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Full text of "Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance"

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DIGTIO^NAIKE    RAISONNÉ 


DU 


MOBILIER  FRANÇAIS 


B  A  n  -  L  K  -  1)  U  C  .     —     1  M  P  It  I  M  K  II  I  F.     C  0  M  T  E  -  J  A  C  n  L'  K  T 


DICTIONNAIRE    RAISONNE 


DU 


MOBILIER  FRANÇAIS 

•5 


DE  L'EPOQUE  CARLOVINGIENNE   A   LA   RENAISSANCE 


M.  VIOLLET-LE-I)lIC 


ARCIilTECTE 


TOME   TROISIEME 


PARIS 

\'    A.    MÔUEL   ET   G",    ÉDITEIKS 

13,     HUE     1!  ON  A  l'A  H  TE,     13 

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SEPTIÈME   PARTIE 

VETEMENTS,  BIJOUX  DE  CORPS 

OBJETS    DE    TOILETTE 


IM     -    I 


SEPTIÈME  PARTIE 


VÊTEMENTS,  BIJOUX  DE  CORPS,  OBJETS  DE  TOILETTE 


^^ 


AGRAFE,  s.  f.  {a  fiche,  a  fice,  ferniail,  frumal,  fermoiirs,  fcrmillet, 
fremillet,  freinaus,  tasel,  tasial)  '.  La  fibule  antique  est  le  point 
de  dépail  de  ce  bijou,  qui  était  destiné  à  réunir  sur  l'épaule  ou  sur 
la  poitrine  les  deux  bords  du  manteau  ou  de  la  cliape,  et  encore 
à  fermer  l'ouverlure  antérieure  de  la  robe.  La  variété  de  forme  des 
agrafes  adoptées  aux  diverses  époques  du  moyen  âge  est  infinie. 
Depuis  la  fibule  gauloise,  qui  ressemble  à  ce  que  l'on  nomme  au- 
jourdliui  une  broche,  jusqu'au  fermait  cà  plaques  et  au  fremillet  de 
ceinture  du  xv'  siècle,  on  trouverait  cent  exemples  différents  de  ces 
objets  adoptés  pour  les  vêtements  des  deux  sexes  et  par  toutes  les 
classes.  Le  fermail  se  dislingue  toutefois  parfiiitement  de  la  boucle  : 
celle-ci,  cousue  ou  rivée  à  l'extrémité  d'une  courroie  on  bande 
d'étoffe  percée  de  trous,  permet  de  serrer  plus  ou  moins  celte  cour- 
roie autour  de  ce  qu'elle  doit  maintenir;  tandis  que  le  ferniail, 
l'agrafe,  réunit  simplement  deux  parties  d'un  vêtement,  soit  au 
moyen  d'une  brocbe,  comme  la  libule  antique,  soit  au  moyen  de 
deux  mordants.  L'agrafe  est  même  quelquefois  composée  de  deux 
parties    cousues    aux    bords  opposés    du   vêlement,   parties   qu'on 

'  laisel  ea  anglais, 


4  - 


I    AC.RAI'E    \ 

peut  réunir  au  moyen  d'une  broche  libre.  Ces  sortes  d'agrafes  figu- 
rent alors  exactement  une  charnière  ou  un  couplet  avec  sa  fiche. 

Les  lombes  des  chefs  venus  de  Germanie,  qui  envahirent  les 
Gaules  au  v"  siècle,  renferment  parfois  de  ces  agrafes  soit  d'argent, 
soit  d'or,  avec  pûtes  de  verre  serties.  A  Odratzheim,  près  de  Stras- 
bourg, sur  la  rive  gauche  du  Rhin,    on  découvrit,  il  y  a  quelques 


./iiÂZ  yD7  . 


années,  une  belle  agrafe  d'argent  dans  une  tombe.  Cette  agrafe, 
dont  nous  donnons  (fig.  1)  la  face  grandeur  d'exécution,  et  en  A  le 
profil,  se  compose  de  deux  plaques  rivées  ensemble,  à  la  distance 
de  15  millimètres  ;  un  bord,  formant  épaisseur,  masque  les  rivets. 
Des  mordants  sous-jacents  maintenaient  les  lisières  du  manteau. 
Des  pcàtes  de  verre  coloré  sont  assez  adroitement  serties  sur  la  face 
externe,  et  au  milieu  ressort  une  sorte  à\imho  d'argent.  Des 
filigranes  sont  soudés  sur  le  tour,  entre  les  bâtes  des  verres  K 


<  Voyez  la  J^otice  sur   les  cimet.  gnnl .  et   germ.   décotiverts  dims   les   enviroyis   de 
Strasbourg,  par  iM.  le  colouel  Morlet.  Slrasbourg,  ISOi. 


—    s   —  [   AGIIAFE    ] 

Cette  forme  circulaire  des  agrafes  du  manteau  germain  se  retrouve 
sur  les  has-reliefs  de  la  colonne  Trajane.  Il  est  une  autre  forme 
d'agrafe,  ou  plulôt  de  fibule,  qu'on  retrouve  dans  les  tombes  méro- 
vingiennes, et  qui  présente  une  disposition  toute  particulière.  Ces 
bijoux  consistent  en  deux  portions  de  disques  réunies  par  une  sorte 
d'arc  très-relevé  [i\g.  2)  '.  Une  broche  était  soudée  sous  les  deux 


A. 


peS/KRCCTp.iS 


disques,  pour  saisir  les  bords  de  Tétoffe  qui  trouvent  à  se  loger  sous 
cet  arc  relevé,  ainsi  que  l'indique  notre  gravure,  en  B.  On  pouvait  dès 
lors  mordre  l'étoffe  à  une  certaine  distance  de  ses  lisières,  afin  de  ne 
les  point  arracher.  L'exemple  que  nous  donnons  ici,  déposé  au 
musée  de  Cluny,  a  été  trouvé  par  nous  dans  un  cercueil  mérovin- 
gien, de  pierre,  au-dessous  du  sol  de  la  basilique  de  Dagobert  à 
Saint-Denis.  Cette  agrafe  est  de  bronze ,  composée  de  plaques 
repoussées,  gravées  et  soudées,  et  conservant  ainsi  beaucoup  de 
légèreté.  Dans  ses  curieuses  fouilles,  M.  l'abbé  Cochet  a  trouvé  plu- 


.iiiuiilciir  (l"e\('ciilii)ii. 


[  Af.nAi'r.  ]  —  6  — 

sieurs  fibules  semblables  à  celle-ci,  et  M.  Huclier  en  donne  une  autre 
conçue  suivant  le  même  principe,- possédant  encore  sa  broche,  et 
provenant  d'un  des  cimetières  mérovingiens  du  Maine  *  (fig.  3j. 
Par  exception ,  sur  cette  dernière  fdjule,  on  lit  gravé  le  nom  du 
Christ   :    XPSTO.   L'agrafe  mérovingienne    se   portait  sur   l'épaule 


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G-  ■y^i^i'O/l 


droite  habituellement,  pour  laisser  le  bras  droit  libre  entre  les  bords 
du  manteau.  Elle  bridait  même  quelque  peu  le  haut  du  bras,  et 
c'est  ce  qui  explique  pourquoi  il  était  nécessaire  de  lui  donner  au- 
tant de  prise  sur  l'étoffe.  Les  agrafes  circulaires,  en  forme  de  médail- 
lons, étaient  plutôt  des  attaches  de  chapes,  et  se  posaient  sur  la 
poitrine.  Ces  sortes  de  bijoux  étaient  en  usage  pour  les  vêtements 
sacerdotaux  :  le  cabinet  des  médailles  à  Paris  conserve  une  de  ces 
plaques,  qui  est  fort  intéressante  à  tous  les  points  de  vue,  et  qui 
provient  du  trésor  de  l'abbaye  de  Saint-Denis.  Elle  consiste  en  un 
beau  camée  antique  -,  serti  en  or  avec  monture,  qui  parait  dater 
du  xr  siècle.  Trois  gros  rubis  et  trois  saphirs  entourent  le  camée. 
Entre  les  pierres  sont  des  groupes  de  perles  assemblées  par  trois 
(fig.  4).  En  A,  nous  donnons  un  fragment  de  la  monture  qui  reçoit 
les  tiges  B,  auxquelles  sont  attachées  les  perles  et  les  bâtes  C,  avec 
griffes  qui  maintiennent  les  saphirs  et  rubis.  Ce  beau  bijou  était 
certainement  un  de  ces  fermaux  de  chape  posés  sur  la  poitrine.  Des 
statues  des  xii''  et  xiii"  siècles  nous  montrent  ces  sortes  d'agrafes 
pectorales,  qui  n'étaient  parfois  qu'un  ornement  et  étaient  fixées  sur 
le  haut  de  la  robe.  La  belle  figure  du  xir  siècle,  provenant  du  portail 
de  l'église  Notre-Dame  de  Corbeil,  désignée  faussement  sous  le  nom 


'  Voyez,  dans  le  Bulletin  monumenUd  de  M.  de  Cauniont,  t.  XX.  p.  3G9,  la  notice 
insérée  par  M.  Huclier  sur  cet  objet. 

2  Tête  d'Auguste,  sardonix,  grandeur  d"e\écutiou.  u"  190  du  Catalogue  géuéral  et 
raisonné  des  camées,  etc.,  exposés  dans  le  ratiiuel  des  médailles,  rédigé  par  M.  Clia- 
bouillet,  conservateur. 


—    7    —  [   AGRAFE   ] 

de  Clotilde,  et  qui  se  trouve  aujourd'hui  dans  l'église  de  Saint-Denis, 
est  ornée  d'un  de  ces  fermaux  attachés  simplement  au  haut  du  corsage 
et  ne  retenant  point  le  manteau.  Cette  plaque  est  circulaire,  décorée 
de  gros  chatons  tout  autour  avec  partie  renfoncée,  unie  au  centre, 
probablement  remplie  autrefois  d"un  morceau  de  pâte  de  verre. 


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^ 


l^'  I 


Sur  la  chasuble  des  évêques  du  \ui''  siècle,  au-dessus  du  pallium, 
est  presque  toujours  posée  une  de  ces  larges  plaques  ornées  de 
pierreries,  qui  ne  sont  qu'un  ornement  et  rappellent  le  pectoral  du 
grand  prêtre  du  temple  de  Jérusalem  (lig.  S)'.  Mais  revenons  aux 
fermaux  ayant  une  destination  utile,  et  d'abord  aux  fermaux  de 
manteaux.  La  fibule  mérovingienne  s'attachait  difficilement.  Il  fallait 
ramener  devant  soi  les  deux  bords  du  manteau,  puis  les  rejeter  sur 
l'épaule  lorsqu'ils  étaient  l'éunis,  ou  bien  les  fah'e  athu'her  par  un 
servilcui';  on  abandonna  donc,  au  xu''  siècle,  cette  libule,  et  on  la 
remplaça  pai-  des  agrafes,  dont  les  deux  parties  étaient  cousues  aux 


'  On  pDi'lail  laniiliniKil  iIl'  l;i  callirilialc  ili'  f'.liariri's. 


—  8  — 


[   AGHAKE   ] 

bords  du  vêlement;  rniie  portait  un  mordant,  cl  l'autre  était  faite  en 
façon  de  gourmette  pour  pouvoir  rapprocher  plus  ou  moins  ces  deux 


(j  •yc'.v 


bords.  Voici  une  de  ces  agrafes  (lig.  6)  ^  La  piirlie  A  est  cousue  sur 
le  manteau;  elle  porte  un  mordant  B,  qui  passe  à  travers  l'étolfe 


0 


(voy.  la  coupe  C).  La  tige  centrale  seule  sert  à  retenir  la  soie  ou  le 
fil,  afin  de  laisser  les  ailes  libres  et  faciles  à  saisir.  La  gourmette  D 


1  Attaehaut  le  mauleau  du  liiii  îles  viugt-qiiatrc  vicillanb  de  TApocalypse,  portail 
occidental  de  la  calhcdralo  de  Cliarlres  (xii^  sièele).  Autri;  analogue,  portail  de  l'église 
de  Moissac  (xii''  sièile). 


—    9   —  [   AGUAKE    ] 

est  cousue  sous  la  bordure  du  maïUeau  au  moyen  de  la  patte  P.  et 
est  posée  sur  un  morceau  de  peau  V,  afin  que  le  mordant  B  ne 
puisse  user  l'étoffe  de  la  robe  par  le  frottement  et  se  faire  sentir  sur 
l'épaule.  Le  mordant  pouvait  ainsi  entrer  dans  les  crans  successifs 
et  brider  plus  ou  moins  le  manteau  sur  la  poitrine.  L'autre  agrafe 


de  manteau,  (lu'on  trouve  souvent  liguvée  sur  des  statues  du 
xnr  siècle,  se  compose  de  deux  plaques  formant  un  couplet  (fig.  7), 
avec  une  broche  qui  les  réunit.  Les  deux  parties  du  couplet  étaient 
cousues  aux  bords  opposés  du  manteau,  ainsi  que  l'indique  notre 
gravure.  Pour  que  la  broche  ne  s'égarât  pas,  un  cordonnet  la  reliait 
à  l'une  des  parties  du  couplet.  La  charnière  était  décorée  de  gra- 
vures ou  de  pierreries,  ainsi  (jue  la  lèle  de  la  broche  '.  Plus  tard, 
c'est-à-dire  vois  la  lin  du  xni"  siècle,  les  manteaux  ne  se  portèrent 
plus  ouverts  sur  l'épaule  droite,  mais  ouverts  par  devant,  et  leurs 


'  Slalucs  d'apùtiTs  île  lu  siiiiilr  rli;i|'i'lli'  de  l»;iris;  slaliu's  des  mis  do  Saiiil-Dcnis. 

lu.  --  -1 


[    AGIÎM'E    j 


10 


bords  farent  réunis  par  une  ganse  passant  à  travers  un  œillet   de 
métal,  pour  pouvoir,  au  besoin,  serrer  les  deux  bords  l'un  contre 
l'autre  (voy.  Manteau). 
Les  petites  broches  furent  en  usage,  à  dater  de  celte  époque,  pour 


^UA. 


^^, 


l 


fermer  le  haut  des  robes  et  quelquefois  le  manteau  des  femmes. 
Voici  (fig.  8)  une  de  ces  sortes  d'agrafes  de  cuivre  doré,  ornée  de 
pierreries,  qui  date  du  milieu  du  xni"  siècle  '.  En  A,  est  donnée  une 


des  quatre  petites  létes  de  prolil.  L'exécution  de  ce  bijou  est  très- 
bonne,  les  mufles  d'animaux  sont  ciselés  avec  une  extrême  délica- 
tesse et  d'un  excellent  style.  La  ligure  9  présente  une  de  ces  broches 

'  I)(,'  la  colleclioii  ili'  M     A.  (ère  iti'  (.uraiidcur  (Vcxt-cutiou'. 


—    11    —  [   AGRAFE   ] 

d'une  composilion    très-simple.  Cet  objet  est  de  iiîême    de    cuivre 
doré,  orné  de  grenats  ',  et  date  du  \i\°  siècle. 

On  fabriquait  de  petites  bro- 
ches en  os  ou  en  ivoire  pour 
maintenir  les  ouvertures  des 
chemisettes  à  petits  plis,  qui 
paraissaient  sous  les  robes  à 
corsage  ouvei't  ,  portées  par 
les  femmes  vers  1400.  Voici 
(fig.  9  bis)  un  de  ces  objets  -. 

j)  II. 


■■amr 


Il  ne  faut  pas  omettre  les 
agrafes  de  ceinture,  qu'on  ne 
doit  pas  confondre  avec  les 
boucles,  (lelle  que  nous  don- 
nons ici  (tig.  10)^  est  de  cuivre 
battu.  C'est  un  de  ces  objets 
qu'on  fabriquait  pour  l'usage 
ordinaire.  Les  pattes  doubles 
étaient  rivées  à  la  courroie  A  ou 
à  une  passementerie  épaisse. 
La  charnière  assurait  la  tlexi- 
bihté  de  chacune  des  parties, 
afin  de  mieux  prendre  la  forme 
de  la  taille.  En  B,  est  ti-acé  le 
profil  de  cette  agrafe,  qui  pa- 
raît appartenir  au  xiV  siècle. 
Nous  avons  l'occasion  de  re- 
venir sur  ces  agrafes  de  ceinturon    dans    la    partie  qui    traite  des 


'    MUS'C  (les  riMllllc 
ï   Idem,  idem . 
^   Idem,  idem. 


du  clirilc-iii  de  l'ierrefouds  [grandeur  d'exéeutioa). 


[    Ar.P.AFE    ] 


-  1-2 


armes  et  habillements  militaires.  Celle  que  présente  la  ligure  11 
était  de  même  adaptée  à  une  ceinture  étroite  A,  et  date  du  xv"  siècle  '. 
Elle  est  de  cuivre  battu  et  ciselé,  avec  patte  double,  rivée  sur  TétofTe 
ou  le  cuir  qui  faisait  le  fond  de  Taiglettc.  En  B,  est  tracé  le  profil 
de   Tagrafe.  Les    quelques    exemples    que    nous    donnons    ici,  par 


l'extrême  variété  de  leur  composition  et  de  leur  forme,  indiquent 
assez  la  fertilité  d'invention  des  artisans  auxquels  étaient  dus  ces 
objets  courants.  Les  fermaux  d'or,  ou  même  de  vermeil,  devenus 
très-rares,  étaient  considérés,  pendant  le  moyen  âge,  comme  des 
bijoux  complémentaires  de  toute  parure.  C'étaient  de  ces  cadeaux 
qu'on  olfrait  en  maintes  occasions,  particulièrement  aux  dames, 
qui  en  mettaient  non-seulement  à  leurs  corsages,  mais  aussi  à  leurs 
coiffures  ou  à  leurs  voiles. 

'<  Et  por  teuir  la  clievei.'aille  (ooiffiire), 

H  Deus  t'ermans  d'or  au  col  li  baille  : 

H  En  mi  le  pis  (an  milieu  de  la  poitrine)  un,t;'  en  remet. 

■>  Et  de  li  ceindre  s'entremet  2;  » 

u  Et  puis  (]uaut  vint  au  départir, 
«  Lors  Melhisigne  ala  ouvrir 
»  Ung  escrin  d'ivoire,  où  estoit 
«  Ung  fermeillet  qui  uuiult  valoil. 


1  Musée  des  fouilles  du  rhâleau  de  Pierrefonds  [grandeur  d'exécution) 

2  Roman  de  la  Rose,  vers  212'i4. 


—    13    —  [   AGRAFE    ] 

'1  r.arui  (le  pierres  précieuses 
«  Et  de  perles  moult  vertueuses  ; 
<i  A  la  contesse  le  donna, 
'i  Qui  grnnt  joie  de  re  don  a  ' .  » 

(I  L'ottrando  fu  et  biele  et  rioo 

Cl  Maint  fruinal  d'or  et  mainte  afice  ((''pini,d.') 

«  I  otfri-on  a  irel  jour  ~.  » 

Pendant  le  xv"  siècle,  alors  que  les  hommes  portaient  des  cha- 
peaux d'étoffes,  des  fermaux  d"or  et  de  pierreries  y  étaient  fixés,  et 
retenaient  les  plis  de  la  coiffure,  des  chaînettes  d'or,  parfois  des 
plumes. 

On  avait  aussi  des  agrafes  qui  servaient  à  suspendre  des  auniô- 
nières,  des  cassolettes,  des  clefs...  La  figure  12  donne  une  de  ces 


l'2r 


< 


agrafes  de  petite  dimension  qu'on  accrochait  à  la  ceinture.  Cet 
objet,  de  cuivre  doré,  est  d'un  joli  travail  ^  et  date  du  xiv^  siècle.  La 
figure  13  reproduit  également  une  de  ces  agrafes  propres  à  sus- 
pendre de  menus  objets  à  la  ceinture.  Elle  est  de  bronze  coulé  et 
ciselé  S  mais  d'un  travail  assez  grossier. 

Dans  les  sorties  que  les  auteurs  satiriques  du  moyen  âge  se  permet- 
tent contre  le  luxe  des  classes  riches,  les  fermaux  sont  particulière- 
ment mentionnés,  ce  qui  prouve  que  ces  bijoux  étaient  de  ceux  qu'on 

•   Le  Livre  de  Lusignan,  vers   1271. 

-  Renard  le  nouvel,  vers  292. 

^  Musée  des  fouilles  de  Pierrofonds  (!:!randeui'  d'ex(''('ulion). 

'*  Musée  de  Cluny  (grandeur  d'exécution). 


[   AIGIILLETTE   ] 


14 


portail  le  plus  et  auxquels  on  mettait  le  plus  de  prix.  Le  musée 
Britannique  possède  un  de  ces  fermaux  de  forme  circulaire,  d'or, 
d'une  grande  beauté.  Les  fermaux  de  chape  renfermaient  souvent 
des  reliques  ;  le  musée  de  Cluny  en  possède  un  fort  beau  d'argent 


!3 


l'^, 


doré,  émaillé,  enrichi  de  pierreries,  qui  date  du  xiV  siècle,  et  qui 
représente  une  aiglette  au  vol  abaissé,  au  milieu  d'un  carré  entouré 
d'un  quafre-lobes.  Des  chatons  de  cristal  posés  sur  ce  quatre-lobes 
contiennent  des  reliques  ^  Les  inventaires  des  princes  mentionnent 
des  fermaux  d'une -grande  valeur  comme  matière.  Il  y  avait  aussi 
des  agrafes  de  collier  (voy.  Collier  et  la  partie  de  l'OrîFÉvr.ERiE). 

AIGUILLETTE,  s.  f.  Cordon  teiminé  par  un  ferret  ou  pointe  de 
métal,  afin  de  faciliter  le  passage  de  ce  lien  à  travers  un  ou  plusieuis 
œillets.  On  voit  les  aiguillettes  adoptées  pour  attacher  les  diverses 
pièces  des  vêtements  entre  elles,  dès  le  xni'^  siècle.  On  s'en  servait 


'    (x't    olijet.  qui  provicut    de   l;i    collcclidii  Dehnige    Duiiiriiil,  ost    très-bien  reproduit 
dans  VHist.  (lefi  arts  indiistr.  do  M.  ,1.  Laliurle.  l.  I,  [jI.  liv. 


lo   - 


[    A.MICT    i 


beaucoup  comme  moyeu  d'attache  des  armures  pendant  les  xiv'  et 
xv  siècles.  Les  riches  avaient  des  aiguillettes  d'argent  ou  d'or,  mais 
habituellement  elles  étaient  faites  de  cuivre,  et  le  cordon  de  peau  de 
chien  revêtu  de  soie,  si  les  vêtements  étaient  luxueux.  La  ligure  1 


^ 


a 


<i! 


V 


présente  un  ferret  d'aiguillette  ;  le  cordon  était  pincé  entre  les  deux 
branches  plates  a  a,  lesquelles  étaient  percées  de  deux  trous  pour  y 
passer  des  rivets  ou  un  hl  métallique,,  ainsi  qu'on  le  voit  en  B.  On 
voit  des  aiguillettes  ainsi  façonnées  dans  un  assez  grand  nombre 
de  statues  de  tombeaux  de  la  fin  du  xm*"  siècle  au  xv^ 

AMICT,  s.  m.  L'amict  est  l'un  des  treize  vêtements  du  prêtre 
officiant.  Il  consistait  en  une  pièce  d'étoffe  (toile  fine)  longue  de 
70  centimètres  environ  et  large  de  53,  garnie  au  chef  de  broderies 
et  au  centre  d'une  croix  ;  aux  deux  angles  antérieurs  du  chef  sont 
cousus  des  cordons.  «  Selon  la  rubrique  du  iMissel  romain,  le  prêtre 
prend  Tamict  par  les  angles  auxquels  sont  attachés  les  cordons,  baise 
la  croix  brodée  au  milieu,  le  place  sur  sa  tête,  puis  l'abaissant  sur 
le  col,  s'en  sert  pour  border  le  collet  de  sa  soutane  ;  il  fait  passer  les 
cordons  sous  ses  bras,  et,  après  les  avoir  croisés  sur  le  dos,  les  ramène 
et  les  attache  sur  la  poitrine  '.  »  Il  ne  paraît  pas  que  l'amict  ait  été 
adopté  avant  l'époque  carlovingienne.  Alors  il  voilait  la  tête  et  était 
abaissé  sur  la  chasuble  au  moment  de  l'office.  Nous  ne  pourrions 
dire  quelle  est  l'origine  de  ce  vêtement,  qui  n'est  point  indiqué  dans 


1  Voyez  les  Vêtements  sacerdotaux,  pai'  M.  Victor  Gay  [Annales,  arc/i . .  I.  M.  r-  158). 


[    A  M  ICI     J  1^    

les  premiers  moiuiments  chrétiens.  Au  contraire,  à  cette  époque,  les 


prêtres  sont  toujo  irs  représentés   la  tète  nue,  par  opposition  aux 


usages  leligieux  du  paganisme.  Guillaume  Durand  '  dit  que  Tamict 


■^  Ration<ÙP,  lili.  III.  r;iii.  li. 


—  r 


r   AMICT   ] 


rappelle  la  parole  de  TApôlre  aux  Éphésiens  :  «  Prenez  le  casque  du 
salut,  »  Au  xin^  siècle,  le  prêtre  s'en  voilait  encore  la  lèle  avant  de 
monter  à  l'autel,  bien  que  l'amict  soit  toujours  représenté  abattu  sur 
la  chasuble  en  manière  de  capuchon  ou  de  collet.  Ces  deux  exemples 
(tîg.  1  et  2)  montrent  l'amict  dans  cette  position.  La  figure  1  pré- 
sente   l'amict   rabattu,    formant    capuchon';   la  ligure  2,  formant 


!>5 


'i^'i^J  '.ru/  î 


collet  -.  Dans  ce  dernier  exemple,  c'est  la  broderie  du  chef  de  l'amict 
qui  tient  lieu  de  collet,  tandis  (jue  la  partie  de  toile  line  entre,  en  se 
plissant,  sous  l'aube.  Le  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens  conserve 
encore  l'amict  de  Thomas  Beckel,  qui  possède  la  bande,  brodée  ser- 
vant de  collet.  La  ligure  ;■}  i-eproduit  cet  amicl.  Lorsque  le  prêtre  se 


'    Slnlue  ilii  ]>orliiil  mûriiiional  do  l^olrc-nanic  de  (".liarti'cs. 
^  Sulue  (lu  luipe  saiiil  Girguirc  à  >iulrc-l)aiuo  de  Cliarlres. 


ni. 


[    AMI  Ci 


—    18     - 


voiUiiL  la  tète  avec  raïuicl,  il  prenail  des  deux  mains  les  deux  cor- 
dons, baisait  la  croix  brodée  sur  le  linge,  qu'il  posait  sur  son  chef 
de  manière  que  la  bande  brodée  fît  couronne  sur  le  front,  puis, 
ramenant  les  deux  cordons  sur  l'occiput,  il  les  nouait.  Alors  était-il 
coiffé  comme  l'indique  la  figure  4  en  A,  de  face,  en  B,  par  derrière. 


// 


<T       / 


A 


Une  des  ligures  des  voussures  de  la  porte  principale  de  l'église  ab- 
batiale de  Vézelay  (côté  gauche)  montre  clairement  la  manière  dont 
se  posait  cette  coitïure  (4  bis).  Si  le  prêtre  se  découvrait,  il  dénouait 
les  cordons,  et,  laissant  tomber  le  Unge  sur  ses  épaules,  il  entourait 


son  cou  de  la  bordure  en  broderie  en  nouant  les  cordons  par  devant. 
C'est  ainsi  qu'est  représenté  l'amict  de  la  ligure  2.  La  petite  statue  en 
émail  d'Eulger,  évêque  d'Angers  au  commencement  du  xm"  siècle  \ 
laisse  voir  l'amict  posé  sur  la  tête  du  prélat,  sous  la  mitre,  qui  elle- 
même  reproduit  la  forme  naturelle  de  l'amict  présentant  deux  cornes 
données  par  les  plis  de  l'étoffe  (voy.  Aumusse,  fig.  i). 


'  (îaigiirrc-',  hilil.    ISoillriciiiie, 


—    19    —  [   ANNEAU   ] 

Celte  partie  du  vêtement  liturgique  est  commune  ù  l'évèque,  au 
prêtre,  au  diacre  et  au  sous-diacre  ;  c'est  pourquoi  saint  Etienne,  à 
dater  du  wf  siècle,  est  toujours  représenté  avec  Tamict.  Guillaume 
Durand  prétend  aussi  que  l'amict  représente  le  voile  dont  les  juifs 
couvrirent  la  face  du  Christ  en  lui  disant  :  «  Christ,  prophétise-nous 
quel  est  celui  qui  t'a  frappé  ^  »  Comment  alors  ce  vêtement  n'nu- 
rait-il  pas  été  adopté  par  la  primitive  Église  ? 

La  forme  de  l'amict  ne  changea  pas  jusqu'à  la  On  du  xv"  siècle. 
Seulement,  au  xiv"  siècle,  la  hroderie  formant  collet  prit  plus  d'im- 
portance, et  monta  jusqu'au  bas  de  la  mitre  sous  les  fanons.  Aujour- 
d'hui, l'amict  est  complètement  caché  sous  la  chasuble. 

ANNEAU,  s.  m.  (anel).  On  sait  que  les  Romains  portaient  habi- 
tuellement un  anneau  avec  chaton  intaillé  pour  sceller  leurs  lettres  ; 
que  l'époux  remettait  un  anneau  à  sa  fiancée;  que  l'anneau  servait, 
au  besoin,  de  sauf-conduit,  ou  était  échangé  comme  un  moyen  de 
confiance  absolue  dans  certaines  transactions,  ou  lors  de  messages 
importants.  La  superstition  s'attachait  à  quelques  anneaux  consi- 
dérés comme  des  talismans. 

Les  diverses  fonctions  et  vertus  données  à  l'anneau  prirent  encore 
plus  de  valeur  peut-être  pendant  le  moyen  âge.  Les  Gallo-Romains 
avaient  conservé  les  usages  romains ,  ils  avaient  leurs  anneaux- 
cachets  et  leurs  anneaux  de  mariage  -.  Les  Mérovingiens  avaient 
aussi  leurs  anneaux  monogrammatiques,  et  la  chancellerie  méro- 
vingienne scellait  les  nombreux  diplômes  qu'elle  délivrait  avec  ces 
sortes  d'anneaux  ^ 

Dès  les  premiers  temps  de  l'époque  féodale,  l'anneau  était  donné 
en  signe  d'investiture.  Quand  Guillaume  le  Bâtard  se  disposa  à 
passer  en  Angleterre  pour  s'emparer  des  terres  d'Harold,  le  pape  lui 
envoya  un  étendard  et  un  anneau  : 

«  L'Apostoile  li  olreia, 

s  Un  goufiiiiDii  li  fiiveia, 

"  Un  gonfauuu  et  iiu  anel 

«  Mult  preoios  è  riche  è  bel  ; 

«  Si  coiniiii'  il  ilit.  (les;i)7.  la  lùerre 

«  Aveil  un  des  clievculs  sainl  PieiTC  '*.  » 

'  Raii'onale,  lili.  ill.  (aji.  ii. 

-  Voyez,  k  ee  snjcl,  larliclr  de  M.  Huilier  [Sigillographie  du  M'iinr.  linllclin  monu- 
mental, t.  WUI.  p.  :50;i]. 

^  Voyez,  (laus  le  Trésor  de  nuntismat .  et  de  ghjiogr .,  quatre  de  ecs  anneaux, 
'  Boman  de  liou,  vers  lUiiU. 


[    ANINEAll    ]  —    20    — 

Cet  anneau  était  une  sorte  de  reliquaire  contenant  sous  le  chaton 
un  cheveu  de  saint  Pierre  ;  de  plus,  il  était  une  marque  de  l'inves- 
titure du  royaume  saxon. 

En  1104,  Hugues,  comte  de  Champagne,  se  dessaisit  entièrement 
de  la  terre  de  Rumilly  en  faveur  de  l'abbaye  de  Molesme,  et  en  signe 
d'investiture  il  tira  l'anneau  qu'il  portait  à  son  doigt  et  le  mit  sur 
l'autel,  saint  Robert  et  ses  religieux  étant  présents  '.  Dès  le 
xni"  siècle,  lorsque  les  rois  de  France  étaient  sacrés,  ils  déposaient 
sur  l'autel  l'épée,  la  couronne  et  l'anneau  (fig.  1)  2. 


Les  évêques  portaient  et  portent  encore  un  anneau.  «  L'anneau 
(épiscopal),  dit  Guillaume  Durand  ^  est  le  gage  assuré  de  la  foi,  avec 
lequel  le  Christ  a  fiancé  son  épouse,  la  sainte  Église,  afin  qu'elle 
puisse  dire  d'elle-même  :  «  Mon  Seigneur  Jésus-Christ  m'a  fiancée 
«  par  son  anneau  »,  dont  les  gardiens  et  les  dispensateurs  sont  les 
évoques  et  les  prélats,  qui  portent  des  anneaux  en  témoignage  de  ces 
fiançailles...  » 

Les  amants  échangeaient  des  anneaux  en  signe  de  leur  fidélité 
à  leurs  serments  : 

«  .1.  anel  oste  de  son  (loi 
'c  Ou  sien  le  mist  et  dist  :  Amis, 
'<  Par  Ci-'st  anel  d'or  vous  saisis 
«  De  nraiiiour  tous  jors  loiauuii^ut. 
«  Alant  le  baisR  doucement  ; 


1  Lebeuf,  Mémoires  concernant  ihist.  d'Auxevre,  t.   III,  p.  G9. 

-  Les  Rois  de  France,  nis.  anc,  fonds  latin,  n»  1246,  Bibliolli.  impér. 

•*  nationale,  lib.  [II,  cap.  xiv. 


—   21    —  \  ANNEAU   ] 

«  Et  du  sien  doit  .1.  auel  prist 
n  Letr('',  qu'en  son  mal  faire  fist  ; 
«(  De  leurs  .11.  nous  entreposés 
«  Estoit  H  aaelés  letrés  '.  » 

Quand  le  roi  de  France  enlève  la  fille  de  Géri  pour  la  donner  en 
mariage  à  l'un  de  ses  barons,  celle-ci,  déjcà  mariée  à  Bernier,  répond 
au  roi  qui  lui  propose  ce  riche  parti  : 

«   Merci,  biax  sire  rois. 

'(  N'a  encore  gaires  que  Bernier  li  cortois 
«  M'a  espousée  ;  les  auiax  ai  es  dois  !  -.  » 

Une  femme  devenue  veuve  quittait  tous  ses  bijoux  et  même  ses 
anneaux.  Il  faut  donc,  parmi  les  anneaux,  distinguer  ceux  qui  ser- 


vent de  sceau,  des  anneaux  épiscopaux,  de  parure,  de  mariage,  de 
fiançailles,  avec  lettres  entrelacées,  des  anneaux  contenant  des  reli- 
ques.  La  figure  2  présente  un    anneau  de  mariage   ou  de  parure 


mérovingien.  Cet  anneau  ^  est  orné  d'une  petite  pierre  quadran- 
gulaire.  En  A,  une  partie  de  cet  anneau  est  grandie  au  double, 
afin  (lo,  faii'c  voir  le  travail  de  ciselure.  La  figure  3  reproduit  l'an- 

'  Li  Romans  d'Amados  et  Ydoine,  vers  12.j2  et  suiv.  (xiii"  s.). 
-  Li  liomnns  de  Raoul  de  Cambrai  fxnie  s.). 
^  Musée  d'Aulun  (grandeur  d'cxéciilion). 


ANISEAU 


00 


neau  êpiscopal  attiibné   à  saint  Loup  i  ;    il   esl  d'or,    sertissant   un 
saphir.  Ce  bijou  paraît  remonter  k  l'époque  cariovingienne. 


L 


5 


B.  co:LU\i:"3T. 


t 


u 


vr 


X 


£.  cc'unmor. 


Voici  (fig.  4)  un  très-joli  anneau  de  parure  pouvant  servir  de  reli- 
quaire, qui  date  du  commencement  du  mn"  siècle.  Il  est  d'argent 
doré,   orné   d'un  grenat  -.   L'anneau    (tig.  5)   est  d'une  date    plus 


3^^ 


récente,  de  la  fin  du  xiV  siècle  ou  du  commencement  du  xv^  ^  Cest 
aussi  un  anneau  de  parure.  L'anneau   (fig.  6)    date  de   la    fin  du 


1  Trésor  de  la  fanu''drcale  de  Seus. 

-   ('ûlk'ctiou  de  M.  A.  Géreute. 

■>  Coniniuuiqué  par  M.  Pascal,  statuaire .   ■ 


—   23    -  [   ANNEAU   ] 

XV*  siècle  ;  il  représenle  un  saint  Georges  tuant  le  dragon.  Une 
couronne  de  roses  et  de  fleurs  de  lis  entoure  le  suint.  En  A,  l'anneau 
est  présenté  latéralement;  il  est  d'argent  doré  '. 

Dès  la  lin  de  l'époque  carlovingienne,  les  anneaux  ne  servirent 
plus  guère  de  sceau.  On  eut  depuis  lors,  pour  sceller  les  lettres,  les 
diplômes,  les  chartes,  des  sceaux  spéciaux  qu'on  portait  avec  soi 
dans  la  ceinture  ou  l'aumônière,  et  qui  étaient  suspendus  à  une 
chaînette.  Les  sceaux  des  grands  seigneurs  étaient  placés  dans  des 
cassettes  fermées  à  clef,  commises  à  la  garde  de  personnages  pré- 
posés à  cet  eiïet.  Cependant  on  connaît  quelques  anneaux  du  moyen 

7 


£./y//.lLfii/yfOT 


âge  servant  de  sceau.  Le  cabinet  des  médailles  à  Paris  conserve  un 
de  ces  anneaux  qui  date  du  commencement  du  xV  siècle,  si  l'on  s'en 
rapporte  à  la  forme  des  lettres  et  à  celle  du  heaume  gravé  sur  le 
chaton.  Cet  anneau  (fig.  7)  est  d'or  massif;  les  armes  gravées  en 
creux  sur  le  chaton  ligiirent  un  écu  chargé  d'un  dragon  portant 
(peut-être)  une  proie  dans  sa  gueule.  Le  heaume  qui  surmonte  l'écu 
est  timbré  de  même  au-dessus  d'un  loi-lil.  Le  hinibre(iuin  paraît 
échiqueté.  On  lit  des  deux  côtés  de  l'intaille  les  deux  noms  :  Maiun- 
PixiA.N.  Sur  les  bords  de  l'anneau  s'enlevaient  en  relief  deux  inscrip- 
tions ;  une  seule  est  encore  lisible  et  est  empruntée  à  l'Évangile  selon 
saint  Luc  :  «  Jksls  altkm  tuamsiens  i-eiï  médium  h.i.ohum  ihat  » 
(iv,  30)  -.  Notre  ligiuv  est  tracée  grandeur  de  l'oi'iginal. 

'   CoiniiHiuiqiK';  par  M.  Pascal. 

*  No^TlS  (lu  Calalo^'iic  ,!i 'iir'ral  rcdij^c  par  .M.   CliubuLullut,  cDiLscrvalciir. 


[   AUBE   ]  —    24    - 

AUBE,  s.  f.  Sorte  de  tunique  blanche  à  manches  qui  était  portée, 
dans  les  premiers  siècles  du  moyen  âge,  par  les  laïques  et  par  les 
clercs,  mais  qui,  dès  le  xni"'  siècle,  ne  fut  plus  considérée  que  comme 
vêtement  sacerdotal. 

Avant  le  baptême,  les  catéchumènes  étaient  revêtus  de  Taube  pen- 
dant une  semaine.  Quand  le  roi  des  Français  abandonna  la  Nor- 
mandie en  franc-alleu  à  RoUon,  celui-ci  consentit  à  être  baptisé,  et 
dit  au  prince  :  «  Ainço\s  que  je  doingue  terre  à  mes  homes,  weil 
«  par  vostre  conseil  en  ces  .vij.  jours  que  je  serai  en  aubes,  donner 
«  de  mon  comquest  à  ces  eglyses  que  vous  nommé  m'avez,  que  je 

«  lor  aïe  puisse  avoir  envers  Noslre-Seigneur Et  quant  il  fa 

«  désaubés,  si  donna  terre  à  ses  barons  qui  servi  Tavoient  *.  »  — 
«  Et  fu  apelez  pour  Rous,  Robert,  et  Franques  li  arcevesques  le  bap- 
«  tisa.  Quant  il  fu  desaubez,  si  apela  l'arcevesque  et  li  demanda 
'<  moult  debonerement  les  quex  eglyses  de  sa  terre  estoient  de 
«  greigneur  autorité  ;  et  puis  fist  toute  sa  gent  baptisier  -.  » 

Guillaume  Durand  ^  décrit  ainsi  ce  vêtement  sacerdotal  : 

«  Après  l'amict,  le  prêtre  revêt  la  chemise  ou  aube,  qui,  con- 
venablement adhérente  aux  membres  du  corps ,  montre  qu'il  ne 
doit  y  avoir  rien  de  superllu  ou  de  dissolu  dans  la  vie  du  prêtre  ou 
dans  ses  membres.  Elle  tigure  aussi,  à  cause  de  sa  blancheur,  la 
pureté  de  la  vie,  selon  ce  qu'on  lit  :  «  Qu'en  tout  temps  tes  vête- 

«  ments  soient  blancs.  »  Et  elle  est  de  bysse  ou  de  lin Or  l'aube 

a  un  capuce ,  elle  a  aussi  un  cordon »  Le  même  auteur  dit 

que  l'aube  était  originairement  étroite,  mais  que  de  son  temps  elle 
était  ample,  qu'elle  est  ornée  d'une  broderie  à  son  extrémité  anté- 
rieure et  aux  manches,  qui  sont  serrées. 

L'aube,  avant  Guillaume  Durand  et  même  de  son  temps,  ne  pos- 
sédait pas  toujours  un  capuce.  Nous  en  trouvons  la  preuve  dans  un 
grand  nombre  de  statues  des  xni"  et  xiv^  siècles,  et  dans  l'aube  même 
de  saint  Thomas  Becket,  conservée  dans  le  trésor  de  la  cathédrale  de 
Sens.  Il  est  certain  que  ce  vêtement  date  des  premiers  temps  du 
christianisme.  Le  quatrième  concile  de  Carthage  ordonne  aux  diacres 
d'être  revêtus  de  l'aube  pendant  le  sacrifice. 

Grégoire  de  Tours  rapporte  que  les  prêtres  et  les  diacres  étaient 
revêtus  de  l'aube  pendant  une  translation  de  reliques  \  Grand  Colas 


'   Les  Chroniques  de  Normandie,  jnihl.  par  M.  Fr.  Miclicl.  p.  \o. 
-  Fragments  des  chr.  de  Nor m.  ,\Mih\.  par  M.  Fr.  Michel,  p.  87. 
•''  Hatwna/e,  lib.  111,  oap.  m  (xiii»  s.). 
♦  Lifj.  de  fjtoria  conf'ess.,  cap.  xx. 


—   "-'O    —  [    AUI5E    J 

dit.  à  propos  de  ce  vêtement  '  :  «  L'aube  ou  lliabil  blanc  devint  si 
ordinaire  aux  clercs,  qu'ils  le  portaient  toujours  comme  leurs  vête- 
ments ;  et  les  conciles  ordonnèrent  qu'ils  en  auraient  de  particuliers 
qui  ne  serviraient  qu'au  temps  du  sacritice...  »  —  «  C'était  si  fort 
l'usage  des  évêques  et  des  prêtres  de  porter  l'aube  dans  leur  vête- 
ment ordinaire,  qu'on  leur  recommande  de  ne  la  pas  quitter,  même 
en  voyage,  et  quand  ils  vont  à  cheval.  » 


V 


S 


ly-10- 


£.CIJ/LU\U/Wf.. 


Nous  donnons  (dg.  4)  l'aube  de  saint  Thomas  Becket  que  conserve 
le  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens.  Celte  aube  est  de  lin  blanc,  sans 
capuchon,  avec  un  parement  d'élod'e  riche  sur  le  devant  en  bas.  Les 
côtés  de  la  tunique  sont  plissés  à  petits  plis  et  réunis  par  des  gous- 
sets en  mailles  de  lil.  L'exii-émité  des  manches  est  juste  aux  poignets, 
avec  une  entaille  pour  passer  facilement  la  main.  Dans  les  statues 
d'évê(jues  et  de  prêtres  des  xii"  et  xni-  siècles,  l'aube  apparaît  sous 
la  chasuble  par-dessus  l'élole  (voy.  Etoi.e)  et  ne  descend  guère  plus 


'   Les  iindenncs  lilui(jirx,{.   Il,  p.  13i. 


m.  —  4 


i   AUMÔ.MÉIŒ   ]  —    26   — 

bas  que  la  moitié  des  jambes.  Ainsi  est  faite  l'aube  de  Thomas  Becket. 
La  planche  1  donne  le  dessin  de  rétoffe  qui  décore  le  devant  de 
cette  aube.  Plus  tard,  l'aube  descend  un  peu  plus  bas.  Pendant  les 
xni°  et  xiv^  siècles,  elle  est  fendue  des  deux,  côtés,  depuis  le  bas  jus- 
qu'à la  hauteur  du  genou;  et  ces  fentes  sont  ornées  souvent  de 
franges.  Les  statues  des  papes  et  évêques  du  portail  méridional 
de  la  cathédrale  de  Chartres,  celles  du  portail  nord  de  la  cathédrale 
de  Reims,  montrent  des  bas  d'aubes  ornés  de  très-riches  broderies. 

AUMONIÈRE,  s.  f.  {aumosnière ,  aumoisnière ,  aloière).  Petit  sac 
avec  coulants  ou  fermoir,  qu'on  pendait  à  la  ceinture  et  qui  conte- 
nait les  objets  dont  on  se  servait  habituellement,  de  la  monnaie. 
Depuis  le  xn"  siècle  jusqu'au  xiv",  l'aumônière  est  le  complément 
indispensable  du  vêtement  journalier  des  deux  sexes  ;  on  ne  quittait 
guère  son  aumônière  que   lorsqu'on  se    parait,  qu'on    s'armait    ou 


qu'on  restait  chez  soi.  La  forme  la  plus  ancienne  de  l'aumônière 
est  celle  d'un  petit  sac,  avec  deux,  cordons  (coulants)  pour  le  fermer, 
et  un  autre  cordon  pour  l'ouvrir  et  le  suspendre  à  la  ceinture.  La 
ligure  1  montre  une  de  ces  aumônières  i  et  la  manière  de  la  sus- 
pendre à  un  étrier  pris  dans  la  ceinture.  On  fermait  l'aumônière  en 
tirant  sur  les  deux  coulants  a,  a.  Le  cordon  simple,  attaché  par  ses 
extrémités  au  bord  supérieur  du  sac,  permettait  de  l'ouvrir  et  passait 
dans  l'élrier  de  métal. 
Le  trésor  de  la  cathédrale  de  Troves  conserve  trois  aumônières 


1   Slîituc  (1(!  C.lovis  l''f,  (Inliiul  dc's  prCMiirrus  auui'cs  dti  xiii"  sièrle,  aujourd'hui  déposéo 
daus  r^'elisi!   du  Saiiit-l)L'ui:<,   autrelois  dans  l'6s;li3c  abbatialo  du  Saiut-Gcniiain  dut*  Prûs. 


DICTIONNAIRE  DU   MOBILIER  FRANÇAIS 


Tome  2 


PLI 


Carrasse  dei. 


J 


Beau ,  hth 


BAS  DE  L'AUBE  DE  S^.  THOMAS   BECKET 


VA  MoreUC"  éditeurs. 


(inpLH.Bngabnarm  Pan> 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 

Tome  3  Etoffe  £ 


'  àrt-f-rsc  as: 


uoherl':  i^u 


AUMONLEREi.  DU  TRe:SOK  DE  TROYE^ 


TANiORELetC'r.diteurs 


'mp  R  FrgalmiinT^  F«rts 


Ti 


[   AUMÔMÉRE   ] 


d'un  grand  intérêl  :  la  première,  ou  plutôt  celle  qui  nous  paraît  être 
la  plus  ancienne  et  qui  semble  dater  de  la  fin  du  xn"  siècle,  est 
brodée  à  la  main  sur  un  canevas,  et  ne  montre  qu'un  dessin  fort 
joliment  composé  et  d'une  belle  harmonie   de  tons    (lis.  2).  Celte 


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aumônière  est  doublée  de  peau.  Le  devant  A  se  relève  de  b  en  a.  Un 
cercle  de  fer  maintient  le  sommet  du  sac  et  foi-me  l'ouverture,  ainsi 
que  rexplique  en  B  la  figure  3.  Cette  partie  a  h  ouverte,  il  reste  à 
passer  la  main  dans  le  sac  de  peau  C,  dont  l'ouverture  est  munie  de 
deux  boutons. 

Des  graines  et  Hoches  de  passementerie,  fort  joliment  travaillées, 
ornent  les  bords  de  cette  aumônière,  dont  la  planche  II  donne 
la  broderie  grandeur  d'exécution  ;  la  seconde  et  la  troisième  aumô- 
nière, de  môme  forme  que  celle-ci,  représentent  bro"dés  à  la  main 
des  sujets  galants.  Celle  qu'on  prétend  avoir  appartenu  à  Henri  le 
Libéral  est  assez  grossière  d'exécution;  mais  la  troisième,  qui  est 
attribuée  au  comte  Thibaut  IV,  est  très-délicatement  brodée  en  soie; 
elle  est,  d'ailleurs,  du  temps  de  ce  prince.  La  partie  supérieure  de 
cette  aumônière,  (pii  recouvre  l'ouverture,  représente  une  femme 
endormie  sur  un  tertre  de  gazon  entouré  de  branchages  de  chêne. 
Un  adolescent  vêtu  d'une  lonjiue  robe  et  les  épaules  armées  d'ailes 
s'approche  de  la  (h)ruieuse  et  paraît  l'admirer.  La  paille  inférieure 


[   ALMÔMÉUE    ]  —    :28    — 

de  l'aumùnière  montre  deux  femmes  assises,  tenant  une  longue  scie 
avec  Uujuelle  elles  séparent  en  deux  un  cœur  posé  sur  un  autel. 
D'un  nuage  sort  un  bras  armé  d'une  hache  qui  va  frapper  la  scie.  SI 
l'allégorie  est  d'un  goût  douteux  et  rappelle  les  mièvreries  du  der- 
nier siècle,  Texécution  de  cette  broderie  est  charmante  et  le  stvle 


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II,  w  ï  i  s  ï^  i 


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des  figures  excellent.  Les  sujets  se  détachent  sur  un  fond  de  lils  d'or 
passés  sur  une  étotïe  de  soie  rayée.  Les  personnages  ont  été  brodés 
à  part  et  cousus  sur  le  fond  avec  une  hausse  de  coton  qui  leur  donne 
du  relief.  Il  va  sans  dire  qu'on  a  voulu  trouver  une  relation  entre 
les  sujets  brodés  sur  cette  aumônière  et  les  sentiments  du  comte 
Thibaut  pour  la  reine  Blanche.  Cette  aumônière  est  reproduite  dans 
l'ouvrage  de  Villemain  et  dans  celui  de  M.  Arnaud  i. 

Plus  lard,  les  aumônières  furent  garnies  de   fermoirs  apparents, 
de  fer,  d'argent  et  d'or.  Ces  aumônières,  qui  prirent  alors  aussi  le 

1  Vuyoge  archéol.  et  pittvresqwi  d'ins  le  département  de  l'Aube.  Troves,  18.31. 


—  29 


[   AUMÔMÉKE   J 


nom  d'escarcelles  ou  de  gibecières,  ressemblaient  fort  aux  ridicules 
que  nos  mères  portaient  il  y  a  cinquante  ans.  Voici  (fig.  4)  une  de 
ces  escarcelles,  qui  date  du  xv"  siècle  '.  Le  fermoir  s'ouvre  en  tirant 
sur  l'anneau  a.  L'escarcelle  était  attachée  à  la  ceinture  au  moyen 
des  deux  cordonnets  b  attachés  aux  extrémités  des  pivots  du  fermoir. 


G-^K-^L 


Dès  le  xn"  siècle,  les  aumônières  étaient  souvent  très-riches,  soit  par 
la  matière,  soit  par  le  travail.  On  les  donnait  en  cadeaux  à  des 
dames.  Celles-ci  en  brodaient  de  leurs  mains,  et  les  offraient  de 
même  comme  souvenir.  Quand  on  voulait  reconnaître  quelque  ser- 
vice d'un  messager,  d'un  écuyer,  on  lai  faisait  un  don  en  argent, 
renfermé  dans  une  aumônière.  Le  contenant  faisait  ainsi  accepter 
le  contenu  : 

'I  La  (laiiic,  ([i;i  ii'cri  aprcmln', 
(i  A  son  coffre  est  aU''<!  preudro 


'    Le    l'eniioir   provieiil  de   la   collection    i\>-    M.    Aroiidel  ;    le    sac    csl   copie    sur   des 
vignettes  de  mannscrils  du  xv"  siècle. 


[   AUiMÔ>'lÈUE   ]  —    30    — 

«  Deniers,  s'eniplist  uue  auinonniere 

«  Qui  de  soie  estoit  bonne  et  chiere, 

<c  A  Gobert  l'a  en  la  main  mis, 

«  Et  si  li  a  dit  :  Dous  amis, 

«  Tenés,  de  ceclii  vous  fas  don, 

«  Et  avoec  ce  don  abandon 

«  C'a  nul  jour  mais  ne  vous  fauldray, 

«  Ains  vous  aing  et  vous  aideray  '.  » 

Dans  un  autre  passage,  le  poëte  raconte  comment  la  dame  de 
Fayel  fait  don  au  sire  de  Coucy  d'une  mance  brodée  par  elle-  : 

Dame,  vo  dous  commandement 

Voroie  volontiers  savoir, 

Se  je  doy  celle  mance  avoir. 

La  dame  dist  qu'elle  est  faite. 

Hors  d'une  aloiere  (aumônière)  la  traiïe 

Que  elle  à  sa  cainture  avoit, 

Puis  lui  disl 3.   „ 

Dans  le  Roman  de  la  rose,  il  est  dit  qu'on  peut  aux  dames 
olïrir  : 

,  <i  Ou  cuevrccliief  ou  aumoui:Te 

«  Mes  quel  ne  soit  mie  trop  chlore, 
<c  Aiguiller  ou  laz  ou  ceinture 
«  Dont  poi  vaille  la  forroure, 
»  Ou  ung  biau  petit  coutelet.  » 

En  voyage,  —  et  pendant  le  moyen  âge  on  voyageait  beaucoup,  — 
on  portait  dans  l'aumônière,  non-seulement  son  argent,  mais  des 
bijoux,  des  remèdes,  des  tablettes,  etc.  : 

<c  Une  herbe  avoit  en  s'aumoniore 

0  Qui  moult  est  lu'ccieuso  et  chii'ro-'.  >■ 

»  De  s'amoisniere  a  trait  iiu  ouguonKint. 

'I  Si  s'en  est  oins  et  deriere  et  devant; 

(i  Lors  fu  plus  sains  que  un  poisson  noant, 

<<  Et  voit  Ogier,  ue  l'prisa  pas  un  gaut^.  » 

Ces  aumônières  étaient  assez    amples    pour  contenir   des    objets 

'  Li  Bornons  clou  chastelain  de  Coud,  vers  5360  et  suiv. 

2  Manche,  sorte  de  brassard  de  couleur  qu'on  portait  dans  les  joutes  en  l'honneur 
de  sa  dame. 

3  Li  Uonians  don  chastelain  de  Couci,  vers  10:26  et  suiv. 
'•  Pomon  du  renard,  t.  III,  ji.  48. 

»  O'jier  l'Ardmois.  vers  llilo  et  suiv. 


—   31    —  [   AUMUSSE   ] 

volumineux.  Dans  la  Chanson  de  Iliion  de  Bordeaux,  on  lit  ces  deux 
vers  : 

((  Il  prenl  lu  cur  du  lilmn'  \ voire  clér, 
((  Qu'eu  s'auiiiosuiero  avoit  euvelopé'.   " 

Les  inventaires  font  mention  d'aumônières  précieuses  : 
«  Pour  le  petit  Daulln,  une  aloiere  et  1  tissu  ferré  d'argent-....  » 
—  «  Pour  12  alloieres  brodées»,  —  ^<  pour  2  aloieres  brodées,  de 
«  vestiau  »,  —  «  pour  6  alluoires  brodées  sus  samil  ». 

L'usage    de    l'aumônière  ne    fut  guère  abandonné  qu'à  la  fin  du 
XVI*'  siècle. 


AUMUSSE,  s.  f.  {aiunuce,  ahnuche).  Manlelet  descendant  jusqu'au 
bas  des  reins,  garni  d'un  capuchon. 

L'aumusse  est  un  vêtement  très-ancien,  propre  aux  deux  sexes, 
mais  qui,  dès  le  xi°  siècle,  fut  spécialement  alïecté  aux  chanoines 
réguliers.  Nous  nous  occuperons  d'abord  de  l'aumusse  des  religieux, 


qui  devait  être  noire  et  (jui  no  prit  la  nuance  grise  que  par  excep- 
tion :  «  Cuni  pellibus  nigro  pallio  coopertis.  et  nigro  almutio  '.  >» 
On  a  parfois  confondu  l'aumusse  avec  l'amict  [amktns),  parce  (ju'on 
se  couvrait  la  tête  de  l'amict;  et  il  est  possible,  en  elfet,  (jue  la 
distinction  n'ait  pas  été  bien  établie  jus(iu'au  xii"  siècle,  car  on 
trouve  des  exemples  d'ainicts  de  celte  époque,  dont  la  forme,  quant 

'  \C"S  W.u. 

'  Compte  de  Getff'roi  d;  Fleuri,  i;il(i. 

'^  Uadevicus,  De  'jistis  Friderici  imper.,  lili.  il,  eap.  lxvii. 


[    AUMISSE    ]  —   32    — 

à  ce  qui  concerne  le  couvre-chef,  rappelle  celle  du  capuchon  de  Tau- 
musse  (lig.  i)  '  ;  mais  ce  qui  consliUie  raraict,  c'est  le  linge  blanc 
qui  descend  sur  le  col  et  qui  se  croise  sous  l'aube  et  la  chasuble, 
tandis  que  l'aumusse  est  une  cape  avec  capuchon  recouvrant  tous  les 
autres  vêtements,  et  destinée  à  préserver  les  religieux  du  froid  pen- 
dant les  offices  de  nuit;  aussi  fit-on  de  très-bonne  heure  des  au- 
musses  en  fourrures.  Cette  destination  est  parfaitement  établie  par 
les  coutumes  de  certaines  églises  qui  voulaient  que  les  chanoines  se 
dépouillassent  de  l'aumusse,  en  entrant  dans  le  chœur,  pour  saluer 
l'autel  -.  L'aumusse  se  confond  parfois  avec  la  cuculle  :  «  Quffsivit 
«  episcopus  in  quali  habita  esset  ;  respondit  quod  in  almulia  sive 
«  cuculla^.  » 

La  forme  de  l'aumusse   des  chanoines    réguliers    paraît    arrêtée 
au  commencement  du  xni''  siècle.  Cette    forme    est   indiquée    dans 


la  figure  2.  Le  capuchon  était  alors  doublé  et  rembourré  en  A  de  ma- 
nière à  .présenter  comme  deux  cornes  des  deux  côtés  de  la  tête 
(voy.  fig.  3)  ■.  Ces  deux  coussins  étaient- ils    une   tradition    d'une 


'  Moniinu'iit  de  révî'qiie  Eulger,  figure  de  euivrc  ('•maillé  d'un  pied  de  hauteur  envi- 
rou,  proYcuaut  de  réglisc  Saiut-Maurice  d'Angers  (voy.  Gaiguères).  Le  bonuet  de  l'évèque 
Eulger  ou  Ulger  est  blanc,  avec  passementerie  d'or  :  c'est  l'aniict,  et  non  la  niilre. 

-  <i  Intrantes  cliorum  dicta;  Ecdesiœ  cauouici...  Si  jier  majus  ostium  iulraverinf, 
<i  dcposila  almucia,  cum  revcrentia  caput  iufliuare  dehenl  versus  altare.  »  {Statula 
Ecclesiœ  Noviomensi's  apud  Vasso}ium.) 

"  Guillaume  Thorne,  Chron.,  1330. 

'*  La  figure  3  A  est  copiée  sur  la  tombe  du  clianoiue  Jean  D. . .,  chancjlicr  de  Sainte- 
Marie  de  Noyon,  mort  en  1333,  provenant  do  l'abbaye  Sainte-Geneviève  (voy.  Lenoir. 
Statistique  monumentale  de  Paris).  Ici  le  bas  de  l'aumusse  est  rejeté  derrière  les 
épaules,  le  chanoine  portant  la  chasuble. 


—    33    —  [   ALMUSSE   ] 

forme  plus  ancienne,  ainsi  que  le  ferait  supposer  l'exemple  donné 


3 


dans  la  ligure  1,  qui  dalc  du  \n''  siècle;  ou  bien  ùUiienl-iis  placés 

ni.  —  0 


1    AUiMLSSE   ]  —   34   — 

pour  permettre  aux  chanoines  d'appuyer  sans  fatigue  leur  tète  contre 
les  parois  des  stalles  ou  formes,  souvent  séparées,  au  xin«  siècle, 
par  des  montants  assez  saiilanls?  C'est  ce  que  nous  ne  saurions 
décider.  Toujours  est-il  que  ces  coussins  figurant  des  cornes  sub- 
sistent dans  la  plupart  des  aumusses  jusqu'au  xv^  siècle.  Il  y  avait 
des  exceptions  ;  car,  dans  son  Voyage  liturgique,  le  sieur  de  Mau- 
léon*  cite  les  aumusses  des  anciens  chanoines  de  l'église  des  Deux- 
Amants,  près  de  Rouen,  comme  n'ayant  point  de  cornes  latérales 
aux  capuchons,  lesquels  étaient  ronds  et  unis. 

L'aumusse,  dans  la  plupart  des  églises  cathédrales,  devait  être 
portée  sur  la  tète,  de  la  Saint-Michel  à  Pâques,  et,  pendant  la  belle 
saison,  pliée  sur  l'épaule.  Dès  le  commencement  du  xiv^  siècle,  on 
portait  des  aumusses  bordées  de  fourrures  grises.  «  Du  temps  de 
Tévêque  Jean  d'Auxy  »,  dit  l'abbé  Lebeuf  dans  son  Histoire  du  diocèse 
d'Auxerre,  «  le  chapitre  de  la  cathédrale  fit  un  règlement  touchant 
la  couleur  des  petits  capuchons  de  tête  différents  de  celui  de  la  chape; 
on  les  appelait  l'aumuce  ronde  ou  fermée  ;  on  défendit  que  cette 
espèce  de  bonnet,  qui  se  portait  plus  communément  à  matines,  fût 
de  couleur  blanche,  rouge  ou  verte,  et  la  chaussure  tout  de  même.  » 
Or,  Jean  d'Auxy  mourut  en  1358.  Dans  beaucoup  d'églises  cathé- 
drales et  collégiales,  dès  cette  époque,  les  chanoines  se  faisaient 
remarquer  par  leur  élégance  et  la  finesse  des  étoffes  de  leurs  habits. 
Ils  portaient  l'aumusse  drapée  de  diverses  manières,  laissant  pendre 
le  capuchon  derrière  le  dos,  ou  le  repliant  sur  la  tête  pour  laisser 
tomber  d'un  côté  le  manteau.  C'était  surtout  dans  les  diocèses  du 
Midi  que  l'élégance  des  chanoines  se  faisait  remarquer,  de  manière 
à  attirer  souvent  les  censures  des  évoques  et  des  conciles.  Une  très- 
jolie  statue  de  marbre  blanc,  qui  fait  partie  du  musée  de  Narbonne, 
et  qui  provient  du  tombeau  de  Philippe  le  Hardi,  nous  montre  un 
de  ces  chanoines  ayant  drapé  son  aumusse  autour  du  cou,  en  lais- 
sant le  capuchon  pendre  derrière  la  tête  (fig.  4).  Dans  les  monu- 
ments funéraires  des  xiii''  et  xiv°  siècles,  qui  représentent  si  fré- 
quemment des  processions  de  chanoines  en  figurines,  dans  des 
arcatures  sur  les  socles  des  sarcophages,  on  voit  combien  était  variée 
la  manière  de  porter  l'aumusse.  Aujourd'hui,  l'aumusse  n'est  plus 
guère  figurée  dans  le  costume  des  chanoines  que  par  une  bande  de 
fourrure  portée  sur  le  bras  ou  sur  l'épaule.  Les  parlements  portaient 
l'aumusse.  C'est  en  souvenir  de  cet  usage  que  les  cours  suprêmes 
portent  une  bande  de  fourrure  sur  leur  épaule. 

'   Lchriiu  DcsMiareUi's  (tov.  Liturg .  <lr  Finnue.  171  S,  ji.  -H\i\ 


3o  — 


[  AUMUSSE   ] 


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Çr  /ji-m 


[   AIJMUSSE   ] 


3G  — 


Les  aumusses  des  laïques  n'étaient  qu'un  capuchon  avec  pèlerine 
courte  y  tenant,  qu'on  portait  dehors  pour  préserver  la  tête  et 
le  cou  du  froid.  Celles  des  femmes  étaient  un  peu  plus  longues  que 
celles  des  hommes,  et  taillées  différemment  pendant  le  xni"  siècle. 
La  figure  5  montre  en  A  une  aumusse  de  femme,  et  en  B  une  au- 


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musse  d'homme  de  la  fin  de  ce  siècle  '.  On  les  douhlait  souvent  alors 
de  fourrures.  L'aumusse  des  femmes  ressemblait  aux  capulets  que 
portent  encore  les  paysannes  d'une  partie  des  départements  du  Midi; 
le  devant  se  relevait  au-dessus  du  front,  et  laissait  voir  la  doublure 
quand  on  ne  voulait  pas  s'envelopper  entièrement  la  tête.  La  figure  6 
donne  en  A  la  coupe  de  l'aumusse  des  femmes,  et  en  B  la  coupe  de 
celle  des  hommes,  vers  la  fin  du  xni°  siècle. 


'  Les  Miracles  de  la  sainte  Vierge,  inanuscril  du  la  hihliotli.  du  sûiiiiuaire  de  Soissons 
(131)0  euvirou). 

(>  Pour  uue  auimice  de  R  ventres  (fourrure  de  menu  vair),  14  d.  le  ventre...  Pour 
<<  uue  aumuce  de  10  ventres...  »  [Compte  de  Geoffroy  de  Fleuri,  1316.) 


—  37  — 


[   AUMUSSE   ] 


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L'aumusse  civile  des  hommes,  au  xiii^  siècle,  élail  cependant  alors 


[  ni.iAUT  ]  —  38  — 

assez  profonde  pour  pouvoir  cacher  un  objet  dans  la    pointe.  Elle 
était  garnie  de  fourrures  : 

u  De  burol  avoit  uue  auniuflie 
c<  Por  la  froidure  bien  furrée.  » 


Cl  Et  le  provost  s'est  abessié 

0   Ausi  eom  por  son  nez  mouebier 

»  Par  derrière  le  chevalier 

"  La  teste  baisse,  puis  si  nuiee, 

»  La  pièce  de  lart  soz  s'aumuche, 

H  Qui  moult  estoit  parfonde  et  léo, 

('  Puis  l'a  sor  son  chief  r'affublée 

.( 1. 


^L 


BACHE,  s.  f.  [bâcle).  Caleçon  à  l'usage  des  femmes.  Cependant,  au 
xiV  siècle,  le  mol  bâche  était  aussi  appliqué  à  des  caleçons  d'hommes  : 
«  Pro  50  ulnis  telse  pro  bachis  faciendis,  emptis  diversis  pretiisi... 
Dans  l'antiquité,  les  femmes,  sur  la  scène,  portaient  des  caleçons. 
Cet  usage  se  perpétua  pendant  le  moyen  âge.  Toutefois,  aucun  monu- 
ment ne  nous  donne  la  forme  de  ce  vêtement. 

BATONNET,  s.  m.  Sorte  de  pelisse  doublée  de  fourrures  :  «  Pour 
«  1  bâtonnet  tenant  1 10  ventres  (de  menu  vair)  ^  » 

BILLE,  s.  f.  Bouton  sphérique  pour  attacher  le  manteau  ou  la 
pelisse  sous  le  capuchon. 

BISETTE,  s.  f.  Galon,  passementerie  mêlée  de  fils  d'or. 

BLIAUT,  s.  m.  [blialt,  blial'').  Robe  de  dessus,  longue,  tenant  à 
un  justaucorps  ou  corset.  Ce  nom    s'applique  aux  robes  de  dessus 

'  Fabliaux  et  contes  des  poêles  français  des  xii".  xiii",  xiv''  el  xv  siècles  ;  Du  provost 
à  /'mamiche  (cdit.  d'Anistordaai,  tlGt,  t.  llj. 

■^   I36i.  Vov.  Du  (^ange,  G.'ossriire,  Mâche. 

^  Compte  de  Geoff'roi  de  Fleuri,  1316. 

♦  Blaouds  eu  patois  périgourdin.  Ijlaude  dans  le  centre  de  la  France,  d'où  le  mot  mo- 
dçrue  de  Lknise, 


—   39   —  [    BLIAUT   ] 

des  hommes  et  des  femmes  pendant,  les  xi",  xn"  et  xni"  siècles.  On 
trouve  l'origine  de  ce  vêtement  en  Asie.  Quelques  personnages  des 
bas-reliefs  de  Persépolis  sont  vêtus  de  robes  qui  ont  une  ressem- 
blance frappanle  avec  les  bliauts  portés  par  les  gens  nobles  de  la 
fin  du  xi^  siècle.  Le  bliaut  était,  en  efïet,  un  vêtement  des  classes 
supérieures. 

<<  (iraul  joie  ot  l'eiiqioreri'  ([liant  sou  ucveu  cuiuaiue  ; 

«  A  s  in  rors  dosarniyr  fu  la  première  pain?, 

K  Puis  vesti  dias  de  lin  et  bliaiit  taint  eu  grain?  l.  « 

'<  Vestu  ot  .i.  tiliaut  a  ausei,'ne  d'ort'rais  -.  » 

'   Garda  a-val  lès  la  rivière. 

1  Si  vit  venir  deus  dameiseles. 

i<  Uuques  n'eut  veues  si  bcles. 

»  Vcstucs  furent  richement, 

<i  E  laciées  estreitement, 

«  De  dex  bliaus  de  purpre  bis, 

<i  Jlout  par  aveinl  Inaus  les  vis  3.  n 

"  Ses  mantiax  fu  et  ses  hliaus 
«  D'une  porprc  noire,  esteléc 
<i  D'or,  et  n'éfoit  mie  pelée  *.  » 

Dans  le  Roman  de  Raoul  de  Cambrai,  la  fille  de  Géri  : 

<'  Lors  a  veslu  .1.  pelieon  d'ermine, 

•  Et  par  deseur  .1.  ver  bliaut  de  siie  (soie) 

«  Vairs  (bleus)  ot  les  c\,  ee  samble  tez  jors  rie, 

«  l'ar  ces  espaules  ot  jetée  sa  crinie 

<c  Que  èle  avoit  bêle  et  blonde  et  tréeie. 

«  De  sa  chambre  ist  (sort)  tôt  ensi  la  meschinc. 

<i  La  est  venue  où  fu  la  baronie, 

'<  Et  vit  Bernier  en  .1.  bliaul  de  sie^.  » 

Il  n'est  pas  besoin  de  citer  un  plus  grand  nombre  d'exemples 
pour  prouver    (pie    le    bliaut  était  commun    aux    hommes    et    aux 

I  La  Chanson  des  Saxo)is,  LXXVi  (xiu"  siècle). 

-'  Ibid.,  XXXllI. 

3  Le  Lai  de  Lonval  [Poésies  de  Marie  de  France,  xiii"  siècle). 

■'  Roman  de  Perceval,  manuscr.  de  l'Arsenal.  Le  mot  pourpre  n'indiquait  pas,  comme 
aujoui'd'JHii.  une  couleur  se  ra[)[)ioclianl  du  rouge,  nuiis  une  sorte  de  teinture  ayant 
un  celai  ]iin'li('uiiei-.  Il  y  avait  de  la  pour|irc  noire.  Iiise,  verte,  bleue,  gi'ise,  etc.  Voyez 
ce  que  dit,  à  eu  sujet.  Legraml  d'Aussy,  Fabliaux,  I  1.  p.  100;  aussi  l'ouvrage  du 
M.  Fr.  Michel  sur  les  étoffer. 

"   Li  li'imans  de  liaaul  de  Camhrdi.  ciiaii.    c.cxi.v  . 


f    BI.IALT   ]  —    40    — 

femmes  ;  quant  à  la  forme  de  ce  vctemenl,  elle  différait  pour  Tun 
et  l'autre  sexe. 

Le  bliaut  des  femmes  était  lacé,  ainsi  que  l'indique  le  fragment 
précédent  du  Lai  de  Lanval.  Mais  voici  un  autre  passage  qui  le 
démontre  encore  plus  clairement  : 

<<  Quaut  cl  l'oi  si  snspira. 
.1  Sur  uu  petit  ne  se  iiasiiia  : 
•   Il  la  retiuL  entre  ses  bras, 
■  «  De  son  bliaut  trençci  les  laz. 
<i   La  ceinture  voleit  ovrir  \ .  » 

Parfois,  le  bliaut  était  de  même  étoffe  et  de  même  nuance  que 
le  manteau  : 

c<  De  cel  drap  dont  li  nianlials  tu. 

"  Fu  li  blials  qu'ele  ot  vestu  ; 

"  Moult  estoit  ciers  et  bien  ovrés, 

n  D'une  crniiric  fu  tos  t'orrcs  -.   » 

Le  bliaut  était  donc  une  robe  parée  de  dessus  et  non  ime  sorte  de 
robe  de  chambre,  comme  l'ont  cru  quelques  auteurs.  On  en  trouve 
la  preuve  la  plus  complète  dans  un  passage  du  Roman  de  la  char- 
rette... La  reine  est  retirée  dans  sa  chambre,  elle  va  se  mettre  au 
lit,  mais  auparavant  elle  veut  respirer  l'air  du  soir.  Lancelot,  qui 
épie  toute  occasion  de  la  voir,  passe  par  une  brèche  faite  dans  le 
mur  du  jardin  : 

■1  Par  celé  traite  isneleniaut 

((  S'au  passe  et  vet  tant  (juc  il  vient 

«  A  la  feuestrc  (de  la  reine)  et  là  se  tient 

«  Si  coiz  qu'il  u'i  tost  n'esternue. 

"  Tant  que  la  reine  est  venue 

"  Kn  une  niolt  tiianchc  chemise  : 

•  N'ot  sus  bliaut  né  cote  mise. 

<c  Mes  un  cort  niantel  ot  desus 

'<  D'escarlate  et  de  cisenuis  ^.  » 

Les  monuments  qui  peuvent  nous  donner  la  forme  du  bliaut  des 
hommes  et  du  bliaut  des  femmes,  pendant  les  xn°  et  xni'  siècles, 
abondent  et  nous  fournissent    les    renseignements    les  plus  précis. 

'   l.c  f.ni  (le  Gugemer  [Poésies  de  Marie  de  France). 
-  Li  liiiins  (lescù7i?ieus.  vers  3263  et  suiv. 

^  Li  Romans  r/e  la  chaînette  par  C.hrcst.  de  Tro  es  et  Godcfroy  de  Leigni.  vers  4.'i74 
(voy.   la  puliliraliciu  de  r^'  l'oniai:  pai'  M.  le  ductcur  Jonckbloct,  la  Haye.  IS.'iO). 


—   41    —  [    BLIAUT   ] 

Nous  ne  trouvons  pas,  d'ailleurs,  de  traces  de  ce  vêlement  avant  le 
commencement  du  xn"  siècle,  et  tout  porte  à  croire  qu'il  ne  fut 
adopté  qu'après  les  premières  croisades.  A  cette  époque,  en  effet, 
on  observe  un  changement  notable  dans  la  forme  des  vêtements. 
Pendant  la  période  carlovingienne,  les  hommes  ne  portent  que  des 
robes  ou  plutôt  des  tuniques  qui  ne  descendent  que  jusqu'au  genou; 
les  robes  longues  étaient  réservées  pour  les  habillements  de  céré- 
monie des  grands  personnages.  Mais,  à  dater  des  premières  années 
du  xn''  siècle,  les  hommes  nobles  portent  des  robes  longues  descen- 
dant jusqu'aux  chevilles,  et  par  dessus  une  seconde  robe  plus  courte, 
qui  est  le  bliaul.  Sur  le  bliaut  on  posait  le  manteau,  qui  était  commun 
aux  hommes  et  aux  femmes  nobles. 

Nous  prenons  le  bliaut  au  moment  où  sa  forme  paraît  fixée,  vers 
1130,  et  ce  vêtement  mérite  un  examen  attentif.  Disons  tout  d'abord 
qu'on  ne  portait  pas  plus  le  bliaut  sans  le  manteau,  lorsqu'on  était 
paré,  qu'on  ne  porte  aujourd'hui  un  gilet  sans  un  habit  ou  un  vête- 
ment de  dessus.  Sous  le  bliaut  était  la  robe,  l'aube,  la  tunique,  qui 
était  posée  immédiatement  sur  la  chemise,  et  qui  même  en  tenait 
lieu  parfois.  Cette  robe,  ou  plutôt  ces  robes,  car  on  en  mettait  plu- 
sieurs l'une  sur  l'autre,  étaient  faites  de  lin  habituellement,  et  des- 
cendaient jusqu'aux  chevilles  (voy.  Robe);  celle  de  dessus  était  à 
manches  serrées  jusqu'au  poignet.  C'est  donc  sur  ce  vêtement  qu'on 
mettait  le  bliaut  {tig.  1)  fait  d'étolïes  souples,  et  composé,  pour  les 
hommes,  d'une  sorte  de  corselet  juste  au  corps,  à  manches  longues. 
A  ce  corselet  étaient  cousues,  soit  une  jupe  plus  courte  que  la  robe, 
fendue  des  deux  côtés,  soit  deux  pentes  en  manière  de  tablier,  l'un 
par  devant,  l'autre  par  derrière,  ainsi  que  le  fait  voir  notre  figure  '. 
Le  corselet  à  manches  était  à  peine  fendu  au  col  sur  le  devant,  mais 
était  lacé  ou  boutonné  par  derrière  ou  sur  les  côtés,  de  manière  à 
serrer  un  peu  l'estomac  et  l'abdomen. 

A  la  fin  du  xn"  siècle,  le  bliaut  des  hommes  était  lacé  sous  les 
bras,  des  deux  côtés  : 

((  Li  rois  iiVDil  .1.  hliaiil  ciuiossj, 
<c  Qui  tous  ostoit  (if  sjii-  nalur.-l, 
M   El  il  ficx  d'or  soiil  lacii'l  H  (•(isl('  -.    >< 

Sur  le  col,  pour  cacher  le  haut  du  corselet,  on  posait  un  galon  ou 
plutôt  un  collier  d'orfévreiie,  monté  sur  étolîe  (voy.  en  A);  puis  une 

'   Voyez  les  slafucs  du  porinii  I'xivmI  de  iii  ciilliôdralc  de  C.liarlrcs. 
2  La   Chn7iso7i  de   Huon  da   liurticaux.  vers   'M'tl\    (voy.    les  Andcns  portes   de  la 
Fiante,  publ.  sous  la  directiou  de  M,  Ouessard;. 

m.  —  () 


[    B.M.UT  ] 


42  - 


ceinture    faile  d'une  bande  détoire  pour  les  hommes,  masquait  la 
jonclion  de  la  jupe  avec  le  corselet,  à  la  hauteur  des  hanches,  en  B 


S-  ùû/uflmor^ 
(voy    Ceimlhe).  La   jupe    était    bf.tie  après  le  corselet  en  plissant 
1  étoile,  ainsi  que  l'indique  le  trait  B. 
Dans    les    provinces    méridionales,  où  les    influences  bvzantines 


43 


iu.iai:t  ] 


G 


êtaienl  plus  directes,  l;i  jupe  du  hliaul  n'élail  pas  taillée  eu  fuiiiie  de 


[  lU.IAlT  1  —  -44  — 

tablier;  elle  élail  presque  aussi  longue  que  la  robe,  et  un  galon  très- 
riche  descendait  sur  le  milieu  du  corselet  jusqu'à  la  jupe  (voy  en  D)  ). 
Les  manches  du  bliaut  sont  souvent  courtes  (voy.  en    E),  contrai- 
rement aux    modes  des  provinces    du  Nord.  Ce  vêtement  était  fait 
d'étoffes  de  soie  légères,  moelleuses,  fabriquées  en  Orient,  ou  de 
tissus  de  lin,  avec  ornements  brodés.  Quant  aux  bliauts  des  femmes 
nobles  de  ce  temps,  leur  façon  était  plus  compliquée  (fig.  2).  Il  y  en 
a  de  plusieurs  sortes.  Les  uns  se  composent  d'un  corsage  A  ouvert 
sur  la  poitrine,  avec  galon  de  passementerie.  Ce  corsage,  à  peu  près 
juste,  s'agrafait  sur  le    devant.  A  sa  partie  inférieure  était  cousue 
une  étoffe  crépelée,  souple,  qui  prenait  le  ventre,  le  haut  des  hanches 
et  était  lacée  par  derrière.  Au  moyen  d'un  galon  ou    d'un    entre- 
deux, la  jupe,  plissée  h  très-petits  plis,  était  cousue  à  cette  sorte  de 
large  ceinture.  La  jupe  était  fendue  par  derrière  jusqu'à  une  cer- 
taine distance  du  lacet  (voy.  en  B\  Les  manches  étaient  montées 
suivant  le  détail  C  ou  suivant  le  détail  D.  Ces  bliauts  étant  faits  avec 
ces  étoffes  de  soie  crêpée  comme  on  en  fabrique  encore  dans  tout 
l'Orient,  les  petits  plis  de  la  robe  ondoient  quelque  peu  parfois-,  et 
l'extrémité  des  manches  longues,  dont  l'étotïe  était  coupée  de  biais, 
frisait  sur  les  bords  comme  des  ruches.  L'étotïe,  qui  prenait  le  ventre 
et  les  hanches,  est  habituellement  figurée  comme  l'indique  le  détail 
G.  C'était  évidemment  un  tissu  élastique,  comme  une  sorte  de  tricot 
souple  comprimant  légèrement  les  formes   du   corps.  La  statue  du 
portail  de  Notre-Dame  de  Corbeil,  déposée  à  Saint-Denis,  présente 
même  un  corsage  tout  entier  fait  de  cette  étoffe  (voy.  en  E),  et  la 
meilleure  preuve  que  cette  étotîe  avait  de  l'élasticité,  c'est  que  le 
sculpteur  a  perdu  la  gaufrure  sur  les  seins.  Les  statues  du  portail 
Royal  de  la  cathédrale  de  Chartres  présentent  au  contraire  plusieurs 
corsages,  tels  que  ceux  figurés  en  A.  Les  manches  D,  moins  longues, 
sont  faites  avec  une  étofïe  plissée  en  travers,  très-certainement  dans 
le  tissu,  ce  qui  leur  donnait  un  peu  d'élasticité  et  les  empêchait  de 
gêner  les  mouvements  du  bras.  En  H,  nous  donnons  des  entre-deux 
qui  se  trouvent  entre  les  corsages  ou  aux  épaules,  et  en  I  un  galon 
soie  et  or  trouvé  à  Notre-Dame  dans  une  tombe  du  xu"  siècle.  Une 
riche  ceinture  d'étoffe  avec  application  d'orfèvrerie,  de  pierres  fines, 
couvrait  la  jonction  du  corsage  et  de  la  jupe  (voy.  Ceinture),  et  le 
manteau  posé  sur  les  épaules  descendait  sur  les  bras  jusqu'en  bas  du 


>  Musie  de  Toulouse,  cliapileau  représentant  Hérode  et  la  fille  de  Salomé. 
2  Voyez  la  belle  statue  dite   de   Clotilde  (xii"  siècle),  dans   l'église  de  Saint-Denis,  et 
provenant  de  Notre-Dame  de  Corbeil. 


^O    —  [    I5I.I.UT    ] 

blhuit.  Les  cheveux,  très-longs,  réunis  en  deux  grandes  mèches  avec 
des  rubans  ou  des  galons,  descendaient  devant  les  épaules  (voy.  Coif- 
fure). Cet  habillement  de  femme  avait  été  adopté,  comme  nous 
l'avons  dit,  peu  après  les  premières  croisades,  et  paraissait  alors, 
aux  yeux  des  conservateurs  des  anciens  usages,  de  funestes  innova- 
lions.  Ces  critiques  n'empêchèrent  point  cependant  la  mode  des  bliauts 
à  longues  manches  et  à  corsages  ajustés  de  se  perpétuer  jusqu'aux 
dernières  années  du  xn*"  siècle,  en  exagérant  encore,  et  la  longueur 
des  manches,  et  la  richesse  des  ceintures,  et  les  formes  étroites  des 


corsages. 


Dans  ses  mémoires  écrits  vers  llïiO,  l'abbé  Guibert  de  Nogent 
s'exprime  ainsi  à  l'égard  de  ces  modes  encore  nouvelles  alors  i  : 
«  Leurs  vêtements  (des  femmes)  sont  bien  loin  de  l'ancienne  sim- 
plicité ;  des  manches  larges,  des  tuniques  étroites,  des  souliers  dont 
la  pointe  se  recourbe  à  la  mode  de  Cordoue  ;  tout  enlin  nous  montre 
avec  évidence  l'oubli  de  toute  décence.  Une  femme  se  croit  parvenue 
au  comble  du  malheur  quand  elle  passe  pour  n'avoir  point  d'amant, 
et  c'est  pour  chacune  un  litre  de  noblesse  et  de  gloire,  dont  elle  est 
fière,  de  compter  un  plus  grand  nombre  de  tels  courtisans.  » 

Les  étoffes  dont  on  faisait  les  bliauts  n'étaient  pas  toujours 
unies,  mais  brochées  d'or  ou  tissées  de  soie  de  couleurs  dilférentes  ; 
toutefois,  ces  étoffes  conservaient  la  souplesse  et  devaient  être  fines 
et  légères  de  tissu  (voy.  Étoffe). 

La  coupe  de  cet  habillement  et  la  manière  de  le  porter  ne  subirent 
que  de  légères  modifications  pendant  la  durée  du  xii''  siècle  : 


«  D'un  bliaiit  yude  crusilliée  * 
«  A  merveilles  bien  eutaillié, 
«  A  son  roi  ont  mise  une  afice  '•> 


<i Eiiriiint 

"  Très  par  deseure  le  hliaut 

«  A  (,'aint  .j.  centuriel  de  soie, 

«  En  quoi  onqucs  lieu  que  je  soie. 

■<  Oseroie  dire  pour  voir 

"  Que  n'esligats  de  son  avoir. 


'   Vie  f/e  Guibert  de  Nogent,  liv.  1,  trad.  de  M.  Guizot. 

2  Semé  de  croisettes  [Roman  de  la  violette,  vers  814  et  suiv.\ 

3  Une  agrafe.  En  effet,  la  statue  de  reine  du  portail  de  Notre-Dame  de  Corboil 
porte  une  grande  agrafe  circulaire  enrichie  de  pierreries  à  la  fente  supérieure  de  son 
corsage . 


[    ni.lALT   ] 


46 


Lo  lissu  li  qiK'us  (le  Toulouse. 
Eu  la  chainture  et  loi  jagouse  ' 
Tel  riibiu  ^  et  tele  csmeraude. 

l!u  niantiel  heruiiu  ot  au  col 

Plus  vers  que  n'est  fuelle  de  roi  (feuille  de  rhou), 

A  flouretes  d'or  eslevées, 

Qui  molt  bien  estoient  ouvrées  ; 

K'il  ot  en  chasfune  flourete 

Atachie  une  campenete 

Dedens,  si  que  rien  n"i  paroit. 

Et  très  douehement  sonnoit 

Quant  el  mantel  feroit  li  veus. 

Si  vous  di  bien  par  tel  convens 

Harpe,  ne  viele,  ne  rote, 

Ne  rendent  pas  si  douche  note 

Con  les  escaletes  '  d'argent.  » 


On  voit  que  le  poëte,  qui  écrivait  ceci  en  1200  environ,  décrit  et 
complète  le  vêlement  de  femme  que  nous  venons  de  donner  et  dont 
la  forme  ne  se  modifia  guère  jusqu'à  cette  époque.  La  ceinture  de 
soie  garnie  de  pierreries  est  posée  sur  le  bliaut,  et  le  manteau  ter- 
mine la  toilette. 

Ces  longues  manches  portées  par  toutes  les  femmes  de  condi- 
tion aisée  du  xn^  siècle,  et  même  par  les  bourgeoises,  étaient  gê- 
nantes, si  l'on  avail  à  se  livrer  à  quelque  occupation  de  ménage  ; 
aussi  les  relevait-on  jusqu'aux  épaules  et  les  maintenait-on  au  moyen 
d'une  cordelette  croisée  derrière  le  dos  (fig.  3)  \  Il  est  aisé  de  re- 
connaître, dans  la  forme  et  la  façon  de  ces  vêtements  d'hommes  et 
de  femmes,  une  influence  byzantine.  Ces  petits  plis,  ces  ceintures 
basses ,  ces  corps  d'étoffes  élastiques ,  ces  galons ,  ces  longues 
manches,  se  retrouvent  dans  les  monuments  byzantins  des  xi'  et 
xir  siècles.  Les  étoffes  employées  par  la  classe  élevée  venaient  la  plu- 
part de  l'Orient,  et  leur  importation  en  Occident  faisait  la  richesse  de 
Venise,  qui  avait  alors  des  comptoirs  dans  les  villes  du  midi  et  de 
l'ouest  de  la  France,  notamment  à  Limoges.  Dans  le  nord,  ces  négo- 
ciants étaient  connus  sous  le  nom  de  Lombards,  et  vendaient  non- 
seulement  des  étoffes  d'Asie,  mais  des  épices,  des  ivoires  travaillés, 
des  bijoux,  de  la  verrerie,  et  de  petits  meubles  tels  que  des  coffrets, 


'   Gagales.  agates. 

ï  Rubis. 

3  Petites  écailles. 

^  Figure  de  la  façade  de  Notre-Dame  la  Grande  à  Poiliers  (naissance  du  Christ). 


-  47 


[   BLIAUT   ] 


écrins,  etc.  La  plupart  des  étoffes  de  soie  qu'on  retrouve  dans  les 
tombeaux  des  xr  et  xn«  siècles,  ou  qui,  datant  de  cette  époque,  sont 
conservées  dans  quelques  trésors  et  collections  en  France,  en  Alle- 
magne et  en  Angleterre,  sont  de  fabrication  orientale,  et  sont  dési- 


o 
o 


gnées  dans  les  romans,  et  môme  dans  les  inventaires,  sous  le  nom 
d'ouvrages  de  Damas,  d-Ynde,  sarrasinois.  Il  est  évident,  d"après 
l'examen  des  monuments,  qu'on  a  fait  beaucuup  usage  au  xn«  siècle, 
en  France,  de  ces  mousselines  crêpées  et  lamées,  qu'on  fabriquait 
en  Asie  de  temps  immémorial,  puisqu'on  en  trouve  la  trace  dans  les 
sculptures  assyriennes  et  dans  les  bas-reliefs  de  l'époque  des  Sassa- 
nides.  Les  jupes  et  corps  des  bliauts  que  nous  venons  de  décrire 
étaient  certainement  taillés  dans  ces  mousselines,  et  ce  fait  ne  peut 
laisser  de  doute,  si  l'on  examine  avec  soin  la  remarquable  statue 
de  reine  provenant  de  l'église  Notre-Dame  de  Corbeil  ',  ainsi  cpie  la 
plupart  de  celles  du  portail  occidental  de  la  cathédrale  de  (Ihartres 


'   Aiijiiiiril'liiii  iIi'imiSi't  (hiiis  i'i''i,'lisi'  ilc  S:iiiil-I)('nis. 


[    BLIAUT   ]  —   48    — 

et  de  la  porte  méridionale  de  Notre-Dame  de  Chàlons-sur-Marne. 
Ces  figures  dalenl  toutes  de  1140  environ,  et  elles  sont  la  dernière 
et  la  plus  complète  expression  de  la  mode  byzantine.  Alors  les 
manclies  des  bliauts  de  femmes  sont  tellement  longues,  qu'elles  traî- 
naient à  terre,  et  qu'on  nouait  parfois  leur  extrémité  inférieure, 
ainsi  que  le  montre  une  des  statues  du  porlail  Royal  de  lacatliédi'alede 
Chartres.  Leur  ampleur  permettait  de  cacher  des  objets  volumineux. 
Quand,  dans  la  Chanson  de  Floorant,  la  belle  Maugalie  voit  venir 
l'armée  des  Sarrasins,  elle  veut  se  déguiser  en  homme  pour  com- 
battre à  côté  de  son  ami,  car  elle  sait  bien  que  si  son  père,  qui 
commande  l'armée  des  infidèles,  la  peut  prendre,  il  lui  fera  un 
mauvais  parti.  Or,  dit-elle  : 

(.  Je  ne  sorai  foïr.  lase  !  que  porai  fare  ? 
(.  Or  nie  sui  por|)aus6e  d'une  avanture  beUc  ; 
K  Ja  ai  ici  un  dras  en  ma  mange  senestre. 
Il  Trestoz  taliez  à  laz,  à  Richier  durent  estre, 
Il  Je  les  vêtirai  jai,  frans  clievaliers  ouestes, 
<i  Et  puis  si  monterai  à  droit  en  ceste  sale  i.  » 

Comme  elle  le  dit,  Maugalie  le  fait,  elle  sort  de  sa  manche  gauche 
une  robe  d'homme  : 

(I   Si  oomnic   clicvalier  s'atoruc  la  puccle.   » 

Par-dessus  le  dras  qu'elle  a  tiré  de  sa  manche  gauche  : 

(I  Blainche  eliemise  et  braies  a  vcstu  nietenant, 

(I  Qui  furent  a  Richier,  lou  anli  combatant, 

<i   Et  par  desures  vet  une  colc  avenant, 

<i  Et  puis  après  .1.  porprc  qui  moult  esloit  saanz. 

Il  Puis  montai  en  la  sale  dou  destrier  aufcran, 

'1  Et  ai  pris  une  lance  et  .1.  cscu  pesant  ^.  » 

Si,  à  la  fin  du  xii«  siècle,  en  France,  on  constate  un  changement 
notable  dans  l'architecture,  dans  les  meubles  et  la  forme  des  usten- 
siles, ce  changement  n'est  pas  moins  sensible  dans  les  modes.  De 
même  qu'on  abandonne  dans  la  pratique  des  arts,  à  cette  époque, 
les  traditions  byzantines,  de  même  laisse-t-on  entièrement  de  côté 
l'innuence  des  vêtements  byzantins.  Si,  pour  les  personnes  nobles 
des  deux  sexes,  les  vêtements  restent  longs,  ceux  des  hommes  se 

'  Chanson  de  Floovant,  vers  17ti0  et  suiv.  [Anden<<  poètes  de  la  France,  publ.  sous 
la  dii'ection  de  M.  Guessard^ 
i  Vers  1181  et  suiv. 


-  49 


[   BLIALT   ] 


dislingueiU  mieux  de  ceux  des  femmes,  sont  plus  simples  et  plus 
commodes  à  porter  évidemment.  Voici,  par  exemple,  riiabillement 
du  roi  Clovis  I",  que  donne  une  statue    des   dernières  années  du 


xii"  siècle  ,  provenant  de  Tabbaye  Sainte  -  Geneviève  do  l'ai'is 
(lig.  4)  '.  Notre  dessin  suppose  le  bras  gauche  étendu  pour  faire 
voir  la  forme  de  la  manche  de  la  robe;  sur  celte  robe  est  posé  le 
bliaut,  (jui,  au  lieu  de  présenter  une  façon  compliquée  conim»'  ceux 


'  Celle  sliiliic  csL  aiijiiiiid'liiii  placi'c  dans  ['('f^lisi'  de  Saiiit-Deuis,  à  la  droilc  du  imiilrc 
iiiilcl.  Bien  eulcudii,  e()ut'ijnii(''iiicul  aux  lialiitudes  des  slaluaircs  du  uioyeu  âge,  celle 
ligure  osl  Iiabilléc  k  la  uiodc  du  leiiips  où  elle  a  éli'-  faile.  Ou  itcut  doue  regarder  ce 
vrlciiicul  eoninie  celui  que  ixniail  l'Iiiliiiiic-Auijuslc  ;  le  iiiaiiUrau  l'accompagne. 

III.   —  1 


[  nuAUT  ]  —  oO  — 

du  milieu  du  xii''  siècle,  est  d'une  cxlrème  simplicilé  de  coupe 
(voy.  en  A).  Ce  bliaut  se  compose  d'un  morceau  d'étoffe  sans  cou- 
tures, si  le  lez  était  assez  large.  On  passait  la  tête  par  le  trou  B, 
élargi  par  une  fente  F:  les  deux  pans  du  bliaut  tombaient  devant 
et  derrière.  Une  agrafe  fermait  la  fente,  et  une  ceinture  serrée 
autour  de  la  taille  réunissait  ces  deux  pans  :  c'était  une  façon  de 
dalmatique  sans  manches.  Ainsi,  sur  les  deux  côtés,  une  fente 
montant  jusqu'à  la  ceinture  ne  gênait  point  les  mouvements  des 
jambes,  et  cette  fente,  prolongée  jusqu'à  l'épaule,  laissait  passer 
la  manche  de  la  robe,  large  à  sa  base,  serrée  aux  poignets.  Les  deux 
pans  du  bliaut  étaient  fendus  en  C  et  D  ;  de  sorte  que  si  l'on  montait 
à  cheval  avec  ce  vêtement,  ce  qui  arrivait,  ainsi  que  nous  le  verrons 
ailleurs,  la  robe  de  dessous,  fendue  elle-même  latéralement,  mais 
faite  de  lin,  était  ramenée  sur  les  cuisses  et  sous  la  selle,  et  le  bliaut 
se  séparait  en  quatre  parties,  laissant  libre  l'arçon,  les  jambes  du 
cavalier  et  la  cuiller  de  la  selle  '.  Ces  bliauts  étaient,  au  commen- 
cement du  xm"  siècle,  ornés  de  bandes  d'ornements,  d'orfrais,  de 
broderies,  le  long  des  fentes  latérales  : 

«  L'eufes  Gais  de  Bourgoigae  errant  sj  dcsanua, 
«  Desceiat  le  branc  et  l'iaume  et  son  escu  osta, 
«  Si  est  remès  tous  scnglcs  el  bliaut  de  ccndal. 
«  Très  parmi  les  costès  grans  beudes  d'ortVoi  a  -.   » 

Le  bliaut  des  femmes  ne  se  modifie  pas  à  cette  époque  d'une  ma- 
nière aussi  radicale;  le  corselet  est  encore  lacé,  descend  seulement 
au  milieu  du  ventre,  et  la  jupe,  à  plis  moins  menus  et  moins  nom- 
breux, d'étoffe  plus  épaisse,  est  fendue  latéralement.  Les  manches 
sont  encore  très-longues  et  amples,  mais  déjà  elles  sont  fendues 
aux  entournures  pour  qu'on  puisse ,  si  bon  semble ,  n'y  point 
couler  les  bras.  Alors  ces  manches  tombaient  derrière  les  épaules. 
On  appelait  ces  vêtements  ainsi  fendus  sur  les  côtés  et  aux  manches, 
biiaux  entaillés  : 

(<  Bieu  sont  vestuz  d'erniiacs,  de  bliaus  aulailicz  ■*.  » 

La  forme  du  bliaut  des  hommes  ne  changea  guère  jusqu'à  la  fin 
du  règne  de  Philippe-Auguste;   cependant,  vers  12:20,  on  voit  des 


'   Les   mesures    que    nous    donnons   à    ci's    pali'ons    snnl    suiii'.osécs    applirahles    aux 
vètenienls  d'un  honnne  ayant  1  >","!:!. 

-  La  (')ifinson  de   Gui  de  Bourgogne,  ver*  2201  et  suiv.  {ie><  Ancieiis  poètes  de  la 
France,  \i\ih\.  sous  la  direetiou  de  M.  Guessard). 
■^  La  Oianson  de  Floovant.  veis  !)1S. 


—    51    —  [   RLI.MT   ] 

bliauls  sans  la  ceinture  et  dont  les  pans   sont  simplement  l'éunis 
latéralement  au-dessous  des  manches. 

Entre  les  années  1230  et  1240,  saint  Louis  fit  refaire  toutes  les 
images  des  rois    ses    prédécesseurs    ensevelis    ta    Saint-Denis.   Ces 


O 


£.  Cû/i/.,1UA/OI , 


statues,  d'un  beau  travail,  montrent  ces  princes  habillés  à  la  mode 
du  temps  où  elles  furent  refaites,  conformément  aux  habitudes  des 
artistes  du  moyen  âge.  La  plupart  sont  revêtus  du  biiaut  alors  sans 
ceinture. 

La  figure  5  présente  la  statue  du  roi  Robert  P'  '.  En  A,  est  tracé  le 

1  Placée  dans  le  Iranssopt  ili>  l'rfilise  de  Sainl-Denis.  ('.oiiinie  pour  le  i)ré('édeiit 
exemple,  le  bras  de  eelte  slatiic  esl  supposé  étendu,  atiii  de  inontrei'  la  forme  de  la 
manche  du  hliauL.  l'u  manlcau  le  ri'couvre. 


[    Bl.lAlT   ]  —    o2    — 

patron  de  ce  vêtemenl,  fendu  latéralement  de  a  en  b,  et  sur  l'épaule, 
d'un  seul  côté,  de  c  en  d,  afin  de  permettre  de  passer  la  tête  dans 
l'encolure.  Un  ou  deux  boutons  ferment  cette  dernière  fente  quand 
on  a  revêtu  le  bliaut.  l.a  forme  de  ce  vêtement  est  fort  belle,  mais  ne 
pouvait  plus  permettre  de  monter  à  cheval  ;  aussi  avait-on  alors,  pour 
chevaucher  non  armé,  des  vêtements  particuliers.  Plus  de  petits 
plis,  rétoffe  est  de  drap  de  laine  ou  de  soie  *  ;  seule,  la  robe  de 
dessous  est  encore  de  lin,  et  est  maintenue  à  la  taille  par  une  cein- 
ture. D'ailleurs  le  bliaut  n'est  pas  toujours  porté  ;  quelquefois  —  et 
plusieurs  des  statues  de  Saint-Denis  en  fournissent  des  exemples  — 
il  est  remplacé  par  une  seconde  robe  à  manches  serrées,  avec  cein- 
ture, toujours  couverte  du  manteau  (voy.  Robe).  Généralement  les 
étoffes  dont  sont  faits  ces  bliauts  sont  unies  et  de  tons  assez  clairs, 
bleus,  verts,  rouges,  pourpres  ;  mais  on  ne  voit  plus  tant  de  ces 
galons  rapportés,  de  ces  ceintures  ou  colliers  d'orfèvrerie.  Si  des 
ornements  décorent  ces  étoffes,  ils  ne  consistent  qu'en  des  semis 
brodés  et  quelques  bordures  étroites.  Le  bliaut  des  hommes  ne 
tarde  pas  à  se  modifier,  car  c'est  une  erreur  de  croire  que  les 
modes  ne  changeaient  point  aussi  rapidement  pendant  le  moyen  âge 
que  de  nos  jours.  Pour  nous,  l'habit  qu'on  portait,  il  y  a  dix  ans, 
est  complètement  ridicule,  et  nous  nous  apercevons  du  premier 
coup  d'œil  si  le  vêtement  que  porte  une  personne  entrant  dans  un 
salon  date  de  deux  ans  ;  mais  il  n'est  pas  certain  que  dans  six  cents 
ans  nos  neveux  fassent  ces  distinctions  ;  et  l'on  peut  admettre  que  les 
archéologues  de  ce  temps  auront  quelque  peine  à  distinguer  l'habit 
de  1830  de  l'habit  de  1860.  Un  peu  plus  d'ampleur  dans  les  manches, 
un  peu  plus  ou  moins  de  longueur  des  basques,  de  hauteur  dans  le 
collet ,  sont  des  différences  subtiles  qu'à  une  distance  de  quelques 
siècles  il  sera  permis  de  négliger.  Or,  les  changements  de  forme  des 
vêtements  pendant  le  moyen  âge  sont  plus  caractérisés.  On  peut 
comparer  le  changement  radical  qui  se  fit  à  la  fin  du  xiv°  siècle 
avec  celui  qui  s'opéra  dans  nos  modes  françaises  après  la  révolution 
du  dernier  siècle;  mais  depuis  la  chute  du  premier  empire  jusqu'à 
aujourd'hui,  les  modifications  que  les  vêtements  des  hommes  ont 
subies  se  réduisent  à  certains  détails  assez  difficiles  à  saisir  à  dis- 
tance. Pendant  le  xni"  siècle ,  ces  modifications  sont  autrement 
sensibles.  Ceci  n'est  dit  qu'à  cette  fin  de  relever  un  de  ces  préjugés 
accumulés  à    plaisir  sur  tout  ce  qui  touche  au   moyen  âge.  Qu'il 


'  «  Si  vesti  uu  hliiuil  île  ilra[)  tic  soie  que  oie  avoit  molt  bon...  »  (Conte;  C'est  d'Au- 
casi7i  et  Nïcolette,  xiii^  s.,  nis.  n"  "9^9,  Bibliotli.  impér.) 


—   o3    —  [   BLIAUT    ] 

changeât  ses  modes  fréquemment  ou  ne  les  changeât  que  lentement, 
cela  ne  le  rend  ni  pire  ni  meilleur;  nous  constatons  quMi  les  chan- 
geait fréquemment,  c'est  un  fait,  voilà  tout;  et  il  est  plus  ridicule,  si 
Ton  se  pique  d'exactitude,  d'habiller  un  seigneur  de  4240  comme 
un  noble  de  1200,  qu'il  ne  le  serait  de  donner  à  un  gentleman  de 
1868  les  habits  d'un  beau  de  1828. 


ii 


E.Ci'.'J-tr.JMOl  . 


Le  dernier  bliaut  de  personnage  noble  que  nous  venons  de  donner 
date  de  1233  environ,  comme  nous  l'avons  dit  ;  en  voici  un  autre  de 
la  même  époque  :  c'est  celui  que  porte  Philippe,  fi-ère  de  saint 
Louis,  né  en  1221  et  mort  jeune  ',  c'est-à-dire  vers  1235.  Le  bliaut 
du  prince  (fig.  6)  est  pourvu  de  manches  courtes  —  ne  descendant 


<  Ce  personnage,  trôs-délicatcinent  sculptô  et  donl  l;i  tôle  iiiiburhe  est   évideimnenl  uu 


[  r.i.iAiT  ] 


—  54  — 


que  jusqu'au-dessous  du  coude  —  avec  entournures  ouvertes  pour 
laisser  les  bras  libres  lorsqu'on  ne  veut  pas  passer  les  manches.  Ce 
bliaut  est  fendu  au  milieu  par  devant  et  par  derrière  ;  il  est  presque 
aussi  long  que  la  robe  de  dessous.  La  couleur  était  bleue  semée  de 


raacles  et  de  croisettes  d"or.  La  figure  7  en  donne  le  patron,  en  A 
par  devant,  en  B  par  derrière.  L'encolure  s'ouvre  pour  passer  la 
tête,  non  sur  le  devant,  mais  sur  l'épaule  gauche  ;  et  cette  fente  est 
fermée  par  un  bouton  (voy.  le  détail  C).  Pour  que  la  boutonnière 
n'arrache  pas  l'étotTe,  une  bande  de  peau  était  cousue  par  dessous  et 
maintenue  par  deux  brides  de  soie.  Les  manches  n'étaient  cousues 
après  le  bliaut  par  derrière  que  depuis  l'épaule  jusqu'au  point  a. 
Nous  allons  voir  le  bliaut  moditier  sa  forme  d'une  manière  sensible 


portrait,  iiarait  avoir  iiuo  quiii/aiiK?  d'années.  Son  tonilifiau,  (|'ji  était  autrefois  flans 
l'abbaye  de  Royanniont,  est  aiijourd'luii  déiiosé  a  Saint-Denis  ;  c'est  un  monument  des 
plus  remarquabL'S,  et  la  statue  du  jeuue  prince  est  un  clief-d'ctuvre. 


—   BH    —  [    BLIAUT   ] 

en  quelques  années.  En  mars  1247  mourait  un  des  tils  de  saint 
Louis,  Jean,  encore  enfant.  Sa  tombe  de  cuivre  émaillé  fut  dressée 
dans  le  chœur  de  l'église  abbatiale  de  Royaumont,  devant  une  arca- 
ture  au  fond  de  laquelle  était  peinte  l'image  du  jeune  prince,  non 


pas  sous  les  traits  d'un  enfant,  mais  d'un  adolescent  '.  Cette  pointure 
a  été  conservée  par  Gaignères,  et  est  reproduite  avec  fidélité.  Le 
jeune  homme  (fig.  8)  tient  un  gant  de  la  main  droite  ,  et  sur  son 
poing  gauche  un  faucon.  Son  vêtement  se  compose  d'une  robe  de 


'    l.'i't'ligic  (h;  t)r(ni/.c    dovr  du  lx  ]ii'iuce,  sur   toud  riuailU'',  uxislu  et  est    placée  jin^s  du 
iiuiilic  aulel  de  l'église  de  Saiut-Dejis. 


[   BLIALT  ]  —    06    — 

dessous  dont  on  n'aperçoit  que  les  manches  de  drap  d'or.  Sur  cette 
robe  est  posée   une  seconde  robe  de   velours  cramoisi  à  longues 
manches,  fendues  à  la  hauteur  du  coude  pour  passer  Tavant-bras. 
Cette  deuxième  robe  monte  jusqu'au  cou  et  est  fermée  par  des  bou- 
tons. Sur  cette  robe  est  posé  le  bliaut  .sans  manches,   le  col  assez 
dégagé.  Ce  bliaut  est  fendu  par  devant,  par  derrière,  sur  les  côtés  et 
doublé  d'hermine.  Juste  aux  épaules  et  sur  la  poitrine,  il  s'élargit  vers 
le  bas  et  recouvre  entièrement  les  robes  de  dessous,  qui  sont  dès  lors 
très-courtes,  puisque  le  bliaut  ne  descend  que  jusqu'à  mi-jambe.  Des 
ouvertures  latérales,  pratiquées  dans  le  bliaut,  laissent  voir  la  robe 
de  dessous,  cramoisie,  et  permettent  aux  mains  d'aller  chercher  les 
pochettes.  Le  haut  du  bliaut  est  boutonné  jusqu'au  milieu  de   la 
poitrine.  En  A,  est  tracé  le  patron  de  ce  bliaut  ;  sa  couleur  est  lilas, 
avec  fleurs  de  lis  d'or.  Ce   costume  est  d'une  grande  élégance   et 
devait  être  fort  commode.  L'exemple  précédent  nous  montre  déjà 
un  jeune  homme  revêtu  du  bliaut  sans  manteau.  Il  en  est  de  même 
ici.  Ce  jeune  prince  n'a  pas  le  manteau  qui  semble  être  réservé  aux 
hommes  faits  et  aux  dames  ;  car  voici  (fig.  9)  l'image  de  la  sœur  du 
prince  Jean,  morte  également  très-jeune  et  enterrée  dans  le  chœur 
de  l'abbaye  de  Royaumont,  à  côté  de  son  frère,  sous  une  plaque  de 
cuivre  émaillé  *.  Le  peintre  a  aussi  représenté  cette  jeune  princesse 
au  fond  de  la  niche  qui  surmontait  le  tombeau,  non  sous  la  figure 
d'un  enfant,  mais  d'une  tille  nubile.  Elle  est  revêtue  du  bliaut,  sans 
manches,    sans  manteau,  avec  corsage   lacé,  juste.   La  jupe,   très- 
ample,  se  termine  en  queue  retroussée  sur  le  devant  par  le  bras 
droit  -.  En  A,  est  tracé  le  corsage  lacé  par  derrière  avec  la  jupe 
étendue,  et  en  B  le  vêtement  de  la  même  princesse,  non  plus  d'après 
la  peinture,   mais  d'après  la  statuette  de  bronze  doré  qui  la  repré- 
sente enfant.   Les  entournures    du  bliaut   sont,  pour  l'enfant,  plus 
aisées,  et  le  corsage  ne  prend  point  la  taille. 

Le  bhaut  sans  manches,  avec  corsage  ajusté,  paraît  avoir  été  fort 
à  la  mode  au  milieu  du  xni^  siècle,  non-seulement  chez  les  femmes 
nobles,  mais  aussi  chez  les  bourgeoises  et  même  les  courtisanes, 
ce  qui  fut  pai-fois  l'objet  de  fâcheuses  méprises,  et  ce  qui  devint  le 
prétexte  d'édils  royaux  touchant  la  toilette  des  femmes  de  mauvaise 
vie.  Toutefois  cet  élégant  habit  ne  dura  guère.  Il  advint  du  bliaut 
ajusté  et  sans  manches  pour  les  femmes  ce  qu'il  advient  des  vête- 
ments qui  font  ressortir  les  avantages  d'une  belle  taille  et  ne  sau- 

'  Conservée  aujourd'hui  ilans  Tcglisc  de  Saiut-Dpuis. 
-  Vovez  Gaiç;nèi'cs. 


—   o1   —  [    lîLlAUT    1 

raient  dissimuler  certains  défauts    plivsiques  assez  ordinaires  :  on 
l'abandonna  pour  la  robe  large  ou  le  bliaut  flottant. 


Le  nom  de  bliaut  ne  fut  même  plus  guère  appliqué  aux  vêtements 
de  dessus,  lesquels,  pour  les  liommes  et  les  femmes,  à  dater  de  la 

m.  —  8 


[   BLIAUT   ]  —    88   — 

seconde  moitié    du    xiii"  siècle,  prirent  les  noms    de  garde-corps , 
dliérigauts  ou  d'hergauts,  de  siircots  (voy.  ces  mots)  : 

«  Qui  tost  nfa  douoe  sa  cote, 

«  Son  garde-cors,  son  hérigaul  ' .   » 

Pour  les  hommes  seulement,  le  nom  de  roquet  -  : 

«  Et  Aguissans  li  rois  gucucist 
«  Et  (jiglain  par  le  roquet  prist, 
»  Se  li  a  dit,  qii'aveuc  lui  soit 
«  Et  qu'aveuc  lui  hcrbergeroit  s.  » 

Louis  IX,  en  revenant  de  Saint-Jean  d'Acre,  en  1254,  était  moins 
disposé  que  jamais  à  souffrir  à  sa  cour  le  luxe,  l'élégance  qui  y 
régnaient  avant  son  expédition  d'Egypte  ;  lui-même  donnait  l'exemple 
de  la  simplicité  :  «  Après  ce  que  le  roi  fu  revenu  d'outre  mer  »,  dit 
Joinville,  «  il  se  maintint  si  dévotement  que  onques  puis  ne  porta 
«  ne  vair,  ne  gris  ^,  ne  escarlatte,  ne  estriers,  ne  espérons  dorez. 
«  Ses  robes  estoient  de  camelin  ou  de  pers  ;  les  pennes  "  de  ses  cou- 
«  vertouers  et  de  ses  robes  estoient  de  gamites,  ou  de  jambes  de 
«  lièvre  ".  »  Autour  de  lui,  le  roi  inspirait  trop  de  respect  pour 
que  son  exemple  ne  fût  pas  imité.  Il  y  eut  donc  alors  à  la  cour,  dans 
le  goût  pour  le  luxe  des  vêtements,  comme  un  temps  d'arrêt  pro- 
voqué par  la  vénération  que  chacun  portait  au  souverain,  sans  qu'il 
fût  nécessaire  de  recourir  à  des  ordonnances  ou  édits  somptuaires, 
ainsi  que  durent  le  faire  ses  successeurs.  Nous  avons  donné  les 
vêtements  des  deux  enfants  de  saint  Louis,  morts  avant  Texpédilion 
de  Damiette  ;  voici  maintenant  celui  de  son  fils  aîné  Louis,  mort  en 
1259,  après  l'expédition.  Or,  il  est  facile  de  voir  que  ce  vêtement 
de  dessus  est  relativement  sévère  (fig.  10}.  La  statue  du  jeune  prince, 
autrefois  placée  dans  le  chœur  de  l'église  abbatiale  de  Royaumont, 
est  aujourd'hui  déposée  dans  l'église  de  Saint-Denis,  sur  un  très- 
riche  sarcophage.  Le  bliaut  est  à  manches,  avec  entournures  fendues 
pour  ne  point  gêner  les  mouvements.  Ces  manches  sont  courtes  et 
peu  amples  ;  la  jupe  est  fendue  devant,  derrière  et  sur  les  côtés,  afin 
de  pouvoir  monter  à  cheval.  Sous  l'encolure  du  bliaut  est  prise  une 

'  Le  Dit  de  la  mauille  (deuii-denier  :  m  ni  sol  ni  iiiaillo  "]. 

2  D"où  le  mot  roc  lut. 

■*  l  Biaus  desconneus ,  vers  o03i  et  suiv. 

*  Fourrures. 

»  Bordures,  galons. 

6  Fourrure  couiuiune,  peau  d'agucau. 


—    59    —  [   BI.IALT   ] 

aumusse,  ou  gonelle  à  capuchon  (voy.  le  patron  A  de  celte  aumusse). 
En  B,  est  donné  le  capuchon  par  derrière  étant  rabatiu.  Ce  bhaut 
était  peint  d'azur  avec  semis  de  fleurs  de  lis  d'or.  Louis,  étant  mort 
à  l'âge  de  seize  ans.  n'a  point  le  manteau  que  nous  ne  voyons  attaché 


^.'ï<l/)CrJZS  ^c 


qu'aux  épaules  des  personnages  d'un  âge  plus  avancé.  Les  cheveux 
sont  courts,  contrairement  à  l'usage  admis  pendant  la  première 
moitié  du  xni'"  siècle. 

C'est  aussi  à  celle  épocjue  que  le  bliaul  des  femmes  cesse  d'être 
ajusté  au  corsage;  collant  sur  les  épaules  seulement,  il  tombe  droit, 
sans  ceinture  ni  lacets.  Ce  genre  de  bliaut  de  femmes  se  perpétue, 
sans  modilicalions  sensibles,  jusqu'au  comnienceinejil  du  xiv'^  siècle, 


[   lîI.IAL'T   ]  —    60    — 

c'est-à-dire  jusqu'au  moment  de  l'adoption  franche  du  surcot. 
L'église  de  Saint-Denis  possède  une  très-précieuse  statue  de  marbre 
noir,  qui  nous  dorme  la  forme  de  ces  derniers  bliauts  :  c'est  l'effigie 
de  Catherine  de  Courtftnay\  qui  fut  la  seconde  femme  de  Charles, 


II 


// 


\    -A-^ 


comte  de  Valois,  et  qui  mourut  en  1307,  à  Saint-Ouen-sur-Seine. 
Voici  (fig.  il)  la  copie  de  cette  statue.  La  robe  de  dessous  est  très- 
longue,  très-large,  et  le  bliaut  ne  descend  qu'cà  10  centimètres  au- 
dessus  des  pieds.  Il  n'est  pas  très-ample,  est  fendu  de  chaque  côté 
jusqu'aux  coudes;  les  manches  n'atteignent  pas  les  poignets  et  sont 
médiocrement  larges  ;  l'encolure  du  bliaut  recouvre  entièrement  la 


1  Provenant  de  l'abbaye  de  Maubuisson. 


—    61    —  [   BOUCLE   ] 

robe  de  dessous.  On  observera  qu'une  mancbe  et  une  fente  seules, 
du  côté  gauche  de  la  figure,  sont  frangées;  les  mains  sont  gantées. 
Cette  figure  est  dépourvue  du  manteau  ;  c'est  qu'en  effet,  à  cette 
époque,  le  manteau  n'est  déjà  plus  de  rigueur  pour  les  femmes 
nobles. 

Pour  suivre  les  transformations  du  bliaut  depuis  le  xiv"  siècle,  il 
faut  recourir  aux  articles  Garde-corps,  Robe  et  Surcot. 

BOUCLE  iDE  ceinture),  s.  f.  {afiche).  Nous  ne  parlons  ici  que 
des  boucles  de  ceintures  qui  paraissent  appartenir  à  des  vêtements 
civils,  nous  réservant  de  nous  occuper  des  boucles  de  ceinturons 
militaires  dans  la  partie  des  Armes.  Les  tombes  frankes  et  méro- 
vingiennes ont  fait  découvrir  une  quantité  prodigieuse  de  boucles 
de  ceintures  de  toutes  dimensions,  de  fer  damasquiné  d'argent,  de 
bronze,  d'argent,  unies  ou  avec  incrustations  de  morceaux  de  verre. 


.  ci':uH(iMai 


M.  Baudot,  M.  l'abbé  Cochet,  dans  leurs  publications,  en  ont  re- 
produit un  certain  nombre  ;  le  musée  du  château  de  Compiègne 
en  conserve  de  fort  belles  qui,  la  plupart,  ont  été  découvertes  par 
M.  de  Roussy  dans  les  environs  de  cette  résidence.  «  La  ceinture,  dit 
M.  Rigollot',  et  la  boucle  qui  en  dépend,  à  la  fois  objet  de  luxe  et 
d'utilité,  offrent  en  archéologie  quelque  chose  de  nouveau  et  de 
spécial  aux  races  teutoni(iues.  Rien  de  ce  qui  les  concerne  n'est 
imité  des  arts  romains,  comme  on  a  pu  le  faire  pour  quelques 
broches  ou  fibules,  dont  l'usage  était  alors  commun    aux    diverses 


1  Mémoires  de  la  Société  des  antiq.  de  Picardie,  t.  X. 


[   BOUCLE   ]  —   fii    — 

nalions  civilisées  ou  bar])ares.  Tout  dans  les  boucles  de  ceinturon, 
la  matière  et  la  forme,  le  style  et  la  nature  des  ornements,  nous 
reporte  vers  un  monde  différent  de  celui  de  l'antiquité  classique...  » 
Ces  remarques  sont  justifiées  par  les  exemples  si  nombreux  de 
boucles  qui  datent  de  l'invasion  des  races  germaniques  sur  le  sol 


des  Gaules.  M.  l'abbé  Cocliet  n"a  pas  trouvé  moins  de  cent  cinquante 
boucles  dans  les  tombes  fouillées  par  lui  à  Envermeu^  Ces  boucles, 
de  fer,  de  bronze  ou  d'alliage,  sont,  ou  munies  d'une  patte  rivée 
au  ceinturon,  ou  composées  simplement  d'un  anneau  ovale  ou  carré 
garni  d'un  ardillon  (voy.  fig.  1).  Ces  formes  ne  rappellent  en  rien 


1  Voyez  kl  Noi  ma/idie  souterraine. 


63 


[    lîOUCI.E 


celles  des  objets  de  ce  genre  apparlenanl  à  l'antiquité  romaine.  On 
peut  d'autant  mieux  attribuer  une  origine  orientale  à  la  forme  de 
ces  boucles,  que  nous  voyons  dans  le  trésor  des  reliques  de  l'église 
de  la  Major  une  boucle  d'ivoire,  conservée  comme  ayant  appartenu 
à  l'évêque  saint  Césaire  d'Arles  ',  qui  rappelle,  par  sa  forme,  les 
boucles  mérovingiennes,  et  qui  est  évidemment  un  ouvrage  byzantin, 
(fig.  '2)-.  On  observera,  en  effet,  que  le  petit  bas-relief  sculpté  sur 
la  plaque  de  la  boucle  représente  les  soldats  gardant  le  tombeau 
du  Clirist.  Or,  ce  bas-relief  reproduit  exactement  la  forme  des  tom- 
beaux si  nombreux  dans  la  Syrie  centrale,  entre  Antioche  et  Alep. 
11  n'existait  pas,  dans  les  Gaules,  de  mausolées  ainsi  disposés.  Au 


-B 


moyen  d'une  broche  passant  de  A  en  B,  la  boucle  est  rendue  mobile 
et  pivote  de  manière  à  prendre  la  courbure  de  la  taille.  L'ardillon, 
qui  n'existe  plus,  tournait  également  sur  cette  broche  de  métal  ;  la 
ceinture  était  maintenue  sous  la  plaque  d'ivoire,  par  des  rivets.  Les 
statues  des  xi",  xn'  et  ww^  siècles  donnent  de  jolis  exemples  de 
ceintures,  les(iuelles,  pour  les  vêtements  civils,  sont  étroites  et  sou- 
vent ornées  de  pierreries  ou  plaiiues  d'orfèvrerie  (voy.  Ceinture). 
Voici  trois  exemples  de  ces  boucles  (lig.  3).  CeUe  qui  est  repré- 
sentée en  A  date  du  xni^  siècle^;  elle  est  de  bronze  doré,  ornée  de 
deux  grenats.  Celles  que  nous  donnons  en  B  appartiennent  au 
XIV'  siècle'*,  sont  de  bronze  et  d'un  travail  Irès-délicat. 
Dans   la   forme  de  ces  boucles,  on   retrouve  encore  la  Iradilion 


'  Saint  (îésaire,  évî'que  d'Arles  eu  "iOl.  pri'siila  li:  concilf  il'Oran;,'^  on  529. 
^  M.  Revoil  a   lnni  voulu  (lcs:^iucl•  ccllo   boucle  pour  iioui»  ;    la   frravure  est  grandeur 
de  rexi'-cutiou. 

^  Trouvée  dans  une  lomlie  à  Sciuiii'  (^()Ullc)  (grandeur  d'exéculion'. 
''  Musée  des  fouilles  du  iliàteau  Ar  l'irrrel'ouds  (grandeur  d'ex  •ciilion). 


[   DOUCLES    d'oreilles   ] 


—  64 


mérovingienne.  La  boucle  (fig.  4)  est  munie  d'une  palte  rivée  à 
la  ceinture  (voy.  le  profil  A);  elle  est  de  bronze  doré,  ornée  sur  la 
plaque  de  deux  feuilles  largement  gravées  au  burin  ',  et  paraît 
appartenir  au  commencement  du  w"  siècle. 


ffSAfi  cirui 


Comme  nous  l'avons  dit,  les  ceintures  des  habits  civils  étant 
étroites  pendant  les  derniers  siècles  du  moyen  âge,  il  n'était  pas 
possible  de  donner  aux  boucles  une  grande  importance.  Les  petites 
boucles  étaient  appelées  bouclettes  :  «  Pour  faire  et  forger  6  paires  de 
«  bouclèles  à  sollers,  pesans  6  onces  d'argent  -  »  et  les  ardillons, 
coispiaus  : 

ic  Et  la  boucle  est  et  li  eoispiaus 
«  De  propres  meurouges  polies^.  » 

Si  l'on  avait  des  bouclettes  pour  les  souliers  (voy.  Chaussure),  on 
en  avait  aussi  pour  maintenir  les  caleçons  :  «  Pour  faire  et  forger 
«  deux  paires  de  boucles  d'argent  à  braier  '\..  »  (Voy.  Braies.) 

BOUCLES  D'OREILLES,  s.  f.  Si  l'on  trouve  une  grande  quantité 
de  boucles  d'oreilles  dans  les  tombes  gauloises  aussi  bien  que  dans 
les  tombes  des  tribus  germaines  qui  envahirent  les  Gaules  au 
v"  siècle,  à  dater  du  x''  siècle  ce  bijou  devient  rare.  Les  statues  de 
femmes  elles-mêmes  ne  laissent  voir  que  par  exception  des  pendants 


1  Musée  (les  fouilles  du  château  de  Pierrel'ouds  (grandeur  d'exécution). 
'  Compte  d'Etienne  de  la  Fontaine,  13o2. 

^  Le  conte  de  dame  Guile  {Jongleurs  et  Trouvères  des  xiii<=  et  xiV  siècles,  publ.  par 
M.  A.  Juhiual.  Paris,  1835). 

*  Compte  d'Etienne  de  In  Fontaine,  13o2. 


—    65   —  [    BOURRELET   ] 

d'oreilles.  Les  Gaulois,  les  Germains,  hommes,  femmes  et  enfants, 
portaient  des  boucles  d'oreilles  en  forme  de  grands  anneaux  avec  un 
renflement  souvent  très-richement  orné  ;  mais,  pendant  l'époque 
carlovingienne,  les  boucles  d'oreilles,  réservées  aux  femmes,  ne  sont 
figurées  que  comme  des  pendants  très-courts  terminés  par  une  perle  ; 
plus  lard,  ce  bijou  n'apparait  plus  dans  les  monuments.  Cependant, 
Jean  de  Meung,  racontant  comment  Pygmalion  se  plaît  à  parer  la 
statue  dont  il  s'éprend  ',  dit  : 

«  Et  met  a  ses  tiens  oroilletes 

«  Deus  verges  d'or  pendans  greleles.  » 

Quelle  était  la  forme  de  ces  pendants?  Nous  l'ignorons.  Très- 
rarement,  les  conteurs,  si  prolixes  dans  les  descriptions  de  parures, 
parlent -ils  de  boucles  d'oreilles.  Il  faut  reconnaître,  d'ailleurs, 
que,  pendant  tout  le  cours  du  xn"  siècle,  les  femmes  portaient 
les  cheveux  longs,  descendant  des  deux  côtés  de  la  tête  en  nattes 
ou  en  mèches  entourées  de  galons,  qui  ne  laissaient  pas  voir  les 
oreilles  ;  que,  pendant  la  première  moitié  du  xiii"  siècle,  les  femmes 
se  couvraient  généralement  la  tête  de  voiles  ou  de  chaperons  qui 
cachaient  les  oreilles  ;  que,  pendant  la  seconde  moitié  de  ce  siècle, 
les  guimpes  montaient  très-haut  et  venaient  se  réunir  au  chaperon  ; 
que  lorsqu'au  xive  siècle  les  femmes  se  mirent  à  porter  des  cheveux 
longs,  les  boucles  ou  les  nattes  cachaient  également  les  oreilles.  Ce 
n'est  guère  qu'à  la  fin  de  ce  siècle  que  les  cheveux  sont  relevés  sous 
la  coiffure  et  que  les  oreilles  restent  visibles;  mais  alors  les  seules 
boucles  d'oreilles  indi(iuées  sont  des  perles  attachées  très-près  du 
lobe  inférieur.  Au  xv=  siècle,  les  coiffures  redescendent  de  manière 
à  cacher  les  côtés  du  cou  ou  sont  accompagnées  de  voiles  (voy.  Coif- 
flue);  de  sorte  que  pendant  toute  cette  longue  suite  de  modes,  il  n'y 
avait  pas  de  raisons  de  porter  un  bijou,  qui  eût  été  caché. 

BOURRELET,  s.  m.  Coiffure  de  femme  de  la  lin  du  xV*  siècle,  rem- 
plaçant le  hennin  ou  haut  bonnet.  Le  bourrelet  aiïectait  des  formes 
diverses,  et  figurait  un  cœur  renversé,  une  conque,  un  coussin, 
deux  lobes,  et  était  fait  d'élotfes  très-riches,  surornées  de  perles  et 
de  pierres  précieuses  (voy.  Cou'Fure)  : 

"  Dîiiiu's  il  r(,'l)rassez  ciillel/,. 

'(  De  (iiu'lci)iii[iie  comliciDii, 

«  Porlaul  atloiU'S  el  hourrelels. 

•»  Mort  saisit  sans  cxecptiou-.   » 

V  Le  RoiiKin  de  Ui  rose,  vers  212:i2. 
*  Viilou,  (irand  TesUnncnl,  x.wix. 

m.   —  9 


[   BOUTON    ] 

BOURSE, 
d'argent  : 


-  66  - 
f.  [bourcète).  Petit  sac  destiné  à  contenir  des  pièces 


»  Il  l'.i'ist  uuc  bourccte  qui  tu  rouge  de  soie, 
«   .V.  florins  niist  dedens ' .  » 

«  Ledit  Etienne,  pour  sa  painne  et  façon  de  deux  boursètes  à  re- 
«  liques,  faites  à  yraages  de  broudeures  et  k  chapiteaux  de  grosses 
<(  perles  et  menues,  pour  ledit  seigneur  et  de  son  commandement, 
«  pour  or  de  Ghippre,  paine  et  façon,  6  1.  p.-.  » 

On  faisait  donc  aussi  des  bourses  pour  mettre  des  reliques.  Ces 
bourses  étaient  en  forme  de  sac  avec  coulants,  ou  en  forme  de  petite 
gibecière  (fig.  1)  ^  On  les  attachait  à  la  ceinture,  ou  on  les  mettait 

f 


dans  la  poche.  Ces  bourses  ne  s'attachaient  point  à  la  ceinture  comme 
les  aumônières,  mais  étaient  passées  dessous,  de  manière  que  la 
partie  supérieure  se  rabattît,  ainsi  qu'on  le  voit  figuré  en  A.  Les 
deux  petits  cordons  latéraux  permettaient  de  fixer  plus  sûrement 
encore  la  bourse  à  la  ceinture.  Toutefois,  ces  cordons  attachés  et  la 
tête  de  la  bourse  serrée  sous  la  courroie  n'empêchaient  pas  la  main 
de  soulever  l'ouverture  du  petit  sac  pour  prendre  des  pièces  de 
monnaie.  Cette  manière  de  suspendre  la  boursette  explique  l'in- 
dustrie des  coupeurs  de  bourses,  qui,  à  l'aide  de  ciseaux,  coupaient 
le  col  du  sac;  les  cordons  latéraux  attachés  à  la  ceinture,  surtout 
s'ils  étaient  de  cuir,  rendaient  l'opération  plus  dinicile. 

BOUTON,  s.  m.  (bcsan,  boutoncel,  boutonchiax ;  boutonneure, 
garniture  de  boutons).  «  Pour  2  onces  et  demie  d'or  pour  faire  une 
«  boucle  à  l'entredeux  du  hraier,  et  pour  les  besans  de  l'entredeux, 


I   Ihct.  de  Guillaume  d' Angleterre  [Chron.  nnglo-normn/ides,  t.  HI,  p.  1S8;. 

-  Cumpte  d'Eticfuie  de  In  Fontaine.  Vi'lyl. 

*  Lea  Itdis  de  France,  uis.  xiii"  s.,  anc.  fond;;  httiii.  12K>.  Hihliolh.  iuip(''r. 


—    67    —  [    BOUTON    ] 

«  63  s.  6  d.  ».  c'est-à-dire  pour  faire  une  boucle  serrant  la  fente  du 
caleçon  et  les  boulons  fermant  cette  ouverture  \  «  Pour  une  bouton- 
"  neure  d'or  de  25  boulons,  chascun  bouton  de  4  perles  et  4  dia- 
«  mant  au  milieu,  achetés  de  Symon  de  Dampmart,  et  livrés  audit 
«.  Josseran,  chascun  bouton  au  pris  de  8  escuz  d*or,  pour  ce,  200  es- 
«  cuz,  pièce  à  17  s.  p.,  valeur  170  1.  p.  »  De  ces  boulons  joyaux,  il 
ne  reste  que  des  représentalions  sur  des  statues  ou  dans  des  pein- 
tures. Les  boutons  d'armures  étaient  appelés  bocètes. 


m 


D 


.oea&oo  £ifiU- 


Nous    donnons  ici  plusieurs  exemples  de  boutons  attachés  à  des 
vêtements  religieux  ou  civils  fliii.  IV  Les  trois  exemples  A  sont  de 


'  Journal  (le  la  (lépe7ise  du  roi  en  Angleterre,  nuligé  eu  i.'3'49. 


[    RRACELET  ]  —    08    — 

pâle  de  verre,  les  bielles  de  lil  de  fer  étant  prises  dans  cette  pâle 
pendant  qu'elle  était  chaude.  Le  bouton  B  est  de  cuivre  fondu  avec 
sa  bielle  '  ;  les  deux  boutons  G  sont  d'alliage  et  disposés  comme  nos 
boutons  de  chemise-.  L'exemple  D  est  copié  sur  des  vêtements  de 
statues  des  xiii"  et  xiv^  siècles.  Ces  sortes  de  boutons  étaient  formés 
d'un  novau  entouré  de  fils  croisés.  On  les  trouve  attachés  aux 
manches  serrées,  aux  cols  des  chemisettes.  L'exemple  E  est  d'os  ou 
d'ivoire  ^  Les  vêtements  de  statues  du  xv^  siècle  présentent  parfois 
des  boutons  enrichis  de  perles  ou  de  pierres  ;  ces  sortes  de  boutons, 
attachés  aux  fentes  des  robes  des  femmes,  aux  manches  larges, 
étaient  doubles  comme  ceux  tracés  en  G  (voy.  Robe). 

BRACELET,  s.  m.  Si  nos  aïeux  les  Gaulois  portaient  des  brace- 
lets, si  même  encore  les  Mérovingiens  paraient  leurs  bras  de  ces 
sortes  de  joyaux,  il  ne  paraît  pas  que  le  moyen  âge  ait  conservé  cette 
habitude  même  pour  les  femmes.  Le  bracelet  était  remplacé  par  des 
galons  qui  entouraient  le  bas  de  la  manche  serrée  de  la  robe  de 
dessous  des  hommes  et  des  femmes.  Celles-ci  ne  laissaient  point 
voir  leurs  bras  nus  pendant  le  cours  des  xi%  xn%  xiii",  xiV  et 
XV'  siècles.  Or,  le  bracelet  ne  peut  guère  se  porter  que  sur  la  peau. 
Pendant  le  xii'  siècle,  on  voit  souvent  les  hauts  des  manches  ornés 
d'une  large  bande  de  broderies  avec  pierres,  mais  ces  bandes  étaient 
cousues  au  vêtement  et  ne  constituaient  pas  un  bijou  séparé  ;  elles 
étaient  souples  comme  l'étolTe  qu'elles  couvraient.  Pendant  le  cours 
du  xv  siècle,  les  gentilshommes  entraient  souvent  dans  la  lice  du 
tournoi,  ayant  un  bracelet  attaché  au-dessus  du  coude  avec  une 
devise  ou  un  attribut,  ou  bien  encore  celui  qui  était  vaincu  devait 
porter  un  bracelet  pendant  un  an,  fermé  à  clef,  à  moins  qu'une 
dame  tenant  cette  clef  ne  le  déferrât.  «  Et  pour  ce  que  les  chapitres 
faisoient  mention  que  quiconque  seroit  porté  par  terre  de  tout  le 
corps,  seroit  tenu  de  porter  por  un  an  entier  un  bracelet  d'or,  où 
devoit  pendre  un  loquet  (cadenas)  fermant  à  clef,  et  ne  le  pourroit 
ôter  ni  faire  ôter  ledit  temps  durant,  si  en  cedit  temps  durant  il  ne 
trouvoit  la  dame  ou  damoiselle  qui  auroit  la  clef  dudit  locquet,  à 
laquelle  il  se  devra  faire  défermer,  si  la  dame  le  veut  défermer, 
et  à  icelle  donner  ledit  bracelet  et  présenter  son  service.  Pour 
laquelle  aventure  ainsi  advenue  à  celui  chevalier  de  Boniface, 
lui  fut  présenté  le  bracelet  d'or  de  par  le  chevaliei'  Dupas,  en  lui 

'  Exemples  paraissant  appartenir  aux  xiii»  cl  xiv''  siècles. 
^  xiv"  sièele.  Musée  des  fouilles  du  châleau  de  Pierrefi)uds. 
■^  Fouilles  de  Xo're-Danie  de  Paris. 


—   69    —  [   BRAIES   1 

i<  disant  :  «  Vous  le  porterez  ainsi  qu'il  vous  plaira,  soit  couvert  ou 
<•  découvert  (habillé  ou  non)  »,  lequel  chevalier  de  Boniface  le  reçut 
"  moult  agréablement,  et  le  portoit  comme  raison  étoit  ;  mais  qui 
«  fut  la  dame  ou  damoiselle  qui  le  déferma,  n'est  pas  venu  à  ma 
«  connoissance  '.  » 

BRACIÈRES,  s.  f.  Sorte  de  camisole  que  les  hommes,  pendant 
le  xvi^  siècle,  portaient  la  nuit  :  «  Deux  douzaines  de  brassières, 
«  à  porter  la  nuyct,  ouvrée  de  soie  noire  2-  »  Nous  ne  savons  si 
ce  vêtement  dernier  était  usité  au  xv''  siècle  ou  avant.  Pendant  le 
xiv°  siècle,  le  mot  de  bracières  s'applique  aux  manches  serrées,  de 
peau  ou  de  velours,  qu'on  portait  sous  la  maille  avant  l'adoption 
des  brassards  (voy.  la  partie  des  Armes). 

BRAIES,  s.  f.  (braieul,  braiol,  braiel,  braijer,  braoillier  ;  d'où 
le  mot  bragarts,  donné  au  xv''  siècle  aux  porteurs  de  certains  hauls- 
de-chausses,  et  notre  mot  débraillé).  Les  braies  sont  le  caleçon  plus 
ou  moins  long,  plus  ou  moins  serré.  Pendant  la  période  romaine 
de  l'empire,  la  partie  des  Gaules  qui  était  comprise  entre  le  Rhône, 
la  Garonne  et  les  Pyrénées,  était  désignée  sous  le  nom  de  Gallia 
braccata;  parce  que  ceux  qui  habitaient  ces  contrées  portaient  des 
braies,  sortes  de  pantalons  larges,  serrés  aux  jambes  au  moyen  de 
lanières.  Ce  vêtement  se  conserva  pendant  tout  le  temps  de  la  domi- 
nation romaine,  puisqu'on  trouve  quantités  de  tombeaux  gallo- 
l'omains  sur  lesquels  des  personnages  sont  représentés  les  jambes 
revêtues  de  braies.  Les  peuples  de  la  Germanie  portaient,  la  plupart, 
des  braies,  ainsi  qu'on  peut  le  constater  en  examinant  les  bas-reliefs 
de  la  colonne  Trajane.  Sous  le  règne  de  Charlemagne,  les  A(|uitains 
portaient  des  braies.  Lorsque  Louis,  son  fils,  alla  le  trouver  à  Pader- 
born,  il  parut  devant  lui  habillé  à  la  manière  d'Aipiitaine,  «  avec 
une  espèce  de  pourpoint  parfaitement  rond,  sur  une  chemise  dont 
les  manches  étaient  fort  larges;  de  grandes  braies,  de  petites  bot- 
tines où  il  y  avait  des  éperons^  ».  La  mosaïque  de  Sainte-Agnès  intra 
muros,  à  Rome,  représentait  l'empereur  Charlemagne  vêtu  d'une 
courte  tunique  et  de  braies  collantes  avec  de  hautes  bottines'*.  A 
cette  époque,  c'est-à-dire  au  vni"  siècle,  il  paraîtrait  que  les  peuples 
de  l'Asie  Mineure  portaient  des  braies  ajustées  aux  jambes  et  ornées 

'  Chron.  de  J.  île  Lnlain,  cliap.  lxvii. 

2  Comptes  (le  l.'iljfi. 

•^  Dom  Vaisselle,  Uist.  dn  I.'ni'juedoc,  l.  Il,  p.  4. 

*  Voyez  Ciampiri,  t.  II. 


[  i?n.\iEs  ] 


—  70 


de  riches  broderies,  puisque  nos  manuscrits  occidentaux  représen- 
tent parfois  des  personnages  de  ces  contrées  ainsi  velus.  D'ailleurs, 
ces  braies  étaient  portées  dès  le  temps  des  Sassanides,  et  plus  ancien- 
nement encore,  sous  la  monarchie  assyrienne.  Voici  (fig.  1)  la  copie 


de  deux  des  rois  mages,  représentés  dans  une  Bible  du  x"  siècle,  de 
la  Bibliothèque  impériale  *,  auxquels  l'artiste  a  eu  évidemment  l'in- 
tention de  donner  le  costume  oriental  de  son  temps.  Les  pans  de  la 
tunique,  relevés  sous  la  ceinture,  laissent  voir  les  braies  collantes 
couvertes  de  bandes  de  broderies.  Ces  braies,  justes  aux  jambes, 
n'étaient  guère  usitées  à  cette  époque  en  Occident. 

Pendant  les  x''  et  xi^  siècles,  on  portait  de  préférence  des  braies 
larges  et  courtes  avec  des  chausses,  ou  longues  sans  chausses.  Ces 
sortes  de  braies  courtes  sont  parfaitement  indiquées  dans  la  tapis- 


'   Maiiusi'c.  fouds  hitiu  Suiut-Geniiaiii.  u"  't'.i'i,  Bihlioth.  iiiipér, 


—  7 


[    BRAIES    ] 

série  de  Baveux  (dite  de  la  reine  Malliilde)  (fig.  2),  en  même  temps 
que  la  tunique  courte.  Il  paraîtrait  que  les  braies  larges  et  courtes 
étaient  portées  pour  monter  ;i  cheval,  tandis  que  la  tunique  était 
réservée  pour  la  vie  habituelle.  Tous  les  personnages  vêtus  de  ces 


*» 

•^ 


braies  sont  en  campagne  ou  à  cheval.  Dans  la  même  tapisserie,  on 
voit  des  hommes  qui,  pour  tirer  les  barques  sur  le  rivage,  ont  ôté 
leurs  chausses  et  ont  relevé  les  extrémités  des  braies  sous  la  cein- 
ture ou  braiel,  laquelle  était  d'étoiïc  pareille  et  enroulée  autour  de 
la  taille  (fig.  3).  Lorsque  les  jambes  étaient  réunies,  ces  braies  for- 
maient une  sorte  de  jupon.  Le  tracé  A  donne  le  patron  de  ce  vêle- 
ment muni  d'une  coulisse  à  sa  pnrtie  supérieure,  pour  pouvoir  le 
serrer  à  la  taille.  Quelques  populations  du  littoral  de  la  Planche  ont 
encore  conservé  ces  braies  larges,  faites  de  grosse  toile,  et  il  est  à 
croire  qu'elles  étaient  spécialement  adoptées  par  les  Normands,  car 
on  ne  les  voit  point  figurées  sur  d'autres  monuments  que  ceux 
appartenant  à  celle  province. 


[    BRAIES   ]  —   73   — 

Des  représentations  de  personnages   vêtus  de  ces  braies  feraient 


supposer 


quelles  étaient  fendues  latéralement  et  agrafées  ou  bou- 
f^-^^-^-s,^,^^^  tonnées  le  long  de  la  cuisse  exté- 
1^  f  rieurement.  Voici,  en  effet,  une  copie 
(fîg.  3  bis)  de  l'un  de  ces  Normands 
qui  tirent  les  barques  sur  le  rivage, 
au  moment  du  débarquement  de 
Guillaume  le  Bâtard.  Il  semble  que 
les  braies  sont  déboulonnées  latéra- 
lement, de  manière  à  permettre  de 
les  retrousser  avec  plus  de  facilité. 

A  la  fin  du  W"  siècle,  on  portait 
des  bauts-de-cbausses  (  voy.  fig.  9  ) 
souvent  garnis  de  boutons  le  long 
des  cuisses,  et  qui  pouvaient  s'ou- 
vrir latéralement.  Par  tradition,  les 
iiauts-de-chausses  du  commencement 
du  xvn"  siècle  avaient  encore  con- 
servé ces  garnitures  de  boutons  qui 
n'étaient  plus  alors  qu'un  ornement. 
Dans  le  centre  de  la  France,  au  con- 
ti-aire,  au  xi"  siècle,  on  voit  adopter 
les  braies  longues.  Nous  en  trouvons 
un  curieux  exemple  dans  la  représen- 
tation des  travaux  de  l'année,  sculptés 
sur  le  tympan  du  portail  de  Saint- 
mois  de  mai  et  d'août  montrent  un  faucheur  et 


Ursin  à  Bourges.  Les 


—    "'"5    —  [   DltAlES   ] 

un  batteur  en   grange    vêtus    de  tuni(iue>  coui-les  el    de  caleçons 


l=.CUILLHUWT. 


larges,  descendant  jusqu'aux  dievilles  (lig.  4).  Au  commencement  du 


m.  —  lu 


f    BRAIES 


-  74   - 


xii<=  siècle,  ainsi  que  nous  Tavons  dit  aiileui-s',  les  rapports  de  plus 
en  plus  fréquents  avec  l'Oi'ient  modifièrent  d'une  manière  sensible 
les  modes  dans  tout  l'Occident  ;  les  braies  gauloises,  encore  conser- 
vées jusqu'alors  dans  certaines 
^  provinces  du  Centre  et  du  Midi, 

disparurent  complètement,  et 
l'on  porta  des  caleçons  justes 
aux  jambes  avec  la  tunique 
courte  ou  la  robe  longue,  sui- 
vant la  qualité  des  personnes  ; 
la  robe  longue  étant  réservée 
aux  personnages  de  quelque 
importance  ,  et  la  tunique 
courte  au  peuple.  Les  femmes 
portaient  aussi  parfois  des 
braies,  bien  qu'elles  eussent, 
dans  toutes  les  classes ,  des 
robes  longues.  Un  très -beau 
fragment  de  chapiteau  de 
marbre  blanc,  du  xn"  siècle, 
déposé  dans  le  musée  d'Avi- 
gnon, représente  Job,  sa  femme 
et  ses  amis.  L'un  d'eux,  Éliut, 
est  revêtu  de  braies  collantes 
sur  les  jambes,  assez  amples 
sur  les  cuisses,  qui  paraissent 
sous  une  robe  ouverte  sur  le 
(levant  (lig.  5)  -.  Sur  les  lin- 
teaux de  la  porte  principale 
de  l'église  abbatiale  de  Vézelay 
sont  sculptées  des  personnes 
de  tonte  condition,  guerriers, 
laboureurs,  femmes,  enfants,  religieux.  Quelques-uns  de  ces  per- 
sonnages masculins  ont  des  tuniques  courtes  avec  braies  collantes 
((ig.  6)  ^  On  ne  peut  supposer  ici  que  le  sculpteur  ait  voulu  figurer  des 


'   Voyez  r>i,iAi:T. 

2  Cl'  cliKijileaii  d;ilc  dr    1 1  .II)  ciiviniii . 

■'  Ces  sciilplui'cs  (liilciil  (le  1100  euvii'ou.  Dans  le  manuscrit  rie  Herrade  de  Landsherg, 
de  la  liiblioUiùijue  de.  Strasbourg,  qui  date  du  xii»  siècle,  on  voit  des  lionimes  velus  de 
tuniques  courtes  avec  des  braies  collantes  :  ce  sont  des  personnages  qui  u'appartieunent 
]ias  à  la  classe  nolile  (voy.   la  viLiiietle  de  rAiloralimi  du  vi'au  d'or). 


—    'O    —  [   BRAIES   ] 

jambes  nues,  puisqu'on  voit  des  traces  de  peintures  sur  ces  caleçons 
justes.  Ces  traces  de  peintures  n'apparaissant  guère  que  quand  on 
mouille  la  pierre,  nous  les  avons  ravivées  sur  notre  figure.  D'ailleurs 
nous  ne  voyons  pas,  dans  les  manuscrits  de  celte  époque,  que  les 
hommes  aient  jamais  les  jambes  nues  sous  la  tunique  ;  elles  sont  tou- 
jours colorées  en  blanc,  en  vert,  en  rouge,  en  jaune  ou  en  bleu,  quel- 
quefois avec  des  pois,  ce  qui  indique  une  étoffe,  les  nus  ayant,  sans 
exception,  la  couleur  naturelle  de  la  peau.  Nous  engageons  nos  lec- 
teurs à  voir,  à  ce  sujet,  les  peintures  de  l'église  de  Saint-Savin,  qui 
datent  de  la  fin  du  xi"  siècle  •.  A  dater  du  xn*  siècle,  les  braies  des 
hommes  nobles  ne  cessent  d'être  collantes  jusqu'au  xvi"  siècle  ; 
mais,  pendant  le  xui"  siècle,  elles  sont  encore  assez  larges  aux 
hanches  chez  les  gens  du  peuple,  ainsi  que  le  fait  voir  la  figure  7  -. 
L'homme  représenté  ici  est  un  des  pauvres  auxquels  saint  Médard 
fait  distribuer  des  aliments  ;  il  n'est  vêtu  que  de  ses  braies  et  d'une 
gonelle.  Ses  souliers  sont  pendus  à  un  cordon,  derrière  son  dos. 
L'enfant  qu'il  porte  sur  ses  épaules  est  vêtu  comme  lui,  et  ses  braies 
sont  à  brides  sous  la  plante  des  pieds,  laissant  les  doigts  et  le  talon 
libres,  tandis  que  les  braies  du  père  sont  à  pieds.  En  A,  est  tracé  le 
pied  d'un  autre  personnage  de  la  même  tapisserie,  dont  les  braies 
sont  terminées  par  des  brides.  On  voit  que  le  caleçon  de  l'homme, 
serré  à  la  taille  par  une  ceinture,  est  assez  ample  à  la  hauteur  des 
hanches,  et  qu'il  ne  devient  collant  que  du  genou  à  la  cheville.  Ces 
sortes  de  braies  étaient  ouvertes  par  devant. 

Voici,  d'ailleurs,  la  description  qu'un  trouvère  du  xui"  siècle  fait 
de  l'habillement  du  vilain  : 

'<  Chape  avoit  et  iiiaulel 
«  Et  cote  sus  gouael, 
•i  Et  braies  et  chemise, 
n  Et  moufles  por  la  bise, 
Il  Et  en  son  cliief  i-hapel, 
<i  De  mesmes  le  l)urel  '•>.  » 

Les  gentilshommes  porlaient  des  braies  comme  les  vilains  :  c'était 
une  partie  du  vêlement  de  toutes  les  classes  :  «  Lanceloz  enlendi  la 
«  voiz  en  son  (lil)  dormant,  cl  sailli  sus  en  braies  et  en  chemise,  et 


'    IHibliécs  |iai-  le  Miuislèic  de  riiislnidioii  pulili(ju('.  N'olice  de  M.  Mr'iiiiit'e. 

-  Des  tapisseries  rie  Saiut-Médard  de  Paris,  copies  de  la  collectiou  de  Gaiguères,  bibl. 
Bodléienne  d'Oxford. 

'■'  Le  IHct.  de  l'eschacier  (homme  a  la  j;iiiihr  de  bois)  [Jonglews  et  Trouvères  des 
Xli"  et  xjvf  siècles,  \\\x\A.  par  A.  Jubiual). 


[   BRAIES    j 


r6  - 


«  met  à  son  col  le  inaiilel  et  se  lance  hors  de  Fuis  '.  »  On  mettait 
donc  imraédialeraent  les  braies  sur  la  chemise  ;  voici,  dailleuts  un 


j^iï<:j/?û  éXJ'f^  J 


autre  passage   qui   le  prouve   surabondamment  :   «  Celé  se  couche 

»  Li  contes  de  la  charrette,  extrait  du  Roman  de  Lancelot  du  Lac  (fin  du  xii?  sipcle). 


i  < 


[   H  RAIES   ] 


«  avant,  et  il  après;  mes  c'est  en  chemise  et  en  braies  '.  »  Il  fallait 
déboucler  la  ceinture  des  braies  pour  les  mettre  bas  et  aller  à  la  selle, 
puisqu'elles  n'étaient  ouvertes  que  sur  le  devant.  Voici  qui  le  dé- 
montre. Quand  saint  Louis  s'embarque  sur  un  bateau,  après  la 
bataille  de  la  Massoure,  pour  revenir  à  Damiette,  Joiuville  raconte 
ainsi  le  triste  voyage  du  roi  :  «  Quand  nous  fumes  eschapés  de  ce 
<(  péril  et  nous  en  allons  contreval  le  llum,  le  roy,  qui  avoit  la  ma- 
«  ladie  de  l'ost  et  menuison  moult  fort  -,  se  feust  bien  garanti  es 


7  A 


«  galies,  se  il  vousist;  mes  il  dit  que,  se  Dieu  plest,  il  ne  léroit  jà 
«  son  peuple.  Le  soir  se  pasma  par  plusieurs  foiz  ;  et,  pour  la  fort 
«  menuison  que  il  avoit,  li  convint  couper  le  fons  de  ses  braies  toutes 
'<  foiz  que  il  descendoit  pour  aler  à  chambre  ^  »  Ces  braies  ressem- 
blaient fort  à  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  pantalons  à  pieds, 
mais  les  jambes  justes.  Elles  étaient  faites  de  drap  souple,  de 
tricot  de  laine  ou  de  soie.  Le  braiel  désignait  parfois,  comme  nous 
l'avons  dit,  la  ceinture  d'étoffe  avec  laquelle  on  maintenait  le  haut 
des  braies  au-dessus  des  hanches  ;  cette  ceinture  ne  fut  plus  de 
mode,  h  dater  de  4180  environ,  que  pour  les  paysans.  Les  braies 


'   U  conti^f!  dp  1(1  rhrinntle. 

■i  La    nialailic   de  rarinre  (Hait   le  scDi'hiit  et  lailysijntcrie  ;  le   mol  menuimn  ne    peut 
s'appliquer  qu'ace  ileriiier  mal.   i.e  verbe  inemiier  \i'ut  dire  dimiiiiiei-,  amoindrir. 
3  A  la  garderobc. 


[    HUAI  lis   ] 


78 


tHaient  jiislcs  à  la  taille  et  maintenues  par  un  cordon  qui   passait 
dans  une  coulisse  ou  dans  des  œillets  ^ 


Pendant  le  xiii"  siècle,   les   paysans   portaient  encore  des  braies 

'    u   Lejor  que  il  viut  eu  cssil, 

>i   L"ot  a  sou  braijel  oublié 

('  A  .j.  lac  de  soieuoué. 

u  Quant  la  dame  a  l'auel  véu, 

«  >ic  l'a  mie  desconuéu, 

«  Et  dist  :  Biau  sire,  jou  ne  \  oel 

(i  Avoir  rien  que  voient  mi  ocl, 

»  Fors  cel  anel  que  vos  portés.  » 
C'était  hieu   a  la    ceinture   d'élofie,  au    hraicl,    ([n'était   attaché   cet  auuean,  et  uon   au 
cale(;on.  {Dict.  «lu  roi  Guillaume  ciAiïgleterre,  dans  Citron,   aj^glo-nonuandes.  publ. 
par  M.  Fr.  Michel,  t.  III.  p.  i:J7.) 


—    79    —  [   BRAIES   ] 

d'une  coupe  évidemmmenl  très-ancienne  et  qui  mérite  d'être  signalée. 
Nous  voyons  ces  braies  parfaitement  indiquées  dans  les  bas-reliefs 
du  portail  occidental  de  la  cathédrale  d'Amiens,  qui  représentent  les 
travaux  de  l'année.  Voici  (fig.  7  A)  un  moissonneur  nu  jusqu'à  la 
ceinture  et  vêtu  de  braies  serrées  autour  de  la  taille  par  un  bour- 
relet d'étolTe.  Ces  braies  sont  fendues  du  jarret  à  la  cheville  et  atta- 
chées sur  les  souliers,  en  a,  par  des  cordons.  Ce  caleçon,  très-large, 
pouvait  être  ainsi  relevé  et  laisser  le  bas  des  jambes  nu.  Dans  la 
collection  des  mômes  bas-reliefs  on  voit,  en  etïet,  deux  personnages 
qui  ont  relevé  le  bas  des  braies  en  enroulant  la  partie  interne 
autour  du  genou  et  rattachant  l'extrémité  de  la  partie  externe  à  un 
anneau  pendant  au  bout  d'une  courroie  tombant  de  la  ceinture 
(tig.  7  B).  L'exemple  D  indique  un  pauvre  recevant  la  charité,  et 
l'exemple  C  un  paysan  ' . 

7^"       , 


La  figure  7  C  représente  les  braies  du  moissonneur,  tigure  7  A, 
vues  de  face;  on  aperçoit  les  deux  courroies  avec  anneau,  destinées 
à  recevoir  les  cordons  de  l'extrémité  externe  du  caleçon. 

Au  xiv  siècle,  les  braies  sont  collantes  non-seulement  aux  jambes, 
mais  aux  hanches  pour  les  classes  élevées,  et  il  paraîtrait  que  les 
braies  larges  du  corps  n'étaient  plus  portées  que  par  le  menu 
peuple. 

Les  gentilshommes  portaient,  vers  le  milieu  du  xv«  siècle,  des 
pourpoints  courts  et  des  braies  très-justes  qui  dessinaient  exacte- 
ment les  formes  du  corps  (voy.  Sl-kcot,  Pouui'Oint).  C'est  aussi  à 
cette  époque  que  les  braies  commencèrent  à  être  munies  de  bra- 
guettes, et  ne  furent  plus  fendues  par  devant,  mais  seulement  par 
derrière,  de  la  ceinture  aux  reins,  alin  de  pouvoir  les  mettre  faci- 
lement. Les  braguettes  étaient  attachées  par  deu\  boutons  ou  deux 

'  Voyoz  les  bas-reliefs  en  inéilailloiis  des  Verhis  et  Viees  et  ilii  zodiaque  de  l;i  callié- 
ili'iile  d'Aiiiiens,  poiiail  oeeideiitiil. 


[    IJItAlES    1  —    80    — 

aiguillellcs  à  la  hauteur  des  aines,  et  étaient  garnies  en  dedans  de 
manière  à  former  une  saillie  peu  prononcée  d'abord,  mais  qui 
devint  tout  à  fait  ridicule  au  commencement  du  xvi"  siècle.  Dans  les 
tapisseries  de  Nancy,  qu'on  prétend  avoir  appartenu  à  Charles  le 
Téméraire,  les  braies  sont  garnies  de  braguettes  (fig.  8). 


^ 


L 


Ce  fut  aussi  ix  la  fin  du  xv°  siècle  que  l'on  commença  de  substituer 
aux  braies  les  chausses  et  le  haut-de-chausses.  Les  chausses,  sous 
Charles  VIII,  étaient  un  pantalon  à  pieds,  collant,  largement  ouvert 


sur  le  devant,  et  auquel  s'attachait  le  pourpoint  au  moyen  d'aiguil- 
leltes  (lig.  9)  (voy.  en  A)  ;  par  dessus  ce  vêtement  on  passait  le  haut- 
de-chausses  (voy.  en  B).  Les  aiguillettes,  qui  tenaient  aux  chausses 
et  passaient  à  travers  des  œillets  ménagés  au  bord  inférieur  du 
pourpoint,  attachaient   le  haut-de-chausses.   Les  élégants   laissaient 


—   81    —  [   BRANLANTS   ] 

paraître  la  chemise  entre  réchancrure  du  liaut-de-chausses,  qui 
d'abord  ne  fut,  ainsi  que  l'indique  noire  figure,  qu'un  caleçon  très- 
court,  presque  collant,  et  garni  d'une  brayelle.  Plus  tard,  c'est-à- 
dire  sous  François  I^"",  ces  hauts-de-chausses  prennent  de  l'ampleur; 
à  la  fin  du  xm^  siècle,  ils  formaient  deux  bourrelets  très-prononcés, 
tailladés,  cannelés,  brodés,  doublés,  relevés,  rembourrés.  Puis  ils 
s'affaissent,  s'allongent  jusqu'au-dessus  du  genou;  leurs  ouvertures 
inférieures  ne  serrent  plus  les  cuisses  ;  ils  perdent  leur  ampleur  aux 
hanches  et  tombent  droit  :  ce  sont  alors  les  canons  du  milieu  du 
xvn^  siècle.  A  la  brayette  se  substitue  la  petite-oie  de  rubans.  Les 
canons  se  rétrécissent  à  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV,  et  la  culotte 
du  xvn"  siècle  les  remplace.  Voilà  sommairement  l'histoire  des 
braies  :  elles  finissent  par  n'être  plus  que  les  chausses  ou  les 
bas  ;  et  le  haut-de-chausses  devient  culotte,  puis  pantalon,  lequel 
pantalon    n'est    (jue   la  paire    de    braies    des    premiers    temps  du 


moyen  âge. 


Nous  devons  ajouter  que  les  chausses  furent  portées  simultané- 
ment avec  les  braies,  dès  une  époque  reculée.  Ainsi,  dans  la  tapis- 
serie de  Baveux,  les  hommes  en  habit  civil  portent  les  braies  et  les 
chausses,  qui  étaient  maintenues  sous  les  braies  avec  des  jarretières. 
Toutes  fois  que  les  braies  n'étaient  pas  à  pieds,  il  fallait  des  chausses, 
qui  étaient  glissées  sous  les  braies  ou  posées  par-dessus,  formant 
alors  un  bourrelet  contenant  la  jarretière  ;  les  femmes,  qui  ne  por- 
tèrent jamais  les  braies  à  pieds,  mais  des  caleçons  descendant  aux 
genoux,  avaient  des  chausses.  Alors,  les  braies  prirent  le  nom  de 
liaut-de-chausses,  et  les  chausses  le  nom  de  bas-de-chausses,  d'où  le 
nom  de  bas  est  resté  (voy.  Chausses). 

BRANLANTS,  s.  m.  Larges  paillettes  de  métal,  quelquefois  émail- 
lées,  qu'on  attachait  aux  vêtements,  et  qui,  vacillant  à  chaque  mou- 
vement du  corps,  miroitaient  aux  rayons  du  soleil  ou  à  l'éclat  des 
lumières.  Cet  ornement  ne  paraît  pas  avoir  été  de  mode  avant  le 
xv  siècle.  On  l'attachait  aux  housses  des  chevaux,  aux  cottes  d'armes, 
dans  les  tournois.  Ces  branlants  étaient  souvent  armoyés  aux  armes 
•lu  chevalier  qui  les  portait  :  «  Jay  un  aullre  parement  de  salin 
«  bleu,  lozangé  d'orfèvrerie  à  nos  leclres  (chiiïres)  branlans,  qui 
«  sera  bordé  de  Icstisses  (fourrure  grise),  —  et  si  en  ay  un  aullre 
'<  à  ma  colle  d'armes  toute  semblable  sur  lequel  je  viendray  sur  les 
'<  lices  pour  faire  nos  armes  à  pié,  qui  est  de  satin  cramoisy,  tout 
«  semé  de  branlans  d"or,  émaillé  de  rouge  cler,  à  une  grant  bande 
«  de  salin  blanc  toute  semée  de  branlans  d'argent,  à  ti'ois  lambeaux 

m.  —  11 


[    lîliODKlilE   ]  —    82    — 

«  de  salin  jaune  tout  semé  de  branlans  de  fin  d'or  luysant,  ((ui  seront 
«  mes  armes  ) .  » 

BREF,  s.  m.  —  Voy.  Bulle. 

BROCHE,  s.  r.  —  Voy.  Agkafe.  «  Fremaux,  aliques,  broches  '\  » 

BRODERIE,  s.  f.  Les  broderies  à  la  main  sur  étoffe  remontent 
à  la  plus  haute  antiquité.  L'art  de  la  broderie,  réservé  aux  femmes, 
était  pratiqué  chez  les  Oiientaux,  en  Egypte  et  en  Grèce.  Nous 
n'avons  à  parler  ici  que  de  la  broderie  appliquée  aux  vêtements. 

Les  étoffes  brodées,  rapportées  de  l'Orient  chez  les  Occidentaux, 
pendant  les  premiers  siècles  du  moyen  âge,  Irès-estimées  et  fort 
chères,  ne  furent  guère  employées  que  pour  les  habillements  des 
grands  seigneurs. 

A  Byzance,  les  broderies  d'or  et  de  menues  perles  sur  étoffes  de 
soie  apparaissent  dès  le  vi^  siècle,  et,  sous  Charlemagne  déjà,  ces 
sortes  de  broderies  étaient  importées  par  les  commerçants  levantins. 
Au  commencement  du  xn^  siècle,  peu  après  les  premières  croisades, 
les  habillements  des  hommes  et  des  femmes  en  France  étaient  sou- 
vent garnis  de  galons  ou  de  quartiers  d'étoffes  brodées  rapportées 
d'Orient.  Les  femmes,  qui,  dans  les  châteaux  féodaux,  n'avaient  que 
trop  de  loisirs,  se  mirent  bientôt  à  imiter  ces  ouvrages  d'outre-mer 
et  surpassèrent  leurs  modèles.,  non  pas  tant  par  la  richesse  des 
matières  employées  que  par  la  finesse  du  travail.  On  brochait  des 
voiles,  des  écharpes,  des  ceintures,  des  aumônières,  des  gants,  des 
souliers.  Les  queUiues  exemples  qui  nous  sont  conservés  de  broderies 
du  xiye  siècle  n'ont  point  été  surpassés.  Il  suffit,  pour  le  reconnaître, 
d'examiner  avec  attention  la  broderie  de  l'aumônière  dépendant  du 
trésor  de  la  cathédrale  de  Troyes,  et  qu'on  suppose  avoir  appar- 
tenu au  comte  Thibaut  IV  (voy.  Aumômère).  Rien  n'égale  la  finesse 
de  cette  broderie  de  soies  de  couleur  représentant  de  petits  person- 
nages. Ces  sortes  de  broderies  étaient  faites  sur  une  fine  toile  de 
lin,  puis  découpées  et  cousues  sur  un  fond  d'étoffe  de  brocart,  ou 
de  soie  forte,  comme  nos  anciennes  sandales.  Ce  procédé,  fort  usité 
dans  tout  l'Orient  et  notamment  en  Chine,  permettait  de  donner  aux 
sujets  brodés  du  relief,  de  la  saillie,  au  moyen  d'une  hausse  de  coton 
ou  de  lin,  interposée  entre  la  broderie  rapportée  et  l'étotîe  qui  lui 

'    Aul.   <1(,'  la  S;illc,  \V:,o. 
^    Hiimn/l  (lu  lliim. 


—    83    —  [   BRODEIME   ] 

servait  d'assiette.  La  couture  des  bords,  faite  de  soie  foncée  ou  de 
lils  d'or,  sertissait  les  sujets  et  donnait  aux  dessins  de  la  fermeté  et 
du  précieux.  Ce  procédé  fut  employé  très-tard  encore,  mais  seule- 
ment pour  les  ornements  sacerdotaux  ;  quant  aux  broderies  des 
vêtements  civils,  elles  furent  faites  directement  sur  l'étoffe  et  imitées, 
dès  le  xive  siècle,  par  les  brochages  au  métier.  Les  entre-deux,  si 
fréquemment  employés  pour  les  vêtements  féminins  au  xn°  siècle, 
n'étaient  autre  chose  que  des  broderies  sur  lin  avec  ajours  ;  et,  en 
etfet,  dans  les  tombeaux  de  celte  époque,  on  retrouve  des  parcelles 
non  équivoques  de  ces  sortes  d'ouvrages,  qui  ont  mieux  résisté  à 
la  destruction  que  les  étoffes  auxquelles  on  les  cousait  (voy.  Bliaut). 
Les  statues  de  ce  temps  nous  montrent,  d'ailleurs,  l'application  de 
ces  broderies,  dont  le  dessin  était  toujours  délicat.  Mais  ce  fut  au 
moment  où  l'on  employa  les  pièces  d'armoiries  dans  les  vêtements, 
c'est-à-dire  du  commencement  du  xiV  siècle  au  milieu  du  xv%  que 
les  broderies  furent  plus  particulièrement  appliquées  sur  les  étoffes 
destinées  aux  habits  des  personnes  nobles.  11  n'était  pas  possible,  en 
effet,  de  fabriquer  des  étoffes  qui  pussent  reproduire  les  armoiries 
de  tant  de  personnages.  Force  était  de  broder,  au  moins  sur  les 
champs,  les  pièces  qui  entraient  dans  ces  armoiries  :  lions,  léo- 
pards, alérions,  aigletles,  merlettes,  roses,  créquiers,  croisettes, 
besants,  étoiles,  etc.;  les  broderies  de  soie,  d'or  ou  d'argent,  sur  les 
étoffes  des  robes,  surcots  et  manteaux,  prirent  donc  alors  une  grande 
importance. 

Nous  n'avons  que  peu  de  renseignements  sur  les  broderies  faites 
sur  toile  fine,  lin  ou  mousseline.  Il  est  certain  que  des  voiles  étaient 
brodés.  Des  mousselines  brodées  d'or,  d'argent  ou  de  soie,  venaient 
d'Orient.  Sur  les  chemisettes  de  statues  du  xn'  siècle,  on  peut  voir 
des  broderies  ou  au  moins  des  chefs  brodés  avec  ajours.  Mais,  jus- 
qu'au XVI"  siècle,  nous  n'avons,  à  cet  égard,  que  des  données  incer- 
taines. Il  n'en  est  pas  ainsi  pour  la  broderie  de  soie  sur  étoffe  de 
parure  extérieure  ou  sur  fin  canevas;  non-seulement  les  dames  se 
livraient  à  cet  art,  mais  les  religieuses ',  et  un  grand  nomhre  d'ou- 
vriers des  deux  sexes.  Les  brodeurs  de  Paris  foi-maient  une  corpo- 
ration ;  aussi  les  brodeuses.  Les  bourgeoises  s'adonnaient  également 
à  la  broderie.  La  fille  d'un  bourgeois  qui  a  nom  Maratte,  dans  le 
Roman  de  la  violette  : 


'  l'jidcs  r.ijiaud,  arclicvÎMiiic  ik  lidiicu  nu  XIH'  si^'cle,  SO  ci'ul  dhlitir  de  drlViuiic  ces 
sortes  d'ouvrages  dans  plusieurs  luoaastères  de  femmes  de  son  diocùse,  comme  trop 
moudaias. 


nr.oDERiE  ] 


-84  — 


<■  .1.  jor  tist  ("'S  cliiuiihres  son  père, 

"  Uue  estole  ol  .j.  aniit,  poro  i 

<<  De  soie  cl  d'or  mol  soiitilmeul. 

'<  Si  i  fait  eateateuiiieat" 

»  Mainte  croisete  et  mainte  cstoilc  3.  » 

Bien  avant  celte  époque,  nous  voyons  que  l'impéi-atrice  Judilli, 
mère  de  Charles  le  Chauve,  passait  pour  une  habile  brodeuse  :  «  En 
826,  quand  Heriold,  roi  de  Danemark,  vint  se  faire  baptiser  à  Igel- 
heim  avec  toute  sa  famille,  cette  princesse,  qui  tint  la  reine  sur  les 
fonts,  lui  lit  don  d'une  robe  de  sa  façon,  relevée  d'or  et  de  pierres 
précieuses  ''.  »  Mais  c'était  dans  la  confection  des  menus  ouvrages, 
tels  que  lacs,  écharpes.  manches  •',  ceintures,  que  les  dames  excel- 
laient. Parfois  même  elles  entremêlaient  de  leurs  cheveux  dans  les 
broderies  de  ces  précieuses  parures  : 

Et  sor  le  désire  brae  li  pent 
Une  mance  totc  de  soie  ; 
Jamais  en  quel  lieu  que  je  soie. 
N'orrai  parler  d'une  ])lus  riche. 
Près  del  poing  li  ferme  .j.  afioho  ^ 
:<  Massice  d'or,  à  .ij.  lupars ''. 
Dedens.  de  fors,  de  toutes  pars, 
Ot  flors  de  glai»  de  fil  d'or  faites: 
Et  s'otletres  eutor  portraites 
D'un  chevels  si  fins  et  sors. 
Tôt  pert  estre  .j.  rlievels  et  ors 
Et  de  hiauté  et  de  color 
Et  en  la  letre  et  en  la  flor. 
Tel  l'ot  faite  de  chief  eu  rhiof, 
Celé  qui  ot  le  plus  biau  chief. 
La  fille  au  riche  roi  de  Perso  ; 
N'avoit  mie  la  face  perse, 
Ains  est  hele  et  de  geut  ator. 
Ce  dient  les  letres  d'entor, 
Qu'ele  ot  faites  por  son  ami. 
Ne  li  ot  pas  dom''  demi 
Son  cuer  ;  mais  toi  l'a  pris  la  Franc?  9.  » 

'  /V're  ]iour  pnre.  c'est-a-dire,  brave. 

i  Avec  entente,  intelligem^e. 

3  Romnn  de  la  violette,  vers  2299  et  suiv.  (xiir  siècle). 

'»  Voyez  Recherches  sur  les  étoffes  de  soie,  d'or  et  d'argent  pendant  le  moyen  âge, 
\yàv  M.  Francisq  11'  Mich  ■!.  Paris.  1S.j4. 

s  Les  dames  donnaient  souvent,  comme  signe  d'afTjction  à  leur  ami.  une  manche 
brodée  que  c^lui-ci  portail  en  souvenir  de  sa  belle. 

•J  Agrafe. 

"  Léopards. 

8  Glaïeul. 

9  Rontcn  de  l'escoiiffle,  mss.  de  l'Arsenal. 


—    85   —  [  BULLE   ] 

BULLE,  s.  f.  Bijou  qu'on  suspendait  au  cou.  et  qui  contenait  des 
reliques  ou  un  bref  :  le  nom  de  Dieu,  par  exemple,  ou  de  la  Vierge, 
ou  du  saint  patron,  ou  encore  des  inscriptions  tirées  des  Ecritures. 
Ces  bijoux  étaient  plus  particulièrement  attachés  au  coudes  enfants, 
pour  les  préserver  des  accidents  ou  des  maléfices.  Bien  que  les  doc- 
teurs de  l'Eglise  et  les  conciles  se  soient  souvent  élevés  contre  ces 
pratiques  superstitieuses,  elles    n'en  persistèrent  pas  moins,   non- 


E.cù'iLi-Mynr. 


seulement  chez  les  gens  du  peuple,  mais  chez  les  grands  mêmes, 
pendant  le  moyen  âge  et  jusqu'au  xvni"  siècle  '.  L'auteur  de  la 
Somme  n'admet  pas  qu'on  doive  porter  des  reliques  pendues  nu 
cou  '-.  Les  Pères  de  l'Église  condamnent  l'usage  de  porter  l'Évan- 
gile de  saint  Jean  pendu  au  cou,  dans  un  cylindre,  ainsi  que  cela 
s'est  pratiqué  jusqu'au  dernier  siècle. 

La  figure  1  donne  (grandeur  d'exécution,  en  A)  une  double  bulle 
pendue    à  une  chaîne  fermée,  ne  pouvant   être   destinée   quà  un 

'  On  pinit  nv'mn  assurer  qiio  cns  praliques   superstitieuses  existent  caeore  aujourd'hui. 
-  «  Utruui  reliquiio  sanetorum  ileticanl  porlari  ad  collum  ?  Respondco  quod  non.  » 


[  CAGOri.E  1  —  <S<)  — 

enfant.  Ces  deux  liiilles  sont  de  cuivre  très- léger  et  doré,  creuses  et 
plates  par-dessous,  comme  l'indique  le  détail  A.  En  B,  est  une  autre 
bulle  dont  la  coupe  est  tracée  en  D  '.  Ces  bulles  sont  percées  de 
petites  ouvertures  sur  leur  face  externe,  parce  qu'on  snpposait  que 
la  relique,  le  talisman  ou  le  bref,  opéraient  d'une  manière  plus 
efficace,  s'ils  étaient  mis  en  relation  directe  avec  les  objets  exté- 
rieurs-.  L'usage  des  bulles,  talismans,  brefs,  remonte  à  la  plus 
haute  antiquité,  et  le  christianisme  ne  lit  que  conserver  un  genre 
de  superstition  qui  a  existé  de  tout  temps  et  chez  toutes  les 
nations.  Aussi  les  Pères  de  la  primitive  Église  blâment-ils  fortement 
ces  habitudes,  qu'ils  considéraient  comme  entachées  de  paganisme. 
Malgré  leurs  exhortations  et  les  décisions  des  conciles,  le  moyen  âge 
renchérit  encore,  s'il  est  possible,  sur  ces  pratiques,  principalement 
pendant  la  période  des  croisades,  car  aux  talismans  ayant  un  carac- 
tère chrétien  s'ajoutèrent  souvent  les  talismans  orientaux  arabes. 


es 


CAGOULE,  s.  f.  ^coules,  cuculle).  Sorte  de  surtout  sans  manches, 
assez  ample,  garni  d'un  capuchon  et  descendant  jusqu'aux  genoux 
le  plus  habituellement,  et  même  au-dessous.  La  cuculle  était  le 
vêtement  monastique  ;  courte,  on  lui  donnait  le  nom  de  scapulaire. 
Clément  V,  au  concile  de  Vienne,  distingue  clairement  la  cuculle  dn 
froc  ;  souvent  on  a  confondu  ces  deux  vêtements.  Il  établit  «  que 
la  cuculle  est  un  habit  ample  et  long,  sans  manches,  tandis  que  le 
froc  est  un  vêtement  descendant  jusqu'aux  pieds  et  possédant  de 
longues  manches  ».  La  cuculle  est  un  habit  à  capuchon,  large,  cou- 
vrant la  tête  et  les  épaules.  Lorsque  Guillaume  Longue-Épée,  duc 
de  INormandie,  est  tué  par  les  Flamands,  on  rappoi-te  son  corps 
à  Rouen  ;  dans  la  ceinture  de  ses  braies  on  trouve  une  clef  : 

»  Du  chef  de  son  braier  une  clef  deferuiereut, 
"  VA  cole  (coule)  è  estamine  et  un  froc  en  osterenl, 
H  Et  tôt  l'habit  d'un  nioigne  ka  un  pauvre  douèrent, 
«  N"i  ont  allrc  trésor,  ne  altre  u'i  trouvèrent'^.  » 

'  Musée  des  fouilles  du  château  de  l'ierrefonds  (xiv^  ou  xv<^  siècle). 
2  Voyez   ce  que  dit  à  ce  sujet  J.-B.  Thiers,  dans  sou  Truite  des  superstitions,  tome  I, 
livre  V. 
i  Rù7nan  de  Hou,  vers  2735  et  suiv 


87  - 


[   CAGOULE   ] 


Ainsi  la  coule  el  le  froc  étaient  deux  vêtements  parfaitement 
distincts,  et  la  coule  était  posée  sur  le  froc.  Les  bénédictins  des 
premiers  siècles  portaient  la  cagoule  ou  cuculle  longue,  et  le  scapu- 
laire  réservé  pour  les  heures  de  travail  *. 


La  ligure  1  donne  la  forjnc  de  la  cuculle  au  milieu  du  \i°  siècle  -  ; 
en  A,  est  tracée  la  moitié  de  ce  vêtement  de  face.  La  ilgure  2  donne 


'  Voyez  Miiliillon,  A7in.  ord.  S.  Benedicti,  l.  I,  lib.  V.  p.  122.  —  Sigelierlus  Ocm- 
Wac,  p.  120,  ('•liit.  Basil.,  1.j6j  :  «  Proplcr  opcra  lanhim  cousliluil  S.  Buueilirtus 
"  aUerain  ciiciillaiii.  quœ  dicitur  scapulnre,  eo  qiiod  lnijusinodi  vcstis  ajita  sit  caput 
■'  hiidiiiii  L't  scapiilas  tegnre.  »  —  Régula  S.  lîcn.cdicli.  i-ap.  i.v  :  «  Scapuliifi'  iiroptcr 
"  i)]iei'a.  —  Quie  laboravcriul.  cuin  scapulari  laborare  possuuL  » 

^  .Miihillon,  AuH.  ord.  S.  Ucncd.,  I.   I.  lih.   V.  p.  I2ll. 


i 


[   CAGOULE   ]  —   88   — 

la  forme    du  scapulaire  à  la  même  époque  i.  Ces  deux  vêlements 
appartenaient  aux  bénédictins.  La  tunique  longue  est  blanche,  et  le 


scapulaire,  ou  cucuUe,   noir  et  d'étoffe  de  laine  épaisse    Ce  vête- 
ment n'était  pas  seulement  porté  par  les  religieux,  les  laïques  s'en 

1  Mîil.illou,  A?in.   ord.  S.  Bcned.,  t.  I,  lih.  V.  p.  121. 


-  89 


[   CAGOULE 


servaient,  et  il  prenait  le  nom  de  coule,  cagoule  ou  cape.  Mais 
alors,  habituellement  dépourvu  d'ouvertures  latérales  pour  passer 
les  bras,  ce  n'était  qu'une  sorte  d'aumusse  ample,  non  ouverte  sur  le 
devant.  Nous  trouvons  la  forme  bien  caractérisée  de  ce  vêtement 
dans  une  vignette  de  la  Bible  de  Souvigny,  déposée  aujourd'hui  dans 
la  bibliothèque  de  Moulins.  Il  s'agit  de  la  vignette  représentant  le 


prophète  Amos,  «  l'un  des  bergers  de  Thécué  »,  dit  lEcriture.  Amos 
porte  une  tunique  de  peau,  une  gibecière  et  une  cagoule  doublée 
de  poils  (fig.  3)  '.  Celte  coule  n'a  point  de  manches  ;  c'est  une  cape 
ronde,  fermée,  descendant  jusqu'aux  genoux,  garnie  d'un  capuchon 
et  taillée  comme  l'indique  la  ligure  4. 

La  cuculle  monastique  ne  changea  guère  de  forme  jusqu'au 
xvr  siècle,  non  plus  que  la  cagoule  des  laïques,  réservée  seulement 
pour  les  paysans  ou  le  bas  peuple.  Pendant  le  xiV  siècle,  la  cagoule 


'   l.a  Hililc  (le  latilKiYc  de  Suuviiiuv  iImIi'  ilc   1 1  I  .'i 


III. 


12 


CAPE   ] 


90 


était  frcquemmeul  portée  par  les  vilains,  et  ne  différait  de  celle 
présentée  ligure  4  que  par  rallongement  exagéré  de  la  pointe  du 
capuchon  et  par  le  fcstonnage  du  pourtour  inférieur.  Ce  vêtement 
était  fait  ordinairement  de   drap  ou   de  grosse  serge    doublée  ;  il 


n'était  ouvert  sur  le  devant  que  de  a  en  b,  pour  laisser  passer  la 
tête.  Vers  les  derniers  temps,  quelques  boutons  étaient  attachés 
au-dessous  du  point  a  pour  pouvoir  brider  l'ouverture  ab  autour 
du  visage,  et  empêcher  ainsi  le  capuchon  de  se  rabattre  sur  le  dos. 

CAPE.  s.  f.  {chape,  pluvial,  planète).  Le  pluvial,  dit  du  Gange,  est 
le  vêtement  qui  sert  à  garantir  l'homme  contre  la  pluie,  et  c'est 
en  effet  à  cet  usage  que  le  pluvial  ou  cape  *  fut  d'abord  employé. 
Le  pluvial  se  retrouve  dans  les  monuments  figurés  de  la  Grèce  et  de 
Rome  ;  c'est  la  pœniila,  le  manteau  à  capuchon,  la  cape  de  voyage. 
Mercure  est  parfois,  en  sa  (lualité  de  messager,  revêtu  de  la  pénule. 
G'est  une  cape  ronde,  fermée  presque  totalement  par  devant,  avec 
capuchon  (fig.  1)  -. 

Quelques  personnages  peinis  dans  les  catacombes  de  Rome  sont 
vêtus  de  la  cape  ronde,  sans  autre  ouverture  que  celle  nécessaire 


'    '  Vcstis  phivialis,  qu;p  cuppa  vocitaliir.  >>   V/ta  S.  Odonis.  abb.  Chininc  lih.  II.J 
'-  Voyez    Octavii  Fervnrii  de  re   vestiaria  Ubri  septeiyi.  16.'i4.    p.   79  :   «  Quid  minus 


i<   proMipliiii:  ;iil  piit;ii:iin.  i-uiii  p(i>aiiln 
«  essat...  »  (Cic.  pro  Alilone .) 


iri'oliliis.  iiii'il;i    iinpeiiitus,  uxore  pivne  roustrictus 


—   91    —  [   CAPE   ] 

pour  passer  la  lèto,  (t  sans  capuchon  (fig.  2)  '.  Ce  vctement,  nsilé 


1. 


£^  CL'.i-MUMJT . 


chez  les  Grecs,  adopti  par  les  Romains,  demeura  dans  les  Gaules. 

0 


On  considérait  la  pénule  comme  pouvant  èlre  portée  indilïéremmenl, 
soit  comme  hahit  religieux,  soit   comme  hahit  civil,  sous  l'empire, 

1  liosio,   Wonia  sollerrnned.  \\h.  III,  rap.   xxxvn.  ])oiiiture  do  la  clianilirc  liii   ciiin'liôrc 
de  Sauil-Manelliii. 


[  CAPK  J  -    92   — 

par  les  lioiiimes  et  par  les  femmes  '.  Guillaume  Durand  -  parle  ainsi 
du  pluvial  :  «  Il  y  a  uu  autre  habit  qu'on  appelle  pluvial  ou  chape 
{capa),  et  qu'on  croit  avoir  remplacé  la  tunique  de  l'ancienne  loi  ; 
d'où  vient  que,  de  même  que  la  première  était  garnie  de  petites 
clochettes,  ainsi  la  seconde  l'est  de  franges,  qui  sont  les  labeurs  et 
les  inquiétudes  de  ce  monde.  Elle  a  aussi  un  capuchon...  Elle  des- 
cend jusqu'aux  pieds...  ;  elle  est  ouverte  dans  sa  partie  antérieure... 
La  chape  est  large  à  l'intérieur,  et  l'on  n'y  coud  qu'une  agrafe,  qui 
est  nécessaire  pour  l'attacher...  »  Il  y  a  la  cape  destinée  à  l'usage 
civil,  et  la  chape  destinée  à  l'usage  religieux.  Ce  vêtement,  qui,  dans 
l'origine,  n'avait  qu'un  usage  d'utilité,  devint,  dès  les  premiers  temps 
du  moyen  âge,  un  habit  honorable.  A  l'occasion  de  certaines  solen- 
nités, les  empereurs  d'Occident  portaient  la  chape.  Il  en  était  de 
même  pour  les  prélats.  Guibert  de  Nogent  rapporte  ^  qu'il  y  avait 
dans  la  seconde  armée  des  croisés,  qui  fut  battue  aux  frontières  de 
l'Arménie  en  1099,  «  un  certain  archevêque  de  Milan,  qui  avait  em- 
porté avec  lui  une  chape  du  bienheureux  Ambroise,  toute  blanche  et 
resplendissante,  et  tellement  ornée  de  dorures  et  de  pierreries  d'une 
grande  valeur,  qu'en  aucun  lieu  de  la  terre  on  n'eût  pu  en  trouver 
de  semblable.  Les  Turcs  s'en  emparèrent  et  l'emportèrent,  et  Dieu 
punit  ainsi  la  folie  de  ce  prélat  étourdi,  qui  avait  porté  dans  le  pays 
des  barbares  un  objet  aussi  sacré.  »  Ces  chapes  sacerdotales  étaient 
donc  parfois  d'une  grande  richesse  pendant  les  premiers  siècles  du 
moyen  âge  ;  on  en  peut  donner  comme  preuve  la  chape  de  saint 
Mesme,  conservée  dans  l'église  Saint-Etienne  de  Chinon,  et  qui  peut 
dater  du  iv^  siècle  ;  celle  de  Charlemagne,  dépendant  du  trésor  de 
la  cathédrale  de  Metz,  qui  date  du  vni^  ou  ix*  siècle.  Ces  deux  chapes 
sont  faites  de  tissus  de  soie  qui  paraissent  d'origine  orientale  ;  ils 
sont  d'une  parfaite  beauté  (voy.  Étoffe).  Il  ne  faut  pas  confondre  la 
chape  avec  le  manteau  ;  la  chape  est  exactement  ronde,  avec  un  trou 
au  milieu  pour  passer  la  tête,  ouverte  ou  fermée  et  habituellement 
garnie  d'un  capuchon.  La  chape  de  cérémonie,  la  chape  épiscopale, 
impériale  ou  royale,  est  ouverte  sur  le  devant  et  prend  la  forme 
que  donne  la  figure  3.  C'est  aussi  le  vêtement  désigné  parfois  sous 
le  nom  de  planète.  Une  ouverture  A  est  pratiquée  sur  le  devant  ;  la 
tête  passe  en  B,  et  en  C  est  une  large  bride  ou  agrafe  qui  maintient 

'  '(  Coiniiiunia  siint  qiiibus  promiscuc  utitur  millier  cum  viro  :  veluti  pœmila  pal- 
«  liuiiivc  est,  et  reliqua  luijiisinotli  ;  quilnis  sine  rcpreliensioiie  vel  vir  vel  uxor  utatiir.  » 
(Ulpiamis.) 

*  Rationn/e,  lib.   IH,  cap.  i,  §  V,]. 

^  Hïst.  dc'scroisrif/ps.  liv.  VU. 


—   93    -  [   CAPE   ] 

les  deux  bords  fermés  sur  les  épaules  ;eii  D  est  le  capuchon.  Un  galon 
étroit  borde  Torle  circulaire,  et  deux  larges  broderies  les  deux  bords 
E.  Les  religieux  et  religieuses  portaient  en  voyage  la  cape  fermée, 
toujours  sans   manches.   Quehjues  chanoines  ayant  fait  mettre  des 


manches  à  leurs  chapes,  les  synodes  provinciaux  interdirent  celte 
innovation.  L'ouverture  supérieure  de  la  chape  fermée  s'appelait 
le  gouleron  ou  la  goule.  Ce  vêtement  fut,  pendant  tout  le  cours 
du  moyen  âge.  porté  indifféremment  par  les  hommes  et  par  les 
femmes,  soit  dans  les  ordres,  soit  laïques.  Il  était  très-commun, 
puisque  Louis  VII  défendit  aux  courtisanes  de  porter  des  capes  dans 
les  rues,  afin  qu'on  ne  pût  les  confondre  avec  les  honnêtes  femmes. 
Les  gens  de  guerre  portaient  des  capes  au  \ni°  siècle  :  «  Hastens 
«  fist  armer  ses  gens  sous  leur  chappes  '....  »  —  «  Cil  saillirent, 
«  qui  armés  estoient  souz  leur  chappes  -....  »  —  «  Et  ses  genz,  qui 
<«  bien  estoient  armez  desouz' leurs  chappes  ^...»  Ces  capes  étaient 
portées  contre  le  mauvais  temps  : 

((  La  nuit  ad  Reniait  sôjurné, 

a  El  demain  quant  il  ont  disnû, 

»  Ke  il  sont  ke  li  Dus  iiicnga, 

H  Une  chape  a  pluie  afiibla, 

'(  De  suz  la  chape  se  fist  reiudre, 

K  El  0(1  une  coinctiu-e  estreiiidre  '*  ». 


'  Chron.  de  No)  ntfiîidie. 

2  IbifL 

3  lùid. 

•  Romrni  de  Rou.  vers  7177. 


[   CAPE   ]  —    9i    — 

Ce  passage  donne  à  penser  que  celle  chape  à  pluie  était  froncée 
pai'  le  haut,  car  il  ne  serait  guère  possible  de  mettre  une  ceinture 
par-dessus  la  chape  ronde.  En  effet,  la  cape  civile  est  parfois  froncée 
au  col,  ainsi  que  le  vêtement  fort  ancien  connu  aujourd'hui  sous  le 
nom  de  limousine,  et  est  garnie  d'un  capuchon.  On  avait  aussi  des 
chapes  fourrées  pour  porter  dans  l'intérieur  des  habitations,  comme 
nous  portons  des  robes  de  chambre  : 

■<  Assiz  estoit  eu  sa  chaiiTc  : 

<i  Une  riche  chape  forrée, 

»   Sans  manclie,  avoit  afubléc  1.  » 

(1  D'une  cape  s'est  afublés 

<.  D'escarlate,  si  est  fourée 

«  D'ennines  lins,  et  s'est  oi'l''e 

c.  D'un  bas  sebelin  noir  canu  ^.  » 

Nous  parlerons  d'abord  des  chapes  adoptées  par  les  religieux.  Ces 
chapes,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  sont  ouvertes  sur  le  devant  ou 
fermées.  Celles  ouvertes  ont  un  caractère  plus  particulièrement 
sacré  ;  ce  sont  les  chapes  épiscopales,  impériales,  royales,  avec  ou 
sans  capuchon,  le  plus  souvent  avec  capuchon.  La  chape  épiscopale 
se  distingue  de  la  chasuble,  —  bien  que  l'origine  de  ces  deux  vête- 
ments soit  la  même,  —  en  ce  que  la  première  est  ouverte  par  devant, 
ronde,  tandis  que  la  seconde  est  fermée  et  triangulaire,  puis  tra- 
pézo'idale  (voy.  Chasuble).  La  figure  3  donne  la  chape  des  religieux 
réguliers  développée.  Lorsque  cette  chape  est  portée,  elle  se  drape, 
ainsi  que  l'explique  la  figure  4.  La  figure  5  présente  la  chape  épi- 
scopale de  l'évêque  Pierre  de  Roquefort,  mort  au  commencement  du 
xive  siècle,  et  enterré  dans  la  cathédrale  Saint-Nazaire  de  la  cité  de 
Carcassonne.  Cette  statue,  grande  comme  nature,  est  du  plus  haut 
intérêt  au  point  de  vue  du  costume  épiscopal.  Par-dessus  l'étole, 
dont  on  voit  passer  les  franges  au-dessus  des  pieds  sur  la  soutane, 
l'évêque  porte  deux  robes,  dont  l'aube,  garnie  par  le  bas  d'une  large 
broderie.  Cette  aube  est  à  manches  larges,  avec  galons  au  bas  et 
petite  frange.  Le  manipule  ne  passe  pas  sur  la  manche,  mais  est 
attaché  sur  l'un  de  ses  côtés.  La  chape  est  sans  capuchon,  maintenue 
au  moyen  d'une  large  agrafe  circulaire ,  sur  laquelle  est  ciselé 
l'agneau.  Une  riche  bordure  aux  armes  du  prélat  '  et  de  France,  et 

1  Le  Do/opa(/tos  d'Hobers.  Hist.  de  Virijile. 

2  Li  Romans  d'Amadns  et  Ydoine.  vers  37SS  et  suiv.. 

3  Psahu.,  ancien  fonds  Saiul-Gcnnaia.  u"  37,  liihliolh.   iin|)('r.   (xiii'"  siècle). 


-  9o  - 


[   CAPE   ] 


une  basse  frange,  garnissent  les  bords  du  vêtement  et  tournent  autour 
du  cou,  qui  ne  parait  pas  être  protégé  par  l'amict.  Les  mains  sont 
gantées.  A  la  crosse  est  attachée  cette  pièce  d'étoiïe,   le  sudarium 


(mouchoir),  (]u"on  ne  trouve  que  dans  queUpies  diocèses  de  France 
(voy.  MoucHoui).  Cette  belle  statue  est  sculptée  dans  un  grès  très- 
ferme. 

La  forme  de  la  chape  épiscopale,  ou  sacerdotale,  ne  change  pas 
depuis  lors  jusqu'au  xv"  siècle,  si  ce  n"est  que  l'agrafe  est  souvent 
remplacée  par  une  large  bande  de  broderie,  de  manière  à  moins 
brider  le  vêtement  sur  les  épaules  (lig.  6)  -.  Alors  (au  xv''  siècle)  on 

'  I>icrr('  (i  •  llo  iiictorl  iioilail  :  de  ijneules  à  trois  rocs  d'échtr/uiers  d'or,  deux  en 
chef,  un  en  pointe. 

»  Frii;;inf!ii(s  (l(''pos.''S  dans  les  chiQUcrs  di  la  caUicdralc  de  Moulins.  La  lij^iira  osl 
vrliic  d'au  suriilis  sous  la,  eliape. 


[   CAPE   J 


06 


■'.  Ci'/iiMj,;'S'l 


—    97    —  [   CAl'E    ] 

commençait  à  fabriquer  des  chapes  déloffes  épaisses  couvertes  d'or- 
fiois  et  de  broderies  lourdes  ;  il  fallait  ([ue  ce  vêtement  ne  pesât  pas 
trop  sur  les  épaules,  et  la  large  bride  permettait  à  la  chape  de  serrer  le 


f 


haut  des  bras  (ce  qui  est  très-gênant)  en  fatiguant  moins  les  épaules. 
Les  chapes  adoptées  aujourd'hui  pai-  l'Église  sont  de  véi'itables  gué- 


7 


rites,  tant  elles  sont  roidcs,  pesantes  et  couvertes  de  grosses  bro- 
deries ;  les  patients  contraints  à  porter  ce  vêlement,  qui  fait  souvenir 
des  damnés  du  Dante,  ne  sauraient  renmer  les  bras,  et  ressemblent 

m.  -  13 


[  CAI'K  ]  —  98   - 

à  (.rénormos  ('leigiioirs.  Quaiil  an  capuchon,  il  csl  remplacé  par 
une  sorte  de  pelil  tablier  frangé  carré,  avec  angles  arrondis,  qui 
ligurent  des  élytres  mal  développés.  C'est  ainsi  que  peu  à  peu 
rÉglise  a  gàlé  les  plus  beaux  vêtements  du  clergé,  par  amour  du 
faux  luxe. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  les  religieux  portaient  des  chapes 
rondes  fermées,  avec  capuchon.  Ces  capes  avaient,  pliées,  la  forme 
donnée  figure  7  ;  le  capuchon  étant  en  A  et  le  devant  de  la  cape  en 
B.  Ces  capes  descendaient  jusqu'aux  talons,  et  étaient  adoptées  par 
les  chanoines,  en  hiver,  et  par  la  plupart  des  ordres  religieux, 
notamment  pendant  les  funérailles. 

La  forme  de  ces  capes  rondes  et  fermées  n'était  pas  susceptible 
de  modification,  aussi  resta-t-elle  la  même  pendant  les  xni%  xiv"  et 
xv"^  siècles.  Pour  faire  usage  des  mains,  il  fallait  nécessairement 
relever  les  bords  de  la  cape  (fig.  8) S  ce  qui  donnait  de  très-beaux  plis. 

Cette  cape  fermée  ne  pouvait  être  mise  qu'en  passant  la  tête  par 
l'orifice  du  milieu  auquel  était  adapté  le  capuchon  de  forme  carrée 
(voy.  fig.  7).  Parfois,  ces  capes  étaient  doublées  de  fourrures  ;  elles 
étaient,  en  voyage  à  cheval,  portées  par  les  femmes  aussi  bien  que 
par  les  hommes.  Dans  le  joli  conte  du  Vair  palefroy-,  la  demoiselle 
est  entraînée  la  nuit  devant  la  porte  du  château  de  son  amant  par 
son  cheval.  Le  guetteur  décrit  ainsi  les  habits  de  la  demoiselle  au 
châtelain  : 

«  Une  faîne  desconscillie, 

'(  Joue  de  samblant  cl  d'aage, 

»  Est  issue  de  col  boscage, 

"  Atoruée  moU  richement  ; 

«  Molt  sont  riclic  li  garuenieul  ; 

«  Avis  m'est  que  soit  afuhléc 

»  D'uue  l'iche  chape  fori'ée  ; 

«  Li  drap  me  sembleut  d'cscarlate 

Il » 

Entrée  dans  le  château  : 

«  De  sa  chape  csl  desHlublée.  » 

Ces  capes  fermées  (de  voyage)  étaient  portées  par  les  clercs,  les 
religieux  et  les  prélats,  comme  par  les  laïques  ;  mais  elles  étaient 

'  Voyez,  cnire  aiilrt's  slaliies  ainsi  viHucs,  celles  du  tombeau  de  Jehan  1'''",  due  de 
llerry,  k  Bourges  (1416). 

'  Contes  anciens  (niss.  u"  TiilS,  Biblii)lh.  im;i;''i'.).  publiés  par  Barbazaa.  t.  1,  p.  -{\i 
(xiii"  siècle). 


-    09    -  [   CAPE    ] 

taillées  plus  courtes  et  garnies  sans  faule    du    capuchon.  Nous  en 


8 


^« 


trouvons  niainls  exemples  dans  les  vignettes  et  les  peintures  des  xni* 
et  xive  siècles.  La  figure  9  montre  une  de  ces  capes  portée  par  un 


rAr>r, 


100 


canliiiul  '  ;  ello  est  relevée  sur  l'épaule  di'oilc  el  couvre  les  genoux. 
Sur  le  capuchon  est  posée  la  barrelle  alLacliée  par  des  cordons.  Ce 
vêtement,  tissé  de  grosse  laine  et  doublé  de  serge,  de  fourrures  ou  de 


soie,  suivant  la  condilion  des  personnages,  préservait  parfaitement 
de  la  pluie.  Dans  un  conle  du  xnf  siècle,  il  est  question  d'un  reli- 
gieux qui,  à  cheval  pour  se  sauver  plus  rapidemeut. 


c.  Deffuhlc  sa  chape  esramineut, 

"  Et  les  deniers,  et  la  monoie 

1.  Gieta  trestout  amiiii  la  voie-.  » 


Les  capes    civiles    étaient    parfois  très-riches.  Les  messagers  se 
présentaient  devant  les  grands,  revêtus  de  capes  faites  d'étoffes  pré- 


'  Tapisseries  de  Saiiit-Mi'dard  de  Paris  (xiii''  siècle).  Callecl.  (kiiguères  de  la  hihliûth. 
IJodléieune  d'Oxford. 

2  Fnhliaux  et  co?it:s  :  Le  chevalier  qui  faisoit  parler  les.,  et  les...,  éilit.  d"Ains!er- 
daiii.  n.jti,  t.  111. 


DICTIONNAIRE^  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 


Tome  III. 


Cape,  FiG.  11 


CAPE  Di:  MESSAGER. 


Ch.  Eggimann,  éditeur. 


Imp.  MoTTEnoz  et  Martinet 


1 
I 


4 


—    101    -  [   CAPE   ] 

cieuses  :  ce  vêtement  tenait,  d'ailleurs,  à  leur  qualité'  ;  ils  en  rece- 
vaient en  cadeau  lorsqu'on  voulait  faire  honneur  à  celui  qui  les 
envoyait. 

Ces  capes  parées  étaient  ouvertes  par  devant,  percées  de  deux 
trous  latéralement,  pour  passer  les  bras,  et  de  la  goule  avec  le 
capuchon  (voy.  fig.  10).  comme  la  cape  (iig.  7).  Cela  ressemblait  foil 


au  burnous  arabe  auquel  deux  fentes  latérales  A  seraient  pratiquées 
pour  passer  les  bras  au  besoin.  Mais  il  était  une  manière  élégante 
de  porter  ce  vêtement,  c'était  de  passer  un  bras  par  l'une  des  fentes 
A,  et  la  tête  par  l'autre  fente  A',  de  telle  sorte  que  le  capuchon 
pendît  par  derrière  sur  l'une  des  épaules,  et  que  l'ouverture  B  se 
trouvât  placée  par  conséquent  devant  cette  épaule. 

Entre  l'ouverture  B  et  la  goule  étaient  faites  en  C  de  riches  bro- 
deries, parfois  avec  des  glands  ou  franges  qui  produisaient  bon 
etïet,  le  vêtement  étant  porté  comme  nous  venons  de  le  dire.  La 
figure  11  explique  cette  manière  de  porter  la  cape  ~.  Mais,  à  dater  du 
commencement  du  xiv''  siècle,  l'ouverture  de  la  cape  civile  est  placée 
souvent  sur  le  côté  droit,  afin  de  laisser  au  bras  toute  sa  liberté. 
Nous  voyons  des  capes  ainsi  figurées  et  doublées  de  fourrures  dans 
un  tableau  représentant  l'institution  de  l'ordre  de  Bourbon,  vers 
1362,  et,  avant  cette  époque,  dans  le  manuscrit  des  statuts  de  l'ordi-e 


'  La  cuiM!  des  messagers,  des  hérauts  cl  IrDiLiiicUcs.  inil  [iliis  tard  le  iioni  de  casiiquc. 
-  Voyez  dans   Gaigiières  la  statue    d(;    IMiiliiipe   le   Hardi,  de    l'abbaye   de    Hovauuiord. 
Cette  statue  est  vêtue  d'une  cane  mise  coihiik!  celle  de  la  tigure  il. 


CAPE    i 


10^2 


du  Saint-Espril  on  du  Nœud,  déposé  dans  le  nmsée  des  Souverains 
au  Louvre  (fig.  42)  '.    La   cape    fendue    du    côté  droit  se  retrouve 

J3 


encore  dans  le  grand  costume  de  l'ordre  de  la  Toison  d'or,  institué 
par  Philippe  le  Bon.  duc  de  Bourgogne.  Mais  cette  cape  du  xv^  siècle 
est  froncée  au  collet.  En  voici  la  description  :  «  Art.  xxv...  Ledit 

<   Cet  ortlro  a  élu  justitué  par  Louis  d'Anjou,  a  Naples,  en  13d;'.. 


103 


[    CAPE   ] 


n 


4 


K 


E.  CmiAi/HGT^ 


«  sousciuin  eL  les  clicMiliors  de  l'urdic  i)aicill''iiienl  vesUis  de  niiiu- 


\   CEIMIHK    1  —    lO't   — 

"  leaux  crescarlalc  vernioille,  entour,  par  l»as  et  a  la  fente,  richement 
«  bordez  de  large  semence  de  fuzils  (briquets),  cailloux,  estincelles 
«  et  Iboisons  ;  fourrez  de  menu  vair,  longs  jusques  à  terre  '....  » 

l'endant  le  \iV  siècle,  les  bourgeois,  aussi  bien  que  les  gentils- 
hommes, portaient  la  cape  ouverte  latéralement.  Nous  avons  un 
très-bel  exemple  de  ce  vêtement,  et  de  la  manière  de  le  porter,  sur 
la  tombe  de  Pierre  Derbice,  bourgeois  de  Troyes,  décédé  en  1348 
et  enterré  dans  l'église  Saint-Urbain. 

Cette  dalle  gravée,  Fune  des  plus  belles  qui  se  puissent  voir,  sert 
aujourd'hui  de  marche  d'entrée  de  chapelle  dans  l'église  Saint- 
Urbain,  et  ne  lardera  guère  à  être  profondément  altérée.  Déjà  la 
tête,  incrustée  en  marbre,  a  été  enlevée.  Nous  reproduisons  aussi 
fidèlement  que  possible  (lig.  13)  cette  remarquable  gravure,  qui 
donne  une  haute  idée  des  dessinateurs  de  l'école  champenoise  au 
xive  siècle  -. 

La  cape  ouverte  latéralement,  et  la  cape  ronde  ouverte  par  devant, 
furent  portées  par  la  bourgeoisie  pendant  tout  le  cours  du  xv"  siècle. 
Mais,  dans  le  bas  peuple,  la  cagoule  ou  la  cape  froncée  comme  notre 
limousine  continuèrent  à  être  le  vêtement  de  campagne  contre  la 
pluie  et  les  frimas.  La  cape  fendue  latéralement  est  un  vêlement 
élégant  d'homme  riche,  qui  ne  parait  pas  être  descendu  au-dessous 
de  la  haute  bourgeoisie. 

CEINTURE,  s.  f.  {çainture,  saincture).  Nous  ne  nous  occupons 
ici  que  de  la  ceinture  civile  :  la  ceinture  militaire,  si  importante 
dans  le  costume  des  hommes  d'armes  du  moyen  âge,  trouve  sa  place 
dans  la  partie  des  Armes. 

La  ceinture  que  les  hommes  portaient  en  Occident  pendant  la 
période  carlovingienne  retenait  la  tunique,  et  n'était  habituellement 
qu'une  bande  dï'lotîe  enroulée  autour  de  la  taille.  Les  Normands, 
qui  portaient  des  braies  dès  celle  époque  (voy.  Bhaies),  les  mainte- 
naient au-dessus  des  hanches,  à  laide  d'une  courroie  mince  qui 
passait  par  des  trous  pratiqués  au  bord  supérieur  du  vêlement  ;  puis 
une  ceinture  d'étoffe  cachait  la  jonction  du  braiel  avec  le  justau- 
corps qui  passait  sous  ces  braies.  Au  xn"  siècle  encore,  les  hommes 
nobles,  dans  la  vie  civile,  ne  portaient  pas  habilueilement  de  cein- 
tures ;  les  courroies  entourant  la  taille  n'étaient  adoptées  que  par  les 
gens  du  peuple,  afin  de  maintenir  la  tunique  courte.  La  ceinture 
faisait  cependant  partie  du  vêlement  des  hommes  pendant  la  période 

'   Voyez  Gaigiières  cl  Willcniin,  M vmmienis  français  inédils,  t.  II.  pi.  162. 
*  Willciiiin  a  doniir  roiiseiiiMe  de  ccUc  loiiihc,  tmiio  I,  pi.  124. 


—    Ulo    —  [   CELMURE   ] 

luérovingienne  :  elle  serrait  la  robe  au-dessus  des  hanches,  et  ces 
ceintures  étaient  enriciiies  de  boucles,  de  plaques  et  de  bouts  de 
métal.  D'ailleurs,  la  ceinture  civile,  à  cette  époque,  se  distingue 
de  la  ceinture  mililaire.  Celle  dernière  est  babiluellement  garnie 
de  boucles  et  plaques  de  fer  damasquiné,  très-larges,  tandis  que  la 
ceinture  civile  est  munie  de  boucles  de  métal  d'alliage,  de  bronze, 
dargent  ou  même  d'or,  assez  étroites. 

La  ligure  1  donne  une  de  ces  boucles  mérovingiennes  d'haljils 
civils  de  l'école  primitive  \  La  courroie,  fendue  à  son  extrémité, 
passait  sous  l'ardillon,  tournait  aulour  de  la  broche  B,  était  repliée 


/£ç^A'^^r/^//.  V 


par-dessous  et  maintenue  au  moyen  de  deux  ou  trois  plaques-rivets, 
ainsi  (|ue  l'indique  la  section  A.  L'ardillon  étail  à  peu  près  immo- 
bile, et  c'était  l'anneau  G  qui,  pivotant,  permettait  de  passer  l'extré- 
mité opposée  de  la  couri'oie.  Ces  boucles  de  ceinture  se  trouvent  en 
grand  nombre  dans  les  tombeaux  de  la  première  période  mérovin- 
gienne, et  sont  une  importation  d'origine  indo-européenne.  Elles  ne 
lardent  pas  à  disparaître. 

Dans  les  fouilles  que  nous  avons  fait  faire  au  milieu  du  Iranssept 
de  l'église  abbatiale  de  Sainl-Denis,  nous  avons  trouvé  un  certain 
nombre  de  sarcophages  mérovingiens  de  l'époque  de  Dagobert.  L'un 
de  ces  sarcophages  contenait  quelques  fragments  d'étolfe  entièi'c- 
ment  consumés,  et  les  débris  d'une  ceinture  ornée  de  plaipics 
d'argent  ciselé  et    doré.    Sur   la  courroie  étaient   rivées    quehiues 


'  bii    imis(''(!    du   cliàlcMii    (lo   ('.i)iii]iir;,'ii('.    lniiihrs  iiirrovlugieuncs.  Noire   graviii'c   est 
graudciir  d'exi'ciilioii. 

III.  -   14 


r  ŒIMinE 


106  — 


plaques  représentées  en  A  (lîg.  2),  puis  un  bout  B  '.  La  boucle  était 
rongée  par  la  rouille,  et  celle  que  nous  donnons  ici  en  C  provient 
d'ailleurs  -,  mais  date  de  la  même  époque.  Après  avoir  été  arrêtée 
par  l'ardillon,  le  bout  de  la  courroie  passait  par  la  boucle  D  et 
retombait  sur  la  robe  assez  bas.  L'inlluence  des  vêtements  byzantins 
fut  telle  sur  les  modes  françaises,  pendant  la  première  moitié  du 

2 


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j!     ^— !l 

1; ri 

li 

14- 

tiM-i  iT  'iif 


\u^  siècle,  que  les  ceintures  ne  firent  plus  partie  du  vêtement  civil 
des  hommes  nobles  (voy.  Robe).  Elles  furent  au  contraire  de  mise 
pour  les  vêtements  des  femmes  et  d'une  extrême  richesse. 

Celte  ceinture  (fig.  3),  posée  sur  le  ventre,  à  la  hauteur  des 
hanches,  était  croisée  par  derrière,  retombait  à  la  jonction  du  cor- 
sage du  bliaut  ■'  avec  la  jupe.  Là  elle  était  nouée  lâche  et  laissait 


'  Ces   objets    sont   (Iqiosf's  au    iniis;''('    de   Chiny.    Ils   Si)ii(    reproduits   ici    graiKtciir 
(t'exéculion. 

-  Musl'C  du  château  de  C.oni'piègue. 
■*  Vovez  IJmait. 


—     107    —  [   CEINTURE   ] 

pendre  deux  longs  bouts  de  soie  Iressée  K  Couverte  d'une  passemen- 
terie ornée  d'orfèvrerie,  la  ceinture  devenait  souple  au  point  où  le 


3 


£.CU/i:LaUMQZ, 


nœud  devait  être  fait  ;  c'est  ce  qu'explique  la  ligure  4.  C-es  bouts  A 
étaient  composés  de  ganses  de  soie  tressées  ou  juxtaposées,  serrées 


*  Figures  du  portail  liopl  de  lu  eatliédriile  de  Cliarlrcs  ;il  lU  euvirou). 


I    CEINTURE   ]  —    108    — 

de  distance  en  dislance  par  des  bagnes  d'orfèvrerie  B.  Quand  on 
observe  comme  était  fait  le  bliaut,  comme  la  jupe  de  ce  vêtement 
était  retenue  au  corsage,  cette  ceinture  devenait  nécessaire  pour 
dissimuler  la  jonction  de  ces  deux  parties  de  l'habit.  Quelquefois 
elle  ne  consistait  qu'en  une  longue  bande  d'étolïc  très-riche,  comme 
une  sorte  d'écharpe  étroite. 


A  la  fin  du  xn°  siècle,  le  vêtement  civil  des  hommes  se  modifia 
complètement  :  plus  de  robes  longues  à  manches  démesurément 
larges  ;  plus  de  ces  passementeries  entremêlées  de  pierreries.  La 
tunique  ne  descend  que  jusqu'aux  chevilles,  elle  est  à  manches 
étroites  ;  le  bliaut  la  recouvre  parfois,  et  une  ceinture  étroite  ceint 
habituellement  la  taille.  Il  en  est  de  môme  pour  les  femmes,  si  ce 


109  — 


[   CEINTURE   ] 


n'est  que  la  robe  descend  sur  les  pieds  i.  La  figure  5  présente  une 
de  ces  ceintures  d'hommes  nobles,  pendant  la  première  moitié  du 

5 


f,f/M,\ f^i^ 


IZ&^J — 


xui"  siècle.  Sur  la  courroie  sont  rivées  des  plaques  de  métal  doré  ou 
émaillé2,  dont  nous  donnons  un  détail,  grandeur  d'exécution,  en  A, 

>  Voyez,  il  l'arti('le  Bliaut,  la  figure  4. 

'  Statue   (le  Karlonian.  lils   de  Pcpiii  (ahlmyc   de  Suiiil-De  lis)  ;    ligures    sculptées  vers 

1240. 


[   CElNTinK   ]  —   110    — 

el    qui  (Maicnt  dcslinées   h  rmpéclier  celle   courroie,  faile  de  cuir 
souple  ou  même  d'un  lissu  de  soie,  de  se  plisser. 

Pendant  le  cours  des  xni"  el  xiv"  siècles,  les  ceintures  des  vêle- 
ments d'hommes  sont  étroites  et  souvent  garnies  de  plaques  d'orfè- 
vrerie, de  bouts  de  métal  finement  travaillés.  Voici  (fig.  6)  l'un  de 


"S, 


£^c;'££Aaifar. 


ces  bouts,  avec  un  ajour  qui  laissait  voir  TétofTe  ou  le  cuir  coloré  '. 
Cet  objet,  qui  date  du  mv*"  siècle,  est  de  bronze.  La  figure  7  donne 
deux  autres  bouts  de  ceintures  également  de  cuivre.  Tous  deux 
datent  du  commencement  du  xv"  siècle.  Celui  A  est  composé  de  trois 
plaques  de  métal,  la  plaque  de  dessus  faisant  ornement.  La  courroie 


'  Du  musée  de?  fouill.'s  du  chàtL'au  de  Pierrefouils, 


—   MI    —  [   CEIM'LRE   ] 

était,  dans  ces  trois  exemples,  pincée  et  rivée  entre  deux  plaques  i. 
Nos  dessins  étant  reproduits  grandeur  d'exécution,  on  voit  que  ces 
ceintures  étaient  fort  étroites. 


I 


A 


'/M 


Vers    Tannée    i;-}fîO,    les    l'cmnics    iir   [lortaient    de  ceintures  que 

'  Miis.M'  (l.'S  toiiill's  (la  cliAti'au  de  l'icn-cloMils. 


CEINTURE 


112   — 


comme  oi'ncmciit  d'éloll'e  ou  (rorfévrerie,  mais  non  pour  serrer  la 
taille.  Ces  ceintures,  amples,  lâches,  étaient  posées  à  la  hauteur  des 
hanches,  comme  le  serait  une  éch;irpe  tordue.  Il  était  de  mode  alors, 

8 


^A.. 


I 


chez  les  dames  qui  prétendaient  être  bien  mises,  de  faire  saillir  le 
ventre,  et  la  ceinture  tombait  au-dessous  du  nombril.  Aussi  Jehan 
de  3Ieung  éci-ivait-il  en  ces  temps,  dans  son  Testament  ',  les  vers 
suivants  : 

"  De  telles  eu  verras  par  Paris  offrir  maintes. 

"  (jiii  ainsi  com  je  di  sunl  senglées  et  ceintes 

■  D'uces  large;  ceintures,  qui  si  pou  sunt  eslraintes, 

«  Qu'on  ne  cognoist  sovent  les  vuides  des  enceintes. 


«  Toutes  sunt  par  raius  1 ''es,  conihi.,'u  que  maigres  soient  ; 

1  Ne  sa!  qu'elcs  y  boutent,  ne  qu'eles  y  emploient. 

"  Fors  que  viez  peliçons.  si  com  maintes  gons  croient  ; 

»  Tuit  se  sevent,  espoir,  celles  ou  cilz  qui  m'oient. 

'   Le  Tcsloment  de  mnislre  Jrlmn  de  Mciaiff.  ('dit.  de  Méou.  p.  03. 


—    113    —  [   CELMLIŒ    J 

<(  Mt'toDS  iiu'eles  tout  Ijicu,  le  mal  apclirou 

«  Car  cil  denii-chiot,  ou  demi  peliyon 

"  Doul  elcs  siint  bordées  ainsiui'  coin  hrriroii, 

»  Les  gardent  maintes  fois  de  froit  et  de  frirou.  » 

La  figure  8  reproduit  une  de  ces  toilettes  '.  La  ceinture  est  ici  une 
bande  d'étoffe  souple,  tordue.  Cette  mode  persista  avec  quelques 
variantes  jusque  vers  43o0  ;  mais  elle  n'était  point  absolue,  et  sou- 
vent les  femmes  alors  ne  portaient  pas  la  ceinture.  La  robe  de  dessus 
que  présente  notre  vignette  tient  encore    du    bliaut    et    n'est    pas 


J 


'^■OM' 


encore  le  surcot.  Quand  ce  dernier  vêtement  fut  adopté  par  les 
femmes  (voy.  Surcot),  la  ceinture  fut  posée  sous  le  surcot,  mais 
toujours  à  la  hauteur  des  hanches.  Nous  possédons  de  beaux  et 
nombreux  exemples  de  cette  parure  dans  nos  monuments  funéraires 
de  la  seconde  moitié  du  xiv^  siècle.  Parmi  les  plus  complets,  il  faut 
citer  la  statue  d'Ysabel  d'Artois,  lillc  de  Jehan  d'Artois,  comte  d'Eu, 
et  d'Ysabel  de  Melun.  Cette  Ysabel  d'Artois  mourut  en  1379,  et  son 
efligie  est  aujourd'hui  déposée  dans  les  caves  de  l'église  d'Eu,  Gai- 
gnères  l'a  reproduite  avec  les  peintures  qui  ornaient  ses  vêlements. 


'  Du    roniuu   /e*'  Merveilles   du   monde   (première    moi  lié   du    xiv"   sièele],    lîihliolli. 
iiMpér..  li"  S:i!):i. 

111.  —  l.'J. 


i   CEIMLIIK    ] 


ii4 


La  figure  9  montre  comme  est  posée   la  ceinture  d'orfèvrerie  sous 
le  surcot,  à  la  hauteur  des  hanches'. 

Le  port  de  la  ceinture  était,  pour  les  femmes,  une  marque  hono- 
rable, et  pendant  les  xiV  et  xv"  siècles  plusieurs  édits  royaux  défen- 
dirent aux  femmes  de  mauvaise  vie  d'en  porter,  sous  peine  de  la 
prison  et  de  la  confiscation  de  la  parure.  Dans  les  comptes  de  la 
prévôté  de  Paris,  il  est  souvent  question  de  ces  rigueurs  exercées 
contre  les  prostituées.  A  la  date  de  14o9,  on  y  lit,  à  l'article  Forfai- 
tures :  «  Une  ceinture  ferrée  (garnie)  de  boucle,  mordant  et  cloes 
«  d'argent   doré,  pesant  deux  onces    et  demie,  avec  une  surceinle 


^0 


^.A\ 


H  aussi  ferrée  de  boucle,  mordant  et  clos  d'argent  doré,  un  Pater 
«  nosier  de  corail,  tels  quels  à  houtons,  et  un  Agmis  Dei  d'argent, 
«  des  heures  à  femme  telles  quelles,  à  un  fermoir  d'argent  doré,  et 
«  collet  de  satin  fourré  de  menu  vair,  tel  quel,  advenus  au  Roy  nostre 
«  Sire  par  la  confiscation  de  demoiselle  Laurence  de  Villers,  femme 
«  amoureuse,  constituée  prisonnière  pour  le  port  d'icelles,  etc.  -.  » 
Le  surcot  des  femmes  persista  jusqu'à  la  fin  du  xiv^  siècle,  et, 
avec  ce  surcot,  la  ceinture  basse  sur  les  hanches.  Il  fut  même  admis 
dans  les  toilettes  d'apparat,  jusqu'à  la  lin  du  règuc  de  Charles  VI, 
avec  quelques  variantes  dans  la  forme.  Mais,  à  cette  époque,  de 
longues  qu'elles    étaient,  les  tailles  des    femmes    deviennent    Irès- 


'  Voyez  aussi,  dans  réglisc  abbatiale  du  Saiul-Deuis,  les  slaliics  de  Jcaiiae    de    lioiir- 
bon  et  de  Béatrix  de  Bourbon,  laquelle  mourut  en  13S3. 
^  Sauvai,  Antu/uit.   de  la  vU/c  de  Paris,  t.   ill.  ]).   .iliO. 


—    1  I O    —  [   CEINTURE    ] 

courtes  et  sont  serrées  par  de  larges  ceintures  d'or,  de  passemen- 
terie ou  d'orfèvrerie  (fig.  iO)'. 

C'est  à  ces  ceintures  que  les  femmes  suspendaient  de  petits  objets, 
patenôtres,  boursettes,  miroirs,  clefs,  etc. 

Il  est  souvent  question,  dans  les  contes  et  fabliaux,  de  ceintures 
auxquelles  sont  suspendus  des  escarcelles,  des  ècriloires,  des  cou- 
teaux, des  clefs.  Aussi,  quand  on  faisait  cession  pour  dettes,  on  se 
dépouillait  de  sa  ceinture  devant  les  juges  ;  c'était  se  dépouiller  du 
droit  de  propriété. 

Les  inventaires  des  xiv^  et  xv'  siècles  mentionnent  des  ceintures 
très-riches  garnies  de  leur  bourse  :  «  Pour  une  ceinture  et  pour  une 

«  bourse  faite  à  l'aiguille,  d'or   de  Chippre- »  —  «  Pour  une 

«  ceinture  blanche,  ferrée  d'argent »  —  «  Pour  une  fleur  de  lis 

«  et  une  ceinture  d'or  à  rubis  et  à  esmeraudes  ^ «  —  «  Pour 

«  faire  et  forger  pour  ledit  M""  d'Orliens  deux  roses  d'or  fin  et  d'ar- 
«  gent  esmailliées  de  rouge  cler,  et  furent  mises  en  sa  bonne  çain- 

«  ture  à  perles^ »  —  «  Une  ceinture  d'or  pesant  deux  marcs. 

«  trois    onces    quatre    esterlins,    achetée  136  francs    3  sols  6  de- 
<<  niers  " » 

Les  ceintures  elles-mêmes  servaient  de  bourse,  ainsi  que  cela  se 
pratique  encore  chez  les  habitants  de  la  campagne.  Un  conte  du 
xiv^  siècle*^  nous  montre  un  certain  sacrislain  qui  veut  séduire  une 
bourgeoise  et  lui  promet  cent  livres.  La  dame  fait  semblant  d'accep- 
ter, de  complicité  avec  son  mari.  Dès  que  l'église  est  fermée,  atin  de 
se  procurer  la  somme  promise,  le  moine  : 

<' pense  de  sou  affaire, 

«  Puis  cerche  boites  et  armoires 

<i  Et  les  autex  as  seintuaires 

<i  Où  la  gent  ont  l'offrande  mise 

u  Qui  oreut  oï  le  service. 

"  Une  grant  corroie  a  pnijilic, 

«  De  ce  ne  li  menti-il  mie, 

M  Que  bien  cent  livres  u'i  éust; 

(.  Voire  encore  plus,  se  il  pcust, 

"  Eu  i  iMist  voleuliurs  mis.   » 

'  Mss.  des  Chroniques  de  Froissart  (xv»  siècle),  liibliotli.  imiiér. 
-  Comptes  (le  Geo//'roi  de  Fleuri,  l.'il6. 

•'  ma. 

'•  Comptes  (i'Et.  de  la  Fontainr,  13'i2. 

■'  Invent,  de  Louis  d'Orléans,  l'-i^l . 

•"'  Du   Segreiaïn,    moine,    uiauuscr.    fonds   Saiut-Cermaiu.    u"    IS.'Jd.    lîarliazan.    t.  i. 

II.     0/,-) 


[    CEINTURE   ]  —    116   — 

A  dater  de  'i;-530,  les  vèlemenls  civils  des  hommes,  de  larges  el 
amples  qu'ils  étaient  jusqu'alors,  deviennent  étroits,  justes  au  corps, 
el  la  ceinture  n'est  plus  qu'un  ornement  comme  pour  les  vêtements 
des  femmes.  Le  beau  manuscrit  des  statuts  de  l'ordre  du  Saint- 
Esprit  an  droit  désir  ou  du  Nœud  <  nous  montre  comment  les 
gentilshommes  portaient  la    ceinture  à  cette  époque  (fig.  41).  Elle 


I 


11 


\ 


e.  CUILL!\L'kDn 


était  lâche,  posée  à  la  hauteur  des  hanches,  et  il  paraissait  élégant  de 
la  laisser  tomber  plus  d'un  côté  que  de  l'autre.  On  y  pouvait  attacher 
l'escarcelle  et  le  couteau,  mais  cela  ne  se  faisait  point  en  compagnie. 
Un  peu  plus  tard,  de  1370  à  1390,  la  ceinture  est  descendue  au- 
dessous  des  hanches  ;  elle  est  large,  régulièrement  posée  et  tient  au 
justaucorps  (fig.  12).  Il  était  de  bon  ton  alors  d'y  suspendre  le  cou- 
teau à  manche  rond,  sur  le  côté  de  la  cuisse  droite.  Ces  ceintures 
étaient  de  grand  prix,  couvertes  de  pierrei'ies. 

Le  4  avril  1352,  il  est  payé  par  Josseran  de  Mascou,  receveur 
général  de  la  reine,  «  pour  une  ceinture  achatée  et  payée  du  sien, 
«  baillée  à  madame  Jehanne  de  France,  fille  du  roy,  à  présent  royne 
«  de  Navarre,  pour  donner  au  roy  de  Navarre,  son  marry,  le  jour  de 
«  leur  fiançaillc,  700  écus  d'or  »,  somme  considérable  à  cette  époque. 

Les  bourgeoises  rivalisaient,  autant  que  faire  se  pouvait,  avec  les 


1  13o2,  musée  des  Souverains,  au  Louvre. 


—  117  — 


[   CEINTl-RE    ] 


dames  nobles,  en  fait  de  toilette  et  de  joyaux.  Ce  luxe,  malgré  les 
édits  somptuaires,  compromettait  toutes  les  fortunes,  et  les  poètes 
des  XIV"  et  xV  siècles  ne  cessent,  dans  leurs  vers,  de  critiquer  amè- 
rement ces  tendances  de  la  classe  bourgeoise  : 

'(  Mainlenaiit  failli  avoir  abils. 
"  Robes  et  aiiUrcs  ahillciiieiis. 
<<  Verges  d'or,  perles  el  rubis. 
«  Sainctures  dorées,  dvameus. 
"  Menuz  vers  letices  £;ris  blans 


Pour  les  bourgeois,  occupés  de  leur  négoce  et  de  leurs  affaires, 
la  ceinture  était  une  véritable  trousse  à  laquelle  pendaient  couteaux, 


n 


escarcelle,  écritoire,  ustensiles  de  métier  (lig.  13)-.  On  portait  en 
voyage  des  ceintures  de  cuir  qui  pouvaient  contenir  de  l'argent  : 

'(  Dam.'%  fel-il,  f'esl  véril(5, 

'•  Mes  je  vous  ai  ci  apporté. 

K  Ne  sai  ijuaus  deniers  que  j'avoie. 

"  Ataut  li  baille  la  cori'oic, 

•>  Qui  iiioull  csloil  pluinr  et  farsie'^.   » 

Le  goût   des   ceintures    d'orfèvrerie    passa    do    mode,    cbez    les 
liommes,  pour    les    habits    civils,  vers  14!2o,  et  reprit  à  la  lin  du 

'   La  Complainte  douloureuse  du  nouveau  marié. 
*  Romandes  merveilles  du  mo?ide,  l^liO.  Bibliolli.  imprr  ,  n"  8;392. 
^  Conte  de  Constant  Duhamely  vers  ."iSl  et  suiv.  [Fahl.  pA  contes  des  xiir,  xiv  et 
xv<"  siècL's,  6dit.  d'Amsterdam,  1700). 


CKIM'llîK 


—    118 


xve  siècle.  Peiidanl  celle  période,  les  hommes  ne  portaient  que  des 
cordons  de  soie  ou  d'or  pour  serrer  les  robes  à  la  taille.  Les  femmes 
cessèrent  également  de  porter  les  larges  ceintures  que  représente  la 
ligure  iO,  vers  1440  (voy.  Robe),  et  ne  commencèrent  à  reprendre 
ces  joyaux  (jue  vers  les  dernières  années  du  xv°  siècle.  A  cette 
époque,  les  écuyers  tranchants  des  grandes  maisons,  les  maîtres 
d'hôtel,  portaient   des  ceintures  munies  de  trousses,  de    couteaux. 


'Jij. 


Ces  ceintures  étaient  décorées  d'applications  de  métal,  ne  serraient 
pas  la  taille,  mais  tombaient  du  côté  gauche,  n'étant  retenues  au- 
dessus  des  hanches  que  par  un  anneau  pris  dans  une  agrafe.  La 
figure  14  donne  une  de  ces  ceintures*,  qui  date  des  premières 
années  du  xvr  siècle.  En  A,  est  tracé  un  détail,  moitié  d'exécution, 
d'ornements  de  métal  (cuivre  doré)  appliqués  sur  les  courroies  ; 
en  b,  est  un  des  œillets  à  travers  lesquels  passait  l'ardillon  de 
la  boucle  -. 


'  Des  siiJL'ts  l'oudc  tiiissL'   d,'    hi    clùtiii'L'  du  chœur  de    la    callirdrule  d'Auii^us  (luurt  de 
saiol  Jeau-Baptiste). 
-    C.iiliiii  '1  de  r;u:t.,'i;r. 


—    il9   —  [   CHAPEAU   ] 

CHAPEAU,  s.  m.  {capiel,  chapel,  chapelet,  chapiaux,  ciivre- 
cliief).  Le  cliapel,  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  cliaperon, 
s'entendait  comme  couronne  de  métal  ou  de  fleurs,  et  comme 
couvre-chef.  Il  y  avait  dans  les  villes,  et  notamment  à  Paris,  la  con- 
frérie des  fabricants  de  chapels  de  fleurs,  simples  couronnes  portées 
à  l'occasion  de  certaines  cérémonies  et  pendant  les  banquets.  De 
cette  ancienne  industrie  nous  n'avons  conservé  que  le  nom  de  cha- 
peliers, donné  à  nos  faiseurs  de  chapeaux  d'hommes.  Chacun  sait 
que,  pendant  l'antiquité  grecque  et  romaine,  il  était  d'usage  de  se 
couronner  de  fleurs  pendant  les  festins.  Celte  habitude  se  perpétua 
pendant  le  moyen  âge  et  jusqu'à  l'époque  de  la  renaissance.  Alors, 
comme  on  prétendait  remettre  en  honneur  les  usages  des  anciens, 
on  abandonna  celui-ci,  qui  était  une  tradition  non  interrompue  de 
l'antiquité.  C'est  là  une  de  ces  contradictions  comme  on  en  peut 
signaler  un  grand  nombre  à  celte  époque. 

Legrand  d'Aussy,  dans  son  Histoire  de  la  vie  privée  des  Français, 
fait  observer  que  la  coutume  de  se  couronner  de  fleurs  remontait 
à  l'époque  des  Gaulois.  Ceux-ci,  «  pour  montrer  l'assurance  avec 
laquelle  ils  marchaient  au  combat,  et  le  mépris  qu'ils  avaient  de 
la  morl,  ne  portaient,  dit  iElien,  pour  tout  casque,  dans  un  jour 
de  bataille,  qu'une  couronne  de  fleurs  ». 

Dès  l'époque  mérovingienne,  toute  personne  noble  portait  les 
cheveux  longs  ;  les  femmes  se  coiffaient  de  longues  tresses  pen- 
dantes ;  les  hommes  laissaient  tomber  leur  chevelure  à  mi-hauteur 
du  cou.  On  ne  pouvait  se  passer  dès  lors  d'un  cercle  qui  put  main- 
tenir ces  longs  cheveux  et  les  empêcher  de  tomber  sur  les  yeux.  Ces 
couronnes  devenaient  donc  un  accessoire  indispensable,  même  lors- 
qu'on avait  la  lôte  nue,  et  elles  étaient  communes  aux  hommes  et 
aux  femmes.  Dans  le  Roman  du  châtelain  de  Coucy,  écrit  à  la  lin 
du  \n°  siècle,  la  dame  de  Fayel  fait  don  à  son  ami  d'une  couronne 
à  elle  '  : 

»  Mes  un  cuevrcchiet'  i'ailis  (beau)  ay 

«  Listé  (borde)  d'or  que  je  vous  douray, 

«  Et  coissinet  et  bel  et  bon, 

K  De  grosses  pierres  sont  li  bnuloii  : 

Il  Mes  avoir  voel  voslre  fianee  ^. 

<(  Que  le  porteras  sans  faillanee, 

«  N'k  autre  ne  sera  cbangiés.  " 


'   Vers  5133  et  suiv. 

^  Mais  je  veux  que  vous  nie  pruuietlicz. 


[   CIIAPE.U: 


120 


El  plus  turd,  lorsque  le  sire  de  Coucy  a  remporté  le  prix  de  la 
joute,  il  revoit  sa  dame  et  lui  dit  : 

«  Mes  n'en  fusse  venus  k  cliicf  (k  mon  honneur) 

<(  Se  ne  fust  pour  le  cuevrechief 

«  Que  :nc  donnastes  l'aulre  jour 

<i  Avoec  l'otlroy  ilu  vostre  amour'.  » 

Ces  cliapels  étaient  de  véritables  couronnes  ornées  de  pierres 
précieuses,  de  perles  ou  d'émaux  (voy.  Coukomne). 

Quant  aux  cliapels  de  fleurs,  on  les  voit  fréquemment  représentés 
sur  la  tête  des  hommes  et  des  femmes,  dans  les  vignettes  des  manu- 


F.  niiLLntJMar. 


^ 


scrits  et  sur  les  statues  des  xii",  xiii''  et  xiv"  siècles.  Souvent  même 
ces  tleurs  étaient  laites  en  orfèvrerie  et  cousues  sur  un  galon.  Voici 
(lig.  1)  quelques  exemples  de  ces  cliapels-. 

'  Vers  3536  et  suiv. 

2  L'exemple  A  est  pris  sur  une  statue  du  portail  de  l'église  de  Saint-Thibaut  (C6tc- 
d  'Or;,  .Mil"    siècle  ;  l'exemple  1!.  sur  une  statue   d'un  coude  d'Étamiies  {commencement 


—    ni    —  [   CHAPEAU   ] 

Les  femmes  plaraienl  parfois  ces  chapels,  ou  couronnes  de  fleurs, 
sur  les  voiles  de  molesquine  ',  mais  le  plus  souvent  sur  les  cheveux  : 

"  Si  voit  de  la  forest  issir 

«'  Tôt  bêlement  et  à  loisir 

■■   Dusca   .iiij.  .xx.  damoisclcs. 

<•   Ki  cortoises  furent  et  bêles. 

"  S'cstoient  niolt  bien  acesniées  (parées,  ajustées;  ; 

<>  Totes  estoient  desfublées, 

»  Ensi  sans  moelekins  estoient, 

•<  Mais  capeaus  de  roses  avoieut 

'■  En  lor  chiés  mis.  et  d'aigleutijr. 

"  Por  le  plus  doucement  llairier. 

«  Totes  estoient  en  bliaus 

"  Senglés,  por  le  tans  qui  ert  rliaus  -'.  u 

Guillaume  de  Lorris,  voulant  exprimer  comment  il  ne  faut  pas 
tant  lecherciier  le  luxe  dans  les  vêtements  que  la  bonne  grâce,  la 
propreté,  la  distinction,  s'exprime  ainsi  à  propos  de  la  coilïure  : 

H  (/hapel  de  Hors  qui  petit  couste, 

«  Ou  de  roses  à  Penthecouste, 

«  Ice  puet  bien  chascuu  avoir, 

«  Qu'il  u'i  convient  pas  granl  avoir  ^.   » 

Mais  cette  manière  de  coiffure  était  usitée  aussi  lors  des  entrées 
solennelles,  des  processions  : 

«  Bien  sont  vcslus  li  joucvencliiel  : 
>(  Cliascuns  ot  eu  son  ehiefchapiel 
«  De  roses  et  de  flors  diverses. 
Il  Par  nii  les  rues  ol  grans  presses 
«  Des  gens  qui  resgarder  les  vint  '».  » 

Ces  chapels  de  lleurs  étaient  souvent  donnes  à  des  seigneurs, 
à  litre  de  redevances.  «  Les  teneurs  de  la  maison  de  la  Bourvelie 
«  doibvent  un  chapeau  de  boutons  de  roses  à  trois  rangs  '.  »  Dans  le 

du  xiV  siècle)  ;  l'exemple  ('-.  sur  la  peinture  de  la  princesse  Hlanciie,  fille  de  saint  Louis 
(xiii"  siècle),  et  l'exemide  D,  sur  une  vignette  d'un  manuscrit  de  la  tin  du  xiir  siècle  et 
les  vilraux  de  la  cathédrale  de  Chartres. 

I   La  molesquine  était  alors  une  sorte  de  toile  très-line.  cijiimic  uolrc  hatiste. 

-  Le  /ni  du  trot  (xiii"  siècle). 

3  lioman  de  la  rose,  vers  2108  et  suiv. 

*  l\oman  delà  violette,  vers  703  et  suiv. 

"  Comptes  de  Raoul  de  la  l'ortv.  receuew  de  la  seigneurie  de  Vavthenai.  année  1j3o 
(mauuscrit  possédé  jiar  .Mmilcil.  cih'  par    lui  daiis   i/s   mdes  de  snn  lltst.  des  Fiaurais, 

I.  iv,  p.  in;. 

m.  —  IG 


\    CHAPEAU   1  —    122    — 

Roinnn  de  Lancelot,  il  est  dit  «  qu'il  ne  fut  jour  où  Laiicelot,  ou 
i<  hiver  ou  été,  n'eust  au  malin  un  chapel  de  fresclies  roses  sur  la 
«  teste,  fors  seulement  au  vendredi  et  aux  vigiles  de  hautes  fesles.» 

Ces  chapels  de  lleurs  furent  l'origine  de  ces  chapelets  de  perles  ou 
de  pierres  Unes  que  portaient  les  gentilshommes  pour  ceindre  leurs 
cheveux.  De  là  sont  venus  les  lorlils  des  barons,  les  couronnes  des 
comtes,  des  marquis,  des  ducs,  car  il  était  interdit  aux  roturiers  de 
porter  autre  chose  que  des  couronnes  de  lleurs.  Quoi  qu'il  en  soil, 
il  était  toujours  convenable  d'offrir  un  chapel  de  lleurs  à  un  person- 
nage noble,  lorsqu'il  entrait  dans  une  ville  ou  présidait  une  assem- 
blée ;  et  encore,  à  la  tîn  du  xv"  siècle,  les  dames  de  Naples  présen- 
tèrent à  Charles  VIII,  entrant  en  vainqueur  dans  la  ville,  une 
couronne  de  violettes. 

Nous  parlerons  maintenant  des  chapeaux  faits  pour  abriter  la 
tête.  Du  XI'  au  xvie  siècle  la  variété  de  forme  de  ces  couvre-chefs  est 
prodigieuse  ;  depuis  le  pctase  antique  jusqu'au  mortier,  au  bonnet 
de  laine  et  à  la  calotte  hémisphérique,  tout  a  été  successivement  ou 
simultanément  adopté,  et,  bien  que  nous  présentions  ici  un  assez 
grand  nombre  de  ces  chapeaux,  nous  ne  pouvons  espérer  les  donner 


tous.  Dès  le  xr  siècle,  on  voit  apparaître  dans  les  bas-reliefs  et  les 
vignettes  des  manuscrits  le  chapeau  ou  la  calotte  hémisphérique 
sans  rebords,  simultanément  avec  le  chapeau  à  basse  forme  et  petits 
bords  si  fi-é(iuemment  représenté  sur  les  monuments  grecs. 

Un  des  chapiteaux  des  colonnes  engagées  du  bas  côté  sud  de 
l'église  abbatiale  de  Vézelay  (fin  du  xi"  siècle)  représente  une  scène 
singulière.   Un  ménestrel   semble  charmer    un  être  monstrueux   en 


—   'I2B    —  [   CHAPEAU   ] 

sonnant  du  cor.  Ce  personnage  est  coiffé  d'un  chapeau  liéniisphé- 
rique  côtelé  (fig.  2).  Nous  voyons  une  coiffure  analogue  adoptée 
pour  l'une  des  statues  d'hommes  du  portail  Royal  de  la  cathé- 
drale de  Chartres  (xii"  siècle)  (fig.  3).  Ici  les  côtes  se  réunissent  en 
un  joyau  ayant  la  figure  d'une  plaque  semi-circulaire,   placée  sur 


le  front.  Ces  côtes  étaient  faites  d'une  étotfe  plissée  sur  une  calotte 
solide.  Quelques  vitraux  et  vignettes  de  manuscrits  du  xii"  siècle 
présentent  la  même  coiffure  spéciale  aux  hommes.  Des  figures  qui 
datent  de  la  même  époque,  c'est-à-dire  de  1140,  et  qui  sont  sculp- 


J3 


A 


tées  sur  les  bas-reliefs  et  les  voussures  de  la  porte  Sainte-Anne 
de  Notre-Dame  de  Paris,  nous  montrent  trois  autres  formes  de 
chapeaux  (fig.  4).  L'un,  celui  A,  semble  être  fait  en  tricot,  il  est 
orné  de  pointes  saillantes  en  façon  de  petites  pyramides;  le  second, 
B,  est  évidemment  de  paille  ou  de  jonc  ;  le  troisième,  C,  paraît  être 


[    CHAPEAU   ] 


1^1 


feutré.  Personne  n'ignore  que  les  feutres  datent  d'une  époque  très- 
reculée,  et  que  sous  l'empire  romain  il  y  avait  des  feulriers  et  des 
métiers  à  foulons  dans  les  Gaules  '. 

Dans  les  mêmes  sculptures  de  la  porte  Sainte-Anne  de  Notre-Dame 
de  Paris,  mais  refaites  au  xni°  siècle,  les  juifs  sont  représentés  avec 
des  chapeaux  dont  la  coupe    est  donnée   ligure  5,  et  l'apparence 


figure  6.  En  elTet,  h  cette  époque  -,  les  juifs  étaient  tenus,  à  Paris, 
de  porter  des  chapeaux  pointus.  Généralement,  comme  dans  notre 
exemple,  l'extrémité  supérieure  du  feutre  est  repliée  et  rentrée,  en 
partie,  dans  la  base  du  cône.  D'autres  chapeaux,  parmi  ces  sculp- 
tures,  et  de  la  même  époque,  affectent  la  forme  donnée  figure  7. 


y 


Évidemment  ces  coiffures  sont  de  feutre  léger,  souple.  Ces  chapeaux 
étaient  de  couleurs  différentes  ;  ceux  des  juifs  étaient  jaunes.  Le 
clergé  avait  adopté  la  couleur  verte,  et  la  cour  de  Rome  lança  des 
décrets  contre  cette  coutume,  qui  ne  fut  plus  guère  adoptée  que  par 
les  évêques.  11  va  sans  dire  que  la  noblesse  décorait  les  chapeaux  avec 
luxe;  on  les  entourait  de  perles,  de  chaînes,  de  pièces  d'orfèvrerie, 
de  fermaux.  La  forme  de  ces  chapels  s'était  sensiblement  modifiée. 


1  Nous    avons   vu    k    Langres   rr'piliiiihe    d'un    fn//o   sur    ua    ciiipe    qui    pniivail    dater 
il  11  m"  siècle, 
i    120(1  a  li'iO. 


—    i^O    —  [   CIIAPEAL-   ] 

Dès  la  lin  du  xiir  siècle,  on  voit  des  seigneurs  el  des  bourgeois 
coiffés  de  chapeaux  de  feutre,  mous,  à  larges  bords  retroussés,  for- 
mant souvent  une  pointe  par  devant  (fig.  8)  *.  Ces  feutres  se  por- 
taient en  campagne,  par-dessus  le  capuchon  de  l'aumusse,  ou  sur  un 


chaperon  serré  (fig.  9).  Le  chapeau  pouvait  être  arrêté  au  moyen 
d'un  cordonnet  qu'on  nouait  sous  le  menton  (voy.  fig.  8).  Il  était 
plus  ou  moins  haut  de  forme,  et  le  bord  retroussé,  abaissé  devant  les 
yeux,  tenait  lieu  de  visière.  C'est  autour  de  ces  chapeaux  que  les 
gentilshommes  riches  posaient  des  chapelets  de  perles  et  de  pierre- 
ries, ou  des  cercles  d'or  également  garnis  de  pierres  fines,  en  façon 
de  couronnes  -. 

Les  cavaliers  portaient  alors  (seconde  moitié  du  \\n^  siècle),  ou  de 
simples  capuchons,   ou    des  chaperons  assez  semblables  au  pétase 


anliiiue  (fig.  iO)  \  On  voit  parfois  ce  chapeau  placé  derrière  le  dos 
et  retenu  par  son  cordonnet  autour  du  cou. 

'  Vi>n(>l[rs  (lu  niauuscril  les  Miracles   de   la  sainte   Viet-Qi-,   liihlioUi.   du    séminaire 
(le  Soissons  :  De  Girard  qui  s'occit. 
'  Voyez  Couronne. 
^  Apocalypse.  Tiibliiilli.   iniMÔr..  fomls  IVa'Kviis,  n"  7flt.'!. 


[  chapf.au  ]  —  1-6  — 

Le  luxe  des  cliapcls  fui  |ioilé  à  la  dernière  limite  vers  le  milieu 
du  \1Y*  siècle.  Le  continuateur  de  Nangis  dit  qu'en  l'année  1356, 
les  nobles  couvraient  leurs  chapels  et  leurs  ceintures  de  perles,  de 
pierres  fines,  de  diamants,  de  plumes,  si  bien  qu'alors  les  perles 
acquirent  une  valeur  exorbitante.  Dans  les  comptes  d'Etienne  de  la 
Fontaine,  nous  trouvons  cette  description  d'un  chapeau  de  la  reine  *  : 
«  Poui-  un  chapel  d'or  à  4  troches  -  de  perles,  en  chacune  troche 
«  12  perles,  28  pièces  de  rubis  et  ballis,  8  grosses  émeraudes, 
«  5  autres  moiennes,  8  autres  petites  et  8  dyamens  ;  tout  pesant 
«  1  marc  7  onces  o  esterlins.  »  Et  dans  l'inventaire  dressé  en  1353  : 
«  Pour  1  cliapiau  de  bièvre  ^  fourré  d'ermines  semé  de  perles 
<i  d'Orient,  à  un  laz  garny  de  4  boutons  de  perles,  et  y  faut  8  roses 
'<  de  perles,  contenant  chascune  rose  21  perles  et  14  autres  perles...  » 
En  effet,  on  ne  se  contentait  pas  alors  de  chapeaux  de  feutre,  on  en 
faisait  en  fourrures,  en  soie  ou  laine  frisée,  en  velours,  en  orfrois. 
Mais  nous  avons  l'occasion  de  nous  étendre  sur  ces  couvre-chefs  à 
l'article  Coiffure,  d'autant  que,  pour  les  femmes,  ils  s'ajustaient 
avec  les  cheveux. 

Vers  le  milieu  du  wy"  siècle,  les  femmes  en  campagne,  chevau- 
chant, portaient  des  chapeaux  de  feutre  dont  les  larges  bords  étaient 


relevés  derrière  la  tête  et  formaient  visière  devant  les  yeux.  Voici 
(10  bis)  une  de  ces  coiffures  ^  posée  sur  un  voile  recouvrant  les 
cheveux.  La  femme  est  à  cheval  et  accompagne  son  amant. 

Certains  corps  portaient    des  chapels    d'une   forme   particulière, 
indépendamment  du  chaperon  dont  nous  parlerons  tout  à  l'heure. 


t  1.352.  Voyez  Comptes  de  l'argent,  des  rois  de  France,  au  xiv=  siècle,  publ.  d'après 
les  inss.  origin.  par  M.  Douit  d'Arcq  (18ol). 
'^  Tigettes,  brins,  garnis  de  perles  et  de  pierres. 
^  Peau  de  castor. 
'->  D'un  dessus  de  miroir  d'ivoire,  du  xiV  siècle,  collcct.  du  r>Jv.  W.  Snevd. 


—    127    —  [   CHAPEAU   ] 

C'est  ainsi  que  les  massiers,  les  sergents  d'armes  portaient  des  clia- 
peaiix  ou  morliers  faits  en  forme  de  bourrelet  ou  bien  de  toque 
rigide,  assez  semblable  à  celle  que  portent  aujourd'bui  les  juges. 
La  curieuse  pierre  gravée,  autrefois   déposée  dans  l'église  Sainte- 


Catherine  du  Val-des-Écoliers,  à  Paris,  et  aujourd'hui  dans  l'église 
impériale  de  Saint-Denis,  dédiée,  sous  Charles  V,  par  les  sergents 
d"armes,  en  souvenir  de  la  bataille  de  Bouvines,  nous  montre  un  de 


/r 


ces  sergents  massiers  coiffé  d'un  mortier  de  feutre  roide  (lig.  il)  '. 
Au  commencement  du  w"  siècle,  les  hommes  adoptent  le  chapeau 
à  haute  forme  conique  tronqué,  souple,  sans  bords  ou  avec  petit 
bord    légèrement  relevé.  En  A.   la   ligure  12  reproduit  un  de  ces 

1  Ces  pla(iue3  lic-  pu'ire  i;rav6cs  u'out  clé  phicrcs  (lun;<  rrglise  Sain!c-(".allieriiie 
qu'en  1376,  au  nioinont  où  Charles  V  constitua  d'une  manière  ilélinilive  la  confrérie  des 
sergents  d'armes.  Les  vêtements  Iraeéssur  ecs  dalles  sont  eeux  de  la  seconde  moitié  du 
xiye  siècle,  (Voy.la  Mo7Uir/r .  dcl'é^làe  roi/,  de  Saint-  Denis,  pari/  liaron  de  Cuilliermy, 
1848). 


CHAPEAU 


•128 


cliapeaux  sans  boi-ds  portés  par  toutes  les  classes.  Les  gentilshommes 
et  riches  bourgeois  les  ornaient  de  chaînes  ou  de  fermaux  d'or  ou 
d'argent.  En  B  est  donné  un  chapeau  à  petits  bords  porté  habituel- 
lement par  les  gens  de  classe  moyenne.  Ces  chapeaux  à  bords  étaient 
moins  souples  que  les  précédents  ;  ils  sont  généralement  noirs, 
quelquefois  gris.  En  C,  est  tracé  un  chapel  porté  par  les  hommes 
nobles,  lorsqu'ils  chevauchaient  '.  Cette  coiffure  se  composait  d'une 
calotte  de  feutre  on  de  velours  entourée  d'un  bourrelet  de  fourrure  ; 
on  la  portait  armé,  à  la  place  du  heaume,  pour  ne  se  point  fatiguer 
dans  les  marches.  Au  commencement  du  w"  siècle,  entre  autres 
coilfures  -,  les  femmes  portaient  en  campagne  un  chapeau  à  larges 


13 


^<ï^^-fiM 


bords  et  à  plis  rayonnants  (tig.  13),  par-dessus  l'aumussc  d'étolïe. 
Ce  chapeau  était  fait  d'étoffe  légère  sur  une  armature  de  laiton.  Il 
était  maintenu  au  moyen  de  cordonnets  allachés  sous  le  menton  s. 
C'était  un  véritable  parasol,  dont  la  circonférence  un  peu  ovale  était 
plus  développée  sur  le  devant  que  par  derrière.  Mais,  à  la  lin  du 
xv'  siècle,  les  bords  des  chapeaux  des  hommes  deviennent  amples 
et  les  formes  s'abaissent.  Sous  Louis  XI,  on  portait  encore  des  clia- 
peaux dont  la  forme  est  donnée  dans  la  figure  14  \  mais  aussi  avec 
une  apparence   plus  trapue.    Ces  cliapeaux  étaient  le   plus  souvent 


I  l>i'[ir(^sentation  (le  lîciniinl  (rAi'ni;igiuic,  coiiile  île    la  MuitIic  (milieu  du  xv"  siècle), 
Bibliolh.  inipér..  iiis.   du  roi  d'armes  de  Charles  VII,  u"  96."i3. 
*  Voyez  Coikfuhe. 

3  Sculpture  du  château  de  Pierrefouds  (l'iOO). 
''  Sur  uu  coffret  de  cuir  du  musée  de  Cluuy  (secoiide  nmitié  du  xV  siècle). 


—   i29   —  [   CHAPEAU   ] 

faits  d'étofTes.  telles  que  drap  et  velours,  ou  foulés.  Un  peu  plus 
tard,  au  commencement  du  règne  de  Charles  VIII,  les  bords  de  ces 
chapeaux  sont  conservés  et  la  forme  s'abaisse  entièrement  (fig,  15^  ; 
mais  la  partie   tombante  du  bord,  au   lieu  d'être  portée  devant  le 


visage,  est  rejetée  sur  le  côté  gauche,  et  c'est  la  partie  A  qui  se  pré- 
sente au-dessus  du  front.  Dès  lors  ce  chapeau,  très-élégant,  quoique 
ne  garantissant  guère  la  face,  a  l'apparence  que  donne  la  ligure  16. 


J\ 


Les  seigneurs  le  doublaient  de  fourrures  précieuses  et  le  couvraient 
de  plumes  d"autruche.  La  partie  relevée  du  bord  était  ornée  de 
quebjue  riche  joyau  '.  Les  pages,  les  varlets,  les  écuyers,  portaient 
des  chapeaux  à  plus  petits  bords,  également  relevés  tout  autour  de  la 

'  Minjuscril  (lu  Livre  des  lownoù,  niblio'.li.  iiniirr..  ii»  8:].jI,  rnil  cl  |i(;iiit  pur  ordre 
d(.'  Louis  de  lirugos.  piiur  ("Irc  olVcrt  ii  Cluirlcs  Vlil. 


m. 


n 


[  (;iiai'i;au  ]  —  loO  — 

forme,  el,  à  certaines  occasions  solennelles,  les  princes  prenaient 
pour  coiffure  un  chapeau  à  très-larges  bords  tombants,  en  façon  de 
campanule  (fig.  17  .  Ces  bords  étaient  faits  de  brins  de  plumes  re- 
couverts, à  l'attache,  de  duvet.  La  calotte  était  de  velours,  ainsi  que 
les   bords  sous  la  plume  '.  Nous  pourrions  donner  un  plus  grand 


i 


nombre  d'exemples  de  ces  chapeaux,  si  variés  de  forme  pendant 
les  xiV  et  xv°  siècles;  mais  ce  serait  entrer  dans  de  trop  longs 
développements.  Sous  Louis  XII,  au  contraire,  le  chapeau  varie  peu. 
Il  est  habituellement  fait  de  feutre,  à  bords  assez  larges,  régulière- 


ment et  légèrement  relevés,  avec  calotte  hémisphérique.  Une  longue 
plume  tombe  par  derrière  (fig.  18).  On  le  posait  de  côté  pour  laisser 
voir  la  chevelure,  que  les  élégants  portaient  longue  et  lisse  sur 
le  dessus  de  la  tète,  très-peu  frisée  sur  le  cou.  Cette  mode  persista 
jusque  sous  le  règne  de  François  I". 


'  MauusiT.  (lu  Livre  des  iuununs. 


—    loi    —  [    CHAPERON    ] 

Parmi  les  prélats,  les  cardinaux  étaienl  les  seuls  qui  eussent  con- 
servé le  chapeau  à  bords  jusqu'au  xV  siècle.  Les  évêques,  les  cha- 
noines et  les  curés,  à  la  ville,  portaient  la  barrette  sur  la  cape,  ou  la 
barrette  avec  le  capuchon  de  la  cape  renversé.  Les  chapeaux  des 
cardinaux  à  basse  forme,  au  xni°  siècle,  et  à  larges  bords  circulaires 
un  peu  rabattus  tout  autour  ',  furent  maintenus  pendant  le  xiv^  siècle 
et  le  commencement  du  xv°:  mais,  vers  1430,  les  bords  de  ces  cha- 


v^lfi|fe^ 


peaux  sont  exactement  façonnés  suivant  un  plan  droit;  puis,  vers  le 
milieu  du  xv^  siècle,  ces  bords  se  relèvent  légèrement  au  pourtour 
(fig.  19).  2  A  la  fin  du  xv^  siècle,  les  bords  du  chapeau  reprennent 
le  plan  droit,  et  les  cordons  se  garnissent  d'un  certain  nombre  de 
glands  posés  l'un  sur  l'autre  en  losange:  1,  2,  3,  4  et  o;  ce  qui  fait 
quinze  houppes  ou  glands  pour  chaque  cordon.  De  fait,  à  dater  de 
cette  époque,  le  chapeau  de  cardinal,  jadis  chapeau  de  cavalier,  ne 
fut  plus  qu'une  marque  honorifique,  et  n'était  placé  sur  la  tête  que 
dans  des  occasions  solennelles,  fort  rares.  Aujourd'hui  ce  chapeau 
n'est  plus  qu'un  rond  de  carton  recouvert  de  tatîetas  rouge. 

CHAPERON,  s.  m.  {cappron).  Le  mot  indique  l'origine  de  cette 
coilîure  :  c'est  une  petite  cape,  une  aumusse  qui,  par  suite  des 
transformations  de  la  mode,  de  capuchon  devient  un  des  bonnets 
les  plus  singuliers  qu'on  ait  pu  imaginer,  et  cela  naturellement, 
sans  qu'il  y  ait  eu  recherche  de  l'étrangeté.  C'est  là  l'histoire  de  la 
plupart  des  vêtements,  qui  semblent  s'éloigner  de  leur  forme  origi- 
nelle par  la  destination  nouvelle  et  plus  commode  que  l'usage 
impose    à  leur    premier  emploi.   Il   n'est  aucun  de   nos  vêtements 

i  Voyez  Capk.  lit,',  '.t. 

-  Voyez  la  vigiiclle  reprc-sentaut  la   innrl  de   Robert  (de  Genève)  d:uis  le  inamisnil  lie 
Froissart,  Ilildidlli.  iiniirr  ,  fniids  ("oIIumI.  ii"  S:]23. 


CHAPERON   ] 


—   132    — 


modernes  au(|iiel  on  ne   puisse   trouver  une  origine,  souvent    Irès- 
éloignée  delà  forme  dernière. 

On  a  vu  que  les  hommes  et  les  femmes  de  toutes  classes  avaient 
adopté,  dès  une  époque  très- ancienne,  le  petit  mantel  à  capuchon, 
Taumusse,  la  cape  fermée  par  devant.  Au  xn"  siècle,  les  deux  sexes 
portaient  sur  la  tête  et  les  épaules  un  vêtement  dont  l'origine  se 
i-etrouve  dans  les  monuments  gallo-romains,  et  qui  avait  la  forme 
présentée  en  A  dans  la  figure  1. 


Ce  vêtement  (petite  cape)  était  fait  en  façon  d'entonnoir,  avec  une 
ouverture  en  B  pour  laisser  passer  le  visage.  Toute  la  partie  com- 
prise entre  B  et  C  se  plissait  sur  le  cou,  et  l'extrémité  de  C  en  D 
couvrait  les  épaules,  ainsi  que  la  moitié  des  bras.  Porté,  ce  vête- 
ment de  tête  avait  l'apparence  donnée  en  G.  Il  était  excellent  pour 
se  préserver  de  la  |)luie  ou  des  frimas  ;  mais  du  moment  qu'il  sem- 
blait trop  chaud,  ou  que  la  pluie  venait  à  cesser,  on  l'enlevait.  Qu'en 
faire?  On  le  jetait  sur  l'épaule  ou  autour  du  cou.  Mais  il  fallait  se 
garantir  du  soleil  au  besoin,  se  couvrir  la  tête,  en  bien  des  occa- 
sions, sans  calfeutrer  ainsi  le  cou  et  les  épaules:  et  comme  les  cava- 
liers ou  les  piétons  ne  pouvaient  porter  un  couvre-chef  de  rechange, 
ils  posaient  ce  vêtement  replié  sur  la  tête,  et,  afin  que  le  chaperon 


—  133  — 


[   CHAPERON    ] 


ne  tombai  pas,  l'ouverture  B  emboutissait  le  sommet  du  crâne.  Il 
va  sans  dire  que  le  vent  ou  les  mouvements  dérangeaient  ces  plis  ; 
que  les  deux  extrémités  tombaient  de  droite  et  de  gauche  :  pour 
éviter  cet  inconvénient,  on  repliait  l'extrémité  ab  sur  le  sommet  de 
la  tête:  la  partie  inférieure  BD,  tordue,  était  enroulée,  et  l'extré- 
mité de  la  chape  tombait  sur  l'oreille. 

l 


a- 


A 


15 


Une  figure  est  nécessaire  pour  expliquer  cette  manière  de  poser 
le  chaperon.  En  A  (fig.  2),  on  voit  comment  l'ouverture  moyenne 
du  chaperon  enveloppe  le  sommet  du  crâne.  En  o ,  l'extrémité 
pointue  du  chaperon  est  repliée  ;  puis  l'autre  partie  inférieure, 
tordue,  enveloppe  en  hc  la  tête,  forme  nœud  de  manière  à  tomber 
en  A.  Si  l'on  remonte  la  torsade  hc  autour  du  front,  et  qu'on  tire 
sur  l'extrémité  d,  on  obtient  la  coilïure  B.  Or,  celte  coitTure  est 
exactement  copiée  sur  l'une  des  têtes,  de  grandeur  naturelle,  qui 
portent  la  corniche  supérieure  de  l'église  Saint-Nazaire  de  Carcas- 
sonne  (1320).  C'est  là  le  chaperon  dans  sa  transformation  primitive, 
et  cette  transformation,  ou  plutôt  cette  façon  particulière  de  poser 
le  chaperon  esl  déjà  adopt.ée  au  xni"  siècle.  Dans  le  Roman  de  Garm 
le  Loherain  ',  on  lit  ces  vers  : 

»  Jusqu'il  lu  siiUc  ne  liuu,  si  i  \iiil. 

«  Poi"  desconoistre  ot  son  chaiicrou  mis.  " 


1   Kiiil.  (lu  M.  I'.  Paris,  l.  Il,  p.   -rM;;  Tccliciicr,  IS.'iS. 


[  ciiAPr.noN  j 


-   131 


Pour  ne  pas  élro  recoumi.  Rigaud  met  son  chaperon  ;  il  était 
facile,  en  eiïet,  de  se  cacher  le  visage  derrière  la  partie  tombante 
de  rextrémité  du  chaperon,  en  le  posant  comme  le  montre  notre 
dernière  figure,  tandis  que  cela  n'eût  pas  été  possible  en  s  afTublant 
du  chaperon,  comme  le  marque  la  figure  i.  Ces  chaperons  étaient 
habituellement  alors  faits  de  drap  et  même  de  soie. 

C'est  au  commencement  du  xiV  siècle  que  la  mode  de  porter 
ainsi  les  chaperons  devint  générale,  non-seulement  parmi  les  nobles, 


mais  chez  les  bourgeois.  Cette  coitTure  était,  comme  il  est  dit  plus 
haut,  commune  aux  hommes  et  aux  femmes;  mais  les  hommes 
seulement  posaient  le  chaperon  sur  le  sommet  de  la  tête,  ainsi  que 
le  montre  la  ligure  2  en  B.  Pour  les  femmes,  cette  façon  de  coiffui^e 
eût  dérangé  absolument  l'économie  de  la  chevelure,  elle  ne  fut  pas 
suivie  ;  les  dames  nobles  ou  bourgeoises  portaient  le  chaperon  en 
manière  d'aumusse,  ou  autour  du  cou  ou  sous  un  chapeau. 
La  figure  3  nous  montre  une  noble  dame  portant  le  chaperon  sur 


—    13o    —  [   CHAPERON    J 

les  épaules,  comme  une  écbarpe  ;  la  figure  4,  un  genlilhomme 
ayanl  le  chaperon  posé  comme  Taumusse,  mais  le  capuchon 
rabaltu.  ' 

r 


C,:... 


Pendant  toute  la  premièi'e  moitié  du  xiv"  siècle,  le  chaperon  des 
hommes  était  à  plusieurs  fins  :  on  le  plaçait  de  manière  à  envelop- 
per la  tète  et  les  épaules  (fig.  1),  ou  de  façon  à  ne  couvrir  que  les 
épaules  (fig.  4),  ou  bien  on  en  faisait  un  ])onnel  en  forme  de  turban, 
ainsi  que  le  montre  la  figure  ^2.  Cependant,  vers  la  lin  de  celle 
période,  les  élégants  sXforçaient  de  donner  au  chaperon-lurban 
une  tournure  de  plus  en  plus  étrange,  et  qui,  parmi  le  beau  monde, 
prenait  une  ampleur  démesurée.  C'est  toujours  le  principe  indiqué 
figure  2  ;  mais,  au  lieu  de  faire  un  seul  tour,  la  queue  du  chaperon  en 
fait  deux  et  même  trois  autour  du  crâne.  Cette  queue  est  alors 
démcsurémcnl    longue.    Des  vignettes   de   inanusciits    de   la  \'m  du 


•  Muuuacr.  (le  Luncclvt  du  Z,c<c  (xiv«  siècle),  I.  Il,  HihlioUi.  iiiiiicr.,  u»  G"!).'!. 


[    CHAPEItON-    ] 


—    186    — 


xiv"=  siècle  reproduisenl  des  personnages  coiffés  de  chaperons  d'une 
excessive  ampleur  (tig.  o)  '. 

Il  faut  dire   que  jamais  coiffure  ne  se  prêta  à  des    formes    plus 
variées.  Ainsi  le  beau  manuscrit  de  Térence,  de  la  bibliothèque  de 


S 


c 


c 


l'Arsenal-,  renferme  des  vignettes  dans  lesquelles  quelques  person- 
nages portent  le  chaperon  de  manières  très-diverses.  L'un  est  affublé 
du  chaperon  avec  chapeau  de  fourrure  par-dessus  (tig.  (i).  Celui-ci 


£.jj'-i.-'ii".jr^ 


(fig.  7)  a  posé  l'ouverture  moyenne  du  chaperon  sur  son  chef,  fai- 
sant simplement  retomber  l'extrémité  inférieure  d'un  côté,  la  pointe 
étant  cachée  sous  l'amas  de  plis  que  forme  cette  extrémité.  Un  troi- 
sième n'a  pas  tenu  compte  de  cette  ouverture  moyenne  et  a  noué  le 


'   Maïuiscr.  de  l.'i'K),  Hl'uit?;.  liihliolh.  iniiirr. 
-  Moitir  ilii   xiV  sircle. 


—    \>}'î    —  [   CHAPEItO.N    J 

cliaperon  autour  de  sa  têle  (fig.  8),  en  accuraulunl  sur  le  sommet  du 
eràne  les  plis  de  rexlrémité  en  manière  de  crête  de  coq. 

La  ligure  5  nous  fait  voir  comme,  à  la  fin  du  xiv^  siècle,  le  cha- 
peron s'était  développé.  Il  avait  alors,  déplié,  au  moins  !:2  mètres  de 
longueur.  La  mode  d'enrouler  toute  cette  étofïe  autour  de  la  tète 
passa,  mais  la  longueur  du  cliaperon  ne  lit  qu'augmenter.  De  1400 
à  1430,  on  laissait  pendre  une  partie  considérable  de  la  queue  du 
chaperon  sur  ie  côté,  par-dessus  le  bourrelet  formé  par  un  seul  tour 


de  l'étolîe.  Alors,  l'ouverture  moyenne  du  chaperon,  au  lieu  d'èlre 
percée  près  de  l'extrémité  de  la  pointe,  comme  dans  la  ligure  1,  était 
laissée  près  de  l'extrémité  ample  inférieure,  de  telle  sorte  que,  si  l'on 
s'affublait  du  chaperon,  une  longue  bande  d'étoffe  tombait  derrière  le 
dos  jusqu'aux  talons.  Mais,  si  l'on  posait  le  chaperon  en  bonnet,  sur 
le  sommet  de  la  tête,  en  faisant  pénétrer  le  crâne  dans  l'ouverture,  ce 
chaperon  se  présentait  ainsi  qu'il  est  indiqué  en  A  (fig.  9j'.  Alors, 
ou  bien  on  enroulait  cette  longue  pointe  autour  du  cou,  ainsi  qu'il 
est  tracé  en  B  -,  ou  bien,  en  suivant  la  mode  précédemment  expli- 
quée, on  enroulait  partie  de  cette  •  pointe  autour  de  la  tête,  et  on 
laissait  tomber  son  extrémité  du  côté  opposé  à  la  crête  formée  par 
les  plis  de  la  partie  inférieure  (voy.  en  C)  '\  Un  peu  plus  tard,  le 
chaperon  fut  façonné  d'une  manière  fixe,  c'est-à-dire  qu'on  ne 
pouvait  plus  le  disposer  à  sa  guise,  en  faire  une  aumusse,  une 
écharpe,  un  bonnet;  le  chaperon,  tout  en  conservant  celte  dei'nière 


'  Manuscr.  des  Qirou.   de  Froissart  (xv''  siècle^,  lîililiolli.  imiic'r. 

*  l/jùl. 

•*  M&s.  dr  la  liiljlioUi.  de  la  ville  de  liiiueii  (.W'  sièide),  iiiaicliauds 


m.  -  18 


[   CHAPERON    ] 


—   i38   — 


forme,  se  composait  d'une  sorte  de  bourrelet  uni  sans  plis,  d'une 
crête  et  d'une  longue  queue.  On  le  pouvait  ôler  ou  mettre  comme 


ao/LLHLm/r. 


un  chapeau.  Tels  sont  les  chaperons  adoptés  au  milieu  du  xv''  siècle 
par  la  noblesse  et  la  bourgeoisie.  Tel   est  le  chaperon  que  porte, 


—  1,39  —  [  r:HAPEno>'  ] 

clans  son  grnnd    costume    de  Tordre  de  la  Toison  d'or,  le  duc  de 
Bourgogne,  Philippe  le  Bon  (fig.  10)*. 


10 


'^°''A/)o 


Pendant  le  xiv'  siècle,  ces  ctiaperons  (Maient  souvent  déchiquelés 

'   Çalnuct  des  dessins  et  eslaiii]  es,  liiljliulli.  iiiipér, 


[   CHAPERON   ]  —    140   — 

par  le  bas,  fourrés  d'hermines    ou   de  iiieim  vair,  faits  de  velours 
et  d'étofïe  de  soie  :  «   Pour    un    chaperon  pendant,  40  ventres  et 

«  8  ventres  pour  pourlllez  i  » «  Pour  120  ventres  de  menu  vair 

«  à  fourrer  2  chaperons  pendans,  de  broderie  à  perles,  pour  mes- 
«  dites  dames  Marie  et  madame  Isabel  de  France-.  »  Ils  étaient 
brodés  de  perles  et  de  figures,  le  tout  d'une  excessive  richesse  : 
«  Pour  un  chaperon  de  deux  escarlattes%  brodé  à  plusieurs  et 
«  divers  ouvraiges  de  perles  grosses  et  menues,  fait  et  délivré  pour 
«  ledit  seigneur  (le  Dauphin),  et  mis  en  ses  garnisons,  avec  le  seur- 
((  cot  prins  cy-dessus,  c'est  assavoir  :  le  champ  brodé  de  44  arbre- 
«  ciaux  à  grans  touffes  de  feuillaiges  de  brodeure,  dont  les  tiges 
'(  sont  de  grosses  perles,  à  un  pymart  ^  de  broderie  d'or  nue  sur 
«  chascune  lige,  et  le  tour  dudit  cbaperon  brodé  à  une  roe  d'une 
«  orbevoie  à  4  chapiteaux,  tout  de  perles  grosses  et  menues,  es 
«  quelx  chapiteaux  à  hommes  sauvages  de  brodeure  montez  sur 
((  diverses  bestes;  et  en  'a  poitrine,  devant,  a  un  chastel  de  perles 
«  grosses  et  menues,  duquel  issent  damoiselles  montées  sur  autres 
«  bestes  diverses,  qui  jouslent  aus  hommes  sauvages  ;  et  est  le 
«  champ  dudit  chaperon  partout  semé  et  cointé  de  perles,  par 
«  manière  de  grainnes  desdits  arbreciaux.  Pour  l'escarlatte  perles, 

f<  or  de  Chippre,  brodeure  et  façon,  pour  tout,  o89  1.  16  s.  p.  ^ » 

—  «  Pour  3  chaperons  brodés  à  perles,  l'un  du  pris  de  150  esciiz, 
«  le  2"  du  pris  de  133  escuz,  et  le  tiers  du  pris  de  80  escuz  ;  pour 
«  tout,  escuz  pièce  à  16  s.  p.,  valeur  290  1.  8  s.  p.".  » 

On  sait  que  les  Parisiens  adoptèrent,  après  la  bataille  de  Poitiers, 
un  chaperon  mi-partie  de  drap  rouge  et  pers.  A  ces  chaperons  ils 
ajoutèrent  une  agrafe  d'argent  mi-partie  vermeil  et  azur,  avec  cette 
devise  :  «  A  bonne  fin.  «  Sous  ces  chaperons,  pendant  le  xiv"  siècle,  on 
portait  une  coilïe,  sorte  de  serre-léte  tenant  la  chevelure  enfermée, 
fort  usité  parmi  les  laïques  pendant  les  xni"  et  xiv«  siècles.  Notre 
figure  2  montre,  en  effet,  une  coiffe  sous  le  chaperon.  Lorsque 
Charles  V  reçut  à  Paris  l'empereur  Charles  de  Luxembourg,  il  mit, 
en  entrant  dans  la  salle,  la  main  à  son  chaperon  comme  pour  l'ùler; 

\  Compte  de  Geo ff roi  de  Fleuri  (1310). 

2  Compte  d'Etienne  de  In  Fontaine  (13o2). 

3  L'escarlatte  était  un  drap  d'un  prix  très-élevé,  variant  de  10  à  ."iO  sols  l'aiini'.  envi- 
ron un  marc  d'argent.  Le  marc  d'argent  contenait  43  s.  2  d.  2/o  parisis. 

*  Un  pivert  (oiseau). 

^  Com/ite  d'Etienne  de   la  Fontaine,    V.Y.'yl  (voy.  Comptes  de   l'argeiiterie  des  rois 
de  France  au  \i\'  siècle,  puhl.  par  L.  Doui-t  d'Arcq,  IS'il). 
fi  lijid. 


141  — 


[   CHAPERON   ] 


rempereur  Ten  voulant  emp(}clier,  le  roi  lui  répondit  qu'il  voulait 
K  encore  lui  montrer  sa  coiiïe  ».  Ces  coifïes  étaient  de  même  cou- 
leur que  le  chaperon.  En  1411,  les  Parisiens  renouvelèrent  la 
faction  des  chaperons  :  «  En  ce  temps  prindrent  ceulx  de  Paris 
«  chaperons  de  drap  pers'.  »  En  1413,  on  les  voulut  avoir  blancs  : 
«  Et  en  cedit  moys  de  mai  print  la  ville  chapperons  blancs,  et  firent 
«  bien  faire  de  trois  à  quatre  mille,  et  en  print  le  Roy  ung,  et 
«  Guienne  et  Berry,  et  Bourgongne,  et  avant  que  la  fin  du  moys 
«  fust,  tant  en  avoit  à  Paris  que  tout  partout  vous  ne  vissiez  gueres 
<(  autres  chapperons,  et  en  prindrent  hommes  d'églises,  et  femmes 
<(  d'onneur,  marchandes  qui  à  tout  vendaient  les  denrées 3.  » 


Ces  chaperons  étaient,  de  fait,  une  coifi'iire  fort  gènanle,  aussi 
s'en  débarrassait-on  souvent.  Tant  qu'il  fallut  les  dresser  sur  la  tête, 
si  l'on  voulait  s'en  débarrasser,  l'économie  de  cette  coifl'urc  était 
naturellement  dérangée  ;  on  posait  alors  le  chaperon  sur  l'épaule  ou 
autour  du  cou.  Même  lorsque  les  chaperons  furent  montés,  c'est-à- 
dire  cousus  et  disposés  de  manière  à  èli-e  mis  et  ôtés    comme  uu 


'  Journal  d\n  bourgeois  de  Paris  sous  le  règne  (h'    Charles  VI  [Coll.   des  mé)n., 
t.   II,  \^.  «:):!). 
"  Ibid.,  \\.  (iin. 


[  CHASUBLE  ]  —   I4i>  — 

chapeau,  riiabitiide  de  les  poiier  sui'  l"épaiile  se  conserva.  Mnns- 
Irelet  rapporte  (jue,  quand  le  duc  de  Bourgogne  entra  dans  la  ville 
de  Gand,  le  bâtard  d'Armagnac  était  à  cheval,  près  de  lui,  «  le  cha- 
peron sur  l'épaule  ». 

Voici  (fig.  11)  deux  personnages  s'accostant,  ainsi  représentés  ^  : 
«  Et  fit    manière    de   mettre    son    chaperon    qui    sur    son    épaule 

«  estoit- »  Lorsque  le  chaperon  était  posé  ainsi,  retourné,  sur 

l'épaule,  pour  le  maintenir,  la  queue  était  enroulée  autour  du  cou, 
ainsi  que  le  fait  voir  notre  figure. 

Les  gens  du  parlement,  les  avocats,  les  ecclésiastiques,  portaient 
des  chaperons  fourrés  ;  aussi  les  désignait-on  ainsi.  Quand  du  Gues- 
clin  réclame  de  Charles  V  des  secours  en  argent,  le  roi  cherche  à  lui 
faire  entendre  qu'il  ne  peut  lever  de  grandes  sommes  dans  le  royaume 
sans  fouler  ses  sujets  :  «  Hé  sire,  reprend  du  Guesclin,  que  ne  faites 
«  vous  saillir  ces  deniers  de  ces  gros  chaperons  fourrez,  c'est  assa- 
«  voir  prélats  et  avocats,  qui  sont  des  mangeurs  de  chrétiens  ^  » 

Dans  les  Cent  Nouvelles,  il  est  question  «  d'ung  chaperon  fourré 
«  du  parlement  de  Paris ^  ».  En  caaipagne,  les  hommes  d'armes 
portaient  le  chaperon  en  place  du  heaume  ou  bacinet,  qu'on  ne 
mettait  qu'au  moment  de  combattre.  Jeanne  Darc  portait  Thabit 
d'homme  et  le  chaperon  déchiqueté  ^  C'est  sous  le  règne  de  Louis  XI 
que  celte  coitïure  cessa  d'être  portée,  si  ce  n'est  par  les  gens  de 
robe.  Sous  Charles  VIII,  les  vieilles  gens  même  ne  portaient  plus 
le  chaperon,  qui  était  remplacé  par  la  coiffe  et  le  chapeau. 

CHASUBLE,  s.  f.  Vêtement  sacerdotal  {casula).  C'est,  dit  Guil- 
laume Durand,  la  parva  casa  ^  l'habit  fermé  auquel  les  Grecs  avaient 
donné  le  nom  de  TrXav/ja.  et  qui,  dans  la  primitive  Église,  peut  être 
confondu  avec  la  cape  (voy.  ce  mot).  Originairement,  en  elïet,  la 
chasuble  est  un  vêtement  complètement  cii'culaire,  percé  d'un  trou 
au  centre,  pour  passer  la  tête  (fig.  1).  Porté,  ce  vêtement  alïectait 
l'apparence  présentée  dans  la  figure  2  de  l'article  Chape. 

Quelques  auteurs  ont  prétendu  que  la  chasulde  primitive  traînait 
h  terre.  Aucun  monument  ne  peut  faire  admettre  cette  hypothèse. 
«  Comme  une  petite  maison,  elle  couvrait  entièrement  l'homme  », 

1  Ms.  fies  C.hron.  de  Froissail,   xv  siècle,  Bililiutli.  imper.,  fouds    Colbert,  u»   8:i23. 

-  Cent  Novv.  ?iomd.,  nouvelle  XXXII. 

•'  Méni.  sur  Bertr.  du  Guesclin  ÇCol/.  des  mém.,  t.  I,  p.   066).  ' 

''  La  Dame  à  trois  maris,  nouv.  LXVII. 

o  Jdurnnl  d'vn  bourgeois  de  Paris  sous  Cliarlcs  VU  [Coll.  des  mém..  t.  111.  p.  264). 

6  nationale,  lilj.  I.  vn\\.  vu. 


—    143    —  [   CHASUBLE   ] 

dit  saint  Isidore  de  Séville*;  mais  elle  ne  descendait  pas  au-dessous 
des  chevilles.  Pour  faire  usage  de  ses  bras,  le  porteur  de  la  chasuble 
relevait  les  deux  côtés  du  vêtement  au-dessus  des  poignets,  de  manière 


à  former  de  nombreux  plis  latéraux  ;  mais  la  gêne  que  ces  plis  épais 
devaient  causer  aux  mouvements  lit  que,  dès  le  xi"  siècle,  on  échancra 
un  peu  la  chasuble  sur  les  deux  côtés  correspondant  aux  bras,  et 
(pi'au  lieu  d'être  ronde,  elle  devint  ovale  (lig.  2).  On  ne  voulait  pas 


toutefois  l'ouvrir  entièrement,  à  cause  de  la  tradition  attachée  à  cette 
robe  :  «  Et  parce  que  la  chasuble  est  l'unique  vêtement  de  son 
«  espèce  »,  dit  Guillaume  Durand  ;  «  entière  et  fermée  de  toutes 
<<  parts,  elle  signiiie  l'unité  de  la  foi  et  son  intégrité-.  »  Il  semble- 
rait que,  pendant  les  x°  et  xi*  siècles,  il  y  eût  de  l'hésitation  dans  la 
façon  de  tailler  la  chasuble.  Quelques  monuments  de  ces  époques  la 
représentent  plus  courte  par  devant  que  par  derrière.  Et  bien  qu'on 
ne  puisse  pas  toujours  s'en  rapporter  aux  représentations  grossières 
de   ce  temps,  cependant    elles    exagèrent    plutôt   certaines    dispo- 

'  "  Quia  iuslar  parvœ  casiP,  totuiii  lioiniujiii  tcgebat.  » 
-  lialiojiale,  lib.  I,  ('ap.   vu. 


[   CîlASLBLE   ]  __    144    _ 

Sillons  des  vêlements  qu'elles  ne  les  dissimiilenl.  La  figure  3  repré- 
senle  un    évèque  porleur  d'une    chasuble    évidemment  plus  courle 
devant  que   derrière  ».    Une    large    broderie,    ou    peut-être  ramirl 
poartourne  l'ouverture  du  cou.  Le  bord    inférieur    de    la  chasuble 


1 
J 


ffiiwïi;  û7  i^iL^a 


est  également  garni  d'un  riche  galon.  Un  autre  exemple  tiré  de  la 
tapisserie  de  Baveux,  attribuée  à  la  reine  Mathilde,  mais  d'une 
époque  un  peu  plus  récente,  comme  on  sait,  nous  montre  l'arche- 
vêque Stigant  revêtu  d'une  chasuble  très-courte  sur  le  devant  et 
tombant,  par  derrière,  à  la  hauteur  des  jarrets.  Sur  la  chasuble  est 

'   Conuncnt.  llmnunis  epmopi.  l;il,Iio(l,.  i,n,,rr..  fonds  Saiut-Gcn.min  lalin.  u»  ;]n.j. 


—  14o 


CIlASLltLF. 


posé  le  pallium  (lig.  4).  AdmeUons  que  celte  forme  ail  été  suivie, 
pendant  les  x"^  et  xi^  siècles,  dans  quelques  diocèses;  car  il  faut  dire 
(|u'aloi's  il  régnait  une  certaine  anarchie  dans  la  coupe  des  vêtements 
épiscopaux.  On  revint,  pendant  le  xn°  siècle,  à  la  chasuble  égale- 
ment tombante  par  devant  et  par  derrière.  Indépendamment  des 
peintures  el  des  bas-reliefs  de  celte  époque,  qui  ne  peuvent,  à  cet 
égard,  laisser  subsister    le    moindre  doute,  nous  possédons  encore 


STIGANT 


ipiehjues-unes  de  ces  chasubles;  el,  entre  autres,  celle  de  saint 
Thomas  Beckel,  déposée  dans  le  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens.  Ce 
vêtement  aulhentiiiue  n'est  plus  la  planète  ronde,  ni  même  ovale  de 
la  primitive  Église  ;  il  est  coupé  en  forme  de  large  entonnoir,  alin  de 
donner  sur  les  bras  un  amas  moins  considérable  de  plis.  La  ligure  5 
Itrésente  en  A  la  chasuble  de  saint  Thomas  Beckel  par  devant,  et  en 
I)  par  derrière.  Coupée  dans  une  élolîe  de  soie  violet  très-sombrc, 
elle  est  décorée  par  devant  d(î  broderies  d'or  faites  à  la  main, 
représentant  deux  séraphins  sur  la  poitrine  et  des  rinceaux  à  la 
hauteur  des  clavicules.  Sur  le  dos,  il  existe  de  même  un  bel  orne- 
iiit'jit  brodé  en  or.  Des  galons  récents,  mais  qui  remplacent  l'an- 
ciennc  passementerie  d'oi',  divisent  cette  chasuble  d'une  manière 
irès-origiiuile  et  qui  produit  un  excellent  ellet  lorsqu'elle  est  portée. 

III.  —  11) 


CHASUBLE 


—  146  — 


Il  faul  une  certaine  bonne  volonté  pour  trouver  dans  la  disposition 
de  ces  galons    la   représentation    de   la   croix,  et  c'est  qu'en  elïet 


ce  signe  n'apparaît  que  tard  sur  la  chasuble.  La  ligure  6  nous 
montre  la  chasuble  de  Thomas  Becket  portée  avec  l'amict  faisant 
collet,  la  mitre,  l'aube,  le  manipule  et  l'étole  du  môme  prélat. 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 


Tome  111. 


Chasuble,  fig.  6. 


\ 


chasubll;  de  tho.mas  beckkt. 


Cil.  Egcimann,  éditeur. 


Imp.  MoTTEROz  et  Martinkt. 


î 


i 


'      DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 

Tome  3     ■  PL  IH 


ùollelle  Duc  direxit. 


CHASUBLE  DU  TRESOR  DE  SAINT  SERNIN  à  Toulouse 


V^" A  Morel 8  créditeurs 


împ  R  Eng«l/n«nn  Pans 


—   147   —  f    CHASUBLE   ] 

Il  existe  dans  le  trésor  de  l'église  Saiiit-Sernin  de  Toulouse  une 
chasuble  qu'on  suppose  avoir  été  portée  par  saint  Dominique,  et 
qui  est  certainement  d'une  date  plus  récente*.  Celte  chasuble,  dont 
la  figure  7  donne  le  trait,  est  faite  d'une  étoffe  de  soie  à  fond 
pourpre  foncé,  sur  lequel  se  détachent  des  rinceaux  d'un  pourpre 
chaud,  clair,  des  paons  et  des  pélicans  lissés  d'or,  rehaussés  de  vert. 


.>k 


Entre  les  paons,  dont  la  queue  est  éployée,  on  lit,  en  lettres  vertes, 
paone,  et  sur  les  ailes  des  pélicans,  en  or,  hélice  pour  pelice  ou 
pelicano.  Celte  étoffe,  reproduite  dans  notre  planche  III,  est  d'un 
merveilleux  effet.  "^ 

Devant  la  chasuble  est  cousu  un  oi'froi  brodé  en  soie  de  couleur, 
à  la  main,  et  représentant  des  saints  personnages  nimbés  sur  un 
fond  frisé  or.  Autour  du  cou  est  une  bordure  fine  également  brodée 
et  figurant  des  feuillages  alternativement  verts  et  rouges  sui'  fond  or. 
Cette  chasuble,  portée,  donne  des  plis  plus  heureux  encore  que  celle 
de  saint  Thomas  Becket,  en  ce  que  la  partie  inférieure  est,  relative- 
ment à  )a  longueur  des  côtés  droits,  plus  ample.  Les  bras  sont  moins 
chargés  et  l'étoffe  drape  mieux  sur  le  devant.  C'est  à  dater  de  celte 


'   Siii.il  I>i)iiiiiiiiiu('  iiiouriil  (Ml   \i-2\.  l't  ccUc    cliiisuhli'.    suit    coimiie   lissu.    soil  l'oiiinie 
broili'i'ic's,  st'iiililcrait  ilalcr  du  milieu  du  xiii'"  sièflo. 


r  niArssRS  ]  —  I'i8  — 

époque  '  que  le  devant  des  chasubles  est  fréquemment  décoré  d'or- 
frois,  de  broderies  avec  personnages.  L'étoffe  du  corps  de  la  cha- 
suble est  un  très-beau  tissu  qui,  à  en  juger  d'après  les  inscriptions 
latines  et  non  arabes  ou  grecques,  appartient  à  la  fabrication  occi- 
dentale-. 

La  forme  de  la  chasuble  ne  se  modilîe  guère  pendant  tout  le  cours 
du  xni^  siècle  et  le  commencement  du  xive.  Ce  n'est  que  vers  la  fin 
de  ce  siècle  que  la  chasuble  prend  un  peu  moins  de  longueur  dans  la 
partie  qui  recouvre  les  bras,  et  un  peu  plus  d'ampleur  dans  sa  partie 
inférieure,  bien  que  son  extrémité  soit  taillée  en  pointe.  On  obtenait 
ainsi  des  plis  latéraux  plus  amples  et  l'on  embarrassait  moins  les 
mouvements.  Ces  chasubles  sont  faites,  d'ailleurs,  d'étotfes  très- 
souples,  de  manière  à  donner  des  plis  délicals.  Une  belle  statue  d'é- 
vêque,  d'albâtre  gris,  qui  fait  partie  du  musée  de  Toulouse  (fig.  8), 
explique  mieux  que  toute  description  le  port  de  ce  vêtement  vers  la 
fin  du  xiv^  siècle.  Ici  l'amict  forme  un  large  collet  souple,  et  les 
bords  du  linge  tombent  sur  la  chasuble.  La  crosse,  conformément  à 
l'usage  de  quelques  diocèses  du  Midi,  est  ornée  du  sudariiim,  très- 
ample.  L'évêque  porte  une  tunique  à  manches  larges  par-dessus 
l'aube.  L'étole  dépasse  le  bas  de  la  tunique  ^ 

Au  xve  siècle,  la  chasuble  devient  moins  ample  encore  sur  les  bras, 
elle  s'arrondit  par  le  bas  et  se  charge  sur  le  devant  d'orfrois  très- 
riches.  Les  étoffes  dont  elles  sont  faites  sont  moins  souples,  forment 
des  plis  plus  cassés  et  qui  épousent  moins  bien  la  forme  du  corps. 
Au  xvi^  siècle,  on  exagère  encore  cette  dernière  mode,  et  l'on  arrive, 
au  xvn',  à  la  forme  de  la  chasuble  moderne,  qui  ne  recouvre  plus  les 
bras  et  se  compose  de  deux  pans  d'étolïe  roide  tombant  devant  et 
derrière.  D'un  très-beau  vêtement  on  en  vint  ainsi  à  faire  un  orne- 
ment difi"orme,  qui  donne  à  celui  qui  le  porte  l'apparence  d'un 
énorme  coléoptère. 

Le  pallium  était  porté  sur  la  chasuble  (voy.  Pallium). 

CHAUSSES,  s.  f.  pi.  {chauc.es,  huesea).  Vers  les  derniers  temps  du 
moyen  âge,  les    chausses    s'entendent    comme    braies,  c'est-à-dire 


1  Milieu  (lu  \iw  siècle. 

-  Voyez  la  partie  qui  trailc  des  étoffes. 

^  Nous  renvoyons  le  lecteur,  pour  hieu  connaître  le  i.mt  des  chasubles  pendant  les 
xii«,  xiii"  et  .\iv  siècles,  aux  belles  statues  des  cathédrales  de  Paris,  de  Chartres. 
d'Aniiens,  de  Reims,  de  Limoges.  Ces  figures,  ayant  été  gravées  et  photographiées  bien 
des  l'ois,  soûl  entre  les  mains  de  lout  le  monde. 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 
Tome  III.  Chasuble,  fig.  8. 


£■.  CU:U'/M/M07 


\ 


CHASUBLE  EPISCOPALK  (xiv  siècle) 


Cii.  Eggi.mann,  éditeur. 


Imp.  MoTTEBOz  et  Mautinet. 


—    1  'f9   —  [   CHAUSSES    ] 

comme  caleçon  s'attacliant  à  la  ceinture  et  descendant  aux  genoux 
(voy.  Braies).  Mais  il  y  a  là  confusion  dans  les  appellations.  Les 
chausses  sont  bien  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  bas,  c'est-à- 
dire  le  vêlement  des  jambes  et  des  pieds.  Quelquefois  ces  chausses 
étaient  assez  longues  pour  composer  le  vêtement  auquel  aujourd'liui 
on  donne  le  nom  de  maillot,  et  ne  former  qu'un  avec  les  braies. 
Alors,  c'était  le  nom  de  braies  à  pieds  ou  braies  chaussées  qui  leur 
convenait.  A  l'article  Braies,  nous  donnons  des  exemples  de  cette 
extension  du  vêtement  inférieur,  qui  se  composait  ainsi  du  hant-de- 
chausses  et  du  bas-de-cliausses,  d'où  nous  avons  conservé  les  mots 
bas  et  chaussettes. 


A 


On  appelait  chausses  semelées,  des  bas  ou  chaussettes  garnis  de 
semelles  de  cuir. 

Les  chausses  étaient  souvent  d'une  autre  couleur  et  d'une  autre 
étotïe  que  les  braies;  on  en  faisait  de  drap,  de  tricot,  de  laine  ou  de 
soie;  et  dès  les  premiers  temps  du  moyen  âge  ces  chausses  étaient 


[   CIIAI'SSES  ]  —   150  — 

brodées,  ou  garnies  de  passementeries  et  même  de  perles    ou    de 
pierres  précieuses. 

Les  chausses,  chez  les  populations  des  Gaules,  remontaient  jus- 
qu'aux genoux,  et  étaient  maintenues  non  pas  seulement  par  des 
jarretières,  mais  par  des  lanières  qui,  parlant  de  la  cheville,  s'en- 
roulaient autour  de  la  jambe  pour  venir  s'attacher  au-dessous  du 
genou.  Les  braies  amples  tombaient  à  peu  près  à  la  même  hauteur 
sous  la  tunique.  Le  coffre  d'ivoire  conservé  dans  le  trésor  de  la 
cathédrale  de  Troyes,  et  qui  date  du  vni"  siècle,  montre  deux  empe- 
reurs ainsi  chaussés'.  Un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale, 
du  x"  siècle -,  donne  un  personnage  coiffé  de  la  couronne  carrée  et 
nimbé,  dont  les  jambes  sont  vêtues  déchausses  ainsi  posées  (fig.  i). 
Entre  les  chausses  et  la  tunique,  la  jambe  reste  nue  ;  ici  les  braies 
font  défaut,  suivant  la  coutume  de  ceilaines  peuplades  du  Nord^ 
Ces  chausses  basses  sont  souvent  formées  de  deux  pièces  :  une  molle- 
tière, et  une  chaussette  semelée  (ainsi  que  le  montre  notre  figure) 
venant  recouvrir  la  molletière.  Le  galon  de  passementerie  S(!rrait  le 
tout  ensemble.  De  petites  bosselles  de  mêlai  ornaient  parfois  ces 
chausses,  faites  de  tricot  de  laine  ou  d'étoffe  feutrée.  C'était  là  un 
excellent  vêtement  de  jambe  pour  la  marche,  à  la  fois  souple  et 
serré.  Les  hommes  les  portaient  en  toutes  circonslances  pendant  la 
période  cariovingienne,  et  l'empereur  Chaiiemagne  se  conformait 
en  cela  à  l'usage  général,  car  il  était  représenté  avec  ces  sortes  de 
chausses  sur  la  mosaïque  de  Sainte-Agnès  {intra  muros)  de  Rome  \ 
laquelle  avait  été  faite  de  son  temps. 

Dans  la  tapisserie  de  Baveux,  on  voit  les  hommes  non  armés  vêtus 
de  braies  très-larges  sous  lesquelles  s'attachent  les  chausses,  qui 
remplissent  exactement  la  fonction  de  nos  bas  et  qui  étaient  faite> 
de  tricot  ou  de  drap  feutré. 

A  la  fin  du  xi^  siècle,  les  gens  du  peuple,  les  petits  bourgeois,  les 
paysans,  se  mirent  à  porter  des  chausses  basses  ne  montant  qu'au- 
dessous  du  mollet.  Ces  chausses,  faites  de  grosse  laine  et  feutrées, 
étaient  posées,  soit  directement  sur  la  peau,  chez  les  pauvres  gens, 
soit  sur  de  longues  chausses  beaucoup  plus  fines.  Lorsqu'on  voulait 
marcher  dans  la  boue,  on  mettait  par-dessus  ces  chausses  des  patins 
de  bois,  usage,  d'ailleurs,  fort  ancien  dans  le  nord  des  Gaules. 

'  Travail  byzantin  ;  niiiis  les  coslunies  des  deux  enipereuis  sout  occidentaux. 
2  Fonds  Saint-Oerniain  des  Prés,  n"  ."lO. 

•^  Les  Écossais  ont  seuls  conservé  cet   usage,  très-répandu  dans  les  (laules  dès  avant 
l'invasion  romaiue. 
'»  Ciampini. 


—    loi    —  [   CHAUSSES   ] 

Un  des  bas-reliefs  de  la  porte  principale  de  l'église  abbatiale  de 
Vézelay  1  nous  montre  un  paysan,  dont  les  jambes  sont  ainsi  garnies 
de  leurs  chausses  basses  et   de  patins  retenus    par    des   courroies 


(fig.  2 


C)N, 


% 


Les  courtes  chausses  furent  longtemps  conservées  dans  les  classes 
inférieures.  On  en  voit  figurer  sur  les  bas-reliefs  des  xn°  et  xn'  siècles. 
Ce  sont  (fig.  3)  de  véritables  chaussettes  épaisses,  drapées,  par- 
dessus lesquelles    on  mettait    des  patins  ou  galoches  pour  sortir-. 


Ces  chaussettes  ne  dispensaient  pas  de  porter  les  braies  ou  les  hautes 
chausses  à  pieds  ou  sans  pieds.  Ces  hautes  chausses,  qui  n'étaient 
(jue  les  braies  divisées  en  deux,  parties  indépendantes  l'une  de 
laulre,  s'attachaient  séparément  à  une  ceinture  ou  au  pourpoint  au 
moyen  d'aiguillettes.  Les  gens  de  la  campagne  portèrent  longtemps 

'  Derniôrcs  années  <lu  xi^  si(H-lc;  sous  la  lril)iuie  ilii  pDrclie. 

'^  l5u,s-roliefs  des  occiipalions  de  ranm'-o   (hiver),  portail   ucciilL'nlai    df   la   cathédrale 
d'Amie  is. 


[    CII.USSI'S 


—   lo^  - 


ces  longues  chausses,  qu'ils  ne  preniiienl  pas  toujours  le  soin  d'al- 


—     loo    —  [    CIIAKSSES    ] 

lâcher  cl  qui  leur  ballaient  sur  les  jambes  (lig.  4)'.  Plus  souvenl  encore 
ils  laissaient  les  cuisses  nues,  et  portaient  des  chausses  roulées  autour 
du  genou  sur  une  jarretière  (voy.  fig.  4,  en  A);  ou  bien  ces  chausses 
n'avaient  pas  de  pied  et  ne  faisaient  que  protéger  les  jambes,  moins 
contre  le  froid  que  contre  les  broussailles  (voy.  en  B). 

Quant  aux  chausses  des  gentilshommes,  elles  étaient  d'une  gi'ande 
linesse  et  de  couleurs  brillantes  : 

i(  N"i  .'i  celui  n'ait  frés  henniuu  blauc 

Il  Chances  de  soie,  soUers  de  Cordouan  -'.  <• 

"  Lasce  unes  ehauces  blanches  corn  tlor  de  lis  ^.  >> 

u  Ses  chausses  furent  de  paiic  d'oulrenier  '►.  » 

«  El  ses  ij  chances  qui  fureul  de  sanguin  ■'.   •> 

Les  chausses  longues  laissaient  parfois  passer  une  partie  du  pied, 
recouvert  alors  par  des  chausseltes  ou  des  souliers  d'élolTe  : 

«  Hueses  tirées  dons  li  talons  eu  ist  *^.  » 

Au  w"  siècle,  les  chausses  longues,  en  façon  de  pantalon  à  pieds, 
étaient  portées  par  toutes  les  classes.  Les  paysans,  comme  nous 
l'avons  dit  plus  haut,  portaient  encore  seuls  les  chausses  séparées 
en  façon  de  grands  bas.  Voici  une  chanson  de  cette  époque  ',  qui 
montre  que  les  cavaliers,  les  gens  d'armes  même  el  les  piétons,  por- 
taient ces  sortes  de  chausses  collantes  qui  se  confondent  avec  les 
braies.  Un  homme  d'armes  revient  de  la  guerre  sur  son  cheval,  ses 
vêtements  sont  en  lambeaux  ;  il  rencontre  un  piéton  vêtu  de  bonnes 
chausses  neuves  : 

»  Le  gcnt  d'arme  prestenienl. 

'.   Lui  dist  :  Or  vous  arrestés, 

a  Vos  cauches  certaincnienl 

i<  Convienl  que  vous  nie  preslés  ; 

«  Mes  habis  sont  desquirés 

"  En  la  guerre  loul  pour  voir, 

1.  Or  k  coup,  or  vous  délivrés. 

"   (!ar  vos  cauches  me  faull  avoir.  » 

'  Manuscr.  des  Chrou.  de  Froissarl,  xv'^'  siècle,  lïildiolli.  imper. 

-  Prii;e  d'Orange  (xii^  siècle). 

3  Li  Romans  de  Garni  le  Loheiain  (xiii"  siècle). 

■'  Faites  d'étoffe  d'Orient.  ^Guillaume  d'Orange. 

'-  Ibid. 

''  Li  Romans  de  Gnrin  le  Lolieruin{\\\v'  sièile). 

"  Sous  Chiules  Vil. 

m.  --20 


[   CHAUSSES    ]  —    154    — 

Par  force,  le  compagnon  consent  à  livrer  ses  chausses,  mais  il 
demande  à  lliomme  d'armes,  en  échange,  les  siennes  : 

«  L'iinminc  armé,  sans  penser  mal, 

<(  Lui  oUria  bonnement, 

«  Disant  :  Tencs  mon  cheval. 

«  A  la  terre  l'omme  armé 

«  S'asist  pour  soy  descaucher  ; 

«  Les  cauches  dont  j'ay  parlé, 

'I  Commencha  à  reeaucher. 

ic  Quand  l'autre  lui  vit  muchier  ' 

u  L'autre  jambe,  il  s'avisa 

«  Qu'il  faisoit  bon  chevauchier, 

«  Lors  sur  le  cheval  monta. 

ce  Le  conipaignon  s'en  alla 

«  Sur  le  cheval  bien  montés. 

i<  L'autre  crie  :  Hola  !  hola  ! 

«  Tenés  vos  eauches,  tenés  ! 

■  —  Certes  vous  vous  abusés  ; 

"  Mes  cauches  vous  duiseut  bien  (vous  vont  bien). 

»  Vous  en  estes  bien  parés, 

«  Mais  ce  cheval  sera  mien  ^ .  » 

Cette  assez  plaisante  chanson  indique  clairement  que  ces  chausses 
étaient  faites  comme  sont  faits  nos  pantalons  à  pieds  ;  c'est  quand  le 
compagnon  voit  que  l'homme  d'armes  a  passé  une  jambe  et  s'apprête 
à  passer  l'autre,  qu'il  prend  son  temps  pour  décamper.  Ces  chausses 
rentrent  donc  dans  la  forme  des  braies  de  la  dernière  époque  du 
moyen  âge  (voy.  Braies). 

On  donnait  aussi  le  nom  de  chausses  semelées  à  des  bottes  molles 
qu'on  portait  pendant  le  xv^  siècle  : 

<(  Bouuctz  coui'tz,  chausses  somellées 
<>  Taillées  chez  mon  cordoueunier 
«  Pour  porter  durant  ces  gellôcs  3.  » 

Villon  parle  aussi  de  ses  chausses  ou  houseaux  ne  prenant  que  lu 
jambe  et  laissant  le  pied  nu  : 

Cl  Et  mes  housaulx  sans  avant  picdz  ».  » 

'  Muchter,  cacher  ;  s'euteud  ici  comme  passer  l'autre  jambe. 

*  Chants  histor.  et  popul.  du  temps  de  Charles  Vil,  publ.  \y.\Y  M.  Le  Roux  de 
Liney  ;  Aubry,  1837. 

3  Villon,  Petit  Testament,  xxi. 

*  lùid.,  XXIV. 


—   155   —  [   CHAUSSUIŒ    ] 

Et  ailleurs  : 

<i  Ce  dont  ou  rouvre  mol  et  grève. . .   ' . . . .  » 

c"esl-cà-dire  le  vêtement  qui  couvre  les  mollets  et  le  tibia  ;  ce  sont 
des  chausses  comme  celles  représentées  en  B  dans  la  figure  4. 

Les  femmes  portaient  des  chausses  comme  les  hommes  ;  mais  ce 
n'étaient  que  des  bas  longs  attachés  avec  des  jarretières  :  «  Pour 
(<  6  aunes  de  pers,  délivré  celui  jour  à  Jehan  le  Bourguignon,  pour 
«  faire  chances  à  la  Royne  et  pour  ses  llUes,  128  s.  pour  aune,  vallent 
«  81.  8  s.  '.  ')  —  «  Pour  8  aunes  d'un  pers  azuré  de  Broisselles,  à 
«  doubler  ledit  fons  de  cuve  et  faire  chances  pour  ladicle  dame, 
((  191.  4  s.  ^  » 

A  la  fin  du  xV'  siècle,  les  textes  des  inventaires  distinguent  le 
haiit-de-chausses  du  bas-de-chimsses  :  «  Demie  aune  escarlate  de 
«  Fleurance...  pour  faire  ung  bas  de  chausses  pour  rattacher  à  ung 
'<  hault  de  chausses  mv-parties  de  salin  blanc  et  tanné,  bandées  de 
«  drap  d'or  raz  tanné  *.  »  Alors,  en  effet,  les  hommes  portaient  des 
chausses  semblables  à  nos  très-longs  bas,  collants  par  conséquent, 
qui  s'attachaient  au  haul-de-chausses,  lequel  ne  descendait  que 
jusqu'au  milieu  des  cuisses  et  qui  était  fixé  par  des  aiguillettes  au 
pourpoint. 

«  Lors  commença  le  monde  attacher  les  chausses  au  pourpoinct, 
«  et  non  le  pourpoinct  aux  chausses  ;  car  c'est  chose  contre  nature, 
ft  comme  amplement  ha  déclairé  Ockam  sur  les  exponibles  de 
«  M.  Haulte  (Ihaussade  ^  » 

CHAUSSURE,  s.  f.  {cauces ,  cordoan,  suière ,  soliers,  huesels , 
houzeaux,  estiivaux,  galoches,  cherboles).  Nous  comprenons  dans 
le  même  article  les  divers  genres  de  chaussures,  d'autant  qu'il  est 
difficile  de  les  distinguer  sur  leurs  noms  propres,  et  que  plusieurs 
ont  un  caractère  mixte.  Des  cippes  funéraires  de  l'époque  gallo- 
romaine  nous  montrent  des  personnages  chaussés  de  souliers  lacés 
ou  attachés  par  une  boucle  sur  le  cou-de-pied.  La  caliga,  sorte  de 
sandale  recouverte,  attachée  à  la  jambe  au  moyen  de  courroies,  était 
la  chaussure  habituelle  des  Gaulois  et  de   quehjues  peuples  de  la 

'  F.  Villuu,  /e  Grand  Textdiufjtt,  \c\. 

-  Conifiiede  Geo/froide  Fleuri,  131  G. 

■'  Dép.  du  mariage  de  Blanche  de  Bourbon  (mariée  à  Pierre  le  Cruel). 

■•  invent,  de  1490. 

"  Gargantua,  v\va\).  viii. 


[  cnAissi'RE  ]  —  io6  ~ 

Gorinanie.  Cette  chaussure  ne  laissait  pas  les  doigts  des  pieds  libres  ; 
mais  ouverte  sur  le  cou-de-pied,  elle  était  attachée  par  des  courroies 
croisées  autour  de  la  cheville  et  de  la  partie  inférieure  du  mollet. 
Les  tribus  germaniques  qui  envahirent  la  Gaule  au  v*  siècle  por- 
taient la  chaussure  fermée  et  lacée  à  la  manière  des  peuples  du 
Nord',  et  aussi  faite  de  morceaux  de  peau  fixés  à  la  cheville  avec 
des  bandelettes.  Au  ix"  siècle,  nous  voyons  que  les  paysans  de  la 
Gaule  n'avaient   pas  sensiblement   modifié  Tantique  chaussure  qui 


1 


(f 


l 


Ji.%t. 


ressemblait  assez  aux  espardilles  de  nos  populations  des  Pyrénées 
(fig.  1)  2.  Ces  chaussures  consistaient  en  une  semelle  de  cuir  ou  de 
jonc,  à  laquelle  était  attachée  une  empeigne  de  peau  ou  de  grosse 
toile  avec  des  lanières  qui  bridaient  le  cou- de-pied  et  renforçaient 
les  parties  latérales.  Des  jambières  de  grosse  laine  ou  de  peau  pro- 
tégeaient le  bas  de  la  jambe.  Les  souliers  des  nobles,  représentés 
sur  les  manuscrits  carlovingiens,  se  composent  d'une  empeigne  très- 
couverte  avec  patte ,  d'un  quartier  avec  pattes  à  coulisses  pour 
passer  une  bandelette  qui  se  nouait  devant  la  patte  de  l'empeigne 
(fig.  2)  ^  Ces  chaussures  étaient  faites  de  peau  souple  recouverte 

'  Chaussures  (l(''couvertes  dans  des  tourbières  de  la  Soniine. 
^  Pasteur.  Prophet.  (Bibliotli.  impôr..  mss.  d»  434,  ix'  siècle). 

3  Bible  de  Charles  le  Chauve,  Bibl.  imprr.  Voy.  aussi  les  chaussures  dites  de  Charle- 
niagnc,  conservi^es  au  tn'^sor  impér.  de  Vienne  et  reproduites  dans  l'ouvrage  de  Willemin. 


—  157 


r  CHAUSSIRE   ] 


d'une  étoffe  de  soie  brodée  de  perles  et  enrichie  parfois  de  pierres 
fines.  Pendant  le  xi^  siècle,  nous  voyons  les  hommes  nobles  porter 


£.cû/ii/'M;!ar. 


des  souliers  sans  attaches,  assez  hauts  du  quartier  (fig.  3]  i.  Les 
gens  du  peuple  portent  des  sandales  ou  des  chausses  courtes,  ou 
sont  représentés  nu-pieds.  Un  peu  plus  tard,  les  campagnards  por- 


3 


4 


\ 


lent  des  chausses  sans  pieds,  avec  souliers  attachés  par  un  bouton 
ou  une  boucle  (fig.  4,  en  A),  ou  des  bas  de  chausseg  avec  des 
babouches  (voy.  en  B)  -.  Alors  les  souliers  des  personnages  nobles 


'  Bas-relief  du  tyinpau  de   la  porto  priacipale  de    l'c'glise  abbaliale  de  Vézclay  (tiii  du 
XI"  siècle). 
-  Manuscr.  de  Herrade  de  LandsbL'ri,',  hihliolli.  do  Strasbourg  (xii»  sièele). 


[   CIIAUSSIIKE   ]  —    158   — 

adoptent  des  formes  variées  ;  les  uns,  semblables  au  soulier  repré- 


.A. 


B 


G-tA'.'Af 


k 


sente  ligure  3,  sont  fort  ricberaenl  ornés  de  perles,  de  passementeries 


r 

1} 


et  de  pierres  fines  (fig.  o)  '  ;  d'autres  possèdent  une  baute  patte  au 

'    Jîanuscr.  de  Hcirade  de  I.andsberg,  Lihlioth.  de  Strasboiirï!  (xii'  siècle). 


lo9  — 


[   CHAL'SSLIΠ  ] 


talon  (fig.  6)',  ([ui  facilite  rinlrodiiction  du  pied  ;  quelques-uns  sont 
pointus  à  leur  extrémité  antérieure  et  découverts  sur  le  cou-de-pied  ; 
plusieurs  sont  garnis  de  bandelettes  qui  s'enroulent  autour  du  bas 
de  la  jambe  ;  d'autres  encore  ressemblent  à  des  chaussettes  courtes 


avec  un  crevé  sur  le  haut  du  cou-de-pied.  A  cette  époque,  les 
religieux  portaient  encore  des  sandales  (fig.  7)  -,  avec  pièce  de 
talon  dans  laquelle  s'engageait  à  coulisse  la  courroie  ,  qui  était 
nouée  sur  le  haut  du  cou-de-pied. 

Les  chefs  francs  qui  envahirent  les  Gaules  étaient  chaussés  de 
brodequins  lacés  se  terminant  en  pointe. 

C'était,  dès  le  vi«  siècle,  une  marque  de  noblesse  pour  les  hommes 
comme  pour  les  femmes,  de  porter  des  chaussures  élégantes.  Ces 
chaussures  étaient  faites  de  peau  tannée  teinte,  souvent  brodées 
et  ornées  de  perles.  Il  était  d'usage,  chez  les  Francs,  de  baiser  la 
jambe  et  le  pied  du  chef  lorsqu'on  lui  adressait  une  demande,  qu'on 
implorait  une  grâce,  et  cet  usage  se  perpétua  jusqu'au  commence- 
ment du  xnr  siècle  : 

«  Où  que  li  dus  le  voit,  au  piez  li  est  aulez-* 
1!  Le  pié  li  a  baisié.  la  janihi"  et  lou  sole  '►.  » 

«  Por  nous  vous  mandent  salus  et  aniistiés, 

"  Et  si  vous  mandent  que  venrout  cortoiier, 

«  Serviront  vous  de  gré  et  volentiers 

i<  Et  baiseront  vos  cordewan  eaucier^.  » 


'  Mus6c  de  Toulouse,  siuliil.  de  la  première  moitié  du  xiic  siècle. 
2  Ibid. 

•'  A  SCS  pieds  s'est  jeté. 

•  La  chaiisoji  de  l''louuant,  vers  11:2   [Les  anciens  poètes   de   France,  publ.  s:ius  la 
fiirectiou  de  M.  Guessard). 
■•  Chanson  de  Iluon  de  Bordeaux,  vers  i:i4  et  suiv. 


[   CllALSSLIŒ   ]  —    160   — 

Le  luxe  des  chaussures  ne  fit  que  se  développer,  si  Lien  qu'au 
x*"  siècle,  sainl  Odoy  accuse  les  moines  de  l'abbaye  de  Sainl-Marlin 
de  Tours  de  porter  des  souliers  azurés  ou  verts  '.  Cependant  le  peuple 
continuait  à  faire  usage  de  l'ancienne  chaussure  en  façon  de  bottes 
courtes  ou  de  souliers  attachés  avec  des  courroies,  et  dont  la  semelle 
de  cuir  épais  ou  de  bois  était  garnie  de  clous.  Les  sculptures  et  pein- 
tures du  xn''  siècle  montrent  assez  que  les  chaussures  de  cette 
époque,  pour  les  hommes  et  les  femmes,  étaient  faites  d'étoiïes  ou 
de  cuirs  brodés  de  diverses  couleurs,  et  d'une  excessive  richesse. 
Ces  raffinements  d'élégance  ne  pouvant  pas  être  surpassés,  la  mode 
des  bandelettes  faites  de  galons  précieux  enroulés  autour  de  la 
jambe  reprit,  et  se  perpétua  même  pendant  les  premières  années 
du  xm""  siècle,  ainsi  que  le  prouve  le  passage  suivant  : 

<c  Et  si  ert  bel  chauciés  assés. 
<i  Car  il  avoil  chaucicrs  frétés; 
«  Si  avoit  chances  detranciés 
«  Asscs  bien  s:5anmeut  chauciés '.  " 

Celle  mode  des  chaussures  avec  bandelettes  fut  abandonnée  de 
nouveau  dès  le  commencement  du  règne  de  saint  Louis,  pour  ne 
plus  reparaître.  On  revint  aux  souliers  attachés  avec  des  boucles  ou 
des  cordons  et  faits  de  cuirs  colorés  ou  d'étoffes  tissées  d'or,  de  cou- 
leur ou  brodées.  Ces  souliers  étaient  généralement  découverts  sur 
le  cou-de-pied  : 

«  Si  fil  imilt  coiuteiueut  caucics, 
«  Com  bons  jolis  et  envoisiés, 
«  D'uuc  cauccs  bien  enlaillies. 
«  De  neir  et  île  vernicl  biies^.  » 

Et  plus  loin  il  s'agit  d'Amadas  vêtu  de  neuf  : 

<■  r.arinès  Ta  imilt  bleu  caucié 

«  D'unes  cauces  bien  decaupécs. 

«  De  noir  et  de  verniel  bendées, 

(.  Mult  bien  séantes  a  sou  voel  *.  » 

Ces  souliers  étaient  donc  de  diverses  couleurs  ;  on  leur  donnait 

'  Voyez  ['Histoire  de  lu  chaussure,  \yàv  MM.  P.  Lacroix.  A.  Ducliesue,  et  Ferd.  Seré. 
Paris,  1852. 

=  Le  Lai  du  trot, y.  36  et  suiv.  L'expression  chauciés  frétés  ne  peut  laisser  de  doutes, 
et  ne  peut  s'entendre  que  comme  chaussures  avec  bandelettes  croisées. 

;*  t.i  Romans  d'Amadas  et  Ydoine,  vers  1639. 

♦  lOid.,  vers  liltiS  et  suiv. 


—    161    —  [   CIIALSSUHE   ] 

les  noms  de  soliers  s'ils  étaient  fabriqués  d'étoffe,  et  de  cordoans  ' 
s'ils  étaient  faits  de  peau.  La  ville  de  Lyon  était  renommée  pour  la 
broderie  des  souliers  d'étoffe  : 

i<  Le  iiKitiu  te  doiir;ii  iiu  lieriiiiii  |ielii;on, 

»  Uues  eauees  de  paile,  soliers  pointz  a  Liou  -    » 

Vers  1240,  les  souliers  des  gentilshommes  prenaient  exactement 
la  forme  du  pied  (lig.  8)  ^  ;  ils  étaient  souples,  attachés  par  une 
boucle  au-dessus  du  cou-de-pied  ou  pai-  un  bouton.  Mais  vers  l;2oO 


celle  forme  ne  parut  plus  assez  élégante;  de  plus,  on  prétendit 
accuser  d'une  manière  plus  fi'anche  encore  la  forme  du  pied.  Il  y  eut 
alors  dans  la  mode  des  vêtements,  comme  dans  la  façon  des  meubles  et 
jiiscpae  dans  l'architecture,  une  tendance  très-marquée  des  esprits 
vers  l'expression  rigoureusement  vraie  des  besoins  tels  que  la  société 
les  comprenait.  C'est  alors  que  l'architecture  abandonne  complète- 
ment les  dernières  traditions  byzantines  pour  s'en  tenir  à  ce  que 
commandent  les  programmes,  les  matériaux,  les  lois  de  la  statique 
et  de  l'équiUbre  ;  que  les  meubles  affectent  les  formes  voulues  par 
l'usage  auquel  ils  étaient  destinés,  sans  plus  tenir  compte  des 
influences  oi-ientales  qui,  pendant  tout  le  cours  du  xii^  siècle,  s'im- 
posaient à  toutes  les  industries  comme  aux  modes.  Et  puisqu'il 
s'agit  de  chaussures,  c'est  le  pied  qui  commande  exactement  la 
forme  qu'on  leur  donne.  En  etfet,  voici  (lig.  9j  la  trace  d'un  pied  sur 
le  sol,  la  semelle  circonscrit  exactement  la  surface  occupée  par  la 
plante  ;  mais,  pour  ne  pas  fatiguer  par  la  pression  l'exlrémité  des 

l  Covdoan,  cordotn,  cuvdiun,  covdebisus,  corduhan,  souliers  t'iiils  île  iie;iii  île  ilir\i-e 
priiparcc  origiuaircincut  a  Cordoiie.  On  en  fabriqnait  bcaiieouj)  en  l'roveuee.  De  ee 
mot  on  fit  cordonnier .  corduhanicr.  (:ourdoe7micr,  et  ent'n  cordonnier. 

*  Li  [îu^nons  de  l'nrise  ia  duchesse  (xiii''  siècle). 

■*  l)es  loinlieaiix  de  Sain!  hriiis,  ret'ails  sous  saint  l.oi.is. 

III.  —  21 


[    CHAUSSURE 


—  162  — 


doigts,  qui  tendent  à  s'enfoncer  dans  la  chaussure,  un  espace  libre 
est  laissé  en  a.  La  partie  la  plus  délicate  du  cou-de-pied,  celle  qu'une 
pression  fatigue  le  plus,  parce  qu'elle  est  sillonnée  de  vaisseaux 
sanguins  qui  gonflent  facilement,  c'est  la  partie  externe  ;  on  la  laisse 


libre.  Dès  lors  les  souliers  sont  façonnés,  ainsi  que  l'indique  la 
ligure  10.  Doublés  de  fines  fourrures  au  droit  des  chevilles  et  sous 
la  patte,  ces  chaussures  ne  peuvent  en  aucune  façon  blesser  ou  fati- 
guer le  pied,  dont  elles  suivent  exactement  les  contours  \  L'entaille 
externe  du  coii-de-pied,  qui  laissait  voir  les  basses  chausses  de  cou- 
leur, n'était  pas  sans  grâce  et  parfaitement  placée  en  raison  de  la 
conformation  du  pied.  Cette  chaussure  se  conserva  pendant  la  der- 
nière moitié  du  xni"  siècle,  avec  quelques  légères  modifications 
apportées  par  le  besoin  de  changement  des  modes.  Ainsi  on  exagéra 


'  statues,  pL'iutiires,  vitraux  de  12ij  k  l;;,j.j,  mauuscr.  u''  (jS20,  Bihlioth.  iinpér. 


iG3 


[    CHAUSSinE 


bientôt  la  forme  de  la  semelle  donnée  par  la  plante  du  pied.  Les 
côtés  bc  (voy.  fig.  9)  furent  taillés  droits,  l'espace  efïul  rétréci  ;  on 
raffinait  sur  ces  formes  indiquées  par  le  bon  sens.   D'ailleurs  on 


(i.c^/a./\aMcr. 


attachait  dans  la  classe  élevée  une  grande  importance  aux  chaus- 
sures ;  il  fallait  qu'elles  prissent  bien  le  pied  et  ne  fissent  pas 
de  plis  : 

Et  marche  jolietement 
De  ses  biaus  soleres  petits, 
Que  faire  aura  fait  si  felis, 
Qui  joindront  as  pies  si  à  point 
Que  de  fronce  n'i  aura  point  ' .  » 

Avant  cette  époque,  Guillaume  de  Lorris  avait  écrit  ces  vers  : 

■■  Solers  k  lus,  ou  esUviaus 

'<  Aies  souvent  frès  et  noviaus, 

"  Kt  gar  qu'il  soient  si  cliauçanl. 

'■  Que  cil  vilain  aillent  ten(;aut 

»  En  quel  guise  tu  i  entras, 

1.  Et  (le  quel  paît  lu  eu  islras  "2.  » 


'  le  lioma7i  de  la  rose,  iiarlic  de  ,1.  de  Meung.  vers  \'i~li'.i  et  suiv. 
-  Le  Homan  de  lu  rose,  partie  de  ('. .  de  Loii'is,  vers  21. jS  cl  suiv, 


[  CHAUSSURE  ]  —  164  — 

Quand  Pygmalion  habille  sa  statue  : 

..  Et  par  pi'iuil  outeute  li  chauce 

n  Eu  cliascun  pié  solnr  et  rliauce  (bas) 

<i  Entailliés  julivclciiunit 

«  A  deus  doic  ilii  pavniiiPiit. 

H  N'ert  pas  de  hosiaus  estren6e, 

■<  Car  el  n'crt  pas  de  Paris  née  ; 

"  Trop  par  fiist  nule  cliauceiiiL'nte 

Il  A  puecle  de  tel  jovenle  ' .   » 

Ce  passade  nous  indique  que  les  femmes  portaient  parfois  —  pour 
sortir  à  Paris  dans  les  rues  —  des  houseaux,  qui  étaient  des  bottines 
de  cuir  assez  fortes,  ainsi  que  nous  le  verrons  tout  à  l'heure. 

Dès  le  commencement  du  xiv°  siècle,  la  pointe  des  souliers  s'al- 
longe ;  les  chaussures  des  grands  personnages  sont  façonnées  avec 
un  luxe  inouï  :  «  Ledit  Estienne,  pour  la  façon  et  paine  de  broder  et 
«  cointir  (ajuster,  parer}  lesdiz  sollers,  c'est  assavoir  ouvrez  de 
<(  brodeure  à  une  frète  (entrelacs)  d'or  trait  par  losenges,  et  sur  la 
«  frète  à  quinte  feuilles  d'or  trait,  et  sur  chascune  feuille  une  gi^osse 
<(  perle  assise  au  milieu,  et  sur  le  losenge  un  lion,  et  le  champ  tout 
«  fait  h  la  broche,  dor  de  Chippre  ;  pour  l'or  trait,  demi  marc,  7  l. 
«  4  s.  p.,  et  pour  or  de  Chippre,  soie  et  façon,  pour  son  compte, 
<(  rendu  à  court,  24  l.  p.;  pour  tout,  31  l.  4  s.  p.  -.  » 

Ce  fut  vers  le  milieu  du  xiv*"  siècle  que  l'on  commença  de  porter 
des  poulaines.  La  poulaine  était  un  allongement  démesuré  de  la 
pointe  des  souliers  ou  de  la  bottine.  Ce  fut  d'abord  une  affaire  de 
mode.  A.U  commencement  du  règne  de  Charles  V,  les  poulaines 
avaient  déjà  pris  un  assez  bel  accroissement,  et  ce  prince  crut  devoir 
interdire  le  port  des  «  trop  oultrageuses  poulaines  »  ^  En  1364, 
le  continuateur  de  Guillaume  de  Nangis  *  s'élève  fort  contre  l'estra- 
vagance  de  ces  poulaines,  qui  se  terminaient  en  corne  d'une  lon- 
gueur démesurée  ;  il  ajoute  que  le  roi  Charles  V  fit  publier  à  Paris 
un  édit  par  lequel  il  était  défendu  de  façonner  de  ces  sortes  de  sou- 
liers. Comme  il  arrive  toujours,  la  mode  fut  plus  forte  que  tous  les 
édits  des  rois  et  conciles,  et  les  poulaines  ne  furent  pas  de  sitôt  aban- 
données ;  au  contraire,  leur  exagération  alla  croissant,  les  femmes 

1  Le  Romnn  de  lu  rose,  partie  de  ,1.  de  Meung,  vers  21246  et  suiv. 

*  Compte  d'Etienne  de  la  Fontaine,  l.'5:)2.  L'or  trait  était  l'or  ou  l'argent  doré  étiré 
"a  la  filière  ;  l'or  de  Chypre  était  de  même  un  fil  d'or  étiré,  mais  aplati  au  laminoir  et 
enroulé  autour  d'un  fil  de  soie,  ainsi  qu'on  le  pratique  encore  aujourd'luii. 

3  Christine  de  Pisaa,  le  Livre  des  faicts  dti  sage  roy  Charles,  chap.  xxix. 

*  Co7itin.  Chron.  Guill.  de  Nangiaco,  t.  II,  p.  368. 


165  - 


[   CHAUSSURE   1 


mêmes  adoptèrent  cette  mode  bizarre  et  gênante.  La  longueur  des 
poulaines  fut  bientôt  réglée  par  l'étiquette.  Les  gens  de  bas  étage 
les  pouvaient  porter  de  la  longueur  d'un  demi-pied;  les  bourgeois, 
d'un  pied  ;  les  chevaliers,  d'un  pied  et  demi  ;  les  barons,  de  deux 
pieds.  Quant  aux  princes,  ils  les  portaient  aussi  longues  que  bon 


il 


s.  dJ/LTHOMOT 


leur  semblait.  Les  sergents  d'armes  gravés  sur  la  pierre  votive  de 
l'église  Sainte-Catherine  du  Val-des-Écoliers  (1876)  portent  des 
chaussures  à  la  poulaine.  Voici  (fig.  11)  une  paire  de  ces  bottines. 


3 


de  peau  probablement,  agrafées  par  dessus  par  des  crochets  entrant 
dans  des  œillets.  La  ligure  12  présente  des  chaussures  à  la  poulaine 
de  la  fin  du  mv*'  siècle,  avec   hauts   quartiers»  et  la  ligure  18  des 


[  cii.MSSiiii-:  ]  —  166  — 

souliers  de  la  même  époque  K  Les  poulaines  s'allongeaient  si  bien, 
qu'il  devenait  très-difficile  de  marcher  avec  ces  longues  pointes 
flexibles,  aussi  les  attacha-t-on,  soit  à  la  patte  antérieure  du  soulier, 
ainsi  que  le  montre  la  figure  14,  soit  à  la  jarretière,  par  des  chaî- 


^% 


74 


nettes  d'or  ou  d'argent.  Ces  chaînettes  étaient  parfois  garnies  de 
sonnettes.  Des  élégants  trouvaient  plus  convenable  de  relever  la 
poulaine  naturellement  (fig.  15  en  A)  au  moyen  d'un  fil  d'archal 
masqué  sous  l'étoffe,  et  de  terminer  la  corne  par  un  grelot,  ou  une 
houppe,  une  fleur.  Notre  figure  15  ^  montre,  en  outre,  comment  on 
se  servait  de  patins  de  bois  avec  bride  pour  ne  pas  salir  les  souliers, 
si  l'on  sortait  des  appartements.  En  B,  est  un  soulier  de  bourgeois 
de  la  même  époque,  avec  patin  préservatif  de  la  boue,  et  en  C 
une  botte  de  personnage  noble,  de  même  avec  poulaine  et  patin  ^ 
La  mode  des  poulaines  s'étendit  même  aux  armures  (voy.  la  partie 
des  Armes),  si  bien  qu'il  était  impossible  à  un  homme  d'armes  de 
marcher. 

Le  temps  de  la  vogue  des  poulaines  est  compris  entre  les  années 
1390  et  1440,  et  elles  atteignent  leur  plus  grande  longueur  vers 
1420.  A  dater  de  cette  époque,  on  les  voit  se  raccourcir,  puis  dispa- 
raître vers  la  fin  du  règne  de  Charles  VIL  Alors,  et  jusque  vers 
l'année  1470,  elles  ne  sont  plus  portées  que  par  des  élégants  attardés 
et  des  personnages  attachés  aux  anciennes  modes;  au  contraire,  les 


'   Mss.  de  la  Bi'jliutli.   iiuiiér. 

2  D'une  peinture  de  la  fin  du  xiye  sièile.  cuil.  Teruaux-Compaus. 


■i  Gaiguèrcs. 


—    167    —  [   CHAUSSURE   ] 

souliers  s'arrondissent  du  bout,  et,  vers  la  lin  du  xv'  siècle,  ils  se 
terminent  carrément  avec  élargissement  en  façon  de  pelle. 

Parmi  les  exemples  que  nous  avons  donnés,  on  a  vu  paraître  des 
bottes  et  bottines.   Ces  sortes  de  chaussures,  houzeaux,   estivaux, 


adoptées  dès  le  xii"  siècle,  étaient  de  formes  variées  et  servaient  à 
dilïérenls  usages.  Nous  voyons  les  lieuses,  houseaux,  oesses,  cités 
dans  les  contes  et  romans  des  xn'  et  xni'  siècles.  Dans  le  Roman  du 
mont  Saint-Michel  ',  on  lit  ces  deux  vers  : 

<•   Li  soUer  suiit  fail  luit  faitiz. 
«  Huescls  oreul  por  les  cuiz  -.  » 

Il  est  donc  certain  que  les  lieuses  étaient  des  bottes  de  fatigue, 
permettant  de  marcher  dans  la  boue  sans  se  mouiller.  Dans  le  Diz 


•  Par  Guillaume  de  Sainl-Pair,  poëte  auglo-aorniand  du  xii""  sièclu. 
^  Vers  l'A'.'}  L'I  suiv.  —  Euiz,  luarccage,  liunx  [ilcius  d"eau. 


[    CIIALSSUIIE    ]  —    168   — 

de  freire  Denise   le  cordelier  i,   le  frère  séduil  une  iille  el  la  pei'- 
suade  de  se  l'aire  cordeliei'  ;  celle-ci  revêl  des  habits  d'homme  : 

"  Ses  biaus  crius  ot  tel  rooinguier  ; 

■■  Comme  vallet  fii  t'st;mci(^ 

"  lit  t'u  de  bous  hoiisiaus  cliaiicii'. 

'  Et  de  robe  k  homme  vestuc 

"  Qui  estoit  jiar  devant  feudue.  » 

Dans  VOustillement  au  villain  2,  parmi  les  objets  (jui  sont  men- 
tionnés comme  nécessaires,  les 

«  Sollers  et  estivaus. 

■i  El  chauces  et  bousiaus.  » 

ne  sont  pas  oubliés. 
Lorsque  le  duc  de  Normandie  revient  de  la  chasse  : 

"  S'est  en  la  sale  amout  imiés, 

"  De  ses  oesses  s'est  descauchiés, 

"  Eutre  eu  la  chambres  d'or  parée. 

«  llleuc  a  sa  iiionicr  trouvée  '■^.  » 

Les  houseaux  étaient  donc  des  bottes  qu'on  portait  à  cheval 
aussi  bien  qu'à  pied,  et  qui  étaient  communes  à  toutes  les  classes, 
aux  nobles  comme  aux  vilains.  Parfois  ces  bottes  sont  représentées 
lacées  ou  bouclées  latéralement,  mais  le  plus  souvent  elles  sont 
fermées.  Il  semblerait  même  que  les  nobles,  vers  le  milieu  du 
xv^  siècle,  portaient  des  houseaux  justes,  et  qui  ne  pouvaient  être 
ôtés  qu'avec  l'aide  des  valets. 

Dans  les  Cent  Nouvelles  \  il  est  question  d'un  seigneur  qui  veut 
violenter  une  jeune  villageoise  ;  celle-ci,  prise  au  dépourvu  dans  la 
campagne,  lui  demande  d'ôter  au  moins  ses  houseaux.  «  Je  vous  les 
«  osteray  ce  dit-elle  très-bien  s'il  vous  plaist,  car  par  ma  foy  je  n'au- 
«  roy  cueur  ne  couraige  de  vous  faire  bonne  chière  avec  ces  paillards 
«  houseaulx. —  C'est  peu  de  chose  des  houseaulx,  ce  dit  Monseigneur  ; 
«  mais  non  pourtant  puis  qu'il  vous  plaist  ilz  seront  ostez.  Et  alors 
«  il  abandonna  sa  prinse  et  sassit  dessus  l'herbe  et  tend  sa  jambe  ; 
«  el  la  belle  tille  lui  osta  l'esperon  et  puis  lui  tire  l'ung  de  ses  hou 
«  seaulx  que  bien  estroys  esloient  ;  et  quand  il  fut  environ  à  moitié 

i   Kutebeut',  milieu  du  xiii^'  siècle. 
-  De  rouslUlement  au  villain  {xiu«  siècle). 
o  Li  Romans  de  Robert  le  Di/ab/e  (xiv^^  siècle;. 
*  La  Hotte  à  (Ip)tii. 


—    169    —  [    CIIAUSSLIŒ   ] 

.'  à  quoy  faire  elle  eu  nioull  de  peine,  pour  ce  que  tout  à  propos  le 
>'  tira  de  mauvais  biays  ;  elle  pari  et  s'enva  tant  que  piedz  la  peuvent 
(<  porter,  aider  et  soutenir  de  bon  vouloir  et  là  laissa  le  gentil  comte, 
«  et  ne  (ina  de  courre  tant  qu  elle  fut  à  l'hostel  de  son  père.  Le  bon 
«  seigneur  qui  se  trouva  ainsi  déceu  si  enrageoit  et  plus  n'en  pou- 
ce voit,  et  qui  à  cette  lieure  Feus  veu  rire  jamais  n'eusl  eu  les 
«  tiebvres...  » 

Les  postillons,  les  hommes  de  train,  portaient  des  houseaux  ren- 
forcés aux  genoux  pour  éviter  le  contact  des  harnais  (lig.  16)  '. 


Il  est  plus  difficile  de  savoir  exactement  ce  qu'étaient  les  estivaux. 
Dans  certaines  contrées,  en  Angleterre  par  exemple,  les  estivaux 
étaient  de  larges  bottes  -,  tandis  qu'en  France  ils  collaient  aux 
jambes  [equitibialia,  suivant  Jean  de  Garlande).  On  mettait  des  esti- 
vaux dans  les  appartements,  et,  en  rapprochant  les  textes,  ces 
chaussures  paraissent  être  légères,  faites  de  cuir  souple  ou  même 
d'étolTe,  et  doublées  souvent  de  fourrures  : 

"  Ins  estivaus  forrés  d'crmiue 
«  Chaii(;a  li  rois  •*...." 

Les  dignitaires  de  l'Eglise  portaient  des  estivaux.  Dans  le  Roman 
du  renard,  l'archiprêtre  Timer  «  chausses  ses  estivaus^  ».  Renauld 
de  Bcaujeu,  dans  le  roman  Li  biaus  descomius'%  décrit  ainsi  l'habil- 
lement d'un  seigneur  :  c<  Robe  d'écarlate  et  de  vair  a  une  bande  de 
«  sebelin  sans  attaches.  » 

<<  Uns  cslivals  caucirs  avoil.  » 


'   Le  lio)nu/t'07i,  inaniiscr.  u"  6'JSl,  IJihliolli.   inip('r.  (xv^  sicdc) 

-  Malliieu  Paris,  a  jjropos  des  slaluts  de  riiopital  de  Saiut-Julicu. 

^  Homan  de  Perceval. 

■'  Vers. 60?.'). 

■'  i'ii  xiir  sirclu  ;  vers  2.j01  cl  siiiv. 


m.  —  ::j 


[  cii.vrssuRE  ]  —  170  — 

Or,  ce  seisiieui'  chevalier,  qui  a  nom  Lanpars,  est  chez  lui,  il 
vient  de  jouer  aux  échecs,  et  il  se  lève  pour  recevoir  le  bel  inconnu. 
Les  estivaux  étaient  donc  des    bottes    légères    qu'on    portait  aussi 


PKlHAlKt. 


bien  dans  les  apparlemeiits  que  dehors,  lors(iu"il  faisait  beau  temps. 

Dans  le  Compte  d'Etienne  de  la  Fontaine  ',  il  est  question  de 
fournitures  ti'eslivaux  pour  le  roi  Jean  : 

«  Guillaume  Loisel,  cordouannier  du  Roy,  pour  trois  paires 
«  d'estivaux,  32    s.   p.  la    paire,  et    pour   vingt-quatre    paires    de 


i:i:i2. 


—  i71  —  [  CHAUSSURE  ] 

«  sollers  '....  »  —  Dans  le  Journal  de  la  dépense  du  roi  Jean  en 
Angleterre  2,  nous  voyons  qu'il  est  fourni,  «  pour  Monseigneur  Phi- 
«  lippe,  17  paires  de  souliers  et  3  paires  d'estivaux.  Le  roi  fait 
«  délivrer  une  paire  d'estivaux  à  son  fou,  maistre  Jehan,  laquelle 
<(  coule  4  s.  2  d.  » 

Ces  bottes  molles  étaient  foi't  en  usage  à  la  fin  du  xiv^  siècle  et 
pendant  le  cours  du  xv°.  Alors,  les  hommes  portaient  des  habits 
serrés,  des  braies  et  chausses  collantes  ;  les  estivaux  étaient  donc 
souvent  nécessaires. 

La  figure  17,  copiée  sur  l'une  des  images  qui  décorent  les  parois 
d'un  cofîre  recouvert  de  cuir  gaufré,  faisant  partie  du  musée  de 
Cluny  ^  représente  un  jeune  homme  portant  l'habit  de  la  fin  du 
règne  de  Louis  XI  ;  il  est  chaussé  d'estivaux. 

Ce  qui  précède  montre  combien  la  chaussure  était,  pendant  le 
moyen  âge,  et  principalement  pendant  les  xiV'  et  xv^  siècles,  une 
partie  importante  de  l'habillement,  ei  combien  les  gens  riches  se 
plaisaient  à  les  varier,  à  les  porter  fraîches  et  de  bon  air.  Ce  passage 
d'Eustache  Deschamps  fait,  d'ailleui's,  connaître  que  la  chaussure  était 
au  xiv*  siècle  un  objet  de  dépense  assez  considérable  : 

(^  Regarde  k  quelz  périls  tu  t'ofres.   » 

Il  s'agit,  pour  une  femme,  de  tout  ce  qu'il  faut  pour  tenir  un  rang 
convenable  : 

"  Chaussemcut  le  fault  et  solers, 

■>  Pour  les  venues,  pour  les  alers. 

Il  De  blanc,  de  uoir  et  de  vermeil, 

■>  L'uû  de  blauc,  l'autre  despareil  *, 

'>  Qui  soient  fait  comment  qu'il  prangue, 

»  Estroiz,  escorehiez  a  poulaine, 

■>  Ronde,  déliée  et  agile, 

»  Tant  qu'om  la  voye  par  la  rue; 

u  Aucune  foiz  soient  k  las, 

"  A  bouclettes,  puis  liauls,  jniis  bas, 

"  Selon  l'esté  ou  les  yvers. 

"   Et  la  saison  des  tenis  divers. 
,  "   Faull  chauces  et  cotte  liardie 

«  Courtelelle,  afin  que  l'en  die  : 

<>  Vez-lk  biau  piet  et  faiticet^.  » 

'  Ce  passage  indique  assez  que  les  grands  changeaient  souvent  de  iliaussures. 
2  1359. 

■*  Le  martyre  de  saint  Etienne. 

'  On  portait  alors  (vers  l.'Jti.j)   des  souliei's  déiiareillés   conime  coLileur.  ïun  blauc,  [.ai 
exemi)le,  l'autre  bleu,  ou  roufje,  ou  vert. 
'"  Le  Miroir  de  nianaye.  »  Kailii'ct  <•,  joli. 


[    CIlAlSSUliE    j  —   '172     - 

Nous  avons  vu  que  pour  marcher  dans  la  boue,  dès  une  époque 
reculée',  jusqu'au  \v°  siècle,  on  portait  des  patins  hauts,  de  bois, 
qui  isolaient  la  semelle  de  la  chaussure.  Cet  usage  existait  encore  en 
France  au  milieu  du  xvh«  siècle  ;  et,  alors  que  les  hommes  ne  por- 
taient plus  de  bottes  qu'en  voyage,  on  mettait  de  doubles  souliers, 
des  galoches,  afin  d'éviter  de  salir  les  chaussures.  L'habitude  de  porter 
des  bottes  ou  bottines  cessa  peu  à  peu  après  les  guerres  de  la  Fronde. 
Mais,  lors  de  ces  guerres,  tous  les  gens  du  monde  étaient  bottés  à  la 
ville  :  aussi,  Tallemant  raconte  qu'un  Espagnol  passant  à  Paris  et 
s'en  retournant  chez  lui,  comme  on  lui  demandait  des  nouvelles 
d'où  il  venait,  il  dit  :  «  J'y  ai  vu  bien  gens,  mais  je  crois  qu'il  n'y  a 
<(  plus  personne  à  cette  heure,  car  ils  étoient  tous  bottés,  et  je  pense 
«  qu'ils  étoient  prêts  à  partir-.  »  «  Maintenant,  ajoute  Tallemant. 
«  tout  le  monde  n'a  plus  que  des  souliers,  non  pas  môme  des  bot- 
«  tines.  Il  n'y  a  plus  que  La  Mothe  le  Vayer,  précepteur  de  M.  d'Anjou. 
«  qui  ait  tantôt  des  bottes,  tantôt  des  bottines  ;  mais  ce  n'a  jamais 
«  été  un  homme  comme  les  autres.  » 

Quant  aux  galoches  ou  patins,  on  appelait  encore,  au  xvi°  siècle, 
les  écoliers  externes  qui  se  rendaient  aux  collèges  le  matin,  des 
galochiers,  parce  qu'ils  portaient  des  galoches  par-dessus  leurs 
chaussures,  pour  éviter  l'humidité  ^.  Les  filles  de  service  de  la  reine 
Anne  d'Autriche,  qui  ne  demeuraient  pas  au  palais,  étaient  appelées 
galoches;  et  donnait-on  ce  nom  à  toute  personne  qui,  chargée  d'un 
service,  n'était  pas  tenue  à  la  résidence.  Louis  XIH,  après  la  mort 
du  cardinal  de  Richelieu,  aimait  à  travailler  avec  M.  de  Noyers,  car 
il  ne  voulait  plus  de  favori,  et  M.  de  Noyers  n'en  avait  pas  les  vues. 
Quand  on  parlait  d'atïaires.  si  M.  de  Noyers  n'était  pas  là,  le  roi 
disait  :  «  Non.  attendons  le  petit  homme.  »  L'autre  venait  avec  sa 
bougie  en  cntimini...  «  Il  étoit,  disoient  les  gens,  jésuite  galoche, 
«  car  il  l'étoit  sans  porter  l'habit  et  sans  demeurer  avec  eux^  » 

Les  sabots  n'étaient  pas  inconnus  aux  paysans;  pendant  le  moyen 
âge,  on  les  appelait  cerboles.  Dans  le  Roman  d'Alixandre  %  Antigone 
se  désole  h  propos  du  changement  de  fortune  de  la  plupart  des  com- 
pagnons du  héros  mort,  et  il  dit  : 

'<  Teus  avoit  blanc  aubère,  or  vestira  caole 
«  Et  saulers  paius  à  or  qui  or  ara  cherbole.  » 

1  Voy.  Chausses,  fig.  2. 

-  Mém.  de  Tnllemnnt  :  M.  d'Aumont. 

■*  Les  Nouvelles  liécrr.atwns  de  Bouaventure  Desperiers,  noiiv.   lxiii. 

'  Mém.  de  Tallemant  :  Louis  XIII. 

■'  Testamoat,  f.  SO.  v.  2o. 


—    IT;-)    —  [   CHEMISE    ] 

C/esl-n-dire  :  «  Hélas  !  tous  ceux,  qui  avaient  blanc  haubert  et 
souliers  brodés  d'or,  ne  vêtiront  plus  que  la  cagoule  et  ne  chaus- 
seront que  les  sabots.  » 

CHEMISE,  s.  f.  [kcmise,  chainse).  Tuni(|ue  de  dessous,  à  manches, 
fermée,  faite  de  toile  de  lin  ou  de  chanvre;  on  en  portait  aussi  de 
soie.  Les  chemises  de  toile  étaient  désignées  ainsi,  chemises  de 
cainsil  .• 

»  Il  ot  i-lieiiiise  lie  cainsil 
"  Vestiie.  délié  et  soblil '.  ■> 

Les  chemises  des  hommes  étaient  courtes,  celles  des  femmes  très- 
longues  et  descendant  jusqu'aux  pieds,  pendant  le  xn"  siècle.  Nous 
en  trouvons  la  preuve  dans  le  passage  du  roman  du  trouvère  Robert 
Wace,  qui  décrit  les  amours  de  Robert  et  d'Ârlelte^.  Ce  passage 
indiquerait  que  les  femmes  se  mettaient  au  lit  vêtues  de  chemises; 
cependant,  cet  usage  n'était  pas  habituel,  car  dans  le  Roman  de  la 
violette,  quand  la  chambrière  a  fait  le  lit  d'Eiiriaut,  sa  maîtresse  : 

'I  Sa  dame  apiele,  si  le  couche 

'■-  Nue  eu  chemise  en  la  couche  ; 

'1  Conques  en  trestoute  sa  vie 

".  La  biele,  blonde,  l'escavie  (l'accomplie). 

Il  Ne  volt  demostrer  sa  char  uuo'^.  " 

Ce  qui  surprend  la  chambrière  ;  aussi  Euriaut  lui  répond  qu'elle 
veut  cacher  ainsi  à  tous  les  yeux  un  signe  que  son  ami  seul  connaît. 
En  effet,  habituellement,  et  jusqu'à  la  fin  du  xiv"  siècle,  les  femmes, 
ainsi  que  les  hommes,  se  mettaient  au  lit  sans  chemises  ; 

H  Li  cuens  Amiles  en  la  chambre  est  venus, 
■c  En  lit  Ami  s'ala  coucher  touz  nus  : 
<<  Avec  lui  porte  son  branc*  d'acier  niolii. 
«  Et  Luhias  a  les  siens  dras  lolus^'  ; 
(i  Delez  le  conte  s'a  couchié  nu  a  nu^.  « 

Pendant  les  cérémonies   qui  précédaient  l'armement  d'un  cheva- 

I  I.e  Lni  del  trot. 

-  Le  Romnn  de  Rou  (xii"  siècle),  vers  7991  et  suiv. 

3  Romnn  de  la  violette  [ww^  siècle),  vers  "ûl  et  suiv. 

»  Épée. 

»  LuMas  a  ôté  sa  chemise. 

*  Pocme  A'Amisi  t't  Avilie,  m?.,  franc,  fomls  Colbert.  n^  7227-.'i.  Uiblioth.    imp. 


I    CIIKMISE    ]  —    174    — 

lier,  celui-ci  mettait,  au  sortir   du    lit    où  il  était   couché   nu,  une 
chemise  de  lin  blanche  '  : 

<«  lîrais,  clieinise  ot  de  cheiusil 

u  Plus  blanche  que  n'est  flur  en  avril-.  » 

«  Ceniise  et  braies  de  cainsil 

((  Plus  blances  que  flor  ne  grésil  s.  » 

Ces  chemises  étaient  faites,  pendant  le  xn«  siècle  et  jusqu'à  la 
moitié  du  xiii%  à  petits  plis  et  bordées  (pour  les  femmes  comme 
pour  les  hommes)  de  ganses  et  fils  d'or  au  col  et  aux  manches,  qui 
restaient  visibles  : 

<■  Trop  fu  apertenient  veslue  (la  reine] 
■i  D'une  chemise  estroit  cousue, 
.1  En  braz,  et  par  les  pans  fu  lée, 
«  Déliée,  blanche  et  ridée  '*.  >• 

Et  dans  le  Roman  de  la  violette,  Gérard  : 

<c  Desous  (un  mantelet  court)  ot  chemise  ridée 

K.  Qui  de  lîl  d'or  estoit  brodée, 

«  Viestue  l'avoit  pour  le  caut  (a  cause  de  la  chaleur) 

<i  Querre  volt  aler  Eiiriaut-j.  » 

Et  encore  dans  le  conte  Do  chevalier  de  iEspée  : 

I.  Et  chemise  gascorte  et  lée 
(>  De  lin  menueinent  ridée •". 

Ces  chemises  étaient  encore  portées  longues  par  les  femmes  à  la 
fin  du  xni"  siècle,  ainsi  que  l'indiquent  les  vers  ci-dessous  : 

«■  Tu  passas  devant  son  lit, 
«  Si  soulevas  ton  train' 
"  Et  ton  peliçon  ermin^, 
«  La  ceniisse  de  blanc  lin 
Tant  que  ta  ganibete  vis. 
"  Garis  fu  li  pèlerins  9.  » 

'  Voy.  Legrand  d'Aussy,  Contes,  t.  I.  p.  136. 

-  Lai  del  désiré,  vers  97 . 

3  Roman  des  aventures  de  Fiégi/s. 

'*  Extraits  de  Dolopatlios  d'Heriers[\\\i^  siècle). 

2  Vers  3466  et  suiv . 

6  Vers  40. 

"  La  partie  traînante  de  la  robe  de  dessus,  la  queue  du  bliaul. 

•*  Doublé  d'hermine. 

9  Conte  d'Aucasin  et  Nicokie,  manuscr.  u°  'd?9,  Biblioth.  impi'r. 


—    JTo   -  [   CHEMISE   ] 

La  figure  1  donne  le  haut  d'une  chemise  i\i  dame  noble  du 
xir  siècle'.  Le  col,  tout  formé  de  pelits  plis,  est  attaché  par  un 
bouton  ;  les  manches,  étroites  au  poignet,  sont  gaufrées  d'après  un 
procédé  bien  connu  des  blanchisseuses  de  fin.  encore  aujourd'hui. 
C'est  sur  cette  chemise  qu'on  mettait  le  bliaut,  et  habituellement 
une  première  robe  sous  celui-ci. 


£.CaiLLf\LMOr. 


Les  hommes  nobles  portaient,  ainsi  que  nous  l'avons  vu,  des 
chemises  à  petits  plis  sous  la  robe  ou  le  bliaut,  et  même,  quand  il 
faisait  très-chaud,  directement  sous  le  manteau;  ces  chemises 
étaient  des  tuniques  ne  descendant  que  jusqu'aux  genoux  et  à 
manches  assez  justes  (lig.  2j-.  Les  dames  ne  dédaignaient  pas  de 
tailler  et  coudre  des  chemises  pour  leurs  maris  ou  leurs  amants. 
Quand  Ydoine  guérit  son  ami  Amadas  de  sa  folie,  elle  se  plaît  à  le 
vêtir  de  beaux  habits  : 

"   C.cniisL'  cl  braies  lihmces  a, 

"   OirY(li)iiin  oousi  cl  tailla, 

(1  De  blanc  caiusil  liii'ii  ilcliic-'*.  » 

Vers  la  lin  du  \\\"  siècle,  le  nom  de  chemise  est  remplacé  habi- 


'  statues  du  portail  Hoyai  de  la  cathédrale  de  Chartres  (xii=  siècle). 
'  Vitrail  de  la  cathédrale  de  Chartres  :  Ilaptr'aie  du  Cluisl  (xiii"  siècle). 
^  Li  Horuans  il' Amadas  et  Ydoine,  vers  ;i76.'i  et  suiv. 


[   COIFFE    ]  —    176   — 

luellement  par  celui  de  robcs-lniges.  On  en  l'aisuil  de  drap,  pendant 
le  xV  siècle,  pour  la  nuit. 

2 


On  donnait  le  nom  de  doubles  ou  doublez  à  des  sortes  de  chemises 
ou  de  robes  de  dessous  faites  d'étotîe  mise  en  double  (voy.  ce  mot). 

COIFFE,  s.  f.  Bonnet  de  toile,  de  laine  ou  de  soie,  juste  à  la  tête, 
que  les  hommes  nobles  et  les  riches  bourgeois  portaient  sous  le 
chaperon,  et  les  gens  d'armes  sous  le  heaume  (voy.  Cuapeuois).  Les 


gens  de  métiers,  les  artisans,  dès  la  lin  du  xn"  siècle  el  pendant  le 
cours  du  xni",  portaient  une  coiffe  de  toile  ou  de  laine,  suivant  la 
saison,  qui  enserrait  les  cheveux,  couvrait  les  oreilles  el  s'attachait 
sous  le  menton  (fig.  1).  Ce  genre  de  coiffure  est  adopté  par  tous  les 
hommes  de  la    classe  inférieui'e  occupés  de  travaux  manuels.  Les 


—    177    —  [   COIFFE    j 

petits  marcliands,  les  artisans,  les  ouvriers  sont  constamment  repré- 
sentés coiffés  de  cette  façon,  de  1220  à  1270. 

La  coifïe  que  les  personnes  d'un  rang  élevé  portaient  sous  le 
chaperon,  de  4300  à  1460,  n'était  qu'un  serre-téle,  une  calotte 
très-juste,  mais  ijui  ne  s'attachait  pas  habituellement  sous  le  men- 
ton. Cependant  on  voit,  au  moment  où  Ton  commence  à  adopter  le 


\ 


chaperon,  que  la  coiffe  attachée  sous  le  menton  est  portée  sous  ce 
chaperon  '.  La  figure  2  nous  montre  une  coiffe  en  forme  de  calotte, 
ainsi  que  les  enfants  et  les  très-jeunes  hommes  la  portaient  pendant 
le  cours  du  xiii^  siècle  et  le  commencement  du  xiv"  2.  Les  coilfes  que 
l'on  portait  sous  le  chaperon  étaient  de  la  même  couleur  que  celui-ci. 

La  coiffe  que  la  sage-femme  posait,  à  l'église,  sur  la  tête  de  l'en- 
fant, après  le  baptême,  avait  nom  cresmeau  :  «  Item,  la  sage-femme 
«  et  la  marainne  doibvent  venir  à  l'église  avec  la  demoiselle  servante 
«  de  Dame,  et  doibt  la  sage-femme  porter  le  cresmeau  \  » 

Les  femmes  portaient  des  coiffes  alors  que  la  mode  était  de 
cacher  entièrement  les  cheveux  sous  des  coiffures  montées,  c'est- 
à-dire  au  commencement  du  xv"  siècle.  Ces  coiffes  étaient  parfois 
de  véritables  serre-tête,  qui  enveloppaient  complètement  la  che- 
velure (voy.  Con^'FURE). 

Il  n'est  question  de  calottes  régulièrement  portées  par  les  ecclé- 
siastiques, pendant  les  offices,  qu'en  1377,  et  encore  faut-il  que  ces 
ecclésiastiques  ne  soient  point  revêtus  du  surplis  ',  ou  qu'ils  ne 
soient  pas  occupés  aux  fonctions  de  leur  ministère. 


'  Voy.  {ÎHAPKnoN,  fig.   2. 

'  Des  chapiteaux  du  cloître  de  Saiut- Ti'oiiliiine  d'Arle>  (tin  du   xiii'"  siècle). 

^  Alicror  de  l'oicliers,  les  Honneurs  de  la  cour,  lî29. 

♦  Statuts  syuod.  du  diocèse  de  Poiliers,  l.'m. 

m.  --  23 


COIFFURE,  s.  f.  Nous  comprenons  dans  cet  article  tout  ce  qui  con- 
cerne l'arrangement  des  cheveux  et  de  la  barbe,  ainsi  que  les  orne- 
ments dont  on  les  couvre  ;  les  articles  Aumusse,  Chapeau,  Chapef{0>-, 
Coiffe,  traitant  des  vêtements  de  tête  qui  ont  un  caractère  d'utilité. 
Nous  n'entreprendrons  pas  de  discuter  sur  les  modes  diverses  qui 
lurent  en  usage  dans  les  Gaules  au  moment  de  l'invasion  des  peu- 
plades germaniques,  relativement  à  la  manière  de  porter  les  che- 
veux, de  les  teindre   et  de  les  nourrir.  Les  races  aryennes  étaient 
renommées,  de  toute  antiquité,   pour  la   beauté   de  leurs  longues 
chevelures  blondes  ;  et  les  poètes  ont  donné  à  la  plupart  des  divi- 
nités de  l'Olympe  grec  des  cheveux  blonds.  A  Rome,  les  chevelures 
des  Germains  étaient  vendues  aux  élégantes  pour  parer  leurs  têtes, 
et,  cà  défaut  de  faux  cheveux,  les  dames  teignaient  ou  poudraient 
ceux  que  la  nature  leur  avait  donnés,  pour  en  dissimuler  la  couleur 
sombre.  Pendant  le  moyen  âge,  la  couleur  blonde  des  cheveux  est 
considérée  comme  la  seule  qui  puisse  accompagner  un  beau  visage,  et 
il  faut  dire  que  les  races  conquérantes  des  Gaules  qui  composèrent  la 
caste  noble  étaient  renommées  par  l'abondance  et  la  couleur  fauve 
de  leur  chevelure.  Les  chefs  francs  portaient  les  cheveux  longs  ; 
c'était  un  signe  de  noblesse,  une  marque  du  rang  qu'ils  occupaient  ; 
ils  les  entretenaient  avec  grand  soin  et  les  laissaient  tomber  naturel- 
lement sur  les  épaules.  Grégoire  de  Tours  dit  *  «  que  les  Francs, 
«  ayant  traversé  le  Rhin,  passèrent  dans  la  Thuringe,  et  là,  dans  les 
«  districts  ou  les  cités,  ils  se  donnèrent  des  rois   chevelus  {reges 
«  crinitos)  pris  dans  la  première  et,  si  je  puis  parler  ainsi,  dans  la 
«  plus  noble  de  leurs  familles  {nobiiiori  suorum  familia)  ;   ce   que 
«  prouvèrent  plus  tard  les  victoires  de  Clovis,  que  nous  raconterons 
«  bientôt.  »  Cet  usage  de  porter  les  cheveux  longs  se  conserva  long- 
temps chez  les  hommes  de  race  noble  :  les  laisser  en  désordre  était 
un  signe  de  deuil  ;  les  couper,  la  plus  grande  marque  d'humihté  et 
une  sorte  de  dégradation.  En  effet,  lorsque  Clovis  eut  vaincu  Cba- 
raric,  qui  régnait  à  Térouanne,  il  le  lit  tondre,  lui  et  son  fils.  Or, 
comme  Chararic  se  plaignait  de  son  humiliation  et  pleurait,  son  fils 
lui  dit  :  «  Ces  branches  ont  été  coupées  sur  un  arbre  vert,  et  ne 
<>  sont  pas  entièrement  desséchées  ;   bientôt  elles  repousseront   et 
-  grandiront  de  nouveau.  Plaise  à  Dieu  que  celui  qui  a  fait  tout  cela 
«  meure  aussi    promptement  !   »   Ce   propos  ayant  été  rapporté  à 
Clovis,  il  le  prit  pour  une  menace,  il  ht  trancher  la  tête  aux  deux 
princes  -. 

'   Lil).  11,  cui).   IX,  traïu'èâ  Sulpicc  Aloxamlrc  et  d'aiilrcs  autuurs. 
'  Greg.  Tiiron.  Hisl.  Franc,  lih.  H,  cap.  xli. 


—    179    —  [   COIFFURE    ] 

La  tonsure  était,  sous  les  Mérovingiens,  une  marque  de  servitude, 
et  en  se  faisant  raser  tout  ou  partie  des  cheveux,  ceux  qui  entraient 
dans  les  ordres  se  rendaient  ainsi  serfs  de  Dieu.  Lorsqu'un  homme 
libre  était  obligé  de  vendre  sa  liberté,  —  si,  par  exemple,  il  ne 
pouvait  payer  ses  créanciers,  —  comme  marque  de  sa  déchéance 
on  lui  coupait  les  cheveux. 

Le  soin  que  les  conquérants  des  Gaules  avaient  de  leur  chevelure, 
la  vanité  qu'ils  tiraient  de  cet  agrément,  ne  pouvaient  guère  s'accor- 
der avec  les  idées  que  le  clergé  attachait  aux  avantages  corporels. 
Sur  ce  point,  comme  sur  beaucoup  d'autres,  les  Pères,  les  conciles, 
les  évoques  prétendirent  réagir  contre  les  habitudes  païennes  ;  et 
l'on  sait  quels  raftlnements  les  Romains  et  les  dames  romaines 
apportaient  dans  l'art  de  se  coitTer.  Déjà,  au  v  siècle,  Synésius, 
évêque  de  Ptolémaïs,  s'était  élevé  avec  une  violence  extrême  contre 
les  longues  chevelures  que  portaient  les  hommes  de  son  temps. 
«  Ceux-ci,  dit-il,  qui  ont  soin  de  leurs  chevelures,  sont  des  adultères, 
«  desefféminés,  des  victimes  de  l'incontinence.»  Tertullien  n'est  guère 
moins  sévère  à  l'endroit  des  personnes  qui  teignent  leurs  cheveux, 
qui  s'en  parent  avec  ostentation.  Le  concile  de  Constantinople,  en 
692,  excommunia  ceux  qui  ont  des  cheA^eux  frisés  par  artifice  ;  saint 
Clément  d'Alexandrie,  saint  Basile,  saint  Grégoire  de  Nazianze,  saint 
Jean  Chrysoslome  condamnent  les  chevelures  longues  et  frisées.  Les 
évéques  de  l'Occident  ne  se  firent  pas  moins  les  censeurs  de  la  parure 
des  cheveux  et  des  fausses  chevelures.  Il  ne  paraît  pas  que  les  épi- 
grammes,  les  censures,  les  admonestations,  les  exhortations  et  les 
menaces  aient  empêché  les  hommes  et  les  femmes  qui  vivaient  dans 
ce  siècle  de  se  parer  de  leurs  cheveux  naturels,  de  les  poudrer  d'or, 
de  les  teindre,  de  les  natter,  de  les  friser,  et  au  besoin  de  suppléer 
par  de  faux  cheveux  à  ceux  qui  leur  manquaient.  Sur  ce  point  comme 
sur  beaucoup  d'autres,  la  mode  était  plus  forte  que  les  censures  dès 
les  premiers  siècles  du  christianisme.  Nous  prenons  donc  acte  des 
protestations  du  clergé,  en  reconnaissant  qu'elles  ne  furent  alors 
d'aucun  etïet,  et  que  la  coiffure,  parmi  les  laïques,  principalement 
dans  les  classes  élevées,  fut,  dès  l'époque  mérovingienne,  une  des 
parties  les  plus  importantes  de  la  parure  des  deux  sexes.  Bon  nombre 
de  personnes  se  figurent  volontiers  que  les  hls  de  ces  leudes  francs, 
dont  les  mœurs  étaient,  en  bien  des  points,  si  voisines  de  la  barbarie, 
étaient  vêtus  comme  des  sauvages  et  n'avaient  que  peu  de  soins  de 
leurs  parures.  C'est  là  un  de  ces  préjugés  qu'on  entretient  chez 
nous  sur  le  moyen  âge,  préjugés  démentis  par  les  textes.  Mais  sans 
remonter  aux  Mérovingiens,  ce   qui  serait   sortir  des  limilos  de  cet 


f    COIFFURE    ]  —    ISO    — 

ouvrage,  il  est  certain  que,  sous  les  Caiiovingiens,  la  coiffure  était 
pour  les  deux  sexes  une  affaire  essentielle.  Les  monuments  de  cette 
époque,  manuscrits,  bas-reliefs,  nous  montrent  les  hommes  et  les 
femmes  de  condition  noble  avec  des  cheveux  longs,  tombant  der- 
rière les  épaules  et  laissant  les  oreilles  libres.  Les  cheveux,  divisés 
en  deux  parts  sur  le  haut  du  front,  sont  parfois  maintenus  par  un 
cercle.  Ceux  des  hommes  descendent  un  peu  au-dessous  des  épaules; 
ceux  des  femmes,  jusqu'à  la  hauteur  des  reins,  frisés  ou  plutôt 
ondes  sur  les  tempes.  Alors,  du  w"  au  x°  siècle,  les  laïques  ne 
portaient  pas  la  barbe,  et  les  clercs,  auxquels  il  avait  été  interdit 
jusqu'alors  de  la  laisser  croître,  commencèrent  à  la  porter  courte. 
A  la  fin  du  x"  siècle,  les  hommes  ne  portaient  plus  les  cheveux  longs 
mais  coupés  à  la  hauteur  du  milieu  des  oreilles  et  tombant  régu- 
lièrement autour  du  crâne  (fig.  1)  '.  Avec  les  cheveux  ainsi  disposés. 


la  barbe  était  taillée  assez  court,  quelquefois  en  pointe.  Les  Nor- 
mands, au  moment  où  ils  commencèrent  à  s'établir  sur  le  sol  des 
Gaules,  ne  portaient  que  les  moustaches  et  se  rasaient  le  menton  ; 
leurs  cheveux  étaient  courts  et  ne  descendaient  que  jusqu'à  la 
nuque.  Vers  la  fin  du  x"  siècle,  les  laïques,  en  France,  reprennent  la 
barbe,  mais  pointue  et  séparée  des  moustaches,  qui  sont  coupées  car- 
rément. Les  Normands,  sous  Guillaume  le  Bâtard,  ne  portaient  point 
les  moustaches,  et  quand  ce  prince  eut  conquis  l'Angleterre,  il  obligea 
ses  nouveaux  sujets  à  couper  les  leurs,  car  les  Saxons  les  laissaient 
croître,  et  ne  suivaient  pas  en  cela  la  mode  des  Normands.  Gré- 
goire VII  envoya  aux  évoques  des  ordres  sévères  pour  qu'ils  eussent 
à  faire  couper  la  barbe  des  clercs  dans  leurs  diocèses  ;  car,  malgré 
les  canons,  tout  le  clergé  portait  de  nouveau  la  barbe  dans  l'Occi- 

1  Panneau  d'uno  rouverturo  de  livre  (ivoire),  Biblioth.  iiiipér. 


—    481    —  [   COIFFURE   1 

dent.  Au  commencement  du  xii"  siècle,  les  hommes,  en  France, 
portaient  la  barbe  longue,  divisée  en  deux  pointes,  les  moustaches 
distinctes  de  la  barbe  et  de  même  terminées  en  pointe.  Les  che- 
veux étaient  longs,  tombant  sur  les  oreilles  et  derrière  le  cou.  La 
figure  1  bis  explique  cette  mode  i.  Alors  les  hommes  tenaient  à 
avoir  le  front  dégagé  et  avaient  grand  soin  de  séparer  les  cheveux 


¥ 


par  une  raie  au  milieu  du  crâne.  Ces  barbes  en  mèches  pointues 
demandaient  à  être  cultivées  avec  soin  ;  pour  obtenir  ce  résultat,  on 
les  enfermait  la  nuit  dans  des  sacs  avec  certains  onguents,  afin  de 
les  rendre  douces  et  soyeuses.  Les  moustaches  s'appelaient  fjuernon 
au  xu'  siècle,  ou  grignon  au  xni*'  siècle  : 

«  N'ert  mie  cliovalicr,  encore  ert  valcton, 

"  N'aveit  encore  en  vis  ne  barbe  ne  gueruon  -.   ■> 

«  Guillaunu'  b)l.  si  laint  comme  charbon, 
'(  De  maniaient  a  froncé  le  grignon  ^.  » 

Les  romans  qui  datent   du    commencement  du  xmT  siècle,   rap- 


'  D'un  chapiteau  île  la  porte   occidentale  de   l'église  abbatiale  de  Vczelay.  La  tête  est 
coiffée  d'une  aumnsse  légère. 
2  Roman  de  Hou,  vers  3817  et  suiv.  (xn«  siècle). 
^  Roman  de  la  violette,  vers  1421  et  suiv.  (xiri''  siècle). 


[   COIFFURE    ]  —    182    — 

pellclU    la    coiUuine  chez  les   nobles,  au   xii"   siècle,    de  prendre 
grand  soin  non-seulemenl  de  la  barbe,  mais  des  cheveux  : 

i<  Desor  son  pis  gisoit  sa  géant  barbe  florie, 
..  Diisque  vers  le  braiol  blance  cou  flor  uegie. 
"  Par  derrier  ses  espaulles  est  sa  criue  vergie, 
»  A  .III.  fie\  d'ormier  galoace  et  trenchée, 
'I  A  botons  jaffarins  l'avoit  estroit  ploie  ; 
(.   Li  chapiax  de  son  ebief  valoit  tote  Pavie  ' . 

Ainsi  des  fils  d'or  et  des  boutons  ornés  de  pierreries  étaient  tressés 
avec  la  chevelure  des  hommes  nobles,  lorsqu'ils  présidaient  quelque 
solennité. 

Dans  les  bas-reliefs  de  la  nef  de  Vézelay  (1100),  les  personnages 
couronnés  sont  cependant  représentés  imberbes,  ce  qui  ferait  sup- 
poser qu'alors,  dans  cette  partie  de  la  France,  c'était  une  marque 
de  suzeraineté  d'avoir  les  cheveux  longs  et  la  barbe  rasée. 

Quelques  commentateurs  admettent  que  le  mot  guernon  doit 
s'entendre  comme  cheveux  des  tempes,  et  en  effet,  dans  la  chanson 
de  Gui  de  Bourgogne,  on  lit  ces  vers  : 

«  Dus  Naimes  de  Baiviere  au  est  saillis  au  pies  ; 

«  Son  mante!  lest  chaoir,  qu'est  a  or  entailliés, 

"  Sa  barbe  li  baloie  juse'au  neu  du  braier, 

«  Par  desour  les  oreilles  ot  les  guernons  treciôs, 

■>  Derier  el  baterel  -  gentemeut  atacliiés  ; 

i>  Mult  ressemble  bien  prince  qui  terre  ait  a  bailler  s.  ., 

Et  plus  loin  : 

«  Sa  barbe  li  baloie  juse'au  ueu  du  braier. 

"  Par  desus  les  oreilles  ot  les  grenons  treciez  '*.  » 

D'après  ces  derniers  textes,  qui  datent  de  la  seconde  moitié  du 
XII*  siècle,  on  doit  admettre  que  les  guernons  sont  des  mèches  de 
cheveux  partant  des  tempes,  tressées  et  passant  dessous  ou  dessus 
les  oreilles,  pour  s'attacher  derrière  le  cou,  par-dessus  la  masse  de 
cheveux  couvrant  la  nuque  et  les  épaules.  Il  n'était  guère  possible 
de  tresser  les  moustaches  et  de  les  attacher  de  cette  façon.  Alors, 


'   La  Conquête  de  Jérusalem,  chant  VI,   vers  u6"G   et  suiv..  composée  par  le  pèlerin 
Richard  et  rcnouv.  par  Graiudor  de  Douai,  publ.  par  C.  Hippeau. 
-  Hatcre/,  chignon  du  cou. 
^  Gui  (le  Bowf/ogtip,  vers  li!7  et  suiv. 
i  l/jicL,  vers  1S39, 


—    183   —  [   COIFFURE    I 

c"esl-à-dire  de  1140  à  1170  environ,  ainsi  que  le  conslalent  les 
sculptures  des  cathédrales  de  Paris,  de  Chartres ,  de  Senlis  et  de 
beaucoup  d'autres  édifices,  les  hommes  portaient  la  barbe  très- 
longue,  soigneusement  ondée  et  divisée  par  mèches  ;  les  moustaches 
distinctes  ;  les  cheveux  également  très-longs,  divisés  en  deux  parts, 
recouvrant  une  partie  du   front   et    tombant  derrière  les  épaules. 


n, 


Cï 


/    llljllp  0  ' 


E.LVILLRmOT. 


Outre  le  cercle  qui  maintient  les  cheveux  sur  le  sommet  de  la  tête  et 
les  empêche  de  tomber  sur  les  yeux,  on  voit  en  elïet,  comme  l'in- 
diquent les  passages  précédents ,  dans  des  sculptures  de  cette 
époque,  les  cheveux  des  tempes  nattés,  passant  sur  les  oreilles, 
attachés  par  derrière  et  maintenant  ainsi  la  masse  capillaire  posté- 
rieure (llg.  1  Ur.).  Toutefois  cette  dernière  disposition  est  rare,  et 


[   COI FF LUE 


—   184   — 


il  fallait,  en  effet,  avoir  une  terrible  chevelure  pour  adopter  cette 
coiffure  que  les  poëtes  de  la  fin  du  xn«  siècle  et  du  commencement 
(lu  Mil' prêtent  à  Cliarlemagne,  au  vieux  duc  Naimes,  le  Nestor  des 
romans  carlovingiens. 

Mais,  avant  de  passer  outre  ,  parlons  des  coiffures  des  femmes. 
Celles-ci,  dès  le  ix"  siècle,  portaient  souvent  de  longs  voiles,  cachant 


entièrement  les  cheveux  et  tombant  sur  les  épaules.  Celte  parure 
semble  avoir  été  spécialement  affectée  aux  dames  nobles.  Voici 
(Qg.  2)  *  une  représentation  de  cette  coiffure  que  nous  avons  cru 
devoir  traduire  pour  l'intelligence  du  vêtement  par  la  figure  3.  Sur 
le  voile  qui  lui  enveloppe  complètement  les  cheveux,  celte  femme 
porte  une  couronne  d'orfèvrerie ,  et  une  large  agrafe  circulaire 
retient  les  bords  du  voile,  qui  était  rond  et  fait  d"étoffe  de  lin 
très-fine. 

Au  xi°  siècle,   les  voiles  des   personnages  nobles   n'enveloppent 
plus  la  tête  et  ne  font  que  couvrir  le  derrière  du  cou,  les  deux  côtés 


1  Ms.  (les  Prophéties,  liibliolh.  inipér..  fonds  Sainl-Gerniaiu,  ii"  434  (ixe  siècle). 


—   185    —  [   COIFFURE   ] 

des  tempes,  en  tombant  sur  les  épaules  ;  ils  laissent  voir  les  che- 
veux en  bandeaux  et  s'échappant  eu  longues  mèches  ondées  sur 
les  reins. 

Avec  le  xn'  siècle  la  parure  des  femmes  subit  de  véritables  chan- 
gements. Les  rappoi'ts  fréquents  que  l'Occident  eut  alors,  non- 
seulement  avec  Constantinople,  mais  avec  la  Syrie,  l'Egypte,  la 
Vénélie,  la  Grèce,  eurent  sur  les  modes  une  iniluence  considérable. 


Ce  n'étaient  pas  seulement  des  soldats  qui  alors  se  transportaient 
en  Syrie,  mais  des  artisans,  des  familles  entières.  Les  femmes  étaient 
très-nombreuses  dans  les  armées  des  premiers  croisés  ;  cl,  lors(|ue 
leurs  chefs  se  furent  établis  à  Anlioche,  à  Jérusalem,  la  plupart  y 
firent  venir  leurs  femmes.  11  n'est  donc  pas  surprenant  que  celles-ci 
aient  pris  aux  Byzantins  et  même  aux  Arabes  quehiues-unes  de  leurs 
parures,  et  surtout  ces  belles  étoiïes  qu'on  fabriquait  à  Damas,  à 
Bagdad  et  à  Constantinople  même.  C'est  alors,  en  effet,  que  la  mode 
des  vêlements  longs,  faits  d'élolfcs  souples,  légères  et  crêpées,  des 


III.  — 


[    COIFITHE   ]  —    186   — 

longues  manches,  des  coiffures  ornées  d'or,  s'empara  de  toutes  les 
classes  élevées  : 

«  Vcstiic  fu  d'une  porprc  rocc, 

'(  Sa  criiie  rrespe  fu  à  or  galouéc  '.  » 

Et  encore  lit-on  ces  vers  dans  un  roman  du  milieu  du  xm*"  siècle  : 

«  Et  ele  iL'ii  loule  desliée 

«  Et  s'estoit  d'un  lil  d'ôi'  trcsciéc 

<(■  Mes  si  bel  crin  jilus  reluisoieut 

K  Que  li  ors  dout  trecié  estoient 

«  Car  il  estoient  crespé  et  tor, 

«  En  son  chicf  ot  .i.  cercle  d'or, 

«  Pierres  précieuses  et  cliierres, 

"  A  flors  de  diverses  maiueres-.  » 

De  1130  à  1140,  les  femmes  nobles  séparaient  leurs  cheveux  en 
deux  grosses  nattes  qui  tombaient  devant  les  épaules  (tig.  4)^  ou  bien, 
formant  de  chacune  de  ces  deux  parts  deux  longues  mèches,  elles  les 
réunissaient  au  moyen  de  bandelettes  de  soie  ou  de  tissu  d'or  (fig.  o)\ 
Nous  avons  donné  cette  toilette  entière,  afin  de  faire  mieux  voir 
comment  la  coiffure  s'hai'monisait  avec  l'ensemble  du  vêtement.  Ici 
les  cheveux  sont  recouverts  d'un  petit  voile  rond  qui  cache  leur 
séparation  sur  la  nuque.  Le  bliaut  (voy.  ce  mot)  est  fait  d'étotïes 
gaufrées  et  crêpées  ;  le  manteau  est  une  cape  demi-ronde.  Voici 
(fig.  6)  comment  les  bandelettes  réunissaient  les  longues  mèches  de 
la  chevelure,  passant  successivement  (voy.  en  A)  en  dehors  des  deux 
mèches,  puis  entre  les  deux.  Ces  coitïures  devaient  demander  beau- 
coup de  temps  et  beaucoup  de  soin,  aussi  n'étaient-elles  adoptées 
que  par  les  femmes  nobles,  auxquelles  alors  les  loisirs  ne  man- 
quaient pas.  De  beaux  cheveux  blonds  ainsi  entrelacés  de  bande- 
lettes d'or  et  de  soie,  tombant  jusqu'aux  genoux  et  détachant  leurs 
tons  fauves  sur  les  étoffes  fines  et  crèpelées  du  bliaut,  souvent  trans- 
parent, bordant  le  manteau  fait  de  ces  belles  soieries  d'Orient  aux 
vives  couleurs,  se  mèliint  à  l'éclat  des  pierreries  de  l'agrafe  et  de  la 
ceinture,  surmontés  d'un  très-léger  voile  de  lin  et  d'une  couronne 
d'orfèvrerie,  devaient,  certes,  composer  une  belle  parure.  A  la  même 
époque,  les  hommes    nobles    portaient,  ainsi  que  nous  l'avons  dit 

'  Guillaume  d Orange,  chansons  de  geste  des  xi"  et  xii^  siècles,  publ.  par 
M.  \V.  J.  A.  Jonckbloet  (Paris,  1854)  :  la  Bataille  d'Aleschans,  vers  3103  et  suiv. 

=  Extraits  de  Dolopathos,  d'Herbers. 

■i  Du  portail  occidental  de  la  ('athédralc  de  Chartres. 

*  Figure  du  portail  de  Notre-Dame  de  Corbcil,  aujourd'hui  déposée  dans  l'église  abb:i- 
lialc  de  Saiut-Denis. 


—   187    —  [   COIFFURE   ] 

plus  haut,  les  cheveux  longs,  laissanl  hahiluellement  voir  les  oreilles 
et  tombant  en  pointe  derrière  la  nuque  ;  la  barbe,  frisée,  entretenue 

lu 

■  i(Qio".,y)f{ 


avec  beaucoup    de  soin,  ne    descendait    qu'exceptionnellement  au- 
dessous  du  cou  (fig.  7)'.  Les  bourgeois  portaient  également  la  barbe, 


Sliitucs  (lu  jioihiil  occidcnhil  tli'  hi  lallR'drjilo  de  Charlrc: 


[   COIFFURE    ] 


188 


mais  les  cheveux  moins  longs.  Quant  aux  artisans,  ils  ne  portaient 
pas  la  barbe  et  tenaient  leurs  cheveux  assez  courts  •. 


Cependant,  ainsi  que  le  montre  la  figure  1  ter,  il  était  admis  que 

'  Voyez  les  mss.  du  xn^  siècle,  et  notamment  celui  de  Hcrrade  de  Landsberg.  bihlioth. 
de  Strasbourg.  —  Voyez  aussi  les  bas-reliefs  de  cette  époque  :  Chartres,  Paris,  Saint-Loup 
de  Naud,  etc. 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER   ERANCAIS 


Tome  III 


Coiffure^  fig.  5. 


Hi 


COIFFUllE   hV.   I>AMI'    iNOIîM:  (\ii»  siècle). 


Cn.  nofîiMANN,  éditeur. 


Inip.  MoTTEnoz  cl  Martinet 


—    189    —  [   COIFFIRE   ] 

des  personnages  nobles  et  vénérables  laissaient  croître  entièrement 
leur  barbe,  mais  ce  n'était  pas  là  une  coilTure  qui  pût  convenir  aux 


hommes  jeunes.    Ceux-ci  portaient  les    moustaches    coupées  carré- 
ment, la  barbe  en  mèches  soigneusement  séparées  et  formant  des 


S 


pointes  se  touchant  ou  se  croisant;  les  cheveux  coupés  court  sou- 
vent au-dessus  du  front,  et  tombant  en  longues  mèches  derrière  les 


[  coii'iraE  ]  —  190  — 

oreilles  et  le  cou.  La  figure  8,  qui  reproduit  une  sculpture  de  cette 
époque  (1160  à  1170)',  explique  cette  mode  bizarre. 

Jusqu'alors,  il  était  d'usage  de  jurer  par  sa  barbe,  et  les  poëmes  de 
la  fin  du  XII''  siècle  mentionnent  encore  celle  ancienne  coulume  des 
Francs.  Dans  la  Chanson  de  Huon  de  Bordeaux,  Charlemagne 
s'exprime  ainsi,  lorsqu'il  prétend  faire  un  serment  : 

<>  Et  par  la  barbe  qui  me  peut  sor  le  pis  2.  » 

Ces  longues  barbes  étaient  gênantes  lorsqu'on  s'armait  ;  on  les 
passait  sous  le  heaume,  et  elles  tombaient  devant  la  rentaille  du 
baubert  : 

u  La  barbe  ot  longe  d'esc'au  ueu  del  baudré, 

>.  Qui  li  pendoit  desous  l'eline  jesmé  ; 

«  Sous  le  ventaille  de  haiiberc  l'ol  jeté  '■'.  " 

Dès  l'origine  du  christianisme,  le  clergé  s'éleva  toujours  contre 
l'iiabitude  de  porter  des  cheveux  longs,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus 
haut,  et  lui-même  donnait  l'exemple  en  se  coupant  les  cheveux  en  cou- 
ronne au-dessus  des  oreilles  et  se  faisant  raser  le  sommet  du  crâne. 

A  cette  coulume  il  y  eut  cependant  des  exceptions,  puisque  les 
conciles  interviennent  parfois  pour  censurer  les  longues  chevelures. 
En  1191,  le  concile  de  Toulouse  déclare  que  tout  clerc  qui  porterait 
les  cheveux  longs  serait  privé  de  la  communion  jusqu'cà  ce  qu'il  eût 
fait  couper  sa  chevelure.  En  1198,  le  concile  d'York  déclare  vacanls 
les  bénéfices  de  ceux,  parmi  les  clercs,  qui  s'obstineraient  à  ne  porter 
plus  la  couronne  et  la  tonsure.  Quant  à  la  barbe,  les  religieux  régu- 
liers, comme  le  clergé,  la  portaient  pendant  le  xn°  siècle. 

La  barbe  était  considérée  si  bien  comme  un  signe  de  noblesse,  qu'on 
ne  pouvait  faire  un  plus  grand  afl'ront  à  un  homme  libre  que  de  la 
lui  couper.  Le  poëme  de  Floorant  ^  part  de  cette  donnée.  Clovis  a 
quatre  fils;  il  confie  Floovant,  l'aîné,  à  son  sénéchal,  duc  de  Bour- 
gogne, pour  lui  apprendre  à  manier  les  armes.  Le  sénéchal  emmène 
le  jeune  prince  à  son  hôtel,  le  fait  bien  manger  ;  après  quoi  tous 
deux  vont  se  promener  au  verger,  et  s'asseyent  côte  à  côte  sur 
l'herbe.  Bientôt  le  duc  s'endort  «  qui  fu  viaux  et  penez  »  : 

<(  n  ol  blainche  la  barbe  jusque  au  ueu  dou  baudré.  » 

'   Des  chapiteaux  de  Thûtel  de  ville  de  Saint-Autoniu  (11*0  environ). 
2  Chanson  de  Huon  de  Bordeaux,  vers  1050. 

s  Chanson  de  Huon  de  Bordeaux,  vers  SO.jI  et  suiv.  (voyez  la  partie  des  Armes). 
♦  Écrit  au  commencement  du  règne   de  Philippe-Auguste,   si   l'on   s'en  rapporte    auN 
descriptions  des  mœurs,  des  vêtements  des  usages. 


—   191    —  [   COIFFURE   ] 

Ici  l'auleur  nous  apprend  qu'alors'  tous  les  prud'hommes  étaient 
barbus,  clercs  et  laïques,  ainsi  que  les  prêtres  tonsurés  : 

«  Et  quanl  (li  uns  cstoit)  aporcéuz  d'anibler-, 
"  Doncques  li  fagoil  l'en  les  grenous  à  ouster 
<(  Et  trestoz  les  forçons  de  la  barbe  couper  ^  ; 
"  Lores  estoit  hontous,  bonis  et  vorgondez 
»  Si  qu'il  ni'  parousoit  entre  gantz  rouverser, 
"  Et  quant  il  cstoit  pris,  a  mort  cstoit  livrez  '.  » 

Donc,  le  sénéchal  dort,  Tenfanl  le  regarde.  Il  épluchait  une 
pomme  sur  le  pré,  d'un  couteau  (lu'il  tenait  à  la  main  : 

a  Dou  coutcl  ai  la  barbe  a  son  niaitre  copc.  » 

Le  duc  s'éveille;  voyant  ses  grenons  et  sa  barbe  coupés,  et  l'en- 
fant tenant  encore  son  couteau  affilé,  il  s'emporte  : 

(c  Et  par  .1.  soûl  petit  qui  ue  l'an  a  tue.  » 

«  Maudite  soit  l'heure  où  vous  avez  été  engendré,  damoiseau, 
qui  ainsi  m'avez  arrangé  !  je  m'en  vais  me  plaindre  à  votre  père  : 

«  Qui  vos  ferai  la  teste  et  les  niaubres  roper.  » 

L'enfant  se  prend  à  pleurer  et  lui  promet  de  lui  donner  des  terres, 
des  chevaux...  3Iais  le  sénéchal,  se  couvrant  la  tête  de  son  manteau, 
va  trouver  Clovis.  Quand  le  roi  le  voit  ainsi  ébarbé  : 

«  Sire  dus  débonnaires,  qui  vos  a  vorgondé?  »  lui  dit-il.  Et, 
apprenant  le  méfait  de  son  tils,  il  veut  lui  faire  trancher  la  tête  ;  sur 
les  instances  de  la  reine,  il  consent  à  l'exiler  pour  sept  ans  :  et  ce 
sont  les  aventures  que  court  le  jeune  prince  pendant  cet  exil  que 
raconte  le  poëme.  Quand  expire  le  délai  et  que  Floovant  découvre 
sa  naissance  au  roi  Flore  : 

(1  Je  sui  (Hz  Cloovis  (dit-il),  l'auparesre  des  Frans. 
u  Qui  me  cliaçai  de  France  por  son  fier  uiiiutal.iiil, 
'<  Por  .1.  petit  mcsfait,  qui  ne  fut  gaires  granz. 
H  Que  copai  a  mon  maître  les  grcuous  au  dormant . 
Cl  Me  fit  forjurier  France  de  ci  que  a  .vu.  auz. 
«  Or  est  vcnuz  li  termes  que  li  greuons  sont  granz.  » 

'  En  clïct,  dès  1200,  personne   ue  portait  [ilus    la    barbe,  et  l'auteur  parle    du    temps 
imssé . 
^  Convaincu  de  vol. 

^  Les  fourchons  de  la  barbe  [voy.  la  figure  S). 
*  Voyez  la  ('hmimn  de  Fioovanl,  publ.  sous  la  direct,  de  .M.  Oucssard. 


[   COIFFL'KE   ]  —    19!2   — 

La  mode  des  barbes  élait  passée  à  la  lin  du  xii'=  siècle,  el  le  poêle 
lui-niLMiie  trouve  que  pour  une  si  longue  pénitence  le  méfait  était 
petit.  Vers  le  milieu  du  règne  de  Philippe-Auguste,  personne  ne  por- 
tait plus  la  barbe.  Les  laïques  nobles,  les  riches  bourgeois,  taillaient 
leurs  cheveux  de  telle  façon  qu'ils  formaient  un  toupet  court  sur  le 
front  et  tombaient  des  deux  côtés  des  tempes,  en  laissant  voir  les 


y 


V 


Jt. 


oreilles  ;  derrière  la  nuque,  ils  atteignaient  le  milieu  du  cou.  Toute- 
fois, les  grands  seigneurs  conservaient  encore  la  longue  chevelure 
descendant  sur  les  épaules.  C'est  ainsi  qu'est  représenté  Philippe- 
Auguste  sur  ses  sceaux.  Vers  12^o,  les  hommes  commencèrent  à 
tailler  leurs  cheveux  court  et  carrément  sur  le  front,  en  laissant  sur 
les  oreilles  et  la  nuque  les  cheveux  longs.  Cette  mode  persista  jusque 
vers  1250.  Dans  quelques  provinces,  en  Bourgogne  notamment,  la 
barbe  courte,  soigneusement  cultivée,  fut  maintenue.  Mais  il  est  à 
croire  que  celte  mode  n'était  admise  que  chez  les  bourgeois  et  les 
artisans,  car  les  gentilshommes  sont  représentés  imberbes  ;  ils  sui- 
vaient en  cela  la  mode  de  France,  qui  donnait  le  ton.  Voici  (fig.  9) 
une  tête  d'homme  copiée  sur  un  cul-de-lampe  de  l'église  de  Semur 
en  Auxois  (1235  environ),  indiquant  clairement  la  disposition  de  la 
coiffure  bourguigonne  avec  la  barbe  courte  ;  tandis  que  la  ligui'c  1 
de  notre  article  Chapeau  montre  un  gentilhomme  du  même  temps, 
ayant  la  barbe  rasée  et  les  cheveux  disposés  comme  ceux  de  la 
figure  0  ci-dessus. 


193 


[    COlFFlItE   "j 

Vers  ii240,  en  France,  les  liommes  nobles  et  les  bourgeois  por- 
taient les  cheveux  roulés  sur  le  sommet  du  front,  le  laissant  à 
découvert,  et  longs  sur  les  oi-eilles  et  la  nuque,  mais  écartés  des 


10 


^ 


tempes,  de  manière  à  placer  les  oreilles  au  fond  d'une  cavité.  A  leur 
extrémité,  les  cheveux  longs  étaient  roulés  du  dedans  au  dehors 
(fig.  iO)  '.  Cependant  les  enfants  et  les  jeunes  gens,  jusiiu'à  l'âge 


IL 


1/1/ 


'^. 


où  ils  pouvaient  être  ai-més  chevaliers,  portaient  les  cheveux  courts 
et  tombant  naturellement  sans  frisure  (lig.  M)-.  On  cessa  de  rouler 
les  cheveux  sur  le  IVonl  vers  1"270  ;   lenus  courts  sur  le  sommet  du 


1  Slaliies  (les  rois  de  l'iilihiiNc  île  S:iiuL-I)eiiis,  rotViitus  sous  saiiil  Louis  (l'liiliiii)c'.  lils 
ilo  Louis  IX). 

^Statue  (le  l'IiilipiM',  livre  de  saiiil  Louis,  im'  m  1221,  luorl  jeune,  aujonnl'iiiii 
'li'|i(is:'C  dans  IV'Lîlise  al)balial(!  de  Saiid-'Jeuis,  proveuaul  de  r.ovMUiiioul. 

111.  —  2:j 


[   COII'I'LRK   ] 


i9i 


crâne,  ils  formaient  de  peliles  mèches  plates  ;   les   oreilles  étaient 

couvertes,  ainsi  que  la  nuque,  par  les  cheveux  latéraux  et  postérieurs, 

non   plus  écartés  des  tempes,   mais  frisés,  comme  précédemment, 

12 


■,Yfi'ii'''¥ff, 


à  leur  extrémité  (fig.  1:2)  '.  Le  menton  et  les  joues  étaient  complète- 
ment rasés.  Ce  fut  vers  1340  que  les  hommes,  sans  changer  le  genre 


de  coiffure  des  cheveux,  commencèrent  à  porter  des  favoris  très- 
courts  et  coupés  carrément  à  la  hauteur  du  nez.  La  ligure  13  - 
indique  cette  nouvelle  mode. 

'  Stiitue  de  Charles,  comte  de  Valois,  mort  oq  132o,  proveaant  dos  Jacobins  do  Paris, 
anjourd'luii  (iôposi'ie  dans  l'église  abbatiale  de  Saiut-Dcnis. 

-  Statue  de  Charles,  comte  d'Alençou,  mort  à  Crccy,  proveiiaut  de;  Jacobins  de  Paris, 
aujourd'hui  dépos.'ie  dans  r(5glise  abbatiale  de  Saint-Denis. 


—   49o   —  [   COIFFURE   ] 

Nous  avons  laissé  la  coiffure  des  femmes  au  milieu  du  xu«  siècle. 
Les  longues  tresses  sont  conservées  jusque  vers  Tannée  1170.  Alors 
les  femmes  commencent  à  cacher  leurs  cheveux  sous  des  voiles 
longs,  ou  plutôt  à  les  laisser  tomber  librement  derrière  les  épaules, 


/'/ 


C 


■< 


A 


^ 


sous  ces  voiles  d'étoffes  transparentes.  Bientôt  le  voile  ne  suffit  pas. 
et  les  dames  nobles  passent  sous  leur  menton  une  bande  d'élolTe  qui 
vient  s'attacher  sur  le  sommet  de  la  tête  et  brider  les  cheveux 
réunis  en  chignon  derrière  le  cou.  C'est  ainsi  qu'est  coiiTée  la  statue 
d'Éléonore  de  Guienne,  mariée  à  Louis  Vil,  répudiée,  puis  mariée 
de  nouveau  à  Henri  Plantagenet,  roi  d'Angleterre  en  ilo4,  sous  le 
nom  de  Henri  IL  Éléonore  mourut  et  fut  ensevelie  à  Fontevrault  en 
1194,  où  elle  s'était  retirée  '.* 

La  figure  14  montre  comment  cette  coiffure  était  disposée.  Les 
cheveux,  divisés  en  deux  grosses  nattes  latérales,  étaient  croisés 
derrière  la  nuque  ;  un  bandeau  retenait  ces  nattes,  puis  par-dessus 


'  La   statue    de   ceUe    princesse    est    aujnurd'liiii   (h^posre   (i;ins  une  îles  cliapelle  des 
réélise  abbatiak'  de  Fontevrault. 


[  coiFruRE  ]  —  196  — 

iiii  morceau  d'étolîe  A,  bridé  sous  le  menton,  élail  croisé  sur  le 
sommet  du  crâne  et  attaché  latéralement  avec  une  épingle.  Sur  ce 
bandage  le  voile  était  posé  (voy.  en  B)  :  ce  voile  était  rond  et  ne 
descendait  pas  au-dessous  du  milieu  du  dos;  il  était  fait  d'étolîe  de 
lin  très-fine,  souvent  brodé  d'or.  La  mentonnière  était  d'étolTe  fine 
de  lin,  blanche  comme  le  voile.  Lorsque  les  dames,  vers  1225,  rem- 
placèrent souvent  le  voile  par  le  chaperon,  elles  conservèrent  tou- 


jours la  mentonnière  sous  ce  chaperon  (fig.  15)  ^  lequel  était  fait 
d'une  étoffe  de  lin  blanche  posée  sur  une  forme  de  toile  épaisse 
fortement  empesée.  Ce  chaperon  laissait  voir  les  nattes  de  cheveux 
croisés  sur  la  nuque.  Dans  notre  figure  on  voit  encore  le  bandeau 
qui  retient  ces  nattes  et  passe  sous  la  mentonnière.  11  faut  croire 
que  ce  genre  de  coiffure  eut  une  grande  vogue  pendant  tout  le 
cours  du  xiii«  siècle,  car  elle  persiste  jusqu'au  commencement  du 
xiv«,  avec  de  légères  variantes.  Dès  le  milieu  du  xni"  siècle,  elle 
n'était  plus  seulement  réservée  aux  femmes  nobles,  les  bourgeoises  et 
même  les  femmes  de  mauvaise  vie  en  portaient,  et  dans  les  pein- 
tures   ces    chaperons  sont  toujours  représentés  blancs;   mais,    au 

'  Ou  [)ortail  scplontrinnal  de  Xo'.re-Damc  de  Cluuircs  (123.j  environ}. 


—    197    —  [    COIFFURE   ] 

commencement  du  xiV  siècle,  les  cheveux  par  derrière  sont  retenus 
dans  un  sac  d'étoffe  ou  entre  les  mailles  d'un  filet  (fig.  16)  K  La 
mentonnière    s'élargit  souvent  h  sa  partie  supérieure  pour  épouser 


les  saillies  du  chignon  qui  se  développe  démesurément,  et  celte 
mentonnière  ne  fait  plus  de  plis,  elle  semble  composée  d'une  étoffe 
doublée  et  empesée.  Le  chaperon  s'évase  beaucoup  de  façon  à  faire 

7 


paraître  le  sommet  de  la  tète  très-large  (fig.  17)  2,  A  considérer  ces 
dinix  figures  et  la  manière  dont  elles  sont  traitées,  l'une  semble 
rcpi'oduire  une  femme  de  basse  condition,  et  la  seconde  une  dame 


'  Corbeaux   de   l:i  coriiiclK!    cxlrrioure    de    réj;li.se   de   Saiut-Nazaire   de  Cairassannc 

(i:ii;;  ii  i:j20). 

-  Mrme  provenance  et  ni"nie  (''poqiie. 


[  coii'FriiE  ]  —  198  — 

noble.  Cela  se  rapporte  d'ailleurs  aux  vignettes  des  manuscrits  de  la 
fin  du  xni<'  siècle,  qui  nous  montrent  souvent  les  dames  nobles 
coifîées  de  ces  chaperons  évasés,  avec  chignon  d'un  développement 


e.Ci/iLiWA.vr. 


excessif.  Il  s'en  fallait  d'ailleurs  que  cette  coilfure  fût  la  seule 
adoptée  par  les  femmes  pendant  le  cours  du  xni"  siècle.  Celles-ci, 
en  bien  des  circonstances,  n'avaient  cessé  de  porter  le  voile  rond 
descendant  jusiju'au  milieu  du  dos,  avec  les  cheveux  flottants  et 
un  cercle  d'or  retenant  ce  voile.  Elles  enfermaient  encore  leurs 
cheveux  dans  des  sacs  en  broderie,  avec  cercle  d'or  sur  le  tout 
(fig.  18)  1  : 

«  Si  ot  nu  cei-fel  d'or  au  rliief  -.   » 

Ce  cercle  d"or  maintenail  la  résille,  ou  bien  elles  se  coiffaient  en 
cheveux  avec  fils  d'or  entremêlés  : 

'i  Sez  ri'ius  out  achesmez  à  .1.  fil  d'or  hutti  3.  , 

C'est  à  la  fin  du  xni^  siècle  que  les  coifl'ures  en  cheveux  avec  le 
cou  et  les  épaules  découverts  ont  la  vogue,  et  il  faut  reconnaître  que 


<   Des  fouiUes  du  cliàteau  de  Sainl-Gcrmain  eu  Lave,  bureau  de  l'arcliiterte. 

2  Mérnug'S,  romnn  de  la  Table  ronde. 

3  Gui  de  Nanteuii.  vers  CU. 


^  [   COIFFURE    ] 

ces  coiffares  sont  de  bon  goût.  Parmi  ces  coinares  en  cheveux    sans 
aucun  ornement,  il  en  est  une  qu'on  voit  souvent  figurée  d^l.  ," 


/ 


1 


X..At 


:™;::^"  t^l  t:r::^-  ^'  '""  -'  -^-^-^  -■  ^^^ 


oreille  à  lautrc  :  la  partie  antér 


acce  sur   le    sominol  du  crâne  d 


leurc  d(i6  cheveux  était  ramenée  s 


une 


ur 


COIKFIKE    ] 


—  -200  — 


le  IVoiil  cl  IVisèe  ;  l;i  partie  postérieure  était  divisée  en  deux  longues 
nattes  qui,  se  ci'oisant  sur  la  nuque,  venaient  s'attacher  sur  les 
cheveux  frisés  au-dessus  du  front  comme  un  diadème  ;  des  oreilles, 
on  n'apeicoit  que  le  lobe.  La  ligure  19  ^  explique  mieux  qu'aucune 
description  ce  genre  de  coinïire.  Mais  on  ne  s'en  tint  pas  là.  En 
conservant  le  principe  des  deux  nattes  postérieures,  les  élégantes 
du  commencemenl  du  xn*"  siècle  divisèrent  en  outre  la  partie  anté- 
rieure des  cheveux  par  une  raie  centrale,  tirent  bouffer  au-dessus 
des  tempes  ces  deux  fractions,  qui    vinrent    tomber  droit  le   long 


20 


:ry^\ 


des  joues  ;  puis  les*|deux  nattes  croisées  postérieures,  descendant 
au-dessous  des  oreilles,  furent  relevées  verticalement  le  long  des 
mèches  latérales  pour  se  perdre  et  s'attacher  sous  les  bouffants 
ménagés  des  deux  côtés  du  front.  Dans  les  espaces  latéraux  que 
laissaient  voir  les  nattes,  les  restes  des  cheveux  des  deux  fractions 
antérieures  tombèrent  en  ondoyant  dans  un  certain  désordre.  La 
Ugure  20  -  explique  également  cette  parure  de  tète,  fort  à  la  mode 
vers  1330.  Alors  les  femmes  se  décolletaient  beaucoup,  ce  qui  fai- 


'  Manuscr.  des  Mirncles  de  lu  Vierge  (liu  ilii  xiu''  siècle),  lubliollicqiie  du  séiniiiairc 
de  Soissons. 

2  Voyez  les  niauuserils  de  celte  éiioquc,  ol  noIainiiiL'ut  les  viiTiieUes  du  inanuscr.  do 
Luneelot  du  Lac,  t.  11.  frauiiiis.  liihlinlli.  inuirr. 


—   '201    —  [   COIFFURE   ] 

sail  valoir  ce  genre  de  coiffure,  dégageant  le  cou  et  les  épaules. 
Celles  qui  n'avaient  pas  le  bonheur  de  posséder  des  cheveux  abon- 
dants faisaient  comme  font  les  dames  de  nos  jours,  elles  en  ache- 
taient ;  si  bien  que  les  fausses  chevelures  dépassant  facilement  en 
volume  les  véritables,  toutes  les  femmes  se  crurent  obligées  d'ajouter 
des  cheveux  faux  à  ceux  que  la  nature  leur  avait  donnés.  Le  clergé 
s'élevait  violemment  contre  ces  mode?,  mais  les  exhortations  ou  les 
menaces  ne  firent  pas  supprimer  une  mèche  de  cheveux  tant  que  la 
mode  commanda  de    les    montrer.  En  1340,  les    dames  trouvèrent 


xsC 


/  N 

plus  élégant  de  ramener  les  deux  nattes  verticalement  des  deux 
côtés  des  joues,  en  laissant  entre  elles  et  les  tempes  deux  mèches 
droites  de  cheveux,  coupées  carrément  à  la  hauteur  du  bas  de  ces 
nattes.  Quelquefois  celles-ci  furent  alors  remplacées  par  des  torsades 
Irès-régulièrement  tournées.  C'est  ainsi  (pie  sont  coiffées  Blanche 
d'Évreux  et  Marie  d'Espagne,  femme  du  comte  d'Alençon  (lig.  21)*. 
Ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  qu'on  parle  des  caprices  de  la  mode. 


'  Marie  d  Es]iiii;iic,  pctile-liUc  do  sainl  Louis,  épousa  eu  sccoudes  noces  le  coiiilc 
d"Alcii(;ou  ((lliuilcs),  en  ['.i'.iè,  cl  ne  mourut  qu'eu  1389.  Son  cfligic  dut  —  comme  cela 
eut  lieu  t'rç(]uemmcut  —  cire  placée  pi'ès  de  celle  de  son  mari,  qui  fut  tué  à  Crécy  eu 
13'i6  ;  cui'  l'iialiil  que  pni-lc  l;i  princesse  el  la  cDillure  ciiiic(ji'dcul  avec  celle  ileniirre 
date. 

m.  —  M 


[    COII'KCltK    ]  —    202    — 

Rien  cependant  n'csl  moins  capricieux  ;  car  une  mode  esl  toujours 
la  consétiuence  très-logique  d'un  usage  antérieur,  et,  si  bizarres 
ou  étranges  que  paraissent  ses  expressions,  en  observant  un  peu,  on 
en  trouve  aisément  les  raisons.  La  mode  n'est  autre  cliose  que  la 
rechercbe  d'un  mieux  introuvable,  le  b(;soin  de  s'alïrancliir  d'une 
gêne,  d'un  embai-ras;  et,  en  cherchant  ainsi,  bien  souvent  on 
tombe  dans  une  difficulté  pire  que  celle  qu'on  voulait  évilei'.  On 
veut  simplifier,  et  les  complications  ne  font  que  changer  d'objet. 
Ainsi,  pour  ne  parler  que  de  la  coiffure  des  femmes,  —  chose  de  la 
dernière  importance,  personne  n'en  saurait  douter,  puisqu'elle  con- 
fiibue  à  donner  au  visage  une  expression  conforme  au  goût  du  jour, 
—  nous  avons  vu  que  les  dames  du  xn"  siècle  réunissaient  leurs 
cheveux  en  longues  nattes  ou  torsades  des  deux  côtés  des  tempes  : 
on  ne  peut  disconvenir  que  cette  coiffure,  si  élégante  qu'elle  fût,  ne 
dût  être  fort  gênante.  Ces  longues  tresses  s'accrochaient  à  toute 
chose;  impossible  de  baisser  la  tête  sans  qu'elles  vinssent  se  pro- 
jeter en  avant.  L'idée  de  les  retrousser  était  naturelle  ;  mais  alors 
mieux  valait  les  faire  partir  de  la  nuque.  C'est  aussi  ce  qu'on  fit, 
et  on  les  releva  en  diadème  sur  le  sommet  du  front  (voy.  les  fig.  lo 
et  49),  ou  on  les  enveloppa  dans  une  résille  ou  un  sac  (voy.  fig.  47 
et  48).  Puis  on  utilisa  les  cheveux  du  devant  pour  masquer  les 
attaches  de  ces  nattes  sur  le  sommet  de  la  tête  ;  mais  alors  les  che- 
veux latéraux  étaient  facilement  dérangés  et  avaient  un  air  de  dé- 
sordre qui,  en  coiffure  comme  en  toutes  choses,  ne  peut  longtemps 
être  toléré.  C'est  ainsi  qu'on  fut  conduit  à  enfermer  ces  cheveux 
du  sommet  et  des  côtés  dans  un  béguin  ou  coiffe  d'étoffe,  par-dessus 
lequel  les  nattes  ou  torsades  purent  être  régulièrement  posées 
et  attachées.  Entre  cette  coiffe,  les  tempes  et  les  joues,  on  laissa 
voir  les  cheveux  latéraux  tombant  droit,  coupés  à  la  hauteur  de  la 
bouche,  pour  accompagner  le  visage. 

Analysons  la  figure  24.  La  première  opération  consiste  (fig.  22) 
à  séparer  les  cheveux  comme  l'indique  le  tracé  A.  Les  deux  parties 
a  forment  les  tresses  ou  torsades  ;  les  deux  parties  b,  les  mèches 
droites  tombant  sous  la  coiffe  le  long  des  joues  ;  la  partie  c,  le  rou- 
leau faisant  chignon  sur  la  nuque.  Ainsi ,  (voy.  le  profil  B)  sont  dis- 
posées les  parties  de  la  chevelure  ;  puis  les  nattes  ou  torsades  d  étant 
faites,  ainsi  que  le  rouleau  e  de  la  nuque,  la  coiffe  est  posée  (voy.  le 
profil  C),  épinglée.  Alors,  les  torsades,  ou  nattes  d'  sont  ramenées 
sur  les  oreilles,  sont  épinglées  aux  angles  de  la  coiffe,  remontées 
verticalement  le  long  des  joues,  recourbées  sur  le  sommet  de  la  tête 
et  rattachées  à  leur  extrémité,  à  côté    du   chignon    roulé    sous    la 


—   203    —  [    COIFFURE    ] 

coiffe.  Afin   de  fixer  cet   ensemble,  une  couronne    d'orfèvrerie  pre- 

^5?  r  _^^^ 


LxJUmr 


liant  la  forme  donnée  pai-  les  clieveux,  ou  un  lislel  était  posé  sur 


[  COlFFUItE  ]  —  204  — 

le  sommet  de  la  tête.  En  E,  on  voit  l'apparence  que  présentait  cette 
coiniire  par  derrière  ;  parfois,  an  listel  d'orfèvrerie  était  attaché  un 
voile  conrt,  transparent,  qui  donnait  de  la  légèreté  à  Tensemliie 
(voy.  en  G).  Nous  verrons  bientôt  comment  cette  coiffure  se  trans- 
forme sans  abandonner  son  point  de  départ. 

Quelles  que  soient  les  variations  de  la  mode,  il  est  des  conditions 
de  goût  qui  s'imposent,  dans  tous  les  temps,  chez  les  populations 
naturellement  douées  de  cette  qualité.  Il  est  diflicile,  lorsque  les 
cheveux  remplissent  un  rôle  important  dans  la  coitîure,  de  trouver 
exactement  la  limite  qui  doit  être  assignée  aux  accessoires  d'orfè- 
vrerie ou  d'ètotfe.  La  nature  légère,  irrégulière,  chatoyante  des 
cheveux  s'allie  mal  avec  la  rigidité  ou  la  régularité  des  pièces  de 
parures,  dont  on  les  couvre  ou  qui  les  accompagnent  ;  aussi,  lorsque 
les  béguins,  les  cornettes,  les  couvre-chef  commencent  à  se  mêler 
aux  cheveux,  on  peut  être  assuré  que  ceux-ci  disparaîtront  bientôt 
entièrement  sous  ces  accessoires,  qui  deviennent  dès  lors  le  prin- 
cipal. D'abord,  avec  ces  pièces  d'étoffes,  on  a  le  soin  de  mêler  aux 
cheveux  des  bandelettes,  des  chapelets  de  perles  ou  de  pierres,  pour 
établir  une  transition  ;  on  est   entraîné  à  donner  aux  cheveux  des 


PCdAf-G.LT.fiL; 


formes  régulières  ;  ils  se  couvrent  de  plus  en  plus  de  bijoux  ;  puis 
enfin  le  bonnet,  ([uel  que  soit  le  nom  qu'on  lui  donne,  les  absorbe. 
Déjà,  sous  le  règne  de  Charles  V,  les  femmes  enveloppent  les  nattes 
latérales  dans  des  résilles  d'or,  qui  les  relient  au  béguin  de  des- 
sous<;raaisce  genre  de  coiffure  parut  bientôt  trop  sec.  Les  nattes 
ou  torsades,  ramenées  derrière  la  nuque,  remontant  verticalement 
le  long  des  joues,  ne  se  mariaient  pas  d'une  façon  agréable  avec  les 
courbes  du  visage.  La  coiffe  d'étoffe,  sous  les  torsades,  prennil  trop 


•  Voyez  la  statue  do  .Icaniio  lie  Boiirbou,  femme  de  Cliarlcs  V,  proveuaiiL  du  portail  dos 
C(51estins,  aujourd'hui  placée  <lans  la  chapeUe  de  Charles  V,  k  Saiut-Denis. 


—   205    —  [   COiFFlRE   ] 

(rimportance  et  faisait  paraître  celles-ci  maigres.  Les  clames  de 
haut  parage  trouvèrent  donc  une  autre  combinaison.  Les  nattes  ou 
torsades  ne  furent  plus  prises  derrière  les  oreilles,  mais  au  sommet 
Je  la  tête  (fig.  23).  La  chevelure  (voy.  en  A  le  dessus  de  la  tête, 
côté  a)  étant  séparée  par  une  raie  médiane  de  b  en  c,  ces  masses 
furent  réservées  aux  deux  torsades  ou  nattes.  Quant  à  la  partie 
inférieure  des  cheveux,  également  divisée  de  c  en  d,  elle  fut  rame- 
née en  deux  ondes  sur  les  oreilles.  Les  extrémités  de  ces  deux 
ondes  furent  régulièrement  retournées  sur  les  parties  tombantes 
d'une  coille,  ainsi  que  le  montre  la  moitié  g.  Par  derrière,  cette 
coilTure  se  présentait  ainsi  que  l'indique  le  tracé  B  :  en  h,  avant  la 
pose  de  la  coiffe  ;  en  i,  après  la  pose  de  cette  coiffe. 


La  ligure  24  montre  celle  coilïure  de  face  cl  latéralement.  On  voit 
comment  les  cheveux  de  l'orcipul  sont  ramenés  sur  les  oreilles,  pour 
se  retourner  régulièrement  sur  la  bande  d'élofle  (pii  descend  di'  la 
coifîe  ;  comment  des  agrafes  passent  dans  les  ganses  des  torsades, 
piiiuent  l'étoffe  de  la  coiffe,  et  saisissent  le  bourrelet  que  forme  celte 
élolïe  sous  le  rouleau  extrême  des  masses  ramenées  sur  les  oreilles. 


[   COIIFIIIE   ]  —   206  — 

Le  détail  24  bis  donne  la  forme  de  ces  agrafes.  On  peut  croire  que 
ce  n'était  point  une  petite  affaire  de  monter  une  pareille  coitïure, 
et   que  cette  opération  devait  demander  beaucoup  de  temps.  Il  était 


alors  de  mode,  chez  les  dames,  de  dégarnir  le  front  autant  que 
possible.  Un  front  uni,  bombé,  large  et  haut,  passait  pour  une 
beauté,  et  toutes  les  dames  de  qualité  s'arrangeaient  pour  posséder 
cet  avantage.  Cette  coilïure  est  celle  de  la  duchesse  Anne,  dauphine 
d'Auvergne,  comtesse  de  Forez,  qui  épousa  en  1371  Louis  II,  duc 
de  Bourbon,  comte  de  Clermont,  etc.,  mort  en  1410'.  Sur  la  cou- 
ronne d'orfèvrerie  était  émaillée  la  devise  :  Espérance. 

Pendant  le  xn^  siècle,  les  femmes  avaient  abusé  des  faux  cheveux, 
et,  si  l'on  veut  bien  examiner  les  coiffures  de  celte  époque,  on  re- 
connaîtra qu'habituellement  le  recours  aux  fausses  nattes  était 
nécessaire.  Il  y  eut,  au  xni"  siècle,  une  réaction  contre  cet  abus,  et 
les  femmes  adoptèrent  un  genre  de  coiffure  qui  pouvait  se  passer 
de  ces  emprunts.  Cela  ne  dura  qu'un  temps.  Déjà,  vers  la  fin  de  ce 
siècle,  on  bourrait  les  résilles  apparentes  sous  les  chaperons,  et  des- 
tinées à  contenir  la  chevelure,  de  coton  ou  de  laine,  pour  les  rendre 
plus  volumineuses.  Cet  usage  ne  fit  que  se  développer  pendant  le 
xiv  siècle,  et  sous  les  règnes  de  Charles  V  et  de  Charles  VI  la  mode 
des  faux  cheveux  s'empara  de  nouveau  des  dames.  Les  épigrammes, 
les  satires  des  poètes,  les  remontrances  du  clergé,  comme  toujours, 
ne  firent  pas  tomber  une  fausse  mèche.  Il  est  curieux,  à  ce  sujet,  de 
lire  la  ballade  composée  par  Eustache  Deschamps  vers  1390.  La 
voici  tout  au  long;  elle  tranche  dans  le  vif  de  notre  sujet  : 

«  Atournez-vous,  mes  dames,  autrement, 
'■  Sanz  emprimter  tant  de  haribourras, 
"  Ne  de  quérir  cheveulx  cstrangenieut 
"  Oue  maintes  fois  rungent  souris  elras. 

'  Celte  statue  est  déposée  dans  la  chapelle  des  ducs  de  Bourbon  dépendant  de  l'abbaye 
de  Sou\igny  (Allier), 


—  ^207  — 

Vostre  afubler  est  comme  im  grant  cabas  ; 
Bourriaux  y  a  de  coton  et  de  laine, 
Autres  clioses  idiis  qu'une  quarantaine  ; 
Froutiaux,  filez,  soye,  espiugles  et  neux  ; 
De  les  trousser  est  à  vous  très  grant  paiuc  ; 
Rendez  l'iîniprunt  des  estranges  cheveux. 

Faictes  vo  cliief  des  vostres  in-opremeut, 

Sanz  faire  ainsi  la  torche  depesas, 

Sauz  adjoustcr  cstrangc  habillement, 

yue  destrousser  fault,  com  junicul  à  bas. 

Chascune  nuit,  et  jetter  en  un  las. 

Puis  au  matin  fau'.t  retrousser  s'ensaigne, 

Aide  avoir;  l'œuvre  d'une  sepniaine 

Y  convient  bien,  et  qu'om  soit  deux  et  deux. 

A  ce  trousser;  pour  tel  chose  villaine, 

Hendez  l'cmiiruut  des  estranges  cheveux. 

Onques  ue  t'u  si  lourde  afublement. 

Ne  si  coruu  visaige  fait  de  chas  (écliafaudé'. 

Et  si  dcsplaist  k  tous  communcnient. 

Tel  chief  fourre  d'estrauge  chanvcnas  ; 

(bornes  portez  comme  font  les  lymas. 

Atournez-vous  d'une  atournurc  plaine 

De  vostre  poil;  d'autre  ne  vous  souviengnc  ; 

Ostez  du  tout  ces  grans  hures  beleux 

Qui  vous  deffont  ;  nulle  plus  ue  les  praingnc 

Rendez  l'emprunt  des  estranges  cheveux. 


[   COIFFLRE  ] 


ENVOY 

■c  Jeusnes  dames  envoy  tele  Iriquedondainc 

.(  Ne  portez  plus;  aux  vielles  eu  convicugnc. 

"  Soit  vos  atours  humbles  et  gracieux, 

..  Plaisaus  à  touz,  Dieu  eu  bien  vous  mainlienguc. 

«  Car  raison  dit  qui  veult  qu(!  tout  le  craigne  : 

"  Rendez  l'emprunt  des  estranges  cheveux.  » 

Si,  lotU  au  long,  nous  avons  cilé  celte  ballade,  c'est  qu'elle  met 
en  lumière  quelques  détails  iiiléfessants.  D'abord,  comment  les 
femmes  faisaient  abus  des  faux  cheveux;  comment  elles  se  coif- 
faient chaque  jour';  comment  ces  coilTures  étaient  montées  par  des 


'  On  se  fait  trop  souvent,  sur  le  moyen  âge,  ks  idées  les  plus  fausses.  Maintes  fois, 
nous  avons  entendu  dire,  devant  les  statues  qui  nous  représentent  des  personnages  de 
cette  cpof]uc,(iueu  ces  gens-là  «devaient  se  faire  coill'er  une  fois  la  semaine, aiusi  que  cela 
se  pratique  dans  (luclqucs  contrées  de  l'Italie  chéries  des  peintres.  Or,  les  vers  d'Eustacho 
Deschamps  disent  «  qu'il  fallait  détrousser  cet  allirail  comme  ou  drsiianiaclic  sa  jument, 
chaf/ue  nui%  et  le  remouler  tous  les  Duitùis  ». 


[   COIFFLUE   ]  —    208    — 

coilTeurs;  commenl,  enfin,  ces  échafaudages  de  faux  cheveux  plai- 
saient médiocrement  aux  liommcs  ;  comment  ceux-ci  n'eussent 
voulu  les  voir  que  sur  des  visages  ridés,  quMls  ne  regardent  guère, 
et  comment  le  monde  et  ses  ridicules  ne  changent  pas. 

Avant  de  passer  outre  aux  coiffures  de  femme  adoptées  au 
xv  siècle,  il  nous  faut  parler  de  ces  guimpes  et  voiles  qui,  pendant 
le  xiV  siècle  el  le  commencement  du  xv°,  sont  donnés  aux  dames 
nohles.  On  a  prétendu  que  ces  voiles  qui  enveloppaient  complète- 
ment la  tête  et  le  cou,  et  ne  laissaient  voir  que  le  visage,  étaient  la 
parure  des  veuves  ;  mais  il  est  évident  que,  si  les  veuves  ont  porté 
celte  coitTure,  elle  était  souvent  prise  par  les  femmes  qui  ne  l'étaient 
pas.  Indépendamment  des  statues  de  veuves  qui  ne  sont  pas  ainsi 
coiffées,  nous  trouvons,  dans  les  vignettes  des  manuscrits  et  dans  les 
peintures  de  la  fin  du  xiii^  siècle,  le  point  de  départ  de  cette  mode, 
étrangère  à  la  qualité  de  veuve. 


2^ 


a: 


•^         ^ 

^ 


Cu.'urauoi . 


Nous  avons  montré,  dans  les  arlicles  Au.musse  et  Chaperon,  com- 
ment les  femmes  avaient  adopté,  dès  le  xiii"  siècle,  un  vêtement  de 
tête,  sorte  de  gonelle  en  forme  d'entonnoir,  fendu  latéralement  pour 
laisser  passer  le  visage,  en  couvrant  le  crâne,  le  cou  el  les  épaules. 
Ce  vêlement  était  posé  sur  la  tête,  ainsi  que  l'indique  la  figure  24  ier, 
en  A.  Par-dessus  ce  capuchon,  vers  1270,  les  femmes  posèrent  un 


—    :Î09    —  [   COIFFL'IŒ   ] 

voile  dont  la  forme  et  les  dimensions  sont  indiquées  en  C.  Voici 
comment  ce  voile  était  mis.  On  laissait  pendre  sur  l'oreille  droite  un 
des  bouts  b,  faisant  passer  le  point  a  sur  le  sommet  du  crâne;  puis 
on  tordait  l'autre  partie  du  voile  de  telle  sorte  qu'elle  entourât  la 
tète  une  fois  et  demie  ;  le  bout  d  était  alors  passé  par-dessus  la  tor- 
sade sur  l'oreille-  gauche,  et  tombait  sur  l'épaule,  par  suite  de  la 
courbure  de  cette  extrémité  (voyez  le  voile  posé  en  B).  Le  capu- 
chon, caché  à  sa  partie  supérieure,  formait  comme  une  guimpe 
sous  ce  voile-chaperon.  L'origine  de  la  guimpe  est  bien  en  etïet  le 
capuchon  ou  l'aumusse,  et  les  hommes,  au  xni'=  siècle,  en  portent 
pour  sortir  à  cheval.  Cette  coiffure  ne  tarda  guère  à  se  transformer. 
Il  est  question  de  guimpes  dans  les  poèmes  et  les  romans  des  xni« 
et  xiv^  siècles,  et  ces  parures  semblent  être  parfois,  en  effet,  un 
attribut  des  femmes  n'ayant  plus  d'époux.  Dans  les  Chroniques 
anglo-normandes,  l'auteur  parle  d'une  dame  qui  reçoit  dans  son 
château  le  roi  Guillaume  d'Angleterre  ;  elle  est  seule  : 

"  Car  (le  sigUDr  ni  avuit  point  i .  » 

Or  cette  dame  est  sa  femme,  (ju'il  avait  perdue  ;  elle  a  le  visage 
couvert,  peut-être  en  signe  de  deuil.  Mais,  quand  elle  invite  le  roi 
à  venir  au  château  : 

"  Ele  coniinaude  i[Ul'  uu  l'ace 

«  Les  tables  mclre,  et  ou  les  mis!, 

"  Assés  fu  qui  s'en  eutrcniist, 

«  De  l'âloruer  se  liastcnt  uiolt  ; 

'■  Et  la  ilanie  jus  lU'  son  fri)ul 

«  Diisc."  an  nii'nl'iii  sa  guiinple  avale  -.  » 

Il  est  évident  que  ces  guimpes  étaient  destinées  à  cacher  en 
grande  partie,  sinon  en  totalité,  les  traits.  Dans  le  conte  du  C/ieralier 
à  la  trappe,  un  seigneur,  jaloux,  tient  sa  femme  sous  les  verrous. 
Un  chevalier  la  voit  à  sa  fenêtre,  en  devient  amoureux;  se  fait  pré- 
senter au  seigneur  châtelain,  parvient  à  capter  sa  conliance,  et  est 
pris  par  lui  comme  sénéchal.  Il  fait  pratiquer  un  souterrain  (|iii 
communi(|ue  de  chez  lui  dans  l'appartement  de  la  dame  par  une 
liappe.  Un  jour,  le  chevalier  dit  au  seigneur  que  son  amie,  depuis 
longtemps  attendue,  arrive,  (ju'il  va  l'épouser  le  lendemain,  et  le 
prie  d'assister  au  repas  des  lianraillcs.  Oi",  c'est  sa  [iropre  femme, 

'  Li   roi   GuillniDiie   d'Angleterre,    chron.  nngl.-rw)  tn.,    pntil.     par   M.    Krancisquc 
Michel,  t.  m,  p.  i:i:i. 
^  Ihiil.,  p.  lin. 

in.  —  n 


[   COIFKLHE    ]  —   i>10    - 

vôLue  d'une  guimpe  de  soie,  qu'il  présente  au  chàlelain.  Celui-ci, 
forl  troublé,  croit  bien  la  reconnaître  ;  court  à  sa  tour  pour  s'assurer 
si  ses  soupçons  sont  fondés.  Mais  pendant  qu'il  se  fait  ouvrir  les 
douze  portes,  la  dame  est  rentrée  chez  elle  par  la  trappe,  et  le  sei- 
gneur, i-assuré,  croyant  à  une  ressemblance,  consent  le  lendemain 
à  assister  au  mariage  de  son  sénéchal  et  de  la  dame  ;  il  les  reconduit 
au  vaisseau  (jui  les  doit  emmener,  et,  rentré  chez  lui,  il  ti'ouve 
la  chambre  vide. 

Si  le  conte  n'est  pas  absolument  moral,  il  montre  (|ue  les  guimpes 
servaient  au  moins  à  déguiser  en  partie  les  traits,  et  que  ce  n'était 
pas  seulement  pendant  le  veuvage  que  les  femmes  les  prenaient. 

Dans  la  Chanson  de  Guy  de  Nanteuil,  il  est  parlé  d'une  pucele 
qui  arrive  sur  sa  haquenée  ;  à  cause  de  la  chaleur,  elle  s'est 
désafublée  : 

<c  Jc'lienuL'ilo  et  Martine  li  ont  sa  guiniple  ostée. 
<.  Moult  par  ol  blont  le  cliiet  quant  fii  desvulepée, 
<■  Elle  est  assés  ]iliis  blanche  que  seraino  ne  fée  ' .  » 

Dans  le  liomau  du  renart,  la  guimpe  est  présentée  comme  la 
coilïure  d'une  femme  de  bon  renom  : 

■'  Eu  vos  a  moult  niauvez  recluz. 

."  Qui  niesdites  de  la  plus  franche 

■'  Qui  onc  portast  guimpe  ne  manche, 

<■  Ne  laz  (le  soie  n,;  çainture  -.  » 

Pour  aller  à  l'égUse,  les  femmes,  pendant  les  xin^  et  xiv"  siècles, 
mettaient  une  guimpe  : 

"  Au  malin  quand  il  ajorna  •* 

"  Ydoine  se  \est  et  chau(;a  ; 

"  Quant  ele  fu  apparcilliée. 

"  Bien  affublée  et  bieu  loiée  * 

"  D'une  bclc  guimple  de  soie. 

f  Droit  au  niostier  a  pris  sa  voie  ; 

'<  Mais  aineois  qu'el  i  fust  entrée 

«  Esloit  ja  la  messe  chantée  '•.  » 

Il  est  donc  possible   (jue  les  guimpes  aient  été,   dès  la   lin   du 

'  Vers  437  et  suiv. 
-'  Vers  28ii7  et  suiv. 
•*  '<  Quand  le  jour  jiarut.  <> 
'*  <(  Liée  » 

'  Conte  du  segrelain  moine,  vers  233  et  suiv.  [Contes  anciens,  publ.  par  Barbazan, 
t.  i). 


—    :21  1    —  [    COIFFURE    ] 

xiii"  siècle,  adoptées  par  les  dames  comme  un  vêtement  convenable 
aux  veuves  ;  mais  il  est  certain  qu'elles  étaient  portées  en  beaucoup 
d'autres  circonstances.  Voici,  entre  autres  exemples,  la  coiffure  de 


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Marguerite  d'Artois,  femme  de  Louis,  comte  d'Évreux  ',  laquelle 
mourut  en  1311,  tandis  que  son  époux  ne  mourut  (ju'en  1819;  donc 
celle  coilîure  ne  peut  être  celle  d'une  veuve.  La  comtesse  porte  une 
guimpe  avec  voile  et  couronne.  Cette  statue,  de  marbi-e,  une  des 
plus  belles  que  conserve  l'église  de  Saint-Denis,  pi'ovicnt,  ainsi  que 
celle  du  comte,  de  l'église  des  Jacobins  de  l'aiis.  Sauf  deux  petites 


<  Louis,  cniule  (l'Kvi'i'UX,   r[ni[  fils  lii'    l'iiili] 


llinli. 


[    C.OIKITIIE    J 


—    '-IIQ    


mèches  qui  apparaissent  le  long  des  tempes,  les  clievenx  sont 
enfermés  dans  un  sac  dont  on  aperçoit  les  extrémités  antérieures. 
La  guimpe  enveloppe  la  tête,  le  menton,  le  cou,  et  descend  sous  la 
robe.  La  jonction  est  masquée  ici  par  la  bande  d'étoffe  qui  réunit 
les  bords  supérieurs  du  manteau.  Ces  guimpes  étaient  faites  de  lin, 
très-fines  et  blanches  (fig.  2o).  Plus  lard  les  cheveux  disparaissent 


2S 


/^.  rjlILLIWi'OT. 


totalement  sous  la  guimpe,  et  le  voile  prend  plus  d'ampleur.  Voici 
(fig.  26)  la  coiffure  de  la  reine  Jeanne  d'Evreux,  femme  de  Charles  IV, 
lequel  mourut  en  1327.  Bien  que  la  reine  ne  soit  morte  qu'en  1370, 
il  est  à  croire  que  sa  statue  fut  faite  en  même  temps  que  celle  de  son 
mari  *.  La  guimpe  passe  sur  la  robe,  et  le  voile  tombe  au-dessous 
des  sourcils.   Tl   laisse  d'ailleurs  apercevoir  sous  ses  plis  les  ondu- 

<  Cel  usage  était  fréquent  et  se  perpétua  jusqu'au  xvi«  siècle,  puisque  Catlierine  de 
Médicis  fit  faire  sa  statue  par  Gerniaiii  I*iIon  eu  nuMiie  temps  que  ceUe  de  son  époux, 
iiiori,  cjuiine  ou  sait,  bien  avauL  elle.  I.a  statue  de  la  relue  Jeanne  est  déposée  à  S;iiut- 
Deuis. 


iîi;]  - 


COIFFURE   ] 


lalions  de  la  clievelare  disposée  en  nattes  ou  torsades  latérales  sur 
les  oreilles.  Beaucoup  plus  tard  encore  le  voile  enveloppe  complète- 


27 


^.  CULLHLWOr. 


ment  la  tête  et  ne  laisse  voir  qu'une  petite  partie  de  la  guimpe.  Telle 
est  la  coilïure  de  Blanche  de  France,  morte  en  i39iJ  '  (llg.  27).  Sous 


00 


(hmk 


la  guimpe  apparaît  une  sorte  de  mentonnière,   et  le  voile  se  colle 
contre  le  bas  du  visage.  Cette  mentonnière  avait  nom  barbette,   et 


'  Slalu>!  (t''r.os-''0  ii  S;iin'.-I)ciiis. 


[  coii-i'-ritE  ]  —    "214  — 

Aliéiior  de  Poitiers,  auteur  des  Honneurs  do  la   cour,  considère  la 
l)arl)ette  comme  un  vêlement  de  deuil  '. 

Même  disposition  pour  la  coiffure  de  Marguerite,  comtesse  de 
Flandre,  (ille  de  Philippe  V  et  mariée  à  Louis  II,  comte  de  Flan- 
dre, tué  à  la  bataille  de  Crécy.  Cette  princesse  mourut  en  4382  -. 
Ici  le  voile  (fig.  28),  pour  mieux  prendre  les  formes  du  visage, 
est  plissé  à  très-petits  plis  sur  les  bords  et  passe   sons  le  surcot. 


Ce  voile  laisse  voir  également  la  forme  de  la  coitfure  des  cheveux, 
qui    est   celle    que   présente   la    figure    21.   Ces    voiles   tombaient 


'   »  Itein,  iioiii'  autres  ircros  cl   sœurcs,    ou  no  ])orle  iiue  la  barbette  et  le  eoui'reehef 

<i  dessus Et  est  il  ravoir  que  ]iour  le  niarit  ou  porterai  deniy  au  le  uiauteau  et 

'<  chapperon,  trois  mois  la  barbette  et  le  couvrecbef  dessus,  trois  mois  le  mantelet,  trois 
«  mois  le  louret,  et  trois  mois  le  noir.  »  [Les  Honneurs  de  la  cour,  dans  la  Curue  de 
Saiute-Palaye,  Méin.  sur  l'nnc.  chevnletie,  t.  H,  p.  257.) 

'  Statue  dépos'-c  ori£!inair(MHciit  dans  ré<;lise  abbatiale  de  Saint-Denis. 


—    -lo   —  [   COIFFURE   ] 

nalurellement  derrière  la  lèle,  mais  plus  lard  il  n'en  fut  plus  de 
même  :  on  prélendit  leur  donner  par  devant  des  plis  nombreux 
et  mouvementés  par  derrière  ;  pour  obtenir  ce  résultat,  le  voile 
dut  être  attaché  à  la  guimpe  à  la  hauteur  du  cou.  La  statue  si 
curieuse  de  la  reine  Isabeau  de  Bavière  •  nous  fournit  un  magni- 
fique exemple  de  ce  genre  de  coilîure.  Il  est  à  croire  que  cette  statue 
fut  faite  après  la  mort  de  Charles  VI,  c'est-à-dire  vers  i4ïîo  :  la 
guimpe  (fig.  29)  tombe  à  petits  plis  très-lins  sur  la  poitrine  et 
passe  sur  la  robe;  elle  bride  le  menton  et  laisse  voir  la  barbette. 
Le  voile,  plissé  sur  le  bord  touchant  au  visage,  pour  pouvoir  s'y 
appliquer  exactement,  est  rond.  On  le  posait  d'abord  de  façon  que 


50 


le  tour,  sur  les  épaules  et  le  dos,  fût  parfaitement  horizontal, 
puis  on  l'appuyait  sur  la  nu(iue,  où  il  était  attaché  à  la  guimpe 
avec  des  épingles  ;  on  ramenait  le  sommet  sur  la  tête,  en  attachant 
de  même,  sous  le  menton,  ses  bords  à  la  guimpe  avec  des  épin- 
gles. Ainsi  pouvait-il  former  ces  plis  en  cascade  sur  la  poitrine. 
Les  cheveux ,  disposés  en  bourrelet ,  écartaient  les  plis  du  voile 
sur  les  côtés  avec  ampleur.  Le  manteau  passait  sous  les  bords 
inférieurs  du  voile.  La  figure  30  donne  la  disposition  de  ce  voile 


'   Kfjlisi'  abhaliiili'  de  Siiiiil-nrius. 


[   COllTLKE   ] 


216 


denièi'e  la  lèlc,  el  la  ligure  31  sa  forme  développée.  Ainsi  que 
nous  l'avons  dit,  ce  voile  est  rond,  avec  une  partie  recliligne  de  a 
en  b.  C'est  cette  partie  qui  est  plissée  à  petits  plis  pour  prendre  le 


contour  du  visage.  La  reine  Isabeau  est  coiiïée  sous  le  voile,  les 
cheveux  en  couronne  :  c'est,  pour  l'époque,  une  exception  ;  géné- 
ralement la  chevelure  moiilre  deux  tresses  latérales,  comme  il  a  été 


dit  ci-dessus.  Ces  tresses,  au  commencement  du  xv"  siècle,  dépassent 
parfois  le  sommet  de  la  tête,  et  le  voile,  posé  par-dessus,  a  toute 
l'apparence   d'une   aumusse.  La  figure  32  indique  ce  genre  de  coif- 


—  217  —  [  coiFFunE  ] 

fure'.  Le  voile  est  ample,  rond,  avec  une  partie  recliligne  beaucoup 
plus  grande  que  dans  l'exemple  précédent,  pour  former  les  deux 
angles  qui  tombent  sur  la  poitrine.  Sous  la  guimpe  est  posée,  comme 
dessus,  la  barbette.  C'est  bien  là  un  voile  de  veuve,  avançant  sur  le 
visage  en  manière  de  capote. 

Jusqu'au  règne  de  Charles  V,  les  hommes  nobles  et  les  bourgeois 
portent,  comme  nous  l'avons  vu,  les  cheveux  longs  derrière  la  tète 
et  sur  les  oreilles  et  coupés  carrément  sur  le  front.  A  ce  moment, 
celle  mode  est  abandonnée,  et,  si  ce  n'est  le  roi  et  les  princes  qui 
conservent  la    coilTure  traditionnelle,  les    nobles  comme  les  bour- 


/ 


geois  modifient  l'ancienne  coilïure  :  ou  ils  portent  les  cheveux  assez 
courls,  ou  ils  les  disposent  en  bourrelet  à  la  hauteur  des  oreilles. 
Du  Guesclin,  dont  nous  possédons  la  statue  à  Saint-Denis,  perlait 
les  cheveux  courls.  Des  pei'sonnages  de  celle  épociue  sont  souvent 
représentés,  dans  les  vignettes  des  manuscrits,  avec  des  cheveux 
courls  ou  disposés  comme  l'indique  la  figure  33.  Les  cheveux  sont 
roulés  1res- régulièrement  autour  d'un  cercle  d'élolTe  probable- 
mcnl,  qui,  sur  le  sommet  du  front,  est  oi-né  d'un  bijou-.  Depuis  le 


'  D'une  toiiibc  t;i''V(''u  de  l;i  tViiiiiii'  du  sciï;iiciir  ilr  .M:iii('l  (li20;,  dans  Tôglisc  de 
Siiinl-.\l|iin,  a  ('.liàlons-sur-Marnc. 

-  1. 1111  dos  sergents  d'armes  des  iiicrri's  placi'es  en  l.no,  dans  l'église  de  Saiide- 
Calheriue  ilii  Val  des  rcdlicrs,  à  Paris,  i;m  (oiiinii'iMiiratidn  de  la  bataille  de  Houvines. 

111.  —  :>S 


\  COIl-KlIiE  1  —  218   — 

cominencemcnl  du  xiii«  siècle,  personne  ne  portail  la  barbe,  fort 
gênante,  d'ailleurs,  sous  le  bacinel,  le  heaume  ou  la  maille,  et  les 
courts  cheveux  ont  été  adoptés  lorsque  l'on  commença  de  porter  le 
bacinct  avec  la  maille  en  temps  de  guerre.  Cependant,  les  princes 
semblaient  tenir,  par  ti-adilion,  à  l'ancienne  coiffui'e,  et  nous  en 
voyons  quelques-uns  qui,  à  la  lîn  du  xiv°  siècle,  laissent  croître, 
avec  ces  longs  cheveux,  une  barbiche  à  l'extrémité  du  menton.  Telle 
est  la  coitTure  de  Jehan  d'Artois,  comte  d'Eu,  mort  en  1384 
(llg.  84)1.  Le  comte  est  armé;  la  tète,  nue,  est  simplement  coiffée 
d'une  légère  coin'onne  d'orfèvrerie"-. 


Le  continuateur  de  Guillaume  de  Nangis  prétend  cependant  qu'en 
1340  les  liommes  commencèrent  à  porter  des  babits  courts  et  a 
laisser  croître  leur  barbe  3.  Mais  cette  mode  ne  fut  pas  de  longue 
durée,  ni  suivie  par  toute  la  noblesse.  Les  barbes  étaient  pointues, 
coupées  ras,  des  tempes  au  coin  de  la  boucbe,  les  moustaches  courtes 
et  se  mariant  à  la  barbe  ^. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  les  seigneurs,  les  élégants,  portaient 
cependant  les  cheveux  longs  pendant  le  règne  de  Charles  VL  Un 
des  princes  les  plus  brillants  de  la  cour  de  France,  au  commence- 

'   Slatiic  ilrposou  ilans  la  ci'viili'  de  lY'glisr  d'Eu,  luitrcfois  placco  dans  le  clKi'iir. 

''  Kidcvrc  aiijoiird'liiii  (voy.  Gaii^niiùres,  Bibliotli.  Hodlrieuuc). 

■*  <(  JJarhas  longas  oiiines  viii  iil  in  iilinihiis  iiulrirc  cc[)cruut.  [Cont.  CItroJi.  Guil- 
lelini  Nanginci,  t.  H,  p.   18j.) 

»  Voyez  le  niamiscrit  des  Statuts  de  l'ordre  du  Saint-Esprit  au  droit  désir  ou  ?iœud, 
institué  à  Naples,  en  WV.')!,  par  Louis  d'Anjou  (Musée  des  Souverains). 


—  219  - 


[   f.OlFFUIΠ


ineiit  de  ce  règne,  était  le  frère  du  roi.  Louis  d"Orlénns.  Il  alïeclail 
un  luxe  raffiné  en  toutes  choses,  et  particulièrement  dans  les  habits. 
Une  vignette  d'un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale  (ancien 
fonds  français,  n"  7080)  représente  ce  prince  recevant  des  mains  de 
Christine  de  Pisan  la  dédicace  de  son  Épitre  d'Othéa  à  Hector.  Le 
duc  est  coilTé  d'un  chapel  de  velours  orné  d'un  rang  de  perles  et 
d'une  aigrette  (flg.  34  bu);  il  porte  les  cheveux  longs,  crêpés,  tom- 
bant sur  les  oreilles  et  derrière  le  cou;  près  de  lui  est  un  jeune  sei- 


0/  Lu 


gneur  coitïé  de  la  même  manière,  sauf  le  chapel,  tandis  que  les 
autres  personnages  ont  les  cheveux  courts.  Les  peintures  de  cette 
époque  nous  montrent  toujours  les  grands  seigneurs  et  les  jeunes 
nobles  auprès  d'eux,  les  pages  mômes,  coiiïés  de  cheveux  longs, 
crêpelés,  mais  jamais  frisés  en  boucles  ou  lisses.  La  chevelure,  pour 
être  à  la  mode  d'alors,  devait  être  d'un  blond  fauve,  sans  raies  sur 
le  crâne,  et  formant  autour  du  visage  un  nuage,  dont  les  bords 
n'étaient  point  nets  sur  la  peau,  et  se  terminant  derrière  les  oreilles 
en  une  épaisse  toison  boullante,  aux  contours  indécis. 

Pendant  les    guerres    de    la    première    moitié  du  xv"  siècle,  les 
hommes  d'armes  portaient  les  cheveux  courts,  coupés  en  couronne 


[   COIFFURE   ]  —    220    — 

au-dessus  des  oreilles,  afin  de  ne  pas  être  gênés  sous  le  bacinel,  et 
laissant  une  sorte  de  coussin  autour  de  la  tète.  Telle  est  la  coiiïiire 
de  Guillaume  Duchàtel,  qui  fut  enterré  à  Saint-Denis  en  1441 
(llg.  35)  i. 

3^ 


\% 


a.cuzLhUHnr, 


Sons  le  règne  de  Charles  VII,  et  jusqu'au  moment  où  une  partie 
de  la  noblesse  française  se  mit  résolument  à  tenir  la  campagne,  on 
affectait  à  la  cour  une  élégance  poussée  à  l'excès  ;  on  raillait  les 
têtes  tondues  des  seigneurs  et  gentilshommes  qui  portaient  le 
bacinet  plus  souvent  que  le  chapel  d'orfèvrerie.  Il  en  a  toujours  été 
ainsi  en  France;  c'est  pourquoi,  il  ne  faut  pas  trop  se  laisser  aller 
au  découragement  quand  on  voit  le  luxe  de  la  toilette  envahir  toutes 
les  classes  de  la  société.  Or,  du  temps  d'Eustache  Deschamps,  ce 
n'était  pas  seulement  la  noblesse,  mais  aussi  la  bourgeoisie  qui 
s'abandonnait  à  ces  raffinements  de  vêtements  et  de  coilîures.  Il 
en  était  de  même  à  la  fin  du  xvi*  siècle,  et  encore  à  la  fin  du  xvni°  ; 
et  cependant  alors  les  malheurs  publics,  la  guerre,  les  épreuves  de 
toute  nature  virent  surgir,  du  sein  de  ces  classes  en  apparence 
efféminées,  des  cœurs  trempés,  des  caractères  énergiques.  Nous  ne 
souhaitons  pas  le  retour  de  semblables  épreuves  ;  mais  on  peut 
croire,  sans  trop  de  présomption,  que,  si  elles  se  présentaient,  elles 
retrouveraient  encore,  pour  les  traverser,  de  ces  âmes  que  le  luxe 
et  les  raffinements  de  toutes  sortes  peuvent  assoupir,  mais  dont  ils 
ne  sauraient  étoulfer  les  généreux  instincts. 

Nous  venons  de  voir  que  des  seigneurs  de  la  cour  de  Charles  VI 
portaient  les  cheveux  longs,  crêpés,  avant  les  malheurs  qui  termi- 
nèrent ce  règne.  Voici  un  autre  genre  de  coiffure    qui   date  de  la 

'   r.otlc  statue  existe  encore  dans  l'église  abbatiale  de  Saint-Deois. 


—    îî:21    —  [   COIFFIRE   ] 

nièine  époque,  c'est  celle  de  Louis  II,  duc  de  Bourbon,  mort  en  1410. 
Les  cheveux,  rassemblés  en  bouclettes,  forment  nn  large  bourrelet 
autour  du  crâne,  en  laissant  le  front  et  les  oreilles  à  découvei-t.  Sur 
ce  bourrelet  de  cheveux  est  posée  une  couronne  de  feuillages  verts 
et  blancs,  sommée  sur  le  front  d'un  riche  joyau  de  pierreries.  Le 
duc  est  armé.  C'est  là  évidemment  une  parure  de  cérémonie,  mais 
elle  n'en  montre  pas  moins  à  quels  raffinements  on  portait  alors  la 
coiffure  chez  les  grands  personnages'. 


Le  duc  de  Bourbon  mourut  avant  les  guéries  de  la  lin  du  règne 
de  son  neveu  Charles  VI;  et  il  est  à  remarquer  qu'à  dater  de  celte 
époque,  les  chefs  qui  combattirent  pour  ou  contre  le  parli  des 
Anglais  portaient  les  cheveux  courts,  la  barbe  rasée,  ne  laissant 
croître,  ainsi  que  l'indirpie  la  ligure  35,  (pi'une  couronne  de  cheveux 


'  La  statu(>  sur  laquelle  est  ropiée  cotte  tiHc  est  de  niaibre  et  d'une  cxéeuliou  des 
plus  remarquables.  I.es  traits  du  due  ont  un  earaetère  d'individualili'  très-pronone/;.  et 
sont  rendus  aver-  une  perfection  sans  égale.  —  Sépulture  de  ce  prince  dans  la  chapelle 
des  ducs  de  limirhon.  cglise  abbatiale  de  Souvigny  (Allier). 


[  r.oii-FunE  ]  —  223  — 

au-dessus  des  oreilles.  Ce  genre  de  coiffure  est  adopté  par  les  ducs 
de  Bcrri*,  de  Bourgogne,  par  le  comte  d'Ai-magnac,  par  les  Dunois. 
les  la  Hirc,  les  .Unénal  des  Ursins,  les  Ducliàtel,  les  Polhon  de 
Xainlrailles,  par  le  dauphin  lui-môme,  Charles  VII,  etc.  Les  hour- 
geois  alors  tenaient  aussi,  sous  le  chaperon,  les  cheveux  courts 
(voy.  CiiArEuoN). 

Les  gentilshommes  qui  portaient  les  armes  conservèrent  celle 
mode  jusqu'à  la  lin  du  lègne  de  Louis  XL  Les  cheveux  longs  ne  se 
voient  que  sur  la  lêle  des  jeunes  nohles,  qui  se  piquaient  d'élégance. 
Sous  Charles  VIII,  loule  la  nohlesse  reprit  les  cheveux  longs,  coupés 
droit  sur  le  front,  et  tomhant  sur  les  oreilles  et  sur  les  épaules  en 
masse  et  sans  frisures  (voy.  Cuapeau)  (lig.  16  et  18). 

Si  les  guerres  malheureuses  du  commencement  du  xv""  siècle 
eurent  quelque  influence  sur  la  coiffure  des  hommes,  il  ne  pai-aîl  pas 
qu'elles  aient  diminué  en  rien  le  luxe  de  la  parui'e  chez  les  femmes. 
Jamais  peul-êlre  l'extravagante  richesse  de  la  coilVure  ne  fut  poussée 
aussi  loin  parmi  le  heau  sexe  que  pendant  ces  tristes  années,  de 
1400  à  1450;  et  les  cheveux  ne  comptaient  que  pour  une  faihle 
pari  dans  ce  luxe  des  ornements  de  tête  :  chaperons,  couvre-chef, 
chapels,  cornes,  cornettes,  hennins,  tourez,  nœuds,  frémillets, 
chaînes,  composaient  les  échafaudages  les  plus  étranges.  Cependant, 
dès  le  temps  de  Charles  V,  il  semblait  que  le  luxe  des  coiffures  de 
femme  ne  pût  être  dépassé.  On  en  peut  juger  par  cet  exemple  : 
«  Kathellot  la  chapellière,  pour  .1.  chapel  de  hievre^  à  parer,  ouvré 
«  sur  un  fin  velluau  (velours)  vermeil  de  grainne,  ouquel  chapel  avoil 
«  enfans  fais  d'oz  nue  près  du  vif,  qui  abatoient  glans  de  chesne  dont 
«  les  tiges  estoient  de  grosses  perles  et  les  feuilles  d'or  de  Chippre  à 
«  un  point,  les  quelx  glans  estoient  de  grosses  perles  de  compte,  et 
«  par  dessoubz  les  chesnes  avoit  pors,  sengliers,  fais  d'or  nue  près 
«  du  vif  qui  mangeoient  les  glans  que  les  diz  enfans  abatoient,  et  par 
«  dessus  les  chesnes  avoit  oiseaux  de  plusieurs  et  eslranges  ma- 
«  nieres  faiz  d'or  nue  près  du  vif  le  niiez  que  l'en  povoit,  et  la  ter- 
«  rasse  par  dessoubz  les  pors,  faicle  et  ouvrée  de  fleurettes  d'or  a 
«  un  point  de  perles  et  de  plusieurs  petites  besteleltes  semées  par 
«  my  la  dicte  teirasse.  Lequel  chapel  estoit  cointi  par  dessus  de 
«  grans  quintefeuilles  d'or  soudé,  treillié  d'or  de  Chippre  par  dessus 


'   Slatiic  de  lîoiirgc'S. 

-  Le  hièvre  éhiil  un  pelit  aiiiiiuil  assez  seiiiblatile  a  la  loutre  ;  sa  foiiiriire  était  fuit 
esliiii(?e  pendant  le  xiv  siècle.  Le  hièvre  a  donné  son  nom  à  la  petite  rivière  qui  se  jette 
dans  la  Seine  en  aiiioul  di;  l'aris, 


—    -^<:>    —  [    COIFFURE    ] 

«  et  (Jessoubz,  el  semé  par  my   de   grosses  perles  de    compte,  de 
"  pièces  d'esraaux  de  plicle  et  de  guergnas  (grenats),  garni  avec  tout 
«  ce,  de  gros  boulons  de  perles  dessus  et  dessoubz,  et  d'un  bon  las 
«  de  soye.  Pour  la  façon,  pour  velluau,  et  pour  tout,  sans  les  perles, 
<(  32  escus  à  22  s.  pièce,  valent  3o  1.  4  s.  p.'.  »  Il  est  diflicile  de  se 
figurer  une  coilïïire  chargée  de  si  nombreux,  accessoires,  si  l'on  n'a 
recours  aux  monuments  du  temps.  Cependant,  ces  ornements  de  tète 
ne  s'élevaient  pas  alors  très-haut,  mais  prenaient  une  largeur  fort 
embarrassante,  puisfjue  les  auteurs  contemporains  s'accordent  à  dire 
que  les  femmes,  pour  passer  sous  les  portes,  devaient  se  glisser  de 
côté.  L'exagération  de  ces  modes  ne  paraît  pas  cependant  s'être  déve- 
loppée à  Paris  et  dans  le  voisinage  de  la  cour.  Il  y  eut  toujours  à  la 
cour   de    France,  depuis    le    xii"  siècle,  un    tempérament  en  toute 
chose.  Ce  goût  se  fait  sentir  dans  ce  qui  touche    aux  arts,  depuis 
l'architecture  jusqu'aux  vêtements  et  bijoux,  et  c'est  ce  qui  explique 
l'influence  des  modes  françaises.  Si  nous  voulions  donner  un  paral- 
lèle des  modes  françaises  du  moyen  âge  et  des  modes  allemandes 
et  anglaises,  on  reconnaîtrait  facilement  la   vérité  de  ce  que  nous 
avançons  ici.  On  peut  nous  laisser  ce  genre  de  supériorité  sans  trop 
d'envie,  car,  sur  bien  d'autres  points  plus  importants,  nous  ne  pour- 
rions avoir  la    prétention  de  dépasser  nos    voisins,  d'outre-Manche 
notamment.  Les  coilïures  des  femmes,  cà  la  lin  du  xiv'=  siècle,  dans 
le  voisinage  de  la  cour,  n'atteignent   pas    aux    bizarreries    qu'à  la 
même  époque  on  cherche  en  Angleterre,  bien    que  les  deux  pays 
fussent  en  relations  constantes  et  que  les  Anglais  occupassent  tou- 
jours un  point  ou  l'autre  du    territoire   français.  Indépendamment 
des  coiffures  parées  de  cette  époque,  coiffures  dont  nous  parlerons 
tout   à  l'heure,  les    femmes    portaient,  à    la   ville,  des    bourrelets 
(escoffions) ,  des  chaperons,  des  chapels  plus  ou  moins  riches,  et  ces 
accessoires  se  font  remarquer,  dans  le  domaine  royal,  par  leur  grâce 
et  leur  simplicité  relative.  Voici  une  de  ces  coilïuix's  prise  sur  une 
vignette  d'un   manuscrit  de    la  Bibliothèque  impériale-,  et  sur  un 
fragment  de   sculpture    du    château    de    Pierrefonds  (1395  à  1-400) 
nig.  37).  Cette  jeune  femme  porte  le  vêtement  de  jour,  le  peliçon 
montant,  à  larges  manches.  Ses  cheveux  sont  ramenés  de  la  nuque 
en  deux  nattes  sur  le  front,  et  sous  ces  nattes  s'échappe  par  derrière 
une  longue  queue  de  cheveux  flottants,  liés  à  la  liauleur  du  cou  par 
une  ganse.  Une  riche  coilïe  entourée  d'une  guirlande  de  fleurs  natu- 

'  Déncnses  du  mariage  de  Hlauilie  de  IJoiirboii  (l:jo2),  Arch.  d;;  reiiiiiirc. 
*  Hommi  (le  Tristan  et  Iseutt.  lîililiolli.    iiniirr. 


[  COlFiaUE  ] 


—  22  i  — 


37 


relies  surmonle  les  nalles,  el   forme  deux  proéminences  très-mar- 


—    22o    —  [    COIFI-LItiL    ] 

(|iiées  des  deux  C()U's  de  la  lôlc.  Le  tout  est  coui'oiiné  d'un  cscof- 
llon,  sorte  de  bouirelel,  ou  plul(3L  de  coussin,  couvcil  d'une 
résille  enrichie  de  passeraenleries  et  de  grains  d'or,  de  verre  ou  de 
perles.  Si  nous  placions  en  regard  la  coiffure  analogue  portée  par 
les  dames  anglaises,  on  reconnaîtrait  l'exagération  de  ces  dernières 
parures.  Cependant,  l'inlluence  étrangère  domina  parfois  le  goût  des 
dames  françaises  :  il  semblerait  que  la  mode  des  coifïures  hautes  ait 
clé  importée  en  France  à  l'époque  du  mariage  dlsabeau  de  Bavière, 
en  1385.  Cette  princesse,  au  dire  des  contemporains,  était  très-belle 
et  aimait  fort  le  luxe  de  la  toilette  ;  son  entrée  h  Paris  lit  grande  sen- 
sation, et,  montée  sur  un  palefi'oi  au-dessus  duquel  était  porté  un 
dais  de  drap  d'or,  elle  était  coitfée  d'une  de  ces  hautes  cornettes 
qu'on  appelait  alors  hennins  : 

n  Je  ne  say  son  apiiclle  jxjleuces  ou  corbiaux 

"  Ce  qui  sousticut  leur  corues,  que  tant  Ueuueut  à  itiaux, 

«  Mais  bien  vous  ose  dire  que  sainte  Elysabiaux 

Il  ^'esl  pas  en  I*aradis  [lour  ]inrler  licx  babiaux'.  » 

Celle  singulière  coitTure  affectait,  soit  la  forme  d'un  cornet  revêtu 
de  drap  d'or,  de  velours,  de  satin,  de  perles,  et  surmonté  de  joyaux, 
d'où  s'échappait  un  voile  de  mousseline  légère,  soit  la  figure  de 
cornes  couvertes  également  d'un  voile. 

Les  satires,  les  injures  même,  ne  faillirent  pas  aux  femmes  (jui 
portaient  ces  sortes  de  coiffures,  et  cependant  elles  persistèrent 
longtemps.  Sous  ces  cornes  ou  hennins,  les  cheveux  étaient  complè- 
tement cachés,  et  les  femmes  élégantes  se  faisaient  épiler  ou  couper 
ras  les  quelques  mèches  qui  eussent  pu  paraître  sur  le  front  ou  aux 
tempes.  Il  fallait  donc  que  le  front  et  les  tempes  fussent  exempts  de 
rides  ;  aussi  les  dames  qui  n'étaient  plus  de  la  première  jeunesse 
se  faisaient  ramener  la  peau  du  front  sous  les  cornettes,  alin  de 
dissimuler  ces  rides.  C'était  là  un  véritable  supplice;  mais,  (juaiul  il 
s'agit  de  mode,  on  n'y  regarde  pas  de  si  près.  Le  Dit  des  mariages 
des  filles  au  diable,  (jui  date  ih'A  premières  années  du  xv"  siècle, 
donne  de  curieux  détails  sur  ces  coiffures  : 

<■   Or  (dit,  l'auteur)  venons  as  dames  coriuics, 

c<  Ciliés  de  Paris,  testes  tondues, 

<i  (jui  se  vont  jiour  od'rani  à  vente. 

«  (loninic  cerf  raniu  vont  jiar  rues, 

'<  Eu  bourriaus.  en  fars,  en  sainbues  -, 

«   Usent  et  uicli'nt  bir  joiivcnte. 

'   TestfDii.  </c  Jehan  de  Meuny . 

-  •'  Coillées  de  bourrelets,  tardées,  eu  litière.  >• 

m.  —  :!'.) 


[   COIIFLIIK   ] 


—  226  — 

TcIg  qui  pcrl  (paraît)  et  bclc  cl  génie 
Scroit,  ce  cvo\,  assez  puUeule, 
Qui  veiToil  lor  défailles  nues. 
Li  vous  abat  la  floiir  de  lente  ; 
Quant  il  seront  en  enfer  tente. 
Lor  cornes  seront  abalues'.  <> 

Dans  répîlre  des  Comètes,  le  trouvère  entre  dans  de  minutieux 
détails  sur  ces  coiffures  : 

<c  Li  evesques  parisiens 

«  Est  devins  et  naluriens  -. 

"  Si  se  prent  garde 

.(  Que  fanie  csl  trop  foie  musarde 

.1  Qui  forre  son  ehicf  cl  se  farde ^ 

«  Por  ])lèrc  au  monde. 
■<  Fanie  n"est  pas  de  pechic  monde, 
"  Qui  a  sa  crine  '  noire  ou  blonde 

((  Seiouc  nature, 
'<  Qui  i  met  s'entenle  et  sa  cure 
('  A  ajousier  .i.  forreure^ 

«  Au  loue  des  Irèces. 
"   L'Evcsques  connoist  lor  deslreees  ; 
<<  De  lor  orgueil  de  lor  nobleces 

«  Si  les  chaslie, 
«  Et  commande  par  aatie  '■, 
'<  Que  cbascun  »  burle  bclin  »  die''. 

M  [Vnuirui  idievcus  portent  gran/.  sommes, 

c(  Dcsus  lor  l(^sles''.  » 

Le  poëte  continue  sur  ce  ion.  On  doit,  dit-il,  redouter  telles 
bêtes,  car  personne  ne  s'en  peut  défendre.  Elles  ne  sauraient  s'amen- 
der celles  qui  parent  leurs  têtes  ;  ainsi  cerclées  et  ferrées,  elles  ne 
sauraient  se  fendre.  N'ajoutent-elles  pas  encore  de  nouveaux  colliers 
couverts  de  joyaux  et  de  passementeries  à  ces  ornements?  Ne  lais- 

'  Voyez  Nouv.  Recueil  des  contes,  dits,  fabliaux  des  xiir,  xiV*  et  xv"  siècles,  pour 
faire  suite  aux  coUccl.  Lcgrand  d'Aussy,  etc.,  rccueill.  par  A.  Jubinal. 

-  '<  Physicien  ». 

■'  Forre  son  chief.  iiMnboiirre  sa  coiffure. 

'•  «  Ses  clieveuv  ". 

"  Forreure.  faux  cIicvimix. 

f'  «  En  hâte  ». 

'  Il  semblerait  que  le  haut  clcigc  ("ugageait  ainsi  la  populace  a  crier  :  Hurle  belin 
(heurte  bélier),  par  les  i-ues,  aux  femmes  ainsi  coiffées.  On  n'en  porta  pas  moins  des 
hennins  de  plus  en  plus  hauts. 

"  Jongleurs  et  trouvères  des  xiir  et  \iv<^  siècles,  luibl.  jiar  A.  .hibinal,  IS.Jo. 


—   "2ll~    —  [   COIFFURE   _; 

sont-elles  pas  voif  leur  cou  jusiiu'aiix  éiiaules  el  au  dos.  en  faisant 
saillir  leur  poitrine  ? 

"  Robe  aiiisiuques  escoletée 

<i  Semble  le  Ireu  d'une  privée  ' . 

"  Ne  plus  ue  mains  ; 
«  L'eu  lor  puel  bien  venir  es  sains, 
Il  L'en  i  nietroit  hiei;  ses  .ij.  mains 

'c   Ou  une  niiclie.  » 

On  voit  que  l'auteur  ne  ménage  pas  ses  expressions  ;  il  ajoute  que 
révèque,  au  sermon,  a  promis  dix  jours  d'indulgence  à  tous  ceux 

"  Qui  crieront  a  tel  personne  : 
»  Hurle  belin  !. . . .  » 

«  C'est  de  tissus  délicats  de  chanvre  el  de  lin  qu'elles  font  leurs 
coiffures;  et  elles  attirent  les  débauchés  en  se  promenant  ainsi 
décolletées.  Aussi  parle-t-on  beaucoup  de  ces  cornes  dans  la  ville; 
on  s'en  moque,  et  il  n'y  a  que  les  fous  qui  se  laissent  prendre 
à  tels  bobans.  » 

Il  faut  supposer  que  les  fous  étaient  en  grand  nombre,  puisque  la 
mode  des  hennins  dura  près  de  cinquante  ans,  avec  les  variantes 
habituelles. 

Monstrelet  rapporte,  dans  ses  Chroniques,  qu'un  certain  Thomas 
Conecte .  frère  prêcheur ,  entreprit  de  pei'suader  aux  femmes 
«  d'abattre  les  bobans  et  atours  de  tête  »  en  l'année  1428.  Ce  carme 

—  car  c'était  un  carme  —  voyagea  par  les  marches  de  Flandre,  de 
lArtois,  du  Cambrésis,  de  l'Amiénois  el  de  Ponthieu,  entouré  de 
nombreux  prosélytes.  Arrivé  dans  une  ville,  on  lui  dressait  un 
échafaud  sur  une  place  publique,  avec  un  autel  dessus.  Là  il  disait 
la  messe,  puis  entamait  un  sermon  contre  le  luxe,  el  particuliè- 
rement contre  le  luxe  des  femmes.  Voyait-il  parmi  ses  auditeurs 
des  dames  coilTées  de  hennins,  il  s'adressait  à  elles,  et  essayait 
d'ameuter  le  populaire  contre  les  porteuses  de  ces  atours  ;  «  car  il 
"  avoit  accoustumé,  quand  il  veoil  une  de  ces  dames,  d'esmouvoir 
■  après  icelle  tous  les  petits  enfans,  et  les  admonestoit  en  donnant 

-  certains  jours  de  pardon  à  ceux  qui  ce  faisoient;  desquels  donnei', 
"  comme  il  disoit,  avoit  la  puissance;  el  les  faisoit  crier  hault  :  ^4» 
"  hennin  !  au  hennin  !  El  mesmement  ([uand  les  dessus  dictes 
"  femmes  de  noble  lignée  se  départoient  de  devant  luy,  iceux  en- 
■'   fans,  en  continuant  leur  cry,  couroient  après,  et  de  l'ail  vouloient 

'  l'u  trou  (le  lalriucs. 


COiri-TRE 


228 


'>  tirer  jus  les  dils  lieniiins  tant,  qiril  convenoit  qu  icelles  femmes 
u  se  sauvassent  et  missent  à  sauvclé  en  aucun  lieu.  »  Des  querelles 
et  (les  rixes  s'en  suivirent  souvent  entre  celte  populace  et  les  servi- 
teurs (les  (lames  coiffées  de  hennins.  Aussi,  les  dames  et  demoiselles 
n'allaient  plus  entendre  le  carme  qu'en  habits  modestes,  et  plusieurs 

38 


Jzm 


:UNKIIt.E< 


r('n()nc(Jrent  pour  un  temps  aux  hennins.  Mais,  ajoute  le  chroni- 
(pieur,  «  à  l'exemple  du  limaçon,  lequel,  quand  on  passe  près  de  luy, 
«  retraict  ses  cornes  par  dedans,  et  (juand  n'oyt  plus  rien  les  re- 
«  honte,  ainsi  furent  icelles,  et  en  assez  brief  après  que  ledict 
«  prescheur  se  fut  departy  du  pays,  elles  recommencèrent  comme 
«  devant,  et  oublièrent  sa  doctrine,  et  reprindrent  petit  à  petit  leur 
«  vieil  estât,  tel  ou  plus  grand,  qu'elles  n'avoient  accouslumé  de 
«  porter  '.  » 
Voici  (lio-.  88)  la  coilTure  d'Isabeau    de    Bavière    vers  '1893-.   On 


'    Vol.   II  (Ifi:;  C/tirmiques  i\'VAVj,m'rvdni\  de  Moiislrrlrl,  rilil.   ilc  ICO.i,  p.   :i'.) . 
2   Colli'cl.   (i;iiç;iiièi'(!S. 


229  


COIFFURE 


retrouve  encore  sous  cet  échafaudage  les  nattes  qui  forment  les  deux 
cornes,  revêtues  d'étoffe,  et  la  coiffe  singulièrement  allongée.  Ce 
n'est  que  la  charge  des  coifïures  que  nous  avons  fait  voir  précédem- 
ment et  dans  lesquelles  les  cheveux  passent  par-dessus  les  coilTes  de 
velours  ou  de  drap  de  soie.  Peut-être  la  mode  française  avait-elle  été 
ainsi  outrée  en  Allemagne,  et  la  beauté  de  la  l'cine  fit  accepter  ces 
exagérations.  Avec  ces  hennins,  les  femmes  portaient  encore,  pen- 
dant les  premières  années  du  xv  siècle,  l'escoffion  avec  ou  sans 
voile.  Mais  il  ne    faudrait  pas  croire  que  les  modes    fussent  alors 


e.munmar. 


moins  changeantes  qu'aujourd'liui  :  nous  verrons  la  forme  des 
hennins  se  modifier  singulièrement  pendant  le  long  règne  de  cette 
coilTure;  il  en  est  de  même  de  l'escoffion  pendnnt  sa  durée  beau- 
coup moins  prolongée.  Il  se  relève  aux  extrémités  laléralcs ,  il 
s'aplatit,  il  prend  plus  d'envergure;  on  le  décore  en  barbes  d'écre- 
visse,  on  le  drape  de  voiles  de  lin  ou  de  mousseline.  Vers  141o, 
nous  lui  voyons,  dans  l'Ile-de-France,  prendre  la  forme  donnée  p;ir 
la  ligure  39;  puis  le  voile  devient  plus  ample  et  tombe  parfois  sur 
les  épaules.  Les  cheveux  sont  soigneusement  cachés;  plus  de  tresses, 
plus  de  queues  pendantes  derrière  le  chignon.  Voici  (fig.  40)  l'exa- 
gération de  cette  coilïure  qu'on  trouve  dans  beaucoup  de  nionii- 
menls  anglais  rpii    datent    de   l'dO    ;i  \\\\^.   L'oxcnipli^    qiuî    nous 


[   COlFFUliE 


—  230 


donnons  ici  est  pi'is  sur  la  slalue  de  la  comtesse  Béatrice,  déposée 
dans  le  chœur  de  l'église  de  la  Trinité,  à  Ariindel  (Sussex).  Mariée 


^0 


'  -*Σ)<,/»o 


au  comte  d'Arundel  en  1404,  cette  noble  dame  épousa,  en  1432,  le 
comte  d'Hnntingdon,  depuis  duc  dExeter.  La  coiffure  est  donc  un 


—    -31    —  [    COIFFURE    ] 

peu  antérieure  à  cette  époque,  puisque  la  statue  de  la  comtesse  est 
placée  près  de  son  premier  époux,  cl  qu'elle  dut  cire  faite,  suivant 
l'usage,  après  la  mort  de  celui-ci'. 

Après  les  escoflions  à  cornes,  tels  que  celui  représenté  ligures  37 
et  39,  coitïures  dans  lesquelles  la  partie  qui  enveloppe  les  cheveux 
se  distingue  de  l'accessoire  qui  reçoit  le  voile,  apparaissent  les 
cornes  avec  coiffe  empesée  par-dessous  et  voile  flottant  par-dessus. 


4o  1--- 


Ces  ornements  de  tête  ne  durèrent  pas  longtemps  ;  ils  furent  adoptés 
par  les  dames  nobles  et  les  bourgeoises,  concurremment  avec  les 
hennins,  de  1420  à  1430  (fig.  40  bis)-.  Ils  se  composaient  d'une 
coiffe  de  mousseline  empesée,  formant  couvre-nuipie  et  venant 
joindre  ses  pans  saillants  et  roides  au  sommet  du  front.  Sur  cette 
sorte  d'auvent  qui  donnait  des  redets  très-doux  et  clairs  à  la  peau, 
se  posaient  les  cornes,  assez  semblables  à  deux  valves  d'un  coquillage 
s'ouvrant.  Ces  cornes  étaient  plus  ou  moins  richement  ornées  de  bro- 
deries, de  passementeries,  de  pierres  et  de    perles.  De  l'intervalle 

'  Voyez  The  inonumcntfil  Efprjies  af  Crcat,  niitnin,S[Q[h;ivd,  181"/.  — Voyc/ aussi  les 
cl'ligies,  i;i'aY(''i>s  sur  liililrs  (lo  cuivre,  do  C.lirisliue  (1 12()\  t'cuinic  de  Jolm  Cressy,  csq. , 
église  de  Dixlford  (Norlliiimptonsliirc),  et  de  IMiilippa  nysc.li()])pesdon  (l'ili).  ôglise  de 
lîioiiglilon  ((txlordsliiri'  [The  monumental  Brasses  of  En'jlinid,  ''.li.  liniilcll.  1849).  — 
Le  iiiauuscril  du  Homnn  de  Tristan  et  Vseu/l,  Hihliolli.  jimiii'tjmIo.  |u'f'iiiicres  années 
du  XV'  siècle.  —  Lu  liuaian  de  Girart  de  Neuers,  Bihliolli.  iuipcr.,  couiinrucenicul  du 
.\v«  sièelc. 

*  Manuscrit  de  Girart  de  Ncvers,  lîihli  illi.  iuijH'i-. 


[    COIFFURE   1  —    ^;>2    — 

(lircllcs  laissiiionl  cuire  elles  s'échappait  en  gros  bouilloiis  un  voile 
de  gaze  ou  irélotfe  très  -  légère  et  transparente.  Vers  la  même 
époque,  les  hennins  se  développent  prodigieusement  comme  hauteur 
et  par  les  voiles  dont  on  les  couvre.  Ceux  des  bourgeoises  (lig.  41)  ' 


/;/ 


se  composent  d'un  cornet  pointu  de  oO  à  60  centimètres  de  hauteur 
environ,  revêtu  d'une  étoffe  riche  et  d'un  voile  rond  très-ample, 
posé  de  telle  manière  que  le  bord  du  voile  dépasse  un  peu  le  cornet 
sur  le  front,  et  que  la  partie  postérieure  tombe  derrière  les  épaules 
jus(iu'au  bas  des  reins.  Les  hennins  des  dames  nobles  (fîg.  41  bis)- 
sont  beaucoup  plus  hauts,  couverts  de  voiles  beaucoup  plus  amples 
et  disposés  sur  le  front,  ainsi  que  l'indique  notre  ligure.  Le  cornet, 


'  Voyez  le  Missel  île  .luvéual  des  Ursius,   cédé  k  la  biblioth.  de  la  ville  de  Paris  par 
M.  A.  F.  Didol. 
*  Manuscrit  de  Girart  de  Neve>'S,  liihlioUi.    iiiipériMlc. 


—  233  — 


l    COIFFlliE    ] 

chu.s  rexemplo  que  nous  donnons  ici -,  est  revêtu  d'une  étoffe  rose 
avec  bande  de  velours  noir  sur  le  fronl.  Le  voile,  très-ample,  brodé, 


itl  Ls 


Lu 


^^ 


■A 


rtsi 


est  d"éloiïe  irès-lransparcnle.    Le    collier  est    composé    de  matière 
non-e,  avec  joyau  pendant.  Le  pectoral  est  cramoisi,  n  lu  robe  bleue, 

'  Kqii'dsoulaiil  l,-i  Im;11,.  Ki^lMiilinr. 


m.  —  .iO 


2;Vt 


[   COIFFURE    1 

doublée  d'iicrmine  sans  queues;   la  ceinture  or  et  les  manchettes 
blanches. 


U.  ^ 


c-o 


A:: 


\ 


Va 


J3 


^'  7 


\ 


V. 


Il  y  avait  aussi  alors  (vers  1430)  les  hennins  avec  voilette  recou- 
vrant complètement  le  visage,  posée  par-dessus  les  bords  du  cornet 


—  235  — 


COIFFURE 


ol  non  plus  par-dessous  (dg.  41  ter)  '.  Cet  exemple  est  lire  du  beau 
manuscrit  de  Froissart,  et  représente  une  duchesse  de  Bretagne. 
Le  cornet,  très-haut,  est  noir,  recouvert  d'une  gaze.  Un  bijou  d'or 
est  fixé  sur  le  côté.  Au  sommet  du  cornet  est  attachée  une  bande  de 
gaze  peu  large,  mais  très-longue  et  dont  on  voit  les  plis,  ce  qui 
indique  que  ces  pentes  d'étotïes  transparentes  devaient  être  fraîches 


42 


"■* 


\: 


\ 


\ 


/ 


cl  remplacées  souvenl.  Une  voilette  est  attachée  à  trois  doigts  au- 
dessus  (lu  bord  du  cornet,  descend  jusqu'au  menton,  et  couvre  les 
oreilles  et  la  nuque.  Un  collier  d'or  entoure  le  cou  de  la  princesse. 
En  B,  est  inditiué  le  croisement  de  la  voilette  derrière  la  nuque.  Si 
la  personne  porte  couronne,  ce  joyau  est  posé  à  l'atlachc  de  la  voi- 
lette, cl  quelquefois  aussi  (voyez  en  A)  cette  voilette  est  ouverte 
devant  le  visage  '-. 


I  Fi'di.ssart,  lliMiolli.  inipi'i'. 
*  Ibiil..  la  i\'iiiL' (l'Anuli'lfiie. 


COIFFUnE   ] 


236 


Avec  ces  sortes  de  coiiïiires  ou  ne  laissait  paraître  des  cheveux 
(|iriine  très-petite  boucle  au  sommet  du  front,  comme  s'il  ne  s'agis- 
sait que  de  donner  un  échantillon  de  leur  nuance.  Au  moment 
de  leur  vogue,  toutes  les  modes  sont  les  plus  charmantes  du 
monde  ;  malgré  son  étrangeté,  celle-ci  eut  un  très-long  succès,  ce 
qui  ferait  supposer  qu'elle  avantageait  les  jolis  visages.  On  con- 
çoit facilement  comment  ce  genre  de  coiffure,  léger,  brillant,  enve- 
loppé d'un  nuage  de  gaze  ou  de  mousseline,  pût  ajouter  aux  séduc- 
tions d'un  visage  jeune  et  frais,  d'un  cou  rond,  lin,  bien  attaché  et 
d'une  parfaite  pureté  de  ton. 


l|3 


On  exagéra  encore,  vers  14o0,  sinon  la  hauteur  des  cornets,  au 
moins  celle  des  voiles.  Ceux-ci,  empesés,  brodés,  prirent  des  dimen- 
sions et  envergures  fabuleuses,  ainsi  que  le  montre  notre  figure  42  '. 
Il  fallait  une  armature  de  lils  de  laiton  pour  maintenir  cet  échafau- 
dage de  voiles  dans  les  plis  ;  et,  malgré  la  gêne  que  devaient  causer 
ces  coitïures,  elles  persistèrent  pendant  plusieurs  années.  Cependant 
les  dames  ne  portaient  ces  hennins  extravagants  que  lorsqu'elles  se 


<  Lo  Trnilé  des  taui-nois,  liihliolli.  iiiip.,  mauuscril  exi'xuté  vers  la  liu  du  xv  siècle, 
mais  dans  lequel  i'arlisle  a  affoeté  do  planer  souvent  des  vêtements  d'une  époque  anté- 
rieure à  celle  oii  il  peii,'nait.  Voyez  aussi  uue  helle  miniature  du  milieu  du  xV  siècle, 
collect.  de  M.  le  comte  de  Nieuwcikci'ke. 


—   237    —  [   COII'FUHE   ] 

paraient;  liahiUicllcmciil  on  les  tenait  dans  des  dimensions  plus 
modestes.  Le  portrait  de  Marie  d'Anjou  ',  reproduit  par  Gaignières, 
représente  cette  princesse  coilTée  d'un  liennin  simple,  relativement 
peu  élevé,  avec  petit  voile  serré  par -dessous,  sur  les  tempes 
((ig.   43),  et  laissant  voir  (jnelque  peu  des  cheveux  sur  le  sommet 


klf 


du  front  et  sur  les  tempes.  La  mèche  de  cheveux,  toujours  appa- 
rente sur  le  front,    était  disposée   ainsi   (|ue  l'indique  le  délail  A, 
formant  um;  houclctte.  C'était  un  usage  habituel,  signalé  dans  les 
ligures  précédentes. 
Très-rarement  les   hennins  se  portaient  avec  la  guimpe,  le   cou 


'  Morte  en  1  ifi:! 


[  coiii-ii'.K  1  —  238  — 

restait  (lécoiivfirl;  copondant  on  voit  clans  les  vignettes  des  manus- 
crits, vers  1450,  des  hennins  posés  par-dessus  la  guimpe;  mais  celle 
coinïire  cMail  adoptée  par  les  femmes  âgées  ou  par  les  bourgeoises. 
qui,  sortant  à  pied,  craignaient  d'exciter  le  scandale.  Le  cornet  était 
alors  beaucoup  moins  haut  (voy.  fig.  44),  Sur  la  guimpe,  assez  lâche 
autour  du  visage,  on  posait  un  premier  voile  (voy.  en  A)  qui  n'était 
qu'une  bande  de  mousseline  empesée;  puis  le  hennin,  composé  d'un 
cornet  autour  duquel  était  enroulé  un  très-long  voile  de  tissu  trans- 
parent et  léger  qui  tombait  jusqu'à  terre.  Soit,  en  B,  la  coupe  trans- 
versale de  la  corne,  le  voile,  attaché  en  «,  était  enroulé  jusqu'en  6, 
attaché  sur  ce  point,  et  tombait  par  derrière.  Le  hennin  posé,  pour 
cacher  sa  jonction  avec  le  voile  empesé,  on  fixait  une  bande  d'étoffe 
de  couleur,  ordinairement  noire  ou  très-foncée,  qui  servait  en  même 
temps  à  attacher,  au  moyen  d'épingles,  le  cornet  au  voile  et  à  la 
guimpe.  Ces  sortes  de  hennins,  vers  1450.  étaient  aussi  portés  par 
les  dames  de  qualité,  sans  guimpes,  lorsqu'elles  allaient  par  la  ville. 
Pour  les  maintenir  sur  la  tête  (voy.  fig.  45,  en  A),  on  fixait  le  voile 
empesé  a  par  des  épingles  sur  les  cheveux  et  derrière  l'occipul. 
Ainsi  pouvait-on  épingier  sur  ce  voile  empesé,  et  sur  le  chignon 
très-relevé,  le  cornet  du  hennin,  qui  était  d'autant  plus  haut  que  les 
dames  étaient  plus  élégantes.  Ces  cornets,  sous  le  voile  enroulé, 
étaient  faits  d'étoffes  brillantes,  claires,  de  drap  d'or  ou  d'argent. 
L'éclat  de  ces  étoffes  était  tempéré  par  le  tissu  transparent  qui  les 
recouvrait.  Puis,  par-dessus  ce  tissu  on  posait  des  bandes  d'or,  ou 
d'argent  lamé,  parfois  même  des  perles,  des  pois  d'or.  Le  béguin 
d'étoffe  sombre  qui  cachait  la  jonction  du  cornet  avec  la  voiletle 
de  dessous  était  orné  de  perles  ou  pierreries  au  chef,  ainsi  que 
le  montre  notre  figure  K 

Pour  qu'une  mode  dure,  il  faut  qu'il  y  ait  à  cela  une  cause  ;  or  ces 
hennins  qui  commencent  à  paraître  en  1395,  persistent  jusqu'en 
1470  :  jamais  peut-être  coiffure  n'eut  un  si  long  règne.  Ce  n'était 
certainement  pas  sa  commodité  qui  la  fit  conserver.  Elle  ne  pouvait 
abriter  ni  du  vent,  ni  de  la  pluie,  ni  du  soleil  ;  et  cependant  il  est 
ceiiain  (|u'on  la  portait  dehors,  dans  les  rues  et  les  promenades, 
plus  encore  que  dans  les  intérieurs  des  appartements.  Elle  devait 
fatiguer  la  têie  :  si  légers  que  fussent  ces  longs  voiles,  ils  pesaient 
sur  le  cornet  attaché  aux  cheveux.  Cependant  les  femmes  abandon- 
nèrent difficilement  cette  coiffure,  et  c'est  une  des  seules  (|ui  per- 
sistèrent, avec  quelques  variantes,  dans  une  des  provinces  françaises, 

1  Maui:sciil.  Ihliliolli.  iin|i('r. 


—  239  - 


[  COIFFURE  1 


,3JiOL/A«0 


jusqu'à  noire  temps.    Peu 


asiléc  dans  les  provinces   méridionales, 


[    COll'TL'IΠ  ] 


240 


elle  fui  adopli'C  par  toutes  les  classes  de  ce  côlc-ci  de  la  Loire.  Pré- 
tendre que  sa  durée  est  due  à  son  extravagance,  c'est  un  de  ces 
jugements  contre  les  modes   qu'on  répèle  souvent,  mais  qui  n'est 


U 


^.M. 


qu'une  boutade.  Un  usage  peut  durer,  bien  qu'il  soit  absurde,  mais 
non  parce  qu'il  est  absurde.  Nous  pensons  que  la  véritable  raison 
du  long  succès  des  liennins,  c'est  qu'ils  faisaient  ressortir  la  beauté 
et  la  fraîcbeur  du  teint,  et  qu'ils  donnaient  au  cou  une  grâce  sin- 
gulière. Or,  c'est  par  ces  avantages  que  les  femmes  du  nord  de  la 
France  se  font  remarquer.  L'absence  des  cbeveux  même  donnait, 
à  la  peau  du  visage,  du  cou  et  de  la  poitrine  entourés  de  ces  longs 
voiles  diaplianes,  un  éclat  transparent  qui  devait  être  assez  piijuant. 
Aussi  les  prédicateurs  ne  cessèrent-ils  de  tonner  en  chaire  contre 
ces  afiiquets  inventés  pour  la  perdition  des  âmes,  et  ils  eurent  tout 
loisir  de  tonner.  Mais,  par  cela  même  que  ce  genre  de  coilïure  était 


—   241    —  [    COIFl-LKE    ] 

l)arliculièremcnt  avantageux  aux  leinls  purs,  aux  peaux  délicates, 
il  devait  faire  d'autant  mieux  ressortir  les  rides  et  tous  les  ravages 
apportés  par  Tàge;  aussi  les  femmes  ne  se  liront  pas  faute  alors  de 
se  farder. 

Il  ne  parait  pas  que  les  hennins  aient  été  considérés  cependant 
comme  une  coiffure  de  cérémonie,  et  si  nous  en  exceptons  Isabeau 
de  Bavière,  on  voit  que  les  princesses  en  France  ne  portaient  ces 
cornets  qu'en  demi-parure.  Avec  les  grands  habits  de  cour,  les 
dames  de  haut  lignage  étaient  coiffées  en  cheveux  entourés  de 
couronnes  ou  joyaux  d'orfèvrerie.  Nous  trouvons  maintes  statues 
tombales  de  dames  nobles  du  milieu  du  xv*"  siècle,  vêtues  de  leurs 
liabits  de  cérémonie,  qui  sont  coiffées  ainsi.  Nous  citerons,  parmi 
ces  exemples,  comme  un  des  plus  complets,  la  charmante  statue 
de  Jeanne  de  Saveuse,  femme  de  Charles  d'Artois,  morte  en  1448 
et  déposée  dans  l'éghse  de  l'abbaye  d'Eu.  La  figure  46  présente 
la  coiffure  de  celle  princesse  K  Une  coiffe  est  posée  sur  les  cheveux, 


!,1 


qui  sont  ramenés  sur  cette  coitTe  en  deux  grosses  nattes  le  long  des 
joues,  et  en  ondes  du  chignon  à  celle  natte.  Une  couronne,  dont  la 
forme  esl  donnée  par  la  ligure  47,  épouse  la  forme  de  la  coitfure, 
en  laissant  la  place  des  nattes  et  en  s'inclinant  par  derrière,  de 
manière  à  serrer  le  chignon.  Les  hennins  n'avaient  donc  pas  un  si 
grand  crédit  parmi  les  dames  nobles,  qu'on  les  considérât  comme 
une  parure  convenable  dans  les  occasions  solennelles.  Par  cela 
même  (]u'ils  étaient  portés  par  toutes  les  classes,  par  les  bour- 
geoises et  même  par  les  femmes  galantes,  la  haute  noblesse  ne 
les  admettait  (pi'avec  certaines  réserves.  Autour  d'elles,   les  dames 

'  r.i'Uc  staliie  est  aujouririmi  dcposi'e  diuis  l;i  cryiik'  du  l'i^yliso  d"Eii  ;  oUc  éhiit  aulre- 
luis  iilaccc  dans  le  clireiir,  sur  nue  liclle  table  de  iiiarlire  uuir,  à  eôté  de  sou  époux 
(voyez  r,;>iguières,  eoUect.  l>oiiléieuue).  lille  clail  iieinle  ;  de  prétendues  reslauialiuus 
l'ulrcpi  isi's  l'ii  ISi.'i  oui  l'ail,  eu  i;i'aude  iiarlie.  disi'araîlre  ces  peiutures. 

m.  —  M 


[   COII'|-UIΠ   I 

nobles  no  peniicLlaienl  point  à  leurs  damoiscUes  suivantes,  à  tous 
les  degrés,  de  porter  des  hennins  comparables  à  ceux  qui  ornaient 
leurs  tètes,  comme  hauteur,  comme  forme  et  richesse.  Les  plus 
simples,  parmi  ces  hennins  de  damoiselles  suivantes,  se  compo- 
saient d'une  sorte  de  boisseau,  sans  voile,  laissant  voir  ([uchiue  peu 


48 


vY. 

vil 


J? 


les  cheveux  ilig.  48  ').  D'autres  (lig.  48  bis),  en  forme  de  cylindre 
légèrement  infléchi  de  devant  en  arrière,  garnis  de  velours,  de  satin 
et  d'un  bijou,  recouvraient  un  voile  très-transparent  empesé,  taillé 
en  façon  de  large  entonnoir  renversé  ou  d'abat-jour  '-. 

C'est  de  1470  à  1475  que  les  hennins  disparaissent.  Quand 
Louis  XI  mourut,  en  1483,  il  y  avait  déjà  longtemps  que  les  dames 
en  France  n'en  portaient  plus.  La  cour  du  roi  Louis  XL  comme  on 
sait,  n'affectait  pas  le  luxe,  et  les  femmes  n'y  jouaient  aucun  rôle. 
Plus  de  ces  fêtes,  plus  de  ces  joutes  brillantes  si  fort  en  vogue  à  la 
cour  de  Bourgogne.  Or,  la  simplicité  de  la  cour  de  France  influait 
sur  les  habitudes  de  la  noblesse  et  de  la  haute  bourgeoisie  ;  le  luxe 
des  vêtements,  de  la  coiffure,  fit  place  à  des  modes  plus  simples. 
Autant  les  coitfures  des  feuimes  s'étaient  élevées  au-dessus  du  front, 
autant  elles  s'abaissèrent,  en  garnissant  les  oreilles  et  le  cou,  mais 
toujours  en  laissant  le  fi'ont  très-visible   et  très-haut.  Si  la  théorie 


1  Manuscrit,  le  Livre  des  marques  de  Rome,  1466,  Biblioth.  imper.  Fragmeut  d'un 
bas-relief  du  milieu  du  xv"  sicele,  magasins  de  Saint-Denis.  —  Ces  ehapcrons,  en  forme 
de  boisseau,  étaient  faits  de  carton  ou  de  treillis  empesé,  garni  d'étoffe  de  soie  avec  ganses 
<i'or  ou  d'argent. 

-  Manusi'i'it  de  Giinrt  de  Nevers.  lîibliolh.   iiiipér. 


—  2i3  —  [  r.oïKi'CiîE  j 

Je  Darwin  sur  la  sélection  naturelle  est  juste,  il  est  fort  heureux  que 
les  modes  soient  variables,  car  autrement  on  ne  saurait  imaginer  à 
quelles  étranges  ditïormités  conduirait  la  dui'ée  d'une  mode  pendant 
plusieurs  siècles.  I/espèce  humaine  arriverait  ainsi  à  moditier  non- 
seulement  les  traits  du  visage,  mais  les  caractères  qui  semblent 
indélébiles  chez  certaines  races.  Pour  tous  ceux  qui  ont  étudié  avec 


I^ôô, 


/■^ 


quelque  attention  les  changements  des  vêlements  chez  les  peuples 
divers  d'une  même  race  et  la  façon  de  les  porter,  il  n'est  pas  dou- 
teux que  le  corps  alTecte  certaines  allures,  les  ti-aits  du  visage, 
certaines  dispositions  particulières,  suivant  les  goûts,  les  tendances 
de  chaiiue  mode  ;  si  bien  (ju'à  distance,  les  personnages  d'une 
même  époque  ont  tous  un  caractère  commun  (h;  ressemblance  : 
et  sans  remonter  plus  haul  (pie  le  moyen  âge,  au  xn"  siècle  par 
exemple,  la  lêle  était  petite,  le  corps  long,  les  bras  relativement 
com'ts  ;  chez  les  femmes,  les  épaules  étaient  étroites  et  la  poitrine 


[  cnim-iîK  I  —  244 


i4 


pou  (lovcloppcV.  Plus  lard  ,  1rs  hanches  des  femmes  sont  très- 
acciis(''es.  la  laiUn  longue  ;  le  has  de  la  figure  large,  les  yeux  longs, 
le  front  petil  ;  plus  tard  encore,  le  ventre  est  saillant,  la  taille 
courte,  les  épaules  grêles  et  effacées,  les  tempes  larges,  le  front 
haut,  etc.  A  dater  de  la  fin  du  xiv"  siècle  jusqu'à  la  fin  du  xv^  avoir 
le  front  haut  et  bombé  était,  chez  les  femmes,  une  marque  de  | 
beauté  ;  et  en  examinant  les  statues  de  ces  temps,  les  portraits 
qui  ont  d'ailleurs  un  caractère  d'individualité  bien  trancbé,  on  se 
demande  comment  tant  de  personnes  pouvaient  posséder  ce  carac- 
tère particulier  qui,  pour  nous  aujourd'hui,  est  une  exception  ;  do 
même  qu'en  voyant  les  portraits  des  femmes  de  la  seconde  moitié 
du  xvn"  siècle,  on  peut  se  demander  comment  tant  de  dames 
possédaient  des  joues  longues  et  un  peu  pendantes,  une  bouche  en 
cerise,  un  nez  court  et  petit,  et  des  yeux  à  fleur  de  tête.  Il  est  clair 
qu'une  race  ne  se  modifie  pas  ainsi  au  gré  des  désirs  de  la  mode, 
mais  que,  pour  plaire,  les  artistes  inclinent,  dans  leurs  reproduc- 
tions, vers  un  type  admis  comme  excellent.  Il  est  certain  aussi  que 
chacun  se  rapproche  autant  qu'il  le  peut  de  ce  type,  et  qu'à  force  de 
chercher  à  lui  ressembler,  on  donne  au  port  et  même  aux  traits 
quelque  chose  qui  appartient  au  milieu  où  l'on  vit  et  qui  est  en 
dehors  de  la  personnalité.  Nous  ne  croyons  guère  à  l'influence  d'un 
désir  ou  de  la  vue  d'un  type  sur  le  fruit  d'une  femme  enceinte  ; 
cependant  il  y  a  dans  ce  vieux  préjugé  un  fond  vrai  que  le  philo- 
sophe ne  doit  pas  négliger  et  que  les  observations  récentes  sur  la 
sélection  naturelle  viennent  expliquer.  Les  êtres  qui  appartiennent 
à  l'ordre  organique  peuvent  très-probablement  se  modifier  dans 
une  certaine  limite,  par  suite  de  besoins,  d'aptitudes,  de  goûts,  de 
désirs;  et  il  n'est  pas  rare  de  trouver  deux  personnes  qui,  ayant 
vécu  longtemps  dans  une  complète  intimité,  contractent  des  gestes, 
des  allures,  un  port,  un  jeu  de  physionomie  identiques,  bien  que 
d'ailleurs  elles  ne  se  ressemblent  pas  et  ne  soient  point  conformées 
de  la  même  manière.  Cela  ne  saurait,  à  notre  sens,  aller  jusqu'à 
faire  pénétrer  une  race  dans  une  autre,  et  jusqu'à  faire,  par 
exemple,  que  des  générations  de  Cafres,  vivant  au  milieu  d'Euro- 
péens, puissent  jamais  entrer  dans  la  famille  aryenne,  ou  du  moins 
rien  ne  peut  faire  supposer  que  le  fait  soit  possible;  mais,  dans  le 
sein  d'une  même  race,  nous  voyons,  en  l'espace  d'un  siècle,  se  pro- 
duire de  ces  modifications  physiques  qui  ont  une  certaine  impor- 
tance et  qui  expliquent  comment,  si  une  mode  se  prolonge,  des 
caractères  identiques  s'observent  chez  tous  les  individus  qui  s'y 
soumettent.   Donc,  pour  rentrer   dans  notre  sujet ,  on  ne  pourrait 


245 


[   COIFFURE   ] 

guère  expliquer  comment,  pendant  tout  le  cours  du  xv"^  siècle,  les 
femmes  avaient  tontes  le  front  aussi  élevé  et  dégagé,  si,  la  modo 
aidant,  la  plus  grande  partie  d'entre  elles  ne  fût  parvenue  réelle- 
ment à  reculer  la  racine  des  cheveux  et  à  dégager  les  tempes.  Vers 
1480,   les  coilîiires  des  femmes  s'abaissent  définitivement,  mais  le 


M^-^  ^'-5 


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i. 


^»— ^;V"V-'.'-'-lV,vV>  V.-. 


«•flWBiflS 


front  reste  découvci't,  et  ce  n'est  que  vers  iolU  que  celte  mode  fait 
place  à  une  autre.  Alors  les  cheveux,  disposés  en  bandeaux  ou  en 
tor.sades  sur  les  tempes,  reprennent  peu  à  peu  la  place  qu'on  leur  a 
fait  perdre.  Plus  tard,  ils  sont  encore  relevés  vers  la  nuque  et  décou- 
vrent de  nouveau  tout  le  front  ;  puis  on  les  dispose  peu  à  peu  en 
boucles,  ils  retombent  par  devant,  et,  au  xvii"  siècle,  les  fronts  sont 
bas  et  étroits,  envahis  par  de  délicates  frisures,  dont  la  racine  s'est 
fort  rapprochée  des  sourcils.  Cependant  les  aïeules  de  ces  dames  de 
la  cour  de  Louis  XIII,  dont  les  cheveux  naissaient  à  5  centimètres 


[  cdim  lîK  j  —  246  — 

des  souirils,  laissuieiU  voir  des  fronts  dégarnis  et  purs  de  lont 
appendice  capillaire  jusqu'à  une  distance  de  8  ou  9  centimètres 
au-dessus  des  arcades  sourcilières. 

Ces  chaperons  hauts,  en  forme  de  boisseau,  que  donnent  les 
figures  48  et  48  bis,  furent  portés  un  peu  plus  tard,  c'est-à-dire  de 
1480  à  1485,  par  les  daraes  nobles,  mais  avec  voiles  et  Irès-inclinés 
en  arrière,  comme  pour  renfermer  le  chignon  posé  naturellement 
sur  l'occiput.  La  figure  49  montre  un  de  ces  derniers  hennins  *. 
Le  chaperon  est  recouvert  d'étofie  de  soie  avec  passementeries  d'or. 


50 


ci: 


lïl- 

^'^  iy 

/; 

i 

d-   "^ 

e- 

î                                                    / 

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\\ 

\l 

1 

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1/ 

\ 

/" 


A 


/' 


Le  voile  est  fait  d'un  tissu  transparent  avec  broderie  sur  le  liord. 
Voici  quelle  était  la  forme  de  ce  voile  et  comment  il  était  pHé 
(fig.  SO).  Long  de  l'",50  sur  0"',32  de  largeur,  le  voile,  en  A,  est 
tracé  déplié  en  n  et  plié  en  h.  Prenant  du  milieu  f,  en  rf,  une  lon- 


1  Mamiscrils  (le  la  lin  du  xv"  sièrk- ;  miiiial.  idlhcl.  de  M.  A.  Grroiite.  Voyez  aussi 
la  tombe  gravée  d'Isabelle,  veuve  <le  William  Cjieuie  esq.,  1482,  église  de  Bliekliûg 
(Norfolk.  Angleterre). 


-  ^247 


[    COIFl  TUE    ] 


gueur  égale  à  la  largeur  cf.  on  traçait  le  pli  hd\  prenant  de  h  une 
longueur  h  en  m  égale  au  pli  hd,  on  traçait  le  pli  dm.  On  divisait 
l'angle  hcd  en  deux,  et  l'on  traçait  le  pli  hi.  Le  triangle  hh'  était 
posé  sur  le  chaperon,  le  sommet  h  en  avant  et  le  dépassant.  Le 
triangle  hid  se  repliait  sur  la  moitié  du  triangle  hii'  ;  puis  sur 
ce  triangle  hi'd'  on  repliait  le  triangle  hm'd\  puis  le  trapèze 
hd' ,  m'f.  Le  voile,  posé,  présentait  par  derrière  la  ligure  B. 

Cette  coiffure  était,  pour  le  temps,  un  peu  attardée,  puisque  déjà, 
en  1480,  les  dames  portaient  la  coiffe  basse  aussi  bien  que  les  bour- 
geoises. En  admettant  que  les  tapisseries  de  Nancy  soient  bien 
réellement  celles  qui  furent  prises  dans  les   bagages  de  Charles  le 


Si 


Téméraiie,  ces  coiffures  basses  des  femmes  dateraient  au  plus  tard 
de  1477.  Mais,  parmi  ces  tapisseries,  il  est  nécessaire  de  faire  une 
distinction:  celle  ijui  représente  l'histoire  d'Assuérus  est  bien  cer- 
tainement de  1470  à  1475,  et  peut  avoir  été  trouvée  dans  les  bagages 
de  Charles  le  Téméraire,  après  la  bataille  de  Nancy  ;  quant  à  celles 
qui  repi'éscnlenl  la  MoraiUc  du  banquet,  il  nous  est  impossible  de 
leur  assigner  une  date  antérieure  à  149o.  Les  habits  portés  par  les 
personnages  sont  tous,  sans  exception,  de  1500,  et  tels  (|u'on  les 
portait  à  la  cour  de  Louis  Xll.  Cela  n'enlève  rien  à  la  valeur  des 
braves  Lorrains  qui  se  comportèrent  si  bien  à  la  joui-néc  du  ojaii- 


coiri'iiΠ ] 


—  -248  — 


vier  1477,  ni  même  à  rinlérêl  que  présentent  ces  précieux  tissus  ;  mais 
il  faut,  pensons-nous,  prendre  son  parti  sur  la  provenance  douteuse 
de  ces  tapisseries  ou  détruire  tous  les  monuments  contemporains. 
D'ailleurs  ïhistoire  manuscrite  de  Charles  IV,  conservée  à  Nancy, 
ne  l'ait  nulle  mention  de  ces  tapisseries  et  de  leur  origine,  non  plus 


5S 


que  Vllistoire  du  parlement.  La  bataille  de  Nancy  ayant  été  donnée 
le  5  janvier  1477,  il  faut  admettre  que  les  cartons  qui  ont  servi 
à  la  fabrication  des  tapisseries  de  la  Moralité  du  banquet  datent, 
au  [dus  lard,  de  1474.  Or,  en  1474,  on  ne  trouvera  pas  une  seule 
vignette  de  manuscrit,  pas  une  peinture,  pas  une  sculpture  présen- 
l;iiil   les  vêtements  d'hommes  et  de  femmes  ligures   sur  ces  lapis- 


—  249 


COIFFLlîE   ] 


séries,  vélemenls  identiques  avec  ceux  en  usage  pendant  les  pre- 
mières années  du  wi"  siècle.  Les  hommes  purtenl  tous,  sans  excep- 
tion, les  cheveux  longs  et  le  chapeau  à  la  mode  vers  le  milieu  du 
règne  de  Louis  XII  (150S).  Les  femmes  sont  coiffées  de  la  coilTe, 
qui  persiste  jusque  sous  le  règne  de  François  I".  Quoi  qu'il  en  soit, 
voici  (fig.  51)  ce  qu'était  celte  coiffure,  commune  aux  femmes  de 
tout  étal  :  Le  front  est  dégagé,  les  cheveux  ne  sont  plus  ramenés 
vers  la  nuque  ou  le  sommet  de  la  lête,  mais  sont  appliqués  en  ban- 
deaux ondes  sur  les  tempes.  Une  coiffe  d'étoffe  couvre  le  chignon, 
les  oreilles  et  le  dessus  de  la  tête.  Sur  cette  coitfe  est  posé  un  voile 
d'étofTe  habituellement  sombre,  ou  Irès-riche,  qui  n'est  qu'une 
bande  tombant  de  chaque  côté  sur  les  épaules.  Sous  la  coitfe 
(voy.  fig.  5!2),  une  sorte  de  sac  d'étoffe  brillante,  ou  de  résille,  chargée 


53 


d'ornements,  enveloppe  les  cheveux,  qui  sont  ainsi  supposés  tomber 
derrière  le  dos  au-dessous  des  épaules  (voy.  en  A  le  prolil  et  l'aspect 
postérieur  de  la  coiffure).  Quelipiefois  ce  sac  est  supprimé,  et  la 
coifTure  tombe  par  derrière  jus(|u';i  la  naissance  du  cou,  en  formant 
de  larges  plis  réguliei'S  et  verticaux  (fig.  53).  Les  clieveux  apparais- 
sent même  sous  cette  pente  de  la  coiffe,  en  formant  un  flot  onde  (|ui 
descend  à  peine  au  milieu  du  dos  ;  mais  cette  dernière  disposition 

est  rare,  et  habituellement  les  cheveux  ne  se  voient  pas  au-dessous 

m.  —  :ii 


[   COIFFURE   ] 


—  2oO 


de  la  pente  postérieure  de  la  coiire.  Il  arrivait  aussi  que  les  pans  de 
la  baudc  d'étolTe  posée  sur  la  coille  étaient  retroussés  sur  le  sommet 
de  la  tète,  ainsi  (juo  le  montre  la  figure  54'.  C'était  un  moyen  de 
ne  pas  être  gênée  par  ces  deux  pentes  lorsqu'on  était  à  table,  mais 
aussi  de  donner  à  cette  coiffure  une  physionomie  plus  coquette.  La 
coiffe    était    parfois    attachée  aux    cheveux  par  de    riches  épingles 


'  7L.M 


posées  latéralement,  ainsi  que  le  fait  voir  notre  figure.  Outre  ces 
coiffures  qui,  comme  nous  l'avons  dit,  étaient  portées  à  la  ville  par 
les  femmes  de  qualité,  ainsi  que  par  les  bourgeoises,  et  ne  digé- 
raient que  par  le  plus  ou  moins  de  richesse  des  étoffes  et  des  joyaux, 
les  dames  de  haut  lignage  avaient  des  coilïures  autrement  riches, 
lorsqu'elles  se  paraient  de  leurs  plus  beaux  atours.  Il  existe  encore 
dans  nos  monuments  figurés  un  grand  nombre  de  ces  coiffures 
de  dames  nobles  des  dernières  années  du  xv^  siècle.  Parmi  ces 
exemples,  nous  en  choisirons  un  seul,  afin  de  ne  pas  étendre  outre 
mesure  cet  article. 

Dans  la  crypte  de  l'église  abbatiale  d'Eu  ont  été  déposées  un  certain 
nombre  d'effigies  de  personnages  autrefois  placées  autour  du  sanc- 
tuaire. Pai'mi  ces  figures,  il  en  existe  une  qui  est  fausse,  c'est-à-dire 
composée  de  fragments  appartenant  à  divers  monuments.  On  a  fait 
ainsi ,  pour  l'histoire  des  personnages  autrefois  ensevelis  dans 
l'église  d'Eu,  ce  (pie  l'on  fit  à  Saint-Denis  il  y  a  une  quarantaine 
d'années.  Pour  compléter  une  collection    de    statues,  on    en    com- 


'  Voyez  les  lapisscrics  de  Naucy,  Moralité  du  banquet, dc^a'icva  aimées  du  xv  siècle. 


—  251 


[    COirFLRE   J 


posait  avec  des  débris,  dont  rorigiiie  était  inconnue.  Ces  fnnx  en 
monuments  historiques  furent  considérés,  par  un  bon  nombre  d'ai- 
listes  du  commencement  du  siècle,  comme  le  fait  le  plus  simple  et 
le  plus  innocent.  L'affaire  élait  de  compléter  la  cbronologie.  Donc, 
dans  cette  crypte,  on  voit  une  statue  de  femme  au-dessus  de  laquelle 
une  inscription  gravée  sur  marbre  noir  apprend  aux  visiteurs  que 
cette  effigie  est  celle  de  «  noble  dame  Isabelle  d'Artois,  fille  de  Jean 
d'Artois,  etc.,  morte  en  1379  ».  Il  est  certain  qu'Isabelle  d'Ailois, 
morte  en  1379,  était  enlerrée  dans  l'église  d'Eu,  puisque  Gaignières 
donne  la  copie  de  l'effigie  sur  sa  tombe  ;  il  est  cei'tain  aussi  qu'en 


55 


examinant  la  statue  on  retrouve  bien  les  plis  et  les  traces  de  pein- 
ture l'eproduils  par  Gaignières.  Toutefois,  nous  avions  grand'peine  à 
admettre  qu'en  1379  une  dame  noble  fût  coiffée  ainsi  que  l'est  cetle 
slatue.  D'ailleurs,  celte  coiffure  n'est  nullement  celle  retracée  dans 
la  copie  de  Gaignières,  et  cependanl  il  n'y  avait  pas  à  douter  que  la 
sculpture  de  la  tète  ne  fùl  Icui  entière  ancienne.  Or.  en  examinant 
de  plus  près  la  figure  avec  force  lumières,  nous  avons  bicniùt  reconnu 
que  le  bas  de  la  figure  appai'lient  à  Isabelle  d'Artois,  qu(>  le  torse 
est  une  restauration  moderne,  el  que  la  tête  provient  dun  autre 
ninnuuient, 


[    COIFFl'RE   ] 


252 


Isabell(3  (l"Arlois  manquaiil,  on  ne  se  présentaiU  aux  artisles 
chargés  de  la  restauraLloii  des  monuments  qu'avec  un  bas  de  robe, 
on  eut  bientôt  fait  de  la  compléter.  Mais,  si  cette  tête  ne  date  pas  de 
1379,  elle  n'en  est  pas  moins  fort  bonne  comme  sculpture,  et  donne 
un  des  plus  beaux  exemples  de  la  coiffure  de  parade  des  dames 
nobles  de  149o  à  loOO.  Nous  en  présentons,  figure  5o,  la  face,  et, 
figure  56,  le  profil.  Les  cheveux  sont  disposés  en  bandeaux  ondes 


56 


sur  les  tempes,  non  point  longitudinalement,  mais  transversale- 
ment, ce  qui  devait  exiger,  de  la  part  du  coiffeur,  beaucoup  d'habi- 
leté. Pour  éviter  la  sécheresse  de  ces  bandeaux  sur  le  front,  de 
très-petites  mèches  s'échappent  de  la  dernière  onde  pour  marier  le 
ton  des  cheveux  avec  celui  de  la  peau.  A  une  très-riche  coiffe  ter- 
minée de  chaque  côté,  au-dessous  des  oreilles,  par  deux  volutes  de 
perles,  est  attachée  une  sorte  de  turban,  plat  par  derrière,  terminé 
à  sa  partie  inférieure  par  un  sac  d'où  s'échappent,  sur  les  épaules, 
des  mèches  de  cheveux.  Le  turban  est  garni  de  rangs  de  perles  et 
était  fait  d'un  tissu  d'or.  La  coiffe  et  le  sac  étaient  taillés  dans 
une  très-brillante  étoffe,  si  Ton  s'en  rapporte  aux  fines  gravures 
qui  simulent  une  broderie  ou  un  brochage.  Un  collier  de  quatre 
rangs  de  perles  serrées,  avec  fermoir  sertissant  une  pierre  fine, 
orne  le  cou. 
Il  s'en  faut  que  nous  ayons  pu  donner  toutes  les  variétés  de  coif- 


—   2o3    —  [   COL,    COLLET    ] 

fures  adoptées  par  les  hommes  el  par  les  femmes  depuis  l'époque 
carlovingienne  jusqu'<à  la  renaissance.  Nous  avons  essayé  de  pré- 
senter les  exemples  les  plus  saillants  qui  indiquent  les  changements 
importants  des  modes,  en  laissant  de  côté  les  exceptions  ou  les 
déviations  qui  n'ont  pas  abouti.  Entre  les  traits  principaux,  les 
changements  notables,  il  existe  des  transitions  dont  on  ne  pourrait 
rendre  compte  que  dans  un  ouvrage  spécial  sur  cette  matière,  mais 
qui  ont  la  valeur  de  celles  dont  nous  sommes  chaque  jour  les 
témoins.  On  peut  en  conclure,  pour  la  coiffure  comme  pour  les 
vêtements  du  moyen  âge,  que  les  modes  ont  eu  des  variations  inces- 
santes, rapides,  avec  des  retours  souvent  inexplicables  ;  que  l'art 
d'orner  la  tête  a  été  de  tout  temps  une  des  préoccupations  les 
plus  actives  des  classes  oisives,  et  que  de  tout  temps  aussi  les  reli- 
gieux, les  moralistes,  les  satiriques,  se  sont  élevés,  sans  apparence 
de  succès,  contre  ce  goût  pour  les  parures  de  la  tête. 

Nous  avons  tenu  à  ne  donner  que  des  exemples  pris  dans  les 
modes  françaises,  car,  si  nous  avions  voulu  recueillir  les  modes  des 
provinces  qui  avaient  leurs  usages  particuliers,  comme  la  Provence, 
le  Languedoc,  la  Guyenne,  la  Bretagne,  nous  aurions  été  entraînés 
beaucoup  au-delà  du  cadre  que  nous  nous  sommes  tracé.  Dans  les 
autres  articles  de  ce  Dictionnaire,  nous  avons,  d'ailleurs,  l'occasion  de 
revenir  sur  cette  partie  importante  du  vêtement  des  deux  sexes. 

COL,  COLLET,  s.  m.  {coirier\  collet  de  cuir).  Jusqu'à  la  fin  du 
xnr  siècle,  les  robes  des  hommes,  comme  celles  des  femmes,  ne 
portent  pas  de  collets,  elles  sont  taillées  sans  retroussis,  et  leur 
ouverture  supérieure  s'applique  sur  la  peau  à  la  base  du  cou.  Il  ne 
faut  pas  confondre  le  collet  avec  le  camail  ou  avec  l'aumusse,  qui 
porte  un  capuchon.  Vers  la  fin  du  xiii*  siècle,  on  voit  parfois  le 
peliçon  des  hommes  garni  d'un  petit  collet  rabattu  avec  fourrure  ; 
mais  cette  mode  est  peu  usitée  2.  Il  est  de  même  très-rare  de  voir  le 
bliaut  avec  collet,  car  on  ne  peut  donner  ce  nom  à  une  large  passe- 
menterie cousue  sur  ce  vêtement    à  l'ouverture,  et  qui    forme    un 


1  Le  mol  coiricr  s'culeail  liuhiLiR'llciuciiL  corniiio  collet  ch;  cuir  pos6  sur  !.■  iKiiihert 
(le  guerre. 

«  Et  innint  holmc  voler,  è  maint  coiri:;r  arricr.  >«  {Romnti  de  Rou,  vers  4Gi2.) 
Coirier  arrier  doit  s'entendre  comme  collet  i-cjcté  en  arrif'rc.  C'est  qu'en  effet  une 
aumusse  de  peau  tenait  au  collet  de  cuir,  et,  pendant  le  combat,  ce  capuchon  devait 
souvent  retomber  en  arrière  (voyez,  dans  la  partie  des  Akmes,  k  l'article  AnMunn.  la 
figure  5). 

-  Voyez  Pf.i.icox. 


2o4 


[    COL,    COl.l.KT    ] 

crnement  plus  ou  moins  riche  (fig.  1)'.  Ce  n'est  que  vers  le  milieu 
du  XIV"  siècle  que  les  vêtements  des  hommes  prennent  des  collets. 
Jusqu'alors,  ces  vêtements  étaient  amples;  mais,  à  celte  époque, 
commença  la  mode  des  habits  justes  à  la  taille  et  sur  la  poitrine, 


fermés  par  devant  ou  sur  les  côtés  à  l'aide  de  lacets  ou  de  boutons, 
et  terminés  par  des  collets.  D'abord  peu  prononcés,  tenant  au  vête- 
ment de  dessous  et  formés  de  deux  petits  retroussis  droits  couvrant 
latéralement  et  sous  la  nuque  une  chemisette  fermée  autour  du  cou 
(tig.  2),  ces  collets  s'élèvent,  enveloppent  le  cou  comme  dans    un 


tube,  et  se  terminent  à  la  hauteur  du  menton  et  du  lobe  des  oreilles 
par  un  passe-poil  de  fourrure.  Ces  sortes  de  collets,  fort  à  la  mode 
à  la  fin  du  règne  de  Charles  V,  étaient  boutonnés  par  devant,  pre- 
naient exactement  la  forme  du  cou  et  tenaient  au  vêtement  de  dessus, 
à  la  fois  robe  et  justaucorps  sei'ré  habituellement  autour  de  la 
taille  par  une  ceintui'e  (lig.  3j-.  Ces  collets,  hauts,  évasés  du  haut, 
doublés  de  fourrure,  accompagnés    d'une    grosse    chaîne  d'or  avec 


1  Mamisi-r.  Itililinlli.  imp/T.,  rmuls  Saiiit-Cirniiniu,  u»  GGU  (xiii''  siî'ole). 

2  Jlauiiscr.   Biblioth.  iiniiri..  Tii'sla?!  et  Ysett/t,  fouds  tVam.ais,  t.  1. 


-  iî55  — 


[   COI.,    COIJ.ET   1 


médaillon,  étaient  portés  par  les  gentilshommes.  Les  bourgeois  se 
contentaient  de  petits  collets  droits,  non  doublés  de  fourrure,  bou- 


\  'Ëk 


tonnés  par  devant  (Iig.  4)'.  Vers  1390,  les  collets  des  robes  de 
dessus  ou  corsets  des  hommes  nobles  sont  hauts,  roides,  souvent 
godronnés.  Un  collier  de   grosses  perles  d'or,  attaché  par  derrière 


U 


^^^ 


au  moyen  de  deux  ganses  dont  les  bouts  pendent,  série  la  base 
du  collet  (tig.  5)2.  Mais  une  mode  aussi  gênante,  et  (pii  rappelle 
les  cravates  qu'on  portait  il    y    a    quarante    ans,  ne    pouvait    être 


'   Maïuisi  T.  liililiolli.  iiMp{''r.,  Tristan  et   Vscult,  l.  M. 

-  Mamiscr.  r>ililii)lli.  iiiii)(''r.,  Uaytou,  Hist.  de  la  terre  d'Orient,  frau(;ais. 


COL,    COLLET   ] 


256 


poussée  plus  loin.  Vers  1410,  il  y  eul  réaction  :  les  cols  des  pour- 
points furent  fendus  par  devant  pour  laisser  le  menton  libre,  et 
maintenus  liauis  par  derrière  pour  garantir  le  cou.  Ces  collets 
tenaient  au  vêtement  à  manches  et  juste  à  la  taille,  appelé  cotte  et 


plus  tard  pourpoint  ;  ils  étaient  de  même  étoffe  et  de  même  cou- 
leur. Mais,  comme  on  portait  alors  par-dessus  la  cotte  ou  le  pour- 
point un  corset,  un  surcot  ou  un  peliçon,  un  garde-corps  ou  une 
robe,  le  collet  du  pourpoint    dépassait    l'ouverture    supérieure   de 


X 


ces  vêtements,  ce  qui  était  considéré  comme  très-élégant.  On  tenait, 
d'ailleurs,  à  ce  que  le  pourpoint  fût  d'une  autre  couleur  que  celle 
du  vêtement  de  dessus  (voy.  Cokset,  Pourpoint,  Suucot).  Entre  les 
deux  pointes  obtuses  du  collet,  par  devant,  on  apercevait  la  che- 
misette serrée  au  cou,  faite  de  linge   très-lin,  transparent  et  plissé 


—   257   —  [   COL,    COLLET    ] 

à  très-petits  plis  (fig.  6)  '.  A  dater  de  celte  époque,  les  collets 
des  pourpoints  ne  lirent  que  décroître  jusqu'au  xvi"  siècle.  Sous 
Louis  XII,  les  hommes  laissent  le  cou  libre  et  couvert  seulement  à  la 
base  d'une  tine  chemiseltte.  Par  compensation,  les  collets  rabattus 
des  pelifons  prirent  un  développement  considérable,  et  s'abaissèrent 
jusqu'au  milieu  du  dos  en  couvrant  les  épaules  2.  Chez  les  femmes, 
la  mode  subit  à  peu  près  les  mêmes  variations.  Cependant  les  dames 


7 


nobles  se  décolletaient  lorsqu'elles  se  paraient,  à  dater  de  la  fin  du 
xni"  siècle.  Alors  même  et  jusque  sous  le  règne  de  Charles  V,  les 
robes  étaient  taillées  décolletées,  et  les  femmes  ne  se  couvi-aient  le 
cou  qu'au  moyen  de  guimpes  ou  d,e  chaperons  posés  comme  l'au- 
musse.  Vers  la  fin  du  xiv^  siècle,  les  robes  parées  et  les  robes  de 
ville  eurent  des  coupes  dilïérentes.  Les  robes  de  ville  ou  du  matin 
étaient  montantes,  avec  collets  hauts,  élastiques  et  roides,  comme 
ceux  des  hommes  (fig.  7)  \  De  petits  boutons  très-rapprochés,  à  peine 


'   Girart  de  Never.s,  iimiiiiscr.  liihliolli.  iiiipôr.,  fninrais. 

*  Voyez  Peliçu.n. 

*  Mauiiscr.  liihliotli.  iinin'i-..  IVanriiis,  Tiistan  et  Yseult,  t.    II. 


III.  —  ;}.} 


[   COL,    COLLET   ] 


2.^8 


visibles,  fermaient  ces  collets  hauts  par  devant,  et  il  fallait  qu'ils  sui- 
vissent exactement  la  forme  du  cou  et  des  épaules.  Un  étroit  passe- 
poil  de  fourrure  les  bordait  par  le  haut,  et  laissait  k  peine  voir  le 
bord  frisé  d'une  chemisette  plissée  embrassant  totalement  le  cou.  Une 
chaîne,  ou  ganse  d'or,  était  posée  à  la  base  de  ce  collet  et  portail  un 
petit  médaillon.  Celle  mode  dura  peu  (1390  à  1405).  A  dater  de  cette 
dernière  époque,  la  coupe  des  robes  de  femme,  à  la  ville  ou  parées, 


8 


laissait  le  cou  nu.  Ces  robes  étaient  ajustées  à  la  taille,  les  manches 
étroites  et  longues  ;  un  large  collet  de  fourrure  s'étalait  sur  les 
épaules,  le  dos  et  la  poitrine.  Dessous  ce  collet,  lorsque  les  dames 
sortaient  par  la  ville  à  pied  ou  montées  sur  une  haquenée,  on  posait 
une  sorte  de  collerette  de  velours  noir  avec  collier  d'or  par-dessus 
(fig.  8)  '.  Cette  parure  ne  convenait  toutefois  qu'aux  dames  nobles 
et  aux  riches  bourgeoises,  qui  dès  lors  ne  se  faisaient  pas  faute 
d'imiter  les  modes  delà  noblesse.  Les  jeunes  femmes  très-élégantes 


1  M.iiiiisrr.  lîililiiitli.  iiiipri'.,  Frùissarl,  tVauf.ais.  environ  liiU. 


259 


[    COI.I.lKll 


et  parées  portaient  des  robes  à  collets  en  pointe  descendant  jusqu'à 
la  ceinture,  qui  était  large  et  placée  haut.  Ces  collets  dégageaient  le 
cou  et  laissaient  voir  une  partie  de  la  gorge.  Us  étaient  doublés  de 
fourrure,  et  par-dessous  passait  une  collerette  unie  empesée,  de  fine 

9 


^.f. 


toile  de  batiste  (fig.  9)  '.  Plus  lard  -  les  dames  se  décolletèrent 
beaucoup  plus  encore  lorsqu'elles  se  paraient,  et  les  collets  s'ou- 
vrirent davantage  en  descendant  jusque  sur  les  bras.  Ces  collets 
étaient  dits  rebrassés  : 

«  Dames  a  rebrassez  eollelz. 

'■  De  queli'ouque  eoiulicion, 

"  Portant  attours  et  hourrcle'./, 

"  Mort  saisit  saus  exception  ^.   » 

Ces  collets  rebrassez  ^  étaient  bordés  de  fourrures,  amples,  droits 
par  derrière,  ou  parfois  en  pointe,  si  les  dames  qui  les  portaient 
tenaient  à  être  très-décolletées.  (Voy.  Corset,  Robe,  Surcot.) 

COLLIER,  s  m.  On  sait  le  goût  des  peuples  de  l'antiquité  pour 
les  colliers.  En  Egypte,  en  Asie,  les  hommes  en  portaient  aussi  bien 

1  Manuscr.   l.ililinlli.  iiiiprr.,  Fi'oissarl. 

-  14G0  (Uivirou. 

^  Gra7id  Testoiuent  île  Vilion,  stropli.  xxxix. 

■'  Voyez  Ordonn.  sompi.  du  xv<"  siècle.  Les  rebras  étaieul  des  bordures  d'une  eouleur 
et  d'uue  ('ilotïe  difîéreutes  de  celles  de  la  l'obe,  ou  (!.•  fourrurçs  d'hermine,  de  menu  vair, 
d'écureuil,  de  marti-e.  di'  loutre, 


\  m.uKW  ]  —  260  — 

que  les  femmes.  Cliez  les  Grecs  el  les  Romains,  celle  parure  fut 
réservée  aux  femmes  seulement.  Les  Gaulois  portaient  des  colliers 
de  diverses  matières,  d'or,  d'argent,  de  pâle  de  verre,  de  grains 
d'ambre.  Il  en  était  de  même  chez  les  peuplades  de  la  Germanie,  et 
les  barbares  qui  envahirent  les  Gaules  paraient  leur  cou  de  col- 
liers très-riches.  Cependant,  de  l'époque  carlovingienne  jusqu'au 
XIV*  siècle,  il  ne  paraît  pas  que  les  hommes,  non  plus  que  les  femmes, 
aient  porté  des  colliers.  Ce  bijou  n'apparaît  guère  sur  les  statues  et 


dans  les  peintures  que  vers  le  règne  de  Ciharles  V.  Dans  Xlmentaire 
de  l'argenterie  des  rois  de  France,  dressé  en  looo,  il  est  question 
d'un  bijou  appelé  p^H^r/co/ ,  el  qui  n'était  autre  qu'un  médaillon 
à  pendre  au  cou  *  après  les  grosses  chaînes  d'or  (|ue  les  hommes 
portaient  déjà  sur  la  cotte  et  le  corset  ou  surcot,  et  qui  furent  si 
fort  à  la  mode  à  la  fin  du  xive  siècle.  Ces  colliers  d'homme  pre- 
naient diverses  formes  :  grosses  chaînes  à  chaînons  ou  en  gour- 
mette, chaînelles  à  deux  ou  trois  rangs,  torsades  avec  pendeloques 
et  grelots,  feuilles  d'or  découpées  (fig.  1),  grosses  perles  d'or  2. 

Alors,  sur  la  robe  à  collet  montant,  les  femmes  portaient  égale- 
ment des  colliers  d'or  (voy.  Collet,  lig.  7).  Parmi  tant  de  bijoux 
que  contient  l'inventaire  du  trésor  de  Charles  V,  il  n'est  fait  men- 
tion que  d'un  Irès-pelil  nombre  de  colliers. 

Voici  l'un  des  plus  riches  :  «  Ung  collier  d'or  à  charnières,  où  est 


'  »  Un  iieiilMcol  où  il  y  avoit  12  perles  el  :j  éiiiiTainles 
camahieu  garni  de  jjerles  et  de  jtierreries.  » 

*  Manuscr.  Bibliolh.  iiiipér.,  tVaueais,  Triatan  et  Yseidf,  t 


.  Ua  jieulaeol  à  ymages.   d'uu 
(liu  du  xiV  siècle). 


—   261    —  [   COP.NETTE    ] 

«  une  croix  garnye  de  pierrerie  pendant  devant,  auquel  sont  neuf 
«  saphyrs,  quatorze  ballayz  (rubis)  et  quatre-vingt-quatre  perles,  pe- 
«  saut  ung"  marc  une  once,  <|uinze  estellins  \.  »  Ce  n'est  qu'un  peu 
plus  tard  que  les  dames  adoptent  les  colliers  posés  directement  sur 
la  peau  (vers  1410),  et  ces  colliers  sont  souvent  noirs,  très-déliés 
(voy.  Coiffure,  fig.  41  bis  et  48  bis).  Parfois  aussi  ce  sont  des 
chaînettes  ou  ganses  d'or,  avec  médaillon  ou  joyau  (pentacol). 
Ces  chaînettes  très-déliées,  ou  fins  tissus  d'or,  sont  d'abord  posées  à 
la  base  du  cou  et  à  deux  rangs,  puis  descendent  en  un  seul  rang  sur 
les  épaules  en  suivant,  à  un  pouce  de  distance,  le  bord  du  corsage. 
Vers  1420,  on  voit  aussi  les  dames  nobles  porter  une  très-fine  ganse 
de  soie  serrée  îi  la  base  du  cou  avec  une  seule  perle  ;  puis  au- 
dessous,  sur  la  gorge,  un  collier  d'or  et  de  pierres  fines  avec  petites 
pendeloques.  A  la  fin  du  w"  siècle,  les  dames  nobles  portent  de 
larges  colliers  composés  de  plusieurs  rangs  de  perles  très-serrés, 
avec  fermait  par  devant  (voy.  Coiffure,  fig.  55). 

Des  ordres  établis  pendant  le  xv^  siècle  avaient  adopté  un  collier. 
Les  chevaliers  de  l'ordre  de  la  Toison  d'or,  institué  par  le  duc  de 
Bourgogne  (Philippe  le  Bon),  ceux  de  Tordre  de  Saint-Micliel, 
institué  par  Louis  XI,  portaient  des  colliers  dont  la  forme  est  trop 
connue  pour  qu'il  soit  nécessaire  de  la  reproduire  ici.  A  l'exemple 
de  la  noblesse,  des  corporations  adoptaient  un  collier  ^.  La  plupart 
des  souverains,  pendant  le  xv°  siècle,  avaient  institué  des  ordres  de 
chevalerie,  et  le  signe  de  ces  ordres  était  un  collier.  Quand  Jacques 
de  Lalain  se  départit  de  la  cour  du  roi  de  Portugal,  ce  prince  lui 
remit  «  un  riche  collier  d'or  de  l'ordre  de  Portugal,  garni  de  dia- 
mants, rubis  et  perles  ^...  »  Dans  les  provinces  méridionales  du 
Languedoc  et  de  la  Provence,  les  femmes,  au  xn"  siècle,  portaient 
des  colliers  de  plusieurs  rangs  de  perles  très-serrés  au  cou,  à 
l'instar  des  modes  de  Byzance.  Mais  il  ne  paraît  pas  que  cette  parure 
ait  été  admise  par  les  dames  des  provinces  du  Nord.  Ces  colliers  de 
perles  étaient  habituellement  montés  sur  une  bande  d'étolïe  et  for- 
maient ainsi  une  sorte  de  carcan  étroit. 

CORNETTE,  s.  f.  Nous  ne  trouvons  les  cornettes  mentionnées 
que  dans  les  Cent  Nouvelles  nouvelles.  Ce  vêtement  parait  être  un 

'   Invent,  de  Charles  V,  mauiisc  I)il)liotIi.  iiiipér..  n'>  ironimi  27S(). 

*  Voyez  le  collier  de  la  corporaliou  des  orfèvres  de  r.aud.  Ce  cuiller  est  gravé  dans  les 
Recherches  hist.  sur  les  costumes  civils  et  milit.  des  Gildes  et  corpor.,  pur  M.  Félix 
de  Vigne.  Gaïul,  1847. 

■i  Chrun.  de  Jacques  de  Lalain,  cliap.   xi.ii. 


[  r.oitsiyr  ]  —  26:2  — 

canuiil  avec  capuclion,  pouvant  couvrir  presque  entièrement  le 
visage.  L'écuyer  d'un  noble  chevalier  s'introduit  chez  une  demoi- 
selle, le  soir,  à  la  place  de  son  seigneur  attendu  ;  la  chambrière  ne 
le  reconnaît  pas,  «  pour  ce  qu'il  étoit  tard  et  avoil  une  cornette  de 
«  velours  devant  son  visage  i  ».  Cependant,  déjà  vers  la  lîn  du  xiv^ 
siècle,  on  donnait  à  certaines  coiffures  de  femmes  le  nom  de  cornes 
(voy.  Coiffure,  et,  à  l'arlicle  ConsET,  la  ligure  1).  Il  est  à  croire 
que  le  diminutif  était  usité  dans  le  langage,  puisque  les  dames  por- 
taient à  la  chambre,  et  lorsqu'elles  recevaient  couchées ,  des  coif- 
fures en  forme  de  cornes,  mais  beaucoup  plus  petites  que  celles  des 
coiffures  de  ville. 

CORSET,  s.  m.  Ce  mot  avait  deux  significations  différentes.  On 
appelait  corset  un  vêtement  de  dessous  que  les  dames  laçaient  sons 
la  robe  pour  maintenir  la  taille  et  la  gorge  ;  et  aussi  un  habit  très- 
ample  porté  par  les  hommes  et  par  les  femmes,  mais  serré  à  la  taille. 
Sous  le  justaucorps  fait  d'étolfe  gaufrée  que  les  dames  portaient  au 
xn*  siècle,  un  corset  était  nécessaire,  car  ces  étoffes  Unes  et  légères 
n'eussent  pu  maintenir  suffisamment  la  taille  et  la  poitrine,  qu'il 
était  alors  de  mode  de  comprimer  et  de  réduire  aux  proportions  les 
plus  minimes,  sans  toutefois  la  déformer  -.  Au  xni°  siècle,  sous  la 
robe  longue  avec  ceinture,  les  femmes  portaient  un  corset  qui  allon- 
geait la  taille  et  relevait  la  poitrine.  La  présence  de  ce  vêtement  est 
très-apparente  dans  des  sculptures  et  peintures  de  cette  époque. 
Vers  la  fin  de  ce  siècle,  la  taille  fut  raccourcie,  les  ceintures  dispa- 
rurent généralement,  et  le  corset  fut  taillé  de  manière  à  donner  de 
la  largeur  à  la  poitrine.  Sous  Charles  V,  les  ceintures  serrées  à  la 
taille  reparurent  pour  la  toilette  de  ville,  les  tailles  restèrent  courtes, 
et  les  corsets  développaient  la  poitrine  : 

"  Ur  couvicut  uu  large  colut 

•>  Es  robes  de  nouvelle  forge, 

"  Par  qiioy  les  tettins  et  la  gorge, 

«  Pai'  la  t'a(;on  des  eutrepans  ■*, 

"  Puisseul  eslre  plus  apparaus 

'.  De  donner  plaisance  et  désir 

■•  De  vouloir  avec  eulx  gésir. 

■•  Et  SI'  de  tettius  est  desmise  ». 

"  Il  convient  faire  en  la  cheniise 

'  La  Dame  k  Jeux,  nouvelle  xxxi  (1460  eiiviion). 
■•*  Voyez  Ri.iALT,  tig.  2  ;  Cotte  et  Robe. 
3  Partie  milieu  antérieure  du  corset. 
'*  «  Si  la  feniine  n'a  pas  de  gorge.  " 


—   "HÛ'Ô   —  I    CORSET    ] 

"  De  celle  ciii  li  sangs  '  avale 

«  Deux  sacs  par  iiiauiere  de  niale. 

"  Où  l'eu  fail  les  pcaiilx  emnialer. 

'<  Et  les  leltiiis  amont  al  m-. 

"   VA  afin  qu'elle  semble  droicte 

.  Lui  fault  faire  sa  robe  estroicte 

•.  Par  les  llam'S.  et  soit  bien  estraiacl\ 

■>  Afin  qu'elle  semble  plus  joiucle. 

"  Là  uc  fault  panue,  fors  que  toile; 

"  Mais  au  dcssoubz  fault  faire  voile, 

'1  De])uis  les  relus  jusques  au  piel, 

(•   Du  cul  (le  rol)e  qui  leur  cliiet 

■■  Contreval  comme  uns  fous  de  cuve, 

"  Bien  fourré  ou  elle  s'encuve  ; 

.  Et  aiusi  ara  la  meschine 

"  (ireslc  corps,  gros  cul  et  poitrine 

"   Par  l'ordonnance  qu'elle  y  met 

<■   De  louvrier  qui  s'en  entremet"''.  » 

Ainsi  la  chemise,  ù  celte  époque,  étail  disposée  de  façon  h  tenir 
lieu  de  corset.  Si  Ton  examine  avec  quelque  attention  les  statues,  les 
peintures  des  manusci'its  de  la  tin  du  xiv^  siècle,  on  reconnaîtpa 
qu'il  était  impossible  de  placer  un  corset  monté  sous  la  robe  parée 
dont  le  corsage  semblait  collé  sur  la  peau.  H  fallait  donc  que  la  che- 
mise suppléât  au  corset,  surtout  si  les  dames  se  paraient  de  robes 
sans  ceinture,  ajustées  à  la  taille  (lîg.  1);  ce  qui  était  alors  une 
mise  élégante  et  d'une  parfaite  distinction  \  Avec  le  surcot  ajusté 
qu'adoptèrent  les  femmes  nobles  vers  le  milieu  du  w^  siècle,  le 
corset  était  de  rigueur,  mais  ce  vêtement  de  dessous  était  alors 
monté,  bordé  d'acier  et  muni  de  la  coche  \ 

Quant  au  vêtement  d'homme  et  de  femme  appelé  corset  ou  garde- 
corps,  et  qui  semble  être  un  pardessus  ajusté,  il  en  est  fait  mention 
une  première  fois  dans  V Histoire  de  saint  Louis  par  le  sire  de 
Joinville.  Quand  le  sénéchal  est  à  Acre,  après  la  triste  campagne 
d'Egypte,  malade,  sans  habits,  ayant  tout  perdu,  il  se  rend  au  palais 
où  logeait  le  roi  :  «  El  lors  m'envoia  querre  li  roys  pour  mangier  avec 
«  li  ;  et  je  v  alai  à  tout  le  corcet  que  l'on  m'avoit  fait  en  la  prison 
«  des  rongneures  de  mon  couvertour  '....  ».  C'était  une  sorte  de 
souquenille  avec  manches. 

'  Le  sein. 

-  Li;  Miroir  de  itinriaf/c,  poésies  d'Eustachc  Deschamps. 

^*  Voyez  Cotte. —  Mauuscr.  lîitiliolh.  imprr.,  frauçais,  Tristan  et  Yicu/t,  I.  il  (tin 
du  xiye  siècle). 

*  Coche,  buse  de  bais  minci'  pos'  sur  le  devant  du  corset  des  fcMiuics,  (Voyez  Villon, 
Poésies,  cdit.  de  Janufd,  p.  .'i(li'>.) 

^  S.  lie  .biinvilii'.  ///s/,  de  saint  Louis,  v  lil.  d'  M.   Nal.  de  Wailly,  |).   I  i;{. 


[  CORSET  1  —  264  — 

Le  compte  de  Geotïroi  de  Fleuri  '  mentionne  parmi  les  vêtements 
un  grand  nombre  de  corsets  :  «  Idem,  i  corsset  de  cendal,  fourré  de 
«  menu  vair.  »  —  «  Pour  1  corsset  de  cendal  fourré  de  menu-vair, 
«  pour  messire  Piei're  de  Belfremont,  que  le  Roy  li  donna,  6  s.  6  d.  » 
—  «  Pour  3  aunes  et  demie  de  marliré,  délivré  à  Jehan  le  Bourgui- 


«  gnon  le  xvi''  jour  d'octembre,  pour  faire  1  corsset  à  Madame 
«  la  Royne,  pour  vestir  en  son  cheir,  4  1.  4  s.  »  —  «  Pour  3  aunes 
«  et  demie  d'un  bon  marbré,  délivré  à  Jehan  le  Bourguignon,  le 
«  IX'  jour  de  nouvembre,  pour  faire  1  corsset  roont  à  aler  par  la 
«  chambre,  36  s.  pour  aune,  valent  6  1.  6  s.  »  —  «  Pour  1  corsset  à 
«  pourlil,  de  camelin,  ouquel  it  ol  une  fourreure  tenant  124  ventres 


'   l;Jlb.  Voyez  Comptes  de  Curg.  des  rois  de  Fiance,  publ.  par  L.  Douël-Darcq. 


—   265   —  [    CORSET   ] 

«  et  12  ventres  pour  les  manches,  et  4  pour  pourfiller.  »  —  «  Pour 
«  1  corsset  de  griz  fin  qu'elle  (la  reine)  afuble  en  son  char,  10  1,  »  Etc. 
Il  ressort  de  ces  ciiations  que  le  corset  était  un  vêtement  porté  par 
les  hommes  et  par  les  femmes  ;  que  ce  vêlement  était  ample  et 
fourré,  qu'il  était  à  manches  ;  qu'on  le  mettait  en  guise  de  robe  de 
chambre,  et    comme   par-dessus,  pour   voyager  en   char.  Dans  les 


comptes  dEtienne  de  la  Fontaine  (1352),  on  voit  que  le  corset  des 
femmes  avait  pris  plus  d'ampleur  encore  :  «  Ledit  Robert,  pour  les 
"  fourreures  d'un  corset  rout  de  drap  d'or  pour  madicte  dame 
«  (la  reine  de  Navarre),  une  fourreure  de  menu-vair  de  208  venircs 
«  à  16  d.  le  ventre,  13  1.  17  s.  4  d.  parisis.  Pour  12  ermines  et  12  lé- 
«  tices  à  pourliller  ledit  coi'set,  achalêes  audit  Robert,  14  1.  8  s.  p. 

-  :{4 


m. 


[    CORSET    1  —    ^2ÛQ    — 

((  Pour  loiil,  !28  1.  o  s.  4  l1.  p.  »  Le  pourfûagp  de  ce  vélemeiil  était 
ce  (ju'on  eiUend  aujourd'hui  par  passe-poils,  c'est-à-dire  bordures 
de  fourrures.  208  ventres  de  menu  vair  assemblés  font  environ 
3", 50  superficiels.  Ce  dernier  vêtement  de  femme  était  donc  très- 
ample  ;  de  plus,  il  était  rond,  c'est-à-dire  en  manière  de  cloche.  11 
di lierait  du  peliçon  en  ce  que  celui-ci  n'avait  point  de  ceinture, 
tandis  que  le  corset  était  ajusté  à  la  taille  ou  possédait  une  ceinture. 
Le  corset  des  hommes,  au  milieu  du  xnr  siècle,  était  souvent  croisé 
sur  la  poitrine  (fig.  2)*;  les  manches,  fendues,  pouvaient  couvrir  les 
bras  ou  tomber  derrière  les  épaules.  Ce  vêtement  était  doublé  de 
fourrure,  fendu  latéralement  du  bas  jusqu'aux  hanches  et  ne  des- 
cendant pas  aussi  bas  que  la  cotte  ou  cotelle.  Les  bourgeois  le  por- 
taient aussi  bien  que  les  gentilshommes,  et  il  était  fait  de  laine.  Sa 
forme  ne  paraît  pas  se  modifier  d'une  manière  sensible  jusque 
vers  1330,  mais  alors  il  est  plus  court,  juste  à  la  taille,  et  les  man- 
ches se  développent  démesurément. 

Les  corsets  des  gentilshommes  sont,  à  cette  époque,  boutonnés 
par  devant,  collant  sur  la  poitrine,  avec  jupe  fendue  par  devant  et 
latéralement,  faits  d'étotfes  de  soie  ou  de  laine  de  couleurs  claires. 
On  ne  les  portait  pas  seulement  dehors  ou  dans  la  chambre,  mais 
aussi  pour  se  parer.  Lorsque  le  duc  de  Normandie  Charles  invite  à 
Rouen  un  grand  nombre  de  seigneurs,  à  l'instigation  du  roi  Jean, 
qui  les  voulait  faire  arrêter  :  «  Il  s'en  vint  (le  roi)  par  Nidequien, 
«  jouxte  les  fossées  de  la  ville,  par  dehors,  et  en  plein  dyner  entra 
«  ou  chastel  par  la  grosse  tour,  à  grant  quantité  de  gens  d'armes, 
«  et  lui  aussi  1res  fort  armé,  et  un  de  ses  sergens  d'armes,  le  plus 
«  notable,  monté  tout  devant  amont  les  degrez  de  la  grant  salle,  où 
«  les  seigneurs  dygnoient  et  faisoient  bonne  chère,  ledit  sergent 
«  du  ploumel  de  sa  mâche  frappa  si  grant  coup  le  mantel  de  la  porte 
«  de  ladite  salle,  qui  fist  tout  retentir,  et  cria  en  haut  quanque  il 
«  put  :  «  Oés,  oez,  de  par  le  roy  !  que  nul  ne  soit  si  hardi  qui  de  sa 
«  place  se  meuve  sur  paine  de  la  hart.  »  Et  à  che  cry,  le  rui  avec 
«  toutes  ses  gens  entre  em  plaine  salle,  et  là  tout  droit  s'en  ala 
«  au  mesti'e  doys  (dais)  et  pardessus  la  table  prist  le  conte  de  Ha- 
«  recourt  par  son  corsset,  en  lui  disant  :  «  Or  te  tien-ge,  fauz 
'<  traître-...  » 

Deux  des    sergents    d'armes   gravés    sur    les    dalles    de    l'église 


'  Viîraux  de  la  callirilrah;  de  Tours. 

-  Chvon   do  P.  CocliDii.  —  Voyez  la  parlie  publiée  de  ce  iu:iuii.srriL  jKir  iM.  L.   Delislc, 
dans  VHisl.  du  château  de  Saint-Snuveur  le  Vicomte,  1SG7. 


—   267    —  [    COFSSET   ] 

Sainle-Calherine  du  Val  îles  Écoliers  i  (1360  à  1376)  sont  ^èlus 
du  corset  court,  juste  sur  la  poitrine,  avec  collet  haut,  serré  à  la 
taille  par  une  ceinture,  à  manches  très-larges  et  longues  (fig.  3). 
Ces  sortes  de  corsets  n'étaient  guère  portés  alors  par  les  gentils- 
hommes, mais  plutôt  par  les  écuvers,  pages,  sergents,  varlets  ;  ils 


recouvraient  un  pourpoint  juste,  à  manches  étroites  avec  collet 
haut.  On  ohservera  que  le  has  du  vêtement  et  les  hords  des  manches 
sont  ornés  d'une  bordure  festonnée.  Les  manches,  larges,  sont  hou- 
tonnécs  sous  le  poignet,  et  les  mains  sortent  de  deux  manchettes 
amples,  en  entonnoir,  également  festonnées.  Vers  1390,  les  hommes 
nobles  portaient  des  corsets,  dont  la  coupe  est  particulière.  Juste  sur 

'  Aiijmu'iriiui  (lûpoS(5cs  dans  r<'gli^i'   alilmt.  de  S:iiiit-hrui:>. 


[   cou SET   ] 


2(38  — 


la  poitrine  et  le  do?.,  avec  plis  réguliers  à  la  ceinture  par  derrière, 
ce  vêlement  (fig.  4)  '  ne  descend  qu'aux  genoux.  La  ceinture  est 
basse,  très-serrée,  bouclée    aux    reins,  et    les  mancbes  sont  d'une 


ampleur  prodigieuse  :  le  tout  est  doublé  de  fourrures;  une  rangée  de 
boutons  ferme  l'ouverture  du  corsage  sur  la  poitrine.  La  couture  des 
mancbes  sur  les  épaules  est  cacliée  sous  une  large  bande  d'étotïe 


'  Dayton,  Hi.it.  de  la  terre  d'Orient,  inauiiscr.  liililiolli.  inipir..  IVaurais. 


—    -69    —  [    CORSET    ] 

rayée  blanc  et  or,  tandis  que  le  vêlement  est  d"un  tissu  de  laine  de 
couleur  unie,  généralement  claire  (vert  jaunâtre  dans  cet  exemple). 
Derrière  les  épaules  (voy.  la  fig.  4  bis),  les  bandes  qui  masquent  la 


4  bis 


couture  des  mancbes  empiètent  sur  le  dos  en  suivant  la  direction  des 
omoplates,  de  manière  à  rétrécir  le  corsage.  La  jupe,  ouverte  par  de- 
vant, est  fendue  latéralement  et  par  derrière;  le  collet  est  haut,  roide, 
godronné,  accompagné  d'un  collier  à  gros  grains  d'or  à  la  base  ^ 

'   Voyez.  C.iii.LKT,  llg.  .■;. 


1    CORSET  ]  —    270   — 

On  confond  souvent  le  corset  avec  le  siircot  et  même  avec  le  peli- 
çon,  par  la  raison  que  le  corset,  comme  le  surcol  et  le  peliçon, 
se  met  par-dessus  le  pourpoint  ou  la  coite  ;  mais  le  surcot  est  plus 
ample  que  n'est  le  corsel  pour  Tun  et  l'autre  sexe.  Il  n'est  pas,  dans 
l'habillement  des  femmes,  toujours  garni  de  manches,  tandis  que  le 
corset  en  possède.  Nous  ne  croyons  pas,  du  reste,  que  la  distinction 
entre  ces  deux  vêtements,  le  corset  et  le  surcot,  ait  jamais  été  bien 
tranchée.  Il  en  était  de  ce  vêtement  comme  de  quelques  habits 
de  nos  jours  qui  peuvent  être  confondus  {pardessus  et  paletot,  par 
exemple).  Le  corset  des  hommes  comme  celui  des  femmes  est  tou- 
jours ajusté  à  la  taille;  coupe  qui  n'appartient  pas  spécialement  au 
surcot.  Dans  ce  qu'on  appelait  une  robe,  c'est-à-dire  un  vêtement 
complet,  il  y  avait  souvent  deux  surcols  ;  l'un  de  ces  surcots  pou- 
vait être  un  corset. 

Dans  les  comptes,  l'aunage  des  corsets  d'homme  indique  une 
certaine  ampleur,  jusque  vers  1400;  et,  en  effet,  ces  corsets  avaient 
l'ampleur  d'une  robe  avec  manches.  On  appelait  corset  sangle,  celui 
qui  n'était  pas  doublé  de  fourrures.  Voici  (fig.  5)  le  corset  élégant 
des  jeunes  gentilshommes  vers  1415'.  Ce  corset,  de  velours  de  soie 
ou  de  drap  de  laine  fin,  est  fourré,  pourlllé  au  bas,  agrafé  sur  les 
côtés,  sans  collet.  —  Le  collet  visible  est  celui  du  pourpoint  ou  de  la 
cotelle.  —  Les  manches,  très-amples  et  bouillonnées  aux  épaules, 
sont  fermées  et  fendues  latéralement  en  laissant  voir  les  crevés  des 
manches  du  pourpoint  h  travers  lesquels  apparaît  la  chemise.  La 
taille  très-longue  et  très-serrée,  sans  autre  ceinture  qu'une  mince 
ganse,  commence  immédiatement  au-dessus  des  hanches.  Les  plis 
sont  fixes,  cousus  et  forment  la  taille;  ils  sont  réunis  sur  le  ventre 
et  divisés  en  deux  groupes  derrière  le  dos  jusqu'à  la  ceinture,  d'où 
ils  tombent  en  un  seul  faisceau  sur  les  reins.  Il  fallait,  d'ailleurs,  que 
ce  vêtement  fût  taillé  avec  une  parfaite  précision,  qu'il  collât  exac- 
tement sur  le  haut  de  la  poitrine  et  le  milieu  du  dos,  et  ne  laissât 
pas  voir  les  agrafures  sur  l'un  des  côtés  et  l'une  des  deux  épaules. 
L'agrafure  latérale  de  la  ceinture  allait  se  perdre  sous  le  côté  du 
faisceau  des  plis  du  devant,  de  telle  sorte  que  le  vêtement  suivît  le 
contour  des  banches  sans  jonction  apparente.  On  portait  ce  vête- 
ment à  la  ville  avec  des  chausses  collantes,  sur  lesquelles,  si  l'on 
montait  à  cheval,  on  passait  de  longues  bottes  justes,  faites  d'une 
peau  souple,  noircie,  avec  revers  clairs  au  haut  des  cuisses  (voy. 
en  A,  fig.  5).  Sur  ce  corset,  les  nobles  portaient  une  chaîne  fine  à 

'  Giiait  (le  Nevers,  nuimiscr.  liihlidlli.  iMijM'T..  lVau(;.ais. 


Tti 


r    COIïSET 


'^ 


l.licsO'^V 


deux  ou  trois  lours  avec  petit  médaillon,  et  dont  l(>s  rant^s  tombaient 


[   CORSET   ]  —    2'72   — 

assez  bas  derrière  le  dos,  régulièrement  étages.  Le  chapeau  de  feutre 
était  souvent  garni  d'une  longue  bande  de  drap  de  soie  de  même 


nuance,  cest-à-dire  gris  ou    noir,  laquelle    bande    faisait   écharpe 
autour  du  cou  et  retenait  la  coilîure  si  le  vent  l'enlevait,  —  d'autant 


—    273   —  [   CORSET   ] 

qu"il  était  de  bon  lun  de  porter  ce  chapeau  sur  le  sommet  de  la 
tête  en  laissant  voir  la  chevelure  le  plus  possible,  —  et  servait  aussi 
à  se  débarrasser  du  couvre-chef  en  le  laissant  pendre  derrière 
l'épaule,  ainsi  que  le  montre  notre  figure.  ]Les  seigneurs  les  plus 
élégants  portaient  de  ces  sortes  de  chapeaux  de  velours  bleu  de  ciel, 
gris  de  lin  ou  pourpre  clair,  avec  chaîne  d'or  posée  sur  le  rebord, 
el  deux  plumes  droites  et  légères  sur  le  devant.  La  mode  était  alors 
d'exagérer  la  largeur  des  épaules  au  moyen  de  ces  manches  bouf- 
fantes et  relevées,  de  porter  la  taille  très-longue  et  Une,  de  main- 
tenir le  bas  du  corps  étroit  et  serré.  Ce  vêtement  ne  pouvait  con- 
venir qu'aux  hommes  jeunes  et  bien  faits.  Les  gens  d'un  âge  mûr 
portaient  un  vêlement  analogue,  mais  dont  la  jupe  descendait  aux 
genoux.  Un  peu  plus  tard,  c'est-à-dire  vers  1450,  le  corset  des 
hommes  consistait  en  une  robe  de  dessus  avec  ceinture,  manches 
très-courtes  et  petit  collet  rabattu.  La  jupe  était  largement  fendue 
latéralement  et  non  ouverte  sur  le  devant  (fig.  6)'. 

Chez  les  femmes,  le  corset  remplace  le  bliaiit  (voy.  Bdalt),  qui 
cesse  d'être  porté  vers  la  fin  du  xni''  siècle.  Contrairement  à  la 
marche  de  la  mode  des  corsets  d'homme,  ceux  de  femme  prennent 
plus  d'ampleur  de  1300  à  1450.  Toujours  ajustés  à  la  taille,  garnis 
de  manches  de  plus  en  plus  larges,  les  corsets  de  femmes  sont  de 
trois  sortes  :  le  corset  de  chambre,  le  corset  de  voyage  et  le  corset 
à  parera.  Ces  corsets  étaient  faits  d'étotîes  de  laine,  de  drap  de  soie 
ou  de  velours  doublés  de  fourrures.  Les  manches  longues  en  façon 
de  bandes  étroites,  jusque  sous  le  règne  de  Charles  VI,  étant  sujettes 
à  être  fripées,  on  les  mettait  sous  presse  entre  des  planches  de  bois  : 

«  Pour  '12  paires  d'aisselettes  de  bort  d'illande ;  pour  mettre  et 

«  presser  6  paires  démanches  de  6  corsés  pour  madame  la  Royne'.  » 
Il  faut  observer  que  les  inventaires  mentionnent  souvent  avec  le  corset 
de  femme  un  chaperon  de  même  élolTe  et  fourrure.  Dans  le  glos- 
saire que  donne  M.  Douët-Darcq  à  la  suite  du  recueil  des  Comptes 
de  rargenterie  des  rois  de  France  au  xiv^  siècle,  au  mot  Cousiir. 
l'auteur  ne  se  prononce  pas  sur  la  forme  de  ce  vêtement.  «  De  tant 
«  de  citations,  dit  l'auteur,  il  ne  ressort,  j'en  conviens,  rien  de  bien 
«  clair,  et  encore  je  tombe  sur  un  passage  (jui  vient  compliquer  la 

'  Guillaume  île  Tijr,  iiiamiscr.  l>iblii)lli.  iiiiiM'r.,  IViuirais  (d 'i.'iO  ciiviidii).  Dmiis  ci't 
exemple,  les  inancliL's  l()ii<,'ues,  qui  peuvent  couvrir  eutièrciiicul  les  iiiaiiis.  a|)pai'licuacQt 
a  la  cotte. 

-  Voyez  les  Comptes  de  l'arg.  des  luis  de  France  au  xiV  siècle,  recueillis  jiar 
M.  Doiict-Darcfj. 

■'  C.oniiilcs  (le   l.'iSI.  k.  re.i,'.   IS.  fol.  (IS,  v". 

III.  —  -Vo 


[  COIÎSKT  ]  —   27  i   — 

«  (jueslion.  C'esl  dans  une  lellre  de  rémission  de  rannée  1359  : 
«  Osterent  avec  ce  nus  dictes  femmes  troys  jupons  appelez  corsez^.  » 
C'esl  qu'en  effet  il  élait  alors  assez  difficile  de  distinguer  le  corset 
(robe  de  dessus)  des  femmes  de  la  robe  de  dessous.  La  coupe  était  à  peu 
près  la  même  ;  le  corset  était  juste  à  la  taille  comme  la  cotte  ou  robe 
de  dessous;  il  avait  une  jupe  ronde  en  clocbe.  Or,  le  mot  robe  n'était 
qu'un  terme  général  et  s'entendait  comme  tout  vêtement  long.  Ainsi, 
ipour  chemise  on  disait  souvent  robe-linge  :  «  Jeban  le  Bas  fust  con- 
«  dempnez  d'aler  des  prisons  tout  nu  en  robe-linge  par  toute  la  ville 
«  et  lieux  publiques  de  Montpellier  (1392)2.  De  même  aussi  appe- 
lait-on robe  tout  vêtement  à  manches  d'bomme  et  de  femme  qu'on 
donnait  à  certaines  occasions,  comme  une  sorte  de  livrée,  aux  per- 
sonnes qui  faisaient  partie  de  la  suite  d'un  grand  seigneur.  Ces  robes 
étaient,  ou  des  cottes-hardies,  ou  des  corsets,  ou  des  surcots,  pelisses 
et  manteaux.  Les  mots  jupes  et  jupons  pouvaient  donc  beaucoup 
mieux  être  appliqués  au  corset  de  femme  que  le  mot  robe,  trop 
général,  par  des  personnes  étrangères  aux  usages  de  la  toilette. 
Voici  (fig.  7)  un  corset  de  dame  noble  vers  1320'.  Ce  vêlement 
n'est  autre  chose  qu'une  robe  de  dessus.  Il  est  décolleté  tout  autant 
que  la  robe  de  dessous,  et  colle  sur  la  poitrine  et  aux  épaules.  Les 
manches  sont  montées  avec  épaulelles  qui  renforcent  le  corsage  au 
point  où  il  pourrait  glisser  sur  les  épaules,  en  bridant  un  peu  celles-ci. 
Ce  corsage  est  lacé  par  derrière,  ainsi  que  l'était  le  bliaut  du 
xn«  siècle.  A  partir  du  coude,  les  manches  ne  forment  plus  que  des 
bandes  étroites  tombant  jusqu'à  terre  et  doublées  de  fourrure,  ainsi 
que  tout  le  vêlement.  Ces  manches  sont  même  parfois  (vers  1340) 
comme  de  véritables  rubans  minces,  entourant  le  bras  au-dessus  de 
la  saignée  et  tombant  jusqu'à  terre  (voy.  Cotte,  fig.  12)  ;  ces 
bandes  ne  sont  pas  toujours  de  la  même  couleur  que  celles  du  corset, 
mais  sont  doublées  de  fourrure.  Au-dessous  de  la  taille,  sur  le  de- 
vant de  la  jupe,  sont  ménagées  deux  ouvertures  dans  lesquelles  on 
passe  les  mains  comme  dans  un  manchon,  pour  les  tenir  chaudement; 
elles  permettent  de  relever  le  devant  de  ce  vêlement  lourd,  puisqu'il 
élait  fourré,  et  dont  la  longueur  eût  gêné  la  marche.  Ces  corsets 
du  commencement  du  xiv"  siècle,  très-décolletés,  étaient  complétés 
d'un  chapei'on  qui,  comme  on  sait,  pouvait,  lorsqu'on  Venfourmait, 
couvrir  complètement  b^s  épaules  (voy.  Chaperon)  :  «  Ledit  Robert, 


'   1.  rog.  87,  1)0  22'f. 

^  liufjfi,  eu  iliilii'ii,    s'cnlciid  coniiiu'  loul   avoir    lr,aisi)()rtal)lu.  (Voy.  du    Caugo,  Iîoba. 

■'  Lance  lot  du  f-rtc,  manuscr.  BiWioth.  iiiipôr.,  français  (1320  environ^. 


"275  — 


[   CORSET   ] 


((  pour  fourreures  d'un  corset  ront  d'escarlale  pour  maclicte  dame 
«  (reine  de  Navarre,  13o2),  une  fourreure  de  menu  vair  de  160  ven- 
«  1res  ;  pour  manches,  24  ;  pour  un  chaperon  à  enfourmer,  90  ven- 
«  très.  Somme,  274  ventres,  18  1.  S  s.  4  d.  —  Pour  12  ermines  et 
((  48  létices  à  pourliller  le  corset  et  chaperon  dessus  diz,  16  d.  pour 


7 


«  rcrmine  et  8  s.  pour  hi  lélice,  16  1.  16  s.  p.  Pour  tout,  3o  1. 
;<  16  d.  pJ.  »  On  voit,  en  elîet,  dans  les  peintures  de  cette  époque 
(commencement  du  xiv°  siècle),  les    femmes    décolletées,  ayant  un 


'   l.i)ti(  es.  /eli'ssfis,   haiiilcs   tirs-ôtioiles  (lu  loiiiriirc  |in'|tarc'cs  jKJiir  le  pmu'tilajje  des 
vêteiuciits  fourrés. 


\  rousKT  ]  —  27fi  — 

chaperon  sur  leur  bras  ou  jelé  sur  les  épaules  (fig.  8)'  en  manière 


d'écharpe.  La  forme  des  corsets  de  chambre,  de  char  ou  «  parer, 
9 


était  la  même,  et  ces  derniers  vêlements  ne    dilïêraient  des  aulres 
que  par  la  richesse  de  rélofïe  mise  en  œuvre.  Outre  le  chaperon, 

'   Lnncelot  du  Lnc,  nianuscr.  IJililiotli.  imp6r.,  français  (1320  environ). 


—    277    —  [   CORSET    ] 

SOUS  le  corsnge,  lorsqu'il  faisait  froid  et  que  les  femmes  étaient 
en  char  ou  montaient  h  cheval,  elles  posaient  une  sorte  de  guimpe 
de  velours  qui  couvrait  les  épaules.  La  figure  9  donne  la  coupe  du 
corset  de  1320  par  devant.  Ajustée  à  la  taille  jusqu'aux  hanches,  la 
jupe  était  très-ample  et  très-longue  par  le  bas.  On  voit  en  a  a  les 
deux  ouvertures  qui  servaient  à  passer  les  mains  pour  les  tenir  chau- 


dément  et  relever  le  devant  de  la  jupe,  un  peu  plus  longue  par  der- 
rière que  par  devant,  ainsi  que  l'indique  le  tracé  en  b.  Une  passe- 
menterie A.  piquée  sur  l'épaule,  consolidait  l'épaulelte  très-étroite  du 
corsage.  Cependant,  les  manches,  ou  plutôt  ces  bandes  fourrées  qui 
prolongeaient  les  manches,  étaient,  vers  1370',  taillées  plus  larges 

1   Tiiafrm  et  Yseult,  manuscr.  lîililinlli.  iiii|)i'r.,  fran(;ais  (11570  onvirnn). 


COIISKT 


-  ii78  — 


et  ne  serraient  plus  le  haut  du  bras;  mais  la  taille  du  corset  conti- 
nuait h  être  ajustée  et  lacée  par  derrière  sans  ceinture.  Plus  tard 
encore  (1390j,  on  voit  les  corsets  de  femme  conserver  leurs  longues 
manches  en   façon^  de    bandes    fourrées  ;  les  corsages  sont  ajustés 


..'\4V^^^. 


quelquefois  au  moyen  d'une  fronce  qui  fait  le  tour  de  la  taille  ;  ils 
ne  sont  plus  invariablement  décolletés,  mais,  au  contraire,  couvrent 
les  épaules  et  garantissent  le  cou  au  moyen  d'un  collet  montant  der- 
rière la  nuque.  Ils  sont  ouverts  devant  et  attachés  par  des  bou- 
tons (fig.  10)*. 
De  1390  à  1400,  il  était  de  mode  de  porter  des  collets  très-hauts, 


'   tancelot  ilv.  Lac,  nininiscr.  lîililinll;.  imiK'r.,  IVaiK.-iiis  [l.'J'.IO  cuviroi!), 


—   nid   —  [    CUITE    ] 

aussi  bien  pour  les  liommes  que  pour  les  femmes.  Toutefois,  ces 
collets  hauts  ne  tenaient  qu'aux  corsets  de  voyage  ou  de  chambre  ; 
quant  aux  corsets  à  parer,  ils  restaient  décolletés  (voy.  Suacoi). 
La  forme  longue  et  étroite  des  pentes  des  manches  explique  parfai- 
tement pourquoi  il  était  nécessaire  de  les  maintenir  entre  des  ais, 
lorsque  le  vêtement  n'était  point  porté  ;  il  ne  fallait  pas  (jue  ces 
bandes  prissent  de  faux  plis,  ce  qui  eût  produit  le  plus  mauvais 
effet,  mais  qu'elles  tombassent  droit  le  long  de  la  jupe. 

Vers  14i0,  les  corsets  des  femmes  sont  garnis  de  manches  bar- 
belées ;  les  corsages  sont  séparés  de  la  jupe  par  derrière  et  forment 
un  pli  horizontal  à  la  hauteur  des  reins,  puis  descendent  par  devant 
sans  ceinture,  jusqu'aux  pieds.  Les  jupes  sont  fendues  latéralement 
avec  agréments  de  passementerie  ou  brodés  (fig.  14) i  ;  elles  possèdent 
aussi  les  deux  ouvertures  antérieures  qui  servent  de  manchons  et 
qui  permettent  de  relever  le  devant  de  la  robe  pour  marclier.  Ces 
corsets,  comme  précédemment,  sont  très-décolletés,  et  les  épaules 
n'étaient  couvertes,  en  campagne,  que  par  le  chaperon,  soit  enfourmé, 
c'est-cà-dire  posé  comme  un  capuchon  avec  camad,  soit  jeté  sur  le 
cou  comme  une  écharpe.  Il  ne  paraît  pas  que  ce  vêtement  ait  per- 
sisté au-delà  du  commencement  du  xv°  siècle  ;  il  est  remplacé  par 
le  surcot,  qui,  avec  le  peliçon  et  le  manteau,  est  le  seul  vêtement 
de  dessus  admis. 

A  la  lin  de  ce  siècle^  le  mot  corset  ne  s'applique  plus  qu'au  vête- 
ment spécial  de  dessous,  destiné  à  serrer  la  taille  et  à  maintenir 
la  gorge  ;  mais  le  mot  corps  est  conservé  à  la  partie  du  vêtement 
féminin  qu'on  désigne  aujourd'hui  sous  le  nom  de  corsage. 

COTTE,  s.  f.  {cote,  cotelle,  cotellette,  cotielle,  keutisèle,  liéri- 
gaiit, cotte-hardie). Le  mot  cota  ou  cotta  est  employé,  dès  le  xn°  siècle, 
pour  désigner  une  tunique  à  manches,  commune  aux  hommes 
et  aux  femmes.  La  cotte  est  même  mentionnée  comme  vêtement 
spécial  aux  clercs  jusqu'au  xiv^  siècle-.  C'est  donc,  à  proprement 
parler,  la  tunique.  Mais,  de  l'époque  carlovingienne  au  xvi"  siècle, 
sa  forme  subit  des  modifications  nombreuses.  Elle  est  courte  ou 
longue,  fendue  par  devant  ou  sur  les  côtés,  à  manches  larges  ou 
étroites,  avec  ou  sans  ceinture  ;  pour  les  femmes,  avec  corsage  serré 
ou  lâche,  traînante  ou  tombant  à  la  hauteur  des  chevilles,  ample 
ou  étroite,  ajustée  à  la  taille  et  aux  hanches,  ou  à  plis  avec  ceinture. 

'    !.n  Livre  des  mervei/les  du  )no7ide,m\m\!\vv.  IJihliolli.  iiiii)i'T.,l'r;uii;:iis  (liOià  lilT). 
2  Du  (lange,  Glos.inùc,  (Iota. 


[  COTTE  ]  —  280  — 

Nous  nous  occuperons   d'abord    de,    la    colle  des  hommes.  Elle  est 


'i. 


parfois  désignée  comme  cliemise  de  dessus',  et  c'est  qu'en  elTet  la 
colle  est  le  vêtement   posé  immédiatement    sur  la  chemise,  et  qui 

'   »  Cotta  s(Mi  caiiiisia  .sii|]('raii(;a.  » 


281 


[   COTTE   J 


appartient  à  toutes  les  classes,  aux  nobles  comme  aux  vilains.  Au 
X"  siècle,  la  cotte  est  une  tunique  à  manches  justes,  assez  ouverte 
par  le  haut  pour  laisser  passer  la  lête  et  ne  descendant  que  jus- 
qu'aux genoux  ;  large  à  la  hauteur  de  la  taille,  elle  est  maintenue 
autour  des  reins  par  une  ceinture  sur  laquelle  ses  plis  retombent. 
Ce  vêtement  est  de  même  coupe  pour  toutes  les  classes.  Ainsi 
(fig.  1),  la  coite  (luc  les  artistes  de  cette  époque  donnent  aux  sou- 
verains est  exactement  celle  que  portent  les  gens  du  peuple.  La 
vignette  A  représente  le  roi  Salomon  recevant  la  reine  de  Saba,  et 


celle  B  un  homme  du  peuple  \.  Il  ne  seml)le  pas  que  cette  cotte  soit 
fendue  sur  le  devant  ou  sur  les  côtés  :  habituellement  rcxtrémité 
des  manches  et  le  bas  de  la  jupe  sont  garnis  de  broderies  ou  passe- 
menteries ;  des  bandes  ornées  sont  cousues  en  A  (lig.  2),  un  peu 
au-dessous  de  l'épaule,  et  l'ouverture  C  du  cou  est  placée  à  côté  d'un 
carré  de  broderie  B  qui  couvre  une  partie  de  la  poitrine.  C'est  sur 
ce  patron  que  sont  taillées  les  tuniques  dites  de  Charlemagne  que 
l'on  voit  ligurées  dans  l'ouvrage  publié  à  Nuremberg  en  1790  -.  Ces 
broderies  sur  les  bras  et  la  poitrine  sont  une  importation  byzantine. 
Plus  tard,  vers  la  lin  du  xi'^  siècle,  les  jupes  s'allongent,  les  manches 


'  Mnmiscr.  r)ilili()lli.  iiiipr'i'..  liililc,   l'omis  S:iiiil-(H'i-iii:iiii.   l;iliii.  X''  sirclc. 
-  Voyez  les  liuiiqucs  dites  de  ('.li;irk'in;ii;ii('  (Willciiiiii,  I.    I;. 

111.  —  .m 


sont  tenues  plus  larges  et  quelque  peu  ouvertes  à  leur  extrémité  ; 


—  [  COTTE   ] 

la  ceinture  disparaît,  et  le  vêtement  ne  seire  la  taille  qu'au  moyen 
d'agrafes  posées  sur  les  bords  d'une  ouverture  pratiquée  au  dos 
(fig.  3)  1. 

La  cotte  (voy.  le  patron  de  la  face  postérieure  A)  est,  de  a  en  b, 
coupée  à  peu  près  juste  h  la  taille  ;  une  fente  pratiquée  de  c  en  rf, 
munie  d'agrafes,  facilite  le  passage  des  épaules  par  la  partie  étroite 


,<r 


(ib,  en  permettant  de  la  distendre.  Lorsque  la  cotte  est  passée  au 
cou  et  aux  bras,  on  rapproclie  les  deux  côtés  de  la  fente  au  moyen  des 
agrafes,  et  la  taille  se  trouve  suffisamment  serrée  pour  ne  pas  gêner 
les  mouvements.  La  jupe  est  taillée  très-ample  à  son  extrémité 
inférieure,  et  forme  ainsi  de  nombreux  plis.  Les  mancbes  s'élar- 
gissent près  du  poignet,  sont  un  peu  fendues  à  leur  extrémité  pour 
former  retroussis  et  dégager  la  main.  Les  manches  serrées  de   la 


1  Pcrsonuagos  sculptés  siii-   los  fliapilcaiix   de  la  iirl'  de  régliso    al)lialiali'  de  Vczclay 
et  sur  le  liuleau  de  la  porte  priuciiiale  (HOU  euviroij). 


[  COTTE  1  —  284   — 

chemise  paraissent  aux  poignets  ;  liabitiielleraent  un  manteau  plus 
ou  moins  long,  attaché  sur  l'épaule,  couvre  le  dos  et  ne  laisse  pas 
voir  Tagrafure.  La  jupe  de  cette  cotte  est  très-fréquemment  tenue 
plus  longue  par  derrière  que  par  devant,  mais  n'est  pas  fendue. 
On  voit  dans  les  peintures  de  la  voûte  de  Téglise  abbatiale  de  Saint- 
Savin,  en  Poitou,  des  personnages  revêtus  de  la  cotte  descendant  aux 
genoux,  avec  ceinture  à  la  taille  recouverte  par  les  plis  de  Tétoffe, 
riche  galon  formant  collier  et  descendant  droit  sur  la  poitrine 
jusqu'au  nombril  ;  les  manches  de  ces  cottes  sont  serrées,  avec 
poignets  ornés  de  passementeries  et  de  pierreries.  Ces  peintures 
datent  de  la  tin  du  xf  siècle.  Les  personnages  importants,  les  vieil- 
lards, portent  la   tunique    très-longue ,   très-ample,   avec   ceinture 

5 


que  recouvre  la  partie  supérieure  du  vêtement.  Les  manches  de  ces 
sortes  de  tuniques  sont  beaucoup  plus  longues  que  les  bras,  taillées 
en  large  fourreau  (llg.  4)  *.  Ces  vêtements  paraissent  coupés  dans  des 
étoffes  très-fines  et  souples.  Lorsqu'on  laissait  pendre  les  bras,  ces 
longues  manches  descendaient,  en  recouvrant  les  mains,  jusqu'au 
dessous  des  genoux.  A  leur  extrémité,  elles  étaient  plissées  à  petits 
plis  transversaux  réguliers,  de  manière  à  pouvoir  être  relevées  faci- 
lement sur  le  poignet.  Quelquefois,  pendant  le  xn*  siècle,  la  cotte 
ne  possède  qu'une  seule  manche  longue,  celle  du  bras  gauche,  afin 
de  servir  au  besoin  de  manchon  ;  la  main  droite  restait  découverte  -. 

'  Personnage  sculpté  sur  uu  ries  voussoirs  lie  l.i  porto  principale  de  l'église  abbatiale 
de  Vézelay  (1100  environ). 

2  Manuscr.  de  Herrade  de  Landsberg,  xn^  siècle,  bililioUi.  di'  Strasbourg  (vny.  la  vi- 
gnette représentant  X Adoration  du  veau  d'or). 


—   28o    —  [   COTTE   ] 

A  la  même  époque,  les  gens  du  peuple,  les  ouvriers,  portaient  des 
cottes  dont  la  coupe  était  la  même  que  celle  donnée  ligure  2  ;  et 
en  travaillant,  ils  relevaient  dans  la  ceinture  les  pans  de  la  jupe 
et  de  la  tunique  de  dessous ,  ou  chemise ,  qui  tombait  sur  les 
braies  (fig.  5)  '.  Alors  aussi  certaines  cottes  de  cérémonie,  chez  les 
nobles,  étaient  très-longues;  une  sorte  d'écharpe  ou  de  ceinture  en 
étolTe  roide,  posée  lâche,  entourait  la  taille.  Le  manuscrit  de  Herrade 
de  Landsberg  2  nous  montre  le  roi  Pharaon  ayant  derrière  son 
trône  un  personnage  portant  l'épée  du  prince.  Cette  manière  de 
connétable  est  vêtu  d'une  longue  tunique  mi-partie  ;  une  ceinture 
large,  paraissant  être  faite  d'une  étoffe  roide,  entoure  négligemment 
la  taille  et  laisse  tomber  un  de  ses  bouts  par  devant  jusqu'à  la  hau- 
teur des  genoux.  La  jupe  est  fendue  et  profondément  barbelée  par 
le  bas;  une  courroie  tenant  au  fourreau  de  l'épée  passe  dans  cette 
fente  pour  s'attacher  probablement  sous  la  cotte  (fig.  6).  Les  man- 
ches sont  justes  et  ornées  aux  poignets  et  aux  arrière-bras  de  larges 
bandes  de  passementerie.  Les  grands  personnages ,  dans  les  pro- 
vinces de  l'Ouest,  portaient,  vers  le  milieu  du  xu°  siècle,  la  cotte 
longue  tombant  sur  les  pieds  par-dessous  le  bliaut  (voy.  les  statues 
du  portail  Royal  de  la  cathédrale  de  Chartres,  4i4o).  Cette  longue 
tunique  était  même,  dans  certains  cas,  un  vêtement  de  chevauchée 
jusque  vers  1180.  Il  fallait  que  sa  jupe  fût  assez  ample  et  faite 
d'étoffe  assez  fine  et  souple  pour  ne  point  gêner  sur  la  selle  ; 
fendue  par  devant  et  par  derrière,  elle  permettait  d'ailleurs  d'en- 
fourcher le  cheval  ;  quant  au  bliaut  qui  la  couvrait,  il  était  fendu 
latéralement  ou  seulement  par  derrière.  Le  beau  Psautier  de  la 
Bibliothèque  impériale,  qui  date  de  1180  à  1200  ^  montre  parmi 
les  vignettes  françaises  un  certain  nombre  de  ces  gentilshommes 
ainsi  vêtus  à  cheval,  sous  le  bliaut  et  le  manteau  (fig.  6  bis).  L'artiste 
a  prétendu  représenter  un  des  rois  mages.  La  cotte,  longue  tunique 
qui  descend  jusqu'aux  pieds,  est  blanche  ;  le  bliaut  à  manches  justes, 
mais  qui  laisse  apparaître  l'étoffe  de  la  cotte  aux  poignets,  est 
bleu,  avec  riche  bordure  d'or  au  bas,  et  ceinture.  Le  manteau  est  de 
couleur  brune  et  la  barrette  est  blanche.  Les  harnais  du  palefroi 
sont  rendus  avec  une  grande  précision  ;  la  selle  est  rouge,  avec 
arçons,  cuiller  d'or  et  couverture  couleur  ardoise  piquée   de  blanc 


'  Manuscr.  ili;   la    hihlioUi.    ilc    Strashoiii'g.    Hcrrailo   (W.    LaïKlshcru  (voy.  la    vigiiclle 
repn''Sontanl  la  Construction  de  la  four  de  linliel.  ll.'ld  environ). 

2  x:i<"  siècle. 

3  Admirables  vignettes  (le  l'école  française  de  1100  l'nviron. 


[  r.OT'IK   ] 


—  286 


(voy.   Harnais).   A  la  mémo   époque,    les  hommes    du  peuple  sont 
vêtus  de  la  colle  descendant  à  mi-jambe,  fendue  par  devant,  avec 


/  /  G  './vw/p*f  / 


ou   sans  ceinture,   mais  ne  portent  pas   le  bljaut,  vêtement  noble, 
sur  cette  tunique. 


—   :i>87    —  [   COTTK  ] 

La  colle  des  hommes  nobles,  pendanl  le  xiii'=  siècle,  descend  au- 
dessous  des  genoux  ;  elle  est  à  manches  élroiles,  un  peu  fendue  sur 
le  devant  du  cou  pour  faciliter  le  passage  de  la  tête,  et  des  deux  côtés 
de  la  jupe  jusqu'à  la  hauteur  des  hanches,  pour  permettre  de  monter 
à  cheval.  Celle  des  vilains  est  plus  courte  de  jupe  et  ne  dépasse 
guère  les  genoux. 


.loinville  rapporte  ijue  le  roi  saint  Louis  venait  souvent  au  jardin 
de  Paris  (au  Palais),  «  une  cote  de  chamelot  veslue,  un  seurcot  de 
'<  tyreteinne  sanz  manches,  un  mantel  de  ccndal  noir  entour  son 
«  col,  moût  bien  pigniez  et  sans  coife,  et  un  chapel  de  paon  blanc 
«  sur  sa  teste,  et  fesoit  cstendre  tapis  pour  nous  seoir  entour  li  '.» 


'  Vjv.  f!ist.    de  saint  Louis,  par  Jean,   sire   de   Joinvillt^,  piihl.  par    M.    Nalalis  de 
Wailly.  Il  faut  dire  que  Louis  IX  était  d'une  extrême  simplicité  dans  ses   habits,  et  que 


[   COTTIi: 


-  288 


Celle  manière  de  se  vêlir  se  conserva  depuis  la  tin  du  règne 
de  IMiilippe-Augusle  jusque  vers  i270,  et,  quand  on  mellail  un 
surcot  sur  la  colle,  il  fallait  que  celle-ci  dépassât  ce  surcot  par  le 
bas  de  quelques  doigts.  Il  était  rare  que  celte  cotte  ne  fût  pas  serrée 
autour  de  la  taille  par  une  ceinture  ,  tandis  que  le  surcot  des 
hommes  en  était  dépourvu.  Si  les  manches  de  la  cotte  des  hommes 
étaient  justes  du  coude  au   poignet,  avec    quelques  boulons  pour 


7 


% 


/!? 


permettre  le  passage  de  la  main,  elles  s'élargissaient  du  coude  à 
l'épaule,  alin  de  laisser  les  aisselles  libres.  Ces  vêtements  étaient 
faits  de  drap  léger  de  laine  ou  de  drap  de  soie  :  «  Dariere  ces  trois 
«  barons  (Enguerrans  de  Coucy,  Ymbers  de  Biaugeu  et  Herchan- 
«  baus  de  Bourbon)  avoil  bien  trente  de  lour  chevaliers  en  colles 
«  de  drap  de  soie,  pour  ans  garder  *.  »  Vers  la  lin  du  xni''  siècle,  la 


c.L'tlo  siiiiplicitr  fut  pousséi'  à  IV'xci's,  pour  le  toiiips,  après  suu  rotour  d'Egypte  :  »  I-i 
«  hciioiz  roys  estoit  nierveiUeusenicut  humbles  eu  robes  et  en  appareil.  Eius  que  il  vint 
«  (l'outre  nier  a  la  première  foiz  (]uc  il  passa,  il  vesti  puisque  touz  jours  robes  de  pcrs  ou 
«  <le  bleu  taut  seulement,  ou  de  cauielin  ou  de  noire  brunete  ou  de  soie  noire  et  lessa 
«  touz  paremeus  d"or  et  dargeut  en  ses  seles  et  en  les  freins  et  eu  autres  choses  de  tcle 
«  manière  et  toutes  robes  de  couleurs  fors  de  celés  dessus  dites  ;  ne  il  uot  puis  panes  de 
«  ver  ne  de  gris  en  ses  robes  ou  en  ses  couvertoucrs,  mes  de  counius  ou  d'aigniaus,  et 
«  non  pourquantil  avoit  couvcrtouers  de  dos  de  escureus  et   de  pennes  de  noirs  aigniaus 

«  et  ot  aucune  foiz  niantel  fourre  de  pennes  d'aigniaux  blans Et  avecques  ce  puis 

(1  qu'il  revint  d'outre  mer  il  n'avoit  freins  ne  espérons  fors  que  de  fer  et  de  blanches 
»  seles.  »  {Hist.  de  lu  vie  et  des  miractcs  du  roij  suint  Louis,  lîibliolh.  inipcr.,  fran- 
çais, 129'),  environ.) 

'  Le  sire  de  .loiuville,  Uist.  de  saint  Louis,  cour  Icnuc  jiar  le  rni  ii  Saunuir. 


—    ^289    -  [   COTTE    ] 

coite  des  hommes  prend  diverses  formes  :  les  unes,  qui  appartien- 
nent aux  habits  de  cérémonie,  sont  longues,  descendent  aux  che- 
villes, tombent  droit  sans  ceinture  (lig.  7)  *,  et  sont  portées  avec  le 
surcot  ou  le  manteau  ;  d'autres,  plus  courtes,  de  même  sans  cein- 
ture, composent  une  partie  importante  du  vêtement  de  ville  des 
gentilshommes.  On  les  porte  avec  le  chaperon,  dont  le  camail  oi-né 
de   longues   barbelures  tombe  jusqu'à  la    saignée  (lig.   8)  ^.    Dans 

8 


l'exemple  que  nous  présentons  ici,  la  colle  est  brune,  le  chaperon 
bleu  clair  doublé  de  blanc,  et  les  chausses  sont  vert  gris.  Si  la 
température  est  froide,  le  chaperon  est  remplacé  par  un  corset,  un 
surcot  ou  un  pelicon  de  couleur  sombre.  C'est  à  la  même  époque, 
c'est-à-dire  vers  i3o0,  que  les  hommes  commencent  à  porter  la 
cotte  hardie.  Celle-ci  est  courte,  sans  plis,  ajustée  à  la,  taille,   sur 


1  l'iiiliiipc  11'  llarili.    Mainiscr.  de  lu  liililiolh.  iiiiin'i. ,  llisl.  delà  vie  et  des  tniracles 
de  saint  Louis  ((U-niières  uiiiKk's  du  xiii»  siècle). 

-  Manuscr.  liihliulli.    iiii]i('r..  [jiticelut  du  La:',  tVaiiçais  (l.'iiO  fiixiroif. 

m.  —  ;n 


[   COTTE   ] 


—    290 


la  iioilrinc  cl  les  hanches,  el  est  fermée  par  devant  au  moyen  da 
boulons  (lig.  9)  '.  De  petits  boutons  Irès-rapprochés  permettent 
de  serrer  les  bouts  des  manches  du  coude  au  poignet.  Avec  celte 
colle  on  portail  aussi  le  chaperon  barbelé  et  la  ceinture  basse 
d'orfèvrerie,  à  laquelle  était  suspendue  la  longue  dague.   Ce  vêle- 

9 


ment,  propre  à  monter  à  cheval,  porté  à  la  ville  el  en  campagne 
de  '1350  à  1380,  avec  quelques  légères  modifications,  est  d'une  coupe 
gracieuse  ;  on  lui  donnait  aussi  le  nom  de  cotte  à  chevaucher,  el 
il  appartenait  aux  gentilshommes.  Dans  cet  exemple,  la  cotte  est 
jaune  orange,  le  chaperon  rouge  avec  agréments  el  les  chausses 
vertes.  Il  est  à  observer  que  ces  colles  hardies  sont  habituellement 
de  couleurs  claires,  unies;  on  ne  commence  guère  à  les  faire 
d'étoffes  brochées  ou  lissées  de  diverses  nuances,  ou  mi-parties,  que 
vers  1360.  Alors  aussi  la  colle  hardie  se  compose  de  deux  vêlements 
superposés  :  l'un,  celui  de  dessous,  avec  manches  très-justes  et 
capuchon  étroit;  le  second,  celui  de  dessus,  avec  manches  un  peu 

*  Mène  mauuscrit. 


—    :^01    —  I    COTTE   ] 

plus  amples,  mais  ne  dépassant  pas  les  coudes.  Une  large  bande  de 
drap   d^or  ou  de  passementerie  accompagne  le  col,  très- ouvert  et 

If) 


recouvert  en  partie  par  le  capuchon.  Le  corsage  est  bouihé,   lorle- 
inent  rembourré  pour  faire  saillir  la  poitrine.  Les  boutonnières  sont 


i  r.OTTK   ] 


^2Ç\^2  


prises  dans  un  large  galon  d'or  on  do  passementerie  (fig.  10)'.  An 
bout  pendant  de  la  ceinture  noble  est  attaché  un  riche  joyau.  Toute- 
fois cette  dernière  coupe  de  la  coite  hardie  paraît  avoir  été  adoptée 
en  Italie  et  en  Provence  avant  d'être  acceptée  en  France.  Les  vête- 
ments des  hommes,  si  simples  pendant  le  wW  siècle,  furent  façonnés 


U 


vers  le  milieu  du  xiv"  siècle  avec  un  luxe  prodigieux.  Les  archives 
de  l'empire  conservent  le  contrat  de  dépôt  d'une  cotte  ayant  appar- 
tenu à  Louis  II  de  Bourbon,  pendant  son  séjour  en  Angleterre 
comme  otage  du  roi  Jean,  après  la  bataille  de  Poitiers.  Cette  cotte  fut 
laissée  en  gage  à  un  certain  Italien,  nommé  Jean  Donat  -,  exerçant 

1  Manuscr.  liihliolli.  inipJ'r..  Lancelot  du  Lac,  IVaurais  (1360  environ).  Les  vignettes 
de  ce  manuscrit  sont  dessinées  et  peintes  par  un  artiste  italien.  La  cotte  de  dessus  est 
mi-partie  violet  clair  ave:-,  croisettes  d'or,  et  jaune  avec  yeux  blancs  redessinés.  La  cotte 
de  dessous,  dont  on  ne  voit  que  les  manches  et  le  capuchon,  est  bleu  de  roi  avec  rayures 
d'or;  les  chausses  sont  mi-jiartics  noir  et  rouge.  Sous  le  capuchon,  la  bordure  du  col  de 
la  cotte  est  or. 

*  Ou  Donato.  Ce  devait  être  un  de  ces  Lombards  qui  faisaient  le  commerce  dans  tout 
l'Occident  et  p-ètaient  sur  gage. 


—    293    -  f   COTTE   1 

à  Londres  la  profession  d'espicicr,  pour  la  somme  énorme  de  qiinlre 
mille  deux  cents  écus  d'or....  «  Premieremenl  la  dite  cote  est  de 
«  drap  d'escarlate  rousée,  ouvrée  de  plusieurs  et  divers  ouvraiges 
«  de  perles  grosses  et  menues,  de  rubis  ballais  et  de  saphirs...  » 
S'ensuit  l'inventaire    des    perles  et  pierreries    qui    couvrent   cette 


cotte,  lequel  donne  595  perles  grosses  et  menues,  18  saphirs  et 
GO  rubis  balais  '.  Bien  entendu,  un  vêtement  de  ce  prix  n'était  point 
fait  pour  être  caché  sous  un  corset,  un  surcot  ou  un  peliçon.  C'était 
une  cotte  hardie  parée,  propre  à  chevaucher  les  jours  de  gala 
(fig.  11)  2  ;  juste  à  la  taille,  aux  hanches,  à  la  poitrine,  aux  bras,  et 
qui  dessinait  exactement  les  formes  du  corps.  On  voit,  dans  cette 
figure,  la  riche  ceinture  de  joaillerie  posée  au  bas  des  reins.  Pour 
couvrir  la  tête,  on  portait  sur  la  cotte  hardie  française  un  capuchon 
juste,  boutonné,   très-serré  sous  le  menton,  et  dont  le  camail  ne 

'  Vo\c7.  Bihlioth.  de  CEcole  des  chartes,  4o  série,  t.  11.  p.  2GS. 
-  Manuscr.  lîiblioUi.  imp('r.:  Prières,  latin,  n''  92i  (l'iOl)  environ). 


COTTE   ] 


"2!)i 


descendait  pas  jusqu'aux  épaules.  Un  cadre  à  miroir,  d'ivoire,  de 
1360  environ,  provenant  de  la  collection  de  M.  Maskell,  de  style 
français,  nous  montre  un  jeune  gentilhomme  présentant  son  cœur 
à  une  demoiselle,  qui  semble  en  accepter  Thommage  d'assez  bonne 
grâce.  Le  cavalier,  qui  sort  de  son  palais,  est  vêtu  de  la  cotte  bardie 
(lîg.  12),  exactement  juste  au  corps,  boutonnée  par  devant.  Il  est 
coilïé  du  capncbon  juste  dont  nous  venons  de  parler,  festonné  et 


retourné  autour  du  visage.  Au  sommet,  ce  capuchon  se  termine 
par  une  longue  pointe  tombant  jusqu'au  bas  de  la  cotte.  La  dague 
est  attachée  sur  la  cuisse  droite,  suivant  la  mode  française.  La  jeune 
femme  est  vêtue  du  coi'set  à  longues  pentes  aux  manches,  par-dessus 
une  cotte  ample  descendant  sur  les  pieds.  Cependant,  sous  le  surcot 
ample  ou  le  corset,  les  hommes  portaient  encore,  au  commencement 
du  xve  siècle,  la  cotte  courte  de  jupe,  à  manches  larges  aux  aisselles, 
avec  petit  collet  et  ceinture.  La  vignette  dont  nous  présentons 
(fig.  13)  une  copie  ',  montre  un  personnage  noble  quittant  son 
surcot.  Dessous  ce  vêtement,  il  est  couvert  de  la  cotte  courte  sur  la 
chemise  et  des  chausses.  Cette  cotte  est  bleue  et  les  chausses  sont 


'  ManiisrT.   lîililioth.  iiii|irr.,  l'.Di'cacc.  fninrais  (Ii2()  environ). 


2Î 


—  i   COTTE    I 

rouges  avec  bande  d'or  à  la  hauteur  des  mollets.  Ti'ès-courte 
de  jupe,  elle  ne  pouvait  gêner  lorsqu'on  montait  à  cheval,  et, 
sauf  le  petit  collet  bas,  elle  était  complètement  cachée  sous  le 
surcot,  plus  long  qu'elle.  Mais  ce  genre  dévotement  n'est  plus  porté, 
à  dater  de  1430  environ,  par  les  classes  élevées,  et  la  cotte  des 
gentilshommes  n'est  qu'une  cottelle  ou  coltelette ,  c'est-à-dire  une 
sorte  de  pourpoint  dont  on  n'aperçoit  plus  que  le  collet  montant  et 


les  manches  justes  sous  le  corset,  le  surcot,  le  peliron  ou  le  manlcl 
court  1.  La  jupe  de  la  cotte  primitive  disparait  complètement,  et  il 
ne  reste  de  ce  vêtement  que  le  corsage  ajusté  avec  courtes  basques 
ouvertes  par  devant.  Le  nom  de  cotte  se  perd  pour  prendre  le  nom 
de  pourpoint,  et  alors  celui-ci  s'attache  aux  chausses.  Toutefois 
les  vilains,  les  paysans,  conservèrent  la  cotte  beaucoup  plus  tard. 
De  fait,  c'était  le  seul  vêtement  (lu'ils  portassent  sur  la  chemise 
(lig.  14)  ■-.  Par-dessus  la  cotte  sans  ceinture  le  capuchon  à  camail 


'  Voyez  ConsET. 

-  .Muiuiscr.   ISitilioth,   iiii|iér..  liiliii  {1 '((il)  ciiviiMii) . 


[  COTTE  ]  .  —  296  - 

éliiit  cnfourmc.  Ce  capuchon  avait  parfois  une  pente  qui  couvrait  le 
dos,  ainsi  que  le  montre  l'exemple  que  nous  donnons  ici.  Cette 
cotle  était  exactement  la  blouse  de  notre  temps,  fendue  latéralement 
du  bas  jusqu'à  la  hauteur  des  hanches,  et  sur  le  devant  du  col 
jusqu'à  l'estomac.  Cette  ouverture  était  fermée  par  deux  ou  trois 
boutons  (tig.   14   bis)  '.    Ces    deux    personnages    représentent  des 


iU 


£« 


paysans  :  le  premier  porte  des  grèves  de  feuti-e  qui  couvrent  le  tibia 
par-dessus  les  chausses  ;  le  second  a  mis  sa  besace  en  guise  de 
ceinture,  et  devant  lui  est  suspendu  l'étui  renfermant  le  couteau  et 
la  pierre  à  repasser  la  faux  ;  il  est  coiffé  d'un  chapeau  de  feutre 
gris  à  longs  poils  sur  le  chaperon.  Les  cottes  étaient  faites  de  laine 
ou  de  grosse  toile  -.  Les  geniilsliommes  portaient,  au  xiV  siècle, 
la  cotle  hardie  par-dessus  l'armure.  (Voy.  la  partie  des  Armes.) 


'  Maiiiiscr.    l)ihlii)tli.  iiiiprr.,  laliii  (1160  cuvirou). 

-  liiirfl  :  >c  D'un   gros  hurcl   vcsUi.   >-    {Ue  l' Eschassier,   dil  du    xiv   ^iircle.   Jul>in;il 
Jonrjlcms  et  trouvères,  vol.  1). 


—   297    —  [   COTTE    ] 

La  colle  des  femmes  conserve,  pendanl  les  x^  el  xi*  siècles,  la 
forme  d'une  longue  tunique  à  manches  jusles  sur  l'avanl-bras.  Il  ne 
paraîl  pas  qu'elle  eût  alors  une  ceinture.  C'était  une  seconde  che- 
mise (la  première,  un  peu  plus  courte,  étant  désignée  sous  le  nom 
de  robe-linge)  tombant  jusqu'aux  pieds,  ne  laissant  que  le  cou 
découvert.  Faite  d'éiolTe  légère   à   petits  plis,  très-ample  de  jupe, 

1ô 


'-^J. 


elle  était  souvent  décorée  de  broderies  au  col,  aux  poignets  et  au  bas 
de  la  jupe.  Le  col  était  fendu  par  devant  pour  permettre  de  passer 
la  tête,  et  cette  fente  était  fermée  par  une  agrafe  ou  un  boulon. 
Ce  vêtement  (lig.  15),  qu'on  voit  si  souvent  reproduit  sur  les  bas- 
reliefs  et  miniatures  du  xi^  siècle,  était  posé  sous  le  bliaul  ou  seule- 
ment sous  le  manteau.  Dans  ce  deinier  cas,  la  taille  était  serrée  par 
une  ceinture  d'étoffe  ou  plutôt  par  une  sorte  d'écharpe  assez  ample, 
dont   les    bouls    tombaient    baliiluellemenl    par    devant.  Le    bliaul 

111.  —  :« 


[    COTTE 


i>98 


l'iiisail  ainsi  la  Iroisièmo  robe  (voy.  Bliaut).  Jus(|iic  vers  la  lin  du 
xn°  siècle,  ces  colles  de  femme,  dont  la  forme  ne  subil  pas  de 
modificalions  sensibles,  semblent  avoir  élé  faites  d'élolTcs  fines, 
souples,  à  plis  crêpelés,  assez  semblables  à  ces  tissus  orientaux 
de  soie  ôcrue  ou  de  laine  line  qu'on  fabriiiue  encore  aujourd'bui. 


16 


X 

^ 


Ce  n'est  (pi'au  commencement  du  xin''  siècle  que  cette  mode  subil 
de  notables  cbangements  :  les  cottes  des  femmes  ne  sont  plus  taillées 
dans  ces  étoffes  fines,  souples,  à  petits  plis  crêpelés,  mais  dans  des 
draps  de  soie,  des  tissus  de  laine  ou  de  lin  assez  épais  et  consistants  ; 
les  plis  sont  des  lors  plus  larges.  Ces  colles  sont  serrées  par  une 
ceinture  allongeant  beaucoup  la  taille,  et  la  gorge  était  évidemment, 
sous  cet  habit,  maintenue  par  un  corset  ou  tout  au  moins  une  large 


-    299   -  r   COTTE  ] 

ceinture  (lig.  16)  <.  Les  manches,  étroites  aux  poignets,  sont  assez 
amples  aux  entournures  et  collent  sur  les  épaules,  ainsi  que  le 
corsage.  Assez  large  à  la  hauteur  de  la  taille  pour  former  des  plis, 
la  jupe  en  cloche,  sans    ouverture  par  devant,  ou    sur    les   côtés. 


tombe  sur  les  pieds  et  s'étend  par  derrière  de  manière  à  former  une 
queue  anondie.  Voici  (fig.  16  bis)  quelle  est  la  coupe  de  ce  vêle- 
ment. On  voit  en  A  la  traîne  postérieure. 

Plus  tard,  vers  1250,  la  cotte,  faite  d'étoffes  moins  souples,  d'un 
tissu  plus  roide,  forme  de  très-larges  plis  le  long  de  la  jupe,  mais 


'  Viorgcs  sages  et  folles  sculptées  sur  1rs  [ueds-droits  de  la  porlc  renlialc  dr  la  .allié- 
'Iralc  (i'AiiiicMs  (122.j  environ). 


[    COTTE    ]  —   aOÛ    — 

est  ajusloe  sur  la  poitrine  avec  quelques  plis  rares  à  la  hauteur  de 
la  ceinture,  en  laissant  la  taille  moins  longue.  La  jupe  conservait 
la  traîne  par  derrière,  et  devait  être  relevée  par  devant  pour  ne  pas 
gêner  la  marche  (lîg.  17)'.  Ces  cottes  étaient  portées  parfois  avec 
le  bliaul,  presque  toujours  avec  le  manteau,  comme  dans  les  deux 


-^-f-- 


r-Cï 


./P 


exemples  précédents.  Vers  ce  même  tem.ps,  on  voit  que,  si  les  bour- 
geoises portaient  le  bliaut  sans  manches  et  non  fendu  latéralement, 
la  cotte  était  courte  et  ne  descendait  qu'au-dessous  des  mollets 
(fig.  18)-.  Mais  les  dames  nobles  portaient,  sous  le  bliaut  sans 
manches  et  descendant  en  cloche  sur  les  pieds,  la  cotte  très-longue, 
avec  traîne  plus  ou  moins  développée.  Cette  mode  était  fort  usitée 
au  commencement   du   xiv"    siècle,    c'est-à-dire    de    1295    à    1320 


'  Siiil|)liirL's   (lu   porliiil   mi'ridioiml   de  Notre-Dame  de  Paris  (12:37).  Chartres,  Reims, 
liimlicaux  de  Saiiii-nuiiis  (124;)). 
-  Manuscr.  Bibliotli.  iiiiprr.,  Li  Roumans  d'Alixandre,  français  (1260  environ). 


—  301  — 


[  COTTE   ] 


(fig.  19)  '.  Celte  dame  relève  le  bliaut  de  la  main  droite  et  découvre 
ainsi  la  cotte  longue,  dont  les  manches  justes  apparaissent.  Elle  est 
coiiïée  du  chaperon  léger  blanc.  Le  bliaut  est  rouge  et  la  robe  gris 
pourpre.  Ce  fut  au  commencement  du  xiv"  siècle  que  les  cottes 
commencèrent  fi  être  quelque  peu  décolletées.  Les  manches  étaient 


15 


justes  alors  jusqu'aux  épaules,  le  corsage  collant  sur  la  gorge,  la  taille 
courte.  La  jupe  était,  de  même  que  précédemment,  courte  pour  les 
bourgeoises  et  longue,  avec  traîne,  pour  les  dames  nobles.  Cependant, 
le  bliaut  était  déjà  remplacé  par  le  surcot,  et.  dans  ce  cas,  le  surcot 
ayant  une  longue  traîne,  la  jupe  de  la  cotte  ne  descendait  qu'au- 
dessous  des  chevilles  (fig.  20)2.  Il  est  souvent  difficile,  h  cette  époque, 
de  distinguer  la  coite  de  la  surcotte  ou  le  surcot  du  bliaut  ;  la  cotte  à 
traîne  avec  bliaut  en  cloche  sans  queue,  de  la  cotte  en  clociie  avec  le 


'  Mamiscr.  IJihIiolh.   inipér.,  le  Miroir  historial,  fran(;ais  (I-'Î.'ÎO  environ). 
2  Miiiiiisir.    nil)liolli.    inipér.,    Pèlerinage    de    la    vie    humaine,    fninrnis    (lin    du 
xiii"  siècle).  Cette  dame,  assise  snr  un  torti-c  de  gazon,  n'esl  velue  (jue  de  la  cotte. 


[  COTTK  ]  —  302  — 

bliaut  à  traîne.  Le  commencement  du  xiV  siècle,  pour  les  vêtements 
des  femmes  comme  pour  tant  d'autres  choses,  marque  le  point  de 
départ  d'une  suite  de  changements  rapides.  Jusqu'alors,  les  habits, 
pour  les  deux  sexes,  étaient  longs,  amples,  et  les  modifications 
introduites  dans  la  coupe  des  vêtements  ne  portaient  que  sur  des 
variations  de  médiocre  importance  ^  Mais,  à  ce  moment,  on  voit 
naître  de  nouvelles  modes  ;  le  jeu   des  robes    se    complique,  leur 


2   0      t!; 


destination  se  confond  souvent.  La  variété  de  formes  des  vêtements 
féminins  s'étend.  11  y  a  évidemment  des  cottes  et  surcottes  très- 
diverses,  suivant  les  circonstances  et  les  saisons  :  tantôt  elles  sont 
très-étroites  ;  puis  tout  à  coup  elles  deviennent  fort  amples,  jusqu'au 
moment,  vers  le  milieu  du  xiv^  siècle,  où  les  modes  reprennent  une 
marche  régulière-.  Alors,  à  la  ville,  les  robes  de  dessus  sont  elles- 
mêmes  maintenues  assez  courtes  pour  laisser  voir  la  cotte  ;  parfois 
même,  s'il  fait  chaud,  les  femmes  se  contentent  de  la  cotte,  qui  alors 
prend  nom  de  cotte  hardie  ou  de  corset  : 

(.  Failli  clia^iccs  et  toile  liarilie 
I.  Courteletle,  afin  que  l'eu  clic  : 
<■  Vez  là  biau  piel  et  faiticet  3.  » 

^  Voyez  les  statues  des  reines  déposées  dans  l'église  abbatiale  de  Saint-Denis,  et,  entre 
autres,  la  belle  figure  de  marbre  d'Isabelle  d'Aragon,  femme  de  Philippe  le  Hardi,  morte 
en  Calabre  (1210),  au  retour  de  Tunis. 

-  Voyez  Corset,  Manteat,  I'ei.îçox,  Suiicot. 

•^  Il  Voilà  un  joli  pied  el  bien  iliaussé.  »  (Eust.  Desebanips. /r?  Miroir  rlc  mariage.) 


—   303    —  r    COTTE    ] 

Toulefois,  ces  colles  hardies  des  femmes  irélaienl  pas  assez 
courles  pour  qu'on  pût  voir  la  jambe  au-dessus  de  la  clieville.  Il 
n'élait,  d'ailleurs,  que  les  bourgeoises  qui  portassent  des  cottes 
relalivement  courtes.  Et  môme,  vers  la  fin  du  xw"  siècle,  ces  coites 
tombant  sur  les  pieds,  on  les  relevait  pour  marcher.  Seules,  les 
femmes  du  peuple  portaient  encore  des  colles  courtes.  L'ampleur 
des  vêtements  féminins  était  devenue  prodigieuse  après  la  mort  de 
Charles  V,  lorsque  le  luxe  des  habits  s'étendit  d'une  façon  scan- 
daleuse de  la  noblesse  à  la  bourgeoisie.  Alors,  il  ne  paraît  pas 
que  les  femmes  portassent  jamais  la  cotte  simple,  à  moins  que 
ce  ne  fût  dans  leur  chambre.  La  cotte  était  toujours  mise  sous  le 
corset  ou  le  surcot  à  longues  et  larges  manches  traînantes.  C'est 
à  peine  si  l'on  apercevait  les  manches  de  la  cotte,  toujours 
serrée  ;  quant  à  la  jupe,  elle  apparaît  seulement  par  les  fentes 
latérales  du  corset  ou  surcot  ample,  et  elle  tombe  sur  les  pieds. 
Ce  fut  aussi  à  cette  époque  que  les  femmes  abandonnèrent  les 
poulaines,  qui  devenaient  trop  gênantes  avec  ces  longues  et  larges 
robes  de  dessus,  pour  les  reprendre  vers  1410.  «  En  ce  tems  ' 
«  commenchoient  à  caïr  2  les  poullainz  et  revint  une  manière 
«  d'estas  de  vestures  pipelottées  de  tantez  manierez  de  desgui- 
«  seeures  qui  n'est  nul  qui  les  peust  escripre  ;  avec  unez  grandez 

«  manchez  pendentez,  passanlez    la   longueur   de    la    robe  ^ » 

Celte  importance  donnée  au  vêtement  de  dessus,  au  corset  ou 
surcot,  que  les  femmes  ne  quittent  pas,  modifie  la  forme  des  colles. 
Celles-ci  commencent  à  se  composer  d'un  corsage  très-simple, 
collant,  à  peine  apparent  sous  la  robe  de  dessus  ;  corsage  sur 
lequel  est  montée  une  jupe,  plissée  à  la  taille,  très-ample,  sans 
traîne,  mais  tuyautée  ou  largement  bordée  par  le  bas  de  fourrures 
sur  une  hauteur  de  30  à  40  centimètres.  C'est  vers  1420  que 
cette  mode  paraît  prendre  naissance.  En  relevant  le  corset  ou  le 
surcot,  ainsi  que  cela  était  nécessaire  pour  marcher,  la  partie  infé- 
rieure de  ces  jupes  était  apparente  (fig.  21)  i  et  laissait  voir  le  pied, 
(jui  recommençait  à  être  chaussé  de  poulaines.  Cette  dame  est 
coiffée  du  hennin  avec  épais  boui'relet  de  velours  bleu,  orné  d'un 

'   C/iion)f/ue  (le  France  et  de  Normandie  ilu  1'.  Cuclioii,  de  I.ni  à   l'iii,  amiéc  1383, 
niaiiuscr.  lîiblidlli.  iin]i(''r.,  français,  n»  9859. 

2  Passer  de  mode,  choir. 

3  Ces  manchez  pendentez   Iniaii'iil  aussi  liiiMi  alors  aux  viMimii'MiIs  des  lioinmos  qu'a 
l'.eux  des  fciiiiiies. 

'►  Mamisci'.  l'.iliiiolli.   iniiirr.,  lîoocacc,  Du  dcchiet  des  nobles  hommes,  fraiirais  (1121) 
environ). 


[    COTTE   ]  —    oOi    — 

chef  de  drap  d'or  avec  joyaux.  Une  voilette  blanche  empesée,  très- 
transparente,  tombe  jusqu'au  milieu  du  visage  et  foi'me   cloche  par 


?J 


derrière.  La  jupe  de  la  cotle  verte,  tuyautée  par  le  bas,  est  montée 
sur  un  corsage  très-décolleté,  brodé  d'or.  Une  collerette  unie,  trans- 


305 


!"   COTTE 


parente,  empesée,  enveloppe  les  épaules.  Le  surcot  est  fait  d'un 
tissu  rose  changeant,  doublé  de  petit-gris  ;  la  ceinture,  très-large, 
est  verte  et  or.  Ici  la  cotte  remplit  à  peu  près  le  rôle  des  jupons  des 
toilettes  de  nos  dames  ;  elle  est  terminée  en  cloche,  sans  traîne,  et 
c'est  le  surcot  qui  possède  une  longue  queue.  Il  est  à  manches 
justes,  et  il  est  à  croire  que  le  corsage  de  la  cotte  n'en  était  point 
pourvu. 


4  cviufiifor 


Les  petites  bourgeoises,  les  paysannes,  portaient  de  même  la  cotte 
avec  robe  de  dessus,  et  cette  cotte  était  simple  (fig.  22)  *,  ou  boi'dée 
par  le  bas  (fig.  23)  -.  L'escarcelle  ou  aumônière  était  attachée  sur 
cette  cotte  et  sous  la  robe,  relevée  habituellement  pour  faciliter 
la  marche  ou  vaquer  aux  occupations  domestiques.  On  appelait 
cottes  sengles  celles  qui  n'étaient  point  doublées.  Nous  ne  nous 
étendrons  pas  davantage  sur  ce  vêtement,  d'autant  qu'à  l'article 
RoiîE,  dans  lequel  sont  classés  tous  les  habits  longs  portés  par  les 
hommes  et  les  femmes,  nous  avons  l'occasion  de  décrire  amplement 
les  modes  suivies  du  xi^  au  xv"  siècle,  par  les  deux  sexes,  dans  la  con- 
fection de  ces  vêtements  superposés  et  la  manière  de  les  porter.  Il 
est  certain  que  pendant  le  moyen  âge,  comme  aujourd'hui,  dans  l'es- 
pace de  quelques  années,  les  noms  des  diverses  parties  de  l'habille- 
ment ne  conservaient  pas  la  même  signification.  Ainsi,  le  nom  de  cotte 
hardie  est  donné  à  la  cotte  d'abord,  puis  au  surcot  de  campagne,  et 
aussi  au  corset.  De  même,  dans  l'espace  d'un  siècle,  avons-nous  vu 


'  MauiisiT.  Piililiiilli.  iiii|i('T.,  laliii  (liii)ii  I  }bO). 
-  Mauuscr.   iiihiiolli.   iiiiin'T.,  latiu  (  1  Will  riiviroii'. 


m.  -  :« 


COTI'E 


;:;oG 


une  môme  désignalion  s'appliquer  à  des  vètoinenls  ditTérenls.  Le 
mot  veste,  par  exemple,  qui,  à  la  lin  du  dernier  siècle,  s'appliquait 
au  justaucorps  sans  manches  posé  sous  l'habit,  et  qu'on  désigne 
aujourd'hui  sous  le  nom  de  gilet,  est  donné  à  cette  heure  à  un 
vêtement  rond  pourvu  de  manches  et  assez  ample.  De  cotte  à 
surcot  ou  à  surcùtte,  il  n'y  a  que  la  différence  existant  entre  deux 


,53 


vêtements  superposés  qui,  d'ailleurs,  peuvent  avoir  la  même  forme, 
sinon  la  même  ampleur.  A  dater  du  xv^  siècle,  le  nom  de  cotte 
n'est  plus  guère  donné  aux  vêtements  des  hommes,  et  paraît  réservé 
à  ceux  des  femmes,  parce  qu'en  effet  alors  les  hommes,  en  fait  de 
vêtements  longs,  ne  portent  (jue  des  habits  de  dessus,  surcots, 
peliçons,  capes,  garde-corps,  cloches,  gonelles,  manteaux,  robes 
fourrées.  La  tunique  a  disparu  ou  n'existe  plus  que  chez  le  bas 
peuple.  Les  femmes,  au  contraire,  multiplient  les  jupes  et  ne  se 
contentent  plus,  comme  leurs  aïeules,  de  la  chemise,  de  la  cotte  et 
du  bliaut  (Vo\ .  .lipo.x,  Robe.) 


—   307    —  [    COUROiNNE    1 

COURONNE,  s.  f.  (corone).  Cercle  d'orfèvrerie  que  les  personnages 
nobles  des  deux  sexes  posaient  sur  leur  tête  autant  comme  ornement 
que  comme  signe  de  dignité.  Le  classement  des  couronnes  de  baron, 
de  comte,  de  marquis,  de  duc,  de  roi,  d'empereur,  est  très-récent 
et  ne  remonte  pas  au-delà  du  xvi'  siècle.  Jusqu'alors,  il  n'y  avait 
pas  de  distinction  marquée  entre  les  diverses  couronnes.  C'était  là 
une  question  de  convenance  ;  et,  si  un  baron  ne  posait  pas  sur  sa 
tète  une  couronne  fleuronnée.  c'est  que  l'usage  ne  le  permettait 
pas  :  aucune  ordonnance,  que  nous  sachions,  n'était  intervenue  pour 
interdire  à  un  gentilhomme  le  port  d'une  certaine  couronne. 

La  couronne  d'orfèvrerie  est  une  parure  de  tête  d'importation 
byzantine.  Chacun  sait  que  les  empereurs  romains  ne  portaient  que 
la  couronne  laurèe  après  un  triomphe;  mais  les  empereurs  d'Orient 
sont  tous  couronnés,  soit  d'un  cercle  d'or  enrichi  de  pierres 
fines  et  de  perles,  soit  d'une  sorte  de  tiare  également  ornée  de 
pierreries. 

Dans  l'Occident,  les  premiers  rois  sont  couronnés  à  l'instar  des 
empereurs  d'Orient,  et  chacun  peut  voir  les  couronnes  des  princes 
visigoths  qui  sont  déposées  au  musée  de  Cluny,  à  Paris,  et  qui  se 
composent  de  larges  cercles  d'or  décorés  de  pierres  précieuses  et  de 
pendeloques*.  Bien  que  ces  couronnes,  au  nombre  de  huit,  n'aient 
pas  été  portées,  puisque  deux  seulement  ont  des  dimensions  qui  s'ac- 
cordent avec  la  circonférence  de  la  tête  humaine,  toutes  cependant 
reproduisent  des  formes  qui  s'accordent  avec  celles  des  représenta- 
tions peintes  ou  sculptées  des  vn^  et  vnr  siècles-.  Les  unes  sont  des 
cercles  d'or  avec  charnières  ;  les  autres  sont  à  claire-voie,  et  forment 
une  sorte  de  réseau  de  fuseaux  d'or  reliés  par  des  boutons  ornés  de 
saphirs.  Cependant,  les  couronnes  primitives  de  l'époque  du  moyen 
âge,  qui  ont  été  évidemment  portées,  sont  composées  de  plaques 
planes  de  métal  en  plus  ou  moins  grand  nombre,  reliées  par  des 
cliarnières  (pii  permettent  ainsi,  à  ces  joyaux,  d'épouser  la  forme  de 
la  tête.  Telle  est  la  couronne,  bien  connue,  attribuée  à  Charlemagne, 
et  qui  est  aujourd'iuii  déposée  dans  le  trésor  impérial  de  Vienne. 
Cette  couronne  est  un  assemblage  de  huit  plaques  d'or,  circulaires 
par  le  haut,  ornées  de  pierres,  de  perles  et  d'émaux.  Deux  de  ces  pla- 
ques sont  plus  larges  et  plus  hautes  que  les  autres,  deux  moyennes 
et  quatre  plus  petites.  Sur  la  ]»laquc  frontale  se  dresse  une  croix. 


'   Voyez  hescn'itt.  tlu  trésor  de  ('tuar)iiz(ir,  \v.\v  Fcm'<1.  do  Lasteyric,  1860. 
-  .'1.  Frrd.   il(!  Laslfivi'ii'  fait  lri''S-liirii   ressortir,   ii    noire,   avis,    le  earaetère  iVfx-rulii 
lie  ('(.'S  eouronnes. 


COUUONINE   1 


308  — 


derrière  laquelle  une  sorte  de  cimier  en  l'aeon  d'arcade  festonnc''e 
réunit  les  deux  plaques  principales  opposées,  en  entrant  dans  de 
petites  douilles  ménagées  pour  le  recevoir;  deux  autres  douilles 
paraissent  avoir  été  destinées  à  recevoir  d'autres  agréments  sail- 
lants i.  Les  plaques  d'or  réunies  par  des  charnières  constituent  habi- 
tuellement la  couronne  jusqu'au  milieu  du  xn''  siècle. 

Pendant  l'époque  carlovingienne,  des  pendeloques  tombent  des 
deux  côtés  de  la  couronne  sur  les  oreilles.  C'était  encore  une  impor- 
tation orientale.  Une  coitTe  d'étoffe  était  interposée  entre  le  joyau  et 
la  chevelure,  et  ne  disparaît  que  quand  la  couronne  n'est  plus  qu'un 
cercle  de  métal  avec  ou  sans  charnières,  avec  ou  sans  lleurons. 


On  ne  trouve  plus  trace  des  pendeloques  accompagnant  la  cou- 
ronne dans  les  monuments  français  à  dater  de  la  lin  du  x"  siècle.  La 
ligure  de  Charles  le  Chauve  représentée  sur  les  manuscrits  de  son 
temps  est  coilTée  d'un  cercle  paraissant  composé  de  petites  plaques 
surmontées  de  trois  palmettes  très-saillantes,  ou  d'une  sorte  de 
couronne  fermée,  consistant  en  un  bandeau  avec  deux  ornements 
très-élevés  qui  se  réunissent  au-dessus  de  la  tête-.  Deux  branches 
d'orfèvrerie  descendent    sur  les  oreilles  (fig.  l).   Un    sceau  du  roi 


'  Yoy.  Willcniin;  vny.  aussi  les  Arts  somphinires,  rdii.   Hangaril-Maug(5,   ISoS,    t.  1. 
2  Mus(''e  lies  souverains. 


—   309    —  [   COURONNE   ] 

Robert  (lin  du  x''  siècle)  indique  le  premier,  sur  le  cercle  de  la  cou- 
ronne qui  lui  ceinl  la  tète,  un  ornement  assez  semblable  à  une  lleur 
de  lisi.  Ces  renseignements  sont  toutefois  assez  vagues  ou  grossiers, 
et  il  est  difficile  d'en  conclure  que  la  feuille  de  lis  a  orné  les  couron- 
nes des  rois  français  dès  la  fin  du  x^  siècle.  L'ornemenl,  surmontant 
le  plus  fréquemment  les  cercles  ou  les  assemblages  de  plaques  com- 
posant la  couronne  de 'ces  princes  avant  le  xn*'  siècle,  consiste  en 


des  sortes  de  palmettes  ou  en  des  médaillons  montés  sur  une  longue 
lige  (fig.  2)  ^  Quelquefois,  ces  couronnes  paraissent  fermées  ou  plu- 
tôt surmontées  d'une  arcade  d'orfèvrerie.  C'est  au  xn'  siècle  que 
les  représentations  sculptées  ou  peintes  de  couronnes  présentent 
des  spécimens  d'orfèvrerie  excellents  et  d'une  assez  belle  exécution 
pour  qu'on  puisse  se  rendre  un  compte  exact  de  cette  parure  de 
tête  :  les  couronnes  sont  composées,  ou  d'un  cercle  sans  brisure, 
ou  d'une  suite  de  segments  réunis  par  des  charnières. 

On  voit  même,  au  commencement  du  xii«  siècle,  des  couronnes 
composées  de  quatre  plaques  sans  courbure  qui  forment  un  véri- 
table bonnet  can-è  (lig.  3)  ^  Toutefois,  il  est  difticile  de  comprendre 


'  Voyez  le  Trésof  di:  numismatique  et  de  glypl.iiiue,  vol.  des  Sceaux  des  rois  de 
Frmice,  pi.  -,  tig.   4. 

'-  (;ii;irlcs  le  Cliauve.  niamisi  r.  du  miisi^c  des  souverains,  livres  de  prières  écrit  par 
Liiitliard. 

^  Des  pciulures  du  porche  de  l'église  abbatiale  de  Saiul-Saviu  eu  l'oilou.  La  ligur(?  du 
Christ  du  tympan  de  la  porte  sud  de  l'église  abbaliali;  di!  Moissac  est  eoitîéc  d'une 
couronne  ainsi  faite   fxii"  sièrde). 


[    rOUROlNNK  ]  —  310   — 

comment  une  pareille  coilïurc  pouvait  être  placée  sur  le  crâne,  dont 


la  section  est  à  peu  près  circulaire.  Il  restait  des  angles  vides;  les 


faces    tangentes  des  quatre  plaques  eussent  été  fort   incommodes. 
Aussi  pensons-nous  que  ces    couronnes    carrées   n'étaient   que  des 


-  311 


r    COURONNE 


plaques  d'éloffe  roide  ou  de  peau  sur  lesquelles  on  brodait  des 
ornements  et  l'on  posait  des  pierreries.  Ces  quatre  parties  conser- 
vaient assez  (le  souplesse  pour  épouser  la  forme  du  crâne,  et  leur 
rigidité,  cependant,  laissait  apparaître,  par  le  haut,  la  forme  carrée. 
Parmi  les  belles  couronnes  d'orfèvrerie  en  forme  de  cercle,  de  la  fin 
de  la  première  moitié  du  xn"  siècle,  il  faut  citer  celles  des  vingt- 
quatre  vieillards  de  l'Apocalypse  (jui  remplissent  une  des  voussures 
du  portail  principal  de  la  cathédrale  de  Chartres  (fig.  4).  Toutes  ces 
couronnes  primitives  sont  cylindriques,  ne  s'évasant  pas  du  haut'. 


Elles  consistent  en  un  cercle  étroit  surmonté  d'ornements  ondes, 
lleuronnés,  garnis  de  pierreries,  comme  dans  l'exemple  précédent, 
ou  en  un  double  cerclage  avec  riches  sertissures  de  pierreries  entre 
CCS  deux  listels  et  ileurons  très-importants  au-dessus  (fig.  5)  -. 

Quant  aux  couronnes  composées  de  segments  réunis  par  des 
charnières,  il  est  évident  que,  si  elles  sont  surmontées  de  Ileurons, 
ceux-ci  doivent  être  séparés  et  posés  sur  chacun  de  ces  segments 
ou  de  deux  en  deux  (fig.  6)-'.  L'usage  de  ces  couronnes  à  charnières 
ne  fut  point  abandonné  pendant  les  xni°  et  xiV'  siècles,  puisqu'on 


'   I.cs  loul'oniies  visigollies  du  niiisri'  de  (Uiiuy  sont  i);irt'aitciiiciit  cvlindriqucs. 

-  Fiijurc  dite  de  C.lovi.s,  proveinuit  de  l'église  de  Nolic-Diiine  de  Coi-lu'il  (.\ii<-"  siècle), 
aiijoiird'iiui  déposée  diuis  l'église  iililialiiile  de  Saint-Denis. 

^  lie  la  stalne  de  la  Vierge  du  portail  occidenlal  de  Nolre-haine  d'Amiens  (12.'{0 
l'uviron). 


[  a)Luo.N>E  ]  —  31:2  — 

voit  encore  les  deux  figures  de  Cliarles  V  et  de  Jeanne  de  Bourbon, 
provenant  des  Cèlestins  de  Paris,  coilTées  de  joyaux  ainsi  façonnés. 


^Ecvrifltrpi'-s 


On  sait  combien  le  xui'  siècle  déploya  de  goût  dans  la  fabrication 
des 'objets  d'orfèvrerie  et  des  bijoux;  aussi,  les 'couronnes  de  celle 


épocjuc,  conservées  sui-  un  gi-and  nombre  de  statues,  sont-elles  d'un 
travail  exquis,  d"une  charmante  composition  :  nous  devons  choisir 
dans  le  nombre.  La  ligure  7  donne  la  couronne  prise  sur  la  tête  de 


—    313   —  [    C()L'RO>'NE   ] 

Clovis,  au  portail  nord  de  la  caLliédrale  de  Reims  i.  Celte  couronne 
présente  une  disposition  assez  rare.  Elle  ne  consiste  qu'en  an  jonc 
ou  mince  listel  immédiatement  surmonté  d'un  riclie  enroulement. 
Ordinairement  le  cercle  est  large  et  est  enrichi  de  pierreries. 


Cr  ijVNiOi 


Voici  (lîg.  8)  deux  exemples  de  couronnes  appartenant  à  la  (in  de 
la  première  moitié  du  xni''  siècle:  la  première.  A,  est  posée  sur  la  tête 
de  Louis  le  Gros  ;  la  seconde,  B,  sur  la  tète  de  Constance  d'Arles  -. 
La  couronne  de  Louis  le  Gros  est  composée  de  iinit  plaques  à  char- 


'  Tympan  (1230  euvirou). 

-  On  sait  (|no  ocs   lii,'iiro>    fiinsnl  relhilcs    sons  saiul  Louis  poiir  rlic    roplacôcs  sur  les 
lonihus  lies  rois  (■!  des  rcinrs  (inscvolis  dans  Ti-i^'Usc  alilialialc  lic  S.iinl-Dcnis. 


m. 


50 


[    COURONNE 


—   314 


nières  porUinl  cliuciine  nu  lleiiron,  qiialrc  un  bouquet  de  feuilles 
d'érable,  les  quatre  intermédiaires  une  (leur  de  lis.  La  couronne 
de  Constance  d'Arles,  d'un  seul  morceau,  est  formée  de  quatre 
groupes  de  Heurs  de  lis  jumelles  et  de  quatre  fleurs  de  lis  simples. 
Cette  composition  est  des  plus  originales.  Nulle  distinction  d'ailleurs, 
à  cette  époque,  non  plus  que  précédemment  et  plus  tard,  entre  les 
couronnes  des  feunnes  et  celles  des  hommes.  Cependant  ou  ne  voit 


.!) 


Gr  MA 


les  couronnes  fleuronnées  que  sur  les  têtes  des  rois  et  des  reines, 
et  habituellement,  à  dater  de  1230,  les  fleurons  sont  au  nombre 
de  huit,  quatre  principaux  et  les  quatre  intermédiaires  plus  petits. 
Ces  fleurons  sont  pris  dans  la  flore  :  ce  sont  des  feuilles  d'érable, 
de  chêne,  de  passiflore,  d'ancolie,  d'ache,  de  chélidoine,  de  trèfle, 
copiées  scrupuleusement  vers  le  milieu  du  xni°  siècle,  puis  peu  à 
peu  interprétées  en  exagérant  le  modelé  ou  contournant  les  formes 
naturelles.  Les  monuments  de  Saint-Denis  présentent  un  assez  grand 
nombre  d'exemples  de  ces  couronnes  de  rois  et  reines  de  la  lin  du 
xni''  siècle  et  du  commencement  du  xiv'. 

Entre  tous,  nous  donnons  la  couronne  de  la  statue  de  Philippe  V, 
dont  les  quatre  grands  fleurons  présentent  des  groupes  de  feuilles 
d'aristolochecontournées,et  les  petits  des  feuilles  de  chélidoine  (flg.9). 
Il  semblerait  que  dès  le  xm^  siècle,  la  couronne  à  quatre  grands 
fleurons  et  quatre  plus  petits  fût  spécialement  alïectée  aux  rois  et 
reines  de  France,  et  que  les  autres  personnages  de  sang  royal,  ou 


—   315    —  [   COURONNE    ] 

avcant  le  titre  de  rois,   dussent  être   coitïés  de  la  couronne  à  huit 
fleurons  égaux. 
Dans  l'église  de  Saint-Denis,  on  voit  aujourd'hui  la  statue  de  Léon 


Vr 


de   Lusignan  ',   dernier  roi   de    la  petite  Arménie,   (|iii,    i-erii   par 
Chai'lcsV  avec  une  grande  distinction,  étant  mort  à  Paris,  fui  inhumé 


sous  Charles  VI  dans  Téghse  des  Célestins.  Ce  prince  est  coui-oimc 
de  la  couronne  à  huit  fleurons  égaux  (fig.  10).  H  en  est  de  même  de 
la  figure  de  Béalrix  de  Bourhon  -,  fille  de  Louis  I'"',  duc  de  Bour- 


'  Des  Célestins  de  l'aiis. 

-  Déposée  a  Sninl-Drnis,  provi'ii.-uil  ries  ,l:iciihiiis  de  l'iiris. 


[    COURONNE   ]  —    3IG    — 

bon  et  arrière  pelite-lille  de  sainl  Louis.  Elle  avait  épousé  en  pre- 
mières noces  Jean  de  Luxembourg,  roi  de  Bohême,  mort  à  la  journée 
de  Crécy.  Cette  princesse  mourut  en  1383.  Elle  est  coiffée  d'uu 
voile  épais  sur  lequel  repose  une  couronne  formée  de  huit  noiirons 
égaux  (lig.  11),  tandis  que  la  statue  de  Jeanne  de  Bourbon  ',  femme 
de  Charles  V,  est  coiffée  d'une  couronne  à  charnières  surmontée 
de  quatre  groupes  de  feuilles  et  de  quatre  fleurs  de  lis.  Mais  ce  qui 
démontrerait  que  les  règles  d'étiquette  n'étaient  pas  fixées  encore 
vers  la  Un  du  xiv^  siècle  à  l'égard  des  couronnes,  c'est  qu'en  tète  du 

12 


manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale,  intitulé  Des  prophéties  des 
choses,  est  peint  un  remarquable  portrait  du  roi  Charles  V,  jeune, 
coilTé  d'une  couronne  très-haute,  très-légère,  formée  de  neuf  grandes 
fleurs  de  lis  et  de  neuf  broches  garnies  chacune  de  deux  perles 
(fig.  12)  -,  et  qu'au  frontispice  du  manuscrit  des  Visions  de  sainte 
Elisabeth  \  est  de  même  représenté  ce  prince  plus  âgé,  coiffé  d'une 
couronne  à  six  pointes  égales  surmontées  de  petits  trèfles  (fig.  13). 
Cette  miniature  est  intéressante  à  plus  d'un  titre.  Le  roi  est  vêtu 
d'un  large   surcot  bleu  doublé  d'hermine,  avec  capuchon  derrière. 


'  Provouant  du  portail  des  (^iMeslias,  déposée  a  Saiat-Dcuis. 

-  Au-dossDUS  do  la  iiniiiiitiire  représentant  le  roi  assis  recevant  la  déilirace  du  livre, 
on  lit  :  «  ('.y  cuniinaiice  le  livre  des  propriétés  des  cliosi'S  translate  de  latin  en  tVaucois 
u  par  le  conimaudcnicnt  du  roy  Charles  le  (]uinl  de  son  nom  rejouant  eu  France  nohle- 
II  ment  pnissainent  en  ec  temps. ..  » 

•■*  liihliotli.   impér.,  manuscr.  dédié  an  roi  Charles  \  . 


—    317    —  [   COURONNE    J 

Los  robes  de  dessous  sont  également  bleues,  la  seconde  étant  aussi 
doublée  d'hermine.  Un  sergent  d'armes,  auteur  du  livre,  le  présente 
au  roi.  Il  est  vêtu  d'un  corset  gris  avec  chausses  et  cotte  dont  on 
aperçoit  seulement  le  col  brun  rouge,  et  ceinture  d'argent.  On  sait 
combien  le  roi  Charles  V  aimait  ses  fidèles  sergents  d'armes.  Il  n'est 
pas  besoin  de  dire  que  la  couronne  n'est  ici  qu'un  signe  distinclif, 
et  que  les  princes  ne  portaient  ce  joyau  que  dans  les  solennités. 


PRUtJMRE 


L'inventaire  des  joyaux  de  Charles  V  ',  dressé  en  1379,  relate  un 
nombre  prodigieux  de  couronnes  et  cercles  d'or  enrichis  de  pierre- 
ries (cinquante-six).  En  têle  du  chapitre  mentionnant  seulement  les 
couronnes  est  donnée  la  description  de  «  la  très  grant,  très  belle  et 
'<  la  meilleure  couronne  du  Roy,  laquelle  il  a  fait  faire;  en  hujuelle 
«  a  quatre  grans  dorons  et  (luatre  petiz  garniz  de  pierrerie.  Et  en 
'<  chascun  des  grans  llorons,  c'est  assavoir  ou  maislre  Horon  endroit 
«  le  chappel  -,  a  un  très  grant  ballay  ^  carré  accosté  de  deux  grans 
«  saphirs,  et  aux  quatre  coings  dudit  ballay  carré  a  en  chascun  une 


'   Maiiusrr.  Hililinlli.   iiiipri'.  ;ri-;iii(;iiis),   ii"  lild'i.  l'cilin  l. 
^  Sur  l;i  face  autôrieiire. 
»  H  II  bis 


[  (:oiRO>'NE  ]  —  318  — 

«  1res  fïrosse  perli>.  Et  au  dessus  du  dii'l  ballay  a  ung  autre  ballay 
«  carré  au  dessus  duquel  a  deux  perles  et  ung  dyamant  ou  mylieu 
«  et  au  dessus  ung  autre  ballay  long  sur  le  tout  et  au  dessus  a  pa- 
«  reniement  deux  perles  et  ung  dyamant.  Et  au  mylieu  dudit  floron 
«  a  ung  grant  sapliir  à  huit  costés,  au  dessus  duquel  a  un  dyamant. 
«  Et  ou  chef  dudit  ftoron  a  un  gros  ballay  cabouchon  et  aux  deux 
«  costéz,  deux  bailaiz  carrez,  à  l'environ  desquels  a  quatre  grosses 
«  perles  et  aux  costez  dudit  sapliir  a  en  chascun  coslé  troys  gros 
«  balaiz  cabouchons,  ou  mylieu  desquels  troys  balaiz  à  ung  dyamant 
«  et  troys  perles  entre  deux.  Et  en  chascune  pointe  de  dessoubz  la 
«  dicte  fleur  de  lys  a  une  troche  de  trois  perles  et  ung  dyamant  ou 
«  mylieu.  Et  ou  chef  dudit  floron  a  une  troche  de  cinq  très  grosses 
«  perles  et  un  dyamant  ou  mylieu. 

«  Et  ou  petit  floron  de  la  dicte  couronne  a  ou  chappel  ung  très 
«  grant  saphir  acosté  de  quatre  balaiz,  au  dessus  duquel  saphir 
«  a  ung  ballay  carré  et  ou  mylieu  dudit  floron  ung  gros  balay 
«  cabouchon  à  l'enlour  duquel  a  troys  saphirs  et  quatre  perles  ;  et 
«  ou  chef  dudit  floron  a  une  troche  de  troys  perles  et  ung  dyamant 
«  ou  mylieu.  Et  ainsi  se  poursuivent  tous  les  dits  florons  en  nombre 
«  de  pierrerie.  Et  outtre  a  ou  chappel  huit  bastonnez  dont  en  clias- 
«  cun  a  quatre  grosses  perles.  » 

Ces  couronnes  royales  étaient  toujours  accompagnées  d'une  coiffe 
ou  aumusse  ornée  de  pierreries  : 

«  Etestraumuce  deladicte  couronne  de  veluiau  azuré  sur  laquelle 
«  a  une  croisiée  d'or  garnie  de  pierrerie  ;  c'est  assavoir,  de  huit 
«  bailaiz,  huit  saphirs  et  trente-six  perles  ;  et  ou  dessus  a  ung  très 
«  grant  et  très  gros  saphir,  ou  dessus  a  une  très  grosse  perle.  Et  sur 
«  le  veluiau  de  ladite  aumuce  a  douze  fleurs  de  lys  d'or  cousues.» 

Le  même  inventaire  mentionne  un  grand  nombre  de  cercles  d'or 
sans  fleurons,  ornés  de  pierreries,  de  perles  et  d'émaux,  particuliè- 
rement destinés  aux  coifTuies  des  femmes  :  "  Item  le  grant  cecle 
«  qui  fut  à  ladicte  Royne  i  Jehanne  de  Bourbon  ouquel  a  sept 
«  assiectes  garny  de  dyamans,  balaiz,  sapbirs  et  1  roches  de  perles. 
«  C'est  assavoir  vingt  et  troiz  balaiz,  seize  saphirs,  soixante  dyamans 
«  et  cent  seize  perles.  Et  es  bastonnez  dudit  cecle  a  sept  balaiz,  sept 
'<  sapirs  et  quatorze  dyamans,  pesant  cinq  marcs  deux  onces.  » 

Ces  bastonnez  étaient  les  petites  séparations  verticales  couvrant 
les  cliarnières  du  cercle....  «  Item  ung  autre  petit  cecle  estroit  ap- 
«  pelle  le  cecle  rouge  ou  quel  a  vingt  bailaiz  que  petit  que  granz  et 

1  Miiil(!  raniiôi'  ]ir('c(''(l(Mile. 


—    oi9      -  [   COLROM>'E   ] 

«  quarenlc  perles  pesant  ung  marc  une  once.  »  Ces  cercles  étaient 
parfois  arraoyés  :  «  Iteoi  deux  peliz  cccles  d"or  d'une  mesme  façon 
«  à  lozanges  de  France  et  de  Navarre  dont  en  leur  cecle  a  vingt  et 
u  deux  lozanges.  C'est  assavoir  :  unze  lozanges  de  perles  es(iuelles 
«  a  en  chascune  huit  perles,  et  unz  d'or  des  armes  de  France,  et 
X  en  l'autre  cecle  a  vingt  sept  pareilles  lozanges  dont  il  en  a  treize 
«  de  perles  et  quatorze  d'or  comme  dessus....  » 


Le  caractère  de  joyau  composé  d'au  cercle  sommé  de  lleurons 
en  nombre  plus  ou  moins  grand  et  de  formes  plus  ou  moins  va- 
riées '  fut  conservé,  même  pendant  le  xv"  siècle,  aux  couronnes 
royales  de  France.  Ainsi  voit-on  le  roi  Salomon  représenté  sous  les 
traits  du  roi  Charles  VIII  sur  une  des  belles  tapisseries  de  la  cathé- 
drale de  Sens,  coiffé  d'un  bonnet  de  velours  rouge  garni  d'une  cou- 
ronne d'or  richement  décorée  de  perles  et  de  pierres  Unes  (fig.  14). 
Cette  couronne  est  sommée  de  huit  lleurons  égaux  qui  n'alTectent 
aucune  forme  consacrée  ;  ce  ne  sont  ni  des  Heurs  de  lis  ni  des  bou- 
quets de  feuilles,  mais  des  ornements.  Il  paraît  inutile  de  multii)lier 
ces  exemples  très-variés  et  qui  piouvent  (pie  la  forme  des  couronnes 
royales  n'était  pas  lixée  par  l'étiquette  avant  le  xvi"  siècle.  Il  était 


'  !/iii\uiil;iiii;  (les  joyMiix  i\r  Cliiiiics  \'  iiiciilinmu'  tics  cnuidiiiics  à  sept  i,'raii(ls 
llciirous  L't  scpl  [lolils  ;  à  seize  llciinius,  liiiil  j^iMiids  el  liiill  pclils  ;  ii  dk-liuil  tleiiroiis 
ésaux,  elc. 


[  couHONiNE  ]  —  3;20  — 

d'usage,  cliez  les  pi'inces,  pendant  le  xv"  siècle,  cl  parliciilièremenl 
pendant  la  seconde  moitié  de  ce  siècle,  de  poser  des  couronnes  sur 
des  chapeaux,  des  bonnets  hauts;  les  femmes  en  portaient  sur  les 
hennins,  sur  les  escofiions,  sur  les  cornes  (voyez  ConTURE^  et  Ton 
connaît  la  belle  médaille  de  Louis  XII  qui  représente  encore  ce  prince 
portant  ,  sur  une  sorte  de   loque ,  une  couronne  lleurdelisée.   Les 


15 


rois,  en  armes,  porlaient  la  couronne  par-dessus  le  heaume  ou  le 
hacinet,  à  dater  du  xm*"  siècle.  Cet  usage  se  perpétua  jusqu'à  la  lin 
du  XV».  L'inventaire  des  joyaux  de  Charles  V  mentionne  «  une  cou- 
«  ronne  à  bassinet  à  dix  gros  saphirs,  quinze  balaiz  esmeraudes  et 
«  perles  d'Escosse  pesant  deux  marcs  ;  de  laquelle  ont  esté  prinspour 
«  meelre  en  la  lleur  de  lyz  du  sot  (du  fou  du  roi)  deiix  ballaiz,  ung 
«  carré  et  ung  beslong,  et  a  ledit  ballay  beslong  esté  taillé  à  huit 
«  coslez.  »  Cette  couronne,  sur  les  cinquanle-six  inventoriées,  est  la 
seule  qui  soit  propre  à  être  adaptée  à  un  bacinel,  et  encore  en  a-t-on 
retiré  deux  pierres  hnes  pour  orner  la  lleur  de  lis  du  fou.  Ceci  dé- 
montrerait, s'il  en  était  besoin,  que  le  sage  roi  Charles  V  n'endossait 
pas  souvent  le  liai'nais  de  guerre. 


—   3!21    —  [   COCHONNE   1 

Quant  aux  cercles  d"or  ornant  la  coilTurc  des  nobles  et  des  dames, 
on  les  voit  figurés  maintes  fois  sur  les  monuments  à  dater  d'une 
époque  très-ancienne  et  jusqu'au  xv"  siècle.  Parfois  ces  cercles  sont 
sommés  de  petits  fleurons  nombreux,  de  perles,  ou  sont  garnis,  sur  le 
listel,  de  fleurettes  d'or  ou  d'émail  espacées  '.  Voici,  figurelo,  la  cou- 
ronne-cercle qui  ceint  la  tête  de  Charles  d'Artois,  comte  d'Eu,  mort 
en  1471,  et  dont  la  statue  est  déposée  dans  la  crypte  de  l'église  d'Eu. 
Cette  statue  était,  avant  la  fin  du  dernier  siècle,  placée  sous  un  i-iche 
dais,  dans  une  des  travées  du  sanctuaire  de  celte  église  abbatiale. 


Les  couronnes  des  barons  (lorlils)  sont  très-rai'ement  indi(|uées 
dans  les  monuments  du  moyen  âge.  Cependant  une  vignette  d'un  ma- 
nuscrit de  la  BibliollièV|U('  impériale,  représentant  le  couronnement 
d'un  roi  -,  montre  un  bai'oii  coiliV'  d'un  toi'lil  de  verdure  (lig.  'IG). 


'  Viiyc/.  hi  sliillic  (lu  cuiiitr  il  KliUllpOS  dt'lKisi'i;  diiiis  l'rgliSL'  Mlilii[li;ilr   ilc  S;iiiil-I)('iiis. 
■  Mamisci-.   liililiolli.   iiiiprr.,  Chroniques  d' Angleterre,  fraïu.-iiis  (l.'i'.)O  ciiviiou). 

m    —  VI 


[   COUVRE-CHEF   ] 


322 


Pour  les  liâmes  nobles,  à  dater  de  la  llu  du  xive  siècle,  elles  por- 
taient des  couronnes  d'orfèvrerie  plus  ou  moins  riches  et  dont  la 
forme  épousait  les  mouvemenls  de  lacoitîure.  (Voy.  Coiffure.) 

COUVRE-CHEF,  s.  m.  {cueuvrc-chief,  queuvre-chief ,  couvre- 
chief).  S'entend,  habituellement,  comme  coilfare  de  nuit  ou  de 
chambre.  Cependant  il  est  question,  dans  les  comptes  de  l'argen- 
terie des  rois  de  France  au  xiv''  siècle,  de  couvre-chef  qui  étaient 
des  coitlures  d'apparat.  Pour  le  sacre  de  Philippe  V,  il  est  fait  men- 


tion d'un  «  cueuvre-chief  de  veluiau  vermeil,  ouquel  il  a  192  ven- 
«  très  (de  menu  vair)  »  '.  Pour  que  492  ventres  de  menu  vair 
fussent  nécessaires  à  la  doublure  de  cette  coiffure,  il  fallait  qu'elle 
fût  très-ample.  C'était  probablement  un  capuchon  avec  camail,  un 
chaperon  fourré  (voy.  Ciiapero>!).  Les  couvre-chef  de  nuit  étaient 
fails  de  toile,  au  xv^  siècle  :  «  Pour  la  façon  de  douze  queuvre-chiefz 
<'  à  mectre  de  nuit,  faiz  de  10  aunes  demie  d'autre  Une  toile  de 
«  Rolande  2.  »  Ils  étaient  en  forme  de  béguins  en  pointe  au  sommet 
de  la  tête,  et  les  hommes  en  portaient  aussi  bien  que  les  femmes. 
On  donnait  aussi,  pendant  le  xiv^  siècle,  le  nom  de  couvre-chef 


'  Compte  de  Geofftoij  de  Fleuri,  l.'jKi. 
'  C.omple  (le  l'/uS. 


—    323    —  [   COLVRE-CIIEF    ] 

à  certaines  coilïures  de  femme  composées  de  réseaux  d'or  et  de 
pierreries  posés  sur  des  tissus  de  soie  et  d'or,  que  les  dames  met- 
taient lorsqu'elles  se  rendaient  dans  les  assemblées  : 

u  Et  pour  aler  outre  la  gent. 

«  Fins  cuevreeliicrs  a  or  batus. 

«  A  [ierres  et  perles  dessus  ; 

«  Tissus  (le  soyo  et  de  tin  or  i.  » 

Ces  couvre-chef  précédèrent  les  hennins  et  les  cornes,  et  peuvent 
être  confondus  avec  les  escofiions  ^.  Des  miniatures  d'un  manuscrit 
de  la  Bibliothèque  impériale  qui  date  de  1385  à  1390  nous  donnent 
plusieurs  exemples  de  couvre-chef  de  dames.  Le  premier  (fig.  1) 
est  un  véritable  escoffion  avec  voile  léger,  empesé,  couvrant  la  nuque. 


% 


mi\^--v\>:*^ 


Ce  couvre-chef  est  brun,  avec  résille  d'or  et  perles.  Le  second  (fig.  2) 
est  porté  par  une  dame  noble  assistant  à  la  cérémonie  d'armement 
d'un  chevalier.  Il  se  compose  d'une  calotte  d'un  tissu  très-léger  et 
transparent  comme  un  tulle  brodé,  entouré  d'un  lin  cercle  d'or 
au(iucl  des  perles  sont  appendties.  Les  cheveux  sont  enfermés  dans 
une  résille  rouge  avec  fils  d'or.  Une  écharpe  de  gaze  enveloppe  le 
cou  de  celte  jeune  femme.  Un  troisième  couvre-chef  de  chambre 
est    porté   par   une  dame  couchée,   vêtue    d'une    simple  chemise- 

•  Euslachc  Desohamps,  le  Miroir  de  tiuninge. 

i  Voy.  CoiFiTiiE,  fig.  :n. 


[    CCCULE   ] 


-  3^' 


robe  (fig.  8).  Ces  couvre-chef  sont  blancs,  unis  ou  piqués,  et  enve- 
loppiiient  entièrement  les  cheveux  -.  On  sait  que  pendant  le  moyen 
âge  les  dames  restaient  au  lit  des  semaines  entières  en  certaines 
circonstances,  et  notamment  après  leurs  couches,  ce  qui  ne  les 
empêchait  pas  de  voir  du  monde.  Alors  elles  tenaient  fort  à  être 


convenablement  coiffées,  et  le  couvre-chef  de  nuit  atïectait  plus  ou 
moins  d'élégance.  Taillé  en  manière  de  cornes,  on  lui  donna  plus 
tard  le  nom  de  cornettes,  qu'il  conserva  jusqu'au  dernier  siècle, 
quoique  la  forme  de  ces  dernières  coilïures  de  nuit  ne  rappelât  en 
rien  les  bonnets  cornus  de  la  fin  du  xiv"  siècle.  On  donnait  encore, 
pendant  le  xv"  siècle ,  le  nom  de  couvre-chef  à  de  longs  voiles 
brodés.  (Voyez  l'article  Tournoi,  à  la  partie  des  Jeux.) 

CUCULE.  s.  f.  Vêtement  de  dessus  de  la  plupart  des  ordres  reli- 
gieux :  c'est  la  dalmatique  sans  manches,  le  colobe,  et  plus  tard  la 


'  M.-iiniscr.  liihlioUi.  iiii;i:'-i'.,  Lnn':elot  du  Uir,  t'r;ui:;:iis  ^l.J'.iU  cnvirdu). 


[   CCCULE   ] 


cagoule  '.  Le  mol  de  cucide  ne  s'applique  à  ce  vêtement  que  lorsqu'il 
est  porté  par  des  moines  ;  les  laïques  lui  donnaient  le  nom  de  cape 
ou  de  goulo.   La  cucule  ecclésiastique  est   une   sorte  de  chasuble, 


casiila,  que  les  moines,  prêtres  et  diacres  endossaient  pendant  les 
cérémonies  liturgi(iues.  Pendant  le  \f  siècle  et  le  commencement 
du  \\f,  cette  cucule  diflère  cependant  de  la  chasuble  adoptée  par 
les  prêtres  qui  n'étaient  pas  dans  les  ordres.  Un  carlulaire  latin  de 
la  Bibliothèque  impériale-,  qui  date  de  1100  environ,  donne  quel- 


'  Voyez  à  l'urliclt;  CAcjoiii.t:.  C.lciiiciiL  V,  au  iroiicilo  de  Viouuii  en  Daiipliiii;''  (1311), 
(li^cliire  que  la  cucule  est  l'habit  inonasliquu  long  et  large  sans  manches,  qui  ne  peut  être 
coiitonilu  avec  le  fror;.  (Voy.  Du  (îauge,  Gloss.,  Cucullus,  Cucci.la). 

-  Cdi'tularium,  laliii,  n"  '.)-!ti."i,  iiiuiiu^rr.  de  la  lin  du  xi"  siècdi;. 


[    II.M.MATIQUE    ]  —    OÛC)    — 

ques  figures  d'abbés,  au  trait,  revêtus  de  la  cucule  ecclésiastique 
(tig.  i).  C'est  une  dalmali(|ue  sans  manches,  avec  capuclion.  Rien  n'est 
plus  simple  que  ce  vêtement.  Il  se  compose  d'un  morceau  d'élolTe 
de  laine  de  90  centimètres  de  large  environ  (2  coudées),  replié  sur 
lui-même  de  a  en  b,  descendant  aux  chevilles,  percé  d'une  ouver- 


^ 


ture  en  c,  garnie  d'un  capuchon  (tig.  2).  Porté,  ce  vêtement  pré- 
sente la  ligure  i,  qui  reproduit  une  des  vignettes  du  manuscrit 
précité.  Cette  cucule  diiïère  de  la  chasuble  en  ce  qu'elle  se  termine 
carrément  devant  et  derrière.  Des  attaches  réunissent  les  deux  pans 
antérieur  et  postérieur,  et  en  passant  les  bras  par  les  intervalles 
a,  b,  c,  on  pouvait  retenir  plus  ou  moins  ces  pans  sur  la  saignée.  La 
cucule  ordinaire  des  moines  est  représentée  dans  la  ligure  1  de 
l'article  Cagoule.  Les  religieux  bénédictins  et  cisterciens  qui  por- 
taient ce  vêtement  ne  devaient  s'en  séparer  que  la  nuit,  et  le  placer 
sous  leur  tête  pendant  l'été,  sur  leur  corps  en  guise  de  couverture, 
pendant  l'hiver. 


DALMATIQUE,  s.  f.  Originairement,  vêtement  sans  manches, 
consistant  en  un  large  lez  d'étolTe  fendu  par  le  milieu  pour  passer 
la  tête,  et  tombant  jusqu'aux  pieds  devant  et  derrière.  Guillaume 
Durand  '  dit  que  le  pontife  revêt  immédiatement  la  dalmalique  par- 
dessus la  tunique,  d'après   l'institution  du  pape  Sylvestre,  et  qu'on 


'  Iifiti07inlt',  (Mil.   XI. 


—   •■^-'7    —  1    DAI.MATIUIJE    ] 

croit  ce  vêtemenl  cmprunlé  de  la  luniiiue  sans  coiilui-e  du  Sei.ancnr, 
comme  la  ciicule  monacale.  Le  pape  Sylvestre,  toujours  d'après 
Guillaume  Durand,  aurait  ajouté  de  larges  manches  à  la  dalmalique 
primitive,  et  aurait  élabli  (ju'on  la  porterait  aux  sacrifices  de  Taulel. 
La  largeur  des  manches  de  la  dalmatique  du  moyen  âge  aurait  été 
proportionnée  à  la  dignité  des  personnages.  Ainsi  les  manches  de  la 
dalmntiijue  du  pontife  sont  plus  amples  que  celles  de  la  dalmatique 
du  diacre,  et  celles-ci  plus  larges  que  les  manches  de  la  tunicelle  du 
sous-diacre.  «  L'évêque,  ajoute  notre  auteur,  se  sert  en  même 
temps  de  la  dalmatique  et  de  la  tunicelle,  et  des  ornements  de  tous 
les    ordres ,    pour  montrer  qu'il  a  parfaitement  tous    les  ordres , 


i 


jliL 


/I.  CU/HAIWa  7 


comme  celui  qui  doit  les  conférer  aux  autres.  Les  prêtres  d'un 
ordre  inférieur  ne  les  confèrent  pas,  et  voilà  pourquoi  ils  ne  les  por- 
tent pas De  plus,  le  pontife  revêtu  de  ces  ornements  et  rem- 
plissant sa  charge,  représente  d'une  manière  plus  expressive  l'image 
du  Sauveur  que  le  simple  prêtre  ;  et  les  symboles  attachés  aux  orne- 
ments lui  conviennent  davantage La  dalmatique  doit  avoir  deux 

bandes  d'écarlate  des  deux  côtés,  devant  et  derrière,  depuis  le  haut 

jusqu'au  bas Parfois   les  bandes  sont  de  pourpre Au  côté 

gauche  de  la  dalmatique  aussi,  il  y  a  d'ordinaire  des  franges Il 

y  a  encore  des  dalmatiques  qui  ont  quinze  glands  devant  et  der- 
rière    et  (juelques-unes  ont  vingt-huit  franges  devant  et  autant 

derrière..,.   Il  y  a  aussi  sur  la  dalmatique  une  broderie  continue, 

et  elle    est  ouverte  des  deux  côtés Lorsque    ce  vêtement  est 

étendu,  il  représente  la  forme  de  la  croix  (lig.  i)  :  voilà  pourquoi  on 


[    KALMATIULI-:    ]  ~    ^^8    — 

le  porte   à  rofliro  de   la  messe,   où   Ion    rcprésenle  la  passion  du 
Christ.  » 

La  daimaliqiie  l'om place  le  colobe,  qui  élail  une  lunique  ne  des- 
cendant qu'à  mi-jambes,  et  garnie  de  manches  ne  dépassant  pas 
le  coude.  On  prétend  que  le  colobc  était  le  vêtement  des  apôtres. 
Quant  à  la  dalmatique  ou  tunique  talaire,  elle  était  considérée  dans 
la  Rome  antique,  même  sous  les  derniers  Césars,  comme  un  vêle- 
ment eiïéminé.  C'est  en  elTel  le  pape  saint  Sylvestre  qui  prescrivit 
aux  clercs,  dans  l'église,  l'usage  de  la  dalmatique  à  longues 
manches.  Au  \n^  siècle,  Honorius  écrit  que  le  colobe  était,  comme 
la  cucule,  un  vêtement  sans  manches,  mais  muni  d'un  capuchon 
ainsi  que  la  chasuble. 


^ 


Il  n'est  pas  de  vêtement  dont  la  coupe  soit  plus  simple  que  celle 
de  la  dalmatique,  ainsi  que  le  fait  voir  la  ligure  1.  La  dalmatique 
devint  le  vêtement  propre  aux  diacres  pendant  les  offices  des  grandes 
fêtes  ;  elle  était  fendue  des  deux  côtés,  des  aisselles  au  bas.  La 
figure  2  '  montre  un  pi'être  à  l'autel,  revêtu  de  l'aube  et  de  la  cha- 
suble. Derrière  lui  est  le  diacre  tenant  la  patène;  sa  main  est  cou- 
verte d'un  linge;  il  est  vêtu  de  la  dalmatique   sans   collet  et  sans 


<  Miimiscr.   I>ililii)th.   iini^rr..  Missrl  liiliii    li.'id  riivinni  . 


—    320    —  [    nAI.MATlQlE    J 

rapnclion,  sur  raiibo.  Un  cleiT.  on  aube,  le  suit  en  porlanl  un  fhi- 
hellnm.  La  (ialmali(|ue  du  diacre  est  couleur  pourpre  avec  broderie 
au  bas.  La  forme  de  ce  vêtement  religieux  se  modilia  quebiue  peu. 
Il  fut  souvent,  pendant  les  xn*"  et  ws"  siècles,  dépourvu  de  capuclion. 
les  diacres  n'en  portaient  pas  ;  le  col,  plus  ouvert,  laissait  voir  la  bor- 
dure de  l'amict  (voyez  ce  mot),  (|u"on  aperçoit  à  peine  dans  la  vignette 


3 


;p 


précédente.  Au  commencement  du  xiv  siècle,  les  mancbcs  de  la  dal- 
matique  sacerdotale  sont  plus  étroites  et  plus  longues  (dg.  3)'.Le 
col  très-écliancré  de  celte  dalmatique  laisse  voir  le  bord  de  l'amict 
brodé  d'or  ;  la  dalmatique  est  lilas,  et  le  bas  de  l'aube  est  garni  par 
devant  d'un  carré  de  broderie  d'or.  Mais  la  dalmatique  n'était  pas 
portée  seulement  par  les  clercs  ;  c'était  aussi  un  vêtement  laïque,  (jui 
n'est  autre  que  le  bliaut,  dont  la  forme  a  été  très-variable  du  xn'= 
au  xiv°  siècle-.  On  ne  lui  conservait  le  nom  de  dalmatique  que  dans 


'   .MamisiT.  IJililiulli.  iiii|><'i'.,  le  Miroir  hislorial,  IVanrais  (1;J20  oiiviroii). 

-  Vl)\  .     r)LIArT 


III. 


io 


[    DAI.MATIULE   ]  —    o30    — 

les  solcnnilés,  lorstju'il    était    considéré  comme  un  vêtement  ayant 
un  caractère  sacré. 

Ainsi,  les  rois  de  France  portaient  parfois  la  dalmatique,  notam- 
ment à  un  certain  moment  de  leur  sacre,  lorsque  le  cérémonial  de 
cette  solennité  fut  réglé. 

A. 


Un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale',  dédié  à  Philippe  le 
Bel,  nous  montre  ce  prince  sur  un  trône,  revêtu  de  la  dalmatique 
à  manches  courtes  et  à  capuchon.  Elle  est  bleue,  semée  de  lleurs  de 
lis  d"or  (tig.  4).  Sous  ce  vêtement,  le  roi  porte  une  cotte  rouge,  dont 
on  n'aperçoit  que  les  manches  justes.  Dans  sa  main  droite,  il  tient 
des  gants  blancs. 

On  peut  donner  le  nom  de  dalmatique  à  un  vêtement  très-singu- 
lier qu  il  était  d'habitude  de  porter,  parmi  la  noblesse,  à  la  lin  du 
xiV  siècle.  Cette  époque  est  peut-être  celle  qui,  pendant  le  moyen 
âge,  déploya,  dans  la  coupe  des  vêtements  d'hommes  et  de  femmes, 
la  plus  grande  variété  et  le  plus  grand  luxe.  Après  les  vêtements 
serrés  au  corps  que  les  hommes  portaient  sous  Charles  V,  on  se  prit 


1  Apologues,  liilin  (prciiiin'cs  aiiiu'os  du  xiv''  siùclo). 


ItAI.MATlQLE 


d'un  goùL  prononcé  pour  les  habits  d'une  ampleur  prodigieuse,  et 
telle  qu'on  ne  comprend  pas  comment  on  pouvait  se  mouvoir  sous 
ces  amas  d'étolïe.  Surcols,  peliçons,  houppelandes,  capes,  robes 
fourrées,  dalmatiques,  furent  de  mode  de  1390  à  1400,  et  il  semblait 


que  les  gentilshommes  cherchassent  alors  à  donner  à  ces  habits  le 
plus  d'ampleur  possible.  Cependant,  la  forme  de  la  dalmati(pie  était 
le  plus  rarement  admise.  Voici  (lig.  5)  un  exemple  remaniuable  de 
ce  vêlement,  tiré  du  manuscrit  de  la  Cibliothèijue  in)périale,  intitulé  : 
De  l'informacion  des  roys  et  princes  \  Celte  dalmaticiue  n'a  pas  de 

'  Ce  manuscrit   porte,  à  lu  iirciiiif're    ot  k   la  (IcriiiiTc  \v.\\ii\  la  sij;nalure   di'  .Icaii.  duc 
(le  lîerri,  onde  du  roi  Cliarlcs  Vl. 


I    DKIII.    J  —   oo!i    — 

manches,  mais  est  taillée  sur  les  bords  en  barbes  d'écrevisses.  Le 
devant  du  vêtement  est  seul  attaché  au  corps  par  une  ceinture  noire 
et  blanche,  tandis  que  la  partie  postérieure  reste  tombante.  Sous 
cet  habit  est  la  cotte  à  manciies  justes  et  à  collet  serré,  suivant  la 
mode  d'alors.  Le  gentilhomme  est  coitïé  d'un  chapeau  de  feutre 
noir,  bas  de  forme,  à  larges  bords,  sur  lesquels  sont  posées  des 
plumes  blanches.  Ce  vêtement  devait  être  très-élégant  et  pouvait 
être  porté  à  cheval. 

L'inventaire  du  trésor  de  Charles  V  '  mentionne  parmi  divers 
vêtements  :  «  Ung  dalmalique  de  satin  azuré  semé  de  (leurs  de  lys 
«  orfroisie  (bordé)  à  perles  tout  autour  et  doublé  comme  dessus 
«  (d'un  satin  vermeil)  fermant  sur  les  deux  espaulles  à  quatre  gros 
«  boutons  de  grossettes  perles,  et  en  chascun  diceulx  a  ung  chaston 
«  dung  ballay  dorient  ou  mylieu.  » 

Le  surcot  est  une  dernière  tradition  de  la  dalmatique  appliquée 
aux  vêtements  laïques.  (Voy.  Suhcot.) 

DEUIL,  s.  m.  Lorsque  le  christianisme  fut  triomphant,  les  pre- 
miers docteurs  de  l'Église  prétendirent  modifier  les  usages  de  l'an- 
tiquité romaine  en  fait  de  deuil.  Ils  pensaient  que,  suivant  l'idée 
chrétienne,  les  survivants,  loin  de  manifester  extérieurement  de  la 
tristesse  par  des  vêtements  sombres,  devaient,  au  contraire,  marquer 
leur  foi  en  une  vie  meilleure,  en  la  délivrance  des  misères  ter- 
restres, et  ne  pas  porter  des  vêtements  qui,  par  leur  forme  ou  leur 
couleur  sombre,  pussent  faire  supposer  qu'ils  fussent  affligés.  Les 
pleureuses  et  tout  l'attirail  funéraire  de  l'antiquité  païenne  furent 
supprimés,  mais  les  réformateurs  ne  purent  jamais  obtenir  que  les 
parents  et  amis  d'un  mort  ne  manifestassent  leur  douleur  par  des 
signes  visibles.  Quelle  que  soit  la  foi  en  l'immortalité  de  l'àme,  le 
cœur  humain  ne  pourra  jamais  considérer  la  mort  d'une  personne 
chère  autrement  que  comme  une  séparation  fort  douloureuse,  au 
moins  pour  ceux  qui  restent  ;  ei  l'idée  de  conformer  l'habit  à  l'état 
de  l'esprit  persistera  probablement  tant  que  durera  Thumanité.  Les 
Romains,  pour  pleurer  leurs  morts,  revêtaient  la  togn  pulla  -.  Les 
peuples  d'Orient  se  couvraient  la  tête  et  le  visage. 

Le  noir  fut  donc  admis,  chez  les  peuples  occidentaux,  dès  les  pre- 
miers temps  du  moyen  âge,  comme  la  nuance  qui  convenait  aux 
habits  des  parents  d'un  mort  ;  et,  sauf  de  rares  exceptions,  cet  usage 

1  Bibliolli.  iiiipôr.;  uuimjro  d'urdro  di;  l'iiivcntaire,  .'}444. 
-  Toiffi  pidlu,  vôteincnl  de  couleur  brup.c. 


—   33o   —  [    DEUIL   ] 

persista  jusqirà  nos  jours.  La  forme  des  liahils  de  deuil  ne  fui  pas 
toujours  la  même  que  celle  des  habits  ordinaires  ;  un  les  tint  longs 
et  amples,  ne  laissant  voir  tout  au  plus  ([ue  le  visage.  On  supprima 
les  bijoux,  les  broderies,  la  soie.  Toutefois,  il  ne  parait  pas  que 
celle  coutume  fût  admise  d'une  manière  régulière  avant  la  lin  du 
xiv°  siècle  ;  et  les  usages  des  peuples  conquérants  des  Gaules  persis- 
tèrent assez  lard. 

Les  Germains  ne  pensaient  pas  qu'il  convînt  aux  hommes  de 
pleurer  sur  les  morts,  et  ils  laissaient  aux  femmes  ces  marques  de 
faiblesse'.  On  retrouve  les  traces  de  ces  mœurs  viriles  jusque  dans 
nos  romans  des  xn*"  et  xni°  siècles.  Et  chez  les  femmes  mêmes, 
en  dehors  des  marques  immédiates  de  la  plus  violente  douleur,  il 
ne  semble  pas  qu'il  y  ait  la  pensée  de  manifester  les  signes  de  cette 
douleur  dans  les  habits.  Quand  Raoul  de  Cambrai,  mort,  est  rap- 
porté sur  son  écu  par  ses  compagnons  d'armes  dans  le  palais  de 
.sa  mère,  le  bruit  de  cet  événement  se  répand  partout  : 

"  À  CCS  paroles  viat  Hclvis  sa  iiiic 

M  Abevilc  ot  eu  droite  anceserie  -. 

«  Ccle  pucèlo  fu  riclicmeut  veslic 

'<  El  afiiblée  tfun  pailc  de  Pavic. 

'I  Blanche  char  ot  comme  flors  cspanic  ; 

i<  Face  vermclle  comme  rose  couloric, 

•■  Qui  bien  l'esgarde  vis  est  quêtez  jors  rie. 

n  Plus  bêle  faine  ne  lu  onqnes  en  vie. 

"  El  mostier  entre  comme  femme  csniarie  ' 

••  Isiièlement  a  haute  vois  escric  : 

'<  —  Sire  Raous,  comme  dure  départie  *  !  >> 

Ainsi,  la  maîtresse  du  jeune  comte  est  richement  vêtue  lorsqu'elle 
vient  au  mouslier  où  le  corps  est  déposé.  Mais  les  lamentations  ne 
font  défaut  ni  à  la  mère  ni  à  la  (iancée;  l'une  et  l'autre  se  pâment 
plusieurs  fois  devant  ce  cadavre  ensanglanté,  dont  elles  veulent  voir 
et  compter  les  plaies  comme  faisaient  bnirs  aïeules  les  Germaines  •. 

'  '<  Scimlcrum  cespcs  crigil  :  ni Jiiunii'uloriiMi  arduum  et  opcrosum  lionorcm,  ut 
'<  gravem  defunctis,  adspcrnaulur  :  lamenta  ai:  lacrymas  cito,  doloruMu  et  Irisliliam 
«  tarde  ponuut  ;  feminis  lugcre  honestum  csl,  viris  mominiss?..  »  (Tacite,  Germania, 
c:\\i.  XXVII.) 

2  <i  Pur  droit  île  succssion  ». 

•'  u  Aflligôe  ». 

*  Li  Romans  de  Raoul  de  Camhrai  [Wn  du  xii«  siècl'!)- 

>  «  Ad  uiatres,  ad  coajuges  vuluera  ferunt  :  ni'c  ill  c  iiumi'i'arc,  anl  exsngerc  plagas 
'<  pavi'ut..  .  '■  (raciti',  Genirinia,  i  ap.   mi  ) 


[  DEUIL  ]  —  33  i  — 

Elles  s'ari-aclient  les  cheveux,  se  (léchircnt  le    visage.  Les    choses 
ne  se  passent  plus  ainsi  au  xiv«  siècle  : 

(I  Et  (ie  Tobscquc  aussi  qu'il  fault, 
«  Couscillics-lcs  et  bas  et  liault; 
«  Car  on  doit  faire  k  graut  seigueur 
<<  Son  obseqiie  par  graiit  honneur. 
«  Vcstez  le  noir  comme  il/,  lerout 
«  Et  quant  le  deuil  pa.ssé  auront... 


Et  plus  loin  : 

«  Mais  les  gens  du  chevalier  franc 

u  Furent  adonc  vestus  de  hlanc, 

«  Qu'eu  France  ou  seuil-  veslir  le  noii'  : 

«  Ce  n'est  pas  hourde,  il  est  tout  vnir  ; 

«  C'est  une  chose  si  commune, 

«  Qu'aussi.   C.  [lersounes  comme  une 

«  Cela  clerement  apparceurent, 

«  Le  à  l'enterrement  de  lui  furent  : 

«  De  quoy  moult  de  gens  s'esbaliirenl, 

(1  Pour  ce  (]u'on(]ues  mais  ce  ne  virent. 

<i  l'ourquoy  le  list,  je  ne  le  s(;ay  ■'.  » 

Sous  le  règne  île  Charles  V,  Eustache  Deschamps  écrivait  ces 
vers  : 

(c  Et  s'elle  veull  alcr  au  corps  '. 

u  De  Caullier,  Hersan  ou  JelKinuetle, 

«  Il  li  fault  robe  de  brunelte 

Il  Et  mantel  pour  fan'e  le  dueil-î.  » 

A  la  mort  de  Louis  le  Hutin,  Philippe  le  Long  prit  le  deuil  en 
noir,  non-seulement  sur  ses  habits,  mais  dans  ses  appartements  : 
«  Premièrement.  Pour  4  cendaus  noirs,  pour  faire  2  petites  couste- 
«  pointes,  que  il  ot  quant  nostre  sire  le  roy  Loys  fu  trespassez ''.  » 
Cependant,  cet  usage  ne  paraît  pas  persister  au  commencement 
du  xv"  siècle.  Alors,  si  Ton  en  croit  Aliéner  de  Poictiers',  le  roi  de 

'  Mellusine,  le  Livie  de  Lusignan,  ijocme  composé  dans  le  xiv<^  siè('le,  vers  lO'i. 

*  beult,  a  coutume. 
3  Vers  6123. 

*  «  Au  convoi  ». 

5  Le  Miroir  de  inai iaye. 

8  Compte  de  Geo/jfroy  de  Fleuri,  l."M(i. 

■  Les  Honneias  de  ut  courll't'.VJ  environ). 


—   HSo    —  [    DECII.    J 

France  ne  portait  plus  en  noir  le  (leuil,  fût-ce  de  son  père,  mais  en 
ronge',  «  et  manteau  et  rohbe  et  cliapperon  ;  mais  la  royne  porte 
«  deuil  (en  noir)  ».  Madame  de  Charolais,  fille  du  duc  de  Bourbon-, 
demeura  après  la  mort  de  son  père  six  semaines  en  sa  chambre, 
couchée  sur  un  lit  couvert  de  draps  blancs  de  toile,  et  appuyée  sur 
des  oreillers  :  «  Elle  avoit  mis  sa  barbette  et  son  manteau  de  cliap- 
«  peron,  lesquels  estoient  fourrez  de  menu  vair,  et  avoit  ledit  man- 
«  teau  une  longue  queue  aux  bords  devant  le  chapperon,  une  paulme 
«  de  large,  le  menu  vair  (c'est  à  sçavoir  le  gris)  estoit  crespô 
<'  dehors -*.  »  L'auteur  ajoute  qu'en  grand  deuil,  «  comme  le  marit 
('  ou  de  père,  on  ne  souloit  porter  ny  verge*  ny  gantz  es  mains. 
«  Et  si  faut  savoir  que  la  robbe  est  aussi  à  queue  fourrée  de  noir, 
«  et  le  poil  qui  passe  en  hault  et  en  bas,  le  gris  est  osté  et  ne 
«  voit  oncque  le  blancq  :  et,  durant  qu'on  porte  barbette  et  mantelet, 
«  il  ne  faut  porter  nulles  ceintures  ne  ruban  de  soye,  ne  autre  que 
«  ce  soit 

«  Les  dames  ne  doibvent  point  aller  au  service  de  leurs  marits, 
«  s'il  ne  se  fait  après  les  six  sepmaines  ;  aussi  ne  font  les  princesses, 
«  mais  pour  père  ou  mère,  ouy. 

«  Item,  pour  le  frère  aisné  l'on  porte  tel  deuil  que  pour  père  ou 
"  mère,  et  tient-on  chambre  six  sepmaines;  mais  l'on  ne  couche 
«  point. 

«  Item,  pour  autres  frères  et  sœurs,  on  ne  porte  que  la  barbette 
«  et  le  couvre-chef  dessus.  Générallement  pour  oncles  et  cousins 
«  germains,  le  mantelet  ;  pour  issus  de  germains,  le  touret  et  le 
«  noir. 

«  Et  est  à  sçavoir  que  pour  marit  on  porterai  demy  an  le  man- 
"  teau  et  chapperon.  trois  mois  la  barbette  et  le  couvre-chef  dessus, 
«  trois  mois  le  mantelet,  trois  mois  le  touret,  et  trois  mois  le  noir, 
«  et  tousjours  robbes  fourrées  de  menu  vair  ;  au  lems  passé,  on  ne 
'<  les  portoit  qu'un  an  ;  mais  il  me  semble  que  pour  marit  on  le  doit 
"  porter  deux,  si  l'on  ne  se  remarie.  Item,  pour  père  et  mère  un 
«  an;  pour  aisné  frère  l'on  dit  un  an;  mais  peu  le  portent  si  lon- 
«  guement  pour  aultres  frères,  sieurs  et  aullres  amis",  dcuiy  an, 
'<  trois  mois,  si  lorsque  le  cas  le  requiert 


'  Il  faut  entendre  ici  le  rouge  couunc  pourpre. 

2  Mort  en  14;i(!. 

'  Les  Ho}ineu'-s  de  in  cour. 

'*  .<  Bagne,  anneau  ». 

■'  i<  PiiriMils  ». 


[    ItEL'IL   ]  —   336   — 

((  J'ay  veii  du  lems  passé  que  Princes  et  Grands  Nobles  gens, 
«  ([uand  on  faisoil  le  service  de  leurs  parens,  ils  avoient  queue 
»>  d'une  aulne  ou  de  ti-ois  quartiers,  et  les  cornettes  de  leurs  chap- 
«  perons  aussy  longues,  mais  maintenant  l'on  porte  toutes  courtes 
«  cornettes,  et  aussy  bien  les  princesses  que  les  aullres'.  » 

1 


La  barbette,  ainsi  que  nous  l'avons  e\pli(|uê  à  l'article  Coiffure, 
était  une  bande  de  linge  qui,  passant  sous  le  menton,  s'attacliait 
sur  la  tête  en  couvrant  entièrement  les  oreilles,  et  sur  laquelle  on 
posait  le  voile  formant  guimpe.  Le  manlcau  de  chapperon  était  un 
manteau  avec  large  cbaperon  (lu'on  pouvait  ramener  sur  la  tête 
de  manièi'e  à  caclier   entièrement  le    visage.  Les    queues    au    bord 


'   Les  Ho7Vir.'urs  de  la  cour. 


—   337    —  [   DEUIL   ] 

devant  le  chappcroii  étaient  des  bandes  de  fourrure  (menu  vair, 
le  gris  apparent  seulement)  d'une  paume  de  largeur,  qui  descen- 
daient extérieurement  le  long  des  deux  bords  du  manteau  ouvert 
par  devant  (voy.  Manteau).  Le  touret  était  une  sorte  de  couvre-chef 
ou  chaperon  court  (tîg.  i)\  qu"on  pouvait  ramener  sur    les    veux 


<:-...=.•■ 


A 


ou  relever  sur  le  front.  Ce  touret  n'était  pas  seulement  une  coif- 
fure de  deuil,  on  en  portait  de  couleur  dans  la  chambre.  La  bar- 
bette  et  le  couvre-chef  dessus,  au  commencement  du  xv''  siècle, 
étaient  une  coiffure  composée  de  la  barbette  avec  ou  sans  guimpe 
et  d'une  sorte  de  voile  avec  calotte  sur  le  sommet  de  la  tête  (lig.  2)-. 
Ce  voile,  déployé,  avait  la  forme  tracée  en  A.  On  posait  la  calotte 


'   MiUiiiscr.   liihliulli.  iiup(  r  ,  l'rùhes,  laiiii  (1.3S()  cuvirou;. 
-   Maiiiiscr.  r)ililii)Ui.   iiii|H'r.,  Chiunn/ue-',  Fruissiirt,  l'r;ui(;ais  (l'iiO  cuviroii). 

m.  —  53 


[  DEUIL  ]  -  338  — 

sur  hi  UHe  de  manière  que  le  point  b  fût  placé  au  milieu  du  front, 
puis,  prenant  les  deux  bords  a  a  du  voile,  on  les  ramenait  sur  ce 
point  b,  ou  on  les  attachait  avec  une  épingle. 

L'étiquette  réglant  les  vêtements  de  deuil  pour  la  noblesse  ne 
paraît  pas  avoir  été  lixée  avant  le  règne  de  Charles  V.  Pendant  les  xn"  et 
xni'  siècles,  les  hommes,  aussi  bien  que  les  femmes,  portaient  des 
vêtements  longs,  et  les  vêtements  courts  étaient  réservés  à  la  classe 
inférieure.  Si  Ton  prenait  le  deuil,  la  forme  des  habits  ne  chan- 
geait pas,  et  l'on  se  contentait  de  les  tailler  dans  des  étoffes  de  laine 
sombres  et  de  ne  les  point  orner  de  passementeries.  Mais  lorsque, 
vers  1330,  on  se  mit,  dans  les  classes  élevées,  à  porter  des  vêtements 
serrés  et  courts,  ces  habits  étaient  trop  opposés,  par  lem^  coupe,  à 
celle  qui  convient  au  deuil  ;  on  en  changea  donc  la  forme,  et  les 
vêtements  longs  furent  admis  pour  les  personnes  qui  pleuraient  la 
mort  d'un  proche.  Le  manteau  à  capuchon  fut  considéré  comme 
l'habit  de  deuil  par  excellence,  pour  les  femmes  comme  pour  les 
bommes,  et  ce  manteau,  dépourvu  d'ornements,  doublé  de  fourrure 
grise  avec  passe-poils  blancs,  dut  être  porté  pendant  un  temps  plus 
ou  moins  long,  en  raison  du  degré  de  parenté  qui  existait  entre  le 
mort  et  les  survivants.  Cependant,  les  dames  nobles  portaient,  après 
la  mort  de  leur  époux,  une  coiffure  qui  indiquait  leur  qualité  de 
veuve'.  Cette  coiffure  consistait  en  une  barbette  avec  guimpe  et 
voile  blanc,  et  n'était  point  quittée,  leur  vie  durant,  par  les  femmes 
qui  tenaient  un  rang  très-élevé  dans  la  société.  Ce  n'est  pas  à  dire 
que  cette  coiffure  fût  uniquement  réservée  aux  veuves  de  la  haute 
noblesse  -,  mais  il  est  certain  que  les  reines  mères  ne  la  quittèrent 
pas  à  dater  du  commencement  du  xiv"  siècle.  Un  beau  manuscrit  de 
la  Bibliothèque  impériale  %  écrit  à  la  fin  du  règne  de  Philippe  V,  dit 
le  Long,  contient  une  traduction  de  Boëce  par  Jehan  de  Meung.  Cette 
traduction  est  précédée  d'une  dédicace  ainsi  conçue  :  «  A  toy  royal 
«  magcste  très  noble  prince  par  la  grâce  de  Dieu  roy  de  France 
«  Phelipe  le  Quint  (le  Long),  je  Jehan  de  Meun  qui  jadis  ou  roraant 
«  de  la  Rose  puis  que  Jalousie  ot  mis  en  prison  Bclacueil  enseignai 

«  la  manière  du  cbastel  prendre  et  la  rose  cueillir ,  etc.  »  Or,  la 

miniature  qui  est  en  tête  de  cette  dédicace  représente  l'auteur  Jehan 
de  Meung  écrivant  sur  un  pupitre;  devant  lui  est  une  noble  dame 

'  Voyez  l'arliclc  Coin  rnr;. 

-  Voyez  a  ce  sujet,  ii  l'arlicle  Coikkl-ue  .  liîS  rapi'éscntations  de  princesses  coilïées 
(le  lii  liavelte,  avec  voile  cl  guimpe,  n'ayant  pas  la  qualili'  de  veuves. 

^  Français,  coutcuant  le  U'vre  des  eschez  do  frère  Jehan  de  Vignay,  le  Livre  du  gou- 
venicrncnt  des  rois,  et  la  traduction  de  lîoi'cc  de  .Ican  de  I\Ieung. 


ooy   — - 


[   DEUII.   ] 

tenant  sur  son  bras  droit  plusieurs  livres,  et  clans  sa  main  gauche 
lin  sceptre.  Cette  clame  ne  peut  être  autre  que  Jeanne  de  Bourgogne, 
femme  de  Philippe  V.  Elle  est  coiffée  de  hi  barbelle  a\ec  guimpe  et 


5 


/ 


voile  ou  tourcl  blanc  (hg.  rîj'.  Sous  sa  colle  rouge,  elle  porte  le 
surcot  pourpre  clair  pourhlé  et  garni  par  devant  d"hcrminc  sans 
queues.  Il  est  à  croire  que  ce  livre  avait  été  écrit    du    vivanl    (]e 


1  Ces  coiffures  blanches,  allribudcs  aux  reines  veuves,  qu'on  appela  jilr.s  lard  rfonnf- 
rières ,  firent  donner  a  ces  princesses,  par  le  peuple,  pour  les  ilistinfjucr  des  leiues 
régnantes,  le  nom  de  reines  blanches,  ("est  pouivjuoi  on  voit,  en  France,  tant  de 
domaines,  hôtels,  manoirs,  châteaux,  qui   ont   conservé   la  qualification   donnée  à  celles 

qui  possédai{;nl  ces  douiaines. 


[  nouRi.ET  J  —  H 40  -- 

Pliilippc  V,  mais  que  les  miniaUiros,  qui  toujours  étaient  peintes 
après  le  travail  du  copiste,  ne  furent  faites  qu'après  la  mort  de  ce 
prince,  et  qu'alors,  sans  changer  les  termes  de  la  dédicace,  déjà 
copiée,  Jehan  de  Meung  fit  peindre, au  frontispice,  à  la  place  du  i-oi 
Piiilippe,  l'image  de  sa  femme,  qui  semble  avoir  accueilli  favora- 
blement les  ouvrages  précédents  du  même  auteur. 

Aux  funérailles  du  roi  Henri  V  d'Angleterre,  mort  au  château  de 
Vincennes  en  août  1422,  on  transporta  le  corps  à  Rouen,  en  une 
litière,  tout  vêtu  de  ses  habits  royaux  et  la  couronne  en  tête,  «  et 
<(  devant  le  corps  aloient  80  Englois,  tous  d'estat  et  veslus  de  noir, 

«  tenans  chacun  une  torche  en  leur  main Et  ainssi  entrèrent  à 

«  la  Mère  Église,  compaignez  de  200  autres  bourgois  de  ladite  ville, 
«  chascun  sa  torche  en  sa  main,  et  tous  vestus  de  noir  '.  » 

Vers  la  seconde  moitié  duxv^  siècle,  l'étiquette  voulait  que  les  princes 
du  sang  se  vêtissent  de  noir  pendant  la  cérémonie  des  funérailles 
du  roi  ;  mais,  après  le  service  fait,  le  nouveau  roi  mettait  des  habits 
de  pourpre,  suivant,  dit  Monstrelet,  la  coutume  de  France  -. 

DOUBLET,  s.  m.  {doublez).  C'était  une  sorte  de  chemise  faite  de 
toiles  cousues  en  double,  et  qu'on  portait  ou  sur  la  chemise,  ou  sur 
la  peau.  La  forme  du  doublet  ne  dilférait  pas  de  celle  de  la  chemise  ; 
c'était  une  tunique  commune  aux  deux  sexes,  que  les  nobles  et  gens 
riches  portaient  sous  la  cotte,  mais  qui,  comme  la  blouse,  pouvait 
être  un  vêtement  unique  et  apparent. 

Ces  doublets  étaient  des  chemises  supplémentaires,  chaudes,  que 
l'on  portait  en  hiver  ou  la  nuit  :  «  Pour  monsseigneur  Philippe,  fîlz 
«  le  roy  '\  Pour  la  Toussains,  une  robe  de  marbré  de  3  garnemenz. 
«  Item,  1  peliçon  couvert  de  cendal,  et  2  doublez.  Pour  Nouël, 
«  une  robe  de  vert  gay  de  8  garnemenz  ^.  »  Les  femmes  en  por- 
taient aussi  bien  que  les  hommes  :  «  Gille  Féret,  mercier,  pour  une 
«  pièce  de  toile  de  Reims,  baillée  audit  Thomas  de  Chaalons,  pour 
«  faire,  22  aunes  de  doublez  a  vestir  pour  madicte  dame  •',  a  8  s. 
«  6  d.  l'aune,  18  l.  14  s.  p.  ''.  »  Ces  doublets  étaient  plus  amples 
que  n'étaient  les  chemises,  puisque,  dans  un  compte  de  1389,  il  est 


1  ]>.  C.oclion,  Chron.  itormandc,  chap.  xl. 

-  Cliro7i.  d'Engucrr.  de  Monstrelet  :  Louis  XI  à  la  mort  de  Charle'i  VU. 

'^  Philippe  le  Long. 

■►  Compte  de  Geoffroi  de  Fleuri,  1316. 

s  Blanche  de  Bourhon,  qui  épousa  Pierre  le  Cruel. 

•>  Compte  d'Etienne  de  la  Fontaine,  1332. 


—   341    —  [   ÉCIIARPE    ] 

question  de  «  14  aunes  de  fine  toile  de  Rains  pour  faire  7  chemises 
"  pour  madame  la  Royne  et  14  aulnes  pour  faire  2  doubles  à  veslir 
«  ladictedame  K  » 

Il   y   avait  aussi  les   doublez    à  armer  qu'on   mettait   par-dessus 
l'armure.  (Voyez  la  partie  des  Armes.) 


r^^ 


ÉCHARPE,  s.  f.  {eschnrpe,  eftchcrpe,  escrepe,  eacerpc,  escher- 
pettr,  eskerpe).  Bande  d'étoffe  portée  en  sautoir  et  à  laquelle  était 
suspendue  primitivement  une  escarcelle.  L'écharpe  était  aussi  une 
marque  de  distinction,  un  moyen  de  se  reconnaître  dans  une  mêlée, 
et  plus  tard  un  signe  honorable  : 

'<  De  lîome  viciuR'ut  de  Daiiie-Diu  proicr, 

•<  Escerpe  au  eol  poninic  vaillaus  princiers  -.  » 

Les  pèlerins  portaient  l'écharpe  et  le  bourdon  : 

<■  Desi  en  Bric  ne  pristrcul  onqucs  fin, 

»  En  mi  sa  voie  encontre  un  pèlerin, 

«  L'escharpe  au  col,  el  poing  le  fust  fresnin  -.  •> 

Quand  le  sire  de  Joinville  quitte  son  domaine  pour  s'embarqu(M' 
à  Marseille,  il  envoie  quérir  l'abbé  de  Cheminon  :  «  C.is  abbcs  de 
"  Cheminon  si  me  donna  m'escharpe  et  mon  bourdon  ■....  » 

Renart  se  déguise  en  pèlerin  : 

(.  Or  voit  Renart  ferc  l'estuet, 

«  Escrepe  et  bonion  prent,  si  muet. 

'<  Si  est  entrez  en  sou  chemin, 

'<  Moult  resemble  bien  pèlerin, 

"  Et  bien  li  sist  l'cscrepe  au  coP'.  " 

'  Voyez  le  Glossaire  iiublii'  par  Dou.'t  iTAnq  k  la  suite  des  ('omptes  de  l'nrgeiiteric 
(les  rois  de  Vranec. 

-  Oyier  l'Ardenois,  vers  5887  (xii"  siècle). 

^  Guillaume  d' Orange,  li  Coronemens  Looijf,  édit.  par  M.  W.  .1.  A.  Jonckbloet,  la 
Haye,  1854. 

'  flist.  de  saint  Louis,  publ.  par  M.  Natalis  de  Wailly,  p.   44, 

^  Roman  dur en(u(l,  vers  l.'Mol. 


[   ÉCIIARPK   ]  —   342    — 

L'ccliarpc  cl  le  boiii'don  étaient  si  bien  la  marque  distinctive  du 
pèlerin,  (jua,  quand  les  rois  partaient  pour  la  croisade,  ils  croyaient 
devoir  prendre  solennellement  ces  deux  objets  des  mains  des  évoques 
ou  abbés  : 

«  Quant  li  rois  ot  atourné  sa  voie,  si  prist  s'eskerpe  et  son  bourdon 
«  k  Nostre-Dame  à  Paris  ;  et  li  canta  la  messe  li  evesques  *.  » 

«  Li  rois  Richars  et  li  baron  qui  avoec  lui  en  aloient,  prisent  lor 
«  escherpes  et  lor  bourdons,  si  s'esmurent,  et  passèrent  par  Pro- 
«  vence,  et  entrèrent  en  mer  à  Marselle,  et  syglerent  tant  que  il 
«  vinrent  en  Sezile  2.  » 

Ces  écbarpes  auxquelles  était  suspendue  la  sacoche  ou  Tescar- 
celle  du  pèlerin  n'étaient  qu'une  courroie.  (Voy.  Escarcelle.) 

On  porta  souvent  des  écbarpes  de  couleur  et  même  armoyées,  si 
ceux  qui  les  portaient  étaient  des  gentilshommes. 

Non-seulement  les  écharpes  des  pèlerins  devenaient  au  besoin  un 
signe  de  ralliement,  mais  elles  étaient  l'occasion  de  vœux  entre 
confrères  unis  pour  une  même  fin. 

Lorsiiue  le  sire  de  Caumont  s'en  fut  à  Jérusalem  de  1418  à  1419, 
il  Ut  le  vœu  suivant  :  «  Noper,  seigneur  de  Caumont,  de  Chasteau 
a  Neuf,  de  Chasteau  CuUier  et  de  Berbeguieres,  fais  assavoir  que 
«  j'ay  empris  de  porter  sur  moy  en  devise  une  eschirpe  d'azur,  qui 
«  est  couleur  qui  signifie  loyauté,  à  memoyre  et  tesmoign  que  je  le 
'<  vueille  maintenir.  Et  en  icelle  eschirpe  a  une  large  blanche  3,  à 
.<  croix  vermeillie,  pour  que  mieux  avoir  en  remembrance  le  passion 
«  Nostre  Seigneur.  Et  aussi  en  honneur  et  souvenance  de  monsei- 
«  gneur  Saint  George,  par  tel  qu'il  lui  plaise  moy  estre  en  toute 
«  bonne  ayde.  Et  hault  en  le  targe  ha  escript  :  FERM. 

«  Item,  se  Dieux  faisoit  son  commandement  d'aucun  de  ceux 
«  de  leditte  eschirpe,  se  aucuns  l'aient,  chacun  fera  chanter  trois 
«  messes,  deux  de  requiem  et  une  de  nions.  Saint  George  pour  l'arme 
«  d'ycelluy;  et  moy,  .XX.  Et  oultre  ce  j'ay  establi  et  ordonné  que 
«  se  nuU  de  leditte  eschirpe  perdoit  son  heritaige  et  n'avoit  de  quoy 
«  vivre,  suy  tenus,  là  quant  par  luy  seray  requis,  ly  donner  et  tenir 
«  son  estât  sellon  qu'il  appartiendra  ^.  » 

C'est  donc  un  véritable  ordre  qu'étabUt  le  sire  de  Caumont,  et  le 


I   La  Chron.  de  Rams,  clia]).  xxvi 

-  Hist.  des  ducs  de  Nonnandie  et  des  rois  d'A)i(/.'eierre,  piibl.  par  Fr.  3Iichel.  ISiO. 
•*  «  Ecii  blanc  ». 

*  Voynige  d'oultremer  en  J/iénisa/ein  pnr  le  seicjn.  de  Caumonl,  Ion  1  ilS,  piihl.  par 
11'  marquis  (1(3  la  (iraiii,'(',  pai,'(_'  Ij. 


—   <i43    —  [   ÉPINGLE   ] 

signe  de  Tordre  esl  une  écliarpe.  On  sait  comment,  au  commence- 
ment du  xv"  siècle,  les  gens  du  parti  d'Armagnac  se  reconnaissaient 
à  une  écliarpe  blanche  :  «  En  ce  tems  (1408),  les  gens  du  duc 
«  Charles  d'Orléans  et  du  comte  d'Armignac  estoient  logez  par  delà 
«  Paris  ;  et  alors  on  commença  fort  à  parler  des  gens  au  comte  d'Ar- 
*i  mignac,  pour  ce  qu'ils  esloient  habillez  d'escharpes  blanches,  car 
«  on  estoit  encores  peu  vuille  (on  avoit  encore  peu  vu)  au  pays  de 
«  France  et  de  Picardie  de  telles  escharpes,  et  pour  le  nom  des  gens 
<(  au  comte  d'Armignac  furent  depuis  ce  tems  tous  gens  tenans 
«  party  contre  le  duc  Jean  de  Bourgoingne,  appelez  Armignacs'.  » 
On  donnait  des  écharpes  en  cadeau  ;  les  dames  en  brodaient  pour 
leurs  amis.  Ces  écharpes  étaient  parfois  d'une  grande  valeur. 
Lorsque  Henri  V  passa  k  Rouen,  emmenant  sa  nouvelle  épouse  Cathe- 
rine en  Angleterre,  «  la  ville  de  Rouen  donna  à  la  dicte  royne  une 
«  escreppe  d'or  et  riche  de  pierreries  qui  cousla  10,000  nobles  -  ». 
Les  dames  portaient  ces  écharpes  en  ceinture  ;  les  hommes  les  por- 
taient, armés,  en  sautoir  ou  à  l'entour  du  heaume,  tombant  par 
derrière  (voyez  la  partie  des  Armes);  non  armés,  en  guise  de 
ceinture  ou  autour  du  cou.  Il  ne  faut  pas  confondre  les  escharpes 
avec  les  manches  que  les  hommes  portaient  attachées  au  bi'as. 
(Voy.  Manche.) 

ÉPINGLE,  s.  f.  [espingle,  espillc).  a  Et  s'il  chiet  à  la  dame  une 
((  espille,  il  l'amassera,  car  elle  se  pourroit  affoler  ou  blecer  ^  « 
On  trouve  des  épingles  parmi  les  fragments  gaulois  ;  les  dames 
romaines  en  faisaient  grand  usage,  et  le  moyen  âge  ne  se  Ut  pas 
faute  d'en  mettre  à  profusion  dans  la  toilette  des  dames,  surtout 
à  dater  du  xiV  siècle.  La  mode  des  voiles,  des  guimpes,  des  bar- 
bettes, des  cornes,  exigeait  une  innombrable  quantité  d'épingles, 
et  c'était  à  Taide  de  petites  broches  faites  de  laiton  qu'on  pouvait 
maintenir  ces  agréments  de  tête  et  de  cou,  et  leur  donner  sur  la 
peau  les  plis  convenables.  Les  épingles  qu'on  voit  Jigurées  sur  les 
monuments,  et  celles  qu'on  trouve  dans  des  fouilles  avec  d'autres 
objets  du  moyen  âge,  ressemblent  exactement  aux  nôtres,  mais  sont 
habituellement  moins  fines.  On  en  voit  de  fort  longues,  qui  devaient 
servir  à  la  coift"ure.  Ces  épingles,  très-bien  faites,  sont  munies  d'une 
tète  ronde  un  peu  aplatie,  non  point  rapportée,  mais  faisant  corps 


I  Md/it.  lie  Pierre  de  Feivn. 

■  [■ .  Ciiclioii.  Chroni(/ue  7i'jr>n'inde,  rh:)\\.  xxxvii. 

'■'  Les  Quinze  joi/'i  du  Huiriaiye  :  la  licrce  juyc. 


[    ÉPINGLE   1 


-  3 


44 


avec  le  môUil  de  la  bioche.  Ces  peiils  objets  de  loilcUc  devaient 
coûter  fort  cher.  Jehan  de  Meung,  dans  son  Testament  \  s'élève 
contre  l'abus  des  modes.  Pour  maintenir  les  affiquels  de  tète  et 
de  cou  : 

»  Mes  il  y  a  ircspingles  uuu  demie  cscucUl' 

"   Ficiiios  eu  deux  corues  el  eutor  la  touelle  -  », 

(lil-il. 

<■  Par  Diex!  j'ai  en  mon  cuer  peusé  maiute  liée, 

"  Quand  je  véoie  dame  si  faitement  liée, 

"   Que  sa  touaillc  fust  a  sou  meutou  flouée, 

"   (tu  qu'elle  éust  l'espiugle  dedens  la  char  fichée.  » 

Aussi,  ajoute-t-il  plus   loin,  il  faut  se  garder  de   trop  mirer  leurs 
«  agaiz  »  : 

«   Car  )ilus  puiiigueut  el  pei'ceiit  c'orlie  ue  chardon.  <> 

Les  femmes  avaient  des  épingles  d'or  pour  attacher  les  barbettes, 
les  guimpes,  les  hennins,  les  voiles,  tourets,  et  certaines  coiffures 


1 


basses  portées  par  la  classe  bourgeoise  (Ug.  1)  ^  pendant  le  xV'  siècle. 
On  voit  de  ces  grandes  épingles  figurées  sur  des  statues  (voy.  la 
statue  d'Isabeau  de  Bavière,  déposée  dans  Féglise  abbatiale  de  Saint- 
Denis,  et  à  l'article  Coiffure  la  figure  29). 


'   Fin  de  la  première  nioilii'  du  xiV  siècle. 

-  ((  La  touelle  »,  guimpe  serrée  aulour  du  cou  et  de  la  gorge,  suivant  la  mode  d'alors. 

'  .Manuscr.  lîihlioth.  imiiér..  Miroir  historial,  frauçais  (14'i0  environ). 


—    345   —  [    ESCAliCELLE    J 

ESCARCELLE,  s.  f.  {escharcelle ,  escacel).  L'aumônière  élail, 
ainsi  que  la  ijoiirse  el  la  boursette,  destinée  à  porter  sur  soi  l'argent 
monnayé,  quelques  petits  objets  de  toilette  '.  L'escarcelle  était  plus 
particulièrement  réservée  aux  messagers  et  aux  pèlerins  : 

(<  Si  coin  il  sont  joiaut  et  lii', 

«  EL  deduisaut  et  euvoisiés  -, 

<<  Si  voient  devant  eus  passer, 

"  La  maislre  rue,  et  avaler 

"  .1.  garçon  uiult  bleu  atourui 

1.  Qui  porte  .1.  escacel  duré 

I'  A  .1.  lion  k  sa  çainturc  ; 

'■  Par  devant  eus,  graut  aléure  -*, 

■i  Coni  cil  (jui  a  besoiug  mult  graut, 

H  Passe  la  rue  eu  avalant 

■'  Et  s'en  passe  outre  le  granl  trot, 

"  Que  il  onques  ne  leur  dist  n)ot  '*.  » 

Âmadas  reconnaît,  à  réquipement  et  à  l'escarcelle  de  ce  jeune 
lionmie,  un  messager.   Il  l'arréle  et  lui  demande  d'oîi  il  vient.  Le 


varlel  voit  qu'il  a  alïaire,  non  à  des  bourgeois,  mais  à  des  cbevalicrs, 
et  leur  répond  courtoisement  qu'il  appartient  à  un  seigneur  : 

"  Qui  .1.  tornoieuicul  a  pris 

«  Vers  .1.  sien  voisiu  de  graut  ])ris  ", 

et  qu'il  porte  des  letttrcs  de  convocation  à  tous  ses  amis. 

A  dater  du  milieu  du  \\\°  siècle,  était  habituellement  joint  à  l'es- 
carcelle un  couteau  ou  une  de  ces  dagues  à  pommeau  el  garde  en 

'    Voy.   AUMONIÈItK. 

-  «  Causant  et  gais  ». 

■'  c(  D'uu  hou  pas  ». 

■'  Li  liontfDis  d' Amadas  cl.  Ydoinc,  vers  llIGO  et  suiv. 

III.  —  44 


[    ESCARCELLE   ]  —   346   — 

l'orme  de  disiiiie  et  à  laine  forle,  appelées  miséricordes.  Une  escar- 
lie  avec  couteau  est  représentée  figure  1   ^  ;   une  escarcelle  avec 


ce 


fim^'^tl 


miséricorde  est  portée  dans  la  figure  2  par  un  personnage  vêtu  d'un 

'  Miiiiusn'.    lUbliolh.   imprr.,   le  Livre  des  merveilles  du    monde,  franrais  (dernières 
aiuiée.s  du   xiv^'  sirrle). 


—  347 


[   ESCARCELLE    ] 


ample  surcot  et  coilTé  du  cliaperon  blanc  *.  Ce  surcol  est  pourpre 
clair,  et  les  manches  justes  de  la  cotte  sont  rouges  avec  d'épais  bras- 
sards couleur  feuille-morte.  La  ceinture  de  Tescarcelle,  maintenue 
à  la  hauteur  de  la  hanche  droite,  s'incline  du  côté  gauche.  Le  four- 
reau de  la  miséi'icorde  passe  dans  une  embrasse  attachée  au  cein- 


turon et  est  lixé  par  un  bouton  au-dessus  de  la  partie  ouvrante  de 
l'escarcelle.  La  figure  3  2  donne  le  vêtement  d'un  seigneur  de  la  fin 
du  XIV''  siècle,  avec  escarcelle  attachée  par  une  large  courroie  au- 
dessous  de  la  ceinture  du  corset.  La  miséricorde  engage  le  bout 
du  fourreau  dans  une  fente  ménagée  dans  le  recouvrement  de 
la  sacoche,  afin  de  ne  point  s'accrocher  aux  vêlements.  En  A,  on 
voit  comment  un  bouton  B,  tenant  à  ce  fourreau,  le  suspend  à  l'es- 
carcelle. 


'  3I:uiusir.    l'>ililii)lli.    iiii]irr.,  /('   Livra    de    l'infoiniaciim  ilcs   loys,  tVaiirais.  avec  la 
sigiialui'c  (lu  (lue  de  lirrry,  .Icaii  (lin  ilii  xiV'  si("'cln\ 

-  Maniiscr.  Iiililinlh.    ini|M'i'.,   'J'n'stiin,  l':aiii;ais  (lin  ilii   \\\''  si(''ck'). 


[   ESCARCELLE   ]  —   348    — 

Ces  escarcelles  étaienl  richement  (lécorées  de  broderies,  de  bou- 
lons, de  perles,  si  elles  appartenaient  à  des  seigneurs;  leur  forme 
était  généralement  carrée  du  bas,  les  côtés  à  peu  près  parallèles, 
ainsi  que  le  montrent  les  figures  précédentes.  Si  elles  étaient  rondes 
et  plus  amples  par  le  bas  que  par  le  haut,  elles  prenaient  plutôt  le 
nom  de  bourses  ou  boursettes  à  cul  de  villain  :  «  Item  une  bourse 
«  (le  satanin  à  cul  de  vilain,  à  quatre  escussons  de  France  de  bro- 


/. 


'(  deure.  pourfillez  de  perles,  et  en  la  bourse  troys  boulons  de 
'<  perles.  Au  dedans  sont  deux  sceaulx  pendens  à  une  chayne,  Tun 
.(  où  est  taillé  un  Roy  séant  en  une  chayère  en  son  estât  royal  tenant 
«  les  ceplres,  et  en  l'autre  a  ung  autre  saphyr  beslong  ou  est  taillé 
«  ung  demy  Roy  en  estant  (paré)  tenant  une  espée  en  sa  main  '.  -> 
Ces  bourses  contenant  des  sceaux  étaient  de  véritables  escarcelles 
portées  en  cérémonie  par  le  gentilhomme  chargé  de  la  garde  des 
sceaux  (fig.   4).   Le  noble  cavalier  que  représente  notre  figure  est 


hivent .  des  joyaux  de  Chnries  F,  niamispr.  r>ihlioth.  inipér..  français. 


—  349  —  [  esclaVine  j 

coilTé  d'un  chapeau  vert  fourré,  d\m  surcot  rouge  avec  col  devant 
et  bordure  de  fourrure,  perles  d'or  aux  épaules,  manches  blanches 
à  bourrelets  au  coude  avec  pentes  également  blanches.  Les  man- 
ches serrées  de  la  cotte  sont  de  même  blanches.  La  housse  de  la 
selle  est  violette,  brodée  d'or  '. 

Cet  usage  de  porter  les  sceaux  du  roi  dans  une  escarcelle,  lorsque 
le  prince  se  rendait  à  quelque  solennité,  se  conserva  jusqu'à  la  lin 
du  xvi"  siècle. 

ESCLAVINE,    s.    f.  {esclavie).    Sorte   de  vêtement,  en   forme  de 


casaque,  emprunté  aux  Orientaux  (Sarrazinois),  et  que  les  pèlerins 

'  Maimscr.  liiMioUi.  iniix'r.,  Tite  t^'e,  français  (139 o). 


ESCI.AVINE 


-   3o0 


paraissciil  avoir  adoplé  dès  1(3  xii"  siècle.  Il  est  cerlaiii  (jue  le  nom 
d'esclavine  était  donné  au  vêtement  de  dessus  des  pèlerins  au  com- 


mencement du  Mil*"  siècle,  ainsi  que  l'indiquent  amplement  les  vers 
suivants  : 

.<  Charles  li  rois  k  la  barbe  chcuuc 
<(  Avoit  sa  robe  maiutenanl  clesvcstuc  ; 
"   Uue  esflaviuue  qui  fu  noire  et  velue, 
«  Vest  en  son  dos  sans  nulle  arrest('Hie, 
■<  Son  vis  a  taint  de  suie  bien  molue,    ■ 
«  Prent   .1.  cbapel  de  grant  roe  tortue, 
(1   Et  .1.  bordou  dont  la  pointe  iert  aiguë, 
((  L'escharpe  au  col  qui  bien  estoit  couzue. 
>.  Fransois  en  rient,  quant  l'ont  apereéue, 
«  Naynmes  s'adoube  par  autel  connéue. 


n  Nayumes  s'adoube,  li  sire  de  Baivlcre, 
(i  De  l'esclavinne  qui  fu  grans  et  p'ennicre 


—  3ol  — 

«  vSou  vis  il  taiul  ilo  siiic  de  luaisijre. 
<(  Andiii  s'en  vont  parmi  nue  charriere, 
Cl  Hiiescs  euz  jambes,  de  diverse  luaDiere  ; 
»  N"i  a  celui  qui  ait  sciiicUc  aulicre  ' .  » 


[   ESCLAVINE   i 


Ce  vêtement  était  alors  une  sorte  de  manteau  ressemblant  à  noire 
limousine,  mais  avec  de  larges  manches  et  un  capuchon  (iig.  1).  Plus 
tard  il  est  taillé  d'une  façon  moins  grossière  (lig.  2)  et  n'est  plus 
froncé  au  collet  ;  il  recouvre    les  bras    au  moyen   d'une   sorte    de 


AL.CUlUAUmT 


pèlerine  en  façon  de  larges  manches  - ,  ainsi  que  l'indique  le 
patron  ((ig.  3),  pour  laisser  les  bras  libres  et  les  bien  couvrir  jus- 
qu'au-dessous du  coude.  Notre  ligure  montre  en  A  l'esclavine  par 
devant,  et  en  B  par  derrière.  De  c  en  e,  le  corps  du  vêtement  est 
ouvert  pour  laisser  passer  les  bras  recouverts  par  les  manches- 
pèlerine  cousues  de  e  en  f.  Le  vêtement  est  fendu  devant  et  der- 
rière, et  sur  les  côtés  de  a  en  b. 
L'esclavine  conserve  à  peu  près    la  même  forme    jusqu'à  la  lin 


'  G(ii/(lun,  chanson  de  gi'^U',  vers  '.HtJ'J  et  suiv.  [Anciens  Puâtes  de  la   France,  [nilA. 
sous  la  diri'ct.  (le  M.  (lUi-ssard). 

-  Mamisrr.  Ilihlioth.  iiupi'r.,  /e  Miroir  hisloriul,  t'ranrai-;  (euvirou  l:îiO]. 


[   ESCLAMNE   ]  —   3o-2   — 

du  \iv°  siècle  (lig.  4)  '.  Toutefois  alors,  les  manches,  quoique  Irès- 
auiples  et  taillées  en  façon  de  pèlerine,  se  détachent  du  corps  de 
la  robe. 

Ces  esclavines  étaient  faites  de  grosse  étoffe   de  laine  brune  ou 
noirâtre,  probablement  de  laine  non  teinte  ;  on  les  endossait  aussi 


pour  chevaucher  par  les  temps  de  pluie.  Les  femmes  en  portaient 
en  pèlerinage,  et  la  coupe  de  ce  vêtement  ne  ditïéraii  pas  de  celle 
des  habits  d'hommes,  si  ce  n'est  que  le  capuchon  était  remplacé  par 
une  guimpe  et  un  voile  (fig.  5)  -.  Cette  pèlerine  est  coiffée  du  cha- 
peau de  feutre  fourré  à  longs  poils,  par-dessus  le  voile  blanc  et  la 
guimpe;  l'esclavine  est  de  couleur  gris  foncé,  avec  croix   blanche 


1  Manuscr.  IJiblioth.    iniiicr.,    /es  Merveilles    du    monde,   français  (dernières  auuucs 
(lu  XIV"  siècle). 

-  Mauuscr.  BiblioUi.  iiiipèr.,  Mnoir  histuriul,  fraujais    lliO  cuvii'ouj. 


—    3S3    —  [    ESCOFFION   j 

sur  le  devant  ;  la  cotte,  dont  on  aperçoit  la  jupe  et  les  manches,  est 
violette.   L'esclavine  du  xv«  siècle,  pour  les  hommes  comme  pour 


ffîto,-;,,: 


les  femmes,  est  un  peu  plus  courte  que  celle  du  xiv"  siècle,  et 
fendue  seulement  des  deux  côtés  sous  les  manches,  moins  lonaucs 
que  celles  des  vêtements  semblables  d'une  époque  nntérieun 


re. 


ESCOFFION,   s.   m.    (Juilfui-c  de  femme    usitée  de  i^BO  à    IVIO. 
(Voyez  Con'FuitE.j 


m.    —  i.i 


I    ESCOFI'LE 


—  3o4  — 


ESCOFFLE,  s.   m.  Vètemenl  de  peau  qu'on  endossait  pour   aller 
cil  chasse  : 

«  Ainz  voiil  ou  bois  et  en  rivières, 
'(  Et  comporteul  desor  lor  niot'fles  l 
<<  Lor  coetcs  2  et  lor  oscoftles  3.  » 

La  coupe  de  ce  vêtement  avait  beaucoup  de  ressemblance    avec 

i 


G-...,.., 


celle  de  Tesclavine.  C'était  un  ample  surtout  avec  larges  manches, 

I   (Iros  gauts. 
a  Coiffes. 

»  Le  Dict.  (le  S.  Leocade   pur  ('.Mutier  de  Coiiisi,  vers  1002  et  suiv.  (voy.    les  Ccmtes 
anciens  i)iilil.  jiur  ISarbasaii,   1.   I). 


—  [   ESCOFFLE   1 

hcibituellement  sans  capuchon.  Le  chaperon  créloiïe  étail  posé  par- 
dessus. L'escoffle  le  plus  vulgaire  conservait  au  dehors  le  poil  de 
la  bête  ;  celui  des  gentilshommes  était  fait  d'étoffe  et  doublé  de  peau 
de  loutre.  Le  beau  manuscrit  du  Livre  de  chasse  de  Gaston  Ph(ebus  ' 
montre  des  veneurs  vêtus  de  Tescoflle  (fig.  1).  Ce  veneur  est  coiffé 
d'un  bonnet  de  fourrure  grise  ;  Fescoffle  est  d'étoffe  couleur  gris  de 
fer  doublée  de  peau  de  loutre  ;  le  chaperon  est  rouge.  Ce  vêtement, 
aisé,  devait  être  fort  commode  en  chasse  et  couvrait  parfaitement 
son  homme.  On  observera  que  le  couteau  du  veneur  entre  avec  sa 
gaîne  dans  une  escarcelle  terminée  par  un  allongement  destiné 
à  loger  la  pointe  de  l'arme  à  manche  blanc.  Les  chausses  sont  mi- 
parties,  l'une  rouge  et  l'autre  noire. 

2 


Voici  (fig.  2)  un  autre  veneur  à  cheval  tiré  (hi  même  manuscrit. 
Il  est  vêtu  de  l'escoflle  avec  petit  capuclion,  ce  qui  n'est  pas  ordi- 
naire. 


I    lîibliolli.   iiiiijoii  ,  lin  (lu  xiV  sirrl( 


[   KTOIFES    ]  —   356   — 

Les  manches  de  ce  vêtement  taillé  clans  une  étolïe  verte*  sont 
très-amples  et  laissent  voir  la  doublure  de  peau  de  loutre.  La  jupe 
est  fendue  par  devant,  très-haut,  afin  de  ne  pas  gêner  le  cavalier; 
elle  est  également  fendue  par  derrière,  mais  seulement  pour  per- 
mettre d'enfourcher  la  selle.  Le  chapeau  est  de  feutre  gris,  et  les 
longues  basses-chausses,  de  cuir,  bouclées  en  dehors  latéralement 
sont  surmontées  de  genouillères  amples ,  également  de  peau,  des- 
tinées à  empêcher  la  pluie  de  pénétrer  entre  les  hautes  et  basses- 
chausses.  Le  cor  est  suspendu  à  la  guige  de  cuir  noir  avec  clous 
d'argent.  Une  ceinture  avec  couteau  serre  la  taille.  En  temps  de 
pluie,  ces  longues  manches  pouvaient  couvrir  entièrement  les  avant- 
bras  et  les  mains.  On  ne  peut  nier  que  cet  habillement  ne  fût  mieux 
approprié  à  la  chasse  h  courre  que  n'est  celui  adopté  dans  le  dernier 
siècle,  et  repris,  on  ne  saurait  dire  pourquoi,  de  notre  temps,  par 
les  amateurs  de  ce  noble  exercice. 

ÉTOFFES  {tissus  pour  vêtements).  Nous  n'avons  pas  ici  à  faire 
Ihistoire  des  étoffes,  ce  sujet  comporterait  une  étendue  et  des  déve- 
loppements que  notre  Dictionnaire  ne  permet  pas.  Nous  nous  bor- 
nerons à  mentionner  les  étotïes  employées  en  Occident  pendant  la 
période  du  moyen  âge  qui  nous  occupe.  Nous  placerons  en  pre- 
mière ligne  les  étoffes  de  soie. 

Ces  étotïes  furent  longtemps  impoi'tées  d'Orient.  Constantinople. 
Jérusalem,  quelques  villes  grecques  étaient  les  entrepôts  de  ces 
étoffes,  et  les  plus  belles,  prohibées  à  l'exportation,  n'étaient  four- 
nies à  l'Occident  qu'à  titre  de  présents  diplomatiques  -.  Les  Vénitiens 
et  les  Juifs,  dès  le  temps  de  Charlemagne,  faisaient  seuls  le  com- 
merce des  étoffes  de  soie.  Jusqu'au  w^  siècle,  les  Vénitiens  possé- 
daient des  comptoirs  à  Limoges,  à  Périgueux,  et  de  là  répandaient 
les  étoffes  orientales  sur  le  territoire  français  et  jusqu'en  Angleterre. 
Toutefois  ces  tissus,  dont  il  reste  quelques  précieux  fragments, 
étaient  d'un  prix  trop  élevé  pour  être  portés  par  la  classe  moyenne. 
Les  grands  seigneurs  seuls  pouvaient  se  permettre  un  pareil  luxe.  Ce 
fut  au  xn^  siècle,  après  l'expédition  de  Grèce  par  Roger,  roi  de  Sicile, 
que  la  fabrication  des  tissus  de  soie  cessa  d'être  un  monopole  fructueux 

'  Les  vêtements  do  oouleur  vert  clair  ('taieut  adoptés  par  les  chasseurs,  afin  de 
mieux  dissimuler  leur  présence  au  milieu  des  bois.  Dans  le  Livre  de  chasse  de  Gaston 
IMio'hus,  tous  les  valets  de  chiens  sont  complètement  vêtus  de  vert,  sauf  les  houseaux, 
qui  sont  faits  de  cuir  fauve. 

2  Francisque  Michel,  Recherches  sur  les  étoffes  de  soie,  d'or  et  d'argent,  pendant  le 
moyen  ùye,  t.  1.  p.  63. 


—    357    —  [   ÉTOFFES   ] 

pour  les  manufactures  de  l'Orient.  Ce  prince  amena  en  Sicile  des 
esclaves  grecs,  ouvriers  en  soie,  les  installa  à  Palerme,  el  leur 
ordonna  d'enseigner  à  ses  sujets  l'art  de  tisser  la  soie.  Cette  fabri- 
cation s'étendit  bientôt  h  l'Italie  et  gagna  peu  à  peu  tout  l'Occident. 
Les  croisades  entreprises  pendant  le  \n^  siècle  contribuèrent  à  ré- 
pandre l'art  du  tissage  de  la  soie  en  Italie,  en  Provence  et  même 
dans  le  nord  de  la  France.  Un  auteur  dont  l'autorité  ne  peut  être 
récusée,  M.  Amari,  prétend  môme  que  la  fabrication  des  tissus  de 
soie  était  florissante  en  Sicile  au  temps  de  la  domination  des  Arabes, 
c'est-à-dire  avant  la  conquête  des  Normands.  Le  fait  paraît  probable, 
et  les  captifs  amenés  par  Roger  n'auraient  fait  que  donner  plus 
d'extension  à  cette  fabrication.  Cependant  M.  Francisque  Micbel  ' 
combat  cette  opinion  en  s'appuyant  sur  ce  que  les  émirs  de  Palerme 
envoyèrent  à  Robert  Guiscard  des  présents,  parmi  lesquels  se 
trouvaient  des  «  pailles  copertez  à  ovre  d'Espaingne^  »,  S'ils  recou- 
raient à  l'Espagne  pour  se  procurer  des  étoffes  de  soie,  c'est  qu'ils 
n'en  fabriquaient  pas  chez  eux.  Mais  ces  étofïes  pouvaient  être  plus 
riches  que  celles  tissées  en  Sicile.  La  culture  du  mûrier  et  l'établis- 
sement de  magnaneries  sont  attribués  également  au  règne  du  roi 
Roger,  et  à  la  fin  du  xn°  siècle  les  étoffes  provenant  des  métiers 
palermi tains  étaient  estimées  tout  autant  que  celles  d'Orient.  Non- 
seulement  l'or  se  mêlait  h  la  soie,  mais  les  pierres  précieuses  et  les 
perles.  L'une  des  deux  tuniques  dites  de  Charlemagne,  et  conser- 
vées à  Nuremberg,  est  certainement  de  fabrique  sicilienne,  et  date 
de  l'année  1181,  suivant  l'inscription  latine  tissée  dans  une  de  ses 
bandes.  Les  Lucquois  passent  pour  avoir  exercé  les  premiers  l'art  de 
tisser  la  soie,  après  les  Paiermitains,  vers  le  milieu  du  xin''  siècle. 
Cependant  on  fabriquait  des  draps  de  soie,  à  Venise,  bien  avant  celte 
époque,  et  dès  la  fin  du  xn"  siècle  le  tissage  de  la  soie  était  pratiqué 
en  France  : 

i<  Ainz  tissent  poihis  cl  Ijutiis 
«  Et  (Iras  de  soie  à  or  Iwitiis, 
<(  Si  font  trop  riches  pav(;illons. 
'i  Parfoy  de  diverses  façons  ^    » 

Ce  qu'on  ne   saurait  mettre  en  doute,  c'est  qu'au  xiv"  siècle  la 
fabrication  des  divers  tissus  de  soie,  et  même  du  velours,  était  fio- 

'   Recherches  sur  les  étoffes  de  soie,  t.  I,  p.  76. 

-  L'Ystoire  de  H  Normant,  par  Aim';,  liv.  V,  eliap.   xxiv,  édil.    ile   M.    ClinnipolliDU, 

p.  i;n. 

3  Roman  de  Perceval,  mannscr.  de  la  liihliolli.  Million..  Snppl.  fr.,  n"  430. 


I    ÉTOFFES   ]  —    3o8    — 

rissanto  en  France,  puisque  les  comptes  de  celte  époque  mention- 
nent des  pièces  nombreuses  de  ces  étoffes  commandées  à  des  ouvriers 
en  drap  de  soie  de  Paris,  en  velours.  Toutefois  la  matière  première 
devait  être  importée,  et  elle  coûtait  très-cher.  La  Provence  seule,  avec 
ritalie,  en  fournissait.  Parmi  les  étoffes  de  soie  le  plus  habituelle- 
ment employées  ponr  les  habits,  nous  citerons  le  cendalei  \esamit. 
Le  cendal  paraît  avoir  été  un  taffetas  ;  c'était  certainement  une 
étoffe  plus  légère  que  le  samit,  puisqu'elle  coûtait  moins  cher  et 
qu'on  s'en  servait  pour  faire  des  bannières,  des  gonfanons  et  des 
oriflammes.  Les  hommes  aussi  bien  que  les  femmes  portaient  des 
robes  de  cendal  : 

"  Trestoute  joi'  sout  nos  Franc  séjourné, 

et  Cevaus  acatent  et  palefrois  asès, 

"  Keubes  fout  faire  de  pailc  cl  de  cendés  ; 

u  Moult  gcnliiii  'ul  se  sont  fait  atorner  ' .  '■ 

Le  cendal  était  de  toutes  couleurs,  en  plein  et  aussi  rayé  de 
deux  et  trois  nuances.  La  nuance  la  plus  estimée  était  celle  qu'on 
obtenait  par  la  teinture  en  graine  (cochenille),  et  qui.  par  consé- 
quent, était  l'écarlate.  Cette  teinture  s'appliquait  à  plus  forte  raison 
au  samit.  Le  cendal  noir  était  le  moins  prisé  :  c'est  avec  un  manteau 
de  cendal  noir  que  le  roi  saint  Louis  venait  se  promener  au  jardin 
de  Paris  -. 

Le  cendal  tiercelin,  qu'on  appela  délinitivement  tiercelin  tout 
court,  paraît  avoir  été  plus  estimé  que  le  cendal  ordinaire  ;  peut- 
être  était-il  plus  fort.  On  peignait  des  armoiries  sur  tiercelin,  au 
xv^  siècle,  soit  pour  des  vêlements  de  parade,  soit  pour  des  éten- 
dards. Le  cendal  à  or  battu  était  recouvert  de  feuilles  d'or  décou- 
pées et  collées  sur  l'étoffe  au  moyen  d'un  mordant.  Le  cendal  était 
souvent  employé  comme  doublure,  ce  qui  prouverait  sa  souplesse  et 
sa  légèreté. 

Le  samit,  du  latin  exuinittis,  était  une  étoffe  de  soie  épaisse,  com- 
posée de  six  tils,  le  plus  souvent  blanche,  verte  ou  rouge,  et  qui 
n'était  portée  que  par  la  noblesse  pour  faire  des  bliauls,  des  robes 
de  dessus  et  manteaux.  On  enrichissait  cette  étoffe  de  broderies  ; 

«  Gcntemcnt  estoient  parées, 

»  Vcstucs  de  saniis  vermeil, 

'<  Ains  ne  vi  plus  ric.e  appareil  ■>.   >. 

'    Hno7i  de  lioideimx,  vers  SCliS  (!t  suiv.  (lin  du  xii''  siècle). 

-  Joinville. 

•'  Li  Hournuns  don  cJuistclaùi  de  Coud,  vers  S9j  (xiir  sièele). 


—    3o9    —  [   ÉTOFFES    ] 

«  La  veist-on  soiir  liourduis 

"  Dames  vestucs  de  saniis, 

■c  D"ortï-ois  et  de  pourpres  parées  '.  ^ 

"  Il  et  tout  li  VermeudisiL'ii 
«<  Erent  vestu  et  tuit  li  sien 
«  De  saillis  vers  très  bien  ouvré 
'■  Tous  senienchiés  d'aigle  doré  ; 
<<  C'estoient  moult  bel  parement  -.   " 

Par-dessus  l'armure  de  mailles,  les  chevaliers  porlaieiiL  des  colles 
longues  de  samit  dès  la  fin  du  xu"  siècle  : 

<(  Couvert  fu  de  samit  du  ehief  jusqu'au  talon. 
«  Et  portoit  seur  sa  lance  l'oritlambe  Kallon, 
Que  Kalles  *  ot  en  l'ost  de  devant  Roussillou  '\  » 

De  ces  étoiïes,  les  plus  précieuses  étaient  celles  que  l'on  expor- 
tait d'Orient.  Elles  avaient  conservé  leur  réputalion  alors  qu'on 
en  fabriquait  depuis  longtemps  en  Occident  : 

'<  Et  les  fist  au  monter  vestir 

<i  Des  plus  riches  samit?,  de  Tyr 

'I  Que  Ton  pot  trover  pour  argent-''.  » 

Au  Mv«  siècle,  une  cotte  est  faite,  pour  le  sacre  du  roi  IMiilippe  le 
Long,  d'une  pièce  d'un  demi-samit  vermeil  d'estke  et  est  doublée 
de  cendal  vermeil  ''.  Le  samit  d'estive  ou  d'été  était  évidemment  un 
samit  léger,  mais  plus  épais  cependant  que  n'était  le  cendal.  Ce  qui 
prouve  la  force  du  samit,  c'est  qu'on  en  couvrait  les  carreaux  et 
coussins  pour  mettre  sous  les  pieds,  qu'on  en  faisait  des  baudriers 
et  couvertures  de  fourreaux  d'épée  :  «  Item  pour  une  aune  de 
«  samit,  baillé  celui  jour  audit  Nicholas,  pour  faire  fourriaus  et 
«  renges  à  espées,  32  s.'  ».  Les  samils  étaient  brodés  ou  brochés, 
dorés  ou  argentés  à  la  feuille,  comme  Tétait  souvent  h;  cendal. 
Nous  possédons  encore  quelques  fragments  de  samit  sur  d'anciennes 
couvertures  et  gardes  de  manuscrits.  —  On  employait  habiluelle- 

'  Li  Roumans  duu  chastelain  de  Coud,  vers  lOlii. 

-  Ibid.,  vers  1807. 

^  (-liarlemagne. 

■'  Gui  de  Nanteuil,  vers  2113  et  suiv.  (xiir  siè<:lc\ 

•'  Méraugis  de  Porttesguez,  publ.  par  M.  Michelaul,  p.  Kl. 

'■'  i'ompte  de  Geoffroij  de  Fleuri/,  il!''  partie.  1'"  s'ctiiiu. 

'  Ibid. 


[    ÉTOFFES    ]  —    360    — 

ineiil  le  samil  à  cet  usage.  —  Ces  fragments  ressemblent  beaucoup  au 
satin,  sauf  le  brillant,  et  sont  tisses  en  elïet  de  six  fils  ;  ils  sont  sou- 
ples au  loucher  et  épais.  On  fabricpie  encore  en  Syrie  des  étoffes 
absolument  semblables.  Le  samit  en  gi-aine,  qui  paraît  avoir  eu  le 
plus  de  prix,  était  payé,  d'après  le  compte  d"Élienne  de  la  Fontaine  \ 
20  écus  la  pièce,  ce  qui  est  presque  le  double  de  ce  que  coûtait  une 
pièce  de  cendal  -. 

La  chasuble  de  saint  Thomas  Becket,  dont  nous  donnons  la 
description  à  l'article  Chasuble,  est  taillée  dans  un  samit  violet 
sombre  décoré  d'ornements  brodés  au  moyen  de  lils  d'or  plats  ^ 
La  planche  IV  donne  un  détail,  grandeur  d'exécution,  de  ces  bro- 
deries sur  la  poitrine,  à  droite  et  à  gauche. 

Il  est  difficile  de  savoir  si  l'on  donnait  un  nom  spécial  aux  étoffes 
de  soie  à  dessins  de  diverses  nuances  obtenues  par  le  tissu.  Ces 
étoffes  sont  tantôt  appelées  draps  de  soie,  ouvrages  de  Damas,  et 
au  xiv°  siècle,  camocas.  —  Conslanlinople  fabriquait  beaucoup  de  ces 
sortes  d'étoffes,  et  les  fragments  trouvés  dans  la  châsse  de  Charle- 
magne,  à  Aix-la-Chapelle  (planche  V),  représentant  des  éléphants 
dans  des  cercles  '^  sur  fond  rouge,  sont  certainement  de  fabrication 
byzantine.  Nous  citerons  aussi,  parmi  ces  étolïes,  un  admirable  tissu 
provenant  d'une  chasuble  déposée  dans  l'église  Saint-Sernin  de 
Toulouse,  et  qui,  bien  que  d'une  époque  postérieure  au  précédent, 
n'en  est  pas  moins  de  provenance  orientale  (planche  VI).  Ce  tissu  a 
la  force  et  l'apparence  d'un  salin  épais,  mais  plus  mal.  Il  représente 
des  paons  affrontés  ayant,  suivant  une  antique  tradition  orientale, 
Vhom  entre  eux  deux.  Une  inscription  dédoublée  comme  le  dessin, 
est  tracée  sur  le  listel  servant  de  sol  aux  paons  ■.  La  teinture  des 
fils  de  soie  de  ce  tissu  est  merveilleusement  belle  et  bien  conservée. 
C'est  au  xn"  siècle  que  celte  chasuble  paraît  avoir  été  faite;  l'étoffe 
doit  donc  appartenir  au  moins  à  celte  époque.  Le  suaire  déposé 
au  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens  (planche  VII),  qui  représente  des 
oiseaux  et  des  gritïons  dans  des  cercles  bleus  sur  fond  pourpre, 
avec  quelques  parties  rouges,  est  un  tissu  de  même  genre,  mais  qui 
pourrait  être  de  fabrication  sicilienne,  ce  que  ferait  supposer  la 
fausse  inscription  cufique,   qui   n'est  là  qu'une  ornementation.  Cet 

'   1332. 

2  Voyez  la  Notice  sur  iex  comptes  de  l'argenterie,  par  M.  Doucl  d'Arc;]. 
^  C'est  la  pourpre  uoirc  des  aiicious,  jiurpiva  livida. 

*  Voyez  rcnseinble  de  ceUe  étoffe    dans    les  Mélanyes  archéologiques,    pnld.    [lai'  les 
\\.  I*.  Marliu  el  Cahier. 

•'  «  El  I>auaca-t-el-Ka.mii,aii  »  (bcnédicliou  parl'ailc). 


Tome  3        DICTIONNAIRE  DU   MOBILIER   FRANÇAIS        Vèltments  PL  11 


VioHet  Le  Duc  dej 


'■  Dtiput.'!  lu  h 


ETOFFE  DE  LA  CHASUBLE  DE  THOMAS  BECRET 


y' A  Uorel&C'ediieurs 


Tome 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANCAIS- 


F.tnffe  PL  V 


Carrcise  de! 


!ir!  L:  Dur  ,l„-r-  v 


DE  LA  CHASSE  DE  CHARLEMAGNE 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  ERANÇAIS 
Tome  3  Etoffe  PI  VI 


Carrcss  e    del 


Bkard,  hth 


CFiASUBLE 


V^.^A,NIûRELetC'Tdueurs 


Imp.  R  Engalmann  Paris 


Carresse  del 

Viollet-Le  Vue  dwex 

SUAIRE 

EBeau  hlh 

\r'=AMOREL«cC'^  éditeurs 

Imp.R  Hng^jHtfnn  Pvis 

Tome  3 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 


Etoffe  PLVin 


Cacre&se  ici 


E.Bedu  Lth 


SUAIRE 


V^^AMOREL^C'^  éditeurs 


'mp  R  Pnyelmrtnn  P«ri.v 


—   361    —  [    ÉTOFFES    ] 

usage  de  placer  des  inscriptions  dans  les  tissus  venus  de  la  Grèce 
se  perpétua  fort  lard.  Dans  la  fabrication  occidentale,  il  est  fait  men- 
tion, dans  les  inventaires,  d'étofîes  à  lettres  grégeoises.  Les  Occi- 
dentaux ne  se  firent  pas  faute  de  remplacer  souvent  Fimitation  des 
lettres  arabes  par  des  inscriptions  latines*;  mais,  les  étoffes  impor- 
tées d'Orient  étant  toujours  les  plus  estimées,  il  n'est  pas  surprenant 
que  les  fabriques  siciliennes  et  italiennes  aient  reproduit  long- 
temps des  inscriptions  cutiques  dans  leurs  tissus,  afin  de  les  vendre 
plus  cher,  en  faisant  ainsi  croire  aux  acheteurs  qu'ils  étaient 
de  provenance  orientale.  Évidemment,  ces  fabriques  italiennes  ne 
cherchèrent,  au  début,  qu'à  faire  de  la  contrefaçon  orientale  ; 
et,  jusqu'à  la  fin  du  xni"  siècle,  il  ne  paraît  pas  que,  pour  les 
étofi'es  de  soie  du  moins,  les  fabriques  occidentales  aient  tenté 
d'adopter  des  dessins  étrangers  au  style  grec,  persan  et  égyptien. 
Un  morceau  de  camocas  déposé  dans  le  trésor  de  la  cathédrale  de 
Troyes,  et  qui  semble  appartenir  au  commencement  du  xiv"  siècle, 
écliappe  à  cette  infiuence  (planche  VIII).  C'est  un  beau  tissu  souple, 
épais,  fond  blanc,  avec  dessins  brochés  rehaussés  de  fils  d'or.  «  Pour 
«  ce  qui  est  du  camocas,  dit  M.  Francisque  Michel  -,  le  prix  n'en 
«  était  guère  moins  élevé  que  celui  des  draps  d'or,  au-dessous 
«  desquels  cependant  on  serait  tenté  de  le  placer  dans  la  hiérarchie 
c  des  tissus.  On  l'employait  à  faire  des  vêtements,  nommément  des 

«  corsets mais    surtout    des  ornements  sacerdotaux Il    y 

«  avait  du  camocas  blanc,  noir  semé  de  gouttes  blanches,  bleu, 
«  vert,  rouge,  violet,  rayé,  blondel,  cendré,  plombé,  à  couleur  de 
«  fleur  de  pêcher,  vermeil,  avec  de  petits  besants  jaunes;  il  y  en 
«  avait  aussi  dont  les  raies  étaient  d'or  et  d'argent  :  mais  cette 
«  étoffe  représentait  plus  habituellement  des  oiseaux.  En  usage 
«  en  Orient,  si  l'on  peut  ajouter  foi  à  Mandeville  et  à  Clavijo,  le 
«  camocas  venait,  non-seulement  de  l'île  de  Chypre,  mais  encore, 
«  selon  toute  apparence,  de  la  Grèce  ;  du  moins  le  terme  y.a\xouy3.c, 
«  y  était  répandu,  avec  la  signification  de  drap  de  soie  ou  de  coton 
"  fabriqué  à  la  façon  de  Damas.  »  Dans  les  Comptes  de  Geoffroij  de 
Fleury  ^  on  lit  '*  :  «  Pour  2  fourrures  de  menu  vair,  lenanz  chascune 
«  226  ventres,  14  d.  pour   ventre,  pour    une    robe    de    (luamocau 


'   Voyez  l:i  rlKisulilr  (lili;  ili'  Sailli  Itmiiiiiiiinn  ([ilaiiclii'  III). 

-  Sur  le  coDunerce,  lu  /nOriadwn  et  l'usiKje  des   étu/f'as   de  soie,  d'or  cl  d'argent, 
t.  H,  I).  171. 
3  l.ylG. 
'•   I)(,'iixi(''iiir  ]iai'lir.  arl .    i. 

III.  —  i(i 


[   ÉTOFFES    ]  —   3(>2    — 

«  que  il  oL  à  Lions,  an  sacre  notre  père  le  pape »  —  <(  Pour 

«  3  kamokaus  uzurez,  IjroJcz  dessus  des  armes  de  France,  délivrez 
«  à  Jehan  le  Bourguignon,  le  nii^  jour  de  décembre,  pour  faire  une 
«  cote  et  i  mantel  à  la  royne,  8  1.  pour  pièce,  vallent  24  1.  '.  » 

L'étolTe  brochée  que  donne  la  planche  VIII  ne  paraît  pas  appar- 
tenir, par  le  style  de  son  dessin,  à  la  fabrication  orientale.  Quant 
aux  pniles  de  Damas,  bien  que  divers  auteurs  aient  prétendu  que 
les  étoffes  provenant  de3s  fabriques  de  cette  ville  aient  été  importées 
en  Occident  dès  Tépoque  mérovingienne,  il  n'en  est  fait  mention 
chez  nous  qu'au  xiv«  siècle.  11  est  vrai  qu'on  donnait  alors  le  nom 
de  paik's  de  Damas  h  des  étoffes  qui  ne  paraissaient  pas  avoir  de 
rapport  avec  ce  qu'on  appelle  auj(mrd'hui  damas,  mais  à  des  tissus 
de  suie  de  diverses  couleurs  ou  brochés,  à  des  brocarts  d'or  et 
d'argent  : 

«  Or  chevauche  le  roy  île  Chip[ii'e, 

'c  Qui  n'est  ]ias  vestuz  de  drap  d'Ippre, 

(1  Mais  d'un  ihvip  d'or  t'ait  à  Damas  2.  n 

Du  reste,  les  textes  offrent  les  plus  étranges  confusions,  s'il  s'agit 
de  désigner  les  provenances  des  étoffes  orientales.  Il  est  parfois 
question  de  pailes  d'Inde,  et  même  d'étoffes,  qui  proviennent  d'une  île 
habitée  seulement  par  des  femmes  dirigées  par  des  fées.  Les  étolîes 
de  soie  changeantes  sont  souvent  celles  qui  passent  pour  être  fabriquées 
par  ces  ouvrières  privilégiées  ou  par  des  nains.  Dès  le  xn""  siècle, 
les  étoffes  à  reliefs  changeants  étaient  connues  ^  ainsi  que  le  marque 
un  passage  d'Alain  de  Lille.  Elles  étaient  très-communément  em- 
ployées, pendant  les  xiv"  et  xV  siècles,  dans  les  habillements  des 
femmes,  et  alors  on  en  fabriquait  à  Venise,  dans  quelques  villes 
d'Italie,  en  Espagne  et  même  en  France. 

Parmi  ces  étoffes  de  soie,  il  faut  citer  le  siglaton,  qui  semble 
avoir  les  mêmes  qualités  que  le  samit  et  servir  aux  mêmes  usages  : 

■c  Varochcr  fait  despoillicr  environ . 

'<  Puis  rovestir  d'un  riehe  svslaton  '•.  » 


'   lliiil.,  2*^  section,  art.  :i. 

-  Guillaume  de  Machau,  la  Prise  d'Alixandre. 

'■'  On  sait  que  ces  niiroileuieuts  variés  de  tous  sont  obtenus  ]iar  uue  ti-anie  d'une  cou- 
leur et  une  chaîne  d'une  autre. 

^  Macaire,  vers  2517  (xiir'  siècle)  [les  Anciens  l'uijtes  de  la  France,  puhl.  sous  la 
dirccl.  de  M.  CiUi'ssard). 


—    363    —  r    ÉTOFFES 


<'  Viut  à  sa  mère,  qui  clcre  ol  lu  asoii, 

i<  Les  liiens  cope  entor  ol  cuviioii, 

u   Vestir  li  fait  .1.  vciiiR'il  syylalou'.   >> 

On  en  faisait  des  pennons  : 

"  lirandit  la  haiislc  clou  vermeil  syglnlon  ^..  >• 

des  manteaux  : 

"  Et  le  saisi  au  pan  dou  syglaton^.  » 

(.  El  lions  mantiaus  forrez  de  syglatons  '•.  » 

Celte  étolîe  était  d'autant  plus  estimée,  qu'elle  passait,  comme  le 
samit,  pour  avoir  été  importée  d'Orient.  On  en  faisait  aussi  venir 
d'Espagne  : 

"  Et  loi-  donuoit  grans  dons,  car  de  biens  est  garnie, 
«.  Les  biaiis  cevaus  d'arabes,  et  les  muls  de  Surii'. 
«  Les  siglatons  d'Espagne,  les  pales  d'Auniarie-'.  » 

Le  siglaton,  comme  le  cendal  et  le  samit,  paraît  avoir  été  une 
étoffe  unie  ;  les  étoffes  de  plusieurs  couleurs  ou  brochées  sont  dési- 
gnées généralement  par  le  mot  paile,  pesle. 

Les  noms  de  paile  roé  (paile  ou  drap  de  soie  rayé)  reviennent 
frétjuemment  dans  les  textes. 

Les  pailes  (étotïes  très-riches  de  soie)  paraissent  provenir  de 
l'Afrique  ou  plutôt  de  l'Egypte  ''  : 

H  Si  fu  vestuc  d'un  paille  ;iutlViqiiant '.  ■■ 

«  Son  elia|iel  n'ierl  ])as  de  t'estus, 

«  Ainz  esloit  d'un  noir  sebclin, 

»   Couvei-t  d'un  jiaillc  alcxamlrin  *■'.  '> 


'  Gnijflon,  vers  VolS,  (xiii^'  sicele)  {/es  anciens  Poi-les). 

«  Ibid.,  vers  rj331. 

»  Ibid.,  vers  100!);;. 

'*  Ibid.,  vers  lOloj. 

•'•  Li  Romans  d'Alixandre  :  Enfance  d'Alixandtc,  p.  'i,  vers  22  (.xm'"  siècle). 

^  Alexandrie  exportait  beaueoup  de  ces  tissus  de  soir. 

"^  ikmtaii  iT Anhri  le  liouignifiniin. 

**  fUitiiini  de  Veiceral , 


[   ÉTOFFES    ]  -    364 


f 


M  Alixaiidi'os  li  rois  fu  levés  par  uiiitiii 

'<  Vestus  d'une  ccniise  dcliic  de  lin, 

«  Kl  {■aiici's  unes  cauccs  de  pale  alixandria  '.  » 

M.  Francisqnc  Michel  -  fait  observer,  avec  raison,  que  la  ville 
d'Alexandrie  n'était  que  l'entrepôt  de  ces  étoffes,  qui  étaient  fabri- 
quées en  Grèce,  en  Syrie,  en  Perse,  dans  l'Inde.  On  tissait  aussi  des 
pailes  de  soie,  d'or  et  d'argent,  en  Espagne,  à  Âlmeria  (Aumarie), 
ainsi  que  le  prouve  la  citation  tirée  du  Romans  cVAlixandrc. 

Les  draps  d'or  de  Frise  étaient  aussi  considérés  comme  très-pré- 
cieux. Est-il  question  de  la  Frise,  province  des"  Pays-Bas,  ou  ce  mot 
Frise  est-il  une  corruption  du  nom  de  la  Phrygie?  Celte  dernière 
interprétation  paraît  la  plus  probable  ;  car,  dès  le  xii^  siècle,  il  est 
fait  mention,  dans  les  romans,  de  draps  d'or  de  Frise,  et  certaine- 
ment, à  cette  époque,  on  ne  fabriquait  pas  d'étoffes  de  soie  et  d'or 
dans  la  Frise,  province  des  Pays-Bas.  On  lit  dans  le  Roman  de  Garin 
ces  vers  : 

«  Mes  belles  filles,  pensez  de  vous  garnir 

Il  Des  plus  biaus  dras  que  vous  pourrez  ehoisir  : 

«  Venez,  ça  fors,  deus  chevaliers  vcir. 


«  Quant  celles  vient  ce  qui  lor  abolit, 
»  Eus  en  la  chambre  montèrent  por  vestir, 
«  Vestent  bliaus  et  pelissons  bermins 
«  Et  afublercut  les  mautiaus  sehelius-'.  » 


Il  y  avait  plusieurs  qualités  de  ces  pailes  ou  draps  d'or,  et  elles 
étaient  désignées  par  des  noms  différents.  Outre  les  draps  de  Frise, 
il  est  question  de  draps  d'or  d'Otrante  :  «  Noblement  fut  vestue 
«  d'un  riche  drap  d'Octrente  *  »  ;  de  Chipre,  de  drap  d'or  mathebaa 
et  arramas  :  —  «  Pour  12  aunes  de  drap  d'or  matbebas  et 
«  arramas,  en  plusieurs  pièces  ••  »  ;  de  baudequins,  de  naques  ou 
nacs  :  «  Pour  5  naques  vermeus,  délivrez  audict  Jehan,  pour  faire 
«  cote,  surcot    et    mantel    à    la  roine,  11  1.  10  s.  pour  pièce  *^  »  ; 

I 

•  Romans  (ï A hxandre  :  Message  de  l'amiml,  p.  'i23,  vers  30  etsuiv.  (xiii"  siècle).        ^ 
-  Des  étoffes  de  soie,  d'or  et  d'argent,  t.  I,  j).  279. 

^  Li  Romans  de  Garin  le  Loheiain  (xiii"  siècle),  t.  II,  p.  66  et  67,  édition  Techener, 
1833. 

•  Li  Romans  de  Berthe  aus  grans  pies  (xiiio  siècle),  p.  16,  édition  Techener. 

*>  Invent,  de  l'argenterie  dressé  en  1353  {Comptes  de  l'argenterie  des  rois  de  France 
nu  xiV  siècle,  par  Douët  d'Arcq). 

'■•  Compte  de  Geoffroy  de  Fleury,  1316. 


—   365    —  [   ÉTOFFES    ] 

de  drap  d'or  d(3  Paris  :  «  Pour  3  draps  d'or  de  Paris,  ouvrez,  deli- 
«  vrez  à  Jehan  le  Bourguignon,  le  vi^  jour  de  décembre,  pour  faire 
«  une  chappe  à  la  Royne,  qu'elle  ot  à  l'entrée  de  Rains,  il  1, 
«  pour  pièce,  vallent  33  1.  •.  »  La  plus  chère  de  ces  étoffes  était 
le  drap  d'or  et  de  soie  de  Damas,  qui  coûtait  55  écus  la  pièce. 

Parmi  ces  étoffes  de  luxe,  et  très-probablement  de  soie,  il  faut 
citer  la  pourpre  et  Yécarlatc.  Il  y  en  avait  de  toutes  couleurs,  et  ces 
désignations  indiquaient  une  qualité,  non  point  une  nuance.  Il  y 
avait  la  pourpre  inde,  vermeille,  sanguine,  roée  (rayée),  dorée, 
bise,  noire,  noire  estellée  d'or,  et  même  blanche  : 

((   Cist  ne  semble  l'autre, 

(<  Ne  f[u"esearlate  semble  fautre  2.  ■• 

C'était  donc  une  étoffe  de  prix.  On  fabriquait  de  la  pourpre  à  Tyr, 
à  Venise,  en  1248.  Il  en  venait  d'Alexandrie,  de  Gènes,  d'Espagne. 
Vécarlate  paraît  avoir  été  moins  estimée  que  la  pourpre.  La  pre- 
mière était  appropriée  aux  chevaliers,  tandis  que  la  pourpre  semble 
n'avoir  été  permise  qu'aux  souverains.  Il  est  aussi  question,  dès  le 
xiv°  siècle,  d'une  étoffe  de  soie  appelée  zatoni,  et  plus  tard  satin  : 
«  Pour  7  pièces  de  veluyaux  blans  et  yndes,  des  fors,  7  pièces  de 
«  camocas  blanc  et  de  zatony  ynde,  etc.  ^  »  Le  demi-satin  était 
une  étoffe  de  même  tissu,  mais  plus  légère'*. 

A  quelle  époque  le  velours  de  soie  fut-il  employé  pour  les  vête- 
ments d'homme  et  de  femme?  Le  veluiau  dont  il  est  question  dans 
les  romans  du  xni^  siècle  était-il  une  étoffe  de  soie  ?  Il  serait  difficile 
de  répondre  d'une  manière  catégorique  à  ces  questions,  bien  qu'il 
reste  un  morceau  de  velours  servant  de  garde  dans  le  manuscrit  de 
Théodulfe  (vni^  siècle).  Nous  ne  signalons,  soit  dans  les  comptes  et 
inventaires,  soit  dans  les  peintures,  la  présence  du  velours  de  soie 

qu'à  dater  du  xiv°  siècle  :  «  Pour  5  veluiaus  adsurez pour  faire 

«  une  robe  à  nostre  sire  le  Roy,  de  4  garnemenz,  que  il  ot  le  jour 
«  de  son  sacre,  15  1.  pour  pièce,  valent  75  1.  ■'.  »  —  «  Item  pour 
«  la  veille  du  couronnement  une  robe  de  4  garnemenz,  d'un  veluiau 
'«  vioUct,  en  laquelle  il  y  a  2  fourreurcs  de  menuvair  pour  les 
«  2  surcots,  tcnanz    226   ventres    chascune,  et    unes    manches   de 

1  Compte  fie  Geoffroij  de  Fleury,  1316. 

-  Méraugis  de  Portiesguez. 

'■'•  Compte  d'Etienne  de  In  Fontaine,  13.'J2. 

•  Voyez  a  l'article  Joote. 

■»  Cojnpte  de  Geoffroy  de  Fleuri/,  1316. 


[    ÉTOFFES   J  —   366    — 

«  seurcol  clos  tenanz  48  vontrës,  et  12  ventres  pour  poiirniler\  » 
Dans  ces  comptes  el  inventaires  du  xiv"  siècle,  on  voit  paraître  des 
velours  iiides,  c'est-à-dire  bleus  tirant  sur  le  violet,  des  velours 
paonnaz,  c'est-à-dire  couleur  de  plumes  de  paon,  des  velours 
quoquets  (?).  Les  miniatures  de  cette  époque  représentent  très-fré- 
quemment des  personnages  des  deux  sexes,  habillés  de  velours,  et, 
au  xvc  siècle,  cette  étoffe  ne  fait  que  se  répandre.  Il  y  avait  aussi 
des  velours  brochés  d"or  :  «  Pour  deux  pièces  de  veluyau  vert  à  or, 
«  prisiées  à  présent  40  escuz  -  ;  des  velours  bigarrés  :  pour 
«  53  pièces  de  veluyau  moien  de  plusieurs  couleurs,  dont  aucuns 
'(  sont  royés  et  les  autres  plains  ^  » 

Il  faut  dire  un  mot  des  étoffes  de  soie  légères,  brochées  d'or, 
fabriquées  dans  le  royaume  de  Mossoul,  et  si  fort  en  usage  pen- 
dant le  cours  du  xn^  siècle.  On  en  faisait  alors  des  robes  de 
dessous,  des  chemises  et  même  des  bliauts  de  femme  ^  De  ces 
étoffes  délicates,  crêpelées,  se  rapprochant  même  parfois  du  crêpe 
de  Chine,  il  nous  reste  quelques  échantillons  servant  de  gardes, 
dans  le  manuscrit  de  Théodulfe"  :  «  On  y  voit,  en  soie  pure,  un  tissu 
canevas,  couleur  tourterelle  clair;  du  foulard  couleur  amarante; 
de  la  gaze  marabout,  couleur  paille  rosé  ;  du  crêpe  de  Chine  très- 
souple,  couleur  bois  ;  du  crêpe  de  Chine  avec  bordure,  broché  es- 
pouliné,  travail  indien  à  quatre  couleurs  ;  un  tissu  façonné  soie, 
fond  foulard,  couleur  pourpre,  avec  bordure  lancée  grande  tire; 
enfin,  du  velours  coupe-soie,  couleur  pourpre,  reposant  sur  fond 
sergé.  »  Les  belles  sculptures  du  xn^  siècle  représentent,  en  effet, 
avec  une  pureté  d'imitation  remarquable,  dans  les  vêtements  des 
femmes,  des  étoffes  qui  ont  beaucoup  de  rapports  avec  ces  mousse- 
lines et  crêpes  de  soie.  Mais,  entre  les  feuillets  de  ce  même  manu- 
scrit carlovingien,  on  remarque  encore  d'autres  échantillons  décrits 
par  M.  Hedde,  et  qui  présentent  des  mélanges  de  soie  et  de  poil  de 
chèvre  ou  de  chameau,  et  un  morceau  d'une  étoffe  de  coton  légère. 
Ces  tissus  mélange  soie  et  poil  de  chèvre,  semblables  à  ceux  que 
l'on  fabrique  encore  de  nos  jours  dans  l'Inde  et  en  Syrie,  ont  parti- 

'  Compte  de  Geoffroy  de  Fleury. 

-  Invent,  de  l'argenterie  dressé  en  13.j:J  {Comptes  do  l'argent,  des  rois   de  France, 
par  Doui't-d'Arfq). 
^  Jbid. 

''    Voy.    lÎLIAUT. 

^  Conservé  au  nnisée  du  l*uy  ou  Velay.  Ces  morceaux  (IVHoft'es  ont  éié  décrits  par 
M.  Ph.  Hedde,  Annales  de  la  Socirté  d'agric.,  sciences,  aiis,  etc.,  du  Pity,  jimir 
1837,  1838, 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  ERAINÇAIS 


Toms  3 


Etoffe  PI  [X 


VioJlcL  I.cduc  direx 

FRAGMENTS 


H:rardlnh 


împ  R  Hnq*ilm«inn  Pans 


—    367    —  [   ÉTOFFES    ] 

culièrement  cette  apparence  crêpelée  que  les  statuaires  du  xii"  siècle 
ont  si  fidèlement  rendue.  «  Une  chose  remarquable  »>,  comme  le  fait 
observer  M.  Hedde,  «  c'est  qu'en  1817,  M.  Bancel,  de  Saint-Cha- 
c<  niond;cn  18:20,  M.  Beauvais,  de  Lyon;  en  1835,  MM.  Grangier 
u  frères,  de  Saint-Chamond,  prenaient  des  brevets  d'invention  pour 
<i  la  fabrication  des  diverses  étolTes  qui  se  trouvaient  dans  les 
»  feuillets  du  manuscrit  de  Théodulfe'.  » 

On  sait  le  goût  que  les  Gaulois  manifestaient  pour  les  étoffes 
rayées  et  à  carreaux ,  qui  devaient  ressembler  beaucoup  aux 
étoffes  écossaises  de  nos  jours.  Ces  étoffes  rayées  de  soie  ou  de 
laine  se  retrouvent  désignées  dans  les  textes  anciens  du  moyen 
âge,  et  représentées  fréquemment  sur  les  miniatures  des  xn''  et 
xm^  siècles.  Souvent  les  couleurs  de  ces  rayures  (suivant  la  trame) 
sont  fondues  Tune  dans  l'autre,  blanc  rosé  rayé  de  gris  bleu  passant 
dans  le  blanc,  jaune-paille  et  rouge  -. 

Ces  étoffes  roées  sont  encore  mentionnées  dans  les  comptes  et 
inventaires  du  xive  siècle.  A  cette  époque  aussi,  la  mode  des  étolVes 
échiquelées  était  assez  répandue,  particulièrement  pour  les  cottes 
d'armes.  Mais  il  est  évident  que  les  tissus  préférés,  considérés  comme 
les  plus  beaux,  étaient  ces  pailes  ou  draps  d'or,  c'est-à-dire  lissés 
de  soie  d'une  couleur  et  d'or.  L'or  formait  des  dessins,  des  fleurs 
et  feuillages,  des  rosettes  et  croiseltes,  des  roues,  des  animaux,  des 
llammes,  des  rayures  en  travers,  des  semis.  Les  miniatures  des 
manuscrits  des  xni%  xiv"  et  xv^  siècles  fournissent  un  grand  nombre 
d'exemples  de  ces  tissus,  dont  le  fond  uni  est  plus  habituellement 
couleur  pourpre  clair  ou  foncé,  ou  bleu,  plus  rarement  vert,  plus 
rarement  encore  blanc  ou  noir.  La  planche  IX  donne  en  A  un  frag- 
ment d'une  de  ces  étoffes  de  soie  avec  animaux  d'or  dans  la  trame  '\ 
Ces  draps  d'or,  ou  à  or  battu  '',  paraissent  avoir  été  en  France  très- 
rarement  composés  de  plusieurs  couleurs  et  d'or,  mais  d'or  sur 
un  ton  uni,  ou  d'un  ton  uni  sur  or.  En  Italie,  au  contraire,  où  l'on 


'  Notice  du  M.  Ilodde  d6jà  ciléo.  Voyez  aussi,  a  ce  sujet,  Recherches  sur  le  cornmerce, 
1(1  fabrication  et  l'usage  des  étoffes  de  soie, d'or  et  d'argent,  par  M.  Francisque  Miclud. 

-  Voyez  le  nianuscr.  de  la  liibliolli.  nation. ,  grand  Psautier  lalin  (premières  auuécs 
du  xiuc  siècle). 

•*  Fragniout,  trésor  de  la  catliédr.  de  Troycs  (xiii"  siècle).  Voyez  aussi  le  rctahlc  do 
saint  Germer,  déposé  au  musée  de  Cluny. 

^  On  sait  (|u'auiourd'hui  l'or  lialiiliicUeini'nl  employé  dans  les  élolli'S  est  composa 
d'une  lame  d'or  ini  d'argeut  doré  enroulant  en  spirale  un  fU  de  soie  ou  de  coton.  Alors, 
comme  dans  la  pluiiart  des  étoffes  orientales,  l'or  employé  dans  les  tissus  était  une  lame 
d'or  pur  très-déliée,  passant  dans  la  trame. 


[   ÉTOKFES    ]  —   368    — 

fabriquait  beaucoup  de  tissus  de  soie  vers  la  fin  du  \\\°  siècle,  la 
mode  des  tissus  de  plusieurs  couleurs  et  or  paraît  avoir  dominé.  Le 
beau  manuscrit  de  Lancelot  du  Lac,  de  la  Bibliolbèque  nationale, 
dont  les  miniatures  sont  dues  à  une  main  italienne,  nous  montre 
plusieurs  de  ces  tissus  de  couleui's  variées,  généralement  sur  fond 
blanc.  On  fabriquait  en  France  des  tissus  de  diverses  couleurs  à 
dater  du  xni"  siècle,  mais  ces  tissus  n'étaient  pas  adaptés  à  des  vêle- 
ments de  luxe  ;  c'étaient  des  étotïes  de  lin  ou  de  laine  (pi.  X  ').  Le 
goût  pour  les  étoffes  de  soie  multicolores  ne  parait  pas  s'être  répandu 
en  France,  même  à  l'époque  où  la  noblesse  aflkhait  un  luxe  scan- 
daleux dans  ses  babits,  c'est-à-dire  de  1380  à  4410.  Ce  n'est  que 
plus  tard,  vers  le  milieu  du  xv°  siècle,  que  l'on  voit,  et  cela  très- 
rarement,  employer  pour  les  vêtements  des  étoffes  dans  lesquelles 
avec  l'or  il  y  avait  plusieurs  tons.  Bien  avant  celte  épog»e,  les 
étoffes  de  soie  de  couleurs  diverses  mêlées  à  l'or,  et  même  aux 
perles,  semblent  avoir  été  spécialement  réservées  aux  vêtements 
sacerdotaux.  L'étole  de  saint  Thomas  Becket  nous  fournit  un  exemple 
de  ces  sortes  de  tissus  (pi.  XI). 

A  dater  de  la  fin  du  xni"  siècle,  les  brochages  d'or  sur  fond  nui 
sont  très-fréquents.  Mais  c'est  vers  1450  que  l'on  voit  apparaître, 
pour  les  vêtements  des  deux  sexes,  les  draps  d'or  en  plein  ou  d'or 
faisant  fond  avec  ornements  rouges  ou  bleu  foncé,  plus  souvent 
rouge  sang  de  bœuf. 

Il  serait  difficile  de  dire  si  certaines  étoffes  et  certaines  couleurs 
étaient  atîectées  aux  vêtements  de  certaines  classes  en  France,  et 
tout  ce  que  l'on  a  écrit  à  ce  sujet  ne  repose  pas  sur  des  données 
certaines. 

La  couleur  verte  était,  prétend-on,  affectée,  par  exemple,  aux 
chevaliers  ;  mais  les  documents  écrits  ou  figurés  ne  paraissent  pas 
probants,  tant  s'en  faut.  La  pourpre  (étoffe)  était  réservée  aux  per- 
sonnes souveraines,  ce  qui  n'empêchait  pas  les  suzerains  de  porter 
des  étoffes  d'une  autre  qualité.  Il  faut  observer,  d'ailleurs,  que  les 
édils  somptuaires  n'ont  jamais  eu  en  France  une  action  efficace  et 
durable.  La  mode  a  toujours  été,  chez  nous,  plus  forte  que  les  édils, 
et  la  fréquence  même  de  ces  édils  prouve  leur  inefficacité.  Aussi, 
à  dater  du  milieu  du  xiv^  siècle,  la  haute  noblesse  avait-elle  pris  le 
parti,  pour  se  distinguer,  de  porter  des  vêlements  armoyés.  Cela  était 
non-seulement  un  grand  luxe,  mais  donnait  au  vêtement  une  valeur 
indépendante  de  sa  richesse  comme  matière  ou  façon.  Ces  étoffes 

1   (À;  tissu  L'st  (lr|i()iii'vii  ddr.  Il  provient  du  Irrsor  de  lu  i-iillicMlraic  de  Troyes. 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 
Tome  3  Etoffe  PL  X 


Carresse  del 

Violkt-LeVuo  dwcK 

FRAGMENTS 

EBeau  hlh 

V^AMORELS^C'^  éditeurs 

Imp^R  EDgabnarm  farx» 

DICTIONNAIRE  DU   MOBILIER    FRANÇAIS 
Tomt  3  PI, XI. 


Csrresse  de/.  Yjollet-Le-Diic  direx*  Beau  hih 

ÉTOLE  DE  SAINT  THOMAS  BECKET, 

y2  de  rexecution. 


VA  UoreU Créditeurs 


Imp.  R  Bcgailm  mm .  Pun  s 


—   369    —  [   ÉTOFFES   ] 

arnioyées  étaient  ou  brodées  à  la  main,  ou  tissées  exprès.  Dans  l'un 
ou  l'autre  cas,  elles  devaient  coûter  fort  cher.  Cette  mode  ne  fit  que 
se  développer  jusque  vers  le  milieu  du  xv  siècle.  Une  charmante 
miniature  de  1430  environ  i  nous  montre  Marguerite  d'Ecosse  ap- 
plaudissant Alain  Chartier  qui  récite  quelques-unes  de  ses  poésies. 
La  jeune  princesse  -  est  vêtue,  par-dessus  un  surcot  d'hermines 
et  un  jupon  pourpre,  d'une  houppelande  bleue  semée  de  France,  et 
de  son  chitïre  :  M  (voyez  Houpi'Ela>'de).  C'était  évidemment  une 
étoffe  tissée  pour  l'usage  de  la  princesse,  tandis  que  d'autres  étaient 
composées  de  morceaux  cousus  ensemble,  sur  lesquels  les  pièces 
d'armoiries  étaient  brodées  ou  appliquées  suivant  la  méthode  em- 
ployée encore  en  Orient.  Les  draps  d'or  et  d'argent  en  plein 
entraient  nécessairement  pour  une  forte  part  dans  ces  vêtements 
armoyés.  Quelquefois,  les  seigneurs  se  contentaient  de  faire  broder 
en  semis  la  pièce  principale  de  leur  écu  sur  une  étoffe  d'or,  d'ar- 
gent ou  de  la  couleur  d'émail  du  champ.  Des  Heurs  de  lis,  des 
besants,  des  macles,  des  aiglettes  ou  alérions,  des  roses  ou  trèfles, 
lions  ou  léopards,  étaient  ainsi  semés  sui'  un  drap  d'or  ou  d'argent, 
rouge,  pourpre,  noir,  bleu  ou  vert.  La  mode  des  chiffres  ou  devises 
tissés  ou  brodés  en  or  ou  argent  sur  des  fonds  de  couleur  était  aussi 
fort  répandue  en  France  parmi  la  noblesse,  à  dater  du  commen- 
cement du  xve  siècle  jusque  vers  1460.  Mais  c'est  -assez  parler  des 
étoffes  de  soie,  d'or  et  d'argent. 

Les  étoffes  de  laine,  de  poil  de  chèvre  et  de  chameau  étaient 
non-seulement  portées  par  les  classes  inférieures,  mais  aussi  par 
la  noblesse,  car  plusieurs  de  ces  étoffes,  et  notamment  les  der- 
nières citées,  étaient  fines  et  d'un  prix  très-élevé.  Ces  étoffes  de  poil 
de  chameau,  fabriquées  en  Orient,  étaient  même  parfois  ornées 
de  fils  d'or  formant  des  rayures  ou  des  dessins  dans  la  trame.  Le 
manuscrit  de  Théodulfe,  déjà  cité,  conserve  (luehjues  morceaux 
de  ces  tissus  de  poil  de  chèvre  ou  de  chameau  entremêlés  d'or, 
d'une  grande  finesse  et  souples,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  plus 
haut.  On  fabriquait  aussi  en  Orient  des  tissus  de  coton  et  or,  sem- 
blables à  ceux  qui  nous  viennent  de  l'Inde  encore  aujourd'hui. 
Nos  moussehnes  à  chefs  d'or  sont  une  dernière  tradition  de  cette 
fabrication.  Ces  étoffes  de  coton,  ([ui  étaient  appelées  boijerant, 
bogucrant,  bougerant,  et  enfin  bougran,  étaient  originaires  de 
ijQukbara  en  Tartni'ie.  Au  xiv'  siècle,  h'  bougran  était  un  tissu  (h;  lin 


'  M.'uiiisiT.  liibliolii.  iiiilioii..  Poésies  d'Alain  Cliarliei-. 
-  Ell(!  iiiDiu'iil  i;u  144i,  k  l'âge  do  viiigl  ans. 


m.  —  47 


[    ÉTOFFES   ]  —   370    — 

fabriqué  en  Arménie,  dans  l'île  de  Chypre,  el  plus  lard  en  Espagne. 
Quant  au  camelol  dont  il  est  si  souvent  question  dans  les  romans, 
chroniques  et  comptes  ou  inventaires  du  moyen  âge,  c'était  origi- 
nairement une  étoffe  faite  de  poil  de  chameau,  et  qui  par  conséquent 
venait  d'Orient.  Cependant,  il  y  avait  des  camelots  dont  la  trame 
était  de  soie  et  d'or,  la  chaîne  seule  alors  était  de  poil  de  chameau 
ou  de  chèvre  d'Angora.  Ces  dernières  étoffes  ne  paraissent  pas  avoir 
été  en  usage  avant  le  xv*  siècle.  Il  est  fait  mention  dans  plusieurs 
inventaires  de  cette  époque,  et  notamment  dans  l'inventaire  de 
Charles  le  Téméraire,  «  d'une  pièce  de  camelot  violet  de  soye, 
a  brochée  d'or  ».  Il  y  avait  des  camelots  de  toutes  couleurs,  et  cette 
étoffe  était  estimée,  puisque,  en  1366,  la  pièce  de  camelot  est  payée 
le  même  prix  que  la  pièce  de  cendal,  qui  était  de  soie,  ainsi  que 
nous  l'avons  vu  plus  haut*.  Le  camelin  était  aussi  une  étoffe  de 
poil  de  chameau  dans  l'origine,  mais  qu'il  ne  faut  pas  confondre 
avec  le  camelot  plus  estimé.  On  le  fabriquait  en  Phénicie,  ainsi 
que  nous  l'apprend  Joinville  :  «  Li  roys  me  donna  congié  d'aler 
«  là  (à  Tortose),  et  me  dist  à  grant  à  conseil  que  je  11  achetasse 
«  cent  camelins  de  diverses  colours,  pour  donner  aus  corde- 
«  liers,  quant  nous  venrions  en  France-.  »  Il  ne  paraît  pas  que  ces 
camelins  fussent  jamais  tramés  de  soie  et  d'or  comme  les  came- 
lots. Ils  sont  toujours  cités  comme  une  étoffe  très-ordinaire.  Dès  le 
xju^  siècle,  on  en  fabriquait  à  Saint-Quentin,  et,  au  xiv°  siècle, 
à  Amiens,  à  Cambrai,  à  Malines,  à  Bruxelles,  à  Gommercy.  Bien 
entendu,  ces  camelins  occidentaux  étaient  des  tissus  de  laine.  Il  y 
avait  des  camelins  blancs,  noirs,  verts,  et  leurs  qualités  étaient 
variées,  puisqu'il  est  fait  mention  de  camelins  qui  sont  payés 
41  et  12  s.  6  d.  Faune;  d'autres  24  et  28  s. 

Le  bureau,  burel  ou  biiriau,  était  une  étoffe  de  laine  plus  gros- 
sière encore  que  le  camelin  :  «  Por  buriaux  et  sollers  achetez  à 
"  départir  à  povres  en  nos  domaines  ^.  »  Cependant,  au  xn''  siècle, 
dans  les  statuts  de  l'ordre  de  Cluny  dressés  par  Pierre  le  Vénérable, 
on  lit  ce  passage  :  «  Slatutum  est  ut  nullus  scarlatas,  aut  barra- 
«  canos,  vel  pretiosos  burellos,  qui  Ratisponi,  hoc  est  apud  Raines- 
0  hors,  fmnt,  sive  picta  quolibet  modo  stamina  habent '\  »  Ainsi,  à 
cette  époque,  il  y  avait  des  buriaux  assez  précieux  pour  que  Pierre 

1  Voyez  Recherches  sur  les  étoffes  de  soie,  d'or  et  (Vargent,  pendant  le  moijcn  âge, 
par  M.  Francisque  Michel,  t.  \\,  p.  40  et  suiv. 

-  Hist,  de  saint  Louis  (Joiuville),  [lubl.  par  ftl.  Nat.  de  Wailly,  \u  214. 

^  Testament  de  Philippe  lU. 

*  Statut.  Cluniacens.,  ca]i.  xviii. 


I 


I 


—   37]     —  [    ÉTOFFES     ] 

le  Vénérable  crût  devoir  les  interdire  h  ses  moines.  L'étamine 
peinle  était  considérée  aussi  par  le  réformateur  comme  trop  riche 
pour  être  portée  dans  les  monastères  de  Cluny.  Cependant,  Tétamine 
n'était  qu'une  étoffe  de  laine  légère,  qui  devint  plus  tard  extrême- 
ment commune.  Cette  étamine  peinte  était-elle  ornée  de  couleurs 
ou  tissée  de  diverses  nuances?  Il  serait  difficile  de  décider  la  ques- 
tion. Nous  n'avons  pas  trouvé  de  traces  d'étolïes  imprimées  occi- 
dentales avant  la  fin  du  xive  siècle;  mais,  bien  avant  cette  époque,  on 
appliquait,  par  un  procédé  quelconque,  des  couleurs  et  des  ors  sur 
des  tissus  de  toile  et  de  laine.  Au  xiv"  siècle,  on  faisait  des  chemises 
d'étamine  :  «  Li,  pour  appareillier  10  chemises  d'étamines  et 
«  4  braies  pour  le  Roy,  14  d.  '.  » 

Quant  au  bureau  ou  burel,  il  est  certain  qu'à  dater  du  xni"  siècle, 
cette  étoffe  de  laine  était  laissée  au  bas  peuple.  11  s'agit  de  l'amour  : 

le  C'est  t'hartre  qui  prison  soulage, 

"  Printenis  plains  de  fort  yvernagc  ; 

"  C'est  taigne  qui  lieus  ue  refuse, 

(c  Les  porprcs  et  les  buriaus  use; 

(c  Car  ausiuc  bien  sunt  ainoretes, 

«  Sous  buriaux  ciumuc  sous  brunetes-.  » 

L'opposition  que  le  poêle  fait  ici  entre  la  brunette,  qui  n'était 
qu'un  drap  fin  de  laine  teinte,  et  le  buriau,  indique  assez  la  grossiè- 
reté de  cette  dernière  étoffe  ^  Quelques  villes  du  nord  de  la  France 
fabriquaient  beaucoup  de  ces  étotïes  de  laine,  de  laine  et  lin,  et  de 
laine  et  fil.  A  Douai,  il  y  avait  des  manufactures  d'une  étoile  fort 
répandue  au  xni"  siècle,  appelée  tiretaine.  Les  archives  de  celte 
ville  conservent  un  des  règlements  concernant  cette  fabrication, 
daté  de  124o'^  :  «  On  fait  le  ban  ke  nus  ne  soit  si  hardi  hom  ne 
«  feme  en  ceste  vile  ki  facent  tiretaines  en  cesle  vile  autres  ke 
«  boines  et  loials  ensi  com  li  bans  ci  après  le  devise  :  c'est  a  savoir 
«  keles  aient  deux  aunes  de  largeur  en  ros  ;  et  si  facent  faire  l'es- 
"  tain  (la  chaîne)  de  lin  et  de  caverie  (chanvre),  et  le  Iraime  facent 
«  faire  de  laine  ;  et  si  ne  mece  (mettent)  nus  home  ne  feme  boure 
((  ne  flocon  ne  laveton,  ne  graduise  de  peaus,  ne  cstonture  batue  ne 


I  Journal  de  la  dépense  du  roy  Jean  en  Angleterre,  i:i."i!l,  lliGO. 

-  Li  Roman  de  la  rose,  parlie  de  Jean  de  Meung,  vers  4342  et  suiv. 

^  On  faisait  de  celle  rlolfc  des  couvci'Uii'es  de  tables,  d'oii  nous  avons  pris  le  nom 
liureav,  pour  désigner  une  table  eouverte  d'un  tlra|i. 

*  lierueil  d'actes  des  \w  rt  xiii"  siècles  e?i  langue  romane  wallone,  pi:bl.  jiai- 
M.   Tailliar,  IS'i'.l.  p.    12S. 


[  lîrorFEs  ]  —  372  — 

«  a  balre  ;  cl  ki  onkes  feroit  lirelaine  la  u  il  messe  auqnnes  de  ces 
«  coses,  il  perderoit  lote  le  liretaine  malvaise  et  boine  tout  ensanle 
«  et  si  seroit  en  forfait  de  x  lib )^  Non-seulement,  le  ban  inter- 
dit dans  la  ville  de  Douai  la  fabrication  des  liretaines  de  mauvaise 
qualité,  mais  aussi  Timportation  et  la  vente  de  tiretaines  infé- 
rieures provenant  d'ailleurs;  la  fabrication  par  les  habitants  de  ces 
étoffes  hors  de  la  ville  ;  Tachât  par  les  bourgeois  et  bourgeoises  de 
tiretaines  hors  de  l'enceinte  de  Douai,  sous  peine  de  bannissement  ; 
la  livraison  de  chaînes,  propres  à  tisser,  à  des  tisserands  étrangers. 
On  voit  par  ces  règlements  de  quelles  précautions  étaient  entourées 
les  industries  locales  des  tissus.  Ces  tiretaines  étaient  portées  princi- 
palement par  les  classes  bourgeoises  ;  cependant,  la  noblesse  ne  les 
dédaignait  pas,  et  Joinville  rapporte  que  Louis  IX  avait  des  liabits 
de  tiretaine.  Mais  donne-t-il  cela  comme  une  marque  de  la  mo- 
destie de  ce  prince? 

Il  y  avait  des  tiretaines  de  couleur,  mais  habituellement  cette 
étoffe  était  de  nuances  sombres. 

La  fustaine  était  une  étoffe  de  coton  croisée,  solide,  puisqu'on 
en  faisait  autrefois  des  couvertures  de  carreaux  et  aussi  des  pour- 
points :  «  Pour  dix  aulnes  de  fustaine  velue,  fine,  blanche...  pour 
«  faire  deux  pourpoins  pour  ledit  seigneur'.  »  La  futaine  était  quel- 
quefois blanche,  quelquefois  bleue  ;  on  la  fabriquait,  au  xv^  siècle, 
à  Chambéry  et  dans  le  nord  de  l'Italie.  Elle  était  velue  ou  à  grains 
d'orge,  comme  nos  basins. 

Les  fabriques  de  drap  de  laine  florissaient  dans  beaucoup  de  villes 
dès  le  commencement  du  xni"  siècle,  et  les  corporations  des  dra- 
piers à  Arras,  à  Reims,  à  Cambrai,  à  Rouen,  à  Amiens,  k  Paris, 
étaient  puissantes.  La  qualification  de  drap  s'appliquait,  d'ailleurs, 
à  certaines  étolfes  dont  il  a  été  fait  mention.  Sans  parler  des  draps  de 
soie,  il  y  avait  les  draps  camelins,  le  marbré,  le  brussequin.  Dans 
les  statuts  des  drapiers  de  Reims  de  l'an  1340,  on  lit  :  «  L'on  fera 
«  brussequins,  de  quoy  la  chainne  sera  de  blanc  filé  taincte  en 
«  escorce  de  nouyer,  et  la  traimme  sera  de  noirs  aiguelins  ou  de  laine 
(i  taincte  en  ladicte  escorce.  «  Le  marbré  était  un  tissu  de  même 
fabrication,  mais  dont  la  chaîne  et  la  trame  étaient  de  diverses  cou- 
leurs. Il  y  avait  des  brussequins  roses.  Bruxelles  fabriquait  des  draps 
d'une  qualité  supérieure,  camelins,  brunettes,  marbrés,  etc.  :  «  Jean 
«  Prime,  drapier  de  Broixelles,  pour  un  marbré  verdelet  lonc,  de 


'   Comiitcs  tie  l'iKl,  Archives  nalinnales. 


3    —  [    ÉTOFFES 


«  Broixelles,  à  faire  aiulil  seigneur  une  robe  de  quatre  garneraens, 
«  fourrée  de  menuvair,  pour  la  veille  des  Grans  Pasques,  35  1.  pJ.  » 
Il  y  avait  le  drap  rayé  de  Gand  :  «  Jehan  Perceval,  drapier,  pour 
«  six  aunes  d'un  rayé  brun  de  Gant...-»  Le  tanné:  «  Jehan  Peri- 
«  gon  et  son  varlet,  cousturiers,  pour  la  façon  d'une  robe  de  quatre 
«  garnemens  de  drap  de  tanné,  jà  piéça  achetée  pour  le  Roy  ^  »  Le 
drap  d'écarlate  et  le  drap  violet  teint  en  graine,  le  pers  de  Chàlons, 
de  Louvain,  le  souci  et  le  souci  de  graine,  le  verd,  le  verd-gai  et  le 
verd  fin^.  Pendant  les  xiv"  et  xv""  siècles,  ces  draps  de  laine  étaient 
portés  par  la  plus  haute  noblesse,  et  habituellement  on  en  faisait  un 
vêlement  complet,  chausses,  cottes  et  surcottes,  corsets,  manteaux 
et  chaperons.  Les  miniatures  du  xiv"  siècle,  en  elïet,  nous  montrent 
parfois  des  personnages  nobles  vêtus  des  pieds  à  la  tête  d'une  étolfe 
de  même  couleur  et  qui  paraît  être  de  la  même  qualité.  Celte  mode 
semble  même  avoir  été  adoptée  par  les  hauts  personnages  :  «  Ledit 
<(  Tassin  pour  la  façon  de  une  robe  de  trois  garnemens  pour  le  Roy, 
«  du  drap  azuré  acheté  de  Michiel  Girart  piéçà,  c'est  assavoir  : 
«  cote,  seurcot,  bosse  et  chaperon  dudit  nayf  (drap  neuf)  ;  et  cinq 
«  paires  de  chances,  tout  pour  le  Roy  "'.  » 

La  serge,  étoile  croisée  de  laine,  paraît  avoir  été  employée  pen- 
dant le  moyen  âge,  plutôt  pour  faire  des  tentures  et  des  couvertures 
(le  meubles  que  des  habits  ;  cependant,  il  en  est  fait  parfois  mention. 
Il  est  question  de  serges  dans  lesquelles  il  entre  du  111,  et  qui  parais- 
sent être  des  sortes  de  tapisseries. 

La  toile  de  lin  ou  de  chanvre  n'était  guère  employée  que  pour 
faire  des  robes  de  dessous  (chemises),  pour  des  doublures  et  princi- 
palement pour  composer  les  vêtements  de  dessous  des  armures,  soit 
de  mailles,  soit  de  plates.  Cependant,  le  bas  peuple  se  servait  de 
grosse  toile  pour  faire  des  braies,  des  cottes  et  des  chaperons.  On 
fabriquait  des  toiles  fines  à  Reims,  pendant  les  xm"  et  xiv"  siècles, 
à  Compiègne.  Il  y  avait  la  toile  fine  ou  déliée  qui  servait  à  faire  les 
cottes  de  dessous  ;  les  toiles  de  Morigny  (?),  la  grosse  toile  de  La- 
valguion.  et  la  toile  dite  «  bourgeoise  ». 

On  fabriquait  aussi  en  Italie  des  étoffes  de  lin  et  soie  qui  étaient 


'  Compte  ff  Etietine  de  la  Fontaine,  II''  piirlic,  1352. 
■^  Ibid. 

^  Journal  de  la  dépense  du  roy  Jean  en  Angleterre,  13.09,  13tifl. 
'*  Vnycz  l3  tableau  dos  prix  de  (;es  étoffes  k  la  lin  du  rcruoil  des  Comptes  de  l'arf/c7it. 
des  rois  île  France,  par  M.  Doui't  d'Areq. 
•'  J(iyr)i.  lie  la  dépense  du  roi/  Je/iii  en  Angleterre. 


[  KTOI.E   )  —  374  — 

fori  prisses  (voyez  on  B,  pi.  IX),  et  dont  on  faisait  des  corsets,  des 
snrcots,  et  des  toiles  de  lin  tissées  de  fils  de  diverses  nuances 
(planche  X  '). 

Mais  ces  dernières  étaient  rarement  employées  pour  les  vêtements. 
Ces  toiles  étaient  désignées  par  le  terme  général  de  chanevacerie . 

ÉTOLE,  s.  f.  (stole).  Vêlement  religieux  consistant  en  une  bande 
de  lin  blanche  avec  ou  sans  broderies,  posées  sur  les  épaules  et  tom- 
bant par  devant  jusqu'au-dessous  des  genoux. 

Un  attribue  plusieurs  origines  à  Tétole,  appelée  souvent  oraritnn 
par  les  auteurs  ecclésiastiques.  La  stola  était,  à  l'époque  romaine, 
la  robe  talaire  à  longues  manches  ;  Vorarium.  une  bande  de  lin  que 
les  citoyens  romains  portaient  autour  du  cou  et  sur  l'épaule  pour 
essuyer  la  sueur  et  la  poussière. 

Guillaume  Durand  -  dit  que  le  prêtre  met  l'étole  ou  Vorarium  après 
l'avoir  baisée,  et  l'ôte  avec  le  même  cérémonial,  pour  marquer  la 
volonté  et  le  désir  avec  lesquels  il  se  soumet  au  joug  léger  que  figure 
ce  vêtement...  Aussi,  lors  de  son  ordination,  lorsque  le  prêtre  revêt 
l'étole,  révêque  lui  dit  :  «  Reçois  le  joug  de  Dieu.  » 

Guillaume  Durand  ajoute  que  les  deux  bouts  de  l'étole  descendent 
jusqu'aux  genoux,  que  le  prêtre  la  croise  sur  la  poitrine,  mais  que 
révêque  la  laisse  pendre  tout  droit  par  devant. 

L'étole  se  pose  par-dessus  famict  sur  le  cou,  et  lorsqu'elle  est 
croisée  sur  la  poitrine,  elle  est  maintenue  ainsi  par  la  ceinture  ^ 

Pendant  les  premiers  siècles  de  l'Église,  l'étole  devait  être  de  lin 
blanc,  sans  ornements,  avec  une  simple  frange  aux  deux  bouts.  Mais 
on  ne  tarda  guère  à  porter  des  étoles  d'une  grande  richesse,  brodées 
d'or  et  ornées  de  perles  et  de  pierreries.  Toutefois  il  est  de  règle 
liturgique  que  le  fond  reste  blanc. 

La  figure!  nous  montre  un  prêtre  baptisant  revêtu  de  l'étole  croisée 
par-dessus  l'aube  ^  Cette  élole  est  blanche,  semée  de  croisettes 
pourpres  et  terminée  par  des  franges. 

Bon  nombre  de  statues  d'évêques  des  xii*"  et  xiii''  siècles  laissent 
apparaître  sous  la  chasuble  des  étoles  d'une  extrême  richesse  ".  Elles 


'   Du  trésor  de  la  caUiéiirale  de  Troyes. 
-  Rnlionnle  divin   offic,  lib.  UI,  c-ap.  v. 
='  Voyez,  k  l'article  Chasuble,  les  figures  ."J  et  i. 

'•  Manusrr.  liiblioth.  nation.,  Psalm.,  ancien  fonds  Saint-Germain  (xiii=  siècle). 
•''  Voyez,   Annnics   nrchéologiqucx,   t.  VU,   ji.   14:i  et   laO,  un   choix  des  plus   belles 
étoles  des  xir,  xiii^  et  xiv"  siècles,  recueillies  par  M.  Victor  Gay. 


—   375    —  [   ÉTOLE   ] 

tombent  généralement  jusqu'au-dessus  des  pieds  et  sont  terminées 
par  des  franges. 

Nous  donnons,  planche  XI,  le  bout  de  Tétole  de  Thomas  Beckel, 
déposée  dans  le  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens.  Cette  élole  a  2"", 90 
de  longueur,  et,  par  conséquent,  descendait  beaucoup  au-dessous  des 
genoux. 


\ 


C 


t^L.OWLUUMOl. 


Elle  est  faite  d'un  tissu  d'or  et  de  soie  pourpre,  blanche  et  verte. 
Des  perles  décorent  les  deux  palettes  inférieures,  dont  les  extrémités 
sont  terminées  par  une  bordure  d'argent  repoussé  et  trois  pendeloques 
de  même  métal.  Le  blanc  n'est  donc  représenté,  dans  cet  ornement, 
que  par  le  bordé,  les  perles  et  les  bords  d'argent  destinés  à  empêcher 
les  palettes  de  plisser. 

Il  est  rare  devoir  l'étole  terminée  par  cet  élargissement  ;  habituelle- 
ment elle  conserve  jusqu'au  bout  une  largeur  égale,  tandis  que  le 
manipule  est  presque  toujours  élargi  ta  son  extrémité.  Le  manipule 
de  Thomas  Becket,  également  conservé  dans  le  trésor  de  la  cathédrale 
de  Sens,  est  identique,  comme  forme  extrême  et  dessin,  avec  l'étole 
que  nous  présentons  ici. 

Aujourd'hui,  ce  vêtement  religieux  a  conservé  sa  forme  et  sa 
signification  liturgiques. 

Toutefois  les  extrémités  ont  pris  un  développement  exagéré,  ce  qui 
le  rend  aussi  lourd  que  disgracieux,  d'autant  que  ces  palettes  viennent 
battre  les  genoux  du  prêtre  en  marchant  ^ 

'  Voyez,  loiue  l'f  du  Dict.  du  mobilier,  p.  191,  un  fac-similé  il'imo  viguctlc  d'iiu 
manuscrit  du  xiii«  siècle,  rcprôsentaut  uu  autel  ;  uu  auge  pose  l'étole  sur  le  cou  d'uu 
personnage  déjà  vêtu  de  l'aube. 


FOND-DE-CLVE   1  —    376   — 


1_^ 


FERMAIL,  s.  m.  [frémail).  Voyez  Agrafe  el  la  parlie  de  TOr- 
FÉvRERiE.  —  Le  l'ermail  était  un  des  bijoux  les  plus  fréquemment 
adaptés  aux  vêtements  du  moyen  âge.  On  avait  des  fermaux  à  atta- 
cher manteaux,  chapes,  robes,  à  suspendre  bourses  et  cassolettes. 
L'inventaire  du  trésor  de  Charles  V  mentionne  un  grand  nombre 
de  ces  objets  auxquels  parfois  il  donne  le  nom  (ïattache. 

Voici  la  description  d'un  de  ces  fermaux  : 

«  Une  fleur  de  lys  d'or  pour  fermer  sur  l'espauUe  le  soq  *  dessus 
«  dict,  pesant  ung  marc  troys  onces  et  est  ladite  fleur  de  lys  esmaillée 
«  de  France  garnye  de  pierrerie.  C'est  assavoir  :  au  mylieu  de  ladite 
<*  fleur  de  lys  un  tres-bel  ballay  (rubis)  à  huit  costes  et  en  la  pointe 
«  de  ladite  fleur  de  lys  ung  autre  ballay  qui  est  mendre  et  est 
«  à  huit  costez  comme  dessus  et  au  pié  et  aux  deux  costés  de  ladite 
<(  fleur  de  lys  à  troys  ballays  ung  pou  mendres  de  ladite  taille  et 
«  autour  du  gros  ballay.  Au  mylieu  sont  quatre  ballays  dont  les  troys 
«  sont  carrez  et  ung  est  à  six  carrez,  et  après  lesdits  ballays  sont 
«  quatre  dyamans  qui  seront  mis  incontinant.  Laquelle  fleur  de  lys  est 
«  pourfllée  tout  autour  de  quarante  grosses  perles  -.  » 

FOND-DE-CUVE ,  s.  m.  Sorte  de  pardessus  que  portaient  les 
hommes  et  les  femmes  et  qui  était  habituellement  doublé  de  fourrures. 
On  ne  trouve  pas  la  désignation  de  ce  vêtement  avant  le  commence- 
ment du  xiv"  siècle.  Le  fund-de-cuve  parait  se  confondre  parfois  avec 
la  cotte  hardie,  ou  plutôt  la  cotte  hardie  est  à  fond-de-cuve  quand  elle 
atfecte  une  certaine  forme  par  le  bas,  ressemblant  assez  à  un  cuvier. 
Eustache  Deschamps,  dans  le  Miroir  de  mariage,  parle  ainsi  de  ce 
vêtement  : 

«  Mais  au  dcssouliz  t';uilt  t';iirc  voile, 
«  Depuis  les  reius  jusques  au  piet, 
«  Du  cul  (le  riiho  qui  leur  chiet 


'  Soq,  sorte  de  nuiuleau  Fcudu  sur  le  côté  (voy.  Sou). 

-  Ribliolh.  naliou.,  Invent,  du  trésor  de  Charles  V,  u»  liliS  de  l'iuveutaire. 


Otl     


[   FOi\'D-DE-CUVE   ] 


111    —  4S 


[    I-0?{D-DE-CUVE   ] 


-  378  - 

"  (ji)ulrcval  connue  nus  Ions  du  cuve, 

•■  IJieu  fourré  où  elle  s'eucuve  ; 

'■  Kl  ainsi  iira  la  niescliine 

M  Ciresli!  corps,  gros  cul  cl  poitrine  '. 


Les  Comptes  de  l'argenterie  des  rois  de  France  moiilioiinont  quel- 
ques-uns de  ces  vêlements  : 


o 


I 


^<  Item,  pour  sa  robe  de  la  veille  de  Noël  (le  roi  Philippe  le  Long), 
«  d'un  marbré  mellé.  Pour  4  fons  de  cuve,  380  ventres  (de  menu 
«  vair)  -.  » 

Dans  le  compte  des  dépenses  pour  le  mariage  de  Blanche   de 


'  Euslachc  Dcschanips,  Poésies  (fin  du  xiv''  sicide).  Voyez  C.oiiset. 
-  Compte  de  Geoffroy  de  Fleuri/,  i;316. 


—   379    —  [   FOISD-DE-CUVE   ] 

Bourbon  ',  en  4353,  il  est  fait  mention  «  d'un  demi-marbré  loue  de 
«  Bruxelles,  acbalé...  pour  faire  une  cotte  hardie  fourrée  de  menu 
«  vair  et  l'autre  double. 

«...  Pour  huit  aunes  d'un  pers  azuré  de  Broisselles,  à  doublez 
«  ledit  fons  de  cuve,  et  faire  chances  pour  ladicte  dame.  »  Il  semble 
bien  ici  que  le  fond-de-cuve  n'est  autre  chose  que  la  jupe  de  la  cotle 
hardie  (voy.  Cotte).  Cependant  la  cotte  bardie  n'a  pas  l'ampleur 
que  Ton  donnait  au  fond-de-cuve  dépourvu  de  ceinture  et  non  trop 
ajusté  à  la  taille. 

La  figure  1  -  caractérise  exactement,  nous  semble-t-il,  le  fond- 
de-cuve  de  la  fin  du  xiv''  siècle.  Ce  vêtement  est  ample,  fermé  par 
devant  au  moyen  de  boutons  ;  il  est  pourvu  de  grandes  manches, 
et  le  tout  est  doublé  de  fonriiire.  Souvent  même  la  fourrure  forme 
une  bordure  assez  large  au  bas  de  la  jupe.  Le  collet  haut,  à  la  mode 
du  temps  (4390  ou  4395),  laisse  voir  de  même  un  passe-poil  de  four- 
rure. Sous  ce  vêtement,  qui  est  rouge  sur  la  miniature  qui  nous 
sert  de  type,  est  une  cotle  bleue  à  très-longues  manches  recouvrant 
les  mains.  Le  chaperon  est  vert  et  les  chausses  sont  bleues  La 
figure  2  donne  en  A  la  coupe  de  ce  vêtement  par  devant,  et  en  B  par 
derrière. 

Les  plis  sont  fixés  au  droit  de  la  taille  el  cousus  de  manière  à 
faire  que  la  jupe  forme  des  tuyaux  réguliers.  Sous  les  bras,  il  n'y  a 
pas  de  plis,  afin  de  ne  point  gêner  les  mouvements. 

Nous  donnons,  figure  3,  un  fond-de-cuve  de  dame  de  la  même 
époque  ^  Ce  vêlement,  comme  celui  de  l'homme,  est  ouvert  et  bou- 
tonné par  devant,  pourvu  de  même  aussi  de  larges  et  longues  man- 
ches très-ouvertes,  doublées  de  fourrure.  Une  ceinture  basse  relient 
l'escarcelle  et  devait  être  fixée  à  la  jupe  au  moyen  d'agrafes. 

Cette  jupe  est  terminée  par  une  découpure  en  façon  de  lambre- 
(|uin,  avec  passementeries  et  glands  d'oi-;  les  boutons  sont  de  même 
métal,  ainsi  que  l'escarcelle. 

Le  chaperon  est  couleur  jaunc-paille,  le  fond-de-cuvc  vert  clair, 
et  la  colle  à  manches  justes  rouge.  Un  perlé  d'or  relient  le  chaperon 
sur  la  tête.  Mais  ces  fonds-de-cuve  avaient  parfois,  pour  les  hommes 
comme  pour  les  femmes ,  beaucoup  plus  d'ampleur  el  tombaient 
jusiiu'à  terre.  C'était  alors  un  vêlement  qu'on  ne  portail  qm;  dans 


'  Archives  nation.,  rcg.,  cole  K.  8. 

-  Manuscr.  Bihliolli.  nation.,  Tite-Live,  IVaurais  (i;59o  environ). 

^  Même  manuscrit. 


[    FOND-DE-CUVE   ]  —     880    — 

rintérieur  des  appartemcnls,  chez  soi  ;  une  sorte  de  robe  de  chambre 
parée. 

Les  personnes  de  haute  noblesse  de  l'un  et  l'autre  sexe  se  per- 
mettaient seules  ce  vêtement,  taillé  alors  dans  ties  étoffes  magni- 
rKjues, 


o 


Le  Livre  de  cliaxxe  de  Gaston  Phœbus  *  montre  ce  seigneur  don- 
nant des  instructions  à  ses  veneurs.  Il  est  vêtu  d'un  long  fond-de- 
cuve  (fig.  4)  d'étofïe  bleue  brochée  d'or,  doublé  de  menu  vair.  Le 
chaperon  est,  comme  toujours,  séparé  de  ce  vêtement  et  est  rouge. 
Une  collerette  de  linge  festonnée  empêche  les  bords  du  chaperon  de 


'  Manusci'.  liiljlioUi.  luitioii.,  traiu;ais  (tiu  du  xivP  siècle). 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  ERANCAIS 


Tome  3 


FAoffes  PL  XII 


Viol  ht  Leduc  Jfl 


Iwpuis  lllh 


i.'uN  VETEMENT  DU  C'U^E  KOlX  'AIV^::)ihc:LE 

V^'-AMORELetC'Editeurs 


mp.  R  Ttng«lm«inTi  Pari» 


—    <^81    —  [   FOND-riE-CUVE   ] 

loucher  la  peau,  et  un  collier  composé  d'une  torsade  d"or  cache  la 
joinlure  du  chaperon  et  du  foad-de-cuve.  Une  escarcelle  de  cuir  noir, 


avec  clous  d'or  et  coulel  à  manche  d'ivoire,  est  suspendue  à  une 
ceinture  lâche.  La  planche  XII  ligure  rétolîo,  d'un  beau  dessin,  com- 
posant ce  vêlement.  Le  fond-de-cuve  est  ici  fendu  devant  et  derrière, 


[  FOunuunE  J  —  382  — 

du  bas  jusqu'à  la  liauteur  des  cuisses,  pour  permettre  de  monter  à 
cheval,  si  besoin  est,  bien  que  ce  vêtement  ne  soit  porter  qu'acciden- 
tellement par  les  cavaliers.  Les  plis  du  bas  étaient  maintenus  réguliers 
par  une  ceinture  intérieure,  et  c'est  celte  régularilé  des  plis  tombants 
.  qui  fait  désigner  cet  habit  comme  un  fond-de-cuve. 

Ce  vêtement  pouvait  se  confondre  souvent  avec  le  surcol;  nous 
aurons  l'occasion  de  revenir  sur  ses  variations  (voy.  Surcot).  On  lui 
donnait  aussi  le  nom  de  cloche. 

FOURRURE,  s.  f.  Les  fourrures  étaient  d'un  usage  général  chez 
la  noblesse  dès  les  premiers  siècles  du  moyen  âge.  L'hermine,  la 
martre  zibeline,  le  gris  (petit-gris),  le  menu  vair  et  le  gros  vair 
étaient  réservés  aux  princes  et  aux  seigneurs  de  haute  naissance. 
Les  fourrures  les  plus  ordinaires  portées  par  la  petite  noblesse  et  la* 
bourgeoisie  étaient  l'écureuil,  le  bièvre,  la  genette,  l'agneau  noir, 
le  lièvre,  le  renard.  Les  gens  du  peuple  portaient  des  fourrures 
d'agneau,  de  chat,  de  loup,  de  chèvre,  de  chien,  de  blaireau,  etc. 

L'hermine  était  la  plus  estimée  de  toutes  ces  fourrures  ;  on  la 
portait  avec  ou  sans  queues,  c'est-à-dire  toute  blanche  ou  ornée 
symétriquement  des  bouts  noirs  de  la  queue  de  l'animal,  ou  de 
poils  d'agneau  noir  pour  y  suppléer.  L'hermine  était  fort  employée 
en  létices,  c'est-à-dire  en  bandes  minces  qui  servaient  à  pourliler  les 
vêtements  en  manière  de  passe-poils.  Il  est  question  souvent,  dans  les 
comptes,  de  ces  bandes  ou  létices. 

Le  vair  provenait  d'un  petit  animal  assez  semblable  à  notre  écu- 
reuil, vivant  dans  les  climats  septentrionaux  et  dont  le  dos  est 
gris  et  le  ventre  blanc.  Quand  on  n'employait  que  le  dos,  la  fourrure 
était  désignée  simplement  sous  le  nom  de  gris.  Quand  on  employait 
le  ventre  et  le  dos  arrangés  symétriquement  en  échiquier,  c'était  le 
menu  vair  ou  le  gros  vair,  qui  semble,  par  le  prix  qu'on  le  payait, 
n'être  autre  chose  que  du  vair  d'une  qualité  inférieure.  Quand  on 
doublait  avec  le  ventre  seulement,  on  obtenait  une  fourrure  d'un 
blanc  un  peu  gris,  moins  éclatant  que  n'est  l'hermine.  Il  est  sou- 
vent fait  mention,  dans  les  habits  des  xni°  et  xive  siècles,  de  ventres 
de  vair.  Mais  il  est  possible  que  les  comptes,  en  signalant  les  ven- 
tres du  vair,  aient  entendu  toute  la  fourrure  de  l'animal  ;  car  les 
miniatures  des  manuscrits  représentent  très-fréquemment  des  dou- 
blures fourrées  alternativement  gris  bleu  et  blanc,  c'est-à-dire  de 
menu  vair. 

De  la  martre  zibeline  on  fourrait  surtout  des  collets,  on  faisait  des 
bordures  de  robes,  on  doublait  des  chapeaux.  Cette  fourrui-e  a  tou- 


—    383    —  f   FOURRURE   1 

jours  élé  fort  rare.  Du  bièvre,  qui  n'est  autre  chose  que  le  castor, 
ou  plutôt  la  loutre,  on  faisait  des  chapeaux,  et  l'on  fourrait  aussi 
des  chaperons,  des  camails,  ou  de  petits  vêtements.  L'écureuil  roux 
était  fort  employé  pour  fourrer  des  pelisses  et  manteaux.  L'agneau 
noir  servait  au  même  usage;  c'était  une  fourrure  peu  estimée. 

Joinville  rapporte  que  le  roi  saint  Louis  ne  portait,  au  retour 
de  sa  première  croisade,  que  des  vêtements  fourrés  d'agneau  noir, 
voulant  ainsi  donner  l'exemple  de  la  simplicité  dans  les  liabits.  La 
genette ,  espèce  de  civette ,  donne  une  fourrure  grise  mouchetée 
de  noir  ;  il  en  est  de  noires  et  de  brunes  tachetées  de  noir  :  c'est 
une  fourrure  dont  il  est  fait  rarement  mention. 

La  toison  d'agneau  était  souvent  teinte  de  pourpre,  et  on  lui  don- 
nait alors  le  nom  de  sa  couleur. 

On  ne\saurait  croire  aujourd'hui  au  luxe  des  fourrures  employées 
dans  les  habits  pendant  les  xnP  et  xiv^  siècles.  Non-seulement  les 
grands  seigneurs  faisaient  fourrer  les  habits  de  dessus,  mais  ceux 
de  dessous.  Ce  qu'on  appelait  une  robe,  de  la  fin  du  \nf  siècle  au 
commencement  du  xv^se  composait  de  quatre  et  môme  six  vêtements, 
tous  fourrés. 

En  1316,  Philippe  le  Long  eut,  pour  les  fêtes  de  Noël,  deux  robes, 
dont  une  était  de  sept  garnements,  c'est-à-dire  composée  de  sept 
vêtements,  tous  fourrés  demenuvair.  De  ces  sept  vêtements,  quatre 
pouvaient  être  portés  à  la  fois,  trois  étaient  de  rechange.  En  voici 
le  détail  : 

1"  La  houce  (ou  fond-de-cuve)  et   ses   ailes  (c'est-à-dire 

ses  manches),  pour  le  tout.      .......  356  ventres. 

2°  Le  manteau 300 

3°  Le  surcot  ouvert 226 

4"  Un  premier  surcot  clos,  compris  les  manches      .      .      .  298 

5°  Un  deuxième  surcot  clos ,  id.  ...  298 

6°  Deux  chaperons  ensemble 120 

Total 1598  ventres. 

Quand  les  vêtements  n'étaient  ni  fourrés  ni  doublés,  on  les  appe- 
lait sengle  (du  latin  singulus).  C'est  le  très-petit  nombre  qui  se 
trouve  dans  ce  cas  K  Nous  indiquons,  dans  chacun  de  nos  articles, 
les  fourrures  qui  doublent  les  vêlements,  il  n'est  donc  pas  nécessaire 
de  nous  étendre  ici  sur  ce  sujet.  Les  édits  sompluaires  tentèrent 
vainement  de  mettre  un  frein  à  celte  mode  ruineuse.   Les   petites 

•  Voyez  lii  Notice  sur  les  comptes  de  l'argenterie,  par  M.  Douët  d'Arcq. 


[    FHEISEAU    J  —    384   — 

bourgeoises,  à  la  fin  du  xiv°  siècle,  porlaienl  des  surcots  et  des  peli- 
çons  doublés  de  menu  vair  tout  comme  les  grandes  dames,  malgré 
les  édits  royaux.  Aussi  Tinduslrie  et  le  commerce  des  fourrures 
étaient-ils  llorissants  dans  les  grandes  villes  du  royaume. 

Les  bourgeois  étaient  généralement  plus  modestes  que  leurs  femmes 
et  ne  portaient  guère  que  de  l'écureuil  et  de  l'agneau. 

Pendant  les  xr  et  xn°  siècles,  les  religieux  de  Cluny  portaient  des 
vêlements  fourrés.  Cet  abus  leur  fut  reproché  à  plusieurs  reprises, 
et  notamment  par  saint  Bernard.  Ce  luxe  disparut  en  partie  des 
couvents,  lorsque  les  ordres  mendiants  s'établirent  en  Occident. 
Toutefois  Taumusse  conserva  la  fourrure  dans  beaucoup  de  monas- 
tères. 

Il  ne  parait  pas  que,  pendant  le  moyen  âge,  on  portât  des  habits 
dilTérents  suivant  les  saisons.  S'il  faisait  froid,  on  ajoutait  un  ou 
plusieurs  vêtements  à  ceux  de  dessous  ;  s'il  faisait  chaud,  on  les  lais- 
sait de  côté.  Ce  qui  n'est  pas  douteux,  c'est  qu'on  portait,  pendant 
les  xni"  et  xiv''  siècles,  des  vêlements  fourrés  aussi  bien  Tété  que 
l'hiver:  on  se  contentait  d'en  diminuer  le  nombre  si  la  clialeur  était 
grande.  Dans  le  Lai  de  Lmival,  nous  voyons  la  fée  que  la  chaleur  du 
jour  oblige  de  quitter  son  manteau  doublé  d'hermine.  On  pourrait 
citer  maint  exemple  de  faits  semblables. 

Ce  n'est  guère  qu'au  xvi'^  siècle  que  l'on  commença  en  France 
à  porter  des  habits  d'élolïes  ditïérentes  suivant  les  saisons,  et  encore 
n'est-ce  point  là  une  habitude  adoptée  généralement  comme  elle  l'est 
de  nos  jours. 

FREISEAU,  s.  m.  Le  freiseau  est  un  peigne-ornement  de  lête. 
On  trouve  très-rarement  ce  mol  employé  ;  et  en  elTet  le  peigne, 
ornement  de  coilïure,  ne  se  rencontre  guère  dans  les  monuments 
du  moyen  âge,  cl  paraît  appartenir  seulement  au  xii"  siècle.  L'his- 
toire de  Mariette,  si  bien  racontée  dans  la  Chronique  des  ducs  de 
Normandie  ',  mentionne  la  toilette  de  celte  jeune  lille  : 

«  Son  genl  cors  aveit  bel  vestii. 

«  A  ce  aveit  mult  euteadu, 

«  Cum  d'une  mult  bêle  chemise 

«  Et  sus  d'une  pelice  gi'ise, 

'<  Blanche,  IVesche,  lée,  sanz  laz, 

«  Seaulc  au  corset  mieux  as  bra/.  : 


'   Dvvninents  inédits  de  l'hi.'^toire  de  France  :  C/tron.  îles  ducs  de  Nurniandie,  vers 
3l;jiU  et  suiv. 


OOO    — 


[   FIŒISEAC    ] 


«  S'out  afublé  un  cort  niaulul, 

>i  A  li  niult  coveuable  e  bel  ; 

'<  Bcmlc  sou  clief,  qu'ele  out  iniill  hlui   ' 

'1  Et  duut  ele  u'aveit  poi, 

•<  D'une  bende  lascbeitement 

<(  Od  uns  frciseaus  de  fin  argent  -  ; 

•<  Seuz  seie  lier  est  si  montée, 

«  Ne  sai  si  bcle  riens  fust  née.  » 

Nous  avons  vu,  à  l'arlicle  Coiffure,  que  les  femmes,  vers  le  milieu 
du  xii°  siècle,  séoaraient  leurs  cheveux  des  deux  côtés  de  la  lêle  en 
deux  longues  tresses  ou  queues  entourées  de  rubans.  Ce  genre  de 
coiffure  laissait  voir  naturellement  une  raie  médiane,  du  front  à  l'oc- 
ciput. Lorsque  les   femmes   portaient  un  cercle  de  métal,  les  deux 

I 


souches  des  nattes  étaient  serrées  et  maintenues,  mais  si  elles  ne 
pouvaient  adopter  celte  parure  de  tête  réservée  aux  personnes 
nobles,  elles  se  contentaient  d"tin  simple  ruban,  d'une  bandelette 
d'étolTe  laissée  lâche,  tombant  sur  le  front,  et  il  fallait  retenir  les 
deux  souches  des  nattes  ou  queues  par  un  peigne,  autrement  ces 
deux  coques  auraient  promptenient  produit  un  mauvais  effet.  C'est 
le  freiseau  qui  est  terminé  par  des  grains  d'or  ou  d'argent  visibles 
au-dessus  de  la  tête  comme  une  sorte  de  nimbe  très-fré(piemment 
ligure  dans  les  vitraux  et  sur  les  miniatures  de  cette  époque  (dg.  1). 
Ce  genre  de  coilTure  des  femmes  disparaît  à  la  (in  du  xii*  siècle,  avec 
les  longues  nattes  latérales  ^  (voy.  Coiffi.he). 

I    ■<  Blond.  ., 

-  ■<  Entoure  ses  cheveux    blonds  aboudants  d'un    i);nidcau   làehe,  avec  nu  i>eigue  d"ar- 
><  gent  tin.  » 

■^  Dans  le  [lalois  borriilion.  ou  donuc  cncoio  le  nmii  dr  frélciiux  aux  pcigii"iirs  de  idianvre. 


m. 


'.9 


FROC  ]  —  386  — 

FROC,  s.  m.  Vêtement  de  dessus  des  religieux.  On  a  donné  au 

1 


'•^^Mor. 


\ 


l. 


387 


[  Fitnc  ] 


mot  froc  une  sisniUcalion  générale,  désignant  ainsi  l'habit  des  reli- 
gieux réguliers.  Mais  le  froc  est  une  longue  et  large  robe  avec 
amples  manches ,  que  les  bénédictins  portaient ,  notamment  au 
chœur,  pendant  Thiver,  et  sur  laquelle  on  pouvait  encore  endosser 
la  cagoule  ou  scapulaire  (voy.  Cagoule).  La  figure  1  nous  montre 
deux  clunisiens  velus  d'un  froc  noir  ',  et  la  figure  2  un  de  ces  reli- 
gieux dont  les  manches  tombantes  couvrent  entièrement  les  mains 


^ks. 

1 

1 
f 

~1> 

ri  mmbs^ 

> 

^m 


et  peuvent  même  servir  de  manchons  ^.  Cette  excessive  longueur 
des  manches  ne  persiste  pas  pendant  le  xni^  siècle  ;  celles-ci  con- 
servent cependant  beaucoup  d'ampleur.  Le  froc  est  alors  mieux  fait 
à  la  taille,  mais  tombe  jusqu'à  terre.  Voici  (fig.  3)  des  bénédictins 
vêtus  de  frocs  tels  qu'on  les  portait  à  la  fin  du  xni^  siècle  '.  Le  froc 
devait  être  fait  d'une  étolTe  de  laine  \  A  l'origine  des  établissements 
bénédictins,  le  froc  n'était  autre  chose  qu'une  ample  aumusse  qui 

'  Mauuscr.  Bililiolli.  ii:it.,  LiUo g .  et  Chron.chmiac.,  f.  Saint-Martin,  latin  {\W  si(^clc;. 
-  Mcnic  manuscrit. 

■^  Manuscr.    de   la   liibliotli.    du    sominairc   de  Soissnns,    les  Miracles   de    In   Vierge 
(environ  lliOO), 

*  Frot,  en  vieux  noruiaml,  est  une  étoile  grossière. 


[   GANACHE 


388  - 


couvrait  la  tête  et  les  épaules  par-dessus  la  robe.  Peu  à  peu  ce  vêle- 
ment s'allongea,  et  l'on  y  dut  alors  adjoindre  les  longues  raanclies 
que  représentent  les  figures  1  et  2.  Pour  travailler  dehors,  les  moines 
ôtaient  le  froc  et  endossaient  la  cagoule  ;  pour  les  exercices  reli- 
gieux, ils  remplaçaient  le  froc  par  la  cucule  (voy.  ce  mol),  qui 
n'était  qu'une  sorte  de  dalmatique  avec  capuchon.  Bien  que  l'étolTe 
dont  était  faite  le  froc  fût  grossière,  elle  n'était  pas  lourde  ;  non- 
seulement  les  monuments  tigurés  indiquent  que  cette  étoffe  était 
souple,  mais  il  est  souvent  question  d'étamine  pour  faire  des  frocs 
de  moines  :  or  l'étamine  était  et  est  encore  une  étoffe  de  laine 
légère  et  souple.  Le  camelin  était  également  employé  à  cet  usage 
(voy.  Étoffe). 


GANACHE,  s.  f.  {garnache,  cannche).  Robe  d'homme  d'une  forme 

i 


Ali 


k 


particulière,  qui  se  mettait  par-dessus  le  surcol,  et   qui  ne  corn- 


-    389   —  [   f.ANACIlE    1 

mence  à  être  de  mode  que  vers  le  commencement  du  xive  siècle  : 
'<  ....  Pour  fourrer  une  canache  d'escarlatte  pour  le  Roy,  une  four- 
«  rure  de  menu  vair  de  386  ventres  '.....  »  La  ganache  faisait 
partie,  au    milieu    du  xiv"  siècle,  de   ce  qu'on  appelait  une  robe. 


o 


c'est-à-dire  un  vêtement  complet.   «  Pour  fourrer  une  robe  de 

«  6  garnemens  2,  qu'il  ot  (le  roi)  le  jour  de  la  fesle  de  Granz  Pasques; 
«  pour  les  2  seurcos  et  la  ganache,  3  fourrures  de  menu  vair,  tenant 
«  chacune  386  ventres  ;  pour  manches  et  poingnez.  60  ;  pour  le  corps 
«  de  la  houce,  440  ventres  ;  pour  elle,  96  ventres  ;  pour  languetes, 

'  Compte  d' Etienne  de  la  Fontaine  (1352). 
■^  C'est-k-dire  do  six  pièces  de  vùlcinenl. 


[   GANACHE  ]  —  390    — 

«  G  ventres;   pour  le  chaperon,  MO,  et   pour   le    mantel  à  parer, 

«  442  ventres  ' » 

Ce  vêtement  possède  des  manches  formant  pèlerine,  avec  large 
ouverture  sous  les  aisselles  ;  il  est  sans  collet,  mais  le  passage  du  cou 
est  accompagné  de  deux  pattes  retroussées  eu  haut  de  la  poitrine. 
II  est  généralement  fendu  des  deux  côtés,  du  haut  de  la  cuisse  au 
has  de  la  jupe,  qui  ne  descend  guère  qu'à  mi-jambe  et  souvent  à  la 
hauteur  des  genoux.  Le  camail  du  chaperon  est  pris  sous  l'encolure 


.-'/  Ca/ll/K/MO 


'77 


de  la  ganache.  Ce  vêtement  est  certainement  un  des  plus  commodes 
et  des  plus  gracieux  parmi  ceux  que  le  xive  siècle  a  su  perfection- 
ner. On  le  voit  apparaître  dès  les  dernières  années  du  xin*  siècle,  et 
il  était  porté  par  la  noblesse  aussi  bien  que  par  la  bourgeoisie  ;  mais 
avant  cette  époque,  c'est-à-dire  dès  1270,  les  hommes  portaient  un 
surcot  qui  avait  dû  servir  de  point  de  départ  à  la  ganache.  Alors, 
comme  aujourd'hui,  il  était  peu  de  vêtements  très-francs  dans  leur 
coupe,  qui  ne  fussent  la  conséquence  d'une  suite  de  tâtonnements. 
Ainsi,  l'origine  de  la  ganache  se  trouve  dans  cette  robe  si  fréquem- 
ment portée  vers  la  fin  du  xm"  siècle  (fig.  1)  2.  Ce  jeune  clerc  — 
car  c'est  un  clerc  —  porte  une  robe  violet  clair  doublée  de  vert. 
Cette  robe  n'est  pas  fendue  sur  les  côtés,  mais  seulement  par  devant, 
du  bas  à  la  hauteur  des  genoux  ;  les  manches  forment  deux  larges 


'  Compte  d'Etienne  de  la  Fontniiie  (1352). 

^  iVIanuscr.  liiblioth.  nation.,  J triage  du  monde,  fran(.'ais  (1270  environ). 


—   391    —  [   GANACHE    1 

entonnoirs  renversés,  mais  sont  séparées  du  corps  de  robe  et  n'y 
tiennent  que  par  les  entournures.  Le  capuchon,  de  même  couleur 
et  fourré,  tient  à  la  robe,  (|ue  l'on  enfourmait  par  le  bas  comme  une 
chemise,  l'encolure  étant  assez  hirge  pour  laisser  passer  la  tête 
(voy.  Surcot). 


La  ganache  est  bien  caractérisée  dans  les  monuments  du  com- 
mencement du  xiv-e  siècle.  La  figure  2  nous  la  montre  complète  i, 
avec  ses  manches  ne  couvrant  que  les  arrière-bras,  manches  cousues 
latéralement  au  corps  de  jupe,  avec  longues  ouvertures  pour  passer 
facilement  les  bras,  ainsi  ipie  l'indiipie  la  ligure  2  bis.  Le  cluipcron 


'   Des  has-roliufs  do  la  cloliir/  du  ilinMir  de  la  cuthôdralc  de  l'aris  (l;f2l)  eiivin)ii). 


GANACHE 


39i^ 


est  séparé ,  reloua  sous  l'ouverlure  ,  laquelle  esl  garuie  de  deux 
pâlies  retroussées  qui  permellenl  de  la  fermer  hermétiquement. 
Mais  ce  n'est  là  qu'une  tradition,  prétexte  d'un  ornement,  car  on 
voyait  sur  ces  deux  retroussis  la  doublure  de  fourrure  :  c'était  la  seule 
partie  oii  elle  fût  apparente.  Ces  pâlies  prennent  plus  de  développe- 
ment quand  le  vêlement  appartient  à  un  grand  seigneur.  Ainsi,  dans 
le  Livre  de  IHn formation  des  princes  ' ,  on  avait  représenté  le  roi 


AL .  CUiLL  A  ijMO  T. 


rSO 


JOi 


Charles  V  vêtu  d'une  ganache  bleue  fleurdelisée  d'or ,  doublée 
d'hermine,  avec  longs  revers  sous  le  camail  du  capuchon  également 
doublé  d'hermine,  lequel  camail  pose  sur  l'encolure  de  la  ganache 
(tig.  3).  Mais  alors  (vers  1370)  les  manches  de  la  ganache  sont  plus 
amples  et  sont  cousues  le  long  du  corps  de  robe,  ainsi  que  le  montre 
la  figure  3  ;  les  bras  passent  par  une  ouverture  ménagée  en  haut  de 
celle  couture. 

Les  ganaches  poilées  par  les  grands  seigneurs  à  celte  époque  sont 
longues,  tombent  jusque  sur  les  pieds,  et  ne  laissent  plus  voir  la  cotte 
de  dessous,  comme  dans  l'exemple  (tig.  2). 

'  MiiQiiscr.  l>il)li()lli.  uiiliuu.,  tViiuriiis  (1370  environ). 

-  Maniisc,;'.  r)itiliolli .  niilioii . .  A-  Miroir  kistoiial ,  tV;iiic;iis,  vigucllus  .';ris!lillcs. 


—  893  —  'l  ganache  J 

La  figure  4  présente  la  coupe  de  ce  vêtemenl  étendu,  en  A  par 
devant  et  en  B  par  derrière.  On  voit  en  C  comme  sont  taillées  les 
manches  qui  sont  jointes  au  corps  de  robe  de  a  en  b,  habituelle- 
ment plus  échancrées  par  devant  que  par  derrière,  pour  ne  pas  gêner 
la  ployure  du  bras.  L'encolure  s'ouvre  de  d  en  e,  afin  de  faciliter  le 
passage  de  la  tète,  et  cette  ouverture  est  fermée  par  des  agrafes. 
Les  revers  f  ne  sont  là  qu'un  ornement  destiné  à  faire  paraître  la 
fourrure,  dont  le  vêtement  est  entièrement  doublé.  Ces  ganaches 
mêmes,  très-longues  et  amples,  sont  généralement  fendues  latéra- 
lement de  ^  en  /i. 


S 


l  AfL\ 


Vers  la  fin  du  \i\^  siècle  (1390  à  1395),  les  manches  de  la  ganache 
descendent  jusqu'à  moitié  des  avant-bras,  sont  amples  à  l'avenant. 
D'ailleurs,  la  coupe  du  vêtement  est  toujours  la  même  (lig.  5  '). 

Une  très-bonne  statue,  petite  nature,  déposée  dans  le  musée 
d'Avignon  (fig.  6),  indique  de  la  manière  la  plus  claire  la  coupe  des 
manches  de  la  ganache  de  la  seconde  moitié  du  xiv"  siècle.  En  A,  on 
voit  que  ces  manches  pèlerines,  souples,  recouvrent  entièrement  le 
bras  lorsqu'il  est  ployé.  En  B,  la  jonction  de  ces  manches  pèlerines 
avec  le  corps  de  jupe  est  parfaitement  indiquée.  Le  détail  C  montre 
le  capuchon  avec  le  camail  par  derrière.  C'était  la  doublure  fourrée 
du  camail  (jui  était  apparente  autour  du  cou,  comme  dans  la  ligure  4. 


'   .M;uiusci'.  Uihl.  uaLiiHi..  Miroir  hislvridl,  tViiiiruis  (l.T,).')  (îiivirmi). 


III. 


.■iO 


[    GANACHE    ]  —    394    — 

Ce  vêtement  disparaît  ù  la  lin  du  xiV^  siècle  et  est  remplacé  par 
les  peliçoiis,  manleh,  garde-corps,  cloches,  goiielles,  robes  four- 
rées, etc.,  habits  de  dessus,  moins  commodes  et  surtout  moins 
gracieux. 


V 


V. 


La  ganache  était  une  de  ces  traditions  des  beaux  et  simples 
vêtements  du  xni°  siècle,  qui  ne  dépassent  pas  l'année  1400.  C'est 
à  dater  de  1410  environ  que  les  vêtements  de  dessus  des  hommes 
sont,  ou  ridiculement  étriqués,  ou  d'une  ampleur  exagérée  et  d'une 
coupe  compliquée,  s'accordant  mal  avec  les  formes  du  corps. 


—   39S    —  [   GANT   ] 

GANT,  s.  m.  (gnant).  II  ne  paraît  pas  que  Ton  portât  des  gants 
pendant  l'antiquité  romaine,  bien  qu'ils  fussent  usités  en  Asie.  Les 
gants  semblent  être  une  importation  byzantine.  Peut-être  les  popu- 
lations du  Nord  qui  envahirent  les  Gaules  en  portaient-elles,  car 
c'est  un  vêtement  dont  il  est  difficile  de  se  passer  dans  les  climats 
septentrionaux,  et  il  est  à  croire  que  les  guerriers  francs  mettaient, 
pour  se  préserver  du  froid,  de  ces  gants  appelés  wîow/?es;  peut-être 
même  ces  étuis  grossiers,  dans  lesquels  les  doigts  de  la  main  plon- 
geaient comme  dans  un  sac,  sauf  le  pouce,  étaient-ils  en  usage  chez 
les  Gaulois. 

Le  mot  wantus  appartient  à  la  basse  latinité,  et  peut  venir  du 
vieux  mot  Scandinave  vottr,  d'où  le  suédois  a  fait  liante.  Le  mot 
espagnol  guanto  aurait  une  étymologie  dans  le  wisigoth . 

Dès  le  vni^  siècle,  les  textes  mentionnent  des  gants  parmi  les 
vêtements  des  personnages  importants  '.  Dans  la  Chanson  de  Roland, 
il  est  fréquemment  question  de  gants  : 

(c  Li  empereres  li  tent  sun  guant  le  destre  - . . .  » 

et  le  gant  est  donné  comme  gage  : 

«  Liverez-m'eu  ore  le  euant  e  le  bastiin  •^.  » 


'c  Diinez-ni'en,  sire,  le  hastun  e  le  guant, 

«  Et  jo  irai  al  Saraziu  en  Espaigne, 

»  Si'u  vois  vedeir  alques  de  sun  semblant  •.  ■ 

<i   Ço  dit  li  reis  :  c  Gucucs,  venez  avant  ;  AGI. 
«  Si  recevez  le  batun  et  lu  guant  ».  » 


Donner  le  gant  et  le  bâton,  était  alors  confier  une  mission  de 
confiance,  une  autorisation  de  représenter  le  donateur. 

Frapper  du  gant,  était  une  insulte,  un  déll  à  outrance  dès  l'époque 
carlovindenne  : 


"  Et  il  si  list  scîMz  dcniurer  ; 

'.  Le  clief  armé,  soi'  sou  destrier, 

'  Voyez  du  Cangc,  G/oss.,  Wantus. 

*  La  Chanson  de  liolimd.  sir.   xxv  (xir  siècle). 

s  Str.   XVII. 

'•  Str.    XIX. 

•'•  Sir.    XXIV. 


f  f.AM-  ]  —  396  - 

«  Aiiiz  iiiii'  le  (lui-  iiraisnnast 

■<  Ne  que  de  ricii  od  lui  parlas!. 

"  L'a  de  ses  ganz  deus  feiz  f'eni. 

»  Eissi  que  plusiir  l'uiit  veu  '.  " 


On  donnait  son  gant  comme  gage  de  combat,  et  cet  usage  s'est 
conservé,  jusqu'à  la  fin  du  wi"  siècle,  parmi  les  gentilshommes. 

Nous  ne  nous  occupons  ici  que  des  gants  faisant  partie  de  l'habil- 
lement civil.  Dans  la  partie  des  Armes,  nous  traitons  du  gantelet  et 
de  ses  analogues. 

Les  évêques  portaient  des  gants  de  soie  brodés  dès  avant  le 
xn"  siècle.  Quelques  trésors  d'églises  possèdent  encore  de  ces  objets 
faits  d'une  sorte  de  tricot  et  ornés  sur  le  dos  de  la  main  d'une  bro- 
derie d'or  ou  de  couleur,  représentant  une  croix  dans  un  cercle,  ou 
un  agneau,  un  monogramme,  ou  tout  autre  symbole  sacré.  Guil- 
laume Durand  2  dit  que  i'évcque  doit  couvrir  ses  mains  de  gants, 
afin  que  sa  gauche  ne  sache  pas  ce  que  fait  sa  droite;  que  le  gant 
doit  avoir  à  son  extrémité  un  cercle  d"or.  Il  dit  que  les  gants  doivent 
être  sans  coutures,  ce  qui  peut  s'admettre  pour  des  gants  de  tricot  ; 
mais  il  ajoute,  un  peu  plus  bas,  qu'ils  sont  faits  de  petites  peaux  de 
chevreau,  pour  la  confection  desquels  les  coutures  sont  nécessaires 
cependant.  Il  dit  aussi  qu'ils  seront  blancs  pour  symboliser  la  chas- 
teté et  la  pureté,  mais  il  en  existe  qui  sont  violets,  pourpres,  verts. 

Au  xni''  siècle,  les  gants  faisaient  partie  du  costume  des  per- 
sonnes des  deux  sexes,  qui  prétendaient  être  mises  convenablement  ; 
et  ce  n'était  pas  là  un  privilège  de  la  noblesse.  Dans  le  Roman 
(TAmadas  et  Idoine  ^  on  lit  ces  vers  : 


'1  Si  virent  loing  venir  trotant 

■<   PJueoutr'ens  .1.   vallet  k  pi('', 

1  Bien  parlant  et  bien  afaitié. 

•K  D'une  soie  vermeille  en  graine, 

•<  La  milleur  qu'onques  fust  de  laine, 

'<  Avoit  cote  niull  envoisie 

«  Large,  si  faite  et  si  taillié, 

«  Qu'à  niervellcs  li  avenoit. 

"  IVlantel  de  mcisme  avoit, 

'c  Fourré  d'un  porjjrtî  cendal  cier, 

«  Pour  tost  aler  et  plus  legier, 

'  Chron.  des  ducs  de  Normandie,  vers  33397  et  suiv.  (xii*"  sièrle) 

-  nationale  divin,  offic,  lih.  III,  eap.  xii. 

s  Publi'''  par  M.  Hippeau  (xiii'"  sièele),  vers  IC'fi  et  stiiv. 


397    -  r  GANT  ] 


«  Et  poui'  le  (;aul  qui  l'ol  grcvô 

Il  Avoit  mis  et  envolepi'. 

Il  Environ  son  cliief,  son  niaulcl. 

'<  Eu  sa  uiain  [)oi't(!  .1.  bastoucel, 

«  De  couleurs  et  d'or  trop  hicMi  paiiil, 

<i  Et  au  tissu  qu'il  avoit  (;aint 

«  (U  une  lioiste  de  briés  plaine. 

■   De  tost  aler  forment  se  paine. 

'1  Bien  pcrt  qu'il  a  besongno  grant  ; 

«  Pour  le  eaut  du  solct  ardant, 

«  A  garandir  ses  beles  mains, 

'i  (lom  cil  qui  n'est  mie  vilains, 

«  ()t  un  hlaus  gaus  de  Casliaudun  '.  » 

Dans  le  Compte  d'Etienne  de  la  Fontaine^,  on  tronve  un  Ions 
article  mentionnant  les  fournitures  de  gants  faites  pour  Monsei- 
gneur le  dauphin  et  pour  ses  compaignons,  «  payées  à  Mace  le 
«  Boursier,  gantier  du  Roj  ».  Or,  ce  compte  porte  : 

Paires  de  gants  de  chevreau  et  de  canepin  ...  6 

—  —     tannez                         —      ...  2 

—  —    de  lièvre                     —      ...  102 

—  —    petits  (c'est-à-dire  légers)   ...  48 

—  —    de  cerf  pour  fauconniers.     ...  6 

On  faisait  aussi  des  gants  de  toile,  de  laine.  11  en  était  de  longs, 
à  boutons  :  «  48  boutons  d'or  pour  deux  paires  de  gans  de  chien, 
'<  couverts  de  chevrotin,  garniz  au  bout  de  4  boutons  de  perles  \  » 

Les  gants  de  fauconniers  ou  d'oiseau  étaient  faits  de  peau  de  cerf 
ou  de  cuir  de  buffle,  et  il  est  question  souvent  de  la  fourniture  d'un 
seul  gant.  Il  y  avait  des  gants  parfumés  :  «  Ganz  faiz  de  chevrotin, 
'<  courroiez  en  pouldre  de  violette  \  » 

On  tenait  ces  gants  à  la  main,  et  les  miniatures  des  xiV  et 
xv°  siècles  représentent  souvent  des  personnages  dans  celte  atti- 
tude. La  figure  1  *  nous  montre  le  roi  Philippe  le  Bel  assis  sur  un 
trône  en  forme  de  pliant,  suivant  la  tradition,  et  tenant  ses  gants 
blancs  à  la  main  droite. 


'  Il  est  fait  mention  plusieurs  fois  di;  fiants  blancs  de  Cliàteauduu  dans  les  ilucumcnls 
du  xiii"  siècle. 

2  1352. 

:*  Compte  de  13:i2. 

''  Voyez  la  Table  des  mots  techniques  k  l'art.  Cans,  Comptes  de  l'argent,  des  rois  de 
France,  publ.  par  M.  Douët  d'Areq,  tS.'il. 

o  Mannsrr.  nibliotli.  nat.,  Apologues,  latin  (conimencemenl  du  xiV  siècle). 


[    GANT  1  -    398    — 

Les  gants  forts  pour  la  chasse,  faits  de  peau  de  daim  ou  de  cerf, 
étaient  habituellement  doublés  de  soie  et  avaient  des  gardes  assez 
grandes,  couvrant  bien  le  poignet.  Les  gants  souples,  au  xni''  siècle, 
étaient  de  trois  sortes.  Les  premiers  étaient  courts  et  s'attachaient 
au  poignet  par  une  agrafe,  un  ou  deux  boutons.  Ces  gants  étaient 
portés   dehors,  généralement    pour   monter    à    cheval.  Les   autres 


^1 


étaient  longs  et  recouvraient  le  bas  des  manches.  Ces  longs  poi- 
gnets étaient  entaillés  en  biseau,  formant  ainsi  une  sorte  de  patte 
pour  faciliter  l'entrée  de  la  main  lorsqu'on  tirait  sur  celte  patte 
(flg.  21),  ou  coupés  droit  (fig.  3 2).  Ces  canons  de  peau  souple,  assez 
larges,  plissaient  sur  le  bas  de  la  manche  et  empêchaient  l'air  de 
frapper  sur  le  poignet.  Les  gants  courts  passaient  dans  une  sorte 
d'entonnoir,  qui  terminait  souvent  alors  (vers  1270)  les  manches 
justes  de  la  cotte,  ou  sur    des  mitaines  attachées  au  bas    de    ces 


'    D'une    tombe    de    clmnoino.    f;>''iv6c,    déposée    diiiis    l;i    eryjile   de    lu    eatliédrale    de 
lîourges. 

2  Miiiiiiscr.  Bihliiitli.  iialiim.,  '/V/.v^/-/n,  t'ram.-ais  (I26U  environ). 


—   399   —  [   GANT   ] 

manches,  de  sorte  que  le  poignet  était  encore  mieux  garanti 
(voy.  Manche).  Au  xiv°  siècle,  les  gants  souples  n'ont  plus  guère  de 
ces  longues  gardes  taillées  en  biseau  ;  ils    sont    courts,  ou  la    lige 


AL.CU.LLAu.-^OT. 


longue  est  serrée  au  poignet  à  l'aide  d'un  assez  grand  nombre  de 
petits  boutons  rapprochés.  Dans  une  citation  précédente,  on  voit 
qu'il  fallait  douze  boutons  pour  un  seul  gant.  Les  gants  de  voyage. 


AL.CUiLLAuMr  - 


pendant  le  xiv'  siècle,  étaient  munis  de  gardes  en  biseau  et  solides 
(voy.,  à  l'article  Ganache,  la  figure  2  hh).  On  fabri(piait  alors  des 
gants  en  Italie,  en  Espagne  et  dans  un  assez  grand  noini)re  de  villes 
françaises,  et  c'était,  comme  aujoui'd'hui,  l'objet  d'un  commerce 
important,  qui  ne  fit  que  se  développer  jusqu'au  xiv°  siècle. 

Ce  n'était  pas  tout  d'avoir  des  gants,  il  fallait  savoir  les  porter. 
Les  Arrêts  d'amour  de  Martial  d'Auvergne  »  font  savoir  (pie,  si  un 
amant,  près  de  sa  maîtresse  à  l'église,  porte  «  nouveaux  gants  es 


'   Sccoiulo  iiiDilir  lin  xv«  siècle,  éiiilioii  ilc  ll.'il,  p.  5.'!. 


[   GAHDE-COnPS  j  —  400  — 

<:  mains,  il  ne  les  doibt  point  enfoncer,  ny  faire  semblant  (.reslonger 
«  les  doigtz  en  tirant  ».  Ailleurs,  le  même  auteur  signale  l'abus 
dont  se  plaignent  certains  compagnons  touchant  les  femmes  qui 
alTectent  les  modes  des  hommes,  et  qui  «  vouloyent  aussi  porter 
«  leurs  gans  au  cousté,  le  petit  baston  en  la  main,  et  la  robe  courte 
((  à  chevaucher  »,  sur  laquelle  plainte  la  cour  maintient  les  défen- 
deresses en  possession  et  saisine  «  de  porter  botte  fauve  au  pied 
«  dextre  ou  senestre,  fermer  leurs  souliers  d'esguillettes  verdes  ou 
((  noyres,  de  mettre  verges  et  aneaulx  d'or,  et  de  porter  les  ganz  de 

«  coslé  en  la  ceinture » 

Vers  la  Un  du  xv''  siècle,  on  mettait  des  gants  de  peau  et  de  soie 
brodés  d'or  et  d'argent  sur  le  dos  de  la  main.  Il  était  malséant  de 
donner  sa  main  gantée,  et  ni  les  hommes  ni  les  femmes  ne  por- 
taient de  gants  pour  danser. 

GARDE-CORPS,  s.  m.  {hargaas,  h&rigaut).  Habit  de  dessus  plus 
particulièrement  affecté  aux  hommes ,  mais  cependant  que  les 
femmes  portaient  en  voyage,  ainsi  que  d'autres  vêtements  mascu- 
lins. Il  n'est  pas  question  de  garde-corps  avant  le  xni'=  siècle.  C'était 
une  robe  longue,  fendue  par  devant  vers  le  bas,  avec  manches 
amples  et  longues  qu'on  pouvait  ne  pas  passer,  et  qui  alors  tom- 
baient librement  des  deux  côtés.  Ce  vêtement  était  aussi  bien  porté 
par  les  nobles  que  par  les  bourgeois,  et  saint  Louis  est  représenté 
avec  cet  habit  sur  un  vitrail  de  la  cathédrale  de  Chartres  et  sur 
quelques  vignettes  de  la  fin  du  xm*"  siècle.  Quand  quelque  seigneur 
voulait  faire  honneur  à  un  messager,  ou  récompenser  particulière- 
ment un  trouvère,  il  lui  donnait  son  garde-corps  : 

»  Eu  aucune  place  ni'avient 

«  Que  aucuns  preudhonuiie  uic  vicul 

«  Por  escouter  chan(;ou  ou  uotc, 

«  Qui  tost  m'a  donne  sa  cote, 

«  Sou  garrte-corps,  sou  lu'rigaut. 

<(  Si  en  sui  plus  liez  et  plus  haut, 

«  Et  en  chante  plus  volontiers  '.  » 

Joinville  rapporte  -  que  messire  Jehan  de  Valenciennes  ayant 
ramené  à  Acre  deux   cents    chevaliers    prisonniers,  il   s'en    trouva 


'   I.c  Dict  lie  In  7naai/le  {Jonf/lrurs  et  trouvères,  \n\h\.  par  A.  Jubinal,  lS;Jo). 
-   Histoire  t/c  saint  Louis.  puM.  par  M.  Natalis  de  Wailly.  p.  Ititi. 


—  401 


[   GAUDE-COIIPS   ] 


parmi,  (juaranle  de  Champagne,  et  il  ajoulc  :  «  Je  louf  liz  taillier 
«  cotes  et  hargaiis  de  vert,  et  les  menai  devant  le  roy.  » 

Les    garde-corps    étaient  faits   d'étoffe  de   laine    liabitnellemeni, 
fourrés  ou  non  fourrés  ;  on  les  portait  avec  le  capuchon. 


'    •'  y  y  yOfrJ.ff^-^t'r y 


Le  l)as-relief  des  drapiers,  scul[ilô  sous  hV  Christ  du  portail  iionl 
de  la  calhédrale  de  Heinis,  vers  le  milieu  du  xni"  siècle,  montre 
quel(iues-uns  de  ces  marchands  vêtus  du  garde-corps  (lig.  i).  Les 


III.  —  .il 


[    GAIU)E-COUPS 


iOi> 


manches,  fendues  laléi'alement  par  devanl,  pour  dégager  les  bras  si 
on  ne  les  veul  passer,  sont  piquées  verticalement  au-dessous  des 
épaules,  afin  de  faire  coller  l'étotTe  sur  celles-ci  et  de  fournir  de  la 
largeur  par  le  bas  en  régularisant  les  plis.  La  jupe  ne  recouvre  pas 
celle  de  la  cotte ,  mais  descend  seulement  un   peu  au-dessous  des 


genoux. 


<0 


I 


3 


La  figure  2  donne  la  coupe  de  ce  vêtement  étendu,  en  A  par 
devant,  en  B  par  derrière.  Le  haut  des  manches  est  piqué  à  petils 
plis,  dont  quelques-uns  sont  plus  marqués  pour  former  les  tuyaux 
a,  b,  c.  En  d,  est  la  fente  antérieure  qui  permet  de  dégager  le  bras, 
si  l'on  ne  veut  passer  la  manche.  La  jupe  est  habituellement  fendue 
par  le  bas,  de  g  en  h,  et  au-dessous  de  l'encolure,  de  e  en  f.  Les 
manches  sont  plus  ou  moins  longues  ou  courtes,  mais  descendent 
au-dessous  du  coude. 

Les  garde-corps  que  portaient  les  femmes  étaient  toujours  pour- 
vus, au  contraire,  de  manches  très-longues,  et  les  jupes  descen- 
daient jusqu'aux  pieds,  couvrant  complètement  la  cotte.  La  figure  3 
reproduit  ce  vêtement  à  chevaucher  '.  Cette  dame  couronnée  a  en- 


I  .Mamiscr.  liihlintli.  w.dum..  Histoire  du  stiint  (iranl.  français  (l^oO  ciivirou). 


—   403    —  [   GARDE-CORPS    ] 

fourché  sa  haquenée  sur  une  selle  d'homme.  Son  voile  est  blanc 
et  passe  sous  le  camail  du  capuchon  vert.  Les  manches  de  dessous 
(celles  de  la  cotte)  sont  bleues,  et  le  garde-corps  est  rouge,  doublé  de 
vert  pâle.  Les  manches  très-longues  de  ce  garde-corps  ne  forment 
que  deux  plis,  et  Tétoffe  au-dessous  des  épaules  est  piquée  comme 
il    est    dit    ci- dessus.   Le    garde-corps   était    parfois    dépourvu   de 


manches,  alors  lui  dounail-on  plutôt  le  nom  de  hérigant.  C'était  un 
beau  vêtement,  d'une  coupe  très-simple,  en  façon  de  dalmatique. 
La  figure  4  nous  le  montre  porté  par  un  noble,  le  sire  de  Coucy  *. 
Ce  hérigaut  se  compose  simplement  de  deux  pans  d'étoffe  d'égale 
largeurj  tombant  devant  et  derrière,  et  laissant  voir  entre  eux  la 
surcolte  à  manches  évasées  au  coude.  Le  hérigaut  est  doublé  de 
menu  vair,  ainsi  que  le  capuchon,  fait  de  même  élolïc  pourpre.  La 


1  Du  nianiisfi'it  de  la  lîihliolli.  imlion.,  Histoire  de  In  vie  et  des  miracles  de  snint 
Louis  (1390  environ).  Le  sirc  do  Coucy  est  ici  mande  à  la  cour  du  voi,  au  sujcl  de  la 
nioi'L  do  trois  jeunes  bacheliers  qui  s'étaient  livrés  au  braconuaf^e,  cl  que  le  sirc  de  Coucy 

avail  luit  |icii(lro  contre  loul  drnil. 


[  r.ARDE-cnnps  1  ,[., 

—  404  — 

J"sl«,  îouge.  La  coilTe,  s,  fréqucmmenl  portée  alors  par 


ûmoT 


»^nir.::L::t-tr;sr-:-;: 


m 


GAnnE-CORPS 


élaient  longs,  el  on  la  laissait  sous  le  chapeau,  le  rliapcron  ou  même 
riiabillement  militaire  de  tête  (voy.  Coiffe).  Le  liérigaul,  ouvert 
entièrement  des  deux  côtés,  permettait  de  cacher  les  mains  sous 
le  pan  de  devant,  pour  les  garantir  du  froid  (fig.  5  ').  La  ligure  6 


5 


A 


B 


donne  la  coupe  de  ce  vêtement,  déployé  en  A  par  devant  et  en  B  par 
derrière.  Le  capuchon,  bien  rpie  fuit  de  même  étofïe,  était  indépen- 
dant du  hérigaut  et  était  en  fournie  par  dessus.  A  l'ai-licle  Dalma- 
TiQUE,  la  figure  S  présente  un  vêtement  de  dessus  qui  rappelle  la 
forme  du  hérigaut,  et  pour  ne  pas  gêner  les  mouvements,  le  pan  de 
devant  est  retenu  à  la  taille  par  une  ceinture.  Mais  si  le  garde-corps 
ou  le  hérigaut  sans  manches  garantissait  bien  la  poitrine  et  le  dos, 
Une  couvrait  pas  suffisamment  les  épaules  ;  aussi  on  ajouta  bientôt 
à  cette  partie  de  l'habillement  des  morceaux  d'étotïe  en  double  ou 
en  triple,  en  forme  de  pèlerine,  sur  le  haut  des  bras  seulement,  et 
qui,  pour  ne  pas  faire  une  saillie  gênante,  ne  passaient  pas  sur  la 
poitrine.  Ce  vêtement,  gracieux  et  commode,  est  fort  usité  à  dater 
de  4320  jusque  vers  1340. 

Un  fragment  de  statue  provenant  de  l'abbaye  d'Eu  nous  fournit 
un  excellent  exemple  du  hérigaut  ainsi  modifié  (lig.  7)  -.  Au-dessus 


I  Mcnio  muiiiiscril  cl  mêino  personiinKC 

-  Dûposi'i  dans  les  magasins  du  charilicr  des  Inivaux  de  Téglisc  d'Eu. 


[    GARDE-CORPS    j 


^  406 


/ 


C-  ^.!'.V,9 


—   407    --  ;    GAIU)E-CORPS   ] 

des  ouvertures,  entre  les  deux  pans  qui  laissent  passer  les  bras,  sont 
cousus  trois  collets  se  recouvrant,  justes  aux  épaules,  entièrement 
délacliés  les  uns  des  autres  latéralement  et  par  derrière,  mais  s'ar- 
rêlant  des  deux  côtés  de  la  poitrine,  où  ils  viennent  se  confondre 
avec  le  nu  de   rélolïo.    Ces  collets   sont,    bien  entendu,  de   même 


G-^rjS 


nuance  que  le  reste  du  vêtement,  et  il  faut  encore  que  la  jonction 
des  trois  collets  avec  le  pan  du  devant  ne  soit  pas  apparente.  Sous 
ce  garde-corps,  le  personnage  en  question  porte  une  surcolte  à 
mancbes  larges  s'arrétant  aux  coudes  et  armoyée  de  France.  Les 
mancbes  justes  de  la  cotte  de  dessous  sont  serrées  aux  avant-bras 
par  de  petits  boutons  très-rapprocbés,  suivant  la  mode  d'alors.  Il 
faut  observer  que  dans  ce  dernier  vêtement,  le  pan  de  derrière  est 
sensiblement  plus  large  que  celui  de  devant,  et  que  le  passage  du 
bras  entre  ces  deux  pans  se  trouve  ainsi  ramené  en  avant,  ce  qui 
rendait  plus  commode  le  port  de  l'habit.  La  ligure  8  montn'  l;i 
manche  de  la  surcotle  et  le  corps  de  celle-ci  serré  à  la  taille  pai' 


[    GAKUE-COIU'S    j  —    408    — 

une  ceinture,  el  la  ligure  9  la  coupe  élendiie  de  ce  garde-corps,  en 
A  par  devant  et  en  B  par  derrière.  Le  pan  de  devant,  dont  la  moitié 
est  visible  en  (ib,  n'a  guère  qu'un  mèlre  de  largeur  en  bas,  tandis 
que  celui  de  derrière,  Oc,  a  1  nièlre  60  centimètres.  Le  passage  du 
bras  en  d  est,  comme  il   est  dit,  lamené  en  avant.   C'est  la  forme 


'J 


A 


S 


étendue  de  ce  vêtement  qui  lui  avait  aussi  fait  donner  le  nom  de 
cloche.  11  est  généralement  doublé  de  fourrures,  et  les  collets  eux- 
mêmes  sont  parfois  doublés,  ou  tout  au  moins  garnis  de  Icticcs, 
c'est-à-dire  de  passe-poils  blancs  faits  avec  des  bandes  d'bermine 
ou  de  ventres  de  vair. 

Vers  4350,  ce  vêtement  se  modifie.  Il  reprend  des  mancbes  ;  il 
n'est  plus  formé  de  deux  pans  séparés ,  mais  d'un  corps  de  robe 
avec  ouvertures  pour  passer  les  mains  à  la  liauteur  du  ventre.  Un 
seul  collet  garantit  les  épaules  et  est  complet,  ou  bien  le  haut  de  la 
robe  en  est  totalement  privé  (fig.  10).  Le  personnage  A  représente 
le  roi  Jean,  qui  fut  prisonnier  en  Angleterre,  après  la  bataille  de 
Poitiers  *.  Le  garde-corps  est  bleu,  ainsi  que  le  capuchon  doublé  de 
blanc.  Des  passe-poils  blancs  bordent  le  collet,  les  manches  et  la 
fente  antérieure  de  la  robe.  Les  manches  justes  de  la  cotte  de  des- 


'  MaiiusiT.   liililiolli.  aulioii.,  Tite-Uoe,  trail.   l'rau(;;usi;  ilédic'L'  au  rui  Juau. 


409  — 


[   GAIU»E  COUPS   ] 


SOUS  sont  rouges.  Les  manches  du  garde-corps,  très-amples  à  leur 
exlrêmilé,  soiil  plaies  au-dessous  des  bras  el  ne  descendent  guère 


JU 


^ 


(pi'à  la  saignée.  Le  personnage  B,  tiré  d'un  manuscrit  du  nx-me 
lenips',  possède  un  garde-corps  sans  collet  ;  le  bas  des  manclies  est 
pincé  par  un  gros  boulon.  Mais    alors  aussi,  de    13o0  à  loTO,  un 


1  Uililiolh.   ualiuii..  Tristan.  IVaiiraiâ. 


m.  —  oz 


[   GARDE-CORPS    ] 


410    - 


portail  des  liéri.iîauls  pour  monter  à  cheval,  qui  ne  se  composaient 
(jue  (le  deux  pans  d'étoffe  (dalmatique)  retenus  tous  deux  au  corps 
jiar  une  ceinture.  La  figure  11  ^  donne  ce  vêtement  endossé  par  des 


lî 


D/û/or 


cavaliers.  Les  épaules,  la  poitrine  et  le  dos  étaient  seulement  cou- 
verts. Les  deux  pans  llottants  au-dessous  de  la  ceinture  permettaient 
d'enfourcher  le  cheval.  Les  plis  se  produisaient  naturellement  en 
bouclant  le  ceinturon,  qui  faisait  coller  les  deux  bords  antérieurs  le 
long  des  manches  de  la  cotte,  Irôs-rembourrées  et  qui  n'avaient  pas 


1  Miimiï^rr.  liibliolli.  ualiou.,  Çhronujue  d'Angleterre,  i']'an(;iiis. 


—   4il    —  [   GARDF'X-.OItPS   ] 

besoin  d'être  garanties.  Les  bords  du  hérigaut  sont  taillés  en  barbes 
d'écrevisse,  suivant    la   mode  de  ce  temps.  Le  collet  appartient  au 

11 


H.GulLUUlMT. 


■vêtement  de  dessous,  et  le  hérigaut  est  simplement  percé  d'un  trou 
pour  laisser  passer  la  lêle.  La  figure  12  donne  ce  vétemenl  élomhi  ;  ses 


V6 


deux  faces,  antérieure  et  postérieure,  sont  ldenli(iuos.  Le  capuchon 
avec  caniail  était  eiifoiirmé  au    besoin    par-dessus    le    hérigaut.   Ce 


[    GIBECIÈUE   ]  —   412    — 

vêtement  convenait  aux  jeunes  hommes,  et  n'est  représenté  porté 
que  par  ceux-ci.  Les  gentilshommes  âgés  endossaient,  pour  monter 
à  cheval,  des  hérigauts  do  même,  sans  manches,  mais  fermés  laté- 
ralement et  tombant  jusqu'aux  pieds  (fig.  13  ').  Ce  cavalier  porte 
la  cotte  à  manches  justes  lilas,  avec  une  surcotte  à  très-longues 
manches  fendues,  jaune-paille  ;  le  hérigaut  est  rouge. 

La  disposition  de  la  bride  du  cheval  mérite  attention.  Elle  est 
renvoyée  au  poitrail  dans  une  rouelle  munie  de  passants,  et  de  là 
est  tenue  par  le  cavalier.  Mais  nous  avons  l'occasion  d'entrer  dans 
quelques  détails  sur  cette  matière  dans  l'article  sur  les  Harxus. 

On  ne  trouve  plus  trace  de  ces  noms  de  hérigaut  ou  de  garde- 
corps  sous  le  règne  de  Charles  VL  Bien  que  des  vêtements  ana- 
logues soient  encore  portés  par  les  gentilshommes  et  par  les 
bourgeois,  on  les  désigne  autrement;  et,  d'ailleurs,  ces  coupes,  si 
simples  et  qui  produisent  de  beaux  plis,  disparaissent  pour  faire 
place  à  des  habits  de  dessus  très-compliqués  dans  la  manière  dont 
ils  sont  façonnés  (voy.  Haincelin,  Hoqueton,  Houppela>de,  Pelice, 
Surcot). 

L'esclavine  n'est  qu'un  garde-corps  (voy.  ce  mot). 

GARNEMENT,  s.  m.  C'est  par  ce  mot  que  l'on  désignait,  pen- 
dant les  xnr  et  xiv^  siècles,  les  diverses  pièces  d'un  vêtement 
complet  (voy.  Robe)  : 

'1  Piiit  le  luaiacut  eu  nue  cambre, 

u  II  ot  asés  d'or  d'Alixandre, 

'<  Tires,  pales  et  siglatons, 

'i  Mantials  vairs  et  gris  pelieous, 

"  Et  maint  bon  autre  garnement  '^.  >' 

Garnement  s'entendait  aussi  comme  pièces  diin  ameublement. 
Nous  avons  conservé  le  mot  garni. 

GIBECIÈRE,  s.  f.  C'est  l'escarcelle  d'une  dimension  plus  grande 
et  à  laquelle  n'est  pas  attaché  le  couteau.  La  gibecière  était  portée 
par  les  voyageurs,  par  les  paysans,  mais  les  nobles,  en  campagne, 
en  suspendaient  aussi  à  leur  côté  ;  alors,  elles  étaient  richement 
ornées.  «  Une  gibecière  à  perles  sur  champ  vermeil  à  treffles,  à  troys 
i<  fleurs  de  lys\  » 

'  Manuscr.  Biblioth.  nation.,  Tite-Live,  trad.  française  dédiée  au  roi  Jean. 
-  Li  biausdesconnens,  roman  du  xiii»  siècle,  vers  3418  et  suiv. 
^  Invmt .  de  Charles  V,  P>il)lioth,   nation.,  article  n"  274o. 


—   413    —  [   GONELLE    ] 

«  Une  autre  gibecière  à  perles,  où  sont  deux  aigles  qui  tiennent 
"  ung  K  et  ung  J  couronnez  et  y  a  deux  bourses  de  perles  à  ung 
'<  pendant  de  mesmes  '.  » 

Les  gibecières  étaient  à  fermoir,  comme  les  aumônières,  ou 
à  recouvrement,  avec  courroie  pour  les  passer  en  sautoir.  Les  pèle- 
rins ne  voyageaient  pas  sans  une  gibecière,  où  ils  mettaient  les 
ustensiles  les  plus  nécessaires,  et  aussi  leur  nourriture  du  jour. 
Cela  ressemblait  beaucoup  à  notre  musette  (voy.  à  l'article  Escla- 
VI^'E,  fig.  2  et  4). 

GONELLE,  s.  î.  {gonnèle,  gonne).  Habillement  de  dessus  porté 
par  les  deux  sexes.  Sorte  de  cape,  sans  manches,  couvrant  le 
cou,  munie  habituellement  d'un  capuchon,  ouverte  par  devant. 
Cette  casaque  remonte  à  une  haute  antiquité,  puisque  le  mot  givn 
se  trouve  dans  le  vieux  gaélique,  dont  le  Breton  a  fait  gunna,  et 
l'Écossais  gun. 

La  limousine  de  nos  paysans  du  centre  de  la  France,  portée  par 
les  bergers  et  les  rouliers,  est  une  dernière  tradition  de  ce  vêtement 
usité  chez  les  Gaulois,  ainsi  que  le  prouvent  des  stèles  funéraires 
des  iV  et  %'"  siècles. 

La  gonelle  appartenait  aussi  bien  aux  nobles  qu'aux  vilains.  On 
la  posait  par-dessus  l'armure,  ainsi  que  le  font  connaître  les  vers 
suivants  : 

>'  Il  s'ageuoillc,  vestue  de  sa  gonnele, 
»  Par  graut  amor  il  a  dit  raison  hein  -.  » 

'i  Dcsoz  la  bofle  li  tVainl  cl  escarlclc, 

»  L'auber  li  fausse  de  desoz  la  gonele, 

<i  Empaint  le  bieu,  mort  Fabat  de  la  scie  '.  » 

La  gonelle  était  de  dimensions  et  do  formes  différentes.  Les  gens 
du  peuple,  les  paysans,  la  portaient  assez  courte  et  ne  descendant 
guère  qu'aux  genoux  :  les  nobles  la  tenaient  ample  et  fourrée  : 

'c  Une  gonnele  de  biset  li  dona, 

<i  Monit  esloil  lée,  près  d'une  toise  a  '.  » 

'   Inrnnt.  de  CItarlex  V,  n»  2'7'4(). 

-  Li  fioDums  (le  liaoul  (h  Cambrai.  C'est  b;  eonite  P.aon!  don!  il  esl  ici  ipieslion  et 
(|ui  est  armé. 

*  Manuscr.  n»  9S't,  olim  G'i9  de  la  bibliolh.  pnbl.  de  la  ville  de  Lyon  (enmmenee- 
ment  du  xiv"  siècle). 

'•  L(t  Bataille  d'Aleschnns,  vers  UH,  Guillaïunc  d'Ornncje  (xiii"  siècle). 


1 


[   GONELLE   ] 


414 


«  Por  ce,  s'ai  orc  mes  cliauccs  eaboées 

"  Et  ma  gdiiele  qui  est  et  grnnt  et  léo, 

"  Si  est  por  voir  daus  Aynieris  mes  pcres, 

(1  Cil  de  Ncrbone,  qu'a  proescc  adurce'.  » 

Ce  vêlement  préservait  les  paysans,  les  bergers,  des  intempéries, 
cl  no  dilïérait  guère  de  ceux  qu'ils  portent  encore  aujourd'hui. 


/ 


La  figure  1  montre  un  paire  vêtu  de  lu  gonelle  courte  par-dessus 
la  cotte,  avec  ceinture  d'éloffe-.  Plus  ou  moins  longue,  la  gonelle 


'   Ljl  Charrois  de  Nysmes,  vers  1329  et  suiv.,  Ginllmime  d' Orange. 
-  iMauuscr.  r>ihIioili.   iialinii.,  latin,  n"  fi/3  (x»  sièele). 


—   41 O    —  [   GONELLE   J 

(lu  peuple  n'est  qu'un  morceau  carré  d'étoffe  '  froncé  au  cou,  avec 
capuchon,  et  elle  ne  varie  pas  dans  sa  forme  pendant  le  cours  du 
moyen  âge.  Il  n'en  est  pas  de  môme  de  la  gonelle  des  citadins  et 
des  nobles.  Ces  gonelles  étaient  faites  de  camelins  de  qualilé  plus 
ou  moins  fine,  doublées  d'étoffe  plus  légère,  claire,  ou  même  de 
fourrures.  Plus  rarement  les  portait-on  de  soie.  Celles-ci  étaient 
plus  particulièrement  réservées  aux  dames  nobles  pendant  les 
xiv=  et  xve  siècles. 

% 


TSS. 


Quand  le  jeune  roi  Charles  VI  faillit  être  brûlé  à  l'hôtel  Saiiit- 
Pol  eu  prenant  part  à  une  mascarade,  la  duchesse  de  Bcrry  le  retint 
près  d'elle,  et  l'enveloppa  de  sa  gonelle  pour  le  soustraire  aux 
llammes'-!.  Ce  vêtement  de  dessus,  porlé  pendant  un  bal  à  la  cour, 
élait  certainement  ample  et  léger. 

Les  femmes  du  peuple  endossaient  aussi  des  gonelles  de  formes 


'  De  burui,  ('IdII'c  de  Uiiac  grossière,  [iresiiie  toujours  rayée,  et  <iui  était  uue  Iradition 
ilu  v'tement  gaulois. 

-  Chron.  de  Saitit- Denis,  t.    Il,  p.  6'J,  71. 


I    r.ONELLE    ] 


416 


variées  suivant  la  saison  ou  suivant  les  circonstances.  Il  y  en  avait  do 
très-amples  ;  {.Faulres  ne  dépassaient  pas  les  épaules  et  ne  différaient 
du  chaperon  que  parce  qu'elles  étaient  complètement  ouvertes  par 
devant,  tandis  qu'il  fallait  enfourmer  le  chaperon  (voy.  Chaperoin). 

Les  docteurs  au  xni^  siècle  portaient  la  gonelle  par-dessus  la  cotte 
longue.  Cette  gonelle  était  fendue  au  droit  des  bras,  du  haut  en 
bas,  pour  laisser  la  liberté  aux  mouvements. 

La  ligure  12  montre  un  de  ces  docteurs  enseignant  la  grammaire 
à  des  écoliers*.  Cette  gonelle,  ample,  est  violette,  doublée  de  blanc. 
Sur  les  épaules  elle  est  froncée  à  très-petits  plis  réguliers,  afin  de 
rassembler  l'étoffe  et  de  la  faire  suivre  le  rétrécissement  du  col. 

Les  moines  mendiants,  prêcheurs,  portaient  la  gonelle,  au 
xm'=  siècle,  ample  et  descendant  au-dessous   des    genoux  (fig.  o  -). 


#^~^ 


,«(1 


Ce  vêtement  religieux  est  toujours  de  couleur  noire  ou  très-sombre. 
Dans  l'exemple  donné  ici,  la  robe  de  dessous  est  grise.  Le  scapu- 
laire,  ou  la  cucule,  est  d'une  nuance  violet  clair. 

La  ligure  3  bis  ^  montre  un  religieux  prêcheur  vêtu  de  la  l'obe  et 
du  scapulaire  blancs;  la  gonelle  est  noire,  avec  capuchon.  A  la  lin 
du  xnie  siècle,  les  religieux  mendiants  et  prêcheurs,  qui,  à  l'origine 
de  leur  institution,  étaient  vêtus  d'étolïes  grossières,  affectaient  au 


'   Maiiuscr.  lîihliolli .  ualiiiu.,  h/iaye  du  /«u/ic/e,  fraurais  (soroudc  iiioitiô  du  xiii*-' siècle). 
''  Mauuscr.  lîihliolli.  ualiou.,/''AYf/?/i.,  auc.  fonds SaiuL-Gcrmaiii(iiiilicii  du  .\iu«  siècle). 
■'  Mauusci'.  IJihliolh.  ualiou..  liât. de  la  vu:  et  des  uiiriicles  de  saint  Louis  (dcruièrcs 
auuccs  du  xiu''  siècle". 


—    417    —  [   GONELLE   ] 

conli'aire  de  ne  porter  que  des  étoffes  souples  de  la  plus  fine  laine, 
tombant  jusqu'à  terre  en  plis  élégants.  Le  capuchon,  très-ample 
d'abord,  était  fait  de  plus  en  plus  étroit,  de  manière  à  envelopper 


/> 


5    lis 


(3, 


^ 


G-  jif-'oit 


exactement  le  crâne,  et  une  pèlerine  double  à  petits  plis  au  collet 
protégeait  les  épaules.  Au  xV'  siècle,  ce  vêtement  religieux  avait  la 
forme  que  présente  la  ligui'e  4  '.  Rabattu,  le  capuchon  ne  laissait 
voir  que  sa  doublure  formant  collet.  La  pèlerine,  ouverte  par  devant, 
était  faite  d'une  pièce  d'étolïe  repliée  en  dessous,  à  petits  plis  sur 
les  épaules.  Le  corps  de  robe,  fendu  du  haut  en  bas  par  devant, 
était  muni  de  très-larges  manches.  Tout  ce  vêtement  était  noir  ;  il 
était  adopté  à  cette  époque  par  les  religieux  bénédictins.  La  pèle- 
l'ine  tombait  en  pointe  par  derrière,  jusqu'au  milieu  du  dos  :  cétail 
une  tradition  de  l'ancien  capuchon  lrè.s-ample.  La  figure  5  montre 


'   Maïuiscr.  l'.ihiidili.  nation.,  Miroir  Idslorial,  franrais  (1  l'ill  cnviriin). 

m.  —  a3 


[   GOINELLE  ] 


418 


le  liaiil  de  ce  vêlemenl  religieux,  par  derrière.  La  gonelle  était  tou- 
jours portée  sans  ceinture,  et  seule  celle  des  religieux  était  garnie  de 
manches. 


/li.  cuiLUUàiir, 


Nous  avons  dit  que  les  femmes  portaient  des   gonelles   qui   ne 
couvraient   que  la  tête  et  les  épaules.  Ce  vêtement  se  mettait  en 


C 


campagne  et  pour  chevaucher.  En  voici   un  exemple  (lig.  6  ').  La 


'   Mauiisir.  Itililiolli.  uatiou..  Lancelot  du  Lac,  frau(;ais  (1390J. 


—  419  —  [  r.oNEi.i.E  ] 

(lamoiselle  à  cheval  est  vêtue  d'une  robe  pourpre  avec  agréments 
et  ceinture  d'or.  La  gonelle,  qui  n'est  qu'un  chaperon  ouvert  par 
devant,  est  rouge  ;  les  gants  sont  jaunes.  On  donnait  aussi  les  noms 


7 


e,:t'>r 


de  (jor^e,  gonelle  ou  goule,  à  une  simple  pèlerine  que  les  femmes 
mettaient  sur  leurs  épaules  pour  mouler  ù  cheval  et  se  garantir  de 
la  pluie  ou  du  brouillard.  Cette  gonelle  ne  descendait  qu  au-dessous 
du  coude,  afin  de  ne  pas  gêner  les  mouvements  des  bras,  était 
ouverte  par  devant  et  attachée  sur  la  poitrine  avec  quelques  bon- 


[    GONELLE    J  —    420    — 

tons  ;  elle  serniil  le  cou  et  élait  très-ample  par  le  bas.  Ce  vêtement 
était  plus  particulièrement  adopté,  pendant  le  xiv''  siècle,  par  les 
dames  do  lltalie  septentrionale,  mais  élait  aussi  usité  chez  nous  ; 


a  .-,:. 


on  le  portail  avec  ou  sans  le  chaperon  (tîg.  7  i).  Le  chaperon  s'en- 
fnurmait  par-dessus  la  gonelle  et  donnait  un  supplément  d'étofTe 
sur  les  épaules.  Ou  remarquera  le  petit  fouet  à  trois  lanières  que 


1  M.iiiiiscr.  Ribliolli.  nul.,  Lancelot  du  Lac  (130(1  ouvir.),  vignettes  de  faiiurc  italienne. 


—    421    —  [   GORGIÈRE   ] 

porte  celte  dame,  et  qui  était  alors  en  usage  chez  les  écuyères. 
Celle-ci  enfourche  la  haquenée  comme  un  homme.  Les  étriers  sont 
des  talonnières  cachées  sous  la  robe,  et  la  selle  est,  à  peu  de  diffé- 
rence près,  une  selle  d'homme.  Elle  est  haute;  la  bâte  de  garrot 
est  seulement  plus  renversée  et  la  cuiller  moins  fermée.  Les  jupes 
(jue  mettaient  les  dames  pour  monter  ainsi  à  cheval  étaient  fendues 
par  devant  jusqu'au-dessus  des  genoux,  et  par  derrière  à  la  hauteur 
des  jarrets.  Elles  étaient  d'ailleurs  très-amples  et  faites  d'étoiïes 
souples.  On  portait  de  ces  petites  gonelles  ou  goules  de  fourrures. 
Dans  le  Roman  de  Raoul  de  Cambrai,  il  est  question  de  goules 
de  martre,  et,  dans  le  Roman  de  Parisé  la  duchesse,  de  goules 
d'hermine  : 

(i  Vos  ilourai  ilr  mon  dons  .i.    heriuiu  agolr.  » 

Il  faut  classer  aussi  parmi  les  gonelles  certains  vêtements  assez 
semblables  à  une  chasuble  avec  capuchon ,  portés  pendant  le 
xni"  siècle  et  le  commencement  du  xiv''  (de  1240  environ  à  1320), 
et  que  Ton  enfourmait  par-dessus  la  cotte  pour  se  garantir  de  la 
bise.  Le  peuple  portait  cet  habit  en  campagne,  et  alors  il  ne  des- 
cendait guère  qu'aux  genoux  ;  mais  les  nobles  et  riches  bourgeois 
le  tenaient  plus  long  (fig.  8  ').  C'était  un  chaperon  terminé  par 
deux  pentes  taillées  en  pointe  comme  la  chasuble,  tombant  par 
derrière  et  par  devant,  des  épaules  au  milieu  des  jambes.  Pour 
monter  à  cheval,  on  maintenait  les  deux  pentes  autour  de  la  taille 
par  une  courroie.  Ces  gonelles,  portées  par  des  personnes  no- 
tables,  étaient  habituellement  de  couleurs  éclatantes,  rouges, 
pourpres,  ou  blanches.  On  les  doublait  parfois  de  fourrures.  Les 
femmes  les  endossaient  aussi  bien  que  les  hommes  pour  voyager 
à  cheval.  Vers  le  commencement  du  xiv^  siècle,  la  queue  du  capu- 
chon était  tenue  très-longue,  descendant  jusqu'au  bas  du  vêtement. 
On  la  laissait  tomber  par  derrière  ou  on  l'enroulait  autour  du  cou 
pour  bien  maintenir  ce  capuchon  et  tenir  la  gorge  chaudement, 
ou  encore  on  en  faisait  une  sorte  de  turban  sur  la  tête  pour  garantir 
les  oreilles  et  empêcher  la  bise  de  s'engouffrer  dans  l'ouverture  du 
chaperon. 

GORGIÉRE.  s.  f.  [gorcjerette).  Fichu  de  femme,  d'étoile  blanche, 
linc   cl   transparente,    qui  élait  en  usage  dès  le  xiv"  siècle  :   «  Pour 

'  Maniiscr.    P.ililiolli.  nalion.,    Traité   du  péché  origine/,  piilois  de   lir/iers  (milieu  du 
xin'-'  siècle). 


[   GORGIÈRE   ] 


—  422 


«  plusieurs  pièces  de  couvrcciiiefs,  gorgieres,  toiirez,  espingles  et 
autres  atours  K  »  Dès  avant  cette  époque,  les  gorgieres  étaient 
attachées  au  .couvre-chef,  couvraient  le  cou,  les  épaules,  et  étaient 
prises  sous  l'encolure   de  la  robe.  Les  dames  portaient  même  des 


gorgieres  sans  voile,  sans  couvre-chef,  et  coiffées  en  cheveux,  ainsi 
que  rindique  la  figure  1  -.  Cette  gorgière  est  attachée  sous  les 
nattes  qui  couvrent  les  oreilles  et  la  nuque,  passe  serrée  sous  le 
menton,  est  assez  ample  autour  du  cou  et  est  maintenue  sous  l'en- 
colure du  surcot.  Les  guimpes,  au  contraire,  étaient  posées  par- 
dessus le  vêtement  (voy.  Guimpe)  et  étaient  beaucoup  plus  amples. 
Cette  mode  se  conserva  jusque  vers  1370  avec  des  variantes.  Les 
femmes  portaient  alors  des  hennins,  cornes,  escoffions,  et  les  cheveux 


'  D(''penso  du  mariage  de  Rlanclie  de  Uoiirbon  (1352). 

*  Manuscr.  llihlioth.  iiatiou.,  Guerre  de  Truie,  français  (1300  a  1310). 


—    423   —  [   GOUGIÈRE   ] 

élaicnt  cachés  sous  ces  coillures.  Les  gorgières,  (|ui  irélaient  plus 
guère  adoptées  (|ue  par  les  femmes  d'un  âge  mûr  ou  ([ui  voulaienl 
conserver  une  altitude  respectable,  étaient  serrées  au  cou  et  prises 


toujours  sous  le  corsage  (fig.  2  ').  La  robe  de  cette  dame  est  bleue, 
sans  aucun  ornement  ;  les  manches  de  la  cotte  de  dessous,  roses. 
L'escoftion  est  de  linge  blanc,  et  la  gorgièrc  très-transparente. 
Mais,  vers  i;-580,  les  robes  des  dames  étaient,  ou  très-montantes 
avec  collet  haut,  ou  décolletées  avec  collet  rabattu,  et  pièces  de 
dessous  au  bas  de  la  gorge,  ou  gorgières,  qui  alors  n'étaient  que  de 
légers  lichus  posés  sur  les  épaules,  qu'ils  couvraient  à  demi,  cl  pris 


'  Mauuscr.  IJiblioUi.  iialiou.,  laCité  des  dames,  Christine  de  pisau. 


[   GORC.IÈKE   ]  __    424    _ 

SOUS  le  bord  supérieur  du  corsage.  Au  commencement  du  xv^'  siècle 
les    gorgieres,    irès-fmes,    Iransparenles,   légèrement  empesées,   ne 


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furent   plus  qu'un  glacis   de  gaze  posé  a  la   hauteur  des  épaules 
sous  le  corsage  très-ouvert  par  devant  et  par  derrière  (fig.  3  ').' 

'  MauuscT.  Bihliolh.  n-a\um..Lam:elol  ,1a  Lac,  fnui.Mis  (1425  environ). 


—   425    —  f   f.ORGIÈRE   ] 

Elles  formaieni  de  petits  plis  réguliers  au  cou,  qui  se  perdaient  sur 
la  poitrine,  laissant  deviner  la  couleur  de  la  peau  et  la  forme.  Cela 
ne  laissait  pas  d'être  fort  gracieux.  Dans  notre  exemple,  une  line 


\  \  '"»'..      \\ 


chaîne  d'or,  avec  un  bijou,  est  posée  sur  la  gorgière  et  contribue  à  la 
maintenir.  La  coiffure  de  cette  dame  est  le  hennin  à  cornes,  avec 
voile  léger  et  très-transparent  par-dessus.  Les  cornes  du  hennin 
sont  bordées  d'une  sorte  de  guipure  ou  de  passementerie  blanche 
et  composées  d'une  étoffe  l'ouge  avec  fils  d'or  et  perles.  Une  passe- 
menterie bleu  passé  borde  le  corsage,  qui  est  de  velours  gris  de 
fer,  ainsi  que  la  jupe  et  les  manches.  La  ceinture,  très-large,  suivant 
la  mode  du  temps,  est  blanche  avec  broderies  d'or.  Le  corsage  csl 
également  très-décolleté  dans  le  dos  (fig.  4),  et  la  gorgière  est 
de  même  que  sur  la  poitrine,  ouverte  en  pointe.  Cette  nuule  ne 
pouvait  convenir  qu'à  de  très-jeunes  femmes,  et  èlail,  df  la  |)ait 
du  clergé,  le  sujet  de  fréiiuentes  remontrances,  qui.  bleu  entendu, 

m.  —  i)4 


GOKGIÈRE   ] 


426    - 


restaient  sans  elTel.  Ces  gorgières,  d'un  tissu  aussi  transparent  que 
possible,  devaient  être  faites  de  ces  mousselines  très-fines  qu'alors 
on  faisait  venir  d'Orient,  et  qui  parfois  étaient  brodées  de  légers 
dessins  d'or,  pois,  lleurettes,  raies. 

Cette  mode  persista  assez  longtemps  avec  quelques  variantes  sans 
importance,  tant  que  les  corsages  furent  maintenus  aussi  décolletés. 


S 


11.  CU11.U.  .:,u 


c'est-à-dire  jusque  vers  1440.  Les  bourgeoises  ne  se  permettaient 
guère  ces  coupes  de  corsage  qui  appartenaient  aux  dames  nobles, 
mais  elles  cherchaient  naturellement  à  les  imiter.  Elles  portaient 
aussi  des  gorgières  entre  le  haut  du  corsage  et  le  cou,  faites  égale- 
ment d'étoffe  très-transparente. 

La  figure  o  <  nous  montre  une  de  ces  bourgeoises  simplement 
coiffée  d'un  voile  d'étolfe  épaisse,  blanche.  La  robe,  qui  est  faite 
d'une  étoffe  marron,  est  bordée,  en  guise  de  passementerie-guipure, 


'   MauLiscr.   Uihliolli.  uuliou. ,  iVzVo//'  lusluriaL  IVauriiis  (lilO  uuvirou). 


,,  "  [  r.oRGiia'.E  ] 

o^p  ^^d-™ 'l;'l'',"r  '"^"^'  ''"  P-^^»  '•■'  °°^="--  Le  oo„ie,, 

cou.  Sou.  la  gorgjere,  «u    l.as  de    l'ouverture    du   corsage,  o,' 

e 


ne  devait  pas  laisser  parailrc  le  liaut  de  la  chemise,  cela  eût  él6  uue 
nconvenance.  Le  col  de   la   chemise,  Irès-ôchan  ré,  dev,     d 
amver  jusie  an  point  où  le  corsage  commençai,  à  s'  uvrir.  A    ,i 
clans  les  Arm.  é'amur   de  Martial  .fAuverg™,  „, n,c         , .' 


[  GUIMPE  1  —  428  — 

t-ellc  plainte  de  ce  que  son  amant,  en  l'accolant  Irop  rudement, 
a  déchiré  sa  gorgeretle  de  manière  à  laisser  voir  le  bout  de  sa 
chemise  ;  ce  pourquoi  elle  requiert  la  cour  qu'il  lui  plaise  ordonner 
que  ledit  amant  soit  condamné  à  ne  la  plus  approcher  sans  son 
congé,  et  à  faire  amende  honorable. 

Cette  gorgerette  transparente  n'est  plus  plissée  vers  1450  ;  elle 
est  unie,  légèrement  empesée,  quelquefois  bordée  d'un  fil  noir  ou 
d'or.  Cette  mode  persiste  jusqu'à  la  lin  du  xV'  siècle.  Souvent  alors, 
la  gorgerette  est  isolée  de  la  peau  et  forme  une  sorte  de  collet  bas, 
transparent,  dépassant  le  corsage  de  trois  ou  quatre  doigts  seule- 
ment. Vers  1480,  elle  est  garnie  en  haut  d'une  fine  guipure  d'or, 
rabattue,  puis  elle  tend  de  plus  en  plus  à  gagner  le  cou,  autour 
duquel,  vers  1490,  elle  se  termine  par  une  basse  collerette  froncée 
trè.s-délicate.  Alors,  le  corps  de  la  gorgerette  est  semé  de  perles,  ou 
tout  au  moins  quadrillé  de  fils  d'or  et  de  soie  avec  bouillons 
losanges  entre  ces  fils,  ou  bien  la  gorgerette  n'est  plus  qu'une  sorte 
de  collerette  de  point  à  jour  entourant  le  bas  du  cou  et  posée  par- 
dessus la  chemise.  Cette  gorgerette  était  portée,  à  la  fin  du 
xv"  siècle  et  au  commencement  du  xvi",  avec  des  corsages  moulants, 
carrés  du  haut  et  lacés  par  devant  (fig.  6'),  ou  simplement  fendus 
et  maintenus  par  une  patte  ou  agrafe.  On  observera  la  coiffure  de 
cette  jeune  femme.  Sur  les  cheveux,  divisés  sur  les  deux  tempes  en 
longues  mèches  tombantes,  est  posé  un  voile  léger,  retenu  par  deux 
cercles  de  perles  et  de  joyaux,  et  dont  les  deux  pointes  antérieures 
sont  attachées  devant  la  poitrine.  Un  autre  voile  d'étoffe  plus  épaisse 
est  pincé  sous  le  devant  du  cercle  supérieur,  couvre  le  dessus  de  la 
tête  et  tombe  par  derrière.  Une  sorte  de  chape  garantit  les  épaules  et 
est  attachée  devant  par  trois  ganses.  Sur  le  voile  est  posée  une  cou- 
ronne d'orfèvrerie.  Le  cercle,  qui  passe  sur  le  front  et  les  oreilles, 
est  fait  d'un  tissu  d'or  avec  ajours  et  perles,  ainsi  que  l'indique  le 
détail  A. 

La  gorgette  remplit  ici  l'office  d'un  col  de  chemise  brodé, 
ajouré  et  plissé,  collant  sur  la  peau. 

GRÈVE,  s.  f.  Raie  de  cheveux. 

GUIMPE,  s.  f.  Sorte  de  voile  de  toile  fine,  de  lin  ou  de  mousse- 
line, qui  couvrait  une  partie  de  la  tête,  le  cou  et  les  épaules  des 
femmes,  pendant  les  xui^  et  xiv«  siècles,  et  qui  fut  conservé  plus  tard 

1  Sliitiie  ilo  s:iin'.fi  r.i'.'h'^,  ili'pnsi'o  dans  lY£;lise  Saint-Remi  lie  Reims. 


—    4:29    —  [   HARNAIS    1 

encore  par  les  religieuses,  les  veuves  et  les  dames,  qui  s'adonnaient 
à  une  vie  austère.  Nous  avons  décrit  la  guimpe  à  l'article  Coufire 
(fig.  25,  26,  27,  28,  29  et  32).  Il  ne  paraît  pas  nécessaire  de  revenir 
ici  sur  cette  partie  du  vêtement  féminin,  de  laquelle,  d'ailleurs,  nous 
avons  l'occasion  île  parler  souvent  dans  le  cours  de  l'ouvrage. 


HAINCELIN.  s.  m.  Le  haincclin  paraît  être  une  sorte  de  houppe- 
lande fort  usitée  du  temps  du  roi  Charles  VI.  M.  Douët  d'Arcq,  dans 
sa  Notice  sur  les  comptes  de  l'argenterie  des  rois  de  France  au 
xiv^  siècle,  fait  ohserver  que  le  fou  du  roi  Charles  VI  se  nommait 
Haincelin  Coq.  «  Le  vêtement  a-t-il  pris  son  nom  du  fou,  ou  le  fou 
du  vêtement?  C'est  là  une  question  qui  n'a  pas  grande  importance.  » 
Il  est  difficile  d'établir  la  différence  qu'il  y  a  entre  la  houppelande 
et  le  haincclin,  et  peut-être  n'y  a-t-il,  dans  cette  dénomination 
particulière  de  la  houppelande,  qu'une  de  ces  fantaisies  si  fré- 
quentes dans  les  questions  de  modes.  Il  serait  de  même  assez  dif- 
ficile, de  notre  temps,  de  distinguer  le  paletot  du  par-dessus  ;  nous 
nous  reportons  donc  h.  l'article  Houppelande. 

HARNAIS,  s.  m.  Nous  ne  parlons  ici  que  des  harnais  de  chevaux 
employés  pour  les  chevauchées  de  la  paix.  La  description  du  harnais 
du  cheval  de  guerre  trouve  sa  place  dans  la  partie  des  Armes. 

Pendant  le  cours  du  moyen  âge,  tout  le  monde  montait  à  cheval  ; 
nobles  et  bourgeois  des  deux  sexes  n'avaient  habituellement  pas  d'autre 
moyen  de  voyager,  et  l'on  se  déplaçait  alors  beaucoup  plus  fréquem- 
ment qu'on  ne  le  croit.  Les  habitudes  sédentaires,  tant  reprochées  à 
la  population  de  la  plupart  des  provinces  françaises,  ne  datent  que 
du  xvn"  siècle;  jusqu'alors,  sous  le  moindre  prétexte,  bourgeois  et 
bourgeoises;  la  noblesse  surtout,  entreprenaient  de  longs  voyages. 
Les  contes,  les  romans,  les  chansons  de  geste  des  xn",  xnl^  xiv"  et 
xV  siècles  sont  de  véritables  odyssées;  les  héros  et  héroïnes  sont 
toujours  par  monts  et  par  vaux.  Le  cheval  remplissait  donc  un  rôle 
important  dans  la  vie  de  nos  aïeux  et  était  l'objet  de  soins  incessants  ; 
on  l'aimait  comme  un  compagnon  utile,  et  l'on  se  plaisait  à  le  har- 
nacher du  mieux  qu'on  pouvait  :  la  vanité  s'en  mêlait,  comme  en 
toutes  choses,  et  la  fréquence  des  rencontres  par  les  chemins  faisait 


[    HARNAIS   ]  —   430    — 

que  l'on  lenail  à  paraître  en  bonne  orclonnance.  On  jugeait  mieux 
encore  de  la  qualité  d'un  voyageur  à  sa  monture  et  à  la  manière  dont 
elle  était  habillée  qu'à  la  tenue  même  du  quidam.  Les  femmes  sur- 
tout voulaient  être  bien  montées  :  belles  selles  brodées  et  dorées, 
beaux  harnais,  avec  clochettes  et  grelots;  houppes  de  soie  et  bos- 
settes,  pendeloques  et  lacs.  Aussi,  les  éperonniers  et  bourreliers 
avaient  ils  fort  à  faire,  et  les  cuiriers  ne  savaient-ils  qu'inventer  pour 
satisfaire  aux  fantaisies  luxueuses  de  tant  de  chevaucheurs. 

Les  XYU""  et  xvni"  siècles,  qui  ont  eu  la  prétention  de  tout  inventer, 
comme  si,  avant  cette  époque,  le  monde  n'avait  existé  qu'à  l'état 
d'embryon,  nous  veulent  faire  croire  qu'ils  ont  trouvé  l'équitation, 
l'art  de  dresser,  de  monter  et  d'habiller  les  chevaux.  C'est  une  fai- 
blesse dont  il  serait  ridicule  d'être  dupes.  Il  n'y  avait  pas  un  gen- 
tilhomme, pas  une  dame,  pas  un  bourgeois  môme,  pendant  le 
moyen  âge,  qui  ne  sût  monter  à  cheval,  et  cela  dès  l'enfance.  Que 
les  harnais  fussent  un  peu  différents  de  ceux  adoptés  depuis  le 
xvn^  siècle,  nous  l'accordons;  que  ces  harnais  fussent  moins  bien 
appropriés  à  la  monture,  ce  serait  un  point  à  examiner,  et  la  dernière 
mode  n'est  pas  toujours  la  meilleure,  par  cela  seulement  qu'elle  est 
la  dernière. 

Dans  un  temps  où  il  n'était  pas  possible  de  voyager  autrement  qu'à 
cheval,  où  les  gentilshommes  passaient  les  trois  quarts  de  leur  vie 
à  cheval,  il  est  difficile  de  supposer  qu'on  n'eût  pas  su  adapter  à 
cet  utile  animal  les  harnais  les  plus  convenables.  Mais  telle  est  la 
vanité  féroce  du  xvn^  siècle,  elle  considère  ces  siècles  de  chevau- 
chées comme  non  avenus  et  prétend  avoir  tout  trouvé,  depuis  la  selle 
jusqu'au  mors.  Les  célèbres  écuyers  de  ce  temps  veulent  bien  ad- 
mettre tout  au  plus  que  le  connétable  de  Montmorency  a  inventé 
des  branches  de  mors,  dont  nous  trouvons  des  exemples  datant  du 
xiV  siècle,  et  qui,  si  l'on  s'en  tient  aux  représentations  peintes,  remon- 
teraient au  xni^  siècle.  Il  en  est  de  même  des  mors  à  la  Pignatel,  qui 
seraient  dus  au  génie  de  cet  écuyer  napolitain  de  la  lin  du  xvi'  siècle, 
et  dont  nous  avons  des  échantillons  datant  des  xiV  et  xv^  siècles.  Mais 
les  écuyers  du  moyen  âge  n'écrivaient  pas  des  volumes  sur  l'art  de 
l'équitation,  le  pédanlisme  n'était  pas  encore  en  bonneur;  ils  se 
contentaient  de  bien  monter  à  cheval,  de  s'occuper  de  leurs  bêtes 
et  des  harnais  qui  leur  convenaient,  et  ne  se  souciaient  guère  de  ce 
qu'en  penserait  la  postérité. 

On  voit,  en  examinant  le  jeu  d'échecs  dit  de  Charlemagne',  que  déjà 

1    liililiolh.  iKilioii..  cabiuct  des  médailles,  ivoire. 


—    431    —  •  [   HARNAIS   ] 

au  VIII"  siècle  le  mors  à  branches  était  en  usage.  Mais  on  n"a,  sur 
les  harnais  des  chevaux  de  selle  de  cette  époque,  que  des  données 
assez  vagues,  et  les  représentations  de  ces  objets  sont  trop  grossières 
pour  qu'il  soit  possible  d'en  donner  une  idée  exacte.  Les  selles,  ce- 
pendant, possèdent  les  bâtes,  le  garrot  et  le  troussequin  (voyez  dans 
la  partie  des  Armes  l'article  âr.mlre,  tlg.  1  et  2),  les  quartiers,  les 


1 


contrc-satiijlom  et  les  sangles,  le  poitrail  et  la  croupière,  les  étriers 
triangulaires  et  les  pièces  nécessaires  pour  porter  le  mors,  il  nous 
faut  recourir  à  la  tapisserie  de  Bayeux  pour  commencer  d'une  ma- 
nière à  peu  près  certaine  la  série  des  harnais  civils,  qui,  du  reste, 
sur  ce  monument,  ne  dilïèrent  pas  des  harnais  militaires.  La 
ligure  1  montre  un  de  ces  chevaux  des  hommes  de  Guillaume  \^ 
Bâtard,  garni  de  son  harnais.  Les  bâtes  sont  évidemment  de  bois, 
solidement  hxées  aux  arçons,  légèrement  recourbées,  convexe  celle 
de  devant,  concave  celle  de  derrière,  ainsi  que  l'indique  le  tracé 
perspectif  A.  Les  quartiers,  bordés  ordinairement  de  blanc,  sont  très- 


HAÏSSAIS   ] 


432 


larges  par  le  bas,  el  une  courroie  de  poilrail  empêche  la  selle  de 
glisser  vers  la  croupe  ;  les  branches  du  mors  sont  généralement 
représentées  droites.  La  tête  est  habillée  du  dessus  de  tête,  du 
frontal,  de  la  sous-gorge,  des  têtières  et  de  la  muserolle.  Les  Nor- 
mands des  x'^  et  xi"  siècles  étaient  de  terribles  écuyers,  battant  sans 
cesse  la  campagne.  C'est  grâce  à  leur  activité  prodigieuse,  à  leur 
vigilance,  que  Guillaume  put  étendre  et  garder  sa  conquête.  Plus 
lard,  nous  voyons  ces  mêmes  cavaliers  normands,  en  petit  nombre, 
s'emparer  de  la  Pouille,  de  la  Sicile  ;  et  cependant  cette  île  ne  man- 


quait pas,  pour  la  garder,  de  ces  cavaliers  arabes,  excellents  écuyers 
en  tout  temps.  Il  est  donc  difficile  de  faire  croire  que  ces  gens-là 
ne  sussent  pas  monter  à  cheval  et  tirer  de  leurs  montures  tout 
le  parti  possible,  que  les  bêtes  ne  fussent  pas  habillées  de  la  ma- 
nière la  plus  favorable  au  développement  de  leurs  belles  qualités. 
Cheval  mal  harnaché,  si  bon  que  soit  le  cavalier,  ne  fait  pas  un  long 
service. 

Des  monuments  français  du  commencement  du  xn^  siècle  nous 
montrent  fré(iuemment  des  selles  sans  bâtes,  composées  simplement 
d'une  sorte  de  couverture  (tig.  2  ').  Dans  cet  exemple,  une  large 
courroie  de  poilrail  empêche  la  selle  de  ghsser  sur  la  croupe.  Celte 
précaution  était  d'autant  plus  utile,  que  le  cavalier  se  tenait  droit 
sur  les  étriers,  le  plus  souvent  dans  une  position  presque  verticale 
el  porté  sur  les  épaules  du  cheval.  La  selle  mordait  plus  sur  le  garrot 
qu'elle  ne  le  fait  aujourd'hui,  et  tendait    par  conséquent  à  glisser 


'    rragiiu'iil  (1  lui  cliaiàluaii  du  i.iurlic  de  Iri^lisc  ahhaliak'  (IcWv.clay  (11,'JU  uuvirouj. 


—   433    —  [    HAII.XAIS   ] 

vers  les  rognons;  il  fallait  se  maintenir  en  avant.  Cotte  habitiuie 
venait  de  l'usage  de  la  lance,  qui  obligeait  le  cavalier  à  se  tenir  en 
avant  le  plus  possible,  afin  de  parer  au  choc.  Dans  la  figure  il,  les 
étriers  sont  évidemment  attachés  aux  élrivières  perpendiculai- 
rement aux  pieds,  mais  cela  ne  paraît  pas  général.  On  dut  bien  vite 
i-econnaître  que  les  éliivières  ainsi  placées  parallèlement  froissaient 
les  tibias  du  cavalier,  après  quelques  heures  de  marche. 


3 


La  ligure  3  '  donne  le  harnais  civil  d'un  cheval  de  selle  pendant 
les  premières  années  du  mh"  siècle.  Sous  la  selle,  doid  les  (|uarliers 
sont  noirs,  est  une  couverture  à  pentes  découpées.  coubMir  mairuii. 


'  Mail  user.  r>ililiolli.  iiiilioii..  l'snKcr.,  laliii. 


m. 


[   HARNAIS   ] 


434 


Les  bâtes  se  délacliciU  des  arçons  et  paraissent  être  de  bois  recou- 
vert de  peau  peinte  en  jaune,  avec  clous  blancs.  La  bâte  de  garrot  A 
et  celle  de  derrière  B  (la  cuiller)  sont  ajourées  en  a.  En  C,  la  cuiller 
est  représentée  vue  de  baut  en  bas,  en  perspective.  La  tête  du  cheval 


est  babillée  comme  dans  le  précédent  exemple.  Les  brandies  du  mors 
sont  légèrement  recourbées.  La  selle  est  munie  d'une  courroie  de 
poitrail  avec  support,  et  les  éti-iers  sont  circulaires,  attachés,  comme 
on  les  attache  aujourd'hui,  dans  le  plan  des  étrivières. 

Il  se  fit,  pendant  le  cours  du  \uf  siècle,  des  modifications  impor- 
tantes aux  harnais  civils.  Tantôt  on  donna  beaucoup  d'importance 
à  la  bâte  de  garrot  D,  on  la  garnit  de  garde-cuisses  ;  on  serra  plus 
ou  moins  la  bâte  de  derrière  E  ;  on  supprima  parfois  totalement  la 
bâte  de  devant,  en  ne  conservant  que  la  cuiller  (Cig.  4*).  Dans  cet 


i  Mauuscr.  l'.ibliolh.  iialiou  ,  Uistoiie  de  la  vie  et  des  )niiac'es  de  suint   Louis  (1300 
ciiviroiiV  (".lu'Viil  (le  seri,'eiit  iiiassicr  iidii  aniu',  suiv:iut  le  roi. 


—  -i'^S  —  [   nAU>AIS  ] 

exemple,  La  bâte  de  derrière  est  très-f(;rméc,  force  le  cavalier  à  se 
tenir  sur  ses  reins.  Cependant,  lorsque  ce  cavalier  chevauchait  et  ne 
chargeait  pas,  il  tenait  les  jambes  tendues  en  avant,  suivant  la  ligne 
ab.  La  selle  est  ici  retenue  non-seulement  par  la  sangle  et  la  cour- 
roie de  poitrail,  mais  par  une  combinaison  de  courroies  formant 
large  croupière.  Elle  était  donc  parfaitement  fixée  sur  les  reins  de  la 


bête,  et  le  cavalier,  bien  assis,  ne  faisait  qu'un  avec  sa  monture.  En  A, 
nous  donnons  une  des  bossettes  '.  Avant  cette  époque,  vers  1240, 
nous  voyons  même  des  chevaux  portant  des  selles  sans  bâtes 
(fig.  5  -).  Ce  harnais  civil  ne  consiste  qu'en  une  couverture  de  peau, 
probablement,  retenue  par  une  sangle,  une  large  courroie  de  poi- 
trail et  une  croupière  en  façon  de  réseau.  Les  élriers  ne  sont  point 
indiqués.  La  couverture,  coupée  carrément  sur  les  rognons,  s'avance 
en  pointe  sur  le  garrot,  de  manière  à  le  couvrir  entièrement. 

Mais  Tusage  des  bâtes  paraît  reprendre,  sauf  de  rares  exceptions,  au 
commencement  du  xiv"  siècle,  aussi  bien  pour  les  harnais  civils  que 
pour  les  harnais  militaires.  Ces  bâtes  prennent  les  cuisses  du  cavaiiei' 
comme  dans  une  tenaille  ouverte,  et  sont  tellement  fci  inées,  que,  pour 
se  mettre  en  selle,  il  fallait  introduire  la  cuisse  de  champ  entre  leurs 
branches  (fig.  6  •').  La"  selle  est  ici  maintenue  par  la  sangle,  la  cour- 
roie de  poitrail  et  une  croupière  combinée.  Les  bâtes,  représentées 


'  Moilic  (i"(3\('('iili()ii  ;  aiiiioy('i'  do  rc'cii  de  Krancc  sur  c'.Mini)  de  gueules  (cabincl  de 
l'aiilciir).  C'csl  la  liusscUc  de  lrli(!rc  H. 

-  Poi'Iail  do  la  calhcdruli!  do  lioiins,  purlc  de  droite,  sur  l'un  des  jandtagcs;  irpiv- 
sculalion  des  Vices,  r()i-i,'ueil. 

^  IHanuscr.  15ii)liotli.  nation..  />■  Linr  du  loij  Moiius  (l.'JiO  à  KJuO), 


[    HARNAIS   ] 


436    — 


en  perspective  de  haut  en  bas  en  A,  forment  un  cercle  ne  laissant, 
entre  les  branches  de  la  bâte  de  garrot  et  celles  de  la  cuiller,  que 
jiisie  la  place  pour  introduire  les  cuisses,  qui  sont  ainsi  maintenues 


^""""^nir^^i 


rigoureusement.  Les  quartiers  de  la  selle  sont  échancrés,  ne  forment 
pas  de  ces  angles  aigus  ou  droits  qui  se  retroussent  facilement  et 
peuvent  blesser  !e  cavalier  au-dessus  des  genoux. 

Ces  sortes  de  selles  étaient  très-difficiles  à  établir  solidement  ;  il 
fallait  les  armer  d'équerres  de  fer  pour  maintenir  les  bâtes  hautes 
sur  les  arçons  et  les  bandes  ;  dès  lors,  elles  étaient  lourdes  :  aussi 
chercha-t-on,  pour  les  harnais  civils,  à  alléger  ces  accessoires,  et,  vers 
la  lin  du  xiv=  siècle,  on  en  était  venu  aux  garrots  en  façon  de  garde- 


—   437    —  r    IIAHNAIS   J 

cuisses  très-bas,  et  aux  cuillers  étroites  et  beaucoup  moins  recourbées 
(fig.  7').  Le  garrot  a  se  prolonge  jusqu'au-dessus  des  genoux  du  ca- 
valier par  une  courbure  adoucie  ;  le  troussequin  b,  en  forme  de  spa- 
tule, enveloppe  le  bas  des  reins  et  est  planté  verticalement  sur  la 


selle  ;  les  gardes  ne  descendent  qu'à  la  liaiiteur  des  genoux.  Dans  le 
tracé  perspectif  A,  on  voit  une  croupière  combinée  avec  pentes  longues 
terminées  par  des  besanis  dont  le  poids  empécbe  cette  croupière  de 
sursauter.  En  B,  outre  les  rênes  tixées  à  l'extrémité  des  branches 
du  mors,  celui-ci  es(.  muni  d'une  bride,  que  l'on  ne  voit  guère  adoptée 
avant  le  milieu    du    xiv°  siècle-.  Cette  bride  ainsi  (|ue  la  coui-rnie 


'  Mamiscr.  r.ihliolli.  nation.,    Livre  de  chasse  da  Oaston  IMnvlnis  (lin  dn  xiv""  sircle). 
-  Voyez,  pour  la  description  délaillée  des  mors  cl  (!>lricrs,  les  Haiinais  milita  mi  es.     , 


[    HARNAIS   ]  —    438   — 

de  poitrail  el  la  croupière  sont  ornées  de  lambrequins  qui  donnent 
du  poids  à  ces  accessoires,  et  contribuent  à  les  maintenir  à  leur 
place.  Alors  les  étriers  sont  triangulaires  ou  en  ogive,  les  sangles 
sont  fortes  et  bordées.  Ces  sortes  de  selles  étaient  garnies  de  cuir 
peint  en  rouge,  en  noir,  en  brun. 

INous  arrivons  à  l'époque  où  les  harnais  civils  sont  façonnés  avec 
un  luxe  croissant.  C'est  aussi  à  dater  de  ce  temps  que  les  femmes 
cessent  de  monter  à  cheval  comme  les  hommes,  bien  que  dès  le  xn'' 
siècle  des  amazones  soient  représentées  assises  à  la  gauche  de  la 
monture  :  mais  ce  n'est  pas  la  règle  commune  ;  tandis  qu'à  dater 
du  xV  siècle,  on  ne  voit  plus  d'écuyères  enfourcher  la  haquenée. 
On  donnait  aux  selles  spécialement  destinées  aux  femmes  le  nom 
de  sambiies  : 

«  Onques  tresto  lou  jor  uc  montai  au  sainbuei.  » 

Il  s'agit  d'une  demoiselle.  La  sambue  était  plutôt  une  couverture 
qu'une  selle,  sur  laquelle  s'asseyaient  les  femmes,  les  jambes  pen- 
dantes sur  le  flanc  gauche  de  la  selle.  Les  écuyères  ainsi  placées,  leur 
monture  était  dirigée  par  un  homme  qui,  à  pied  ou  même  à  cheval, 
tenait  la  bride. 

Idoine,  revenant  de  Rome  à  Lucques,  est  ainsi  guidée  par  un  vieux 
chevalier  : 

<■  Par  la  ricc  rcsue  la  lient 
«   .1.  vins  chevaliers  qui  la  guie; 
"  Car  mult  souvent  ot  en  haillie 
«  Teus  gens  les  daines  a  guier, 
"  Et  a  conduire  et  a  mener-.  " 

Le  nom  de  sambue  est  aussi  donné  à  la  couverture  d'étolîe  posée 
sons  les  quartiers  de  la  selle  des  hommes  •': 

i<   .V  pallet'roit.  vient  si  fauselle; 
"   Le  poitral  laice  et  met  le  frein  '► 
i<  Et  la  sambue  et  le  lorain^ 


'   Floovant,  chanson  de  geste,  vers  IT/Ii  (xiiie  siècle). 
-  Li  Romans  d'Amndns  et  Idoinf,  vers  4631  et  suiv.  (xiiF  siècle;. 
^  Certains   chars  et  litières   recouverts  d'étotîe,  spécialement  réservés   aux    t'emmes, 
sont  appelés  sambices. 
^  Le  «  nmrs  ». 
»  Les  «  relies  », 


-  439  - 

«  Qui  valloit  .1.  riclie  tirsor. 
«  Car  toz  csloit  d'argeut  et  d'or  : 
«  Nés  les  clochètes  ki  pandoient; 
"  Qui  ('Icrenicut  rotantissoientl.  > 


[   HARNAIS   ] 


Vers  la  lin  du  xiv^  siècle,  on  se  servait  aussi  de  selles  garnies  seu- 
lement d'une  bàle  large  et  peu  élevée  à  l'arrière,  sans  aucune  saillie 
au  garrot  (lig.  8  -).  Ces  sortes  de  selles  étaient  réservées  aux  pro- 


11 


menades.  Elles  étaient  légères,  les  quartiers  étaient  piqués,  et  con- 
venaient aux  roussins,  chevaux  un  peu  épais,  durs  à  la  fatigue,  de 
moyenne  taille,  à  l'allure  calme.  Ces  sortes  de  selles  étaient  garnies 
d'élolïes  et  non  de  peau. 

Au  commencement  du  xv°  siècle ,  apparaissent  des  selles  avec 
garrot  peu  élevé  et  troussequin  renversé  à  la  manière  de  nos  selles 
anglaises  (fig.  9  '■'),  garnis  de  cuir  avec  clous.  Ces  sortes  de  selles 
ne  paraissent  [las  avoir  été  fréiiuemmenl   en  usage.  Les   cavaliers 


'   l'Alrails  du  Dotopalhus  d'ilcrhi'rs  (xin''  siècle) 

■  Mauuscr.  r>il)lioUi.  nation.,  Haytou,  Histoire  de  la  terre  d'Orient,  français  (l.'J'JO). 

'  Mauuscr.  liihliolii.  \\AVu)n.,  Lmice'ot  du  Luc,  IVaui;..  vignettes  de;  t'aclure  italienne. 


[    HAKNAIS    ]  —    440    — 

avaient  riiabilude  des  lrousse{|uins  élevés  et  ne  devaient  pas  se  sentir 
bien  assis  sur  ce  plan  fuyant  vers  rarrière-main.  Elles  ne  conve- 
naient qu'aux  chevaux  aux  allures  tranquilles,  pour  chevaucher  au 
petit  trot  ou  au  pas.  Pour  une  allure  précipitée,  la  selle  à  troussequin 
dérobé  ne  convient  qu'à  la  condition  de  porter  le  corps  en  avant  et  de 
monter  à  l'anglaise.  Or,  à  cette  époque,  le  cavalier  était  toujours  sur 
ses  reins,  et  avait  besoin,  pendant  une  allure  vive,  de  sentir  la  cuiller 
de  la  selle,  pour  ne  pas  perdre  les  élriers. 


On  observera  que  les  troussequins,  les  cuillers,  sont  toujours 
échancrés  à  leur  base.  Gela  était  fait  pour  laisser  aux  vêtements 
longs  la  place  nécessaire  qui  permettait  aux  plis  de  tomber  des  deux 
côtés  de  la  selle.  Les  hommes  portaient  alors  des  cottes  dont  la  jupe 
descendait  au  moins  à  la  hauteur  des  genoux.  Il  ne  fallait  pas  que  les 
bâtes  fermées  fissent  plisser  ces  jupes  sous  le  bas  des  reins  du  cava- 
lier, ce  qui  eût  été  fort  gênant;  on  les  échancrait,  et  ainsi  les  jupes 
n'amassaient  pas  leurs  plis  en  dedans  de  la  selle. 

On  prisait  foi1,  pendant  le  moyen  âge,  les  chevaux  de  sang  et  on 
les  payait  cher;  on  en  prenait  grand  soin,  on  les  aimait.  Les  romans 
sont  pleins  de  détails  relatifs  aux  qualités  des  chevaux.  Leurs  maîtres 
ont  pour  eux  une  sorte  de  tendresse  ;  ils  les  pleurent  s'ils  les  per- 


—  441  - 


I    IIAIO.US   ] 


dent  ;  ils  leur  parlent,  leur  racontent  les  peines  qu'ils  endurent,  les 
plaignent  s'ils  les  sentent  fatigués.  Il  y  a  sur  ce  sujet  des  passages 
touchants.  Ces  chevaux  étaient  dressés  avec  soin,  et  quand  un  cheval 
paraissait  avoir  des  qualités  peu  communes,  les  gentilshommes 
essayaient  de  tous  les  moyens  pour  se  le  procurer.  Un  pas.sage  du 
Roman  dAmadas  et  Idoine  '  peint  ainsi  vivement  le  désir  du  héros 
de  posséder  un  beau  cheval  qu'il  voit  passer  dans  la  rue  : 

Qui  bieu  .(',.   livres  u  plus  vaut. 

Endroit  niiedi,  por  le  caut. 

Le  menoit  .1.  vallès  baiguier. 

Quaut  Ainadas  voit  le  destrier, 

Mult  le  convoite  en  son  corage. 

L'ostes-,  qui  ot  le  cuer  niult  sage, 

Aperçoit  bien  sou  samblant'* 

Et  a  cou  qu'il  l'esgarde  tant, 

Que  mult  le  convoite  Aniadas. 

A  haute  vois,  isuel  le  pas, 

Le  vallet  au  borjois  apele, 

Et  cil  guencit'*  la  resne  bêle, 

Le  boa  ceval  droit  vers  lui  guie^. 

Mais  au  veuir  par  cortoisie 

Les  jambes  oevre  .1.  seul  petit. 

Et  li  destriers,  selouc  l'escrit, 

Se  lance  avant  comme  .1.  quariaus  •"', 

Voit  le  Amadas,  mult  li  est  biaus. 

Mult  le  loe  et  dist  mult  vaut.  » 


Plus  lard  notre  héros,  qui  est  en  quête  de  chevaux  pour  se  rendre 
à  un  tournoi  : 


■I  C'un  palefroi  revit  passer 

>.  Qui  bien  faisoit  a  regarder, 

(c  {'.-Aï  il  n'estoit  mie  tondus  ", 

■<  Aius  ers  trop  cointemeut  crenus, 

«  Graus  erl  et  biaus  ;  ce  m'est  avis 

«  N'ot  si  bel  (ui  trente  pais, 

«  De  cors,  de  uicmbres,  ne  de  teste. 

«  Ne  quic  uus  lioiu  si  geutc  besle, 

'   l'ulil.  par  M.  Hippcau,  vers  -5139  et  suiv. 
2  L'liiit(3  d'Amadas. 
^  «  bou  désir  " . 
*  «  Détourne  >•. 
'■'  •<  Dirige  -". 

i"'  »    Mais,  jiar   courtoisie,  le  valet   ouvre   légèrement  les  genoux,  et  le   cheval.    Iiicu 
dressé,  part  comme  un(!  Ilèclu!  pour  venir  près  li'Amadas.  >- 
'  u  11  était  il  tous  crins.   ^ 

m.   —  .')() 


[    HARNAIS    I  —   442   — 

«  Ne  qui  iniv;  doio  avoir  bon  los 
<c  Dcboutô  ;  i]ii(!  iiiult  a  le  dos 
Il  Cambre  k  niosurc,  pour  porter 
Il  La  sele  à  droit  sans  remuer  ; 
«  Costes  et  flans,  crupe  à  raison 
«  Large  et  Ice,  sans  niesprisou  ; 
"  Ample  narine,  les  cels  gros  ; 
«  Nés  ert  de  Gale  et  du  sour  os 
«  De  blancheur  resanbloit  ermine. 
«  En  jiourtraiture,  n'en  cortine, 
«  N'en  fu  aine  nus  de  sa  biauté  '  ; 
«  Si  vous  di  bien  de  vérité. 
«  Viste  ciere  ot,  comme  l'orguel. 
Il  loi  en  arcie  et  large  entroel  -. 
Il  La  rue  fait  toute  frémir 
«  Et  des  cailliaus  le  fu  salir  , 
II  Tant  par  va  tost  à  desniesure, 
Il  Si  bel,  si  souef  d'ambléure, 
i<  (Vautres  cevaus  pas  ne  peiisl. 
<i  Si  aler,  ne  si  fais  ne  fust.  » 

Amadas  voit  ce  cheval,  et  le  convoite  à  part  lui  pour  le  donner  à 
son  amie;  son  hôte  devine  son  désir,  fait  amener  le  cheval  chez  lui, 
l'achète  et  le  fait  richement  harnacher. 

Nous  pourrions  accumuler  les  citations  de  cette  nature,  qui  montrent 
comhien  on  appréciait  alors  les  qualités  du  cheval,  combien  les 
écuyers  étaient  amateurs  de  belles  bêtes,  et  comme  on  cultivait  l'art 
de  les  bien  monter  et  de  les  habiller  à  souhait. 

Les  femmes,  pour  voyager,  montaient  le  plus  souvent  des  mules,  qui 
étaient  fort  estimées  et  qu'on  se  plaisait  à  harnacher  richement. 

Nous  avons  dit  que  dès  le  commencement  du  xv=  siècle  les  dames 
abandonnèrent  l'usage  d'enfourcher  les  chevaux,  assez  général  jus- 
qu'alors chez  le  beau  sexe. 

Les  selles  de  femme  sont  disposées  à  peu  près  comme  les  nôtres 
(fig.  10  ^),  avec  une  fourche  sur  le  garrot  pour  maintenir  la  jambe 
droite,  pliée  habituellement;  une  longue  couverture  est  posée  sous  la 
selle  pour  empêcher  les  jupes  de  l'amazone  d'être  gâtées  au  contact 
de  la  sueur  de  la  bête.  Précaution  qui  n'était  pas  inutile  dans  les 
longues  chevauchées. 

Les  écuyers,  vers  1440,  se  servaient  souvent,  pour  les  courses  ([ui 
n'avaient  pas  un  caractère  militaire,  de  selles  avec   hauts  trousse- 

'  Il  On  n'en  voyait  pas  de  plus  beau  en  peinture  et  tapisserie.  " 

-   Il  II  avait  le  regard  lier  comme  l'orgueil,  l'œil  arqué,  et  large  frout.  » 

'•'•  Manuscr.  liiblioLli.  nation.,  Luncelot  du  Lac,  franc;,  (commeneemeul  du  xv  siècle). 


443 


[   HARNAIS   ] 


quins,  sans  bâtes  de  garrot  (lî g.  il  ').  Tout  ce  harnais  est  bleu  et  or  ; 
le  dehors  du  troussequin  est  noir.  C'était  d'un  beau  luxe  d'avoir  alors 
le   harnais  de  même  couleur  que  l'habillement  du  cavalier.  Et,  en 


W 


% 


eiïei,  le  gentilhomme  qui  monte  ce  cheval  est  habillé  de  velours 
bleu.  Il  porte  un  surcot  juste,  suivant  la  mode  du  temps,  avec 
collet  montant  du  pourpoint  et  manches  de  dessous  cramoisis  ; 
son  chapel  est  aussi  de  velours  bleu,  et  trois  tours  d'une  Une 
chaîne  d'or  tombent  sur  le  dos  et  la  poitrine  ;  son  haut-de-chausses 
est  vert,  avec  houseaux  noirs  à  revers  fauve.  Les  passe -poils  du 
surcot  sont  d'or;  la  selle  est  couverte  de  velours  bleu  avec  dehors  du 
troussequin  noir;  l'ornement  du  poitrail,  de  la  croupière,  ainsi  que 
la  pente  de  la  bride,  sont  de  même  de  velours  bleu,  avec  clous  et 
(loches  d'or.  En  A,  est  une  variété  du  troussequin.  Celui  B  est  sim- 


'  Miiiiiisci'.   lîitiliolli.   ivaUiiu.,  (ifitirt  (/e  Nevers, 


4U 


[    HARNAIS    ] 

plement  droit  au  faîte,  avec  embase  inclinée.  Les  vêlements  des 
hommes  étaient  alors  très-courts,  il  n'était  pas  nécessaire  d'échan- 
crer  le  troussequin.  Vers  la  seconde  moitié  du  xv"  siècle,  la  richesse 


des  harnais  ne  tlt  que  se  développer.  Nous  donnons  (fig.  12  ')  Tun  de 
ces  habillements  de  montures  pour  les  chevauchées  de  la  paix.  La 
selle  est  munie  d'une  bâte  de  garrot  élevée  (voy.  en  A).  Le  trousse- 
quin B  se  renverse  un  peu  en  avant  et  est  en  forme  de  large  cuiller, 
légèrement  échancrée  à  la  base. 

La  croupière  est  maintenue  en  place  à  l'aide  d'un  jeu  de  courroies 
d'un  brillant  elfet,  avec  orfèvrerie  et  floches  de  soie.  La  bride  ainsi 
que  la  courroie  de  poitrail  sont  également  ornées  de  floches  et 
d'orfèvrerie.  L'habillement  de  tête  est  particulier  :  la  muserolle 
n'est  pas  bridée  sur  les  naseaux  de  la  bête,  mais  est  composée  de 
deux  courroies  se    croisant  entre    les  yeux ,    passant   derrière  les 


'  Mainiscr.  l'.ihlioUi.  nution.,  Quhite-Curce,  français,  (l.'dir-  à  (',li;irlcs  le  Témérmre. 


_  445  —  L  "AUNAis  ] 

oreilles  et  venant  se  rattacher  aux  bosseltes  du  frontal.  La  figure  13 
explique  clairement  ce  genre  de  bride  '.  Sur  la  selle  est  posée  une 


& .... 


couverture  .lui  y  demeurait  lixée,  et  descendait  sur  les  quartiers 
jusqu\à  l'attache  des  étriers.  Ainsi  le  bas  des  quartiers  no  pouvail-.l 
froisser  le  dedans  des  mollets  du  cavalier. 

^  Voyoz.    pour  la  desmption    ,h's  diverses   i>:.rli.s    ,!,■   la    hri.l.    H    à.    n.ors.  rarlirle 
Harnais,  daus  la  partie  des  Aumks. 


446 


[    HARNAIS   ] 

Vers  la  (in  du  \v«  siècle,  les  guerres  entreprises  en  Italie  eui'ent 
une  influence  sur  la  manière  de  liarnacher  les  chevaux  de  selle.  Les 
harnais  de  l'Italie  du  nord  étaient  en  grande  estime  à  cette  époque, 
aussi  bien  que  les  armes  défensives.  Ces  objets  se  recommandaient 


J 


non-seulemenl  par  leurs  richesses,  mais  aussi  par  leur  belle  exé- 
cution. Les  selles  notamment  étaient  fort  recherchées  par  les  gen- 
tilshommes français  :  larges,  bien  assises  sur  les  reins  de  la  monture, 
garnies  d'un  épais  Iroussequin  rembourré  en  dedans  et  qui  envelop- 
pait exactement  le  bas  des  hanches  du  cavalier,  elles  possédaient 
une  bâte  de  garrot  en  ogive,  descendant  à  la  hauteur  des  genoux  ver- 
ticalement (tig.  14).  Cette  forme  de  selles  était  d'ailleurs  aussi  bien 
adaptée  à  l'usage  civil  qu'à  la  guerre  ',  mais  dans  ce  dernier  cas  le 
troussequin  et  le  garrot  étaient  garnis  de  fer.  Les  Italiens  fabriquaient 


'  Voyez  la  sLaluc  de  ('.hUcdiic  a  Venise  (plaee  de  Saiut-Jeau  el  Sainl-l'aulj. 


-  447 


[   HARNAIS   1 


aussi  des  selles  plus  légères  eL  qui  convenaient  mieux  aux  chevau- 
chées de  plaisance  ((ig.  lo),  avec  garrot  en  forme  de  spatule  large 
et  troussequin  très-recourhé  et  échancré  à  la  base.  Cette  jolie  selle 


i4 


PBB^" 


date  delà  lin  du  xv°  siècle;  elle  est  entièrement  composée  de  pièces 
d'ivoire  avec  légers  filets  délicatement  perlés,  et  sculptures  en  plat 
relief  représentant  des  personnages,  des  fleurs  et  ornements  i.  En  A, 
est  tracée  la  forme  du  troussequin  par  derrière,  et  en  B  la  forme  du 
garrot  par  devant.  Cet  exemple  n'est  pas  le  seul  présentant  des  sujets 
sculptés  sur  le  siège  même  de  la  selle. 

La  collection  des  armes  du  château  de  Pierrefonds  possède  une 
très-jolie  selle  de  fabrication  française,  de  bois  de  poirier,  qui  date 
de  la  tin  du  xv^  siècle,  et  qui  est  entièrement  couverte  de  sculptures 
en  plat  relief  (tig.  16).  Le  troussequin,  divisé  en  deux  lobes,  est 
renversé,  et  l'extrémité  supérieure  du  garrot  se  termine  par  deux 
disques  inclinés  qui  retiennent  les  rênes  dans  le  cas  où  le  cavalier 
les  abandonne.  Ces  sculptures,  dans  ces  deux  exemples,  sont  trop 
plates  pour  olîenscr  les  cuisses  du  cavalier,  en  supposant  celui-ci 
vêtu  d'un  haut-de-chausses  de  peau.  Ce    sont   des    gravures    très- 


1  MusL'C  nalioliiil  a  Kloi'eiue. 


[  iiAU?<Ais  ]  —  448  — 

légèremcnl   modelées,   qui    ne   pouvaient   qu'empêcher  récuyer  de 
glisser. 

Les   gentilshommes,  pendant  le   moyen  âge,  et  particulièrement 
depuis  la  iin  du  mv^  siècle,  dépensaient  des  sommes  folles  en  har- 


iS 


\â, 


I 


^ 


Ù,^i.    <l  /' 


nais.  Olivier  de  la  Marche  nous  a  laissé  des  descriptions  de  ces  équi- 
pages qui  dépassent  en  richesse  tout  ce  que  l'on  peut  imaginer. 
C'était  surtout  dans  les  fêtes,  les  joutes,  les  tournois,  que  l'on 
déployait  un  luxe  prodigieux  de  harnais.  Nous  nous  sommes  sim- 
plement attaché,  dans  cet  article,  à  faire  connaître  les  dispositions 


—   449    —  [   IIEIHES    ] 

adoptées  dans  riiabillement  des  montures  et  les  formes  successives 
des  harnais  civils.  Dans    les    articles    Tournois,  Joutes,  el  dans  la 


iG 


partie  des  Ahmes,  on    trouve    les    renseignements    qui    coniplètcnl 
l'aperçu  présenté  ici. 

HAUT -DE -CHAUSSES,  s.  m.  Ce  vêtement  dérive  des  braies. 
C'est,  dans  l'origine,  à  proprement  parler,  un  caleçon  plus  ou  moins 
ample  ou  collant,  attaché  au-dessus  des  hanches,  et  qui  ne  descend 
au  {)lus  qu'aux  genoux.  Il  n'est  pas  question  de  hauts-de-chausses 
avant  la  fin  du  xV^  siècle,  et  à  l'article  Bkaies  nous  avons  expliqué 
comment  les  hauts-de-chausses  apparaissent. 

HÉRIGAUT,  s.  m.  —  Voy.  G.\iutE-coi5PS. 


HEURES,  s.  1'.  Livr  cont(!nant  les  prières  (ju'on  lisait  iiciiilant 
les  ullices  ou  lorsqu'on  voulait  faire  acte  de  dévotion. 

Dès  le  xni''  siècle,  les  dames  avaient  pour  habiliule  dt;  porlcr 
en  maintes  occasions  un  livre  d'heures  sur  elles,  enfermé  en  un 
sachet  richement  brodé  el  orné    de    perles    et    de    pierreries.  Cri 

m.  —  .17 


[  iiEi:itEs  1  —  4o0  — 

objet  de  dévolion  devint  un  appendice  de  parure.  Les  bourgeoises 
elles-mêmes,  quand  elles  sortaient  pour  aller  en  ville,  attachaient 
à  leur  bras  ce  sachet  contenant  le  livre  d'heures.  Ainsi  paraissait-on 
sortir  de  l'église  ou  se  disposer  à  s'y  rendre  ;  et  pour  les  femmes 
l'église  était  un  des  prétextes  les  plus  fréquemment  invoqués,  lors- 
qu'elles voulaient  pour  quelques  heures  laisser  là  le  logis.  Ce  sachet 
était  fermé  par  une  ganse  coulant  dans  une  coulisse.  On  passait  la 
ganse  au  bras  ou  on  l'attachait  à  la  ceinture. 


La  ligure  1  '  nous  montre  un  de  ces  sachets  brodés,  et  la  manière 
de  le  suspendre  au  bras.  Souvent,  ces  sachets  étaient  très-longs,  ce 
qui  permettait  d'y  couler  d'autres  objets.  Faits  en  forme  de  fourreau, 
leur  extrémité  antérieure  entourait  le  bras  (lîg.  2),  ou  était  passée 
dans  la  ceinture,  lorsque  le    vêlement    comportait    cet    accessoire. 


'  Musco  (ie  Toulouse!,  tombe  d'une  danie  noble  (lin  du  xni'"  siècle). 


—   4oi    —  I    HEURES    ] 

L'exemple  ligure  2  présente  une  jeune  dame  du  commencement 
du  xiv«  siècle*.  Elle  est  vêtue  d'un  bliaut  par  dessus  la  cotte  et  d'un 
chaperon. 


Les  heures  étaient  si  bien  considéi'ées,  au  xiv°  siècle,  comme  un  des 
accessoires  indispensables  à  la  toilette  d'une  femm.e  de  bonne  mai- 
son, que  le  poêle  Eustache  Deschamps  s'exprime  ainsi  à  ce  propos-. 


'    iMaiiuscr.  liihliuUi.  ii.'ilioii.,  le  Miroir  hisiuria/,  IVaurais  (1320  euvirou]. 
2  {.c  Miroir  de  riiariaga. 


[  IIEUSE  ]  —   4o2  — 

C'est  le  couseillei'  qui  parle,  réclamant  tout  ce  qui  est  indispensable 
à  la  femme  pour  qu'elle  paraisse  convenablement  à  la  ville  : 

'1  Heures  me  fault  de  Nostrc-Daine, 
Cl  Si  comme  il  appartient  k  faine 
(1  Venue  de  noble  paraige, 
«  Qui  soient  de  soutil  ouvraige, 
'(  D'oi"  et  d'azur,  riehes  et  fointes, 
H  Bien  ordonnés  et  bien  pointes, 
«  De  fin  drap  d'or  très  bien  pouverles; 
«  Et  quant  elles  seront  ouvertes, 
«  Deux  fermauk  d'or  qui  fermeront. 
u  Qu'adonques  ceuls  qui  les  verront 
'i  Puissent  partout  dire  et  compter 
<i  Qu'om  ne  ])uet  plus  belles  porter.  » 

Cette  habitude  de  porter  les  livres  d'heures  dans  des  sachets  sus- 
pendus dura  jusqu'à  la  fln  du  xv^  siècle. 

Les  liommes  nobles  se  rendant  à  l'église  faisaient  porter  leur  livre 
par  un  page  ;  mais  le  plus  souvent  ils  s'en  passaient.  Ce  n'est  qu'au 
xvii"  siècle  que  l'on  voit  les  gentilshommes,  se  piquant  de  dévotion, 
affecter  de  porter  à  la  main  ou  dans  leur  poche  un  livre  d'heures. 

HEUSE,  s.  f.  {home,  housiau,  linesel,  œsse).  «  Heuses  sont  faites 
«  pour  soy  garder  de  la  boe  et  de  froidure,  quand  l'on  chemine 
«  par  pays,  et  pour  soy  garder  de  l'eauë  *.  »  Il  est  question  des  heuses 
dès  le  xni*  siècle  :  «  Calceamentis  militaribus,  qua>  vulgariter  lieuses 
«  dicuntur,  seculariter,  imo  potius  prodigaliter  calceati  et  calca- 
«  rati  -.  » 

«  Cil  chamberlanc  vont  a  li  por  servir, 
Il  Vest  le  bliau  et  peliçon  hermin, 
«  Hueses  tirées,  espérons  h  or  fin '.  » 

«  Et  pour  ce  meschief  et  pour  l'enfermetei  dou  païs,  là  où  il  ne 
«  pleut  nulle  foiz  goûte  d'yaue,  nous  vint  la  maladie  de  l'osl,  qui 
«  estoit  tex  que  la  chars  de  nos  jambes  sechoit  toute,  et  li  cuirs  de 
«  nos  jambes  devenoit  tavelés  de  noir  et  de  terre,  aussi  comme  une 
«  vieille  heuse  '*.  » 

A  la  fin  du  xi"  siècle,  on  portait  des  heuses  avec  le  vêtement  mili- 

1  Fécial,  soiis  le  règne  de  Henri  VI  d'Angleterre  :  De  officio  heraldorum. 

2  Mail).  Paris,  ann.  1247. 
^  I.e  Roman  de  Gnrùi. 

*  Hiat.  de  saint  Louis,  j  ar  ,1.,  sire  de  Joiuville,  publ.  par  M.  Nat.  de  Wailly. 


—  453 


[   HEUSt:   ] 


taire,  et  ces  chaussures  remontaient  à  une  époque  beaucoup  plus 
ancienne  (voyez,  clans  la  partie  des  Armes,  h  l'article  Armure,  les 
figures  2  et  6).  Les  lieuses  étaient  des  bottes  plus  ou  moins  hautes 
de  tige  et  quelquefois  agrafées  latéralement  et  sur  le  tibia.  Celles-Là 
étaient  justes  et  se  mettaient  comme  nos  grandes  guêtres.  Souvent 
la  tige  se  terminait  par  des  revers. 


Les  piétons  et  les  voyageurs  à  cheval  portaient  cette  chaussure  de 
cuir  noir  ou  fauve,  ou  coloré  en  rouge  ou  en  bleu.  «  Et  Marcuflex 
«  chaussa  les  heuses  vermeilles,  par  l'aie  et  le  conseil  des  autres 
"  Grecs  '.  »  Les  pauvres  gens  ne  portaient  guère  ces  sortes  de  chaus- 
sures, qui  étaient  chères,  et  les  remplaçaient  par  des  jambières  de 
peau  non  tannée,  posées  par-dessus  les  souliei's  ;  mais  les  gentils- 
hommes et  les  bourgeois  ne  manquaient  pas  de  mettre  des  heuses 
toutes  les  fois  qu'il  fallait  cheminer  dans  la  boue  ou  chevaucher. 

En  chasse,  au  xiv^  siècle,  la  noblesse  portait  des  heuses  très-bien 
combinées.  Les  unes  (fig.  1)  ne  montaient  qu'au-dessus  des  genoux, 


'  Villehardoiiin. 


[   iiel:se  ]  —  454  — 

avec  retroussis  serré,  soit  de  peau  légère  ou  de  drap,  qui  empê- 
chait la  pluie  de  pénétrer  dans  la  chaussure.  Ces  heuses  étaient  hou- 
clées  latéralement  du  côté  externe,  seulement  du  dessous  des  genoux 
aux  chevilles.  Le  pied  et  le  genou  étant  fermés  à  demeure.  Les  au- 
tres (fig.    2)  montaient  jusqu'au  milieu  des  cuisses,  et  étaient,  des 


genoux  au  cou-de-pied,  agrafées  latéralement.  On  voit  en  A  comment 
se  terminait  l'agrafure  sous  le  genou.  En  B,  sont  tracées  les  agrafes; 
a  étant  le  bord  interne  du  cuir  des  bielles  et  b  le  bord  externe  du 
cuir  de  recouvi-ement  des  agrafes  cousues  sous  ce  bord.  On  voit  en 
c  comment  étaient  cousues  les  bielles  sur  le  cuir  de  l'autre  partie. 
Les  cuissots  étant  fermés  jusques  et  y  compris  le  dessous  des  genoux, 
on  passait  d'abord  la  jambe  dans  le  canon  /",  puis  le  pied  dans  le 
soulier,  sans  difticullé,  après  quoi,  on  agrafait  le  recouvrement  du 
libia.  Les  valets  de  chiens,  les  veneurs  à  pied,  portaient  des  heuses 


—   4oO    —  [    IIEISE   ] 

lacées  (fin-.  3),  laissant  les  genoux  libres  i.  On  portait  aussi  des 
lieuses  faites  comme  nos  bottes  molles-.  Vers  le  milieu  du  xv*  siècle, 
les  soudai'ds  des  compagnies  franches,  coureurs  de  grands  chemins, 
gens  à  tout  faire,  élaient  habilucllement  chaussés  de  longues  lieuses 


;p 


qu'ils  ne  quittaient  guère  (lig.  4 ').  Ces  lieuses  sont  agrafées  sur  le 
tibia  et  le  cou-de-pied,  jusqu'à  la  hauteur  des  genoux;  la  partie  qui 
couvre  le  bas  de  la  cuisse  est  fermée.  On  y  introduit  la  jambe 
d'abord  en  tirant  sur  les  courroies,  qui  tombent  le  long  des  revers, 
puis  on  agrafe  le  bas.  Ces  chaussures  devaient  être  excellentes  pour 
la  marche. 
Dans  un  temps  où  les  chemins  n'étaient  guère  bons,  où  cependant 


'  Maiiuscr.  Tîihlioth.  nation., /e  Livre  de  chasse  de  Gaston  Phœbus  (lin  ilu  xivc  siècle). 
Ces  trois  exemples  piovicnHcnl  de  ce  manuserit. 
■2  Voyez,  à  l'îirtii'lc  Journade,  la  figure  2. 
3  Maiiuscr.  I!ihli<ilii.  nation.,  Miroir  /listuri'il,  t'raurais  (144(1  cnviriiii). 


IIEUSE 


456 


l'habitude  de  voyager  était  familière  à  toutes  les  classes  de  la 
société,  où  la  vie  se  passait  en  grande  partie  en  plein  air,  on  tenait 
fort  à  posséder  des  vêtements  qui  pussent  garantir  toutes  les  parties 
du  corps,  et  principalement  celles  qui  souffrent  le  plus  des  intempéries 


et  qui  fatiguent;  aussi,  les  habillements  de  jambes  sont-ils,  pendant 
le  moyen  âge,  l'objet  de  précautions  inliiiies.  On  portail,  par  exem- 
ple, des  hauls-de-chausses,  sortes  de  caleçons  justes,  qui  descendaient 
à  mi-cuisse,  par-dessus  lesquels  on  passait  de  longs  bas-de-chausses 
recouvrant  la  partie  inférieure  des  hauls-de-chausses,  puis  une 
seconde  paire  de  bas-de-chausses  plus  épais,  attachés  au  corset  ou 
au  pourpoint  par  des  aiguillettes,  puis  des  lieuses  pour  marcher 
dehors  (lig.  5  •).  C'est  à  dater  de  la  seconde  moitié  du  xiv  siècle 


'  Mriiie  iiuinusiTil. 


—   457   —  '  [   IIOQLETON    ] 

que  Ton  adopte  ce  mode  de  vèlir  les  jambes.  La  miniature  d'après 
laquelle  est  faite  la  figure  S  montre,  en  A,  le  haul-de-chausses  blanc  ; 
on  B,  les  bas-de-cliausses  de  dessous  gris,  puis  les  bas-de-chausses 
de  dessus  verts.  Les  beuses  sont  noires. 


/L.a.aAùMjT. 


Les  élégants  portaient,  de  1440  à  1460,  des  bottes  molles  très- 
longues,  très-souples  et  dont  les  revers  montaient  au  baut  des  cuisses 
(voyez,  à  l'article  Corset,  la  figure  5).  S'il  fallait  marcber  dans  la 
boue,  on  mettait  par  dessus  ces  heuses  des  patins  à  semelle  de 
bois,  altacbés  par  une  courroie  sur  le  cou-de-pied.  Cet  usage  s'était 
conservé  jusque  vers  le  milieu  du  xvn"^  siècle.  On  donnait  alors  à  ces 
patins  le  nom  de  galoches  (voy.  Chaussures).  Il  était  une  mode 
bizarre  vers  1450,  et  qui  consistait  h.  porter  une  botte  fauve  à  l'une 
des  deux  jambes.  Les  Arrêts  dUimour  de  Martial  d'Auvergne  font 
mention  de  cette  étrange  coutume.  Il  s'agit  de  dames  qui  réclament 
la  faculté  de  porter  une  botte  fauve  à  la  jambe  droite  ou  sénesli-c, 
ainsi  que  cela  est  pratiqué  par  les  élégants.  Les  miniatures  du  manus- 
crit de  Girart  de  Nevers,  de  la  Bibliotliè(iue  nationale,  nous  monli'cnt 
en  effet  un  jeune  gentiliiomme  ainsi  cliaussé  *. 

HOQUETON,  s.  m.  {auijueton).  Vêlement  plutôt  militaire  que  civil, 
à  manclies  courtes,  assez  amples,  garni  d'un  capucbon,  ol  dont  la 

'  Voici   le   litre    du   la  vigncUc  :    <<    Do   la  gaigiire  f|iie    r.irart  de    Nevers  lisl  ii   l'cii- 

"  couire  de  I.i/.iarl.  coule   de    Foresl.  »  Les  iiiinialures  de    ce  maiiiisci'il   duleiil    de  liid 

cuviiou. 

m.    —  uS 


[    IIOQUETON   ]  —    io8    — 

jupe,  fendue  par  devant,  par  derrière  et  latéralement,  à  la  hauteur  de 
Tentre-cuisses,  descendait  aux  genoux.  On  portait  le  hoquelon  par- 
dessus rarmure.  Le  lioqueton  appartenait  à  toutes  les  classes  et  même 
aux  femmes  : 

«  Mainte  hele  paieune  vestue  (ramiiiulou 

«  Vcissiés  graot  dol  faire  et  erier  a  haut  ton  l.   » 

•   Li  rois  fais  as  Ribaiis  vc>tir  les  auqtietons  -.  » 

Les  nobles  doublaient  le  lioqueton  civil  de  fourrures  et  ornaient 


r 


l'extrémité  des  manches  et  le  capuchon  de  passementeries  ;  quelque- 


'  La  Conquête  de  Jérusalem,  eh.  V,  vers  44oS  (xiii^  siècle). 
'  Ibid. .  ih.  VI,  vers  57G5. 


—    4o9    —  [   IlOQUETON    ' 

fois  môme  le  corps  du  vêtement  était  couvert  de  bandes  horizontales 
brodées  d'or  ou  de  couleur. 

La    ligure    1    montre   un    hoqueton   du    commencement  du    xni» 
siècle  '.  (le  boqueton  primitif  est  simplement  ouvert  du  liant  eu  bas 


^À 


par  devant,  mais  n'est  fendu  ni  latéralement,  ni  par  derrière.  On 
passait  ou  Ton  ne  passait  pas  les  mancbes,  et,  dans  ce  dernier  cas, 
le  vêtement  était  retenu  autour  du  cou  par  un  bouton  ou  une  agi-afc 
Dans  l'exemple  ligure  1,  le  personnage  a  passé  la  manclie  droite;  ; 
la  mancbe  gauche  tombe  libre  sur  réi)aule.  Le  capuchon  est  doublé 


'  Minii.s.T.  ISililiulli.   nation  ,  l'sahn.,  laliii  (liOO  à  1210}. 


[    IlOQUETON    ] 


460 


solidcmenl  eL  forme  sur  lu  tète  nue  coiriïire  épaisse  et  roiJe.  Plus 
lard,  vers  le  milieu  du  xiii"  siècle,  le  lioqueton  adopte  une  coupe  qu'il 
ne  perd  plus  jusqu'au  moment  où  il  disparaît  pour  faire  place  au 
surcol.  La  ligure  2  '  montre  un  genlilliomme  vêtu  du  hoqueton  civil, 


doublé  de  fourrure.  Alors  les  broderies  ont  disparu  des  manches  et 
n'apparaissent  plus  que  par  bandes  espacées  dans  la  hauteur  de  la 
robe  ;  encore  sont-elles  rares. 

Les   hoquetons  des  gentilshommes  étaient  faits   d'étoffe  de  soie 
épaisse  et  solide  ;  les  plus  ordinaires  étaient  coupés  dans  du  drap 


'  Manuscr.  nihlidlli.  nation..  Romrm  de  In  table  ronde,  français  (1250  environ). 


—    461    —  [   IIOQLETOK    ] 

léger  ou  do  la  sei'gc.  Ils  sont  toujours  doublés,  sinon  de  fourrure, 
au  moins  d'une  étolTe  légère  et  toujours  claire.  Le  hoqueton  que 
portaient  les  femmes  ne  ditîérait  de  celui  des  hommes  que  par 
la  jupe,  qui  n'était  pas  fendue  latéralement  et  qui  descendait  aux 
chevilles, 

4 


Les  sergents  d'armes  portaient  toujours  le  ho(iueton  au  \ni"  siècle, 
soit  en  tenue  civile,  soit  par-dessus  l'armure.  Ce  hoqueton  était  aux 
armes  du  prince,  et  par-dessus  on  enfonrmnit  encore  le  chaperon 
((ig.  3  ').  Sous  le  chaperon  enfourmé  on  voit  le  capuchon  du  hoque- 
ton hridé  sui'  le  front  du  cavalier.  Ce  capuchon  n'est  pas  toujours 
de  la  même  couleur  que  le  hoqueton.  Dans  cet  exemple,  il  est  rouge, 
tandis  que  le  hoqueton  est  bleu  glauque  et  le  chaperon  pourpre. 
Les  chausses   sont  rouiies  et  les  manches  de  la  cotte  de  dessous 


'  Miinusrr.  HiMiotli.  nation.,  Hi.st.  de  Ut  vie  et  îles  inirncles  de  sninl.  Louis,  IVaiirîjis 
[l:)0()  environ).  Ce  s(;rgent  d'arnics  suit  le  roi  k  clioval. 


[    IIOL'PPELAiSDE    ]  —     462    — 

roses.  Ce  sergent  porte  des  gants  blancs.  Le  lioqueton  de  la  tin  du 
^ni'  siècle  était  à  peu  près  ajusté  à  la  taille,  ample  au-dessus  et  au- 
dessous.  On  le  passait  comme  on  passe  une  chemise,  car  il  n"claitpas 
fendu  du  haut  en  bas,  comme  le  hoqueton  primitif. 

Ce  n'est  que  vers  la  fin  du  xui"  siècle  que  le  capuchon  du  hoque- 
ton diffère  parfois  de  couleur  avec  le  corps  du  vêtement.  Avant 
celle  époque  le  tout  est  taillé  dans  une  étoffe  de  même  nuance. 
On  a  donné  aussi  le  nom  de  hoqueton  à  la  dalmatique  courte  que 
portaient  les  hérauts  d'armes. 

La  ligure  4  présente  un  de  ces  hérauts  d'armes  revêtu  du  hoque- 
ton armoyé  »  d'or  à  l'aigle  impériale  de  sable.  Ses  jambes  sont  armées 
de  grèves  et  de  genouillères,  avec  hauts-de-chausses  rouges.  Ce 
vêlement,  traditionnel  chez  les  hérauts  d"armes,  persiste  jusqu'au 
xvf  siècle. 

HOUPPELANDE,  s.  f.  Ce  vêtement  n'apparait  que  vers  43S0  ;  il 
est  très-usité  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Charles  VL  On  le  retrouve 
encore  plus  lard,  mais  il  prend  alors  'des  formes  très-différentes  'de 
celles  qu'il  affectait  primitivement.  C'était  un  ample  surtout  ouvert 
par  devant,  possédant  des  manches  larges,  et  habituellement  décoré 
de  broderies,  de  passementeries,  doublé  de  fourrures  et  accompa- 
gné d'un  chaperon.  L'inventaire  du  trésor  de  Charles  V  mentionne 
un  grand  nombre  de  houppelandes  :  «  Item  une  houppelande, 
«  mantel  et  chapperon  d'un  veluiau  azuré,  fourré  dermines  et  n'est 
'<  point  moucheté,  et  y  a  quatre  boulons  dor  garniz  de  muglias  -  et 
«  au  bout  de  chacun  bouton  a  une  petite  perle  ^..  Item  une  houppc- 
«  lande  et  un  chapperon  de  mesmes  ;  de  drap  de  soye  vermeil  à 
«  feuilles  en  façon  de  coquilles,  fourrez  de  menu  vair  ^  »  Dans  lès 
comptes  de  la  seconde  moitié  du  xiv°  siècle,  il  est  question  de  houppe- 
landes bâtardes,  de  houppelandes  longues,  de  houppelandes  à  mi- 
cuisse,  de  houppelandes  à  chevaucher,  de  houppelandes  descendant 
aux  genoux  ''.  Bien  que  le  chaperon  fût  assorti  habituellement  à  la 
houppelande,  il  n'y  tenait  pas  ;  il  était  indépendant  et  s'enfourmail 
par  dessus,  dans  les  mauvais  temps.  Outre  son  ouverture  de  devant 
qui  séparait  le  vêlement  du  collet  au  bas  de  la  jupe,  et  permettait 


'    MauusiT.  lîililiuUi.  unliou. .  Jus.'pliL',  Hist.  des  Juifs,  IVaurais  (1  i70  eiivii'on). 

-  Muglias,  sorte  (r(''toffc  piTcioiis  •. 

■'  Mamiscr.  r)ilili(ilh.  nation.,  Inn-iit.  du  trésor  de  Char/es  V,  art.  .']476. 

i  Art.  34S3. 

'^  Voyez  la  Kotice  !,ur  les  comptes  de  t'aryenten'e,  \)nv  M.  UoiiiU  d'Arcq,  )i.  xlvi. 


—    463    —  [    HOUPPELANDE    ] 

(le  le  mellrc  comme  nous  endossons  nos  pardessus,  la  houppelande 
était  fendue  à  droite  et  à  gauche  latéralement,  jusqu  au-dessous  des 
hanches.  La  ligure  1  donne  la  forme  pi-emière  de  la  houppelande  '. 
Le  collet  de  la  houppelande  serrait  exactement  le  cou  et  était  hou- 
tonné  sur  le  devant.  Ces  houtons  descendaient  jusiiu'au  nomhril.  Les 


1 


\ 


manches,  liès-amples,  tombaient  sur  les  mains.  Il  fallait  les  retrousser 
pour  dégager  celles-ci.  Portée  d'abord  sans  ceinture,  la  houppe- 
lande, sous  Charles  VI,  est  serrée  à  la  taille  par  une  riche  courroie  ; 
son  extrême  ampleur  gênait  les  mouvements,  d'autant  qu'alors  les 
manches  furent  si  prodigieusement  larges,  qu'il  n'était  plus  pos- 
sible de  se  mouvoir  dans  cet  amas  d'étoile  épaisse  et  fourrée.  Cotte 


.Mauiiscr.  liiblioUi.  luilioii.,  Tile  Lue,  fraiiriiis,  dédié  au  rui  Jean. 


lIOLiPPELAINDE 


—   464 


ceinture  ne  tenant  pas  à  l'Iiabit.  on  la  mettait  ou  on  ne  la  mettait 
pas,  à  volonté.  La  liouppelande  parée  était  la  plus  longue  et  tom- 
bait sur  les  pieds.  C'était  un  liabit  de  ville,  de  chevauchée  et  de 
cérémonie,  court  ou  long  de  jupe,  riche  ou  simple,  suivant  l'occur- 
rence. Ainsi,  la  ligure  2  '  nous  montre  un  seigneur  à  genoux  velu 
d'une   houppelande   parée  sans  ceinture  ;   l'habit  est  rouge ,  fourré 


A-.' 


d'hermine.  Le  chaperon,  posé  sur  l'épaule,  est  fait  ici  d'une  autre 
étoile;  il  est  vert.  La  fourrure  forme  un  bourrelet  au  sommet  du 
collet  qui  enveloppe  exactement  le  bas  du  visage.  Les  manches  sont 
d'une  ampleur  démesurée  et,  le  personnage  étant  à  genoux,  traî- 
nent à  terre.  Un  manuscrit  de  1390  -  fournit  plusieurs  exemples  de 
ces  houppelandes  longues,  considérées  comme  vêtement  paré  (lig.  3). 
Celle-ci  est  lilas,  avec  broderies  d'or  et  fourrée  d'hermine.  Le  cha- 
peron de  ce  personnage  est  pourpre,  avec  un  joyau  sur  le  devant. 
A  la  ville,  les   gentilshommes  portaient  la  houppelande  de  même 


'  Minusi'i'.  lîiblioUi.  ualioa.,  P/ve/'ei'.  hitiii  (13S()  euviron'. 
-  IJibliotli.  iiiilii)ii..  Lancelot  du  Lac.  frani;ais. 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 

Tome  III.  Houppelande,  Fi(j.  5. 


IIOLI'I'ELANDE    DU    DlC    DE    lïElir.V  (llCO  cnviiou). 


Des  Fossez  et  C',  6Jileu/'s 


IMP.    COMTE-JACQUIiT. 


[   HOUPPELANDE   ]  —   4G6   — 

ceinture  d'or  maintient  ce  lourd  vêtement  de  cérémonie  en  haut  de  la 
taille.  Une  sorte  de  pèlerine  de  velours  noir  à  deux  rangs,  déchi- 
quetée, descend  du  cou  sur  les  épaules.  Le  second  rang  est  seul  brodé 


é 


f    L^'' 


d'or.  Une  chaîne  d'or,  attachée  sur  le  devant  à  deux  riches  agrafes 
sur  les  épaules,  passe  sous  l'étage  supérieur  de  la  pèlerine.  A  cette 
chaîne  sont  suspendus,  en  manière  de  breloques,  des  niveaux  et 
pals  d'or.  Sous  cette  riche  houppelande,  le  duc  porte  une  robe  de 
satin  vert  dont  on  aperçoit  les  manches  larges,  plissées  aux  poi- 
gnets. A  sa  main  droite  un  bracelet  d'or,  auquel  est  suspendue  une 
bulle  d'or.  Le  bonnet  est  de  velours  noir.  Sous  le  col  noir  on  aper- 
çoit la  fraise  d'une  fine  chemisette.  On  sait  que  le  duc  de  Berry 
était  un  des  seigneurs  les  plus  magnifiques  de  la  cour  luxueuse  de 
Charles  VI.  Lettré,  ami  des  arts,  possesseur  d'une  des  belles  biblio- 
thèques de  ce  temps,  d'ailleurs  fort  ambitieux,  le  duc  de  Berry  se  fit 
détester  des  Parisiens,  qui  brûlèrent  son  hôtel  de  Nesle  et  son  châ- 
teau de  Bicêlre.  Il  mourut  en  1416.  Sa  statue  existe  encore  dans  la 
cathédrale  de  Bourges. 

La  houppelande  longue  se  modifie  de  1430  à  1440,  et  adopte  les 
manches  bizarres  de  forme,  à  la  mode  de  ce  temps,  hautes  et  rem- 
bourrées sur  les  épaules,  fendues  latéralement  et  relativement 
élroites  aux  poignets  *  ([)huiche  XIII).  Ce  seigneur  (c'est  un  duc)  est 


Maiiusrr.   liililinlli.   nnlmw  . .  Girarl  de  Neocrs,  h'niuydis. 


DICTIONNAIRE  RAISONNÉ  DU  MOBILIER 


'^^'T'..  3 


y/ij/Zc-i'/f:  yjuc-    ,i:é . 


J'-A/.  l'b^r^, 


VfA.MORELetC'î  Editeurs 


HOUPPELANDE  DE  SEIGNEUR 
XIV^  SIÈCLE 


—  467  — 


[    IlOll'I'EI.ANDK 


revêtu,  sous  sa  houppelande,  irune  armure  blanche  '.  La  houppelande 
est  faite  d'une  étoffe  d'or  avec  ornements  rouge  brique  ;  elle  est  dou- 
blée et  bordée  d'un  salin  bleu.  Le  chapel  est  bleu. 


€ 


Ces  houppelandes  étaient,  au  besoin,  retenues  à  la  taille  \ym-  une 
torsade  de  soie  indépendante,  avec  glands  de  soie  ou  d'or.  On  obser- 
vera que  cette  houppelande  est  seulement  ouverte  par  devant  et 
n'est  point  fendue  par  derrière  et  latéralement,  ainsi  que  l'étaient 
les  houppelandes  du  wy"  siècle.  Pour  chevaucher  armés,  les  gen- 
tilshommes portaient  de  ces  surlouls  d'étoile  oïdinaire  et  bien  four- 


1      11,'      l'.T     |Mlli. 


[    HOUPPELANDE   ]  —    468    — 

rés,  autant  pour  se  préserver  du  froid  que  pour  garantir  les  armes 
polies,  habituelles  alors,  qu'on  appelait  armes  blanches  et  qui  se  rouil- 
laient facilement. 

Les  bourgeois  ne  portaient  guère  de  houppelandes  longues  qu'à  la 
ville  ;  bien  entendu,  elles  étaient  taillées  dans  des  étoffes  de  laine, 
mais  n'en  étaient  pas  moins  fourrées  d'écureuil  ou  de  peau  d'agneau. 
En  campagne,  dans  les  chevauchées ,  les  bourgeois ,  à  la  fin  du 
XV*  siècle,  endossaient  des  houppelandes  courtes  qui  ne  descendaient 
qu'à  mi-cuisse  (fig.  6).  Ce  personnage  porte  l'un  de  ces  vêtements  de 
couleur  mordorée,  avec  un  capuchon'.  Il  est  coiffé  d'un  chapeau 
rouge,  et  son  haut-de-chausses  est  vert.  Des  houseaux  de  cuir  fauve 
couvrent  ses  jambes  -. 

Mais,  avant  cette  époque,  c'est-à-dire  pendant  le  cours  du  xV  siècle 
jusqu'au  règne  de  Louis  XI,  les  houppelandes  à  chevaucher  étaient 
au  contraire  longues,  couvraient  les  jambes,  et  tombaient  jusqu'aux 
étriers.  Les  houppelandes  courtes  étaient  plutôt  portées  lorsqu'on 
allait  à  pied  par  la  ville.  La  houppelande  longue,  à  cheval,  convenait 
aux  hommes  d'armes  de  haute  noblesse  et  lorsqu'on  n'avait  pas 
à  redouter  une  attaque,  ou  aux  personnes  d'un  âge  mûr.  Les  jeunes 
gens  ne  portaient  la  houppelande  longue  que  dans  certaines  solen- 
nités, car  elle  était  considérée  comme  un  vêtement  de  cérémonie 
réservé  aux  personnes  de  qualité. 

Pendant  le  cours  du  moyen  âge  les  vêtements  amples  et  chauds 
abondent.  Cloches,  gonelles.  garnaches,  houppelandes,  peliçons, 
capes,  manteaux,  etc.,  on  n'a  que  l'embarras  du  choix.  Nous  n'avons 
aujourd'hui  que  peu  d'équivalents  à  ces  vêtements  fourrés,  amples, 
qui  enveloppaient  si  complètement  le  corps.  Il  est  vrai  qu'alors  on 
voyageait  beaucoup  à  cheval,  et  que  les  appartements  n'étaient  pas 
chaufïés  comme  ils  le  sont  aujourd'hui.  Au  total,  ces  habitudes  étaient 
beaucoup  plus  saines,  puisqu'il  est  toujours  facile  de  se  débarrasser 
d'un  vêtement  trop  cliaud,  et  qu'étant  ainsi  bien  couvert,  on  n'avait 
pas  à  craindre  ces  brusques  changements  de  température  de  l'inté- 
rieur à  l'extérieur,  qui  sont  la  cause  de  beaucoup  de  maladies  qu'alors 
on  ne  connaissait  guère.  On  est  trop  disposé  à  croire  que  nos  aïeux 
étaient  moins  sensibles  que  nous  au  froid  ;  le  fait  est  qu'ils  savaient 
mieux  s'en  garantir,  sinon  en  chauffant  à  outrance  leurs  logis,  au 
moins  par  la  composition  de  leurs  vêtements. 


'   Te  n'esl  qu'à  la  fiu  du  xv<^   siècle  que  le  capuchon  nst  adhérent  à    la    iiou])pelande 
courte. 

2  Manuscr.  Bitilioth.  nation.,  Tite-I.ive,  français  (1480  environ). 


469  — 


[    HOUPPELANDE    ] 


La  houppelande  n'élait  pas  un  vêtement  spécial  aux  hommes  ;  on 
désignait  ainsi,  au  xv«  siècle,  une  robe  de  dessus  destinée  aux  dames 


7 


et  qui  était  très-élé?anle.  Dans  les  Arrêts  d'amour  de  Maillai  liAu- 


veriïne  ',  il  est  fait  mention  d'une  jeune  femme  (jui  en  appelle  (\o  la 
décision  de  son  mari  qui  lui   défend   de  porter  une  robe  (houppe- 


'  I>(''gn(!  lie  Louis  \1,  arirt  xxxi. 


[    IIOIPPELAISUE 


470 


lande)  et  un  chaperon  fails  à  la  nouvelle  mode.  Le  mari  aurait  fait 
ôler  cette  robe  à  sa  moitié,  disent  les  considérants  de  l'arrêt,  «  par 
«  ce  qu'elle  est  (la  robe)  trop  ouverte  par  devant,  et  que  la  lansuetle 
«  du  colet  va  ti'op  bas,  et  que  le  gict  de  penne  '  est  un  petit  trop 


«  grand.  Et  autant  en  ont  ils  laict  de  son  cliaperon  ;  pour  ce  qu'ilz 
«  veulent  dire,  que  la  patte  est  trop  volante  :  et  de  faict  Ton  luy 
«  musse.  De  laquelle  chose  elle  ha  appelle  en  la  court  de  céans.  Si 
«  concluoit  tout  pertinent  en  cas  d'appel,  qu'il  avoit  esté  mal 
«  exploicté,  et  par  elle  bien  appelle.  Et  au  surplus  requeroit  provi- 
(*  sion,  que  pendant  le  procès  elle  peust  vestir  ladicte  robbe  et  son 
«  dict  chaperon. 


'   l-ii  (loiihliii-c  lie  roiin-iirc 


—    471    —  [    HOUPPELANDE    ] 

«  De  la  partie  des  dictz  parens  et  amys  intimez  fat  delîendu  au 
contraire,  disant  que  selon  la  jambe  le  coup  :  car  le  monde  parle 
aujoui'd'lmy  trop  de  légier,   et  se  faict  bon  garder  des  premiers 


6  bis. 


'<  courroux.  Or  disoit-il  que  sa  dicte  robbe  ou  boupelande  que  ccste 
«  appelante  avoil  faict  faire,  n'estoit  pas  selon  son  estât.  Car  il  y 
«  avoit  superdiiité  d'outrage  que  Ton  luy  debvoit  tollir,  pour  les 
«  inconveniens  que  s'en  pourroyent  ensuyvir...  etc.  »  La  houppe- 
lande des  dames  de  la  seconde  moitié  du  xv°  siècle  était  donc  un 
vêtement  élégant  et  décolleté  que  Ton  pouvait  passer  par-dessus  la 
cotle  et  le  surcot.  Mais  ce  vêtement  datait  d'une  époque  antérieure, 
puisque  la  reine  Isabeau  de  Bavière  en  portail  un  lois  de  son  entrée 


[    HOUPPELANDE   J  —    47^   — 

à  Paris.  Les  houppelandes  de  dames  nobles  portées  à  la  fin  du 
XIV"  siècle  étaient  amples,  ouvertes  par  devant,  doublées  de  fourrures 
formant  collet,  retroussées  aux  manches  et  faisant  bordure  à  la  robe 
(fig.  7  1).  Le  bas  de  la  houppelande  traînant  à  terre,  les  dames  en 
rattachaient  le  devant  par  des  agrafes  au-dessous  de  la  taille,  ainsi 
que  le  montre  notre  tigure,  afin  de  pouvoir  marcher.  Ces  houppe- 
landes étaient  portées  sans  ceinture,  ajustées  à  la  taille  et  décolletées, 
ou  avec  ceinture,  collet  haut,  suivant  la  mode  du  temps,  et  manches 
très-amples  en  façon  d'entonnoirs  (fig.  8  -  et  8  bis).  Coupées  dans  du 
samit  ou  même  du  velours,  elles  étaient  toujours  doublées  de  four- 
rure et  étaient  boutonnées  par  devant,  de  la  ceinture  au  cou  ou  seu- 
lement de  la  gorge  au  cou.  Cette  seconde  façon  de  houppelande  était 
moins  parée  que  la  première.  Les  bourgeoises  cherchaient  à  iraitei- 
ces  modes  dispendieuses  et  gênantes,  mais  il  leur  était  difficile  de 
porter  des  vêlements  aussi  longs,  pourvus  de  manches  énormes,  qui 
ne  permettaient  pas  de  marcher  par  la  ville.  Au  commencement  du 
XV"  siècle,  les  grandes  dames  portaient  des  houppelandes  dont  la 
traîne  était  tellement  longue,  qu'il  fallait  la  faire  porter  par  une 
suivante.  Alors  la  houppelande,  très-large  au  corsage,  avec  collet 
rabattu,  décolletée,  était  serrée  autour  de  la  taille  par  une  torsade. 
Elle  possédait  des  manches  démesurément  amples  et  longues  (fig.  9). 
Pour  marcher,  il  fallait  même  relever  le  devant  de  ce  vêtement 
lourd  et  entièrement  doublé  de  fourrure.  C'est  une  houppelande  de 
cette  coupe  que  la  reine  Isabeau  de  Bavière  portait  le  jour  de  son 
entrée  à  Paris.  La  dame  que  représente  notre  vignette  ^  est  vêtue 
d'une  houppelande  de  samit  bleu,  doublée  d'hermine  sans  queues  ; 
son  hennin  de  di-ap  rose  et  or,  avec  bord  noir,  est  couvert  d'un  voile 
très-léger. 

Ce  vêtement  devait  être  fort  incommode.  On  n'en  trouve  plus  trace 
vers  1450,  ou  plutôt  alors  il  se  confond  avec  le  manteau  ou  soc,  com- 
plètement ouvert  par  devant  et  dont  les  deux  côtés  sont  percés 
d'ouvertures  pour  passer  les  bras  (fig.  40  '').  Cette  princesse  est 
Marguerite  d'Ecosse,  écoutant  la  lecture  des  poésies  d'Alain  Char- 
lier.  La  cotte  de  dessous  est  pourpre  brodée  d'or,  le  surcot  d'hermine, 
et  la  houppelande,  en  façon  de  manteau,  est  bleue,  doublée  d'her- 
mine, armoyée,  en  haut,  de  France,  au  milieu  semé  de  la  lettre  M  en 


'  Mauuscr.  r>iblioHi.  nation..  Lcmcelot.  du  Lac,  tVaurais  (1-435  euviron). 

-  Même  manusi-rit. 

■^  iMauiiscr.  l'.ibliolli.  iialion.,  Givart  de  Nevers,  français  (1440  ouvirou). 

*  Maïuisci'.  liililioth.  nation.,  Alain  ('.hartii'f.  Poésies,  français  (1  IjO  envirou] 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 

Tome  III.  Houppelandk,  F'kj.  10. 


11()1;1'1M:1-A.M)1':     DK     MAUCIKIUTE    ItKCOSSr,    (lilO   euvirouj. 


Des  Fusscz  et  C",  éditeurs. 


:mp.  comte-jacquet. 


473 


[   HOUPPELANDE   ] 


or,  et  au  bas,  de  France.  La  disposition  des  ouvertures  faites  pour 
passer  les  bras  permettait  de  relever  les  deux  pans  de  devant  de  la 


conoiee 


lionppelandc  de  manière  à  ne  pas  marcher  sur  les  pans  anléricurs, 
lcs(juels  couvraient  ainsi  le  devant  de  la  personne.  Ce  vêtement  magni- 
lique  n'est  porté  que  par  la  très-haute  noblesse,  et  nous  croyons  que 

111.  —  eu 


[   HOUPrELA>'DE   ]  —    474    — 

c'est  la  dernière  forme  donnée  à  la  houppelande.  La  figure  11  en  donne 
le  patron  déployé.  En  A,  est  tracée  la  coupe  des  lez  pris  dans  un  drap 
de  soie  broché  d'or,  donnant  par  zones  des  fleurs  de  lis  et  des  M. 
Les  grands  seigneurs  faisaient  faire  ainsi  des  pièces  d'étoffes  spéciale- 
ment destinées  à  leur  usage.  En  B,  on  voit  comment  se  raccordent  les 
dessins,  de  manière  à  composer  des  zones  semées  de  France  et  d'M. 


11 


En  a,  est  marquée  l'ouverture  pour  passer  le  bras,  et  en  C  le  détail 
des  brochages  d'or.  Lorsque  ce  vêtement  était  porté,  il  se  faisait  un 
pli  creux  au  milieu  du  dos,  qui  dissimulait  la  jonction  biaize  des  lez. 
Au  bas  était  une  bande  d'hermine. 

La  houppelande  se  rapproche  tantôt  du  corset,  tantôt  du  fond-de 
cuve,  tantôt  du  peliçon,  tantôt  du  manteau  ou  du  soc,  comme  dans  ce 
dernier  exemple  (voyez  ces  articles). 

Pendant  le  moyen  âge,  comme  de  nos  jours,  des  vêtements  très- 
peu  ditîérents  de  coupe  prenaient  des  noms  particuliers.  On  aura 


—  ^1o  —  [  nuvE  ] 

grand'peine,  dans  (rois  cents  ans,  à  établir  la  différence  qu'il  y  a 
enlreun  veston  et  un  saute-en-barque,  entre  un  surtout  et  un  par- 
dessus, entre  un  tour-du-lac  et  une  capeline. 

HOUSSE,  s.  f.  —  Voy.  Garnache. 

HUCQUE,  s.  f.  —  On  donnait  ce  nom,  au  xv"  siècle,  au  camail  à 
capuchon,  c'est-tà-dire  au  chaperon,  si  fort  usité  pendant  le  cours  du 
moyen  âge  : 

((  Item,  je  laisse,  en  beau  ]nu'  duu, 
n  Mes  gands  et  ma  hucque  de  soye 
«  A  mon  amy  Jacques  Cardon  ' . 

Nous  avons  tant  d'occasions  de  reproduire  ce  vêtement,  qu'il  n'est 
pas  nécessaire  de  nous  étendre  ici  sur  sa  forme  et  son  usage. 

HURCOITE,  s.  f.  Houppe  de  soie  ou  de  (ils  d'or  fort  usitée  pendant 
les  XIV*  et  xV'  siècles  pour  orner  les  vêtements  des  deux  sexes,  et 
même  les  harnais  des  montures. 

HU'VE,  s.  f.  C'est  un  ornement  de  tête  pour  les  dames,  vers  la 
seconde  moitié  du  xiv^  siècle  : 

"  Et  si  vous  di  bien  que  ma  liuve 
1  Est  vieille  et  de  pouvrc  fasson  ; 
«  Je  scay  tel  femme  de  niassou 
»  Qui  n'est  pas  à  moi  comparable, 
«  Qui  meilleur  la,  et  plus  coustablc 
«  Quatre  foiz  que  la  mienuc  n'est  -.  » 

La  huve  est  une  cornette  élégante  que  les  femmes  de  moyenne 
condition  portaient  à  la  ville.  La  huve  a  précédé  les  cornes,  les 
escoffions,  les  hennins,  et  a  persisté  après  l'inauguration  de  ces 
étranges  coiffures.  C'est  une  capeline  très-courte  et  dont  les  côtés 
se  développent  en  volets  (lig.  4  ').  Il  fallait  que  cette  coiffure  fût 
empesée  par  devant  ou  maintenue  à  l'aide  de  fds  d'archal,  pour  con- 
server ces  plis  antérieurs  qui  dégageaient  le  visage.  Les  huves  étaient 


'  Petit  Tesimnent  de  Villon,  st.  .xvii. 

-  Eusta<'tie  Dcsi'lianips,  le  Miroir  de  mnriiKje. 

■i  .Alauuscr.   lîiiiiiolii.  ualiou.,  Tite-Urc,  IVanc.ais,  Iri'sor  du  roi  Jean. 


[   IIUVE 


476 


parfois  fort  riches,  brodées  de  perles  et  d'or.  Plus  fermée,  noire  et 
portée  sur  une  guimpe  et  une  barbette,  elle  constituait  une  coiffure 
de  deuil. 


1 


Cette  coiffure,  sauf  le  cas  de  deuil,  était  habituellement  faite 
de  soie.  On  disait  aussi  huvet  :  «  Le  suppliant  féry  de  laditte  femme 
«  un  ou  deux  cops  parmi  le  visaige,  dont  le  huvet  de  sa  teste  chey 
«  à  terre  '.  « 

'  Vov.  lliJVA,  G/oss.  du  Cause. 


FIN"       11  !J       TOME       TROISIEME 


TABLE 

DES  MOTS  CONTENUS  DANS  LE  VOLUME  TROISIÈME 


DU 


DICTIONNAIRE  DU  MOBILIER  FRANÇAIS 


Septième  partie.  —  Vêtements,  bijoux  de  corps, 

objets  de  toilette. 


Agrafe 3 

Aiguillctlc 14 

Aniict M) 

Anneau 19 

Aube 24 

Aumônière 26 

Auniusse 31 

Bâche 38 

Bâtonnet 38 

Bille 38 

Bisutle 38 

Bliaut 38 

Boucle Gl 

Boucles  d'oreilles 64 

Bourrelet 6."J 

Bourse 66 

Bouton 66 

Bracelet 68 

Bracières 69 

Braies 69 

Branlants 81 

Bref 82 

Broche 82 

Broderie 82 

Bulle 85 

Cagoule 86 

Cape 90 


Ceinture 104 

Chapeau 119 

Chaperon 131 

Chasuble 142 

Chausses 148 

Chaussure  1  u5 

Chemise 173 

Coiffe 176 

Coiffure 178 

Col,  Collet 253 

Collier 259 

Cornette 261 

Corset 262 

Coite 279 

Couronne 307 

Couvrechef 322 

Cucule 324 

Dalmatique 326 

Deuil 332 

Doublet 340 

Écharpe 341 

Klpingle 343 

Escarcelle 345 

Esclavine 349 

Escoffion 353 

Escofflc 354 

Étoffes 356 


MH 


TABLE    DES    MOTS    CONÏEMS    DANS    CE    VOLUME 


Etolc 


374 


Fcrinail 376 

Fond-de-cuve  376 

Fourrure 382 

Freiseau 384 

Froc 3S6 

Garnachc 388 

Gant 39o 

Garde-corps 400 

Garnement 412 

Gibecière 412 

Gonelle 413 

Gorgière 421 

Grève 428 


Guimpe 428 

Haiucelin 429 

Harnais 429 

Haut-de-cliausses 449 

Hcrigaut 449 

Heures 449 

Meuse 452 

Hoqueton 457 

Houppelande      462 

Housse 475 

Hucque . .  475 

Hurcoite  475 

Huve 475 


FIN    DE    LA    TABLE    I>ES    MOTS 


UJSPOSITIUN   DES    PLANCHES 


CO.XTE.NLES    DANS    CE    VOLUME 


Planche  I.   Bas  d'aube  de  saiut  Tlionias  Bccket,  trésor  de  la  catlicdrale   de  Sens 

(chromolilli.)    26 

Planche  U.   Aumùniùro  du  coiiite  Henri,  trésor  de  Troyes  (cliroiuolitli.) 27 

Planche  111.   Fragnicut   de    la  chasuble    de   saint    Dominique,   trésor    de    Saiut- 

Sernin  a  Toulouse  (chrouiolith .  )     1  47 

Planche  IV.  Fragment  de   la  chasuble    de    saiut  Thomas    Bccket,   trésor   de   la 

cathédrale  de  Sens  (chromolith.) ;{(jO 

Planche  V.  Fragment    d'une  étoffe   trouvée    dans  le   tombeau   de    Charlemague 

à  Aix-la-Chapelle  (chrouiolith.) 3G0 

Planche  VI.  Fragment  d'une   chasuble    du    trésor    de    Saint-Scruin    a    Toulouse 

(chromolith .  ) 300 

Planche  VII.   Fragment  d'un  suaire,  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens  (chromolith.)       300 
Planche  VIII.   C.amocas,  fragment   d'étoffe  ,    trésor   de   la  cathédrale  de   Troyes 

(chromolith .  ) 3G1 

Planche  IX.  Fragments  d'étoffes,  soie  et    or,   111    et   or,   trésor  de   la   cathédrale 

de  Troyes  (chromolith .) 367 

Planche  X.    Fragment    d'étoffe    de    lin,    trésor    de    la    cathédrale    de    Troyes 

(chromolith.) 3(iS 

Planche  XI.   Bout  d'élole  de  saiut  Thomas  Becket.  trésor  de  la  cathédrale  de  Sens 

(chromolith.) 368 

Planche  XII.   Etoffe  d'un  fond-de-cuve,  vêtement  du  comte  de  Foix  (chromolith.).       381 
Planche  Xill,   Houppelande  d'un  seigneur,  vers  143o  (gravure) 466 


FIN    DE    LA    taule    DES    PLANCHES 


UAU-I.i;-Dl  C.    —    LMl'IUMKltlE    ET    LITHOOIIAIMIIE    COMTE-J AC.cjLET. 


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1873 

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