  ,  ce  qu'Homère  dit  dans  Le 
vingtième  livre  de  son  Iliade  (28)  con- 
firme bien  ces  dernières  paroles  d'Eu- 


Dottour,  que  j'ai  céans  depuis  quel-    roPe  •  Erant  Erichlhonio  régi  Darda 

nias  equœ  1er  mille,  qui  circa  paludes 
pascebanlur.  Eus  ut  vidit  Boreus ,  ut 
periit,  ut  malus  eum  abslulit  amor. 
Equi  speciem  induit,  satiitque  fem: 
nas ,  et  ex  eis  suscepit  pullos  duode- 
cirn,  currere  sic  pernices,  ut  summas 
aristas  nonlœderenl  (29).  m  Notez  que 
la  traduction  qu'on  voit  ici  n'est  point 
littérale.  11  est  pourtant  vrai  qu'flo 
mère  'lit  que  Borée  aima  les  cavali  ■ 
d'Erichthouius  ;  et  que,  prenant  la  li- 
gure de  cheval,  il  les  couvrit  (  c'est- 
à-dire  quelques-unes),  et  en  eut  douze 
poulains,  etc.  Casaubon  ne  de\;nt  pas 
dire  que  ces  cavales  appartenaient  à 
Dardanus  (3o).  AI.  Hofman  a  commis 
la  même  faute.  On  a  dit  expn 
et  nommément,  qu'Orithye  fui  fort 
contente  de  son  ravisseur,  el 
ne  le  trouva  point  cruel  :  Crudelem  et 
Boreani  rapta  Orilhya  ntgarit  (3i). 
Mariée    tant    qu'il  vous   plaira    à  un 

(28)  C'est  au  vers  321. 

tes  sur  TAriâlée  de  A  irgile  ,  pag.  10C, 
édition  de  Lron  ,   en  itiGS. 

(3o)  ("a*aijb.  ,   ir.  Alhcn.  ,   j?a^.    254- 
(3i)  Propert.  .  eleg.  XW1  ,  Kl-.  II. 


»  ques  mois  ,  a  qui  j  ai  communique 
»  de  vos  observations ,  vous  prie  de 
}>  considérer  que  les  femmes  de  ce 
»  temps-là  étaient  bien  plus  retenues 
)'  et  plus  endurantes  que  celles  de  ce 
»  temps-ci  ;  et  que  si  une  Orithye 
a  d'aujourd'hui  avait  épousé  un  mari 
»  aussi  froid  que  le  vent  de  bise,  elle 
»  l'accuserait  d'impuissance  dès  le 
»  lendemain  de  ses  noces  ,  et  présen- 
»  ferait  requête  pour  la  dissolution 
»  de  son  mariage.  La  dame  d'Athë- 
»  nés  néanmoins  ne  s'est  point  plainte 
»  à  l'aréopage,  n'a  point  eu  d'avocat 
»  qui  ait  allégué  le  titre  defrigidis, 
»  n'a  point  fait  mauvais  ménage  avec 
»  borée  ,  ou  autrement  avec  Aqui- 
»  Ion  (27).  " 

(E)  Borce  était  fort  ardent  en  fait 

(22)  Casaubon.  ,  in  Alben.  ,  lib.  IV.  cap.  V, 
pag.  254. 

1,23)  ïn  Tractatu  dr  Festis  C-ratcorum. 
(24)  Fizoldus,  in  Ierolo«iâ,  pag.  124. 
(2s)  Plato  ,  in  Pbœdro  ,  circa  iait.  ,  pag.  1211. 
(26)  Dans  la  remarque  (G). 

Vi'.zic  ,    futret.   \  ,   ckap.  II ,  p.zg.  So, 


576 


EORÉE. 


mari  froid  ,  elle  accoucha  prompte- 
ment  de  deux  jumeaux  : 

Dum  votât,  arserunl  agitait  fortiuf  ignés, 
Nec  priiis  aëni  cursus  suppressit  habenas, 
Quàm     Ciconum    tenait    populos    et    mienia 

raptor. 
Illic  et  geltdi  conjux  Activa  tjranni  , 
Et  genitrix  fada    est ,  partuque  enixa  ge- 

mellos   (3a). 

Il  sentait  croître  son  feu  par  la  vitesse 
de  son  vol  :  il  faut  donc  croire  qu'il 
ne  mit  pas  beaucoup  de  temps  à  son 
trajet;  et  ainsi  Ovide  ne  lui  donne 
pas  trop  de  patience,  lorsqu'il  sup- 
pose que  le  mariage  ne  fut  consommé 
que  dans  la  ville  où  le  ravisseur  faisait 
sa  demeure.  Mais  d'autres  assurent 
qu'il  ne  tarda  pas  tant  à  contenter  son 
amour.  Jls  prétendent  qu'en  volant 
sur  la  mer  il  découvrit  une  plaine 
couverte  de  fleurs,  qui  lui  parut  pro- 
pre à  lui  servir  de  couche  nuptiale  ,  et 
qu'il  s'en  servit  à  cette  fin.  Lisez  ce 
qui  suit  : 

Hic  misère  rorem  infestât  crudelis  ,  et  asper. 

At  prœtlo  ,   etfactlu  .  cl  raptd  conjuge  milis. 

Vainque  per  aêrias  Punti  dum  piœterit  oras 

Vota  ferens  ,  vidil  procul  in  convalle   rernolà 

Planitiem  viridi  latèjlorescere  cainpo. 

Admonutl  Ivcus  oplatœ  cum  conjuge  noclis. 

Desilit ,  ac  mollt  lacninantem  amplexus  in 
hrrbd , 

Explicuitque  smtts  ,  munusque  implevit  aman- 
Us. 

llla  gravis  oculos  ah  humo  vix  anxia  tollens 

Flebal  ,  eatn  insolito  conjux  solatur  honore. 

His  ego  pro  laarmisjlorum  ,  gratusque  mfl- 
tnorque, 

Nocturnos  spargam  rores  ,  ea  prœmia  sttnlo. 

Debeat  hoc  raptœ  pontus  mentor  Ortthytœ. 

Subrisit,  tenerumque  genis  suJ/Udit  honorem 

Lœta  vtri  dictis  ,  et  tanto  munere  conjux. 

Ille  novam  senstt  labiper  pecturajiamniain} 

Optatos  repelens  somnos,  molltquf  qtttete 

Lenitt  accensum  complexu  conjugis  igttem. 

Scilicet  et  Boreat  cattdo  contrarius  Aus- 
tro,  eu.  (33;. 

Apollonius  prétend  que  le  ravisseur 
jouit  d'Ofithye  sur  le  bord  d'une  ri- 
vière de  Tlirace  (34) ,  et  qu'il  la  cou- 
vrit d'une  nue  (35,1.  JNe  vous  imaginez 
pas  que  les  poètes  aient  choque  le 
vraisemblable,  quand  ils  ont  repré- 
senté le  même  Dieu  fort  amoureux  et 
tout  couvert  de  glaçons  : 

Nunc  gelidus  siccdBoreas  bacchatur  ab  Arc- 
to  (36). 

(3î)  Ovid.,  Meta»..,  lib.  VI ,  vs.  708. 

(33)  JovianusPontanus  .  m  Mcteoris ,  cap.  de 
Pruind  et  Rare,  folio  Ii3  verso. 

(34)  Nommée  hrgine. 

(o5j  Apoilon.  ,  Argon   ,  lib.  I ,  vs.  21  fi. 

(36)  Ovidius,,  cleg.  II,  vs.    ^9,  lib.  I   Tris- 

t'.Uœ. 


Thracius  hoc  Boreas  scopulos  immilia  régna 
Solus  habel,  semperque  1  igens  nunc  littora... 
Atque  ubi   se  terris  glaciali  fundit   ab  Arc- 

10  (37). 
Cum  gravis  arntalur    Boreas  ,  glacieque  mi- 

naci 
Hispidus  ,  et  Gelicd  concretus  grandine  pen- 

nas  (38). 

L'histoire  ne  nous  apprend-elle  point 
que  l'amour  règne  dans  les  climats  les 
plus  glacés  ?  A  cet  égard- là,  toutes  les 
zones  de  la  terre  sont  torrides,  com- 
me je  l'ai  dit  ailleurs  (3g).  Pourquoi 
Borée  n'aimerait  il  pas,  puisque  IVep- 
tune  a  bien  aimé  au  milieu  de  toutes 
ses  ondes  ?  Pourquoi  n'aurait-il  point 
d'amour,  puiique  Pluton  en  a  bien  eu 
jusque  dans  le  séjour  des  mdnes  ? 
Pourquoi  ne  ressentirait-il  pas  les  ef- 
fets de  cette  passion,  puisque  Poly- 
phême  les  a  pu  ressentir  dans  sa  ca- 
verne ? 

Omnia  vin.cit  amor 

Ecloga  X.  Virc. 

L'amour  surmonte  tout  :  il  n'est  rien 
qui  lui  résiste.  Il  se  joue  des  lions 
comme  des  moineaux  ,  et  triomphe 
auss-  bien  au  Ponl-Euxin,  que  dans 
la  France.  Properee  le  dit  en  un  mot  : 

Hic  Deus  et  terras,  et  mari»  alta  domat. 

El  Guarini ,  dans  la  première  scène 
du  premier  acte  de  son  Berger  Fidèle 
(4«)-  L'auteur  que  je  cite  rapporte 
tout  le  passage  du  Pastor  Fido  :  j'y 
renvoie  mon  lecteur.  Ce  galant , 
ajoute-t-il  (4») ,  en  parlant  de  notre 
Borée  ,  est  de  bonne  trempe.  Quoiqu'il 
brûle  d'amour,  il  est  d'intelligence 
avec  le  froid  et  la  neige. 

Scil  nivibus  servare  fidem. 

El  comme  dit  Virgile ,  Georg.,  liv.  I, 
vs  q3, 

.   .  .   Borea;  penelrabile  frigus  adurit. 

On  peut  donner  pour  une  preuve  de 
la  sensibilité  de  Borée  sur  le  chapitre 
de  l'amour,  l'emportement  qui  le 
poussa  à  briser  contre  un  rocher  une 
maîtresse  qui  lui  avait  préféré  Pan. 
Citons  encore  le  même  auteur,  puis- 
qu'aussi  bien  le  faudra-t-il  critiquer 
en  quelque  cliose.  Onthye  fut  sage  , 
dit-il  (4-0»  de  ne  U  moi ^ner  point  de 

(3:)  Silius  liai. ,  lib.  T,  vs.  586. 

(38)  Claudian.  ,  de  Kaplu  l'roserp.  ,  lib.  I, 
vs.  70. 

(3q>  Dans  la  remarque  (I)  de  Varticle  Ermi- 
te /m   ri. 

(4o)  Notes  sur  l'Aristée  de  Virgile,  pag.  97. 
(4i)  Ht  même,  pag.  110,  ni. 
(42;  La  mente  ,  pai; .  102. 


BORÉE. 


>77 


regret  d'avoir  été  enlevée  ;  car  elle  a- 
vail  nJJ'mrt  h  un  étrange  ravisseur  .  qui 
l'eut  bien  pu  froisser  a  que/</ue  roclu  r, 
comme  il  fit  l<i  belle  Pily»  ,  nu  rap- 
port de  Pausanias  (43/.  Ecoutez  ce 
qu'en  du  Achille  Bocr.hius,  dans  ses 
Emblèmes.  Il  rapporte  t ont  du  long  les 
vers  de  ce  Bocchius  :  vous  en  trouverez 
le  sens  dans  ce  passage  d'un  commen- 
tateur de  Properce  :  l^ere  arnica  pi- 
nus  Arcadio  Deo  ,  ut  pôle  quem  Boreœ 
amatori  item  sun ,  lune  quùm  puelln 
adlinc  esset  ,  longé  prœferret ,  undè 
Tkrax  ille  injuriœ  impatiens  depre- 
hensain  forte  solam  spatioso  campa  , 
saxo  allisit ,  quant  infeliciter  moribun- 
dam  exceptant  intra  gremium  suum 
tellus  in  arborent  engnominent  com- 
mutafit  -,  cujus  frondibùs  poste'a  tem- 
pora  prœcincttts  semper  specialus  est 
Jlrcaditts  Deus.  Quai  fabula  exstal 
apud  Constanlinum  Geoponi  cum,  xi , 
et  tangitur  à  Nonno  in  Dionysiac, 
(44)'  Si  jc  voulais  dire  avec  M.  Hof- 
niaii  ,  que  Borée  fut  amoureux  du 
beau  garçon  Hyacinthe  ,  qu'Apol- 
lon aimait  aussi,  j'aurais  un  second 
exemple  de  la  jalousie  furieuse  de  ce 
ravisseur  d'Orithye  :  car  chacun  sait 
que  le  rival  d'Apollon  fut  si  enragé  de 
n'avoir  pas  la  préférence,  qu'il  fit 
mourir  Hyacinthe,  en  lui  repoussant 
sur  la  tête  le  palet  qu'Apollon  avait 
j  té.  Mais  .M.  Hofnian  s'abuse  ;  ce  fut 
le  vent  Zéphyre,  et  non  pas  le  vent 
Borée  ,  qui  lit  ce  coup- là  (45).  Notons 
que  cet  écrivain  fait  une  autre  faute, 
en  nommant  Erichtoniut  ,  au  lieu 
diErechleùs  ,  le  père  d'Orithye. 

(F)  Il  eut...  entre  autres  en  fans, 
Zethèi  et  Calais,  dont  je  (humerai 
l'histoire"]  Ils  étaient  jumeaux  ,  et  les 
premiers  né^  d'Orithye,  selon  Ovide; 
mais,  selon  d'autres  (46),  ils  naquirent 
après  Chione,  Chtonie  et  Cléopâtre, 
leurs  sœurs. Ilsfurentdunombredes  Ar- 
gonautes, et  ils  rendirent  un  très-grand 
service  à  leur  beau-frère  Phiuce  (.$7): 
ils  donnèrent  la  chasse  aux  Harpies  , 
qui  le  tourmentaient  cruellement  ;  car 
elles  enlevaient  tout  ce  qu'on  portait 

(4<)  Il  11  est  pas  vrai  que  Pausanias  parle  de 


cela 

(44)  Oouiajilius  in  hœc  verba  Properlii  eleg. 
X\  IL  ,  Lit.  I,vs  20,  et  ArcadioPmu>amata  Deo. 

(45)  Voyn  Palapbatas,  cap.  Xl.Vlt ,  Lu- 
çian  .  1/1  Diaibg.  NLercurii  et  Apollinia;  Plnlo^- 
tut  ,  m  Hyacimho  ;  liflics,  chil.  I ,  cap.  XI. 

(4ti)   Scboliast     Apollon.,    in   lib.  I,  vs.  III. 
Voyez  aussi  Apollodone  ,  liv.  III,  pag.   246. 
(17;  //  avait  été  marié  avec  Cléopàlce. 

tome  ni. 


sur  sa  table,  et  si  elles  y  laissaient 
quelques  chose  ,  elles  l'infectaient 
d'une  puanteur  horrible.  Ils  les  pour- 
suivirent jusques  aux  îles  Slrophades, 
et  ils  les  eussent  tuées,  si  une  voix  in- 
connue ne  le  leur  eût  défendu  de  la 
part  des  dieux  (48)  a  Dans  les  jeux 
»  qu'Acaste  ,  fils  de  Pelée,  célébra  ,  où 
»  tous  les  Argonautes  se  trouvèrent  , 
»  Zéthés  et  Calais  furent  victorieux  : 
»  In  ludis  quos  fecit  Acastus ,  Pelei 
»  fi/ius  ,  vicerunt  Zethus  Aquilonis 
»  Jilius  do'iehodromo  ,  Calais  ejusdem 
»  Jilius  diaulo.  >■  Jc  tire  cela  des  notes 
sur  l'Aristée  de  Virgile.  Le  passage 
latin  est  d'Hyginus ,  au  chapitre 
CCLXXill.  IL  Jurent  lues,  continue 
l'auteur  de  ces  notes,  par  Hercule, 
en  l'île  de  Ténos  ,  aux  obsèques  du  roi 
Peltii*,  ,  pour  avoir  pris  la  querelle  de 
Ttpliis  ,  le  patron  du  navire  Argo, 
contre  Telamon,  qui  voulait  que  l'on 
attendit  hercules  ,  qui  s'était  éloigné 
d'eux ,  pour  chercher  son  cher  Hyias. 
Les  dieux  touches  de  leur  mort  les 
convertirent  en  vents  ,  qui  pour  l'ordi- 
naire précèdent  de  huit  jours  le  lever 
de  la  Canicule ,  d'où  ils  sont  appelé.. 
TrpïSpofAti,  comme  qui  dirait  précurseurs. 
Toutefois  Hyginus,  au  chapitre  XI P 
dit  qu'ils  Jurent  inhumés,  et  que  ion 
voit  leur  sépulcre  s'émouvoir  au  souf- 
fle de  leur  père  (  49  )•  On  donne  d'au- 
tres  raisons  de  la  colère  qui  porta 
Hercule  à  les  tuer  (5o);  mais  on  ne  dit 
rien  d'un  sujet  de  jalousie  qui  l'irrita 
peut-être  plus  que  toute  autre  chose. 
Properoe  raconte  que  ces  deux  frères  , 
B'étaut  aperçus  qu'Hylas  ,  le  mignon 
d'Hercule,  allait  chercher  à  Pécari 
une  fontaine,  le  poursuivirent  et  le 
caressèrent  passionnément  (5t  ., 

Callimaque  a  fait  mén  i  m  de  trois 
filles  île  Borée,  qui  portèrent  des  of- 
frandes à  l'île  de  Délos  (,5a).  H  les 
nomme  Oupis  ,  Loxo,  t  Hecaerge.  On 
dit  aussi  que  l'enlèvement  d'Orithye 
n'est  pas  le  seul  acte  de  cette  espèce 
que  Borée  ait  commis  :  on  prétend  qu'il 

(4S)  Ex  Valer.  FUcco  ,  lib.  IV. 
)g    Noies  sur  l'An-lér  dr.   Virgile ,  vag .  «4  1. 
L'auteur  a  copié  ceci  tir  Vige  cre  sur  le  Glanent 

lr  Politique  dp  Philostraie.  pa/f.  '^1  ,  743  du 
Irr.  tome  ,  m-4°.  La  source  est  aatis  Apollo- 
nius, Argon.  ,  Uv.  I ,  vs.  ijoo  el  suivant. 

(So)  Vuyez  Nat.im  Cornes,  Blythol. ,  l.b 
VIII  ,  cap.  XI  ,pag.S6i,  864.  Ilapuisidant 
le  Scboliastc  d'Apolloo.  ,  liv.   I  ■ 

(5 11  Prnpert.  ,   eleg.  XX,  lib.  I. 

(5a)  Calllmaci.i  rlymn.  in  IMnn,  vs.  79a. 


°7 


578 


BORÉE. 


enleva  Chloris  ,  fille  d'Arcturus,  et  source  de  la  rivière  de  Céphisse  proche 
qu'il  en  eut  une  fille .  Memoriœ  pro-  de  Lile'a  dans  la  Phocide  (63)  ;  mais  il 
ditum  est  a  Cleanthe  ,  in  primo  libro  vaut  mieux  les  entendre  d'une  fontaine 
de  Moribus,  Boreamrapuisse  Chlorim  particulière,  nommée  Ce'phisse  ,  pro- 
quoque  Arclurijiliam,  alque  illatn  in  che  d'Athènes  (64)-  Nous  n'avons  pas 
cillent  Niphatem  asporldsse ,  qui  pas-  dit  encore  tout  ce  qui  regarde' les  va- 
te'a  Thorus  Boreœ  vocatus  fuit ,  ante-  riations  des  auteurs  sur  le  lieu  de l'en- 
quàm  diceretur  Caucasus  ,  de  quâfi-  lèveraient.  Platon  observe  qu'il  y  avait 
liant  suscepit  Hjrpacem  (53).  Voyez  une  tradition  ,  qu'Orithye  fut  enlevée 
la  remarque  (H).  de  l'aréopage.  "H  è|  'Aftiou  Tckyw  >*- 
(G)  Il  y'  a  quelques  variations  sur  les  yiim  yà.p  ctù  x.di  oÙToçôkoyoç ,  à>ç  îiaïbiv 
circonstances  de  l'enlèvement  d'Ori-  à.h\  où»  îvBivJi  »p7raj-6«.  f^el  ex  areo- 
thre.\  Les  uns  disent  qu'elle  était  au  pago.  Est  enint  et  aliafama  non  ex 
bord  de  la  rivière  d'Ilisse  quand  elle  hoc  loco  sed  ex  illo  raptamjuisse  (65). 
fut  enlevée.  C'est  le  sentiment  d'A-  Il  venait  de  toucher  l'opinion  la  plu* 
pollonius  (54) ,  de  Pausanias  (55) ,  et  commune  ,  savoir  que  l'Ilissus  était  le 
de  Denys  Periegete.  «  Tzetze  suit  ce  lieu  d'où  elle  fut  enlevée.  Ne  prenons 
»  sentiment  dans  ses  Chiliades.  Tou-  point  pour  un  nouveau  sentiment  ce 
»  tefois  ,  liérile  dit  que  ce  fut  au  bord  que  dit  M.  Guillet ,  que  ce  fut  au 
»  de  la  fontaine  Céphise  ,  et  Simonide  quartier  Agra  ou  Agrœ  ,  que  Boréas 
ii  auprès  du  fleuve  Brilisse  (56).  »  enleva  la  jeune  Orithye,  et  que  la  dées- 
L'auteur,  dont  j'emprunte  ce  passage,  se  Diane  prit  la  première  fois  le  plat- 
avait  puisé  dans  Natalis  Cornes.  11  au-  sir  de  lu  chasse  (66).  Ce  quartier  était 
rait  dû  prendre  garde  que  l'original  le  lieu  où  l'on  voyait  l'autel  de  Bo- 
ue dit  point  que  Brilisse  fût  un  fleuve,  rée  ,  et  le  temple  de  Diane  Agra?a  ;  et 
On  n'y  voit  que  ces  paroles  :  Simonide  s  il  était  au  bord  de  l'Hisse.  C'est  ce 
tamen  poêla  non  ab  llisso  ,  sed  a  Bri-  qu'on  peut  recueillir  de  deux  passage* 
lisso  raptam  fuisse  Orilhjiam  pula-  conférés  ensemble ,  l'un  de  Platon 
vit  (  57  )•  Cela  est  tiré  du  scoliaste  (G7) ,  l'autre  de  Pausanias  (68). 
d'Apollonius.  Voici  ce  qu'il  dit  :  Tav  éi  Voici  les  diversités  qui  se  rappor- 
'Am'Svmlv  2i/*»v/J>i5  ocro  BfiMa-u-oû  <$/i<n»  tent  aux  occupations  d'Orithye.  Quel- 
â.p7ra.yiis-!ty ,  fjriT»v  2«p3r»Jbvfat.v  néT^stv  ques- uns  disent  en  général  qu'elle 
Tiiç  ©poÎkik  *vê^6«v*t.  Orilhyiam  vero  se  divertissait  (69)  ,  d'autres  qu'elle 
Simonidts  ait  raptam  à  Britisso  in  cueillait  desfleurs  (70),  d'autres  qu'elle 
Sarpedoniam  Petram  Thraciœ  alla-  traversait  l'Hisse  (71) ,  d'autres  qu'elle 
tant  esse  (58).  Il  y  a  beaucoup  d'appa-  dansait,  d'autres  qu'elle  se  baignait, 
rence  que  son  Brilissus  est  la  monta-  Platon  insinue  fort  clairement  cette 
gne  Brilessus ,  dont  Thucydide  (5g) ,  dernière  opinion  (72)  ;  et  nous  trou- 
Strabon  (60),  et  Pline  (61),  ont  fait  vons  la  quatrième  en  propres  termes 
mention.  Elle  était  au  pays  d'Attique.  dans  ces  vers  d'Apollonius  : 


Le  même  scoliaste  est  celui  qui  nous 
fait    savoir  le   sentiment  de  Cherile. 

Xoif/xw  «Tî,  dit-il  (62),  ipTretaûhtu  <^ 
a-ii  àut'hv  «vÔ»  ày.îxyouTctv  Cnh  to.ç  toc/ 
Kd^is-ff-oS  7rnyâ.ç.  Cnosrilus  veto  duit 
raptam  fuisse  illam  colligenlem  flores 
ad  fontes  Cephissi.  On  pourrait  en- 
tendre par  ces   dernières  paroles   la 

(53)  Natalis  Cornes,    Myihol. ,    Ub.    VIII , 
cap.  XI,  pag.  864- 

(54)  Apollon,  Argon.  ,  Ub.   /,  vs.  2i5. 
(55;  Pausanias,  Ub.   I,  pag.  17. 

(56)  Notes  sur  l'Aristée  de  Virgile  ,  pag.  101 , 

(57)  Natalis  Cornes,  Mythol.  ,  pag.  864. 

(58)  Scboliast.  Apollon.  ,  in  Ub.  I ,  vs.  21 1. 
(5g)  Tbucyd.,  Ub.  II. 

(tîô)  Strabo,  Ub.  IX,  pag.  2-5. 

(6i)  Plinius  ,  Ub.  IV,  cap-   V H,  Pag.  frî. 

(fia)  Schol.  Apoll.  ,  in  Ub.  I  ,  vs.  211. 


'Es-^slTiî)  ©pitxHç  éucrfei/Ltîpou'ïvB'  àipef. 
tm'v  yi. 

©pïjtl&Ç    BopêMÇ  OtVSp'vJ.a.TO  Kffcf  07TI)l6êV  , 

'ïhiTC-tju  7rp<,7ra.p<i&t  X.Qpfo  iVi  éiviu<jvea.\  . 
In  ullimà  intempes  là  Thiacuî,  quo  islam 

(63) 'o  Tr&Ttf/tûç  èvrct.d6ct.  'i%u  tac  tth- 
yiç.  Hic  sunt  amnis  ipsiusfonles.  Pausanias  , 
Ub.  X,  pag.  35i. 

(Ci;  l'Imius  .  Ub.  IV ,  cap.  VII.  Voje-.aussi 
Aulu-Gelle  ,  ton  XVIII,  chap.  X. 

(65)  Plato,  in  Phaidro  ,  pat;.  1211. 

(66)  Guillet,  Athènes  ancienne  et  nouvelle, 
pag.  264. 

(67)  Plato,  in  Pbaïdro,  pag.  1211. 

(68)  Pausanias  ,  Ub.  I  ,  pag.  17. 

(69)  Idem  ,  ibidem. 

(70)  Voyei  ci-dessus  la  citation  (62). 

(71)  Apollod.,  Ub-  III,  pag.  il?)- 

(72)  Plato,  inPliadro,  pag.  !»»■ 


BORÉE. 


5:i) 


Thraciur  À,)Uilo  rejecerat  h  Cecropia, 
Ciun  se  propler  Ilissum  in  choro  circumage- 
bal  (73); 


.Te  ne  cile    ce  passage    qu'afin   qu'on 
voie  la    témérité  de   l'historien  d'un 
antre  Apollonius.  11  suppose  que  son 
héros  ,  censurant  les  Athéniens,  leur 
dit  que  si    Orilhye    avait  dansé  ,  elle 
n'aurait  point  donne  d'amour.  Cet  en- 
droit de  Philostrate  est  assez  curieux 
pour    mériter   que  j'en    rapporte  la 
version   latine.    Oporlet  ventos  vcne- 
rari  ,  prœsertim  ciun  socii  veslri  sint , 
et  pro    vobis   maxime   spirent,   ne  que 
llueam  affinem  vestrum ,  qui  maxi- 
me ventorum  omnium  masculus  est, 
fœminam  facere  decet  ,    neque  enim 
ipse  Bnreas  Orythium  amdsset,  sieam 
vïdisset  tripudianlem  (74)-  Artus  Tho- 
mas sieur  d'r'mhri  ,  qui  a  commenté 
cet  ouvrage  de  Philostrate,  aurait  dû 
nous  avertir  de  l'opposition  qui  se  ren- 
contre entre  le  discours  d'Apollonius 
le   pacte,  et  le  discours  d'Apollonius 
le  philosophe.   H   se  serait  fait  plus 
d'honneur,  en  observant  les  imperti- 
nences de  ce  dernier  ,  qu'en  nous  con 
tant  ,    i°. ,  que  les  uns  font  Borée  fils 
d'Aslrée,   et   les   autres   disent  qu'il 
était  Thracien;  n°.  que  Simonides  ap- 
pelle Brillisse   la   rivière   près   de   la- 
quelle Ontliye  fut  enlevée   (75).    Ce 
sont  deux  fautes:  car  être  fils  dAs- 
trée  ,  et  être  de  Thrace  ,  ne  sont  pas 
deux  choses  contraires  ;   et    Si  numide 
ne  dit   point  que  lirilisse  lût   une  ri- 
vière Qu'on  ne  me  dise  pas  qu  Apol- 
lonius  eût  été  blâmable,   si,    ayant 
envie   de   corriger  les   Athéniens,    il 
eut  réfuté    les  rêveries  qu'ils  racon- 
taient  de  Borée  :  il  ne   faut   point, 
dis-je,   que  l'on  m'allègue  cela,  puis- 
qu'il  y  avait   un  bon   milieu  à    tenir 
entre  choquer  des  traditions  ridicules, 
et  les  supposer  comme  véritables.    Il 
n'en   fallait  point    parler   :  c'était    le 
parti  que  devait  prendre  un  philosophe 
persuade    qu'une    réfutation    de    ces 
sornettes  piquerait  Les  auditeurs.  Mais 
quel  désordre!   les  Athéniens  si  lins, 
si  polis,   si  éclairés,  se  laissent    per- 
suader que  la  fille  de  l'un  de  leurs  vus 
donna  de  L'amour  à  un    vent  .  qu  elle 
coucha  avec  lui,  qu'elle  en  fut  eugros- 

(7S)  Apollonius,  Argonaut.  ,  lib.  1  ,  vs.  "3, 
paç    a4- 

(-4,  rt.il.,  in  Vità  Apoflonii,  lib    7K.  p.  1O7. 

^-.".i  Artus  Thomas  ,  sieur  tï F.iubri ,  dans  ses 
Annotation,  sur  la  \  ie  d'Apollonius  ,  traduite  en 
français p«r  Vigenère,  tom.  /  ,  p«s-  8or. 


sée,  que  ce  mariage  établit  une   al" 
liance  entre  eux  et  ce  vent,  et  qu'il8 
tirèrent  de  grands  secours  de  cet  allié, 
en  lui  demandant  son  assistance  dans 
la  guerre  contre  les  Perses.  Ils  furent 
si  persuadés  de  toutes  ces  choses ,  qu'ils 
les  confirmèrent  par  des  décrets  pu- 
blics, par  la  construction  d'un  autel, 
par  la  célébration  d'un  anniversaire. 
Ce  que  je  remarque ,  afin  que  personne 
ne  m'objecte  que   l'enlèvement   d'O- 
rithye     était   regardé  dans   Athènes 
comme  une    fiction  poétique,    et   un 
jeu  d'esprit.  Cette  objection  est  très- 
fausse.   Tout  ce  que  je  viens  dr  dire 
du  vent  Borée  était  un  article  de  foi 
parmi    les   Athéniens.   Je   crois    bien 
qu'au  commencement  ce  ne  fut  qu'une 
fantaisie  de  poète  ,   chantée   dans  les 
carrefours  ;   mais  enfin  elle  se  fourra 
dans  le  système  de  la  religion  publique. 
Disons  la  même  chose  des  autres  par- 
ties de  la  religion  païenne  ,   et  remar- 
quons  par-là   une  différence  notable 
entre  le  mahométisme    et  le  paganis- 
me. Un  imposteur  a  fondé  le  mahome  ■ 
tisme  :  il  a  eu  cela  pour  but  ;  mais  le 
paganisme  s'est  formé  sur  les  jeux  d'es- 
prit de  quelques  poètes,  qui  ne  son- 
geaient point   à   canoniser  leurs   fic- 
tions ,    et     qui     ne    les     inventaient. 
que  pour  s'amuser.    C'est  d'eux    que 
Ton  pouvait  dire  hce  nugœ  séria  du 
cent  in  mala.  Depuis  qu'une    lois  ces 
badineries   furent    regardées   comme 
un   point   de   foi,   elle  ne  déchurent 
jamais    de    leur    crédit.    C'est   à    cet 
égard  que  les  Égyptiens  pouvaient  dire 
aux  Grecs  ,   vous  êtes  toujours  en/ans 
(76);  mais  les  Grecs  pouvaient  encore 
mieux  leur  faire   le  même  reproche  à 
cet  égard-là  (77).  Aussi  l'on  ne  trouve 
point   d'auteur   parmi    eux,    qui  soit 
digne  de  l'honnêteté  qu'un  Romain  a 
eue  pour  Diodore  de  Sicile  ,  dont  il  a 
dit  ,  c'est   le  premier  entre  les  Grecs 
qui  ait  cessé  de  niaiser  (78). 

Je  ne  prétends  pas  que  tous  les  Athé- 


(76) "n  2<ixa»f  ,    SwÀ.ïv,  "EKKMitt 
erxjfiç  i<?i....  viot  iere  («MniV)  t*î  \v~/M 

TivTK.    OSolo,  Solo,  Gra-ci  pueri  semper  es- 

u [uvenis  tempervobii  est  anunus.  Plato, 

,a  Timxo,  pag-  i<»43,  C. 

'Yl)    Quis   ne<cU,    J'o'.us.  BUhjTÛce,   qualia 

,1  mens 
E"rplusporlenlacolr.t,  tic. 

Juvenal.,  Sat    XV,  inU. 
(-8)  Apud    Grcecos   de,i,i  nugari   D.odoms. 
Plin.  ,   in  Pr*fal  .  pag.    i» 


58o  BORGARUTIUS. 

uiens  fussent  assez  simples ,  pour  a- 
jouter  foi  à  ces  beaux  contes.  Je  me 
souviens  de  la  réponse  que  Platon  a 
mise  dans  la  bouche  de  Socrate  inter- 
rogé s'il  croyait  que  la  tradition  de 
l'enlèvement  d'Orithye  fut  véritable, 
etKK  e»V«    Trpoç   Aïoç,  ci  2a>xp*T£ç'  Kett  crû 

sed  die  ver  Jovem ,  Sociales ,  tu  ne 
liane  fubulam  putas  veramfuisse  (79)? 
u  Si  je  croyais  avec  les  sages,  répon- 
»  dit-il,  qu'elle  est  fausse,  je  ne  se- 
«  rais  pas  absurde.  »  'Axa'  ù  *yiç-oi'iiv, 
ùis-TTif  ci  <rc><$ il ,  tùx-  *v  Àtotoç  eï»y.  Jani 
si  non  pularem  ut  sapeintes  ,  absurdus 
non  essem  (80).  Ou  voit ,  d'un  coté, 


par  ces  paroles,  que  les  personnes  les 
plus  éclairées  jugeaient  de  cela  comme 
il  fallait;  et  de  l'autre,  qu'on  gardait 
quelques  mesures  en  s'expliquant  là- 
dessus  dans  un  ouvrage  public.  Quoi 
qu'il  en  soit,  une  infinité  d'Athéniens 
pleins  d'esprit  et  de  bon  sens  en  toute 
autre  chose,  cent  fois  plus  capables  de 
tromper  que  de  se  laisser  tromper, 
croyaient  bonnement  ce  qu'on  leur  di- 
sait de  Borée  et  d'Orithye.  C'est  là  un 
sujet  d'étonnement  :  on  y  trouve  une 
belle  moralité  sur  la  faiblesse  de  l'en- 
tendement humain.  Jugeons  de  l'an- 
cien par  le  moderne.  Aujourd'hui  , 
dans  Rome,  où  il  y  a  tant  d'esprit  et 
tant  de  prudence,  on  croit  communé- 
ment  la    plupart  des   traditions    qui 


Harpax,  et  qui  succéda  au  roi  Henio- 
chus.  Cette  montagne  fut  ensuite  ap- 
pelée Caucase,  parce  que  Saturne  s'y 
étant  réfugié,  après  la  guerre  des 
géans,  et  par  la  peur  que  lui  firent  les 
menaces  de  son  fils,  y  tua  un  berger 
nommé  Caucase.  Il  fut  chassé  de  cet 
asile,  et  précipité  dans  le  Tartare.  Ju- 
piter l'y  précipita,  et  voulut  que  la 
montagne  fût  appelée  Caucase ,  en 
l'honneur  de  ce  berger,  et  y  attacha 
Prométhée.  C'est  ce  que  Cléanthe  ra- 
contait au  IIIe.  livre  de  la  Théoma- 
chie.  Il  n'est  pas  certain  que  Plutarque 
l'ait  cité  à  l'égard  des  choses  qui  con- 
cernent le  vent  Borée  ;  et  ainsi  Nata- 
lis  Cornes  est  censurable  par  bien  des 
endroits. 


BORGARUTIUS  (  Prosper  ) , 
médecin  italien,  a  vécu  au  XV  IIe. 
siècle.  Il  publia  quelques  ouvra- 
ges ,  dont  le  premier  fut  un  Trai- 
té d'Analomie.  Il  le  composa  en 
sa  langue  maternelle  ;    et  ayant 
vu  qu'on    l'approuvait  à   un  tel 
point,  que  les  professeurs  d'ana- 
tomie  dans  les  universités  d'Ita- 
lie ne  faisaient  point   difficulté 
d'adopter'  ses  propres  paroles  ,  il 
résolut  de  le  traduire  en  latin  , 
fondent  le  culte  de  quelques  chapelles    et  d'y  ajouter  plusieurs  nouvelles 
particulières.  Un  petit  nombre  d'es-    observations     qu'il    avait    faites 
nrits    plus    forts    n  en   croient    rien.  i       .        ri  •         •*         1  i- 

\,    Z         ■      '  1  e    t  „  •,„„     -  *  va     pendant  cru  il  enseignait   pubh- 
(J  est  ainsi  qu  il  taut  raisonner  a  1  e-    1  1  .  5  1 

quement  1  anatonne  a  radoue.  11 
ne  se  contenta  pas  de  communi- 
quer au  public  les  lumières  que 
la  dissection  des  corps  peut  don- 
ner ,  il  travailla  aussi  sur  les 
remèdes  des  maladies  ,  et  fit  im- 
primer quelque  chose  là-dessus  , 
quoiqu'il  eût  juré  de  n'avoir  ja- 
mais affaire  avec  les  libraires  (A). 
11  fit  un  voyage  à  la  cour  de 
France,  l'an  1667  :  et  comme  il 
se  qualifie  Medicus  regius ,  mé- 
decin du  roi ,  je  conjecture  qu'il 
obtint  alors  ce  titre.  Il  trouva  à 
Paris  le  manuscrit  de  la  Grande 
Chirurgie  de  Vesalius ,  et  l'ache- 
ta ,  et  le  fit  imprimer  à  Venise 


en   croient 
raisonner  à  l'é- 
gard de  l'ancienne  Grèce. 

(H)  P'oici  une  observation  sur  un 
passage  de  JYatalts  Cornes.  ]  Nous  a- 
vons  vu  (81)  que  cet  écrivain  assure 
que  Borée  enleva  Chloris,  fille  d'Arc- 
turus,  et  la  transporta  sur  le  mont 
Niphale  ,  qui  fut  ensuite  nommé  le  lit 
de  Borée  ;  et  qu'il  eut  d'elle  une  fille  , 
qui  eut  nom  Hyrpace.  Natalis  Cornes 
prétend  que  Cléanthe  racontait  cela 
dans  le  Ier.  livre  de  Moribus  ;  mais 
voici  ce  que  Plutarque  nous  apprend 
(82).  Le  mont  Niphate  fut  appelé  le 
lit  de  Borée,  depuis  que  ce  Dieu  y  eut 
transporté  Chloris,  tille  d'Arcturin 
(83).   Il  en  eut  un  fils  qui  fut   appelé 

(-C))  Plato,   in  Pbœdro,  pag.  121%,  A. 
(80)  Idem ,  ibidem. 
(80  Ci-dessus,  citation  (53). 
(82)  Plutarcb.  ,  de  Fluviis,  pag.  iS. 
(Si)  C'était  ta  rivière  que  l'on  nomma  ensuite 
Phasis. 


BORGARUTIUS 
(a),  l'an  15G9,  /n_8°-  (B)-  Son 
épître  dédicatoire  ,  datée  de  Pa- 
doue  ,  le  i3  de  septembre  i568  , 
m'a  fourni  ce  que  je  viens  de  rap- 
porter. 

(a)  Ex  qfficinâ  V  algrisianâ. 

(A)  Il  fit  imprimer  quelque  chose..., 
quoiqu'il  eût  juré  de  n'avoir  jamais  af- 
faire avec  les  libraires.]  La  peine  qui 
l'accablait,  pendant  le  cours  de  l'im- 
pression de  son  livre  d1 Anatomie  ,  et 
les  chagrins  qu'il  rencontrait  dans  le 
travail  des  imprimeurs  ,  lui  firent 
Jarre  par  dépit  un  tel  serment  ;  mais 
lorsqu'il  se  vit  enfin  tire  de  dessous  la 
presse,  il  se  dégagea  de  sa  parole.  Il 
se  compare  là-dessus  aux  femmes, 
qui,  pendant  letra\ail  d'enfant,  pro- 
testent qu'elles  se  donneront  bien 
garde  de  s'y  exposer  de  nouveau  :  et 
néanmoins,  la  douleur  étant  passée  , 
elles  oublient  leurs  protestations  : 
\)uod  accidere  universis  parturienti- 
bus  solet ,  mi/ii  plané  contigisse  vide- 
tur ,  ut  dum  inlabore  quidem  versan- 
tur  se  jurent  amplius  non  paraîtras  ; 
postea  veto,  extra  discrimen  positœ, 
rursits  et  concipiunt  et  pariunt.  IVam 
quod haud ita  pridem  Cnntcmplalionem 
Analomicam  ,  laboriosissimum  par- 
fum ,  exarandam  in  publicam  Studio- 
sorum  commnditatem  curarem  ;  ac  par- 
tim  quidem  immensis  laboribus  frac- 
tas  ,parlim  prœli  difjicultates  ac  mo- 
leslias  summas  perlœsus  ,  constituas- 
sent ,  ac  propemodum  apudme  dejerds- 
sem  ,  non  futuram  mini  ampliits  rem 
cum  typngraphis  :  posteaqu'am  fœtus 
jam  editus  est  in  lucem  ,  violarejusju- 
randum  compulsus  fui  ,  fabricam 
Pharmacopolilereon  (ut  intérim  de 
meo  Pestilenlis  morbi  Tract atu,  ac 
Methodo  de  Morbo  Gallico  verba  fa- 
cere  non  eurent)  duodecim  cla&ibus 
digestam  publiée  educavi,  ac  meo  qui- 
dem lacté  tant  diu  sustuli ,  donec  hinc 
indè  se  ipsa  audacter  evnlavit  (1).  H 
ajoute  que  son  zèle  pour  l'utilité  du 
public  l'obligea  à  violer  son  serment  : 
car  il  voyait  que  les  fautes  que  l'on 
commettait  dans  la  composition  des 
remèdes  avaient  besoin  de  correction 
et  qu'il  pouvait  s'y  employer  eflicace- 
ment.  Je  ne  sais  s'il  a  mis  au  jour  les 

(1)  Prosper  Borgarutiu»  ,   épis!    dedl.at.    Cbi- 
rurgi*  magna:  André»;  Vessalii. 


5S( 

quatre  livres  qu'il  promettait  de  3/  ■,-- 
borum  Puemrum  curandi  rationc  (?  ) 
On  ne  les  marcpie  point  dans  Linde- 
musrenovatus,  ni  dans  l'Épitomé  de 
la  bibliothèque  de  Gesner  (3)  ni  au 
Supplément  de  la  même  Bibliothèque 
ce  serait  une  mauvaise  raison  de  con- 
clure cm  il  n'a  point  donné  cet  ou- 
vrage ;  car  ,1  en  a  fait  quelque  al,t„.s 

dont  ces  bibliothécaires  ne  parlent 
pas.  l 

Chacun  sait  le  conte  de  cette  fem- 
me ,  qui  faisait  les  protestations  indi- 
quées ci-dessus,  et  qui  néanmoins  r,e 
tut  pas  plus  tôt  délivrée,  qu'elle  de- 
manda qu'on  éteignît  la  chandelle  bé- 
nite tpu  brûlait  encore  sur  sa  table  : 
elle  pourra  me  servir  une  autre  fois  , 
ajouta-t-elle.  On  ne  peut  point  ici  ap- 
pliquer juste  ce  que  disent  les  Italiens 
Passato  ilpericolo,  gnbbato  il  santo 
qu'on  envoie  paître  le  saint  quand  lé 
péril  est  passé.  On  sait  fort  bien  les 
raisons  particulières  et  indispensables 
qui  dégagent  très-justement  de  ce  que 
les  femmes  auraient  juré  dans  celte 
occasion.  Il  n'en  va  pas  de  même  des 
vœux  que  l'on  fait  sur  mer  pendant 
la  tempête,  et  que  l'on  oublie  trop 
souvent  après  qu'on  est  arrivé  au 
port. 

Il  n'y  a  point  d'auteurs  aussi  sujets 
que  les  poètes  à  oublier  qu'ils  ont  pro- 
mis solennellement  de  ne  faire  plus 
rien  imprimer. 

Oh<  combien  l'homme  en  inconstant ,  dipert 

i-aible  ,  léger  ,  tenant  mal  sa  parole! 

J'avais  jure',  même  en  assez  beaux  vers 

De  renoncer  a  tout  conte  frivole. 

Et  quand  jure?  c'en  ce  qui  meTconfo,:.!   ■ 

Depuu  deux  jour.-  f ai/ait  celte  promesse. 

ruts  fiez-vous  a  runeur  qui  répond 

P  un  seul  moment.  Dieu  ne  fit  la  sagesse 

four  les  cerveaux  qui  hantent  les  neuf  sœurs. 

C'est  ainsi  que  parle  l'ingénieux  la 
l'ontaine  au  commencement  de  l'un 
de  ses  contes  (j).  M.  Ménage  a  fait 
deux  chapitres  (5)  pour  prouver  que 
les  poètes  ,  après  avoir  jure  de  ne  faire 
plus  de  vers  ,  ne  laissent  pas  d'en  faire 
encore  (6). 

fa)  Idem  ,  ,bid.  ,  sub  fin. 

('•}  Ou  on  le  nomme  Borgiralios.  au  lieu  de 
Borgarulm.. 

(4)  La  Fontaine,    au  conte    de  la  CIocueKe 
loin.  /,  pag.  igj. 

(5)  Dans  /'Anti-Baiilct,  ckap.  CXXIIJ  ,i 
suiv. 

(S)  f'ojet  l'Index  de  f Anti-Bïillet .  an  mot 
Poètes. 


532  BORRHAUS. 

h  Pans  le  manuscrit    mjs    en    pnS0I1    par    i'OJ^n 


de  la  Grande  Chirurgie  de  f^esalius... 
et  le  fit  imprimer  à  fenise,  l  année 
i56g,  in-80.]  Il  le  corrigea,  et  digé- 
ra ,  et  en  fit  en  quelque  manière  son 
propre  ouvrage,  comme  il  le  marqué 
dans  le  titre, 

Andréa-  restalii  .  Bmxellensis ,  Philippi  IJis- 
paniarum  régis  Medici  ,  Chirurgia  magna  , 
in  septem  libros  digeslti  ,  In  qud  riihiï  ié- 
sidctaripctesl  ,  rjuod  ad  perfeclam  alque 
intégrant ,  de  cur.indis  humani  corpoiis  ma- 
lit,  Methodum  pertinent.  Ah  excellentissimo 
Philosopho  ,  ac  Ifledico  regio  Pros^ero 
Bûrgarctio  recogniutj  emendata  ,  ac  in  /«- 
cem  édita.  Formas  etiam  instrumenlorum , 
ibus  Chirurgi  utunlur ,  hit  in  librtt  ap- 
descriplœ  tunt.  Veneliis,  ex  ojffîcinâ 
isiand,   i5<X). 

BORRHAUS  (Martin),  profes- 
seur en  théologie  àBâle,  fut  pre- 
mièrement connu  sous  le  nom  de 


du 


qui 

primé 


prince ,  et  il  ne  laissa  pas  de  fai- 
re beaucoup  de  livres  pour  sou- 
tenir ses  erreurs  (/).  Mais  quand 
il  eut  vu  que  sa  secte  recevait  de 
jour  en  jour  de  grands  échecs  , 
et  que  l'espérance  qu'elle  avait 
donnée  du  renouvellement  de 
toutes  choses  se  trouvait  trom- 
peuse ,  il  se  convertit ,  et  se  re- 
tira à  Bâle  l'an  1 536  (g).  Il  quit- 
ta non-seulement  l'anabaptisme, 
mais  aussi  le  nom  de  Cellarius  , 
et  se  fit  nommer  Borrhaùs.  11  se 
maria  ,  et  s'appliqua  quelque 
temps  à  un  métier  pour  gagner 
.    sa  vie  (  h  ).  Enfin   il   fut    agrégé 

Cellarius.  Il  était  né  à  Stuttgard,    au  nombre  des  professeurs  de  l'a- 

aupaysdeWittemberg,  l'an  1499    cadémie,  et  il  enseigna  premiè- 

(à) ,  et  il  fut  disciple  de  Capnion 

{b).  Il  reçut  à  Heidelberg  le  de- 
gré de  maître  en  philosophie  (c); 

et  puis  s'en  étant  allé  à  Wittém- 

berg  ,  il  y  acquit  l'amitié  de  Mé- 

lanclithon  ,  avec  qui  il  avait  déjà 

eu  quelque  habitude  à  Tubinge 

(d).    Comme  il  ne   manquait  ni 

d'esprit,  ni  de  savoir,  il  trouva 

beaucoup  de  disciples  à  instrui-    ail7"a"rdo  addixit.  Hoorn.,  s 

re,  et  il  gagnait  à  cela  bien  de      T^     c,         r    . 

,,    '  D„°  n  10  Uooro.  ,  i>umma  Controv.,  pag.  356. 

1  argent.  Le  tut  par  la  recom- 
mandation de  Mélanchthon,  qu'il 
fut  admis  à  cet  emploi.  Il  se  lais- 
sa misérablement  séduire  par 
Stubner,  l'un  des  premiers  fon- 
dateurs de  l'anabaptisme  ,  'et  il 
travailla  avec  beaucoup  de  cha- 
leur à  établir  cette  secte  (e).  Il 
eut  une  conférence  avec  Luther, 
l'an  i522  (A),  et  y  fit  paraître 
un  grand  fanatisme.  Étant  allé 
en    Prusse  ,  l'an    i525,  il  y  fut 


rement  la  rhétorique  ,  et  puis  la 
théologie.  11  fit  des  livres  (B)  , 
et  mourut  de  peste  à  Bàle  ,  l'an 
1 564  (*)• 


4? 


(/)  Camerar.,   in   Vitâ  Melancht. ,   pag. 


_ '#•)  Hoorobeek  ,  Summa  controv.,  pag. 
355.  Voyez  aussi  Camerarius  ,  in  Vitâ  Me- 
lanctlion.  ,  pag.  48. 

(h)    Victus  causa  fenestrario   opi/îcio  se 
"umma  Conlrov. 


(it)Konig.,  BiM.  pag.  126. 

[b)  Fridéric    Spaaliémius,  de   Origiue   et 
Progressif  Anuliapt.  ,   num.  2. 

(c)  Hoorn.,  Summa  Controvers. ,  p.  356. 
(cl)  Camerar.  ,  in  Vitâ  Melanrlit.,  pag.  48. 
(e)  Eoc  eodem ,  ibid. ,  pag.  47,  4^- 


(A)  //  eut  une  conférence  avec  Lu- 
ther l'an  i522.]  Les  premières  fureurs 
de  l'anabaptisme  éclatèrent  à  Zwic- 
caw  ,  où  Nicolas  Storch ,  Marc  Stub- 
ner, et  Thomas  Munzer,  s'érigèrent 
en  prophètes  ,  et  se  vantèrent  d'avoir 
avec  Dieu  beaucoup  d'entretiens.  Ils 
s'attirèrent  par-là  un  grand  nombre 
d'auditeurs:  carils  promettaient  qu'on 
verrait  bientôt  le  nouveau  règne  du 
Messie.  Pendant  ce  temps-là  ,  Luther 
se  tenait  caché  :  il  ne  laissa  pas  d'ap- 
prendre la  levée  de  bouclier  de  ces 
fanatiques,  et  les  "progrès  qu'ils  fai- 
saient à  Wittemberg  ,  où  ils  avaient 
même  un  peu  ébranlé  Mélanclitlion 
(1).  Pour  ce  qui  est  de  notre  Cellarius, 

(0  ^oyexSëckendorf,  Histor.  Lmiieran. ,  lib. 


BORRI. 


583 


3s Te  gagnèrent entièrement  :  il  devint 
aussi  zélé  qu'aucun  d'eux.  Non  paucoà 

in  suam  sententinm  perduccbat  (  Mar- 
dis Stubnerius)  quorum  caput  fuit 
Martirtus  Cellarius,  qui  istis  pèrtina- 
cissimè  'lui  snnè  adhœsit ,  et  causant 
hanc  egit  atque  défendit  (2).  Lather, 
sortant  de  sa  retraite,  arriva  à  Wit- 
temberg  au  mois  de  mai's  1D22,  et 
arrêta  par  ses  sermons  les  progrès  de 


complexus  :  Increpet  te  Deus  ,  Satana. 
Post  hœc  plus  verborum  faciendum 
Lulherus  non  putatif,  et  minantes  glo- 
rinntesque  ens  dimisit,  ac  nescio  quid 
pollicentes  de  mirnbilibus  effectioni- 
bus  ,  quibus  prnùalnri  sua  essent,  cum 
hoc  modo  dixisset:  Is  Deus  qupni  ego 
veneroret  colo,  facile  vestra  numiua, 
ne  <piid  taie  elliciatur  ,  coè'rcebit;  ro 
die  oppido  illi  excesserunl ,  et  Client- 


ces  gens-là.  Leurs  disciples  mêmes  l'é-    bcrgo  distante  passibus  amphhs  milli 


coûtèrent  avec   beaucoup  de  vénéra- 
tion ;  mais  dès  que  Stubner  ,  qui  était 
sorti  de  Wïttettiberg  pour  quelque  af- 
faire ,  y  fut  revenu ,  ils  s'attachèrent 
à  lui  comme  auparavant,  et  l'encou- 
ragèrent à  soutenir  ses  opinions.  Cel- 
larius  l'y  exh  nta  principalement  (3). 
Stubner  demanda  à  conférer  avec  Lu- 
ther ,  et   obtint   cntin   jour  et  heure 
pour  cela  :  il  se  rendit  à  l'assignation, 
accompagné  de  Cellarius  et  d'un  autre. 
Luther  n'avait  avec  lui  que  Mélanch- 
thon.  Vous  allez  voir  dans  le  passage 
latin  que  je  rapporte,  que   Cellarius 
fit  paraître   plus  d'emportement  que 
Stubner,  et  comment  ces  fanatiques 
sortirent  de  Wittemberg   ce  jour-là 
même,  pour  se  retirer  à  Chemberg, 
d'où  ils  écrivirent  à  Luther  une  lettre 
pleine  de  malédictions.   Audii'it  Lu- 
iherus  placide  narranlem  Marcum  sua. 
Cum  dicendi  finem  fecisset ,  nihil  con- 
tra illa  adeo  absurda  etfutilia  disse- 
rendumratus  Lutherus  ,  hoc  modo  mo- 
nuit  ■    vidèrent   quid    agerent.    JSih.il 
eorum   quœ   commémorassent ,    sacris 
litteris  niti,  comme ntaque  esse  cogita- 
tionum  curiosarum  aut  eliâm  fallut  is 
et  fraudulenli  spirttiis  déliras  et  perni- 


bus  quinque  literas  plenas  malediclis 

et  execrationibus  ad  Lutherum  mise- 

runt  (4). 

(B)   IL  fit  <les  Hures.  ]  11  publia  des 

J\otes  sur  la  Politique  il'  Aristote  , 
l'an  i545$  un  Commentaire  sur  la 
Rhétorique  du  même  Aristote ,  l'an 
i55i  ,  un  Commentaire  sur  le  Penla- 
leuque  ,  l'an  1 55^  ;  un  sur  Esaïe  et 
sur  V Apocalypse ,  l'an  i5Gi  ;  un  sur 
Job  et  sur  CEcclésiasle ,  l'an  1 564- 
Je  n  ai  point  vu  ce  qu'il  a  fait  sur  la 
Logique  et  sur  les  Mathématiques  (5)  , 
ni  Boa  Commentaire  sur  le  litre  des 
Juges  et  sur  le  livre  des  Rois  '6).Konig 
lui  donue  un  ouvrage  de  philosophie, 
divisé  en  trois  livres,  de  Censura  veri 
etfalsi  (7). 

(4)  Camerarius,  in  Vità  Mclancblboo.  ,  pag. 
Si,  52. 

(5)  Prteler  scripta  togica  ri  malhematica , 
libris  ahqiwt  commentants  in  Velus  Teslamen- 
lum  se  ecclenœ  Dei  commendavit.  Spanlitmiu- , 
tir  Orif.  fel  l'rogr.  Analiapt.  ,  num.  i. 

(C>)  Iloornbeelt  ,  Sumrua  Controver*. ,  pag. 
356,  en  fuit  mention 

(-)  Konl.;,  m  liiblioth.  vtt.  el  no\  à  ,  pag.  126. 

RORRI   (Joseph-Fkavçois),  en 


"eufsas subjeciiones.  Ibi  Cellarius  et  latin  BtarhuS  ,  fameUK  chimiste, 
t>oce  et gestibus  vesams  ,  cum  et  solum  charlatan,  ethéréliqucduXV  IIe. 
pedibus  et  proposilam  mensulam  ma-    si;,cie^tajt  Milanais  (a).  Il  adw- 


nibus  feriret ,  exclamare  cl  indignait , 
MHSiith  esse  Lutherum  suspicari  taie  ali- 
quid  de  dunno  homine.  Al  Matou 
paulb  sedatior ,  ut  scias,  inquit ,  Lu- 
there  ,  me  spiritu  Dei  prœditum  esse  , 
ego  ,  quid  in  animo  luo  conceperis  , 
sum  indicatui  us ,  idque  est  :  Te  inci- 
pere  inclinari  ad  hœc  ut  mram  doc- 
trinam  veram  esse  credas.  ('uni  Lu- 
therus .  ut  ipse  posteà  dixit,  islam,  de- 
ditd  Opéra  sententiam  cogitando  esset 

(2)  Camerarius,  in  Vità  Mflancblhoo.  ,  pag. 

<-■  .     .     , 

(3)  T nazie  omnibus  maxime  et  ardenlisstmt 
"i/.  Cellarius.  Camerarius  ,  in  Vità  Melaocb- 
tbonii,  pag.  5o. 


va  ses  études  dans  le  séminaire 
de  Rome  (A) ,  oii  les  jésuites  l'ad- 
mirèrent comme  un  prodige  ,  à 
cause  de  sa  mémoire  et  de  sa  ra- 
pacité. Il  s'attacha  ensuite  à  la 
cour  de  Rome,  et  ne  laissa  pas 
d'approfondir  plusieurs  seCrctS 
de  chimie.  Il  donna  dans  les  dé- 
bauches les  plus  elFrénées  ,  et  se 
trouva  obligé  l'an  i654  à  se  ré- 

(a)   Voyez  ti-dessons  la  Un  de  la 

nu:\) 


584  BORRI. 

fugier  dans  une  église.  Peu  après  d'une  façon  très-particulière  par 
il  fit  le  dévot,  et  sema  clandes-  Michel  l'archange;  il  avait  déjà 
tinement  des  discours  de  vision-  reçu  du  ciel  une  épée  sur  la  poi- 
naire  (B).  Il  communiquait  à  ses  gnée  de  laquelle  se  voyait  l'ima- 
confidens  les  révélations  qu'il  se  ge  des  sept  intelligences  ;  et  on 
vantait  d'avoir  eues;  mais  voyant,  tuerait  le  pape  même,  s'il  n'a- 
après  la  mort  d'Innocent  X,  que  vait  pas  sur  son  front  la  marque 
le  nouveau  pape  Alexandre  VII  requise.  Je  laisse  là  le  détail  des 
renouvela  les  tribunaux,  et  fit  autres  visions  (c)  ,  pour  dire 
prendregardedeplusprèsàtoules  quelque  chose  des  nouveaux dog- 
choses  ,  il  n'espéra  point  d'avoir  mes  du  cavalier  Borri.  Il  en- 
le  temps  nécessaire  pour  aug-  sognait  ,  entre  autres  choses , 
menter  le  nombre  de  ses  disciples,  que  la  Sainte-Vierge  était  une 
autant  que  son  dessein  Je  deman-  véritable  déesse  ,  et  proprement 
dait  :  ainsi  il  sortit  de  Rome  ,  et  le  Saint-Esprit  incarné  ;  car  il 
s'en  retourna  à  Milan.  1!  y  fit  disait  qu'elle  était  née  de  sainte 
le  dévot  ,  et  s'accrédita  parce  Anne ,  tout  comme  Jésus-Christ 
moyen  auprès  de  plusieurs  per-  était  né  d'elle.  II  l'appelait  la 
sonnes  ,  auxquelles  il  faisait  faire  fille  unique  de  Dieu  conçue  par 
certains  exercices  de  piété  ,  qui  inspiration,  et  faisait  ajouter  cela 
avaient  une  grande  apparence  de  à  la  messe,  lorsque  les  prêtres 
vie  spirituelle.  Il  engageait  les  ses  sectateurs  la  célébraient  (d). 
membres  de  sa  nouvelle  congre-  Il  disait  qu'elle  était  présente , 
gation  à  lui  jurer  le  secret;  et  quant  à  son  humanité  ,  au  sacre- 
quand  il  les  vit  affermis  dans  la  ment  de  l'eucharistie,  et  allé- 
croyance  de  sa  mission  extraor-  guait  certains  passages  de  l'Écri- 
dinaire  ,  il  leur  dicta  certains  ture  ,  pour  le  soutien  de  ses  dog- 
vceux  ,  par  la  suggestion  de  son  mes  II  s'avisa  même  de  dicter  à 
ange  ,  leur  disait-il.  L'un  de  ces  ses  disciples  un  traité  sursonsys- 
vœux  était  celui  de  la  pauvreté  ,  tème  (C).  J'ai  déjà  dit  qu'il  se 
en  exécution  duquel  il  se  faisait  vantait  d'avoir  bonne  part  aux 
consigner  l'argent  que  chacun  révélations  célestes  :  c'est  par 
avait.  Le  cinquième  de  ces  vœux  cette  voie  qu'il  avait  appris  que 
lesengageait  à  un  zèle  très-ardent  saint  Paul  lui  communiquait  la 
pour  la  sainte  propagation  du  même  puissance  que  Dieu  confé- 
règne  de  Dieu.  Ce  devait  être  le  ra  à  cet  apôtre  pour  censurer  la 
règne  du  Très-Haut ,  le  règne  conduite  de  saint  Pierre.  Il  se 
d'un  seul  troupeau,  selon  le  jar-  vantait  de  communiquer  aux  au- 
gon  de  cette  nouvelle  secte  {b).  très  le  don  d'illumination  pour 
Borri  devait  être  le  capitaine  gé-  l'intelligence  des  mystères  ,  et  il 
néral  des  troupe» qui  réduiraient  se  servait  de  l'imposition  des 
tout  le  genre  humain  à  une  me-  mains,  en  priant  la  Trinité  de  re- 
me    bergerie;    il    serait    assisté  cevoir  le  novice  dans  la  religion 

des  évangéliques   nationaux  (e). 

{b)  Quanto  si  doveva  fare  nello  spazio  di 

poc/i'   anni  col  suo  imaginario   regno   dell'  (c)  Voyez  les  remarques, 

allissimo  ed  <l suo  solo  CWs.  Vitâ  delcavagl-  {d;  Voyez  la  remarque  (C) ,  à  lajin. 

Horri ,  pag.  34/.  (e)  Coll'  importe  loro  lutte   due  le   mani 


BORRI.  585 

Son   dessein   était,  en  cas  qu'il    La  chance  tourna  :  on  vit  Laisser 
se     trouvât     assisté   d'un    assez   sa  réputation  ,  soit  que  ses  mi- 
grand  nombre  de  sectateurs ,  de    racles    ne  trouvassent    plus    de 
se  produire   sur  la  grande  place    foi  ,  soit  que  sa  foi  ne  pût  faire 
de  Milan,   d'y  représenter  élo-    plus    de   miracles   (/");    et   une 
quenimeiit   les  abus   du  gouver-    belle  nuit ,  il  fit  banqueroute  ,  et 
Dément    ecclésiastique  ,    et    du    se  sauva  d'Amsterdam  avec  plu- 
gouvernement   séculier,    d'ani-    sieurs  pierreries,    et    plusieurs 
mer  le  peuple  à  la  liberté  et  de    sommes  d'argent  qu'il   avait  es- 
s'assurer  ainsi  de  la  ville  et  du    camotées  (g).  Il  se  retirai  Ham- 
pays de  Milan,  et  puis  de  pousser    bourg,  où  était   alors    la   reine 
ses    conquêtes    le    mieux    qu'il    Christine,    se  mit  sous   sa   pro- 
pourrait. Mais  tous  ses  desseins    tecl.ion  ,    et  lui  persuada  de  ha- 
avortèrent  par  l'emprisonnement    sarder  bien  de    l'argent  pour  le 
de  quelques-uns  de  ses  disciples,     travail   du  grand  œuvre;  ce  qui 
Il  se  sauva  bien   vite  ,  dès  qu'il    n'aboutit  à  rien.  Il  passa  ensuite 
eut  su    celte  première   démar-    à  Coppenhagen ,  et    inspira  une 
che    de    l'inquisition  ,    et    n'eut    forte  envie  à  sa  majesté  danoise- 
garde  de  comparaître  aux  ajour-    de  faire  chercher  la  pierre  phi— 
nemens  de  ce  redoutable  tribu-    losophale.  Il  acquit  par  ce  moyen 
nal.  Son   procès  lui  fut  fait  par    les  bonnes  grâces  de  ce  prince, 
contumace  en  i65c)  et   1660  :  il    jusques  à  devenir   très-odieux  à 
fut  condamné  comme  hérétique    tous  les  grands  du  royaume.  Im- 
et  son  effigie  fut  brûlée  à  Rome,    médiatement  après  la   mort    de 
avec    ses    écrits ,    au  Champ  de    ce  roi  ,  auquel  il  avait   fait  faire 
Flore,  par  la  main  du  bourreau,     inutilement  des   dépenses  in  fi— 
le  3  de  janvier  1661  (D).  Il  s'était    nies,   il    sortit   de  Danemarck  , 
arrêté    quelque    temps  dans     la    crainte  d'y    être  mis  en  prison  , 
ville   de  Strasbourg,   et  y  avait    et  résolut  de  s'en  aller  en  Tur- 
trouvé  du  support  et  de  l'appui  ,    quie   (h)-    Etant    arrivé   sur    les 
tant  en  qualité  de  persécuté  de    frontières,   au    temps  que    l'on 
l'inquisition,    qu'en   qualité  de    découvrit  la  conspiration  de  Na- 
graud  chimiste  :  mais  il  lui  fal-    dasti ,    de  Serin  ,  et  de  Frangi- 
lut  un  plus  grand  théâtre.  Il   le    pani ,  on    le   prit    à    Goldingen 
chercha  en  Hollande  l'an   1661  ,    pour   un    des  complices    :   c'est 
et  le  trouva  à    Amsterdam.  Il  y    pourquoi    le    seigneur   du    lieu 
fit  un  grand   bruit   :  on  allait  à    le   fit    prier  de  venir  loger  chez 
lui  comme  au  médecin  univer-    lui,  et  s'assura  de  sa  personne  ; 
sel    de   toutes    sortes  de    mala-    et  ayant  su  que   son   prisonnier 
dies.    Il    y  parut  en  magnifique 

pmiin-im»    •     il    sp    fiUiit    tnitpr         (./)  Comindando  a  mancare  i  miracoli 
équipage    .    11   se   taisait   traiter    aWt  ma  fedc^  olafedea  suoi  ,„  , 

d'excellence  ;  on  parlait  de  le  ma-    Vita  dtl  Boni ,  pag.  372. 

rier  aux  plus  grands  partis,  etc.  f   Sl  ne/ûggldi  twttecancadi  gemma 

10  l  e  danari  alla  somma  di  put  ai  docleci  mita 
du p pie.  Ibid. 
sovra  il  capo  invocando  la  santissima  triade  {h,  On  a  oublie  dans  le  livre  dont  cri  ur- 
njjinclie  gradisse  d'accetlarli  nclla  religione  ticleest  extrait,  rie  parler  du  voyage  de  Bor- 
de nazionalisti  Vangelici.  Yiu  del  Burn  ,  n  a  la  •  our  de  Saxe  Voyez  U  Journal  de 
pag    35t.  Leipsick  de  1688,  pag.  5ï>7. 


5S6  BORRI. 

s'appelait  Joseph  François  Borri,    Monconis    en  a   pensé  (K).    M 


il  envoya  ce  nom  a  sa  majesté 
impériale,  afin  qu'on  vît  si  cet 
homme  était  du  nombre  des 
conjurés.    Le    nonce    du   pape 


Frischman  ,  résident  de  France  à 
Strasbourg ,  a  fait  un  écrit  qui 
mérite  d'être  lu  touchant  le  sieur 
Borri   (L).    Le   supplément    du 


is  peu 


il 


avait  audience  de  l'empereur ,  Voyage  de  M.  Burnet  n'est  pas 
justement  lorsque  la  lettre  du  exact  sur  ce  chapitre  (M).  La 
comte  de  Goldingen  fut  apportée,  gazette  flamande  d'Utrecht ,  du 
Il  n'eut  pas  plus  tôt  ouï  le  nom  y  de  septembre  i6<)5  ,  annonça 
de  Borri ,  qu'il  demanda  au  nom  que  Borri ,  âgé  de  soixante  etdix- 
du  pape  que  ce  prisonnier  lui  neuf  ans  ,  était  mort  depuis 
fût  livré.  L'empereur,  y  ayant  au  château  Saint-Ange*, 
consenti ,  fit  venir  à  Vienne  le 
chevalier  Borri ,  lui  obtint  pro- 
messe du  pape  qu'on  ne  le  ferait 
point,  mourir,  et  l'envoya  à  Ro- 
me ,  où  il  fut  condamné  à  passer 
toute  sa  vie  dans  les  prisons  de 
l'inquisition,  et  à  faire  amende 
honorable  (E).  Quelques  années 
après ,  il  obtint  la  liberté  de  sor- 
tir, pour  traiter  le  duc  d'Étrée, 
que  tous  les  médecins  comptaient 
déjà  pour  perdu ,  et  il  le  guérit  : 
ce  qui  fit  dire  qu'un  hérésiarque 
avait  fait  un  grand  miracle  dans 
Rome  (F).  Le  duc  obtint  qu'on 
le  changerait  de  prison,  et  qu'on 
l'enverrait  au  château  Saint- 
Ange.  Le  bruit  a  couru  depuis 
ce  temps-là  qu'on  lui  permet- 
tait de  sortir  deux  fois  la  semai- 
ne ,  et  de  se  promener  par  la 
ville  avec  des  gardes  (i)  (G).  On 
imprima  à  Genève,  en  1681  , 
quelques  écrits  qu'on  lui  attribue 
(H).  On  verra  dans  les  remar- 
ques ce    que    Sorbière    pensait 

de  ce  personnage  (I).  Ce  sera  un  ptarait  le  dérèglement  des  mœurs  qui 
assez  curieux  supplément  de  cet  régnait  à  Rome,  et  il  assura  que  la 
article.  J'indiquerai  aussi  ce  que 


existe  un  Précis  de  la  vie  de  Joseph- 
François  Bcri  par  HP.  I.  D.  B. ,  1786,  in-12 
de  32  pages.  On  y  fait  mourir  Borri  en  sep- 
tembre 169b. 

(A)  //  acheva  ses  études  dans  le 
séminaire  de  Rome,  ]  L'auteur  de  sa 
Vie  omet  ici  une  circonstance  qui  mé- 
ritait bien  d'être  rapportée.  Je  la 
donnerai  selon  les  termes  d'un  mé- 
moire qui  m'est  venu  de  la  part  de 
M.  Baudrand  le  géographe.  «  Borri 
»  étant  dans  le  séminaire  des  jésuites 
»  y  excita  contre  eux  une  sédition,  et 
»  s'enferma  avec  les  autres  durant. 
»  trois  jours  ,  en  sorte  qu'il  fallut 
»  faire  venir  le  barigel  ou  grand  pre- 
»  vôt  avec  ses  archers  ,  pour  réduire 
»  à  la  raison  ces  écoliers  avec  Borri  , 
»  qui ,  en  iG53 ,  fut  secrétaire  du 
»  marquis  Mirogli  ,  résident  de  l'ar- 
»  chiduc  d'Inspruck  à  Rome  ,  où  je  le 
»  \is  alors  ,  ainsi  qu'en  iG5^  ;  mais 
»  on  ne  parlait  pas  de  ses  hérésies  , 
»  et  en  l'an  iG55  il  s'en  alla  à  1ns- 
»  pruck  ,  et  puis  à  Milan.  »  Voilà  des 
faits  qui  s'accordent  peu  avec  la  Vie 
imprimée  de  ce  cavalier. 

(B)  Après  avoir  donné  dans  les  dé- 
bauches les  plus  effrénées  ,  il  fit  le 
dévot,  et  sema  clandestinement  des 
discours  de  visionnaire.}  Affectant  les. 
apparences   d'un   grand   zèle  ,    il  dé- 


(1)  Tiré  d'un  livre  intitulé  Brève  Relazione 
délia  Vita  del  cavagliere  Gioseppe  Francesco 
Boni  Milauese,  imprime  à  Genève  (  le  titre 
porte  in  Colonia ,  appo  Pietro  del  Martello  ). 
en  16S1.  avec  un  autre  traite  çui  a  pour 
titre  la Cliiave  del  Gubinetlo  del  cavagliere 
Gioseppe  Francesco  Boni. 


maladie  était  venue  à  son  comble  ,  et 
que  le  temps  de  la  guérison  appro- 
chait :  temps  heureux,  auquel  il  n'y 
aurait  sur  la  terre  qu'un  seul  bercail , 
dont  le  pape  serait  l'unique  berger. 
«  Quiconque  refusera,  disait-il,  d'en- 
»  trer  dans  cette  unique  bergerie  se- 
»  ra  détruit  par  les  armées  papales. 
»  Dieu  m'a   prédestiné  pour  être  le 


BORRI. 


5Sç 


généra]  de  ces  armées.  Je  suis  as-  Saint-Esprit ,  à  cause  de  la  dispro- 
sUTe  que  rien  ne  leur  manquera  :  portion  des  natures  (2).  J'ai  dit  dan- 
j'achèverai  bientôt  mes  travaux  le  corps  de  cet  article  ,  qu'il  la  nom 
chimiques  ,  par  l'heureuse  produc-  niait  la  fille  unique  de  Dieu  :  je  m'en 
tion  de  la  pierre  philosopnale;  et  vais  citer  mon  auteur.  Chiamava  la 
par  ce  moyen  j'aurai  autant  d'or  Vergine  ,  sagratissima  Dca,  ed  unis- 
qu'il  en  faudra.  Je  suis  assuré  du  pirata  fïglia  dell'  altissimo  ,  e  da 
secours  des  anges  ,  et  particulière-  que'  Sacerdoti  suoi  sciocchi  sieguaci 
ment  de  celuide  Michel  l'archân-  faceva  aggiugnere  al  canone  delta 
ge.  Lorsque  je  commençai  de  mar-    Messa  la  parole  Uninspikata  filia  (3). 

(D)  Son  effigie  fut  brûlée  à   Ro- 


»  cher  dans  la  vie  spirituelle  ,  j'eus 
»  une  vision  de  nuit  ,   accompagnée 

1  d'une  voix  angéliqnc:,  qui  m  assura 
»  que  je  deviendrais  prophète  :  le  si- 
/>  gne  qui  m'en  fut  donné  fut  une 
»  palme  qui  m'apparut  toute  entou- 

1  u;e  des  lumières  du  paradis  (1).  » 
Il  se  vanta  que  l'archange  saint  Mi- 
chel avait  pris  poste  dans  son  cœur , 
et  que  les  anges  venaient  par  trou- 
pes lui  révéler  les  secrets  célestes  , 
et  ce  qui  se  passait  dans  le  conclave 
d'Alexandre  VII.  Je  ne  rapporte 
qu'une  petite  partie  de  ses  chimères  : 
cela  peut  suffire  pour  faire  juger  du 
total. 

(C)  II  s'avisa  de  dicter  a  ses  disci- 
ples un  traité  sur  son  système.  ]  11  le 
retira  d'entre  leurs  mains,  quand  il 
commença  de  connaître  que  l'inqui- 
sition avait  ouï  dire  quelque  chose  de 
leurs  assemblées  nocturnes ,  et  cacha 
lous  ses  cahiers  dans  un  monastère 
de  tilles.  C'est  de  là  qu'ils  tombèrent 
entre  les  mains  de  l'inquisition  :  on  y 
trouva  des  doctrines  tout-à-fait  extra- 
vagantes ,  comme,  que  le  fils  de 
Dieu  ,  par  un  principe  d'ambition  , 
et  pour  devenir  égal  à  son  père ,  le 
poussait  h  créer  des  êtres  :  que  la  chute 
de  Lucifer  était  venue  du  refus  qu'il 
a>'ail  fait  d'adorer  en  idée  Jr.sus- 
Christ  et  la  Sainte- Vierge  ;  que  les 
anges  qui  adhèrent  à  Lucifer ,  non 
par  délibération  ,  mais  par  désir  seu- 
l  ment  .  sont  ilemeurés  dans  les  airs  ; 
Dieu  se  servit  du  ministère  des 
anges  rebelles  ,  pour  la  création  des 
1  !  "liens  et  des  animaux  ;  que  l  timi- 
des bêles  est  une  production  ,  ou  plu- 
tôt une  émanation  de  la  substance  des 
mauvais  anges  ,  et  que  cest  pour  cela 
fie  fie  est  mortelle  :  que  la  Sainte- 
f'terge  était  sortie  condéiftée  du  sein 
île  la  nature  divine,  et  qu'autrement 
elle   n'aurait  pu  devenir  l'épouse  du 

1  OU  apparuce  una  palma  circondala  >To- 
gniintàrho,  da  litmiparr.di.tali.  Yiu  (lel  caïa- 
gl  er«  Borri  ,  pa§.  i\i. 


me le  3  de  janvier  1661.  ]  On  lui 

attribue  la  même  pensée  que  plu- 
sieurs attribuent  à  Henri  Etienne  ;  c'est 
d'avoir  dit  qu'il  n'avait  jamais  eu 
plus  de  froid  que  le  jour  que  l'on  le 
brûla  à  Rome.  De  Dominis  se  servit  , 
dit-on,  de  la  même  raillerie.  Gli  per- 
venne  la  nuova  che  la  sua  pfjigie  era 
abbrucciata,  e  si  lasciô  intendere ,  che 
non  aveva  mai  avulo  tantn  freddo 
quanto  quel  giorno  ,  ail'  imitazione  di 
Marco  Antonio  de  Dominis  ,  che  dis- 
se lo  stesso  ,  montre  rilrovandosi  egii 
in  Inghillerra  si  faceva  délia  sua  effi- 
gie sitnil'  esecuzione  (4). 

(E)  Il  fut  condamne  h  passer  toute 
sa  vie  dans  les  prisons  de  l'inquisi- 
tion ,  et  à  faire  amende  honorable.  ] 
On  sera  bien  aise  de  trouver  ici  plus  au 
longce  que  j'ai  tourhéen  grostouchant 
la  peine  qui  fut  infligée  au  cheva- 
lier Borri.  Il  «  fut  condamné  le  der- 
»  nier  dimanche  du  mois  d'octobre 
»  1672  de  faire  une  abjuration  de  ses 
»  erreurs  en  l'église  de  Minerve,  pour 
»  lequel  effet  on  le  mena  sur  un 
»  ccli.itaud  qu'on  avait,  F&H  exprès  , 
»  où  l'une  de  ses  parties ,  qui  était  un 
»  prêtre  ,  lut  le  procès  tout  h  1  il  , 
»  avec  sa  confession  et  abjuration. 
»  La  sentence  fut  prononcée  par  le 
»  saint  office,  lui  étant  à  genoux  avec 
»  un  cierge  à  la  main,  pendant  qn  "ii 
»  Lisait  son  abjuration  ;  ce  rtu'i 
»  fait,  il  se  leva  ,  et  remercia  le  sacré 
"  collège  de  la  douceur  dont  il  avait 
»  usé  envers  lui,  en  ne  lui  imposant 
»  point  une  plus  dure  punition  ,  qu'il 
»>  confessait  avoir  bien  méritée.  Cela 
»  se  fît  en  présence  d'une  infinité  <!• 
»  personnes,  qui  lurent  cuneusi 
»  voir  un  homme  si  fameux  ,  et  une 
»  action  si  solennelle  et  si  extraordi- 


»  naire.    Jl 

était    environné 

1   1.1   del   ( 

araglierc    Eurri  .    p  J. 

• 

(3)  T.'a  méine 
[  \t   la  même 

pag.  35i. 

pag.  3lK). 

588 


BORRI. 


•■»  grande    quantité  d'archers  et  offi-  »  Casanatta  et  Pozzobonelli  :  sur  quoi 

»  ciers  du  saint  office.  Jl  y  avait  aussi  »  le  pape  entendant  la  confirmation 

v  quantité  de  prélats,  qui  y  étaient  »  de    cette    abjuration,    fut  si   aise, 

v  présens,   avec  le  sacré  collège,  et  »  qu'il  donna  indulgence  plénière  de 

j>  une  innombrable    multitude  d'au-  »  tous  péchés  à  tous  ceux  qui  étaient 


J>  très  personnes.  Ledit  sieur  Borri , 
n  voyant  tant  d'archers  et  autres 
-»  gens  de  même  étoffe  autour  de  lui, 
»  tomba  jusqu'à  deux  fois  en  pamoi- 
»  son.  La  cérémonie  étant  achevée  , 
»  on  le  ramena  en  prison  ,  d'où  on  le 


»  là  présens  ,  car  cette  cérémonie 
•>•  dura  plus  de  cinq  heures  durant 
»  (8).  » 

M.   Baudrand  m'a    fait  savoir  :  i°. 
qu'il  n'est  pas  vrai  que  notre  Boni  ait 


'où  on  le  été  envoyé  à  Lorette  après  son  abju- 
»  mena  à  Lorette  ,  comme  étant  un  ration  ;  2°.  que  l'inquisition  ne  pou- 
»  instrument  trop  pernicieux  en  la  vait  pas  le  faire  mourir,  puisqu'il  n'é- 
»  chrétienté,  avec  ordre  exprès  de  tait  point  relaps,  et  qu'il  faisait  ab- 
»  lui  faire  dire  tous  les  jours  le  credo,  juration  de  ses  erreurs  à  la  Minerve 
»  et  toutes  les  semaines  les  psaumes  devant  les  cardinaux  de  la  congréga- 
»  pénilenciels  une  fois  (5)...  .  On  lui  tion  du  saint  office.  Je  souhaite  que 
»  avait  aussi  ordonné  dans  sa  sen-  tous  ceux  qui  voudront  copier  le  Mer- 
»  tence  de  communier  tous  les  jours  cure  hollandais  sachent  les  deux  fau- 
»  une  fois,  lorsqu'il   serait  arrivé   à    tes  qu'on  m'a  indiquées. 

»  Lorette  (6) Devant  que  de        (F)  II  guérit  le  duc  d'Etrée  ;  ce  qui 

»  sortir  des  prisons  de  l'inquisition  ,  fit  dire  qu'un  hérésiarque  avait  fait 
»  il  fut  visité  par  plusieurs  hommes  un  grand  miracle  dans  Rome.  ]  Les 
»  et  femmes  ,  et  même  des  princes  ,  médecins  avaient  abandonné  le  ma- 
»  des  princesses,  chevaliers,  et  au-  lade  :  on  le  comptait  donc  pour  mort  ; 
»  très  personnes  de  qualité.  Lorsqu'il  on  regarda  donc  sa  guérison  comme 
»  sortit  de  la  prison  ,  on  le  fit  passer  une  résurrection.  Sendo  ensa  slrana 
»  par  une  troupe  de  lanciers  du  pape,  che  un  eresiarca  ablia  fa'o  un  mira- 
»  qui  étaient  rangés  en  haie.  Il  mon-  colo  di  resuscitar  un  morto ,  corne  \>e- 
»  ta  sur  l'échafaud  avec  les  mains  niva  creduto  da'  medici  (9). 
»  liées,  eutre  lesquelles  il  avait  un  (G)  On  a  dit  qu'on  lui  pei  mettait  de 
»  cierge  ardent ,  et  demeura  à  ge-  sortir  deux  fois  la  semaine. . .  avec  des 
?>  noux  tout  le  temps  qu'on  lui  pro-  gardes.}  Je  sais  de  bonne  part,  que  la 
»  nonça.sa  sentence,  par  laquelle  il  reine  de  Suède  lenvoyait  quelquefois 
}>  fut  condamné  à  une  prison  perpé-  quérir  en  carrosse  ;  mais  que  depuis 
M  tuelle  ,  pour  avoir  été  (  ce  sont  les  la  mort  de  cette  princesse  ,  il  ne  sor- 
»  propres  mots  de  sa  sentence  )  in-  tait  plus  ,  et  qu'il  a  fallu  même  une 
3'  venteur  d'une  nouvelle  hérésie  ,  et  permission  expresse  du  pape,  pour  lui 
31  à  porter  pour  pénitence  toute  sa  parler  *.  On  m'a  assuré  qu'il  n'a  point 
5>  vie  l'habit  de  l'inquisition  ,  avec  prétendu  être  en  prison  au  château 
»  une  croix  rouge  sur  la  poitrine  ,  et  Saint-Ange  ;  mais  être  logé  là  comme 
»  une  au  dos.  Il  fut  fort  étonné  d'en-  dans  un  grand  palais,  afin  de  vaquer 
»  tendre  parler  d'une  prison  perpé-  à  l'étude  ,  et  à  des  opérations  chirni- 
»  tuelle  :  mais  les  inquisiteurs  le  con-  ques  ,  et  qu'il  a  négligé  les  occasions 
»  solèrent  par  cette  raison,  que  si  on  de  s'évader  qui  se  sont  quelquefois 
»  n  eût  trouvé  cet  expédient  favora-    offertes. 

«  ble  pour  lui,  on  lui  aurait  assuré-  Notez  que  M.  Masclari  ,  ayant  lu  ce 
»  ment  ôté  la  vie  ,  et  qu'on  lui  fai-  que  je  viens  dédire,  me  fit  savoir  qu  au 
»  sait  cette  grâce,  parce  qu'il  avait  temps  qu'il  était  à  Rome(io),  il  vit  plu- 
»  fait  abjuration  de  ses  erreurs  il  y 


3>  avait  treize   ans  (3)  ;  ce  qu'il  rati- 
»  fia  entre  les  mains  des  inquisiteurs 

(5)  Mercure  hollandais  de  l'année  i6'2  ,  pag. 
46a  ,  464. 

(6)  Là  même  ,  pag.  4<35  ,  4'>G. 

(7)  L'auteur  de  sa  Vie    ne   fait  nulle  mention 
de  cela  :  il  dit  nue  Borri  fut  condamne' par  con- 


(8)  Mercure  hollandais  de  1G71  ,  pag.  465, 
466. 

(9)  Vita  del  Borri,  pag.  379. 

*  Sur  le  témoignage  de  Wisson  ,  aulenr  du 
Voyage  d'Italie  ,  II  ,  3l  ,  l'auteur  des  Observa- 
tions insérées  dans  la  Bibliothèque  française  , 
XXIX,  192  ,  dit  que  ce  n'était  pas  uniquement 
à  la  reine  Christine  que  le  rnue  accordait  des 
visites  de  Borri,  et  qu'on  permeltait  quelquefois 
à  Boni  de  venir  dans  la  ville  quand  il  y  a   des 


lumace  ,  et  qu'il  s'enfuit  de  Milan  ,  dis  qu'il  se     malades  de  qualité-  qui  désirent  en  être  vil 
vit  découvert,  (10)  C'est-à-dire  ,  en  1679  el  1680. 


sieurs  fois  le  cavalier  Borri ,  et  qu'il 
3ait  très-bien  que  ce  prisonnier  ne  pou- 
vait descendre  que  jus</u  aune  certaine 
porte  qui  est  au  milieu  du  degré  du 
donjon  du  château  Saint- Ange,  jus- 
qu'où il  venait  accompagner  ceux  qui 
L-  tenaient  voir  ;  qu'il  avait  un  assez 
joli  appartement  ,  qui  consistait  en 
trois  chambres  et  un  laboratoire  ;  qu'il 
fallait  avoir  un  billet  du  cardinal  Ci 
bo  ,  ii  l'on  voulait  être  admis  ;  et  qu'il 
regardait  ce  château  comme  une  véri- 
table pruon  pour  lai  ,  dont  il  ne  dés- 
espérait point  que  M.  le  duc  d  titrée 
ne  le  délivrât.  On  peut  accorder  la 
différence  de  ces  relations  par  le  Dis- 
tingue tempera;  et  ceux  qui  savent 
le  caractère  de  notre  Borri  voient 
sans  peine  ,  qu'après  avoir  obtenu  la 
permission  de  sortir  de  temps  en 
temps,  il  a  été  capable  peut-être  de 
dire  ,  en  grand  hâbleur,  qu'il  n'était 
plus  prisonnier. 

(Il;  On  imprima  a  Genève,  en  i68r, 
quelques  écrits  qu'on  lui  attribue.  J  Us 
peuvent  être  réduits  à  deux,  à  >Jes 
Lettres  sur  des  matières  de  chimie,  et 
à  des  Réflexions  politiques.  Le  pre- 
mier de  ces  deux  ouvrages  est  inti- 
tulé :  La  Chiave  del  gabinetlo  del 
cavagliere  Gioseppe  Francesco  Borri 
Milanese.  11  contient  dix  lettres,  dont 
les  deux  premières  ,  datées  de  Cop- 
penliagen  l'an  1666,  ne  sont  autre 
chose  en  substauce  que  le  Comte  île 
Gabalis,  que  AI.  1  abbé  de  Villars  pu- 
blia 1  an  1670.  Je  donne  à  examiner 
aux  curieux  lequel  de  ces  deux  ou- 
vrages doit  passer  pour  l'original.  Les 
autres  lettres  roulent  sur  des  ques- 
tions de  chimie  ,  excepté  la  dernière  ; 
car  on  soutieut  dans  celle-ci  l'opinion 
de  M.  Descartes  sur  l'ihne  des  bétes. 
L'autre  traite  a  pour  titre  Istruzioni 
politiche  del  cavagliere  Gioseppe 
Francesco  Borri  Milanese,  date  al  re 
di  Danimarca.Ce  sont  quelques  apho- 
risme* de  politique  ,  accompagnés 
d'un  assez  long  commentaire.  La  Vie 
du  cavalier  Borri  apprend  qu'il  pu- 
blia ,  lorsqu'il  demeurait  a  Stras- 
bourg ,  une  lettre  qui  courut  par  tout 
le  monde  (1 1).  La  Bibliothèque  des 
médecins  fait  mention  de  deux  de  ses 
lettres  ,    imprimées    à    Coppenhagen 

(1 1)  Stampb  la  lellera  di  resliluire  l'occhio  ad 
un  cavailo ,  che  corre  per  lul'.o  il  mondo.  Ni  la 
«tel  cav.  Borri,  pa£.  070.  //  .avait  fort  bien 
guérir  les  maux  d'jeujc.  Vojei  la  remarque  {H). 


lîORRI.  58g 

l'an  1669,  et  adressées  à  Bartholin  , 
l'une  de  Ortu  Cerebri  et  Usu  Medico, 
l'autre  de  Arlificio  oculorum  humores 
reslituendt  (11).  honig  lui  attribue  un 
autre  écrit  intitulé  JVotitia  gentis 
Burrhorum. 

(1)  Voici  ce  que  Sorbière  pensait  de 
ce  personnage.]  ce  U  me  reste  seule- 
ment à  vous  dire  deux  ou  trois  mots 
de  ce  fameux  chevalier  Borri ,  que 
j'ai  vu  à  Amsterdam  ,  en  cette  der- 
nière course  que  j'y  ai  faite.  Vous 
voulez  savoir  comment  il  est  arrivé 
qu'il  a  fait  de  si  loin  tant  de  bruit 
à  Paris ,  que  des  gens  de  qualité  se 
sont  fait  porter  en  brancard  en  Hol- 
lande, pour  être  guéris  par  ce  char- 
latan ■  et  que  d'autres  g^ns  d'esprit 
y  sont  allés  tout  exprés  pour  visiter 
un  si  grand  homme.  Que  dirai-je  à 
cela  ,  monsieur,  si  ce  n'est  qu'il  est 
vrai  aujourd'hui ,  de  même  qu'il  a 
été  vrai  autrefois  ,  que  notre  pau- 
vre humanité  pourrait  être  détinie 
par  l'inclination  au  mensonge  ,  et 
par  la  crédulité  :  Homo  est  animal 
eredulum  et  mendax ;  l'homme  est 
un  animal  crédule  et  menteur,  <?i- 
AÔMpov  £a>ov.  Ceux  qui  ajoutent  foi 
si  aisément  aux  histoires  que  Ton 
raconte  de  ces  faiseurs  de  miracles, 
tel  que  Borri  a  été  tenu  avant  (pa- 
le monde  en  fût  détrompé  ,  n'ont  pas 
manqué  sans  doute  d'écouter  atten- 
tivement en  leur  enfance  les  contes 
de  Peau  d'Ane;  et  cela  marque  un 
bon  naturel  ,  avec  un  esprit  fort 
disciplinaire.  J'aurais  bien  à  philo- 
sopher là-dessus  (i3) 11  an  ive, 

après  que  l'on....  -^^t  moqué  des 
médecins  ordinaires,  que  l'on  donne 
tout  à  coup  une  entière  croyance 
aux  promesses  d'un  charlatan  ,  el 
qu'on  se  laisse  piper  à  sa  nouvelle 
méthode,  quoiqu'il  ne  débite  que 
les  mêmes  denrées.  Celui  dont  je 
vous  veux  faire  la  peinture  esl 
un  grand  garçon  noireau  ,  d'assi  /. 
bonne  façon,  qui  va  bien  vêtu, 
et  qui  fait   quelque  dépense.   I   le 

>  n'est    pourtaut    pas   telle   qu'on   se 
L'imagine,  et  quon   l'exagère  j  car 

>  huit    ou  dix  mille    livres  peuvent 

(ia)  MercLlinus  ,  in  Linilenio  renovato  ,  pag. 
289,  an  mot  r'ranciscus  Jo-iubiis  liurrbus.  Le 
Journal  des  Sa\  ans  du  1  septembre  1660  parle 
amplement  de  ces  Jiur  lettres. 

(i3)  Sorbière,  Relation  d'un  Voya;r  c.-.  An- 
gleterre, pag.  1  >ï 


59o  BORRI. 

>  aller  bien  loin  à  Amsterdam.  Mais  u  et  comme  si  sa  de'votion  se  fût  pi- 
une  maison  de  quinze  mille  e'cus  »  que'e  d'honorer  la  Sainte- Vierge  au 
achetée  en  un  bel  endroit,  cinq  ou  »  delà  de  ce  que  l'église  l'ordonne  ,  il 
six  estafiers,  un  habit  à  la  française,  »  s'avança  de  dire  qu'elle  était  une 
quelque  collation  aux  dames,  1ère-  »  quatrième  personne  delà  divinité, 
fus  de  quelque  argent ,  cinq  ou  six  »  H  en  fut  recherché  par  l'inquisition, 
richedaîes  distribuées  en  temps  et  »  et  condamné  au  feu  par  contumace! 
lieu  à  des  pauvres  gens,  quelque  »  Il  passa  à  Inspruck  (16),  où  le  feu 
insolence  de  discours,  et  tels  autres  »  archiduc  devint  la  première  de  ses 
artifices,  ont  fait  dire  à  des  per-  »  dupes.  Et,  par  son  moyen,  conti- 
sonnes  crédules,  ou  qui  eussent  bien  »  nuant  sa  route  en  Hollande,  il  se 
voulu  que  cela  fût,  qu'il  donnait  »  fixa  à  Amsterdam,  comme  en  un 
des  poignées  de  diamans,  qu'il  fai-  »  pays  propre  à  faire  sonner  haut  la 
sait  le  grand  œuvre,  et  qu'il  avait  »  persécution  qu'on  lui  faisait  à  Rome; 
la  médecine  universelle  (i4)-  Le  fin  »  et  où  il  trouverait  des  bourses  on- 
de tout  cela  est  que  le  sieur  boni  »  vertes  pour  de  grandes  avances  à 
est  un  fin  matois,  fils  d'un  habile  >,  recouvrer  sur  le  lucre  qu'il  ferait  es- 
médecin  de  Milan  (i5)  ,  qui  lui  a  »  pérer.  Il  s'est  mis  là  à  faire  l'homme 
laissé  quelque  bien  5  mais  il  y  a  ajou-  »  d'importance.  Il  a  acquis  du  crê- 
te celui  qui  lui  vient  par  l'industrie  »  dit  au  commencement  parmi  cette 
que  je  vais  vous  représenter.  Comme  »  bourgeoisie;  et  il  s'y  est  maintenu 
il  ne  manque  pas  d'esprit ,  avec  un  „  quelque  temps,  par  l'appui  d'un 
peu  d'étude  il  a  su  gagner  celui  de  »  vieux  bourgmestre,  qu'il  a  refo- 
quclques  princes,  qui  ont  fourni  à  »  cillé  avec  ses  eaux  cordiales,  jus- 
l'appointement  sur  l'espérance  qu'il  „  ques  à  ce  que  chacun  a  reconnu  sa 
leur  a  donnée  de  leur  communiquer  »  friponnerie  ,  et  s'est  moqué  de  ses 
la  pierre  philosophale ,  qu'il  était  „  artifices.  Us  ne  vont  tout  au  plus 
sur  le  point  de  trouver.  Il  a  sans  „  qu'à  trouver  le  moyen  de  mettre  eu 
doute  quelque  habileté  ,  ou  quelque  »  pratique  impunément  quelque  bil- 
routine  aux  préparations  chimiques,  „  îonnage,  ou  àquelque  altération  de 
quelque  adresse  pour  la  métallique,  «  métaux,  qui  n'est  pas  encore  bien 
quelque  imitation  des  perles  et  des  »  découverte;  car  pour  ses  cures  des 
pierreries ,  et  peut-être  quelques  re-  >,  malades,  on  ne  s'en  prévaut  non 
medes  purgatifs  ou  stomachiques  ,  »  plus  là  où  il  est,  qu'en  cette  ville  on 
qui  d'ordinaire  sont  fort  généraux  ;  »  se  prévaut  des  remèdes  d'un  célèbre 
comme  c'est  de  cette  région  que  );  faiseur  d'affiches  ,  qui  a  presqu'au- 
viennent  la  plupart  des  maladies.  „  tant  de  réputation  au  pays  de  Liège 
Par  ce  leurre,  il  s'est  insinué  auprès  »  et  en  Hollande,  que  Borri  en  a  à 
de  ceux  dont  il  a  eu  besoin  ,  et  il  y  >,  Paris  (17)  ...  Quelques-uns  ont  vou- 
a  eu  des  marchands,  aussi-bien  que  »  lu  dire ,  que  Borri  s'était  trouvé  à 
des  princes,  qui  ont  donné  dans  le  »  la  peste  de  Naples,  et  qu'ayant  un 
panneau.  Témoin  une  promesse  de  „  excellent  préservatif,  il  était  entré 
deux  cent  mille  livres  qu'il  avait  „  dans  les  maisons  pestiférées  ,  aban- 
faite  à  un  certain  Demers,  qui  avait  »  données  parl'infection  etla  mortali- 
fourni  à  ses  dépenses,  et  pour  la-  »  té  ;  et  que  là,  il  n'avait  pas  mal  fait 
quelle  des  héritiers  de  ce  marchand  „  ses  affaires.  Je  ne  sais  cequi  en  est.  » 
sont  en  procès  avec  le  spagirique  ;  H  y  a  deux  choses  à  remarquer  sur  ce 
carie  galant  homme l'aconçue  d'une  récit  de  Sorbière.  i°.  L'un  est,  que 
manière  si  bizarre  ,  qu'on  n'y  cora-  l'auteur  de  la  Vie  de  Borri  ne  marque 
prend  rien.  Ce  fourbe,  pour  se  met-  point  qu'il  fût  fils  d'un  médecin,  et 
tre  en  crédit ,  et  faire  parler  de  soi ,  insinue  le  contraire.  JYacque  in  Mila- 
prétendit  d'abord  à  se  rendre  héré-  no,  dit-il,  Jiglio  del  signor  Branda 
siarque.  Il  avait  ouï  dire  que  les  mé-  Boni ,  difamiglia  antica  délia  citta 
decins  étaient  soupçonnés  de  ne  pas  dLMilano.  Il  ajoute  que  le  cavalier 
croire  assez;  c'est  pourquoi  il  fit  Borri  se  vante  d'être  descendu  de  Bur- 
semblantde  croire  plus  qu'il  ne  faut:  rhus,  gouverneur  de  Néron.  20.  L'autre 
(,4)  Sorbière ,  Relation  d'un  Voyage  en  An-  est  que  le  même  auteur  raconte  que 

glelerrc,  pag.  i58.  (16)  X.'a  même  ,  num.  II. 

(i5)  Voyei  lafir.  de  celle  remarque,  num.  I.         (17)  Jà  même,  pag.  it>3. 


BORRI.  5(JI 

Boni,  en  se  retirant  d'Italie  ,  passa  en  (L)  M.  Frischman  a  fait  un  écrit 

Suisse  ,    et  de  là  à  Strasbourg,  à  Am-  gui  mérite  d'être  lu  louûiant  Barri.  "I 

sterdam,  à  Hambourg,  etc.,  évitant  les  En  voici  le  titre,   Monumentum  in. 

pays  des  catholiques.  Il  Bnrri ,  di!-il  tandem   genlis  Burrhorurn,    Calend. 

(18) ,  uscito  d'italia  ,  e  passati  li  m.on-  Jan.    MDCLX.    Francisco  Joseph,» 

ti  con  quella  frelta  che  ricercava  il  suo  Burrho  medico    halo  structum.    Les 

seampo  se  ne  passa  neli  Elvezia,  ,  .1  quatre  lettres  F.  R.  C.  R.  ,  qui  dési- 

indi  ad  Argentina,  fuggendo  a  plu  Client  le  nom  de  l'auteur,  signifient 

potere  ilpassare  per  paesi  catolici.  Il  ne  Frischmuiinus   Itegis     Christianissinti 

laisse  pas  d'être  vrai  que  Bon  i  a  distil-  Besidens.  Celui  qui  m'apprend  cela  , 

lé  avec  l'archiduc.  Voyez  Monconis,  indique  de  cette  sorte  la  matière  de 

lie    *:_     ./„     /_/  __i  _• :»  .   /_   i-»  -i  /    ^. 


11''.  partie,  pages  i4q,  4°4 

(K) El  ce  que   Monconis  en  a 

ipporlé.  ]  11  le  vit  à   la  Haye  ,   Tau 


cet  écrit  :  In  quo  ,  dit-il  (i3),  potens 

arlifex  plantas  in  cincres  ,  éarumdem 

ancres  ad  candern  pristinam  speciem, 

■nis    benejicio  rite  suppositi  balneo 


i(i63,  et  lui  entendit  dire  diverses  ignis  benejicio  rite  suppositi  balneo 
choses  sur  des  secrets  de  chimie.  On  Mariœ  deducens  ,  Bomœ  ut  fama 
en  voit  le  précis  dans  la  Relation  de  sed  incerta  est.,  s  imitent  suant  ira./.fi- 
ses  Voyages  (19).  Borri  était  déjà  mal  ytvtTÎa.y ,  quœ  est  combustorant  è  ci- 
iaos  ses  affaires  :  il  craignait  ses  en-  nenbus  resurrectio  ,  expeclans  ,  lau- 
■•<  mis  ,  et  se  défiait  de  ses  plus  qjffi-  dalu*  est.  On  nous  renvoie  à  Tulde- 
dés  et  parlait  de  se  retirer  en  Tur-  nus,  qui  rapporte  les  procédures  de 
quie(io).  Il  lui  était  indifférent  ,  di-  l'inquisition  contre  Borri ,  c'est-à-dire, 
sait-il  ,  qu'on  le  crût  docte  ou  igno-  les  procédures  de  l'an  1659  et  '66o. 
rant  ;  et  par  la  même  indifférence  ,  il  (AI)  Le  Supplément  du  foyage  de 
ne  se  mettait  point  eu  peine  de  justi-  M.  Burnet  nest  pas  exact  sur  son 
îer  la  vérité  de  sa  croyance  (31)  :  il  chapitre."]  On  a  nommé  Supplément 
ajoutait  qu'on  ne  pouvait  être  bon  de  ce  Voyage  ,  trois  lettres  louchant 
philosophe  ,  sans  être  bon  chrétien,  l'état  présent  d'Italie ,  qui  furent  tra- 
Commeje  lui  dis  ,  c'est  Monconis  qui  duites  de  l'anglais ,  et  publiées  à  Am- 
parle  ,  qu'on  l'accusait  d'avoir  dit  que  sterdam  ,  en  l'année  1688.  On  y  conte 
le  Saint-Esprit  s'était  incarné  dans  la  SUO  Burrhi  (car  c'est  ainsi  (pie  le  tra- 
Piergc ,  et  que  son  écuyer  eût  répon-  ducteur  le  nomme  )  ,  est  un  gentil- 
,lu  ,  Pourquoi  est-ce  que  l'on  l'accu-  homme  du  Milanais,  qui  avait  de  pa- 
saitd'une  chose  dont  on  navaitjamais  trimoine  environ  8000  écus  de  rente 
eu  de  preuve  ,  ne  pouvant  pas  montrer  (a4).  Il  voyagea  en  sa  jeunesse,  et  étant 
aucun  de  ses  écrits  où  il  y  eût  de  ces  de  retour'à  Milan  ,  il  y  tint  des  con- 
choses  ?  il  répondit  Si  bene  dans  un  férences  sur  la  nouvelle  philosophie 
que  le  pape  avait  eu  ,  qui  était  le  seul  et  sur  la  chimie.  11  fut  mis  à  l'inqui- 
qni  par  hasard  était  resté  lorsqu'il  sition;  mais,  comme  on  ne  put  rien 
avait  bnilé  tons  les  autres  ;  que  lou-  prouver  contre  lui ,  on  le  relâcha  fa5). 
chant  aux  choses  surnaturelles  ,  il  ne  II  s'en  alla  en  Allemagne  et  en  Hollan- 
lui  devait  jamais  arriver  de  malheur  de.  L'inquisition  fit  des  plaintes  de 
dont  il  ne  fut  averti  par  une  étoile  ,  lui  a  l'empereur,  il  fut  arrêté  à  Vit  n- 
qui  paraissait  devant  lui  quand  même  ne,  et  puis  après  renvoyé  en  Italie.  On 
i1  fermait  les  yeux.  Voyez  dans  la  pa-  l'accusa  d'opinions  étranges  ,  qui  Ju- 
ge  iq5  delà  même  Relation  les  contes  rent  toutes  prouvées  contre  lui  ,  qttoi- 

nil    i^r\    fîf    •'»     \Ir\n*..-.ni  c  c.ir.    1.™    C U '.       .  ,...'.'/     ....... » ..    ~..'.'/    ..'..       _      1 ■  . 


au  on  tit  à  Monconis  sur  les  fourberie., 
u  sieur  Borri,  et  dans  la  1^8  une  cure 
admirable  d'ceil.  Le  peintre  Otho  ap- 
prit à  Alonconis,  que  Borri  l'avait  par- 
faitement guéri  d'un  cancer  qu'il  avait 
dans  l'œil ,  qui  lui  ôtait  la  vue  et  l'em- 
pêchait de  travailler  ,  que  tous  les  mé- 
decins tenaient  incurable  (22). 

(18)  Vita  del  Borri  ,  pag.  368. 

(iftj  Moaconis  ,  Voyages,  IIe.  partie,  pag. 
i35,  1Ï3,  145,  i4'j,  145  ,  ne.  .  édition  de  Zjon. 

'20)  La  même,  pa^.  144  ,  145. 

(21)  L.'a  même,  pag.  147. 

'  ■-■->)  l.a  même,  pag.  i-%. 


au  il  proteste  qu'il  n'y  a  jamais  pensé 
(iG),  et  il  fut  oblige  d'en  faire  abjura 

(lî)  Decklicrrus  ,  de  Script.  AJe<pot. ,  pag. 
l3i. 

04)  ^"g-  >4°  tt  suivantes. 

(îâ)  S'il  eût  été  pn<  et  juge' présent  par  F  in- 
quisition ,  l'auteur  italien  ,1e  ta  Via  ne  dirait 
pa.  qu'il  se  sauva,  et  qu'on  le  cita;  et  que, 
cuti, me  il  ne  comparut  point,  un  le  condamna 
par  contumace. 

(?'•)  Cependant ,  il  ne  nia  point  à  Moncom*  , 
qu'il  n'eut  enseigné  l'Incarnation  du  SalnteEs- 
P-u  dans  la  Sainte-  f'ierge.  Vojrt*  lu  remarque 
(K)  ,  vers  lajin. 


592  BORRICHIUS. 

tion  en  l'an  1668  (37).  Il  fui  condamné  Coppenhagen 
à  une  prison  perpétuelle.  De  ces  8000 
tlcus  par  an  ,  ou  ne  lui  en  laisse  que 
3ooo  (28);  car  les  bons  pères  ont  eu 
la  charité  d'en  retenir  5ooo  pour  eux  : 
et  ces  3ooo  sont  tellement  rognés  par 
ceux  par  les  mains  de  qui  cet  aigmt 
passe,  qu'il  n'en  touche  pas  i5oo  tous 
les  ans.  L'auteur  des  trois  lettres  s'i- 
magine ,  que  tout  le  fondement  des 
hérésies  de  Boni  est  d'avoir  parlé  des 

choses  de  la  religion  dans  le  jargon 

mystérieux  et  inintelligible  de  certains 

chimistes.    Je    connais   des    gens  qui 

croient  que  Borri  a  prétendu  expli- 
quer la  Trinité,  l'Incarnation  ,   etc.  , 

par  les  principes  de  la  chimie.  M.  Bau- 

drand  assure   que  Borri  n'avait   que 

très-peu  de  bien  de  son  patrimoine  ,  en 

sorte  qu'il  n'en  pouvait  pas  subsister. 


(27)  Ce  fut  en  1672.  Voyez  ci-dessus  la  re- 
marque (Ë). 

(2S)  II  n'y  a  nulle  apparence  que  Borri  eut 
alors  tant  de  patrimoine  ,  ni  que  V inquisition 
lui  ail  laissé  neuf  nulle  livres  de  renie. 


BORRICHIUS   (Olaus),  l'un 
des   plus  doctes  personnages  de 
son  siècle,  était  tils  d'un  minis- 
tre luthérien  au  diocèse  de  Ripe 
dans  le   Danemarck  ,   et  naquit 
le  7  d'avril  1626.  11  fut  envoyé 
à  l'académie  de  Coppenhagen  l'an 
1644  ?  et  s'y  appliqua  à  plusieurs 
sortes  d'étude  pendant  six  ans  ; 
mais  de  telle  sorte  ,  qu'il  donna 
ses  principaux  soins  à  la  médeci- 
ne. Il  régenta  une  classe  dans  le 
collège  de  Coppenhagen  ,  et  s'ac- 
quitta très-bien  de  cette  fonction  ; 
car     il    était    infatigable     dans 
le  travail ,  et  ses  mœurs  étaient 
bien    réglées.    Cela    lui     acquit 
l'estime   de  Caspar  Brochman  , 
évêque  de  Selande  ,  et  celle  du 
chancelier  du  royaume  ,  et  il  ob- 
tint par  leur  recommandation  un 
canonicat  à  Lunden.  11  refusa  le 
rectorat  de  l'école  illustre  d'Her- 
low ,  qui  lui  fut  offert  par  M.  de 
Rosecrantz,  après  qu'il  eut  régen- 
té quatre  années  cette  classe  de 


il  le  refusa,  dis- 
je  ,  parce  qu'il  le  crut  contraire 
au  dessein  qu'il  avait  formé  de 
voyager  ,  et  de  se  perfectionner 
dans  la  médecine.  11  commença 
de  la  pratiquer  pendant  une  hor- 
rible peste  qui  fit  mourir  beau- 
coup de  gens  dans  la  capitale  du 
royaume.     La    contagion    étant 
cessée ,  il   donna   encore    un  an 
aux   soins    de    sa   classe  ;   après 
quoi ,    il  prépara   toutes  choses 
pour  les  voyages  qu'il  avait  des- 
sein de  faire.  Mais  il  fallut  qu'il 
les  renvoyât  à  un  autre  temps; 
car  M.  (ierstorff,  premier  mi- 
nistre   d'état  ,    le    voulut   avoir 
dans  sa  maison  comme  précep- 
teur de  ses  enfans.  Il  exerça  cet 
emploi  pendant  cinq  années  ,  et 
ensuite  il  satisfit  son  inclination 
à  voyager  :  mais  ,  avant  que    de 
partir ,   il  eut    l'avantage  d'être 
désigné  professeur  en  philologie  , 
en  poésie ,  en  chimie ,  et  en  bo- 
tanique ,  dans  l'académie  de  Cop- 
penhagen.   Il  partit  au  mois  de 
novembre  1660;  et  après  avoir 
vu  à  Hambourg  quelques  méde- 
cins célèbres,  il  vint  en  Hollande, 
et  s'y  arrêta  assez    long-temps. 
Il   y    fut  joint    par  les    fils    de 
M.  Gerslorff(a)  ,  et  les  prit  sous 
sa   conduite.  11  leur  fit    voir  le 
Pays-Bas  espagnol,  et  l'Angle- 
terre, et  il  les  mena  à  Paris,  où 
il  s'arrêta  deux  ans  :  leurs  tuteurs 
les  rappelèrent ,  et  cela  fut  cause 
qu'il  continua  ses  voyages   avec 
plus  de  liberté.  11  fut  promu  au 
doctorat  en  médecine  à  Angers  : 
il   vit    les  principales  villes    du 
royaume  ;  et  ensuite  il  passa  les 
monts  ,    et    arriva    à    Rome  au 
mois  d'octobre    it)65.    Il    y   de- 


(a)  //  étail  mort  depuis  le  départ  de  Bor- 


BORRICHIUS.  fîf)3 

meura  jusques  à   la  fin  de  mars    suites  avec  beaucoup  de  constan 


1666;  après  quoi  il  fallut  songer 
au  retour  :  la  charge  qui  lui 
avait  été  conférée  dans  l'acadé- 


ce  et  de  religion ,  jusques  à  sa 
mort,  c'est-à-dire,  jusques  au 
3  d'octobre  de  la  même  année. 


mie  de  Coppenhagen  demandait  Sontestamentfutunepreuvequ'il 

la   résidence.   Il  traversa  l'Aile-  fit  un  usage  très-chrétien  des  ri- 

magne  ,  et  arriva  en  Daneinarck  chesses  qu'il  avait  acquises  ( d)  (C). 
au  mois  d'octobre  1666.  Lepro- 

c.    -.  ,  •.  (d)  Tire  de  son  Programme   iuwlire  ,Jeiit 

fat  de  ce  long  voyage  ne  pouvait   par  '3em  MuleniuS)  professeur  «  Coppen- 
pas  être  médiocre  ,  puisque  Bor-    hagen. 

richius  s'était  fait  connaître  dans  t.  „        .  â 

„i                •u„             1                    1  „ (A)    II  s'était    fait   connaître  dans 

chaque  vil  le  aux  plus  savans  nom-  ,*-   !       ...         J    , 

*■       .       c           *                .    „          .  chaque   ville  aux    pius   savans    hom- 
mes qui  y  tussent  (A).  11  ht  voir  mes  -j  Le  rticit  je  sa  vie  >  fa;t  par  \ay. 

dans  l'exercice  de  sa  charge ,  qu'il  même  ,  et  inséré  au  IIe.  tome  îles  Deli- 
était  très-digne  de  la  remplir  :  ces  des  Poètes  danois  ,  contient  le 
laborieux  au  souverain  point,  et 
rempli  d'une  grande  variété  de 
connaissances  ,  les  livres  qu'il 
publia  le  témoignèrent  authen- 
tiquement  (B).  Il  ne  voulut  ja- 
mais s'engager  au  mariage  :  car 
il  craignit  que  cela  ne  diminuât 
la  liberté  de  philosopher  {b).  Il 
fut  élevé  à  la  charge  de  conseil- 
ler au  conseil  suprême  de  justi- 


nom  de  plusieurs  de  ces  savans  ,  el 
celui  de  quelques  personnes  de  qualité 
qui  témoignèrent  leur  estime  à  ce 
voyageur.  Le  marquis  de  Pianezze  le 
régala  magnifiquement  à  Turin.  Il  eut 
à  Rome  quelques  audiences  du  cardi- 
nal Pallaviciu  ,  et  il  fut  souvent  mande' 
par  la  reine  de  Suède  ,  qui  aimait 
beaucoup  la  chimie.  Adhibitus  et 
quandoque  colloquds  Cakdinaus  Palla- 
V1CIN1  ,  et  sœpè  accersitus  ad  disseren- 
iliuu  cum  RtGiNA  Christina  de  arcanio- 
ris  Chemiœ  studio  ,  veritale  ,  expert- 
Ce  l'an  l686,età  celle  de  COn-  mentis  ,  quibus  lum  sacris  se  Palladia 
seiller   de   la  chancellerie  royale    virago  devoverat  if). 


l'an  1689.  Il  commença  de  sen- 
tir les  attaques  de  la  pierre  cette 
même  année  (c)  :  le  mal  crût  de 
jour  en  jour;  et  enfin,  n'y 
voyant  plus  d'autre  remède  que 
de  se  faire  tailler  ,  il  se  résolut  à 


(B)  II  clait  digne  de  sa  charge  de 
professeur. ...  les  livres  qu'il  publia  le 
témoignèrent  authentiquetnent.  ]  Son 
Cnnspectus  prœslanliorum  Scriptorum 
iinguœ  latinœ  n'est  qu'une  petite  por- 
tion d'un  gros  ouvrage  qu'il  composa 
sur  cette  matière,  et  qui  se  trouve 
parmi  ses  papiers.  On  a  vu  ses  Cogi- 


subir  les  risques  de  cette  rigou-    tattones  devants  Iinguœ  latinœ  œtati- 

reuse opération  le  i3  de  septem—    bus  et  scripto  G.~J.  fnssii  dr  finis 

bre  1690.  Elle  ne  réussit  point  : 

la  pierre  se  trouva  si  grosse  et  si 

dure  ,    qu'il    ne  fut  possible  ,  ni 

de  l'arracher  ,  ni  de  la  couper.  Il 

soutint  cet  accident  et  toutes  ses 


(Jb)  A  conjugio  totâ  vilà  abstinuil .  ut  eo 
phdosopharetur  expcditiits.  liorricliius  in 
Vitâ  sua.  l'oyez  la  citation  suivante. 

(c)  Tiré  de  sa  Vie,  écrite  par  lui-même  , 
et  mise  au-devant  de  ses  poésies  latines,  au 
II",  tom.  des  Ueliciarum  quorundam  Poeta- 
rum  daoorum,  recueillies  par  Fridéric 
Rostgaard  ,  et  imprimées  à  Leyde  ,  l'an 
1693. 

TOME   III. 


sermonis  ,  et  ses  Analecta  p/iilologica 
et  Judicium  de  Leiicis  latinis  gfoe- 
cisque.  On  a  vu  aussi  son  Antiques 
Rnntœ  Imago  ,  et  son  traite  de  Sylla- 
barum  Quantitale  ,  qu'il  intitula  Pai- 
nassus  in  nuce.  Ayant  remarqué  qu'il 
y  a  des  apothicaires,  et  même  des 
médecins  ,  qui  prononcent  mal  les 
noms  latins  des  remèdes  ,  il  publia  un 
écrit  qui  a  pour  titre  ,  Lin  g  un  Phar- 
macopœorum.  Ses  Dissertations  de 
Poëlis  qrœcis  et  latinis  ne  sont  pas 
le  moindre  de  ses  ouvrages.  Ayant  vu 


(1)    Vit»    BorricVii 
Povlaruiu  danorum  . 


tom.    //    Drliciarum 

3:3. 


38 


594  BORSTEL. 

que  son  Prodrome  de  Ortu  et  Pro-  studiosis  ,  modestid  ,  virtuie ,  ac  doc- 
eressu  Chemiœ  avait  été  critiqué  par  trind  conspicuis  ;  amplum  auditorium 
Conringius  ,  il  en  lit  une  apologie  qui  varie  exnrnatum  ,  ut  in  hdc  palœstrâ 
s'intitule,  de  Hrrmetis  ,  JËgypliorum,  commodiiis  lacertos  movèant  juniores 
et  Chemicorutn  ,  Sapienûd.  Il  expli-  sacris  Apollineis  dei'oti  ;  supellex  ti- 
qua deux  fois  en  public  un  Cours  brariaexquisilœ  elegantiœ  diwerso  stu- 
entier  de  Chimie.  Cet  ouvrage  n'est  diorum  generi  inserviens  ,  cui  adhœ- 
pas  encore  imprimé.  Son  Traité  latin  rent  manuscripta  rariora  ;  cernitur  ibi 
Dnciiuastice  Metallica  a  été  traduit  quoque  laboralorium  chemicum  medi- 
en  allemand  ,  et  en  danois.  Il  y  a  cinam  excolentibus  profuiunim  ;  cer- 
plusieurs  Mémoires  Chimiques  et  Bo-  nitur horlus  floribus  arbonbusque  con- 
tamines de  sa  façon  daDS  les  Acta  situs  ,  oculis  recreandis  ,  animo  pas- 
J\'ledica  Haj'rwnsia.  11  a  publié  aussi  eendo  dicatus.  Hnc  tant  sumptuosœ 
un  livre  de  Usu  indigenarum  Planta-  structurée  domicilium  vocari  maluit 
rum  in  medicinâ  ,  un  Traité  de  Sont-  Collegidm  Medicedm  ,  quant  ut  a  suo 
no  et  Sonmifens  ,  un  autre  de  Ca-  nomine  appellationem  haberet  ,  nihii 
ba/d  characterali ,  un  antre  de  Cau-  enim  arroganlice  ,  nihiljasluosi  osten- 
sis  divenitatis  Linguarum.  Ajoutons  tabal  tolo  vitœ  cursu  ,  sed  jbrtunâ  ae 
à  cela  O'atio  jubilea  Efangeiica  ,  et  felicilale  sud summâuius  est  modestid. 
Memoria  On  Uligeii  Va.dii  (2)  ,  et  Ulrisque  tum  hujus  coUegii  incolis  , 
Deusingius  heaulontimorumenos.  Ce  tum  aliis  egestale ,  œruntnis  et  imbe- 
dernier  ouvrage  contient  quelqueslet-  cilli  valeludine  oppressis  ,  nec  non 
très  satiriques  contre  Deusingius  ,  où  alumnis  stholœ  Ripensis  ingénient  pe- 
ïl  se  donna  le  faux  nom  de  Benediclus  cunice  summàm  atlribuit ,  quœ  résigna- 
Blotesandœus  ,  qui  est  la  même  ebose  lis  pnsl  obilutn  testarnenti  lubulis  ,  in 
que  Benediclus  Nudiverius  (3)  ;  car  cnilegïo  consistoriaLi  annuo  spatin  re- 
ilôt  signifie  en  danois  nu  ,  et  sande  servatis  ,  explevit  numeritm  tngintt 
signifie  la  vérité  ,  comme  M.  Placcius  sex  mille  et  trecentorum  Joachimico- 
l'observe  à  la  page  io5de  ses  Poeudo-  rum  (5).  Afin  qu'on  sacbe  à  quoi  se 
nyrues.  .le  laisse  les  titres  de  quelques  montait  son  bien  ,  je  dirai  que  dans 
autres  écrits  deBorrichius,  que  je  pour-  le  partage  qu'il  en  fit  entre  ses  parens 
rais  copier  dans  l'ouvrage  de  M.  Mol-  et  les  étudians  ,  etc.,  il  employa  pour 
lerus  que  j'ai  cité  (4) ,  et  où  il  promet  ceux-ci  26,300  écus  ,  et  qu'il  laissa  à 
de  traitei  fort  amplement  de  cet  auteur  ceux-là  5o, 000  écus  (6).  Dieu  veuille 
dans  sa  Cimbria  Lilterala.  Je  donnerai  que  cela  serve  d'exemple  à  ceux  qui 
seulement  le  titre  d'un  livre  postbu-  en  pourraient  faire  autant  ! 
me  ,  qui  fut  imprimé  à  Coppenhagen  ,„_...            „                 ,    .,        .  , 

11            c            /}/     ;  Hn.-.;,h;,   Mii.<nprfiii  (5)    Tire  de    son     Progamme     fuocbrr ,  a  ta 

l'an  1697  :  ÇHai  BomcnuConspectus  y383>384  du  //c.  \ûme  des  DéUcea  des 

scriptorum  Chemicorum  illustrmrum.  p0;,n,  danois. 

(C)  //  fil  un  usa^e  très-chrétien  des  (6)  Jo.-m.   Mollerus   ,    in     Hypomnemat.    de 
richesses   qu'il  avait  acquises.  ]  lien  s"'Pl-  IW-.W-  354- 
consacra  beaucoup  au  bien  des  pau-  BQRSTEL  f  ADOLPHE  DE),  ffeil- 
■vres  ,    et    a   1  avantage  des   étudians.  ^          ,                 •  t »    1 
Lisez  cela  en  détail   dans    le   passage  tilhomme  allemand  ,   a  qui  bal- 
latin  que  je  vais  copier.  Institua  ut  et  zac  a  écrit  des  lettres  ,  et  donne 
sufficerei  juventuti   academiece  neces-    je    „ran(Js    éloges  ,    était    fils    de 
sariisdéstitutœadminiculis praesidium  c          d   de  Borstel  ,  qui  fut  sei- 
alinuod  in   ubenora  studtorum  incre-  tu    *  1           «- 
mJita ,  et  fameluts  offlictisque  sola-  gneur    de   Gusten,    Plotzka    et 
men  obtingeret.  Illis  qiuppe  domain  autres  lieux,  et  premier  minis- 
planè    lateriiiain    magnificent issimœ  tre  d'état  des  princes  d'Anhalt , 
structura; reliquit,ubi  omniaeernun-  „ouverneur  général    de   cette 
tur  snlendiae  appamta  ,  cubtcula  octo  .0   .             ,           o 
cum  suis  eonclauiis ,  sedecim  destinata  principauté.    Il    fut   envoyé    en 

France  par  le  roi  de  Bohème  ,  et 

<a)  Tiré  de  sa  vie    pag.  37£  et  sui*.  j     princes  de  l'em  pire  ,  sous 

(3)  Joan.  Mollen.s.Sp.cilcg.  Il  jpomnematum  fi   i«pim                    V1  ,  i              1 

deScriptis  Danorum,  pag.  36.  le  règne  de  Louis  AI  11  ;  et  lors- 

mW)Joaji.  MoUertt«riMe»»l  eti/iHyponne-  ^   ges  négociations  furent   fi- 


BORSTEL. 


nies,  il  s'établit  dans  le  royau- 
me ,  et  il  obtint  des  lettres  de 
naturalité,  et  la  charge  de  gen- 
tilhomme ordinaire  de  la  cham- 
bre du  roi.  Il  épousa  Charlotte 
de  FaroudeSaint-Marcolle,  dont 
il  eut  uu  fils  qui  a  une  famille 
nombreuse  (A).  Cette  dame  épou- 
sa en  secondes  noces  Josepli  le 
Brun  ,  chevalier  seigneur  de  la 
Brosse,  gouverneur  de  la  ville  et 
du  château  de  Chinon.  Elle 
est  morte  en  son  château  de  la 
Zaille  en  Loudunois ,  le  i4  de 
mars  170*),  âgée  de  quatre- 
vingt-trois  ans.  Elle  était  d'une 
des  meilleures  maisons  de  Poi- 
tou (a).  Je  dirai  quelque  chose 
de  la  généalogie  de  notre  Adol- 
phe de  liorslel  (B) ,  qui  eut  deux 
neveux  illustres  (C). 

(.'  ZVre'r/u  Mercure  Galant  de  mars  IJoU, 
pag.  25y   et  suif; 

(A)  Il  eut  un  fils  qui  a  une  nom- 
breuse famille.  ]  Il  épousa  mie  cou- 
sine du  marquis  de  lîasilli,  lieutenant 
gênerai  pour  le  roi  en  Touraine,  et 
sous-gouverneur  des  enfans  de  Fran- 
ce. Laine*  de  ses  lils  sert  dans  la  ma- 
rine depuis  douze  ans ,  et  est  ensei- 
gne des  vaisseaux  du  roi  :  le  cadet  a 
<  l<  page  du  duc  du  .Maine  ,  et  est 
commissaire  provincial  de  l'artille- 
rie (i). 

(B)  Je  dirai  quelque  chose  de  la  gé- 
néalogiede  notre  Adolphe  de  Borstel.] 
L'auteur  du  Mercure  Galant  assure 
que  la  mai-ion  de  Borstcl  est  des 
plus  anciennes  et  des  plus  illus- 
tres de  l'Allemagne.  Elle  est  ori- 
ginaire de  Zélande,  ajoute-t  il  ,  et 
un  ieigneurde  Borstel  ,  a  qui  les  vil- 
les de  Flessingue  et  de  IVert  appar- 
tenaient ,  épousa  la  dernière  comtesse 
d  H-dlande  ,  et  par  s'  1  mariage  de- 
vint souverain  de  cette  province  ,  que 
le  duc  de  Brahanl,  par  la  suite,  usur- 
pa sur  lui.  Après  cette  usurpation  , 
planeurs  de  cette  maison  s'établirent 
dans  la  haute  S  ne  ,  où  ils  bâtirent  te 
château  de  Borstel ,  assez  remarqua- 
it)   Tire  du  Mercure  Galant   de  mars  1-03  , 


595 


ble  dans  la  carte  •  et  l'on  voit  que  des 
le  temps  de  /'empereur  (Jdion  Icv.  ils 
y  étaient  d. ,  a  en  très-xi  ande  distinc- 
tion ,  et  qu'ils  avaient  les  premiers 
emplois  de  l'état  ,  dans  le  ministère 
dans  la  guerre  et  dans  les  ambassa- 
des (a).  Il  y  a  là  beauc  tup  de  fautes  ; 
car  i°.  celui  qui  se  maria  avec  la  der- 
nière comtesse  de  Hollande  se  nom- 
mait François  de  Bors<  1  ,  ou  de  Bor- 
selle  ,  et  non  pas  de  Borstel.  1°.  Il  ne 
fallait  point  dire  de  Wert ,  mais  de 
la  Fere  ,  ou  plutôt  de  Ter-Pere  (3). 
3°.  Il  ne  devint  point  souverain  de  la 
Hollande  par  son  mariai;-,'  :  le  duc  de 
Bourgogne,  Philippe-le-Bon ,  l'aurait 
fait  mourir  si  la  comtesse  de  Hollan- 
de ne  lui  eût  cède  tous  ses  elats  pour 
sauver  la  vie  à  son  mari  }).  4°-  H  ne 
fallait  point  parler  du  duc  de  Bra- 
bant  ,  mais  du  duc  de  Bourgogne. 
5°.  J'observe  que  cette  comtesse  de 
Hollande  mourut  l'an  i  p(i  ,  et  que 
l'empereur  Otlion  1er.  mourut  l'an 
9;3.  Qu'on  jugesi  depuis  la  prétendue 
usurpation  de  la  Hollande  sur  le  mari 
de  cette  comtesse ,  plusieurs  de  la 
m, tison  de  Borstel  ont  pu  s'établir 
en  Saxe,  et  y  bâtir  un  château  ,  et 
briller  dans  les  emplois  dès  le  temps 
de  rei  empereur. 

(C)  Il  eut  deux  neveux  illustres.  ] 
«  L'un  ,  Frédéric  de  Borstel  ,  a  été 
»  capitaine  des  gardes  du  corps  du 
»  feu  roi  Je  Suède  ,  colonel  du  régi- 
»  ment  de  Westergothie,  gouverneur 
»  de  Gottembourg  et  Bahous,  et  gé- 
»  neral  major  des  armées  de  sa  ma- 
»  jeslè  suédoise,  qui  le  lit  ,  en  COnsi- 
»  dération  de  ses  services,  baron  du 
»  royaume  ;  et  l'autre,  Erhest-Ami 
»  dei:  DE  boKsiLL  ,  grand  éebanson  de 
»  feu  sou  altesse  électorale  de  Brande- 
»  bourg,  colonel  du  régiment  de  ses 
»  gardes  ,  général  m  aï  or  île  ses  ar- 
»  <née<  ,  et  gouverneur  du  duché  de 
»  Magdebourg ,  lequel  gouvernement 
»  est  encore  p  issédé  par  Jean-Henbi 
»  de  Borstel  (S).  »  <>n  ajoute  dans  le 
M  rcure  Galant  qu'il  y  a  en  France 
une  demoiselle  nE  Borstel  ,  qui  a 
épousé  M.  de  Doumcny  ,  lieutenant 
de  grenadiers  au  régiment  des  gardes 

(1)  La  même,  pag.  iSg. 

(3)  Voje%  l'article   H if.hu,  remarque  (R). 
!a  IIe.  partir  île  la  Réponse  au* 

Quittions  d  un  pruvincial  ,  pag,  <>■ 

(5    Mercure  Galant,  mars  1705  ,    pa£.   2G1  , 
2C2. 


59G  BORSTEL. 

françaises,  et  qui  a  été  fille  d'honneur  gouvernante   de  l'électeur  de  Bran- 

de  Madame  lVlectrice  palatine ,  mère  debourg  ;  et  qu'elle  a   présentement 

de  madame  (6)  ;   que  sa  mère  a  été  un    neveu    qui    est    premier   gentil- 

f6)  c        -d,re,  la  veuve  du  duc  d'Orléans,  llomme  de  !a  chambre  du  prince  élec- 

frire  uni.,  -.  du  roi  Louis  XI y.  toral. 


FIN  DU  TROISIÈME  VOLUME. 


0 


BINDINGSECT.FE8  2l.19e 


CT 
95 
B28 
1820 

V.3 
cl 
POBA