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DIGTIO^NAIKE RAISONNÉ
DU
MOBILIER FRANÇAIS
B A n - L K - 1) U C . — 1 M P It I M K II I F. C 0 M T E - J A C n L' K T
DICTIONNAIRE RAISONNE
DU
MOBILIER FRANÇAIS
•5
DE L'EPOQUE CARLOVINGIENNE A LA RENAISSANCE
M. VIOLLET-LE-I)lIC
ARCIilTECTE
TOME TROISIEME
PARIS
\' A. MÔUEL ET G", ÉDITEIKS
13, HUE 1! ON A l'A H TE, 13
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SEPTIÈME PARTIE
VETEMENTS, BIJOUX DE CORPS
OBJETS DE TOILETTE
IM - I
SEPTIÈME PARTIE
VÊTEMENTS, BIJOUX DE CORPS, OBJETS DE TOILETTE
^^
AGRAFE, s. f. {a fiche, a fice, ferniail, frumal, fermoiirs, fcrmillet,
fremillet, freinaus, tasel, tasial) '. La fibule antique est le point
de dépail de ce bijou, qui était destiné à réunir sur l'épaule ou sur
la poitrine les deux bords du manteau ou de la cliape, et encore
à fermer l'ouverlure antérieure de la robe. La variété de forme des
agrafes adoptées aux diverses époques du moyen âge est infinie.
Depuis la fibule gauloise, qui ressemble à ce que l'on nomme au-
jourdliui une broche, jusqu'au fermait cà plaques et au fremillet de
ceinture du xv' siècle, on trouverait cent exemples différents de ces
objets adoptés pour les vêtements des deux sexes et par toutes les
classes. Le fermail se dislingue toutefois parfiiitement de la boucle :
celle-ci, cousue ou rivée à l'extrémité d'une courroie on bande
d'étoffe percée de trous, permet de serrer plus ou moins celte cour-
roie autour de ce qu'elle doit maintenir; tandis que le ferniail,
l'agrafe, réunit simplement deux parties d'un vêtement, soit au
moyen d'une brocbe, comme la libule antique, soit au moyen de
deux mordants. L'agrafe est même quelquefois composée de deux
parties cousues aux bords opposés du vêlement, parties qu'on
' laisel ea anglais,
4 -
I AC.RAI'E \
peut réunir au moyen d'une broche libre. Ces sortes d'agrafes figu-
rent alors exactement une charnière ou un couplet avec sa fiche.
Les lombes des chefs venus de Germanie, qui envahirent les
Gaules au v" siècle, renferment parfois de ces agrafes soit d'argent,
soit d'or, avec pûtes de verre serties. A Odratzheim, près de Stras-
bourg, sur la rive gauche du Rhin, on découvrit, il y a quelques
./iiÂZ yD7 .
années, une belle agrafe d'argent dans une tombe. Cette agrafe,
dont nous donnons (fig. 1) la face grandeur d'exécution, et en A le
profil, se compose de deux plaques rivées ensemble, à la distance
de 15 millimètres ; un bord, formant épaisseur, masque les rivets.
Des mordants sous-jacents maintenaient les lisières du manteau.
Des pcàtes de verre coloré sont assez adroitement serties sur la face
externe, et au milieu ressort une sorte à\imho d'argent. Des
filigranes sont soudés sur le tour, entre les bâtes des verres K
< Voyez la J^otice sur les cimet. gnnl . et germ. décotiverts dims les enviroyis de
Strasbourg, par iM. le colouel Morlet. Slrasbourg, ISOi.
— s — [ AGIIAFE ]
Cette forme circulaire des agrafes du manteau germain se retrouve
sur les has-reliefs de la colonne Trajane. Il est une autre forme
d'agrafe, ou plulôt de fibule, qu'on retrouve dans les tombes méro-
vingiennes, et qui présente une disposition toute particulière. Ces
bijoux consistent en deux portions de disques réunies par une sorte
d'arc très-relevé [i\g. 2) '. Une broche était soudée sous les deux
A.
peS/KRCCTp.iS
disques, pour saisir les bords de Tétoffe qui trouvent à se loger sous
cet arc relevé, ainsi que l'indique notre gravure, en B. On pouvait dès
lors mordre l'étoffe à une certaine distance de ses lisières, afin de ne
les point arracher. L'exemple que nous donnons ici, déposé au
musée de Cluny, a été trouvé par nous dans un cercueil mérovin-
gien, de pierre, au-dessous du sol de la basilique de Dagobert à
Saint-Denis. Cette agrafe est de bronze , composée de plaques
repoussées, gravées et soudées, et conservant ainsi beaucoup de
légèreté. Dans ses curieuses fouilles, M. l'abbé Cochet a trouvé plu-
.iiiuiilciir (l"e\('ciilii)ii.
[ Af.nAi'r. ] — 6 —
sieurs fibules semblables à celle-ci, et M. Huclier en donne une autre
conçue suivant le même principe,- possédant encore sa broche, et
provenant d'un des cimetières mérovingiens du Maine * (fig. 3j.
Par exception , sur cette dernière fdjule, on lit gravé le nom du
Christ : XPSTO. L'agrafe mérovingienne se portait sur l'épaule
i
G- ■y^i^i'O/l
droite habituellement, pour laisser le bras droit libre entre les bords
du manteau. Elle bridait même quelque peu le haut du bras, et
c'est ce qui explique pourquoi il était nécessaire de lui donner au-
tant de prise sur l'étoffe. Les agrafes circulaires, en forme de médail-
lons, étaient plutôt des attaches de chapes, et se posaient sur la
poitrine. Ces sortes de bijoux étaient en usage pour les vêtements
sacerdotaux : le cabinet des médailles à Paris conserve une de ces
plaques, qui est fort intéressante à tous les points de vue, et qui
provient du trésor de l'abbaye de Saint-Denis. Elle consiste en un
beau camée antique -, serti en or avec monture, qui parait dater
du xr siècle. Trois gros rubis et trois saphirs entourent le camée.
Entre les pierres sont des groupes de perles assemblées par trois
(fig. 4). En A, nous donnons un fragment de la monture qui reçoit
les tiges B, auxquelles sont attachées les perles et les bâtes C, avec
griffes qui maintiennent les saphirs et rubis. Ce beau bijou était
certainement un de ces fermaux de chape posés sur la poitrine. Des
statues des xii'' et xiii" siècles nous montrent ces sortes d'agrafes
pectorales, qui n'étaient parfois qu'un ornement et étaient fixées sur
le haut de la robe. La belle figure du xir siècle, provenant du portail
de l'église Notre-Dame de Corbeil, désignée faussement sous le nom
' Voyez, dans le Bulletin monumenUd de M. de Cauniont, t. XX. p. 3G9, la notice
insérée par M. Huclier sur cet objet.
2 Tête d'Auguste, sardonix, grandeur d"e\écutiou. u" 190 du Catalogue géuéral et
raisonné des camées, etc., exposés dans le ratiiuel des médailles, rédigé par M. Clia-
bouillet, conservateur.
— 7 — [ AGRAFE ]
de Clotilde, et qui se trouve aujourd'hui dans l'église de Saint-Denis,
est ornée d'un de ces fermaux attachés simplement au haut du corsage
et ne retenant point le manteau. Cette plaque est circulaire, décorée
de gros chatons tout autour avec partie renfoncée, unie au centre,
probablement remplie autrefois d"un morceau de pâte de verre.
i
^
l^' I
Sur la chasuble des évêques du \ui'' siècle, au-dessus du pallium,
est presque toujours posée une de ces larges plaques ornées de
pierreries, qui ne sont qu'un ornement et rappellent le pectoral du
grand prêtre du temple de Jérusalem (lig. S)'. Mais revenons aux
fermaux ayant une destination utile, et d'abord aux fermaux de
manteaux. La fibule mérovingienne s'attachait difficilement. Il fallait
ramener devant soi les deux bords du manteau, puis les rejeter sur
l'épaule lorsqu'ils étaient l'éunis, ou bien les fah'e athu'her par un
servilcui'; on abandonna donc, au xu'' siècle, cette libule, et on la
remplaça pai- des agrafes, dont les deux parties étaient cousues aux
' On pDi'lail laniiliniKil iIl' l;i callirilialc ili' f'.liariri's.
— 8 —
[ AGHAKE ]
bords du vêlement; rniie portait un mordant, cl l'autre était faite en
façon de gourmette pour pouvoir rapprocher plus ou moins ces deux
(j •yc'.v
bords. Voici une de ces agrafes (lig. 6) ^ La piirlie A est cousue sur
le manteau; elle porte un mordant B, qui passe à travers l'étolfe
0
(voy. la coupe C). La tige centrale seule sert à retenir la soie ou le
fil, afin de laisser les ailes libres et faciles à saisir. La gourmette D
1 Attaehaut le mauleau du liiii îles viugt-qiiatrc vicillanb de TApocalypse, portail
occidental de la calhcdralo de Cliarlres (xii^ sièele). Autri; analogue, portail de l'église
de Moissac (xii'' sièile).
— 9 — [ AGUAKE ]
est cousue sous la bordure du maïUeau au moyen de la patte P. et
est posée sur un morceau de peau V, afin que le mordant B ne
puisse user l'étoffe de la robe par le frottement et se faire sentir sur
l'épaule. Le mordant pouvait ainsi entrer dans les crans successifs
et brider plus ou moins le manteau sur la poitrine. L'autre agrafe
de manteau, (lu'on trouve souvent liguvée sur des statues du
xnr siècle, se compose de deux plaques formant un couplet (fig. 7),
avec une broche qui les réunit. Les deux parties du couplet étaient
cousues aux bords opposés du manteau, ainsi que l'indique notre
gravure. Pour que la broche ne s'égarât pas, un cordonnet la reliait
à l'une des parties du couplet. La charnière était décorée de gra-
vures ou de pierreries, ainsi (jue la lèle de la broche '. Plus tard,
c'est-à-dire vois la lin du xni" siècle, les manteaux ne se portèrent
plus ouverts sur l'épaule droite, mais ouverts par devant, et leurs
' Slalucs d'apùtiTs île lu siiiiilr rli;i|'i'lli' de l»;iris; slaliu's des mis do Saiiil-Dcnis.
lu. -- -1
[ AGIÎM'E j
10
bords farent réunis par une ganse passant à travers un œillet de
métal, pour pouvoir, au besoin, serrer les deux bords l'un contre
l'autre (voy. Manteau).
Les petites broches furent en usage, à dater de celte époque, pour
^UA.
^^,
l
fermer le haut des robes et quelquefois le manteau des femmes.
Voici (fig. 8) une de ces sortes d'agrafes de cuivre doré, ornée de
pierreries, qui date du milieu du xni" siècle '. En A, est donnée une
des quatre petites létes de prolil. L'exécution de ce bijou est très-
bonne, les mufles d'animaux sont ciselés avec une extrême délica-
tesse et d'un excellent style. La ligure 9 présente une de ces broches
' I)(,' la colleclioii ili' M A. (ère iti' (.uraiidcur (Vcxt-cutiou'.
— 11 — [ AGRAFE ]
d'une composilion très-simple. Cet objet est de iiîême de cuivre
doré, orné de grenats ', et date du \i\° siècle.
On fabriquait de petites bro-
ches en os ou en ivoire pour
maintenir les ouvertures des
chemisettes à petits plis, qui
paraissaient sous les robes à
corsage ouvei't , portées par
les femmes vers 1400. Voici
(fig. 9 bis) un de ces objets -.
j) II.
■■amr
Il ne faut pas omettre les
agrafes de ceinture, qu'on ne
doit pas confondre avec les
boucles, (lelle que nous don-
nons ici (tig. 10)^ est de cuivre
battu. C'est un de ces objets
qu'on fabriquait pour l'usage
ordinaire. Les pattes doubles
étaient rivées à la courroie A ou
à une passementerie épaisse.
La charnière assurait la tlexi-
bihté de chacune des parties,
afin de mieux prendre la forme
de la taille. En B, est ti-acé le
profil de cette agrafe, qui pa-
raît appartenir au xiV siècle.
Nous avons l'occasion de re-
venir sur ces agrafes de ceinturon dans la partie qui traite des
' MUS'C (les riMllllc
ï Idem, idem .
^ Idem, idem.
du clirilc-iii de l'ierrefouds [grandeur d'exéeutioa).
[ Ar.P.AFE ]
- 1-2
armes et habillements militaires. Celle que présente la ligure 11
était de même adaptée à une ceinture étroite A, et date du xv" siècle '.
Elle est de cuivre battu et ciselé, avec patte double, rivée sur TétofTe
ou le cuir qui faisait le fond de Taiglettc. En B, est tracé le profil
de Tagrafe. Les quelques exemples que nous donnons ici, par
l'extrême variété de leur composition et de leur forme, indiquent
assez la fertilité d'invention des artisans auxquels étaient dus ces
objets courants. Les fermaux d'or, ou même de vermeil, devenus
très-rares, étaient considérés, pendant le moyen âge, comme des
bijoux complémentaires de toute parure. C'étaient de ces cadeaux
qu'on olfrait en maintes occasions, particulièrement aux dames,
qui en mettaient non-seulement à leurs corsages, mais aussi à leurs
coiffures ou à leurs voiles.
'< Et por teuir la clievei.'aille (ooiffiire),
H Deus t'ermans d'or au col li baille :
H En mi le pis (an milieu de la poitrine) un,t;' en remet.
■> Et de li ceindre s'entremet 2; »
u Et puis (]uaut vint au départir,
« Lors Melhisigne ala ouvrir
» Ung escrin d'ivoire, où estoit
« Ung fermeillet qui uuiult valoil.
1 Musée des fouilles du rhâleau de Pierrefonds [grandeur d'exécution)
2 Roman de la Rose, vers 212'i4.
— 13 — [ AGRAFE ]
'1 r.arui (le pierres précieuses
« Et de perles moult vertueuses ;
<i A la contesse le donna,
'i Qui grnnt joie de re don a ' . »
(I L'ottrando fu et biele et rioo
Cl Maint fruinal d'or et mainte afice ((''pini,d.')
« I otfri-on a irel jour ~. »
Pendant le xv" siècle, alors que les hommes portaient des cha-
peaux d'étoffes, des fermaux d"or et de pierreries y étaient fixés, et
retenaient les plis de la coiffure, des chaînettes d'or, parfois des
plumes.
On avait aussi des agrafes qui servaient à suspendre des auniô-
nières, des cassolettes, des clefs... La figure 12 donne une de ces
l'2r
<
agrafes de petite dimension qu'on accrochait à la ceinture. Cet
objet, de cuivre doré, est d'un joli travail ^ et date du xiv^ siècle. La
figure 13 reproduit également une de ces agrafes propres à sus-
pendre de menus objets à la ceinture. Elle est de bronze coulé et
ciselé S mais d'un travail assez grossier.
Dans les sorties que les auteurs satiriques du moyen âge se permet-
tent contre le luxe des classes riches, les fermaux sont particulière-
ment mentionnés, ce qui prouve que ces bijoux étaient de ceux qu'on
• Le Livre de Lusignan, vers 1271.
- Renard le nouvel, vers 292.
^ Musée des fouilles de Pierrofonds (!:!randeui' d'ex(''('ulion).
'* Musée de Cluny (grandeur d'exécution).
[ AIGIILLETTE ]
14
portail le plus et auxquels on mettait le plus de prix. Le musée
Britannique possède un de ces fermaux de forme circulaire, d'or,
d'une grande beauté. Les fermaux de chape renfermaient souvent
des reliques ; le musée de Cluny en possède un fort beau d'argent
!3
l'^,
doré, émaillé, enrichi de pierreries, qui date du xiV siècle, et qui
représente une aiglette au vol abaissé, au milieu d'un carré entouré
d'un quafre-lobes. Des chatons de cristal posés sur ce quatre-lobes
contiennent des reliques ^ Les inventaires des princes mentionnent
des fermaux d'une -grande valeur comme matière. Il y avait aussi
des agrafes de collier (voy. Collier et la partie de l'OrîFÉvr.ERiE).
AIGUILLETTE, s. f. Cordon teiminé par un ferret ou pointe de
métal, afin de faciliter le passage de ce lien à travers un ou plusieuis
œillets. On voit les aiguillettes adoptées pour attacher les diverses
pièces des vêtements entre elles, dès le xni'^ siècle. On s'en servait
' (x't olijet. qui provicut de l;i collcclidii Dehnige Duiiiriiil, ost très-bien reproduit
dans VHist. (lefi arts indiistr. do M. ,1. Laliurle. l. I, [jI. liv.
lo -
[ A.MICT i
beaucoup comme moyeu d'attache des armures pendant les xiv' et
xv siècles. Les riches avaient des aiguillettes d'argent ou d'or, mais
habituellement elles étaient faites de cuivre, et le cordon de peau de
chien revêtu de soie, si les vêtements étaient luxueux. La ligure 1
^
a
<i!
V
présente un ferret d'aiguillette ; le cordon était pincé entre les deux
branches plates a a, lesquelles étaient percées de deux trous pour y
passer des rivets ou un hl métallique,, ainsi qu'on le voit en B. On
voit des aiguillettes ainsi façonnées dans un assez grand nombre
de statues de tombeaux de la fin du xm*" siècle au xv^
AMICT, s. m. L'amict est l'un des treize vêtements du prêtre
officiant. Il consistait en une pièce d'étoffe (toile fine) longue de
70 centimètres environ et large de 53, garnie au chef de broderies
et au centre d'une croix ; aux deux angles antérieurs du chef sont
cousus des cordons. « Selon la rubrique du iMissel romain, le prêtre
prend Tamict par les angles auxquels sont attachés les cordons, baise
la croix brodée au milieu, le place sur sa tête, puis l'abaissant sur
le col, s'en sert pour border le collet de sa soutane ; il fait passer les
cordons sous ses bras, et, après les avoir croisés sur le dos, les ramène
et les attache sur la poitrine '. » Il ne paraît pas que l'amict ait été
adopté avant l'époque carlovingienne. Alors il voilait la tête et était
abaissé sur la chasuble au moment de l'office. Nous ne pourrions
dire quelle est l'origine de ce vêtement, qui n'est point indiqué dans
1 Voyez les Vêtements sacerdotaux, pai' M. Victor Gay [Annales, arc/i . . I. M. r- 158).
[ A M ICI J 1^
les premiers moiuiments chrétiens. Au contraire, à cette époque, les
prêtres sont toujo irs représentés la tète nue, par opposition aux
usages leligieux du paganisme. Guillaume Durand ' dit que Tamict
■^ Ration<ÙP, lili. III. r;iii. li.
— r
r AMICT ]
rappelle la parole de TApôlre aux Éphésiens : « Prenez le casque du
salut, » Au xin^ siècle, le prêtre s'en voilait encore la lèle avant de
monter à l'autel, bien que l'amict soit toujours représenté abattu sur
la chasuble en manière de capuchon ou de collet. Ces deux exemples
(tîg. 1 et 2) montrent l'amict dans cette position. La figure 1 pré-
sente l'amict rabattu, formant capuchon'; la ligure 2, formant
!>5
'i^'i^J '.ru/ î
collet -. Dans ce dernier exemple, c'est la broderie du chef de l'amict
qui tient lieu de collet, tandis (jue la partie de toile line entre, en se
plissant, sous l'aube. Le trésor de la cathédrale de Sens conserve
encore l'amict de Thomas Beckel, qui possède la bande, brodée ser-
vant de collet. La ligure ;■} i-eproduit cet amicl. Lorsque le prêtre se
' Slnlue ilii ]>orliiil mûriiiional do l^olrc-nanic de (".liarti'cs.
^ Sulue (lu luipe saiiil Girguirc à >iulrc-l)aiuo de Cliarlres.
ni.
[ AMI Ci
— 18 -
voiUiiL la tète avec raïuicl, il prenail des deux mains les deux cor-
dons, baisait la croix brodée sur le linge, qu'il posait sur son chef
de manière que la bande brodée fît couronne sur le front, puis,
ramenant les deux cordons sur l'occiput, il les nouait. Alors était-il
coiffé comme l'indique la figure 4 en A, de face, en B, par derrière.
//
<T /
A
Une des ligures des voussures de la porte principale de l'église ab-
batiale de Vézelay (côté gauche) montre clairement la manière dont
se posait cette coitïure (4 bis). Si le prêtre se découvrait, il dénouait
les cordons, et, laissant tomber le Unge sur ses épaules, il entourait
son cou de la bordure en broderie en nouant les cordons par devant.
C'est ainsi qu'est représenté l'amict de la ligure 2. La petite statue en
émail d'Eulger, évêque d'Angers au commencement du xm" siècle \
laisse voir l'amict posé sur la tête du prélat, sous la mitre, qui elle-
même reproduit la forme naturelle de l'amict présentant deux cornes
données par les plis de l'étoffe (voy. Aumusse, fig. i).
' (îaigiirrc-', hilil. ISoillriciiiie,
— 19 — [ ANNEAU ]
Celte partie du vêtement liturgique est commune ù l'évèque, au
prêtre, au diacre et au sous-diacre ; c'est pourquoi saint Etienne, à
dater du wf siècle, est toujours représenté avec Tamict. Guillaume
Durand prétend aussi que l'amict représente le voile dont les juifs
couvrirent la face du Christ en lui disant : « Christ, prophétise-nous
quel est celui qui t'a frappé ^ » Comment alors ce vêtement n'nu-
rait-il pas été adopté par la primitive Église ?
La forme de l'amict ne changea pas jusqu'à la On du xv" siècle.
Seulement, au xiv" siècle, la hroderie formant collet prit plus d'im-
portance, et monta jusqu'au bas de la mitre sous les fanons. Aujour-
d'hui, l'amict est complètement caché sous la chasuble.
ANNEAU, s. m. (anel). On sait que les Romains portaient habi-
tuellement un anneau avec chaton intaillé pour sceller leurs lettres ;
que l'époux remettait un anneau à sa fiancée; que l'anneau servait,
au besoin, de sauf-conduit, ou était échangé comme un moyen de
confiance absolue dans certaines transactions, ou lors de messages
importants. La superstition s'attachait à quelques anneaux consi-
dérés comme des talismans.
Les diverses fonctions et vertus données à l'anneau prirent encore
plus de valeur peut-être pendant le moyen âge. Les Gallo-Romains
avaient conservé les usages romains , ils avaient leurs anneaux-
cachets et leurs anneaux de mariage -. Les Mérovingiens avaient
aussi leurs anneaux monogrammatiques, et la chancellerie méro-
vingienne scellait les nombreux diplômes qu'elle délivrait avec ces
sortes d'anneaux ^
Dès les premiers temps de l'époque féodale, l'anneau était donné
en signe d'investiture. Quand Guillaume le Bâtard se disposa à
passer en Angleterre pour s'emparer des terres d'Harold, le pape lui
envoya un étendard et un anneau :
« L'Apostoile li olreia,
s Un goufiiiiDii li fiiveia,
" Un gonfauuu et iiu anel
« Mult preoios è riche è bel ;
« Si coiniiii' il ilit. (les;i)7. la lùerre
« Aveil un des clievculs sainl PieiTC '*. »
' Raii'onale, lili. ill. (aji. ii.
- Voyez, k ee snjcl, larliclr de M. Huilier [Sigillographie du M'iinr. linllclin monu-
mental, t. WUI. p. :50;i].
^ Voyez, (laus le Trésor de nuntismat . et de ghjiogr ., quatre de ecs anneaux,
' Boman de liou, vers lUiiU.
[ ANINEAll ] — 20 —
Cet anneau était une sorte de reliquaire contenant sous le chaton
un cheveu de saint Pierre ; de plus, il était une marque de l'inves-
titure du royaume saxon.
En 1104, Hugues, comte de Champagne, se dessaisit entièrement
de la terre de Rumilly en faveur de l'abbaye de Molesme, et en signe
d'investiture il tira l'anneau qu'il portait à son doigt et le mit sur
l'autel, saint Robert et ses religieux étant présents '. Dès le
xni" siècle, lorsque les rois de France étaient sacrés, ils déposaient
sur l'autel l'épée, la couronne et l'anneau (fig. 1) 2.
Les évêques portaient et portent encore un anneau. « L'anneau
(épiscopal), dit Guillaume Durand ^ est le gage assuré de la foi, avec
lequel le Christ a fiancé son épouse, la sainte Église, afin qu'elle
puisse dire d'elle-même : « Mon Seigneur Jésus-Christ m'a fiancée
« par son anneau », dont les gardiens et les dispensateurs sont les
évoques et les prélats, qui portent des anneaux en témoignage de ces
fiançailles... »
Les amants échangeaient des anneaux en signe de leur fidélité
à leurs serments :
« .1. anel oste de son (loi
'c Ou sien le mist et dist : Amis,
'< Par Ci-'st anel d'or vous saisis
« De nraiiiour tous jors loiauuii^ut.
« Alant le baisR doucement ;
1 Lebeuf, Mémoires concernant ihist. d'Auxevre, t. III, p. G9.
- Les Rois de France, nis. anc, fonds latin, n» 1246, Bibliolli. impér.
•* nationale, lib. [II, cap. xiv.
— 21 — \ ANNEAU ]
« Et du sien doit .1. auel prist
n Letr('', qu'en son mal faire fist ;
«( De leurs .11. nous entreposés
« Estoit H aaelés letrés '. »
Quand le roi de France enlève la fille de Géri pour la donner en
mariage à l'un de ses barons, celle-ci, déjcà mariée à Bernier, répond
au roi qui lui propose ce riche parti :
« Merci, biax sire rois.
'( N'a encore gaires que Bernier li cortois
« M'a espousée ; les auiax ai es dois ! -. »
Une femme devenue veuve quittait tous ses bijoux et même ses
anneaux. Il faut donc, parmi les anneaux, distinguer ceux qui ser-
vent de sceau, des anneaux épiscopaux, de parure, de mariage, de
fiançailles, avec lettres entrelacées, des anneaux contenant des reli-
ques. La figure 2 présente un anneau de mariage ou de parure
mérovingien. Cet anneau ^ est orné d'une petite pierre quadran-
gulaire. En A, une partie de cet anneau est grandie au double,
afin (lo, faii'c voir le travail de ciselure. La figure 3 reproduit l'an-
' Li Romans d'Amados et Ydoine, vers 12.j2 et suiv. (xiii" s.).
- Li liomnns de Raoul de Cambrai fxnie s.).
^ Musée d'Aulun (grandeur d'cxéciilion).
ANISEAU
00
neau êpiscopal attiibné à saint Loup i ; il esl d'or, sertissant un
saphir. Ce bijou paraît remonter k l'époque cariovingienne.
L
5
B. co:LU\i:"3T.
t
u
vr
X
£. cc'unmor.
Voici (fig. 4) un très-joli anneau de parure pouvant servir de reli-
quaire, qui date du commencement du mn" siècle. Il est d'argent
doré, orné d'un grenat -. L'anneau (tig. 5) est d'une date plus
3^^
récente, de la fin du xiV siècle ou du commencement du xv^ ^ Cest
aussi un anneau de parure. L'anneau (fig. 6) date de la fin du
1 Trésor de la fanu''drcale de Seus.
- ('ûlk'ctiou de M. A. Géreute.
■> Coniniuuiqué par M. Pascal, statuaire . ■
— 23 - [ ANNEAU ]
XV* siècle ; il représenle un saint Georges tuant le dragon. Une
couronne de roses et de fleurs de lis entoure le suint. En A, l'anneau
est présenté latéralement; il est d'argent doré '.
Dès la lin de l'époque carlovingienne, les anneaux ne servirent
plus guère de sceau. On eut depuis lors, pour sceller les lettres, les
diplômes, les chartes, des sceaux spéciaux qu'on portait avec soi
dans la ceinture ou l'aumônière, et qui étaient suspendus à une
chaînette. Les sceaux des grands seigneurs étaient placés dans des
cassettes fermées à clef, commises à la garde de personnages pré-
posés à cet eiïet. Cependant on connaît quelques anneaux du moyen
7
£./y//.lLfii/yfOT
âge servant de sceau. Le cabinet des médailles à Paris conserve un
de ces anneaux qui date du commencement du xV siècle, si l'on s'en
rapporte à la forme des lettres et à celle du heaume gravé sur le
chaton. Cet anneau (fig. 7) est d'or massif; les armes gravées en
creux sur le chaton ligiirent un écu chargé d'un dragon portant
(peut-être) une proie dans sa gueule. Le heaume qui surmonte l'écu
est timbré de même au-dessus d'un loi-lil. Le hinibre(iuin paraît
échiqueté. On lit des deux côtés de l'intaille les deux noms : Maiun-
PixiA.N. Sur les bords de l'anneau s'enlevaient en relief deux inscrip-
tions ; une seule est encore lisible et est empruntée à l'Évangile selon
saint Luc : « Jksls altkm tuamsiens i-eiï médium h.i.ohum ihat »
(iv, 30) -. Notre ligiuv est tracée grandeur de l'oi'iginal.
' CoiniiHiuiqiK'; par M. Pascal.
* No^TlS (lu Calalo^'iic ,!i 'iir'ral rcdij^c par .M. CliubuLullut, cDiLscrvalciir.
[ AUBE ] — 24 -
AUBE, s. f. Sorte de tunique blanche à manches qui était portée,
dans les premiers siècles du moyen âge, par les laïques et par les
clercs, mais qui, dès le xni"' siècle, ne fut plus considérée que comme
vêtement sacerdotal.
Avant le baptême, les catéchumènes étaient revêtus de Taube pen-
dant une semaine. Quand le roi des Français abandonna la Nor-
mandie en franc-alleu à RoUon, celui-ci consentit à être baptisé, et
dit au prince : « Ainço\s que je doingue terre à mes homes, weil
« par vostre conseil en ces .vij. jours que je serai en aubes, donner
« de mon comquest à ces eglyses que vous nommé m'avez, que je
« lor aïe puisse avoir envers Noslre-Seigneur Et quant il fa
« désaubés, si donna terre à ses barons qui servi Tavoient *. » —
« Et fu apelez pour Rous, Robert, et Franques li arcevesques le bap-
« tisa. Quant il fu desaubez, si apela l'arcevesque et li demanda
'< moult debonerement les quex eglyses de sa terre estoient de
« greigneur autorité ; et puis fist toute sa gent baptisier -. »
Guillaume Durand ^ décrit ainsi ce vêtement sacerdotal :
« Après l'amict, le prêtre revêt la chemise ou aube, qui, con-
venablement adhérente aux membres du corps , montre qu'il ne
doit y avoir rien de superllu ou de dissolu dans la vie du prêtre ou
dans ses membres. Elle tigure aussi, à cause de sa blancheur, la
pureté de la vie, selon ce qu'on lit : « Qu'en tout temps tes vête-
« ments soient blancs. » Et elle est de bysse ou de lin Or l'aube
a un capuce , elle a aussi un cordon » Le même auteur dit
que l'aube était originairement étroite, mais que de son temps elle
était ample, qu'elle est ornée d'une broderie à son extrémité anté-
rieure et aux manches, qui sont serrées.
L'aube, avant Guillaume Durand et même de son temps, ne pos-
sédait pas toujours un capuce. Nous en trouvons la preuve dans un
grand nombre de statues des xni" et xiv^ siècles, et dans l'aube même
de saint Thomas Becket, conservée dans le trésor de la cathédrale de
Sens. Il est certain que ce vêtement date des premiers temps du
christianisme. Le quatrième concile de Carthage ordonne aux diacres
d'être revêtus de l'aube pendant le sacrifice.
Grégoire de Tours rapporte que les prêtres et les diacres étaient
revêtus de l'aube pendant une translation de reliques \ Grand Colas
' Les Chroniques de Normandie, jnihl. par M. Fr. Miclicl. p. \o.
- Fragments des chr. de Nor m. ,\Mih\. par M. Fr. Michel, p. 87.
•'' Hatwna/e, lib. 111, oap. m (xiii» s.).
♦ Lifj. de fjtoria conf'ess., cap. xx.
— "-'O — [ AUI5E J
dit. à propos de ce vêtement ' : « L'aube ou lliabil blanc devint si
ordinaire aux clercs, qu'ils le portaient toujours comme leurs vête-
ments ; et les conciles ordonnèrent qu'ils en auraient de particuliers
qui ne serviraient qu'au temps du sacritice... » — « C'était si fort
l'usage des évêques et des prêtres de porter l'aube dans leur vête-
ment ordinaire, qu'on leur recommande de ne la pas quitter, même
en voyage, et quand ils vont à cheval. »
V
S
ly-10-
£.CIJ/LU\U/Wf..
Nous donnons (dg. 4) l'aube de saint Thomas Becket que conserve
le trésor de la cathédrale de Sens. Celte aube est de lin blanc, sans
capuchon, avec un parement d'élod'e riche sur le devant en bas. Les
côtés de la tunique sont plissés à petits plis et réunis par des gous-
sets en mailles de lil. L'exii-émité des manches est juste aux poignets,
avec une entaille pour passer facilement la main. Dans les statues
d'évê(jues et de prêtres des xii" et xni- siècles, l'aube apparaît sous
la chasuble par-dessus l'élole (voy. Etoi.e) et ne descend guère plus
' Les iindenncs lilui(jirx,{. Il, p. 13i.
m. — 4
i AUMÔ.MÉIŒ ] — 26 —
bas que la moitié des jambes. Ainsi est faite l'aube de Thomas Becket.
La planche 1 donne le dessin de rétoffe qui décore le devant de
cette aube. Plus tard, l'aube descend un peu plus bas. Pendant les
xni° et xiv^ siècles, elle est fendue des deux, côtés, depuis le bas jus-
qu'à la hauteur du genou; et ces fentes sont ornées souvent de
franges. Les statues des papes et évêques du portail méridional
de la cathédrale de Chartres, celles du portail nord de la cathédrale
de Reims, montrent des bas d'aubes ornés de très-riches broderies.
AUMONIÈRE, s. f. {aumosnière , aumoisnière , aloière). Petit sac
avec coulants ou fermoir, qu'on pendait à la ceinture et qui conte-
nait les objets dont on se servait habituellement, de la monnaie.
Depuis le xn" siècle jusqu'au xiv", l'aumônière est le complément
indispensable du vêtement journalier des deux sexes ; on ne quittait
guère son aumônière que lorsqu'on se parait, qu'on s'armait ou
qu'on restait chez soi. La forme la plus ancienne de l'aumônière
est celle d'un petit sac, avec deux, cordons (coulants) pour le fermer,
et un autre cordon pour l'ouvrir et le suspendre à la ceinture. La
ligure 1 montre une de ces aumônières i et la manière de la sus-
pendre à un étrier pris dans la ceinture. On fermait l'aumônière en
tirant sur les deux coulants a, a. Le cordon simple, attaché par ses
extrémités au bord supérieur du sac, permettait de l'ouvrir et passait
dans l'élrier de métal.
Le trésor de la cathédrale de Troves conserve trois aumônières
1 Slîituc (1(! C.lovis l''f, (Inliiul dc's prCMiirrus auui'cs dti xiii" sièrle, aujourd'hui déposéo
daus r^'elisi! du Saiiit-l)L'ui:<, autrelois dans l'6s;li3c abbatialo du Saiut-Gcniiain dut* Prûs.
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Tome 2
PLI
Carrasse dei.
J
Beau , hth
BAS DE L'AUBE DE S^. THOMAS BECKET
VA MoreUC" éditeurs.
(inpLH.Bngabnarm Pan>
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Tome 3 Etoffe £
' àrt-f-rsc as:
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AUMONLEREi. DU TRe:SOK DE TROYE^
TANiORELetC'r.diteurs
'mp R FrgalmiinT^ F«rts
Ti
[ AUMÔMÉRE ]
d'un grand intérêl : la première, ou plutôt celle qui nous paraît être
la plus ancienne et qui semble dater de la fin du xn" siècle, est
brodée à la main sur un canevas, et ne montre qu'un dessin fort
joliment composé et d'une belle harmonie de tons (lis. 2). Celte
o
IVUlv,
B'(SM[5IWK
A «(Sp^u^SSp
rtC
<i-". CCyiLALWOJ
aumônière est doublée de peau. Le devant A se relève de b en a. Un
cercle de fer maintient le sommet du sac et foi-me l'ouverture, ainsi
que rexplique en B la figure 3. Cette partie a h ouverte, il reste à
passer la main dans le sac de peau C, dont l'ouverture est munie de
deux boutons.
Des graines et Hoches de passementerie, fort joliment travaillées,
ornent les bords de cette aumônière, dont la planche II donne
la broderie grandeur d'exécution ; la seconde et la troisième aumô-
nière, de môme forme que celle-ci, représentent bro"dés à la main
des sujets galants. Celle qu'on prétend avoir appartenu à Henri le
Libéral est assez grossière d'exécution; mais la troisième, qui est
attribuée au comte Thibaut IV, est très-délicatement brodée en soie;
elle est, d'ailleurs, du temps de ce prince. La partie supérieure de
cette aumônière, (pii recouvre l'ouverture, représente une femme
endormie sur un tertre de gazon entouré de branchages de chêne.
Un adolescent vêtu d'une lonjiue robe et les épaules armées d'ailes
s'approche de la (h)ruieuse et paraît l'admirer. La paille inférieure
[ ALMÔMÉUE ] — :28 —
de l'aumùnière montre deux femmes assises, tenant une longue scie
avec Uujuelle elles séparent en deux un cœur posé sur un autel.
D'un nuage sort un bras armé d'une hache qui va frapper la scie. SI
l'allégorie est d'un goût douteux et rappelle les mièvreries du der-
nier siècle, Texécution de cette broderie est charmante et le stvle
o
7^
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II, w ï i s ï^ i
— 0, JO-
^:
c
\
des figures excellent. Les sujets se détachent sur un fond de lils d'or
passés sur une étotïe de soie rayée. Les personnages ont été brodés
à part et cousus sur le fond avec une hausse de coton qui leur donne
du relief. Il va sans dire qu'on a voulu trouver une relation entre
les sujets brodés sur cette aumônière et les sentiments du comte
Thibaut pour la reine Blanche. Cette aumônière est reproduite dans
l'ouvrage de Villemain et dans celui de M. Arnaud i.
Plus lard, les aumônières furent garnies de fermoirs apparents,
de fer, d'argent et d'or. Ces aumônières, qui prirent alors aussi le
1 Vuyoge archéol. et pittvresqwi d'ins le département de l'Aube. Troves, 18.31.
— 29
[ AUMÔMÉKE J
nom d'escarcelles ou de gibecières, ressemblaient fort aux ridicules
que nos mères portaient il y a cinquante ans. Voici (fig. 4) une de
ces escarcelles, qui date du xv" siècle '. Le fermoir s'ouvre en tirant
sur l'anneau a. L'escarcelle était attachée à la ceinture au moyen
des deux cordonnets b attachés aux extrémités des pivots du fermoir.
G-^K-^L
Dès le xn" siècle, les aumônières étaient souvent très-riches, soit par
la matière, soit par le travail. On les donnait en cadeaux à des
dames. Celles-ci en brodaient de leurs mains, et les offraient de
même comme souvenir. Quand on voulait reconnaître quelque ser-
vice d'un messager, d'un écuyer, on lai faisait un don en argent,
renfermé dans une aumônière. Le contenant faisait ainsi accepter
le contenu :
'I La (laiiic, ([i;i ii'cri aprcmln',
(i A son coffre est aU''<! preudro
' Le l'eniioir provieiil de la collection i\>- M. Aroiidel ; le sac csl copie sur des
vignettes de mannscrils du xv" siècle.
[ AUiMÔ>'lÈUE ] — 30 —
« Deniers, s'eniplist uue auinonniere
« Qui de soie estoit bonne et chiere,
<c A Gobert l'a en la main mis,
« Et si li a dit : Dous amis,
« Tenés, de ceclii vous fas don,
« Et avoec ce don abandon
« C'a nul jour mais ne vous fauldray,
« Ains vous aing et vous aideray '. »
Dans un autre passage, le poëte raconte comment la dame de
Fayel fait don au sire de Coucy d'une mance brodée par elle- :
Dame, vo dous commandement
Voroie volontiers savoir,
Se je doy celle mance avoir.
La dame dist qu'elle est faite.
Hors d'une aloiere (aumônière) la traiïe
Que elle à sa cainture avoit,
Puis lui disl 3. „
Dans le Roman de la rose, il est dit qu'on peut aux dames
olïrir :
, <i Ou cuevrccliief ou aumoui:Te
« Mes quel ne soit mie trop chlore,
<c Aiguiller ou laz ou ceinture
« Dont poi vaille la forroure,
» Ou ung biau petit coutelet. »
En voyage, — et pendant le moyen âge on voyageait beaucoup, —
on portait dans l'aumônière, non-seulement son argent, mais des
bijoux, des remèdes, des tablettes, etc. :
<c Une herbe avoit en s'aumoniore
0 Qui moult est lu'ccieuso et chii'ro-'. >■
» De s'amoisniere a trait iiu ouguonKint.
'I Si s'en est oins et deriere et devant;
(i Lors fu plus sains que un poisson noant,
<< Et voit Ogier, ue l'prisa pas un gaut^. »
Ces aumônières étaient assez amples pour contenir des objets
' Li Bornons clou chastelain de Coud, vers 5360 et suiv.
2 Manche, sorte de brassard de couleur qu'on portait dans les joutes en l'honneur
de sa dame.
3 Li Uonians don chastelain de Couci, vers 10:26 et suiv.
'• Pomon du renard, t. III, ji. 48.
» O'jier l'Ardmois. vers llilo et suiv.
— 31 — [ AUMUSSE ]
volumineux. Dans la Chanson de Iliion de Bordeaux, on lit ces deux
vers :
(( Il prenl lu cur du lilmn' \ voire clér,
(( Qu'eu s'auiiiosuiero avoit euvelopé'. "
Les inventaires font mention d'aumônières précieuses :
« Pour le petit Daulln, une aloiere et 1 tissu ferré d'argent-.... »
— « Pour 12 alloieres brodées», — ^< pour 2 aloieres brodées, de
« vestiau », — « pour 6 alluoires brodées sus samil ».
L'usage de l'aumônière ne fut guère abandonné qu'à la fin du
XVI*' siècle.
AUMUSSE, s. f. {aiunuce, ahnuche). Manlelet descendant jusqu'au
bas des reins, garni d'un capuchon.
L'aumusse est un vêtement très-ancien, propre aux deux sexes,
mais qui, dès le xi° siècle, fut spécialement alïecté aux chanoines
réguliers. Nous nous occuperons d'abord de l'aumusse des religieux,
qui devait être noire et (jui no prit la nuance grise que par excep-
tion : « Cuni pellibus nigro pallio coopertis. et nigro almutio '. >»
On a parfois confondu l'aumusse avec l'amict [amktns), parce (ju'on
se couvrait la tête de l'amict; et il est possible, en elfet, (jue la
distinction n'ait pas été bien établie jus(iu'au xii" siècle, car on
trouve des exemples d'ainicts de celte époque, dont la forme, quant
' \C"S W.u.
' Compte de Getff'roi d; Fleuri, i;il(i.
'^ Uadevicus, De 'jistis Friderici imper., lili. il, eap. lxvii.
[ AUMISSE ] — 32 —
à ce qui concerne le couvre-chef, rappelle celle du capuchon de Tau-
musse (lig. i) ' ; mais ce qui consliUie raraict, c'est le linge blanc
qui descend sur le col et qui se croise sous l'aube et la chasuble,
tandis que l'aumusse est une cape avec capuchon recouvrant tous les
autres vêtements, et destinée à préserver les religieux du froid pen-
dant les offices de nuit; aussi fit-on de très-bonne heure des au-
musses en fourrures. Cette destination est parfaitement établie par
les coutumes de certaines églises qui voulaient que les chanoines se
dépouillassent de l'aumusse, en entrant dans le chœur, pour saluer
l'autel -. L'aumusse se confond parfois avec la cuculle : « Quffsivit
« episcopus in quali habita esset ; respondit quod in almulia sive
« cuculla^. »
La forme de l'aumusse des chanoines réguliers paraît arrêtée
au commencement du xni'' siècle. Cette forme est indiquée dans
la figure 2. Le capuchon était alors doublé et rembourré en A de ma-
nière à .présenter comme deux cornes des deux côtés de la tête
(voy. fig. 3) ■. Ces deux coussins étaient- ils une tradition d'une
' Moniinu'iit de révî'qiie Eulger, figure de euivrc ('•maillé d'un pied de hauteur envi-
rou, proYcuaut de réglisc Saiut-Maurice d'Angers (voy. Gaiguères). Le bonuet de l'évèque
Eulger ou Ulger est blanc, avec passementerie d'or : c'est l'aniict, et non la niilre.
- <i Intrantes cliorum dicta; Ecdesiœ cauouici... Si jier majus ostium iulraverinf,
<i dcposila almucia, cum revcrentia caput iufliuare dehenl versus altare. » {Statula
Ecclesiœ Noviomensi's apud Vasso}ium.)
" Guillaume Thorne, Chron., 1330.
'* La figure 3 A est copiée sur la tombe du clianoiue Jean D. . ., chancjlicr de Sainte-
Marie de Noyon, mort en 1333, provenant do l'abbaye Sainte-Geneviève (voy. Lenoir.
Statistique monumentale de Paris). Ici le bas de l'aumusse est rejeté derrière les
épaules, le chanoine portant la chasuble.
— 33 — [ ALMUSSE ]
forme plus ancienne, ainsi que le ferait supposer l'exemple donné
3
dans la ligure 1, qui dalc du \n'' siècle; ou bien ùUiienl-iis placés
ni. — 0
1 AUiMLSSE ] — 34 —
pour permettre aux chanoines d'appuyer sans fatigue leur tète contre
les parois des stalles ou formes, souvent séparées, au xin« siècle,
par des montants assez saiilanls? C'est ce que nous ne saurions
décider. Toujours est-il que ces coussins figurant des cornes sub-
sistent dans la plupart des aumusses jusqu'au xv^ siècle. Il y avait
des exceptions ; car, dans son Voyage liturgique, le sieur de Mau-
léon* cite les aumusses des anciens chanoines de l'église des Deux-
Amants, près de Rouen, comme n'ayant point de cornes latérales
aux capuchons, lesquels étaient ronds et unis.
L'aumusse, dans la plupart des églises cathédrales, devait être
portée sur la tète, de la Saint-Michel à Pâques, et, pendant la belle
saison, pliée sur l'épaule. Dès le commencement du xiv^ siècle, on
portait des aumusses bordées de fourrures grises. « Du temps de
Tévêque Jean d'Auxy », dit l'abbé Lebeuf dans son Histoire du diocèse
d'Auxerre, « le chapitre de la cathédrale fit un règlement touchant
la couleur des petits capuchons de tête différents de celui de la chape;
on les appelait l'aumuce ronde ou fermée ; on défendit que cette
espèce de bonnet, qui se portait plus communément à matines, fût
de couleur blanche, rouge ou verte, et la chaussure tout de même. »
Or, Jean d'Auxy mourut en 1358. Dans beaucoup d'églises cathé-
drales et collégiales, dès cette époque, les chanoines se faisaient
remarquer par leur élégance et la finesse des étoffes de leurs habits.
Ils portaient l'aumusse drapée de diverses manières, laissant pendre
le capuchon derrière le dos, ou le repliant sur la tête pour laisser
tomber d'un côté le manteau. C'était surtout dans les diocèses du
Midi que l'élégance des chanoines se faisait remarquer, de manière
à attirer souvent les censures des évoques et des conciles. Une très-
jolie statue de marbre blanc, qui fait partie du musée de Narbonne,
et qui provient du tombeau de Philippe le Hardi, nous montre un
de ces chanoines ayant drapé son aumusse autour du cou, en lais-
sant le capuchon pendre derrière la tête (fig. 4). Dans les monu-
ments funéraires des xiii'' et xiv° siècles, qui représentent si fré-
quemment des processions de chanoines en figurines, dans des
arcatures sur les socles des sarcophages, on voit combien était variée
la manière de porter l'aumusse. Aujourd'hui, l'aumusse n'est plus
guère figurée dans le costume des chanoines que par une bande de
fourrure portée sur le bras ou sur l'épaule. Les parlements portaient
l'aumusse. C'est en souvenir de cet usage que les cours suprêmes
portent une bande de fourrure sur leur épaule.
' Lchriiu DcsMiareUi's (tov. Liturg . <lr Finnue. 171 S, ji. -H\i\
3o —
[ AUMUSSE ]
\^
Çr /ji-m
[ AIJMUSSE ]
3G —
Les aumusses des laïques n'étaient qu'un capuchon avec pèlerine
courte y tenant, qu'on portait dehors pour préserver la tête et
le cou du froid. Celles des femmes étaient un peu plus longues que
celles des hommes, et taillées différemment pendant le xni" siècle.
La figure 5 montre en A une aumusse de femme, et en B une au-
s
%
J..ff<-
B
musse d'homme de la fin de ce siècle '. On les douhlait souvent alors
de fourrures. L'aumusse des femmes ressemblait aux capulets que
portent encore les paysannes d'une partie des départements du Midi;
le devant se relevait au-dessus du front, et laissait voir la doublure
quand on ne voulait pas s'envelopper entièrement la tête. La figure 6
donne en A la coupe de l'aumusse des femmes, et en B la coupe de
celle des hommes, vers la fin du xni° siècle.
' Les Miracles de la sainte Vierge, inanuscril du la hihliotli. du sûiiiiuaire de Soissons
(131)0 euvirou).
(> Pour uue auimice de R ventres (fourrure de menu vair), 14 d. le ventre... Pour
<< uue aumuce de 10 ventres... » [Compte de Geoffroy de Fleuri, 1316.)
— 37 —
[ AUMUSSE ]
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L'aumusse civile des hommes, au xiii^ siècle, élail cependant alors
[ ni.iAUT ] — 38 —
assez profonde pour pouvoir cacher un objet dans la pointe. Elle
était garnie de fourrures :
u De burol avoit uue auniuflie
c< Por la froidure bien furrée. »
Cl Et le provost s'est abessié
0 Ausi eom por son nez mouebier
» Par derrière le chevalier
" La teste baisse, puis si nuiee,
» La pièce de lart soz s'aumuche,
H Qui moult estoit parfonde et léo,
(' Puis l'a sor son chief r'affublée
.( 1.
^L
BACHE, s. f. [bâcle). Caleçon à l'usage des femmes. Cependant, au
xiV siècle, le mol bâche était aussi appliqué à des caleçons d'hommes :
« Pro 50 ulnis telse pro bachis faciendis, emptis diversis pretiisi...
Dans l'antiquité, les femmes, sur la scène, portaient des caleçons.
Cet usage se perpétua pendant le moyen âge. Toutefois, aucun monu-
ment ne nous donne la forme de ce vêtement.
BATONNET, s. m. Sorte de pelisse doublée de fourrures : « Pour
« 1 bâtonnet tenant 1 10 ventres (de menu vair) ^ »
BILLE, s. f. Bouton sphérique pour attacher le manteau ou la
pelisse sous le capuchon.
BISETTE, s. f. Galon, passementerie mêlée de fils d'or.
BLIAUT, s. m. [blialt, blial''). Robe de dessus, longue, tenant à
un justaucorps ou corset. Ce nom s'applique aux robes de dessus
' Fabliaux et contes des poêles français des xii". xiii", xiv'' el xv siècles ; Du provost
à /'mamiche (cdit. d'Anistordaai, tlGt, t. llj.
■^ I36i. Vov. Du (^ange, G.'ossriire, Mâche.
^ Compte de Geoff'roi de Fleuri, 1316.
♦ Blaouds eu patois périgourdin. Ijlaude dans le centre de la France, d'où le mot mo-
dçrue de Lknise,
— 39 — [ BLIAUT ]
des hommes et des femmes pendant, les xi", xn" et xni" siècles. On
trouve l'origine de ce vêtement en Asie. Quelques personnages des
bas-reliefs de Persépolis sont vêtus de robes qui ont une ressem-
blance frappanle avec les bliauts portés par les gens nobles de la
fin du xi^ siècle. Le bliaut était, en efïet, un vêtement des classes
supérieures.
<< (iraul joie ot l'eiiqioreri' ([liant sou ucveu cuiuaiue ;
« A s in rors dosarniyr fu la première pain?,
K Puis vesti dias de lin et bliaiit taint eu grain? l. «
'< Vestu ot .i. tiliaut a ausei,'ne d'ort'rais -. »
' Garda a-val lès la rivière.
1 Si vit venir deus dameiseles.
i< Uuques n'eut veues si bcles.
» Vcstucs furent richement,
<i E laciées estreitement,
« De dex bliaus de purpre bis,
<i Jlout par aveinl Inaus les vis 3. n
" Ses mantiax fu et ses hliaus
« D'une porprc noire, esteléc
<i D'or, et n'éfoit mie pelée *. »
Dans le Roman de Raoul de Cambrai, la fille de Géri :
<' Lors a veslu .1. pelieon d'ermine,
• Et par deseur .1. ver bliaut de siie (soie)
« Vairs (bleus) ot les c\, ee samble tez jors rie,
« l'ar ces espaules ot jetée sa crinie
<c Que èle avoit bêle et blonde et tréeie.
« De sa chambre ist (sort) tôt ensi la meschinc.
<i La est venue où fu la baronie,
'< Et vit Bernier en .1. bliaul de sie^. »
Il n'est pas besoin de citer un plus grand nombre d'exemples
pour prouver (pie le bliaut était commun aux hommes et aux
I La Chanson des Saxo)is, LXXVi (xiu" siècle).
-' Ibid., XXXllI.
3 Le Lai de Lonval [Poésies de Marie de France, xiii" siècle).
■' Roman de Perceval, manuscr. de l'Arsenal. Le mot pourpre n'indiquait pas, comme
aujoui'd'JHii. une couleur se ra[)[)ioclianl du rouge, nuiis une sorte de teinture ayant
un celai ]iin'li('uiiei-. Il y avait de la pour|irc noire. Iiise, verte, bleue, gi'ise, etc. Voyez
ce que dit, à eu sujet. Legraml d'Aussy, Fabliaux, I 1. p. 100; aussi l'ouvrage du
M. Fr. Michel sur les étoffer.
" Li li'imans de liaaul de Camhrdi. ciiaii. c.cxi.v .
f BI.IALT ] — 40 —
femmes ; quant à la forme de ce vctemenl, elle différait pour Tun
et l'autre sexe.
Le bliaut des femmes était lacé, ainsi que l'indique le fragment
précédent du Lai de Lanval. Mais voici un autre passage qui le
démontre encore plus clairement :
<< Quaut cl l'oi si snspira.
.1 Sur uu petit ne se iiasiiia :
• Il la retiuL entre ses bras,
■ « De son bliaut trençci les laz.
<i La ceinture voleit ovrir \ . »
Parfois, le bliaut était de même étoffe et de même nuance que
le manteau :
c< De cel drap dont li nianlials tu.
" Fu li blials qu'ele ot vestu ;
" Moult estoit ciers et bien ovrés,
n D'une crniiric fu tos t'orrcs -. »
Le bliaut était donc une robe parée de dessus et non ime sorte de
robe de chambre, comme l'ont cru quelques auteurs. On en trouve
la preuve la plus complète dans un passage du Roman de la char-
rette... La reine est retirée dans sa chambre, elle va se mettre au
lit, mais auparavant elle veut respirer l'air du soir. Lancelot, qui
épie toute occasion de la voir, passe par une brèche faite dans le
mur du jardin :
■1 Par celé traite isneleniaut
(( S'au passe et vet tant (juc il vient
« A la feuestrc (de la reine) et là se tient
« Si coiz qu'il u'i tost n'esternue.
" Tant que la reine est venue
" Kn une niolt tiianchc chemise :
• N'ot sus bliaut né cote mise.
<c Mes un cort niantel ot desus
'< D'escarlate et de cisenuis ^. »
Les monuments qui peuvent nous donner la forme du bliaut des
hommes et du bliaut des femmes, pendant les xn° et xni' siècles,
abondent et nous fournissent les renseignements les plus précis.
' l.c f.ni (le Gugemer [Poésies de Marie de France).
- Li liiiins (lescù7i?ieus. vers 3263 et suiv.
^ Li Romans r/e la chaînette par C.hrcst. de Tro es et Godcfroy de Leigni. vers 4.'i74
(voy. la puliliraliciu de r^' l'oniai: pai' M. le ductcur Jonckbloct, la Haye. IS.'iO).
— 41 — [ BLIAUT ]
Nous ne trouvons pas, d'ailleurs, de traces de ce vêlement avant le
commencement du xn" siècle, et tout porte à croire qu'il ne fut
adopté qu'après les premières croisades. A cette époque, en effet,
on observe un changement notable dans la forme des vêtements.
Pendant la période carlovingienne, les hommes ne portent que des
robes ou plutôt des tuniques qui ne descendent que jusqu'au genou;
les robes longues étaient réservées pour les habillements de céré-
monie des grands personnages. Mais, à dater des premières années
du xn'' siècle, les hommes nobles portent des robes longues descen-
dant jusqu'aux chevilles, et par dessus une seconde robe plus courte,
qui est le bliaul. Sur le bliaut on posait le manteau, qui était commun
aux hommes et aux femmes nobles.
Nous prenons le bliaut au moment où sa forme paraît fixée, vers
1130, et ce vêtement mérite un examen attentif. Disons tout d'abord
qu'on ne portait pas plus le bliaut sans le manteau, lorsqu'on était
paré, qu'on ne porte aujourd'hui un gilet sans un habit ou un vête-
ment de dessus. Sous le bliaut était la robe, l'aube, la tunique, qui
était posée immédiatement sur la chemise, et qui même en tenait
lieu parfois. Cette robe, ou plutôt ces robes, car on en mettait plu-
sieurs l'une sur l'autre, étaient faites de lin habituellement, et des-
cendaient jusqu'aux chevilles (voy. Robe); celle de dessus était à
manches serrées jusqu'au poignet. C'est donc sur ce vêtement qu'on
mettait le bliaut {tig. 1) fait d'étolïes souples, et composé, pour les
hommes, d'une sorte de corselet juste au corps, à manches longues.
A ce corselet étaient cousues, soit une jupe plus courte que la robe,
fendue des deux côtés, soit deux pentes en manière de tablier, l'un
par devant, l'autre par derrière, ainsi que le fait voir notre figure '.
Le corselet à manches était à peine fendu au col sur le devant, mais
était lacé ou boutonné par derrière ou sur les côtés, de manière à
serrer un peu l'estomac et l'abdomen.
A la fin du xn" siècle, le bliaut des hommes était lacé sous les
bras, des deux côtés :
(( Li rois iiVDil .1. hliaiil ciuiossj,
<c Qui tous ostoit (if sjii- nalur.-l,
M El il ficx d'or soiil lacii'l H (•(isl(' -. ><
Sur le col, pour cacher le haut du corselet, on posait un galon ou
plutôt un collier d'orfévreiie, monté sur étolîe (voy. en A); puis une
' Voyez les slafucs du porinii I'xivmI de iii ciilliôdralc de C.liarlrcs.
2 La Chn7iso7i de Huon da liurticaux. vers 'M'tl\ (voy. les Andcns portes de la
Fiante, publ. sous la directiou de M, Ouessard;.
m. — ()
[ B.M.UT ]
42 -
ceinture faile d'une bande détoire pour les hommes, masquait la
jonclion de la jupe avec le corselet, à la hauteur des hanches, en B
S- ùû/uflmor^
(voy Ceimlhe). La jupe était bf.tie après le corselet en plissant
1 étoile, ainsi que l'indique le trait B.
Dans les provinces méridionales, où les influences bvzantines
43
iu.iai:t ]
G
êtaienl plus directes, l;i jupe du hliaul n'élail pas taillée eu fuiiiie de
[ lU.IAlT 1 — -44 —
tablier; elle élail presque aussi longue que la robe, et un galon très-
riche descendait sur le milieu du corselet jusqu'à la jupe (voy en D) ).
Les manches du bliaut sont souvent courtes (voy. en E), contrai-
rement aux modes des provinces du Nord. Ce vêtement était fait
d'étoffes de soie légères, moelleuses, fabriquées en Orient, ou de
tissus de lin, avec ornements brodés. Quant aux bliauts des femmes
nobles de ce temps, leur façon était plus compliquée (fig. 2). Il y en
a de plusieurs sortes. Les uns se composent d'un corsage A ouvert
sur la poitrine, avec galon de passementerie. Ce corsage, à peu près
juste, s'agrafait sur le devant. A sa partie inférieure était cousue
une étoffe crépelée, souple, qui prenait le ventre, le haut des hanches
et était lacée par derrière. Au moyen d'un galon ou d'un entre-
deux, la jupe, plissée h très-petits plis, était cousue à cette sorte de
large ceinture. La jupe était fendue par derrière jusqu'à une cer-
taine distance du lacet (voy. en B\ Les manches étaient montées
suivant le détail C ou suivant le détail D. Ces bliauts étant faits avec
ces étoffes de soie crêpée comme on en fabrique encore dans tout
l'Orient, les petits plis de la robe ondoient quelque peu parfois-, et
l'extrémité des manches longues, dont l'étotïe était coupée de biais,
frisait sur les bords comme des ruches. L'étotïe, qui prenait le ventre
et les hanches, est habituellement figurée comme l'indique le détail
G. C'était évidemment un tissu élastique, comme une sorte de tricot
souple comprimant légèrement les formes du corps. La statue du
portail de Notre-Dame de Corbeil, déposée à Saint-Denis, présente
même un corsage tout entier fait de cette étoffe (voy. en E), et la
meilleure preuve que cette étotîe avait de l'élasticité, c'est que le
sculpteur a perdu la gaufrure sur les seins. Les statues du portail
Royal de la cathédrale de Chartres présentent au contraire plusieurs
corsages, tels que ceux figurés en A. Les manches D, moins longues,
sont faites avec une étofïe plissée en travers, très-certainement dans
le tissu, ce qui leur donnait un peu d'élasticité et les empêchait de
gêner les mouvements du bras. En H, nous donnons des entre-deux
qui se trouvent entre les corsages ou aux épaules, et en I un galon
soie et or trouvé à Notre-Dame dans une tombe du xu" siècle. Une
riche ceinture d'étoffe avec application d'orfèvrerie, de pierres fines,
couvrait la jonction du corsage et de la jupe (voy. Ceinture), et le
manteau posé sur les épaules descendait sur les bras jusqu'en bas du
> Musie de Toulouse, cliapileau représentant Hérode et la fille de Salomé.
2 Voyez la belle statue dite de Clotilde (xii" siècle), dans l'église de Saint-Denis, et
provenant de Notre-Dame de Corbeil.
^O — [ I5I.I.UT ]
blhuit. Les cheveux, très-longs, réunis en deux grandes mèches avec
des rubans ou des galons, descendaient devant les épaules (voy. Coif-
fure). Cet habillement de femme avait été adopté, comme nous
l'avons dit, peu après les premières croisades, et paraissait alors,
aux yeux des conservateurs des anciens usages, de funestes innova-
lions. Ces critiques n'empêchèrent point cependant la mode des bliauts
à longues manches et à corsages ajustés de se perpétuer jusqu'aux
dernières années du xn*" siècle, en exagérant encore, et la longueur
des manches, et la richesse des ceintures, et les formes étroites des
corsages.
Dans ses mémoires écrits vers llïiO, l'abbé Guibert de Nogent
s'exprime ainsi à l'égard de ces modes encore nouvelles alors i :
« Leurs vêtements (des femmes) sont bien loin de l'ancienne sim-
plicité ; des manches larges, des tuniques étroites, des souliers dont
la pointe se recourbe à la mode de Cordoue ; tout enlin nous montre
avec évidence l'oubli de toute décence. Une femme se croit parvenue
au comble du malheur quand elle passe pour n'avoir point d'amant,
et c'est pour chacune un litre de noblesse et de gloire, dont elle est
fière, de compter un plus grand nombre de tels courtisans. »
Les étoffes dont on faisait les bliauts n'étaient pas toujours
unies, mais brochées d'or ou tissées de soie de couleurs dilférentes ;
toutefois, ces étoffes conservaient la souplesse et devaient être fines
et légères de tissu (voy. Étoffe).
La coupe de cet habillement et la manière de le porter ne subirent
que de légères modifications pendant la durée du xii'' siècle :
« D'un bliaiit yude crusilliée *
« A merveilles bien eutaillié,
« A son roi ont mise une afice '•>
<i Eiiriiint
" Très par deseure le hliaut
« A (,'aint .j. centuriel de soie,
« En quoi onqucs lieu que je soie.
■< Oseroie dire pour voir
" Que n'esligats de son avoir.
' Vie f/e Guibert de Nogent, liv. 1, trad. de M. Guizot.
2 Semé de croisettes [Roman de la violette, vers 814 et suiv.\
3 Une agrafe. En effet, la statue de reine du portail de Notre-Dame de Corboil
porte une grande agrafe circulaire enrichie de pierreries à la fente supérieure de son
corsage .
[ ni.lALT ]
46
Lo lissu li qiK'us (le Toulouse.
Eu la chainture et loi jagouse '
Tel riibiu ^ et tele csmeraude.
l!u niantiel heruiiu ot au col
Plus vers que n'est fuelle de roi (feuille de rhou),
A flouretes d'or eslevées,
Qui molt bien estoient ouvrées ;
K'il ot en chasfune flourete
Atachie une campenete
Dedens, si que rien n"i paroit.
Et très douehement sonnoit
Quant el mantel feroit li veus.
Si vous di bien par tel convens
Harpe, ne viele, ne rote,
Ne rendent pas si douche note
Con les escaletes ' d'argent. »
On voit que le poëte, qui écrivait ceci en 1200 environ, décrit et
complète le vêlement de femme que nous venons de donner et dont
la forme ne se modifia guère jusqu'à cette époque. La ceinture de
soie garnie de pierreries est posée sur le bliaut, et le manteau ter-
mine la toilette.
Ces longues manches portées par toutes les femmes de condi-
tion aisée du xn^ siècle, et même par les bourgeoises, étaient gê-
nantes, si l'on avail à se livrer à quelque occupation de ménage ;
aussi les relevait-on jusqu'aux épaules et les maintenait-on au moyen
d'une cordelette croisée derrière le dos (fig. 3) \ Il est aisé de re-
connaître, dans la forme et la façon de ces vêtements d'hommes et
de femmes, une influence byzantine. Ces petits plis, ces ceintures
basses , ces corps d'étoffes élastiques , ces galons , ces longues
manches, se retrouvent dans les monuments byzantins des xi' et
xir siècles. Les étoffes employées par la classe élevée venaient la plu-
part de l'Orient, et leur importation en Occident faisait la richesse de
Venise, qui avait alors des comptoirs dans les villes du midi et de
l'ouest de la France, notamment à Limoges. Dans le nord, ces négo-
ciants étaient connus sous le nom de Lombards, et vendaient non-
seulement des étoffes d'Asie, mais des épices, des ivoires travaillés,
des bijoux, de la verrerie, et de petits meubles tels que des coffrets,
' Gagales. agates.
ï Rubis.
3 Petites écailles.
^ Figure de la façade de Notre-Dame la Grande à Poiliers (naissance du Christ).
- 47
[ BLIAUT ]
écrins, etc. La plupart des étoffes de soie qu'on retrouve dans les
tombeaux des xr et xn« siècles, ou qui, datant de cette époque, sont
conservées dans quelques trésors et collections en France, en Alle-
magne et en Angleterre, sont de fabrication orientale, et sont dési-
o
o
gnées dans les romans, et môme dans les inventaires, sous le nom
d'ouvrages de Damas, d-Ynde, sarrasinois. Il est évident, d"après
l'examen des monuments, qu'on a fait beaucuup usage au xn« siècle,
en France, de ces mousselines crêpées et lamées, qu'on fabriquait
en Asie de temps immémorial, puisqu'on en trouve la trace dans les
sculptures assyriennes et dans les bas-reliefs de l'époque des Sassa-
nides. Les jupes et corps des bliauts que nous venons de décrire
étaient certainement taillés dans ces mousselines, et ce fait ne peut
laisser de doute, si l'on examine avec soin la remarquable statue
de reine provenant de l'église Notre-Dame de Corbeil ', ainsi cpie la
plupart de celles du portail occidental de la cathédrale de (Ihartres
' Aiijiiiiril'liiii iIi'imiSi't (hiiis i'i''i,'lisi' ilc S:iiiil-I)('nis.
[ BLIAUT ] — 48 —
et de la porte méridionale de Notre-Dame de Chàlons-sur-Marne.
Ces figures dalenl toutes de 1140 environ, et elles sont la dernière
et la plus complète expression de la mode byzantine. Alors les
manclies des bliauts de femmes sont tellement longues, qu'elles traî-
naient à terre, et qu'on nouait parfois leur extrémité inférieure,
ainsi que le montre une des statues du porlail Royal de lacatliédi'alede
Chartres. Leur ampleur permettait de cacher des objets volumineux.
Quand, dans la Chanson de Floorant, la belle Maugalie voit venir
l'armée des Sarrasins, elle veut se déguiser en homme pour com-
battre à côté de son ami, car elle sait bien que si son père, qui
commande l'armée des infidèles, la peut prendre, il lui fera un
mauvais parti. Or, dit-elle :
(. Je ne sorai foïr. lase ! que porai fare ?
(. Or nie sui por|)aus6e d'une avanture beUc ;
K Ja ai ici un dras en ma mange senestre.
Il Trestoz taliez à laz, à Richier durent estre,
Il Je les vêtirai jai, frans clievaliers ouestes,
<i Et puis si monterai à droit en ceste sale i. »
Comme elle le dit, Maugalie le fait, elle sort de sa manche gauche
une robe d'homme :
(I Si oomnic clicvalier s'atoruc la puccle. »
Par-dessus le dras qu'elle a tiré de sa manche gauche :
(I Blainche eliemise et braies a vcstu nietenant,
(I Qui furent a Richier, lou anli combatant,
<i Et par desures vet une colc avenant,
<i Et puis après .1. porprc qui moult esloit saanz.
Il Puis montai en la sale dou destrier aufcran,
'1 Et ai pris une lance et .1. cscu pesant ^. »
Si, à la fin du xii« siècle, en France, on constate un changement
notable dans l'architecture, dans les meubles et la forme des usten-
siles, ce changement n'est pas moins sensible dans les modes. De
même qu'on abandonne dans la pratique des arts, à cette époque,
les traditions byzantines, de même laisse-t-on entièrement de côté
l'innuence des vêtements byzantins. Si, pour les personnes nobles
des deux sexes, les vêtements restent longs, ceux des hommes se
' Chanson de Floovant, vers 17ti0 et suiv. [Anden<< poètes de la France, publ. sous
la dii'ection de M. Guessard^
i Vers 1181 et suiv.
- 49
[ BLIALT ]
dislingueiU mieux de ceux des femmes, sont plus simples et plus
commodes à porter évidemment. Voici, par exemple, riiabillement
du roi Clovis I", que donne une statue des dernières années du
xii" siècle , provenant de Tabbaye Sainte - Geneviève do l'ai'is
(lig. 4) '. Notre dessin suppose le bras gauche étendu pour faire
voir la forme de la manche de la robe; sur celte robe est posé le
bliaut, (jui, au lieu de présenter une façon compliquée conim»' ceux
' Celle sliiliic csL aiijiiiiid'liiii placi'c dans ['('f^lisi' de Saiiit-Deuis, à la droilc du imiilrc
iiiilcl. Bien eulcudii, e()ut'ijnii(''iiicul aux lialiitudes des slaluaircs du uioyeu âge, celle
ligure osl Iiabilléc k la uiodc du leiiips où elle a éli'- faile. Ou itcut doue regarder ce
vrlciiicul eoninie celui que ixniail l'Iiiliiiiic-Auijuslc ; le iiiaiiUrau l'accompagne.
III. — 1
[ nuAUT ] — oO —
du milieu du xii'' siècle, est d'une cxlrème simplicilé de coupe
(voy. en A). Ce bliaut se compose d'un morceau d'étoffe sans cou-
tures, si le lez était assez large. On passait la tête par le trou B,
élargi par une fente F: les deux pans du bliaut tombaient devant
et derrière. Une agrafe fermait la fente, et une ceinture serrée
autour de la taille réunissait ces deux pans : c'était une façon de
dalmatique sans manches. Ainsi, sur les deux côtés, une fente
montant jusqu'à la ceinture ne gênait point les mouvements des
jambes, et cette fente, prolongée jusqu'à l'épaule, laissait passer
la manche de la robe, large à sa base, serrée aux poignets. Les deux
pans du bliaut étaient fendus en C et D ; de sorte que si l'on montait
à cheval avec ce vêtement, ce qui arrivait, ainsi que nous le verrons
ailleurs, la robe de dessous, fendue elle-même latéralement, mais
faite de lin, était ramenée sur les cuisses et sous la selle, et le bliaut
se séparait en quatre parties, laissant libre l'arçon, les jambes du
cavalier et la cuiller de la selle '. Ces bliauts étaient, au commen-
cement du xm" siècle, ornés de bandes d'ornements, d'orfrais, de
broderies, le long des fentes latérales :
« L'eufes Gais de Bourgoigae errant sj dcsanua,
« Desceiat le branc et l'iaume et son escu osta,
« Si est remès tous scnglcs el bliaut de ccndal.
« Très parmi les costès grans beudes d'ortVoi a -. »
Le bliaut des femmes ne se modifie pas à cette époque d'une ma-
nière aussi radicale; le corselet est encore lacé, descend seulement
au milieu du ventre, et la jupe, à plis moins menus et moins nom-
breux, d'étoffe plus épaisse, est fendue latéralement. Les manches
sont encore très-longues et amples, mais déjà elles sont fendues
aux entournures pour qu'on puisse , si bon semble , n'y point
couler les bras. Alors ces manches tombaient derrière les épaules.
On appelait ces vêtements ainsi fendus sur les côtés et aux manches,
biiaux entaillés :
(< Bieu sont vestuz d'erniiacs, de bliaus aulailicz ■*. »
La forme du bliaut des hommes ne changea guère jusqu'à la fin
du règne de Philippe-Auguste; cependant, vers 12:20, on voit des
' Les mesures que nous donnons à ci's pali'ons snnl suiii'.osécs applirahles aux
vètenienls d'un honnne ayant 1 >","!:!.
- La (')ifinson de Gui de Bourgogne, ver* 2201 et suiv. {ie>< Ancieiis poètes de la
France, \i\ih\. sous la direetiou de M. Guessard).
■^ La Oianson de Floovant. veis !)1S.
— 51 — [ RLI.MT ]
bliauls sans la ceinture et dont les pans sont simplement l'éunis
latéralement au-dessous des manches.
Entre les années 1230 et 1240, saint Louis fit refaire toutes les
images des rois ses prédécesseurs ensevelis ta Saint-Denis. Ces
O
£. Cû/i/.,1UA/OI ,
statues, d'un beau travail, montrent ces princes habillés à la mode
du temps où elles furent refaites, conformément aux habitudes des
artistes du moyen âge. La plupart sont revêtus du biiaut alors sans
ceinture.
La figure 5 présente la statue du roi Robert P' '. En A, est tracé le
1 Placée dans le Iranssopt ili> l'rfilise de Sainl-Denis. ('.oiiinie pour le i)ré('édeiit
exemple, le bras de eelte slatiic esl supposé étendu, atiii de inontrei' la forme de la
manche du hliauL. l'u manlcau le ri'couvre.
[ Bl.lAlT ] — o2 —
patron de ce vêtemenl, fendu latéralement de a en b, et sur l'épaule,
d'un seul côté, de c en d, afin de permettre de passer la tête dans
l'encolure. Un ou deux boutons ferment cette dernière fente quand
on a revêtu le bliaut. l.a forme de ce vêtement est fort belle, mais ne
pouvait plus permettre de monter à cheval ; aussi avait-on alors, pour
chevaucher non armé, des vêtements particuliers. Plus de petits
plis, rétoffe est de drap de laine ou de soie * ; seule, la robe de
dessous est encore de lin, et est maintenue à la taille par une cein-
ture. D'ailleurs le bliaut n'est pas toujours porté ; quelquefois — et
plusieurs des statues de Saint-Denis en fournissent des exemples —
il est remplacé par une seconde robe à manches serrées, avec cein-
ture, toujours couverte du manteau (voy. Robe). Généralement les
étoffes dont sont faits ces bliauts sont unies et de tons assez clairs,
bleus, verts, rouges, pourpres ; mais on ne voit plus tant de ces
galons rapportés, de ces ceintures ou colliers d'orfèvrerie. Si des
ornements décorent ces étoffes, ils ne consistent qu'en des semis
brodés et quelques bordures étroites. Le bliaut des hommes ne
tarde pas à se modifier, car c'est une erreur de croire que les
modes ne changeaient point aussi rapidement pendant le moyen âge
que de nos jours. Pour nous, l'habit qu'on portait, il y a dix ans,
est complètement ridicule, et nous nous apercevons du premier
coup d'œil si le vêtement que porte une personne entrant dans un
salon date de deux ans ; mais il n'est pas certain que dans six cents
ans nos neveux fassent ces distinctions ; et l'on peut admettre que les
archéologues de ce temps auront quelque peine à distinguer l'habit
de 1830 de l'habit de 1860. Un peu plus d'ampleur dans les manches,
un peu plus ou moins de longueur des basques, de hauteur dans le
collet , sont des différences subtiles qu'à une distance de quelques
siècles il sera permis de négliger. Or, les changements de forme des
vêtements pendant le moyen âge sont plus caractérisés. On peut
comparer le changement radical qui se fit à la fin du xiv° siècle
avec celui qui s'opéra dans nos modes françaises après la révolution
du dernier siècle; mais depuis la chute du premier empire jusqu'à
aujourd'hui, les modifications que les vêtements des hommes ont
subies se réduisent à certains détails assez difficiles à saisir à dis-
tance. Pendant le xni" siècle , ces modifications sont autrement
sensibles. Ceci n'est dit qu'à cette fin de relever un de ces préjugés
accumulés à plaisir sur tout ce qui touche au moyen âge. Qu'il
' « Si vesti uu hliiuil île ilra[) tic soie que oie avoit molt bon... » (Conte; C'est d'Au-
casi7i et Nïcolette, xiii^ s., nis. n" "9^9, Bibliotli. impér.)
— o3 — [ BLIAUT ]
changeât ses modes fréquemment ou ne les changeât que lentement,
cela ne le rend ni pire ni meilleur; nous constatons quMi les chan-
geait fréquemment, c'est un fait, voilà tout; et il est plus ridicule, si
Ton se pique d'exactitude, d'habiller un seigneur de 4240 comme
un noble de 1200, qu'il ne le serait de donner à un gentleman de
1868 les habits d'un beau de 1828.
ii
E.Ci'.'J-tr.JMOl .
Le dernier bliaut de personnage noble que nous venons de donner
date de 1233 environ, comme nous l'avons dit ; en voici un autre de
la même époque : c'est celui que porte Philippe, fi-ère de saint
Louis, né en 1221 et mort jeune ', c'est-à-dire vers 1235. Le bliaut
du prince (fig. 6) est pourvu de manches courtes — ne descendant
< Ce personnage, trôs-délicatcinent sculptô et donl l;i tôle iiiiburhe est évideimnenl uu
[ r.i.iAiT ]
— 54 —
que jusqu'au-dessous du coude — avec entournures ouvertes pour
laisser les bras libres lorsqu'on ne veut pas passer les manches. Ce
bliaut est fendu au milieu par devant et par derrière ; il est presque
aussi long que la robe de dessous. La couleur était bleue semée de
raacles et de croisettes d"or. La figure 7 en donne le patron, en A
par devant, en B par derrière. L'encolure s'ouvre pour passer la
tête, non sur le devant, mais sur l'épaule gauche ; et cette fente est
fermée par un bouton (voy. le détail C). Pour que la boutonnière
n'arrache pas l'étotTe, une bande de peau était cousue par dessous et
maintenue par deux brides de soie. Les manches n'étaient cousues
après le bliaut par derrière que depuis l'épaule jusqu'au point a.
Nous allons voir le bliaut moditier sa forme d'une manière sensible
portrait, iiarait avoir iiuo quiii/aiiK? d'années. Son tonilifiau, (|'ji était autrefois flans
l'abbaye de Royanniont, est aiijourd'luii déiiosé a Saint-Denis ; c'est un monument des
plus remarquabL'S, et la statue du jeuue prince est un clief-d'ctuvre.
— BH — [ BLIAUT ]
en quelques années. En mars 1247 mourait un des tils de saint
Louis, Jean, encore enfant. Sa tombe de cuivre émaillé fut dressée
dans le chœur de l'église abbatiale de Royaumont, devant une arca-
ture au fond de laquelle était peinte l'image du jeune prince, non
pas sous les traits d'un enfant, mais d'un adolescent '. Cette pointure
a été conservée par Gaignères, et est reproduite avec fidélité. Le
jeune homme (fig. 8) tient un gant de la main droite , et sur son
poing gauche un faucon. Son vêtement se compose d'une robe de
' l.'i't'ligic (h; t)r(ni/.c dovr du lx ]ii'iuce, sur toud riuailU'', uxislu et est placée jin^s du
iiuiilic aulel de l'église de Saiut-Dejis.
[ BLIALT ] — 06 —
dessous dont on n'aperçoit que les manches de drap d'or. Sur cette
robe est posée une seconde robe de velours cramoisi à longues
manches, fendues à la hauteur du coude pour passer Tavant-bras.
Cette deuxième robe monte jusqu'au cou et est fermée par des bou-
tons. Sur cette robe est posé le bliaut .sans manches, le col assez
dégagé. Ce bliaut est fendu par devant, par derrière, sur les côtés et
doublé d'hermine. Juste aux épaules et sur la poitrine, il s'élargit vers
le bas et recouvre entièrement les robes de dessous, qui sont dès lors
très-courtes, puisque le bliaut ne descend que jusqu'à mi-jambe. Des
ouvertures latérales, pratiquées dans le bliaut, laissent voir la robe
de dessous, cramoisie, et permettent aux mains d'aller chercher les
pochettes. Le haut du bliaut est boutonné jusqu'au milieu de la
poitrine. En A, est tracé le patron de ce bliaut ; sa couleur est lilas,
avec fleurs de lis d'or. Ce costume est d'une grande élégance et
devait être fort commode. L'exemple précédent nous montre déjà
un jeune homme revêtu du bliaut sans manteau. Il en est de même
ici. Ce jeune prince n'a pas le manteau qui semble être réservé aux
hommes faits et aux dames ; car voici (fig. 9) l'image de la sœur du
prince Jean, morte également très-jeune et enterrée dans le chœur
de l'abbaye de Royaumont, à côté de son frère, sous une plaque de
cuivre émaillé *. Le peintre a aussi représenté cette jeune princesse
au fond de la niche qui surmontait le tombeau, non sous la figure
d'un enfant, mais d'une tille nubile. Elle est revêtue du bliaut, sans
manches, sans manteau, avec corsage lacé, juste. La jupe, très-
ample, se termine en queue retroussée sur le devant par le bras
droit -. En A, est tracé le corsage lacé par derrière avec la jupe
étendue, et en B le vêtement de la même princesse, non plus d'après
la peinture, mais d'après la statuette de bronze doré qui la repré-
sente enfant. Les entournures du bliaut sont, pour l'enfant, plus
aisées, et le corsage ne prend point la taille.
Le bhaut sans manches, avec corsage ajusté, paraît avoir été fort
à la mode au milieu du xni^ siècle, non-seulement chez les femmes
nobles, mais aussi chez les bourgeoises et même les courtisanes,
ce qui fut pai-fois l'objet de fâcheuses méprises, et ce qui devint le
prétexte d'édils royaux touchant la toilette des femmes de mauvaise
vie. Toutefois cet élégant habit ne dura guère. Il advint du bliaut
ajusté et sans manches pour les femmes ce qu'il advient des vête-
ments qui font ressortir les avantages d'une belle taille et ne sau-
' Conservée aujourd'hui ilans Tcglisc de Saiut-Dpuis.
- Vovez Gaiç;nèi'cs.
— o1 — [ lîLlAUT 1
raient dissimuler certains défauts plivsiques assez ordinaires : on
l'abandonna pour la robe large ou le bliaut flottant.
Le nom de bliaut ne fut même plus guère appliqué aux vêtements
de dessus, lesquels, pour les liommes et les femmes, à dater de la
m. — 8
[ BLIAUT ] — 88 —
seconde moitié du xiii" siècle, prirent les noms de garde-corps ,
dliérigauts ou d'hergauts, de siircots (voy. ces mots) :
« Qui tost nfa douoe sa cote,
« Son garde-cors, son hérigaul ' . »
Pour les hommes seulement, le nom de roquet - :
« Et Aguissans li rois gucucist
« Et (jiglain par le roquet prist,
» Se li a dit, qii'aveuc lui soit
« Et qu'aveuc lui hcrbergeroit s. »
Louis IX, en revenant de Saint-Jean d'Acre, en 1254, était moins
disposé que jamais à souffrir à sa cour le luxe, l'élégance qui y
régnaient avant son expédition d'Egypte ; lui-même donnait l'exemple
de la simplicité : « Après ce que le roi fu revenu d'outre mer », dit
Joinville, « il se maintint si dévotement que onques puis ne porta
« ne vair, ne gris ^, ne escarlatte, ne estriers, ne espérons dorez.
« Ses robes estoient de camelin ou de pers ; les pennes " de ses cou-
« vertouers et de ses robes estoient de gamites, ou de jambes de
« lièvre ". » Autour de lui, le roi inspirait trop de respect pour
que son exemple ne fût pas imité. Il y eut donc alors à la cour, dans
le goût pour le luxe des vêtements, comme un temps d'arrêt pro-
voqué par la vénération que chacun portait au souverain, sans qu'il
fût nécessaire de recourir à des ordonnances ou édits somptuaires,
ainsi que durent le faire ses successeurs. Nous avons donné les
vêtements des deux enfants de saint Louis, morts avant Texpédilion
de Damiette ; voici maintenant celui de son fils aîné Louis, mort en
1259, après l'expédition. Or, il est facile de voir que ce vêtement
de dessus est relativement sévère (fig. 10}. La statue du jeune prince,
autrefois placée dans le chœur de l'église abbatiale de Royaumont,
est aujourd'hui déposée dans l'église de Saint-Denis, sur un très-
riche sarcophage. Le bliaut est à manches, avec entournures fendues
pour ne point gêner les mouvements. Ces manches sont courtes et
peu amples ; la jupe est fendue devant, derrière et sur les côtés, afin
de pouvoir monter à cheval. Sous l'encolure du bliaut est prise une
' Le Dit de la mauille (deuii-denier : m ni sol ni iiiaillo "].
2 D"où le mot roc lut.
■* l Biaus desconneus , vers o03i et suiv.
* Fourrures.
» Bordures, galons.
6 Fourrure couiuiune, peau d'agucau.
— 59 — [ BI.IALT ]
aumusse, ou gonelle à capuchon (voy. le patron A de celte aumusse).
En B, est donné le capuchon par derrière étant rabatiu. Ce bhaut
était peint d'azur avec semis de fleurs de lis d'or. Louis, étant mort
à l'âge de seize ans. n'a point le manteau que nous ne voyons attaché
^.'ï<l/)CrJZS ^c
qu'aux épaules des personnages d'un âge plus avancé. Les cheveux
sont courts, contrairement à l'usage admis pendant la première
moitié du xni'" siècle.
C'est aussi à celle épocjue que le bliaul des femmes cesse d'être
ajusté au corsage; collant sur les épaules seulement, il tombe droit,
sans ceinture ni lacets. Ce genre de bliaut de femmes se perpétue,
sans modilicalions sensibles, jusqu'au comnienceinejil du xiv'^ siècle,
[ lîI.IAL'T ] — 60 —
c'est-à-dire jusqu'au moment de l'adoption franche du surcot.
L'église de Saint-Denis possède une très-précieuse statue de marbre
noir, qui nous dorme la forme de ces derniers bliauts : c'est l'effigie
de Catherine de Courtftnay\ qui fut la seconde femme de Charles,
II
//
\ -A-^
comte de Valois, et qui mourut en 1307, à Saint-Ouen-sur-Seine.
Voici (fig. il) la copie de cette statue. La robe de dessous est très-
longue, très-large, et le bliaut ne descend qu'cà 10 centimètres au-
dessus des pieds. Il n'est pas très-ample, est fendu de chaque côté
jusqu'aux coudes; les manches n'atteignent pas les poignets et sont
médiocrement larges ; l'encolure du bliaut recouvre entièrement la
1 Provenant de l'abbaye de Maubuisson.
— 61 — [ BOUCLE ]
robe de dessous. On observera qu'une mancbe et une fente seules,
du côté gauche de la figure, sont frangées; les mains sont gantées.
Cette figure est dépourvue du manteau ; c'est qu'en effet, à cette
époque, le manteau n'est déjà plus de rigueur pour les femmes
nobles.
Pour suivre les transformations du bliaut depuis le xiv" siècle, il
faut recourir aux articles Garde-corps, Robe et Surcot.
BOUCLE iDE ceinture), s. f. {afiche). Nous ne parlons ici que
des boucles de ceintures qui paraissent appartenir à des vêtements
civils, nous réservant de nous occuper des boucles de ceinturons
militaires dans la partie des Armes. Les tombes frankes et méro-
vingiennes ont fait découvrir une quantité prodigieuse de boucles
de ceintures de toutes dimensions, de fer damasquiné d'argent, de
bronze, d'argent, unies ou avec incrustations de morceaux de verre.
. ci':uH(iMai
M. Baudot, M. l'abbé Cochet, dans leurs publications, en ont re-
produit un certain nombre ; le musée du château de Compiègne
en conserve de fort belles qui, la plupart, ont été découvertes par
M. de Roussy dans les environs de cette résidence. « La ceinture, dit
M. Rigollot', et la boucle qui en dépend, à la fois objet de luxe et
d'utilité, offrent en archéologie quelque chose de nouveau et de
spécial aux races teutoni(iues. Rien de ce qui les concerne n'est
imité des arts romains, comme on a pu le faire pour quelques
broches ou fibules, dont l'usage était alors commun aux diverses
1 Mémoires de la Société des antiq. de Picardie, t. X.
[ BOUCLE ] — fii —
nalions civilisées ou bar])ares. Tout dans les boucles de ceinturon,
la matière et la forme, le style et la nature des ornements, nous
reporte vers un monde différent de celui de l'antiquité classique... »
Ces remarques sont justifiées par les exemples si nombreux de
boucles qui datent de l'invasion des races germaniques sur le sol
des Gaules. M. l'abbé Cocliet n"a pas trouvé moins de cent cinquante
boucles dans les tombes fouillées par lui à Envermeu^ Ces boucles,
de fer, de bronze ou d'alliage, sont, ou munies d'une patte rivée
au ceinturon, ou composées simplement d'un anneau ovale ou carré
garni d'un ardillon (voy. fig. 1). Ces formes ne rappellent en rien
1 Voyez kl Noi ma/idie souterraine.
63
[ lîOUCI.E
celles des objets de ce genre apparlenanl à l'antiquité romaine. On
peut d'autant mieux attribuer une origine orientale à la forme de
ces boucles, que nous voyons dans le trésor des reliques de l'église
de la Major une boucle d'ivoire, conservée comme ayant appartenu
à l'évêque saint Césaire d'Arles ', qui rappelle, par sa forme, les
boucles mérovingiennes, et qui est évidemment un ouvrage byzantin,
(fig. '2)-. On observera, en effet, que le petit bas-relief sculpté sur
la plaque de la boucle représente les soldats gardant le tombeau
du Clirist. Or, ce bas-relief reproduit exactement la forme des tom-
beaux si nombreux dans la Syrie centrale, entre Antioche et Alep.
11 n'existait pas, dans les Gaules, de mausolées ainsi disposés. Au
-B
moyen d'une broche passant de A en B, la boucle est rendue mobile
et pivote de manière à prendre la courbure de la taille. L'ardillon,
qui n'existe plus, tournait également sur cette broche de métal ; la
ceinture était maintenue sous la plaque d'ivoire, par des rivets. Les
statues des xi", xn' et ww^ siècles donnent de jolis exemples de
ceintures, les(iuelles, pour les vêtements civils, sont étroites et sou-
vent ornées de pierreries ou plaiiues d'orfèvrerie (voy. Ceinture).
Voici trois exemples de ces boucles (lig. 3). CeUe qui est repré-
sentée en A date du xni^ siècle^; elle est de bronze doré, ornée de
deux grenats. Celles que nous donnons en B appartiennent au
XIV' siècle'*, sont de bronze et d'un travail Irès-délicat.
Dans la forme de ces boucles, on retrouve encore la Iradilion
' Saint (îésaire, évî'que d'Arles eu "iOl. pri'siila li: concilf il'Oran;,'^ on 529.
^ M. Revoil a lnni voulu (lcs:^iucl• ccllo boucle pour iioui» ; la frravure est grandeur
de rexi'-cutiou.
^ Trouvée dans une lomlie à Sciuiii' (^()Ullc) (grandeur d'exéculion'.
'' Musée des fouilles du iliàteau Ar l'irrrel'ouds (grandeur d'ex •ciilion).
[ DOUCLES d'oreilles ]
— 64
mérovingienne. La boucle (fig. 4) est munie d'une palte rivée à
la ceinture (voy. le profil A); elle est de bronze doré, ornée sur la
plaque de deux feuilles largement gravées au burin ', et paraît
appartenir au commencement du w" siècle.
ffSAfi cirui
Comme nous l'avons dit, les ceintures des habits civils étant
étroites pendant les derniers siècles du moyen âge, il n'était pas
possible de donner aux boucles une grande importance. Les petites
boucles étaient appelées bouclettes : « Pour faire et forger 6 paires de
« bouclèles à sollers, pesans 6 onces d'argent - » et les ardillons,
coispiaus :
ic Et la boucle est et li eoispiaus
« De propres meurouges polies^. »
Si l'on avait des bouclettes pour les souliers (voy. Chaussure), on
en avait aussi pour maintenir les caleçons : « Pour faire et forger
« deux paires de boucles d'argent à braier '\.. » (Voy. Braies.)
BOUCLES D'OREILLES, s. f. Si l'on trouve une grande quantité
de boucles d'oreilles dans les tombes gauloises aussi bien que dans
les tombes des tribus germaines qui envahirent les Gaules au
v" siècle, à dater du x'' siècle ce bijou devient rare. Les statues de
femmes elles-mêmes ne laissent voir que par exception des pendants
1 Musée (les fouilles du château de Pierrel'ouds (grandeur d'exécution).
' Compte d'Etienne de la Fontaine, 13o2.
^ Le conte de dame Guile {Jongleurs et Trouvères des xiii<= et xiV siècles, publ. par
M. A. Juhiual. Paris, 1835).
* Compte d'Etienne de In Fontaine, 13o2.
— 65 — [ BOURRELET ]
d'oreilles. Les Gaulois, les Germains, hommes, femmes et enfants,
portaient des boucles d'oreilles en forme de grands anneaux avec un
renflement souvent très-richement orné ; mais, pendant l'époque
carlovingienne, les boucles d'oreilles, réservées aux femmes, ne sont
figurées que comme des pendants très-courts terminés par une perle ;
plus lard, ce bijou n'apparait plus dans les monuments. Cependant,
Jean de Meung, racontant comment Pygmalion se plaît à parer la
statue dont il s'éprend ', dit :
« Et met a ses tiens oroilletes
« Deus verges d'or pendans greleles. »
Quelle était la forme de ces pendants? Nous l'ignorons. Très-
rarement, les conteurs, si prolixes dans les descriptions de parures,
parlent -ils de boucles d'oreilles. Il faut reconnaître, d'ailleurs,
que, pendant tout le cours du xn" siècle, les femmes portaient
les cheveux longs, descendant des deux côtés de la tête en nattes
ou en mèches entourées de galons, qui ne laissaient pas voir les
oreilles ; que, pendant la première moitié du xiii" siècle, les femmes
se couvraient généralement la tête de voiles ou de chaperons qui
cachaient les oreilles ; que, pendant la seconde moitié de ce siècle,
les guimpes montaient très-haut et venaient se réunir au chaperon ;
que lorsqu'au xive siècle les femmes se mirent à porter des cheveux
longs, les boucles ou les nattes cachaient également les oreilles. Ce
n'est guère qu'à la fin de ce siècle que les cheveux sont relevés sous
la coiffure et que les oreilles restent visibles; mais alors les seules
boucles d'oreilles indi(iuées sont des perles attachées très-près du
lobe inférieur. Au xv= siècle, les coiffures redescendent de manière
à cacher les côtés du cou ou sont accompagnées de voiles (voy. Coif-
flue); de sorte que pendant toute cette longue suite de modes, il n'y
avait pas de raisons de porter un bijou, qui eût été caché.
BOURRELET, s. m. Coiffure de femme de la lin du xV* siècle, rem-
plaçant le hennin ou haut bonnet. Le bourrelet aiïectait des formes
diverses, et figurait un cœur renversé, une conque, un coussin,
deux lobes, et était fait d'élotfes très-riches, surornées de perles et
de pierres précieuses (voy. Cou'Fure) :
" Dîiiiu's il r(,'l)rassez ciillel/,.
'( De (iiu'lci)iii[iie comliciDii,
« Porlaul atloiU'S el hourrelels.
•» Mort saisit sans cxecptiou-. »
V Le RoiiKin de Ui rose, vers 212:i2.
* Viilou, (irand TesUnncnl, x.wix.
m. — 9
[ BOUTON ]
BOURSE,
d'argent :
- 66 -
f. [bourcète). Petit sac destiné à contenir des pièces
» Il l'.i'ist uuc bourccte qui tu rouge de soie,
« .V. florins niist dedens ' . »
« Ledit Etienne, pour sa painne et façon de deux boursètes à re-
« liques, faites à yraages de broudeures et k chapiteaux de grosses
<( perles et menues, pour ledit seigneur et de son commandement,
« pour or de Ghippre, paine et façon, 6 1. p.-. »
On faisait donc aussi des bourses pour mettre des reliques. Ces
bourses étaient en forme de sac avec coulants, ou en forme de petite
gibecière (fig. 1) ^ On les attachait à la ceinture, ou on les mettait
f
dans la poche. Ces bourses ne s'attachaient point à la ceinture comme
les aumônières, mais étaient passées dessous, de manière que la
partie supérieure se rabattît, ainsi qu'on le voit figuré en A. Les
deux petits cordons latéraux permettaient de fixer plus sûrement
encore la bourse à la ceinture. Toutefois, ces cordons attachés et la
tête de la bourse serrée sous la courroie n'empêchaient pas la main
de soulever l'ouverture du petit sac pour prendre des pièces de
monnaie. Cette manière de suspendre la boursette explique l'in-
dustrie des coupeurs de bourses, qui, à l'aide de ciseaux, coupaient
le col du sac; les cordons latéraux attachés à la ceinture, surtout
s'ils étaient de cuir, rendaient l'opération plus dinicile.
BOUTON, s. m. (bcsan, boutoncel, boutonchiax ; boutonneure,
garniture de boutons). « Pour 2 onces et demie d'or pour faire une
« boucle à l'entredeux du hraier, et pour les besans de l'entredeux,
I Ihct. de Guillaume d' Angleterre [Chron. nnglo-normn/ides, t. HI, p. 1S8;.
- Cumpte d'Eticfuie de In Fontaine. Vi'lyl.
* Lea Itdis de France, uis. xiii" s., anc. fond;; httiii. 12K>. Hihliolh. iuip(''r.
— 67 — [ BOUTON ]
« 63 s. 6 d. ». c'est-à-dire pour faire une boucle serrant la fente du
caleçon et les boulons fermant cette ouverture \ « Pour une bouton-
" neure d'or de 25 boulons, chascun bouton de 4 perles et 4 dia-
« mant au milieu, achetés de Symon de Dampmart, et livrés audit
«. Josseran, chascun bouton au pris de 8 escuz d*or, pour ce, 200 es-
« cuz, pièce à 17 s. p., valeur 170 1. p. » De ces boulons joyaux, il
ne reste que des représentalions sur des statues ou dans des pein-
tures. Les boutons d'armures étaient appelés bocètes.
m
D
.oea&oo £ifiU-
Nous donnons ici plusieurs exemples de boutons attachés à des
vêtements religieux ou civils fliii. IV Les trois exemples A sont de
' Journal (le la (lépe7ise du roi en Angleterre, nuligé eu i.'3'49.
[ RRACELET ] — 08 —
pâle de verre, les bielles de lil de fer étant prises dans cette pâle
pendant qu'elle était chaude. Le bouton B est de cuivre fondu avec
sa bielle ' ; les deux boutons G sont d'alliage et disposés comme nos
boutons de chemise-. L'exemple D est copié sur des vêtements de
statues des xiii" et xiv^ siècles. Ces sortes de boutons étaient formés
d'un novau entouré de fils croisés. On les trouve attachés aux
manches serrées, aux cols des chemisettes. L'exemple E est d'os ou
d'ivoire ^ Les vêtements de statues du xv^ siècle présentent parfois
des boutons enrichis de perles ou de pierres ; ces sortes de boutons,
attachés aux fentes des robes des femmes, aux manches larges,
étaient doubles comme ceux tracés en G (voy. Robe).
BRACELET, s. m. Si nos aïeux les Gaulois portaient des brace-
lets, si même encore les Mérovingiens paraient leurs bras de ces
sortes de joyaux, il ne paraît pas que le moyen âge ait conservé cette
habitude même pour les femmes. Le bracelet était remplacé par des
galons qui entouraient le bas de la manche serrée de la robe de
dessous des hommes et des femmes. Celles-ci ne laissaient point
voir leurs bras nus pendant le cours des xi% xn% xiii", xiV et
XV' siècles. Or, le bracelet ne peut guère se porter que sur la peau.
Pendant le xii' siècle, on voit souvent les hauts des manches ornés
d'une large bande de broderies avec pierres, mais ces bandes étaient
cousues au vêtement et ne constituaient pas un bijou séparé ; elles
étaient souples comme l'étolTe qu'elles couvraient. Pendant le cours
du xv siècle, les gentilshommes entraient souvent dans la lice du
tournoi, ayant un bracelet attaché au-dessus du coude avec une
devise ou un attribut, ou bien encore celui qui était vaincu devait
porter un bracelet pendant un an, fermé à clef, à moins qu'une
dame tenant cette clef ne le déferrât. « Et pour ce que les chapitres
faisoient mention que quiconque seroit porté par terre de tout le
corps, seroit tenu de porter por un an entier un bracelet d'or, où
devoit pendre un loquet (cadenas) fermant à clef, et ne le pourroit
ôter ni faire ôter ledit temps durant, si en cedit temps durant il ne
trouvoit la dame ou damoiselle qui auroit la clef dudit locquet, à
laquelle il se devra faire défermer, si la dame le veut défermer,
et à icelle donner ledit bracelet et présenter son service. Pour
laquelle aventure ainsi advenue à celui chevalier de Boniface,
lui fut présenté le bracelet d'or de par le chevaliei' Dupas, en lui
' Exemples paraissant appartenir aux xiii» cl xiv'' siècles.
^ xiv" sièele. Musée des fouilles du châleau de Pierrefi)uds.
■^ Fouilles de Xo're-Danie de Paris.
— 69 — [ BRAIES 1
i< disant : « Vous le porterez ainsi qu'il vous plaira, soit couvert ou
<• découvert (habillé ou non) », lequel chevalier de Boniface le reçut
" moult agréablement, et le portoit comme raison étoit ; mais qui
« fut la dame ou damoiselle qui le déferma, n'est pas venu à ma
« connoissance '. »
BRACIÈRES, s. f. Sorte de camisole que les hommes, pendant
le xvi^ siècle, portaient la nuit : « Deux douzaines de brassières,
« à porter la nuyct, ouvrée de soie noire 2- » Nous ne savons si
ce vêtement dernier était usité au xv'' siècle ou avant. Pendant le
xiv° siècle, le mot de bracières s'applique aux manches serrées, de
peau ou de velours, qu'on portait sous la maille avant l'adoption
des brassards (voy. la partie des Armes).
BRAIES, s. f. (braieul, braiol, braiel, braijer, braoillier ; d'où
le mot bragarts, donné au xv'' siècle aux porteurs de certains hauls-
de-chausses, et notre mot débraillé). Les braies sont le caleçon plus
ou moins long, plus ou moins serré. Pendant la période romaine
de l'empire, la partie des Gaules qui était comprise entre le Rhône,
la Garonne et les Pyrénées, était désignée sous le nom de Gallia
braccata; parce que ceux qui habitaient ces contrées portaient des
braies, sortes de pantalons larges, serrés aux jambes au moyen de
lanières. Ce vêtement se conserva pendant tout le temps de la domi-
nation romaine, puisqu'on trouve quantités de tombeaux gallo-
l'omains sur lesquels des personnages sont représentés les jambes
revêtues de braies. Les peuples de la Germanie portaient, la plupart,
des braies, ainsi qu'on peut le constater en examinant les bas-reliefs
de la colonne Trajane. Sous le règne de Charlemagne, les A(|uitains
portaient des braies. Lorsque Louis, son fils, alla le trouver à Pader-
born, il parut devant lui habillé à la manière d'Aipiitaine, « avec
une espèce de pourpoint parfaitement rond, sur une chemise dont
les manches étaient fort larges; de grandes braies, de petites bot-
tines où il y avait des éperons^ ». La mosaïque de Sainte-Agnès intra
muros, à Rome, représentait l'empereur Charlemagne vêtu d'une
courte tunique et de braies collantes avec de hautes bottines'*. A
cette époque, c'est-à-dire au vni" siècle, il paraîtrait que les peuples
de l'Asie Mineure portaient des braies ajustées aux jambes et ornées
' Chron. de J. île Lnlain, cliap. lxvii.
2 Comptes (le l.'iljfi.
•^ Dom Vaisselle, Uist. dn I.'ni'juedoc, l. Il, p. 4.
* Voyez Ciampiri, t. II.
[ i?n.\iEs ]
— 70
de riches broderies, puisque nos manuscrits occidentaux représen-
tent parfois des personnages de ces contrées ainsi velus. D'ailleurs,
ces braies étaient portées dès le temps des Sassanides, et plus ancien-
nement encore, sous la monarchie assyrienne. Voici (fig. 1) la copie
de deux des rois mages, représentés dans une Bible du x" siècle, de
la Bibliothèque impériale *, auxquels l'artiste a eu évidemment l'in-
tention de donner le costume oriental de son temps. Les pans de la
tunique, relevés sous la ceinture, laissent voir les braies collantes
couvertes de bandes de broderies. Ces braies, justes aux jambes,
n'étaient guère usitées à cette époque en Occident.
Pendant les x'' et xi^ siècles, on portait de préférence des braies
larges et courtes avec des chausses, ou longues sans chausses. Ces
sortes de braies courtes sont parfaitement indiquées dans la tapis-
' Maiiusi'c. fouds hitiu Suiut-Geniiaiii. u" 't'.i'i, Bihlioth. iiiipér,
— 7
[ BRAIES ]
série de Baveux (dite de la reine Malliilde) (fig. 2), en même temps
que la tunique courte. Il paraîtrait que les braies larges et courtes
étaient portées pour monter ;i cheval, tandis que la tunique était
réservée pour la vie habituelle. Tous les personnages vêtus de ces
*»
•^
braies sont en campagne ou à cheval. Dans la même tapisserie, on
voit des hommes qui, pour tirer les barques sur le rivage, ont ôté
leurs chausses et ont relevé les extrémités des braies sous la cein-
ture ou braiel, laquelle était d'étoiïc pareille et enroulée autour de
la taille (fig. 3). Lorsque les jambes étaient réunies, ces braies for-
maient une sorte de jupon. Le tracé A donne le patron de ce vêle-
ment muni d'une coulisse à sa pnrtie supérieure, pour pouvoir le
serrer à la taille. Quelques populations du littoral de la Planche ont
encore conservé ces braies larges, faites de grosse toile, et il est à
croire qu'elles étaient spécialement adoptées par les Normands, car
on ne les voit point figurées sur d'autres monuments que ceux
appartenant à celle province.
[ BRAIES ] — 73 —
Des représentations de personnages vêtus de ces braies feraient
supposer
quelles étaient fendues latéralement et agrafées ou bou-
f^-^^-^-s,^,^^^ tonnées le long de la cuisse exté-
1^ f rieurement. Voici, en effet, une copie
(fîg. 3 bis) de l'un de ces Normands
qui tirent les barques sur le rivage,
au moment du débarquement de
Guillaume le Bâtard. Il semble que
les braies sont déboulonnées latéra-
lement, de manière à permettre de
les retrousser avec plus de facilité.
A la fin du W" siècle, on portait
des bauts-de-cbausses ( voy. fig. 9 )
souvent garnis de boutons le long
des cuisses, et qui pouvaient s'ou-
vrir latéralement. Par tradition, les
iiauts-de-chausses du commencement
du xvn" siècle avaient encore con-
servé ces garnitures de boutons qui
n'étaient plus alors qu'un ornement.
Dans le centre de la France, au con-
ti-aire, au xi" siècle, on voit adopter
les braies longues. Nous en trouvons
un curieux exemple dans la représen-
tation des travaux de l'année, sculptés
sur le tympan du portail de Saint-
mois de mai et d'août montrent un faucheur et
Ursin à Bourges. Les
— "'"5 — [ DltAlES ]
un batteur en grange vêtus de tuni(iue> coui-les el de caleçons
l=.CUILLHUWT.
larges, descendant jusqu'aux dievilles (lig. 4). Au commencement du
m. — lu
f BRAIES
- 74 -
xii<= siècle, ainsi que nous Tavons dit aiileui-s', les rapports de plus
en plus fréquents avec l'Oi'ient modifièrent d'une manière sensible
les modes dans tout l'Occident ; les braies gauloises, encore conser-
vées jusqu'alors dans certaines
^ provinces du Centre et du Midi,
disparurent complètement, et
l'on porta des caleçons justes
aux jambes avec la tunique
courte ou la robe longue, sui-
vant la qualité des personnes ;
la robe longue étant réservée
aux personnages de quelque
importance , et la tunique
courte au peuple. Les femmes
portaient aussi parfois des
braies, bien qu'elles eussent,
dans toutes les classes , des
robes longues. Un très -beau
fragment de chapiteau de
marbre blanc, du xn" siècle,
déposé dans le musée d'Avi-
gnon, représente Job, sa femme
et ses amis. L'un d'eux, Éliut,
est revêtu de braies collantes
sur les jambes, assez amples
sur les cuisses, qui paraissent
sous une robe ouverte sur le
(levant (lig. 5) -. Sur les lin-
teaux de la porte principale
de l'église abbatiale de Vézelay
sont sculptées des personnes
de tonte condition, guerriers,
laboureurs, femmes, enfants, religieux. Quelques-uns de ces per-
sonnages masculins ont des tuniques courtes avec braies collantes
((ig. 6) ^ On ne peut supposer ici que le sculpteur ait voulu figurer des
' Voyez r>i,iAi:T.
2 Cl' cliKijileaii d;ilc dr 1 1 .II) ciiviniii .
■' Ces sciilplui'cs (liilciil (le 1100 euvii'ou. Dans le manuscrit rie Herrade de Landsherg,
de la liiblioUiùijue de. Strasbourg, qui date du xii» siècle, on voit des lionimes velus de
tuniques courtes avec des braies collantes : ce sont des personnages qui u'appartieunent
]ias à la classe nolile (voy. la viLiiietle de rAiloralimi du vi'au d'or).
— 'O — [ BRAIES ]
jambes nues, puisqu'on voit des traces de peintures sur ces caleçons
justes. Ces traces de peintures n'apparaissant guère que quand on
mouille la pierre, nous les avons ravivées sur notre figure. D'ailleurs
nous ne voyons pas, dans les manuscrits de celte époque, que les
hommes aient jamais les jambes nues sous la tunique ; elles sont tou-
jours colorées en blanc, en vert, en rouge, en jaune ou en bleu, quel-
quefois avec des pois, ce qui indique une étoffe, les nus ayant, sans
exception, la couleur naturelle de la peau. Nous engageons nos lec-
teurs à voir, à ce sujet, les peintures de l'église de Saint-Savin, qui
datent de la fin du xi" siècle •. A dater du xn* siècle, les braies des
hommes nobles ne cessent d'être collantes jusqu'au xvi" siècle ;
mais, pendant le xui" siècle, elles sont encore assez larges aux
hanches chez les gens du peuple, ainsi que le fait voir la figure 7 -.
L'homme représenté ici est un des pauvres auxquels saint Médard
fait distribuer des aliments ; il n'est vêtu que de ses braies et d'une
gonelle. Ses souliers sont pendus à un cordon, derrière son dos.
L'enfant qu'il porte sur ses épaules est vêtu comme lui, et ses braies
sont à brides sous la plante des pieds, laissant les doigts et le talon
libres, tandis que les braies du père sont à pieds. En A, est tracé le
pied d'un autre personnage de la même tapisserie, dont les braies
sont terminées par des brides. On voit que le caleçon de l'homme,
serré à la taille par une ceinture, est assez ample à la hauteur des
hanches, et qu'il ne devient collant que du genou à la cheville. Ces
sortes de braies étaient ouvertes par devant.
Voici, d'ailleurs, la description qu'un trouvère du xui" siècle fait
de l'habillement du vilain :
'< Chape avoit et iiiaulel
« Et cote sus gouael,
•i Et braies et chemise,
n Et moufles por la bise,
Il Et en son cliief i-hapel,
<i De mesmes le l)urel '•>. »
Les gentilshommes porlaient des braies comme les vilains : c'était
une partie du vêlement de toutes les classes : « Lanceloz enlendi la
« voiz en son (lil) dormant, cl sailli sus en braies et en chemise, et
' IHibliécs |iai- le Miuislèic de riiislnidioii pulili(ju('. N'olice de M. Mr'iiiiit'e.
- Des tapisseries rie Saiut-Médard de Paris, copies de la collectiou de Gaiguères, bibl.
Bodléienne d'Oxford.
'■' Le IHct. de l'eschacier (homme a la j;iiiihr de bois) [Jonglews et Trouvères des
Xli" et xjvf siècles, \\\x\A. par A. Jubiual).
[ BRAIES j
r6 -
« met à son col le inaiilel et se lance hors de Fuis '. » On mettait
donc imraédialeraent les braies sur la chemise ; voici, dailleuts un
j^iï<:j/?û éXJ'f^ J
autre passage qui le prouve surabondamment : « Celé se couche
» Li contes de la charrette, extrait du Roman de Lancelot du Lac (fin du xii? sipcle).
i <
[ H RAIES ]
« avant, et il après; mes c'est en chemise et en braies '. » Il fallait
déboucler la ceinture des braies pour les mettre bas et aller à la selle,
puisqu'elles n'étaient ouvertes que sur le devant. Voici qui le dé-
montre. Quand saint Louis s'embarque sur un bateau, après la
bataille de la Massoure, pour revenir à Damiette, Joiuville raconte
ainsi le triste voyage du roi : « Quand nous fumes eschapés de ce
<( péril et nous en allons contreval le llum, le roy, qui avoit la ma-
« ladie de l'ost et menuison moult fort -, se feust bien garanti es
7 A
« galies, se il vousist; mes il dit que, se Dieu plest, il ne léroit jà
« son peuple. Le soir se pasma par plusieurs foiz ; et, pour la fort
« menuison que il avoit, li convint couper le fons de ses braies toutes
'< foiz que il descendoit pour aler à chambre ^ » Ces braies ressem-
blaient fort à ce que nous appelons aujourd'hui pantalons à pieds,
mais les jambes justes. Elles étaient faites de drap souple, de
tricot de laine ou de soie. Le braiel désignait parfois, comme nous
l'avons dit, la ceinture d'étoffe avec laquelle on maintenait le haut
des braies au-dessus des hanches ; cette ceinture ne fut plus de
mode, h dater de 4180 environ, que pour les paysans. Les braies
' U conti^f! dp 1(1 rhrinntle.
■i La nialailic de rarinre (Hait le scDi'hiit et lailysijntcrie ; le mol menuimn ne peut
s'appliquer qu'ace ileriiier mal. i.e verbe inemiier \i'ut dire dimiiiiiei-, amoindrir.
3 A la garderobc.
[ HUAI lis ]
78
tHaient jiislcs à la taille et maintenues par un cordon qui passait
dans une coulisse ou dans des œillets ^
Pendant le xiii" siècle, les paysans portaient encore des braies
' u Lejor que il viut eu cssil,
>i L"ot a sou braijel oublié
(' A .j. lac de soieuoué.
u Quant la dame a l'auel véu,
« >ic l'a mie desconuéu,
« Et dist : Biau sire, jou ne \ oel
(i Avoir rien que voient mi ocl,
» Fors cel anel que vos portés. »
C'était hieu a la ceinture d'élofie, au hraicl, ([n'était attaché cet auuean, et uon au
cale(;on. {Dict. «lu roi Guillaume ciAiïgleterre, dans Citron, aj^glo-nonuandes. publ.
par M. Fr. Michel, t. III. p. i:J7.)
— 79 — [ BRAIES ]
d'une coupe évidemmmenl très-ancienne et qui mérite d'être signalée.
Nous voyons ces braies parfaitement indiquées dans les bas-reliefs
du portail occidental de la cathédrale d'Amiens, qui représentent les
travaux de l'année. Voici (fig. 7 A) un moissonneur nu jusqu'à la
ceinture et vêtu de braies serrées autour de la taille par un bour-
relet d'étolTe. Ces braies sont fendues du jarret à la cheville et atta-
chées sur les souliers, en a, par des cordons. Ce caleçon, très-large,
pouvait être ainsi relevé et laisser le bas des jambes nu. Dans la
collection des mômes bas-reliefs on voit, en etïet, deux personnages
qui ont relevé le bas des braies en enroulant la partie interne
autour du genou et rattachant l'extrémité de la partie externe à un
anneau pendant au bout d'une courroie tombant de la ceinture
(tig. 7 B). L'exemple D indique un pauvre recevant la charité, et
l'exemple C un paysan ' .
7^" ,
La figure 7 C représente les braies du moissonneur, tigure 7 A,
vues de face; on aperçoit les deux courroies avec anneau, destinées
à recevoir les cordons de l'extrémité externe du caleçon.
Au xiv siècle, les braies sont collantes non-seulement aux jambes,
mais aux hanches pour les classes élevées, et il paraîtrait que les
braies larges du corps n'étaient plus portées que par le menu
peuple.
Les gentilshommes portaient, vers le milieu du xv« siècle, des
pourpoints courts et des braies très-justes qui dessinaient exacte-
ment les formes du corps (voy. Sl-kcot, Pouui'Oint). C'est aussi à
cette époque que les braies commencèrent à être munies de bra-
guettes, et ne furent plus fendues par devant, mais seulement par
derrière, de la ceinture aux reins, alin de pouvoir les mettre faci-
lement. Les braguettes étaient attachées par deu\ boutons ou deux
' Voyoz les bas-reliefs en inéilailloiis des Verhis et Viees et ilii zodiaque de l;i callié-
ili'iile d'Aiiiiens, poiiail oeeideiitiil.
[ IJItAlES 1 — 80 —
aiguillellcs à la hauteur des aines, et étaient garnies en dedans de
manière à former une saillie peu prononcée d'abord, mais qui
devint tout à fait ridicule au commencement du xvi" siècle. Dans les
tapisseries de Nancy, qu'on prétend avoir appartenu à Charles le
Téméraire, les braies sont garnies de braguettes (fig. 8).
^
L
Ce fut aussi ix la fin du xv° siècle que l'on commença de substituer
aux braies les chausses et le haut-de-chausses. Les chausses, sous
Charles VIII, étaient un pantalon à pieds, collant, largement ouvert
sur le devant, et auquel s'attachait le pourpoint au moyen d'aiguil-
leltes (lig. 9) (voy. en A) ; par dessus ce vêtement on passait le haut-
de-chausses (voy. en B). Les aiguillettes, qui tenaient aux chausses
et passaient à travers des œillets ménagés au bord inférieur du
pourpoint, attachaient le haut-de-chausses. Les élégants laissaient
— 81 — [ BRANLANTS ]
paraître la chemise entre réchancrure du liaut-de-chausses, qui
d'abord ne fut, ainsi que l'indique noire figure, qu'un caleçon très-
court, presque collant, et garni d'une brayelle. Plus tard, c'est-à-
dire sous François I^"", ces hauts-de-chausses prennent de l'ampleur;
à la fin du xm^ siècle, ils formaient deux bourrelets très-prononcés,
tailladés, cannelés, brodés, doublés, relevés, rembourrés. Puis ils
s'affaissent, s'allongent jusqu'au-dessus du genou; leurs ouvertures
inférieures ne serrent plus les cuisses ; ils perdent leur ampleur aux
hanches et tombent droit : ce sont alors les canons du milieu du
xvn^ siècle. A la brayette se substitue la petite-oie de rubans. Les
canons se rétrécissent à la fin du règne de Louis XIV, et la culotte
du xvn" siècle les remplace. Voilà sommairement l'histoire des
braies : elles finissent par n'être plus que les chausses ou les
bas ; et le haut-de-chausses devient culotte, puis pantalon, lequel
pantalon n'est (jue la paire de braies des premiers temps du
moyen âge.
Nous devons ajouter que les chausses furent portées simultané-
ment avec les braies, dès une époque reculée. Ainsi, dans la tapis-
serie de Baveux, les hommes en habit civil portent les braies et les
chausses, qui étaient maintenues sous les braies avec des jarretières.
Toutes fois que les braies n'étaient pas à pieds, il fallait des chausses,
qui étaient glissées sous les braies ou posées par-dessus, formant
alors un bourrelet contenant la jarretière ; les femmes, qui ne por-
tèrent jamais les braies à pieds, mais des caleçons descendant aux
genoux, avaient des chausses. Alors, les braies prirent le nom de
liaut-de-chausses, et les chausses le nom de bas-de-chausses, d'où le
nom de bas est resté (voy. Chausses).
BRANLANTS, s. m. Larges paillettes de métal, quelquefois émail-
lées, qu'on attachait aux vêtements, et qui, vacillant à chaque mou-
vement du corps, miroitaient aux rayons du soleil ou à l'éclat des
lumières. Cet ornement ne paraît pas avoir été de mode avant le
xv siècle. On l'attachait aux housses des chevaux, aux cottes d'armes,
dans les tournois. Ces branlants étaient souvent armoyés aux armes
•lu chevalier qui les portait : « Jay un aullre parement de salin
« bleu, lozangé d'orfèvrerie à nos leclres (chiiïres) branlans, qui
« sera bordé de Icstisses (fourrure grise), — et si en ay un aullre
'< à ma colle d'armes toute semblable sur lequel je viendray sur les
'< lices pour faire nos armes à pié, qui est de satin cramoisy, tout
« semé de branlans d"or, émaillé de rouge cler, à une grant bande
« de salin blanc toute semée de branlans d'argent, à ti'ois lambeaux
m. — 11
[ lîliODKlilE ] — 82 —
« de salin jaune tout semé de branlans de fin d'or luysant, ((ui seront
« mes armes ) . »
BREF, s. m. — Voy. Bulle.
BROCHE, s. r. — Voy. Agkafe. « Fremaux, aliques, broches '\ »
BRODERIE, s. f. Les broderies à la main sur étoffe remontent
à la plus haute antiquité. L'art de la broderie, réservé aux femmes,
était pratiqué chez les Oiientaux, en Egypte et en Grèce. Nous
n'avons à parler ici que de la broderie appliquée aux vêtements.
Les étoffes brodées, rapportées de l'Orient chez les Occidentaux,
pendant les premiers siècles du moyen âge, Irès-estimées et fort
chères, ne furent guère employées que pour les habillements des
grands seigneurs.
A Byzance, les broderies d'or et de menues perles sur étoffes de
soie apparaissent dès le vi^ siècle, et, sous Charlemagne déjà, ces
sortes de broderies étaient importées par les commerçants levantins.
Au commencement du xn^ siècle, peu après les premières croisades,
les habillements des hommes et des femmes en France étaient sou-
vent garnis de galons ou de quartiers d'étoffes brodées rapportées
d'Orient. Les femmes, qui, dans les châteaux féodaux, n'avaient que
trop de loisirs, se mirent bientôt à imiter ces ouvrages d'outre-mer
et surpassèrent leurs modèles., non pas tant par la richesse des
matières employées que par la finesse du travail. On brochait des
voiles, des écharpes, des ceintures, des aumônières, des gants, des
souliers. Les queUiues exemples qui nous sont conservés de broderies
du xiye siècle n'ont point été surpassés. Il suffit, pour le reconnaître,
d'examiner avec attention la broderie de l'aumônière dépendant du
trésor de la cathédrale de Troyes, et qu'on suppose avoir appar-
tenu au comte Thibaut IV (voy. Aumômère). Rien n'égale la finesse
de cette broderie de soies de couleur représentant de petits person-
nages. Ces sortes de broderies étaient faites sur une fine toile de
lin, puis découpées et cousues sur un fond d'étoffe de brocart, ou
de soie forte, comme nos anciennes sandales. Ce procédé, fort usité
dans tout l'Orient et notamment en Chine, permettait de donner aux
sujets brodés du relief, de la saillie, au moyen d'une hausse de coton
ou de lin, interposée entre la broderie rapportée et l'étotîe qui lui
' Aul. <1(,' la S;illc, \V:,o.
^ Hiimn/l (lu lliim.
— 83 — [ BRODEIME ]
servait d'assiette. La couture des bords, faite de soie foncée ou de
lils d'or, sertissait les sujets et donnait aux dessins de la fermeté et
du précieux. Ce procédé fut employé très-tard encore, mais seule-
ment pour les ornements sacerdotaux ; quant aux broderies des
vêtements civils, elles furent faites directement sur l'étoffe et imitées,
dès le xive siècle, par les brochages au métier. Les entre-deux, si
fréquemment employés pour les vêtements féminins au xn° siècle,
n'étaient autre chose que des broderies sur lin avec ajours ; et, en
etfet, dans les tombeaux de celte époque, on retrouve des parcelles
non équivoques de ces sortes d'ouvrages, qui ont mieux résisté à
la destruction que les étoffes auxquelles on les cousait (voy. Bliaut).
Les statues de ce temps nous montrent, d'ailleurs, l'application de
ces broderies, dont le dessin était toujours délicat. Mais ce fut au
moment où l'on employa les pièces d'armoiries dans les vêtements,
c'est-à-dire du commencement du xiV siècle au milieu du xv% que
les broderies furent plus particulièrement appliquées sur les étoffes
destinées aux habits des personnes nobles. 11 n'était pas possible, en
effet, de fabriquer des étoffes qui pussent reproduire les armoiries
de tant de personnages. Force était de broder, au moins sur les
champs, les pièces qui entraient dans ces armoiries : lions, léo-
pards, alérions, aigletles, merlettes, roses, créquiers, croisettes,
besants, étoiles, etc.; les broderies de soie, d'or ou d'argent, sur les
étoffes des robes, surcots et manteaux, prirent donc alors une grande
importance.
Nous n'avons que peu de renseignements sur les broderies faites
sur toile fine, lin ou mousseline. Il est certain que des voiles étaient
brodés. Des mousselines brodées d'or, d'argent ou de soie, venaient
d'Orient. Sur les chemisettes de statues du xn' siècle, on peut voir
des broderies ou au moins des chefs brodés avec ajours. Mais, jus-
qu'au XVI" siècle, nous n'avons, à cet égard, que des données incer-
taines. Il n'en est pas ainsi pour la broderie de soie sur étoffe de
parure extérieure ou sur fin canevas; non-seulement les dames se
livraient à cet art, mais les religieuses ', et un grand nomhre d'ou-
vriers des deux sexes. Les brodeurs de Paris foi-maient une corpo-
ration ; aussi les brodeuses. Les bourgeoises s'adonnaient également
à la broderie. La fille d'un bourgeois qui a nom Maratte, dans le
Roman de la violette :
' l'jidcs r.ijiaud, arclicvÎMiiic ik lidiicu nu XIH' si^'cle, SO ci'ul dhlitir de drlViuiic ces
sortes d'ouvrages dans plusieurs luoaastères de femmes de son diocùse, comme trop
moudaias.
nr.oDERiE ]
-84 —
<■ .1. jor tist ("'S cliiuiihres son père,
" Uue estole ol .j. aniit, poro i
<< De soie cl d'or mol soiitilmeul.
'< Si i fait eateateuiiieat"
» Mainte croisete et mainte cstoilc 3. »
Bien avant celte époque, nous voyons que l'impéi-atrice Judilli,
mère de Charles le Chauve, passait pour une habile brodeuse : « En
826, quand Heriold, roi de Danemark, vint se faire baptiser à Igel-
heim avec toute sa famille, cette princesse, qui tint la reine sur les
fonts, lui lit don d'une robe de sa façon, relevée d'or et de pierres
précieuses ''. » Mais c'était dans la confection des menus ouvrages,
tels que lacs, écharpes. manches •', ceintures, que les dames excel-
laient. Parfois même elles entremêlaient de leurs cheveux dans les
broderies de ces précieuses parures :
Et sor le désire brae li pent
Une mance totc de soie ;
Jamais en quel lieu que je soie.
N'orrai parler d'une ])lus riche.
Près del poing li ferme .j. afioho ^
:< Massice d'or, à .ij. lupars ''.
Dedens. de fors, de toutes pars,
Ot flors de glai» de fil d'or faites:
Et s'otletres eutor portraites
D'un chevels si fins et sors.
Tôt pert estre .j. rlievels et ors
Et de hiauté et de color
Et en la letre et en la flor.
Tel l'ot faite de chief eu rhiof,
Celé qui ot le plus biau chief.
La fille au riche roi de Perso ;
N'avoit mie la face perse,
Ains est hele et de geut ator.
Ce dient les letres d'entor,
Qu'ele ot faites por son ami.
Ne li ot pas dom'' demi
Son cuer ; mais toi l'a pris la Franc? 9. »
' /V're ]iour pnre. c'est-a-dire, brave.
i Avec entente, intelligem^e.
3 Romnn de la violette, vers 2299 et suiv. (xiir siècle).
'» Voyez Recherches sur les étoffes de soie, d'or et d'argent pendant le moyen âge,
\yàv M. Francisq 11' Mich ■!. Paris. 1S.j4.
s Les dames donnaient souvent, comme signe d'afTjction à leur ami. une manche
brodée que c^lui-ci portail en souvenir de sa belle.
•J Agrafe.
" Léopards.
8 Glaïeul.
9 Rontcn de l'escoiiffle, mss. de l'Arsenal.
— 85 — [ BULLE ]
BULLE, s. f. Bijou qu'on suspendait au cou. et qui contenait des
reliques ou un bref : le nom de Dieu, par exemple, ou de la Vierge,
ou du saint patron, ou encore des inscriptions tirées des Ecritures.
Ces bijoux étaient plus particulièrement attachés au coudes enfants,
pour les préserver des accidents ou des maléfices. Bien que les doc-
teurs de l'Eglise et les conciles se soient souvent élevés contre ces
pratiques superstitieuses, elles n'en persistèrent pas moins, non-
E.cù'iLi-Mynr.
seulement chez les gens du peuple, mais chez les grands mêmes,
pendant le moyen âge et jusqu'au xvni" siècle '. L'auteur de la
Somme n'admet pas qu'on doive porter des reliques pendues nu
cou '-. Les Pères de l'Église condamnent l'usage de porter l'Évan-
gile de saint Jean pendu au cou, dans un cylindre, ainsi que cela
s'est pratiqué jusqu'au dernier siècle.
La figure 1 donne (grandeur d'exécution, en A) une double bulle
pendue à une chaîne fermée, ne pouvant être destinée quà un
' On pinit nv'mn assurer qiio cns praliques superstitieuses existent caeore aujourd'hui.
- « Utruui reliquiio sanetorum ileticanl porlari ad collum ? Respondco quod non. »
[ CAGOri.E 1 — <S<) —
enfant. Ces deux liiilles sont de cuivre très- léger et doré, creuses et
plates par-dessous, comme l'indique le détail A. En B, est une autre
bulle dont la coupe est tracée en D '. Ces bulles sont percées de
petites ouvertures sur leur face externe, parce qu'on snpposait que
la relique, le talisman ou le bref, opéraient d'une manière plus
efficace, s'ils étaient mis en relation directe avec les objets exté-
rieurs-. L'usage des bulles, talismans, brefs, remonte à la plus
haute antiquité, et le christianisme ne lit que conserver un genre
de superstition qui a existé de tout temps et chez toutes les
nations. Aussi les Pères de la primitive Église blâment-ils fortement
ces habitudes, qu'ils considéraient comme entachées de paganisme.
Malgré leurs exhortations et les décisions des conciles, le moyen âge
renchérit encore, s'il est possible, sur ces pratiques, principalement
pendant la période des croisades, car aux talismans ayant un carac-
tère chrétien s'ajoutèrent souvent les talismans orientaux arabes.
es
CAGOULE, s. f. ^coules, cuculle). Sorte de surtout sans manches,
assez ample, garni d'un capuchon et descendant jusqu'aux genoux
le plus habituellement, et même au-dessous. La cuculle était le
vêtement monastique ; courte, on lui donnait le nom de scapulaire.
Clément V, au concile de Vienne, distingue clairement la cuculle dn
froc ; souvent on a confondu ces deux vêtements. Il établit « que
la cuculle est un habit ample et long, sans manches, tandis que le
froc est un vêtement descendant jusqu'aux pieds et possédant de
longues manches ». La cuculle est un habit à capuchon, large, cou-
vrant la tête et les épaules. Lorsque Guillaume Longue-Épée, duc
de INormandie, est tué par les Flamands, on rappoi-te son corps
à Rouen ; dans la ceinture de ses braies on trouve une clef :
» Du chef de son braier une clef deferuiereut,
" VA cole (coule) è estamine et un froc en osterenl,
H Et tôt l'habit d'un nioigne ka un pauvre douèrent,
« N"i ont allrc trésor, ne altre u'i trouvèrent'^. »
' Musée des fouilles du château de l'ierrefonds (xiv^ ou xv<^ siècle).
2 Voyez ce que dit à ce sujet J.-B. Thiers, dans sou Truite des superstitions, tome I,
livre V.
i Rù7nan de Hou, vers 2735 et suiv
87 -
[ CAGOULE ]
Ainsi la coule el le froc étaient deux vêtements parfaitement
distincts, et la coule était posée sur le froc. Les bénédictins des
premiers siècles portaient la cagoule ou cuculle longue, et le scapu-
laire réservé pour les heures de travail *.
La ligure 1 donne la forjnc de la cuculle au milieu du \i° siècle - ;
en A, est tracée la moitié de ce vêtement de face. La ilgure 2 donne
' Voyez Miiliillon, A7in. ord. S. Benedicti, l. I, lib. V. p. 122. — Sigelierlus Ocm-
Wac, p. 120, ('•liit. Basil., 1.j6j : « Proplcr opcra lanhim cousliluil S. Buueilirtus
" aUerain ciiciillaiii. quœ dicitur scapulnre, eo qiiod lnijusinodi vcstis ajita sit caput
■' hiidiiiii L't scapiilas tegnre. » — Régula S. lîcn.cdicli. i-ap. i.v : « Scapuliifi' iiroptcr
" i)]iei'a. — Quie laboravcriul. cuin scapulari laborare possuuL »
^ .Miihillon, AuH. ord. S. Ucncd., I. I. lih. V. p. I2ll.
i
[ CAGOULE ] — 88 —
la forme du scapulaire à la même époque i. Ces deux vêlements
appartenaient aux bénédictins. La tunique longue est blanche, et le
scapulaire, ou cucuUe, noir et d'étoffe de laine épaisse Ce vête-
ment n'était pas seulement porté par les religieux, les laïques s'en
1 Mîil.illou, A?in. ord. S. Bcned., t. I, lih. V. p. 121.
- 89
[ CAGOULE
servaient, et il prenait le nom de coule, cagoule ou cape. Mais
alors, habituellement dépourvu d'ouvertures latérales pour passer
les bras, ce n'était qu'une sorte d'aumusse ample, non ouverte sur le
devant. Nous trouvons la forme bien caractérisée de ce vêtement
dans une vignette de la Bible de Souvigny, déposée aujourd'hui dans
la bibliothèque de Moulins. Il s'agit de la vignette représentant le
prophète Amos, « l'un des bergers de Thécué », dit lEcriture. Amos
porte une tunique de peau, une gibecière et une cagoule doublée
de poils (fig. 3) '. Celte coule n'a point de manches ; c'est une cape
ronde, fermée, descendant jusqu'aux genoux, garnie d'un capuchon
et taillée comme l'indique la ligure 4.
La cuculle monastique ne changea guère de forme jusqu'au
xvr siècle, non plus que la cagoule des laïques, réservée seulement
pour les paysans ou le bas peuple. Pendant le xiV siècle, la cagoule
' l.a Hililc (le latilKiYc de Suuviiiuv iImIi' ilc 1 1 I .'i
III.
12
CAPE ]
90
était frcquemmeul portée par les vilains, et ne différait de celle
présentée ligure 4 que par rallongement exagéré de la pointe du
capuchon et par le fcstonnage du pourtour inférieur. Ce vêtement
était fait ordinairement de drap ou de grosse serge doublée ; il
n'était ouvert sur le devant que de a en b, pour laisser passer la
tête. Vers les derniers temps, quelques boutons étaient attachés
au-dessous du point a pour pouvoir brider l'ouverture ab autour
du visage, et empêcher ainsi le capuchon de se rabattre sur le dos.
CAPE. s. f. {chape, pluvial, planète). Le pluvial, dit du Gange, est
le vêtement qui sert à garantir l'homme contre la pluie, et c'est
en effet à cet usage que le pluvial ou cape * fut d'abord employé.
Le pluvial se retrouve dans les monuments figurés de la Grèce et de
Rome ; c'est la pœniila, le manteau à capuchon, la cape de voyage.
Mercure est parfois, en sa (lualité de messager, revêtu de la pénule.
G'est une cape ronde, fermée presque totalement par devant, avec
capuchon (fig. 1) -.
Quelques personnages peinis dans les catacombes de Rome sont
vêtus de la cape ronde, sans autre ouverture que celle nécessaire
' ' Vcstis phivialis, qu;p cuppa vocitaliir. >> V/ta S. Odonis. abb. Chininc lih. II.J
'- Voyez Octavii Fervnrii de re vestiaria Ubri septeiyi. 16.'i4. p. 79 : « Quid minus
i< proMipliiii: ;iil piit;ii:iin. i-uiii p(i>aiiln
« essat... » (Cic. pro Alilone .)
iri'oliliis. iiii'il;i iinpeiiitus, uxore pivne roustrictus
— 91 — [ CAPE ]
pour passer la lèto, (t sans capuchon (fig. 2) '. Ce vctement, nsilé
1.
£^ CL'.i-MUMJT .
chez les Grecs, adopti par les Romains, demeura dans les Gaules.
0
On considérait la pénule comme pouvant èlre portée indilïéremmenl,
soit comme hahit religieux, soit comme hahit civil, sous l'empire,
1 liosio, Wonia sollerrnned. \\h. III, rap. xxxvn. ])oiiiture do la clianilirc liii ciiin'liôrc
de Sauil-Manelliii.
[ CAPK J - 92 —
par les lioiiimes et par les femmes '. Guillaume Durand - parle ainsi
du pluvial : « Il y a uu autre habit qu'on appelle pluvial ou chape
{capa), et qu'on croit avoir remplacé la tunique de l'ancienne loi ;
d'où vient que, de même que la première était garnie de petites
clochettes, ainsi la seconde l'est de franges, qui sont les labeurs et
les inquiétudes de ce monde. Elle a aussi un capuchon... Elle des-
cend jusqu'aux pieds... ; elle est ouverte dans sa partie antérieure...
La chape est large à l'intérieur, et l'on n'y coud qu'une agrafe, qui
est nécessaire pour l'attacher... » Il y a la cape destinée à l'usage
civil, et la chape destinée à l'usage religieux. Ce vêtement, qui, dans
l'origine, n'avait qu'un usage d'utilité, devint, dès les premiers temps
du moyen âge, un habit honorable. A l'occasion de certaines solen-
nités, les empereurs d'Occident portaient la chape. Il en était de
même pour les prélats. Guibert de Nogent rapporte ^ qu'il y avait
dans la seconde armée des croisés, qui fut battue aux frontières de
l'Arménie en 1099, « un certain archevêque de Milan, qui avait em-
porté avec lui une chape du bienheureux Ambroise, toute blanche et
resplendissante, et tellement ornée de dorures et de pierreries d'une
grande valeur, qu'en aucun lieu de la terre on n'eût pu en trouver
de semblable. Les Turcs s'en emparèrent et l'emportèrent, et Dieu
punit ainsi la folie de ce prélat étourdi, qui avait porté dans le pays
des barbares un objet aussi sacré. » Ces chapes sacerdotales étaient
donc parfois d'une grande richesse pendant les premiers siècles du
moyen âge ; on en peut donner comme preuve la chape de saint
Mesme, conservée dans l'église Saint-Etienne de Chinon, et qui peut
dater du iv^ siècle ; celle de Charlemagne, dépendant du trésor de
la cathédrale de Metz, qui date du vni^ ou ix* siècle. Ces deux chapes
sont faites de tissus de soie qui paraissent d'origine orientale ; ils
sont d'une parfaite beauté (voy. Étoffe). Il ne faut pas confondre la
chape avec le manteau ; la chape est exactement ronde, avec un trou
au milieu pour passer la tête, ouverte ou fermée et habituellement
garnie d'un capuchon. La chape de cérémonie, la chape épiscopale,
impériale ou royale, est ouverte sur le devant et prend la forme
que donne la figure 3. C'est aussi le vêtement désigné parfois sous
le nom de planète. Une ouverture A est pratiquée sur le devant ; la
tête passe en B, et en C est une large bride ou agrafe qui maintient
' '( Coiniiiunia siint qiiibus promiscuc utitur millier cum viro : veluti pœmila pal-
« liuiiivc est, et reliqua luijiisinotli ; quilnis sine rcpreliensioiie vel vir vel uxor utatiir. »
(Ulpiamis.)
* Rationn/e, lib. IH, cap. i, § V,].
^ Hïst. dc'scroisrif/ps. liv. VU.
— 93 - [ CAPE ]
les deux bords fermés sur les épaules ;eii D est le capuchon. Un galon
étroit borde Torle circulaire, et deux larges broderies les deux bords
E. Les religieux et religieuses portaient en voyage la cape fermée,
toujours sans manches. Quehjues chanoines ayant fait mettre des
manches à leurs chapes, les synodes provinciaux interdirent celte
innovation. L'ouverture supérieure de la chape fermée s'appelait
le gouleron ou la goule. Ce vêtement fut, pendant tout le cours
du moyen âge. porté indifféremment par les hommes et par les
femmes, soit dans les ordres, soit laïques. Il était très-commun,
puisque Louis VII défendit aux courtisanes de porter des capes dans
les rues, afin qu'on ne pût les confondre avec les honnêtes femmes.
Les gens de guerre portaient des capes au \ni° siècle : « Hastens
« fist armer ses gens sous leur chappes '.... » — « Cil saillirent,
« qui armés estoient souz leur chappes -.... » — « Et ses genz, qui
<« bien estoient armez desouz' leurs chappes ^...» Ces capes étaient
portées contre le mauvais temps :
(( La nuit ad Reniait sôjurné,
a El demain quant il ont disnû,
» Ke il sont ke li Dus iiicnga,
H Une chape a pluie afiibla,
'( De suz la chape se fist reiudre,
K El 0(1 une coinctiu-e estreiiidre '* ».
' Chron. de No) ntfiîidie.
2 IbifL
3 lùid.
• Romrni de Rou. vers 7177.
[ CAPE ] — 9i —
Ce passage donne à penser que celle chape à pluie était froncée
pai' le haut, car il ne serait guère possible de mettre une ceinture
par-dessus la chape ronde. En effet, la cape civile est parfois froncée
au col, ainsi que le vêtement fort ancien connu aujourd'hui sous le
nom de limousine, et est garnie d'un capuchon. On avait aussi des
chapes fourrées pour porter dans l'intérieur des habitations, comme
nous portons des robes de chambre :
■< Assiz estoit eu sa chaiiTc :
<i Une riche chape forrée,
» Sans manclie, avoit afubléc 1. »
(1 D'une cape s'est afublés
<. D'escarlate, si est fourée
« D'ennines lins, et s'est oi'l''e
c. D'un bas sebelin noir canu ^. »
Nous parlerons d'abord des chapes adoptées par les religieux. Ces
chapes, ainsi que nous l'avons dit, sont ouvertes sur le devant ou
fermées. Celles ouvertes ont un caractère plus particulièrement
sacré ; ce sont les chapes épiscopales, impériales, royales, avec ou
sans capuchon, le plus souvent avec capuchon. La chape épiscopale
se distingue de la chasuble, — bien que l'origine de ces deux vête-
ments soit la même, — en ce que la première est ouverte par devant,
ronde, tandis que la seconde est fermée et triangulaire, puis tra-
pézo'idale (voy. Chasuble). La figure 3 donne la chape des religieux
réguliers développée. Lorsque cette chape est portée, elle se drape,
ainsi que l'explique la figure 4. La figure 5 présente la chape épi-
scopale de l'évêque Pierre de Roquefort, mort au commencement du
xive siècle, et enterré dans la cathédrale Saint-Nazaire de la cité de
Carcassonne. Cette statue, grande comme nature, est du plus haut
intérêt au point de vue du costume épiscopal. Par-dessus l'étole,
dont on voit passer les franges au-dessus des pieds sur la soutane,
l'évêque porte deux robes, dont l'aube, garnie par le bas d'une large
broderie. Cette aube est à manches larges, avec galons au bas et
petite frange. Le manipule ne passe pas sur la manche, mais est
attaché sur l'un de ses côtés. La chape est sans capuchon, maintenue
au moyen d'une large agrafe circulaire , sur laquelle est ciselé
l'agneau. Une riche bordure aux armes du prélat ' et de France, et
1 Le Do/opa(/tos d'Hobers. Hist. de Virijile.
2 Li Romans d'Amadns et Ydoine. vers 37SS et suiv..
3 Psahu., ancien fonds Saiul-Gcnnaia. u" 37, liihliolh. iin|)('r. (xiii'" siècle).
- 9o -
[ CAPE ]
une basse frange, garnissent les bords du vêtement et tournent autour
du cou, qui ne parait pas être protégé par l'amict. Les mains sont
gantées. A la crosse est attachée cette pièce d'étoiïe, le sudarium
(mouchoir), (]u"on ne trouve que dans queUpies diocèses de France
(voy. MoucHoui). Cette belle statue est sculptée dans un grès très-
ferme.
La forme de la chape épiscopale, ou sacerdotale, ne change pas
depuis lors jusqu'au xv" siècle, si ce n"est que l'agrafe est souvent
remplacée par une large bande de broderie, de manière à moins
brider le vêtement sur les épaules (lig. 6) -. Alors (au xv'' siècle) on
' I>icrr(' (i • llo iiictorl iioilail : de ijneules à trois rocs d'échtr/uiers d'or, deux en
chef, un en pointe.
» Frii;;inf!ii(s (l(''pos.''S dans les chiQUcrs di la caUicdralc de Moulins. La lij^iira osl
vrliic d'au suriilis sous la, eliape.
[ CAPE J
06
■'. Ci'/iiMj,;'S'l
— 97 — [ CAl'E ]
commençait à fabriquer des chapes déloffes épaisses couvertes d'or-
fiois et de broderies lourdes ; il fallait ([ue ce vêtement ne pesât pas
trop sur les épaules, et la large bride permettait à la chape de serrer le
f
haut des bras (ce qui est très-gênant) en fatiguant moins les épaules.
Les chapes adoptées aujourd'hui pai- l'Église sont de véi'itables gué-
7
rites, tant elles sont roidcs, pesantes et couvertes de grosses bro-
deries ; les patients contraints à porter ce vêlement, qui fait souvenir
des damnés du Dante, ne sauraient renmer les bras, et ressemblent
m. - 13
[ CAI'K ] — 98 -
à (.rénormos ('leigiioirs. Quaiil an capuchon, il csl remplacé par
une sorte de pelil tablier frangé carré, avec angles arrondis, qui
ligurent des élytres mal développés. C'est ainsi que peu à peu
rÉglise a gàlé les plus beaux vêtements du clergé, par amour du
faux luxe.
Nous avons dit plus haut que les religieux portaient des chapes
rondes fermées, avec capuchon. Ces capes avaient, pliées, la forme
donnée figure 7 ; le capuchon étant en A et le devant de la cape en
B. Ces capes descendaient jusqu'aux talons, et étaient adoptées par
les chanoines, en hiver, et par la plupart des ordres religieux,
notamment pendant les funérailles.
La forme de ces capes rondes et fermées n'était pas susceptible
de modification, aussi resta-t-elle la même pendant les xni% xiv" et
xv"^ siècles. Pour faire usage des mains, il fallait nécessairement
relever les bords de la cape (fig. 8) S ce qui donnait de très-beaux plis.
Cette cape fermée ne pouvait être mise qu'en passant la tête par
l'orifice du milieu auquel était adapté le capuchon de forme carrée
(voy. fig. 7). Parfois, ces capes étaient doublées de fourrures ; elles
étaient, en voyage à cheval, portées par les femmes aussi bien que
par les hommes. Dans le joli conte du Vair palefroy-, la demoiselle
est entraînée la nuit devant la porte du château de son amant par
son cheval. Le guetteur décrit ainsi les habits de la demoiselle au
châtelain :
« Une faîne desconscillie,
'( Joue de samblant cl d'aage,
» Est issue de col boscage,
" Atoruée moU richement ;
« Molt sont riclic li garuenieul ;
« Avis m'est que soit afuhléc
» D'uue l'iche chape fori'ée ;
« Li drap me sembleut d'cscarlate
Il »
Entrée dans le château :
« De sa chape csl desHlublée. »
Ces capes fermées (de voyage) étaient portées par les clercs, les
religieux et les prélats, comme par les laïques ; mais elles étaient
' Voyez, cnire aiilrt's slaliies ainsi viHucs, celles du tombeau de Jehan 1'''", due de
llerry, k Bourges (1416).
' Contes anciens (niss. u" TiilS, Biblii)lh. im;i;''i'.). publiés par Barbazaa. t. 1, p. -{\i
(xiii" siècle).
- 09 - [ CAPE ]
taillées plus courtes et garnies sans faule du capuchon. Nous en
8
^«
trouvons niainls exemples dans les vignettes et les peintures des xni*
et xive siècles. La figure 9 montre une de ces capes portée par un
rAr>r,
100
canliiiul ' ; ello est relevée sur l'épaule di'oilc el couvre les genoux.
Sur le capuchon est posée la barrelle alLacliée par des cordons. Ce
vêtement, tissé de grosse laine et doublé de serge, de fourrures ou de
soie, suivant la condilion des personnages, préservait parfaitement
de la pluie. Dans un conle du xnf siècle, il est question d'un reli-
gieux qui, à cheval pour se sauver plus rapidemeut.
c. Deffuhlc sa chape esramineut,
" Et les deniers, et la monoie
1. Gieta trestout amiiii la voie-. »
Les capes civiles étaient parfois très-riches. Les messagers se
présentaient devant les grands, revêtus de capes faites d'étoffes pré-
' Tapisseries de Saiiit-Mi'dard de Paris (xiii'' siècle). Callecl. (kiiguères de la hihliûth.
IJodléieune d'Oxford.
2 Fnhliaux et co?it:s : Le chevalier qui faisoit parler les., et les..., éilit. d"Ains!er-
daiii. n.jti, t. 111.
DICTIONNAIRE^ DU MOBILIER FRANÇAIS
Tome III.
Cape, FiG. 11
CAPE Di: MESSAGER.
Ch. Eggimann, éditeur.
Imp. MoTTEnoz et Martinet
1
I
4
— 101 - [ CAPE ]
cieuses : ce vêtement tenait, d'ailleurs, à leur qualité' ; ils en rece-
vaient en cadeau lorsqu'on voulait faire honneur à celui qui les
envoyait.
Ces capes parées étaient ouvertes par devant, percées de deux
trous latéralement, pour passer les bras, et de la goule avec le
capuchon (voy. fig. 10). comme la cape (iig. 7). Cela ressemblait foil
au burnous arabe auquel deux fentes latérales A seraient pratiquées
pour passer les bras au besoin. Mais il était une manière élégante
de porter ce vêtement, c'était de passer un bras par l'une des fentes
A, et la tête par l'autre fente A', de telle sorte que le capuchon
pendît par derrière sur l'une des épaules, et que l'ouverture B se
trouvât placée par conséquent devant cette épaule.
Entre l'ouverture B et la goule étaient faites en C de riches bro-
deries, parfois avec des glands ou franges qui produisaient bon
etïet, le vêtement étant porté comme nous venons de le dire. La
figure 11 explique cette manière de porter la cape ~. Mais, à dater du
commencement du xiv'' siècle, l'ouverture de la cape civile est placée
souvent sur le côté droit, afin de laisser au bras toute sa liberté.
Nous voyons des capes ainsi figurées et doublées de fourrures dans
un tableau représentant l'institution de l'ordre de Bourbon, vers
1362, et, avant cette époque, dans le manuscrit des statuts de l'ordi-e
' La cuiM! des messagers, des hérauts cl IrDiLiiicUcs. inil [iliis tard le iioni de casiiquc.
- Voyez dans Gaigiières la statue d(; IMiiliiipe le Hardi, de l'abbaye de Hovauuiord.
Cette statue est vêtue d'une cane mise coihiik! celle de la tigure il.
CAPE i
10^2
du Saint-Espril on du Nœud, déposé dans le nmsée des Souverains
au Louvre (fig. 42) '. La cape fendue du côté droit se retrouve
J3
encore dans le grand costume de l'ordre de la Toison d'or, institué
par Philippe le Bon. duc de Bourgogne. Mais cette cape du xv^ siècle
est froncée au collet. En voici la description : « Art. xxv... Ledit
< Cet ortlro a élu justitué par Louis d'Anjou, a Naples, en 13d;'..
103
[ CAPE ]
n
4
K
E. CmiAi/HGT^
« sousciuin eL les clicMiliors de l'urdic i)aicill''iiienl vesUis de niiiu-
\ CEIMIHK 1 — lO't —
" leaux crescarlalc vernioille, entour, par l»as et a la fente, richement
« bordez de large semence de fuzils (briquets), cailloux, estincelles
« et Iboisons ; fourrez de menu vair, longs jusques à terre '.... »
l'endant le \iV siècle, les bourgeois, aussi bien que les gentils-
hommes, portaient la cape ouverte latéralement. Nous avons un
très-bel exemple de ce vêtement, et de la manière de le porter, sur
la tombe de Pierre Derbice, bourgeois de Troyes, décédé en 1348
et enterré dans l'église Saint-Urbain.
Cette dalle gravée, Fune des plus belles qui se puissent voir, sert
aujourd'hui de marche d'entrée de chapelle dans l'église Saint-
Urbain, et ne lardera guère à être profondément altérée. Déjà la
tête, incrustée en marbre, a été enlevée. Nous reproduisons aussi
fidèlement que possible (lig. 13) cette remarquable gravure, qui
donne une haute idée des dessinateurs de l'école champenoise au
xive siècle -.
La cape ouverte latéralement, et la cape ronde ouverte par devant,
furent portées par la bourgeoisie pendant tout le cours du xv" siècle.
Mais, dans le bas peuple, la cagoule ou la cape froncée comme notre
limousine continuèrent à être le vêtement de campagne contre la
pluie et les frimas. La cape fendue latéralement est un vêlement
élégant d'homme riche, qui ne parait pas être descendu au-dessous
de la haute bourgeoisie.
CEINTURE, s. f. {çainture, saincture). Nous ne nous occupons
ici que de la ceinture civile : la ceinture militaire, si importante
dans le costume des hommes d'armes du moyen âge, trouve sa place
dans la partie des Armes.
La ceinture que les hommes portaient en Occident pendant la
période carlovingienne retenait la tunique, et n'était habituellement
qu'une bande dï'lotîe enroulée autour de la taille. Les Normands,
qui portaient des braies dès celle époque (voy. Bhaies), les mainte-
naient au-dessus des hanches, à laide d'une courroie mince qui
passait par des trous pratiqués au bord supérieur du vêlement ; puis
une ceinture d'étoffe cachait la jonction du braiel avec le justau-
corps qui passait sous ces braies. Au xn" siècle encore, les hommes
nobles, dans la vie civile, ne portaient pas habilueilement de cein-
tures ; les courroies entourant la taille n'étaient adoptées que par les
gens du peuple, afin de maintenir la tunique courte. La ceinture
faisait cependant partie du vêlement des hommes pendant la période
' Voyez Gaigiières cl Willcniin, M vmmienis français inédils, t. II. pi. 162.
* Willciiiin a doniir roiiseiiiMe de ccUc loiiihc, tmiio I, pi. 124.
— Ulo — [ CELMURE ]
luérovingienne : elle serrait la robe au-dessus des hanches, et ces
ceintures étaient enriciiies de boucles, de plaques et de bouts de
métal. D'ailleurs, la ceinture civile, à cette époque, se distingue
de la ceinture mililaire. Celle dernière est babiluellement garnie
de boucles et plaques de fer damasquiné, très-larges, tandis que la
ceinture civile est munie de boucles de métal d'alliage, de bronze,
dargent ou même d'or, assez étroites.
La ligure 1 donne une de ces boucles mérovingiennes d'haljils
civils de l'école primitive \ La courroie, fendue à son extrémité,
passait sous l'ardillon, tournait aulour de la broche B, était repliée
/£ç^A'^^r/^//. V
par-dessous et maintenue au moyen de deux ou trois plaques-rivets,
ainsi (|ue l'indique la section A. L'ardillon étail à peu près immo-
bile, et c'était l'anneau G qui, pivotant, permettait de passer l'extré-
mité opposée de la couri'oie. Ces boucles de ceinture se trouvent en
grand nombre dans les tombeaux de la première période mérovin-
gienne, et sont une importation d'origine indo-européenne. Elles ne
lardent pas à disparaître.
Dans les fouilles que nous avons fait faire au milieu du Iranssept
de l'église abbatiale de Sainl-Denis, nous avons trouvé un certain
nombre de sarcophages mérovingiens de l'époque de Dagobert. L'un
de ces sarcophages contenait quelques fragments d'étolfe entièi'c-
ment consumés, et les débris d'une ceinture ornée de plaipics
d'argent ciselé et doré. Sur la courroie étaient rivées quehiues
' bii imis(''(! du cliàlcMii (lo ('.i)iii]iir;,'ii('. lniiihrs iiirrovlugieuncs. Noire graviii'c est
graudciir d'exi'ciilioii.
III. - 14
r ŒIMinE
106 —
plaques représentées en A (lîg. 2), puis un bout B '. La boucle était
rongée par la rouille, et celle que nous donnons ici en C provient
d'ailleurs -, mais date de la même époque. Après avoir été arrêtée
par l'ardillon, le bout de la courroie passait par la boucle D et
retombait sur la robe assez bas. L'inlluence des vêtements byzantins
fut telle sur les modes françaises, pendant la première moitié du
2
, ,
;i
— ll-
i,
j! ^— !l
1; ri
li
14-
tiM-i iT 'iif
\u^ siècle, que les ceintures ne firent plus partie du vêtement civil
des hommes nobles (voy. Robe). Elles furent au contraire de mise
pour les vêtements des femmes et d'une extrême richesse.
Celte ceinture (fig. 3), posée sur le ventre, à la hauteur des
hanches, était croisée par derrière, retombait à la jonction du cor-
sage du bliaut ■' avec la jupe. Là elle était nouée lâche et laissait
' Ces objets sont (Iqiosf's au iniis;''(' de Chiny. Ils Si)ii( reproduits ici graiKtciir
(t'exéculion.
- Musl'C du château de C.oni'piègue.
■* Vovez IJmait.
— 107 — [ CEINTURE ]
pendre deux longs bouts de soie Iressée K Couverte d'une passemen-
terie ornée d'orfèvrerie, la ceinture devenait souple au point où le
3
£.CU/i:LaUMQZ,
nœud devait être fait ; c'est ce qu'explique la ligure 4. C-es bouts A
étaient composés de ganses de soie tressées ou juxtaposées, serrées
* Figures du portail liopl de lu eatliédriile de Cliarlrcs ;il lU euvirou).
I CEINTURE ] — 108 —
de distance en dislance par des bagnes d'orfèvrerie B. Quand on
observe comme était fait le bliaut, comme la jupe de ce vêtement
était retenue au corsage, cette ceinture devenait nécessaire pour
dissimuler la jonction de ces deux parties de l'habit. Quelquefois
elle ne consistait qu'en une longue bande d'étolïc très-riche, comme
une sorte d'écharpe étroite.
A la fin du xn° siècle, le vêtement civil des hommes se modifia
complètement : plus de robes longues à manches démesurément
larges ; plus de ces passementeries entremêlées de pierreries. La
tunique ne descend que jusqu'aux chevilles, elle est à manches
étroites ; le bliaut la recouvre parfois, et une ceinture étroite ceint
habituellement la taille. Il en est de môme pour les femmes, si ce
109 —
[ CEINTURE ]
n'est que la robe descend sur les pieds i. La figure 5 présente une
de ces ceintures d'hommes nobles, pendant la première moitié du
5
f,f/M,\ f^i^
IZ&^J —
xui" siècle. Sur la courroie sont rivées des plaques de métal doré ou
émaillé2, dont nous donnons un détail, grandeur d'exécution, en A,
> Voyez, il l'arti('le Bliaut, la figure 4.
' Statue (le Karlonian. lils de Pcpiii (ahlmyc de Suiiil-De lis) ; ligures sculptées vers
1240.
[ CElNTinK ] — 110 —
el qui (Maicnt dcslinées h rmpéclier celle courroie, faile de cuir
souple ou même d'un lissu de soie, de se plisser.
Pendant le cours des xni" el xiv" siècles, les ceintures des vêle-
ments d'hommes sont étroites et souvent garnies de plaques d'orfè-
vrerie, de bouts de métal finement travaillés. Voici (fig. 6) l'un de
"S,
£^c;'££Aaifar.
ces bouts, avec un ajour qui laissait voir TétofTe ou le cuir coloré '.
Cet objet, qui date du mv*" siècle, est de bronze. La figure 7 donne
deux autres bouts de ceintures également de cuivre. Tous deux
datent du commencement du xv" siècle. Celui A est composé de trois
plaques de métal, la plaque de dessus faisant ornement. La courroie
' Du musée de? fouill.'s du chàtL'au de Pierrefouils,
— MI — [ CEIM'LRE ]
était, dans ces trois exemples, pincée et rivée entre deux plaques i.
Nos dessins étant reproduits grandeur d'exécution, on voit que ces
ceintures étaient fort étroites.
I
A
'/M
Vers Tannée i;-}fîO, les l'cmnics iir [lortaient de ceintures que
' Miis.M' (l.'S toiiill's (la cliAti'au de l'icn-cloMils.
CEINTURE
112 —
comme oi'ncmciit d'éloll'e ou (rorfévrerie, mais non pour serrer la
taille. Ces ceintures, amples, lâches, étaient posées à la hauteur des
hanches, comme le serait une éch;irpe tordue. Il était de mode alors,
8
^A..
I
chez les dames qui prétendaient être bien mises, de faire saillir le
ventre, et la ceinture tombait au-dessous du nombril. Aussi Jehan
de 3Ieung éci-ivait-il en ces temps, dans son Testament ', les vers
suivants :
" De telles eu verras par Paris offrir maintes.
" (jiii ainsi com je di sunl senglées et ceintes
■ D'uces large; ceintures, qui si pou sunt eslraintes,
« Qu'on ne cognoist sovent les vuides des enceintes.
« Toutes sunt par raius 1 ''es, conihi.,'u que maigres soient ;
1 Ne sa! qu'elcs y boutent, ne qu'eles y emploient.
" Fors que viez peliçons. si com maintes gons croient ;
» Tuit se sevent, espoir, celles ou cilz qui m'oient.
' Le Tcsloment de mnislre Jrlmn de Mciaiff. ('dit. de Méou. p. 03.
— 113 — [ CELMLIŒ J
<( Mt'toDS iiu'eles tout Ijicu, le mal apclirou
« Car cil denii-chiot, ou demi peliyon
" Doul elcs siint bordées ainsiui' coin hrriroii,
» Les gardent maintes fois de froit et de frirou. »
La figure 8 reproduit une de ces toilettes '. La ceinture est ici une
bande d'étoffe souple, tordue. Cette mode persista avec quelques
variantes jusque vers 43o0 ; mais elle n'était point absolue, et sou-
vent les femmes alors ne portaient pas la ceinture. La robe de dessus
que présente notre vignette tient encore du bliaut et n'est pas
J
'^■OM'
encore le surcot. Quand ce dernier vêtement fut adopté par les
femmes (voy. Surcot), la ceinture fut posée sous le surcot, mais
toujours à la hauteur des hanches. Nous possédons de beaux et
nombreux exemples de cette parure dans nos monuments funéraires
de la seconde moitié du xiv^ siècle. Parmi les plus complets, il faut
citer la statue d'Ysabel d'Artois, lillc de Jehan d'Artois, comte d'Eu,
et d'Ysabel de Melun. Cette Ysabel d'Artois mourut en 1379, et son
efligie est aujourd'hui déposée dans les caves de l'église d'Eu, Gai-
gnères l'a reproduite avec les peintures qui ornaient ses vêlements.
' Du roniuu /e*' Merveilles du monde (première moi lié du xiv" sièele], lîihliolli.
iiMpér.. li" S:i!):i.
111. — l.'J.
i CEIMLIIK ]
ii4
La figure 9 montre comme est posée la ceinture d'orfèvrerie sous
le surcot, à la hauteur des hanches'.
Le port de la ceinture était, pour les femmes, une marque hono-
rable, et pendant les xiV et xv" siècles plusieurs édits royaux défen-
dirent aux femmes de mauvaise vie d'en porter, sous peine de la
prison et de la confiscation de la parure. Dans les comptes de la
prévôté de Paris, il est souvent question de ces rigueurs exercées
contre les prostituées. A la date de 14o9, on y lit, à l'article Forfai-
tures : « Une ceinture ferrée (garnie) de boucle, mordant et cloes
« d'argent doré, pesant deux onces et demie, avec une surceinle
^0
^.A\
H aussi ferrée de boucle, mordant et clos d'argent doré, un Pater
« nosier de corail, tels quels à houtons, et un Agmis Dei d'argent,
« des heures à femme telles quelles, à un fermoir d'argent doré, et
« collet de satin fourré de menu vair, tel quel, advenus au Roy nostre
« Sire par la confiscation de demoiselle Laurence de Villers, femme
« amoureuse, constituée prisonnière pour le port d'icelles, etc. -. »
Le surcot des femmes persista jusqu'à la fin du xiv^ siècle, et,
avec ce surcot, la ceinture basse sur les hanches. Il fut même admis
dans les toilettes d'apparat, jusqu'à la lin du règuc de Charles VI,
avec quelques variantes dans la forme. Mais, à cette époque, de
longues qu'elles étaient, les tailles des femmes deviennent Irès-
' Voyez aussi, dans réglisc abbatiale du Saiul-Deuis, les slaliics de Jcaiiae de lioiir-
bon et de Béatrix de Bourbon, laquelle mourut en 13S3.
^ Sauvai, Antu/uit. de la vU/c de Paris, t. ill. ]). .iliO.
— 1 I O — [ CEINTURE ]
courtes et sont serrées par de larges ceintures d'or, de passemen-
terie ou d'orfèvrerie (fig. iO)'.
C'est à ces ceintures que les femmes suspendaient de petits objets,
patenôtres, boursettes, miroirs, clefs, etc.
Il est souvent question, dans les contes et fabliaux, de ceintures
auxquelles sont suspendus des escarcelles, des ècriloires, des cou-
teaux, des clefs. Aussi, quand on faisait cession pour dettes, on se
dépouillait de sa ceinture devant les juges ; c'était se dépouiller du
droit de propriété.
Les inventaires des xiv^ et xv' siècles mentionnent des ceintures
très-riches garnies de leur bourse : « Pour une ceinture et pour une
« bourse faite à l'aiguille, d'or de Chippre- » — « Pour une
« ceinture blanche, ferrée d'argent » — « Pour une fleur de lis
« et une ceinture d'or à rubis et à esmeraudes ^ « — « Pour
« faire et forger pour ledit M"" d'Orliens deux roses d'or fin et d'ar-
« gent esmailliées de rouge cler, et furent mises en sa bonne çain-
« ture à perles^ » — « Une ceinture d'or pesant deux marcs.
« trois onces quatre esterlins, achetée 136 francs 3 sols 6 de-
<< niers " »
Les ceintures elles-mêmes servaient de bourse, ainsi que cela se
pratique encore chez les habitants de la campagne. Un conte du
xiv^ siècle*^ nous montre un certain sacrislain qui veut séduire une
bourgeoise et lui promet cent livres. La dame fait semblant d'accep-
ter, de complicité avec son mari. Dès que l'église est fermée, atin de
se procurer la somme promise, le moine :
<' pense de sou affaire,
« Puis cerche boites et armoires
<i Et les autex as seintuaires
<i Où la gent ont l'offrande mise
u Qui oreut oï le service.
" Une grant corroie a pnijilic,
« De ce ne li menti-il mie,
M Que bien cent livres u'i éust;
(. Voire encore plus, se il pcust,
" Eu i iMist voleuliurs mis. »
' Mss. des Chroniques de Froissart (xv» siècle), liibliotli. imiiér.
- Comptes (le Geo//'roi de Fleuri, l.'il6.
•' ma.
'• Comptes (i'Et. de la Fontainr, 13'i2.
■' Invent, de Louis d'Orléans, l'-i^l .
•"' Du Segreiaïn, moine, uiauuscr. fonds Saiut-Cermaiu. u" IS.'Jd. lîarliazan. t. i.
II. 0/,-)
[ CEINTURE ] — 116 —
A dater de 'i;-530, les vèlemenls civils des hommes, de larges el
amples qu'ils étaient jusqu'alors, deviennent étroits, justes au corps,
el la ceinture n'est plus qu'un ornement comme pour les vêtements
des femmes. Le beau manuscrit des statuts de l'ordre du Saint-
Esprit an droit désir ou du Nœud < nous montre comment les
gentilshommes portaient la ceinture à cette époque (fig. 41). Elle
I
11
\
e. CUILL!\L'kDn
était lâche, posée à la hauteur des hanches, et il paraissait élégant de
la laisser tomber plus d'un côté que de l'autre. On y pouvait attacher
l'escarcelle et le couteau, mais cela ne se faisait point en compagnie.
Un peu plus tard, de 1370 à 1390, la ceinture est descendue au-
dessous des hanches ; elle est large, régulièrement posée et tient au
justaucorps (fig. 12). Il était de bon ton alors d'y suspendre le cou-
teau à manche rond, sur le côté de la cuisse droite. Ces ceintures
étaient de grand prix, couvertes de pierrei'ies.
Le 4 avril 1352, il est payé par Josseran de Mascou, receveur
général de la reine, « pour une ceinture achatée et payée du sien,
« baillée à madame Jehanne de France, fille du roy, à présent royne
« de Navarre, pour donner au roy de Navarre, son marry, le jour de
« leur fiançaillc, 700 écus d'or », somme considérable à cette époque.
Les bourgeoises rivalisaient, autant que faire se pouvait, avec les
1 13o2, musée des Souverains, au Louvre.
— 117 —
[ CEINTl-RE ]
dames nobles, en fait de toilette et de joyaux. Ce luxe, malgré les
édits somptuaires, compromettait toutes les fortunes, et les poètes
des XIV" et xV siècles ne cessent, dans leurs vers, de critiquer amè-
rement ces tendances de la classe bourgeoise :
'( Mainlenaiit failli avoir abils.
" Robes et aiiUrcs ahillciiieiis.
<< Verges d'or, perles el rubis.
« Sainctures dorées, dvameus.
" Menuz vers letices £;ris blans
Pour les bourgeois, occupés de leur négoce et de leurs affaires,
la ceinture était une véritable trousse à laquelle pendaient couteaux,
n
escarcelle, écritoire, ustensiles de métier (lig. 13)-. On portait en
voyage des ceintures de cuir qui pouvaient contenir de l'argent :
'( Dam.'% fel-il, f'esl véril(5,
'• Mes je vous ai ci apporté.
K Ne sai ijuaus deniers que j'avoie.
" Ataut li baille la cori'oic,
•> Qui iiioull csloil pluinr et farsie'^. »
Le goût des ceintures d'orfèvrerie passa do mode, cbez les
liommes, pour les habits civils, vers 14!2o, et reprit à la lin du
' La Complainte douloureuse du nouveau marié.
* Romandes merveilles du mo?ide, l^liO. Bibliolli. imprr , n" 8;392.
^ Conte de Constant Duhamely vers ."iSl et suiv. [Fahl. pA contes des xiir, xiv et
xv<" siècL's, 6dit. d'Amsterdam, 1700).
CKIM'llîK
— 118
xve siècle. Peiidanl celle période, les hommes ne portaient que des
cordons de soie ou d'or pour serrer les robes à la taille. Les femmes
cessèrent également de porter les larges ceintures que représente la
ligure iO, vers 1440 (voy. Robe), et ne commencèrent à reprendre
ces joyaux (jue vers les dernières années du xv° siècle. A cette
époque, les écuyers tranchants des grandes maisons, les maîtres
d'hôtel, portaient des ceintures munies de trousses, de couteaux.
'Jij.
Ces ceintures étaient décorées d'applications de métal, ne serraient
pas la taille, mais tombaient du côté gauche, n'étant retenues au-
dessus des hanches que par un anneau pris dans une agrafe. La
figure 14 donne une de ces ceintures*, qui date des premières
années du xvr siècle. En A, est tracé un détail, moitié d'exécution,
d'ornements de métal (cuivre doré) appliqués sur les courroies ;
en b, est un des œillets à travers lesquels passait l'ardillon de
la boucle -.
' Des siiJL'ts l'oudc tiiissL' d,' hi clùtiii'L' du chœur de la callirdrule d'Auii^us (luurt de
saiol Jeau-Baptiste).
- C.iiliiii '1 de r;u:t.,'i;r.
— il9 — [ CHAPEAU ]
CHAPEAU, s. m. {capiel, chapel, chapelet, chapiaux, ciivre-
cliief). Le cliapel, qu'il ne faut pas confondre avec le cliaperon,
s'entendait comme couronne de métal ou de fleurs, et comme
couvre-chef. Il y avait dans les villes, et notamment à Paris, la con-
frérie des fabricants de chapels de fleurs, simples couronnes portées
à l'occasion de certaines cérémonies et pendant les banquets. De
cette ancienne industrie nous n'avons conservé que le nom de cha-
peliers, donné à nos faiseurs de chapeaux d'hommes. Chacun sait
que, pendant l'antiquité grecque et romaine, il était d'usage de se
couronner de fleurs pendant les festins. Celte habitude se perpétua
pendant le moyen âge et jusqu'à l'époque de la renaissance. Alors,
comme on prétendait remettre en honneur les usages des anciens,
on abandonna celui-ci, qui était une tradition non interrompue de
l'antiquité. C'est là une de ces contradictions comme on en peut
signaler un grand nombre à celte époque.
Legrand d'Aussy, dans son Histoire de la vie privée des Français,
fait observer que la coutume de se couronner de fleurs remontait
à l'époque des Gaulois. Ceux-ci, « pour montrer l'assurance avec
laquelle ils marchaient au combat, et le mépris qu'ils avaient de
la morl, ne portaient, dit iElien, pour tout casque, dans un jour
de bataille, qu'une couronne de fleurs ».
Dès l'époque mérovingienne, toute personne noble portait les
cheveux longs ; les femmes se coiffaient de longues tresses pen-
dantes ; les hommes laissaient tomber leur chevelure à mi-hauteur
du cou. On ne pouvait se passer dès lors d'un cercle qui put main-
tenir ces longs cheveux et les empêcher de tomber sur les yeux. Ces
couronnes devenaient donc un accessoire indispensable, même lors-
qu'on avait la lôte nue, et elles étaient communes aux hommes et
aux femmes. Dans le Roman du châtelain de Coucy, écrit à la lin
du \n° siècle, la dame de Fayel fait don à son ami d'une couronne
à elle ' :
» Mes un cuevrcchiet' i'ailis (beau) ay
« Listé (borde) d'or que je vous douray,
« Et coissinet et bel et bon,
K De grosses pierres sont li bnuloii :
Il Mes avoir voel voslre fianee ^.
<( Que le porteras sans faillanee,
« N'k autre ne sera cbangiés. "
' Vers 5133 et suiv.
^ Mais je veux que vous nie pruuietlicz.
[ CIIAPE.U:
120
El plus turd, lorsque le sire de Coucy a remporté le prix de la
joute, il revoit sa dame et lui dit :
« Mes n'en fusse venus k cliicf (k mon honneur)
<( Se ne fust pour le cuevrechief
« Que :nc donnastes l'aulre jour
<i Avoec l'otlroy ilu vostre amour'. »
Ces cliapels étaient de véritables couronnes ornées de pierres
précieuses, de perles ou d'émaux (voy. Coukomne).
Quant aux cliapels de fleurs, on les voit fréquemment représentés
sur la tête des hommes et des femmes, dans les vignettes des manu-
F. niiLLntJMar.
^
scrits et sur les statues des xii", xiii'' et xiv" siècles. Souvent même
ces tleurs étaient laites en orfèvrerie et cousues sur un galon. Voici
(lig. 1) quelques exemples de ces cliapels-.
' Vers 3536 et suiv.
2 L'exemple A est pris sur une statue du portail de l'église de Saint-Thibaut (C6tc-
d 'Or;, .Mil" siècle ; l'exemple 1!. sur une statue d'un coude d'Étamiies {commencement
— ni — [ CHAPEAU ]
Les femmes plaraienl parfois ces chapels, ou couronnes de fleurs,
sur les voiles de molesquine ', mais le plus souvent sur les cheveux :
" Si voit de la forest issir
«' Tôt bêlement et à loisir
■■ Dusca .iiij. .xx. damoisclcs.
<• Ki cortoises furent et bêles.
" S'cstoient niolt bien acesniées (parées, ajustées; ;
<> Totes estoient desfublées,
» Ensi sans moelekins estoient,
•< Mais capeaus de roses avoieut
'■ En lor chiés mis. et d'aigleutijr.
" Por le plus doucement llairier.
« Totes estoient en bliaus
" Senglés, por le tans qui ert rliaus -'. u
Guillaume de Lorris, voulant exprimer comment il ne faut pas
tant lecherciier le luxe dans les vêtements que la bonne grâce, la
propreté, la distinction, s'exprime ainsi à propos de la coilïure :
H (/hapel de Hors qui petit couste,
« Ou de roses à Penthecouste,
« Ice puet bien chascuu avoir,
« Qu'il u'i convient pas granl avoir ^. »
Mais cette manière de coiffure était usitée aussi lors des entrées
solennelles, des processions :
« Bien sont vcslus li joucvencliiel :
>( Cliascuns ot eu son ehiefchapiel
« De roses et de flors diverses.
Il Par nii les rues ol grans presses
« Des gens qui resgarder les vint '». »
Ces chapels de lleurs étaient souvent donnes à des seigneurs,
à litre de redevances. « Les teneurs de la maison de la Bourvelie
« doibvent un chapeau de boutons de roses à trois rangs '. » Dans le
du xiV siècle) ; l'exemple ('-. sur la peinture de la princesse Hlanciie, fille de saint Louis
(xiii" siècle), et l'exemide D, sur une vignette d'un manuscrit de la tin du xiir siècle et
les vilraux de la cathédrale de Chartres.
I La molesquine était alors une sorte de toile très-line. cijiimic uolrc hatiste.
- Le /ni du trot (xiii" siècle).
3 lioman de la rose, vers 2108 et suiv.
* l\oman delà violette, vers 703 et suiv.
" Comptes de Raoul de la l'ortv. receuew de la seigneurie de Vavthenai. année 1j3o
(mauuscrit possédé jiar .Mmilcil. cih' par lui daiis i/s mdes de snn lltst. des Fiaurais,
I. iv, p. in;.
m. — IG
\ CHAPEAU 1 — 122 —
Roinnn de Lancelot, il est dit « qu'il ne fut jour où Laiicelot, ou
i< hiver ou été, n'eust au malin un chapel de fresclies roses sur la
« teste, fors seulement au vendredi et aux vigiles de hautes fesles.»
Ces chapels de lleurs furent l'origine de ces chapelets de perles ou
de pierres Unes que portaient les gentilshommes pour ceindre leurs
cheveux. De là sont venus les lorlils des barons, les couronnes des
comtes, des marquis, des ducs, car il était interdit aux roturiers de
porter autre chose que des couronnes de lleurs. Quoi qu'il en soil,
il était toujours convenable d'offrir un chapel de lleurs à un person-
nage noble, lorsqu'il entrait dans une ville ou présidait une assem-
blée ; et encore, à la tîn du xv" siècle, les dames de Naples présen-
tèrent à Charles VIII, entrant en vainqueur dans la ville, une
couronne de violettes.
Nous parlerons maintenant des chapeaux faits pour abriter la
tête. Du XI' au xvie siècle la variété de forme de ces couvre-chefs est
prodigieuse ; depuis le pctase antique jusqu'au mortier, au bonnet
de laine et à la calotte hémisphérique, tout a été successivement ou
simultanément adopté, et, bien que nous présentions ici un assez
grand nombre de ces chapeaux, nous ne pouvons espérer les donner
tous. Dès le xr siècle, on voit apparaître dans les bas-reliefs et les
vignettes des manuscrits le chapeau ou la calotte hémisphérique
sans rebords, simultanément avec le chapeau à basse forme et petits
bords si fi-é(iuemment représenté sur les monuments grecs.
Un des chapiteaux des colonnes engagées du bas côté sud de
l'église abbatiale de Vézelay (fin du xi" siècle) représente une scène
singulière. Un ménestrel semble charmer un être monstrueux en
— 'I2B — [ CHAPEAU ]
sonnant du cor. Ce personnage est coiffé d'un chapeau liéniisphé-
rique côtelé (fig. 2). Nous voyons une coiffure analogue adoptée
pour l'une des statues d'hommes du portail Royal de la cathé-
drale de Chartres (xii" siècle) (fig. 3). Ici les côtes se réunissent en
un joyau ayant la figure d'une plaque semi-circulaire, placée sur
le front. Ces côtes étaient faites d'une étotfe plissée sur une calotte
solide. Quelques vitraux et vignettes de manuscrits du xii" siècle
présentent la même coiffure spéciale aux hommes. Des figures qui
datent de la même époque, c'est-à-dire de 1140, et qui sont sculp-
J3
A
tées sur les bas-reliefs et les voussures de la porte Sainte-Anne
de Notre-Dame de Paris, nous montrent trois autres formes de
chapeaux (fig. 4). L'un, celui A, semble être fait en tricot, il est
orné de pointes saillantes en façon de petites pyramides; le second,
B, est évidemment de paille ou de jonc ; le troisième, C, paraît être
[ CHAPEAU ]
1^1
feutré. Personne n'ignore que les feutres datent d'une époque très-
reculée, et que sous l'empire romain il y avait des feulriers et des
métiers à foulons dans les Gaules '.
Dans les mêmes sculptures de la porte Sainte-Anne de Notre-Dame
de Paris, mais refaites au xni° siècle, les juifs sont représentés avec
des chapeaux dont la coupe est donnée ligure 5, et l'apparence
figure 6. En elTet, h cette époque -, les juifs étaient tenus, à Paris,
de porter des chapeaux pointus. Généralement, comme dans notre
exemple, l'extrémité supérieure du feutre est repliée et rentrée, en
partie, dans la base du cône. D'autres chapeaux, parmi ces sculp-
tures, et de la même époque, affectent la forme donnée figure 7.
y
Évidemment ces coiffures sont de feutre léger, souple. Ces chapeaux
étaient de couleurs différentes ; ceux des juifs étaient jaunes. Le
clergé avait adopté la couleur verte, et la cour de Rome lança des
décrets contre cette coutume, qui ne fut plus guère adoptée que par
les évêques. 11 va sans dire que la noblesse décorait les chapeaux avec
luxe; on les entourait de perles, de chaînes, de pièces d'orfèvrerie,
de fermaux. La forme de ces chapels s'était sensiblement modifiée.
1 Nous avons vu k Langres rr'piliiiihe d'un fn//o sur ua ciiipe qui pniivail dater
il 11 m" siècle,
i 120(1 a li'iO.
— i^O — [ CIIAPEAL- ]
Dès la lin du xiir siècle, on voit des seigneurs el des bourgeois
coiffés de chapeaux de feutre, mous, à larges bords retroussés, for-
mant souvent une pointe par devant (fig. 8) *. Ces feutres se por-
taient en campagne, par-dessus le capuchon de l'aumusse, ou sur un
chaperon serré (fig. 9). Le chapeau pouvait être arrêté au moyen
d'un cordonnet qu'on nouait sous le menton (voy. fig. 8). Il était
plus ou moins haut de forme, et le bord retroussé, abaissé devant les
yeux, tenait lieu de visière. C'est autour de ces chapeaux que les
gentilshommes riches posaient des chapelets de perles et de pierre-
ries, ou des cercles d'or également garnis de pierres fines, en façon
de couronnes -.
Les cavaliers portaient alors (seconde moitié du \\n^ siècle), ou de
simples capuchons, ou des chaperons assez semblables au pétase
anliiiue (fig. iO) \ On voit parfois ce chapeau placé derrière le dos
et retenu par son cordonnet autour du cou.
' Vi>n(>l[rs (lu niauuscril les Miracles de la sainte Viet-Qi-, liihlioUi. du séminaire
(le Soissons : De Girard qui s'occit.
' Voyez Couronne.
^ Apocalypse. Tiibliiilli. iniMÔr.. fomls IVa'Kviis, n" 7flt.'!.
[ chapf.au ] — 1-6 —
Le luxe des cliapcls fui |ioilé à la dernière limite vers le milieu
du \1Y* siècle. Le continuateur de Nangis dit qu'en l'année 1356,
les nobles couvraient leurs chapels et leurs ceintures de perles, de
pierres fines, de diamants, de plumes, si bien qu'alors les perles
acquirent une valeur exorbitante. Dans les comptes d'Etienne de la
Fontaine, nous trouvons cette description d'un chapeau de la reine * :
« Poui- un chapel d'or à 4 troches - de perles, en chacune troche
« 12 perles, 28 pièces de rubis et ballis, 8 grosses émeraudes,
« 5 autres moiennes, 8 autres petites et 8 dyamens ; tout pesant
« 1 marc 7 onces o esterlins. » Et dans l'inventaire dressé en 1353 :
« Pour 1 cliapiau de bièvre ^ fourré d'ermines semé de perles
<i d'Orient, à un laz garny de 4 boutons de perles, et y faut 8 roses
'< de perles, contenant chascune rose 21 perles et 14 autres perles... »
En effet, on ne se contentait pas alors de chapeaux de feutre, on en
faisait en fourrures, en soie ou laine frisée, en velours, en orfrois.
Mais nous avons l'occasion de nous étendre sur ces couvre-chefs à
l'article Coiffure, d'autant que, pour les femmes, ils s'ajustaient
avec les cheveux.
Vers le milieu du wy" siècle, les femmes en campagne, chevau-
chant, portaient des chapeaux de feutre dont les larges bords étaient
relevés derrière la tête et formaient visière devant les yeux. Voici
(10 bis) une de ces coiffures ^ posée sur un voile recouvrant les
cheveux. La femme est à cheval et accompagne son amant.
Certains corps portaient des chapels d'une forme particulière,
indépendamment du chaperon dont nous parlerons tout à l'heure.
t 1.352. Voyez Comptes de l'argent, des rois de France, au xiv= siècle, publ. d'après
les inss. origin. par M. Douit d'Arcq (18ol).
'^ Tigettes, brins, garnis de perles et de pierres.
^ Peau de castor.
'-> D'un dessus de miroir d'ivoire, du xiV siècle, collcct. du r>Jv. W. Snevd.
— 127 — [ CHAPEAU ]
C'est ainsi que les massiers, les sergents d'armes portaient des clia-
peaiix ou morliers faits en forme de bourrelet ou bien de toque
rigide, assez semblable à celle que portent aujourd'bui les juges.
La curieuse pierre gravée, autrefois déposée dans l'église Sainte-
Catherine du Val-des-Écoliers, à Paris, et aujourd'hui dans l'église
impériale de Saint-Denis, dédiée, sous Charles V, par les sergents
d"armes, en souvenir de la bataille de Bouvines, nous montre un de
/r
ces sergents massiers coiffé d'un mortier de feutre roide (lig. il) '.
Au commencement du w" siècle, les hommes adoptent le chapeau
à haute forme conique tronqué, souple, sans bords ou avec petit
bord légèrement relevé. En A. la ligure 12 reproduit un de ces
1 Ces pla(iue3 lic- pu'ire i;rav6cs u'out clé phicrcs (lun;< rrglise Sain!c-(".allieriiie
qu'en 1376, au nioinont où Charles V constitua d'une manière ilélinilive la confrérie des
sergents d'armes. Les vêtements Iraeéssur ecs dalles sont eeux de la seconde moitié du
xiye siècle, (Voy.la Mo7Uir/r . dcl'é^làe roi/, de Saint- Denis, pari/ liaron de Cuilliermy,
1848).
CHAPEAU
•128
cliapeaux sans boi-ds portés par toutes les classes. Les gentilshommes
et riches bourgeois les ornaient de chaînes ou de fermaux d'or ou
d'argent. En B est donné un chapeau à petits bords porté habituel-
lement par les gens de classe moyenne. Ces chapeaux à bords étaient
moins souples que les précédents ; ils sont généralement noirs,
quelquefois gris. En C, est tracé un chapel porté par les hommes
nobles, lorsqu'ils chevauchaient '. Cette coiffure se composait d'une
calotte de feutre on de velours entourée d'un bourrelet de fourrure ;
on la portait armé, à la place du heaume, pour ne se point fatiguer
dans les marches. Au commencement du w" siècle, entre autres
coilfures -, les femmes portaient en campagne un chapeau à larges
13
^<ï^^-fiM
bords et à plis rayonnants (tig. 13), par-dessus l'aumussc d'étolïe.
Ce chapeau était fait d'étoffe légère sur une armature de laiton. Il
était maintenu au moyen de cordonnets allachés sous le menton s.
C'était un véritable parasol, dont la circonférence un peu ovale était
plus développée sur le devant que par derrière. Mais, à la lin du
xv' siècle, les bords des chapeaux des hommes deviennent amples
et les formes s'abaissent. Sous Louis XI, on portait encore des clia-
peaux dont la forme est donnée dans la figure 14 \ mais aussi avec
une apparence plus trapue. Ces cliapeaux étaient le plus souvent
I l>i'[ir(^sentation (le lîciniinl (rAi'ni;igiuic, coiiile île la MuitIic (milieu du xv" siècle),
Bibliolh. inipér.. iiis. du roi d'armes de Charles VII, u" 96."i3.
* Voyez Coikfuhe.
3 Sculpture du château de Pierrefouds (l'iOO).
'' Sur uu coffret de cuir du musée de Cluuy (secoiide nmitié du xV siècle).
— i29 — [ CHAPEAU ]
faits d'étofTes. telles que drap et velours, ou foulés. Un peu plus
tard, au commencement du règne de Charles VIII, les bords de ces
chapeaux sont conservés et la forme s'abaisse entièrement (fig, 15^ ;
mais la partie tombante du bord, au lieu d'être portée devant le
visage, est rejetée sur le côté gauche, et c'est la partie A qui se pré-
sente au-dessus du front. Dès lors ce chapeau, très-élégant, quoique
ne garantissant guère la face, a l'apparence que donne la ligure 16.
J\
Les seigneurs le doublaient de fourrures précieuses et le couvraient
de plumes d"autruche. La partie relevée du bord était ornée de
quebjue riche joyau '. Les pages, les varlets, les écuyers, portaient
des chapeaux à plus petits bords, également relevés tout autour de la
' Minjuscril (lu Livre des lownoù, niblio'.li. iiniirr.. ii» 8:].jI, rnil cl |i(;iiit pur ordre
d(.' Louis de lirugos. piiur ("Irc olVcrt ii Cluirlcs Vlil.
m.
n
[ (;iiai'i;au ] — loO —
forme, el, à certaines occasions solennelles, les princes prenaient
pour coiffure un chapeau à très-larges bords tombants, en façon de
campanule (fig. 17 . Ces bords étaient faits de brins de plumes re-
couverts, à l'attache, de duvet. La calotte était de velours, ainsi que
les bords sous la plume '. Nous pourrions donner un plus grand
i
nombre d'exemples de ces chapeaux, si variés de forme pendant
les xiV et xv° siècles; mais ce serait entrer dans de trop longs
développements. Sous Louis XII, au contraire, le chapeau varie peu.
Il est habituellement fait de feutre, à bords assez larges, régulière-
ment et légèrement relevés, avec calotte hémisphérique. Une longue
plume tombe par derrière (fig. 18). On le posait de côté pour laisser
voir la chevelure, que les élégants portaient longue et lisse sur
le dessus de la tète, très-peu frisée sur le cou. Cette mode persista
jusque sous le règne de François I".
' MauusiT. (lu Livre des iuununs.
— loi — [ CHAPERON ]
Parmi les prélats, les cardinaux étaienl les seuls qui eussent con-
servé le chapeau à bords jusqu'au xV siècle. Les évêques, les cha-
noines et les curés, à la ville, portaient la barrette sur la cape, ou la
barrette avec le capuchon de la cape renversé. Les chapeaux des
cardinaux à basse forme, au xni° siècle, et à larges bords circulaires
un peu rabattus tout autour ', furent maintenus pendant le xiv^ siècle
et le commencement du xv°: mais, vers 1430, les bords de ces cha-
v^lfi|fe^
peaux sont exactement façonnés suivant un plan droit; puis, vers le
milieu du xv^ siècle, ces bords se relèvent légèrement au pourtour
(fig. 19). 2 A la fin du xv^ siècle, les bords du chapeau reprennent
le plan droit, et les cordons se garnissent d'un certain nombre de
glands posés l'un sur l'autre en losange: 1, 2, 3, 4 et o; ce qui fait
quinze houppes ou glands pour chaque cordon. De fait, à dater de
cette époque, le chapeau de cardinal, jadis chapeau de cavalier, ne
fut plus qu'une marque honorifique, et n'était placé sur la tête que
dans des occasions solennelles, fort rares. Aujourd'hui ce chapeau
n'est plus qu'un rond de carton recouvert de tatîetas rouge.
CHAPERON, s. m. {cappron). Le mot indique l'origine de cette
coilîure : c'est une petite cape, une aumusse qui, par suite des
transformations de la mode, de capuchon devient un des bonnets
les plus singuliers qu'on ait pu imaginer, et cela naturellement,
sans qu'il y ait eu recherche de l'étrangeté. C'est là l'histoire de la
plupart des vêtements, qui semblent s'éloigner de leur forme origi-
nelle par la destination nouvelle et plus commode que l'usage
impose à leur premier emploi. Il n'est aucun de nos vêtements
i Voyez Capk. lit,', '.t.
- Voyez la vigiiclle reprc-sentaut la innrl de Robert (de Genève) d:uis le inamisnil lie
Froissart, Ilildidlli. iiniirr , fniids ("oIIumI. ii" S:]23.
CHAPERON ]
— 132 —
modernes au(|iiel on ne puisse trouver une origine, souvent Irès-
éloignée delà forme dernière.
On a vu que les hommes et les femmes de toutes classes avaient
adopté, dès une époque très- ancienne, le petit mantel à capuchon,
Taumusse, la cape fermée par devant. Au xn" siècle, les deux sexes
portaient sur la tête et les épaules un vêtement dont l'origine se
i-etrouve dans les monuments gallo-romains, et qui avait la forme
présentée en A dans la figure 1.
Ce vêtement (petite cape) était fait en façon d'entonnoir, avec une
ouverture en B pour laisser passer le visage. Toute la partie com-
prise entre B et C se plissait sur le cou, et l'extrémité de C en D
couvrait les épaules, ainsi que la moitié des bras. Porté, ce vête-
ment de tête avait l'apparence donnée en G. Il était excellent pour
se préserver de la |)luie ou des frimas ; mais du moment qu'il sem-
blait trop chaud, ou que la pluie venait à cesser, on l'enlevait. Qu'en
faire? On le jetait sur l'épaule ou autour du cou. Mais il fallait se
garantir du soleil au besoin, se couvrir la tête, en bien des occa-
sions, sans calfeutrer ainsi le cou et les épaules: et comme les cava-
liers ou les piétons ne pouvaient porter un couvre-chef de rechange,
ils posaient ce vêtement replié sur la tête, et, afin que le chaperon
— 133 —
[ CHAPERON ]
ne tombai pas, l'ouverture B emboutissait le sommet du crâne. Il
va sans dire que le vent ou les mouvements dérangeaient ces plis ;
que les deux extrémités tombaient de droite et de gauche : pour
éviter cet inconvénient, on repliait l'extrémité ab sur le sommet de
la tête: la partie inférieure BD, tordue, était enroulée, et l'extré-
mité de la chape tombait sur l'oreille.
l
a-
A
15
Une figure est nécessaire pour expliquer cette manière de poser
le chaperon. En A (fig. 2), on voit comment l'ouverture moyenne
du chaperon enveloppe le sommet du crâne. En o , l'extrémité
pointue du chaperon est repliée ; puis l'autre partie inférieure,
tordue, enveloppe en hc la tête, forme nœud de manière à tomber
en A. Si l'on remonte la torsade hc autour du front, et qu'on tire
sur l'extrémité d, on obtient la coilïure B. Or, celte coitTure est
exactement copiée sur l'une des têtes, de grandeur naturelle, qui
portent la corniche supérieure de l'église Saint-Nazaire de Carcas-
sonne (1320). C'est là le chaperon dans sa transformation primitive,
et cette transformation, ou plutôt cette façon particulière de poser
le chaperon esl déjà adopt.ée au xni" siècle. Dans le Roman de Garm
le Loherain ', on lit ces vers :
» Jusqu'il lu siiUc ne liuu, si i \iiil.
« Poi" desconoistre ot son chaiicrou mis. "
1 Kiiil. (lu M. I'. Paris, l. Il, p. -rM;; Tccliciicr, IS.'iS.
[ ciiAPr.noN j
- 131
Pour ne pas élro recoumi. Rigaud met son chaperon ; il était
facile, en eiïet, de se cacher le visage derrière la partie tombante
de rextrémité du chaperon, en le posant comme le montre notre
dernière figure, tandis que cela n'eût pas été possible en s afTublant
du chaperon, comme le marque la figure i. Ces chaperons étaient
habituellement alors faits de drap et même de soie.
C'est au commencement du xiV siècle que la mode de porter
ainsi les chaperons devint générale, non-seulement parmi les nobles,
mais chez les bourgeois. Cette coitTure était, comme il est dit plus
haut, commune aux hommes et aux femmes; mais les hommes
seulement posaient le chaperon sur le sommet de la tête, ainsi que
le montre la ligure 2 en B. Pour les femmes, cette façon de coiffui^e
eût dérangé absolument l'économie de la chevelure, elle ne fut pas
suivie ; les dames nobles ou bourgeoises portaient le chaperon en
manière d'aumusse, ou autour du cou ou sous un chapeau.
La figure 3 nous montre une noble dame portant le chaperon sur
— 13o — [ CHAPERON J
les épaules, comme une écbarpe ; la figure 4, un genlilhomme
ayanl le chaperon posé comme Taumusse, mais le capuchon
rabaltu. '
r
C,:...
Pendant toute la premièi'e moitié du xiv" siècle, le chaperon des
hommes était à plusieurs fins : on le plaçait de manière à envelop-
per la tète et les épaules (fig. 1), ou de façon à ne couvrir que les
épaules (fig. 4), ou bien on en faisait un ])onnel en forme de turban,
ainsi que le montre la figure ^2. Cependant, vers la lin de celle
période, les élégants sXforçaient de donner au chaperon-lurban
une tournure de plus en plus étrange, et qui, parmi le beau monde,
prenait une ampleur démesurée. C'est toujours le principe indiqué
figure 2 ; mais, au lieu de faire un seul tour, la queue du chaperon en
fait deux et même trois autour du crâne. Cette queue est alors
démcsurémcnl longue. Des vignettes de inanusciits de la \'m du
• Muuuacr. (le Luncclvt du Z,c<c (xiv« siècle), I. Il, HihlioUi. iiiiiicr., u» G"!).'!.
[ CHAPEItON- ]
— 186 —
xiv"= siècle reproduisenl des personnages coiffés de chaperons d'une
excessive ampleur (tig. o) '.
Il faut dire que jamais coiffure ne se prêta à des formes plus
variées. Ainsi le beau manuscrit de Térence, de la bibliothèque de
S
c
c
l'Arsenal-, renferme des vignettes dans lesquelles quelques person-
nages portent le chaperon de manières très-diverses. L'un est affublé
du chaperon avec chapeau de fourrure par-dessus (tig. (i). Celui-ci
£.jj'-i.-'ii".jr^
(fig. 7) a posé l'ouverture moyenne du chaperon sur son chef, fai-
sant simplement retomber l'extrémité inférieure d'un côté, la pointe
étant cachée sous l'amas de plis que forme cette extrémité. Un troi-
sième n'a pas tenu compte de cette ouverture moyenne et a noué le
' Maïuiscr. de l.'i'K), Hl'uit?;. liihliolh. iniiirr.
- Moitir ilii xiV sircle.
— \>}'î — [ CHAPEItO.N J
cliaperon autour de sa têle (fig. 8), en accuraulunl sur le sommet du
eràne les plis de rexlrémité en manière de crête de coq.
La ligure 5 nous fait voir comme, à la fin du xiv^ siècle, le cha-
peron s'était développé. Il avait alors, déplié, au moins !:2 mètres de
longueur. La mode d'enrouler toute cette étofïe autour de la tète
passa, mais la longueur du cliaperon ne lit qu'augmenter. De 1400
à 1430, on laissait pendre une partie considérable de la queue du
chaperon sur ie côté, par-dessus le bourrelet formé par un seul tour
de l'étolîe. Alors, l'ouverture moyenne du chaperon, au lieu d'èlre
percée près de l'extrémité de la pointe, comme dans la ligure 1, était
laissée près de l'extrémité ample inférieure, de telle sorte que, si l'on
s'affublait du chaperon, une longue bande d'étoffe tombait derrière le
dos jusqu'aux talons. Mais, si l'on posait le chaperon en bonnet, sur
le sommet de la tête, en faisant pénétrer le crâne dans l'ouverture, ce
chaperon se présentait ainsi qu'il est indiqué en A (fig. 9j'. Alors,
ou bien on enroulait cette longue pointe autour du cou, ainsi qu'il
est tracé en B -, ou bien, en suivant la mode précédemment expli-
quée, on enroulait partie de cette • pointe autour de la tête, et on
laissait tomber son extrémité du côté opposé à la crête formée par
les plis de la partie inférieure (voy. en C) '\ Un peu plus tard, le
chaperon fut façonné d'une manière fixe, c'est-à-dire qu'on ne
pouvait plus le disposer à sa guise, en faire une aumusse, une
écharpe, un bonnet; le chaperon, tout en conservant celte dei'nière
' Manuscr. des Qirou. de Froissart (xv'' siècle^, lîililiolli. imiic'r.
* l/jùl.
•* M&s. dr la liiljlioUi. de la ville de liiiueii (.W' sièide), iiiaicliauds
m. - 18
[ CHAPERON ]
— i38 —
forme, se composait d'une sorte de bourrelet uni sans plis, d'une
crête et d'une longue queue. On le pouvait ôler ou mettre comme
ao/LLHLm/r.
un chapeau. Tels sont les chaperons adoptés au milieu du xv'' siècle
par la noblesse et la bourgeoisie. Tel est le chaperon que porte,
— 1,39 — [ r:HAPEno>' ]
clans son grnnd costume de Tordre de la Toison d'or, le duc de
Bourgogne, Philippe le Bon (fig. 10)*.
10
'^°''A/)o
Pendant le xiv' siècle, ces ctiaperons (Maient souvent déchiquelés
' Çalnuct des dessins et eslaiii] es, liiljliulli. iiiipér,
[ CHAPERON ] — 140 —
par le bas, fourrés d'hermines ou de iiieim vair, faits de velours
et d'étofïe de soie : « Pour un chaperon pendant, 40 ventres et
« 8 ventres pour pourlllez i » « Pour 120 ventres de menu vair
« à fourrer 2 chaperons pendans, de broderie à perles, pour mes-
« dites dames Marie et madame Isabel de France-. » Ils étaient
brodés de perles et de figures, le tout d'une excessive richesse :
« Pour un chaperon de deux escarlattes% brodé à plusieurs et
« divers ouvraiges de perles grosses et menues, fait et délivré pour
« ledit seigneur (le Dauphin), et mis en ses garnisons, avec le seur-
(( cot prins cy-dessus, c'est assavoir : le champ brodé de 44 arbre-
« ciaux à grans touffes de feuillaiges de brodeure, dont les tiges
'( sont de grosses perles, à un pymart ^ de broderie d'or nue sur
« chascune lige, et le tour dudit cbaperon brodé à une roe d'une
« orbevoie à 4 chapiteaux, tout de perles grosses et menues, es
« quelx chapiteaux à hommes sauvages de brodeure montez sur
(( diverses bestes; et en 'a poitrine, devant, a un chastel de perles
« grosses et menues, duquel issent damoiselles montées sur autres
« bestes diverses, qui jouslent aus hommes sauvages ; et est le
« champ dudit chaperon partout semé et cointé de perles, par
« manière de grainnes desdits arbreciaux. Pour l'escarlatte perles,
f< or de Chippre, brodeure et façon, pour tout, o89 1. 16 s. p. ^ »
— « Pour 3 chaperons brodés à perles, l'un du pris de 150 esciiz,
« le 2" du pris de 133 escuz, et le tiers du pris de 80 escuz ; pour
« tout, escuz pièce à 16 s. p., valeur 290 1. 8 s. p.". »
On sait que les Parisiens adoptèrent, après la bataille de Poitiers,
un chaperon mi-partie de drap rouge et pers. A ces chaperons ils
ajoutèrent une agrafe d'argent mi-partie vermeil et azur, avec cette
devise : « A bonne fin. « Sous ces chaperons, pendant le xiv" siècle, on
portait une coilïe, sorte de serre-léte tenant la chevelure enfermée,
fort usité parmi les laïques pendant les xni" et xiv« siècles. Notre
figure 2 montre, en effet, une coiffe sous le chaperon. Lorsque
Charles V reçut à Paris l'empereur Charles de Luxembourg, il mit,
en entrant dans la salle, la main à son chaperon comme pour l'ùler;
\ Compte de Geo ff roi de Fleuri (1310).
2 Compte d'Etienne de In Fontaine (13o2).
3 L'escarlatte était un drap d'un prix très-élevé, variant de 10 à ."iO sols l'aiini'. envi-
ron un marc d'argent. Le marc d'argent contenait 43 s. 2 d. 2/o parisis.
* Un pivert (oiseau).
^ Com/ite d'Etienne de la Fontaine, V.Y.'yl (voy. Comptes de l'argeiiterie des rois
de France au \i\' siècle, puhl. par L. Doui-t d'Arcq, IS'il).
fi lijid.
141 —
[ CHAPERON ]
rempereur Ten voulant emp(}clier, le roi lui répondit qu'il voulait
K encore lui montrer sa coiiïe ». Ces coifïes étaient de même cou-
leur que le chaperon. En 1411, les Parisiens renouvelèrent la
faction des chaperons : « En ce temps prindrent ceulx de Paris
« chaperons de drap pers'. » En 1413, on les voulut avoir blancs :
« Et en cedit moys de mai print la ville chapperons blancs, et firent
« bien faire de trois à quatre mille, et en print le Roy ung, et
« Guienne et Berry, et Bourgongne, et avant que la fin du moys
« fust, tant en avoit à Paris que tout partout vous ne vissiez gueres
<( autres chapperons, et en prindrent hommes d'églises, et femmes
<( d'onneur, marchandes qui à tout vendaient les denrées 3. »
Ces chaperons étaient, de fait, une coifi'iire fort gènanle, aussi
s'en débarrassait-on souvent. Tant qu'il fallut les dresser sur la tête,
si l'on voulait s'en débarrasser, l'économie de cette coifl'urc était
naturellement dérangée ; on posait alors le chaperon sur l'épaule ou
autour du cou. Même lorsque les chaperons furent montés, c'est-à-
dire cousus et disposés de manière à èli-e mis et ôtés comme uu
' Journal d\n bourgeois de Paris sous le règne (h' Charles VI [Coll. des mé)n.,
t. II, \^. «:):!).
" Ibid., \\. (iin.
[ CHASUBLE ] — I4i> —
chapeau, riiabitiide de les poiier sui' l"épaiile se conserva. Mnns-
Irelet rapporte (jue, quand le duc de Bourgogne entra dans la ville
de Gand, le bâtard d'Armagnac était à cheval, près de lui, « le cha-
peron sur l'épaule ».
Voici (fig. 11) deux personnages s'accostant, ainsi représentés ^ :
« Et fit manière de mettre son chaperon qui sur son épaule
« estoit- » Lorsque le chaperon était posé ainsi, retourné, sur
l'épaule, pour le maintenir, la queue était enroulée autour du cou,
ainsi que le fait voir notre figure.
Les gens du parlement, les avocats, les ecclésiastiques, portaient
des chaperons fourrés ; aussi les désignait-on ainsi. Quand du Gues-
clin réclame de Charles V des secours en argent, le roi cherche à lui
faire entendre qu'il ne peut lever de grandes sommes dans le royaume
sans fouler ses sujets : « Hé sire, reprend du Guesclin, que ne faites
« vous saillir ces deniers de ces gros chaperons fourrez, c'est assa-
« voir prélats et avocats, qui sont des mangeurs de chrétiens ^ »
Dans les Cent Nouvelles, il est question « d'ung chaperon fourré
« du parlement de Paris ^ ». En caaipagne, les hommes d'armes
portaient le chaperon en place du heaume ou bacinet, qu'on ne
mettait qu'au moment de combattre. Jeanne Darc portait Thabit
d'homme et le chaperon déchiqueté ^ C'est sous le règne de Louis XI
que celte coitïure cessa d'être portée, si ce n'est par les gens de
robe. Sous Charles VIII, les vieilles gens même ne portaient plus
le chaperon, qui était remplacé par la coiffe et le chapeau.
CHASUBLE, s. f. Vêtement sacerdotal {casula). C'est, dit Guil-
laume Durand, la parva casa ^ l'habit fermé auquel les Grecs avaient
donné le nom de TrXav/ja. et qui, dans la primitive Église, peut être
confondu avec la cape (voy. ce mot). Originairement, en elïet, la
chasuble est un vêtement complètement cii'culaire, percé d'un trou
au centre, pour passer la tête (fig. 1). Porté, ce vêtement alïectait
l'apparence présentée dans la figure 2 de l'article Chape.
Quelques auteurs ont prétendu que la chasulde primitive traînait
h terre. Aucun monument ne peut faire admettre cette hypothèse.
« Comme une petite maison, elle couvrait entièrement l'homme »,
1 Ms. fies C.hron. de Froissail, xv siècle, Bililiutli. imper., fouds Colbert, u» 8:i23.
- Cent Novv. ?iomd., nouvelle XXXII.
•' Méni. sur Bertr. du Guesclin ÇCol/. des mém., t. I, p. 066). '
'' La Dame à trois maris, nouv. LXVII.
o Jdurnnl d'vn bourgeois de Paris sous Cliarlcs VU [Coll. des mém.. t. 111. p. 264).
6 nationale, lilj. I. vn\\. vu.
— 143 — [ CHASUBLE ]
dit saint Isidore de Séville*; mais elle ne descendait pas au-dessous
des chevilles. Pour faire usage de ses bras, le porteur de la chasuble
relevait les deux côtés du vêtement au-dessus des poignets, de manière
à former de nombreux plis latéraux ; mais la gêne que ces plis épais
devaient causer aux mouvements lit que, dès le xi" siècle, on échancra
un peu la chasuble sur les deux côtés correspondant aux bras, et
(pi'au lieu d'être ronde, elle devint ovale (lig. 2). On ne voulait pas
toutefois l'ouvrir entièrement, à cause de la tradition attachée à cette
robe : « Et parce que la chasuble est l'unique vêtement de son
« espèce », dit Guillaume Durand ; « entière et fermée de toutes
<< parts, elle signiiie l'unité de la foi et son intégrité-. » Il semble-
rait que, pendant les x° et xi* siècles, il y eût de l'hésitation dans la
façon de tailler la chasuble. Quelques monuments de ces époques la
représentent plus courte par devant que par derrière. Et bien qu'on
ne puisse pas toujours s'en rapporter aux représentations grossières
de ce temps, cependant elles exagèrent plutôt certaines dispo-
' " Quia iuslar parvœ casiP, totuiii lioiniujiii tcgebat. »
- lialiojiale, lib. I, ('ap. vu.
[ CîlASLBLE ] __ 144 _
Sillons des vêlements qu'elles ne les dissimiilenl. La figure 3 repré-
senle un évèque porleur d'une chasuble évidemment plus courle
devant que derrière ». Une large broderie, ou peut-être ramirl
poartourne l'ouverture du cou. Le bord inférieur de la chasuble
1
J
ffiiwïi; û7 i^iL^a
est également garni d'un riche galon. Un autre exemple tiré de la
tapisserie de Baveux, attribuée à la reine Mathilde, mais d'une
époque un peu plus récente, comme on sait, nous montre l'arche-
vêque Stigant revêtu d'une chasuble très-courte sur le devant et
tombant, par derrière, à la hauteur des jarrets. Sur la chasuble est
' Conuncnt. llmnunis epmopi. l;il,Iio(l,. i,n,,rr.. fonds Saiut-Gcn.min lalin. u» ;]n.j.
— 14o
CIlASLltLF.
posé le pallium (lig. 4). AdmeUons que celte forme ail été suivie,
pendant les x"^ et xi^ siècles, dans quelques diocèses; car il faut dire
(|u'aloi's il régnait une certaine anarchie dans la coupe des vêtements
épiscopaux. On revint, pendant le xn° siècle, à la chasuble égale-
ment tombante par devant et par derrière. Indépendamment des
peintures el des bas-reliefs de celte époque, qui ne peuvent, à cet
égard, laisser subsister le moindre doute, nous possédons encore
STIGANT
ipiehjues-unes de ces chasubles; el, entre autres, celle de saint
Thomas Beckel, déposée dans le trésor de la cathédrale de Sens. Ce
vêtement aulhentiiiue n'est plus la planète ronde, ni même ovale de
la primitive Église ; il est coupé en forme de large entonnoir, alin de
donner sur les bras un amas moins considérable de plis. La ligure 5
Itrésente en A la chasuble de saint Thomas Beckel par devant, et en
I) par derrière. Coupée dans une élolîe de soie violet très-sombrc,
elle est décorée par devant d(î broderies d'or faites à la main,
représentant deux séraphins sur la poitrine et des rinceaux à la
hauteur des clavicules. Sur le dos, il existe de même un bel orne-
iiit'jit brodé en or. Des galons récents, mais qui remplacent l'an-
ciennc passementerie d'oi', divisent cette chasuble d'une manière
irès-origiiuile et qui produit un excellent ellet lorsqu'elle est portée.
III. — 11)
CHASUBLE
— 146 —
Il faul une certaine bonne volonté pour trouver dans la disposition
de ces galons la représentation de la croix, et c'est qu'en elïet
ce signe n'apparaît que tard sur la chasuble. La ligure 6 nous
montre la chasuble de Thomas Becket portée avec l'amict faisant
collet, la mitre, l'aube, le manipule et l'étole du môme prélat.
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Tome 111.
Chasuble, fig. 6.
\
chasubll; de tho.mas beckkt.
Cil. Egcimann, éditeur.
Imp. MoTTEROz et Martinkt.
î
i
' DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Tome 3 ■ PL IH
ùollelle Duc direxit.
CHASUBLE DU TRESOR DE SAINT SERNIN à Toulouse
V^" A Morel 8 créditeurs
împ R Eng«l/n«nn Pans
— 147 — f CHASUBLE ]
Il existe dans le trésor de l'église Saiiit-Sernin de Toulouse une
chasuble qu'on suppose avoir été portée par saint Dominique, et
qui est certainement d'une date plus récente*. Celte chasuble, dont
la figure 7 donne le trait, est faite d'une étoffe de soie à fond
pourpre foncé, sur lequel se détachent des rinceaux d'un pourpre
chaud, clair, des paons et des pélicans lissés d'or, rehaussés de vert.
.>k
Entre les paons, dont la queue est éployée, on lit, en lettres vertes,
paone, et sur les ailes des pélicans, en or, hélice pour pelice ou
pelicano. Celte étoffe, reproduite dans notre planche III, est d'un
merveilleux effet. "^
Devant la chasuble est cousu un oi'froi brodé en soie de couleur,
à la main, et représentant des saints personnages nimbés sur un
fond frisé or. Autour du cou est une bordure fine également brodée
et figurant des feuillages alternativement verts et rouges sui' fond or.
Cette chasuble, portée, donne des plis plus heureux encore que celle
de saint Thomas Becket, en ce que la partie inférieure est, relative-
ment à )a longueur des côtés droits, plus ample. Les bras sont moins
chargés et l'étoffe drape mieux sur le devant. C'est à dater de celte
' Siii.il I>i)iiiiiiiiiu(' iiiouriil (Ml \i-2\. l't ccUc cliiisuhli'. suit coimiie lissu. soil l'oiiinie
broili'i'ic's, st'iiililcrait ilalcr du milieu du xiii'" sièflo.
r niArssRS ] — I'i8 —
époque ' que le devant des chasubles est fréquemment décoré d'or-
frois, de broderies avec personnages. L'étoffe du corps de la cha-
suble est un très-beau tissu qui, à en juger d'après les inscriptions
latines et non arabes ou grecques, appartient à la fabrication occi-
dentale-.
La forme de la chasuble ne se modilîe guère pendant tout le cours
du xni^ siècle et le commencement du xive. Ce n'est que vers la fin
de ce siècle que la chasuble prend un peu moins de longueur dans la
partie qui recouvre les bras, et un peu plus d'ampleur dans sa partie
inférieure, bien que son extrémité soit taillée en pointe. On obtenait
ainsi des plis latéraux plus amples et l'on embarrassait moins les
mouvements. Ces chasubles sont faites, d'ailleurs, d'étotfes très-
souples, de manière à donner des plis délicals. Une belle statue d'é-
vêque, d'albâtre gris, qui fait partie du musée de Toulouse (fig. 8),
explique mieux que toute description le port de ce vêtement vers la
fin du xiv^ siècle. Ici l'amict forme un large collet souple, et les
bords du linge tombent sur la chasuble. La crosse, conformément à
l'usage de quelques diocèses du Midi, est ornée du sudariiim, très-
ample. L'évêque porte une tunique à manches larges par-dessus
l'aube. L'étole dépasse le bas de la tunique ^
Au xve siècle, la chasuble devient moins ample encore sur les bras,
elle s'arrondit par le bas et se charge sur le devant d'orfrois très-
riches. Les étoffes dont elles sont faites sont moins souples, forment
des plis plus cassés et qui épousent moins bien la forme du corps.
Au xvi^ siècle, on exagère encore cette dernière mode, et l'on arrive,
au xvn', à la forme de la chasuble moderne, qui ne recouvre plus les
bras et se compose de deux pans d'étolïe roide tombant devant et
derrière. D'un très-beau vêtement on en vint ainsi à faire un orne-
ment difi"orme, qui donne à celui qui le porte l'apparence d'un
énorme coléoptère.
Le pallium était porté sur la chasuble (voy. Pallium).
CHAUSSES, s. f. pi. {chauc.es, huesea). Vers les derniers temps du
moyen âge, les chausses s'entendent comme braies, c'est-à-dire
1 Milieu (lu \iw siècle.
- Voyez la partie qui trailc des étoffes.
^ Nous renvoyons le lecteur, pour hieu connaître le i.mt des chasubles pendant les
xii«, xiii" et .\iv siècles, aux belles statues des cathédrales de Paris, de Chartres.
d'Aniiens, de Reims, de Limoges. Ces figures, ayant été gravées et photographiées bien
des l'ois, soûl entre les mains de lout le monde.
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Tome III. Chasuble, fig. 8.
£■. CU:U'/M/M07
\
CHASUBLE EPISCOPALK (xiv siècle)
Cii. Eggi.mann, éditeur.
Imp. MoTTEBOz et Mautinet.
— 1 'f9 — [ CHAUSSES ]
comme caleçon s'attacliant à la ceinture et descendant aux genoux
(voy. Braies). Mais il y a là confusion dans les appellations. Les
chausses sont bien ce que nous appelons aujourd'hui bas, c'est-à-
dire le vêlement des jambes et des pieds. Quelquefois ces chausses
étaient assez longues pour composer le vêtement auquel aujourd'liui
on donne le nom de maillot, et ne former qu'un avec les braies.
Alors, c'était le nom de braies à pieds ou braies chaussées qui leur
convenait. A l'article Braies, nous donnons des exemples de cette
extension du vêtement inférieur, qui se composait ainsi du hant-de-
chausses et du bas-de-cliausses, d'où nous avons conservé les mots
bas et chaussettes.
A
On appelait chausses semelées, des bas ou chaussettes garnis de
semelles de cuir.
Les chausses étaient souvent d'une autre couleur et d'une autre
étotïe que les braies; on en faisait de drap, de tricot, de laine ou de
soie; et dès les premiers temps du moyen âge ces chausses étaient
[ CIIAI'SSES ] — 150 —
brodées, ou garnies de passementeries et même de perles ou de
pierres précieuses.
Les chausses, chez les populations des Gaules, remontaient jus-
qu'aux genoux, et étaient maintenues non pas seulement par des
jarretières, mais par des lanières qui, parlant de la cheville, s'en-
roulaient autour de la jambe pour venir s'attacher au-dessous du
genou. Les braies amples tombaient à peu près à la même hauteur
sous la tunique. Le coffre d'ivoire conservé dans le trésor de la
cathédrale de Troyes, et qui date du vni" siècle, montre deux empe-
reurs ainsi chaussés'. Un manuscrit de la Bibliothèque impériale,
du x" siècle -, donne un personnage coiffé de la couronne carrée et
nimbé, dont les jambes sont vêtues déchausses ainsi posées (fig. i).
Entre les chausses et la tunique, la jambe reste nue ; ici les braies
font défaut, suivant la coutume de ceilaines peuplades du Nord^
Ces chausses basses sont souvent formées de deux pièces : une molle-
tière, et une chaussette semelée (ainsi que le montre notre figure)
venant recouvrir la molletière. Le galon de passementerie S(!rrait le
tout ensemble. De petites bosselles de mêlai ornaient parfois ces
chausses, faites de tricot de laine ou d'étoffe feutrée. C'était là un
excellent vêtement de jambe pour la marche, à la fois souple et
serré. Les hommes les portaient en toutes circonslances pendant la
période cariovingienne, et l'empereur Chaiiemagne se conformait
en cela à l'usage général, car il était représenté avec ces sortes de
chausses sur la mosaïque de Sainte-Agnès {intra muros) de Rome \
laquelle avait été faite de son temps.
Dans la tapisserie de Baveux, on voit les hommes non armés vêtus
de braies très-larges sous lesquelles s'attachent les chausses, qui
remplissent exactement la fonction de nos bas et qui étaient faite>
de tricot ou de drap feutré.
A la fin du xi^ siècle, les gens du peuple, les petits bourgeois, les
paysans, se mirent à porter des chausses basses ne montant qu'au-
dessous du mollet. Ces chausses, faites de grosse laine et feutrées,
étaient posées, soit directement sur la peau, chez les pauvres gens,
soit sur de longues chausses beaucoup plus fines. Lorsqu'on voulait
marcher dans la boue, on mettait par-dessus ces chausses des patins
de bois, usage, d'ailleurs, fort ancien dans le nord des Gaules.
' Travail byzantin ; niiiis les coslunies des deux enipereuis sout occidentaux.
2 Fonds Saint-Oerniain des Prés, n" ."lO.
•^ Les Écossais ont seuls conservé cet usage, très-répandu dans les (laules dès avant
l'invasion romaiue.
'» Ciampini.
— loi — [ CHAUSSES ]
Un des bas-reliefs de la porte principale de l'église abbatiale de
Vézelay 1 nous montre un paysan, dont les jambes sont ainsi garnies
de leurs chausses basses et de patins retenus par des courroies
(fig. 2
C)N,
%
Les courtes chausses furent longtemps conservées dans les classes
inférieures. On en voit figurer sur les bas-reliefs des xn° et xn' siècles.
Ce sont (fig. 3) de véritables chaussettes épaisses, drapées, par-
dessus lesquelles on mettait des patins ou galoches pour sortir-.
Ces chaussettes ne dispensaient pas de porter les braies ou les hautes
chausses à pieds ou sans pieds. Ces hautes chausses, qui n'étaient
(jue les braies divisées en deux, parties indépendantes l'une de
laulre, s'attachaient séparément à une ceinture ou au pourpoint au
moyen d'aiguillettes. Les gens de la campagne portèrent longtemps
' Derniôrcs années <lu xi^ si(H-lc; sous la lril)iuie ilii pDrclie.
'^ l5u,s-roliefs des occiipalions de ranm'-o (hiver), portail ucciilL'nlai df la cathédrale
d'Amie is.
[ CII.USSI'S
— lo^ -
ces longues chausses, qu'ils ne preniiienl pas toujours le soin d'al-
— loo — [ CIIAKSSES ]
lâcher cl qui leur ballaient sur les jambes (lig. 4)'. Plus souvenl encore
ils laissaient les cuisses nues, et portaient des chausses roulées autour
du genou sur une jarretière (voy. fig. 4, en A); ou bien ces chausses
n'avaient pas de pied et ne faisaient que protéger les jambes, moins
contre le froid que contre les broussailles (voy. en B).
Quant aux chausses des gentilshommes, elles étaient d'une gi'ande
linesse et de couleurs brillantes :
i( N"i .'i celui n'ait frés henniuu blauc
Il Chances de soie, soUers de Cordouan -'. <•
" Lasce unes ehauces blanches corn tlor de lis ^. >>
u Ses chausses furent de paiic d'oulrenier '►. »
« El ses ij chances qui fureul de sanguin ■'. •>
Les chausses longues laissaient parfois passer une partie du pied,
recouvert alors par des chausseltes ou des souliers d'élolTe :
« Hueses tirées dons li talons eu ist *^. »
Au w" siècle, les chausses longues, en façon de pantalon à pieds,
étaient portées par toutes les classes. Les paysans, comme nous
l'avons dit plus haut, portaient encore seuls les chausses séparées
en façon de grands bas. Voici une chanson de cette époque ', qui
montre que les cavaliers, les gens d'armes même el les piétons, por-
taient ces sortes de chausses collantes qui se confondent avec les
braies. Un homme d'armes revient de la guerre sur son cheval, ses
vêtements sont en lambeaux ; il rencontre un piéton vêtu de bonnes
chausses neuves :
» Le gcnt d'arme prestenienl.
'. Lui dist : Or vous arrestés,
a Vos cauches certaincnienl
i< Convienl que vous nie preslés ;
« Mes habis sont desquirés
" En la guerre loul pour voir,
1. Or k coup, or vous délivrés.
" (!ar vos cauches me faull avoir. »
' Manuscr. des Chrou. de Froissarl, xv'^' siècle, lïildiolli. imper.
- Prii;e d'Orange (xii^ siècle).
3 Li Romans de Garni le Loheiain (xiii" siècle).
■' Faites d'étoffe d'Orient. ^Guillaume d'Orange.
'- Ibid.
'' Li Romans de Gnrin le Lolieruin{\\\v' sièile).
" Sous Chiules Vil.
m. --20
[ CHAUSSES ] — 154 —
Par force, le compagnon consent à livrer ses chausses, mais il
demande à lliomme d'armes, en échange, les siennes :
« L'iinminc armé, sans penser mal,
<( Lui oUria bonnement,
« Disant : Tencs mon cheval.
« A la terre l'omme armé
« S'asist pour soy descaucher ;
« Les cauches dont j'ay parlé,
'I Commencha à reeaucher.
ic Quand l'autre lui vit muchier '
u L'autre jambe, il s'avisa
« Qu'il faisoit bon chevauchier,
« Lors sur le cheval monta.
ce Le conipaignon s'en alla
« Sur le cheval bien montés.
i< L'autre crie : Hola ! hola !
« Tenés vos eauches, tenés !
■ — Certes vous vous abusés ;
" Mes cauches vous duiseut bien (vous vont bien).
» Vous en estes bien parés,
« Mais ce cheval sera mien ^ . »
Cette assez plaisante chanson indique clairement que ces chausses
étaient faites comme sont faits nos pantalons à pieds ; c'est quand le
compagnon voit que l'homme d'armes a passé une jambe et s'apprête
à passer l'autre, qu'il prend son temps pour décamper. Ces chausses
rentrent donc dans la forme des braies de la dernière époque du
moyen âge (voy. Braies).
On donnait aussi le nom de chausses semelées à des bottes molles
qu'on portait pendant le xv^ siècle :
<( Bouuctz coui'tz, chausses somellées
<> Taillées chez mon cordoueunier
« Pour porter durant ces gellôcs 3. »
Villon parle aussi de ses chausses ou houseaux ne prenant que lu
jambe et laissant le pied nu :
Cl Et mes housaulx sans avant picdz ». »
' Muchter, cacher ; s'euteud ici comme passer l'autre jambe.
* Chants histor. et popul. du temps de Charles Vil, publ. \y.\Y M. Le Roux de
Liney ; Aubry, 1837.
3 Villon, Petit Testament, xxi.
* lùid., XXIV.
— 155 — [ CHAUSSUIŒ ]
Et ailleurs :
<i Ce dont ou rouvre mol et grève. . . ' . . . . »
c"esl-cà-dire le vêtement qui couvre les mollets et le tibia ; ce sont
des chausses comme celles représentées en B dans la figure 4.
Les femmes portaient des chausses comme les hommes ; mais ce
n'étaient que des bas longs attachés avec des jarretières : « Pour
(< 6 aunes de pers, délivré celui jour à Jehan le Bourguignon, pour
« faire chances à la Royne et pour ses llUes, 128 s. pour aune, vallent
« 81. 8 s. '. ') — « Pour 8 aunes d'un pers azuré de Broisselles, à
« doubler ledit fons de cuve et faire chances pour ladicle dame,
(( 191. 4 s. ^ »
A la fin du xV' siècle, les textes des inventaires distinguent le
haiit-de-chausses du bas-de-chimsses : « Demie aune escarlate de
« Fleurance... pour faire ung bas de chausses pour rattacher à ung
'< hault de chausses mv-parties de salin blanc et tanné, bandées de
« drap d'or raz tanné *. » Alors, en effet, les hommes portaient des
chausses semblables à nos très-longs bas, collants par conséquent,
qui s'attachaient au haul-de-chausses, lequel ne descendait que
jusqu'au milieu des cuisses et qui était fixé par des aiguillettes au
pourpoint.
« Lors commença le monde attacher les chausses au pourpoinct,
« et non le pourpoinct aux chausses ; car c'est chose contre nature,
ft comme amplement ha déclairé Ockam sur les exponibles de
« M. Haulte (Ihaussade ^ »
CHAUSSURE, s. f. {cauces , cordoan, suière , soliers, huesels ,
houzeaux, estiivaux, galoches, cherboles). Nous comprenons dans
le même article les divers genres de chaussures, d'autant qu'il est
difficile de les distinguer sur leurs noms propres, et que plusieurs
ont un caractère mixte. Des cippes funéraires de l'époque gallo-
romaine nous montrent des personnages chaussés de souliers lacés
ou attachés par une boucle sur le cou-de-pied. La caliga, sorte de
sandale recouverte, attachée à la jambe au moyen de courroies, était
la chaussure habituelle des Gaulois et de quehjues peuples de la
' F. Villuu, /e Grand Textdiufjtt, \c\.
- Conifiiede Geo/froide Fleuri, 131 G.
■' Dép. du mariage de Blanche de Bourbon (mariée à Pierre le Cruel).
■• invent, de 1490.
" Gargantua, v\va\). viii.
[ cnAissi'RE ] — io6 ~
Gorinanie. Cette chaussure ne laissait pas les doigts des pieds libres ;
mais ouverte sur le cou-de-pied, elle était attachée par des courroies
croisées autour de la cheville et de la partie inférieure du mollet.
Les tribus germaniques qui envahirent la Gaule au v* siècle por-
taient la chaussure fermée et lacée à la manière des peuples du
Nord', et aussi faite de morceaux de peau fixés à la cheville avec
des bandelettes. Au ix" siècle, nous voyons que les paysans de la
Gaule n'avaient pas sensiblement modifié Tantique chaussure qui
1
(f
l
Ji.%t.
ressemblait assez aux espardilles de nos populations des Pyrénées
(fig. 1) 2. Ces chaussures consistaient en une semelle de cuir ou de
jonc, à laquelle était attachée une empeigne de peau ou de grosse
toile avec des lanières qui bridaient le cou- de-pied et renforçaient
les parties latérales. Des jambières de grosse laine ou de peau pro-
tégeaient le bas de la jambe. Les souliers des nobles, représentés
sur les manuscrits carlovingiens, se composent d'une empeigne très-
couverte avec patte , d'un quartier avec pattes à coulisses pour
passer une bandelette qui se nouait devant la patte de l'empeigne
(fig. 2) ^ Ces chaussures étaient faites de peau souple recouverte
' Chaussures (l(''couvertes dans des tourbières de la Soniine.
^ Pasteur. Prophet. (Bibliotli. impôr.. mss. d» 434, ix' siècle).
3 Bible de Charles le Chauve, Bibl. imprr. Voy. aussi les chaussures dites de Charle-
niagnc, conservi^es au tn'^sor impér. de Vienne et reproduites dans l'ouvrage de Willemin.
— 157
r CHAUSSIRE ]
d'une étoffe de soie brodée de perles et enrichie parfois de pierres
fines. Pendant le xi^ siècle, nous voyons les hommes nobles porter
£.cû/ii/'M;!ar.
des souliers sans attaches, assez hauts du quartier (fig. 3] i. Les
gens du peuple portent des sandales ou des chausses courtes, ou
sont représentés nu-pieds. Un peu plus tard, les campagnards por-
3
4
\
lent des chausses sans pieds, avec souliers attachés par un bouton
ou une boucle (fig. 4, en A), ou des bas de chausseg avec des
babouches (voy. en B) -. Alors les souliers des personnages nobles
' Bas-relief du tyinpau de la porto priacipale de l'c'glise abbaliale de Vézclay (tiii du
XI" siècle).
- Manuscr. de Herrade de LandsbL'ri,', hihliolli. do Strasbourg (xii» sièele).
[ CIIAUSSIIKE ] — 158 —
adoptent des formes variées ; les uns, semblables au soulier repré-
.A.
B
G-tA'.'Af
k
sente ligure 3, sont fort ricberaenl ornés de perles, de passementeries
r
1}
et de pierres fines (fig. o) ' ; d'autres possèdent une baute patte au
' Jîanuscr. de Hcirade de I.andsberg, Lihlioth. de Strasboiirï! (xii' siècle).
lo9 —
[ CHAL'SSLIŒ ]
talon (fig. 6)', ([ui facilite rinlrodiiction du pied ; quelques-uns sont
pointus à leur extrémité antérieure et découverts sur le cou-de-pied ;
plusieurs sont garnis de bandelettes qui s'enroulent autour du bas
de la jambe ; d'autres encore ressemblent à des chaussettes courtes
avec un crevé sur le haut du cou-de-pied. A cette époque, les
religieux portaient encore des sandales (fig. 7) -, avec pièce de
talon dans laquelle s'engageait à coulisse la courroie , qui était
nouée sur le haut du cou-de-pied.
Les chefs francs qui envahirent les Gaules étaient chaussés de
brodequins lacés se terminant en pointe.
C'était, dès le vi« siècle, une marque de noblesse pour les hommes
comme pour les femmes, de porter des chaussures élégantes. Ces
chaussures étaient faites de peau tannée teinte, souvent brodées
et ornées de perles. Il était d'usage, chez les Francs, de baiser la
jambe et le pied du chef lorsqu'on lui adressait une demande, qu'on
implorait une grâce, et cet usage se perpétua jusqu'au commence-
ment du xnr siècle :
« Où que li dus le voit, au piez li est aulez-*
1! Le pié li a baisié. la janihi" et lou sole '►. »
« Por nous vous mandent salus et aniistiés,
" Et si vous mandent que venrout cortoiier,
« Serviront vous de gré et volentiers
i< Et baiseront vos cordewan eaucier^. »
' Mus6c de Toulouse, siuliil. de la première moitié du xiic siècle.
2 Ibid.
•' A SCS pieds s'est jeté.
• La chaiisoji de l''louuant, vers 11:2 [Les anciens poètes de France, publ. s:ius la
fiirectiou de M. Guessard).
■• Chanson de Iluon de Bordeaux, vers i:i4 et suiv.
[ CllALSSLIŒ ] — 160 —
Le luxe des chaussures ne fit que se développer, si Lien qu'au
x*" siècle, sainl Odoy accuse les moines de l'abbaye de Sainl-Marlin
de Tours de porter des souliers azurés ou verts '. Cependant le peuple
continuait à faire usage de l'ancienne chaussure en façon de bottes
courtes ou de souliers attachés avec des courroies, et dont la semelle
de cuir épais ou de bois était garnie de clous. Les sculptures et pein-
tures du xn'' siècle montrent assez que les chaussures de cette
époque, pour les hommes et les femmes, étaient faites d'étoiïes ou
de cuirs brodés de diverses couleurs, et d'une excessive richesse.
Ces raffinements d'élégance ne pouvant pas être surpassés, la mode
des bandelettes faites de galons précieux enroulés autour de la
jambe reprit, et se perpétua même pendant les premières années
du xm"" siècle, ainsi que le prouve le passage suivant :
<c Et si ert bel chauciés assés.
<i Car il avoil chaucicrs frétés;
« Si avoit chances detranciés
« Asscs bien s:5anmeut chauciés '. "
Celle mode des chaussures avec bandelettes fut abandonnée de
nouveau dès le commencement du règne de saint Louis, pour ne
plus reparaître. On revint aux souliers attachés avec des boucles ou
des cordons et faits de cuirs colorés ou d'étoffes tissées d'or, de cou-
leur ou brodées. Ces souliers étaient généralement découverts sur
le cou-de-pied :
« Si fil imilt coiuteiueut caucics,
« Com bons jolis et envoisiés,
« D'uuc cauccs bien enlaillies.
« De neir et île vernicl biies^. »
Et plus loin il s'agit d'Amadas vêtu de neuf :
<■ r.arinès Ta imilt bleu caucié
« D'unes cauces bien decaupécs.
« De noir et de verniel bendées,
(. Mult bien séantes a sou voel *. »
Ces souliers étaient donc de diverses couleurs ; on leur donnait
' Voyez ['Histoire de lu chaussure, \yàv MM. P. Lacroix. A. Ducliesue, et Ferd. Seré.
Paris, 1852.
= Le Lai du trot, y. 36 et suiv. L'expression chauciés frétés ne peut laisser de doutes,
et ne peut s'entendre que comme chaussures avec bandelettes croisées.
;* t.i Romans d'Amadas et Ydoine, vers 1639.
♦ lOid., vers liltiS et suiv.
— 161 — [ CIIALSSUHE ]
les noms de soliers s'ils étaient fabriqués d'étoffe, et de cordoans '
s'ils étaient faits de peau. La ville de Lyon était renommée pour la
broderie des souliers d'étoffe :
i< Le iiKitiu te doiir;ii iiu lieriiiiii |ielii;on,
» Uues eauees de paile, soliers pointz a Liou - »
Vers 1240, les souliers des gentilshommes prenaient exactement
la forme du pied (lig. 8) ^ ; ils étaient souples, attachés par une
boucle au-dessus du cou-de-pied ou pai- un bouton. Mais vers l;2oO
celle forme ne parut plus assez élégante; de plus, on prétendit
accuser d'une manière plus fi'anche encore la forme du pied. Il y eut
alors dans la mode des vêtements, comme dans la façon des meubles et
jiiscpae dans l'architecture, une tendance très-marquée des esprits
vers l'expression rigoureusement vraie des besoins tels que la société
les comprenait. C'est alors que l'architecture abandonne complète-
ment les dernières traditions byzantines pour s'en tenir à ce que
commandent les programmes, les matériaux, les lois de la statique
et de l'équiUbre ; que les meubles affectent les formes voulues par
l'usage auquel ils étaient destinés, sans plus tenir compte des
influences oi-ientales qui, pendant tout le cours du xii^ siècle, s'im-
posaient à toutes les industries comme aux modes. Et puisqu'il
s'agit de chaussures, c'est le pied qui commande exactement la
forme qu'on leur donne. En etfet, voici (lig. 9j la trace d'un pied sur
le sol, la semelle circonscrit exactement la surface occupée par la
plante ; mais, pour ne pas fatiguer par la pression l'exlrémité des
l Covdoan, cordotn, cuvdiun, covdebisus, corduhan, souliers t'iiils île iie;iii île ilir\i-e
priiparcc origiuaircincut a Cordoiie. On en fabriqnait bcaiieouj) en l'roveuee. De ee
mot on fit cordonnier . corduhanicr. (:ourdoe7micr, et ent'n cordonnier.
* Li [îu^nons de l'nrise ia duchesse (xiii'' siècle).
■* l)es loinlieaiix de Sain! hriiis, ret'ails sous saint l.oi.is.
III. — 21
[ CHAUSSURE
— 162 —
doigts, qui tendent à s'enfoncer dans la chaussure, un espace libre
est laissé en a. La partie la plus délicate du cou-de-pied, celle qu'une
pression fatigue le plus, parce qu'elle est sillonnée de vaisseaux
sanguins qui gonflent facilement, c'est la partie externe ; on la laisse
libre. Dès lors les souliers sont façonnés, ainsi que l'indique la
ligure 10. Doublés de fines fourrures au droit des chevilles et sous
la patte, ces chaussures ne peuvent en aucune façon blesser ou fati-
guer le pied, dont elles suivent exactement les contours \ L'entaille
externe du coii-de-pied, qui laissait voir les basses chausses de cou-
leur, n'était pas sans grâce et parfaitement placée en raison de la
conformation du pied. Cette chaussure se conserva pendant la der-
nière moitié du xni" siècle, avec quelques légères modifications
apportées par le besoin de changement des modes. Ainsi on exagéra
' statues, pL'iutiires, vitraux de 12ij k l;;,j.j, mauuscr. u'' (jS20, Bihlioth. iinpér.
iG3
[ CHAUSSinE
bientôt la forme de la semelle donnée par la plante du pied. Les
côtés bc (voy. fig. 9) furent taillés droits, l'espace efïul rétréci ; on
raffinait sur ces formes indiquées par le bon sens. D'ailleurs on
(i.c^/a./\aMcr.
attachait dans la classe élevée une grande importance aux chaus-
sures ; il fallait qu'elles prissent bien le pied et ne fissent pas
de plis :
Et marche jolietement
De ses biaus soleres petits,
Que faire aura fait si felis,
Qui joindront as pies si à point
Que de fronce n'i aura point ' . »
Avant cette époque, Guillaume de Lorris avait écrit ces vers :
■■ Solers k lus, ou esUviaus
'< Aies souvent frès et noviaus,
" Kt gar qu'il soient si cliauçanl.
'■ Que cil vilain aillent ten(;aut
» En quel guise tu i entras,
1. Et (le quel paît lu eu islras "2. »
' le lioma7i de la rose, iiarlic de ,1. de Meung. vers \'i~li'.i et suiv.
- Le Homan de lu rose, partie de ('. . de Loii'is, vers 21. jS cl suiv,
[ CHAUSSURE ] — 164 —
Quand Pygmalion habille sa statue :
.. Et par pi'iuil outeute li chauce
n Eu cliascun pié solnr et rliauce (bas)
<i Entailliés julivclciiunit
« A deus doic ilii pavniiiPiit.
H N'ert pas de hosiaus estren6e,
■< Car el n'crt pas de Paris née ;
" Trop par fiist nule cliauceiiiL'nte
Il A puecle de tel jovenle ' . »
Ce passade nous indique que les femmes portaient parfois — pour
sortir à Paris dans les rues — des houseaux, qui étaient des bottines
de cuir assez fortes, ainsi que nous le verrons tout à l'heure.
Dès le commencement du xiv° siècle, la pointe des souliers s'al-
longe ; les chaussures des grands personnages sont façonnées avec
un luxe inouï : « Ledit Estienne, pour la façon et paine de broder et
« cointir (ajuster, parer} lesdiz sollers, c'est assavoir ouvrez de
<( brodeure à une frète (entrelacs) d'or trait par losenges, et sur la
« frète à quinte feuilles d'or trait, et sur chascune feuille une gi^osse
<( perle assise au milieu, et sur le losenge un lion, et le champ tout
« fait h la broche, dor de Chippre ; pour l'or trait, demi marc, 7 l.
« 4 s. p., et pour or de Chippre, soie et façon, pour son compte,
<( rendu à court, 24 l. p.; pour tout, 31 l. 4 s. p. -. »
Ce fut vers le milieu du xiv*" siècle que l'on commença de porter
des poulaines. La poulaine était un allongement démesuré de la
pointe des souliers ou de la bottine. Ce fut d'abord une affaire de
mode. A.U commencement du règne de Charles V, les poulaines
avaient déjà pris un assez bel accroissement, et ce prince crut devoir
interdire le port des « trop oultrageuses poulaines » ^ En 1364,
le continuateur de Guillaume de Nangis * s'élève fort contre l'estra-
vagance de ces poulaines, qui se terminaient en corne d'une lon-
gueur démesurée ; il ajoute que le roi Charles V fit publier à Paris
un édit par lequel il était défendu de façonner de ces sortes de sou-
liers. Comme il arrive toujours, la mode fut plus forte que tous les
édits des rois et conciles, et les poulaines ne furent pas de sitôt aban-
données ; au contraire, leur exagération alla croissant, les femmes
1 Le Romnn de lu rose, partie de ,1. de Meung, vers 21246 et suiv.
* Compte d'Etienne de la Fontaine, l.'5:)2. L'or trait était l'or ou l'argent doré étiré
"a la filière ; l'or de Chypre était de même un fil d'or étiré, mais aplati au laminoir et
enroulé autour d'un fil de soie, ainsi qu'on le pratique encore aujourd'luii.
3 Christine de Pisaa, le Livre des faicts dti sage roy Charles, chap. xxix.
* Co7itin. Chron. Guill. de Nangiaco, t. II, p. 368.
165 -
[ CHAUSSURE 1
mêmes adoptèrent cette mode bizarre et gênante. La longueur des
poulaines fut bientôt réglée par l'étiquette. Les gens de bas étage
les pouvaient porter de la longueur d'un demi-pied; les bourgeois,
d'un pied ; les chevaliers, d'un pied et demi ; les barons, de deux
pieds. Quant aux princes, ils les portaient aussi longues que bon
il
s. dJ/LTHOMOT
leur semblait. Les sergents d'armes gravés sur la pierre votive de
l'église Sainte-Catherine du Val-des-Écoliers (1876) portent des
chaussures à la poulaine. Voici (fig. 11) une paire de ces bottines.
3
de peau probablement, agrafées par dessus par des crochets entrant
dans des œillets. La ligure 12 présente des chaussures à la poulaine
de la fin du mv*' siècle, avec hauts quartiers» et la ligure 18 des
[ cii.MSSiiii-: ] — 166 —
souliers de la même époque K Les poulaines s'allongeaient si bien,
qu'il devenait très-difficile de marcher avec ces longues pointes
flexibles, aussi les attacha-t-on, soit à la patte antérieure du soulier,
ainsi que le montre la figure 14, soit à la jarretière, par des chaî-
^%
74
nettes d'or ou d'argent. Ces chaînettes étaient parfois garnies de
sonnettes. Des élégants trouvaient plus convenable de relever la
poulaine naturellement (fig. 15 en A) au moyen d'un fil d'archal
masqué sous l'étoffe, et de terminer la corne par un grelot, ou une
houppe, une fleur. Notre figure 15 ^ montre, en outre, comment on
se servait de patins de bois avec bride pour ne pas salir les souliers,
si l'on sortait des appartements. En B, est un soulier de bourgeois
de la même époque, avec patin préservatif de la boue, et en C
une botte de personnage noble, de même avec poulaine et patin ^
La mode des poulaines s'étendit même aux armures (voy. la partie
des Armes), si bien qu'il était impossible à un homme d'armes de
marcher.
Le temps de la vogue des poulaines est compris entre les années
1390 et 1440, et elles atteignent leur plus grande longueur vers
1420. A dater de cette époque, on les voit se raccourcir, puis dispa-
raître vers la fin du règne de Charles VIL Alors, et jusque vers
l'année 1470, elles ne sont plus portées que par des élégants attardés
et des personnages attachés aux anciennes modes; au contraire, les
' Mss. de la Bi'jliutli. iiuiiér.
2 D'une peinture de la fin du xiye sièile. cuil. Teruaux-Compaus.
■i Gaiguèrcs.
— 167 — [ CHAUSSURE ]
souliers s'arrondissent du bout, et, vers la lin du xv' siècle, ils se
terminent carrément avec élargissement en façon de pelle.
Parmi les exemples que nous avons donnés, on a vu paraître des
bottes et bottines. Ces sortes de chaussures, houzeaux, estivaux,
adoptées dès le xii" siècle, étaient de formes variées et servaient à
dilïérenls usages. Nous voyons les lieuses, houseaux, oesses, cités
dans les contes et romans des xn' et xni' siècles. Dans le Roman du
mont Saint-Michel ', on lit ces deux vers :
<• Li soUer suiit fail luit faitiz.
« Huescls oreul por les cuiz -. »
Il est donc certain que les lieuses étaient des bottes de fatigue,
permettant de marcher dans la boue sans se mouiller. Dans le Diz
• Par Guillaume de Sainl-Pair, poëte auglo-aorniand du xii"" sièclu.
^ Vers l'A'.'} L'I suiv. — Euiz, luarccage, liunx [ilcius d"eau.
[ CIIALSSUIIE ] — 168 —
de freire Denise le cordelier i, le frère séduil une iille el la pei'-
suade de se l'aire cordeliei' ; celle-ci revêl des habits d'homme :
" Ses biaus crius ot tel rooinguier ;
■■ Comme vallet fii t'st;mci(^
" lit t'u de bous hoiisiaus cliaiicii'.
' Et de robe k homme vestuc
" Qui estoit jiar devant feudue. »
Dans VOustillement au villain 2, parmi les objets (jui sont men-
tionnés comme nécessaires, les
« Sollers et estivaus.
■i El chauces et bousiaus. »
ne sont pas oubliés.
Lorsque le duc de Normandie revient de la chasse :
" S'est en la sale amout imiés,
" De ses oesses s'est descauchiés,
" Eutre eu la chambres d'or parée.
« llleuc a sa iiionicr trouvée '■^. »
Les houseaux étaient donc des bottes qu'on portait à cheval
aussi bien qu'à pied, et qui étaient communes à toutes les classes,
aux nobles comme aux vilains. Parfois ces bottes sont représentées
lacées ou bouclées latéralement, mais le plus souvent elles sont
fermées. Il semblerait même que les nobles, vers le milieu du
xv^ siècle, portaient des houseaux justes, et qui ne pouvaient être
ôtés qu'avec l'aide des valets.
Dans les Cent Nouvelles \ il est question d'un seigneur qui veut
violenter une jeune villageoise ; celle-ci, prise au dépourvu dans la
campagne, lui demande d'ôter au moins ses houseaux. « Je vous les
« osteray ce dit-elle très-bien s'il vous plaist, car par ma foy je n'au-
« roy cueur ne couraige de vous faire bonne chière avec ces paillards
« houseaulx. — C'est peu de chose des houseaulx, ce dit Monseigneur ;
« mais non pourtant puis qu'il vous plaist ilz seront ostez. Et alors
« il abandonna sa prinse et sassit dessus l'herbe et tend sa jambe ;
« el la belle tille lui osta l'esperon et puis lui tire l'ung de ses hou
« seaulx que bien estroys esloient ; et quand il fut environ à moitié
i Kutebeut', milieu du xiii^' siècle.
- De rouslUlement au villain {xiu« siècle).
o Li Romans de Robert le Di/ab/e (xiv^^ siècle;.
* La Hotte à (Ip)tii.
— 169 — [ CIIAUSSLIŒ ]
.' à quoy faire elle eu nioull de peine, pour ce que tout à propos le
>' tira de mauvais biays ; elle pari et s'enva tant que piedz la peuvent
(< porter, aider et soutenir de bon vouloir et là laissa le gentil comte,
« et ne (ina de courre tant qu elle fut à l'hostel de son père. Le bon
« seigneur qui se trouva ainsi déceu si enrageoit et plus n'en pou-
ce voit, et qui à cette lieure Feus veu rire jamais n'eusl eu les
« tiebvres... »
Les postillons, les hommes de train, portaient des houseaux ren-
forcés aux genoux pour éviter le contact des harnais (lig. 16) '.
Il est plus difficile de savoir exactement ce qu'étaient les estivaux.
Dans certaines contrées, en Angleterre par exemple, les estivaux
étaient de larges bottes -, tandis qu'en France ils collaient aux
jambes [equitibialia, suivant Jean de Garlande). On mettait des esti-
vaux dans les appartements, et, en rapprochant les textes, ces
chaussures paraissent être légères, faites de cuir souple ou même
d'étolTe, et doublées souvent de fourrures :
" Ins estivaus forrés d'crmiue
« Chaii(;a li rois •*...."
Les dignitaires de l'Eglise portaient des estivaux. Dans le Roman
du renard, l'archiprêtre Timer « chausses ses estivaus^ ». Renauld
de Bcaujeu, dans le roman Li biaus descomius'% décrit ainsi l'habil-
lement d'un seigneur : c< Robe d'écarlate et de vair a une bande de
« sebelin sans attaches. »
<< Uns cslivals caucirs avoil. »
' Le lio)nu/t'07i, inaniiscr. u" 6'JSl, IJihliolli. inip('r. (xv^ sicdc)
- Malliieu Paris, a jjropos des slaluts de riiopital de Saiut-Julicu.
^ Homan de Perceval.
■' Vers. 60?.').
■' i'ii xiir sirclu ; vers 2.j01 cl siiiv.
m. — ::j
[ cii.vrssuRE ] — 170 —
Or, ce seisiieui' chevalier, qui a nom Lanpars, est chez lui, il
vient de jouer aux échecs, et il se lève pour recevoir le bel inconnu.
Les estivaux étaient donc des bottes légères qu'on portait aussi
PKlHAlKt.
bien dans les apparlemeiits que dehors, lors(iu"il faisait beau temps.
Dans le Compte d'Etienne de la Fontaine ', il est question de
fournitures ti'eslivaux pour le roi Jean :
« Guillaume Loisel, cordouannier du Roy, pour trois paires
« d'estivaux, 32 s. p. la paire, et pour vingt-quatre paires de
i:i:i2.
— i71 — [ CHAUSSURE ]
« sollers '.... » — Dans le Journal de la dépense du roi Jean en
Angleterre 2, nous voyons qu'il est fourni, « pour Monseigneur Phi-
« lippe, 17 paires de souliers et 3 paires d'estivaux. Le roi fait
« délivrer une paire d'estivaux à son fou, maistre Jehan, laquelle
<( coule 4 s. 2 d. »
Ces bottes molles étaient foi't en usage à la fin du xiv^ siècle et
pendant le cours du xv°. Alors, les hommes portaient des habits
serrés, des braies et chausses collantes ; les estivaux étaient donc
souvent nécessaires.
La figure 17, copiée sur l'une des images qui décorent les parois
d'un cofîre recouvert de cuir gaufré, faisant partie du musée de
Cluny ^ représente un jeune homme portant l'habit de la fin du
règne de Louis XI ; il est chaussé d'estivaux.
Ce qui précède montre combien la chaussure était, pendant le
moyen âge, et principalement pendant les xiV' et xv^ siècles, une
partie importante de l'habillement, ei combien les gens riches se
plaisaient à les varier, à les porter fraîches et de bon air. Ce passage
d'Eustache Deschamps fait, d'ailleui's, connaître que la chaussure était
au xiv* siècle un objet de dépense assez considérable :
(^ Regarde k quelz périls tu t'ofres. »
Il s'agit, pour une femme, de tout ce qu'il faut pour tenir un rang
convenable :
" Chaussemcut le fault et solers,
■> Pour les venues, pour les alers.
Il De blanc, de uoir et de vermeil,
■> L'uû de blauc, l'autre despareil *,
'> Qui soient fait comment qu'il prangue,
» Estroiz, escorehiez a poulaine,
■> Ronde, déliée et agile,
» Tant qu'om la voye par la rue;
u Aucune foiz soient k las,
" A bouclettes, puis liauls, jniis bas,
" Selon l'esté ou les yvers.
" Et la saison des tenis divers.
, " Faull chauces et cotte liardie
« Courtelelle, afin que l'en die :
<> Vez-lk biau piet et faiticet^. »
' Ce passage indique assez que les grands changeaient souvent de iliaussures.
2 1359.
■* Le martyre de saint Etienne.
' On portait alors (vers l.'Jti.j) des souliei's déiiareillés conime coLileur. ïun blauc, [.ai
exemi)le, l'autre bleu, ou roufje, ou vert.
'" Le Miroir de nianaye. » Kailii'ct <•, joli.
[ CIlAlSSUliE j — '172 -
Nous avons vu que pour marcher dans la boue, dès une époque
reculée', jusqu'au \v° siècle, on portait des patins hauts, de bois,
qui isolaient la semelle de la chaussure. Cet usage existait encore en
France au milieu du xvh« siècle ; et, alors que les hommes ne por-
taient plus de bottes qu'en voyage, on mettait de doubles souliers,
des galoches, afin d'éviter de salir les chaussures. L'habitude de porter
des bottes ou bottines cessa peu à peu après les guerres de la Fronde.
Mais, lors de ces guerres, tous les gens du monde étaient bottés à la
ville : aussi, Tallemant raconte qu'un Espagnol passant à Paris et
s'en retournant chez lui, comme on lui demandait des nouvelles
d'où il venait, il dit : « J'y ai vu bien gens, mais je crois qu'il n'y a
<( plus personne à cette heure, car ils étoient tous bottés, et je pense
« qu'ils étoient prêts à partir-. » « Maintenant, ajoute Tallemant.
« tout le monde n'a plus que des souliers, non pas môme des bot-
« tines. Il n'y a plus que La Mothe le Vayer, précepteur de M. d'Anjou.
« qui ait tantôt des bottes, tantôt des bottines ; mais ce n'a jamais
« été un homme comme les autres. »
Quant aux galoches ou patins, on appelait encore, au xvi° siècle,
les écoliers externes qui se rendaient aux collèges le matin, des
galochiers, parce qu'ils portaient des galoches par-dessus leurs
chaussures, pour éviter l'humidité ^. Les filles de service de la reine
Anne d'Autriche, qui ne demeuraient pas au palais, étaient appelées
galoches; et donnait-on ce nom à toute personne qui, chargée d'un
service, n'était pas tenue à la résidence. Louis XIH, après la mort
du cardinal de Richelieu, aimait à travailler avec M. de Noyers, car
il ne voulait plus de favori, et M. de Noyers n'en avait pas les vues.
Quand on parlait d'atïaires. si M. de Noyers n'était pas là, le roi
disait : « Non. attendons le petit homme. » L'autre venait avec sa
bougie en cntimini... « Il étoit, disoient les gens, jésuite galoche,
« car il l'étoit sans porter l'habit et sans demeurer avec eux^ »
Les sabots n'étaient pas inconnus aux paysans; pendant le moyen
âge, on les appelait cerboles. Dans le Roman d'Alixandre % Antigone
se désole h propos du changement de fortune de la plupart des com-
pagnons du héros mort, et il dit :
'< Teus avoit blanc aubère, or vestira caole
« Et saulers paius à or qui or ara cherbole. »
1 Voy. Chausses, fig. 2.
- Mém. de Tnllemnnt : M. d'Aumont.
■* Les Nouvelles liécrr.atwns de Bouaventure Desperiers, noiiv. lxiii.
' Mém. de Tallemant : Louis XIII.
■' Testamoat, f. SO. v. 2o.
— IT;-) — [ CHEMISE ]
C/esl-n-dire : « Hélas ! tous ceux, qui avaient blanc haubert et
souliers brodés d'or, ne vêtiront plus que la cagoule et ne chaus-
seront que les sabots. »
CHEMISE, s. f. [kcmise, chainse). Tuni(|ue de dessous, à manches,
fermée, faite de toile de lin ou de chanvre; on en portait aussi de
soie. Les chemises de toile étaient désignées ainsi, chemises de
cainsil .•
» Il ot i-lieiiiise lie cainsil
" Vestiie. délié et soblil '. ■>
Les chemises des hommes étaient courtes, celles des femmes très-
longues et descendant jusqu'aux pieds, pendant le xn" siècle. Nous
en trouvons la preuve dans le passage du roman du trouvère Robert
Wace, qui décrit les amours de Robert et d'Ârlelte^. Ce passage
indiquerait que les femmes se mettaient au lit vêtues de chemises;
cependant, cet usage n'était pas habituel, car dans le Roman de la
violette, quand la chambrière a fait le lit d'Eiiriaut, sa maîtresse :
'I Sa dame apiele, si le couche
'■- Nue eu chemise en la couche ;
'1 Conques en trestoute sa vie
". La biele, blonde, l'escavie (l'accomplie).
Il Ne volt demostrer sa char uuo'^. "
Ce qui surprend la chambrière ; aussi Euriaut lui répond qu'elle
veut cacher ainsi à tous les yeux un signe que son ami seul connaît.
En effet, habituellement, et jusqu'à la fin du xiv" siècle, les femmes,
ainsi que les hommes, se mettaient au lit sans chemises ;
H Li cuens Amiles en la chambre est venus,
■c En lit Ami s'ala coucher touz nus :
<< Avec lui porte son branc* d'acier niolii.
« Et Luhias a les siens dras lolus^' ;
(i Delez le conte s'a couchié nu a nu^. «
Pendant les cérémonies qui précédaient l'armement d'un cheva-
I I.e Lni del trot.
- Le Romnn de Rou (xii" siècle), vers 7991 et suiv.
3 Romnn de la violette [ww^ siècle), vers "ûl et suiv.
» Épée.
» LuMas a ôté sa chemise.
* Pocme A'Amisi t't Avilie, m?., franc, fomls Colbert. n^ 7227-.'i. Uiblioth. imp.
I CIIKMISE ] — 174 —
lier, celui-ci mettait, au sortir du lit où il était couché nu, une
chemise de lin blanche ' :
<« lîrais, clieinise ot de cheiusil
u Plus blanche que n'est flur en avril-. »
« Ceniise et braies de cainsil
(( Plus blances que flor ne grésil s. »
Ces chemises étaient faites, pendant le xn« siècle et jusqu'à la
moitié du xiii% à petits plis et bordées (pour les femmes comme
pour les hommes) de ganses et fils d'or au col et aux manches, qui
restaient visibles :
<■ Trop fu apertenient veslue (la reine]
■i D'une chemise estroit cousue,
.1 En braz, et par les pans fu lée,
« Déliée, blanche et ridée '*. >•
Et dans le Roman de la violette, Gérard :
<c Desous (un mantelet court) ot chemise ridée
K. Qui de lîl d'or estoit brodée,
« Viestue l'avoit pour le caut (a cause de la chaleur)
<i Querre volt aler Eiiriaut-j. »
Et encore dans le conte Do chevalier de iEspée :
I. Et chemise gascorte et lée
(> De lin menueinent ridée •".
Ces chemises étaient encore portées longues par les femmes à la
fin du xni" siècle, ainsi que l'indiquent les vers ci-dessous :
«■ Tu passas devant son lit,
« Si soulevas ton train'
" Et ton peliçon ermin^,
« La ceniisse de blanc lin
Tant que ta ganibete vis.
" Garis fu li pèlerins 9. »
' Voy. Legrand d'Aussy, Contes, t. I. p. 136.
- Lai del désiré, vers 97 .
3 Roman des aventures de Fiégi/s.
'* Extraits de Dolopatlios d'Heriers[\\\i^ siècle).
2 Vers 3466 et suiv .
6 Vers 40.
" La partie traînante de la robe de dessus, la queue du bliaul.
•* Doublé d'hermine.
9 Conte d'Aucasin et Nicokie, manuscr. u° 'd?9, Biblioth. impi'r.
— JTo - [ CHEMISE ]
La figure 1 donne le haut d'une chemise i\i dame noble du
xir siècle'. Le col, tout formé de pelits plis, est attaché par un
bouton ; les manches, étroites au poignet, sont gaufrées d'après un
procédé bien connu des blanchisseuses de fin. encore aujourd'hui.
C'est sur cette chemise qu'on mettait le bliaut, et habituellement
une première robe sous celui-ci.
£.CaiLLf\LMOr.
Les hommes nobles portaient, ainsi que nous l'avons vu, des
chemises à petits plis sous la robe ou le bliaut, et même, quand il
faisait très-chaud, directement sous le manteau; ces chemises
étaient des tuniques ne descendant que jusqu'aux genoux et à
manches assez justes (lig. 2j-. Les dames ne dédaignaient pas de
tailler et coudre des chemises pour leurs maris ou leurs amants.
Quand Ydoine guérit son ami Amadas de sa folie, elle se plaît à le
vêtir de beaux habits :
" C.cniisL' cl braies lihmces a,
" OirY(li)iiin oousi cl tailla,
(1 De blanc caiusil liii'ii ilcliic-'*. »
Vers la lin du \\\" siècle, le nom de chemise est remplacé habi-
' statues du portail Hoyai de la cathédrale de Chartres (xii= siècle).
' Vitrail de la cathédrale de Chartres : Ilaptr'aie du Cluisl (xiii" siècle).
^ Li Horuans il' Amadas et Ydoine, vers ;i76.'i et suiv.
[ COIFFE ] — 176 —
luellement par celui de robcs-lniges. On en l'aisuil de drap, pendant
le xV siècle, pour la nuit.
2
On donnait le nom de doubles ou doublez à des sortes de chemises
ou de robes de dessous faites d'étotîe mise en double (voy. ce mot).
COIFFE, s. f. Bonnet de toile, de laine ou de soie, juste à la tête,
que les hommes nobles et les riches bourgeois portaient sous le
chaperon, et les gens d'armes sous le heaume (voy. Cuapeuois). Les
gens de métiers, les artisans, dès la lin du xn" siècle el pendant le
cours du xni", portaient une coiffe de toile ou de laine, suivant la
saison, qui enserrait les cheveux, couvrait les oreilles el s'attachait
sous le menton (fig. 1). Ce genre de coiffure est adopté par tous les
hommes de la classe inférieui'e occupés de travaux manuels. Les
— 177 — [ COIFFE j
petits marcliands, les artisans, les ouvriers sont constamment repré-
sentés coiffés de cette façon, de 1220 à 1270.
La coifïe que les personnes d'un rang élevé portaient sous le
chaperon, de 4300 à 1460, n'était qu'un serre-téle, une calotte
très-juste, mais ijui ne s'attachait pas habituellement sous le men-
ton. Cependant on voit, au moment où Ton commence à adopter le
\
chaperon, que la coiffe attachée sous le menton est portée sous ce
chaperon '. La figure 2 nous montre une coiffe en forme de calotte,
ainsi que les enfants et les très-jeunes hommes la portaient pendant
le cours du xiii^ siècle et le commencement du xiv" 2. Les coilfes que
l'on portait sous le chaperon étaient de la même couleur que celui-ci.
La coiffe que la sage-femme posait, à l'église, sur la tête de l'en-
fant, après le baptême, avait nom cresmeau : « Item, la sage-femme
« et la marainne doibvent venir à l'église avec la demoiselle servante
« de Dame, et doibt la sage-femme porter le cresmeau \ »
Les femmes portaient des coiffes alors que la mode était de
cacher entièrement les cheveux sous des coiffures montées, c'est-
à-dire au commencement du xv" siècle. Ces coiffes étaient parfois
de véritables serre-tête, qui enveloppaient complètement la che-
velure (voy. Con^'FURE).
Il n'est question de calottes régulièrement portées par les ecclé-
siastiques, pendant les offices, qu'en 1377, et encore faut-il que ces
ecclésiastiques ne soient point revêtus du surplis ', ou qu'ils ne
soient pas occupés aux fonctions de leur ministère.
' Voy. {ÎHAPKnoN, fig. 2.
' Des chapiteaux du cloître de Saiut- Ti'oiiliiine d'Arle> (tin du xiii'" siècle).
^ Alicror de l'oicliers, les Honneurs de la cour, lî29.
♦ Statuts syuod. du diocèse de Poiliers, l.'m.
m. -- 23
COIFFURE, s. f. Nous comprenons dans cet article tout ce qui con-
cerne l'arrangement des cheveux et de la barbe, ainsi que les orne-
ments dont on les couvre ; les articles Aumusse, Chapeau, Chapef{0>-,
Coiffe, traitant des vêtements de tête qui ont un caractère d'utilité.
Nous n'entreprendrons pas de discuter sur les modes diverses qui
lurent en usage dans les Gaules au moment de l'invasion des peu-
plades germaniques, relativement à la manière de porter les che-
veux, de les teindre et de les nourrir. Les races aryennes étaient
renommées, de toute antiquité, pour la beauté de leurs longues
chevelures blondes ; et les poètes ont donné à la plupart des divi-
nités de l'Olympe grec des cheveux blonds. A Rome, les chevelures
des Germains étaient vendues aux élégantes pour parer leurs têtes,
et, cà défaut de faux cheveux, les dames teignaient ou poudraient
ceux que la nature leur avait donnés, pour en dissimuler la couleur
sombre. Pendant le moyen âge, la couleur blonde des cheveux est
considérée comme la seule qui puisse accompagner un beau visage, et
il faut dire que les races conquérantes des Gaules qui composèrent la
caste noble étaient renommées par l'abondance et la couleur fauve
de leur chevelure. Les chefs francs portaient les cheveux longs ;
c'était un signe de noblesse, une marque du rang qu'ils occupaient ;
ils les entretenaient avec grand soin et les laissaient tomber naturel-
lement sur les épaules. Grégoire de Tours dit * « que les Francs,
« ayant traversé le Rhin, passèrent dans la Thuringe, et là, dans les
« districts ou les cités, ils se donnèrent des rois chevelus {reges
« crinitos) pris dans la première et, si je puis parler ainsi, dans la
« plus noble de leurs familles {nobiiiori suorum familia) ; ce que
« prouvèrent plus tard les victoires de Clovis, que nous raconterons
« bientôt. » Cet usage de porter les cheveux longs se conserva long-
temps chez les hommes de race noble : les laisser en désordre était
un signe de deuil ; les couper, la plus grande marque d'humihté et
une sorte de dégradation. En effet, lorsque Clovis eut vaincu Cba-
raric, qui régnait à Térouanne, il le lit tondre, lui et son fils. Or,
comme Chararic se plaignait de son humiliation et pleurait, son fils
lui dit : « Ces branches ont été coupées sur un arbre vert, et ne
<> sont pas entièrement desséchées ; bientôt elles repousseront et
- grandiront de nouveau. Plaise à Dieu que celui qui a fait tout cela
« meure aussi promptement ! » Ce propos ayant été rapporté à
Clovis, il le prit pour une menace, il ht trancher la tête aux deux
princes -.
' Lil). 11, cui). IX, traïu'èâ Sulpicc Aloxamlrc et d'aiilrcs autuurs.
' Greg. Tiiron. Hisl. Franc, lih. H, cap. xli.
— 179 — [ COIFFURE ]
La tonsure était, sous les Mérovingiens, une marque de servitude,
et en se faisant raser tout ou partie des cheveux, ceux qui entraient
dans les ordres se rendaient ainsi serfs de Dieu. Lorsqu'un homme
libre était obligé de vendre sa liberté, — si, par exemple, il ne
pouvait payer ses créanciers, — comme marque de sa déchéance
on lui coupait les cheveux.
Le soin que les conquérants des Gaules avaient de leur chevelure,
la vanité qu'ils tiraient de cet agrément, ne pouvaient guère s'accor-
der avec les idées que le clergé attachait aux avantages corporels.
Sur ce point, comme sur beaucoup d'autres, les Pères, les conciles,
les évoques prétendirent réagir contre les habitudes païennes ; et
l'on sait quels raftlnements les Romains et les dames romaines
apportaient dans l'art de se coitTer. Déjà, au v siècle, Synésius,
évêque de Ptolémaïs, s'était élevé avec une violence extrême contre
les longues chevelures que portaient les hommes de son temps.
« Ceux-ci, dit-il, qui ont soin de leurs chevelures, sont des adultères,
« desefféminés, des victimes de l'incontinence.» Tertullien n'est guère
moins sévère à l'endroit des personnes qui teignent leurs cheveux,
qui s'en parent avec ostentation. Le concile de Constantinople, en
692, excommunia ceux qui ont des cheA^eux frisés par artifice ; saint
Clément d'Alexandrie, saint Basile, saint Grégoire de Nazianze, saint
Jean Chrysoslome condamnent les chevelures longues et frisées. Les
évéques de l'Occident ne se firent pas moins les censeurs de la parure
des cheveux et des fausses chevelures. Il ne paraît pas que les épi-
grammes, les censures, les admonestations, les exhortations et les
menaces aient empêché les hommes et les femmes qui vivaient dans
ce siècle de se parer de leurs cheveux naturels, de les poudrer d'or,
de les teindre, de les natter, de les friser, et au besoin de suppléer
par de faux cheveux à ceux qui leur manquaient. Sur ce point comme
sur beaucoup d'autres, la mode était plus forte que les censures dès
les premiers siècles du christianisme. Nous prenons donc acte des
protestations du clergé, en reconnaissant qu'elles ne furent alors
d'aucun etïet, et que la coiffure, parmi les laïques, principalement
dans les classes élevées, fut, dès l'époque mérovingienne, une des
parties les plus importantes de la parure des deux sexes. Bon nombre
de personnes se figurent volontiers que les hls de ces leudes francs,
dont les mœurs étaient, en bien des points, si voisines de la barbarie,
étaient vêtus comme des sauvages et n'avaient que peu de soins de
leurs parures. C'est là un de ces préjugés qu'on entretient chez
nous sur le moyen âge, préjugés démentis par les textes. Mais sans
remonter aux Mérovingiens, ce qui serait sortir des limilos de cet
f COIFFURE ] — ISO —
ouvrage, il est certain que, sous les Caiiovingiens, la coiffure était
pour les deux sexes une affaire essentielle. Les monuments de cette
époque, manuscrits, bas-reliefs, nous montrent les hommes et les
femmes de condition noble avec des cheveux longs, tombant der-
rière les épaules et laissant les oreilles libres. Les cheveux, divisés
en deux parts sur le haut du front, sont parfois maintenus par un
cercle. Ceux des hommes descendent un peu au-dessous des épaules;
ceux des femmes, jusqu'à la hauteur des reins, frisés ou plutôt
ondes sur les tempes. Alors, du w" au x° siècle, les laïques ne
portaient pas la barbe, et les clercs, auxquels il avait été interdit
jusqu'alors de la laisser croître, commencèrent à la porter courte.
A la fin du x" siècle, les hommes ne portaient plus les cheveux longs
mais coupés à la hauteur du milieu des oreilles et tombant régu-
lièrement autour du crâne (fig. 1) '. Avec les cheveux ainsi disposés.
la barbe était taillée assez court, quelquefois en pointe. Les Nor-
mands, au moment où ils commencèrent à s'établir sur le sol des
Gaules, ne portaient que les moustaches et se rasaient le menton ;
leurs cheveux étaient courts et ne descendaient que jusqu'à la
nuque. Vers la fin du x" siècle, les laïques, en France, reprennent la
barbe, mais pointue et séparée des moustaches, qui sont coupées car-
rément. Les Normands, sous Guillaume le Bâtard, ne portaient point
les moustaches, et quand ce prince eut conquis l'Angleterre, il obligea
ses nouveaux sujets à couper les leurs, car les Saxons les laissaient
croître, et ne suivaient pas en cela la mode des Normands. Gré-
goire VII envoya aux évoques des ordres sévères pour qu'ils eussent
à faire couper la barbe des clercs dans leurs diocèses ; car, malgré
les canons, tout le clergé portait de nouveau la barbe dans l'Occi-
1 Panneau d'uno rouverturo de livre (ivoire), Biblioth. iiiipér.
— 481 — [ COIFFURE 1
dent. Au commencement du xii" siècle, les hommes, en France,
portaient la barbe longue, divisée en deux pointes, les moustaches
distinctes de la barbe et de même terminées en pointe. Les che-
veux étaient longs, tombant sur les oreilles et derrière le cou. La
figure 1 bis explique cette mode i. Alors les hommes tenaient à
avoir le front dégagé et avaient grand soin de séparer les cheveux
¥
par une raie au milieu du crâne. Ces barbes en mèches pointues
demandaient à être cultivées avec soin ; pour obtenir ce résultat, on
les enfermait la nuit dans des sacs avec certains onguents, afin de
les rendre douces et soyeuses. Les moustaches s'appelaient fjuernon
au xu' siècle, ou grignon au xni*' siècle :
« N'ert mie cliovalicr, encore ert valcton,
" N'aveit encore en vis ne barbe ne gueruon -. ■>
« Guillaunu' b)l. si laint comme charbon,
'( De maniaient a froncé le grignon ^. »
Les romans qui datent du commencement du xmT siècle, rap-
' D'un chapiteau île la porte occidentale de l'église abbatiale de Vczelay. La tête est
coiffée d'une aumnsse légère.
2 Roman de Hou, vers 3817 et suiv. (xn« siècle).
^ Roman de la violette, vers 1421 et suiv. (xiri'' siècle).
[ COIFFURE ] — 182 —
pellclU la coiUuine chez les nobles, au xii" siècle, de prendre
grand soin non-seulemenl de la barbe, mais des cheveux :
i< Desor son pis gisoit sa géant barbe florie,
.. Diisque vers le braiol blance cou flor uegie.
" Par derrier ses espaulles est sa criue vergie,
» A .III. fie\ d'ormier galoace et trenchée,
'I A botons jaffarins l'avoit estroit ploie ;
(. Li chapiax de son ebief valoit tote Pavie ' .
Ainsi des fils d'or et des boutons ornés de pierreries étaient tressés
avec la chevelure des hommes nobles, lorsqu'ils présidaient quelque
solennité.
Dans les bas-reliefs de la nef de Vézelay (1100), les personnages
couronnés sont cependant représentés imberbes, ce qui ferait sup-
poser qu'alors, dans cette partie de la France, c'était une marque
de suzeraineté d'avoir les cheveux longs et la barbe rasée.
Quelques commentateurs admettent que le mot guernon doit
s'entendre comme cheveux des tempes, et en effet, dans la chanson
de Gui de Bourgogne, on lit ces vers :
« Dus Naimes de Baiviere au est saillis au pies ;
« Son mante! lest chaoir, qu'est a or entailliés,
" Sa barbe li baloie juse'au neu du braier,
« Par desour les oreilles ot les guernons treciôs,
■> Derier el baterel - gentemeut atacliiés ;
i> Mult ressemble bien prince qui terre ait a bailler s. .,
Et plus loin :
« Sa barbe li baloie juse'au ueu du braier.
" Par desus les oreilles ot les grenons treciez '*. »
D'après ces derniers textes, qui datent de la seconde moitié du
XII* siècle, on doit admettre que les guernons sont des mèches de
cheveux partant des tempes, tressées et passant dessous ou dessus
les oreilles, pour s'attacher derrière le cou, par-dessus la masse de
cheveux couvrant la nuque et les épaules. Il n'était guère possible
de tresser les moustaches et de les attacher de cette façon. Alors,
' La Conquête de Jérusalem, chant VI, vers u6"G et suiv.. composée par le pèlerin
Richard et rcnouv. par Graiudor de Douai, publ. par C. Hippeau.
- Hatcre/, chignon du cou.
^ Gui (le Bowf/ogtip, vers li!7 et suiv.
i l/jicL, vers 1S39,
— 183 — [ COIFFURE I
c"esl-à-dire de 1140 à 1170 environ, ainsi que le conslalent les
sculptures des cathédrales de Paris, de Chartres , de Senlis et de
beaucoup d'autres édifices, les hommes portaient la barbe très-
longue, soigneusement ondée et divisée par mèches ; les moustaches
distinctes ; les cheveux également très-longs, divisés en deux parts,
recouvrant une partie du front et tombant derrière les épaules.
n,
Cï
/ llljllp 0 '
E.LVILLRmOT.
Outre le cercle qui maintient les cheveux sur le sommet de la tête et
les empêche de tomber sur les yeux, on voit en elïet, comme l'in-
diquent les passages précédents , dans des sculptures de cette
époque, les cheveux des tempes nattés, passant sur les oreilles,
attachés par derrière et maintenant ainsi la masse capillaire posté-
rieure (llg. 1 Ur.). Toutefois cette dernière disposition est rare, et
[ COI FF LUE
— 184 —
il fallait, en effet, avoir une terrible chevelure pour adopter cette
coiffure que les poëtes de la fin du xn« siècle et du commencement
(lu Mil' prêtent à Cliarlemagne, au vieux duc Naimes, le Nestor des
romans carlovingiens.
Mais, avant de passer outre , parlons des coiffures des femmes.
Celles-ci, dès le ix" siècle, portaient souvent de longs voiles, cachant
entièrement les cheveux et tombant sur les épaules. Celte parure
semble avoir été spécialement affectée aux dames nobles. Voici
(Qg. 2) * une représentation de cette coiffure que nous avons cru
devoir traduire pour l'intelligence du vêtement par la figure 3. Sur
le voile qui lui enveloppe complètement les cheveux, celte femme
porte une couronne d'orfèvrerie , et une large agrafe circulaire
retient les bords du voile, qui était rond et fait d"étoffe de lin
très-fine.
Au xi° siècle, les voiles des personnages nobles n'enveloppent
plus la tête et ne font que couvrir le derrière du cou, les deux côtés
1 Ms. (les Prophéties, liibliolh. inipér.. fonds Sainl-Gerniaiu, ii" 434 (ixe siècle).
— 185 — [ COIFFURE ]
des tempes, en tombant sur les épaules ; ils laissent voir les che-
veux en bandeaux et s'échappant eu longues mèches ondées sur
les reins.
Avec le xn' siècle la parure des femmes subit de véritables chan-
gements. Les rappoi'ts fréquents que l'Occident eut alors, non-
seulement avec Constantinople, mais avec la Syrie, l'Egypte, la
Vénélie, la Grèce, eurent sur les modes une iniluence considérable.
Ce n'étaient pas seulement des soldats qui alors se transportaient
en Syrie, mais des artisans, des familles entières. Les femmes étaient
très-nombreuses dans les armées des premiers croisés ; cl, lors(|ue
leurs chefs se furent établis à Anlioche, à Jérusalem, la plupart y
firent venir leurs femmes. 11 n'est donc pas surprenant que celles-ci
aient pris aux Byzantins et même aux Arabes quehiues-unes de leurs
parures, et surtout ces belles étoiïes qu'on fabriquait à Damas, à
Bagdad et à Constantinople même. C'est alors, en effet, que la mode
des vêlements longs, faits d'élolfcs souples, légères et crêpées, des
III. —
[ COIFITHE ] — 186 —
longues manches, des coiffures ornées d'or, s'empara de toutes les
classes élevées :
« Vcstiic fu d'une porprc rocc,
'( Sa criiie rrespe fu à or galouéc '. »
Et encore lit-on ces vers dans un roman du milieu du xm*" siècle :
« Et ele iL'ii loule desliée
« Et s'estoit d'un lil d'ôi' trcsciéc
<(■ Mes si bel crin jilus reluisoieut
K Que li ors dout trecié estoient
« Car il estoient crespé et tor,
« En son chicf ot .i. cercle d'or,
« Pierres précieuses et cliierres,
" A flors de diverses maiueres-. »
De 1130 à 1140, les femmes nobles séparaient leurs cheveux en
deux grosses nattes qui tombaient devant les épaules (tig. 4)^ ou bien,
formant de chacune de ces deux parts deux longues mèches, elles les
réunissaient au moyen de bandelettes de soie ou de tissu d'or (fig. o)\
Nous avons donné cette toilette entière, afin de faire mieux voir
comment la coiffure s'hai'monisait avec l'ensemble du vêtement. Ici
les cheveux sont recouverts d'un petit voile rond qui cache leur
séparation sur la nuque. Le bliaut (voy. ce mot) est fait d'étotïes
gaufrées et crêpées ; le manteau est une cape demi-ronde. Voici
(fig. 6) comment les bandelettes réunissaient les longues mèches de
la chevelure, passant successivement (voy. en A) en dehors des deux
mèches, puis entre les deux. Ces coitïures devaient demander beau-
coup de temps et beaucoup de soin, aussi n'étaient-elles adoptées
que par les femmes nobles, auxquelles alors les loisirs ne man-
quaient pas. De beaux cheveux blonds ainsi entrelacés de bande-
lettes d'or et de soie, tombant jusqu'aux genoux et détachant leurs
tons fauves sur les étoffes fines et crèpelées du bliaut, souvent trans-
parent, bordant le manteau fait de ces belles soieries d'Orient aux
vives couleurs, se mèliint à l'éclat des pierreries de l'agrafe et de la
ceinture, surmontés d'un très-léger voile de lin et d'une couronne
d'orfèvrerie, devaient, certes, composer une belle parure. A la même
époque, les hommes nobles portaient, ainsi que nous l'avons dit
' Guillaume d Orange, chansons de geste des xi" et xii^ siècles, publ. par
M. \V. J. A. Jonckbloet (Paris, 1854) : la Bataille d'Aleschans, vers 3103 et suiv.
= Extraits de Dolopathos, d'Herbers.
■i Du portail occidental de la ('athédralc de Chartres.
* Figure du portail de Notre-Dame de Corbcil, aujourd'hui déposée dans l'église abb:i-
lialc de Saiut-Denis.
— 187 — [ COIFFURE ]
plus haut, les cheveux longs, laissanl hahiluellement voir les oreilles
et tombant en pointe derrière la nuque ; la barbe, frisée, entretenue
lu
■ i(Qio".,y)f{
avec beaucoup de soin, ne descendait qu'exceptionnellement au-
dessous du cou (fig. 7)'. Les bourgeois portaient également la barbe,
Sliitucs (lu jioihiil occidcnhil tli' hi lallR'drjilo de Charlrc:
[ COIFFURE ]
188
mais les cheveux moins longs. Quant aux artisans, ils ne portaient
pas la barbe et tenaient leurs cheveux assez courts •.
Cependant, ainsi que le montre la figure 1 ter, il était admis que
' Voyez les mss. du xn^ siècle, et notamment celui de Hcrrade de Landsberg. bihlioth.
de Strasbourg. — Voyez aussi les bas-reliefs de cette époque : Chartres, Paris, Saint-Loup
de Naud, etc.
DICTIONNAIRE DU MOBILIER ERANCAIS
Tome III
Coiffure^ fig. 5.
Hi
COIFFUllE hV. I>AMI' iNOIîM: (\ii» siècle).
Cn. nofîiMANN, éditeur.
Inip. MoTTEnoz cl Martinet
— 189 — [ COIFFIRE ]
des personnages nobles et vénérables laissaient croître entièrement
leur barbe, mais ce n'était pas là une coilTure qui pût convenir aux
hommes jeunes. Ceux-ci portaient les moustaches coupées carré-
ment, la barbe en mèches soigneusement séparées et formant des
S
pointes se touchant ou se croisant; les cheveux coupés court sou-
vent au-dessus du front, et tombant en longues mèches derrière les
[ coii'iraE ] — 190 —
oreilles et le cou. La figure 8, qui reproduit une sculpture de cette
époque (1160 à 1170)', explique cette mode bizarre.
Jusqu'alors, il était d'usage de jurer par sa barbe, et les poëmes de
la fin du XII'' siècle mentionnent encore celle ancienne coulume des
Francs. Dans la Chanson de Huon de Bordeaux, Charlemagne
s'exprime ainsi, lorsqu'il prétend faire un serment :
<> Et par la barbe qui me peut sor le pis 2. »
Ces longues barbes étaient gênantes lorsqu'on s'armait ; on les
passait sous le heaume, et elles tombaient devant la rentaille du
baubert :
u La barbe ot longe d'esc'au ueu del baudré,
>. Qui li pendoit desous l'eline jesmé ;
« Sous le ventaille de haiiberc l'ol jeté '■'. "
Dès l'origine du christianisme, le clergé s'éleva toujours contre
l'iiabitude de porter des cheveux longs, ainsi que nous l'avons dit plus
haut, et lui-même donnait l'exemple en se coupant les cheveux en cou-
ronne au-dessus des oreilles et se faisant raser le sommet du crâne.
A cette coulume il y eut cependant des exceptions, puisque les
conciles interviennent parfois pour censurer les longues chevelures.
En 1191, le concile de Toulouse déclare que tout clerc qui porterait
les cheveux longs serait privé de la communion jusqu'cà ce qu'il eût
fait couper sa chevelure. En 1198, le concile d'York déclare vacanls
les bénéfices de ceux, parmi les clercs, qui s'obstineraient à ne porter
plus la couronne et la tonsure. Quant à la barbe, les religieux régu-
liers, comme le clergé, la portaient pendant le xn° siècle.
La barbe était considérée si bien comme un signe de noblesse, qu'on
ne pouvait faire un plus grand afl'ront à un homme libre que de la
lui couper. Le poëme de Floorant ^ part de cette donnée. Clovis a
quatre fils; il confie Floovant, l'aîné, à son sénéchal, duc de Bour-
gogne, pour lui apprendre à manier les armes. Le sénéchal emmène
le jeune prince à son hôtel, le fait bien manger ; après quoi tous
deux vont se promener au verger, et s'asseyent côte à côte sur
l'herbe. Bientôt le duc s'endort « qui fu viaux et penez » :
<( n ol blainche la barbe jusque au ueu dou baudré. »
' Des chapiteaux de Thûtel de ville de Saint-Autoniu (11*0 environ).
2 Chanson de Huon de Bordeaux, vers 1050.
s Chanson de Huon de Bordeaux, vers SO.jI et suiv. (voyez la partie des Armes).
♦ Écrit au commencement du règne de Philippe-Auguste, si l'on s'en rapporte auN
descriptions des mœurs, des vêtements des usages.
— 191 — [ COIFFURE ]
Ici l'auleur nous apprend qu'alors' tous les prud'hommes étaient
barbus, clercs et laïques, ainsi que les prêtres tonsurés :
« Et quanl (li uns cstoit) aporcéuz d'anibler-,
" Doncques li fagoil l'en les grenous à ouster
<( Et trestoz les forçons de la barbe couper ^ ;
" Lores estoit hontous, bonis et vorgondez
» Si qu'il ni' parousoit entre gantz rouverser,
" Et quant il cstoit pris, a mort cstoit livrez '. »
Donc, le sénéchal dort, Tenfanl le regarde. Il épluchait une
pomme sur le pré, d'un couteau (lu'il tenait à la main :
a Dou coutcl ai la barbe a son niaitre copc. »
Le duc s'éveille; voyant ses grenons et sa barbe coupés, et l'en-
fant tenant encore son couteau affilé, il s'emporte :
(c Et par .1. soûl petit qui ue l'an a tue. »
« Maudite soit l'heure où vous avez été engendré, damoiseau,
qui ainsi m'avez arrangé ! je m'en vais me plaindre à votre père :
« Qui vos ferai la teste et les niaubres roper. »
L'enfant se prend à pleurer et lui promet de lui donner des terres,
des chevaux... 3Iais le sénéchal, se couvrant la tête de son manteau,
va trouver Clovis. Quand le roi le voit ainsi ébarbé :
« Sire dus débonnaires, qui vos a vorgondé? » lui dit-il. Et,
apprenant le méfait de son tils, il veut lui faire trancher la tête ; sur
les instances de la reine, il consent à l'exiler pour sept ans : et ce
sont les aventures que court le jeune prince pendant cet exil que
raconte le poëme. Quand expire le délai et que Floovant découvre
sa naissance au roi Flore :
(1 Je sui (Hz Cloovis (dit-il), l'auparesre des Frans.
u Qui me cliaçai de France por son fier uiiiutal.iiil,
'< Por .1. petit mcsfait, qui ne fut gaires granz.
H Que copai a mon maître les grcuous au dormant .
Cl Me fit forjurier France de ci que a .vu. auz.
« Or est vcnuz li termes que li greuons sont granz. »
' En clïct, dès 1200, personne ue portait [ilus la barbe, et l'auteur parle du temps
imssé .
^ Convaincu de vol.
^ Les fourchons de la barbe [voy. la figure S).
* Voyez la ('hmimn de Fioovanl, publ. sous la direct, de .M. Oucssard.
[ COIFFL'KE ] — 19!2 —
La mode des barbes élait passée à la lin du xii'= siècle, el le poêle
lui-niLMiie trouve que pour une si longue pénitence le méfait était
petit. Vers le milieu du règne de Philippe-Auguste, personne ne por-
tait plus la barbe. Les laïques nobles, les riches bourgeois, taillaient
leurs cheveux de telle façon qu'ils formaient un toupet court sur le
front et tombaient des deux côtés des tempes, en laissant voir les
y
V
Jt.
oreilles ; derrière la nuque, ils atteignaient le milieu du cou. Toute-
fois, les grands seigneurs conservaient encore la longue chevelure
descendant sur les épaules. C'est ainsi qu'est représenté Philippe-
Auguste sur ses sceaux. Vers 12^o, les hommes commencèrent à
tailler leurs cheveux court et carrément sur le front, en laissant sur
les oreilles et la nuque les cheveux longs. Cette mode persista jusque
vers 1250. Dans quelques provinces, en Bourgogne notamment, la
barbe courte, soigneusement cultivée, fut maintenue. Mais il est à
croire que celte mode n'était admise que chez les bourgeois et les
artisans, car les gentilshommes sont représentés imberbes ; ils sui-
vaient en cela la mode de France, qui donnait le ton. Voici (fig. 9)
une tête d'homme copiée sur un cul-de-lampe de l'église de Semur
en Auxois (1235 environ), indiquant clairement la disposition de la
coiffure bourguigonne avec la barbe courte ; tandis que la ligui'c 1
de notre article Chapeau montre un gentilhomme du même temps,
ayant la barbe rasée et les cheveux disposés comme ceux de la
figure 0 ci-dessus.
193
[ COlFFlItE "j
Vers ii240, en France, les liommes nobles et les bourgeois por-
taient les cheveux roulés sur le sommet du front, le laissant à
découvert, et longs sur les oi-eilles et la nuque, mais écartés des
10
^
tempes, de manière à placer les oreilles au fond d'une cavité. A leur
extrémité, les cheveux longs étaient roulés du dedans au dehors
(fig. iO) '. Cependant les enfants et les jeunes gens, jusiiu'à l'âge
IL
1/1/
'^.
où ils pouvaient être ai-més chevaliers, portaient les cheveux courts
et tombant naturellement sans frisure (lig. M)-. On cessa de rouler
les cheveux sur le IVonl vers 1"270 ; lenus courts sur le sommet du
1 Slaliies (les rois de l'iilihiiNc île S:iiuL-I)eiiis, rotViitus sous saiiil Louis (l'liiliiii)c'. lils
ilo Louis IX).
^Statue (le l'IiilipiM', livre de saiiil Louis, im' m 1221, luorl jeune, aujonnl'iiiii
'li'|i(is:'C dans IV'Lîlise al)balial(! de Saiid-'Jeuis, proveuaul de r.ovMUiiioul.
111. — 2:j
[ COII'I'LRK ]
i9i
crâne, ils formaient de peliles mèches plates ; les oreilles étaient
couvertes, ainsi que la nuque, par les cheveux latéraux et postérieurs,
non plus écartés des tempes, mais frisés, comme précédemment,
12
■,Yfi'ii'''¥ff,
à leur extrémité (fig. 1:2) '. Le menton et les joues étaient complète-
ment rasés. Ce fut vers 1340 que les hommes, sans changer le genre
de coiffure des cheveux, commencèrent à porter des favoris très-
courts et coupés carrément à la hauteur du nez. La ligure 13 -
indique cette nouvelle mode.
' Stiitue de Charles, comte de Valois, mort oq 132o, proveaant dos Jacobins do Paris,
anjourd'luii (iôposi'ie dans l'église abbatiale de Saiut-Dcnis.
- Statue de Charles, comte d'Alençou, mort à Crccy, proveiiaut de; Jacobins de Paris,
aujourd'hui dépos.'ie dans r(5glise abbatiale de Saint-Denis.
— 49o — [ COIFFURE ]
Nous avons laissé la coiffure des femmes au milieu du xu« siècle.
Les longues tresses sont conservées jusque vers Tannée 1170. Alors
les femmes commencent à cacher leurs cheveux sous des voiles
longs, ou plutôt à les laisser tomber librement derrière les épaules,
/'/
C
■<
A
^
sous ces voiles d'étoffes transparentes. Bientôt le voile ne suffit pas.
et les dames nobles passent sous leur menton une bande d'élolTe qui
vient s'attacher sur le sommet de la tête et brider les cheveux
réunis en chignon derrière le cou. C'est ainsi qu'est coiiTée la statue
d'Éléonore de Guienne, mariée à Louis Vil, répudiée, puis mariée
de nouveau à Henri Plantagenet, roi d'Angleterre en ilo4, sous le
nom de Henri IL Éléonore mourut et fut ensevelie à Fontevrault en
1194, où elle s'était retirée '.*
La figure 14 montre comment cette coiffure était disposée. Les
cheveux, divisés en deux grosses nattes latérales, étaient croisés
derrière la nuque ; un bandeau retenait ces nattes, puis par-dessus
' La statue de ceUe princesse est aujnurd'liiii (h^posre (i;ins une îles cliapelle des
réélise abbatiak' de Fontevrault.
[ coiFruRE ] — 196 —
iiii morceau d'étolîe A, bridé sous le menton, élail croisé sur le
sommet du crâne et attaché latéralement avec une épingle. Sur ce
bandage le voile était posé (voy. en B) : ce voile était rond et ne
descendait pas au-dessous du milieu du dos; il était fait d'étolîe de
lin très-fine, souvent brodé d'or. La mentonnière était d'étolTe fine
de lin, blanche comme le voile. Lorsque les dames, vers 1225, rem-
placèrent souvent le voile par le chaperon, elles conservèrent tou-
jours la mentonnière sous ce chaperon (fig. 15) ^ lequel était fait
d'une étoffe de lin blanche posée sur une forme de toile épaisse
fortement empesée. Ce chaperon laissait voir les nattes de cheveux
croisés sur la nuque. Dans notre figure on voit encore le bandeau
qui retient ces nattes et passe sous la mentonnière. 11 faut croire
que ce genre de coiffure eut une grande vogue pendant tout le
cours du xiii« siècle, car elle persiste jusqu'au commencement du
xiv«, avec de légères variantes. Dès le milieu du xni" siècle, elle
n'était plus seulement réservée aux femmes nobles, les bourgeoises et
même les femmes de mauvaise vie en portaient, et dans les pein-
tures ces chaperons sont toujours représentés blancs; mais, au
' Ou [)ortail scplontrinnal de Xo'.re-Damc de Cluuircs (123.j environ}.
— 197 — [ COIFFURE ]
commencement du xiV siècle, les cheveux par derrière sont retenus
dans un sac d'étoffe ou entre les mailles d'un filet (fig. 16) K La
mentonnière s'élargit souvent h sa partie supérieure pour épouser
les saillies du chignon qui se développe démesurément, et celte
mentonnière ne fait plus de plis, elle semble composée d'une étoffe
doublée et empesée. Le chaperon s'évase beaucoup de façon à faire
7
paraître le sommet de la tète très-large (fig. 17) 2, A considérer ces
dinix figures et la manière dont elles sont traitées, l'une semble
rcpi'oduire une femme de basse condition, et la seconde une dame
' Corbeaux de l:i coriiiclK! cxlrrioure de réj;li.se de Saiut-Nazaire de Cairassannc
(i:ii;; ii i:j20).
- Mrme provenance et ni"nie (''poqiie.
[ coii'FriiE ] — 198 —
noble. Cela se rapporte d'ailleurs aux vignettes des manuscrits de la
fin du xni<' siècle, qui nous montrent souvent les dames nobles
coifîées de ces chaperons évasés, avec chignon d'un développement
e.Ci/iLiWA.vr.
excessif. Il s'en fallait d'ailleurs que cette coilfure fût la seule
adoptée par les femmes pendant le cours du xni" siècle. Celles-ci,
en bien des circonstances, n'avaient cessé de porter le voile rond
descendant jusiju'au milieu du dos, avec les cheveux flottants et
un cercle d'or retenant ce voile. Elles enfermaient encore leurs
cheveux dans des sacs en broderie, avec cercle d'or sur le tout
(fig. 18) 1 :
« Si ot nu cei-fel d'or au rliief -. »
Ce cercle d"or maintenail la résille, ou bien elles se coiffaient en
cheveux avec fils d'or entremêlés :
'i Sez ri'ius out achesmez à .1. fil d'or hutti 3. ,
C'est à la fin du xni^ siècle que les coifl'ures en cheveux avec le
cou et les épaules découverts ont la vogue, et il faut reconnaître que
< Des fouiUes du cliàteau de Sainl-Gcrmain eu Lave, bureau de l'arcliiterte.
2 Mérnug'S, romnn de la Table ronde.
3 Gui de Nanteuii. vers CU.
^ [ COIFFURE ]
ces coiffares sont de bon goût. Parmi ces coinares en cheveux sans
aucun ornement, il en est une qu'on voit souvent figurée d^l. ,"
/
1
X..At
:™;::^" t^l t:r::^- ^' '"" -' -^-^-^ -■ ^^^
oreille à lautrc : la partie antér
acce sur le sominol du crâne d
leurc d(i6 cheveux était ramenée s
une
ur
COIKFIKE ]
— -200 —
le IVoiil cl IVisèe ; l;i partie postérieure était divisée en deux longues
nattes qui, se ci'oisant sur la nuque, venaient s'attacher sur les
cheveux frisés au-dessus du front comme un diadème ; des oreilles,
on n'apeicoit que le lobe. La ligure 19 ^ explique mieux qu'aucune
description ce genre de coinïire. Mais on ne s'en tint pas là. En
conservant le principe des deux nattes postérieures, les élégantes
du commencemenl du xn*" siècle divisèrent en outre la partie anté-
rieure des cheveux par une raie centrale, tirent bouffer au-dessus
des tempes ces deux fractions, qui vinrent tomber droit le long
20
:ry^\
des joues ; puis les*|deux nattes croisées postérieures, descendant
au-dessous des oreilles, furent relevées verticalement le long des
mèches latérales pour se perdre et s'attacher sous les bouffants
ménagés des deux côtés du front. Dans les espaces latéraux que
laissaient voir les nattes, les restes des cheveux des deux fractions
antérieures tombèrent en ondoyant dans un certain désordre. La
Ugure 20 - explique également cette parure de tète, fort à la mode
vers 1330. Alors les femmes se décolletaient beaucoup, ce qui fai-
' Manuscr. des Mirncles de lu Vierge (liu ilii xiu'' siècle), lubliollicqiie du séiniiiairc
de Soissons.
2 Voyez les niauuserils de celte éiioquc, ol noIainiiiL'ut les viiTiieUes du inanuscr. do
Luneelot du Lac, t. 11. frauiiiis. liihlinlli. inuirr.
— '201 — [ COIFFURE ]
sail valoir ce genre de coiffure, dégageant le cou et les épaules.
Celles qui n'avaient pas le bonheur de posséder des cheveux abon-
dants faisaient comme font les dames de nos jours, elles en ache-
taient ; si bien que les fausses chevelures dépassant facilement en
volume les véritables, toutes les femmes se crurent obligées d'ajouter
des cheveux faux à ceux que la nature leur avait donnés. Le clergé
s'élevait violemment contre ces mode?, mais les exhortations ou les
menaces ne firent pas supprimer une mèche de cheveux tant que la
mode commanda de les montrer. En 1340, les dames trouvèrent
xsC
/ N
plus élégant de ramener les deux nattes verticalement des deux
côtés des joues, en laissant entre elles et les tempes deux mèches
droites de cheveux, coupées carrément à la hauteur du bas de ces
nattes. Quelquefois celles-ci furent alors remplacées par des torsades
Irès-régulièrement tournées. C'est ainsi (pie sont coiffées Blanche
d'Évreux et Marie d'Espagne, femme du comte d'Alençon (lig. 21)*.
Ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on parle des caprices de la mode.
' Marie d Es]iiii;iic, pctile-liUc do sainl Louis, épousa eu sccoudes noces le coiiilc
d"Alcii(;ou ((lliuilcs), en ['.i'.iè, cl ne mourut qu'eu 1389. Son cfligic dut — comme cela
eut lieu t'rç(]uemmcut — cire placée pi'ès de celle de son mari, qui fut tué à Crécy eu
13'i6 ; cui' l'iialiil que pni-lc l;i princesse el la cDillure ciiiic(ji'dcul avec celle ileniirre
date.
m. — M
[ COII'KCltK ] — 202 —
Rien cependant n'csl moins capricieux ; car une mode esl toujours
la consétiuence très-logique d'un usage antérieur, et, si bizarres
ou étranges que paraissent ses expressions, en observant un peu, on
en trouve aisément les raisons. La mode n'est autre cliose que la
rechercbe d'un mieux introuvable, le b(;soin de s'alïrancliir d'une
gêne, d'un embai-ras; et, en cherchant ainsi, bien souvent on
tombe dans une difficulté pire que celle qu'on voulait évilei'. On
veut simplifier, et les complications ne font que changer d'objet.
Ainsi, pour ne parler que de la coiffure des femmes, — chose de la
dernière importance, personne n'en saurait douter, puisqu'elle con-
fiibue à donner au visage une expression conforme au goût du jour,
— nous avons vu que les dames du xn" siècle réunissaient leurs
cheveux en longues nattes ou torsades des deux côtés des tempes :
on ne peut disconvenir que cette coiffure, si élégante qu'elle fût, ne
dût être fort gênante. Ces longues tresses s'accrochaient à toute
chose; impossible de baisser la tête sans qu'elles vinssent se pro-
jeter en avant. L'idée de les retrousser était naturelle ; mais alors
mieux valait les faire partir de la nuque. C'est aussi ce qu'on fit,
et on les releva en diadème sur le sommet du front (voy. les fig. lo
et 49), ou on les enveloppa dans une résille ou un sac (voy. fig. 47
et 48). Puis on utilisa les cheveux du devant pour masquer les
attaches de ces nattes sur le sommet de la tête ; mais alors les che-
veux latéraux étaient facilement dérangés et avaient un air de dé-
sordre qui, en coiffure comme en toutes choses, ne peut longtemps
être toléré. C'est ainsi qu'on fut conduit à enfermer ces cheveux
du sommet et des côtés dans un béguin ou coiffe d'étoffe, par-dessus
lequel les nattes ou torsades purent être régulièrement posées
et attachées. Entre cette coiffe, les tempes et les joues, on laissa
voir les cheveux latéraux tombant droit, coupés à la hauteur de la
bouche, pour accompagner le visage.
Analysons la figure 24. La première opération consiste (fig. 22)
à séparer les cheveux comme l'indique le tracé A. Les deux parties
a forment les tresses ou torsades ; les deux parties b, les mèches
droites tombant sous la coiffe le long des joues ; la partie c, le rou-
leau faisant chignon sur la nuque. Ainsi , (voy. le profil B) sont dis-
posées les parties de la chevelure ; puis les nattes ou torsades d étant
faites, ainsi que le rouleau e de la nuque, la coiffe est posée (voy. le
profil C), épinglée. Alors, les torsades, ou nattes d' sont ramenées
sur les oreilles, sont épinglées aux angles de la coiffe, remontées
verticalement le long des joues, recourbées sur le sommet de la tête
et rattachées à leur extrémité, à côté du chignon roulé sous la
— 203 — [ COIFFURE ]
coiffe. Afin de fixer cet ensemble, une couronne d'orfèvrerie pre-
^5? r _^^^
LxJUmr
liant la forme donnée pai- les clieveux, ou un lislel était posé sur
[ COlFFUItE ] — 204 —
le sommet de la tête. En E, on voit l'apparence que présentait cette
coiniire par derrière ; parfois, an listel d'orfèvrerie était attaché un
voile conrt, transparent, qui donnait de la légèreté à Tensemliie
(voy. en G). Nous verrons bientôt comment cette coiffure se trans-
forme sans abandonner son point de départ.
Quelles que soient les variations de la mode, il est des conditions
de goût qui s'imposent, dans tous les temps, chez les populations
naturellement douées de cette qualité. Il est diflicile, lorsque les
cheveux remplissent un rôle important dans la coitîure, de trouver
exactement la limite qui doit être assignée aux accessoires d'orfè-
vrerie ou d'ètotfe. La nature légère, irrégulière, chatoyante des
cheveux s'allie mal avec la rigidité ou la régularité des pièces de
parures, dont on les couvre ou qui les accompagnent ; aussi, lorsque
les béguins, les cornettes, les couvre-chef commencent à se mêler
aux cheveux, on peut être assuré que ceux-ci disparaîtront bientôt
entièrement sous ces accessoires, qui deviennent dès lors le prin-
cipal. D'abord, avec ces pièces d'étoffes, on a le soin de mêler aux
cheveux des bandelettes, des chapelets de perles ou de pierres, pour
établir une transition ; on est entraîné à donner aux cheveux des
PCdAf-G.LT.fiL;
formes régulières ; ils se couvrent de plus en plus de bijoux ; puis
enfin le bonnet, ([uel que soit le nom qu'on lui donne, les absorbe.
Déjà, sous le règne de Charles V, les femmes enveloppent les nattes
latérales dans des résilles d'or, qui les relient au béguin de des-
sous<;raaisce genre de coiffure parut bientôt trop sec. Les nattes
ou torsades, ramenées derrière la nuque, remontant verticalement
le long des joues, ne se mariaient pas d'une façon agréable avec les
courbes du visage. La coiffe d'étoffe, sous les torsades, prennil trop
• Voyez la statue do .Icaniio lie Boiirbou, femme de Cliarlcs V, proveuaiiL du portail dos
C(51estins, aujourd'hui placée <lans la chapeUe de Charles V, k Saiut-Denis.
— 205 — [ COiFFlRE ]
(rimportance et faisait paraître celles-ci maigres. Les clames de
haut parage trouvèrent donc une autre combinaison. Les nattes ou
torsades ne furent plus prises derrière les oreilles, mais au sommet
Je la tête (fig. 23). La chevelure (voy. en A le dessus de la tête,
côté a) étant séparée par une raie médiane de b en c, ces masses
furent réservées aux deux torsades ou nattes. Quant à la partie
inférieure des cheveux, également divisée de c en d, elle fut rame-
née en deux ondes sur les oreilles. Les extrémités de ces deux
ondes furent régulièrement retournées sur les parties tombantes
d'une coille, ainsi que le montre la moitié g. Par derrière, cette
coilTure se présentait ainsi que l'indique le tracé B : en h, avant la
pose de la coiffe ; en i, après la pose de cette coiffe.
La ligure 24 montre celle coilïure de face cl latéralement. On voit
comment les cheveux de l'orcipul sont ramenés sur les oreilles, pour
se retourner régulièrement sur la bande d'élofle (pii descend di' la
coifîe ; comment des agrafes passent dans les ganses des torsades,
piiiuent l'étoffe de la coiffe, et saisissent le bourrelet que forme celte
élolïe sous le rouleau extrême des masses ramenées sur les oreilles.
[ COIIFIIIE ] — 206 —
Le détail 24 bis donne la forme de ces agrafes. On peut croire que
ce n'était point une petite affaire de monter une pareille coitïure,
et que cette opération devait demander beaucoup de temps. Il était
alors de mode, chez les dames, de dégarnir le front autant que
possible. Un front uni, bombé, large et haut, passait pour une
beauté, et toutes les dames de qualité s'arrangeaient pour posséder
cet avantage. Cette coilïure est celle de la duchesse Anne, dauphine
d'Auvergne, comtesse de Forez, qui épousa en 1371 Louis II, duc
de Bourbon, comte de Clermont, etc., mort en 1410'. Sur la cou-
ronne d'orfèvrerie était émaillée la devise : Espérance.
Pendant le xn^ siècle, les femmes avaient abusé des faux cheveux,
et, si l'on veut bien examiner les coiffures de celte époque, on re-
connaîtra qu'habituellement le recours aux fausses nattes était
nécessaire. Il y eut, au xni" siècle, une réaction contre cet abus, et
les femmes adoptèrent un genre de coiffure qui pouvait se passer
de ces emprunts. Cela ne dura qu'un temps. Déjà, vers la fin de ce
siècle, on bourrait les résilles apparentes sous les chaperons, et des-
tinées à contenir la chevelure, de coton ou de laine, pour les rendre
plus volumineuses. Cet usage ne fit que se développer pendant le
xiv siècle, et sous les règnes de Charles V et de Charles VI la mode
des faux cheveux s'empara de nouveau des dames. Les épigrammes,
les satires des poètes, les remontrances du clergé, comme toujours,
ne firent pas tomber une fausse mèche. Il est curieux, à ce sujet, de
lire la ballade composée par Eustache Deschamps vers 1390. La
voici tout au long; elle tranche dans le vif de notre sujet :
« Atournez-vous, mes dames, autrement,
'■ Sanz emprimter tant de haribourras,
" Ne de quérir cheveulx cstrangenieut
" Oue maintes fois rungent souris elras.
' Celte statue est déposée dans la chapelle des ducs de Bourbon dépendant de l'abbaye
de Sou\igny (Allier),
— ^207 —
Vostre afubler est comme im grant cabas ;
Bourriaux y a de coton et de laine,
Autres clioses idiis qu'une quarantaine ;
Froutiaux, filez, soye, espiugles et neux ;
De les trousser est à vous très grant paiuc ;
Rendez l'iîniprunt des estranges cheveux.
Faictes vo cliief des vostres in-opremeut,
Sanz faire ainsi la torche depesas,
Sauz adjoustcr cstrangc habillement,
yue destrousser fault, com junicul à bas.
Chascune nuit, et jetter en un las.
Puis au matin fau'.t retrousser s'ensaigne,
Aide avoir; l'œuvre d'une sepniaine
Y convient bien, et qu'om soit deux et deux.
A ce trousser; pour tel chose villaine,
Hendez l'cmiiruut des estranges cheveux.
Onques ue t'u si lourde afublement.
Ne si coruu visaige fait de chas (écliafaudé'.
Et si dcsplaist k tous communcnient.
Tel chief fourre d'estrauge chanvcnas ;
(bornes portez comme font les lymas.
Atournez-vous d'une atournurc plaine
De vostre poil; d'autre ne vous souviengnc ;
Ostez du tout ces grans hures beleux
Qui vous deffont ; nulle plus ue les praingnc
Rendez l'emprunt des estranges cheveux.
[ COIFFLRE ]
ENVOY
■c Jeusnes dames envoy tele Iriquedondainc
.( Ne portez plus; aux vielles eu convicugnc.
" Soit vos atours humbles et gracieux,
.. Plaisaus à touz, Dieu eu bien vous mainlienguc.
« Car raison dit qui veult qu(! tout le craigne :
" Rendez l'emprunt des estranges cheveux. »
Si, lotU au long, nous avons cilé celte ballade, c'est qu'elle met
en lumière quelques détails iiiléfessants. D'abord, comment les
femmes faisaient abus des faux cheveux; comment elles se coif-
faient chaque jour'; comment ces coilTures étaient montées par des
' On se fait trop souvent, sur le moyen âge, ks idées les plus fausses. Maintes fois,
nous avons entendu dire, devant les statues qui nous représentent des personnages de
cette cpof]uc,(iueu ces gens-là «devaient se faire coill'er une fois la semaine, aiusi que cela
se pratique dans (luclqucs contrées de l'Italie chéries des peintres. Or, les vers d'Eustacho
Deschamps disent « qu'il fallait détrousser cet allirail comme ou drsiianiaclic sa jument,
chaf/ue nui% et le remouler tous les Duitùis ».
[ COIFFLUE ] — 208 —
coilTeurs; commenl, enfin, ces échafaudages de faux cheveux plai-
saient médiocrement aux liommcs ; comment ceux-ci n'eussent
voulu les voir que sur des visages ridés, quMls ne regardent guère,
et comment le monde et ses ridicules ne changent pas.
Avant de passer outre aux coiffures de femme adoptées au
xv siècle, il nous faut parler de ces guimpes et voiles qui, pendant
le xiV siècle el le commencement du xv°, sont donnés aux dames
nohles. On a prétendu que ces voiles qui enveloppaient complète-
ment la tête et le cou, et ne laissaient voir que le visage, étaient la
parure des veuves ; mais il est évident que, si les veuves ont porté
celte coitTure, elle était souvent prise par les femmes qui ne l'étaient
pas. Indépendamment des statues de veuves qui ne sont pas ainsi
coiffées, nous trouvons, dans les vignettes des manuscrits et dans les
peintures de la fin du xiii^ siècle, le point de départ de cette mode,
étrangère à la qualité de veuve.
2^
a:
•^ ^
^
Cu.'urauoi .
Nous avons montré, dans les arlicles Au.musse et Chaperon, com-
ment les femmes avaient adopté, dès le xiii" siècle, un vêtement de
tête, sorte de gonelle en forme d'entonnoir, fendu latéralement pour
laisser passer le visage, en couvrant le crâne, le cou el les épaules.
Ce vêlement était posé sur la tête, ainsi que l'indique la figure 24 ier,
en A. Par-dessus ce capuchon, vers 1270, les femmes posèrent un
— :Î09 — [ COIFFL'IŒ ]
voile dont la forme et les dimensions sont indiquées en C. Voici
comment ce voile était mis. On laissait pendre sur l'oreille droite un
des bouts b, faisant passer le point a sur le sommet du crâne; puis
on tordait l'autre partie du voile de telle sorte qu'elle entourât la
tète une fois et demie ; le bout d était alors passé par-dessus la tor-
sade sur l'oreille- gauche, et tombait sur l'épaule, par suite de la
courbure de cette extrémité (voyez le voile posé en B). Le capu-
chon, caché à sa partie supérieure, formait comme une guimpe
sous ce voile-chaperon. L'origine de la guimpe est bien en etïet le
capuchon ou l'aumusse, et les hommes, au xni'= siècle, en portent
pour sortir à cheval. Cette coiffure ne tarda guère à se transformer.
Il est question de guimpes dans les poèmes et les romans des xni«
et xiv^ siècles, et ces parures semblent être parfois, en effet, un
attribut des femmes n'ayant plus d'époux. Dans les Chroniques
anglo-normandes, l'auteur parle d'une dame qui reçoit dans son
château le roi Guillaume d'Angleterre ; elle est seule :
" Car (le sigUDr ni avuit point i . »
Or cette dame est sa femme, (ju'il avait perdue ; elle a le visage
couvert, peut-être en signe de deuil. Mais, quand elle invite le roi
à venir au château :
" Ele coniinaude i[Ul' uu l'ace
« Les tables mclre, et ou les mis!,
" Assés fu qui s'en eutrcniist,
« De l'âloruer se liastcnt uiolt ;
'■ Et la ilanie jus lU' son fri)ul
« Diisc." an nii'nl'iii sa guiinple avale -. »
Il est évident que ces guimpes étaient destinées à cacher en
grande partie, sinon en totalité, les traits. Dans le conte du C/ieralier
à la trappe, un seigneur, jaloux, tient sa femme sous les verrous.
Un chevalier la voit à sa fenêtre, en devient amoureux; se fait pré-
senter au seigneur châtelain, parvient à capter sa conliance, et est
pris par lui comme sénéchal. Il fait pratiquer un souterrain (|iii
communi(|ue de chez lui dans l'appartement de la dame par une
liappe. Un jour, le chevalier dit au seigneur que son amie, depuis
longtemps attendue, arrive, (ju'il va l'épouser le lendemain, et le
prie d'assister au repas des lianraillcs. Oi", c'est sa [iropre femme,
' Li roi GuillniDiie d'Angleterre, chron. nngl.-rw) tn., pntil. par M. Krancisquc
Michel, t. m, p. i:i:i.
^ Ihiil., p. lin.
in. — n
[ COIFKLHE ] — i>10 -
vôLue d'une guimpe de soie, qu'il présente au chàlelain. Celui-ci,
forl troublé, croit bien la reconnaître ; court à sa tour pour s'assurer
si ses soupçons sont fondés. Mais pendant qu'il se fait ouvrir les
douze portes, la dame est rentrée chez elle par la trappe, et le sei-
gneur, i-assuré, croyant à une ressemblance, consent le lendemain
à assister au mariage de son sénéchal et de la dame ; il les reconduit
au vaisseau (jui les doit emmener, et, rentré chez lui, il ti'ouve
la chambre vide.
Si le conte n'est pas absolument moral, il montre (|ue les guimpes
servaient au moins à déguiser en partie les traits, et que ce n'était
pas seulement pendant le veuvage que les femmes les prenaient.
Dans la Chanson de Guy de Nanteuil, il est parlé d'une pucele
qui arrive sur sa haquenée ; à cause de la chaleur, elle s'est
désafublée :
<c Jc'lienuL'ilo et Martine li ont sa guiniple ostée.
<. Moult par ol blont le cliiet quant fii desvulepée,
<■ Elle est assés ]iliis blanche que seraino ne fée ' . »
Dans le liomau du renart, la guimpe est présentée comme la
coilïure d'une femme de bon renom :
■' Eu vos a moult niauvez recluz.
." Qui niesdites de la plus franche
■' Qui onc portast guimpe ne manche,
<■ Ne laz (le soie n,; çainture -. »
Pour aller à l'égUse, les femmes, pendant les xin^ et xiv" siècles,
mettaient une guimpe :
" Au malin quand il ajorna •*
" Ydoine se \est et chau(;a ;
" Quant ele fu apparcilliée.
" Bien affublée et bieu loiée *
" D'une bclc guimple de soie.
f Droit au niostier a pris sa voie ;
'< Mais aineois qu'el i fust entrée
« Esloit ja la messe chantée '•. »
Il est donc possible (jue les guimpes aient été, dès la lin du
' Vers 437 et suiv.
-' Vers 28ii7 et suiv.
•* '< Quand le jour jiarut. <>
'* <( Liée »
' Conte du segrelain moine, vers 233 et suiv. [Contes anciens, publ. par Barbazan,
t. i).
— :21 1 — [ COIFFURE ]
xiii" siècle, adoptées par les dames comme un vêtement convenable
aux veuves ; mais il est certain qu'elles étaient portées en beaucoup
d'autres circonstances. Voici, entre autres exemples, la coiffure de
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Marguerite d'Artois, femme de Louis, comte d'Évreux ', laquelle
mourut en 1311, tandis que son époux ne mourut (ju'en 1819; donc
celle coilîure ne peut être celle d'une veuve. La comtesse porte une
guimpe avec voile et couronne. Cette statue, de marbi-e, une des
plus belles que conserve l'église de Saint-Denis, pi'ovicnt, ainsi que
celle du comte, de l'église des Jacobins de l'aiis. Sauf deux petites
< Louis, cniule (l'Kvi'i'UX, r[ni[ fils lii' l'iiili]
llinli.
[ C.OIKITIIE J
— '-IIQ
mèches qui apparaissent le long des tempes, les clievenx sont
enfermés dans un sac dont on aperçoit les extrémités antérieures.
La guimpe enveloppe la tête, le menton, le cou, et descend sous la
robe. La jonction est masquée ici par la bande d'étoffe qui réunit
les bords supérieurs du manteau. Ces guimpes étaient faites de lin,
très-fines et blanches (fig. 2o). Plus lard les cheveux disparaissent
2S
/^. rjlILLIWi'OT.
totalement sous la guimpe, et le voile prend plus d'ampleur. Voici
(fig. 26) la coiffure de la reine Jeanne d'Evreux, femme de Charles IV,
lequel mourut en 1327. Bien que la reine ne soit morte qu'en 1370,
il est à croire que sa statue fut faite en même temps que celle de son
mari *. La guimpe passe sur la robe, et le voile tombe au-dessous
des sourcils. Tl laisse d'ailleurs apercevoir sous ses plis les ondu-
< Cel usage était fréquent et se perpétua jusqu'au xvi« siècle, puisque Catlierine de
Médicis fit faire sa statue par Gerniaiii I*iIon eu nuMiie temps que ceUe de son époux,
iiiori, cjuiine ou sait, bien avauL elle. I.a statue de la relue Jeanne est déposée à S;iiut-
Deuis.
iîi;] -
COIFFURE ]
lalions de la clievelare disposée en nattes ou torsades latérales sur
les oreilles. Beaucoup plus tard encore le voile enveloppe complète-
27
^. CULLHLWOr.
ment la tête et ne laisse voir qu'une petite partie de la guimpe. Telle
est la coilïure de Blanche de France, morte en i39iJ ' (llg. 27). Sous
00
(hmk
la guimpe apparaît une sorte de mentonnière, et le voile se colle
contre le bas du visage. Cette mentonnière avait nom barbette, et
' Slalu>! (t''r.os-''0 ii S;iin'.-I)ciiis.
[ coii-i'-ritE ] — "214 —
Aliéiior de Poitiers, auteur des Honneurs do la cour, considère la
l)arl)ette comme un vêlement de deuil '.
Même disposition pour la coiffure de Marguerite, comtesse de
Flandre, (ille de Philippe V et mariée à Louis II, comte de Flan-
dre, tué à la bataille de Crécy. Cette princesse mourut en 4382 -.
Ici le voile (fig. 28), pour mieux prendre les formes du visage,
est plissé à très-petits plis sur les bords et passe sons le surcot.
Ce voile laisse voir également la forme de la coitfure des cheveux,
qui est celle que présente la figure 21. Ces voiles tombaient
' » Itein, iioiii' autres ircros cl sœurcs, ou no ])orle iiue la barbette et le eoui'reehef
<i dessus Et est il ravoir que ]iour le niarit ou porterai deniy au le uiauteau et
'< chapperon, trois mois la barbette et le couvrecbef dessus, trois mois le mantelet, trois
« mois le louret, et trois mois le noir. » [Les Honneurs de la cour, dans la Curue de
Saiute-Palaye, Méin. sur l'nnc. chevnletie, t. H, p. 257.)
' Statue dépos'-c ori£!inair(MHciit dans ré<;lise abbatiale de Saint-Denis.
— -lo — [ COIFFURE ]
nalurellement derrière la lèle, mais plus lard il n'en fut plus de
même : on prélendit leur donner par devant des plis nombreux
et mouvementés par derrière ; pour obtenir ce résultat, le voile
dut être attaché à la guimpe à la hauteur du cou. La statue si
curieuse de la reine Isabeau de Bavière • nous fournit un magni-
fique exemple de ce genre de coilîure. Il est à croire que cette statue
fut faite après la mort de Charles VI, c'est-à-dire vers i4ïîo : la
guimpe (fig. 29) tombe à petits plis très-lins sur la poitrine et
passe sur la robe; elle bride le menton et laisse voir la barbette.
Le voile, plissé sur le bord touchant au visage, pour pouvoir s'y
appliquer exactement, est rond. On le posait d'abord de façon que
50
le tour, sur les épaules et le dos, fût parfaitement horizontal,
puis on l'appuyait sur la nu(iue, où il était attaché à la guimpe
avec des épingles ; on ramenait le sommet sur la tête, en attachant
de même, sous le menton, ses bords à la guimpe avec des épin-
gles. Ainsi pouvait-il former ces plis en cascade sur la poitrine.
Les cheveux , disposés en bourrelet , écartaient les plis du voile
sur les côtés avec ampleur. Le manteau passait sous les bords
inférieurs du voile. La figure 30 donne la disposition de ce voile
' Kfjlisi' abhaliiili' de Siiiiil-nrius.
[ COllTLKE ]
216
denièi'e la lèlc, el la ligure 31 sa forme développée. Ainsi que
nous l'avons dit, ce voile est rond, avec une partie recliligne de a
en b. C'est cette partie qui est plissée à petits plis pour prendre le
contour du visage. La reine Isabeau est coiiïée sous le voile, les
cheveux en couronne : c'est, pour l'époque, une exception ; géné-
ralement la chevelure moiilre deux tresses latérales, comme il a été
dit ci-dessus. Ces tresses, au commencement du xv" siècle, dépassent
parfois le sommet de la tête, et le voile, posé par-dessus, a toute
l'apparence d'une aumusse. La figure 32 indique ce genre de coif-
— 217 — [ coiFFunE ]
fure'. Le voile est ample, rond, avec une partie recliligne beaucoup
plus grande que dans l'exemple précédent, pour former les deux
angles qui tombent sur la poitrine. Sous la guimpe est posée, comme
dessus, la barbette. C'est bien là un voile de veuve, avançant sur le
visage en manière de capote.
Jusqu'au règne de Charles V, les hommes nobles et les bourgeois
portent, comme nous l'avons vu, les cheveux longs derrière la tète
et sur les oreilles et coupés carrément sur le front. A ce moment,
celle mode est abandonnée, et, si ce n'est le roi et les princes qui
conservent la coilTure traditionnelle, les nobles comme les bour-
/
geois modifient l'ancienne coilïure : ou ils portent les cheveux assez
courls, ou ils les disposent en bourrelet à la hauteur des oreilles.
Du Guesclin, dont nous possédons la statue à Saint-Denis, perlait
les cheveux courls. Des pei'sonnages de celle épociue sont souvent
représentés, dans les vignettes des manuscrits, avec des cheveux
courls ou disposés comme l'indique la figure 33. Les cheveux sont
roulés 1res- régulièrement autour d'un cercle d'élolTe probable-
mcnl, qui, sur le sommet du front, est oi-né d'un bijou-. Depuis le
' D'une toiiibc t;i''V(''u de l;i tViiiiiii' du sciï;iiciir ilr .M:iii('l (li20;, dans Tôglisc de
Siiinl-.\l|iin, a ('.liàlons-sur-Marnc.
- 1. 1111 dos sergents d'armes des iiicrri's placi'es en l.no, dans l'église de Saiide-
Calheriue ilii Val des rcdlicrs, à Paris, i;m (oiiinii'iMiiratidn de la bataille de Houvines.
111. — :>S
\ COIl-KlIiE 1 — 218 —
cominencemcnl du xiii« siècle, personne ne portail la barbe, fort
gênante, d'ailleurs, sous le bacinel, le heaume ou la maille, et les
courts cheveux ont été adoptés lorsque l'on commença de porter le
bacinct avec la maille en temps de guerre. Cependant, les princes
semblaient tenir, par ti-adilion, à l'ancienne coiffui'e, et nous en
voyons quelques-uns qui, à la lîn du xiv° siècle, laissent croître,
avec ces longs cheveux, une barbiche à l'extrémité du menton. Telle
est la coitTure de Jehan d'Artois, comte d'Eu, mort en 1384
(llg. 84)1. Le comte est armé; la tète, nue, est simplement coiffée
d'une légère coin'onne d'orfèvrerie"-.
Le continuateur de Guillaume de Nangis prétend cependant qu'en
1340 les liommes commencèrent à porter des babits courts et a
laisser croître leur barbe 3. Mais cette mode ne fut pas de longue
durée, ni suivie par toute la noblesse. Les barbes étaient pointues,
coupées ras, des tempes au coin de la boucbe, les moustaches courtes
et se mariant à la barbe ^.
Ainsi que nous l'avons dit, les seigneurs, les élégants, portaient
cependant les cheveux longs pendant le règne de Charles VL Un
des princes les plus brillants de la cour de France, au commence-
' Slatiic ilrposou ilans la ci'viili' de lY'glisr d'Eu, luitrcfois placco dans le clKi'iir.
'' Kidcvrc aiijoiird'liiii (voy. Gaii^niiùres, Bibliotli. Hodlrieuuc).
■* <( JJarhas longas oiiines viii iil in iilinihiis iiulrirc cc[)cruut. [Cont. CItroJi. Guil-
lelini Nanginci, t. H, p. 18j.)
» Voyez le niamiscrit des Statuts de l'ordre du Saint-Esprit au droit désir ou ?iœud,
institué à Naples, en WV.')!, par Louis d'Anjou (Musée des Souverains).
— 219 -
[ f.OlFFUIŒ
ineiit de ce règne, était le frère du roi. Louis d"Orlénns. Il alïeclail
un luxe raffiné en toutes choses, et particulièrement dans les habits.
Une vignette d'un manuscrit de la Bibliothèque impériale (ancien
fonds français, n" 7080) représente ce prince recevant des mains de
Christine de Pisan la dédicace de son Épitre d'Othéa à Hector. Le
duc est coilTé d'un chapel de velours orné d'un rang de perles et
d'une aigrette (flg. 34 bu); il porte les cheveux longs, crêpés, tom-
bant sur les oreilles et derrière le cou; près de lui est un jeune sei-
0/ Lu
gneur coitïé de la même manière, sauf le chapel, tandis que les
autres personnages ont les cheveux courts. Les peintures de cette
époque nous montrent toujours les grands seigneurs et les jeunes
nobles auprès d'eux, les pages mômes, coiiïés de cheveux longs,
crêpelés, mais jamais frisés en boucles ou lisses. La chevelure, pour
être à la mode d'alors, devait être d'un blond fauve, sans raies sur
le crâne, et formant autour du visage un nuage, dont les bords
n'étaient point nets sur la peau, et se terminant derrière les oreilles
en une épaisse toison boullante, aux contours indécis.
Pendant les guerres de la première moitié du xv" siècle, les
hommes d'armes portaient les cheveux courts, coupés en couronne
[ COIFFURE ] — 220 —
au-dessus des oreilles, afin de ne pas être gênés sous le bacinel, et
laissant une sorte de coussin autour de la tète. Telle est la coiiïiire
de Guillaume Duchàtel, qui fut enterré à Saint-Denis en 1441
(llg. 35) i.
3^
\%
a.cuzLhUHnr,
Sons le règne de Charles VII, et jusqu'au moment où une partie
de la noblesse française se mit résolument à tenir la campagne, on
affectait à la cour une élégance poussée à l'excès ; on raillait les
têtes tondues des seigneurs et gentilshommes qui portaient le
bacinet plus souvent que le chapel d'orfèvrerie. Il en a toujours été
ainsi en France; c'est pourquoi, il ne faut pas trop se laisser aller
au découragement quand on voit le luxe de la toilette envahir toutes
les classes de la société. Or, du temps d'Eustache Deschamps, ce
n'était pas seulement la noblesse, mais aussi la bourgeoisie qui
s'abandonnait à ces raffinements de vêtements et de coilîures. Il
en était de même à la fin du xvi* siècle, et encore à la fin du xvni° ;
et cependant alors les malheurs publics, la guerre, les épreuves de
toute nature virent surgir, du sein de ces classes en apparence
efféminées, des cœurs trempés, des caractères énergiques. Nous ne
souhaitons pas le retour de semblables épreuves ; mais on peut
croire, sans trop de présomption, que, si elles se présentaient, elles
retrouveraient encore, pour les traverser, de ces âmes que le luxe
et les raffinements de toutes sortes peuvent assoupir, mais dont ils
ne sauraient étoulfer les généreux instincts.
Nous venons de voir que des seigneurs de la cour de Charles VI
portaient les cheveux longs, crêpés, avant les malheurs qui termi-
nèrent ce règne. Voici un autre genre de coiffure qui date de la
' r.otlc statue existe encore dans l'église abbatiale de Saint-Deois.
— îî:21 — [ COIFFIRE ]
nièine époque, c'est celle de Louis II, duc de Bourbon, mort en 1410.
Les cheveux, rassemblés en bouclettes, forment nn large bourrelet
autour du crâne, en laissant le front et les oreilles à découvei-t. Sur
ce bourrelet de cheveux est posée une couronne de feuillages verts
et blancs, sommée sur le front d'un riche joyau de pierreries. Le
duc est armé. C'est là évidemment une parure de cérémonie, mais
elle n'en montre pas moins à quels raffinements on portait alors la
coiffure chez les grands personnages'.
Le duc de Bourbon mourut avant les guéries de la lin du règne
de son neveu Charles VI; et il est à remarquer qu'à dater de celte
époque, les chefs qui combattirent pour ou contre le parli des
Anglais portaient les cheveux courts, la barbe rasée, ne laissant
croître, ainsi que l'indirpie la ligure 35, (pi'une couronne de cheveux
' La statu(> sur laquelle est ropiée cotte tiHc est de niaibre et d'une cxéeuliou des
plus remarquables. I.es traits du due ont un earaetère d'individualili' très-pronone/;. et
sont rendus aver- une perfection sans égale. — Sépulture de ce prince dans la chapelle
des ducs de limirhon. cglise abbatiale de Souvigny (Allier).
[ r.oii-FunE ] — 223 —
au-dessus des oreilles. Ce genre de coiffure est adopté par les ducs
de Bcrri*, de Bourgogne, par le comte d'Ai-magnac, par les Dunois.
les la Hirc, les .Unénal des Ursins, les Ducliàtel, les Polhon de
Xainlrailles, par le dauphin lui-môme, Charles VII, etc. Les hour-
geois alors tenaient aussi, sous le chaperon, les cheveux courts
(voy. CiiArEuoN).
Les gentilshommes qui portaient les armes conservèrent celle
mode jusqu'à la lin du lègne de Louis XL Les cheveux longs ne se
voient que sur la lêle des jeunes nohles, qui se piquaient d'élégance.
Sous Charles VIII, loule la nohlesse reprit les cheveux longs, coupés
droit sur le front, et tomhant sur les oreilles et sur les épaules en
masse et sans frisures (voy. Cuapeau) (lig. 16 et 18).
Si les guerres malheureuses du commencement du xv"" siècle
eurent quelque influence sur la coiffure des hommes, il ne pai-aîl pas
qu'elles aient diminué en rien le luxe de la parui'e chez les femmes.
Jamais peul-êlre l'extravagante richesse de la coilVure ne fut poussée
aussi loin parmi le heau sexe que pendant ces tristes années, de
1400 à 1450; et les cheveux ne comptaient que pour une faihle
pari dans ce luxe des ornements de tête : chaperons, couvre-chef,
chapels, cornes, cornettes, hennins, tourez, nœuds, frémillets,
chaînes, composaient les échafaudages les plus étranges. Cependant,
dès le temps de Charles V, il semblait que le luxe des coiffures de
femme ne pût être dépassé. On en peut juger par cet exemple :
« Kathellot la chapellière, pour .1. chapel de hievre^ à parer, ouvré
« sur un fin velluau (velours) vermeil de grainne, ouquel chapel avoil
« enfans fais d'oz nue près du vif, qui abatoient glans de chesne dont
« les tiges estoient de grosses perles et les feuilles d'or de Chippre à
« un point, les quelx glans estoient de grosses perles de compte, et
« par dessoubz les chesnes avoit pors, sengliers, fais d'or nue près
« du vif qui mangeoient les glans que les diz enfans abatoient, et par
« dessus les chesnes avoit oiseaux de plusieurs et eslranges ma-
« nieres faiz d'or nue près du vif le niiez que l'en povoit, et la ter-
« rasse par dessoubz les pors, faicle et ouvrée de fleurettes d'or a
« un point de perles et de plusieurs petites besteleltes semées par
« my la dicte teirasse. Lequel chapel estoit cointi par dessus de
« grans quintefeuilles d'or soudé, treillié d'or de Chippre par dessus
' Slatiic de lîoiirgc'S.
- Le hièvre éhiil un pelit aiiiiiuil assez seiiiblatile a la loutre ; sa foiiiriire était fuit
esliiii(?e pendant le xiv siècle. Le hièvre a donné son nom à la petite rivière qui se jette
dans la Seine en aiiioul di; l'aris,
— -^<:> — [ COIFFURE ]
« et (Jessoubz, el semé par my de grosses perles de compte, de
" pièces d'esraaux de plicle et de guergnas (grenats), garni avec tout
« ce, de gros boulons de perles dessus et dessoubz, et d'un bon las
« de soye. Pour la façon, pour velluau, et pour tout, sans les perles,
<( 32 escus à 22 s. pièce, valent 3o 1. 4 s. p.'. » Il est diflicile de se
figurer une coilïïire chargée de si nombreux, accessoires, si l'on n'a
recours aux monuments du temps. Cependant, ces ornements de tète
ne s'élevaient pas alors très-haut, mais prenaient une largeur fort
embarrassante, puisfjue les auteurs contemporains s'accordent à dire
que les femmes, pour passer sous les portes, devaient se glisser de
côté. L'exagération de ces modes ne paraît pas cependant s'être déve-
loppée à Paris et dans le voisinage de la cour. Il y eut toujours à la
cour de France, depuis le xii" siècle, un tempérament en toute
chose. Ce goût se fait sentir dans ce qui touche aux arts, depuis
l'architecture jusqu'aux vêtements et bijoux, et c'est ce qui explique
l'influence des modes françaises. Si nous voulions donner un paral-
lèle des modes françaises du moyen âge et des modes allemandes
et anglaises, on reconnaîtrait facilement la vérité de ce que nous
avançons ici. On peut nous laisser ce genre de supériorité sans trop
d'envie, car, sur bien d'autres points plus importants, nous ne pour-
rions avoir la prétention de dépasser nos voisins, d'outre-Manche
notamment. Les coilïures des femmes, cà la lin du xiv'= siècle, dans
le voisinage de la cour, n'atteignent pas aux bizarreries qu'à la
même époque on cherche en Angleterre, bien que les deux pays
fussent en relations constantes et que les Anglais occupassent tou-
jours un point ou l'autre du territoire français. Indépendamment
des coiffures parées de cette époque, coiffures dont nous parlerons
tout à l'heure, les femmes portaient, à la ville, des bourrelets
(escoffions) , des chaperons, des chapels plus ou moins riches, et ces
accessoires se font remarquer, dans le domaine royal, par leur grâce
et leur simplicité relative. Voici une de ces coilïuix's prise sur une
vignette d'un manuscrit de la Bibliothèque impériale-, et sur un
fragment de sculpture du château de Pierrefonds (1395 à 1-400)
nig. 37). Cette jeune femme porte le vêtement de jour, le peliçon
montant, à larges manches. Ses cheveux sont ramenés de la nuque
en deux nattes sur le front, et sous ces nattes s'échappe par derrière
une longue queue de cheveux flottants, liés à la liauleur du cou par
une ganse. Une riche coilïe entourée d'une guirlande de fleurs natu-
' Déncnses du mariage de Hlauilie de IJoiirboii (l:jo2), Arch. d;; reiiiiiirc.
* Hommi (le Tristan et Iseutt. lîililiolli. iiniirr.
[ COlFiaUE ]
— 22 i —
37
relies surmonle les nalles, el forme deux proéminences très-mar-
— 22o — [ COIFI-LItiL ]
(|iiées des deux C()U's de la lôlc. Le tout est coui'oiiné d'un cscof-
llon, sorte de bouirelel, ou plul(3L de coussin, couvcil d'une
résille enrichie de passeraenleries et de grains d'or, de verre ou de
perles. Si nous placions en regard la coiffure analogue portée par
les dames anglaises, on reconnaîtrait l'exagération de ces dernières
parures. Cependant, l'inlluence étrangère domina parfois le goût des
dames françaises : il semblerait que la mode des coifïures hautes ait
clé importée en France à l'époque du mariage dlsabeau de Bavière,
en 1385. Cette princesse, au dire des contemporains, était très-belle
et aimait fort le luxe de la toilette ; son entrée h Paris lit grande sen-
sation, et, montée sur un palefi'oi au-dessus duquel était porté un
dais de drap d'or, elle était coitfée d'une de ces hautes cornettes
qu'on appelait alors hennins :
n Je ne say son apiiclle jxjleuces ou corbiaux
" Ce qui sousticut leur corues, que tant Ueuueut à itiaux,
« Mais bien vous ose dire que sainte Elysabiaux
Il ^'esl pas en I*aradis [lour ]inrler licx babiaux'. »
Celle singulière coitTure affectait, soit la forme d'un cornet revêtu
de drap d'or, de velours, de satin, de perles, et surmonté de joyaux,
d'où s'échappait un voile de mousseline légère, soit la figure de
cornes couvertes également d'un voile.
Les satires, les injures même, ne faillirent pas aux femmes (jui
portaient ces sortes de coiffures, et cependant elles persistèrent
longtemps. Sous ces cornes ou hennins, les cheveux étaient complè-
tement cachés, et les femmes élégantes se faisaient épiler ou couper
ras les quelques mèches qui eussent pu paraître sur le front ou aux
tempes. Il fallait donc que le front et les tempes fussent exempts de
rides ; aussi les dames qui n'étaient plus de la première jeunesse
se faisaient ramener la peau du front sous les cornettes, alin de
dissimuler ces rides. C'était là un véritable supplice; mais, (juaiul il
s'agit de mode, on n'y regarde pas de si près. Le Dit des mariages
des filles au diable, (jui date ih'A premières années du xv" siècle,
donne de curieux détails sur ces coiffures :
<■ Or (dit, l'auteur) venons as dames coriuics,
c< Ciliés de Paris, testes tondues,
<i (jui se vont jiour od'rani à vente.
« (loninic cerf raniu vont jiar rues,
'< Eu bourriaus. en fars, en sainbues -,
« Usent et uicli'nt bir joiivcnte.
' TestfDii. </c Jehan de Meuny .
- •' Coillées de bourrelets, tardées, eu litière. >•
m. — :!'.)
[ COIIFLIIK ]
— 226 —
TcIg qui pcrl (paraît) et bclc cl génie
Scroit, ce cvo\, assez puUeule,
Qui veiToil lor défailles nues.
Li vous abat la floiir de lente ;
Quant il seront en enfer tente.
Lor cornes seront abalues'. <>
Dans répîlre des Comètes, le trouvère entre dans de minutieux
détails sur ces coiffures :
<c Li evesques parisiens
« Est devins et naluriens -.
" Si se prent garde
.( Que fanie csl trop foie musarde
.1 Qui forre son ehicf cl se farde ^
« Por ])lèrc au monde.
■< Fanie n"est pas de pechic monde,
" Qui a sa crine ' noire ou blonde
(( Seiouc nature,
'< Qui i met s'entenle et sa cure
(' A ajousier .i. forreure^
« Au loue des Irèces.
" L'Evcsques connoist lor deslreees ;
<< De lor orgueil de lor nobleces
« Si les chaslie,
« Et commande par aatie '■,
'< Que cbascun » burle bclin » die''.
M [Vnuirui idievcus portent gran/. sommes,
c( Dcsus lor l(^sles''. »
Le poëte continue sur ce ion. On doit, dit-il, redouter telles
bêtes, car personne ne s'en peut défendre. Elles ne sauraient s'amen-
der celles qui parent leurs têtes ; ainsi cerclées et ferrées, elles ne
sauraient se fendre. N'ajoutent-elles pas encore de nouveaux colliers
couverts de joyaux et de passementeries à ces ornements? Ne lais-
' Voyez Nouv. Recueil des contes, dits, fabliaux des xiir, xiV* et xv" siècles, pour
faire suite aux coUccl. Lcgrand d'Aussy, etc., rccueill. par A. Jubinal.
- '< Physicien ».
■' Forre son chief. iiMnboiirre sa coiffure.
'• « Ses clieveuv ".
" Forreure. faux cIicvimix.
f' « En hâte ».
' Il semblerait que le haut clcigc ("ugageait ainsi la populace a crier : Hurle belin
(heurte bélier), par les i-ues, aux femmes ainsi coiffées. On n'en porta pas moins des
hennins de plus en plus hauts.
" Jongleurs et trouvères des xiir et \iv<^ siècles, luibl. jiar A. .hibinal, IS.Jo.
— "2ll~ — [ COIFFURE _;
sont-elles pas voif leur cou jusiiu'aiix éiiaules el au dos. en faisant
saillir leur poitrine ?
" Robe aiiisiuques escoletée
<i Semble le Ireu d'une privée ' .
" Ne plus ue mains ;
« L'eu lor puel bien venir es sains,
Il L'en i nietroit hiei; ses .ij. mains
'c Ou une niiclie. »
On voit que l'auteur ne ménage pas ses expressions ; il ajoute que
révèque, au sermon, a promis dix jours d'indulgence à tous ceux
" Qui crieront a tel personne :
» Hurle belin !. . . . »
« C'est de tissus délicats de chanvre el de lin qu'elles font leurs
coiffures; et elles attirent les débauchés en se promenant ainsi
décolletées. Aussi parle-t-on beaucoup de ces cornes dans la ville;
on s'en moque, et il n'y a que les fous qui se laissent prendre
à tels bobans. »
Il faut supposer que les fous étaient en grand nombre, puisque la
mode des hennins dura près de cinquante ans, avec les variantes
habituelles.
Monstrelet rapporte, dans ses Chroniques, qu'un certain Thomas
Conecte . frère prêcheur , entreprit de pei'suader aux femmes
« d'abattre les bobans et atours de tête » en l'année 1428. Ce carme
— car c'était un carme — voyagea par les marches de Flandre, de
lArtois, du Cambrésis, de l'Amiénois el de Ponthieu, entouré de
nombreux prosélytes. Arrivé dans une ville, on lui dressait un
échafaud sur une place publique, avec un autel dessus. Là il disait
la messe, puis entamait un sermon contre le luxe, el particuliè-
rement contre le luxe des femmes. Voyait-il parmi ses auditeurs
des dames coilTées de hennins, il s'adressait à elles, et essayait
d'ameuter le populaire contre les porteuses de ces atours ; « car il
" avoit accoustumé, quand il veoil une de ces dames, d'esmouvoir
■ après icelle tous les petits enfans, et les admonestoit en donnant
- certains jours de pardon à ceux qui ce faisoient; desquels donnei',
" comme il disoit, avoit la puissance; el les faisoit crier hault : ^4»
" hennin ! au hennin ! El mesmement ([uand les dessus dictes
" femmes de noble lignée se départoient de devant luy, iceux en-
■' fans, en continuant leur cry, couroient après, et de l'ail vouloient
' l'u trou (le lalriucs.
COiri-TRE
228
'> tirer jus les dils lieniiins tant, qiril convenoit qu icelles femmes
u se sauvassent et missent à sauvclé en aucun lieu. » Des querelles
et (les rixes s'en suivirent souvent entre celte populace et les servi-
teurs (les (lames coiffées de hennins. Aussi, les dames et demoiselles
n'allaient plus entendre le carme qu'en habits modestes, et plusieurs
38
Jzm
:UNKIIt.E<
r('n()nc(Jrent pour un temps aux hennins. Mais, ajoute le chroni-
(pieur, « à l'exemple du limaçon, lequel, quand on passe près de luy,
« retraict ses cornes par dedans, et (juand n'oyt plus rien les re-
« honte, ainsi furent icelles, et en assez brief après que ledict
« prescheur se fut departy du pays, elles recommencèrent comme
« devant, et oublièrent sa doctrine, et reprindrent petit à petit leur
« vieil estât, tel ou plus grand, qu'elles n'avoient accouslumé de
« porter '. »
Voici (lio-. 88) la coilTure d'Isabeau de Bavière vers '1893-. On
' Vol. II (Ifi:; C/tirmiques i\'VAVj,m'rvdni\ de Moiislrrlrl, rilil. ilc ICO.i, p. :i'.) .
2 Colli'cl. (i;iiç;iiièi'(!S.
229
COIFFURE
retrouve encore sous cet échafaudage les nattes qui forment les deux
cornes, revêtues d'étoffe, et la coiffe singulièrement allongée. Ce
n'est que la charge des coifïures que nous avons fait voir précédem-
ment et dans lesquelles les cheveux passent par-dessus les coilTes de
velours ou de drap de soie. Peut-être la mode française avait-elle été
ainsi outrée en Allemagne, et la beauté de la l'cine fit accepter ces
exagérations. Avec ces hennins, les femmes portaient encore, pen-
dant les premières années du xv siècle, l'escoffion avec ou sans
voile. Mais il ne faudrait pas croire que les modes fussent alors
e.munmar.
moins changeantes qu'aujourd'liui : nous verrons la forme des
hennins se modifier singulièrement pendant le long règne de cette
coilTure; il en est de même de l'escoffion pendnnt sa durée beau-
coup moins prolongée. Il se relève aux extrémités laléralcs , il
s'aplatit, il prend plus d'envergure; on le décore en barbes d'écre-
visse, on le drape de voiles de lin ou de mousseline. Vers 141o,
nous lui voyons, dans l'Ile-de-France, prendre la forme donnée p;ir
la ligure 39; puis le voile devient plus ample et tombe parfois sur
les épaules. Les cheveux sont soigneusement cachés; plus de tresses,
plus de queues pendantes derrière le chignon. Voici (fig. 40) l'exa-
gération de cette coilïure qu'on trouve dans beaucoup de nionii-
menls anglais rpii datent de l'dO ;i \\\\^. L'oxcnipli^ qiuî nous
[ COlFFUliE
— 230
donnons ici est pi'is sur la slalue de la comtesse Béatrice, déposée
dans le chœur de l'église de la Trinité, à Ariindel (Sussex). Mariée
^0
' -*Σ)<,/»o
au comte d'Arundel en 1404, cette noble dame épousa, en 1432, le
comte d'Hnntingdon, depuis duc dExeter. La coiffure est donc un
— -31 — [ COIFFURE ]
peu antérieure à cette époque, puisque la statue de la comtesse est
placée près de son premier époux, cl qu'elle dut cire faite, suivant
l'usage, après la mort de celui-ci'.
Après les escoflions à cornes, tels que celui représenté ligures 37
et 39, coitïures dans lesquelles la partie qui enveloppe les cheveux
se distingue de l'accessoire qui reçoit le voile, apparaissent les
cornes avec coiffe empesée par-dessous et voile flottant par-dessus.
4o 1---
Ces ornements de tête ne durèrent pas longtemps ; ils furent adoptés
par les dames nobles et les bourgeoises, concurremment avec les
hennins, de 1420 à 1430 (fig. 40 bis)-. Ils se composaient d'une
coiffe de mousseline empesée, formant couvre-nuipie et venant
joindre ses pans saillants et roides au sommet du front. Sur cette
sorte d'auvent qui donnait des redets très-doux et clairs à la peau,
se posaient les cornes, assez semblables à deux valves d'un coquillage
s'ouvrant. Ces cornes étaient plus ou moins richement ornées de bro-
deries, de passementeries, de pierres et de perles. De l'intervalle
' Voyez The inonumcntfil Efprjies af Crcat, niitnin,S[Q[h;ivd, 181"/. — Voyc/ aussi les
cl'ligies, i;i'aY(''i>s sur liililrs (lo cuivre, do C.lirisliue (1 12()\ t'cuinic de Jolm Cressy, csq. ,
église de Dixlford (Norlliiimptonsliirc), et de IMiilippa nysc.li()])pesdon (l'ili). ôglise de
lîioiiglilon ((txlordsliiri' [The monumental Brasses of En'jlinid, ''.li. liniilcll. 1849). —
Le iiiauuscril du Homnn de Tristan et Vseu/l, Hihliolli. jimiii'tjmIo. |u'f'iiiicres années
du XV' siècle. — Lu liuaian de Girart de Neuers, Bihliolli. iuipcr., couiinrucenicul du
.\v« sièelc.
* Manuscrit de Girart de Ncvers, lîihli illi. iuijH'i-.
[ COIFFURE 1 — ^;>2 —
(lircllcs laissiiionl cuire elles s'échappait en gros bouilloiis un voile
de gaze ou irélotfe très - légère et transparente. Vers la même
époque, les hennins se développent prodigieusement comme hauteur
et par les voiles dont on les couvre. Ceux des bourgeoises (lig. 41) '
/;/
se composent d'un cornet pointu de oO à 60 centimètres de hauteur
environ, revêtu d'une étoffe riche et d'un voile rond très-ample,
posé de telle manière que le bord du voile dépasse un peu le cornet
sur le front, et que la partie postérieure tombe derrière les épaules
jus(iu'au bas des reins. Les hennins des dames nobles (fîg. 41 bis)-
sont beaucoup plus hauts, couverts de voiles beaucoup plus amples
et disposés sur le front, ainsi que l'indique notre ligure. Le cornet,
' Voyez le Missel île .luvéual des Ursius, cédé k la biblioth. de la ville de Paris par
M. A. F. Didol.
* Manuscrit de Girart de Neve>'S, liihlioUi. iiiipériMlc.
— 233 —
l COIFFlliE ]
chu.s rexemplo que nous donnons ici -, est revêtu d'une étoffe rose
avec bande de velours noir sur le fronl. Le voile, très-ample, brodé,
itl Ls
Lu
^^
■A
rtsi
est d"éloiïe irès-lransparcnle. Le collier est composé de matière
non-e, avec joyau pendant. Le pectoral est cramoisi, n lu robe bleue,
' Kqii'dsoulaiil l,-i Im;11,. Ki^lMiilinr.
m. — .iO
2;Vt
[ COIFFURE 1
doublée d'iicrmine sans queues; la ceinture or et les manchettes
blanches.
U. ^
c-o
A::
\
Va
J3
^' 7
\
V.
Il y avait aussi alors (vers 1430) les hennins avec voilette recou-
vrant complètement le visage, posée par-dessus les bords du cornet
— 235 —
COIFFURE
ol non plus par-dessous (dg. 41 ter) '. Cet exemple est lire du beau
manuscrit de Froissart, et représente une duchesse de Bretagne.
Le cornet, très-haut, est noir, recouvert d'une gaze. Un bijou d'or
est fixé sur le côté. Au sommet du cornet est attachée une bande de
gaze peu large, mais très-longue et dont on voit les plis, ce qui
indique que ces pentes d'étotïes transparentes devaient être fraîches
42
"■*
\:
\
\
/
cl remplacées souvenl. Une voilette est attachée à trois doigts au-
dessus (lu bord du cornet, descend jusqu'au menton, et couvre les
oreilles et la nuque. Un collier d'or entoure le cou de la princesse.
En B, est inditiué le croisement de la voilette derrière la nuque. Si
la personne porte couronne, ce joyau est posé à l'atlachc de la voi-
lette, cl quelquefois aussi (voyez en A) cette voilette est ouverte
devant le visage '-.
I Fi'di.ssart, lliMiolli. inipi'i'.
* Ibiil.. la i\'iiiL' (l'Anuli'lfiie.
COIFFUnE ]
236
Avec ces sortes de coiiïiires ou ne laissait paraître des cheveux
(|iriine très-petite boucle au sommet du front, comme s'il ne s'agis-
sait que de donner un échantillon de leur nuance. Au moment
de leur vogue, toutes les modes sont les plus charmantes du
monde ; malgré son étrangeté, celle-ci eut un très-long succès, ce
qui ferait supposer qu'elle avantageait les jolis visages. On con-
çoit facilement comment ce genre de coiffure, léger, brillant, enve-
loppé d'un nuage de gaze ou de mousseline, pût ajouter aux séduc-
tions d'un visage jeune et frais, d'un cou rond, lin, bien attaché et
d'une parfaite pureté de ton.
l|3
On exagéra encore, vers 14o0, sinon la hauteur des cornets, au
moins celle des voiles. Ceux-ci, empesés, brodés, prirent des dimen-
sions et envergures fabuleuses, ainsi que le montre notre figure 42 '.
Il fallait une armature de lils de laiton pour maintenir cet échafau-
dage de voiles dans les plis ; et, malgré la gêne que devaient causer
ces coitïures, elles persistèrent pendant plusieurs années. Cependant
les dames ne portaient ces hennins extravagants que lorsqu'elles se
< Lo Trnilé des taui-nois, liihliolli. iiiip., mauuscril exi'xuté vers la liu du xv siècle,
mais dans lequel i'arlisle a affoeté do planer souvent des vêtements d'une époque anté-
rieure à celle oii il peii,'nait. Voyez aussi uue helle miniature du milieu du xV siècle,
collect. de M. le comte de Nieuwcikci'ke.
— 237 — [ COII'FUHE ]
paraient; liahiUicllcmciil on les tenait dans des dimensions plus
modestes. Le portrait de Marie d'Anjou ', reproduit par Gaignières,
représente cette princesse coilTée d'un liennin simple, relativement
peu élevé, avec petit voile serré par -dessous, sur les tempes
((ig. 43), et laissant voir (jnelque peu des cheveux sur le sommet
klf
du front et sur les tempes. La mèche de cheveux, toujours appa-
rente sur le front, était disposée ainsi (|ue l'indique le délail A,
formant um; houclctte. C'était un usage habituel, signalé dans les
ligures précédentes.
Très-rarement les hennins se portaient avec la guimpe, le cou
' Morte en 1 ifi:!
[ coiii-ii'.K 1 — 238 —
restait (lécoiivfirl; copondant on voit clans les vignettes des manus-
crits, vers 1450, des hennins posés par-dessus la guimpe; mais celle
coinïire cMail adoptée par les femmes âgées ou par les bourgeoises.
qui, sortant à pied, craignaient d'exciter le scandale. Le cornet était
alors beaucoup moins haut (voy. fig. 44), Sur la guimpe, assez lâche
autour du visage, on posait un premier voile (voy. en A) qui n'était
qu'une bande de mousseline empesée; puis le hennin, composé d'un
cornet autour duquel était enroulé un très-long voile de tissu trans-
parent et léger qui tombait jusqu'à terre. Soit, en B, la coupe trans-
versale de la corne, le voile, attaché en «, était enroulé jusqu'en 6,
attaché sur ce point, et tombait par derrière. Le hennin posé, pour
cacher sa jonction avec le voile empesé, on fixait une bande d'étoffe
de couleur, ordinairement noire ou très-foncée, qui servait en même
temps à attacher, au moyen d'épingles, le cornet au voile et à la
guimpe. Ces sortes de hennins, vers 1450. étaient aussi portés par
les dames de qualité, sans guimpes, lorsqu'elles allaient par la ville.
Pour les maintenir sur la tête (voy. fig. 45, en A), on fixait le voile
empesé a par des épingles sur les cheveux et derrière l'occipul.
Ainsi pouvait-on épingier sur ce voile empesé, et sur le chignon
très-relevé, le cornet du hennin, qui était d'autant plus haut que les
dames étaient plus élégantes. Ces cornets, sous le voile enroulé,
étaient faits d'étoffes brillantes, claires, de drap d'or ou d'argent.
L'éclat de ces étoffes était tempéré par le tissu transparent qui les
recouvrait. Puis, par-dessus ce tissu on posait des bandes d'or, ou
d'argent lamé, parfois même des perles, des pois d'or. Le béguin
d'étoffe sombre qui cachait la jonction du cornet avec la voiletle
de dessous était orné de perles ou pierreries au chef, ainsi que
le montre notre figure K
Pour qu'une mode dure, il faut qu'il y ait à cela une cause ; or ces
hennins qui commencent à paraître en 1395, persistent jusqu'en
1470 : jamais peut-être coiffure n'eut un si long règne. Ce n'était
certainement pas sa commodité qui la fit conserver. Elle ne pouvait
abriter ni du vent, ni de la pluie, ni du soleil ; et cependant il est
ceiiain (|u'on la portait dehors, dans les rues et les promenades,
plus encore que dans les intérieurs des appartements. Elle devait
fatiguer la têie : si légers que fussent ces longs voiles, ils pesaient
sur le cornet attaché aux cheveux. Cependant les femmes abandon-
nèrent difficilement cette coiffure, et c'est une des seules (|ui per-
sistèrent, avec quelques variantes, dans une des provinces françaises,
1 Maui:sciil. Ihliliolli. iin|i('r.
— 239 -
[ COIFFURE 1
,3JiOL/A«0
jusqu'à noire temps. Peu
asiléc dans les provinces méridionales,
[ COll'TL'IŒ ]
240
elle fui adopli'C par toutes les classes de ce côlc-ci de la Loire. Pré-
tendre que sa durée est due à son extravagance, c'est un de ces
jugements contre les modes qu'on répèle souvent, mais qui n'est
U
^.M.
qu'une boutade. Un usage peut durer, bien qu'il soit absurde, mais
non parce qu'il est absurde. Nous pensons que la véritable raison
du long succès des liennins, c'est qu'ils faisaient ressortir la beauté
et la fraîcbeur du teint, et qu'ils donnaient au cou une grâce sin-
gulière. Or, c'est par ces avantages que les femmes du nord de la
France se font remarquer. L'absence des cbeveux même donnait,
à la peau du visage, du cou et de la poitrine entourés de ces longs
voiles diaplianes, un éclat transparent qui devait être assez piijuant.
Aussi les prédicateurs ne cessèrent-ils de tonner en chaire contre
ces afiiquets inventés pour la perdition des âmes, et ils eurent tout
loisir de tonner. Mais, par cela même que ce genre de coilïure était
— 241 — [ COIFl-LKE ]
l)arliculièremcnt avantageux aux leinls purs, aux peaux délicates,
il devait faire d'autant mieux ressortir les rides et tous les ravages
apportés par Tàge; aussi les femmes ne se liront pas faute alors de
se farder.
Il ne parait pas que les hennins aient été considérés cependant
comme une coiffure de cérémonie, et si nous en exceptons Isabeau
de Bavière, on voit que les princesses en France ne portaient ces
cornets qu'en demi-parure. Avec les grands habits de cour, les
dames de haut lignage étaient coiffées en cheveux entourés de
couronnes ou joyaux d'orfèvrerie. Nous trouvons maintes statues
tombales de dames nobles du milieu du xv*" siècle, vêtues de leurs
liabits de cérémonie, qui sont coiffées ainsi. Nous citerons, parmi
ces exemples, comme un des plus complets, la charmante statue
de Jeanne de Saveuse, femme de Charles d'Artois, morte en 1448
et déposée dans l'éghse de l'abbaye d'Eu. La figure 46 présente
la coiffure de celle princesse K Une coiffe est posée sur les cheveux,
!,1
qui sont ramenés sur cette coitTe en deux grosses nattes le long des
joues, et en ondes du chignon à celle natte. Une couronne, dont la
forme esl donnée par la ligure 47, épouse la forme de la coitfure,
en laissant la place des nattes et en s'inclinant par derrière, de
manière à serrer le chignon. Les hennins n'avaient donc pas un si
grand crédit parmi les dames nobles, qu'on les considérât comme
une parure convenable dans les occasions solennelles. Par cela
même (]u'ils étaient portés par toutes les classes, par les bour-
geoises et même par les femmes galantes, la haute noblesse ne
les admettait (pi'avec certaines réserves. Autour d'elles, les dames
' r.i'Uc staliie est aujouririmi dcposi'e diuis l;i cryiik' du l'i^yliso d"Eii ; oUc éhiit aulre-
luis iilaccc dans le clireiir, sur nue liclle table de iiiarlire uuir, à eôté de sou époux
(voyez r,;>iguières, eoUect. l>oiiléieuue). lille clail iieinle ; de prétendues reslauialiuus
l'ulrcpi isi's l'ii ISi.'i oui l'ail, eu i;i'aude iiarlie. disi'araîlre ces peiutures.
m. — M
[ COII'|-UIŒ I
nobles no peniicLlaienl point à leurs damoiscUes suivantes, à tous
les degrés, de porter des hennins comparables à ceux qui ornaient
leurs tètes, comme hauteur, comme forme et richesse. Les plus
simples, parmi ces hennins de damoiselles suivantes, se compo-
saient d'une sorte de boisseau, sans voile, laissant voir ([uchiue peu
48
vY.
vil
J?
les cheveux ilig. 48 '). D'autres (lig. 48 bis), en forme de cylindre
légèrement infléchi de devant en arrière, garnis de velours, de satin
et d'un bijou, recouvraient un voile très-transparent empesé, taillé
en façon de large entonnoir renversé ou d'abat-jour '-.
C'est de 1470 à 1475 que les hennins disparaissent. Quand
Louis XI mourut, en 1483, il y avait déjà longtemps que les dames
en France n'en portaient plus. La cour du roi Louis XL comme on
sait, n'affectait pas le luxe, et les femmes n'y jouaient aucun rôle.
Plus de ces fêtes, plus de ces joutes brillantes si fort en vogue à la
cour de Bourgogne. Or, la simplicité de la cour de France influait
sur les habitudes de la noblesse et de la haute bourgeoisie ; le luxe
des vêtements, de la coiffure, fit place à des modes plus simples.
Autant les coitfures des feuimes s'étaient élevées au-dessus du front,
autant elles s'abaissèrent, en garnissant les oreilles et le cou, mais
toujours en laissant le fi'ont très-visible et très-haut. Si la théorie
1 Manuscrit, le Livre des marques de Rome, 1466, Biblioth. imper. Fragmeut d'un
bas-relief du milieu du xv" sicele, magasins de Saint-Denis. — Ces ehapcrons, en forme
de boisseau, étaient faits de carton ou de treillis empesé, garni d'étoffe de soie avec ganses
<i'or ou d'argent.
- Manusi'i'it de Giinrt de Nevers. lîibliolh. iiiipér.
— 2i3 — [ r.oïKi'CiîE j
Je Darwin sur la sélection naturelle est juste, il est fort heureux que
les modes soient variables, car autrement on ne saurait imaginer à
quelles étranges ditïormités conduirait la dui'ée d'une mode pendant
plusieurs siècles. I/espèce humaine arriverait ainsi à moditier non-
seulement les traits du visage, mais les caractères qui semblent
indélébiles chez certaines races. Pour tous ceux qui ont étudié avec
I^ôô,
/■^
quelque attention les changements des vêlements chez les peuples
divers d'une même race et la façon de les porter, il n'est pas dou-
teux que le corps alTecte certaines allures, les ti-aits du visage,
certaines dispositions particulières, suivant les goûts, les tendances
de chaiiue mode ; si bien (ju'à distance, les personnages d'une
même époque ont tous un caractère commun (h; ressemblance :
et sans remonter plus haul (pie le moyen âge, au xn" siècle par
exemple, la lêle était petite, le corps long, les bras relativement
com'ts ; chez les femmes, les épaules étaient étroites et la poitrine
[ cnim-iîK I — 244
i4
pou (lovcloppcV. Plus lard , 1rs hanches des femmes sont très-
acciis(''es. la laiUn longue ; le has de la figure large, les yeux longs,
le front petil ; plus tard encore, le ventre est saillant, la taille
courte, les épaules grêles et effacées, les tempes larges, le front
haut, etc. A dater de la fin du xiv" siècle jusqu'à la fin du xv^ avoir
le front haut et bombé était, chez les femmes, une marque de |
beauté ; et en examinant les statues de ces temps, les portraits
qui ont d'ailleurs un caractère d'individualité bien trancbé, on se
demande comment tant de personnes pouvaient posséder ce carac-
tère particulier qui, pour nous aujourd'hui, est une exception ; do
même qu'en voyant les portraits des femmes de la seconde moitié
du xvn" siècle, on peut se demander comment tant de dames
possédaient des joues longues et un peu pendantes, une bouche en
cerise, un nez court et petit, et des yeux à fleur de tête. Il est clair
qu'une race ne se modifie pas ainsi au gré des désirs de la mode,
mais que, pour plaire, les artistes inclinent, dans leurs reproduc-
tions, vers un type admis comme excellent. Il est certain aussi que
chacun se rapproche autant qu'il le peut de ce type, et qu'à force de
chercher à lui ressembler, on donne au port et même aux traits
quelque chose qui appartient au milieu où l'on vit et qui est en
dehors de la personnalité. Nous ne croyons guère à l'influence d'un
désir ou de la vue d'un type sur le fruit d'une femme enceinte ;
cependant il y a dans ce vieux préjugé un fond vrai que le philo-
sophe ne doit pas négliger et que les observations récentes sur la
sélection naturelle viennent expliquer. Les êtres qui appartiennent
à l'ordre organique peuvent très-probablement se modifier dans
une certaine limite, par suite de besoins, d'aptitudes, de goûts, de
désirs; et il n'est pas rare de trouver deux personnes qui, ayant
vécu longtemps dans une complète intimité, contractent des gestes,
des allures, un port, un jeu de physionomie identiques, bien que
d'ailleurs elles ne se ressemblent pas et ne soient point conformées
de la même manière. Cela ne saurait, à notre sens, aller jusqu'à
faire pénétrer une race dans une autre, et jusqu'à faire, par
exemple, que des générations de Cafres, vivant au milieu d'Euro-
péens, puissent jamais entrer dans la famille aryenne, ou du moins
rien ne peut faire supposer que le fait soit possible; mais, dans le
sein d'une même race, nous voyons, en l'espace d'un siècle, se pro-
duire de ces modifications physiques qui ont une certaine impor-
tance et qui expliquent comment, si une mode se prolonge, des
caractères identiques s'observent chez tous les individus qui s'y
soumettent. Donc, pour rentrer dans notre sujet , on ne pourrait
245
[ COIFFURE ]
guère expliquer comment, pendant tout le cours du xv"^ siècle, les
femmes avaient tontes le front aussi élevé et dégagé, si, la modo
aidant, la plus grande partie d'entre elles ne fût parvenue réelle-
ment à reculer la racine des cheveux et à dégager les tempes. Vers
1480, les coilîiires des femmes s'abaissent définitivement, mais le
M^-^ ^'-5
.-^m
i.
^»— ^;V"V-'.'-'-lV,vV> V.-.
«•flWBiflS
front reste découvci't, et ce n'est que vers iolU que celte mode fait
place à une autre. Alors les cheveux, disposés en bandeaux ou en
tor.sades sur les tempes, reprennent peu à peu la place qu'on leur a
fait perdre. Plus tard, ils sont encore relevés vers la nuque et décou-
vrent de nouveau tout le front ; puis on les dispose peu à peu en
boucles, ils retombent par devant, et, au xvii" siècle, les fronts sont
bas et étroits, envahis par de délicates frisures, dont la racine s'est
fort rapprochée des sourcils. Cependant les aïeules de ces dames de
la cour de Louis XIII, dont les cheveux naissaient à 5 centimètres
[ cdim lîK j — 246 —
des souirils, laissuieiU voir des fronts dégarnis et purs de lont
appendice capillaire jusqu'à une distance de 8 ou 9 centimètres
au-dessus des arcades sourcilières.
Ces chaperons hauts, en forme de boisseau, que donnent les
figures 48 et 48 bis, furent portés un peu plus tard, c'est-à-dire de
1480 à 1485, par les daraes nobles, mais avec voiles et Irès-inclinés
en arrière, comme pour renfermer le chignon posé naturellement
sur l'occiput. La figure 49 montre un de ces derniers hennins *.
Le chaperon est recouvert d'étofie de soie avec passementeries d'or.
50
ci:
lïl-
^'^ iy
/;
i
d- "^
e-
î /
\
\\
\l
1
'\
/
\
1/
\
/"
A
/'
Le voile est fait d'un tissu transparent avec broderie sur le liord.
Voici quelle était la forme de ce voile et comment il était pHé
(fig. SO). Long de l'",50 sur 0"',32 de largeur, le voile, en A, est
tracé déplié en n et plié en h. Prenant du milieu f, en rf, une lon-
1 Mamiscrils (le la lin du xv" sièrk- ; miiiial. idlhcl. de M. A. Grroiite. Voyez aussi
la tombe gravée d'Isabelle, veuve <le William Cjieuie esq., 1482, église de Bliekliûg
(Norfolk. Angleterre).
- ^247
[ COIFl TUE ]
gueur égale à la largeur cf. on traçait le pli hd\ prenant de h une
longueur h en m égale au pli hd, on traçait le pli dm. On divisait
l'angle hcd en deux, et l'on traçait le pli hi. Le triangle hh' était
posé sur le chaperon, le sommet h en avant et le dépassant. Le
triangle hid se repliait sur la moitié du triangle hii' ; puis sur
ce triangle hi'd' on repliait le triangle hm'd\ puis le trapèze
hd' , m'f. Le voile, posé, présentait par derrière la ligure B.
Cette coiffure était, pour le temps, un peu attardée, puisque déjà,
en 1480, les dames portaient la coiffe basse aussi bien que les bour-
geoises. En admettant que les tapisseries de Nancy soient bien
réellement celles qui furent prises dans les bagages de Charles le
Si
Téméraiie, ces coiffures basses des femmes dateraient au plus tard
de 1477. Mais, parmi ces tapisseries, il est nécessaire de faire une
distinction: celle ijui représente l'histoire d'Assuérus est bien cer-
tainement de 1470 à 1475, et peut avoir été trouvée dans les bagages
de Charles le Téméraire, après la bataille de Nancy ; quant à celles
qui repi'éscnlenl la MoraiUc du banquet, il nous est impossible de
leur assigner une date antérieure à 149o. Les habits portés par les
personnages sont tous, sans exception, de 1500, et tels (|u'on les
portait à la cour de Louis Xll. Cela n'enlève rien à la valeur des
braves Lorrains qui se comportèrent si bien à la joui-néc du ojaii-
coiri'iiŒ ]
— -248 —
vier 1477, ni même à rinlérêl que présentent ces précieux tissus ; mais
il faut, pensons-nous, prendre son parti sur la provenance douteuse
de ces tapisseries ou détruire tous les monuments contemporains.
D'ailleurs ïhistoire manuscrite de Charles IV, conservée à Nancy,
ne l'ait nulle mention de ces tapisseries et de leur origine, non plus
5S
que Vllistoire du parlement. La bataille de Nancy ayant été donnée
le 5 janvier 1477, il faut admettre que les cartons qui ont servi
à la fabrication des tapisseries de la Moralité du banquet datent,
au [dus lard, de 1474. Or, en 1474, on ne trouvera pas une seule
vignette de manuscrit, pas une peinture, pas une sculpture présen-
l;iiil les vêtements d'hommes et de femmes ligures sur ces lapis-
— 249
COIFFLlîE ]
séries, vélemenls identiques avec ceux en usage pendant les pre-
mières années du wi" siècle. Les hommes purtenl tous, sans excep-
tion, les cheveux longs et le chapeau à la mode vers le milieu du
règne de Louis XII (150S). Les femmes sont coiffées de la coilTe,
qui persiste jusque sous le règne de François I". Quoi qu'il en soit,
voici (fig. 51) ce qu'était celte coiffure, commune aux femmes de
tout étal : Le front est dégagé, les cheveux ne sont plus ramenés
vers la nuque ou le sommet de la lête, mais sont appliqués en ban-
deaux ondes sur les tempes. Une coiffe d'étoffe couvre le chignon,
les oreilles et le dessus de la tête. Sur cette coitfe est posé un voile
d'étofTe habituellement sombre, ou Irès-riche, qui n'est qu'une
bande tombant de chaque côté sur les épaules. Sous la coitfe
(voy. fig. 5!2), une sorte de sac d'étoffe brillante, ou de résille, chargée
53
d'ornements, enveloppe les cheveux, qui sont ainsi supposés tomber
derrière le dos au-dessous des épaules (voy. en A le prolil et l'aspect
postérieur de la coiffure). Quelipiefois ce sac est supprimé, et la
coifTure tombe par derrière jus(|u';i la naissance du cou, en formant
de larges plis réguliei'S et verticaux (fig. 53). Les clieveux apparais-
sent même sous cette pente de la coiffe, en formant un flot onde (|ui
descend à peine au milieu du dos ; mais cette dernière disposition
est rare, et habituellement les cheveux ne se voient pas au-dessous
m. — :ii
[ COIFFURE ]
— 2oO
de la pente postérieure de la coiire. Il arrivait aussi que les pans de
la baudc d'étolTe posée sur la coille étaient retroussés sur le sommet
de la tète, ainsi (juo le montre la figure 54'. C'était un moyen de
ne pas être gênée par ces deux pentes lorsqu'on était à table, mais
aussi de donner à cette coiffure une physionomie plus coquette. La
coiffe était parfois attachée aux cheveux par de riches épingles
' 7L.M
posées latéralement, ainsi que le fait voir notre figure. Outre ces
coiffures qui, comme nous l'avons dit, étaient portées à la ville par
les femmes de qualité, ainsi que par les bourgeoises, et ne digé-
raient que par le plus ou moins de richesse des étoffes et des joyaux,
les dames de haut lignage avaient des coilïures autrement riches,
lorsqu'elles se paraient de leurs plus beaux atours. Il existe encore
dans nos monuments figurés un grand nombre de ces coiffures
de dames nobles des dernières années du xv^ siècle. Parmi ces
exemples, nous en choisirons un seul, afin de ne pas étendre outre
mesure cet article.
Dans la crypte de l'église abbatiale d'Eu ont été déposées un certain
nombre d'effigies de personnages autrefois placées autour du sanc-
tuaire. Pai'mi ces figures, il en existe une qui est fausse, c'est-à-dire
composée de fragments appartenant à divers monuments. On a fait
ainsi , pour l'histoire des personnages autrefois ensevelis dans
l'église d'Eu, ce (pie l'on fit à Saint-Denis il y a une quarantaine
d'années. Pour compléter une collection de statues, on en com-
' Voyez les lapisscrics de Naucy, Moralité du banquet, dc^a'icva aimées du xv siècle.
— 251
[ COirFLRE J
posait avec des débris, dont rorigiiie était inconnue. Ces fnnx en
monuments historiques furent considérés, par un bon nombre d'ai-
listes du commencement du siècle, comme le fait le plus simple et
le plus innocent. L'affaire élait de compléter la cbronologie. Donc,
dans cette crypte, on voit une statue de femme au-dessus de laquelle
une inscription gravée sur marbre noir apprend aux visiteurs que
cette effigie est celle de « noble dame Isabelle d'Artois, fille de Jean
d'Artois, etc., morte en 1379 ». Il est certain qu'Isabelle d'Ailois,
morte en 1379, était enlerrée dans l'église d'Eu, puisque Gaignières
donne la copie de l'effigie sur sa tombe ; il est cei'tain aussi qu'en
55
examinant la statue on retrouve bien les plis et les traces de pein-
ture l'eproduils par Gaignières. Toutefois, nous avions grand'peine à
admettre qu'en 1379 une dame noble fût coiffée ainsi que l'est cetle
slatue. D'ailleurs, celte coiffure n'est nullement celle retracée dans
la copie de Gaignières, et cependanl il n'y avait pas à douter que la
sculpture de la tète ne fùl Icui entière ancienne. Or. en examinant
de plus près la figure avec force lumières, nous avons bicniùt reconnu
que le bas de la figure appai'lient à Isabelle d'Artois, qu(> le torse
est une restauration moderne, el que la tête provient dun autre
ninnuuient,
[ COIFFl'RE ]
252
Isabell(3 (l"Arlois manquaiil, on ne se présentaiU aux artisles
chargés de la restauraLloii des monuments qu'avec un bas de robe,
on eut bientôt fait de la compléter. Mais, si cette tête ne date pas de
1379, elle n'en est pas moins fort bonne comme sculpture, et donne
un des plus beaux exemples de la coiffure de parade des dames
nobles de 149o à loOO. Nous en présentons, figure 5o, la face, et,
figure 56, le profil. Les cheveux sont disposés en bandeaux ondes
56
sur les tempes, non point longitudinalement, mais transversale-
ment, ce qui devait exiger, de la part du coiffeur, beaucoup d'habi-
leté. Pour éviter la sécheresse de ces bandeaux sur le front, de
très-petites mèches s'échappent de la dernière onde pour marier le
ton des cheveux avec celui de la peau. A une très-riche coiffe ter-
minée de chaque côté, au-dessous des oreilles, par deux volutes de
perles, est attachée une sorte de turban, plat par derrière, terminé
à sa partie inférieure par un sac d'où s'échappent, sur les épaules,
des mèches de cheveux. Le turban est garni de rangs de perles et
était fait d'un tissu d'or. La coiffe et le sac étaient taillés dans
une très-brillante étoffe, si Ton s'en rapporte aux fines gravures
qui simulent une broderie ou un brochage. Un collier de quatre
rangs de perles serrées, avec fermoir sertissant une pierre fine,
orne le cou.
Il s'en faut que nous ayons pu donner toutes les variétés de coif-
— 2o3 — [ COL, COLLET ]
fures adoptées par les hommes el par les femmes depuis l'époque
carlovingienne jusqu'<à la renaissance. Nous avons essayé de pré-
senter les exemples les plus saillants qui indiquent les changements
importants des modes, en laissant de côté les exceptions ou les
déviations qui n'ont pas abouti. Entre les traits principaux, les
changements notables, il existe des transitions dont on ne pourrait
rendre compte que dans un ouvrage spécial sur cette matière, mais
qui ont la valeur de celles dont nous sommes chaque jour les
témoins. On peut en conclure, pour la coiffure comme pour les
vêtements du moyen âge, que les modes ont eu des variations inces-
santes, rapides, avec des retours souvent inexplicables ; que l'art
d'orner la tête a été de tout temps une des préoccupations les
plus actives des classes oisives, et que de tout temps aussi les reli-
gieux, les moralistes, les satiriques, se sont élevés, sans apparence
de succès, contre ce goût pour les parures de la tête.
Nous avons tenu à ne donner que des exemples pris dans les
modes françaises, car, si nous avions voulu recueillir les modes des
provinces qui avaient leurs usages particuliers, comme la Provence,
le Languedoc, la Guyenne, la Bretagne, nous aurions été entraînés
beaucoup au-delà du cadre que nous nous sommes tracé. Dans les
autres articles de ce Dictionnaire, nous avons, d'ailleurs, l'occasion de
revenir sur cette partie importante du vêtement des deux sexes.
COL, COLLET, s. m. {coirier\ collet de cuir). Jusqu'à la fin du
xnr siècle, les robes des hommes, comme celles des femmes, ne
portent pas de collets, elles sont taillées sans retroussis, et leur
ouverture supérieure s'applique sur la peau à la base du cou. Il ne
faut pas confondre le collet avec le camail ou avec l'aumusse, qui
porte un capuchon. Vers la fin du xiii* siècle, on voit parfois le
peliçon des hommes garni d'un petit collet rabattu avec fourrure ;
mais cette mode est peu usitée 2. Il est de même très-rare de voir le
bliaut avec collet, car on ne peut donner ce nom à une large passe-
menterie cousue sur ce vêtement à l'ouverture, et qui forme un
1 Le mol coiricr s'culeail liuhiLiR'llciuciiL corniiio collet ch; cuir pos6 sur !.■ iKiiihert
(le guerre.
« Et innint holmc voler, è maint coiri:;r arricr. >« {Romnti de Rou, vers 4Gi2.)
Coirier arrier doit s'entendre comme collet i-cjcté en arrif'rc. C'est qu'en effet une
aumusse de peau tenait au collet de cuir, et, pendant le combat, ce capuchon devait
souvent retomber en arrière (voyez, dans la partie des Akmes, k l'article AnMunn. la
figure 5).
- Voyez Pf.i.icox.
2o4
[ COL, COl.l.KT ]
crnement plus ou moins riche (fig. 1)'. Ce n'est que vers le milieu
du XIV" siècle que les vêtements des hommes prennent des collets.
Jusqu'alors, ces vêtements étaient amples; mais, à celte époque,
commença la mode des habits justes à la taille et sur la poitrine,
fermés par devant ou sur les côtés à l'aide de lacets ou de boutons,
et terminés par des collets. D'abord peu prononcés, tenant au vête-
ment de dessous et formés de deux petits retroussis droits couvrant
latéralement et sous la nuque une chemisette fermée autour du cou
(tig. 2), ces collets s'élèvent, enveloppent le cou comme dans un
tube, et se terminent à la hauteur du menton et du lobe des oreilles
par un passe-poil de fourrure. Ces sortes de collets, fort à la mode
à la fin du règne de Charles V, étaient boutonnés par devant, pre-
naient exactement la forme du cou et tenaient au vêtement de dessus,
à la fois robe et justaucorps sei'ré habituellement autour de la
taille par une ceintui'e (lig. 3j-. Ces collets, hauts, évasés du haut,
doublés de fourrure, accompagnés d'une grosse chaîne d'or avec
1 Mamisi-r. Itililinlli. imp/T., rmuls Saiiit-Cirniiniu, u» GGU (xiii'' siî'ole).
2 Jlauiiscr. Biblioth. iiniiri.. Tii'sla?! et Ysett/t, fouds tVam.ais, t. 1.
- iî55 —
[ COI., COIJ.ET 1
médaillon, étaient portés par les gentilshommes. Les bourgeois se
contentaient de petits collets droits, non doublés de fourrure, bou-
\ 'Ëk
tonnés par devant (Iig. 4)'. Vers 1390, les collets des robes de
dessus ou corsets des hommes nobles sont hauts, roides, souvent
godronnés. Un collier de grosses perles d'or, attaché par derrière
U
^^^
au moyen de deux ganses dont les bouts pendent, série la base
du collet (tig. 5)2. Mais une mode aussi gênante, et (pii rappelle
les cravates qu'on portait il y a quarante ans, ne pouvait être
' Maïuisi T. liililiolli. iiMp{''r., Tristan et Vscult, l. M.
- Mamiscr. r>ililii)lli. iiiii)(''r., Uaytou, Hist. de la terre d'Orient, frau(;ais.
COL, COLLET ]
256
poussée plus loin. Vers 1410, il y eul réaction : les cols des pour-
points furent fendus par devant pour laisser le menton libre, et
maintenus liauis par derrière pour garantir le cou. Ces collets
tenaient au vêtement à manches et juste à la taille, appelé cotte et
plus tard pourpoint ; ils étaient de même étoffe et de même cou-
leur. Mais, comme on portait alors par-dessus la cotte ou le pour-
point un corset, un surcot ou un peliçon, un garde-corps ou une
robe, le collet du pourpoint dépassait l'ouverture supérieure de
X
ces vêtements, ce qui était considéré comme très-élégant. On tenait,
d'ailleurs, à ce que le pourpoint fût d'une autre couleur que celle
du vêtement de dessus (voy. Cokset, Pourpoint, Suucot). Entre les
deux pointes obtuses du collet, par devant, on apercevait la che-
misette serrée au cou, faite de linge très-lin, transparent et plissé
— 257 — [ COL, COLLET ]
à très-petits plis (fig. 6) '. A dater de celte époque, les collets
des pourpoints ne lirent que décroître jusqu'au xvi" siècle. Sous
Louis XII, les hommes laissent le cou libre et couvert seulement à la
base d'une tine chemiseltte. Par compensation, les collets rabattus
des pelifons prirent un développement considérable, et s'abaissèrent
jusqu'au milieu du dos en couvrant les épaules 2. Chez les femmes,
la mode subit à peu près les mêmes variations. Cependant les dames
7
nobles se décolletaient lorsqu'elles se paraient, à dater de la fin du
xni" siècle. Alors même et jusque sous le règne de Charles V, les
robes étaient taillées décolletées, et les femmes ne se couvi-aient le
cou qu'au moyen de guimpes ou d,e chaperons posés comme l'au-
musse. Vers la fin du xiv^ siècle, les robes parées et les robes de
ville eurent des coupes dilïérentes. Les robes de ville ou du matin
étaient montantes, avec collets hauts, élastiques et roides, comme
ceux des hommes (fig. 7) \ De petits boutons très-rapprochés, à peine
' Girart de Never.s, iimiiiiscr. liihliolli. iiiipôr., fninrais.
* Voyez Peliçu.n.
* Mauiiscr. liihliotli. iinin'i-.. IVanriiis, Tiistan et Yseult, t. II.
III. — ;}.}
[ COL, COLLET ]
2.^8
visibles, fermaient ces collets hauts par devant, et il fallait qu'ils sui-
vissent exactement la forme du cou et des épaules. Un étroit passe-
poil de fourrure les bordait par le haut, et laissait k peine voir le
bord frisé d'une chemisette plissée embrassant totalement le cou. Une
chaîne, ou ganse d'or, était posée à la base de ce collet et portail un
petit médaillon. Celle mode dura peu (1390 à 1405). A dater de cette
dernière époque, la coupe des robes de femme, à la ville ou parées,
8
laissait le cou nu. Ces robes étaient ajustées à la taille, les manches
étroites et longues ; un large collet de fourrure s'étalait sur les
épaules, le dos et la poitrine. Dessous ce collet, lorsque les dames
sortaient par la ville à pied ou montées sur une haquenée, on posait
une sorte de collerette de velours noir avec collier d'or par-dessus
(fig. 8) '. Cette parure ne convenait toutefois qu'aux dames nobles
et aux riches bourgeoises, qui dès lors ne se faisaient pas faute
d'imiter les modes delà noblesse. Les jeunes femmes très-élégantes
1 M.iiiiisrr. lîililiiitli. iiiipri'., Frùissarl, tVauf.ais. environ liiU.
259
[ COI.I.lKll
et parées portaient des robes à collets en pointe descendant jusqu'à
la ceinture, qui était large et placée haut. Ces collets dégageaient le
cou et laissaient voir une partie de la gorge. Us étaient doublés de
fourrure, et par-dessous passait une collerette unie empesée, de fine
9
^.f.
toile de batiste (fig. 9) '. Plus lard - les dames se décolletèrent
beaucoup plus encore lorsqu'elles se paraient, et les collets s'ou-
vrirent davantage en descendant jusque sur les bras. Ces collets
étaient dits rebrassés :
« Dames a rebrassez eollelz.
'■ De queli'ouque eoiulicion,
" Portant attours et hourrcle'./,
" Mort saisit saus exception ^. »
Ces collets rebrassez ^ étaient bordés de fourrures, amples, droits
par derrière, ou parfois en pointe, si les dames qui les portaient
tenaient à être très-décolletées. (Voy. Corset, Robe, Surcot.)
COLLIER, s m. On sait le goût des peuples de l'antiquité pour
les colliers. En Egypte, en Asie, les hommes en portaient aussi bien
1 Manuscr. l.ililinlli. iiiiprr., Fi'oissarl.
- 14G0 (Uivirou.
^ Gra7id Testoiuent île Vilion, stropli. xxxix.
■' Voyez Ordonn. sompi. du xv<" siècle. Les rebras étaieul des bordures d'une eouleur
et d'uue ('ilotïe difîéreutes de celles de la l'obe, ou (!.• fourrurçs d'hermine, de menu vair,
d'écureuil, de marti-e. di' loutre,
\ m.uKW ] — 260 —
que les femmes. Cliez les Grecs el les Romains, celle parure fut
réservée aux femmes seulement. Les Gaulois portaient des colliers
de diverses matières, d'or, d'argent, de pâle de verre, de grains
d'ambre. Il en était de même chez les peuplades de la Germanie, et
les barbares qui envahirent les Gaules paraient leur cou de col-
liers très-riches. Cependant, de l'époque carlovingienne jusqu'au
XIV* siècle, il ne paraît pas que les hommes, non plus que les femmes,
aient porté des colliers. Ce bijou n'apparaît guère sur les statues et
dans les peintures que vers le règne de Ciharles V. Dans Xlmentaire
de l'argenterie des rois de France, dressé en looo, il est question
d'un bijou appelé p^H^r/co/ , el qui n'était autre qu'un médaillon
à pendre au cou * après les grosses chaînes d'or (|ue les hommes
portaient déjà sur la cotte et le corset ou surcot, et qui furent si
fort à la mode à la fin du xive siècle. Ces colliers d'homme pre-
naient diverses formes : grosses chaînes à chaînons ou en gour-
mette, chaînelles à deux ou trois rangs, torsades avec pendeloques
et grelots, feuilles d'or découpées (fig. 1), grosses perles d'or 2.
Alors, sur la robe à collet montant, les femmes portaient égale-
ment des colliers d'or (voy. Collet, lig. 7). Parmi tant de bijoux
que contient l'inventaire du trésor de Charles V, il n'est fait men-
tion que d'un Irès-pelil nombre de colliers.
Voici l'un des plus riches : « Ung collier d'or à charnières, où est
' » Un iieiilMcol où il y avoit 12 perles el :j éiiiiTainles
camahieu garni de jjerles et de jtierreries. »
* Manuscr. Bibliolh. iiiipér., tVaueais, Triatan et Yseidf, t
. Ua jieulaeol à ymages. d'uu
(liu du xiV siècle).
— 261 — [ COP.NETTE ]
« une croix garnye de pierrerie pendant devant, auquel sont neuf
« saphyrs, quatorze ballayz (rubis) et quatre-vingt-quatre perles, pe-
« saut ung" marc une once, <|uinze estellins \. » Ce n'est qu'un peu
plus tard que les dames adoptent les colliers posés directement sur
la peau (vers 1410), et ces colliers sont souvent noirs, très-déliés
(voy. Coiffure, fig. 41 bis et 48 bis). Parfois aussi ce sont des
chaînettes ou ganses d'or, avec médaillon ou joyau (pentacol).
Ces chaînettes très-déliées, ou fins tissus d'or, sont d'abord posées à
la base du cou et à deux rangs, puis descendent en un seul rang sur
les épaules en suivant, à un pouce de distance, le bord du corsage.
Vers 1420, on voit aussi les dames nobles porter une très-fine ganse
de soie serrée îi la base du cou avec une seule perle ; puis au-
dessous, sur la gorge, un collier d'or et de pierres fines avec petites
pendeloques. A la fin du w" siècle, les dames nobles portent de
larges colliers composés de plusieurs rangs de perles très-serrés,
avec fermait par devant (voy. Coiffure, fig. 55).
Des ordres établis pendant le xv^ siècle avaient adopté un collier.
Les chevaliers de l'ordre de la Toison d'or, institué par le duc de
Bourgogne (Philippe le Bon), ceux de Tordre de Saint-Micliel,
institué par Louis XI, portaient des colliers dont la forme est trop
connue pour qu'il soit nécessaire de la reproduire ici. A l'exemple
de la noblesse, des corporations adoptaient un collier ^. La plupart
des souverains, pendant le xv° siècle, avaient institué des ordres de
chevalerie, et le signe de ces ordres était un collier. Quand Jacques
de Lalain se départit de la cour du roi de Portugal, ce prince lui
remit « un riche collier d'or de l'ordre de Portugal, garni de dia-
mants, rubis et perles ^... » Dans les provinces méridionales du
Languedoc et de la Provence, les femmes, au xn" siècle, portaient
des colliers de plusieurs rangs de perles très-serrés au cou, à
l'instar des modes de Byzance. Mais il ne paraît pas que cette parure
ait été admise par les dames des provinces du Nord. Ces colliers de
perles étaient habituellement montés sur une bande d'étolïe et for-
maient ainsi une sorte de carcan étroit.
CORNETTE, s. f. Nous ne trouvons les cornettes mentionnées
que dans les Cent Nouvelles nouvelles. Ce vêtement parait être un
' Invent, de Charles V, mauiisc I)il)liotIi. iiiipér.. n'> ironimi 27S().
* Voyez le collier de la corporaliou des orfèvres de r.aud. Ce cuiller est gravé dans les
Recherches hist. sur les costumes civils et milit. des Gildes et corpor., pur M. Félix
de Vigne. Gaïul, 1847.
■i Chrun. de Jacques de Lalain, cliap. xi.ii.
[ r.oitsiyr ] — 26:2 —
canuiil avec capuclion, pouvant couvrir presque entièrement le
visage. L'écuyer d'un noble chevalier s'introduit chez une demoi-
selle, le soir, à la place de son seigneur attendu ; la chambrière ne
le reconnaît pas, « pour ce qu'il étoit tard et avoil une cornette de
« velours devant son visage i ». Cependant, déjà vers la lîn du xiv^
siècle, on donnait à certaines coiffures de femmes le nom de cornes
(voy. Coiffure, et, à l'arlicle ConsET, la ligure 1). Il est à croire
que le diminutif était usité dans le langage, puisque les dames por-
taient à la chambre, et lorsqu'elles recevaient couchées , des coif-
fures en forme de cornes, mais beaucoup plus petites que celles des
coiffures de ville.
CORSET, s. m. Ce mot avait deux significations différentes. On
appelait corset un vêtement de dessous que les dames laçaient sons
la robe pour maintenir la taille et la gorge ; et aussi un habit très-
ample porté par les hommes et par les femmes, mais serré à la taille.
Sous le justaucorps fait d'étolfe gaufrée que les dames portaient au
xn* siècle, un corset était nécessaire, car ces étoffes Unes et légères
n'eussent pu maintenir suffisamment la taille et la poitrine, qu'il
était alors de mode de comprimer et de réduire aux proportions les
plus minimes, sans toutefois la déformer -. Au xni° siècle, sous la
robe longue avec ceinture, les femmes portaient un corset qui allon-
geait la taille et relevait la poitrine. La présence de ce vêtement est
très-apparente dans des sculptures et peintures de cette époque.
Vers la fin de ce siècle, la taille fut raccourcie, les ceintures dispa-
rurent généralement, et le corset fut taillé de manière à donner de
la largeur à la poitrine. Sous Charles V, les ceintures serrées à la
taille reparurent pour la toilette de ville, les tailles restèrent courtes,
et les corsets développaient la poitrine :
" Ur couvicut uu large colut
•> Es robes de nouvelle forge,
" Par qiioy les tettins et la gorge,
« Pai' la t'a(;on des eutrepans ■*,
" Puisseul eslre plus apparaus
'. De donner plaisance et désir
■• De vouloir avec eulx gésir.
■• Et SI' de tettius est desmise ».
" Il convient faire en la cheniise
' La Dame k Jeux, nouvelle xxxi (1460 eiiviion).
■•* Voyez Ri.iALT, tig. 2 ; Cotte et Robe.
3 Partie milieu antérieure du corset.
'* « Si la feniine n'a pas de gorge. "
— "HÛ'Ô — I CORSET ]
" De celle ciii li sangs ' avale
« Deux sacs par iiiauiere de niale.
" Où l'eu fail les pcaiilx emnialer.
'< Et les leltiiis amont al m-.
" VA afin qu'elle semble droicte
. Lui fault faire sa robe estroicte
•. Par les llam'S. et soit bien estraiacl\
■> Afin qu'elle semble plus joiucle.
" Là uc fault panue, fors que toile;
" Mais au dcssoubz fault faire voile,
'1 De])uis les relus jusques au piel,
(• Du cul (le rol)e qui leur cliiet
■■ Contreval comme uns fous de cuve,
" Bien fourré ou elle s'encuve ;
. Et aiusi ara la meschine
" (ireslc corps, gros cul et poitrine
" Par l'ordonnance qu'elle y met
<■ De louvrier qui s'en entremet"''. »
Ainsi la chemise, ù celte époque, étail disposée de façon h tenir
lieu de corset. Si Ton examine avec quelque attention les statues, les
peintures des manusci'its de la tin du xiv^ siècle, on reconnaîtpa
qu'il était impossible de placer un corset monté sous la robe parée
dont le corsage semblait collé sur la peau. H fallait donc que la che-
mise suppléât au corset, surtout si les dames se paraient de robes
sans ceinture, ajustées à la taille (lîg. 1); ce qui était alors une
mise élégante et d'une parfaite distinction \ Avec le surcot ajusté
qu'adoptèrent les femmes nobles vers le milieu du w^ siècle, le
corset était de rigueur, mais ce vêtement de dessous était alors
monté, bordé d'acier et muni de la coche \
Quant au vêtement d'homme et de femme appelé corset ou garde-
corps, et qui semble être un pardessus ajusté, il en est fait mention
une première fois dans V Histoire de saint Louis par le sire de
Joinville. Quand le sénéchal est à Acre, après la triste campagne
d'Egypte, malade, sans habits, ayant tout perdu, il se rend au palais
où logeait le roi : « El lors m'envoia querre li roys pour mangier avec
« li ; et je v alai à tout le corcet que l'on m'avoit fait en la prison
« des rongneures de mon couvertour '.... ». C'était une sorte de
souquenille avec manches.
' Le sein.
- Li; Miroir de itinriaf/c, poésies d'Eustachc Deschamps.
^* Voyez Cotte. — Mauuscr. lîitiliolh. imprr., frauçais, Tristan et Yicu/t, I. il (tin
du xiye siècle).
* Coche, buse de bais minci' pos' sur le devant du corset des fcMiuics, (Voyez Villon,
Poésies, cdit. de Janufd, p. .'i(li'>.)
^ S. lie .biinvilii'. ///s/, de saint Louis, v lil. d' M. Nal. de Wailly, |). I i;{.
[ CORSET 1 — 264 —
Le compte de Geotïroi de Fleuri ' mentionne parmi les vêtements
un grand nombre de corsets : « Idem, i corsset de cendal, fourré de
« menu vair. » — « Pour 1 corsset de cendal fourré de menu-vair,
« pour messire Piei're de Belfremont, que le Roy li donna, 6 s. 6 d. »
— « Pour 3 aunes et demie de marliré, délivré à Jehan le Bourgui-
« gnon le xvi'' jour d'octembre, pour faire 1 corsset à Madame
« la Royne, pour vestir en son cheir, 4 1. 4 s. » — « Pour 3 aunes
« et demie d'un bon marbré, délivré à Jehan le Bourguignon, le
« IX' jour de nouvembre, pour faire 1 corsset roont à aler par la
« chambre, 36 s. pour aune, valent 6 1. 6 s. » — « Pour 1 corsset à
« pourlil, de camelin, ouquel it ol une fourreure tenant 124 ventres
' l;Jlb. Voyez Comptes de Curg. des rois de Fiance, publ. par L. Douël-Darcq.
— 265 — [ CORSET ]
« et 12 ventres pour les manches, et 4 pour pourfiller. » — « Pour
« 1 corsset de griz fin qu'elle (la reine) afuble en son char, 10 1, » Etc.
Il ressort de ces ciiations que le corset était un vêtement porté par
les hommes et par les femmes ; que ce vêlement était ample et
fourré, qu'il était à manches ; qu'on le mettait en guise de robe de
chambre, et comme par-dessus, pour voyager en char. Dans les
comptes dEtienne de la Fontaine (1352), on voit que le corset des
femmes avait pris plus d'ampleur encore : « Ledit Robert, pour les
" fourreures d'un corset rout de drap d'or pour madicte dame
« (la reine de Navarre), une fourreure de menu-vair de 208 venircs
« à 16 d. le ventre, 13 1. 17 s. 4 d. parisis. Pour 12 ermines et 12 lé-
« tices à pourliller ledit coi'set, achalêes audit Robert, 14 1. 8 s. p.
- :{4
m.
[ CORSET 1 — ^2ÛQ —
(( Pour loiil, !28 1. o s. 4 l1. p. » Le pourfûagp de ce vélemeiil était
ce (ju'on eiUend aujourd'hui par passe-poils, c'est-à-dire bordures
de fourrures. 208 ventres de menu vair assemblés font environ
3", 50 superficiels. Ce dernier vêtement de femme était donc très-
ample ; de plus, il était rond, c'est-à-dire en manière de cloche. 11
di lierait du peliçon en ce que celui-ci n'avait point de ceinture,
tandis que le corset était ajusté à la taille ou possédait une ceinture.
Le corset des hommes, au milieu du xnr siècle, était souvent croisé
sur la poitrine (fig. 2)*; les manches, fendues, pouvaient couvrir les
bras ou tomber derrière les épaules. Ce vêtement était doublé de
fourrure, fendu latéralement du bas jusqu'aux hanches et ne des-
cendant pas aussi bas que la cotte ou cotelle. Les bourgeois le por-
taient aussi bien que les gentilshommes, et il était fait de laine. Sa
forme ne paraît pas se modifier d'une manière sensible jusque
vers 1330, mais alors il est plus court, juste à la taille, et les man-
ches se développent démesurément.
Les corsets des gentilshommes sont, à cette époque, boutonnés
par devant, collant sur la poitrine, avec jupe fendue par devant et
latéralement, faits d'étotfes de soie ou de laine de couleurs claires.
On ne les portait pas seulement dehors ou dans la chambre, mais
aussi pour se parer. Lorsque le duc de Normandie Charles invite à
Rouen un grand nombre de seigneurs, à l'instigation du roi Jean,
qui les voulait faire arrêter : « Il s'en vint (le roi) par Nidequien,
« jouxte les fossées de la ville, par dehors, et en plein dyner entra
« ou chastel par la grosse tour, à grant quantité de gens d'armes,
« et lui aussi 1res fort armé, et un de ses sergens d'armes, le plus
« notable, monté tout devant amont les degrez de la grant salle, où
« les seigneurs dygnoient et faisoient bonne chère, ledit sergent
« du ploumel de sa mâche frappa si grant coup le mantel de la porte
« de ladite salle, qui fist tout retentir, et cria en haut quanque il
« put : « Oés, oez, de par le roy ! que nul ne soit si hardi qui de sa
« place se meuve sur paine de la hart. » Et à che cry, le rui avec
« toutes ses gens entre em plaine salle, et là tout droit s'en ala
« au mesti'e doys (dais) et pardessus la table prist le conte de Ha-
« recourt par son corsset, en lui disant : « Or te tien-ge, fauz
'< traître-... »
Deux des sergents d'armes gravés sur les dalles de l'église
' Viîraux de la callirilrah; de Tours.
- Chvon do P. CocliDii. — Voyez la parlie publiée de ce iu:iuii.srriL jKir iM. L. Delislc,
dans VHisl. du château de Saint-Snuveur le Vicomte, 1SG7.
— 267 — [ COFSSET ]
Sainle-Calherine du Val îles Écoliers i (1360 à 1376) sont ^èlus
du corset court, juste sur la poitrine, avec collet haut, serré à la
taille par une ceinture, à manches très-larges et longues (fig. 3).
Ces sortes de corsets n'étaient guère portés alors par les gentils-
hommes, mais plutôt par les écuvers, pages, sergents, varlets ; ils
recouvraient un pourpoint juste, à manches étroites avec collet
haut. On ohservera que le has du vêtement et les hords des manches
sont ornés d'une bordure festonnée. Les manches, larges, sont hou-
tonnécs sous le poignet, et les mains sortent de deux manchettes
amples, en entonnoir, également festonnées. Vers 1390, les hommes
nobles portaient des corsets, dont la coupe est particulière. Juste sur
' Aiijmu'iriiui (lûpoS(5cs dans r<'gli^i' alilmt. de S:iiiit-hrui:>.
[ cou SET ]
2(38 —
la poitrine et le do?., avec plis réguliers à la ceinture par derrière,
ce vêlement (fig. 4) ' ne descend qu'aux genoux. La ceinture est
basse, très-serrée, bouclée aux reins, et les mancbes sont d'une
ampleur prodigieuse : le tout est doublé de fourrures; une rangée de
boutons ferme l'ouverture du corsage sur la poitrine. La couture des
mancbes sur les épaules est cacliée sous une large bande d'étotïe
' Dayton, Hi.it. de la terre d'Orient, inauiiscr. liililiolli. inipir.. IVaurais.
— -69 — [ CORSET ]
rayée blanc et or, tandis que le vêlement est d"un tissu de laine de
couleur unie, généralement claire (vert jaunâtre dans cet exemple).
Derrière les épaules (voy. la fig. 4 bis), les bandes qui masquent la
4 bis
couture des mancbes empiètent sur le dos en suivant la direction des
omoplates, de manière à rétrécir le corsage. La jupe, ouverte par de-
vant, est fendue latéralement et par derrière; le collet est haut, roide,
godronné, accompagné d'un collier à gros grains d'or à la base ^
' Voyez. C.iii.LKT, llg. .■;.
1 CORSET ] — 270 —
On confond souvent le corset avec le siircot et même avec le peli-
çon, par la raison que le corset, comme le surcol et le peliçon,
se met par-dessus le pourpoint ou la coite ; mais le surcot est plus
ample que n'est le corsel pour Tun et l'autre sexe. Il n'est pas, dans
l'habillement des femmes, toujours garni de manches, tandis que le
corset en possède. Nous ne croyons pas, du reste, que la distinction
entre ces deux vêtements, le corset et le surcot, ait jamais été bien
tranchée. Il en était de ce vêtement comme de quelques habits
de nos jours qui peuvent être confondus {pardessus et paletot, par
exemple). Le corset des hommes comme celui des femmes est tou-
jours ajusté à la taille; coupe qui n'appartient pas spécialement au
surcot. Dans ce qu'on appelait une robe, c'est-à-dire un vêtement
complet, il y avait souvent deux surcols ; l'un de ces surcots pou-
vait être un corset.
Dans les comptes, l'aunage des corsets d'homme indique une
certaine ampleur, jusque vers 1400; et, en effet, ces corsets avaient
l'ampleur d'une robe avec manches. On appelait corset sangle, celui
qui n'était pas doublé de fourrures. Voici (fig. 5) le corset élégant
des jeunes gentilshommes vers 1415'. Ce corset, de velours de soie
ou de drap de laine fin, est fourré, pourlllé au bas, agrafé sur les
côtés, sans collet. — Le collet visible est celui du pourpoint ou de la
cotelle. — Les manches, très-amples et bouillonnées aux épaules,
sont fermées et fendues latéralement en laissant voir les crevés des
manches du pourpoint h travers lesquels apparaît la chemise. La
taille très-longue et très-serrée, sans autre ceinture qu'une mince
ganse, commence immédiatement au-dessus des hanches. Les plis
sont fixes, cousus et forment la taille; ils sont réunis sur le ventre
et divisés en deux groupes derrière le dos jusqu'à la ceinture, d'où
ils tombent en un seul faisceau sur les reins. Il fallait, d'ailleurs, que
ce vêtement fût taillé avec une parfaite précision, qu'il collât exac-
tement sur le haut de la poitrine et le milieu du dos, et ne laissât
pas voir les agrafures sur l'un des côtés et l'une des deux épaules.
L'agrafure latérale de la ceinture allait se perdre sous le côté du
faisceau des plis du devant, de telle sorte que le vêtement suivît le
contour des banches sans jonction apparente. On portait ce vête-
ment à la ville avec des chausses collantes, sur lesquelles, si l'on
montait à cheval, on passait de longues bottes justes, faites d'une
peau souple, noircie, avec revers clairs au haut des cuisses (voy.
en A, fig. 5). Sur ce corset, les nobles portaient une chaîne fine à
' Giiait (le Nevers, nuimiscr. liihlidlli. iMijM'T.. lVau(;.ais.
Tti
r COIïSET
'^
l.licsO'^V
deux ou trois lours avec petit médaillon, et dont l(>s rant^s tombaient
[ CORSET ] — 2'72 —
assez bas derrière le dos, régulièrement étages. Le chapeau de feutre
était souvent garni d'une longue bande de drap de soie de même
nuance, cest-à-dire gris ou noir, laquelle bande faisait écharpe
autour du cou et retenait la coilîure si le vent l'enlevait, — d'autant
— 273 — [ CORSET ]
qu"il était de bon lun de porter ce chapeau sur le sommet de la
tête en laissant voir la chevelure le plus possible, — et servait aussi
à se débarrasser du couvre-chef en le laissant pendre derrière
l'épaule, ainsi que le montre notre figure. ]Les seigneurs les plus
élégants portaient de ces sortes de chapeaux de velours bleu de ciel,
gris de lin ou pourpre clair, avec chaîne d'or posée sur le rebord,
el deux plumes droites et légères sur le devant. La mode était alors
d'exagérer la largeur des épaules au moyen de ces manches bouf-
fantes et relevées, de porter la taille très-longue et Une, de main-
tenir le bas du corps étroit et serré. Ce vêtement ne pouvait con-
venir qu'aux hommes jeunes et bien faits. Les gens d'un âge mûr
portaient un vêlement analogue, mais dont la jupe descendait aux
genoux. Un peu plus tard, c'est-à-dire vers 1450, le corset des
hommes consistait en une robe de dessus avec ceinture, manches
très-courtes et petit collet rabattu. La jupe était largement fendue
latéralement et non ouverte sur le devant (fig. 6)'.
Chez les femmes, le corset remplace le bliaiit (voy. Bdalt), qui
cesse d'être porté vers la fin du xni'' siècle. Contrairement à la
marche de la mode des corsets d'homme, ceux de femme prennent
plus d'ampleur de 1300 à 1450. Toujours ajustés à la taille, garnis
de manches de plus en plus larges, les corsets de femmes sont de
trois sortes : le corset de chambre, le corset de voyage et le corset
à parera. Ces corsets étaient faits d'étotîes de laine, de drap de soie
ou de velours doublés de fourrures. Les manches longues en façon
de bandes étroites, jusque sous le règne de Charles VI, étant sujettes
à être fripées, on les mettait sous presse entre des planches de bois :
« Pour '12 paires d'aisselettes de bort d'illande ; pour mettre et
« presser 6 paires démanches de 6 corsés pour madame la Royne'. »
Il faut observer que les inventaires mentionnent souvent avec le corset
de femme un chaperon de même élolTe et fourrure. Dans le glos-
saire que donne M. Douët-Darcq à la suite du recueil des Comptes
de rargenterie des rois de France au xiv^ siècle, au mot Cousiir.
l'auteur ne se prononce pas sur la forme de ce vêtement. « De tant
« de citations, dit l'auteur, il ne ressort, j'en conviens, rien de bien
« clair, et encore je tombe sur un passage (jui vient compliquer la
' Guillaume île Tijr, iiiamiscr. l>iblii)lli. iiiiiM'r., IViuirais (d 'i.'iO ciiviidii). Dmiis ci't
exemple, les inancliL's l()ii<,'ues, qui peuvent couvrir eutièrciiicul les iiiaiiis. a|)pai'licuacQt
a la cotte.
- Voyez les Comptes de l'arg. des luis de France au xiV siècle, recueillis jiar
M. Doiict-Darcfj.
■' C.oniiilcs (le l.'iSI. k. re.i,'. IS. fol. (IS, v".
III. — -Vo
[ COIÎSKT ] — 27 i —
« (jueslion. C'esl dans une lellre de rémission de rannée 1359 :
« Osterent avec ce nus dictes femmes troys jupons appelez corsez^. »
C'esl qu'en effet il élait alors assez difficile de distinguer le corset
(robe de dessus) des femmes de la robe de dessous. La coupe était à peu
près la même ; le corset était juste à la taille comme la cotte ou robe
de dessous; il avait une jupe ronde en clocbe. Or, le mot robe n'était
qu'un terme général et s'entendait comme tout vêtement long. Ainsi,
ipour chemise on disait souvent robe-linge : « Jeban le Bas fust con-
« dempnez d'aler des prisons tout nu en robe-linge par toute la ville
« et lieux publiques de Montpellier (1392)2. De même aussi appe-
lait-on robe tout vêtement à manches d'bomme et de femme qu'on
donnait à certaines occasions, comme une sorte de livrée, aux per-
sonnes qui faisaient partie de la suite d'un grand seigneur. Ces robes
étaient, ou des cottes-hardies, ou des corsets, ou des surcots, pelisses
et manteaux. Les mots jupes et jupons pouvaient donc beaucoup
mieux être appliqués au corset de femme que le mot robe, trop
général, par des personnes étrangères aux usages de la toilette.
Voici (fig. 7) un corset de dame noble vers 1320'. Ce vêlement
n'est autre chose qu'une robe de dessus. Il est décolleté tout autant
que la robe de dessous, et colle sur la poitrine et aux épaules. Les
manches sont montées avec épaulelles qui renforcent le corsage au
point où il pourrait glisser sur les épaules, en bridant un peu celles-ci.
Ce corsage est lacé par derrière, ainsi que l'était le bliaut du
xn« siècle. A partir du coude, les manches ne forment plus que des
bandes étroites tombant jusqu'à terre et doublées de fourrure, ainsi
que tout le vêlement. Ces manches sont même parfois (vers 1340)
comme de véritables rubans minces, entourant le bras au-dessus de
la saignée et tombant jusqu'à terre (voy. Cotte, fig. 12) ; ces
bandes ne sont pas toujours de la même couleur que celles du corset,
mais sont doublées de fourrure. Au-dessous de la taille, sur le de-
vant de la jupe, sont ménagées deux ouvertures dans lesquelles on
passe les mains comme dans un manchon, pour les tenir chaudement;
elles permettent de relever le devant de ce vêlement lourd, puisqu'il
élait fourré, et dont la longueur eût gêné la marche. Ces corsets
du commencement du xiv" siècle, très-décolletés, étaient complétés
d'un chapei'on qui, comme on sait, pouvait, lorsqu'on Venfourmait,
couvrir complètement b^s épaules (voy. Chaperon) : « Ledit Robert,
' 1. rog. 87, 1)0 22'f.
^ liufjfi, eu iliilii'ii, s'cnlciid coniiiu' loul avoir lr,aisi)()rtal)lu. (Voy. du Caugo, Iîoba.
■' Lance lot du f-rtc, manuscr. BiWioth. iiiipôr., français (1320 environ^.
"275 —
[ CORSET ]
(( pour fourreures d'un corset ront d'escarlale pour maclicte dame
« (reine de Navarre, 13o2), une fourreure de menu vair de 160 ven-
« 1res ; pour manches, 24 ; pour un chaperon à enfourmer, 90 ven-
« très. Somme, 274 ventres, 18 1. S s. 4 d. — Pour 12 ermines et
(( 48 létices à pourliller le corset et chaperon dessus diz, 16 d. pour
7
« rcrmine et 8 s. pour hi lélice, 16 1. 16 s. p. Pour tout, 3o 1.
;< 16 d. pJ. » On voit, en elîet, dans les peintures de cette époque
(commencement du xiv° siècle), les femmes décolletées, ayant un
' l.i)ti( es. /eli'ssfis, haiiilcs tirs-ôtioiles (lu loiiiriirc |in'|tarc'cs jKJiir le pmu'tilajje des
vêteiuciits fourrés.
\ rousKT ] — 27fi —
chaperon sur leur bras ou jelé sur les épaules (fig. 8)' en manière
d'écharpe. La forme des corsets de chambre, de char ou « parer,
9
était la même, et ces derniers vêlements ne dilïêraient des aulres
que par la richesse de rélofïe mise en œuvre. Outre le chaperon,
' Lnncelot du Lnc, nianuscr. IJililiotli. imp6r., français (1320 environ).
— 277 — [ CORSET ]
SOUS le corsnge, lorsqu'il faisait froid et que les femmes étaient
en char ou montaient h cheval, elles posaient une sorte de guimpe
de velours qui couvrait les épaules. La figure 9 donne la coupe du
corset de 1320 par devant. Ajustée à la taille jusqu'aux hanches, la
jupe était très-ample et très-longue par le bas. On voit en a a les
deux ouvertures qui servaient à passer les mains pour les tenir chau-
dément et relever le devant de la jupe, un peu plus longue par der-
rière que par devant, ainsi que l'indique le tracé en b. Une passe-
menterie A. piquée sur l'épaule, consolidait l'épaulelte très-étroite du
corsage. Cependant, les manches, ou plutôt ces bandes fourrées qui
prolongeaient les manches, étaient, vers 1370', taillées plus larges
1 Tiiafrm et Yseult, manuscr. lîililinlli. iiii|)i'r., fran(;ais (11570 onvirnn).
COIISKT
- ii78 —
et ne serraient plus le haut du bras; mais la taille du corset conti-
nuait h être ajustée et lacée par derrière sans ceinture. Plus tard
encore (1390j, on voit les corsets de femme conserver leurs longues
manches en façon^ de bandes fourrées ; les corsages sont ajustés
..'\4V^^^.
quelquefois au moyen d'une fronce qui fait le tour de la taille ; ils
ne sont plus invariablement décolletés, mais, au contraire, couvrent
les épaules et garantissent le cou au moyen d'un collet montant der-
rière la nuque. Ils sont ouverts devant et attachés par des bou-
tons (fig. 10)*.
De 1390 à 1400, il était de mode de porter des collets très-hauts,
' tancelot ilv. Lac, nininiscr. lîililinll;. imiK'r., IVaiK.-iiis [l.'J'.IO cuviroi!),
— nid — [ CUITE ]
aussi bien pour les liommes que pour les femmes. Toutefois, ces
collets hauts ne tenaient qu'aux corsets de voyage ou de chambre ;
quant aux corsets à parer, ils restaient décolletés (voy. Suacoi).
La forme longue et étroite des pentes des manches explique parfai-
tement pourquoi il était nécessaire de les maintenir entre des ais,
lorsque le vêtement n'était point porté ; il ne fallait pas (jue ces
bandes prissent de faux plis, ce qui eût produit le plus mauvais
effet, mais qu'elles tombassent droit le long de la jupe.
Vers 14i0, les corsets des femmes sont garnis de manches bar-
belées ; les corsages sont séparés de la jupe par derrière et forment
un pli horizontal à la hauteur des reins, puis descendent par devant
sans ceinture, jusqu'aux pieds. Les jupes sont fendues latéralement
avec agréments de passementerie ou brodés (fig. 14) i ; elles possèdent
aussi les deux ouvertures antérieures qui servent de manchons et
qui permettent de relever le devant de la robe pour marclier. Ces
corsets, comme précédemment, sont très-décolletés, et les épaules
n'étaient couvertes, en campagne, que par le chaperon, soit enfourmé,
c'est-cà-dire posé comme un capuchon avec camad, soit jeté sur le
cou comme une écharpe. Il ne paraît pas que ce vêtement ait per-
sisté au-delà du commencement du xv° siècle ; il est remplacé par
le surcot, qui, avec le peliçon et le manteau, est le seul vêtement
de dessus admis.
A la lin de ce siècle^ le mot corset ne s'applique plus qu'au vête-
ment spécial de dessous, destiné à serrer la taille et à maintenir
la gorge ; mais le mot corps est conservé à la partie du vêtement
féminin qu'on désigne aujourd'hui sous le nom de corsage.
COTTE, s. f. {cote, cotelle, cotellette, cotielle, keutisèle, liéri-
gaiit, cotte-hardie). Le mot cota ou cotta est employé, dès le xn° siècle,
pour désigner une tunique à manches, commune aux hommes
et aux femmes. La cotte est même mentionnée comme vêtement
spécial aux clercs jusqu'au xiv^ siècle-. C'est donc, à proprement
parler, la tunique. Mais, de l'époque carlovingienne au xvi" siècle,
sa forme subit des modifications nombreuses. Elle est courte ou
longue, fendue par devant ou sur les côtés, à manches larges ou
étroites, avec ou sans ceinture ; pour les femmes, avec corsage serré
ou lâche, traînante ou tombant à la hauteur des chevilles, ample
ou étroite, ajustée à la taille et aux hanches, ou à plis avec ceinture.
' !.n Livre des mervei/les du )no7ide,m\m\!\vv. IJihliolli. iiiii)i'T.,l'r;uii;:iis (liOià lilT).
2 Du (lange, Glos.inùc, (Iota.
[ COTTE ] — 280 —
Nous nous occuperons d'abord de, la colle des hommes. Elle est
'i.
parfois désignée comme cliemise de dessus', et c'est qu'en elTet la
colle est le vêtement posé immédiatement sur la chemise, et qui
' » Cotta s(Mi caiiiisia .sii|]('raii(;a. »
281
[ COTTE J
appartient à toutes les classes, aux nobles comme aux vilains. Au
X" siècle, la cotte est une tunique à manches justes, assez ouverte
par le haut pour laisser passer la lête et ne descendant que jus-
qu'aux genoux ; large à la hauteur de la taille, elle est maintenue
autour des reins par une ceinture sur laquelle ses plis retombent.
Ce vêtement est de même coupe pour toutes les classes. Ainsi
(fig. 1), la coite (luc les artistes de cette époque donnent aux sou-
verains est exactement celle que portent les gens du peuple. La
vignette A représente le roi Salomon recevant la reine de Saba, et
celle B un homme du peuple \. Il ne seml)le pas que cette cotte soit
fendue sur le devant ou sur les côtés : habituellement rcxtrémité
des manches et le bas de la jupe sont garnis de broderies ou passe-
menteries ; des bandes ornées sont cousues en A (lig. 2), un peu
au-dessous de l'épaule, et l'ouverture C du cou est placée à côté d'un
carré de broderie B qui couvre une partie de la poitrine. C'est sur
ce patron que sont taillées les tuniques dites de Charlemagne que
l'on voit ligurées dans l'ouvrage publié à Nuremberg en 1790 -. Ces
broderies sur les bras et la poitrine sont une importation byzantine.
Plus tard, vers la lin du xi'^ siècle, les jupes s'allongent, les manches
' Mnmiscr. r)ilili()lli. iiiipr'i'.. liililc, l'omis S:iiiil-(H'i-iii:iiii. l;iliii. X'' sirclc.
- Voyez les liuiiqucs dites de ('.li;irk'in;ii;ii(' (Willciiiiii, I. I;.
111. — .m
sont tenues plus larges et quelque peu ouvertes à leur extrémité ;
— [ COTTE ]
la ceinture disparaît, et le vêtement ne seire la taille qu'au moyen
d'agrafes posées sur les bords d'une ouverture pratiquée au dos
(fig. 3) 1.
La cotte (voy. le patron de la face postérieure A) est, de a en b,
coupée à peu près juste h la taille ; une fente pratiquée de c en rf,
munie d'agrafes, facilite le passage des épaules par la partie étroite
,<r
(ib, en permettant de la distendre. Lorsque la cotte est passée au
cou et aux bras, on rapproclie les deux côtés de la fente au moyen des
agrafes, et la taille se trouve suffisamment serrée pour ne pas gêner
les mouvements. La jupe est taillée très-ample à son extrémité
inférieure, et forme ainsi de nombreux plis. Les mancbes s'élar-
gissent près du poignet, sont un peu fendues à leur extrémité pour
former retroussis et dégager la main. Les manches serrées de la
1 Pcrsonuagos sculptés siii- los fliapilcaiix de la iirl' de régliso al)lialiali' de Vczclay
et sur le liuleau de la porte priuciiiale (HOU euviroij).
[ COTTE 1 — 284 —
chemise paraissent aux poignets ; liabitiielleraent un manteau plus
ou moins long, attaché sur l'épaule, couvre le dos et ne laisse pas
voir Tagrafure. La jupe de cette cotte est très-fréquemment tenue
plus longue par derrière que par devant, mais n'est pas fendue.
On voit dans les peintures de la voûte de Téglise abbatiale de Saint-
Savin, en Poitou, des personnages revêtus de la cotte descendant aux
genoux, avec ceinture à la taille recouverte par les plis de Tétoffe,
riche galon formant collier et descendant droit sur la poitrine
jusqu'au nombril ; les manches de ces cottes sont serrées, avec
poignets ornés de passementeries et de pierreries. Ces peintures
datent de la tin du xf siècle. Les personnages importants, les vieil-
lards, portent la tunique très-longue , très-ample, avec ceinture
5
que recouvre la partie supérieure du vêtement. Les manches de ces
sortes de tuniques sont beaucoup plus longues que les bras, taillées
en large fourreau (llg. 4) *. Ces vêtements paraissent coupés dans des
étoffes très-fines et souples. Lorsqu'on laissait pendre les bras, ces
longues manches descendaient, en recouvrant les mains, jusqu'au
dessous des genoux. A leur extrémité, elles étaient plissées à petits
plis transversaux réguliers, de manière à pouvoir être relevées faci-
lement sur le poignet. Quelquefois, pendant le xn* siècle, la cotte
ne possède qu'une seule manche longue, celle du bras gauche, afin
de servir au besoin de manchon ; la main droite restait découverte -.
' Personnage sculpté sur uu ries voussoirs lie l.i porto principale de l'église abbatiale
de Vézelay (1100 environ).
2 Manuscr. de Herrade de Landsberg, xn^ siècle, bililioUi. di' Strasbourg (vny. la vi-
gnette représentant X Adoration du veau d'or).
— 28o — [ COTTE ]
A la même époque, les gens du peuple, les ouvriers, portaient des
cottes dont la coupe était la même que celle donnée ligure 2 ; et
en travaillant, ils relevaient dans la ceinture les pans de la jupe
et de la tunique de dessous , ou chemise , qui tombait sur les
braies (fig. 5) '. Alors aussi certaines cottes de cérémonie, chez les
nobles, étaient très-longues; une sorte d'écharpe ou de ceinture en
étolTe roide, posée lâche, entourait la taille. Le manuscrit de Herrade
de Landsberg 2 nous montre le roi Pharaon ayant derrière son
trône un personnage portant l'épée du prince. Cette manière de
connétable est vêtu d'une longue tunique mi-partie ; une ceinture
large, paraissant être faite d'une étoffe roide, entoure négligemment
la taille et laisse tomber un de ses bouts par devant jusqu'à la hau-
teur des genoux. La jupe est fendue et profondément barbelée par
le bas; une courroie tenant au fourreau de l'épée passe dans cette
fente pour s'attacher probablement sous la cotte (fig. 6). Les man-
ches sont justes et ornées aux poignets et aux arrière-bras de larges
bandes de passementerie. Les grands personnages , dans les pro-
vinces de l'Ouest, portaient, vers le milieu du xu° siècle, la cotte
longue tombant sur les pieds par-dessous le bliaut (voy. les statues
du portail Royal de la cathédrale de Chartres, 4i4o). Cette longue
tunique était même, dans certains cas, un vêtement de chevauchée
jusque vers 1180. Il fallait que sa jupe fût assez ample et faite
d'étoffe assez fine et souple pour ne point gêner sur la selle ;
fendue par devant et par derrière, elle permettait d'ailleurs d'en-
fourcher le cheval ; quant au bliaut qui la couvrait, il était fendu
latéralement ou seulement par derrière. Le beau Psautier de la
Bibliothèque impériale, qui date de 1180 à 1200 ^ montre parmi
les vignettes françaises un certain nombre de ces gentilshommes
ainsi vêtus à cheval, sous le bliaut et le manteau (fig. 6 bis). L'artiste
a prétendu représenter un des rois mages. La cotte, longue tunique
qui descend jusqu'aux pieds, est blanche ; le bliaut à manches justes,
mais qui laisse apparaître l'étoffe de la cotte aux poignets, est
bleu, avec riche bordure d'or au bas, et ceinture. Le manteau est de
couleur brune et la barrette est blanche. Les harnais du palefroi
sont rendus avec une grande précision ; la selle est rouge, avec
arçons, cuiller d'or et couverture couleur ardoise piquée de blanc
' Manuscr. ili; la hihlioUi. ilc Strashoiii'g. Hcrrailo (W. LaïKlshcru (voy. la vigiiclle
repn''Sontanl la Construction de la four de linliel. ll.'ld environ).
2 x:i<" siècle.
3 Admirables vignettes (le l'école française de 1100 l'nviron.
[ r.OT'IK ]
— 286
(voy. Harnais). A la mémo époque, les hommes du peuple sont
vêtus de la colle descendant à mi-jambe, fendue par devant, avec
/ / G './vw/p*f /
ou sans ceinture, mais ne portent pas le bljaut, vêtement noble,
sur cette tunique.
— :i>87 — [ COTTK ]
La colle des hommes nobles, pendanl le xiii'= siècle, descend au-
dessous des genoux ; elle est à manches élroiles, un peu fendue sur
le devant du cou pour faciliter le passage de la tête, et des deux côtés
de la jupe jusqu'à la hauteur des hanches, pour permettre de monter
à cheval. Celle des vilains est plus courte de jupe et ne dépasse
guère les genoux.
.loinville rapporte ijue le roi saint Louis venait souvent au jardin
de Paris (au Palais), « une cote de chamelot veslue, un seurcot de
'< tyreteinne sanz manches, un mantel de ccndal noir entour son
« col, moût bien pigniez et sans coife, et un chapel de paon blanc
« sur sa teste, et fesoit cstendre tapis pour nous seoir entour li '.»
' Vjv. f!ist. de saint Louis, par Jean, sire de Joinvillt^, piihl. par M. Nalalis de
Wailly. Il faut dire que Louis IX était d'une extrême simplicité dans ses habits, et que
[ COTTIi:
- 288
Celle manière de se vêlir se conserva depuis la tin du règne
de IMiilippe-Augusle jusque vers i270, et, quand on mellail un
surcot sur la colle, il fallait que celle-ci dépassât ce surcot par le
bas de quelques doigts. Il était rare que celte cotte ne fût pas serrée
autour de la taille par une ceinture , tandis que le surcot des
hommes en était dépourvu. Si les manches de la cotte des hommes
étaient justes du coude au poignet, avec quelques boulons pour
7
%
/!?
permettre le passage de la main, elles s'élargissaient du coude à
l'épaule, alin de laisser les aisselles libres. Ces vêtements étaient
faits de drap léger de laine ou de drap de soie : « Dariere ces trois
« barons (Enguerrans de Coucy, Ymbers de Biaugeu et Herchan-
« baus de Bourbon) avoil bien trente de lour chevaliers en colles
« de drap de soie, pour ans garder *. » Vers la lin du xni'' siècle, la
c.L'tlo siiiiplicitr fut pousséi' à IV'xci's, pour le toiiips, après suu rotour d'Egypte : » I-i
« hciioiz roys estoit nierveiUeusenicut humbles eu robes et en appareil. Eius que il vint
« (l'outre nier a la première foiz (]uc il passa, il vesti puisque touz jours robes de pcrs ou
« <le bleu taut seulement, ou de cauielin ou de noire brunete ou de soie noire et lessa
« touz paremeus d"or et dargeut en ses seles et en les freins et eu autres choses de tcle
« manière et toutes robes de couleurs fors de celés dessus dites ; ne il uot puis panes de
« ver ne de gris en ses robes ou en ses couvertoucrs, mes de counius ou d'aigniaus, et
« non pourquantil avoit couvcrtouers de dos de escureus et de pennes de noirs aigniaus
« et ot aucune foiz niantel fourre de pennes d'aigniaux blans Et avecques ce puis
(1 qu'il revint d'outre mer il n'avoit freins ne espérons fors que de fer et de blanches
» seles. » {Hist. de lu vie et des miractcs du roij suint Louis, lîibliolh. inipcr., fran-
çais, 129'), environ.)
' Le sire de .loiuville, Uist. de saint Louis, cour Icnuc jiar le rni ii Saunuir.
— ^289 - [ COTTE ]
coite des hommes prend diverses formes : les unes, qui appartien-
nent aux habits de cérémonie, sont longues, descendent aux che-
villes, tombent droit sans ceinture (lig. 7) *, et sont portées avec le
surcot ou le manteau ; d'autres, plus courtes, de même sans cein-
ture, composent une partie importante du vêtement de ville des
gentilshommes. On les porte avec le chaperon, dont le camail oi-né
de longues barbelures tombe jusqu'à la saignée (lig. 8) ^. Dans
8
l'exemple que nous présentons ici, la colle est brune, le chaperon
bleu clair doublé de blanc, et les chausses sont vert gris. Si la
température est froide, le chaperon est remplacé par un corset, un
surcot ou un pelicon de couleur sombre. C'est à la même époque,
c'est-à-dire vers i3o0, que les hommes commencent à porter la
cotte hardie. Celle-ci est courte, sans plis, ajustée à la, taille, sur
1 l'iiiliiipc 11' llarili. Mainiscr. de lu liililiolh. iiiiin'i. , llisl. delà vie et des tniracles
de saint Louis ((U-niières uiiiKk's du xiii» siècle).
- Manuscr. liihliulli. iiii]i('r.. [jiticelut du La:', tVaiiçais (l.'iiO fiixiroif.
m. — ;n
[ COTTE ]
— 290
la iioilrinc cl les hanches, el est fermée par devant au moyen da
boulons (lig. 9) '. De petits boutons Irès-rapprochés permettent
de serrer les bouts des manches du coude au poignet. Avec celte
colle on portail aussi le chaperon barbelé et la ceinture basse
d'orfèvrerie, à laquelle était suspendue la longue dague. Ce vêle-
9
ment, propre à monter à cheval, porté à la ville el en campagne
de '1350 à 1380, avec quelques légères modifications, est d'une coupe
gracieuse ; on lui donnait aussi le nom de cotte à chevaucher, el
il appartenait aux gentilshommes. Dans cet exemple, la cotte est
jaune orange, le chaperon rouge avec agréments el les chausses
vertes. Il est à observer que ces colles hardies sont habituellement
de couleurs claires, unies; on ne commence guère à les faire
d'étoffes brochées ou lissées de diverses nuances, ou mi-parties, que
vers 1360. Alors aussi la colle hardie se compose de deux vêlements
superposés : l'un, celui de dessous, avec manches très-justes et
capuchon étroit; le second, celui de dessus, avec manches un peu
* Mène mauuscrit.
— :^01 — I COTTE ]
plus amples, mais ne dépassant pas les coudes. Une large bande de
drap d^or ou de passementerie accompagne le col, très- ouvert et
If)
recouvert en partie par le capuchon. Le corsage est bouihé, lorle-
inent rembourré pour faire saillir la poitrine. Les boutonnières sont
i r.OTTK ]
^2Ç\^2
prises dans un large galon d'or on do passementerie (fig. 10)'. An
bout pendant de la ceinture noble est attaché un riche joyau. Toute-
fois cette dernière coupe de la coite hardie paraît avoir été adoptée
en Italie et en Provence avant d'être acceptée en France. Les vête-
ments des hommes, si simples pendant le wW siècle, furent façonnés
U
vers le milieu du xiv" siècle avec un luxe prodigieux. Les archives
de l'empire conservent le contrat de dépôt d'une cotte ayant appar-
tenu à Louis II de Bourbon, pendant son séjour en Angleterre
comme otage du roi Jean, après la bataille de Poitiers. Cette cotte fut
laissée en gage à un certain Italien, nommé Jean Donat -, exerçant
1 Manuscr. liihliolli. inipJ'r.. Lancelot du Lac, IVaurais (1360 environ). Les vignettes
de ce manuscrit sont dessinées et peintes par un artiste italien. La cotte de dessus est
mi-partie violet clair ave:-, croisettes d'or, et jaune avec yeux blancs redessinés. La cotte
de dessous, dont on ne voit que les manches et le capuchon, est bleu de roi avec rayures
d'or; les chausses sont mi-jiartics noir et rouge. Sous le capuchon, la bordure du col de
la cotte est or.
* Ou Donato. Ce devait être un de ces Lombards qui faisaient le commerce dans tout
l'Occident et p-ètaient sur gage.
— 293 - f COTTE 1
à Londres la profession d'espicicr, pour la somme énorme de qiinlre
mille deux cents écus d'or.... « Premieremenl la dite cote est de
« drap d'escarlate rousée, ouvrée de plusieurs et divers ouvraiges
« de perles grosses et menues, de rubis ballais et de saphirs... »
S'ensuit l'inventaire des perles et pierreries qui couvrent cette
cotte, lequel donne 595 perles grosses et menues, 18 saphirs et
GO rubis balais '. Bien entendu, un vêtement de ce prix n'était point
fait pour être caché sous un corset, un surcot ou un peliçon. C'était
une cotte hardie parée, propre à chevaucher les jours de gala
(fig. 11) 2 ; juste à la taille, aux hanches, à la poitrine, aux bras, et
qui dessinait exactement les formes du corps. On voit, dans cette
figure, la riche ceinture de joaillerie posée au bas des reins. Pour
couvrir la tête, on portait sur la cotte hardie française un capuchon
juste, boutonné, très-serré sous le menton, et dont le camail ne
' Vo\c7. Bihlioth. de CEcole des chartes, 4o série, t. 11. p. 2GS.
- Manuscr. lîiblioUi. imp('r.: Prières, latin, n'' 92i (l'iOl) environ).
COTTE ]
"2!)i
descendait pas jusqu'aux épaules. Un cadre à miroir, d'ivoire, de
1360 environ, provenant de la collection de M. Maskell, de style
français, nous montre un jeune gentilhomme présentant son cœur
à une demoiselle, qui semble en accepter Thommage d'assez bonne
grâce. Le cavalier, qui sort de son palais, est vêtu de la cotte bardie
(lîg. 12), exactement juste au corps, boutonnée par devant. Il est
coilïé du capncbon juste dont nous venons de parler, festonné et
retourné autour du visage. Au sommet, ce capuchon se termine
par une longue pointe tombant jusqu'au bas de la cotte. La dague
est attachée sur la cuisse droite, suivant la mode française. La jeune
femme est vêtue du coi'set à longues pentes aux manches, par-dessus
une cotte ample descendant sur les pieds. Cependant, sous le surcot
ample ou le corset, les hommes portaient encore, au commencement
du xve siècle, la cotte courte de jupe, à manches larges aux aisselles,
avec petit collet et ceinture. La vignette dont nous présentons
(fig. 13) une copie ', montre un personnage noble quittant son
surcot. Dessous ce vêtement, il est couvert de la cotte courte sur la
chemise et des chausses. Cette cotte est bleue et les chausses sont
' ManiisrT. lîililioth. iiii|irr., l'.Di'cacc. fninrais (Ii2() environ).
2Î
— i COTTE I
rouges avec bande d'or à la hauteur des mollets. Ti'ès-courte
de jupe, elle ne pouvait gêner lorsqu'on montait à cheval, et,
sauf le petit collet bas, elle était complètement cachée sous le
surcot, plus long qu'elle. Mais ce genre dévotement n'est plus porté,
à dater de 1430 environ, par les classes élevées, et la cotte des
gentilshommes n'est qu'une cottelle ou coltelette , c'est-à-dire une
sorte de pourpoint dont on n'aperçoit plus que le collet montant et
les manches justes sous le corset, le surcot, le peliron ou le manlcl
court 1. La jupe de la cotte primitive disparait complètement, et il
ne reste de ce vêtement que le corsage ajusté avec courtes basques
ouvertes par devant. Le nom de cotte se perd pour prendre le nom
de pourpoint, et alors celui-ci s'attache aux chausses. Toutefois
les vilains, les paysans, conservèrent la cotte beaucoup plus tard.
De fait, c'était le seul vêtement (lu'ils portassent sur la chemise
(lig. 14) ■-. Par-dessus la cotte sans ceinture le capuchon à camail
' Voyez ConsET.
- .Muiuiscr. ISitilioth, iiii|iér.. liiliii {1 '((il) ciiviiMii) .
[ COTTE ] . — 296 -
éliiit cnfourmc. Ce capuchon avait parfois une pente qui couvrait le
dos, ainsi que le montre l'exemple que nous donnons ici. Cette
cotle était exactement la blouse de notre temps, fendue latéralement
du bas jusqu'à la hauteur des hanches, et sur le devant du col
jusqu'à l'estomac. Cette ouverture était fermée par deux ou trois
boutons (tig. 14 bis) '. Ces deux personnages représentent des
iU
£«
paysans : le premier porte des grèves de feuti-e qui couvrent le tibia
par-dessus les chausses ; le second a mis sa besace en guise de
ceinture, et devant lui est suspendu l'étui renfermant le couteau et
la pierre à repasser la faux ; il est coiffé d'un chapeau de feutre
gris à longs poils sur le chaperon. Les cottes étaient faites de laine
ou de grosse toile -. Les geniilsliommes portaient, au xiV siècle,
la cotle hardie par-dessus l'armure. (Voy. la partie des Armes.)
' Maiiiiscr. l)ihlii)tli. iiiiprr., laliii (1160 cuvirou).
- liiirfl : >c D'un gros hurcl vcsUi. >- {Ue l' Eschassier, dil du xiv ^iircle. Jul>in;il
Jonrjlcms et trouvères, vol. 1).
— 297 — [ COTTE ]
La colle des femmes conserve, pendanl les x^ el xi* siècles, la
forme d'une longue tunique à manches jusles sur l'avanl-bras. Il ne
paraîl pas qu'elle eût alors une ceinture. C'était une seconde che-
mise (la première, un peu plus courte, étant désignée sous le nom
de robe-linge) tombant jusqu'aux pieds, ne laissant que le cou
découvert. Faite d'éiolTe légère à petits plis, très-ample de jupe,
1ô
'-^J.
elle était souvent décorée de broderies au col, aux poignets et au bas
de la jupe. Le col était fendu par devant pour permettre de passer
la tête, et cette fente était fermée par une agrafe ou un boulon.
Ce vêtement (lig. 15), qu'on voit si souvent reproduit sur les bas-
reliefs et miniatures du xi^ siècle, était posé sous le bliaul ou seule-
ment sous le manteau. Dans ce deinier cas, la taille était serrée par
une ceinture d'étoffe ou plutôt par une sorte d'écharpe assez ample,
dont les bouls tombaient baliiluellemenl par devant. Le bliaul
111. — :«
[ COTTE
i>98
l'iiisail ainsi la Iroisièmo robe (voy. Bliaut). Jus(|iic vers la lin du
xn° siècle, ces colles de femme, dont la forme ne subil pas de
modificalions sensibles, semblent avoir élé faites d'élolTcs fines,
souples, à plis crêpelés, assez semblables à ces tissus orientaux
de soie ôcrue ou de laine line qu'on fabriiiue encore aujourd'bui.
16
X
^
Ce n'est (pi'au commencement du xin'' siècle que cette mode subil
de notables cbangements : les cottes des femmes ne sont plus taillées
dans ces étoffes fines, souples, à petits plis crêpelés, mais dans des
draps de soie, des tissus de laine ou de lin assez épais et consistants ;
les plis sont des lors plus larges. Ces colles sont serrées par une
ceinture allongeant beaucoup la taille, et la gorge était évidemment,
sous cet habit, maintenue par un corset ou tout au moins une large
- 299 - r COTTE ]
ceinture (lig. 16) <. Les manches, étroites aux poignets, sont assez
amples aux entournures et collent sur les épaules, ainsi que le
corsage. Assez large à la hauteur de la taille pour former des plis,
la jupe en cloche, sans ouverture par devant, ou sur les côtés.
tombe sur les pieds et s'étend par derrière de manière à former une
queue anondie. Voici (fig. 16 bis) quelle est la coupe de ce vêle-
ment. On voit en A la traîne postérieure.
Plus tard, vers 1250, la cotte, faite d'étoffes moins souples, d'un
tissu plus roide, forme de très-larges plis le long de la jupe, mais
' Viorgcs sages et folles sculptées sur 1rs [ueds-droits de la porlc renlialc dr la .allié-
'Iralc (i'AiiiicMs (122.j environ).
[ COTTE ] — aOÛ —
est ajusloe sur la poitrine avec quelques plis rares à la hauteur de
la ceinture, en laissant la taille moins longue. La jupe conservait
la traîne par derrière, et devait être relevée par devant pour ne pas
gêner la marche (lîg. 17)'. Ces cottes étaient portées parfois avec
le bliaul, presque toujours avec le manteau, comme dans les deux
-^-f--
r-Cï
./P
exemples précédents. Vers ce même tem.ps, on voit que, si les bour-
geoises portaient le bliaut sans manches et non fendu latéralement,
la cotte était courte et ne descendait qu'au-dessous des mollets
(fig. 18)-. Mais les dames nobles portaient, sous le bliaut sans
manches et descendant en cloche sur les pieds, la cotte très-longue,
avec traîne plus ou moins développée. Cette mode était fort usitée
au commencement du xiv" siècle, c'est-à-dire de 1295 à 1320
' Siiil|)liirL's (lu porliiil mi'ridioiml de Notre-Dame de Paris (12:37). Chartres, Reims,
liimlicaux de Saiiii-nuiiis (124;)).
- Manuscr. Bibliotli. iiiiprr., Li Roumans d'Alixandre, français (1260 environ).
— 301 —
[ COTTE ]
(fig. 19) '. Celte dame relève le bliaut de la main droite et découvre
ainsi la cotte longue, dont les manches justes apparaissent. Elle est
coiiïée du chaperon léger blanc. Le bliaut est rouge et la robe gris
pourpre. Ce fut au commencement du xiv" siècle que les cottes
commencèrent fi être quelque peu décolletées. Les manches étaient
15
justes alors jusqu'aux épaules, le corsage collant sur la gorge, la taille
courte. La jupe était, de même que précédemment, courte pour les
bourgeoises et longue, avec traîne, pour les dames nobles. Cependant,
le bliaut était déjà remplacé par le surcot, et. dans ce cas, le surcot
ayant une longue traîne, la jupe de la cotte ne descendait qu'au-
dessous des chevilles (fig. 20)2. Il est souvent difficile, h cette époque,
de distinguer la coite de la surcotte ou le surcot du bliaut ; la cotte à
traîne avec bliaut en cloche sans queue, de la cotte en clociie avec le
' Mamiscr. IJihIiolh. inipér., le Miroir historial, fran(;ais (I-'Î.'ÎO environ).
2 Miiiiiisir. nil)liolli. inipér., Pèlerinage de la vie humaine, fninrnis (lin du
xiii" siècle). Cette dame, assise snr un torti-c de gazon, n'esl velue (jue de la cotte.
[ COTTK ] — 302 —
bliaut à traîne. Le commencement du xiV siècle, pour les vêtements
des femmes comme pour tant d'autres choses, marque le point de
départ d'une suite de changements rapides. Jusqu'alors, les habits,
pour les deux sexes, étaient longs, amples, et les modifications
introduites dans la coupe des vêtements ne portaient que sur des
variations de médiocre importance ^ Mais, à ce moment, on voit
naître de nouvelles modes ; le jeu des robes se complique, leur
2 0 t!;
destination se confond souvent. La variété de formes des vêtements
féminins s'étend. 11 y a évidemment des cottes et surcottes très-
diverses, suivant les circonstances et les saisons : tantôt elles sont
très-étroites ; puis tout à coup elles deviennent fort amples, jusqu'au
moment, vers le milieu du xiv^ siècle, où les modes reprennent une
marche régulière-. Alors, à la ville, les robes de dessus sont elles-
mêmes maintenues assez courtes pour laisser voir la cotte ; parfois
même, s'il fait chaud, les femmes se contentent de la cotte, qui alors
prend nom de cotte hardie ou de corset :
(. Failli clia^iccs et toile liarilie
I. Courteletle, afin que l'eu clic :
<■ Vez là biau piel et faiticet 3. »
^ Voyez les statues des reines déposées dans l'église abbatiale de Saint-Denis, et, entre
autres, la belle figure de marbre d'Isabelle d'Aragon, femme de Philippe le Hardi, morte
en Calabre (1210), au retour de Tunis.
- Voyez Corset, Manteat, I'ei.îçox, Suiicot.
•^ Il Voilà un joli pied el bien iliaussé. » (Eust. Desebanips. /r? Miroir rlc mariage.)
— 303 — r COTTE ]
Toulefois, ces colles hardies des femmes irélaienl pas assez
courles pour qu'on pût voir la jambe au-dessus de la clieville. Il
n'élait, d'ailleurs, que les bourgeoises qui portassent des cottes
relalivement courtes. Et môme, vers la fin du xw" siècle, ces coites
tombant sur les pieds, on les relevait pour marcher. Seules, les
femmes du peuple portaient encore des colles courtes. L'ampleur
des vêtements féminins était devenue prodigieuse après la mort de
Charles V, lorsque le luxe des habits s'étendit d'une façon scan-
daleuse de la noblesse à la bourgeoisie. Alors, il ne paraît pas
que les femmes portassent jamais la cotte simple, à moins que
ce ne fût dans leur chambre. La cotte était toujours mise sous le
corset ou le surcot à longues et larges manches traînantes. C'est
à peine si l'on apercevait les manches de la cotte, toujours
serrée ; quant à la jupe, elle apparaît seulement par les fentes
latérales du corset ou surcot ample, et elle tombe sur les pieds.
Ce fut aussi à cette époque que les femmes abandonnèrent les
poulaines, qui devenaient trop gênantes avec ces longues et larges
robes de dessus, pour les reprendre vers 1410. « En ce tems '
« commenchoient à caïr 2 les poullainz et revint une manière
« d'estas de vestures pipelottées de tantez manierez de desgui-
« seeures qui n'est nul qui les peust escripre ; avec unez grandez
« manchez pendentez, passanlez la longueur de la robe ^ »
Celte importance donnée au vêtement de dessus, au corset ou
surcot, que les femmes ne quittent pas, modifie la forme des colles.
Celles-ci commencent à se composer d'un corsage très-simple,
collant, à peine apparent sous la robe de dessus ; corsage sur
lequel est montée une jupe, plissée à la taille, très-ample, sans
traîne, mais tuyautée ou largement bordée par le bas de fourrures
sur une hauteur de 30 à 40 centimètres. C'est vers 1420 que
cette mode paraît prendre naissance. En relevant le corset ou le
surcot, ainsi que cela était nécessaire pour marcher, la partie infé-
rieure de ces jupes était apparente (fig. 21) i et laissait voir le pied,
(jui recommençait à être chaussé de poulaines. Cette dame est
coiffée du hennin avec épais boui'relet de velours bleu, orné d'un
' C/iion)f/ue (le France et de Normandie ilu 1'. Cuclioii, de I.ni à l'iii, amiéc 1383,
niaiiuscr. lîiblidlli. iin]i(''r., français, n» 9859.
2 Passer de mode, choir.
3 Ces manchez pendentez Iniaii'iil aussi liiiMi alors aux viMimii'MiIs des lioinmos qu'a
l'.eux des fciiiiiies.
'► Mamisci'. l'.iliiiolli. iniiirr., lîoocacc, Du dcchiet des nobles hommes, fraiirais (1121)
environ).
[ COTTE ] — oOi —
chef de drap d'or avec joyaux. Une voilette blanche empesée, très-
transparente, tombe jusqu'au milieu du visage et foi'me cloche par
?J
derrière. La jupe de la cotle verte, tuyautée par le bas, est montée
sur un corsage très-décolleté, brodé d'or. Une collerette unie, trans-
305
!" COTTE
parente, empesée, enveloppe les épaules. Le surcot est fait d'un
tissu rose changeant, doublé de petit-gris ; la ceinture, très-large,
est verte et or. Ici la cotte remplit à peu près le rôle des jupons des
toilettes de nos dames ; elle est terminée en cloche, sans traîne, et
c'est le surcot qui possède une longue queue. Il est à manches
justes, et il est à croire que le corsage de la cotte n'en était point
pourvu.
4 cviufiifor
Les petites bourgeoises, les paysannes, portaient de même la cotte
avec robe de dessus, et cette cotte était simple (fig. 22) *, ou boi'dée
par le bas (fig. 23) -. L'escarcelle ou aumônière était attachée sur
cette cotte et sous la robe, relevée habituellement pour faciliter
la marche ou vaquer aux occupations domestiques. On appelait
cottes sengles celles qui n'étaient point doublées. Nous ne nous
étendrons pas davantage sur ce vêtement, d'autant qu'à l'article
RoiîE, dans lequel sont classés tous les habits longs portés par les
hommes et les femmes, nous avons l'occasion de décrire amplement
les modes suivies du xi^ au xv" siècle, par les deux sexes, dans la con-
fection de ces vêtements superposés et la manière de les porter. Il
est certain que pendant le moyen âge, comme aujourd'hui, dans l'es-
pace de quelques années, les noms des diverses parties de l'habille-
ment ne conservaient pas la même signification. Ainsi, le nom de cotte
hardie est donné à la cotte d'abord, puis au surcot de campagne, et
aussi au corset. De même, dans l'espace d'un siècle, avons-nous vu
' MauiisiT. Piililiiilli. iiii|i('T., laliii (liii)ii I }bO).
- Mauuscr. iiihiiolli. iiiiin'T., latiu ( 1 Will riiviroii'.
m. - :«
COTI'E
;:;oG
une môme désignalion s'appliquer à des vètoinenls ditTérenls. Le
mot veste, par exemple, qui, à la lin du dernier siècle, s'appliquait
au justaucorps sans manches posé sous l'habit, et qu'on désigne
aujourd'hui sous le nom de gilet, est donné à cette heure à un
vêtement rond pourvu de manches et assez ample. De cotte à
surcot ou à surcùtte, il n'y a que la différence existant entre deux
,53
vêtements superposés qui, d'ailleurs, peuvent avoir la même forme,
sinon la même ampleur. A dater du xv^ siècle, le nom de cotte
n'est plus guère donné aux vêtements des hommes, et paraît réservé
à ceux des femmes, parce qu'en effet alors les hommes, en fait de
vêtements longs, ne portent (jue des habits de dessus, surcots,
peliçons, capes, garde-corps, cloches, gonelles, manteaux, robes
fourrées. La tunique a disparu ou n'existe plus que chez le bas
peuple. Les femmes, au contraire, multiplient les jupes et ne se
contentent plus, comme leurs aïeules, de la chemise, de la cotte et
du bliaut (Vo\ . .lipo.x, Robe.)
— 307 — [ COUROiNNE 1
COURONNE, s. f. (corone). Cercle d'orfèvrerie que les personnages
nobles des deux sexes posaient sur leur tête autant comme ornement
que comme signe de dignité. Le classement des couronnes de baron,
de comte, de marquis, de duc, de roi, d'empereur, est très-récent
et ne remonte pas au-delà du xvi' siècle. Jusqu'alors, il n'y avait
pas de distinction marquée entre les diverses couronnes. C'était là
une question de convenance ; et, si un baron ne posait pas sur sa
tète une couronne fleuronnée. c'est que l'usage ne le permettait
pas : aucune ordonnance, que nous sachions, n'était intervenue pour
interdire à un gentilhomme le port d'une certaine couronne.
La couronne d'orfèvrerie est une parure de tête d'importation
byzantine. Chacun sait que les empereurs romains ne portaient que
la couronne laurèe après un triomphe; mais les empereurs d'Orient
sont tous couronnés, soit d'un cercle d'or enrichi de pierres
fines et de perles, soit d'une sorte de tiare également ornée de
pierreries.
Dans l'Occident, les premiers rois sont couronnés à l'instar des
empereurs d'Orient, et chacun peut voir les couronnes des princes
visigoths qui sont déposées au musée de Cluny, à Paris, et qui se
composent de larges cercles d'or décorés de pierres précieuses et de
pendeloques*. Bien que ces couronnes, au nombre de huit, n'aient
pas été portées, puisque deux seulement ont des dimensions qui s'ac-
cordent avec la circonférence de la tête humaine, toutes cependant
reproduisent des formes qui s'accordent avec celles des représenta-
tions peintes ou sculptées des vn^ et vnr siècles-. Les unes sont des
cercles d'or avec charnières ; les autres sont à claire-voie, et forment
une sorte de réseau de fuseaux d'or reliés par des boutons ornés de
saphirs. Cependant, les couronnes primitives de l'époque du moyen
âge, qui ont été évidemment portées, sont composées de plaques
planes de métal en plus ou moins grand nombre, reliées par des
cliarnières (pii permettent ainsi, à ces joyaux, d'épouser la forme de
la tête. Telle est la couronne, bien connue, attribuée à Charlemagne,
et qui est aujourd'iuii déposée dans le trésor impérial de Vienne.
Cette couronne est un assemblage de huit plaques d'or, circulaires
par le haut, ornées de pierres, de perles et d'émaux. Deux de ces pla-
ques sont plus larges et plus hautes que les autres, deux moyennes
et quatre plus petites. Sur la ]»laquc frontale se dresse une croix.
' Voyez hescn'itt. tlu trésor de ('tuar)iiz(ir, \v.\v Fcm'<1. do Lasteyric, 1860.
- .'1. Frrd. il(! Laslfivi'ii' fait lri''S-liirii ressortir, ii noire, avis, le earaetère iVfx-rulii
lie ('(.'S eouronnes.
COUUONINE 1
308 —
derrière laquelle une sorte de cimier en l'aeon d'arcade festonnc''e
réunit les deux plaques principales opposées, en entrant dans de
petites douilles ménagées pour le recevoir; deux autres douilles
paraissent avoir été destinées à recevoir d'autres agréments sail-
lants i. Les plaques d'or réunies par des charnières constituent habi-
tuellement la couronne jusqu'au milieu du xn'' siècle.
Pendant l'époque carlovingienne, des pendeloques tombent des
deux côtés de la couronne sur les oreilles. C'était encore une impor-
tation orientale. Une coitTe d'étoffe était interposée entre le joyau et
la chevelure, et ne disparaît que quand la couronne n'est plus qu'un
cercle de métal avec ou sans charnières, avec ou sans lleurons.
On ne trouve plus trace des pendeloques accompagnant la cou-
ronne dans les monuments français à dater de la lin du x" siècle. La
ligure de Charles le Chauve représentée sur les manuscrits de son
temps est coilTée d'un cercle paraissant composé de petites plaques
surmontées de trois palmettes très-saillantes, ou d'une sorte de
couronne fermée, consistant en un bandeau avec deux ornements
très-élevés qui se réunissent au-dessus de la tête-. Deux branches
d'orfèvrerie descendent sur les oreilles (fig. l). Un sceau du roi
' Yoy. Willcniin; vny. aussi les Arts somphinires, rdii. Hangaril-Maug(5, ISoS, t. 1.
2 Mus(''e lies souverains.
— 309 — [ COURONNE ]
Robert (lin du x'' siècle) indique le premier, sur le cercle de la cou-
ronne qui lui ceinl la tète, un ornement assez semblable à une lleur
de lisi. Ces renseignements sont toutefois assez vagues ou grossiers,
et il est difficile d'en conclure que la feuille de lis a orné les couron-
nes des rois français dès la fin du x^ siècle. L'ornemenl, surmontant
le plus fréquemment les cercles ou les assemblages de plaques com-
posant la couronne de 'ces princes avant le xn*' siècle, consiste en
des sortes de palmettes ou en des médaillons montés sur une longue
lige (fig. 2) ^ Quelquefois, ces couronnes paraissent fermées ou plu-
tôt surmontées d'une arcade d'orfèvrerie. C'est au xn' siècle que
les représentations sculptées ou peintes de couronnes présentent
des spécimens d'orfèvrerie excellents et d'une assez belle exécution
pour qu'on puisse se rendre un compte exact de cette parure de
tête : les couronnes sont composées, ou d'un cercle sans brisure,
ou d'une suite de segments réunis par des charnières.
On voit même, au commencement du xii« siècle, des couronnes
composées de quatre plaques sans courbure qui forment un véri-
table bonnet can-è (lig. 3) ^ Toutefois, il est difticile de comprendre
' Voyez le Trésof di: numismatique et de glypl.iiiue, vol. des Sceaux des rois de
Frmice, pi. -, tig. 4.
'- (;ii;irlcs le Cliauve. niamisi r. du miisi^c des souverains, livres de prières écrit par
Liiitliard.
^ Des pciulures du porche de l'église abbatiale de Saiul-Saviu eu l'oilou. La ligur(? du
Christ du tympan de la porte sud de l'église abbaliali; di! Moissac est eoitîéc d'une
couronne ainsi faite fxii" sièrde).
[ rOUROlNNK ] — 310 —
comment une pareille coilïurc pouvait être placée sur le crâne, dont
la section est à peu près circulaire. Il restait des angles vides; les
faces tangentes des quatre plaques eussent été fort incommodes.
Aussi pensons-nous que ces couronnes carrées n'étaient que des
- 311
r COURONNE
plaques d'éloffe roide ou de peau sur lesquelles on brodait des
ornements et l'on posait des pierreries. Ces quatre parties conser-
vaient assez (le souplesse pour épouser la forme du crâne, et leur
rigidité, cependant, laissait apparaître, par le haut, la forme carrée.
Parmi les belles couronnes d'orfèvrerie en forme de cercle, de la fin
de la première moitié du xn" siècle, il faut citer celles des vingt-
quatre vieillards de l'Apocalypse (jui remplissent une des voussures
du portail principal de la cathédrale de Chartres (fig. 4). Toutes ces
couronnes primitives sont cylindriques, ne s'évasant pas du haut'.
Elles consistent en un cercle étroit surmonté d'ornements ondes,
lleuronnés, garnis de pierreries, comme dans l'exemple précédent,
ou en un double cerclage avec riches sertissures de pierreries entre
CCS deux listels et ileurons très-importants au-dessus (fig. 5) -.
Quant aux couronnes composées de segments réunis par des
charnières, il est évident que, si elles sont surmontées de Ileurons,
ceux-ci doivent être séparés et posés sur chacun de ces segments
ou de deux en deux (fig. 6)-'. L'usage de ces couronnes à charnières
ne fut point abandonné pendant les xni° et xiV' siècles, puisqu'on
' I.cs loul'oniies visigollies du niiisri' de (Uiiuy sont i);irt'aitciiiciit cvlindriqucs.
- Fiijurc dite de C.lovi.s, proveinuit de l'église de Nolic-Diiine de Coi-lu'il (.\ii<-" siècle),
aiijoiird'iiui déposée diuis l'église iililialiiile de Saint-Denis.
^ lie la stalne de la Vierge du portail occidenlal de Nolre-haine d'Amiens (12.'{0
l'uviron).
[ a)Luo.N>E ] — 31:2 —
voit encore les deux figures de Cliarles V et de Jeanne de Bourbon,
provenant des Cèlestins de Paris, coilTées de joyaux ainsi façonnés.
^Ecvrifltrpi'-s
On sait combien le xui' siècle déploya de goût dans la fabrication
des 'objets d'orfèvrerie et des bijoux; aussi, les 'couronnes de celle
épocjuc, conservées sui- un gi-and nombre de statues, sont-elles d'un
travail exquis, d"une charmante composition : nous devons choisir
dans le nombre. La ligure 7 donne la couronne prise sur la tête de
— 313 — [ C()L'RO>'NE ]
Clovis, au portail nord de la caLliédrale de Reims i. Celte couronne
présente une disposition assez rare. Elle ne consiste qu'en an jonc
ou mince listel immédiatement surmonté d'un riclie enroulement.
Ordinairement le cercle est large et est enrichi de pierreries.
Cr ijVNiOi
Voici (lîg. 8) deux exemples de couronnes appartenant à la (in de
la première moitié du xni'' siècle: la première. A, est posée sur la tête
de Louis le Gros ; la seconde, B, sur la tète de Constance d'Arles -.
La couronne de Louis le Gros est composée de iinit plaques à char-
' Tympan (1230 euvirou).
- On sait (|no ocs lii,'iiro> fiinsnl relhilcs sons saiul Louis poiir rlic roplacôcs sur les
lonihus lies rois (■! des rcinrs (inscvolis dans Ti-i^'Usc alilialialc lic S.iinl-Dcnis.
m.
50
[ COURONNE
— 314
nières porUinl cliuciine nu lleiiron, qiialrc un bouquet de feuilles
d'érable, les quatre intermédiaires une (leur de lis. La couronne
de Constance d'Arles, d'un seul morceau, est formée de quatre
groupes de Heurs de lis jumelles et de quatre fleurs de lis simples.
Cette composition est des plus originales. Nulle distinction d'ailleurs,
à cette époque, non plus que précédemment et plus tard, entre les
couronnes des feunnes et celles des hommes. Cependant ou ne voit
.!)
Gr MA
les couronnes fleuronnées que sur les têtes des rois et des reines,
et habituellement, à dater de 1230, les fleurons sont au nombre
de huit, quatre principaux et les quatre intermédiaires plus petits.
Ces fleurons sont pris dans la flore : ce sont des feuilles d'érable,
de chêne, de passiflore, d'ancolie, d'ache, de chélidoine, de trèfle,
copiées scrupuleusement vers le milieu du xni° siècle, puis peu à
peu interprétées en exagérant le modelé ou contournant les formes
naturelles. Les monuments de Saint-Denis présentent un assez grand
nombre d'exemples de ces couronnes de rois et reines de la lin du
xni'' siècle et du commencement du xiv'.
Entre tous, nous donnons la couronne de la statue de Philippe V,
dont les quatre grands fleurons présentent des groupes de feuilles
d'aristolochecontournées,et les petits des feuilles de chélidoine (flg.9).
Il semblerait que dès le xm^ siècle, la couronne à quatre grands
fleurons et quatre plus petits fût spécialement alïectée aux rois et
reines de France, et que les autres personnages de sang royal, ou
— 315 — [ COURONNE ]
avcant le titre de rois, dussent être coitïés de la couronne à huit
fleurons égaux.
Dans l'église de Saint-Denis, on voit aujourd'hui la statue de Léon
Vr
de Lusignan ', dernier roi de la petite Arménie, (|iii, i-erii par
Chai'lcsV avec une grande distinction, étant mort à Paris, fui inhumé
sous Charles VI dans Téghse des Célestins. Ce prince est coui-oimc
de la couronne à huit fleurons égaux (fig. 10). H en est de même de
la figure de Béalrix de Bourhon -, fille de Louis I'"', duc de Bour-
' Des Célestins de l'aiis.
- Déposée a Sninl-Drnis, provi'ii.-uil ries ,l:iciihiiis de l'iiris.
[ COURONNE ] — 3IG —
bon et arrière pelite-lille de sainl Louis. Elle avait épousé en pre-
mières noces Jean de Luxembourg, roi de Bohême, mort à la journée
de Crécy. Cette princesse mourut en 1383. Elle est coiffée d'uu
voile épais sur lequel repose une couronne formée de huit noiirons
égaux (lig. 11), tandis que la statue de Jeanne de Bourbon ', femme
de Charles V, est coiffée d'une couronne à charnières surmontée
de quatre groupes de feuilles et de quatre fleurs de lis. Mais ce qui
démontrerait que les règles d'étiquette n'étaient pas fixées encore
vers la Un du xiv^ siècle à l'égard des couronnes, c'est qu'en tète du
12
manuscrit de la Bibliothèque impériale, intitulé Des prophéties des
choses, est peint un remarquable portrait du roi Charles V, jeune,
coilTé d'une couronne très-haute, très-légère, formée de neuf grandes
fleurs de lis et de neuf broches garnies chacune de deux perles
(fig. 12) -, et qu'au frontispice du manuscrit des Visions de sainte
Elisabeth \ est de même représenté ce prince plus âgé, coiffé d'une
couronne à six pointes égales surmontées de petits trèfles (fig. 13).
Cette miniature est intéressante à plus d'un titre. Le roi est vêtu
d'un large surcot bleu doublé d'hermine, avec capuchon derrière.
' Provouant du portail des (^iMeslias, déposée a Saiat-Dcuis.
- Au-dossDUS do la iiniiiiitiire représentant le roi assis recevant la déilirace du livre,
on lit : « ('.y cuniinaiice le livre des propriétés des cliosi'S translate de latin en tVaucois
u par le conimaudcnicnt du roy Charles le (]uinl de son nom rejouant eu France nohle-
II ment pnissainent en ec temps. .. »
•■* liihliotli. impér., manuscr. dédié an roi Charles \ .
— 317 — [ COURONNE J
Los robes de dessous sont également bleues, la seconde étant aussi
doublée d'hermine. Un sergent d'armes, auteur du livre, le présente
au roi. Il est vêtu d'un corset gris avec chausses et cotte dont on
aperçoit seulement le col brun rouge, et ceinture d'argent. On sait
combien le roi Charles V aimait ses fidèles sergents d'armes. Il n'est
pas besoin de dire que la couronne n'est ici qu'un signe distinclif,
et que les princes ne portaient ce joyau que dans les solennités.
PRUtJMRE
L'inventaire des joyaux de Charles V ', dressé en 1379, relate un
nombre prodigieux de couronnes et cercles d'or enrichis de pierre-
ries (cinquante-six). En têle du chapitre mentionnant seulement les
couronnes est donnée la description de « la très grant, très belle et
'< la meilleure couronne du Roy, laquelle il a fait faire; en hujuelle
« a quatre grans dorons et (luatre petiz garniz de pierrerie. Et en
'< chascun des grans llorons, c'est assavoir ou maislre Horon endroit
« le chappel -, a un très grant ballay ^ carré accosté de deux grans
« saphirs, et aux quatre coings dudit ballay carré a en chascun une
' Maiiusrr. Hililinlli. iiiipri'. ;ri-;iii(;iiis), ii" lild'i. l'cilin l.
^ Sur l;i face autôrieiire.
» H II bis
[ (:oiRO>'NE ] — 318 —
« 1res fïrosse perli>. Et au dessus du dii'l ballay a ung autre ballay
« carré au dessus duquel a deux perles et ung dyamant ou mylieu
« et au dessus ung autre ballay long sur le tout et au dessus a pa-
« reniement deux perles et ung dyamant. Et au mylieu dudit floron
« a ung grant sapliir à huit costés, au dessus duquel a un dyamant.
« Et ou chef dudit ftoron a un gros ballay cabouchon et aux deux
« costéz, deux bailaiz carrez, à l'environ desquels a quatre grosses
« perles et aux costez dudit sapliir a en chascun coslé troys gros
« balaiz cabouchons, ou mylieu desquels troys balaiz à ung dyamant
« et troys perles entre deux. Et en chascune pointe de dessoubz la
« dicte fleur de lys a une troche de trois perles et ung dyamant ou
« mylieu. Et ou chef dudit floron a une troche de cinq très grosses
« perles et un dyamant ou mylieu.
« Et ou petit floron de la dicte couronne a ou chappel ung très
« grant saphir acosté de quatre balaiz, au dessus duquel saphir
« a ung ballay carré et ou mylieu dudit floron ung gros balay
« cabouchon à l'enlour duquel a troys saphirs et quatre perles ; et
« ou chef dudit floron a une troche de troys perles et ung dyamant
« ou mylieu. Et ainsi se poursuivent tous les dits florons en nombre
« de pierrerie. Et outtre a ou chappel huit bastonnez dont en clias-
« cun a quatre grosses perles. »
Ces couronnes royales étaient toujours accompagnées d'une coiffe
ou aumusse ornée de pierreries :
« Etestraumuce deladicte couronne de veluiau azuré sur laquelle
« a une croisiée d'or garnie de pierrerie ; c'est assavoir, de huit
« bailaiz, huit saphirs et trente-six perles ; et ou dessus a ung très
« grant et très gros saphir, ou dessus a une très grosse perle. Et sur
« le veluiau de ladite aumuce a douze fleurs de lys d'or cousues.»
Le même inventaire mentionne un grand nombre de cercles d'or
sans fleurons, ornés de pierreries, de perles et d'émaux, particuliè-
rement destinés aux coifTuies des femmes : " Item le grant cecle
« qui fut à ladicte Royne i Jehanne de Bourbon ouquel a sept
« assiectes garny de dyamans, balaiz, sapbirs et 1 roches de perles.
« C'est assavoir vingt et troiz balaiz, seize saphirs, soixante dyamans
« et cent seize perles. Et es bastonnez dudit cecle a sept balaiz, sept
'< sapirs et quatorze dyamans, pesant cinq marcs deux onces. »
Ces bastonnez étaient les petites séparations verticales couvrant
les cliarnières du cercle.... « Item ung autre petit cecle estroit ap-
« pelle le cecle rouge ou quel a vingt bailaiz que petit que granz et
1 Miiil(! raniiôi' ]ir('c(''(l(Mile.
— oi9 - [ COLROM>'E ]
« quarenlc perles pesant ung marc une once. » Ces cercles étaient
parfois arraoyés : « Iteoi deux peliz cccles d"or d'une mesme façon
« à lozanges de France et de Navarre dont en leur cecle a vingt et
u deux lozanges. C'est assavoir : unze lozanges de perles es(iuelles
« a en chascune huit perles, et unz d'or des armes de France, et
X en l'autre cecle a vingt sept pareilles lozanges dont il en a treize
« de perles et quatorze d'or comme dessus.... »
Le caractère de joyau composé d'au cercle sommé de lleurons
en nombre plus ou moins grand et de formes plus ou moins va-
riées ' fut conservé, même pendant le xv" siècle, aux couronnes
royales de France. Ainsi voit-on le roi Salomon représenté sous les
traits du roi Charles VIII sur une des belles tapisseries de la cathé-
drale de Sens, coiffé d'un bonnet de velours rouge garni d'une cou-
ronne d'or richement décorée de perles et de pierres Unes (fig. 14).
Cette couronne est sommée de huit lleurons égaux qui n'alTectent
aucune forme consacrée ; ce ne sont ni des Heurs de lis ni des bou-
quets de feuilles, mais des ornements. Il paraît inutile de multii)lier
ces exemples très-variés et qui piouvent (pie la forme des couronnes
royales n'était pas lixée par l'étiquette avant le xvi" siècle. Il était
' !/iii\uiil;iiii; (les joyMiix i\r Cliiiiics \' iiiciilinmu' tics cnuidiiiics à sept i,'raii(ls
llciirous L't scpl [lolils ; à seize llciinius, liiiil j^iMiids el liiill pclils ; ii dk-liuil tleiiroiis
ésaux, elc.
[ couHONiNE ] — 3;20 —
d'usage, cliez les pi'inces, pendant le xv" siècle, cl parliciilièremenl
pendant la seconde moitié de ce siècle, de poser des couronnes sur
des chapeaux, des bonnets hauts; les femmes en portaient sur les
hennins, sur les escofiions, sur les cornes (voyez ConTURE^ et Ton
connaît la belle médaille de Louis XII qui représente encore ce prince
portant , sur une sorte de loque , une couronne lleurdelisée. Les
15
rois, en armes, porlaient la couronne par-dessus le heaume ou le
hacinet, à dater du xm*" siècle. Cet usage se perpétua jusqu'à la lin
du XV». L'inventaire des joyaux de Charles V mentionne « une cou-
« ronne à bassinet à dix gros saphirs, quinze balaiz esmeraudes et
« perles d'Escosse pesant deux marcs ; de laquelle ont esté prinspour
« meelre en la lleur de lyz du sot (du fou du roi) deiix ballaiz, ung
« carré et ung beslong, et a ledit ballay beslong esté taillé à huit
« coslez. » Cette couronne, sur les cinquanle-six inventoriées, est la
seule qui soit propre à être adaptée à un bacinel, et encore en a-t-on
retiré deux pierres hnes pour orner la lleur de lis du fou. Ceci dé-
montrerait, s'il en était besoin, que le sage roi Charles V n'endossait
pas souvent le liai'nais de guerre.
— 3!21 — [ COCHONNE 1
Quant aux cercles d"or ornant la coilTurc des nobles et des dames,
on les voit figurés maintes fois sur les monuments à dater d'une
époque très-ancienne et jusqu'au xv" siècle. Parfois ces cercles sont
sommés de petits fleurons nombreux, de perles, ou sont garnis, sur le
listel, de fleurettes d'or ou d'émail espacées '. Voici, figurelo, la cou-
ronne-cercle qui ceint la tête de Charles d'Artois, comte d'Eu, mort
en 1471, et dont la statue est déposée dans la crypte de l'église d'Eu.
Cette statue était, avant la fin du dernier siècle, placée sous un i-iche
dais, dans une des travées du sanctuaire de celte église abbatiale.
Les couronnes des barons (lorlils) sont très-rai'ement indi(|uées
dans les monuments du moyen âge. Cependant une vignette d'un ma-
nuscrit de la BibliollièV|U(' impériale, représentant le couronnement
d'un roi -, montre un bai'oii coiliV' d'un toi'lil de verdure (lig. 'IG).
' Viiyc/. hi sliillic (lu cuiiitr il KliUllpOS dt'lKisi'i; diiiis l'rgliSL' Mlilii[li;ilr ilc S;iiiil-I)('iiis.
■ Mamisci-. liililiolli. iiiiprr., Chroniques d' Angleterre, fraïu.-iiis (l.'i'.)O ciiviiou).
m — VI
[ COUVRE-CHEF ]
322
Pour les liâmes nobles, à dater de la llu du xive siècle, elles por-
taient des couronnes d'orfèvrerie plus ou moins riches et dont la
forme épousait les mouvemenls de lacoitîure. (Voy. Coiffure.)
COUVRE-CHEF, s. m. {cueuvrc-chief, queuvre-chief , couvre-
chief). S'entend, habituellement, comme coilfare de nuit ou de
chambre. Cependant il est question, dans les comptes de l'argen-
terie des rois de France au xiv'' siècle, de couvre-chef qui étaient
des coitlures d'apparat. Pour le sacre de Philippe V, il est fait men-
tion d'un « cueuvre-chief de veluiau vermeil, ouquel il a 192 ven-
« très (de menu vair) » '. Pour que 492 ventres de menu vair
fussent nécessaires à la doublure de cette coiffure, il fallait qu'elle
fût très-ample. C'était probablement un capuchon avec camail, un
chaperon fourré (voy. Ciiapero>!). Les couvre-chef de nuit étaient
fails de toile, au xv^ siècle : « Pour la façon de douze queuvre-chiefz
<' à mectre de nuit, faiz de 10 aunes demie d'autre Une toile de
« Rolande 2. » Ils étaient en forme de béguins en pointe au sommet
de la tête, et les hommes en portaient aussi bien que les femmes.
On donnait aussi, pendant le xiv^ siècle, le nom de couvre-chef
' Compte de Geofftoij de Fleuri, l.'jKi.
' C.omple (le l'/uS.
— 323 — [ COLVRE-CIIEF ]
à certaines coilïures de femme composées de réseaux d'or et de
pierreries posés sur des tissus de soie et d'or, que les dames met-
taient lorsqu'elles se rendaient dans les assemblées :
u Et pour aler outre la gent.
« Fins cuevreeliicrs a or batus.
« A [ierres et perles dessus ;
« Tissus (le soyo et de tin or i. »
Ces couvre-chef précédèrent les hennins et les cornes, et peuvent
être confondus avec les escofiions ^. Des miniatures d'un manuscrit
de la Bibliothèque impériale qui date de 1385 à 1390 nous donnent
plusieurs exemples de couvre-chef de dames. Le premier (fig. 1)
est un véritable escoffion avec voile léger, empesé, couvrant la nuque.
%
mi\^--v\>:*^
Ce couvre-chef est brun, avec résille d'or et perles. Le second (fig. 2)
est porté par une dame noble assistant à la cérémonie d'armement
d'un chevalier. Il se compose d'une calotte d'un tissu très-léger et
transparent comme un tulle brodé, entouré d'un lin cercle d'or
au(iucl des perles sont appendties. Les cheveux sont enfermés dans
une résille rouge avec fils d'or. Une écharpe de gaze enveloppe le
cou de celte jeune femme. Un troisième couvre-chef de chambre
est porté par une dame couchée, vêtue d'une simple chemise-
• Euslachc Desohamps, le Miroir de tiuninge.
i Voy. CoiFiTiiE, fig. :n.
[ CCCULE ]
- 3^'
robe (fig. 8). Ces couvre-chef sont blancs, unis ou piqués, et enve-
loppiiient entièrement les cheveux -. On sait que pendant le moyen
âge les dames restaient au lit des semaines entières en certaines
circonstances, et notamment après leurs couches, ce qui ne les
empêchait pas de voir du monde. Alors elles tenaient fort à être
convenablement coiffées, et le couvre-chef de nuit atïectait plus ou
moins d'élégance. Taillé en manière de cornes, on lui donna plus
tard le nom de cornettes, qu'il conserva jusqu'au dernier siècle,
quoique la forme de ces dernières coilïures de nuit ne rappelât en
rien les bonnets cornus de la fin du xiv" siècle. On donnait encore,
pendant le xv" siècle , le nom de couvre-chef à de longs voiles
brodés. (Voyez l'article Tournoi, à la partie des Jeux.)
CUCULE. s. f. Vêtement de dessus de la plupart des ordres reli-
gieux : c'est la dalmatique sans manches, le colobe, et plus tard la
' M.-iiniscr. liihlioUi. iiii;i:'-i'., Lnn':elot du Uir, t'r;ui:;:iis ^l.J'.iU cnvirdu).
[ CCCULE ]
cagoule '. Le mol de cucide ne s'applique à ce vêtement que lorsqu'il
est porté par des moines ; les laïques lui donnaient le nom de cape
ou de goulo. La cucule ecclésiastique est une sorte de chasuble,
casiila, que les moines, prêtres et diacres endossaient pendant les
cérémonies liturgi(iues. Pendant le \f siècle et le commencement
du \\f, cette cucule diflère cependant de la chasuble adoptée par
les prêtres qui n'étaient pas dans les ordres. Un carlulaire latin de
la Bibliothèque impériale-, qui date de 1100 environ, donne quel-
' Voyez à l'urliclt; CAcjoiii.t:. C.lciiiciiL V, au iroiicilo de Viouuii en Daiipliiii;'' (1311),
(li^cliire que la cucule est l'habit inonasliquu long et large sans manches, qui ne peut être
coiitonilu avec le fror;. (Voy. Du (îauge, Gloss., Cucullus, Cucci.la).
- Cdi'tularium, laliii, n" '.)-!ti."i, iiiuiiu^rr. de la lin du xi" siècdi;.
[ II.M.MATIQUE ] — OÛC) —
ques figures d'abbés, au trait, revêtus de la cucule ecclésiastique
(tig. i). C'est une dalmali(|ue sans manches, avec capuclion. Rien n'est
plus simple que ce vêtement. Il se compose d'un morceau d'élolTe
de laine de 90 centimètres de large environ (2 coudées), replié sur
lui-même de a en b, descendant aux chevilles, percé d'une ouver-
^
ture en c, garnie d'un capuchon (tig. 2). Porté, ce vêtement pré-
sente la ligure i, qui reproduit une des vignettes du manuscrit
précité. Cette cucule diiïère de la chasuble en ce qu'elle se termine
carrément devant et derrière. Des attaches réunissent les deux pans
antérieur et postérieur, et en passant les bras par les intervalles
a, b, c, on pouvait retenir plus ou moins ces pans sur la saignée. La
cucule ordinaire des moines est représentée dans la ligure 1 de
l'article Cagoule. Les religieux bénédictins et cisterciens qui por-
taient ce vêtement ne devaient s'en séparer que la nuit, et le placer
sous leur tête pendant l'été, sur leur corps en guise de couverture,
pendant l'hiver.
DALMATIQUE, s. f. Originairement, vêtement sans manches,
consistant en un large lez d'étolTe fendu par le milieu pour passer
la tête, et tombant jusqu'aux pieds devant et derrière. Guillaume
Durand ' dit que le pontife revêt immédiatement la dalmalique par-
dessus la tunique, d'après l'institution du pape Sylvestre, et qu'on
' Iifiti07inlt', (Mil. XI.
— •■^-'7 — 1 DAI.MATIUIJE ]
croit ce vêtemenl cmprunlé de la luniiiue sans coiilui-e du Sei.ancnr,
comme la ciicule monacale. Le pape Sylvestre, toujours d'après
Guillaume Durand, aurait ajouté de larges manches à la dalmalique
primitive, et aurait élabli (ju'on la porterait aux sacrifices de Taulel.
La largeur des manches de la dalmatique du moyen âge aurait été
proportionnée à la dignité des personnages. Ainsi les manches de la
dalmntiijue du pontife sont plus amples que celles de la dalmatique
du diacre, et celles-ci plus larges que les manches de la tunicelle du
sous-diacre. « L'évêque, ajoute notre auteur, se sert en même
temps de la dalmatique et de la tunicelle, et des ornements de tous
les ordres , pour montrer qu'il a parfaitement tous les ordres ,
i
jliL
/I. CU/HAIWa 7
comme celui qui doit les conférer aux autres. Les prêtres d'un
ordre inférieur ne les confèrent pas, et voilà pourquoi ils ne les por-
tent pas De plus, le pontife revêtu de ces ornements et rem-
plissant sa charge, représente d'une manière plus expressive l'image
du Sauveur que le simple prêtre ; et les symboles attachés aux orne-
ments lui conviennent davantage La dalmatique doit avoir deux
bandes d'écarlate des deux côtés, devant et derrière, depuis le haut
jusqu'au bas Parfois les bandes sont de pourpre Au côté
gauche de la dalmatique aussi, il y a d'ordinaire des franges Il
y a encore des dalmatiques qui ont quinze glands devant et der-
rière et (juelques-unes ont vingt-huit franges devant et autant
derrière..,. Il y a aussi sur la dalmatique une broderie continue,
et elle est ouverte des deux côtés Lorsque ce vêtement est
étendu, il représente la forme de la croix (lig. i) : voilà pourquoi on
[ KALMATIULI-: ] ~ ^^8 —
le porte à rofliro de la messe, où Ion rcprésenle la passion du
Christ. »
La daimaliqiie l'om place le colobe, qui élail une lunique ne des-
cendant qu'à mi-jambes, et garnie de manches ne dépassant pas
le coude. On prétend que le colobc était le vêtement des apôtres.
Quant à la dalmatique ou tunique talaire, elle était considérée dans
la Rome antique, même sous les derniers Césars, comme un vêle-
ment eiïéminé. C'est en elTel le pape saint Sylvestre qui prescrivit
aux clercs, dans l'église, l'usage de la dalmatique à longues
manches. Au \n^ siècle, Honorius écrit que le colobe était, comme
la cucule, un vêtement sans manches, mais muni d'un capuchon
ainsi que la chasuble.
^
Il n'est pas de vêtement dont la coupe soit plus simple que celle
de la dalmatique, ainsi que le fait voir la ligure 1. La dalmatique
devint le vêtement propre aux diacres pendant les offices des grandes
fêtes ; elle était fendue des deux côtés, des aisselles au bas. La
figure 2 ' montre un pi'être à l'autel, revêtu de l'aube et de la cha-
suble. Derrière lui est le diacre tenant la patène; sa main est cou-
verte d'un linge; il est vêtu de la dalmatique sans collet et sans
< Miimiscr. I>ililii)th. iini^rr.. Missrl liiliii li.'id riivinni .
— 320 — [ nAI.MATlQlE J
rapnclion, sur raiibo. Un cleiT. on aube, le suit en porlanl un fhi-
hellnm. La (ialmali(|ue du diacre est couleur pourpre avec broderie
au bas. La forme de ce vêtement religieux se modilia quebiue peu.
Il fut souvent, pendant les xn*" et ws" siècles, dépourvu de capuclion.
les diacres n'en portaient pas ; le col, plus ouvert, laissait voir la bor-
dure de l'amict (voyez ce mot), (|u"on aperçoit à peine dans la vignette
3
;p
précédente. Au commencement du xiv siècle, les mancbcs de la dal-
matique sacerdotale sont plus étroites et plus longues (dg. 3)'.Le
col très-écliancré de celte dalmatique laisse voir le bord de l'amict
brodé d'or ; la dalmatique est lilas, et le bas de l'aube est garni par
devant d'un carré de broderie d'or. Mais la dalmatique n'était pas
portée seulement par les clercs ; c'était aussi un vêtement laïque, (jui
n'est autre que le bliaut, dont la forme a été très-variable du xn'=
au xiv° siècle-. On ne lui conservait le nom de dalmatique que dans
' .MamisiT. IJililiulli. iiii|><'i'., le Miroir hislorial, IVanrais (1;J20 oiiviroii).
- Vl)\ . r)LIArT
III.
io
[ DAI.MATIULE ] — o30 —
les solcnnilés, lorstju'il était considéré comme un vêtement ayant
un caractère sacré.
Ainsi, les rois de France portaient parfois la dalmatique, notam-
ment à un certain moment de leur sacre, lorsque le cérémonial de
cette solennité fut réglé.
A.
Un manuscrit de la Bibliothèque impériale', dédié à Philippe le
Bel, nous montre ce prince sur un trône, revêtu de la dalmatique
à manches courtes et à capuchon. Elle est bleue, semée de lleurs de
lis d"or (tig. 4). Sous ce vêtement, le roi porte une cotte rouge, dont
on n'aperçoit que les manches justes. Dans sa main droite, il tient
des gants blancs.
On peut donner le nom de dalmatique à un vêtement très-singu-
lier qu il était d'habitude de porter, parmi la noblesse, à la lin du
xiV siècle. Cette époque est peut-être celle qui, pendant le moyen
âge, déploya, dans la coupe des vêtements d'hommes et de femmes,
la plus grande variété et le plus grand luxe. Après les vêtements
serrés au corps que les hommes portaient sous Charles V, on se prit
1 Apologues, liilin (prciiiin'cs aiiiu'os du xiv'' siùclo).
ItAI.MATlQLE
d'un goùL prononcé pour les habits d'une ampleur prodigieuse, et
telle qu'on ne comprend pas comment on pouvait se mouvoir sous
ces amas d'étolïe. Surcols, peliçons, houppelandes, capes, robes
fourrées, dalmatiques, furent de mode de 1390 à 1400, et il semblait
que les gentilshommes cherchassent alors à donner à ces habits le
plus d'ampleur possible. Cependant, la forme de la dalmati(pie était
le plus rarement admise. Voici (lig. 5) un exemple remaniuable de
ce vêlement, tiré du manuscrit de la Cibliothèijue in)périale, intitulé :
De l'informacion des roys et princes \ Celte dalmaticiue n'a pas de
' Ce manuscrit porte, à lu iirciiiif're ot k la (IcriiiiTc \v.\\ii\ la sij;nalure di' .Icaii. duc
(le lîerri, onde du roi Cliarlcs Vl.
I DKIII. J — oo!i —
manches, mais est taillée sur les bords en barbes d'écrevisses. Le
devant du vêtement est seul attaché au corps par une ceinture noire
et blanche, tandis que la partie postérieure reste tombante. Sous
cet habit est la cotte à manciies justes et à collet serré, suivant la
mode d'alors. Le gentilhomme est coitïé d'un chapeau de feutre
noir, bas de forme, à larges bords, sur lesquels sont posées des
plumes blanches. Ce vêtement devait être très-élégant et pouvait
être porté à cheval.
L'inventaire du trésor de Charles V ' mentionne parmi divers
vêtements : « Ung dalmalique de satin azuré semé de (leurs de lys
« orfroisie (bordé) à perles tout autour et doublé comme dessus
« (d'un satin vermeil) fermant sur les deux espaulles à quatre gros
« boutons de grossettes perles, et en chascun diceulx a ung chaston
« dung ballay dorient ou mylieu. »
Le surcot est une dernière tradition de la dalmatique appliquée
aux vêtements laïques. (Voy. Suhcot.)
DEUIL, s. m. Lorsque le christianisme fut triomphant, les pre-
miers docteurs de l'Église prétendirent modifier les usages de l'an-
tiquité romaine en fait de deuil. Ils pensaient que, suivant l'idée
chrétienne, les survivants, loin de manifester extérieurement de la
tristesse par des vêtements sombres, devaient, au contraire, marquer
leur foi en une vie meilleure, en la délivrance des misères ter-
restres, et ne pas porter des vêtements qui, par leur forme ou leur
couleur sombre, pussent faire supposer qu'ils fussent affligés. Les
pleureuses et tout l'attirail funéraire de l'antiquité païenne furent
supprimés, mais les réformateurs ne purent jamais obtenir que les
parents et amis d'un mort ne manifestassent leur douleur par des
signes visibles. Quelle que soit la foi en l'immortalité de l'àme, le
cœur humain ne pourra jamais considérer la mort d'une personne
chère autrement que comme une séparation fort douloureuse, au
moins pour ceux qui restent ; ei l'idée de conformer l'habit à l'état
de l'esprit persistera probablement tant que durera Thumanité. Les
Romains, pour pleurer leurs morts, revêtaient la togn pulla -. Les
peuples d'Orient se couvraient la tête et le visage.
Le noir fut donc admis, chez les peuples occidentaux, dès les pre-
miers temps du moyen âge, comme la nuance qui convenait aux
habits des parents d'un mort ; et, sauf de rares exceptions, cet usage
1 Bibliolli. iiiipôr.; uuimjro d'urdro di; l'iiivcntaire, .'}444.
- Toiffi pidlu, vôteincnl de couleur brup.c.
— 33o — [ DEUIL ]
persista jusqirà nos jours. La forme des liahils de deuil ne fui pas
toujours la même que celle des habits ordinaires ; un les tint longs
et amples, ne laissant voir tout au plus ([ue le visage. On supprima
les bijoux, les broderies, la soie. Toutefois, il ne parait pas que
celle coutume fût admise d'une manière régulière avant la lin du
xiv° siècle ; et les usages des peuples conquérants des Gaules persis-
tèrent assez lard.
Les Germains ne pensaient pas qu'il convînt aux hommes de
pleurer sur les morts, et ils laissaient aux femmes ces marques de
faiblesse'. On retrouve les traces de ces mœurs viriles jusque dans
nos romans des xn*" et xni° siècles. Et chez les femmes mêmes,
en dehors des marques immédiates de la plus violente douleur, il
ne semble pas qu'il y ait la pensée de manifester les signes de cette
douleur dans les habits. Quand Raoul de Cambrai, mort, est rap-
porté sur son écu par ses compagnons d'armes dans le palais de
.sa mère, le bruit de cet événement se répand partout :
" À CCS paroles viat Hclvis sa iiiic
M Abevilc ot eu droite anceserie -.
« Ccle pucèlo fu riclicmeut veslic
'< El afiiblée tfun pailc de Pavic.
'I Blanche char ot comme flors cspanic ;
i< Face vermclle comme rose couloric,
•■ Qui bien l'esgarde vis est quêtez jors rie.
n Plus bêle faine ne lu onqnes en vie.
" El mostier entre comme femme csniarie '
•• Isiièlement a haute vois escric :
'< — Sire Raous, comme dure départie * ! >>
Ainsi, la maîtresse du jeune comte est richement vêtue lorsqu'elle
vient au mouslier où le corps est déposé. Mais les lamentations ne
font défaut ni à la mère ni à la (iancée; l'une et l'autre se pâment
plusieurs fois devant ce cadavre ensanglanté, dont elles veulent voir
et compter les plaies comme faisaient bnirs aïeules les Germaines •.
' '< Scimlcrum cespcs crigil : ni Jiiunii'uloriiMi arduum et opcrosum lionorcm, ut
'< gravem defunctis, adspcrnaulur : lamenta ai: lacrymas cito, doloruMu et Irisliliam
« tarde ponuut ; feminis lugcre honestum csl, viris mominiss?.. » (Tacite, Germania,
c:\\i. XXVII.)
2 <i Pur droit île succssion ».
•' u Aflligôe ».
* Li Romans de Raoul de Camhrai [Wn du xii« siècl'!)-
> « Ad uiatres, ad coajuges vuluera ferunt : ni'c ill c iiumi'i'arc, anl exsngerc plagas
'< pavi'ut.. . '■ (raciti', Genirinia, i ap. mi )
[ DEUIL ] — 33 i —
Elles s'ari-aclient les cheveux, se (léchircnt le visage. Les choses
ne se passent plus ainsi au xiv« siècle :
(I Et (ie Tobscquc aussi qu'il fault,
« Couscillics-lcs et bas et liault;
« Car on doit faire k graut seigueur
<< Son obseqiie par graiit honneur.
« Vcstez le noir comme il/, lerout
« Et quant le deuil pa.ssé auront...
Et plus loin :
« Mais les gens du chevalier franc
u Furent adonc vestus de hlanc,
« Qu'eu France ou seuil- veslir le noii' :
« Ce n'est pas hourde, il est tout vnir ;
« C'est une chose si commune,
« Qu'aussi. C. [lersounes comme une
« Cela clerement apparceurent,
« Le à l'enterrement de lui furent :
« De quoy moult de gens s'esbaliirenl,
(1 Pour ce (]u'on(]ues mais ce ne virent.
<i l'ourquoy le list, je ne le s(;ay ■'. »
Sous le règne île Charles V, Eustache Deschamps écrivait ces
vers :
(c Et s'elle veull alcr au corps '.
u De Caullier, Hersan ou JelKinuetle,
« Il li fault robe de brunelte
Il Et mantel pour fan'e le dueil-î. »
A la mort de Louis le Hutin, Philippe le Long prit le deuil en
noir, non-seulement sur ses habits, mais dans ses appartements :
« Premièrement. Pour 4 cendaus noirs, pour faire 2 petites couste-
« pointes, que il ot quant nostre sire le roy Loys fu trespassez ''. »
Cependant, cet usage ne paraît pas persister au commencement
du xv" siècle. Alors, si Ton en croit Aliéner de Poictiers', le roi de
' Mellusine, le Livie de Lusignan, ijocme composé dans le xiv<^ siè('le, vers lO'i.
* beult, a coutume.
3 Vers 6123.
* « Au convoi ».
5 Le Miroir de inai iaye.
8 Compte de Geo/jfroy de Fleuri, l."M(i.
■ Les Honneias de ut courll't'.VJ environ).
— HSo — [ DECII. J
France ne portait plus en noir le (leuil, fût-ce de son père, mais en
ronge', « et manteau et rohbe et cliapperon ; mais la royne porte
« deuil (en noir) ». Madame de Charolais, fille du duc de Bourbon-,
demeura après la mort de son père six semaines en sa chambre,
couchée sur un lit couvert de draps blancs de toile, et appuyée sur
des oreillers : « Elle avoit mis sa barbette et son manteau de cliap-
« peron, lesquels estoient fourrez de menu vair, et avoit ledit man-
« teau une longue queue aux bords devant le chapperon, une paulme
« de large, le menu vair (c'est à sçavoir le gris) estoit crespô
<' dehors -*. » L'auteur ajoute qu'en grand deuil, « comme le marit
(' ou de père, on ne souloit porter ny verge* ny gantz es mains.
« Et si faut savoir que la robbe est aussi à queue fourrée de noir,
« et le poil qui passe en hault et en bas, le gris est osté et ne
« voit oncque le blancq : et, durant qu'on porte barbette et mantelet,
« il ne faut porter nulles ceintures ne ruban de soye, ne autre que
« ce soit
« Les dames ne doibvent point aller au service de leurs marits,
« s'il ne se fait après les six sepmaines ; aussi ne font les princesses,
« mais pour père ou mère, ouy.
« Item, pour le frère aisné l'on porte tel deuil que pour père ou
" mère, et tient-on chambre six sepmaines; mais l'on ne couche
« point.
« Item, pour autres frères et sœurs, on ne porte que la barbette
« et le couvre-chef dessus. Générallement pour oncles et cousins
« germains, le mantelet ; pour issus de germains, le touret et le
« noir.
« Et est à sçavoir que pour marit on porterai demy an le man-
" teau et chapperon. trois mois la barbette et le couvre-chef dessus,
« trois mois le mantelet, trois mois le touret, et trois mois le noir,
« et tousjours robbes fourrées de menu vair ; au lems passé, on ne
'< les portoit qu'un an ; mais il me semble que pour marit on le doit
" porter deux, si l'on ne se remarie. Item, pour père et mère un
« an; pour aisné frère l'on dit un an; mais peu le portent si lon-
« guement pour aultres frères, sieurs et aullres amis", dcuiy an,
'< trois mois, si lorsque le cas le requiert
' Il faut entendre ici le rouge couunc pourpre.
2 Mort en 14;i(!.
' Les Ho}ineu'-s de in cour.
'* .< Bagne, anneau ».
■' i< PiiriMils ».
[ ItEL'IL ] — 336 —
(( J'ay veii du lems passé que Princes et Grands Nobles gens,
« ([uand on faisoil le service de leurs parens, ils avoient queue
»> d'une aulne ou de ti-ois quartiers, et les cornettes de leurs chap-
« perons aussy longues, mais maintenant l'on porte toutes courtes
« cornettes, et aussy bien les princesses que les aullres'. »
1
La barbette, ainsi que nous l'avons e\pli(|uê à l'article Coiffure,
était une bande de linge qui, passant sous le menton, s'attacliait
sur la tête en couvrant entièrement les oreilles, et sur laquelle on
posait le voile formant guimpe. Le manlcau de chapperon était un
manteau avec large cbaperon (lu'on pouvait ramener sur la tête
de manièi'e à caclier entièrement le visage. Les queues au bord
' Les Ho7Vir.'urs de la cour.
— 337 — [ DEUIL ]
devant le chappcroii étaient des bandes de fourrure (menu vair,
le gris apparent seulement) d'une paume de largeur, qui descen-
daient extérieurement le long des deux bords du manteau ouvert
par devant (voy. Manteau). Le touret était une sorte de couvre-chef
ou chaperon court (tîg. i)\ qu"on pouvait ramener sur les veux
<:-...=.•■
A
ou relever sur le front. Ce touret n'était pas seulement une coif-
fure de deuil, on en portait de couleur dans la chambre. La bar-
bette et le couvre-chef dessus, au commencement du xv'' siècle,
étaient une coiffure composée de la barbette avec ou sans guimpe
et d'une sorte de voile avec calotte sur le sommet de la tête (lig. 2)-.
Ce voile, déployé, avait la forme tracée en A. On posait la calotte
' MiUiiiscr. liihliulli. iiup( r , l'rùhes, laiiii (1.3S() cuvirou;.
- Maiiiiscr. r)ililii)Ui. iiii|H'r., Chiunn/ue-', Fruissiirt, l'r;ui(;ais (l'iiO cuviroii).
m. — 53
[ DEUIL ] - 338 —
sur hi UHe de manière que le point b fût placé au milieu du front,
puis, prenant les deux bords a a du voile, on les ramenait sur ce
point b, ou on les attachait avec une épingle.
L'étiquette réglant les vêtements de deuil pour la noblesse ne
paraît pas avoir été lixée avant le règne de Charles V. Pendant les xn" et
xni' siècles, les hommes, aussi bien que les femmes, portaient des
vêtements longs, et les vêtements courts étaient réservés à la classe
inférieure. Si Ton prenait le deuil, la forme des habits ne chan-
geait pas, et l'on se contentait de les tailler dans des étoffes de laine
sombres et de ne les point orner de passementeries. Mais lorsque,
vers 1330, on se mit, dans les classes élevées, à porter des vêtements
serrés et courts, ces habits étaient trop opposés, par lem^ coupe, à
celle qui convient au deuil ; on en changea donc la forme, et les
vêtements longs furent admis pour les personnes qui pleuraient la
mort d'un proche. Le manteau à capuchon fut considéré comme
l'habit de deuil par excellence, pour les femmes comme pour les
bommes, et ce manteau, dépourvu d'ornements, doublé de fourrure
grise avec passe-poils blancs, dut être porté pendant un temps plus
ou moins long, en raison du degré de parenté qui existait entre le
mort et les survivants. Cependant, les dames nobles portaient, après
la mort de leur époux, une coiffure qui indiquait leur qualité de
veuve'. Cette coiffure consistait en une barbette avec guimpe et
voile blanc, et n'était point quittée, leur vie durant, par les femmes
qui tenaient un rang très-élevé dans la société. Ce n'est pas à dire
que cette coiffure fût uniquement réservée aux veuves de la haute
noblesse -, mais il est certain que les reines mères ne la quittèrent
pas à dater du commencement du xiv" siècle. Un beau manuscrit de
la Bibliothèque impériale % écrit à la fin du règne de Philippe V, dit
le Long, contient une traduction de Boëce par Jehan de Meung. Cette
traduction est précédée d'une dédicace ainsi conçue : « A toy royal
« magcste très noble prince par la grâce de Dieu roy de France
« Phelipe le Quint (le Long), je Jehan de Meun qui jadis ou roraant
« de la Rose puis que Jalousie ot mis en prison Bclacueil enseignai
« la manière du cbastel prendre et la rose cueillir , etc. » Or, la
miniature qui est en tête de cette dédicace représente l'auteur Jehan
de Meung écrivant sur un pupitre; devant lui est une noble dame
' Voyez l'arliclc Coin rnr;.
- Voyez a ce sujet, ii l'arlicle Coikkl-ue . liîS rapi'éscntations de princesses coilïées
(le lii liavelte, avec voile cl guimpe, n'ayant pas la qualili' de veuves.
^ Français, coutcuant le U'vre des eschez do frère Jehan de Vignay, le Livre du gou-
venicrncnt des rois, et la traduction de lîoi'cc de .Ican de I\Ieung.
ooy — -
[ DEUII. ]
tenant sur son bras droit plusieurs livres, et clans sa main gauche
lin sceptre. Cette clame ne peut être autre que Jeanne de Bourgogne,
femme de Philippe V. Elle est coiffée de hi barbelle a\ec guimpe et
5
/
voile ou tourcl blanc (hg. rîj'. Sous sa colle rouge, elle porte le
surcot pourpre clair pourhlé et garni par devant d"hcrminc sans
queues. Il est à croire que ce livre avait été écrit du vivanl (]e
1 Ces coiffures blanches, allribudcs aux reines veuves, qu'on appela jilr.s lard rfonnf-
rières , firent donner a ces princesses, par le peuple, pour les ilistinfjucr des leiues
régnantes, le nom de reines blanches, ("est pouivjuoi on voit, en France, tant de
domaines, hôtels, manoirs, châteaux, qui ont conservé la qualification donnée à celles
qui possédai{;nl ces douiaines.
[ nouRi.ET J — H 40 --
Pliilippc V, mais que les miniaUiros, qui toujours étaient peintes
après le travail du copiste, ne furent faites qu'après la mort de ce
prince, et qu'alors, sans changer les termes de la dédicace, déjà
copiée, Jehan de Meung fit peindre, au frontispice, à la place du i-oi
Piiilippe, l'image de sa femme, qui semble avoir accueilli favora-
blement les ouvrages précédents du même auteur.
Aux funérailles du roi Henri V d'Angleterre, mort au château de
Vincennes en août 1422, on transporta le corps à Rouen, en une
litière, tout vêtu de ses habits royaux et la couronne en tête, « et
<( devant le corps aloient 80 Englois, tous d'estat et veslus de noir,
« tenans chacun une torche en leur main Et ainssi entrèrent à
« la Mère Église, compaignez de 200 autres bourgois de ladite ville,
« chascun sa torche en sa main, et tous vestus de noir '. »
Vers la seconde moitié duxv^ siècle, l'étiquette voulait que les princes
du sang se vêtissent de noir pendant la cérémonie des funérailles
du roi ; mais, après le service fait, le nouveau roi mettait des habits
de pourpre, suivant, dit Monstrelet, la coutume de France -.
DOUBLET, s. m. {doublez). C'était une sorte de chemise faite de
toiles cousues en double, et qu'on portait ou sur la chemise, ou sur
la peau. La forme du doublet ne dilférait pas de celle de la chemise ;
c'était une tunique commune aux deux sexes, que les nobles et gens
riches portaient sous la cotte, mais qui, comme la blouse, pouvait
être un vêtement unique et apparent.
Ces doublets étaient des chemises supplémentaires, chaudes, que
l'on portait en hiver ou la nuit : « Pour monsseigneur Philippe, fîlz
« le roy '\ Pour la Toussains, une robe de marbré de 3 garnemenz.
« Item, 1 peliçon couvert de cendal, et 2 doublez. Pour Nouël,
« une robe de vert gay de 8 garnemenz ^. » Les femmes en por-
taient aussi bien que les hommes : « Gille Féret, mercier, pour une
« pièce de toile de Reims, baillée audit Thomas de Chaalons, pour
« faire, 22 aunes de doublez a vestir pour madicte dame •', a 8 s.
« 6 d. l'aune, 18 l. 14 s. p. ''. » Ces doublets étaient plus amples
que n'étaient les chemises, puisque, dans un compte de 1389, il est
1 ]>. C.oclion, Chron. itormandc, chap. xl.
- Cliro7i. d'Engucrr. de Monstrelet : Louis XI à la mort de Charle'i VU.
'^ Philippe le Long.
■► Compte de Geoffroi de Fleuri, 1316.
s Blanche de Bourhon, qui épousa Pierre le Cruel.
•> Compte d'Etienne de la Fontaine, 1332.
— 341 — [ ÉCIIARPE ]
question de « 14 aunes de fine toile de Rains pour faire 7 chemises
" pour madame la Royne et 14 aulnes pour faire 2 doubles à veslir
« ladictedame K »
Il y avait aussi les doublez à armer qu'on mettait par-dessus
l'armure. (Voyez la partie des Armes.)
r^^
ÉCHARPE, s. f. {eschnrpe, eftchcrpe, escrepe, eacerpc, escher-
pettr, eskerpe). Bande d'étoffe portée en sautoir et à laquelle était
suspendue primitivement une escarcelle. L'écharpe était aussi une
marque de distinction, un moyen de se reconnaître dans une mêlée,
et plus tard un signe honorable :
'< De lîome viciuR'ut de Daiiie-Diu proicr,
•< Escerpe au eol poninic vaillaus princiers -. »
Les pèlerins portaient l'écharpe et le bourdon :
<■ Desi en Bric ne pristrcul onqucs fin,
» En mi sa voie encontre un pèlerin,
« L'escharpe au col, el poing le fust fresnin -. •>
Quand le sire de Joinville quitte son domaine pour s'embarqu(M'
à Marseille, il envoie quérir l'abbé de Cheminon : « C.is abbcs de
" Cheminon si me donna m'escharpe et mon bourdon ■.... »
Renart se déguise en pèlerin :
(. Or voit Renart ferc l'estuet,
« Escrepe et bonion prent, si muet.
'< Si est entrez en sou chemin,
'< Moult resemble bien pèlerin,
" Et bien li sist l'cscrepe au coP'. "
' Voyez le Glossaire iiublii' par Dou.'t iTAnq k la suite des ('omptes de l'nrgeiiteric
(les rois de Vranec.
- Oyier l'Ardenois, vers 5887 (xii" siècle).
^ Guillaume d' Orange, li Coronemens Looijf, édit. par M. W. .1. A. Jonckbloet, la
Haye, 1854.
' flist. de saint Louis, publ. par M. Natalis de Wailly, p. 44,
^ Roman dur en(u(l, vers l.'Mol.
[ ÉCIIARPK ] — 342 —
L'ccliarpc cl le boiii'don étaient si bien la marque distinctive du
pèlerin, (jua, quand les rois partaient pour la croisade, ils croyaient
devoir prendre solennellement ces deux objets des mains des évoques
ou abbés :
« Quant li rois ot atourné sa voie, si prist s'eskerpe et son bourdon
« k Nostre-Dame à Paris ; et li canta la messe li evesques *. »
« Li rois Richars et li baron qui avoec lui en aloient, prisent lor
« escherpes et lor bourdons, si s'esmurent, et passèrent par Pro-
« vence, et entrèrent en mer à Marselle, et syglerent tant que il
« vinrent en Sezile 2. »
Ces écbarpes auxquelles était suspendue la sacoche ou Tescar-
celle du pèlerin n'étaient qu'une courroie. (Voy. Escarcelle.)
On porta souvent des écbarpes de couleur et même armoyées, si
ceux qui les portaient étaient des gentilshommes.
Non-seulement les écharpes des pèlerins devenaient au besoin un
signe de ralliement, mais elles étaient l'occasion de vœux entre
confrères unis pour une même fin.
Lorsiiue le sire de Caumont s'en fut à Jérusalem de 1418 à 1419,
il Ut le vœu suivant : « Noper, seigneur de Caumont, de Chasteau
a Neuf, de Chasteau CuUier et de Berbeguieres, fais assavoir que
« j'ay empris de porter sur moy en devise une eschirpe d'azur, qui
« est couleur qui signifie loyauté, à memoyre et tesmoign que je le
'< vueille maintenir. Et en icelle eschirpe a une large blanche 3, à
.< croix vermeillie, pour que mieux avoir en remembrance le passion
« Nostre Seigneur. Et aussi en honneur et souvenance de monsei-
« gneur Saint George, par tel qu'il lui plaise moy estre en toute
« bonne ayde. Et hault en le targe ha escript : FERM.
« Item, se Dieux faisoit son commandement d'aucun de ceux
« de leditte eschirpe, se aucuns l'aient, chacun fera chanter trois
« messes, deux de requiem et une de nions. Saint George pour l'arme
« d'ycelluy; et moy, .XX. Et oultre ce j'ay establi et ordonné que
« se nuU de leditte eschirpe perdoit son heritaige et n'avoit de quoy
« vivre, suy tenus, là quant par luy seray requis, ly donner et tenir
« son estât sellon qu'il appartiendra ^. »
C'est donc un véritable ordre qu'étabUt le sire de Caumont, et le
I La Chron. de Rams, clia]). xxvi
- Hist. des ducs de Nonnandie et des rois d'A)i(/.'eierre, piibl. par Fr. 3Iichel. ISiO.
•* « Ecii blanc ».
* Voynige d'oultremer en J/iénisa/ein pnr le seicjn. de Caumonl, Ion 1 ilS, piihl. par
11' marquis (1(3 la (iraiii,'(', pai,'(_' Ij.
— <i43 — [ ÉPINGLE ]
signe de Tordre esl une écliarpe. On sait comment, au commence-
ment du xv" siècle, les gens du parti d'Armagnac se reconnaissaient
à une écliarpe blanche : « En ce tems (1408), les gens du duc
« Charles d'Orléans et du comte d'Armignac estoient logez par delà
« Paris ; et alors on commença fort à parler des gens au comte d'Ar-
*i mignac, pour ce qu'ils esloient habillez d'escharpes blanches, car
« on estoit encores peu vuille (on avoit encore peu vu) au pays de
« France et de Picardie de telles escharpes, et pour le nom des gens
<( au comte d'Armignac furent depuis ce tems tous gens tenans
« party contre le duc Jean de Bourgoingne, appelez Armignacs'. »
On donnait des écharpes en cadeau ; les dames en brodaient pour
leurs amis. Ces écharpes étaient parfois d'une grande valeur.
Lorsque Henri V passa k Rouen, emmenant sa nouvelle épouse Cathe-
rine en Angleterre, « la ville de Rouen donna à la dicte royne une
« escreppe d'or et riche de pierreries qui cousla 10,000 nobles - ».
Les dames portaient ces écharpes en ceinture ; les hommes les por-
taient, armés, en sautoir ou à l'entour du heaume, tombant par
derrière (voyez la partie des Armes); non armés, en guise de
ceinture ou autour du cou. Il ne faut pas confondre les escharpes
avec les manches que les hommes portaient attachées au bi'as.
(Voy. Manche.)
ÉPINGLE, s. f. [espingle, espillc). a Et s'il chiet à la dame une
(( espille, il l'amassera, car elle se pourroit affoler ou blecer ^ «
On trouve des épingles parmi les fragments gaulois ; les dames
romaines en faisaient grand usage, et le moyen âge ne se Ut pas
faute d'en mettre à profusion dans la toilette des dames, surtout
à dater du xiV siècle. La mode des voiles, des guimpes, des bar-
bettes, des cornes, exigeait une innombrable quantité d'épingles,
et c'était à Taide de petites broches faites de laiton qu'on pouvait
maintenir ces agréments de tête et de cou, et leur donner sur la
peau les plis convenables. Les épingles qu'on voit Jigurées sur les
monuments, et celles qu'on trouve dans des fouilles avec d'autres
objets du moyen âge, ressemblent exactement aux nôtres, mais sont
habituellement moins fines. On en voit de fort longues, qui devaient
servir à la coift"ure. Ces épingles, très-bien faites, sont munies d'une
tète ronde un peu aplatie, non point rapportée, mais faisant corps
I Md/it. lie Pierre de Feivn.
■ [■ . Ciiclioii. Chroni(/ue 7i'jr>n'inde, rh:)\\. xxxvii.
'■' Les Quinze joi/'i du Huiriaiye : la licrce juyc.
[ ÉPINGLE 1
- 3
44
avec le môUil de la bioche. Ces peiils objets de loilcUc devaient
coûter fort cher. Jehan de Meung, dans son Testament \ s'élève
contre l'abus des modes. Pour maintenir les affiquels de tète et
de cou :
» Mes il y a ircspingles uuu demie cscucUl'
" Ficiiios eu deux corues el eutor la touelle - »,
(lil-il.
<■ Par Diex! j'ai en mon cuer peusé maiute liée,
" Quand je véoie dame si faitement liée,
" Que sa touaillc fust a sou meutou flouée,
" (tu qu'elle éust l'espiugle dedens la char fichée. »
Aussi, ajoute-t-il plus loin, il faut se garder de trop mirer leurs
« agaiz » :
« Car )ilus puiiigueut el pei'ceiit c'orlie ue chardon. <>
Les femmes avaient des épingles d'or pour attacher les barbettes,
les guimpes, les hennins, les voiles, tourets, et certaines coiffures
1
basses portées par la classe bourgeoise (Ug. 1) ^ pendant le xV' siècle.
On voit de ces grandes épingles figurées sur des statues (voy. la
statue d'Isabeau de Bavière, déposée dans Féglise abbatiale de Saint-
Denis, et à l'article Coiffure la figure 29).
' Fin de la première nioilii' du xiV siècle.
- (( La touelle », guimpe serrée aulour du cou et de la gorge, suivant la mode d'alors.
' .Manuscr. lîihlioth. imiiér.. Miroir historial, frauçais (14'i0 environ).
— 345 — [ ESCAliCELLE J
ESCARCELLE, s. f. {escharcelle , escacel). L'aumônière élail,
ainsi que la ijoiirse el la boursette, destinée à porter sur soi l'argent
monnayé, quelques petits objets de toilette '. L'escarcelle était plus
particulièrement réservée aux messagers et aux pèlerins :
(< Si coin il sont joiaut et lii',
« EL deduisaut et euvoisiés -,
<< Si voient devant eus passer,
" La maislre rue, et avaler
" .1. garçon uiult bleu atourui
1. Qui porte .1. escacel duré
I' A .1. lion k sa çainturc ;
'■ Par devant eus, graut aléure -*,
■i Coni cil (jui a besoiug mult graut,
H Passe la rue eu avalant
■' Et s'en passe outre le granl trot,
" Que il onques ne leur dist n)ot '*. »
Âmadas reconnaît, à réquipement et à l'escarcelle de ce jeune
lionmie, un messager. Il l'arréle et lui demande d'oîi il vient. Le
varlel voit qu'il a alïaire, non à des bourgeois, mais à des cbevalicrs,
et leur répond courtoisement qu'il appartient à un seigneur :
" Qui .1. tornoieuicul a pris
« Vers .1. sien voisiu de graut ])ris ",
et qu'il porte des letttrcs de convocation à tous ses amis.
A dater du milieu du \\\° siècle, était habituellement joint à l'es-
carcelle un couteau ou une de ces dagues à pommeau el garde en
' Voy. AUMONIÈItK.
- « Causant et gais ».
■' c( D'uu hou pas ».
■' Li liontfDis d' Amadas cl. Ydoinc, vers llIGO et suiv.
III. — 44
[ ESCARCELLE ] — 346 —
l'orme de disiiiie et à laine forle, appelées miséricordes. Une escar-
lie avec couteau est représentée figure 1 ^ ; une escarcelle avec
ce
fim^'^tl
miséricorde est portée dans la figure 2 par un personnage vêtu d'un
' Miiiiusn'. lUbliolh. imprr., le Livre des merveilles du monde, franrais (dernières
aiuiée.s du xiv^' sirrle).
— 347
[ ESCARCELLE ]
ample surcot et coilTé du cliaperon blanc *. Ce surcol est pourpre
clair, et les manches justes de la cotte sont rouges avec d'épais bras-
sards couleur feuille-morte. La ceinture de Tescarcelle, maintenue
à la hauteur de la hanche droite, s'incline du côté gauche. Le four-
reau de la miséi'icorde passe dans une embrasse attachée au cein-
turon et est lixé par un bouton au-dessus de la partie ouvrante de
l'escarcelle. La figure 3 2 donne le vêtement d'un seigneur de la fin
du XIV'' siècle, avec escarcelle attachée par une large courroie au-
dessous de la ceinture du corset. La miséricorde engage le bout
du fourreau dans une fente ménagée dans le recouvrement de
la sacoche, afin de ne point s'accrocher aux vêlements. En A, on
voit comment un bouton B, tenant à ce fourreau, le suspend à l'es-
carcelle.
' 3I:uiusir. l'>ililii)lli. iiii]irr., /(' Livra de l'infoiniaciim ilcs loys, tVaiirais. avec la
sigiialui'c (lu (lue de lirrry, .Icaii (lin ilii xiV' si("'cln\
- Maniiscr. Iiililinlh. ini|M'i'., 'J'n'stiin, l':aiii;ais (lin ilii \\\'' si(''ck').
[ ESCARCELLE ] — 348 —
Ces escarcelles étaienl richement (lécorées de broderies, de bou-
lons, de perles, si elles appartenaient à des seigneurs; leur forme
était généralement carrée du bas, les côtés à peu près parallèles,
ainsi que le montrent les figures précédentes. Si elles étaient rondes
et plus amples par le bas que par le haut, elles prenaient plutôt le
nom de bourses ou boursettes à cul de villain : « Item une bourse
« (le satanin à cul de vilain, à quatre escussons de France de bro-
/.
'( deure. pourfillez de perles, et en la bourse troys boulons de
'< perles. Au dedans sont deux sceaulx pendens à une chayne, Tun
.( où est taillé un Roy séant en une chayère en son estât royal tenant
« les ceplres, et en l'autre a ung autre saphyr beslong ou est taillé
« ung demy Roy en estant (paré) tenant une espée en sa main '. ->
Ces bourses contenant des sceaux étaient de véritables escarcelles
portées en cérémonie par le gentilhomme chargé de la garde des
sceaux (fig. 4). Le noble cavalier que représente notre figure est
hivent . des joyaux de Chnries F, niamispr. r>ihlioth. inipér.. français.
— 349 — [ esclaVine j
coilTé d'un chapeau vert fourré, d\m surcot rouge avec col devant
et bordure de fourrure, perles d'or aux épaules, manches blanches
à bourrelets au coude avec pentes également blanches. Les man-
ches serrées de la cotte sont de même blanches. La housse de la
selle est violette, brodée d'or '.
Cet usage de porter les sceaux du roi dans une escarcelle, lorsque
le prince se rendait à quelque solennité, se conserva jusqu'à la lin
du xvi" siècle.
ESCLAVINE, s. f. {esclavie). Sorte de vêtement, en forme de
casaque, emprunté aux Orientaux (Sarrazinois), et que les pèlerins
' Maimscr. liiMioUi. iniix'r., Tite t^'e, français (139 o).
ESCI.AVINE
- 3o0
paraissciil avoir adoplé dès 1(3 xii" siècle. Il est cerlaiii (jue le nom
d'esclavine était donné au vêtement de dessus des pèlerins au com-
mencement du Mil*" siècle, ainsi que l'indiquent amplement les vers
suivants :
.< Charles li rois k la barbe chcuuc
<( Avoit sa robe maiutenanl clesvcstuc ;
" Uue esflaviuue qui fu noire et velue,
« Vest en son dos sans nulle arrest('Hie,
■< Son vis a taint de suie bien molue, ■
« Prent .1. cbapel de grant roe tortue,
(1 Et .1. bordou dont la pointe iert aiguë,
(( L'escharpe au col qui bien estoit couzue.
>. Fransois en rient, quant l'ont apereéue,
« Naynmes s'adoube par autel connéue.
n Nayumes s'adoube, li sire de Baivlcre,
(i De l'esclavinne qui fu grans et p'ennicre
— 3ol —
« vSou vis il taiul ilo siiic de luaisijre.
<( Andiii s'en vont parmi nue charriere,
Cl Hiiescs euz jambes, de diverse luaDiere ;
» N"i a celui qui ait sciiicUc aulicre ' . »
[ ESCLAVINE i
Ce vêtement était alors une sorte de manteau ressemblant à noire
limousine, mais avec de larges manches et un capuchon (iig. 1). Plus
tard il est taillé d'une façon moins grossière (lig. 2) et n'est plus
froncé au collet ; il recouvre les bras au moyen d'une sorte de
AL.CUlUAUmT
pèlerine en façon de larges manches - , ainsi que l'indique le
patron ((ig. 3), pour laisser les bras libres et les bien couvrir jus-
qu'au-dessous du coude. Notre ligure montre en A l'esclavine par
devant, et en B par derrière. De c en e, le corps du vêtement est
ouvert pour laisser passer les bras recouverts par les manches-
pèlerine cousues de e en f. Le vêtement est fendu devant et der-
rière, et sur les côtés de a en b.
L'esclavine conserve à peu près la même forme jusqu'à la lin
' G(ii/(lun, chanson de gi'^U', vers '.HtJ'J et suiv. [Anciens Puâtes de la France, [nilA.
sous la diri'ct. (le M. (lUi-ssard).
- Mamisrr. Ilihlioth. iiupi'r., /e Miroir hisloriul, t'ranrai-; (euvirou l:îiO].
[ ESCLAMNE ] — 3o-2 —
du \iv° siècle (lig. 4) '. Toutefois alors, les manches, quoique Irès-
auiples et taillées en façon de pèlerine, se détachent du corps de
la robe.
Ces esclavines étaient faites de grosse étoffe de laine brune ou
noirâtre, probablement de laine non teinte ; on les endossait aussi
pour chevaucher par les temps de pluie. Les femmes en portaient
en pèlerinage, et la coupe de ce vêtement ne ditïéraii pas de celle
des habits d'hommes, si ce n'est que le capuchon était remplacé par
une guimpe et un voile (fig. 5) -. Cette pèlerine est coiffée du cha-
peau de feutre fourré à longs poils, par-dessus le voile blanc et la
guimpe; l'esclavine est de couleur gris foncé, avec croix blanche
1 Manuscr. IJiblioth. iniiicr., /es Merveilles du monde, français (dernières auuucs
(lu XIV" siècle).
- Mauuscr. BiblioUi. iiiipèr., Mnoir histuriul, fraujais lliO cuvii'ouj.
— 3S3 — [ ESCOFFION j
sur le devant ; la cotte, dont on aperçoit la jupe et les manches, est
violette. L'esclavine du xv« siècle, pour les hommes comme pour
ffîto,-;,,:
les femmes, est un peu plus courte que celle du xiv" siècle, et
fendue seulement des deux côtés sous les manches, moins lonaucs
que celles des vêtements semblables d'une époque nntérieun
re.
ESCOFFION, s. m. (Juilfui-c de femme usitée de i^BO à IVIO.
(Voyez Con'FuitE.j
m. — i.i
I ESCOFI'LE
— 3o4 —
ESCOFFLE, s. m. Vètemenl de peau qu'on endossait pour aller
cil chasse :
« Ainz voiil ou bois et en rivières,
'( Et comporteul desor lor niot'fles l
<< Lor coetcs 2 et lor oscoftles 3. »
La coupe de ce vêtement avait beaucoup de ressemblance avec
i
G-...,..,
celle de Tesclavine. C'était un ample surtout avec larges manches,
I (Iros gauts.
a Coiffes.
» Le Dict. (le S. Leocade pur ('.Mutier de Coiiisi, vers 1002 et suiv. (voy. les Ccmtes
anciens i)iilil. jiur ISarbasaii, 1. I).
— [ ESCOFFLE 1
hcibituellement sans capuchon. Le chaperon créloiïe étail posé par-
dessus. L'escoffle le plus vulgaire conservait au dehors le poil de
la bête ; celui des gentilshommes était fait d'étoffe et doublé de peau
de loutre. Le beau manuscrit du Livre de chasse de Gaston Ph(ebus '
montre des veneurs vêtus de Tescoflle (fig. 1). Ce veneur est coiffé
d'un bonnet de fourrure grise ; Fescoffle est d'étoffe couleur gris de
fer doublée de peau de loutre ; le chaperon est rouge. Ce vêtement,
aisé, devait être fort commode en chasse et couvrait parfaitement
son homme. On observera que le couteau du veneur entre avec sa
gaîne dans une escarcelle terminée par un allongement destiné
à loger la pointe de l'arme à manche blanc. Les chausses sont mi-
parties, l'une rouge et l'autre noire.
2
Voici (fig. 2) un autre veneur à cheval tiré (hi même manuscrit.
Il est vêtu de l'escoflle avec petit capuclion, ce qui n'est pas ordi-
naire.
I lîibliolli. iiiiijoii , lin (lu xiV sirrl(
[ KTOIFES ] — 356 —
Les manches de ce vêtement taillé clans une étolïe verte* sont
très-amples et laissent voir la doublure de peau de loutre. La jupe
est fendue par devant, très-haut, afin de ne pas gêner le cavalier;
elle est également fendue par derrière, mais seulement pour per-
mettre d'enfourcher la selle. Le chapeau est de feutre gris, et les
longues basses-chausses, de cuir, bouclées en dehors latéralement
sont surmontées de genouillères amples , également de peau, des-
tinées à empêcher la pluie de pénétrer entre les hautes et basses-
chausses. Le cor est suspendu à la guige de cuir noir avec clous
d'argent. Une ceinture avec couteau serre la taille. En temps de
pluie, ces longues manches pouvaient couvrir entièrement les avant-
bras et les mains. On ne peut nier que cet habillement ne fût mieux
approprié à la chasse h courre que n'est celui adopté dans le dernier
siècle, et repris, on ne saurait dire pourquoi, de notre temps, par
les amateurs de ce noble exercice.
ÉTOFFES {tissus pour vêtements). Nous n'avons pas ici à faire
Ihistoire des étoffes, ce sujet comporterait une étendue et des déve-
loppements que notre Dictionnaire ne permet pas. Nous nous bor-
nerons à mentionner les étotïes employées en Occident pendant la
période du moyen âge qui nous occupe. Nous placerons en pre-
mière ligne les étoffes de soie.
Ces étotïes furent longtemps impoi'tées d'Orient. Constantinople.
Jérusalem, quelques villes grecques étaient les entrepôts de ces
étoffes, et les plus belles, prohibées à l'exportation, n'étaient four-
nies à l'Occident qu'à titre de présents diplomatiques -. Les Vénitiens
et les Juifs, dès le temps de Charlemagne, faisaient seuls le com-
merce des étoffes de soie. Jusqu'au w^ siècle, les Vénitiens possé-
daient des comptoirs à Limoges, à Périgueux, et de là répandaient
les étoffes orientales sur le territoire français et jusqu'en Angleterre.
Toutefois ces tissus, dont il reste quelques précieux fragments,
étaient d'un prix trop élevé pour être portés par la classe moyenne.
Les grands seigneurs seuls pouvaient se permettre un pareil luxe. Ce
fut au xn^ siècle, après l'expédition de Grèce par Roger, roi de Sicile,
que la fabrication des tissus de soie cessa d'être un monopole fructueux
' Les vêtements do oouleur vert clair ('taieut adoptés par les chasseurs, afin de
mieux dissimuler leur présence au milieu des bois. Dans le Livre de chasse de Gaston
IMio'hus, tous les valets de chiens sont complètement vêtus de vert, sauf les houseaux,
qui sont faits de cuir fauve.
2 Francisque Michel, Recherches sur les étoffes de soie, d'or et d'argent, pendant le
moyen ùye, t. 1. p. 63.
— 357 — [ ÉTOFFES ]
pour les manufactures de l'Orient. Ce prince amena en Sicile des
esclaves grecs, ouvriers en soie, les installa à Palerme, el leur
ordonna d'enseigner à ses sujets l'art de tisser la soie. Cette fabri-
cation s'étendit bientôt h l'Italie et gagna peu à peu tout l'Occident.
Les croisades entreprises pendant le \n^ siècle contribuèrent à ré-
pandre l'art du tissage de la soie en Italie, en Provence et même
dans le nord de la France. Un auteur dont l'autorité ne peut être
récusée, M. Amari, prétend môme que la fabrication des tissus de
soie était florissante en Sicile au temps de la domination des Arabes,
c'est-à-dire avant la conquête des Normands. Le fait paraît probable,
et les captifs amenés par Roger n'auraient fait que donner plus
d'extension à cette fabrication. Cependant M. Francisque Micbel '
combat cette opinion en s'appuyant sur ce que les émirs de Palerme
envoyèrent à Robert Guiscard des présents, parmi lesquels se
trouvaient des « pailles copertez à ovre d'Espaingne^ », S'ils recou-
raient à l'Espagne pour se procurer des étoffes de soie, c'est qu'ils
n'en fabriquaient pas chez eux. Mais ces étofïes pouvaient être plus
riches que celles tissées en Sicile. La culture du mûrier et l'établis-
sement de magnaneries sont attribués également au règne du roi
Roger, et à la fin du xn° siècle les étoffes provenant des métiers
palermi tains étaient estimées tout autant que celles d'Orient. Non-
seulement l'or se mêlait h la soie, mais les pierres précieuses et les
perles. L'une des deux tuniques dites de Charlemagne, et conser-
vées à Nuremberg, est certainement de fabrique sicilienne, et date
de l'année 1181, suivant l'inscription latine tissée dans une de ses
bandes. Les Lucquois passent pour avoir exercé les premiers l'art de
tisser la soie, après les Paiermitains, vers le milieu du xin'' siècle.
Cependant on fabriquait des draps de soie, à Venise, bien avant celte
époque, et dès la fin du xn" siècle le tissage de la soie était pratiqué
en France :
i< Ainz tissent poihis cl Ijutiis
« Et (Iras de soie à or Iwitiis,
<( Si font trop riches pav(;illons.
'i Parfoy de diverses façons ^ »
Ce qu'on ne saurait mettre en doute, c'est qu'au xiv" siècle la
fabrication des divers tissus de soie, et même du velours, était fio-
' Recherches sur les étoffes de soie, t. I, p. 76.
- L'Ystoire de H Normant, par Aim';, liv. V, eliap. xxiv, édil. ile M. ClinnipolliDU,
p. i;n.
3 Roman de Perceval, mannscr. de la liihliolli. Million.. Snppl. fr., n" 430.
I ÉTOFFES ] — 3o8 —
rissanto en France, puisque les comptes de celte époque mention-
nent des pièces nombreuses de ces étoffes commandées à des ouvriers
en drap de soie de Paris, en velours. Toutefois la matière première
devait être importée, et elle coûtait très-cher. La Provence seule, avec
ritalie, en fournissait. Parmi les étoffes de soie le plus habituelle-
ment employées ponr les habits, nous citerons le cendalei \esamit.
Le cendal paraît avoir été un taffetas ; c'était certainement une
étoffe plus légère que le samit, puisqu'elle coûtait moins cher et
qu'on s'en servait pour faire des bannières, des gonfanons et des
oriflammes. Les hommes aussi bien que les femmes portaient des
robes de cendal :
" Trestoute joi' sout nos Franc séjourné,
et Cevaus acatent et palefrois asès,
" Keubes fout faire de pailc cl de cendés ;
u Moult gcnliiii 'ul se sont fait atorner ' . '■
Le cendal était de toutes couleurs, en plein et aussi rayé de
deux et trois nuances. La nuance la plus estimée était celle qu'on
obtenait par la teinture en graine (cochenille), et qui. par consé-
quent, était l'écarlate. Cette teinture s'appliquait à plus forte raison
au samit. Le cendal noir était le moins prisé : c'est avec un manteau
de cendal noir que le roi saint Louis venait se promener au jardin
de Paris -.
Le cendal tiercelin, qu'on appela délinitivement tiercelin tout
court, paraît avoir été plus estimé que le cendal ordinaire ; peut-
être était-il plus fort. On peignait des armoiries sur tiercelin, au
xv^ siècle, soit pour des vêlements de parade, soit pour des éten-
dards. Le cendal à or battu était recouvert de feuilles d'or décou-
pées et collées sur l'étoffe au moyen d'un mordant. Le cendal était
souvent employé comme doublure, ce qui prouverait sa souplesse et
sa légèreté.
Le samit, du latin exuinittis, était une étoffe de soie épaisse, com-
posée de six tils, le plus souvent blanche, verte ou rouge, et qui
n'était portée que par la noblesse pour faire des bliauls, des robes
de dessus et manteaux. On enrichissait cette étoffe de broderies ;
« Gcntemcnt estoient parées,
» Vcstucs de saniis vermeil,
'< Ains ne vi plus ric.e appareil ■>. >.
' Hno7i de lioideimx, vers SCliS (!t suiv. (lin du xii'' siècle).
- Joinville.
•' Li Hournuns don cJuistclaùi de Coud, vers S9j (xiir sièele).
— 3o9 — [ ÉTOFFES ]
« La veist-on soiir liourduis
" Dames vestucs de saniis,
■c D"ortï-ois et de pourpres parées '. ^
" Il et tout li VermeudisiL'ii
«< Erent vestu et tuit li sien
« De saillis vers très bien ouvré
'■ Tous senienchiés d'aigle doré ;
<< C'estoient moult bel parement -. "
Par-dessus l'armure de mailles, les chevaliers porlaieiiL des colles
longues de samit dès la fin du xu" siècle :
<( Couvert fu de samit du ehief jusqu'au talon.
« Et portoit seur sa lance l'oritlambe Kallon,
Que Kalles * ot en l'ost de devant Roussillou '\ »
De ces étoiïes, les plus précieuses étaient celles que l'on expor-
tait d'Orient. Elles avaient conservé leur réputalion alors qu'on
en fabriquait depuis longtemps en Occident :
'< Et les fist au monter vestir
<i Des plus riches samit?, de Tyr
'I Que Ton pot trover pour argent-''. »
Au Mv« siècle, une cotte est faite, pour le sacre du roi IMiilippe le
Long, d'une pièce d'un demi-samit vermeil d'estke et est doublée
de cendal vermeil ''. Le samit d'estive ou d'été était évidemment un
samit léger, mais plus épais cependant que n'était le cendal. Ce qui
prouve la force du samit, c'est qu'on en couvrait les carreaux et
coussins pour mettre sous les pieds, qu'on en faisait des baudriers
et couvertures de fourreaux d'épée : « Item pour une aune de
« samit, baillé celui jour audit Nicholas, pour faire fourriaus et
« renges à espées, 32 s.' ». Les samils étaient brodés ou brochés,
dorés ou argentés à la feuille, comme Tétait souvent h; cendal.
Nous possédons encore quelques fragments de samit sur d'anciennes
couvertures et gardes de manuscrits. — On employait habiluelle-
' Li Roumans duu chastelain de Coud, vers lOlii.
- Ibid., vers 1807.
^ (-liarlemagne.
■' Gui de Nanteuil, vers 2113 et suiv. (xiir siè<:lc\
•' Méraugis de Porttesguez, publ. par M. Michelaul, p. Kl.
'■' i'ompte de Geoffroij de Fleuri/, il!'' partie. 1'" s'ctiiiu.
' Ibid.
[ ÉTOFFES ] — 360 —
ineiil le samil à cet usage. — Ces fragments ressemblent beaucoup au
satin, sauf le brillant, et sont tisses en elïet de six fils ; ils sont sou-
ples au loucher et épais. On fabricpie encore en Syrie des étoffes
absolument semblables. Le samit en gi-aine, qui paraît avoir eu le
plus de prix, était payé, d'après le compte d"Élienne de la Fontaine \
20 écus la pièce, ce qui est presque le double de ce que coûtait une
pièce de cendal -.
La chasuble de saint Thomas Becket, dont nous donnons la
description à l'article Chasuble, est taillée dans un samit violet
sombre décoré d'ornements brodés au moyen de lils d'or plats ^
La planche IV donne un détail, grandeur d'exécution, de ces bro-
deries sur la poitrine, à droite et à gauche.
Il est difficile de savoir si l'on donnait un nom spécial aux étoffes
de soie à dessins de diverses nuances obtenues par le tissu. Ces
étoffes sont tantôt appelées draps de soie, ouvrages de Damas, et
au xiv° siècle, camocas. — Conslanlinople fabriquait beaucoup de ces
sortes d'étoffes, et les fragments trouvés dans la châsse de Charle-
magne, à Aix-la-Chapelle (planche V), représentant des éléphants
dans des cercles '^ sur fond rouge, sont certainement de fabrication
byzantine. Nous citerons aussi, parmi ces étolïes, un admirable tissu
provenant d'une chasuble déposée dans l'église Saint-Sernin de
Toulouse, et qui, bien que d'une époque postérieure au précédent,
n'en est pas moins de provenance orientale (planche VI). Ce tissu a
la force et l'apparence d'un salin épais, mais plus mal. Il représente
des paons affrontés ayant, suivant une antique tradition orientale,
Vhom entre eux deux. Une inscription dédoublée comme le dessin,
est tracée sur le listel servant de sol aux paons ■. La teinture des
fils de soie de ce tissu est merveilleusement belle et bien conservée.
C'est au xn" siècle que celte chasuble paraît avoir été faite; l'étoffe
doit donc appartenir au moins à celte époque. Le suaire déposé
au trésor de la cathédrale de Sens (planche VII), qui représente des
oiseaux et des gritïons dans des cercles bleus sur fond pourpre,
avec quelques parties rouges, est un tissu de même genre, mais qui
pourrait être de fabrication sicilienne, ce que ferait supposer la
fausse inscription cufique, qui n'est là qu'une ornementation. Cet
' 1332.
2 Voyez la Notice sur iex comptes de l'argenterie, par M. Doucl d'Arc;].
^ C'est la pourpre uoirc des aiicious, jiurpiva livida.
* Voyez rcnseinble de ceUe étoffe dans les Mélanyes archéologiques, pnld. [lai' les
\\. I*. Marliu el Cahier.
•' « El I>auaca-t-el-Ka.mii,aii » (bcnédicliou parl'ailc).
Tome 3 DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS Vèltments PL 11
VioHet Le Duc dej
'■ Dtiput.'! lu h
ETOFFE DE LA CHASUBLE DE THOMAS BECRET
y' A Uorel&C'ediieurs
Tome
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANCAIS-
F.tnffe PL V
Carrcise de!
!ir! L: Dur ,l„-r- v
DE LA CHASSE DE CHARLEMAGNE
DICTIONNAIRE DU MOBILIER ERANÇAIS
Tome 3 Etoffe PI VI
Carrcss e del
Bkard, hth
CFiASUBLE
V^.^A,NIûRELetC'Tdueurs
Imp. R Engalmann Paris
Carresse del
Viollet-Le Vue dwex
SUAIRE
EBeau hlh
\r'=AMOREL«cC'^ éditeurs
Imp.R Hng^jHtfnn Pvis
Tome 3
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Etoffe PLVin
Cacre&se ici
E.Bedu Lth
SUAIRE
V^^AMOREL^C'^ éditeurs
'mp R Pnyelmrtnn P«ri.v
— 361 — [ ÉTOFFES ]
usage de placer des inscriptions dans les tissus venus de la Grèce
se perpétua fort lard. Dans la fabrication occidentale, il est fait men-
tion, dans les inventaires, d'étofîes à lettres grégeoises. Les Occi-
dentaux ne se firent pas faute de remplacer souvent Fimitation des
lettres arabes par des inscriptions latines*; mais, les étoffes impor-
tées d'Orient étant toujours les plus estimées, il n'est pas surprenant
que les fabriques siciliennes et italiennes aient reproduit long-
temps des inscriptions cutiques dans leurs tissus, afin de les vendre
plus cher, en faisant ainsi croire aux acheteurs qu'ils étaient
de provenance orientale. Évidemment, ces fabriques italiennes ne
cherchèrent, au début, qu'à faire de la contrefaçon orientale ;
et, jusqu'à la fin du xni" siècle, il ne paraît pas que, pour les
étofi'es de soie du moins, les fabriques occidentales aient tenté
d'adopter des dessins étrangers au style grec, persan et égyptien.
Un morceau de camocas déposé dans le trésor de la cathédrale de
Troyes, et qui semble appartenir au commencement du xiv" siècle,
écliappe à cette infiuence (planche VIII). C'est un beau tissu souple,
épais, fond blanc, avec dessins brochés rehaussés de fils d'or. « Pour
« ce qui est du camocas, dit M. Francisque Michel -, le prix n'en
« était guère moins élevé que celui des draps d'or, au-dessous
« desquels cependant on serait tenté de le placer dans la hiérarchie
c des tissus. On l'employait à faire des vêtements, nommément des
« corsets mais surtout des ornements sacerdotaux Il y
« avait du camocas blanc, noir semé de gouttes blanches, bleu,
« vert, rouge, violet, rayé, blondel, cendré, plombé, à couleur de
« fleur de pêcher, vermeil, avec de petits besants jaunes; il y en
« avait aussi dont les raies étaient d'or et d'argent : mais cette
« étoffe représentait plus habituellement des oiseaux. En usage
« en Orient, si l'on peut ajouter foi à Mandeville et à Clavijo, le
« camocas venait, non-seulement de l'île de Chypre, mais encore,
« selon toute apparence, de la Grèce ; du moins le terme y.a\xouy3.c,
« y était répandu, avec la signification de drap de soie ou de coton
" fabriqué à la façon de Damas. » Dans les Comptes de Geoffroij de
Fleury ^ on lit '* : « Pour 2 fourrures de menu vair, lenanz chascune
« 226 ventres, 14 d. pour ventre, pour une robe de (luamocau
' Voyez l:i rlKisulilr (lili; ili' Sailli Itmiiiiiiiinn ([ilaiiclii' III).
- Sur le coDunerce, lu /nOriadwn et l'usiKje des étu/f'as de soie, d'or cl d'argent,
t. H, I). 171.
3 l.ylG.
'• I)(,'iixi(''iiir ]iai'lir. arl . i.
III. — i(i
[ ÉTOFFES ] — 3(>2 —
« que il oL à Lions, an sacre notre père le pape » — <( Pour
« 3 kamokaus uzurez, IjroJcz dessus des armes de France, délivrez
« à Jehan le Bourguignon, le nii^ jour de décembre, pour faire une
« cote et i mantel à la royne, 8 1. pour pièce, vallent 24 1. '. »
L'étolTe brochée que donne la planche VIII ne paraît pas appar-
tenir, par le style de son dessin, à la fabrication orientale. Quant
aux pniles de Damas, bien que divers auteurs aient prétendu que
les étoffes provenant de3s fabriques de cette ville aient été importées
en Occident dès Tépoque mérovingienne, il n'en est fait mention
chez nous qu'au xiv« siècle. 11 est vrai qu'on donnait alors le nom
de paik's de Damas h des étoffes qui ne paraissaient pas avoir de
rapport avec ce qu'on appelle auj(mrd'hui damas, mais à des tissus
de suie de diverses couleurs ou brochés, à des brocarts d'or et
d'argent :
« Or chevauche le roy île Chip[ii'e,
'c Qui n'est ]ias vestuz de drap d'Ippre,
(1 Mais d'un ihvip d'or t'ait à Damas 2. n
Du reste, les textes offrent les plus étranges confusions, s'il s'agit
de désigner les provenances des étoffes orientales. Il est parfois
question de pailes d'Inde, et même d'étoffes, qui proviennent d'une île
habitée seulement par des femmes dirigées par des fées. Les étolîes
de soie changeantes sont souvent celles qui passent pour être fabriquées
par ces ouvrières privilégiées ou par des nains. Dès le xn"" siècle,
les étoffes à reliefs changeants étaient connues ^ ainsi que le marque
un passage d'Alain de Lille. Elles étaient très-communément em-
ployées, pendant les xiv" et xV siècles, dans les habillements des
femmes, et alors on en fabriquait à Venise, dans quelques villes
d'Italie, en Espagne et même en France.
Parmi ces étoffes de soie, il faut citer le siglaton, qui semble
avoir les mêmes qualités que le samit et servir aux mêmes usages :
■c Varochcr fait despoillicr environ .
'< Puis rovestir d'un riehe svslaton '•. »
' lliiil., 2*^ section, art. :i.
- Guillaume de Machau, la Prise d'Alixandre.
'■' On sait que ces niiroileuieuts variés de tous sont obtenus ]iar uue ti-anie d'une cou-
leur et une chaîne d'une autre.
^ Macaire, vers 2517 (xiir' siècle) [les Anciens l'uijtes de la France, puhl. sous la
dirccl. de M. CiUi'ssard).
— 363 — r ÉTOFFES
<' Viut à sa mère, qui clcre ol lu asoii,
i< Les liiens cope entor ol cuviioii,
u Vestir li fait .1. vciiiR'il syylalou'. >>
On en faisait des pennons :
" lirandit la haiislc clou vermeil syglnlon ^.. >•
des manteaux :
" Et le saisi au pan dou syglaton^. »
(. El lions mantiaus forrez de syglatons '•. »
Celte étolîe était d'autant plus estimée, qu'elle passait, comme le
samit, pour avoir été importée d'Orient. On en faisait aussi venir
d'Espagne :
" Et loi- donuoit grans dons, car de biens est garnie,
«. Les biaiis cevaus d'arabes, et les muls de Surii'.
« Les siglatons d'Espagne, les pales d'Auniarie-'. »
Le siglaton, comme le cendal et le samit, paraît avoir été une
étoffe unie ; les étoffes de plusieurs couleurs ou brochées sont dési-
gnées généralement par le mot paile, pesle.
Les noms de paile roé (paile ou drap de soie rayé) reviennent
frétjuemment dans les textes.
Les pailes (étotïes très-riches de soie) paraissent provenir de
l'Afrique ou plutôt de l'Egypte '' :
H Si fu vestuc d'un paille ;iutlViqiiant '. ■■
« Son elia|iel n'ierl ])as de t'estus,
« Ainz esloit d'un noir sebclin,
» Couvei-t d'un jiaillc alcxamlrin *■'. '>
' Gnijflon, vers VolS, (xiii^' sicele) {/es anciens Poi-les).
« Ibid., vers rj331.
» Ibid., vers 100!);;.
'* Ibid., vers lOloj.
•'• Li Romans d'Alixandre : Enfance d'Alixandtc, p. 'i, vers 22 (.xm'" siècle).
^ Alexandrie exportait beaueoup de ces tissus de soir.
"^ ikmtaii iT Anhri le liouignifiniin.
** fUitiiini de Veiceral ,
[ ÉTOFFES ] - 364
f
M Alixaiidi'os li rois fu levés par uiiitiii
'< Vestus d'une ccniise dcliic de lin,
« Kl {■aiici's unes cauccs de pale alixandria '. »
M. Francisqnc Michel - fait observer, avec raison, que la ville
d'Alexandrie n'était que l'entrepôt de ces étoffes, qui étaient fabri-
quées en Grèce, en Syrie, en Perse, dans l'Inde. On tissait aussi des
pailes de soie, d'or et d'argent, en Espagne, à Âlmeria (Aumarie),
ainsi que le prouve la citation tirée du Romans cVAlixandrc.
Les draps d'or de Frise étaient aussi considérés comme très-pré-
cieux. Est-il question de la Frise, province des" Pays-Bas, ou ce mot
Frise est-il une corruption du nom de la Phrygie? Celte dernière
interprétation paraît la plus probable ; car, dès le xii^ siècle, il est
fait mention, dans les romans, de draps d'or de Frise, et certaine-
ment, à cette époque, on ne fabriquait pas d'étoffes de soie et d'or
dans la Frise, province des Pays-Bas. On lit dans le Roman de Garin
ces vers :
« Mes belles filles, pensez de vous garnir
Il Des plus biaus dras que vous pourrez ehoisir :
« Venez, ça fors, deus chevaliers vcir.
« Quant celles vient ce qui lor abolit,
» Eus en la chambre montèrent por vestir,
« Vestent bliaus et pelissons bermins
« Et afublercut les mautiaus sehelius-'. »
Il y avait plusieurs qualités de ces pailes ou draps d'or, et elles
étaient désignées par des noms différents. Outre les draps de Frise,
il est question de draps d'or d'Otrante : « Noblement fut vestue
« d'un riche drap d'Octrente * » ; de Chipre, de drap d'or mathebaa
et arramas : — « Pour 12 aunes de drap d'or matbebas et
« arramas, en plusieurs pièces •• » ; de baudequins, de naques ou
nacs : « Pour 5 naques vermeus, délivrez audict Jehan, pour faire
« cote, surcot et mantel à la roine, 11 1. 10 s. pour pièce *^ » ;
I
• Romans (ï A hxandre : Message de l'amiml, p. 'i23, vers 30 etsuiv. (xiii" siècle). ^
- Des étoffes de soie, d'or et d'argent, t. I, j). 279.
^ Li Romans de Garin le Loheiain (xiii" siècle), t. II, p. 66 et 67, édition Techener,
1833.
• Li Romans de Berthe aus grans pies (xiiio siècle), p. 16, édition Techener.
*> Invent, de l'argenterie dressé en 1353 {Comptes de l'argenterie des rois de France
nu xiV siècle, par Douët d'Arcq).
'■• Compte de Geoffroy de Fleury, 1316.
— 365 — [ ÉTOFFES ]
de drap d'or d(3 Paris : « Pour 3 draps d'or de Paris, ouvrez, deli-
« vrez à Jehan le Bourguignon, le vi^ jour de décembre, pour faire
« une chappe à la Royne, qu'elle ot à l'entrée de Rains, il 1,
« pour pièce, vallent 33 1. •. » La plus chère de ces étoffes était
le drap d'or et de soie de Damas, qui coûtait 55 écus la pièce.
Parmi ces étoffes de luxe, et très-probablement de soie, il faut
citer la pourpre et Yécarlatc. Il y en avait de toutes couleurs, et ces
désignations indiquaient une qualité, non point une nuance. Il y
avait la pourpre inde, vermeille, sanguine, roée (rayée), dorée,
bise, noire, noire estellée d'or, et même blanche :
(( Cist ne semble l'autre,
(< Ne f[u"esearlate semble fautre 2. ■•
C'était donc une étoffe de prix. On fabriquait de la pourpre à Tyr,
à Venise, en 1248. Il en venait d'Alexandrie, de Gènes, d'Espagne.
Vécarlate paraît avoir été moins estimée que la pourpre. La pre-
mière était appropriée aux chevaliers, tandis que la pourpre semble
n'avoir été permise qu'aux souverains. Il est aussi question, dès le
xiv° siècle, d'une étoffe de soie appelée zatoni, et plus tard satin :
« Pour 7 pièces de veluyaux blans et yndes, des fors, 7 pièces de
« camocas blanc et de zatony ynde, etc. ^ » Le demi-satin était
une étoffe de même tissu, mais plus légère'*.
A quelle époque le velours de soie fut-il employé pour les vête-
ments d'homme et de femme? Le veluiau dont il est question dans
les romans du xni^ siècle était-il une étoffe de soie ? Il serait difficile
de répondre d'une manière catégorique à ces questions, bien qu'il
reste un morceau de velours servant de garde dans le manuscrit de
Théodulfe (vni^ siècle). Nous ne signalons, soit dans les comptes et
inventaires, soit dans les peintures, la présence du velours de soie
qu'à dater du xiv° siècle : « Pour 5 veluiaus adsurez pour faire
« une robe à nostre sire le Roy, de 4 garnemenz, que il ot le jour
« de son sacre, 15 1. pour pièce, valent 75 1. ■'. » — « Item pour
« la veille du couronnement une robe de 4 garnemenz, d'un veluiau
'« vioUct, en laquelle il y a 2 fourreurcs de menuvair pour les
« 2 surcots, tcnanz 226 ventres chascune, et unes manches de
1 Compte fie Geoffroij de Fleury, 1316.
- Méraugis de Portiesguez.
'■'• Compte d'Etienne de In Fontaine, 13.'J2.
• Voyez a l'article Joote.
■» Cojnpte de Geoffroy de Fleuri/, 1316.
[ ÉTOFFES J — 366 —
« seurcol clos tenanz 48 vontrës, et 12 ventres pour poiirniler\ »
Dans ces comptes el inventaires du xiv" siècle, on voit paraître des
velours iiides, c'est-à-dire bleus tirant sur le violet, des velours
paonnaz, c'est-à-dire couleur de plumes de paon, des velours
quoquets (?). Les miniatures de cette époque représentent très-fré-
quemment des personnages des deux sexes, habillés de velours, et,
au xvc siècle, cette étoffe ne fait que se répandre. Il y avait aussi
des velours brochés d"or : « Pour deux pièces de veluyau vert à or,
« prisiées à présent 40 escuz - ; des velours bigarrés : pour
« 53 pièces de veluyau moien de plusieurs couleurs, dont aucuns
'( sont royés et les autres plains ^ »
Il faut dire un mot des étoffes de soie légères, brochées d'or,
fabriquées dans le royaume de Mossoul, et si fort en usage pen-
dant le cours du xn^ siècle. On en faisait alors des robes de
dessous, des chemises et même des bliauts de femme ^ De ces
étoffes délicates, crêpelées, se rapprochant même parfois du crêpe
de Chine, il nous reste quelques échantillons servant de gardes,
dans le manuscrit de Théodulfe" : « On y voit, en soie pure, un tissu
canevas, couleur tourterelle clair; du foulard couleur amarante;
de la gaze marabout, couleur paille rosé ; du crêpe de Chine très-
souple, couleur bois ; du crêpe de Chine avec bordure, broché es-
pouliné, travail indien à quatre couleurs ; un tissu façonné soie,
fond foulard, couleur pourpre, avec bordure lancée grande tire;
enfin, du velours coupe-soie, couleur pourpre, reposant sur fond
sergé. » Les belles sculptures du xn^ siècle représentent, en effet,
avec une pureté d'imitation remarquable, dans les vêtements des
femmes, des étoffes qui ont beaucoup de rapports avec ces mousse-
lines et crêpes de soie. Mais, entre les feuillets de ce même manu-
scrit carlovingien, on remarque encore d'autres échantillons décrits
par M. Hedde, et qui présentent des mélanges de soie et de poil de
chèvre ou de chameau, et un morceau d'une étoffe de coton légère.
Ces tissus mélange soie et poil de chèvre, semblables à ceux que
l'on fabrique encore de nos jours dans l'Inde et en Syrie, ont parti-
' Compte de Geoffroy de Fleury.
- Invent, de l'argenterie dressé en 13.j:J {Comptes do l'argent, des rois de France,
par Doui't-d'Arfq).
^ Jbid.
'' Voy. lÎLIAUT.
^ Conservé au nnisée du l*uy ou Velay. Ces morceaux (IVHoft'es ont éié décrits par
M. Ph. Hedde, Annales de la Socirté d'agric., sciences, aiis, etc., du Pity, jimir
1837, 1838,
DICTIONNAIRE DU MOBILIER ERAINÇAIS
Toms 3
Etoffe PI [X
VioJlcL I.cduc direx
FRAGMENTS
H:rardlnh
împ R Hnq*ilm«inn Pans
— 367 — [ ÉTOFFES ]
culièrement cette apparence crêpelée que les statuaires du xii" siècle
ont si fidèlement rendue. « Une chose remarquable »>, comme le fait
observer M. Hedde, « c'est qu'en 1817, M. Bancel, de Saint-Cha-
c< niond;cn 18:20, M. Beauvais, de Lyon; en 1835, MM. Grangier
u frères, de Saint-Chamond, prenaient des brevets d'invention pour
<i la fabrication des diverses étolTes qui se trouvaient dans les
» feuillets du manuscrit de Théodulfe'. »
On sait le goût que les Gaulois manifestaient pour les étoffes
rayées et à carreaux , qui devaient ressembler beaucoup aux
étoffes écossaises de nos jours. Ces étoffes rayées de soie ou de
laine se retrouvent désignées dans les textes anciens du moyen
âge, et représentées fréquemment sur les miniatures des xn'' et
xm^ siècles. Souvent les couleurs de ces rayures (suivant la trame)
sont fondues Tune dans l'autre, blanc rosé rayé de gris bleu passant
dans le blanc, jaune-paille et rouge -.
Ces étoffes roées sont encore mentionnées dans les comptes et
inventaires du xive siècle. A cette époque aussi, la mode des étolVes
échiquelées était assez répandue, particulièrement pour les cottes
d'armes. Mais il est évident que les tissus préférés, considérés comme
les plus beaux, étaient ces pailes ou draps d'or, c'est-à-dire lissés
de soie d'une couleur et d'or. L'or formait des dessins, des fleurs
et feuillages, des rosettes et croiseltes, des roues, des animaux, des
llammes, des rayures en travers, des semis. Les miniatures des
manuscrits des xni% xiv" et xv^ siècles fournissent un grand nombre
d'exemples de ces tissus, dont le fond uni est plus habituellement
couleur pourpre clair ou foncé, ou bleu, plus rarement vert, plus
rarement encore blanc ou noir. La planche IX donne en A un frag-
ment d'une de ces étoffes de soie avec animaux d'or dans la trame '\
Ces draps d'or, ou à or battu '', paraissent avoir été en France très-
rarement composés de plusieurs couleurs et d'or, mais d'or sur
un ton uni, ou d'un ton uni sur or. En Italie, au contraire, où l'on
' Notice du M. Ilodde d6jà ciléo. Voyez aussi, a ce sujet, Recherches sur le cornmerce,
1(1 fabrication et l'usage des étoffes de soie, d'or et d'argent, par M. Francisque Miclud.
- Voyez le nianuscr. de la liibliolli. nation. , grand Psautier lalin (premières auuécs
du xiuc siècle).
•* Fragniout, trésor de la catliédr. de Troycs (xiii" siècle). Voyez aussi le rctahlc do
saint Germer, déposé au musée de Cluny.
^ On sait (|u'auiourd'hui l'or lialiiliicUeini'nl employé dans les élolli'S est composa
d'une lame d'or ini d'argeut doré enroulant en spirale un fU de soie ou de coton. Alors,
comme dans la pluiiart des étoffes orientales, l'or employé dans les tissus était une lame
d'or pur très-déliée, passant dans la trame.
[ ÉTOKFES ] — 368 —
fabriquait beaucoup de tissus de soie vers la fin du \\\° siècle, la
mode des tissus de plusieurs couleurs et or paraît avoir dominé. Le
beau manuscrit de Lancelot du Lac, de la Bibliolbèque nationale,
dont les miniatures sont dues à une main italienne, nous montre
plusieurs de ces tissus de couleui's variées, généralement sur fond
blanc. On fabriquait en France des tissus de diverses couleurs à
dater du xni" siècle, mais ces tissus n'étaient pas adaptés à des vêle-
ments de luxe ; c'étaient des étotïes de lin ou de laine (pi. X '). Le
goût pour les étoffes de soie multicolores ne parait pas s'être répandu
en France, même à l'époque où la noblesse aflkhait un luxe scan-
daleux dans ses babits, c'est-à-dire de 1380 à 4410. Ce n'est que
plus tard, vers le milieu du xv° siècle, que l'on voit, et cela très-
rarement, employer pour les vêtements des étoffes dans lesquelles
avec l'or il y avait plusieurs tons. Bien avant celte épog»e, les
étoffes de soie de couleurs diverses mêlées à l'or, et même aux
perles, semblent avoir été spécialement réservées aux vêtements
sacerdotaux. L'étole de saint Thomas Becket nous fournit un exemple
de ces sortes de tissus (pi. XI).
A dater de la fin du xni" siècle, les brochages d'or sur fond nui
sont très-fréquents. Mais c'est vers 1450 que l'on voit apparaître,
pour les vêtements des deux sexes, les draps d'or en plein ou d'or
faisant fond avec ornements rouges ou bleu foncé, plus souvent
rouge sang de bœuf.
Il serait difficile de dire si certaines étoffes et certaines couleurs
étaient atîectées aux vêtements de certaines classes en France, et
tout ce que l'on a écrit à ce sujet ne repose pas sur des données
certaines.
La couleur verte était, prétend-on, affectée, par exemple, aux
chevaliers ; mais les documents écrits ou figurés ne paraissent pas
probants, tant s'en faut. La pourpre (étoffe) était réservée aux per-
sonnes souveraines, ce qui n'empêchait pas les suzerains de porter
des étoffes d'une autre qualité. Il faut observer, d'ailleurs, que les
édils somptuaires n'ont jamais eu en France une action efficace et
durable. La mode a toujours été, chez nous, plus forte que les édils,
et la fréquence même de ces édils prouve leur inefficacité. Aussi,
à dater du milieu du xiv^ siècle, la haute noblesse avait-elle pris le
parti, pour se distinguer, de porter des vêlements armoyés. Cela était
non-seulement un grand luxe, mais donnait au vêtement une valeur
indépendante de sa richesse comme matière ou façon. Ces étoffes
1 (À; tissu L'st (lr|i()iii'vii ddr. Il provient du Irrsor de lu i-iillicMlraic de Troyes.
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Tome 3 Etoffe PL X
Carresse del
Violkt-LeVuo dwcK
FRAGMENTS
EBeau hlh
V^AMORELS^C'^ éditeurs
Imp^R EDgabnarm farx»
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Tomt 3 PI, XI.
Csrresse de/. Yjollet-Le-Diic direx* Beau hih
ÉTOLE DE SAINT THOMAS BECKET,
y2 de rexecution.
VA UoreU Créditeurs
Imp. R Bcgailm mm . Pun s
— 369 — [ ÉTOFFES ]
arnioyées étaient ou brodées à la main, ou tissées exprès. Dans l'un
ou l'autre cas, elles devaient coûter fort cher. Cette mode ne fit que
se développer jusque vers le milieu du xv siècle. Une charmante
miniature de 1430 environ i nous montre Marguerite d'Ecosse ap-
plaudissant Alain Chartier qui récite quelques-unes de ses poésies.
La jeune princesse - est vêtue, par-dessus un surcot d'hermines
et un jupon pourpre, d'une houppelande bleue semée de France, et
de son chitïre : M (voyez Houpi'Ela>'de). C'était évidemment une
étoffe tissée pour l'usage de la princesse, tandis que d'autres étaient
composées de morceaux cousus ensemble, sur lesquels les pièces
d'armoiries étaient brodées ou appliquées suivant la méthode em-
ployée encore en Orient. Les draps d'or et d'argent en plein
entraient nécessairement pour une forte part dans ces vêtements
armoyés. Quelquefois, les seigneurs se contentaient de faire broder
en semis la pièce principale de leur écu sur une étoffe d'or, d'ar-
gent ou de la couleur d'émail du champ. Des Heurs de lis, des
besants, des macles, des aiglettes ou alérions, des roses ou trèfles,
lions ou léopards, étaient ainsi semés sui' un drap d'or ou d'argent,
rouge, pourpre, noir, bleu ou vert. La mode des chiffres ou devises
tissés ou brodés en or ou argent sur des fonds de couleur était aussi
fort répandue en France parmi la noblesse, à dater du commen-
cement du xve siècle jusque vers 1460. Mais c'est -assez parler des
étoffes de soie, d'or et d'argent.
Les étoffes de laine, de poil de chèvre et de chameau étaient
non-seulement portées par les classes inférieures, mais aussi par
la noblesse, car plusieurs de ces étoffes, et notamment les der-
nières citées, étaient fines et d'un prix très-élevé. Ces étoffes de poil
de chameau, fabriquées en Orient, étaient même parfois ornées
de fils d'or formant des rayures ou des dessins dans la trame. Le
manuscrit de Théodulfe, déjà cité, conserve (luehjues morceaux
de ces tissus de poil de chèvre ou de chameau entremêlés d'or,
d'une grande finesse et souples, ainsi que nous l'avons dit plus
haut. On fabriquait aussi en Orient des tissus de coton et or, sem-
blables à ceux qui nous viennent de l'Inde encore aujourd'hui.
Nos moussehnes à chefs d'or sont une dernière tradition de cette
fabrication. Ces étoffes de coton, ([ui étaient appelées boijerant,
bogucrant, bougerant, et enfin bougran, étaient originaires de
ijQukbara en Tartni'ie. Au xiv' siècle, h' bougran était un tissu (h; lin
' M.'uiiisiT. liibliolii. iiiilioii.. Poésies d'Alain Cliarliei-.
- Ell(! iiiDiu'iil i;u 144i, k l'âge do viiigl ans.
m. — 47
[ ÉTOFFES ] — 370 —
fabriqué en Arménie, dans l'île de Chypre, el plus lard en Espagne.
Quant au camelol dont il est si souvent question dans les romans,
chroniques et comptes ou inventaires du moyen âge, c'était origi-
nairement une étoffe faite de poil de chameau, et qui par conséquent
venait d'Orient. Cependant, il y avait des camelots dont la trame
était de soie et d'or, la chaîne seule alors était de poil de chameau
ou de chèvre d'Angora. Ces dernières étoffes ne paraissent pas avoir
été en usage avant le xv* siècle. Il est fait mention dans plusieurs
inventaires de cette époque, et notamment dans l'inventaire de
Charles le Téméraire, « d'une pièce de camelot violet de soye,
a brochée d'or ». Il y avait des camelots de toutes couleurs, et cette
étoffe était estimée, puisque, en 1366, la pièce de camelot est payée
le même prix que la pièce de cendal, qui était de soie, ainsi que
nous l'avons vu plus haut*. Le camelin était aussi une étoffe de
poil de chameau dans l'origine, mais qu'il ne faut pas confondre
avec le camelot plus estimé. On le fabriquait en Phénicie, ainsi
que nous l'apprend Joinville : « Li roys me donna congié d'aler
« là (à Tortose), et me dist à grant à conseil que je 11 achetasse
« cent camelins de diverses colours, pour donner aus corde-
« liers, quant nous venrions en France-. » Il ne paraît pas que ces
camelins fussent jamais tramés de soie et d'or comme les came-
lots. Ils sont toujours cités comme une étoffe très-ordinaire. Dès le
xju^ siècle, on en fabriquait à Saint-Quentin, et, au xiv° siècle,
à Amiens, à Cambrai, à Malines, à Bruxelles, à Gommercy. Bien
entendu, ces camelins occidentaux étaient des tissus de laine. Il y
avait des camelins blancs, noirs, verts, et leurs qualités étaient
variées, puisqu'il est fait mention de camelins qui sont payés
41 et 12 s. 6 d. Faune; d'autres 24 et 28 s.
Le bureau, burel ou biiriau, était une étoffe de laine plus gros-
sière encore que le camelin : « Por buriaux et sollers achetez à
" départir à povres en nos domaines ^. » Cependant, au xn'' siècle,
dans les statuts de l'ordre de Cluny dressés par Pierre le Vénérable,
on lit ce passage : « Slatutum est ut nullus scarlatas, aut barra-
« canos, vel pretiosos burellos, qui Ratisponi, hoc est apud Raines-
0 hors, fmnt, sive picta quolibet modo stamina habent '\ » Ainsi, à
cette époque, il y avait des buriaux assez précieux pour que Pierre
1 Voyez Recherches sur les étoffes de soie, d'or et (Vargent, pendant le moijcn âge,
par M. Francisque Michel, t. \\, p. 40 et suiv.
- Hist, de saint Louis (Joiuville), [lubl. par ftl. Nat. de Wailly, \u 214.
^ Testament de Philippe lU.
* Statut. Cluniacens., ca]i. xviii.
I
I
— 37] — [ ÉTOFFES ]
le Vénérable crût devoir les interdire h ses moines. L'étamine
peinle était considérée aussi par le réformateur comme trop riche
pour être portée dans les monastères de Cluny. Cependant, Tétamine
n'était qu'une étoffe de laine légère, qui devint plus tard extrême-
ment commune. Cette étamine peinte était-elle ornée de couleurs
ou tissée de diverses nuances? Il serait difficile de décider la ques-
tion. Nous n'avons pas trouvé de traces d'étolïes imprimées occi-
dentales avant la fin du xive siècle; mais, bien avant cette époque, on
appliquait, par un procédé quelconque, des couleurs et des ors sur
des tissus de toile et de laine. Au xiv" siècle, on faisait des chemises
d'étamine : « Li, pour appareillier 10 chemises d'étamines et
« 4 braies pour le Roy, 14 d. '. »
Quant au bureau ou burel, il est certain qu'à dater du xni" siècle,
cette étoffe de laine était laissée au bas peuple. 11 s'agit de l'amour :
le C'est t'hartre qui prison soulage,
" Printenis plains de fort yvernagc ;
" C'est taigne qui lieus ue refuse,
(c Les porprcs et les buriaus use;
(c Car ausiuc bien sunt ainoretes,
« Sous buriaux ciumuc sous brunetes-. »
L'opposition que le poêle fait ici entre la brunette, qui n'était
qu'un drap fin de laine teinte, et le buriau, indique assez la grossiè-
reté de cette dernière étoffe ^ Quelques villes du nord de la France
fabriquaient beaucoup de ces étotïes de laine, de laine et lin, et de
laine et fil. A Douai, il y avait des manufactures d'une étoile fort
répandue au xni" siècle, appelée tiretaine. Les archives de celte
ville conservent un des règlements concernant cette fabrication,
daté de 124o'^ : « On fait le ban ke nus ne soit si hardi hom ne
« feme en ceste vile ki facent tiretaines en cesle vile autres ke
« boines et loials ensi com li bans ci après le devise : c'est a savoir
« keles aient deux aunes de largeur en ros ; et si facent faire l'es-
" tain (la chaîne) de lin et de caverie (chanvre), et le Iraime facent
« faire de laine ; et si ne mece (mettent) nus home ne feme boure
(( ne flocon ne laveton, ne graduise de peaus, ne cstonture batue ne
I Journal de la dépense du roy Jean en Angleterre, i:i."i!l, lliGO.
- Li Roman de la rose, parlie de Jean de Meung, vers 4342 et suiv.
^ On faisait de celle rlolfc des couvci'Uii'es de tables, d'oii nous avons pris le nom
liureav, pour désigner une table eouverte d'un tlra|i.
* lierueil d'actes des \w rt xiii" siècles e?i langue romane wallone, pi:bl. jiai-
M. Tailliar, IS'i'.l. p. 12S.
[ lîrorFEs ] — 372 —
« a balre ; cl ki onkes feroit lirelaine la u il messe auqnnes de ces
« coses, il perderoit lote le liretaine malvaise et boine tout ensanle
« et si seroit en forfait de x lib )^ Non-seulement, le ban inter-
dit dans la ville de Douai la fabrication des liretaines de mauvaise
qualité, mais aussi Timportation et la vente de tiretaines infé-
rieures provenant d'ailleurs; la fabrication par les habitants de ces
étoffes hors de la ville ; Tachât par les bourgeois et bourgeoises de
tiretaines hors de l'enceinte de Douai, sous peine de bannissement ;
la livraison de chaînes, propres à tisser, à des tisserands étrangers.
On voit par ces règlements de quelles précautions étaient entourées
les industries locales des tissus. Ces tiretaines étaient portées princi-
palement par les classes bourgeoises ; cependant, la noblesse ne les
dédaignait pas, et Joinville rapporte que Louis IX avait des liabits
de tiretaine. Mais donne-t-il cela comme une marque de la mo-
destie de ce prince?
Il y avait des tiretaines de couleur, mais habituellement cette
étoffe était de nuances sombres.
La fustaine était une étoffe de coton croisée, solide, puisqu'on
en faisait autrefois des couvertures de carreaux et aussi des pour-
points : « Pour dix aulnes de fustaine velue, fine, blanche... pour
« faire deux pourpoins pour ledit seigneur'. » La futaine était quel-
quefois blanche, quelquefois bleue ; on la fabriquait, au xv^ siècle,
à Chambéry et dans le nord de l'Italie. Elle était velue ou à grains
d'orge, comme nos basins.
Les fabriques de drap de laine florissaient dans beaucoup de villes
dès le commencement du xni" siècle, et les corporations des dra-
piers à Arras, à Reims, à Cambrai, à Rouen, à Amiens, k Paris,
étaient puissantes. La qualification de drap s'appliquait, d'ailleurs,
à certaines étolfes dont il a été fait mention. Sans parler des draps de
soie, il y avait les draps camelins, le marbré, le brussequin. Dans
les statuts des drapiers de Reims de l'an 1340, on lit : « L'on fera
« brussequins, de quoy la chainne sera de blanc filé taincte en
« escorce de nouyer, et la traimme sera de noirs aiguelins ou de laine
(i taincte en ladicte escorce. « Le marbré était un tissu de même
fabrication, mais dont la chaîne et la trame étaient de diverses cou-
leurs. Il y avait des brussequins roses. Bruxelles fabriquait des draps
d'une qualité supérieure, camelins, brunettes, marbrés, etc. : « Jean
« Prime, drapier de Broixelles, pour un marbré verdelet lonc, de
' Comiitcs tie l'iKl, Archives nalinnales.
3 — [ ÉTOFFES
« Broixelles, à faire aiulil seigneur une robe de quatre garneraens,
« fourrée de menuvair, pour la veille des Grans Pasques, 35 1. pJ. »
Il y avait le drap rayé de Gand : « Jehan Perceval, drapier, pour
« six aunes d'un rayé brun de Gant...-» Le tanné: « Jehan Peri-
« gon et son varlet, cousturiers, pour la façon d'une robe de quatre
« garnemens de drap de tanné, jà piéça achetée pour le Roy ^ » Le
drap d'écarlate et le drap violet teint en graine, le pers de Chàlons,
de Louvain, le souci et le souci de graine, le verd, le verd-gai et le
verd fin^. Pendant les xiv" et xv"" siècles, ces draps de laine étaient
portés par la plus haute noblesse, et habituellement on en faisait un
vêlement complet, chausses, cottes et surcottes, corsets, manteaux
et chaperons. Les miniatures du xiv" siècle, en elïet, nous montrent
parfois des personnages nobles vêtus des pieds à la tête d'une étolfe
de même couleur et qui paraît être de la même qualité. Celte mode
semble même avoir été adoptée par les hauts personnages : « Ledit
<( Tassin pour la façon de une robe de trois garnemens pour le Roy,
« du drap azuré acheté de Michiel Girart piéçà, c'est assavoir :
« cote, seurcot, bosse et chaperon dudit nayf (drap neuf) ; et cinq
« paires de chances, tout pour le Roy "'. »
La serge, étoile croisée de laine, paraît avoir été employée pen-
dant le moyen âge, plutôt pour faire des tentures et des couvertures
(le meubles que des habits ; cependant, il en est fait parfois mention.
Il est question de serges dans lesquelles il entre du 111, et qui parais-
sent être des sortes de tapisseries.
La toile de lin ou de chanvre n'était guère employée que pour
faire des robes de dessous (chemises), pour des doublures et princi-
palement pour composer les vêtements de dessous des armures, soit
de mailles, soit de plates. Cependant, le bas peuple se servait de
grosse toile pour faire des braies, des cottes et des chaperons. On
fabriquait des toiles fines à Reims, pendant les xm" et xiv" siècles,
à Compiègne. Il y avait la toile fine ou déliée qui servait à faire les
cottes de dessous ; les toiles de Morigny (?), la grosse toile de La-
valguion. et la toile dite « bourgeoise ».
On fabriquait aussi en Italie des étoffes de lin et soie qui étaient
' Compte ff Etietine de la Fontaine, II'' piirlic, 1352.
■^ Ibid.
^ Journal de la dépense du roy Jean en Angleterre, 13.09, 13tifl.
'* Vnycz l3 tableau dos prix de (;es étoffes k la lin du rcruoil des Comptes de l'arf/c7it.
des rois île France, par M. Doui't d'Areq.
•' J(iyr)i. lie la dépense du roi/ Je/iii en Angleterre.
[ KTOI.E ) — 374 —
fori prisses (voyez on B, pi. IX), et dont on faisait des corsets, des
snrcots, et des toiles de lin tissées de fils de diverses nuances
(planche X ').
Mais ces dernières étaient rarement employées pour les vêtements.
Ces toiles étaient désignées par le terme général de chanevacerie .
ÉTOLE, s. f. (stole). Vêlement religieux consistant en une bande
de lin blanche avec ou sans broderies, posées sur les épaules et tom-
bant par devant jusqu'au-dessous des genoux.
Un attribue plusieurs origines à Tétole, appelée souvent oraritnn
par les auteurs ecclésiastiques. La stola était, à l'époque romaine,
la robe talaire à longues manches ; Vorarium. une bande de lin que
les citoyens romains portaient autour du cou et sur l'épaule pour
essuyer la sueur et la poussière.
Guillaume Durand - dit que le prêtre met l'étole ou Vorarium après
l'avoir baisée, et l'ôte avec le même cérémonial, pour marquer la
volonté et le désir avec lesquels il se soumet au joug léger que figure
ce vêtement... Aussi, lors de son ordination, lorsque le prêtre revêt
l'étole, révêque lui dit : « Reçois le joug de Dieu. »
Guillaume Durand ajoute que les deux bouts de l'étole descendent
jusqu'aux genoux, que le prêtre la croise sur la poitrine, mais que
révêque la laisse pendre tout droit par devant.
L'étole se pose par-dessus famict sur le cou, et lorsqu'elle est
croisée sur la poitrine, elle est maintenue ainsi par la ceinture ^
Pendant les premiers siècles de l'Église, l'étole devait être de lin
blanc, sans ornements, avec une simple frange aux deux bouts. Mais
on ne tarda guère à porter des étoles d'une grande richesse, brodées
d'or et ornées de perles et de pierreries. Toutefois il est de règle
liturgique que le fond reste blanc.
La figure! nous montre un prêtre baptisant revêtu de l'étole croisée
par-dessus l'aube ^ Cette élole est blanche, semée de croisettes
pourpres et terminée par des franges.
Bon nombre de statues d'évêques des xii*" et xiii'' siècles laissent
apparaître sous la chasuble des étoles d'une extrême richesse ". Elles
' Du trésor de la caUiéiirale de Troyes.
- Rnlionnle divin offic, lib. UI, c-ap. v.
=' Voyez, k l'article Chasuble, les figures ."J et i.
'• Manusrr. liiblioth. nation., Psalm., ancien fonds Saint-Germain (xiii= siècle).
•'' Voyez, Annnics nrchéologiqucx, t. VU, ji. 14:i et laO, un choix des plus belles
étoles des xir, xiii^ et xiv" siècles, recueillies par M. Victor Gay.
— 375 — [ ÉTOLE ]
tombent généralement jusqu'au-dessus des pieds et sont terminées
par des franges.
Nous donnons, planche XI, le bout de Tétole de Thomas Beckel,
déposée dans le trésor de la cathédrale de Sens. Cette élole a 2"", 90
de longueur, et, par conséquent, descendait beaucoup au-dessous des
genoux.
\
C
t^L.OWLUUMOl.
Elle est faite d'un tissu d'or et de soie pourpre, blanche et verte.
Des perles décorent les deux palettes inférieures, dont les extrémités
sont terminées par une bordure d'argent repoussé et trois pendeloques
de même métal. Le blanc n'est donc représenté, dans cet ornement,
que par le bordé, les perles et les bords d'argent destinés à empêcher
les palettes de plisser.
Il est rare devoir l'étole terminée par cet élargissement ; habituelle-
ment elle conserve jusqu'au bout une largeur égale, tandis que le
manipule est presque toujours élargi ta son extrémité. Le manipule
de Thomas Becket, également conservé dans le trésor de la cathédrale
de Sens, est identique, comme forme extrême et dessin, avec l'étole
que nous présentons ici.
Aujourd'hui, ce vêtement religieux a conservé sa forme et sa
signification liturgiques.
Toutefois les extrémités ont pris un développement exagéré, ce qui
le rend aussi lourd que disgracieux, d'autant que ces palettes viennent
battre les genoux du prêtre en marchant ^
' Voyez, loiue l'f du Dict. du mobilier, p. 191, un fac-similé il'imo viguctlc d'iiu
manuscrit du xiii« siècle, rcprôsentaut uu autel ; uu auge pose l'étole sur le cou d'uu
personnage déjà vêtu de l'aube.
FOND-DE-CLVE 1 — 376 —
1_^
FERMAIL, s. m. [frémail). Voyez Agrafe el la parlie de TOr-
FÉvRERiE. — Le l'ermail était un des bijoux les plus fréquemment
adaptés aux vêtements du moyen âge. On avait des fermaux à atta-
cher manteaux, chapes, robes, à suspendre bourses et cassolettes.
L'inventaire du trésor de Charles V mentionne un grand nombre
de ces objets auxquels parfois il donne le nom (ïattache.
Voici la description d'un de ces fermaux :
« Une fleur de lys d'or pour fermer sur l'espauUe le soq * dessus
« dict, pesant ung marc troys onces et est ladite fleur de lys esmaillée
« de France garnye de pierrerie. C'est assavoir : au mylieu de ladite
<* fleur de lys un tres-bel ballay (rubis) à huit costes et en la pointe
« de ladite fleur de lys ung autre ballay qui est mendre et est
« à huit costez comme dessus et au pié et aux deux costés de ladite
<( fleur de lys à troys ballays ung pou mendres de ladite taille et
« autour du gros ballay. Au mylieu sont quatre ballays dont les troys
« sont carrez et ung est à six carrez, et après lesdits ballays sont
« quatre dyamans qui seront mis incontinant. Laquelle fleur de lys est
« pourfllée tout autour de quarante grosses perles -. »
FOND-DE-CUVE , s. m. Sorte de pardessus que portaient les
hommes et les femmes et qui était habituellement doublé de fourrures.
On ne trouve pas la désignation de ce vêtement avant le commence-
ment du xiv" siècle. Le fund-de-cuve parait se confondre parfois avec
la cotte hardie, ou plutôt la cotte hardie est à fond-de-cuve quand elle
atfecte une certaine forme par le bas, ressemblant assez à un cuvier.
Eustache Deschamps, dans le Miroir de mariage, parle ainsi de ce
vêtement :
« Mais au dcssouliz t';uilt t';iirc voile,
« Depuis les reius jusques au piet,
« Du cul (le riiho qui leur chiet
' Soq, sorte de nuiuleau Fcudu sur le côté (voy. Sou).
- Ribliolh. naliou., Invent, du trésor de Charles V, u» liliS de l'iuveutaire.
Otl
[ FOi\'D-DE-CUVE ]
111 — 4S
[ I-0?{D-DE-CUVE ]
- 378 -
" (ji)ulrcval connue nus Ions du cuve,
•■ IJieu fourré où elle s'eucuve ;
'■ Kl ainsi iira la niescliine
M Ciresli! corps, gros cul cl poitrine '.
Les Comptes de l'argenterie des rois de France moiilioiinont quel-
ques-uns de ces vêlements :
o
I
^< Item, pour sa robe de la veille de Noël (le roi Philippe le Long),
« d'un marbré mellé. Pour 4 fons de cuve, 380 ventres (de menu
« vair) -. »
Dans le compte des dépenses pour le mariage de Blanche de
' Euslachc Dcschanips, Poésies (fin du xiv'' sicide). Voyez C.oiiset.
- Compte de Geoffroy de Fleuri/, i;316.
— 379 — [ FOISD-DE-CUVE ]
Bourbon ', en 4353, il est fait mention « d'un demi-marbré loue de
« Bruxelles, acbalé... pour faire une cotte hardie fourrée de menu
« vair et l'autre double.
«... Pour huit aunes d'un pers azuré de Broisselles, à doublez
« ledit fons de cuve, et faire chances pour ladicte dame. » Il semble
bien ici que le fond-de-cuve n'est autre chose que la jupe de la cotle
hardie (voy. Cotte). Cependant la cotte bardie n'a pas l'ampleur
que Ton donnait au fond-de-cuve dépourvu de ceinture et non trop
ajusté à la taille.
La figure 1 - caractérise exactement, nous semble-t-il, le fond-
de-cuve de la fin du xiv'' siècle. Ce vêtement est ample, fermé par
devant au moyen de boutons ; il est pourvu de grandes manches,
et le tout est doublé de fonriiire. Souvent même la fourrure forme
une bordure assez large au bas de la jupe. Le collet haut, à la mode
du temps (4390 ou 4395), laisse voir de même un passe-poil de four-
rure. Sous ce vêtement, qui est rouge sur la miniature qui nous
sert de type, est une cotle bleue à très-longues manches recouvrant
les mains. Le chaperon est vert et les chausses sont bleues La
figure 2 donne en A la coupe de ce vêtement par devant, et en B par
derrière.
Les plis sont fixés au droit de la taille el cousus de manière à
faire que la jupe forme des tuyaux réguliers. Sous les bras, il n'y a
pas de plis, afin de ne point gêner les mouvements.
Nous donnons, figure 3, un fond-de-cuve de dame de la même
époque ^ Ce vêlement, comme celui de l'homme, est ouvert et bou-
tonné par devant, pourvu de même aussi de larges et longues man-
ches très-ouvertes, doublées de fourrure. Une ceinture basse relient
l'escarcelle et devait être fixée à la jupe au moyen d'agrafes.
Cette jupe est terminée par une découpure en façon de lambre-
(|uin, avec passementeries et glands d'oi-; les boutons sont de même
métal, ainsi que l'escarcelle.
Le chaperon est couleur jaunc-paille, le fond-de-cuvc vert clair,
et la colle à manches justes rouge. Un perlé d'or relient le chaperon
sur la tête. Mais ces fonds-de-cuve avaient parfois, pour les hommes
comme pour les femmes , beaucoup plus d'ampleur el tombaient
jusiiu'à terre. C'était alors un vêlement qu'on ne portail qm; dans
' Archives nation., rcg., cole K. 8.
- Manuscr. Bihliolli. nation., Tite-Live, IVaurais (i;59o environ).
^ Même manuscrit.
[ FOND-DE-CUVE ] — 880 —
rintérieur des appartemcnls, chez soi ; une sorte de robe de chambre
parée.
Les personnes de haute noblesse de l'un et l'autre sexe se per-
mettaient seules ce vêtement, taillé alors dans ties étoffes magni-
rKjues,
o
Le Livre de cliaxxe de Gaston Phœbus * montre ce seigneur don-
nant des instructions à ses veneurs. Il est vêtu d'un long fond-de-
cuve (fig. 4) d'étofïe bleue brochée d'or, doublé de menu vair. Le
chaperon est, comme toujours, séparé de ce vêtement et est rouge.
Une collerette de linge festonnée empêche les bords du chaperon de
' Manusci'. liiljlioUi. luitioii., traiu;ais (tiu du xivP siècle).
DICTIONNAIRE DU MOBILIER ERANCAIS
Tome 3
FAoffes PL XII
Viol ht Leduc Jfl
Iwpuis lllh
i.'uN VETEMENT DU C'U^E KOlX 'AIV^::)ihc:LE
V^'-AMORELetC'Editeurs
mp. R Ttng«lm«inTi Pari»
— <^81 — [ FOND-riE-CUVE ]
loucher la peau, et un collier composé d'une torsade d"or cache la
joinlure du chaperon et du foad-de-cuve. Une escarcelle de cuir noir,
avec clous d'or et coulel à manche d'ivoire, est suspendue à une
ceinture lâche. La planche XII ligure rétolîo, d'un beau dessin, com-
posant ce vêlement. Le fond-de-cuve est ici fendu devant et derrière,
[ FOunuunE J — 382 —
du bas jusqu'à la liauteur des cuisses, pour permettre de monter à
cheval, si besoin est, bien que ce vêtement ne soit porter qu'acciden-
tellement par les cavaliers. Les plis du bas étaient maintenus réguliers
par une ceinture intérieure, et c'est celte régularilé des plis tombants
. qui fait désigner cet habit comme un fond-de-cuve.
Ce vêtement pouvait se confondre souvent avec le surcol; nous
aurons l'occasion de revenir sur ses variations (voy. Surcot). On lui
donnait aussi le nom de cloche.
FOURRURE, s. f. Les fourrures étaient d'un usage général chez
la noblesse dès les premiers siècles du moyen âge. L'hermine, la
martre zibeline, le gris (petit-gris), le menu vair et le gros vair
étaient réservés aux princes et aux seigneurs de haute naissance.
Les fourrures les plus ordinaires portées par la petite noblesse et la*
bourgeoisie étaient l'écureuil, le bièvre, la genette, l'agneau noir,
le lièvre, le renard. Les gens du peuple portaient des fourrures
d'agneau, de chat, de loup, de chèvre, de chien, de blaireau, etc.
L'hermine était la plus estimée de toutes ces fourrures ; on la
portait avec ou sans queues, c'est-à-dire toute blanche ou ornée
symétriquement des bouts noirs de la queue de l'animal, ou de
poils d'agneau noir pour y suppléer. L'hermine était fort employée
en létices, c'est-à-dire en bandes minces qui servaient à pourliler les
vêtements en manière de passe-poils. Il est question souvent, dans les
comptes, de ces bandes ou létices.
Le vair provenait d'un petit animal assez semblable à notre écu-
reuil, vivant dans les climats septentrionaux et dont le dos est
gris et le ventre blanc. Quand on n'employait que le dos, la fourrure
était désignée simplement sous le nom de gris. Quand on employait
le ventre et le dos arrangés symétriquement en échiquier, c'était le
menu vair ou le gros vair, qui semble, par le prix qu'on le payait,
n'être autre chose que du vair d'une qualité inférieure. Quand on
doublait avec le ventre seulement, on obtenait une fourrure d'un
blanc un peu gris, moins éclatant que n'est l'hermine. Il est sou-
vent fait mention, dans les habits des xni° et xive siècles, de ventres
de vair. Mais il est possible que les comptes, en signalant les ven-
tres du vair, aient entendu toute la fourrure de l'animal ; car les
miniatures des manuscrits représentent très-fréquemment des dou-
blures fourrées alternativement gris bleu et blanc, c'est-à-dire de
menu vair.
De la martre zibeline on fourrait surtout des collets, on faisait des
bordures de robes, on doublait des chapeaux. Cette fourrui-e a tou-
— 383 — f FOURRURE 1
jours élé fort rare. Du bièvre, qui n'est autre chose que le castor,
ou plutôt la loutre, on faisait des chapeaux, et l'on fourrait aussi
des chaperons, des camails, ou de petits vêtements. L'écureuil roux
était fort employé pour fourrer des pelisses et manteaux. L'agneau
noir servait au même usage; c'était une fourrure peu estimée.
Joinville rapporte que le roi saint Louis ne portait, au retour
de sa première croisade, que des vêtements fourrés d'agneau noir,
voulant ainsi donner l'exemple de la simplicité dans les liabits. La
genette , espèce de civette , donne une fourrure grise mouchetée
de noir ; il en est de noires et de brunes tachetées de noir : c'est
une fourrure dont il est fait rarement mention.
La toison d'agneau était souvent teinte de pourpre, et on lui don-
nait alors le nom de sa couleur.
On ne\saurait croire aujourd'hui au luxe des fourrures employées
dans les habits pendant les xnP et xiv^ siècles. Non-seulement les
grands seigneurs faisaient fourrer les habits de dessus, mais ceux
de dessous. Ce qu'on appelait une robe, de la fin du \nf siècle au
commencement du xv^se composait de quatre et môme six vêtements,
tous fourrés.
En 1316, Philippe le Long eut, pour les fêtes de Noël, deux robes,
dont une était de sept garnements, c'est-à-dire composée de sept
vêtements, tous fourrés demenuvair. De ces sept vêtements, quatre
pouvaient être portés à la fois, trois étaient de rechange. En voici
le détail :
1" La houce (ou fond-de-cuve) et ses ailes (c'est-à-dire
ses manches), pour le tout. ....... 356 ventres.
2° Le manteau 300
3° Le surcot ouvert 226
4" Un premier surcot clos, compris les manches . . . 298
5° Un deuxième surcot clos , id. ... 298
6° Deux chaperons ensemble 120
Total 1598 ventres.
Quand les vêtements n'étaient ni fourrés ni doublés, on les appe-
lait sengle (du latin singulus). C'est le très-petit nombre qui se
trouve dans ce cas K Nous indiquons, dans chacun de nos articles,
les fourrures qui doublent les vêlements, il n'est donc pas nécessaire
de nous étendre ici sur ce sujet. Les édits sompluaires tentèrent
vainement de mettre un frein à celte mode ruineuse. Les petites
• Voyez lii Notice sur les comptes de l'argenterie, par M. Douët d'Arcq.
[ FHEISEAU J — 384 —
bourgeoises, à la fin du xiv° siècle, porlaienl des surcots et des peli-
çons doublés de menu vair tout comme les grandes dames, malgré
les édits royaux. Aussi Tinduslrie et le commerce des fourrures
étaient-ils llorissants dans les grandes villes du royaume.
Les bourgeois étaient généralement plus modestes que leurs femmes
et ne portaient guère que de l'écureuil et de l'agneau.
Pendant les xr et xn° siècles, les religieux de Cluny portaient des
vêlements fourrés. Cet abus leur fut reproché à plusieurs reprises,
et notamment par saint Bernard. Ce luxe disparut en partie des
couvents, lorsque les ordres mendiants s'établirent en Occident.
Toutefois Taumusse conserva la fourrure dans beaucoup de monas-
tères.
Il ne parait pas que, pendant le moyen âge, on portât des habits
dilTérents suivant les saisons. S'il faisait froid, on ajoutait un ou
plusieurs vêtements à ceux de dessous ; s'il faisait chaud, on les lais-
sait de côté. Ce qui n'est pas douteux, c'est qu'on portait, pendant
les xni" et xiv'' siècles, des vêlements fourrés aussi bien Tété que
l'hiver: on se contentait d'en diminuer le nombre si la clialeur était
grande. Dans le Lai de Lmival, nous voyons la fée que la chaleur du
jour oblige de quitter son manteau doublé d'hermine. On pourrait
citer maint exemple de faits semblables.
Ce n'est guère qu'au xvi'^ siècle que l'on commença en France
à porter des habits d'élolïes ditïérentes suivant les saisons, et encore
n'est-ce point là une habitude adoptée généralement comme elle l'est
de nos jours.
FREISEAU, s. m. Le freiseau est un peigne-ornement de lête.
On trouve très-rarement ce mol employé ; et en elTet le peigne,
ornement de coilïure, ne se rencontre guère dans les monuments
du moyen âge, cl paraît appartenir seulement au xii" siècle. L'his-
toire de Mariette, si bien racontée dans la Chronique des ducs de
Normandie ', mentionne la toilette de celte jeune lille :
« Son genl cors aveit bel vestii.
« A ce aveit mult euteadu,
« Cum d'une mult bêle chemise
« Et sus d'une pelice gi'ise,
'< Blanche, IVesche, lée, sanz laz,
« Seaulc au corset mieux as bra/. :
' Dvvninents inédits de l'hi.'^toire de France : C/tron. îles ducs de Nurniandie, vers
3l;jiU et suiv.
OOO —
[ FIŒISEAC ]
« S'out afublé un cort niaulul,
>i A li niult coveuable e bel ;
'< Bcmlc sou clief, qu'ele out iniill hlui '
'1 Et duut ele u'aveit poi,
•< D'une bende lascbeitement
<( Od uns frciseaus de fin argent - ;
•< Seuz seie lier est si montée,
« Ne sai si bcle riens fust née. »
Nous avons vu, à l'arlicle Coiffure, que les femmes, vers le milieu
du xii° siècle, séoaraient leurs cheveux des deux côtés de la lêle en
deux longues tresses ou queues entourées de rubans. Ce genre de
coiffure laissait voir naturellement une raie médiane, du front à l'oc-
ciput. Lorsque les femmes portaient un cercle de métal, les deux
I
souches des nattes étaient serrées et maintenues, mais si elles ne
pouvaient adopter celte parure de tête réservée aux personnes
nobles, elles se contentaient d"tin simple ruban, d'une bandelette
d'étolTe laissée lâche, tombant sur le front, et il fallait retenir les
deux souches des nattes ou queues par un peigne, autrement ces
deux coques auraient promptenient produit un mauvais effet. C'est
le freiseau qui est terminé par des grains d'or ou d'argent visibles
au-dessus de la tête comme une sorte de nimbe très-fré(piemment
ligure dans les vitraux et sur les miniatures de cette époque (dg. 1).
Ce genre de coilTure des femmes disparaît à la (in du xii* siècle, avec
les longues nattes latérales ^ (voy. Coiffi.he).
I ■< Blond. .,
- ■< Entoure ses cheveux blonds aboudants d'un i);nidcau làehe, avec nu i>eigue d"ar-
>< gent tin. »
■^ Dans le [lalois borriilion. ou donuc cncoio le nmii dr frélciiux aux pcigii"iirs de idianvre.
m.
'.9
FROC ] — 386 —
FROC, s. m. Vêtement de dessus des religieux. On a donné au
1
'•^^Mor.
\
l.
387
[ Fitnc ]
mot froc une sisniUcalion générale, désignant ainsi l'habit des reli-
gieux réguliers. Mais le froc est une longue et large robe avec
amples manches , que les bénédictins portaient , notamment au
chœur, pendant Thiver, et sur laquelle on pouvait encore endosser
la cagoule ou scapulaire (voy. Cagoule). La figure 1 nous montre
deux clunisiens velus d'un froc noir ', et la figure 2 un de ces reli-
gieux dont les manches tombantes couvrent entièrement les mains
^ks.
1
1
f
~1>
ri mmbs^
>
^m
et peuvent même servir de manchons ^. Cette excessive longueur
des manches ne persiste pas pendant le xni^ siècle ; celles-ci con-
servent cependant beaucoup d'ampleur. Le froc est alors mieux fait
à la taille, mais tombe jusqu'à terre. Voici (fig. 3) des bénédictins
vêtus de frocs tels qu'on les portait à la fin du xni^ siècle '. Le froc
devait être fait d'une étolTe de laine \ A l'origine des établissements
bénédictins, le froc n'était autre chose qu'une ample aumusse qui
' Mauuscr. Bililiolli. ii:it., LiUo g . et Chron.chmiac., f. Saint-Martin, latin {\W si(^clc;.
- Mcnic manuscrit.
■^ Manuscr. de la liibliotli. du sominairc de Soissnns, les Miracles de In Vierge
(environ lliOO),
* Frot, en vieux noruiaml, est une étoile grossière.
[ GANACHE
388 -
couvrait la tête et les épaules par-dessus la robe. Peu à peu ce vêle-
ment s'allongea, et l'on y dut alors adjoindre les longues raanclies
que représentent les figures 1 et 2. Pour travailler dehors, les moines
ôtaient le froc et endossaient la cagoule ; pour les exercices reli-
gieux, ils remplaçaient le froc par la cucule (voy. ce mol), qui
n'était qu'une sorte de dalmatique avec capuchon. Bien que l'étolTe
dont était faite le froc fût grossière, elle n'était pas lourde ; non-
seulement les monuments tigurés indiquent que cette étoffe était
souple, mais il est souvent question d'étamine pour faire des frocs
de moines : or l'étamine était et est encore une étoffe de laine
légère et souple. Le camelin était également employé à cet usage
(voy. Étoffe).
GANACHE, s. f. {garnache, cannche). Robe d'homme d'une forme
i
Ali
k
particulière, qui se mettait par-dessus le surcol, et qui ne corn-
- 389 — [ f.ANACIlE 1
mence à être de mode que vers le commencement du xive siècle :
'< .... Pour fourrer une canache d'escarlatte pour le Roy, une four-
« rure de menu vair de 386 ventres '..... » La ganache faisait
partie, au milieu du xiv" siècle, de ce qu'on appelait une robe.
o
c'est-à-dire un vêtement complet. « Pour fourrer une robe de
« 6 garnemens 2, qu'il ot (le roi) le jour de la fesle de Granz Pasques;
« pour les 2 seurcos et la ganache, 3 fourrures de menu vair, tenant
« chacune 386 ventres ; pour manches et poingnez. 60 ; pour le corps
« de la houce, 440 ventres ; pour elle, 96 ventres ; pour languetes,
' Compte d' Etienne de la Fontaine (1352).
■^ C'est-k-dire do six pièces de vùlcinenl.
[ GANACHE ] — 390 —
« G ventres; pour le chaperon, MO, et pour le mantel à parer,
« 442 ventres ' »
Ce vêtement possède des manches formant pèlerine, avec large
ouverture sous les aisselles ; il est sans collet, mais le passage du cou
est accompagné de deux pattes retroussées eu haut de la poitrine.
II est généralement fendu des deux côtés, du haut de la cuisse au
has de la jupe, qui ne descend guère qu'à mi-jambe et souvent à la
hauteur des genoux. Le camail du chaperon est pris sous l'encolure
.-'/ Ca/ll/K/MO
'77
de la ganache. Ce vêtement est certainement un des plus commodes
et des plus gracieux parmi ceux que le xive siècle a su perfection-
ner. On le voit apparaître dès les dernières années du xin* siècle, et
il était porté par la noblesse aussi bien que par la bourgeoisie ; mais
avant cette époque, c'est-à-dire dès 1270, les hommes portaient un
surcot qui avait dû servir de point de départ à la ganache. Alors,
comme aujourd'hui, il était peu de vêtements très-francs dans leur
coupe, qui ne fussent la conséquence d'une suite de tâtonnements.
Ainsi, l'origine de la ganache se trouve dans cette robe si fréquem-
ment portée vers la fin du xm" siècle (fig. 1) 2. Ce jeune clerc —
car c'est un clerc — porte une robe violet clair doublée de vert.
Cette robe n'est pas fendue sur les côtés, mais seulement par devant,
du bas à la hauteur des genoux ; les manches forment deux larges
' Compte d'Etienne de la Fontniiie (1352).
^ iVIanuscr. liiblioth. nation., J triage du monde, fran(.'ais (1270 environ).
— 391 — [ GANACHE 1
entonnoirs renversés, mais sont séparées du corps de robe et n'y
tiennent que par les entournures. Le capuchon, de même couleur
et fourré, tient à la robe, (|ue l'on enfourmait par le bas comme une
chemise, l'encolure étant assez hirge pour laisser passer la tête
(voy. Surcot).
La ganache est bien caractérisée dans les monuments du com-
mencement du xiv-e siècle. La figure 2 nous la montre complète i,
avec ses manches ne couvrant que les arrière-bras, manches cousues
latéralement au corps de jupe, avec longues ouvertures pour passer
facilement les bras, ainsi ipie l'indiipie la ligure 2 bis. Le cluipcron
' Des has-roliufs do la cloliir/ du ilinMir de la cuthôdralc de l'aris (l;f2l) eiivin)ii).
GANACHE
39i^
est séparé , reloua sous l'ouverlure , laquelle esl garuie de deux
pâlies retroussées qui permellenl de la fermer hermétiquement.
Mais ce n'est là qu'une tradition, prétexte d'un ornement, car on
voyait sur ces deux retroussis la doublure de fourrure : c'était la seule
partie oii elle fût apparente. Ces pâlies prennent plus de développe-
ment quand le vêlement appartient à un grand seigneur. Ainsi, dans
le Livre de IHn formation des princes ' , on avait représenté le roi
AL . CUiLL A ijMO T.
rSO
JOi
Charles V vêtu d'une ganache bleue fleurdelisée d'or , doublée
d'hermine, avec longs revers sous le camail du capuchon également
doublé d'hermine, lequel camail pose sur l'encolure de la ganache
(tig. 3). Mais alors (vers 1370) les manches de la ganache sont plus
amples et sont cousues le long du corps de robe, ainsi que le montre
la figure 3 ; les bras passent par une ouverture ménagée en haut de
celle couture.
Les ganaches poilées par les grands seigneurs à celte époque sont
longues, tombent jusque sur les pieds, et ne laissent plus voir la cotte
de dessous, comme dans l'exemple (tig. 2).
' MiiQiiscr. l>il)li()lli. uiiliuu., tViiuriiis (1370 environ).
- Maniisc,;'. r)itiliolli . niilioii . . A- Miroir kistoiial , tV;iiic;iis, vigucllus .';ris!lillcs.
— 893 — 'l ganache J
La figure 4 présente la coupe de ce vêtemenl étendu, en A par
devant et en B par derrière. On voit en C comme sont taillées les
manches qui sont jointes au corps de robe de a en b, habituelle-
ment plus échancrées par devant que par derrière, pour ne pas gêner
la ployure du bras. L'encolure s'ouvre de d en e, afin de faciliter le
passage de la tète, et cette ouverture est fermée par des agrafes.
Les revers f ne sont là qu'un ornement destiné à faire paraître la
fourrure, dont le vêtement est entièrement doublé. Ces ganaches
mêmes, très-longues et amples, sont généralement fendues latéra-
lement de ^ en /i.
S
l AfL\
Vers la fin du \i\^ siècle (1390 à 1395), les manches de la ganache
descendent jusqu'à moitié des avant-bras, sont amples à l'avenant.
D'ailleurs, la coupe du vêtement est toujours la même (lig. 5 ').
Une très-bonne statue, petite nature, déposée dans le musée
d'Avignon (fig. 6), indique de la manière la plus claire la coupe des
manches de la ganache de la seconde moitié du xiv" siècle. En A, on
voit que ces manches pèlerines, souples, recouvrent entièrement le
bras lorsqu'il est ployé. En B, la jonction de ces manches pèlerines
avec le corps de jupe est parfaitement indiquée. Le détail C montre
le capuchon avec le camail par derrière. C'était la doublure fourrée
du camail (jui était apparente autour du cou, comme dans la ligure 4.
' .M;uiusci'. Uihl. uaLiiHi.. Miroir hislvridl, tViiiiruis (l.T,).') (îiivirmi).
III.
.■iO
[ GANACHE ] — 394 —
Ce vêtement disparaît ù la lin du xiV^ siècle et est remplacé par
les peliçoiis, manleh, garde-corps, cloches, goiielles, robes four-
rées, etc., habits de dessus, moins commodes et surtout moins
gracieux.
V
V.
La ganache était une de ces traditions des beaux et simples
vêtements du xni° siècle, qui ne dépassent pas l'année 1400. C'est
à dater de 1410 environ que les vêtements de dessus des hommes
sont, ou ridiculement étriqués, ou d'une ampleur exagérée et d'une
coupe compliquée, s'accordant mal avec les formes du corps.
— 39S — [ GANT ]
GANT, s. m. (gnant). II ne paraît pas que Ton portât des gants
pendant l'antiquité romaine, bien qu'ils fussent usités en Asie. Les
gants semblent être une importation byzantine. Peut-être les popu-
lations du Nord qui envahirent les Gaules en portaient-elles, car
c'est un vêtement dont il est difficile de se passer dans les climats
septentrionaux, et il est à croire que les guerriers francs mettaient,
pour se préserver du froid, de ces gants appelés wîow/?es; peut-être
même ces étuis grossiers, dans lesquels les doigts de la main plon-
geaient comme dans un sac, sauf le pouce, étaient-ils en usage chez
les Gaulois.
Le mot wantus appartient à la basse latinité, et peut venir du
vieux mot Scandinave vottr, d'où le suédois a fait liante. Le mot
espagnol guanto aurait une étymologie dans le wisigoth .
Dès le vni^ siècle, les textes mentionnent des gants parmi les
vêtements des personnages importants '. Dans la Chanson de Roland,
il est fréquemment question de gants :
(c Li empereres li tent sun guant le destre - . . . »
et le gant est donné comme gage :
« Liverez-m'eu ore le euant e le bastiin •^. »
'c Diinez-ni'en, sire, le hastun e le guant,
« Et jo irai al Saraziu en Espaigne,
» Si'u vois vedeir alques de sun semblant •. ■
<i Ço dit li reis : c Gucucs, venez avant ; AGI.
« Si recevez le batun et lu guant ». »
Donner le gant et le bâton, était alors confier une mission de
confiance, une autorisation de représenter le donateur.
Frapper du gant, était une insulte, un déll à outrance dès l'époque
carlovindenne :
" Et il si list scîMz dcniurer ;
'. Le clief armé, soi' sou destrier,
' Voyez du Cangc, G/oss., Wantus.
* La Chanson de liolimd. sir. xxv (xir siècle).
s Str. XVII.
'• Str. XIX.
•'• Sir. XXIV.
f f.AM- ] — 396 -
« Aiiiz iiiii' le (lui- iiraisnnast
■< Ne que de ricii od lui parlas!.
" L'a de ses ganz deus feiz f'eni.
» Eissi que plusiir l'uiit veu '. "
On donnait son gant comme gage de combat, et cet usage s'est
conservé, jusqu'à la fin du wi" siècle, parmi les gentilshommes.
Nous ne nous occupons ici que des gants faisant partie de l'habil-
lement civil. Dans la partie des Armes, nous traitons du gantelet et
de ses analogues.
Les évêques portaient des gants de soie brodés dès avant le
xn" siècle. Quelques trésors d'églises possèdent encore de ces objets
faits d'une sorte de tricot et ornés sur le dos de la main d'une bro-
derie d'or ou de couleur, représentant une croix dans un cercle, ou
un agneau, un monogramme, ou tout autre symbole sacré. Guil-
laume Durand 2 dit que i'évcque doit couvrir ses mains de gants,
afin que sa gauche ne sache pas ce que fait sa droite; que le gant
doit avoir à son extrémité un cercle d"or. Il dit que les gants doivent
être sans coutures, ce qui peut s'admettre pour des gants de tricot ;
mais il ajoute, un peu plus bas, qu'ils sont faits de petites peaux de
chevreau, pour la confection desquels les coutures sont nécessaires
cependant. Il dit aussi qu'ils seront blancs pour symboliser la chas-
teté et la pureté, mais il en existe qui sont violets, pourpres, verts.
Au xni'' siècle, les gants faisaient partie du costume des per-
sonnes des deux sexes, qui prétendaient être mises convenablement ;
et ce n'était pas là un privilège de la noblesse. Dans le Roman
(TAmadas et Idoine ^ on lit ces vers :
'1 Si virent loing venir trotant
■< PJueoutr'ens .1. vallet k pi('',
1 Bien parlant et bien afaitié.
•K D'une soie vermeille en graine,
•< La milleur qu'onques fust de laine,
'< Avoit cote niull envoisie
« Large, si faite et si taillié,
« Qu'à niervellcs li avenoit.
" IVlantel de mcisme avoit,
'c Fourré d'un porjjrtî cendal cier,
« Pour tost aler et plus legier,
' Chron. des ducs de Normandie, vers 33397 et suiv. (xii*" sièrle)
- nationale divin, offic, lih. III, eap. xii.
s Publi''' par M. Hippeau (xiii'" sièele), vers IC'fi et stiiv.
397 - r GANT ]
« Et poui' le (;aul qui l'ol grcvô
Il Avoit mis et envolepi'.
Il Environ son cliief, son niaulcl.
'< Eu sa uiain [)oi't(! .1. bastoucel,
« De couleurs et d'or trop hicMi paiiil,
<i Et au tissu qu'il avoit (;aint
« (U une lioiste de briés plaine.
■ De tost aler forment se paine.
'1 Bien pcrt qu'il a besongno grant ;
« Pour le eaut du solct ardant,
« A garandir ses beles mains,
'i (lom cil qui n'est mie vilains,
« ()t un hlaus gaus de Casliaudun '. »
Dans le Compte d'Etienne de la Fontaine^, on tronve un Ions
article mentionnant les fournitures de gants faites pour Monsei-
gneur le dauphin et pour ses compaignons, « payées à Mace le
« Boursier, gantier du Roj ». Or, ce compte porte :
Paires de gants de chevreau et de canepin ... 6
— — tannez — ... 2
— — de lièvre — ... 102
— — petits (c'est-à-dire légers) ... 48
— — de cerf pour fauconniers. ... 6
On faisait aussi des gants de toile, de laine. 11 en était de longs,
à boutons : « 48 boutons d'or pour deux paires de gans de chien,
'< couverts de chevrotin, garniz au bout de 4 boutons de perles \ »
Les gants de fauconniers ou d'oiseau étaient faits de peau de cerf
ou de cuir de buffle, et il est question souvent de la fourniture d'un
seul gant. Il y avait des gants parfumés : « Ganz faiz de chevrotin,
'< courroiez en pouldre de violette \ »
On tenait ces gants à la main, et les miniatures des xiV et
xv° siècles représentent souvent des personnages dans celte atti-
tude. La figure 1 * nous montre le roi Philippe le Bel assis sur un
trône en forme de pliant, suivant la tradition, et tenant ses gants
blancs à la main droite.
' Il est fait mention plusieurs fois di; fiants blancs de Cliàteauduu dans les ilucumcnls
du xiii" siècle.
2 1352.
:* Compte de 13:i2.
'' Voyez la Table des mots techniques k l'art. Cans, Comptes de l'argent, des rois de
France, publ. par M. Douët d'Areq, tS.'il.
o Mannsrr. nibliotli. nat., Apologues, latin (conimencemenl du xiV siècle).
[ GANT 1 - 398 —
Les gants forts pour la chasse, faits de peau de daim ou de cerf,
étaient habituellement doublés de soie et avaient des gardes assez
grandes, couvrant bien le poignet. Les gants souples, au xni'' siècle,
étaient de trois sortes. Les premiers étaient courts et s'attachaient
au poignet par une agrafe, un ou deux boutons. Ces gants étaient
portés dehors, généralement pour monter à cheval. Les autres
^1
étaient longs et recouvraient le bas des manches. Ces longs poi-
gnets étaient entaillés en biseau, formant ainsi une sorte de patte
pour faciliter l'entrée de la main lorsqu'on tirait sur celte patte
(flg. 21), ou coupés droit (fig. 3 2). Ces canons de peau souple, assez
larges, plissaient sur le bas de la manche et empêchaient l'air de
frapper sur le poignet. Les gants courts passaient dans une sorte
d'entonnoir, qui terminait souvent alors (vers 1270) les manches
justes de la cotte, ou sur des mitaines attachées au bas de ces
' D'une tombe de clmnoino. f;>''iv6c, déposée diiiis l;i eryjile de lu eatliédrale de
lîourges.
2 Miiiiiiscr. Bihliiitli. iialiim., '/V/.v^/-/n, t'ram.-ais (I26U environ).
— 399 — [ GANT ]
manches, de sorte que le poignet était encore mieux garanti
(voy. Manche). Au xiv° siècle, les gants souples n'ont plus guère de
ces longues gardes taillées en biseau ; ils sont courts, ou la lige
AL.CU.LLAu.-^OT.
longue est serrée au poignet à l'aide d'un assez grand nombre de
petits boutons rapprochés. Dans une citation précédente, on voit
qu'il fallait douze boutons pour un seul gant. Les gants de voyage.
AL.CUiLLAuMr -
pendant le xiv' siècle, étaient munis de gardes en biseau et solides
(voy., à l'article Ganache, la figure 2 hh). On fabri(piait alors des
gants en Italie, en Espagne et dans un assez grand noini)re de villes
françaises, et c'était, comme aujoui'd'hui, l'objet d'un commerce
important, qui ne fit que se développer jusqu'au xiv° siècle.
Ce n'était pas tout d'avoir des gants, il fallait savoir les porter.
Les Arrêts d'amour de Martial d'Auvergne » font savoir (pie, si un
amant, près de sa maîtresse à l'église, porte « nouveaux gants es
' Sccoiulo iiiDilir lin xv« siècle, éiiilioii ilc ll.'il, p. 5.'!.
[ GAHDE-COnPS j — 400 —
<: mains, il ne les doibt point enfoncer, ny faire semblant (.reslonger
« les doigtz en tirant ». Ailleurs, le même auteur signale l'abus
dont se plaignent certains compagnons touchant les femmes qui
alTectent les modes des hommes, et qui « vouloyent aussi porter
« leurs gans au cousté, le petit baston en la main, et la robe courte
(( à chevaucher », sur laquelle plainte la cour maintient les défen-
deresses en possession et saisine « de porter botte fauve au pied
« dextre ou senestre, fermer leurs souliers d'esguillettes verdes ou
(( noyres, de mettre verges et aneaulx d'or, et de porter les ganz de
« coslé en la ceinture »
Vers la Un du xv'' siècle, on mettait des gants de peau et de soie
brodés d'or et d'argent sur le dos de la main. Il était malséant de
donner sa main gantée, et ni les hommes ni les femmes ne por-
taient de gants pour danser.
GARDE-CORPS, s. m. {hargaas, h&rigaut). Habit de dessus plus
particulièrement affecté aux hommes , mais cependant que les
femmes portaient en voyage, ainsi que d'autres vêtements mascu-
lins. Il n'est pas question de garde-corps avant le xni'= siècle. C'était
une robe longue, fendue par devant vers le bas, avec manches
amples et longues qu'on pouvait ne pas passer, et qui alors tom-
baient librement des deux côtés. Ce vêtement était aussi bien porté
par les nobles que par les bourgeois, et saint Louis est représenté
avec cet habit sur un vitrail de la cathédrale de Chartres et sur
quelques vignettes de la fin du xm*" siècle. Quand quelque seigneur
voulait faire honneur à un messager, ou récompenser particulière-
ment un trouvère, il lui donnait son garde-corps :
» Eu aucune place ni'avient
« Que aucuns preudhonuiie uic vicul
« Por escouter chan(;ou ou uotc,
« Qui tost m'a donne sa cote,
« Sou garrte-corps, sou lu'rigaut.
<( Si en sui plus liez et plus haut,
« Et en chante plus volontiers '. »
Joinville rapporte - que messire Jehan de Valenciennes ayant
ramené à Acre deux cents chevaliers prisonniers, il s'en trouva
' I.c Dict lie In 7naai/le {Jonf/lrurs et trouvères, \n\h\. par A. Jubinal, lS;Jo).
- Histoire t/c saint Louis. puM. par M. Natalis de Wailly. p. Ititi.
— 401
[ GAUDE-COIIPS ]
parmi, (juaranle de Champagne, et il ajoulc : « Je louf liz taillier
« cotes et hargaiis de vert, et les menai devant le roy. »
Les garde-corps étaient faits d'étoffe de laine liabitnellemeni,
fourrés ou non fourrés ; on les portait avec le capuchon.
' •' y y yOfrJ.ff^-^t'r y
Le l)as-relief des drapiers, scul[ilô sous hV Christ du portail iionl
de la calhédrale de Heinis, vers le milieu du xni" siècle, montre
quel(iues-uns de ces marchands vêtus du garde-corps (lig. i). Les
III. — .il
[ GAIU)E-COUPS
iOi>
manches, fendues laléi'alement par devanl, pour dégager les bras si
on ne les veul passer, sont piquées verticalement au-dessous des
épaules, afin de faire coller l'étotTe sur celles-ci et de fournir de la
largeur par le bas en régularisant les plis. La jupe ne recouvre pas
celle de la cotte , mais descend seulement un peu au-dessous des
genoux.
<0
I
3
La figure 2 donne la coupe de ce vêtement étendu, en A par
devant, en B par derrière. Le haut des manches est piqué à petils
plis, dont quelques-uns sont plus marqués pour former les tuyaux
a, b, c. En d, est la fente antérieure qui permet de dégager le bras,
si l'on ne veut passer la manche. La jupe est habituellement fendue
par le bas, de g en h, et au-dessous de l'encolure, de e en f. Les
manches sont plus ou moins longues ou courtes, mais descendent
au-dessous du coude.
Les garde-corps que portaient les femmes étaient toujours pour-
vus, au contraire, de manches très-longues, et les jupes descen-
daient jusqu'aux pieds, couvrant complètement la cotte. La figure 3
reproduit ce vêtement à chevaucher '. Cette dame couronnée a en-
I .Mamiscr. liihlintli. w.dum.. Histoire du stiint (iranl. français (l^oO ciivirou).
— 403 — [ GARDE-CORPS ]
fourché sa haquenée sur une selle d'homme. Son voile est blanc
et passe sous le camail du capuchon vert. Les manches de dessous
(celles de la cotte) sont bleues, et le garde-corps est rouge, doublé de
vert pâle. Les manches très-longues de ce garde-corps ne forment
que deux plis, et Tétoffe au-dessous des épaules est piquée comme
il est dit ci- dessus. Le garde-corps était parfois dépourvu de
manches, alors lui dounail-on plutôt le nom de hérigant. C'était un
beau vêtement, d'une coupe très-simple, en façon de dalmatique.
La figure 4 nous le montre porté par un noble, le sire de Coucy *.
Ce hérigaut se compose simplement de deux pans d'étoffe d'égale
largeurj tombant devant et derrière, et laissant voir entre eux la
surcolte à manches évasées au coude. Le hérigaut est doublé de
menu vair, ainsi que le capuchon, fait de même élolïc pourpre. La
1 Du nianiisfi'it de la lîihliolli. imlion., Histoire de In vie et des miracles de snint
Louis (1390 environ). Le sirc do Coucy est ici mande à la cour du voi, au sujcl de la
nioi'L do trois jeunes bacheliers qui s'étaient livrés au braconuaf^e, cl que le sirc de Coucy
avail luit |icii(lro contre loul drnil.
[ r.ARDE-cnnps 1 ,[.,
— 404 —
J"sl«, îouge. La coilTe, s, fréqucmmenl portée alors par
ûmoT
»^nir.::L::t-tr;sr-:-;:
m
GAnnE-CORPS
élaient longs, el on la laissait sous le chapeau, le rliapcron ou même
riiabillement militaire de tête (voy. Coiffe). Le liérigaul, ouvert
entièrement des deux côtés, permettait de cacher les mains sous
le pan de devant, pour les garantir du froid (fig. 5 '). La ligure 6
5
A
B
donne la coupe de ce vêtement, déployé en A par devant et en B par
derrière. Le capuchon, bien rpie fuit de même étofïe, était indépen-
dant du hérigaut et était en fournie par dessus. A l'ai-licle Dalma-
TiQUE, la figure S présente un vêtement de dessus qui rappelle la
forme du hérigaut, et pour ne pas gêner les mouvements, le pan de
devant est retenu à la taille par une ceinture. Mais si le garde-corps
ou le hérigaut sans manches garantissait bien la poitrine et le dos,
Une couvrait pas suffisamment les épaules ; aussi on ajouta bientôt
à cette partie de l'habillement des morceaux d'étotïe en double ou
en triple, en forme de pèlerine, sur le haut des bras seulement, et
qui, pour ne pas faire une saillie gênante, ne passaient pas sur la
poitrine. Ce vêtement, gracieux et commode, est fort usité à dater
de 4320 jusque vers 1340.
Un fragment de statue provenant de l'abbaye d'Eu nous fournit
un excellent exemple du hérigaut ainsi modifié (lig. 7) -. Au-dessus
I Mcnio muiiiiscril cl mêino personiinKC
- Dûposi'i dans les magasins du charilicr des Inivaux de Téglisc d'Eu.
[ GARDE-CORPS j
^ 406
/
C- ^.!'.V,9
— 407 -- ; GAIU)E-CORPS ]
des ouvertures, entre les deux pans qui laissent passer les bras, sont
cousus trois collets se recouvrant, justes aux épaules, entièrement
délacliés les uns des autres latéralement et par derrière, mais s'ar-
rêlant des deux côtés de la poitrine, où ils viennent se confondre
avec le nu de rélolïo. Ces collets sont, bien entendu, de même
G-^rjS
nuance que le reste du vêtement, et il faut encore que la jonction
des trois collets avec le pan du devant ne soit pas apparente. Sous
ce garde-corps, le personnage en question porte une surcolte à
mancbes larges s'arrétant aux coudes et armoyée de France. Les
mancbes justes de la cotte de dessous sont serrées aux avant-bras
par de petits boutons très-rapprocbés, suivant la mode d'alors. Il
faut observer que dans ce dernier vêtement, le pan de derrière est
sensiblement plus large que celui de devant, et que le passage du
bras entre ces deux pans se trouve ainsi ramené en avant, ce qui
rendait plus commode le port de l'habit. La ligure 8 montn' l;i
manche de la surcotle et le corps de celle-ci serré à la taille pai'
[ GAKUE-COIU'S j — 408 —
une ceinture, el la ligure 9 la coupe élendiie de ce garde-corps, en
A par devant et en B par derrière. Le pan de devant, dont la moitié
est visible en (ib, n'a guère qu'un mèlre de largeur en bas, tandis
que celui de derrière, Oc, a 1 nièlre 60 centimètres. Le passage du
bras en d est, comme il est dit, lamené en avant. C'est la forme
'J
A
S
étendue de ce vêtement qui lui avait aussi fait donner le nom de
cloche. 11 est généralement doublé de fourrures, et les collets eux-
mêmes sont parfois doublés, ou tout au moins garnis de Icticcs,
c'est-à-dire de passe-poils blancs faits avec des bandes d'bermine
ou de ventres de vair.
Vers 4350, ce vêtement se modifie. Il reprend des mancbes ; il
n'est plus formé de deux pans séparés , mais d'un corps de robe
avec ouvertures pour passer les mains à la liauteur du ventre. Un
seul collet garantit les épaules et est complet, ou bien le haut de la
robe en est totalement privé (fig. 10). Le personnage A représente
le roi Jean, qui fut prisonnier en Angleterre, après la bataille de
Poitiers *. Le garde-corps est bleu, ainsi que le capuchon doublé de
blanc. Des passe-poils blancs bordent le collet, les manches et la
fente antérieure de la robe. Les manches justes de la cotte de des-
' MaiiusiT. liililiolli. aulioii., Tite-Uoe, trail. l'rau(;;usi; ilédic'L' au rui Juau.
409 —
[ GAIU»E COUPS ]
SOUS sont rouges. Les manches du garde-corps, très-amples à leur
exlrêmilé, soiil plaies au-dessous des bras el ne descendent guère
JU
^
(pi'à la saignée. Le personnage B, tiré d'un manuscrit du nx-me
lenips', possède un garde-corps sans collet ; le bas des manclies est
pincé par un gros boulon. Mais alors aussi, de 13o0 à loTO, un
1 Uililiolh. ualiuii.. Tristan. IVaiiraiâ.
m. — oz
[ GARDE-CORPS ]
410 -
portail des liéri.iîauls pour monter à cheval, qui ne se composaient
(jue (le deux pans d'étoffe (dalmatique) retenus tous deux au corps
jiar une ceinture. La figure 11 ^ donne ce vêtement endossé par des
lî
D/û/or
cavaliers. Les épaules, la poitrine et le dos étaient seulement cou-
verts. Les deux pans llottants au-dessous de la ceinture permettaient
d'enfourcher le cheval. Les plis se produisaient naturellement en
bouclant le ceinturon, qui faisait coller les deux bords antérieurs le
long des manches de la cotte, Irôs-rembourrées et qui n'avaient pas
1 Miimiï^rr. liibliolli. ualiou., Çhronujue d'Angleterre, i']'an(;iiis.
— 4il — [ GARDF'X-.OItPS ]
besoin d'être garanties. Les bords du hérigaut sont taillés en barbes
d'écrevisse, suivant la mode de ce temps. Le collet appartient au
11
H.GulLUUlMT.
■vêtement de dessous, et le hérigaut est simplement percé d'un trou
pour laisser passer la lêle. La figure 12 donne ce vétemenl élomhi ; ses
V6
deux faces, antérieure et postérieure, sont ldenli(iuos. Le capuchon
avec caniail était eiifoiirmé au besoin par-dessus le hérigaut. Ce
[ GIBECIÈUE ] — 412 —
vêtement convenait aux jeunes hommes, et n'est représenté porté
que par ceux-ci. Les gentilshommes âgés endossaient, pour monter
à cheval, des hérigauts do même, sans manches, mais fermés laté-
ralement et tombant jusqu'aux pieds (fig. 13 '). Ce cavalier porte
la cotte à manches justes lilas, avec une surcotte à très-longues
manches fendues, jaune-paille ; le hérigaut est rouge.
La disposition de la bride du cheval mérite attention. Elle est
renvoyée au poitrail dans une rouelle munie de passants, et de là
est tenue par le cavalier. Mais nous avons l'occasion d'entrer dans
quelques détails sur cette matière dans l'article sur les Harxus.
On ne trouve plus trace de ces noms de hérigaut ou de garde-
corps sous le règne de Charles VL Bien que des vêtements ana-
logues soient encore portés par les gentilshommes et par les
bourgeois, on les désigne autrement; et, d'ailleurs, ces coupes, si
simples et qui produisent de beaux plis, disparaissent pour faire
place à des habits de dessus très-compliqués dans la manière dont
ils sont façonnés (voy. Haincelin, Hoqueton, Houppela>de, Pelice,
Surcot).
L'esclavine n'est qu'un garde-corps (voy. ce mot).
GARNEMENT, s. m. C'est par ce mot que l'on désignait, pen-
dant les xnr et xiv^ siècles, les diverses pièces d'un vêtement
complet (voy. Robe) :
'1 Piiit le luaiacut eu nue cambre,
u II ot asés d'or d'Alixandre,
'< Tires, pales et siglatons,
'i Mantials vairs et gris pelieous,
" Et maint bon autre garnement '^. >'
Garnement s'entendait aussi comme pièces diin ameublement.
Nous avons conservé le mot garni.
GIBECIÈRE, s. f. C'est l'escarcelle d'une dimension plus grande
et à laquelle n'est pas attaché le couteau. La gibecière était portée
par les voyageurs, par les paysans, mais les nobles, en campagne,
en suspendaient aussi à leur côté ; alors, elles étaient richement
ornées. « Une gibecière à perles sur champ vermeil à treffles, à troys
i< fleurs de lys\ »
' Manuscr. Biblioth. nation., Tite-Live, trad. française dédiée au roi Jean.
- Li biausdesconnens, roman du xiii» siècle, vers 3418 et suiv.
^ Invmt . de Charles V, P>il)lioth, nation., article n" 274o.
— 413 — [ GONELLE ]
« Une autre gibecière à perles, où sont deux aigles qui tiennent
" ung K et ung J couronnez et y a deux bourses de perles à ung
'< pendant de mesmes '. »
Les gibecières étaient à fermoir, comme les aumônières, ou
à recouvrement, avec courroie pour les passer en sautoir. Les pèle-
rins ne voyageaient pas sans une gibecière, où ils mettaient les
ustensiles les plus nécessaires, et aussi leur nourriture du jour.
Cela ressemblait beaucoup à notre musette (voy. à l'article Escla-
VI^'E, fig. 2 et 4).
GONELLE, s. î. {gonnèle, gonne). Habillement de dessus porté
par les deux sexes. Sorte de cape, sans manches, couvrant le
cou, munie habituellement d'un capuchon, ouverte par devant.
Cette casaque remonte à une haute antiquité, puisque le mot givn
se trouve dans le vieux gaélique, dont le Breton a fait gunna, et
l'Écossais gun.
La limousine de nos paysans du centre de la France, portée par
les bergers et les rouliers, est une dernière tradition de ce vêtement
usité chez les Gaulois, ainsi que le prouvent des stèles funéraires
des iV et %'" siècles.
La gonelle appartenait aussi bien aux nobles qu'aux vilains. On
la posait par-dessus l'armure, ainsi que le font connaître les vers
suivants :
>' Il s'ageuoillc, vestue de sa gonnele,
» Par graut amor il a dit raison hein -. »
'i Dcsoz la bofle li tVainl cl escarlclc,
» L'auber li fausse de desoz la gonele,
<i Empaint le bieu, mort Fabat de la scie '. »
La gonelle était de dimensions et do formes différentes. Les gens
du peuple, les paysans, la portaient assez courte et ne descendant
guère qu'aux genoux : les nobles la tenaient ample et fourrée :
'c Une gonnele de biset li dona,
<i Monit esloil lée, près d'une toise a '. »
' Inrnnt. de CItarlex V, n» 2'7'4().
- Li fioDums (le liaoul (h Cambrai. C'est b; eonite P.aon! don! il esl ici ipieslion et
(|ui est armé.
* Manuscr. n» 9S't, olim G'i9 de la bibliolh. pnbl. de la ville de Lyon (enmmenee-
ment du xiv" siècle).
'• L(t Bataille d'Aleschnns, vers UH, Guillaïunc d'Ornncje (xiii" siècle).
1
[ GONELLE ]
414
« Por ce, s'ai orc mes cliauccs eaboées
" Et ma gdiiele qui est et grnnt et léo,
" Si est por voir daus Aynieris mes pcres,
(1 Cil de Ncrbone, qu'a proescc adurce'. »
Ce vêlement préservait les paysans, les bergers, des intempéries,
cl no dilïérait guère de ceux qu'ils portent encore aujourd'hui.
/
La figure 1 montre un paire vêtu de lu gonelle courte par-dessus
la cotte, avec ceinture d'éloffe-. Plus ou moins longue, la gonelle
' Ljl Charrois de Nysmes, vers 1329 et suiv., Ginllmime d' Orange.
- iMauuscr. r>ihIioili. iialinii., latin, n" fi/3 (x» sièele).
— 41 O — [ GONELLE J
(lu peuple n'est qu'un morceau carré d'étoffe ' froncé au cou, avec
capuchon, et elle ne varie pas dans sa forme pendant le cours du
moyen âge. Il n'en est pas de môme de la gonelle des citadins et
des nobles. Ces gonelles étaient faites de camelins de qualilé plus
ou moins fine, doublées d'étoffe plus légère, claire, ou même de
fourrures. Plus rarement les portait-on de soie. Celles-ci étaient
plus particulièrement réservées aux dames nobles pendant les
xiv= et xve siècles.
%
TSS.
Quand le jeune roi Charles VI faillit être brûlé à l'hôtel Saiiit-
Pol eu prenant part à une mascarade, la duchesse de Bcrry le retint
près d'elle, et l'enveloppa de sa gonelle pour le soustraire aux
llammes'-!. Ce vêtement de dessus, porlé pendant un bal à la cour,
élait certainement ample et léger.
Les femmes du peuple endossaient aussi des gonelles de formes
' De burui, ('IdII'c de Uiiac grossière, [iresiiie toujours rayée, et <iui était uue Iradition
ilu v'tement gaulois.
- Chron. de Saitit- Denis, t. Il, p. 6'J, 71.
I r.ONELLE ]
416
variées suivant la saison ou suivant les circonstances. Il y en avait do
très-amples ; {.Faulres ne dépassaient pas les épaules et ne différaient
du chaperon que parce qu'elles étaient complètement ouvertes par
devant, tandis qu'il fallait enfourmer le chaperon (voy. Chaperoin).
Les docteurs au xni^ siècle portaient la gonelle par-dessus la cotte
longue. Cette gonelle était fendue au droit des bras, du haut en
bas, pour laisser la liberté aux mouvements.
La ligure 12 montre un de ces docteurs enseignant la grammaire
à des écoliers*. Cette gonelle, ample, est violette, doublée de blanc.
Sur les épaules elle est froncée à très-petits plis réguliers, afin de
rassembler l'étoffe et de la faire suivre le rétrécissement du col.
Les moines mendiants, prêcheurs, portaient la gonelle, au
xm'= siècle, ample et descendant au-dessous des genoux (fig. o -).
#^~^
,«(1
Ce vêtement religieux est toujours de couleur noire ou très-sombre.
Dans l'exemple donné ici, la robe de dessous est grise. Le scapu-
laire, ou la cucule, est d'une nuance violet clair.
La ligure 3 bis ^ montre un religieux prêcheur vêtu de la l'obe et
du scapulaire blancs; la gonelle est noire, avec capuchon. A la lin
du xnie siècle, les religieux mendiants et prêcheurs, qui, à l'origine
de leur institution, étaient vêtus d'étolïes grossières, affectaient au
' Maiiuscr. lîihliolli . ualiiiu., h/iaye du /«u/ic/e, fraurais (soroudc iiioitiô du xiii*-' siècle).
'' Mauuscr. lîihliolli. ualiou.,/''AYf/?/i., auc. fonds SaiuL-Gcrmaiii(iiiilicii du .\iu« siècle).
■' Mauusci'. IJihliolh. ualiou.. liât. de la vu: et des uiiriicles de saint Louis (dcruièrcs
auuccs du xiu'' siècle".
— 417 — [ GONELLE ]
conli'aire de ne porter que des étoffes souples de la plus fine laine,
tombant jusqu'à terre en plis élégants. Le capuchon, très-ample
d'abord, était fait de plus en plus étroit, de manière à envelopper
/>
5 lis
(3,
^
G- jif-'oit
exactement le crâne, et une pèlerine double à petits plis au collet
protégeait les épaules. Au xV' siècle, ce vêtement religieux avait la
forme que présente la ligui'e 4 '. Rabattu, le capuchon ne laissait
voir que sa doublure formant collet. La pèlerine, ouverte par devant,
était faite d'une pièce d'étolïe repliée en dessous, à petits plis sur
les épaules. Le corps de robe, fendu du haut en bas par devant,
était muni de très-larges manches. Tout ce vêtement était noir ; il
était adopté à cette époque par les religieux bénédictins. La pèle-
l'ine tombait en pointe par derrière, jusqu'au milieu du dos : cétail
une tradition de l'ancien capuchon lrè.s-ample. La figure 5 montre
' Maïuiscr. l'.ihiidili. nation., Miroir Idslorial, franrais (1 l'ill cnviriin).
m. — a3
[ GOINELLE ]
418
le liaiil de ce vêlemenl religieux, par derrière. La gonelle était tou-
jours portée sans ceinture, et seule celle des religieux était garnie de
manches.
/li. cuiLUUàiir,
Nous avons dit que les femmes portaient des gonelles qui ne
couvraient que la tête et les épaules. Ce vêtement se mettait en
C
campagne et pour chevaucher. En voici un exemple (lig. 6 '). La
' Mauiisir. Itililiolli. uatiou.. Lancelot du Lac, frau(;ais (1390J.
— 419 — [ r.oNEi.i.E ]
(lamoiselle à cheval est vêtue d'une robe pourpre avec agréments
et ceinture d'or. La gonelle, qui n'est qu'un chaperon ouvert par
devant, est rouge ; les gants sont jaunes. On donnait aussi les noms
7
e,:t'>r
de (jor^e, gonelle ou goule, à une simple pèlerine que les femmes
mettaient sur leurs épaules pour mouler ù cheval et se garantir de
la pluie ou du brouillard. Cette gonelle ne descendait qu au-dessous
du coude, afin de ne pas gêner les mouvements des bras, était
ouverte par devant et attachée sur la poitrine avec quelques bon-
[ GONELLE J — 420 —
tons ; elle serniil le cou et élait très-ample par le bas. Ce vêtement
était plus particulièrement adopté, pendant le xiv'' siècle, par les
dames do lltalie septentrionale, mais élait aussi usité chez nous ;
a .-,:.
on le portail avec ou sans le chaperon (tîg. 7 i). Le chaperon s'en-
fnurmait par-dessus la gonelle et donnait un supplément d'étofTe
sur les épaules. Ou remarquera le petit fouet à trois lanières que
1 M.iiiiiscr. Ribliolli. nul., Lancelot du Lac (130(1 ouvir.), vignettes de faiiurc italienne.
— 421 — [ GORGIÈRE ]
porte celte dame, et qui était alors en usage chez les écuyères.
Celle-ci enfourche la haquenée comme un homme. Les étriers sont
des talonnières cachées sous la robe, et la selle est, à peu de diffé-
rence près, une selle d'homme. Elle est haute; la bâte de garrot
est seulement plus renversée et la cuiller moins fermée. Les jupes
(jue mettaient les dames pour monter ainsi à cheval étaient fendues
par devant jusqu'au-dessus des genoux, et par derrière à la hauteur
des jarrets. Elles étaient d'ailleurs très-amples et faites d'étoiïes
souples. On portait de ces petites gonelles ou goules de fourrures.
Dans le Roman de Raoul de Cambrai, il est question de goules
de martre, et, dans le Roman de Parisé la duchesse, de goules
d'hermine :
(i Vos ilourai ilr mon dons .i. heriuiu agolr. »
Il faut classer aussi parmi les gonelles certains vêtements assez
semblables à une chasuble avec capuchon , portés pendant le
xni" siècle et le commencement du xiv'' (de 1240 environ à 1320),
et que Ton enfourmait par-dessus la cotte pour se garantir de la
bise. Le peuple portait cet habit en campagne, et alors il ne des-
cendait guère qu'aux genoux ; mais les nobles et riches bourgeois
le tenaient plus long (fig. 8 '). C'était un chaperon terminé par
deux pentes taillées en pointe comme la chasuble, tombant par
derrière et par devant, des épaules au milieu des jambes. Pour
monter à cheval, on maintenait les deux pentes autour de la taille
par une courroie. Ces gonelles, portées par des personnes no-
tables, étaient habituellement de couleurs éclatantes, rouges,
pourpres, ou blanches. On les doublait parfois de fourrures. Les
femmes les endossaient aussi bien que les hommes pour voyager
à cheval. Vers le commencement du xiv^ siècle, la queue du capu-
chon était tenue très-longue, descendant jusqu'au bas du vêtement.
On la laissait tomber par derrière ou on l'enroulait autour du cou
pour bien maintenir ce capuchon et tenir la gorge chaudement,
ou encore on en faisait une sorte de turban sur la tête pour garantir
les oreilles et empêcher la bise de s'engouffrer dans l'ouverture du
chaperon.
GORGIÉRE. s. f. [gorcjerette). Fichu de femme, d'étoile blanche,
linc cl transparente, qui élait en usage dès le xiv" siècle : « Pour
' Maniiscr. P.ililiolli. nalion., Traité du péché origine/, piilois de lir/iers (milieu du
xin'-' siècle).
[ GORGIÈRE ]
— 422
« plusieurs pièces de couvrcciiiefs, gorgieres, toiirez, espingles et
autres atours K » Dès avant cette époque, les gorgieres étaient
attachées au .couvre-chef, couvraient le cou, les épaules, et étaient
prises sous l'encolure de la robe. Les dames portaient même des
gorgieres sans voile, sans couvre-chef, et coiffées en cheveux, ainsi
que rindique la figure 1 -. Cette gorgière est attachée sous les
nattes qui couvrent les oreilles et la nuque, passe serrée sous le
menton, est assez ample autour du cou et est maintenue sous l'en-
colure du surcot. Les guimpes, au contraire, étaient posées par-
dessus le vêtement (voy. Guimpe) et étaient beaucoup plus amples.
Cette mode se conserva jusque vers 1370 avec des variantes. Les
femmes portaient alors des hennins, cornes, escoffions, et les cheveux
' D(''penso du mariage de Rlanclie de Uoiirbon (1352).
* Manuscr. llihlioth. iiatiou., Guerre de Truie, français (1300 a 1310).
— 423 — [ GOUGIÈRE ]
élaicnt cachés sous ces coillures. Les gorgières, (|ui irélaient plus
guère adoptées (|ue par les femmes d'un âge mûr ou ([ui voulaienl
conserver une altitude respectable, étaient serrées au cou et prises
toujours sous le corsage (fig. 2 '). La robe de cette dame est bleue,
sans aucun ornement ; les manches de la cotte de dessous, roses.
L'escoftion est de linge blanc, et la gorgièrc très-transparente.
Mais, vers i;-580, les robes des dames étaient, ou très-montantes
avec collet haut, ou décolletées avec collet rabattu, et pièces de
dessous au bas de la gorge, ou gorgières, qui alors n'étaient que de
légers lichus posés sur les épaules, qu'ils couvraient à demi, cl pris
' Mauuscr. IJiblioUi. iialiou., laCité des dames, Christine de pisau.
[ GORC.IÈKE ] __ 424 _
SOUS le bord supérieur du corsage. Au commencement du xv^' siècle
les gorgieres, irès-fmes, Iransparenles, légèrement empesées, ne
%i
. >::
%/
'n
r
furent plus qu'un glacis de gaze posé a la hauteur des épaules
sous le corsage très-ouvert par devant et par derrière (fig. 3 ').'
' MauuscT. Bihliolh. n-a\um..Lam:elol ,1a Lac, fnui.Mis (1425 environ).
— 425 — f f.ORGIÈRE ]
Elles formaieni de petits plis réguliers au cou, qui se perdaient sur
la poitrine, laissant deviner la couleur de la peau et la forme. Cela
ne laissait pas d'être fort gracieux. Dans notre exemple, une line
\ \ '"»'.. \\
chaîne d'or, avec un bijou, est posée sur la gorgière et contribue à la
maintenir. La coiffure de cette dame est le hennin à cornes, avec
voile léger et très-transparent par-dessus. Les cornes du hennin
sont bordées d'une sorte de guipure ou de passementerie blanche
et composées d'une étoffe l'ouge avec fils d'or et perles. Une passe-
menterie bleu passé borde le corsage, qui est de velours gris de
fer, ainsi que la jupe et les manches. La ceinture, très-large, suivant
la mode du temps, est blanche avec broderies d'or. Le corsage csl
également très-décolleté dans le dos (fig. 4), et la gorgière est
de même que sur la poitrine, ouverte en pointe. Cette nuule ne
pouvait convenir qu'à de très-jeunes femmes, et èlail, df la |)ait
du clergé, le sujet de fréiiuentes remontrances, qui. bleu entendu,
m. — i)4
GOKGIÈRE ]
426 -
restaient sans elTel. Ces gorgières, d'un tissu aussi transparent que
possible, devaient être faites de ces mousselines très-fines qu'alors
on faisait venir d'Orient, et qui parfois étaient brodées de légers
dessins d'or, pois, lleurettes, raies.
Cette mode persista assez longtemps avec quelques variantes sans
importance, tant que les corsages furent maintenus aussi décolletés.
S
11. CU11.U. .:,u
c'est-à-dire jusque vers 1440. Les bourgeoises ne se permettaient
guère ces coupes de corsage qui appartenaient aux dames nobles,
mais elles cherchaient naturellement à les imiter. Elles portaient
aussi des gorgières entre le haut du corsage et le cou, faites égale-
ment d'étoffe très-transparente.
La figure o < nous montre une de ces bourgeoises simplement
coiffée d'un voile d'étolfe épaisse, blanche. La robe, qui est faite
d'une étoffe marron, est bordée, en guise de passementerie-guipure,
' MauLiscr. Uihliolli. uuliou. , iVzVo//' lusluriaL IVauriiis (lilO uuvirou).
,, " [ r.oRGiia'.E ]
o^p ^^d-™ 'l;'l'',"r '"^"^' ''" P-^^» '•■' °°^="-- Le oo„ie,,
cou. Sou. la gorgjere, «u l.as de l'ouverture du corsage, o,'
e
ne devait pas laisser parailrc le liaut de la chemise, cela eût él6 uue
nconvenance. Le col de la chemise, Irès-ôchan ré, dev, d
amver jusie an point où le corsage commençai, à s' uvrir. A ,i
clans les Arm. é'amur de Martial .fAuverg™, „, n,c , .'
[ GUIMPE 1 — 428 —
t-ellc plainte de ce que son amant, en l'accolant Irop rudement,
a déchiré sa gorgeretle de manière à laisser voir le bout de sa
chemise ; ce pourquoi elle requiert la cour qu'il lui plaise ordonner
que ledit amant soit condamné à ne la plus approcher sans son
congé, et à faire amende honorable.
Cette gorgerette transparente n'est plus plissée vers 1450 ; elle
est unie, légèrement empesée, quelquefois bordée d'un fil noir ou
d'or. Cette mode persiste jusqu'à la lin du xV' siècle. Souvent alors,
la gorgerette est isolée de la peau et forme une sorte de collet bas,
transparent, dépassant le corsage de trois ou quatre doigts seule-
ment. Vers 1480, elle est garnie en haut d'une fine guipure d'or,
rabattue, puis elle tend de plus en plus à gagner le cou, autour
duquel, vers 1490, elle se termine par une basse collerette froncée
trè.s-délicate. Alors, le corps de la gorgerette est semé de perles, ou
tout au moins quadrillé de fils d'or et de soie avec bouillons
losanges entre ces fils, ou bien la gorgerette n'est plus qu'une sorte
de collerette de point à jour entourant le bas du cou et posée par-
dessus la chemise. Cette gorgerette était portée, à la fin du
xv" siècle et au commencement du xvi", avec des corsages moulants,
carrés du haut et lacés par devant (fig. 6'), ou simplement fendus
et maintenus par une patte ou agrafe. On observera la coiffure de
cette jeune femme. Sur les cheveux, divisés sur les deux tempes en
longues mèches tombantes, est posé un voile léger, retenu par deux
cercles de perles et de joyaux, et dont les deux pointes antérieures
sont attachées devant la poitrine. Un autre voile d'étoffe plus épaisse
est pincé sous le devant du cercle supérieur, couvre le dessus de la
tête et tombe par derrière. Une sorte de chape garantit les épaules et
est attachée devant par trois ganses. Sur le voile est posée une cou-
ronne d'orfèvrerie. Le cercle, qui passe sur le front et les oreilles,
est fait d'un tissu d'or avec ajours et perles, ainsi que l'indique le
détail A.
La gorgette remplit ici l'office d'un col de chemise brodé,
ajouré et plissé, collant sur la peau.
GRÈVE, s. f. Raie de cheveux.
GUIMPE, s. f. Sorte de voile de toile fine, de lin ou de mousse-
line, qui couvrait une partie de la tête, le cou et les épaules des
femmes, pendant les xui^ et xiv« siècles, et qui fut conservé plus tard
1 Sliitiie ilo s:iin'.fi r.i'.'h'^, ili'pnsi'o dans lY£;lise Saint-Remi lie Reims.
— 4:29 — [ HARNAIS 1
encore par les religieuses, les veuves et les dames, qui s'adonnaient
à une vie austère. Nous avons décrit la guimpe à l'article Coufire
(fig. 25, 26, 27, 28, 29 et 32). Il ne paraît pas nécessaire de revenir
ici sur cette partie du vêtement féminin, de laquelle, d'ailleurs, nous
avons l'occasion île parler souvent dans le cours de l'ouvrage.
HAINCELIN. s. m. Le haincclin paraît être une sorte de houppe-
lande fort usitée du temps du roi Charles VI. M. Douët d'Arcq, dans
sa Notice sur les comptes de l'argenterie des rois de France au
xiv^ siècle, fait ohserver que le fou du roi Charles VI se nommait
Haincelin Coq. « Le vêtement a-t-il pris son nom du fou, ou le fou
du vêtement? C'est là une question qui n'a pas grande importance. »
Il est difficile d'établir la différence qu'il y a entre la houppelande
et le haincclin, et peut-être n'y a-t-il, dans cette dénomination
particulière de la houppelande, qu'une de ces fantaisies si fré-
quentes dans les questions de modes. Il serait de même assez dif-
ficile, de notre temps, de distinguer le paletot du par-dessus ; nous
nous reportons donc h. l'article Houppelande.
HARNAIS, s. m. Nous ne parlons ici que des harnais de chevaux
employés pour les chevauchées de la paix. La description du harnais
du cheval de guerre trouve sa place dans la partie des Armes.
Pendant le cours du moyen âge, tout le monde montait à cheval ;
nobles et bourgeois des deux sexes n'avaient habituellement pas d'autre
moyen de voyager, et l'on se déplaçait alors beaucoup plus fréquem-
ment qu'on ne le croit. Les habitudes sédentaires, tant reprochées à
la population de la plupart des provinces françaises, ne datent que
du xvn" siècle; jusqu'alors, sous le moindre prétexte, bourgeois et
bourgeoises; la noblesse surtout, entreprenaient de longs voyages.
Les contes, les romans, les chansons de geste des xn", xnl^ xiv" et
xV siècles sont de véritables odyssées; les héros et héroïnes sont
toujours par monts et par vaux. Le cheval remplissait donc un rôle
important dans la vie de nos aïeux et était l'objet de soins incessants ;
on l'aimait comme un compagnon utile, et l'on se plaisait à le har-
nacher du mieux qu'on pouvait : la vanité s'en mêlait, comme en
toutes choses, et la fréquence des rencontres par les chemins faisait
[ HARNAIS ] — 430 —
que l'on lenail à paraître en bonne orclonnance. On jugeait mieux
encore de la qualité d'un voyageur à sa monture et à la manière dont
elle était habillée qu'à la tenue même du quidam. Les femmes sur-
tout voulaient être bien montées : belles selles brodées et dorées,
beaux harnais, avec clochettes et grelots; houppes de soie et bos-
settes, pendeloques et lacs. Aussi, les éperonniers et bourreliers
avaient ils fort à faire, et les cuiriers ne savaient-ils qu'inventer pour
satisfaire aux fantaisies luxueuses de tant de chevaucheurs.
Les XYU"" et xvni" siècles, qui ont eu la prétention de tout inventer,
comme si, avant cette époque, le monde n'avait existé qu'à l'état
d'embryon, nous veulent faire croire qu'ils ont trouvé l'équitation,
l'art de dresser, de monter et d'habiller les chevaux. C'est une fai-
blesse dont il serait ridicule d'être dupes. Il n'y avait pas un gen-
tilhomme, pas une dame, pas un bourgeois môme, pendant le
moyen âge, qui ne sût monter à cheval, et cela dès l'enfance. Que
les harnais fussent un peu différents de ceux adoptés depuis le
xvn^ siècle, nous l'accordons; que ces harnais fussent moins bien
appropriés à la monture, ce serait un point à examiner, et la dernière
mode n'est pas toujours la meilleure, par cela seulement qu'elle est
la dernière.
Dans un temps où il n'était pas possible de voyager autrement qu'à
cheval, où les gentilshommes passaient les trois quarts de leur vie
à cheval, il est difficile de supposer qu'on n'eût pas su adapter à
cet utile animal les harnais les plus convenables. Mais telle est la
vanité féroce du xvn^ siècle, elle considère ces siècles de chevau-
chées comme non avenus et prétend avoir tout trouvé, depuis la selle
jusqu'au mors. Les célèbres écuyers de ce temps veulent bien ad-
mettre tout au plus que le connétable de Montmorency a inventé
des branches de mors, dont nous trouvons des exemples datant du
xiV siècle, et qui, si l'on s'en tient aux représentations peintes, remon-
teraient au xni^ siècle. Il en est de même des mors à la Pignatel, qui
seraient dus au génie de cet écuyer napolitain de la lin du xvi' siècle,
et dont nous avons des échantillons datant des xiV et xv^ siècles. Mais
les écuyers du moyen âge n'écrivaient pas des volumes sur l'art de
l'équitation, le pédanlisme n'était pas encore en bonneur; ils se
contentaient de bien monter à cheval, de s'occuper de leurs bêtes
et des harnais qui leur convenaient, et ne se souciaient guère de ce
qu'en penserait la postérité.
On voit, en examinant le jeu d'échecs dit de Charlemagne', que déjà
1 liililiolh. iKilioii.. cabiuct des médailles, ivoire.
— 431 — • [ HARNAIS ]
au VIII" siècle le mors à branches était en usage. Mais on n"a, sur
les harnais des chevaux de selle de cette époque, que des données
assez vagues, et les représentations de ces objets sont trop grossières
pour qu'il soit possible d'en donner une idée exacte. Les selles, ce-
pendant, possèdent les bâtes, le garrot et le troussequin (voyez dans
la partie des Armes l'article âr.mlre, tlg. 1 et 2), les quartiers, les
1
contrc-satiijlom et les sangles, le poitrail et la croupière, les étriers
triangulaires et les pièces nécessaires pour porter le mors, il nous
faut recourir à la tapisserie de Bayeux pour commencer d'une ma-
nière à peu près certaine la série des harnais civils, qui, du reste,
sur ce monument, ne dilïèrent pas des harnais militaires. La
ligure 1 montre un de ces chevaux des hommes de Guillaume \^
Bâtard, garni de son harnais. Les bâtes sont évidemment de bois,
solidement hxées aux arçons, légèrement recourbées, convexe celle
de devant, concave celle de derrière, ainsi que l'indique le tracé
perspectif A. Les quartiers, bordés ordinairement de blanc, sont très-
HAÏSSAIS ]
432
larges par le bas, el une courroie de poilrail empêche la selle de
glisser vers la croupe ; les branches du mors sont généralement
représentées droites. La tête est habillée du dessus de tête, du
frontal, de la sous-gorge, des têtières et de la muserolle. Les Nor-
mands des x'^ et xi" siècles étaient de terribles écuyers, battant sans
cesse la campagne. C'est grâce à leur activité prodigieuse, à leur
vigilance, que Guillaume put étendre et garder sa conquête. Plus
lard, nous voyons ces mêmes cavaliers normands, en petit nombre,
s'emparer de la Pouille, de la Sicile ; et cependant cette île ne man-
quait pas, pour la garder, de ces cavaliers arabes, excellents écuyers
en tout temps. Il est donc difficile de faire croire que ces gens-là
ne sussent pas monter à cheval et tirer de leurs montures tout
le parti possible, que les bêtes ne fussent pas habillées de la ma-
nière la plus favorable au développement de leurs belles qualités.
Cheval mal harnaché, si bon que soit le cavalier, ne fait pas un long
service.
Des monuments français du commencement du xn^ siècle nous
montrent fré(iuemment des selles sans bâtes, composées simplement
d'une sorte de couverture (tig. 2 '). Dans cet exemple, une large
courroie de poilrail empêche la selle de ghsser sur la croupe. Celte
précaution était d'autant plus utile, que le cavalier se tenait droit
sur les étriers, le plus souvent dans une position presque verticale
el porté sur les épaules du cheval. La selle mordait plus sur le garrot
qu'elle ne le fait aujourd'hui, et tendait par conséquent à glisser
' rragiiu'iil (1 lui cliaiàluaii du i.iurlic de Iri^lisc ahhaliak' (IcWv.clay (11,'JU uuvirouj.
— 433 — [ HAII.XAIS ]
vers les rognons; il fallait se maintenir en avant. Cotte habitiuie
venait de l'usage de la lance, qui obligeait le cavalier à se tenir en
avant le plus possible, afin de parer au choc. Dans la figure il, les
étriers sont évidemment attachés aux élrivières perpendiculai-
rement aux pieds, mais cela ne paraît pas général. On dut bien vite
i-econnaître que les éliivières ainsi placées parallèlement froissaient
les tibias du cavalier, après quelques heures de marche.
3
La ligure 3 ' donne le harnais civil d'un cheval de selle pendant
les premières années du mh" siècle. Sous la selle, doid les (|uarliers
sont noirs, est une couverture à pentes découpées. coubMir mairuii.
' Mail user. r>ililiolli. iiiilioii.. l'snKcr., laliii.
m.
[ HARNAIS ]
434
Les bâtes se délacliciU des arçons et paraissent être de bois recou-
vert de peau peinte en jaune, avec clous blancs. La bâte de garrot A
et celle de derrière B (la cuiller) sont ajourées en a. En C, la cuiller
est représentée vue de baut en bas, en perspective. La tête du cheval
est babillée comme dans le précédent exemple. Les brandies du mors
sont légèrement recourbées. La selle est munie d'une courroie de
poitrail avec support, et les éti-iers sont circulaires, attachés, comme
on les attache aujourd'hui, dans le plan des étrivières.
Il se fit, pendant le cours du \uf siècle, des modifications impor-
tantes aux harnais civils. Tantôt on donna beaucoup d'importance
à la bâte de garrot D, on la garnit de garde-cuisses ; on serra plus
ou moins la bâte de derrière E ; on supprima parfois totalement la
bâte de devant, en ne conservant que la cuiller (Cig. 4*). Dans cet
i Mauuscr. l'.ibliolh. iialiou , Uistoiie de la vie et des )niiac'es de suint Louis (1300
ciiviroiiV (".lu'Viil (le seri,'eiit iiiassicr iidii aniu', suiv:iut le roi.
— -i'^S — [ nAU>AIS ]
exemple, La bâte de derrière est très-f(;rméc, force le cavalier à se
tenir sur ses reins. Cependant, lorsque ce cavalier chevauchait et ne
chargeait pas, il tenait les jambes tendues en avant, suivant la ligne
ab. La selle est ici retenue non-seulement par la sangle et la cour-
roie de poitrail, mais par une combinaison de courroies formant
large croupière. Elle était donc parfaitement fixée sur les reins de la
bête, et le cavalier, bien assis, ne faisait qu'un avec sa monture. En A,
nous donnons une des bossettes '. Avant cette époque, vers 1240,
nous voyons même des chevaux portant des selles sans bâtes
(fig. 5 -). Ce harnais civil ne consiste qu'en une couverture de peau,
probablement, retenue par une sangle, une large courroie de poi-
trail et une croupière en façon de réseau. Les élriers ne sont point
indiqués. La couverture, coupée carrément sur les rognons, s'avance
en pointe sur le garrot, de manière à le couvrir entièrement.
Mais Tusage des bâtes paraît reprendre, sauf de rares exceptions, au
commencement du xiv" siècle, aussi bien pour les harnais civils que
pour les harnais militaires. Ces bâtes prennent les cuisses du cavaiiei'
comme dans une tenaille ouverte, et sont tellement fci inées, que, pour
se mettre en selle, il fallait introduire la cuisse de champ entre leurs
branches (fig. 6 •'). La" selle est ici maintenue par la sangle, la cour-
roie de poitrail et une croupière combinée. Les bâtes, représentées
' Moilic (i"(3\('('iili()ii ; aiiiioy('i' do rc'cii de Krancc sur c'.Mini) de gueules (cabincl de
l'aiilciir). C'csl la liusscUc de lrli(!rc H.
- Poi'Iail do la calhcdruli! do lioiins, purlc de droite, sur l'un des jandtagcs; irpiv-
sculalion des Vices, r()i-i,'ueil.
^ IHanuscr. 15ii)liotli. nation.. />■ Linr du loij Moiius (l.'JiO à KJuO),
[ HARNAIS ]
436 —
en perspective de haut en bas en A, forment un cercle ne laissant,
entre les branches de la bâte de garrot et celles de la cuiller, que
jiisie la place pour introduire les cuisses, qui sont ainsi maintenues
^""""^nir^^i
rigoureusement. Les quartiers de la selle sont échancrés, ne forment
pas de ces angles aigus ou droits qui se retroussent facilement et
peuvent blesser !e cavalier au-dessus des genoux.
Ces sortes de selles étaient très-difficiles à établir solidement ; il
fallait les armer d'équerres de fer pour maintenir les bâtes hautes
sur les arçons et les bandes ; dès lors, elles étaient lourdes : aussi
chercha-t-on, pour les harnais civils, à alléger ces accessoires, et, vers
la lin du xiv= siècle, on en était venu aux garrots en façon de garde-
— 437 — r IIAHNAIS J
cuisses très-bas, et aux cuillers étroites et beaucoup moins recourbées
(fig. 7'). Le garrot a se prolonge jusqu'au-dessus des genoux du ca-
valier par une courbure adoucie ; le troussequin b, en forme de spa-
tule, enveloppe le bas des reins et est planté verticalement sur la
selle ; les gardes ne descendent qu'à la liaiiteur des genoux. Dans le
tracé perspectif A, on voit une croupière combinée avec pentes longues
terminées par des besanis dont le poids empécbe cette croupière de
sursauter. En B, outre les rênes tixées à l'extrémité des branches
du mors, celui-ci es(. muni d'une bride, que l'on ne voit guère adoptée
avant le milieu du xiv° siècle-. Cette bride ainsi (|ue la coui-rnie
' Mamiscr. r.ihliolli. nation., Livre de chasse da Oaston IMnvlnis (lin dn xiv"" sircle).
- Voyez, pour la description délaillée des mors cl (!>lricrs, les Haiinais milita mi es. ,
[ HARNAIS ] — 438 —
de poitrail el la croupière sont ornées de lambrequins qui donnent
du poids à ces accessoires, et contribuent à les maintenir à leur
place. Alors les étriers sont triangulaires ou en ogive, les sangles
sont fortes et bordées. Ces sortes de selles étaient garnies de cuir
peint en rouge, en noir, en brun.
INous arrivons à l'époque où les harnais civils sont façonnés avec
un luxe croissant. C'est aussi à dater de ce temps que les femmes
cessent de monter à cheval comme les hommes, bien que dès le xn''
siècle des amazones soient représentées assises à la gauche de la
monture : mais ce n'est pas la règle commune ; tandis qu'à dater
du xV siècle, on ne voit plus d'écuyères enfourcher la haquenée.
On donnait aux selles spécialement destinées aux femmes le nom
de sambiies :
« Onques tresto lou jor uc montai au sainbuei. »
Il s'agit d'une demoiselle. La sambue était plutôt une couverture
qu'une selle, sur laquelle s'asseyaient les femmes, les jambes pen-
dantes sur le flanc gauche de la selle. Les écuyères ainsi placées, leur
monture était dirigée par un homme qui, à pied ou même à cheval,
tenait la bride.
Idoine, revenant de Rome à Lucques, est ainsi guidée par un vieux
chevalier :
<■ Par la ricc rcsue la lient
« .1. vins chevaliers qui la guie;
" Car mult souvent ot en haillie
« Teus gens les daines a guier,
" Et a conduire et a mener-. "
Le nom de sambue est aussi donné à la couverture d'étolîe posée
sons les quartiers de la selle des hommes •':
i< .V pallet'roit. vient si fauselle;
" Le poitral laice et met le frein '►
i< Et la sambue et le lorain^
' Floovant, chanson de geste, vers IT/Ii (xiiie siècle).
- Li Romans d'Amndns et Idoinf, vers 4631 et suiv. (xiiF siècle;.
^ Certains chars et litières recouverts d'étotîe, spécialement réservés aux t'emmes,
sont appelés sambices.
^ Le « nmrs ».
» Les « relies »,
- 439 -
« Qui valloit .1. riclie tirsor.
« Car toz csloit d'argeut et d'or :
« Nés les clochètes ki pandoient;
" Qui ('Icrenicut rotantissoientl. >
[ HARNAIS ]
Vers la lin du xiv^ siècle, on se servait aussi de selles garnies seu-
lement d'une bàle large et peu élevée à l'arrière, sans aucune saillie
au garrot (lig. 8 -). Ces sortes de selles étaient réservées aux pro-
11
menades. Elles étaient légères, les quartiers étaient piqués, et con-
venaient aux roussins, chevaux un peu épais, durs à la fatigue, de
moyenne taille, à l'allure calme. Ces sortes de selles étaient garnies
d'élolïes et non de peau.
Au commencement du xv° siècle , apparaissent des selles avec
garrot peu élevé et troussequin renversé à la manière de nos selles
anglaises (fig. 9 '■'), garnis de cuir avec clous. Ces sortes de selles
ne paraissent [las avoir été fréiiuemmenl en usage. Les cavaliers
' l'Alrails du Dotopalhus d'ilcrhi'rs (xin'' siècle)
■ Mauuscr. r>il)lioUi. nation., Haytou, Histoire de la terre d'Orient, français (l.'J'JO).
' Mauuscr. liihliolii. \\AVu)n., Lmice'ot du Luc, IVaui;.. vignettes de; t'aclure italienne.
[ HAKNAIS ] — 440 —
avaient riiabilude des lrousse{|uins élevés et ne devaient pas se sentir
bien assis sur ce plan fuyant vers rarrière-main. Elles ne conve-
naient qu'aux chevaux aux allures tranquilles, pour chevaucher au
petit trot ou au pas. Pour une allure précipitée, la selle à troussequin
dérobé ne convient qu'à la condition de porter le corps en avant et de
monter à l'anglaise. Or, à cette époque, le cavalier était toujours sur
ses reins, et avait besoin, pendant une allure vive, de sentir la cuiller
de la selle, pour ne pas perdre les élriers.
On observera que les troussequins, les cuillers, sont toujours
échancrés à leur base. Gela était fait pour laisser aux vêtements
longs la place nécessaire qui permettait aux plis de tomber des deux
côtés de la selle. Les hommes portaient alors des cottes dont la jupe
descendait au moins à la hauteur des genoux. Il ne fallait pas que les
bâtes fermées fissent plisser ces jupes sous le bas des reins du cava-
lier, ce qui eût été fort gênant; on les échancrait, et ainsi les jupes
n'amassaient pas leurs plis en dedans de la selle.
On prisait foi1, pendant le moyen âge, les chevaux de sang et on
les payait cher; on en prenait grand soin, on les aimait. Les romans
sont pleins de détails relatifs aux qualités des chevaux. Leurs maîtres
ont pour eux une sorte de tendresse ; ils les pleurent s'ils les per-
— 441 -
I IIAIO.US ]
dent ; ils leur parlent, leur racontent les peines qu'ils endurent, les
plaignent s'ils les sentent fatigués. Il y a sur ce sujet des passages
touchants. Ces chevaux étaient dressés avec soin, et quand un cheval
paraissait avoir des qualités peu communes, les gentilshommes
essayaient de tous les moyens pour se le procurer. Un pas.sage du
Roman dAmadas et Idoine ' peint ainsi vivement le désir du héros
de posséder un beau cheval qu'il voit passer dans la rue :
Qui bieu .(',. livres u plus vaut.
Endroit niiedi, por le caut.
Le menoit .1. vallès baiguier.
Quaut Ainadas voit le destrier,
Mult le convoite en son corage.
L'ostes-, qui ot le cuer niult sage,
Aperçoit bien sou samblant'*
Et a cou qu'il l'esgarde tant,
Que mult le convoite Aniadas.
A haute vois, isuel le pas,
Le vallet au borjois apele,
Et cil guencit'* la resne bêle,
Le boa ceval droit vers lui guie^.
Mais au veuir par cortoisie
Les jambes oevre .1. seul petit.
Et li destriers, selouc l'escrit,
Se lance avant comme .1. quariaus •"',
Voit le Amadas, mult li est biaus.
Mult le loe et dist mult vaut. »
Plus lard notre héros, qui est en quête de chevaux pour se rendre
à un tournoi :
■I C'un palefroi revit passer
>. Qui bien faisoit a regarder,
(c {'.-Aï il n'estoit mie tondus ",
■< Aius ers trop cointemeut crenus,
« Graus erl et biaus ; ce m'est avis
« N'ot si bel (ui trente pais,
« De cors, de uicmbres, ne de teste.
« Ne quic uus lioiu si geutc besle,
' l'ulil. par M. Hippcau, vers -5139 et suiv.
2 L'liiit(3 d'Amadas.
^ « bou désir " .
* « Détourne >•.
'■' •< Dirige -".
i"' » Mais, jiar courtoisie, le valet ouvre légèrement les genoux, et le cheval. Iiicu
dressé, part comme un(! Ilèclu! pour venir près li'Amadas. >-
' u 11 était il tous crins. ^
m. — .')()
[ HARNAIS I — 442 —
« Ne qui iniv; doio avoir bon los
<c Dcboutô ; i]ii(! iiiult a le dos
Il Cambre k niosurc, pour porter
Il La sele à droit sans remuer ;
« Costes et flans, crupe à raison
« Large et Ice, sans niesprisou ;
" Ample narine, les cels gros ;
« Nés ert de Gale et du sour os
« De blancheur resanbloit ermine.
« En jiourtraiture, n'en cortine,
« N'en fu aine nus de sa biauté ' ;
« Si vous di bien de vérité.
« Viste ciere ot, comme l'orguel.
Il loi en arcie et large entroel -.
Il La rue fait toute frémir
« Et des cailliaus le fu salir ,
II Tant par va tost à desniesure,
Il Si bel, si souef d'ambléure,
i< (Vautres cevaus pas ne peiisl.
<i Si aler, ne si fais ne fust. »
Amadas voit ce cheval, et le convoite à part lui pour le donner à
son amie; son hôte devine son désir, fait amener le cheval chez lui,
l'achète et le fait richement harnacher.
Nous pourrions accumuler les citations de cette nature, qui montrent
comhien on appréciait alors les qualités du cheval, combien les
écuyers étaient amateurs de belles bêtes, et comme on cultivait l'art
de les bien monter et de les habiller à souhait.
Les femmes, pour voyager, montaient le plus souvent des mules, qui
étaient fort estimées et qu'on se plaisait à harnacher richement.
Nous avons dit que dès le commencement du xv= siècle les dames
abandonnèrent l'usage d'enfourcher les chevaux, assez général jus-
qu'alors chez le beau sexe.
Les selles de femme sont disposées à peu près comme les nôtres
(fig. 10 ^), avec une fourche sur le garrot pour maintenir la jambe
droite, pliée habituellement; une longue couverture est posée sous la
selle pour empêcher les jupes de l'amazone d'être gâtées au contact
de la sueur de la bête. Précaution qui n'était pas inutile dans les
longues chevauchées.
Les écuyers, vers 1440, se servaient souvent, pour les courses ([ui
n'avaient pas un caractère militaire, de selles avec hauts trousse-
' Il On n'en voyait pas de plus beau en peinture et tapisserie. "
- Il II avait le regard lier comme l'orgueil, l'œil arqué, et large frout. »
'•'• Manuscr. liiblioLli. nation., Luncelot du Lac, franc;, (commeneemeul du xv siècle).
443
[ HARNAIS ]
quins, sans bâtes de garrot (lî g. il '). Tout ce harnais est bleu et or ;
le dehors du troussequin est noir. C'était d'un beau luxe d'avoir alors
le harnais de même couleur que l'habillement du cavalier. Et, en
W
%
eiïei, le gentilhomme qui monte ce cheval est habillé de velours
bleu. Il porte un surcot juste, suivant la mode du temps, avec
collet montant du pourpoint et manches de dessous cramoisis ;
son chapel est aussi de velours bleu, et trois tours d'une Une
chaîne d'or tombent sur le dos et la poitrine ; son haut-de-chausses
est vert, avec houseaux noirs à revers fauve. Les passe -poils du
surcot sont d'or; la selle est couverte de velours bleu avec dehors du
troussequin noir; l'ornement du poitrail, de la croupière, ainsi que
la pente de la bride, sont de même de velours bleu, avec clous et
(loches d'or. En A, est une variété du troussequin. Celui B est sim-
' Miiiiiisci'. lîitiliolli. ivaUiiu., (ifitirt (/e Nevers,
4U
[ HARNAIS ]
plement droit au faîte, avec embase inclinée. Les vêlements des
hommes étaient alors très-courts, il n'était pas nécessaire d'échan-
crer le troussequin. Vers la seconde moitié du xv" siècle, la richesse
des harnais ne tlt que se développer. Nous donnons (fig. 12 ') Tun de
ces habillements de montures pour les chevauchées de la paix. La
selle est munie d'une bâte de garrot élevée (voy. en A). Le trousse-
quin B se renverse un peu en avant et est en forme de large cuiller,
légèrement échancrée à la base.
La croupière est maintenue en place à l'aide d'un jeu de courroies
d'un brillant elfet, avec orfèvrerie et floches de soie. La bride ainsi
que la courroie de poitrail sont également ornées de floches et
d'orfèvrerie. L'habillement de tête est particulier : la muserolle
n'est pas bridée sur les naseaux de la bête, mais est composée de
deux courroies se croisant entre les yeux , passant derrière les
' Mainiscr. l'.ihlioUi. nution., Quhite-Curce, français, (l.'dir- à (',li;irlcs le Témérmre.
_ 445 — L "AUNAis ]
oreilles et venant se rattacher aux bosseltes du frontal. La figure 13
explique clairement ce genre de bride '. Sur la selle est posée une
& ....
couverture .lui y demeurait lixée, et descendait sur les quartiers
jusqu\à l'attache des étriers. Ainsi le bas des quartiers no pouvail-.l
froisser le dedans des mollets du cavalier.
^ Voyoz. pour la desmption ,h's diverses i>:.rli.s ,!,■ la hri.l. H à. n.ors. rarlirle
Harnais, daus la partie des Aumks.
446
[ HARNAIS ]
Vers la (in du \v« siècle, les guerres entreprises en Italie eui'ent
une influence sur la manière de liarnacher les chevaux de selle. Les
harnais de l'Italie du nord étaient en grande estime à cette époque,
aussi bien que les armes défensives. Ces objets se recommandaient
J
non-seulemenl par leurs richesses, mais aussi par leur belle exé-
cution. Les selles notamment étaient fort recherchées par les gen-
tilshommes français : larges, bien assises sur les reins de la monture,
garnies d'un épais Iroussequin rembourré en dedans et qui envelop-
pait exactement le bas des hanches du cavalier, elles possédaient
une bâte de garrot en ogive, descendant à la hauteur des genoux ver-
ticalement (tig. 14). Cette forme de selles était d'ailleurs aussi bien
adaptée à l'usage civil qu'à la guerre ', mais dans ce dernier cas le
troussequin et le garrot étaient garnis de fer. Les Italiens fabriquaient
' Voyez la sLaluc de ('.hUcdiic a Venise (plaee de Saiut-Jeau el Sainl-l'aulj.
- 447
[ HARNAIS 1
aussi des selles plus légères eL qui convenaient mieux aux chevau-
chées de plaisance ((ig. lo), avec garrot en forme de spatule large
et troussequin très-recourhé et échancré à la base. Cette jolie selle
i4
PBB^"
date delà lin du xv° siècle; elle est entièrement composée de pièces
d'ivoire avec légers filets délicatement perlés, et sculptures en plat
relief représentant des personnages, des fleurs et ornements i. En A,
est tracée la forme du troussequin par derrière, et en B la forme du
garrot par devant. Cet exemple n'est pas le seul présentant des sujets
sculptés sur le siège même de la selle.
La collection des armes du château de Pierrefonds possède une
très-jolie selle de fabrication française, de bois de poirier, qui date
de la tin du xv^ siècle, et qui est entièrement couverte de sculptures
en plat relief (tig. 16). Le troussequin, divisé en deux lobes, est
renversé, et l'extrémité supérieure du garrot se termine par deux
disques inclinés qui retiennent les rênes dans le cas où le cavalier
les abandonne. Ces sculptures, dans ces deux exemples, sont trop
plates pour olîenscr les cuisses du cavalier, en supposant celui-ci
vêtu d'un haut-de-chausses de peau. Ce sont des gravures très-
1 MusL'C nalioliiil a Kloi'eiue.
[ iiAU?<Ais ] — 448 —
légèremcnl modelées, qui ne pouvaient qu'empêcher récuyer de
glisser.
Les gentilshommes, pendant le moyen âge, et particulièrement
depuis la iin du mv^ siècle, dépensaient des sommes folles en har-
iS
\â,
I
^
Ù,^i. <l /'
nais. Olivier de la Marche nous a laissé des descriptions de ces équi-
pages qui dépassent en richesse tout ce que l'on peut imaginer.
C'était surtout dans les fêtes, les joutes, les tournois, que l'on
déployait un luxe prodigieux de harnais. Nous nous sommes sim-
plement attaché, dans cet article, à faire connaître les dispositions
— 449 — [ IIEIHES ]
adoptées dans riiabillement des montures et les formes successives
des harnais civils. Dans les articles Tournois, Joutes, el dans la
iG
partie des Ahmes, on trouve les renseignements qui coniplètcnl
l'aperçu présenté ici.
HAUT -DE -CHAUSSES, s. m. Ce vêtement dérive des braies.
C'est, dans l'origine, à proprement parler, un caleçon plus ou moins
ample ou collant, attaché au-dessus des hanches, et qui ne descend
au {)lus qu'aux genoux. Il n'est pas question de hauts-de-chausses
avant la fin du xV^ siècle, et à l'article Bkaies nous avons expliqué
comment les hauts-de-chausses apparaissent.
HÉRIGAUT, s. m. — Voy. G.\iutE-coi5PS.
HEURES, s. 1'. Livr cont(!nant les prières (ju'on lisait iiciiilant
les ullices ou lorsqu'on voulait faire acte de dévotion.
Dès le xni'' siècle, les dames avaient pour habiliule dt; porlcr
en maintes occasions un livre d'heures sur elles, enfermé en un
sachet richement brodé el orné de perles et de pierreries. Cri
m. — .17
[ iiEi:itEs 1 — 4o0 —
objet de dévolion devint un appendice de parure. Les bourgeoises
elles-mêmes, quand elles sortaient pour aller en ville, attachaient
à leur bras ce sachet contenant le livre d'heures. Ainsi paraissait-on
sortir de l'église ou se disposer à s'y rendre ; et pour les femmes
l'église était un des prétextes les plus fréquemment invoqués, lors-
qu'elles voulaient pour quelques heures laisser là le logis. Ce sachet
était fermé par une ganse coulant dans une coulisse. On passait la
ganse au bras ou on l'attachait à la ceinture.
La ligure 1 ' nous montre un de ces sachets brodés, et la manière
de le suspendre au bras. Souvent, ces sachets étaient très-longs, ce
qui permettait d'y couler d'autres objets. Faits en forme de fourreau,
leur extrémité antérieure entourait le bras (lîg. 2), ou était passée
dans la ceinture, lorsque le vêlement comportait cet accessoire.
' Musco (ie Toulouse!, tombe d'une danie noble (lin du xni'" siècle).
— 4oi — I HEURES ]
L'exemple ligure 2 présente une jeune dame du commencement
du xiv« siècle*. Elle est vêtue d'un bliaut par dessus la cotte et d'un
chaperon.
Les heures étaient si bien considéi'ées, au xiv° siècle, comme un des
accessoires indispensables à la toilette d'une femm.e de bonne mai-
son, que le poêle Eustache Deschamps s'exprime ainsi à ce propos-.
' iMaiiuscr. liihliuUi. ii.'ilioii., le Miroir hisiuria/, IVaurais (1320 euvirou].
2 {.c Miroir de riiariaga.
[ IIEUSE ] — 4o2 —
C'est le couseillei' qui parle, réclamant tout ce qui est indispensable
à la femme pour qu'elle paraisse convenablement à la ville :
'1 Heures me fault de Nostrc-Daine,
Cl Si comme il appartient k faine
(1 Venue de noble paraige,
« Qui soient de soutil ouvraige,
'( D'oi" et d'azur, riehes et fointes,
H Bien ordonnés et bien pointes,
« De fin drap d'or très bien pouverles;
« Et quant elles seront ouvertes,
« Deux fermauk d'or qui fermeront.
u Qu'adonques ceuls qui les verront
'i Puissent partout dire et compter
<i Qu'om ne ])uet plus belles porter. »
Cette habitude de porter les livres d'heures dans des sachets sus-
pendus dura jusqu'à la fln du xv^ siècle.
Les liommes nobles se rendant à l'église faisaient porter leur livre
par un page ; mais le plus souvent ils s'en passaient. Ce n'est qu'au
xvii" siècle que l'on voit les gentilshommes, se piquant de dévotion,
affecter de porter à la main ou dans leur poche un livre d'heures.
HEUSE, s. f. {home, housiau, linesel, œsse). « Heuses sont faites
« pour soy garder de la boe et de froidure, quand l'on chemine
« par pays, et pour soy garder de l'eauë *. » Il est question des heuses
dès le xni* siècle : « Calceamentis militaribus, qua> vulgariter lieuses
« dicuntur, seculariter, imo potius prodigaliter calceati et calca-
« rati -. »
« Cil chamberlanc vont a li por servir,
Il Vest le bliau et peliçon hermin,
« Hueses tirées, espérons h or fin '. »
« Et pour ce meschief et pour l'enfermetei dou païs, là où il ne
« pleut nulle foiz goûte d'yaue, nous vint la maladie de l'osl, qui
« estoit tex que la chars de nos jambes sechoit toute, et li cuirs de
« nos jambes devenoit tavelés de noir et de terre, aussi comme une
« vieille heuse '*. »
A la fin du xi" siècle, on portait des heuses avec le vêtement mili-
1 Fécial, soiis le règne de Henri VI d'Angleterre : De officio heraldorum.
2 Mail). Paris, ann. 1247.
^ I.e Roman de Gnrùi.
* Hiat. de saint Louis, j ar ,1., sire de Joiuville, publ. par M. Nat. de Wailly.
— 453
[ HEUSt: ]
taire, et ces chaussures remontaient à une époque beaucoup plus
ancienne (voyez, clans la partie des Armes, h l'article Armure, les
figures 2 et 6). Les lieuses étaient des bottes plus ou moins hautes
de tige et quelquefois agrafées latéralement et sur le tibia. Celles-Là
étaient justes et se mettaient comme nos grandes guêtres. Souvent
la tige se terminait par des revers.
Les piétons et les voyageurs à cheval portaient cette chaussure de
cuir noir ou fauve, ou coloré en rouge ou en bleu. « Et Marcuflex
« chaussa les heuses vermeilles, par l'aie et le conseil des autres
" Grecs '. » Les pauvres gens ne portaient guère ces sortes de chaus-
sures, qui étaient chères, et les remplaçaient par des jambières de
peau non tannée, posées par-dessus les souliei's ; mais les gentils-
hommes et les bourgeois ne manquaient pas de mettre des heuses
toutes les fois qu'il fallait cheminer dans la boue ou chevaucher.
En chasse, au xiv^ siècle, la noblesse portait des heuses très-bien
combinées. Les unes (fig. 1) ne montaient qu'au-dessus des genoux,
' Villehardoiiin.
[ iiel:se ] — 454 —
avec retroussis serré, soit de peau légère ou de drap, qui empê-
chait la pluie de pénétrer dans la chaussure. Ces heuses étaient hou-
clées latéralement du côté externe, seulement du dessous des genoux
aux chevilles. Le pied et le genou étant fermés à demeure. Les au-
tres (fig. 2) montaient jusqu'au milieu des cuisses, et étaient, des
genoux au cou-de-pied, agrafées latéralement. On voit en A comment
se terminait l'agrafure sous le genou. En B, sont tracées les agrafes;
a étant le bord interne du cuir des bielles et b le bord externe du
cuir de recouvi-ement des agrafes cousues sous ce bord. On voit en
c comment étaient cousues les bielles sur le cuir de l'autre partie.
Les cuissots étant fermés jusques et y compris le dessous des genoux,
on passait d'abord la jambe dans le canon /", puis le pied dans le
soulier, sans difticullé, après quoi, on agrafait le recouvrement du
libia. Les valets de chiens, les veneurs à pied, portaient des heuses
— 4oO — [ IIEISE ]
lacées (fin-. 3), laissant les genoux libres i. On portait aussi des
lieuses faites comme nos bottes molles-. Vers le milieu du xv* siècle,
les soudai'ds des compagnies franches, coureurs de grands chemins,
gens à tout faire, élaient habilucllement chaussés de longues lieuses
;p
qu'ils ne quittaient guère (lig. 4 '). Ces lieuses sont agrafées sur le
tibia et le cou-de-pied, jusqu'à la hauteur des genoux; la partie qui
couvre le bas de la cuisse est fermée. On y introduit la jambe
d'abord en tirant sur les courroies, qui tombent le long des revers,
puis on agrafe le bas. Ces chaussures devaient être excellentes pour
la marche.
Dans un temps où les chemins n'étaient guère bons, où cependant
' Maiiuscr. Tîihlioth. nation., /e Livre de chasse de Gaston Phœbus (lin ilu xivc siècle).
Ces trois exemples piovicnHcnl de ce manuserit.
■2 Voyez, à l'îirtii'lc Journade, la figure 2.
3 Maiiuscr. I!ihli<ilii. nation., Miroir /listuri'il, t'raurais (144(1 cnviriiii).
IIEUSE
456
l'habitude de voyager était familière à toutes les classes de la
société, où la vie se passait en grande partie en plein air, on tenait
fort à posséder des vêtements qui pussent garantir toutes les parties
du corps, et principalement celles qui souffrent le plus des intempéries
et qui fatiguent; aussi, les habillements de jambes sont-ils, pendant
le moyen âge, l'objet de précautions inliiiies. On portail, par exem-
ple, des hauls-de-chausses, sortes de caleçons justes, qui descendaient
à mi-cuisse, par-dessus lesquels on passait de longs bas-de-chausses
recouvrant la partie inférieure des hauls-de-chausses, puis une
seconde paire de bas-de-chausses plus épais, attachés au corset ou
au pourpoint par des aiguillettes, puis des lieuses pour marcher
dehors (lig. 5 •). C'est à dater de la seconde moitié du xiv siècle
' Mriiie iiuinusiTil.
— 457 — ' [ IIOQLETON ]
que Ton adopte ce mode de vèlir les jambes. La miniature d'après
laquelle est faite la figure S montre, en A, le haul-de-chausses blanc ;
on B, les bas-de-cliausses de dessous gris, puis les bas-de-chausses
de dessus verts. Les beuses sont noires.
/L.a.aAùMjT.
Les élégants portaient, de 1440 à 1460, des bottes molles très-
longues, très-souples et dont les revers montaient au baut des cuisses
(voyez, à l'article Corset, la figure 5). S'il fallait marcber dans la
boue, on mettait par dessus ces heuses des patins à semelle de
bois, altacbés par une courroie sur le cou-de-pied. Cet usage s'était
conservé jusque vers le milieu du xvn"^ siècle. On donnait alors à ces
patins le nom de galoches (voy. Chaussures). Il était une mode
bizarre vers 1450, et qui consistait h. porter une botte fauve à l'une
des deux jambes. Les Arrêts dUimour de Martial d'Auvergne font
mention de cette étrange coutume. Il s'agit de dames qui réclament
la faculté de porter une botte fauve à la jambe droite ou sénesli-c,
ainsi que cela est pratiqué par les élégants. Les miniatures du manus-
crit de Girart de Nevers, de la Bibliotliè(iue nationale, nous monli'cnt
en effet un jeune gentiliiomme ainsi cliaussé *.
HOQUETON, s. m. {auijueton). Vêlement plutôt militaire que civil,
à manclies courtes, assez amples, garni d'un capucbon, ol dont la
' Voici le litre du la vigncUc : << Do la gaigiire f|iie r.irart de Nevers lisl ii l'cii-
" couire de I.i/.iarl. coule de Foresl. » Les iiiinialures de ce maiiiisci'il duleiil de liid
cuviiou.
m. — uS
[ IIOQUETON ] — io8 —
jupe, fendue par devant, par derrière et latéralement, à la hauteur de
Tentre-cuisses, descendait aux genoux. On portait le hoquelon par-
dessus rarmure. Le lioqueton appartenait à toutes les classes et même
aux femmes :
« Mainte hele paieune vestue (ramiiiulou
« Vcissiés graot dol faire et erier a haut ton l. »
• Li rois fais as Ribaiis vc>tir les auqtietons -. »
Les nobles doublaient le lioqueton civil de fourrures et ornaient
r
l'extrémité des manches et le capuchon de passementeries ; quelque-
' La Conquête de Jérusalem, eh. V, vers 44oS (xiii^ siècle).
' Ibid. . ih. VI, vers 57G5.
— 4o9 — [ IlOQUETON '
fois môme le corps du vêtement était couvert de bandes horizontales
brodées d'or ou de couleur.
La ligure 1 montre un hoqueton du commencement du xni»
siècle '. (le boqueton primitif est simplement ouvert du liant eu bas
^À
par devant, mais n'est fendu ni latéralement, ni par derrière. On
passait ou Ton ne passait pas les mancbes, et, dans ce dernier cas,
le vêtement était retenu autour du cou par un bouton ou une agi-afc
Dans l'exemple ligure 1, le personnage a passé la manclie droite; ;
la mancbe gauche tombe libre sur réi)aule. Le capuchon est doublé
' Minii.s.T. ISililiulli. nation , l'sahn., laliii (liOO à 1210}.
[ IlOQUETON ]
460
solidcmenl eL forme sur lu tète nue coiriïire épaisse et roiJe. Plus
lard, vers le milieu du xiii" siècle, le lioqueton adopte une coupe qu'il
ne perd plus jusqu'au moment où il disparaît pour faire place au
surcol. La ligure 2 ' montre un genlilliomme vêtu du hoqueton civil,
doublé de fourrure. Alors les broderies ont disparu des manches et
n'apparaissent plus que par bandes espacées dans la hauteur de la
robe ; encore sont-elles rares.
Les hoquetons des gentilshommes étaient faits d'étoffe de soie
épaisse et solide ; les plus ordinaires étaient coupés dans du drap
' Manuscr. nihlidlli. nation.. Romrm de In table ronde, français (1250 environ).
— 461 — [ IIOQLETOK ]
léger ou do la sei'gc. Ils sont toujours doublés, sinon de fourrure,
au moins d'une étolTe légère et toujours claire. Le hoqueton que
portaient les femmes ne ditîérait de celui des hommes que par
la jupe, qui n'était pas fendue latéralement et qui descendait aux
chevilles,
4
Les sergents d'armes portaient toujours le ho(iueton au \ni" siècle,
soit en tenue civile, soit par-dessus l'armure. Ce hoqueton était aux
armes du prince, et par-dessus on enfonrmnit encore le chaperon
((ig. 3 '). Sous le chaperon enfourmé on voit le capuchon du hoque-
ton hridé sui' le front du cavalier. Ce capuchon n'est pas toujours
de la même couleur que le hoqueton. Dans cet exemple, il est rouge,
tandis que le hoqueton est bleu glauque et le chaperon pourpre.
Les chausses sont rouiies et les manches de la cotte de dessous
' Miinusrr. HiMiotli. nation., Hi.st. de Ut vie et îles inirncles de sninl. Louis, IVaiirîjis
[l:)0() environ). Ce s(;rgent d'arnics suit le roi k clioval.
[ IIOL'PPELAiSDE ] — 462 —
roses. Ce sergent porte des gants blancs. Le lioqueton de la tin du
^ni' siècle était à peu près ajusté à la taille, ample au-dessus et au-
dessous. On le passait comme on passe une chemise, car il n"claitpas
fendu du haut en bas, comme le hoqueton primitif.
Ce n'est que vers la fin du xui" siècle que le capuchon du hoque-
ton diffère parfois de couleur avec le corps du vêtement. Avant
celle époque le tout est taillé dans une étoffe de même nuance.
On a donné aussi le nom de hoqueton à la dalmatique courte que
portaient les hérauts d'armes.
La ligure 4 présente un de ces hérauts d'armes revêtu du hoque-
ton armoyé » d'or à l'aigle impériale de sable. Ses jambes sont armées
de grèves et de genouillères, avec hauts-de-chausses rouges. Ce
vêlement, traditionnel chez les hérauts d"armes, persiste jusqu'au
xvf siècle.
HOUPPELANDE, s. f. Ce vêtement n'apparait que vers 43S0 ; il
est très-usité jusqu'à la fin du règne de Charles VL On le retrouve
encore plus lard, mais il prend alors 'des formes très-différentes 'de
celles qu'il affectait primitivement. C'était un ample surtout ouvert
par devant, possédant des manches larges, et habituellement décoré
de broderies, de passementeries, doublé de fourrures et accompa-
gné d'un chaperon. L'inventaire du trésor de Charles V mentionne
un grand nombre de houppelandes : « Item une houppelande,
« mantel et chapperon d'un veluiau azuré, fourré dermines et n'est
'< point moucheté, et y a quatre boulons dor garniz de muglias - et
« au bout de chacun bouton a une petite perle ^.. Item une houppc-
« lande et un chapperon de mesmes ; de drap de soye vermeil à
« feuilles en façon de coquilles, fourrez de menu vair ^ » Dans lès
comptes de la seconde moitié du xiv° siècle, il est question de houppe-
landes bâtardes, de houppelandes longues, de houppelandes à mi-
cuisse, de houppelandes à chevaucher, de houppelandes descendant
aux genoux ''. Bien que le chaperon fût assorti habituellement à la
houppelande, il n'y tenait pas ; il était indépendant et s'enfourmail
par dessus, dans les mauvais temps. Outre son ouverture de devant
qui séparait le vêlement du collet au bas de la jupe, et permettait
' MauusiT. lîililiuUi. unliou. . Jus.'pliL', Hist. des Juifs, IVaurais (1 i70 eiivii'on).
- Muglias, sorte (r(''toffc piTcioiis •.
■' Mamiscr. r)ilili(ilh. nation., Inn-iit. du trésor de Char/es V, art. .']476.
i Art. 34S3.
'^ Voyez la Kotice !,ur les comptes de t'aryenten'e, \)nv M. UoiiiU d'Arcq, )i. xlvi.
— 463 — [ HOUPPELANDE ]
(le le mellrc comme nous endossons nos pardessus, la houppelande
était fendue à droite et à gauche latéralement, jusqu au-dessous des
hanches. La ligure 1 donne la forme pi-emière de la houppelande '.
Le collet de la houppelande serrait exactement le cou et était hou-
tonné sur le devant. Ces houtons descendaient jusiiu'au nomhril. Les
1
\
manches, liès-amples, tombaient sur les mains. Il fallait les retrousser
pour dégager celles-ci. Portée d'abord sans ceinture, la houppe-
lande, sous Charles VI, est serrée à la taille par une riche courroie ;
son extrême ampleur gênait les mouvements, d'autant qu'alors les
manches furent si prodigieusement larges, qu'il n'était plus pos-
sible de se mouvoir dans cet amas d'étoile épaisse et fourrée. Cotte
.Mauiiscr. liiblioUi. luilioii., Tile Lue, fraiiriiis, dédié au rui Jean.
lIOLiPPELAINDE
— 464
ceinture ne tenant pas à l'Iiabit. on la mettait ou on ne la mettait
pas, à volonté. La liouppelande parée était la plus longue et tom-
bait sur les pieds. C'était un liabit de ville, de chevauchée et de
cérémonie, court ou long de jupe, riche ou simple, suivant l'occur-
rence. Ainsi, la ligure 2 ' nous montre un seigneur à genoux velu
d'une houppelande parée sans ceinture ; l'habit est rouge , fourré
A-.'
d'hermine. Le chaperon, posé sur l'épaule, est fait ici d'une autre
étoile; il est vert. La fourrure forme un bourrelet au sommet du
collet qui enveloppe exactement le bas du visage. Les manches sont
d'une ampleur démesurée et, le personnage étant à genoux, traî-
nent à terre. Un manuscrit de 1390 - fournit plusieurs exemples de
ces houppelandes longues, considérées comme vêtement paré (lig. 3).
Celle-ci est lilas, avec broderies d'or et fourrée d'hermine. Le cha-
peron de ce personnage est pourpre, avec un joyau sur le devant.
A la ville, les gentilshommes portaient la houppelande de même
' Minusi'i'. lîiblioUi. ualioa., P/ve/'ei'. hitiii (13S() euviron'.
- IJibliotli. iiiilii)ii.. Lancelot du Lac. frani;ais.
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Tome III. Houppelande, Fi(j. 5.
IIOLI'I'ELANDE DU DlC DE lïElir.V (llCO cnviiou).
Des Fossez et C', 6Jileu/'s
IMP. COMTE-JACQUIiT.
[ HOUPPELANDE ] — 4G6 —
ceinture d'or maintient ce lourd vêtement de cérémonie en haut de la
taille. Une sorte de pèlerine de velours noir à deux rangs, déchi-
quetée, descend du cou sur les épaules. Le second rang est seul brodé
é
f L^''
d'or. Une chaîne d'or, attachée sur le devant à deux riches agrafes
sur les épaules, passe sous l'étage supérieur de la pèlerine. A cette
chaîne sont suspendus, en manière de breloques, des niveaux et
pals d'or. Sous cette riche houppelande, le duc porte une robe de
satin vert dont on aperçoit les manches larges, plissées aux poi-
gnets. A sa main droite un bracelet d'or, auquel est suspendue une
bulle d'or. Le bonnet est de velours noir. Sous le col noir on aper-
çoit la fraise d'une fine chemisette. On sait que le duc de Berry
était un des seigneurs les plus magnifiques de la cour luxueuse de
Charles VI. Lettré, ami des arts, possesseur d'une des belles biblio-
thèques de ce temps, d'ailleurs fort ambitieux, le duc de Berry se fit
détester des Parisiens, qui brûlèrent son hôtel de Nesle et son châ-
teau de Bicêlre. Il mourut en 1416. Sa statue existe encore dans la
cathédrale de Bourges.
La houppelande longue se modifie de 1430 à 1440, et adopte les
manches bizarres de forme, à la mode de ce temps, hautes et rem-
bourrées sur les épaules, fendues latéralement et relativement
élroites aux poignets * ([)huiche XIII). Ce seigneur (c'est un duc) est
Maiiusrr. liililinlli. nnlmw . . Girarl de Neocrs, h'niuydis.
DICTIONNAIRE RAISONNÉ DU MOBILIER
'^^'T'.. 3
y/ij/Zc-i'/f: yjuc- ,i:é .
J'-A/. l'b^r^,
VfA.MORELetC'î Editeurs
HOUPPELANDE DE SEIGNEUR
XIV^ SIÈCLE
— 467 —
[ IlOll'I'EI.ANDK
revêtu, sous sa houppelande, irune armure blanche '. La houppelande
est faite d'une étoffe d'or avec ornements rouge brique ; elle est dou-
blée et bordée d'un salin bleu. Le chapel est bleu.
€
Ces houppelandes étaient, au besoin, retenues à la taille \ym- une
torsade de soie indépendante, avec glands de soie ou d'or. On obser-
vera que cette houppelande est seulement ouverte par devant et
n'est point fendue par derrière et latéralement, ainsi que l'étaient
les houppelandes du wy" siècle. Pour chevaucher armés, les gen-
tilshommes portaient de ces surlouls d'étoile oïdinaire et bien four-
1 11,' l'.T |Mlli.
[ HOUPPELANDE ] — 468 —
rés, autant pour se préserver du froid que pour garantir les armes
polies, habituelles alors, qu'on appelait armes blanches et qui se rouil-
laient facilement.
Les bourgeois ne portaient guère de houppelandes longues qu'à la
ville ; bien entendu, elles étaient taillées dans des étoffes de laine,
mais n'en étaient pas moins fourrées d'écureuil ou de peau d'agneau.
En campagne, dans les chevauchées , les bourgeois , à la fin du
XV* siècle, endossaient des houppelandes courtes qui ne descendaient
qu'à mi-cuisse (fig. 6). Ce personnage porte l'un de ces vêtements de
couleur mordorée, avec un capuchon'. Il est coiffé d'un chapeau
rouge, et son haut-de-chausses est vert. Des houseaux de cuir fauve
couvrent ses jambes -.
Mais, avant cette époque, c'est-à-dire pendant le cours du xV siècle
jusqu'au règne de Louis XI, les houppelandes à chevaucher étaient
au contraire longues, couvraient les jambes, et tombaient jusqu'aux
étriers. Les houppelandes courtes étaient plutôt portées lorsqu'on
allait à pied par la ville. La houppelande longue, à cheval, convenait
aux hommes d'armes de haute noblesse et lorsqu'on n'avait pas
à redouter une attaque, ou aux personnes d'un âge mûr. Les jeunes
gens ne portaient la houppelande longue que dans certaines solen-
nités, car elle était considérée comme un vêtement de cérémonie
réservé aux personnes de qualité.
Pendant le cours du moyen âge les vêtements amples et chauds
abondent. Cloches, gonelles. garnaches, houppelandes, peliçons,
capes, manteaux, etc., on n'a que l'embarras du choix. Nous n'avons
aujourd'hui que peu d'équivalents à ces vêtements fourrés, amples,
qui enveloppaient si complètement le corps. Il est vrai qu'alors on
voyageait beaucoup à cheval, et que les appartements n'étaient pas
chaufïés comme ils le sont aujourd'hui. Au total, ces habitudes étaient
beaucoup plus saines, puisqu'il est toujours facile de se débarrasser
d'un vêtement trop cliaud, et qu'étant ainsi bien couvert, on n'avait
pas à craindre ces brusques changements de température de l'inté-
rieur à l'extérieur, qui sont la cause de beaucoup de maladies qu'alors
on ne connaissait guère. On est trop disposé à croire que nos aïeux
étaient moins sensibles que nous au froid ; le fait est qu'ils savaient
mieux s'en garantir, sinon en chauffant à outrance leurs logis, au
moins par la composition de leurs vêtements.
' Te n'esl qu'à la fiu du xv<^ siècle que le capuchon nst adhérent à la iiou])pelande
courte.
2 Manuscr. Bitilioth. nation., Tite-I.ive, français (1480 environ).
469 —
[ HOUPPELANDE ]
La houppelande n'élait pas un vêtement spécial aux hommes ; on
désignait ainsi, au xv« siècle, une robe de dessus destinée aux dames
7
et qui était très-élé?anle. Dans les Arrêts d'amour de Maillai liAu-
veriïne ', il est fait mention d'une jeune femme (jui en appelle (\o la
décision de son mari qui lui défend de porter une robe (houppe-
' I>(''gn(! lie Louis \1, arirt xxxi.
[ IIOIPPELAISUE
470
lande) et un chaperon fails à la nouvelle mode. Le mari aurait fait
ôler cette robe à sa moitié, disent les considérants de l'arrêt, « par
« ce qu'elle est (la robe) trop ouverte par devant, et que la lansuetle
« du colet va ti'op bas, et que le gict de penne ' est un petit trop
« grand. Et autant en ont ils laict de son cliaperon ; pour ce qu'ilz
« veulent dire, que la patte est trop volante : et de faict Ton luy
« musse. De laquelle chose elle ha appelle en la court de céans. Si
« concluoit tout pertinent en cas d'appel, qu'il avoit esté mal
« exploicté, et par elle bien appelle. Et au surplus requeroit provi-
(* sion, que pendant le procès elle peust vestir ladicte robbe et son
« dict chaperon.
' l-ii (loiihliii-c lie roiin-iirc
— 471 — [ HOUPPELANDE ]
« De la partie des dictz parens et amys intimez fat delîendu au
contraire, disant que selon la jambe le coup : car le monde parle
aujoui'd'lmy trop de légier, et se faict bon garder des premiers
6 bis.
'< courroux. Or disoit-il que sa dicte robbe ou boupelande que ccste
« appelante avoil faict faire, n'estoit pas selon son estât. Car il y
« avoit superdiiité d'outrage que Ton luy debvoit tollir, pour les
« inconveniens que s'en pourroyent ensuyvir... etc. » La houppe-
lande des dames de la seconde moitié du xv° siècle était donc un
vêtement élégant et décolleté que Ton pouvait passer par-dessus la
cotle et le surcot. Mais ce vêtement datait d'une époque antérieure,
puisque la reine Isabeau de Bavière en portail un lois de son entrée
[ HOUPPELANDE J — 47^ —
à Paris. Les houppelandes de dames nobles portées à la fin du
XIV" siècle étaient amples, ouvertes par devant, doublées de fourrures
formant collet, retroussées aux manches et faisant bordure à la robe
(fig. 7 1). Le bas de la houppelande traînant à terre, les dames en
rattachaient le devant par des agrafes au-dessous de la taille, ainsi
que le montre notre tigure, afin de pouvoir marcher. Ces houppe-
landes étaient portées sans ceinture, ajustées à la taille et décolletées,
ou avec ceinture, collet haut, suivant la mode du temps, et manches
très-amples en façon d'entonnoirs (fig. 8 - et 8 bis). Coupées dans du
samit ou même du velours, elles étaient toujours doublées de four-
rure et étaient boutonnées par devant, de la ceinture au cou ou seu-
lement de la gorge au cou. Cette seconde façon de houppelande était
moins parée que la première. Les bourgeoises cherchaient à iraitei-
ces modes dispendieuses et gênantes, mais il leur était difficile de
porter des vêlements aussi longs, pourvus de manches énormes, qui
ne permettaient pas de marcher par la ville. Au commencement du
XV" siècle, les grandes dames portaient des houppelandes dont la
traîne était tellement longue, qu'il fallait la faire porter par une
suivante. Alors la houppelande, très-large au corsage, avec collet
rabattu, décolletée, était serrée autour de la taille par une torsade.
Elle possédait des manches démesurément amples et longues (fig. 9).
Pour marcher, il fallait même relever le devant de ce vêtement
lourd et entièrement doublé de fourrure. C'est une houppelande de
cette coupe que la reine Isabeau de Bavière portait le jour de son
entrée à Paris. La dame que représente notre vignette ^ est vêtue
d'une houppelande de samit bleu, doublée d'hermine sans queues ;
son hennin de di-ap rose et or, avec bord noir, est couvert d'un voile
très-léger.
Ce vêtement devait être fort incommode. On n'en trouve plus trace
vers 1450, ou plutôt alors il se confond avec le manteau ou soc, com-
plètement ouvert par devant et dont les deux côtés sont percés
d'ouvertures pour passer les bras (fig. 40 ''). Cette princesse est
Marguerite d'Ecosse, écoutant la lecture des poésies d'Alain Char-
lier. La cotte de dessous est pourpre brodée d'or, le surcot d'hermine,
et la houppelande, en façon de manteau, est bleue, doublée d'her-
mine, armoyée, en haut, de France, au milieu semé de la lettre M en
' Mauuscr. r>iblioHi. nation.. Lcmcelot. du Lac, tVaurais (1-435 euviron).
- Même manusi-rit.
■^ iMauiiscr. l'.ibliolli. iialion., Givart de Nevers, français (1440 ouvirou).
* Maïuisci'. liililioth. nation., Alain ('.hartii'f. Poésies, français (1 IjO envirou]
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Tome III. Houppelandk, F'kj. 10.
11()1;1'1M:1-A.M)1': DK MAUCIKIUTE ItKCOSSr, (lilO euvirouj.
Des Fusscz et C", éditeurs.
:mp. comte-jacquet.
473
[ HOUPPELANDE ]
or, et au bas, de France. La disposition des ouvertures faites pour
passer les bras permettait de relever les deux pans de devant de la
conoiee
lionppelandc de manière à ne pas marcher sur les pans anléricurs,
lcs(juels couvraient ainsi le devant de la personne. Ce vêtement magni-
lique n'est porté que par la très-haute noblesse, et nous croyons que
111. — eu
[ HOUPrELA>'DE ] — 474 —
c'est la dernière forme donnée à la houppelande. La figure 11 en donne
le patron déployé. En A, est tracée la coupe des lez pris dans un drap
de soie broché d'or, donnant par zones des fleurs de lis et des M.
Les grands seigneurs faisaient faire ainsi des pièces d'étoffes spéciale-
ment destinées à leur usage. En B, on voit comment se raccordent les
dessins, de manière à composer des zones semées de France et d'M.
11
En a, est marquée l'ouverture pour passer le bras, et en C le détail
des brochages d'or. Lorsque ce vêtement était porté, il se faisait un
pli creux au milieu du dos, qui dissimulait la jonction biaize des lez.
Au bas était une bande d'hermine.
La houppelande se rapproche tantôt du corset, tantôt du fond-de
cuve, tantôt du peliçon, tantôt du manteau ou du soc, comme dans ce
dernier exemple (voyez ces articles).
Pendant le moyen âge, comme de nos jours, des vêtements très-
peu ditîérents de coupe prenaient des noms particuliers. On aura
— ^1o — [ nuvE ]
grand'peine, dans (rois cents ans, à établir la différence qu'il y a
enlreun veston et un saute-en-barque, entre un surtout et un par-
dessus, entre un tour-du-lac et une capeline.
HOUSSE, s. f. — Voy. Garnache.
HUCQUE, s. f. — On donnait ce nom, au xv" siècle, au camail à
capuchon, c'est-tà-dire au chaperon, si fort usité pendant le cours du
moyen âge :
(( Item, je laisse, en beau ]nu' duu,
n Mes gands et ma hucque de soye
« A mon amy Jacques Cardon ' .
Nous avons tant d'occasions de reproduire ce vêtement, qu'il n'est
pas nécessaire de nous étendre ici sur sa forme et son usage.
HURCOITE, s. f. Houppe de soie ou de (ils d'or fort usitée pendant
les XIV* et xV' siècles pour orner les vêtements des deux sexes, et
même les harnais des montures.
HU'VE, s. f. C'est un ornement de tête pour les dames, vers la
seconde moitié du xiv^ siècle :
" Et si vous di bien que ma liuve
1 Est vieille et de pouvrc fasson ;
« Je scay tel femme de niassou
» Qui n'est pas à moi comparable,
« Qui meilleur la, et plus coustablc
« Quatre foiz que la mienuc n'est -. »
La huve est une cornette élégante que les femmes de moyenne
condition portaient à la ville. La huve a précédé les cornes, les
escoffions, les hennins, et a persisté après l'inauguration de ces
étranges coiffures. C'est une capeline très-courte et dont les côtés
se développent en volets (lig. 4 '). Il fallait que cette coiffure fût
empesée par devant ou maintenue à l'aide de fds d'archal, pour con-
server ces plis antérieurs qui dégageaient le visage. Les huves étaient
' Petit Tesimnent de Villon, st. .xvii.
- Eusta<'tie Dcsi'lianips, le Miroir de mnriiKje.
■i .Alauuscr. lîiiiiiolii. ualiou., Tite-Urc, IVanc.ais, Iri'sor du roi Jean.
[ IIUVE
476
parfois fort riches, brodées de perles et d'or. Plus fermée, noire et
portée sur une guimpe et une barbette, elle constituait une coiffure
de deuil.
1
Cette coiffure, sauf le cas de deuil, était habituellement faite
de soie. On disait aussi huvet : « Le suppliant féry de laditte femme
« un ou deux cops parmi le visaige, dont le huvet de sa teste chey
« à terre '. «
' Vov. lliJVA, G/oss. du Cause.
FIN" 11 !J TOME TROISIEME
TABLE
DES MOTS CONTENUS DANS LE VOLUME TROISIÈME
DU
DICTIONNAIRE DU MOBILIER FRANÇAIS
Septième partie. — Vêtements, bijoux de corps,
objets de toilette.
Agrafe 3
Aiguillctlc 14
Aniict M)
Anneau 19
Aube 24
Aumônière 26
Auniusse 31
Bâche 38
Bâtonnet 38
Bille 38
Bisutle 38
Bliaut 38
Boucle Gl
Boucles d'oreilles 64
Bourrelet 6."J
Bourse 66
Bouton 66
Bracelet 68
Bracières 69
Braies 69
Branlants 81
Bref 82
Broche 82
Broderie 82
Bulle 85
Cagoule 86
Cape 90
Ceinture 104
Chapeau 119
Chaperon 131
Chasuble 142
Chausses 148
Chaussure 1 u5
Chemise 173
Coiffe 176
Coiffure 178
Col, Collet 253
Collier 259
Cornette 261
Corset 262
Coite 279
Couronne 307
Couvrechef 322
Cucule 324
Dalmatique 326
Deuil 332
Doublet 340
Écharpe 341
Klpingle 343
Escarcelle 345
Esclavine 349
Escoffion 353
Escofflc 354
Étoffes 356
MH
TABLE DES MOTS CONÏEMS DANS CE VOLUME
Etolc
374
Fcrinail 376
Fond-de-cuve 376
Fourrure 382
Freiseau 384
Froc 3S6
Garnachc 388
Gant 39o
Garde-corps 400
Garnement 412
Gibecière 412
Gonelle 413
Gorgière 421
Grève 428
Guimpe 428
Haiucelin 429
Harnais 429
Haut-de-cliausses 449
Hcrigaut 449
Heures 449
Meuse 452
Hoqueton 457
Houppelande 462
Housse 475
Hucque . . 475
Hurcoite 475
Huve 475
FIN DE LA TABLE I>ES MOTS
UJSPOSITIUN DES PLANCHES
CO.XTE.NLES DANS CE VOLUME
Planche I. Bas d'aube de saiut Tlionias Bccket, trésor de la catlicdrale de Sens
(chromolilli.) 26
Planche U. Aumùniùro du coiiite Henri, trésor de Troyes (cliroiuolitli.) 27
Planche 111. Fragnicut de la chasuble de saint Dominique, trésor de Saiut-
Sernin a Toulouse (chrouiolith . ) 1 47
Planche IV. Fragment de la chasuble de saiut Thomas Bccket, trésor de la
cathédrale de Sens (chromolith.) ;{(jO
Planche V. Fragment d'une étoffe trouvée dans le tombeau de Charlemague
à Aix-la-Chapelle (chrouiolith.) 3G0
Planche VI. Fragment d'une chasuble du trésor de Saint-Scruin a Toulouse
(chromolith . ) 300
Planche VII. Fragment d'un suaire, trésor de la cathédrale de Sens (chromolith.) 300
Planche VIII. C.amocas, fragment d'étoffe , trésor de la cathédrale de Troyes
(chromolith . ) 3G1
Planche IX. Fragments d'étoffes, soie et or, 111 et or, trésor de la cathédrale
de Troyes (chromolith .) 367
Planche X. Fragment d'étoffe de lin, trésor de la cathédrale de Troyes
(chromolith.) 3(iS
Planche XI. Bout d'élole de saiut Thomas Becket. trésor de la cathédrale de Sens
(chromolith.) 368
Planche XII. Etoffe d'un fond-de-cuve, vêtement du comte de Foix (chromolith.). 381
Planche Xill, Houppelande d'un seigneur, vers 143o (gravure) 466
FIN DE LA taule DES PLANCHES
UAU-I.i;-Dl C. — LMl'IUMKltlE ET LITHOOIIAIMIIE COMTE-J AC.cjLET.
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